N° 3110 volume 1 - Rapport sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)




N
° 3110

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME II

EXAMEN DE LA PREMIÈRE PARTIE
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Volume 1

Examen des articles

Par Mme Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

——

SOMMAIRE

___

Pages

EXAMEN DES ARTICLES 7

Article liminaire : Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2016, de l’exécution 2014 et de la prévision d’exécution 2015 7

PREMIÈRE PARTIE CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER 15

TITRE IER – DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES 15

I.– Impôts et ressources autorisés 15

A.– Autorisation de perception des impôts et produits 15

Article 1er : Autorisation de percevoir les impôts existants 15

B.– Mesures fiscales 21

Article 2 : Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages aux revenus moyens et modestes et indexation du barème 21

Après l’article 2 68

Article additionnel après l’article 2 : Abaissement de la condition d’âge pour l’obtention par les anciens combattants d’une demi-part supplémentaire 75

Après l’article 2 76

Article additionnel après l’article 2 : Prorogation de la réduction d’impôt pour les dépenses de restauration d’un immeuble dans les quartiers visés par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés 85

Après l’article 2 86

Article additionnel après l’article 2 : Abrogation de la condition de mixité des programmes immobiliers pour bénéficier du dispositif d’investissement locatif 87

Après l’article 2 90

Article 3 : Abaissement du seuil de soumission à la TVA en France pour les ventes à distance 93

Après l’article 3 99

Article additionnel après l’article 3 : Conditions d’application du taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville 105

Article additionnel après l’article 3 : Conditions d’application du taux réduit de 10 % de TVA aux opérations de construction de logements intermédiaires 105

Après l’article 3 106

Article 4 : Limitation des effets de seuils dans les TPE et les PME 107

Article 5 : Augmentation du plafond de la provision déductible de l’impôt sur les sociétés des groupements d’employeurs en pourcentage de la masse salariale 132

Après l’article 5 142

Article additionnel après l’article 5 : Application du doublement des dépenses prises en compte dans le cadre du crédit d’impôt recherche pour les opérations confiées aux instituts technologiques agricoles et aux instituts technologiques agro-industriels 148

Après l’article 5 148

Article 6 : Prorogation du dispositif d’amortissement accéléré applicable au matériel de robotique industrielle 163

Article additionnel après l’article 6 : Abaissement du seuil de déductibilité des rémunérations différées 172

Après l’article 6 174

Article additionnel après l’article 6 : Relèvement du seuil de prise en compte des recettes accessoires dans la détermination du bénéfice agricole 177

Article additionnel après l’article 6 : Fixation à quatre de la limite de nombre d’associés dans un GAEC pris en compte en matière de plafond de recettes accessoires 178

Article additionnel après l’article 6 : Assouplissement du mécanisme d’étalement dans le temps des revenus exceptionnels 178

Après l’article 6 179

Article additionnel après l’article 6 : Application du plafond de crédit d’impôt pour congé à chaque associé d’un GAEC, dans la limite de quatre 181

Article additionnel après l’article 6 : Extension à quatre associés de l’application à un GAEC du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique 182

Après l’article 6 182

Article 7 : Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et de contribution foncière des entreprises pour les activités pionnières de méthanisation agricole 183

Après l’article 7 190

Article 8 : Suppression de taxes à faible rendement 191

Après l’article 8 205

Article additionnel après l’article 8 : Élargissement de l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes dite « sanction » au gazole routier 217

Article additionnel après l’article 8 : Extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-day 218

Après l’article 8 222

Article additionnel après l’article 8 : Exclusion des véhicules mis gratuitement à la disposition des collectivités territoriales de l’assiette sur la taxe sur les véhicules de société 224

Après l’article 8 225

Article 9 : Financement de l’augmentation de la capacité de soutien aux collectivités territoriales et aux établissements publics de santé ayant contracté des « emprunts toxiques » 226

Après l’article 9 246

Article additionnel après l’article 9 : Prolongation de l’exonération de plus-values immobilières pour les cessions en faveur du logement social 248

Après l’article 9 249

Article additionnel après l’article 9 : Conservation des avantages fiscaux « Madelin » et « ISF-PME » en cas de réinvestissement 252

Après l’article 9 253

Article additionnel après l’article 9 : Prolongation de l’abattement de plus-values immobilières en zone tendue 258

II.– Ressources affectées 259

A.– Dispositions relatives aux collectivités territoriales 259

Article 10 : Fixation pour 2016 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL) 259

Article 11 : Élargissement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d’entretien des bâtiments publics 289

Article 12 : Compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) 300

Article 13 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales 310

B.– Impositions et autres ressources affectées à des tiers 316

Article 14 : Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de mission de service public 316

Article 15 : Réforme de l’aide juridictionnelle 345

Après l’article 15 363

C.– Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux 364

Article 16 : Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants 364

Article 17 : Décentralisation et affectation des recettes du stationnement payant 365

Article 18 : Modification du compte de commerce Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires 371

Article 19 : Clôture du compte d’affectation spéciale Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État 375

Article 20 : Garantie des ressources de l’audiovisuel public 381

D.– Autres Dispositions 400

Article 21 : Relations financières entre l’État et la sécurité sociale 400

Article additionnel avant l’article 22 : Réduction des frais de recouvrement et de dégrèvement de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises 414

Avant l’article 22 415

Article additionnel avant l’article 22 : Suppression du plafonnement de la décote pour l’aliénation des terrains du ministère de la défense en faveur du logement social 416

Article additionnel avant l’article 22 : Extension de la possibilité d’aliéner un terrain de l’État en faveur du logement social avec une décote aux cas de réhabilitation 417

Avant l’article 22 417

Article 22 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne 418

TITRE II – DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES 421

Article 23 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 421

SOLDES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES
2014-2016

(en points de produit intérieur brut)

Soldes

Exécution

2014

Prévision

d’exécution

2015

Prévision

2016

Solde structurel

– 2,0

– 1,7

– 1,2

Solde conjoncturel

– 1,9

– 2,0

– 1,9

Mesures exceptionnelles et temporaires

– 0,1

– 0,1

Solde effectif

– 3,9

– 3,8

– 3,3

Source : projet de loi de finances pour 2016.

TRAJECTOIRE DE SOLDE PUBLIC EFFECTIF

(en points de produit intérieur brut)

Année

2014

2015

2016

2017

2018

Loi de programmation des finances publiques 2014-2019

– 4,4

– 4,1

– 3,6

– 2,7

– 1,7

Programme de stabilité d’avril 2015

– 4,0

– 3,8

–3,3

– 2,7

– 1,9

Source : commission des finances.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constituions et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le Pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

DÉFICIT PUBLIC CONSTATÉ DEPUIS 2008

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

 

Déficit public nominal (en points de produit intérieur brut)

– 3,2

– 7,2

– 6,8

– 5,1

– 4,8

– 4,1

– 3,9

Déficit public nominal (en milliards d’euros)

63,5

138,9

135,8

105,0

100,4

86,4

84,1

Source : INSEE.

 

L’article liminaire constate la poursuite de la réduction du déficit public avec un solde effectif qui sera ramené à – 3,3 % du PIB en 2016, après – 3,8 % en 2015. Le déficit public retrouvera en 2016 sensiblement son niveau d’avant crise (3,2 % du PIB en 2008).

Réduire le déficit public de – 3,8 % du PIB à – 3,3 % du PIB suppose de réduire le déficit de 10 milliards d’euros.

Deux conditions sont nécessaires pour y parvenir :

– le respect des engagements en matière d’effort budgétaire et d’économies. Pour 2016, la « tendance naturelle » de progression des dépenses publiques conduirait à une augmentation de la dépense publique d’environ 30 milliards d’euros. En parallèle, un effort de réduction budgétaire de 16 milliards d’euros est inscrit dans ce projet de loi de finances, ce qui permettrait de réduire la progression à 14 milliards d’euros.

– des rentrées fiscales qui suivraient la dynamique de la croissance économique (+ 1,5 % en volume) et de l’inflation (+ 1 %). Ceci conduirait à 23,9 milliards d’euros supplémentaires, d’après les estimations du ministère des finances.

Pour ce qui concerne la prévision de croissance économique, le Haut Conseil des finances publiques estime que qu’elle « devrait se réaliser » pour 2015 et qu’elle est « atteignable » pour 20016.

Pour ce qui concerne l’élasticité des recettes fiscales, le Haut Conseil a souligné que la prévision de progression des recettes au même rythme que l’activité n’était pas anormale en phase de reprise.

Enfin, la prévision d’inflation est de 0,1 % pour 2015, et d’1 % pour 2016. Le Haut Conseil a estimé que la prévision pour 2015 était « réaliste » mais que la hausse des prix pourrait être inférieure à l’hypothèse retenue pour 2016 en raison de certains facteurs désinflationnistes tels que « les effets retardés de la baisse du prix du pétrole et l’incidence des allégements d’impôts et de cotisation en faveur des entreprises ».

Au total, remplir les deux conditions permet d’envisager une réduction du déficit nominal à 3,3 % du PIB.

Pour assurer un pilotage plus fin des finances publiques dans un contexte de crise, la Commission européenne a adopté en 2005 la notion de « déficit structurel » (« l’effort structurel » correspondant à la réduction du déficit structurel), permettant de considérer le déficit nominal comme la somme de deux composantes : le déficit conjoncturel et le déficit structurel.

Le déficit conjoncturel est le déficit qui provient de la conjoncture, et en l’occurrence de la crise économique et financière qui a touché le continent européen depuis 2007.

Le déficit structurel est le déficit qu’afficherait notre pays si sa croissance était égale à celle qui serait obtenue en mobilisant à 100% tous les facteurs de production et toutes les possibilités de création économique dont dispose la France à l’instant t. Cette croissance est appelée « croissance potentielle ». Dès lors, le niveau de déficit structurel dépend du niveau de croissance potentielle : plus la croissance potentielle est élevée, plus le déficit structurel est faible.

Introduire la notion de déficit structurel permet de comprendre « où le pays se situe dans le cycle économique » : si le déficit public provient majoritairement de sa composante conjoncturelle, il devrait être résorbé une fois la conjoncture économique rétablie. Si au contraire, il provient essentiellement de sa composante structurelle, ceci signifie que la réduction du déficit ne pourra être obtenue que via des « réformes structurelles », c’est-à-dire celles qui permettent de mobiliser toutes les potentialités non utilisées du pays, afin de créer de la richesse qui permettra de résoudre le déficit.

Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance prévoit, depuis 2005 (1), un effort structurel de 0,5% du PIB par an, tant que l’État membre n’a pas atteint son objectif budgétaire de moyen terme, qui lui-même doit être fixé entre
– 0,5 % de PIB et l’excédent structurel selon les règles du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG).

La « croissance potentielle » étant par définition un indicateur non observable, la détermination de son niveau peut bien entendu donner lieu à débat.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement a retenu comme hypothèse de croissance potentielle celle qu’il avait adoptée à l’occasion de la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne le 15 avril 2015. La croissance potentielle pour 2016 a, ainsi, été évaluée à 1,5 % au lieu de 1,3 % du PIB dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Ce niveau de croissance potentielle :

– est en ligne avec le vote de notre commission lors de sa séance du 18 juin 2014 via un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2014, vote confirmé par l’Assemblée nationale le 23 juin 2014 (toutefois, l’article liminaire a été rétabli dans sa version initiale par amendement du Gouvernement adopté en nouvelle lecture lors de la séance du 15 juillet 2014) ;

– est supérieur à celui retenu par la Commission européenne comme l’illustre le graphe ci-dessous (le graphe ci-dessous montre le niveau de croissance potentielle estimé pour la France par la Commission européenne, ainsi que les différentes réévaluations) ;

ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE POTENTIELLE SELON LA COMMISSION EUROPÉENNE

(en % du PIB)

– ne fait pas l’objet d’un avis par le Haut Conseil des finances publiques, qui ne se prononce pas sur cet indicateur qui est par définition non observable. Toutefois, le Haut Conseil des finances publiques a émis des réserves sur cette révision de la croissance potentielle dans le programme de stabilité au motif qu’elle « ne permet pas de suivre convenablement l’évolution de la composante structurelle du déficit ».

Évaluer la pertinence du niveau de croissance potentielle retenu peut consister à analyser l’écart entre ce niveau et la croissance réalisée.

Selon le rapport annexé à la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la croissance effective a décroché de 5 points de PIB par rapport à la croissance potentielle au cours des années 2008 et 2009.

En 2010 et 2011, avec une progression en volume de 2 % et 2,1 %, la croissance effective a été supérieure à la croissance potentielle, évaluée par la même loi à 1,7 % sur la période. Depuis 2012, la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle (0,2 % en 2012, 0,7 % en 2013, 0,2 % en 2014) alors que la croissance potentielle avait été évaluée entre 1,4 et 1,5 % sur la période par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

TRAJECTOIRE DE SOLDE STRUCTUREL

(en points de produit intérieur brut)

Fondement

2014

2015

2016

Article liminaire du projet de loi de finances pour 2016

– 2,0

– 1,7

– 1,2

Loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014

– 2,4

– 2,1

– 1,8

Programme de stabilité d’avril 2015

– 2,0

– 1,6

– 1,1

Source : données gouvernementales.

Dans son avis le Haut Conseil aux finances publiques a formulé deux observations résumées dans le tableau ci-dessous :

OBSERVATIONS DU HAUT CONSEIL AUX FINANCES PUBLIQUES
SUR LE SOLDE STRUCTUREL

(en points de produit intérieur brut)

Niveau de déficit structurel

2016

Déficit structurel défini dans l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2016

– 1,2

Déficit structurel qui résulterait du niveau de croissance potentielle inscrit dans la dernière LPFP 2014-2019

– 1,3

Déficit structurel qui résulterait de l’absence de prise en compte des recettes de la vente des licences 4 G

– 1,4

Le déficit structurel serait toutefois, même dans les deux dernières hypothèses, nettement inférieur à l’objectif de 1,8 % fixé dans la même loi de programmation des finances publiques.

*

* *

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF 68 du président Gilles Carrez et I-CF 101 de M. Charles de Courson.

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit d’ouvrir une discussion avec le Gouvernement sur les modalités d’évaluation de la croissance potentielle.

Si le Haut Conseil des finances publiques a indiqué, dans son récent avis, que le Gouvernement avait bien la possibilité de modifier de façon discrétionnaire les données concernant cette dernière, il s’est empressé de préciser que ce n’était pas du tout de bonne méthode. Mon amendement a donc pour objet de réviser l’article liminaire du présent projet de loi de finances en tenant compte des hypothèses de croissance potentielle figurant dans la dernière loi de programmation des finances publiques.

La manipulation de la notion de la croissance potentielle conduit à diminuer le « solde structurel » et à afficher, par conséquent, un « effort structurel » accru, atteignant opportunément le demi-point de PIB requis par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

M. Hervé Mariton. Madame la Rapporteure générale, depuis combien de temps nous situons-nous, dans le monde réel, en deçà de la croissance potentielle ?

M. Charles de Courson. On est en droit de se demander si, depuis le début de la crise, les traités européens, qui raisonnent en termes de déficits structurels, sont bien adaptés. Je n’ai de cesse de répéter depuis quatre ans que l’écart entre le solde effectif et le solde structurel, qui continue à se creuser, montre qu’un concept fondé sur l’idée d’un trend et d’un cycle économique de six ans est totalement inadapté à la situation économique actuelle. Par provocation, j’ai confondu les deux soldes dans mon amendement, en ramenant le solde conjoncturel à zéro.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Avis défavorable à ces deux amendements. Je dois dire, monsieur le président, que je suis très surprise par le vôtre, car il revient sur la décision prise l’an dernier par notre commission, qui avait adopté un amendement de Karine Berger fixant le taux de croissance potentielle à 1,5 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dites plutôt : une décision prise par la majorité de la commission !

Mme la Rapporteure générale. Monsieur Mariton, vous me demandez depuis quand nous nous situons en dessous du taux de croissance potentielle. Je n’ai pas de réponse à votre question. Nous pourrions, à la rigueur, rester toute notre vie en dessous – quoique cela puisse finir par poser problème si notre pays ne mobilise pas la totalité de ses potentialités.

Nous avions intégré des estimations révisées de croissance potentielle dans le programme de stabilité. La dernière note de l’INSEE évalue la croissance potentielle de la France entre 1,2 % et 1,9 %. Pour l’heure, l’hypothèse de 1,5 % retenue par le Gouvernement paraît donc réaliste. Le Haut Conseil des finances publiques, au-delà de ses interrogations sur le concept même de croissance potentielle, n’a d’ailleurs pas trouvé d’arguments flagrants à y opposer.

Enfin, sur les cycles économiques, je ne partage pas l’avis de Charles de Courson, comme j’ai déjà eu l’occasion de le lui dire l’an dernier.

Mme Karine Berger. Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si la croissance potentielle est de 1,3 % ou 1,5 % ; j’ai déjà donné mon avis à ce sujet l’année dernière. En revanche, j’invite tous nos collègues à se reporter au rapport économique, social et financier, fort heureusement mis en ligne avant minuit le premier mardi d’octobre, ce qui épargnera au présent projet de loi de finances des problèmes de constitutionnalité… Éric Woerth y trouvera une réponse à ses interrogations puisqu’il y est précisé, comme chaque année, où nous en sommes en matière de croissance effective et de croissance potentielle.

Le rapport souligne, en outre, que l’insuffisance de la croissance effective par rapport à la croissance potentielle date de trois ans. Fait préoccupant, les écarts négatifs observables depuis 2008 se prolongeraient jusqu’en 2019. Cela renvoie à la question de la définition même de la croissance potentielle, puisque jamais un cycle économique n’a duré plus de dix ans en France. C’est un vrai sujet d’inquiétude pour notre commission.

M. Hervé Mariton. Je reviens à ma question, à laquelle Mme la Rapporteure générale a commencé de répondre. Il serait intéressant de savoir, d’ici à la publication du rapport, depuis combien de temps nous nous situons en deçà de la croissance potentielle. Je crains que cela ne fasse fort longtemps et, si l’on retient les perspectives que vient d’évoquer Karine Berger, cela pose un problème de fond. Qu’est-ce, en effet, qu’une croissance potentielle que l’on n’atteindrait jamais ?

M. Olivier Carré. Le graphique de la page 13 du projet de loi de finances montre que l’évolution du solde structurel depuis 2000 épouse celle de la conjoncture, alors qu’elle devrait être beaucoup plus linéaire. À l’évidence, des problèmes de définition se posent. Au moment du creux de 2008-2009, marqué par des écarts croissants entre les recettes, qui s’effondraient, et les dépenses, qui se maintenaient pour assurer l’effet de rebond et faire jouer les stabilisateurs automatiques, on a vu apparaître dans le débat public, européen notamment, des raisonnements tautologiques, un bricolage conceptuel servant à justifier l’évolution rapide de nos endettements.

Reste que l’essentiel, monsieur le président, madame la Rapporteure générale, comme vous vous attachez à le rappeler, c’est le montant nominal que l’on est obligé d’aller chercher sur les marchés financiers pour financer nos dépenses publiques.

M. Charles de Courson. L’évolution soulignée par Karine Berger ne serait-elle pas liée au fait qu’une partie de notre potentiel de production n’est plus compétitif ? N’est-ce pas là une hypothèse à explorer, madame la Rapporteure générale ?

M. Éric Alauzet. C’est un sujet sur lequel j’interviens régulièrement. Il me semble en effet qu’un problème de doctrine se pose, et pas seulement à l’échelle de la France. Cela fait trente ans qu’on se rassure à bon compte en se disant que ça ira mieux demain, alors que le déficit conjoncturel devient, à mon sens, pour partie structurel.

La commission rejette successivement les amendements I-CF 68 et I-CF 101.

Elle adopte l’article liminaire sans modification.

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– Impôts et ressources autorisés

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants

Le présent article autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État et précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances.

ÉVALUATION DES RECETTES DU BUDGET DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Recettes nettes

301,7

dont impôt sur le revenu

72,3

dont impôt sur les sociétés

32,9

dont taxe sur la valeur ajoutée

144,7

dont taxe intérieure sur les produits de consommation sur les produits énergétiques

15,6

dont autres recettes fiscales

20,5

dont recettes non fiscales

15,7

Source : projet de loi de finances pour 2016.

 

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement (...) ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique n° 2011-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions…

Elle couvre les ressources perçues par l’État et celles affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers
– publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Le II du présent article prévoit, dans les termes usuels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier 2016.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2015 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2015 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct.

À noter que s’agissant de l’impôt sur le revenu, les règles d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sont appelées à évoluer en 2018 avec l’instauration du prélèvement à la source prévue par l’article 34 du présent projet de loi de finances. En effet, la retenue à la source mettra fin au décalage d’une année entre la perception de l’impôt et la perception du revenu. Il s’ensuit que les lois de finances qui s’appliqueront à compter des années 2018 et suivantes devraient prévoir qu’elles s’appliquent à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année objet de la loi de finances, et non pas de l’année précédente.

Le tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Selon cette définition, 449 dépenses fiscales sont recensées pour 2016 au lieu de 453 en 2015.

L’article 19 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit que « le montant annuel des dépenses fiscales ne peut excéder 80,6 milliards d’euros en 2015, 81,8 milliards d’euros en 2016 et 86 milliards d’euros en 2017 » (2).

Ces montants intègrent le coût du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Cette intégration résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale à l’initiative de la Rapporteure générale. Ces montants constituent toutefois un simple objectif de pilotage et n’ont donc pas une valeur normative.

L’exposé des motifs de l’article 1er du présent projet de loi de finances fournit une évaluation de dépenses fiscales dans le but d’informer le Parlement sur le suivi de l’objectif fixé par la loi de programmation.

Aux termes de l’exposé des motifs, le coût des dépenses fiscales pour 2015 et 2016 est légèrement supérieur aux objectifs de la loi de programmation : 84,4 milliards au lieu de 80,6 milliards en 2015 (soit un écart de 3,8 milliards d’euros), et 83,4 milliards d’euros en 2016 au lieu de 81,8 milliards en loi de programmation (soit un écart de 1,6 milliard d’euros).

L’essentiel de l’écart entre les cibles pour 2015 et pour 2016 s’explique par une montée en charge plus rapide qu’anticipée du CICE.

Il apparaît en effet que le coût budgétaire du CICE sera supérieur de 2,5 milliards d’euros en 2015 et de 1,8 milliard d’euros en 2016 par rapport à la prévision budgétaire d’octobre 2014 telle qu’elle a été communiquée à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le CICE (3). Le rythme des imputations et des restitutions s’est accéléré en 2015 selon le dernier rapport France stratégie. Différentes raisons techniques peuvent l’expliquer (comme l’ordre d’imputations du crédit d’impôt sur la déclaration fiscale des entreprises). Le coût en comptabilité nationale, c’est-à-dire le coût du CICE incluant les créances en report, a été revu à la hausse hausse de seulement 0,7 milliard pour 2015 et de 0,5 milliard pour 2016, soit des montants nettement moindres que le coût budgétaire.

COÛT BUDGÉTAIRE DU CICE

(en milliards d’euros)

Coût/année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Coût évalué en octobre 2014

6,5

10

11,2

15,6

18,9

20,1

Coût évalué en septembre 2015

6,4

12,5

13,0

16,5

18,6

19,6

Source : ministère des finances.

Bien que supérieures aux objectifs fixés, les dépenses fiscales pour 2016 sont en baisse d’un milliard d’euros par rapport à 2015, en raison essentiellement de la suppression de la prime pour l’emploi (PPE).

PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DU COÛT DES DÉPENSES FISCALES EN 2016
PAR RAPPORT À 2015

(en milliards d’euros)

Suppression de la prime pour l’emploi

− 2,0

Crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt

 0,4

Exonération de taxe d’habitation pour les personnes âgées

 0,3

CICE

+ 0,5

Crédit d’impôt pour la transition énergétique

+ 0,5

Crédit d’impôt recherche

+ 0,2

Suramortissement de 40 %

+ 0,2

Crédit d’impôt en faveur du logement intermédiaire

+ 0,2

Source : projet de loi de finances pour 2016.

*

* *

La commission est saisie de l’amendement I-CF 102 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’aimerais rappeler à mes collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen que le programme du Parti socialiste avait pour ambition d’« annuler 50 milliards d’euros » de dépenses liées aux niches fiscales qu’il jugeait « sans efficacité économique et injuste socialement » et que, dans son « programme de changement », le candidat Hollande, plus modéré, était revenu sur ce chiffre pour ne promettre qu’une réduction de 29 milliards d’euros. Or, le coût des dépenses fiscales devrait passer de 70,9 milliards d’euros en 2012 à 83,4 en 2016, soit près de 13 milliards d’euros d’augmentation !

Toutes les présentations de l’évolution des dépenses budgétaires font apparaître un freinage. Mais ne nous faisons pas d’illusions : nombre de dépenses budgétaires sont transformées en dépenses fiscales, dont la prise en compte ne fait pas du tout apparaître le même résultat. Il faudrait donc intégrer celles-ci dans les objectifs de réduction. Je précise que je ne critique pas cette majorité en particulier, l’ancienne majorité ayant fait la même chose…

J’aimerais connaître la position du Gouvernement en la matière, ainsi que celle de nos collègues socialistes. Pourquoi avoir totalement modifié vos orientations par rapport aux engagements pris devant le peuple français ?

M. le président Gilles Carrez. Je veux souligner la rigueur dont Mme la Rapporteure générale a fait preuve dans sa présentation : elle nous a soumis des tableaux retraçant l’évolution de la dépense publique hors crédit d’impôt et avec crédit d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Monsieur de Courson, j’ai bien compris votre souhait de réduire les dépenses fiscales, mais vous déposez beaucoup d’amendements visant à les augmenter – je vous ferai grâce de leur longue liste… Pour vous épargner cette contradiction, j’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Si nous voulons avoir une vision claire de la dépense fiscale, il faut mettre à part le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui en est une modalité particulière. Le problème, c’est que, même hors CICE, la dépense fiscale augmente depuis 2012 : de 70 milliards d’euros, elle est passée à 73 ou 74 milliards d’euros. Rappelons ici que les politiques liées à l’environnement ne sont fondées quasiment que sur des dépenses fiscales. Je vous renvoie au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

Compte tenu de la porosité entre dépenses budgétaires et dépenses fiscales, la tentation est grande d’afficher de bons résultats en matière de dépenses budgétaires en procédant à un basculement sur les dépenses fiscales. Il appartient à notre commission de rappeler la nécessité de réduire ces dernières.

Avec Didier Migaud, nous avions engagé contre le gouvernement de l’époque une politique de plafonnement des niches fiscales, prises individuellement et globalement. Nous avons mis en place les instruments sous la précédente législature ; il faut les utiliser. Nous reviendrons sur ce débat la semaine prochaine.

M. Dominique Lefebvre. Je ferai observer que la suppression d’une dépense fiscale est synonyme d’augmentation du taux de prélèvements obligatoires, si rien n’est fait par ailleurs. Le plafonnement global des dépenses fiscales est la méthode à la fois la plus facile et la plus hypocrite : la vraie question est de savoir lesquelles supprimer. Or, depuis le début de ce quinquennat, à chaque fois que nous avons supprimé des dépenses fiscales, vous vous y êtes généralement opposés...

M. le président Gilles Carrez. Vous en avez supprimé si peu que nous n’en avons pas vraiment eu l’occasion !

M. Charles de Courson. J’ai déposé cet amendement, non pour qu’il soit adopté, mais pour montrer la schizophrénie de la classe politique française ! Pourquoi en est-on là ? Pourquoi fait-on, une fois au pouvoir, exactement l’inverse de ce qu’on a annoncé ?

M. Olivier Carré. Ce que vous avez souligné, monsieur le président, était vrai auparavant : il était plus aisé d’afficher un meilleur ratio en diminuant les recettes qu’en augmentant la dépense. Ce n’est plus vrai aujourd’hui, puisque dépenses fiscales et dépenses budgétaires sont considérées à l’identique dans le déficit au sens du traité de Maastricht.

La commission rejette l’amendement I-CF 102.

Elle adopte l’article 1ersans modification.

*

* *

B.– Mesures fiscales

Article 2
Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages aux revenus moyens et modestes et indexation du barème

Le présent article poursuit et amplifie l’allégement de l’imposition des ménages aux revenus modestes et moyens qui a été engagé par le Gouvernement dès 2014, d’abord par le biais d’une réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en première loi de finances rectificative (LFR) pour 2014, puis par la réforme du bas du barème intervenue en loi de finances (LFI) pour 2015.

Alors que des efforts substantiels ont été demandés à l’ensemble des foyers fiscaux français dès 2011 pour faire face à la situation dégradée des finances publiques, la réforme proposée vise à réduire la pression fiscale s’exerçant sur les ménages relevant des déciles médians de revenus, en allégeant le montant de l’imposition due et en rendant à nouveau non imposés des contribuables entrés dans l’impôt au cours des dernières années à revenus inchangés. De même que les deux mesures précédentes, la réforme ne se traduit par aucune hausse d’impôt pour les ménages qui n’en bénéficient pas du fait du niveau de leurs revenus.

Cette mesure s’inscrit dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Elle représente une baisse d’imposition de 2,1 milliards d’euros, qui vient s’ajouter à celle de 3,2 milliards d’euros résultant de la réforme précitée du bas de barème réalisée à l’automne dernier (4). Au total, ce sont plus de 5 milliards d’euros de baisses d’imposition qui viennent soutenir le pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes et moyens depuis 2014, conformément aux engagements du Gouvernement dans le cadre du pacte.

Outre l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, qui bénéficie à la totalité des contribuables, le présent article procède à une réforme de la décote, afin d’étendre son champ d’application et accroître ses effets. Cette refonte se traduit par un allégement plus important de l’imposition due en application de la décote, par un recul du point d’entrée dans l’impôt et par un adoucissement de la pente d’imposition.

Cette réforme doit concerner 8 millions de foyers fiscaux, pour un gain moyen estimé à 252 euros :

– sur ces 8 millions de foyers fiscaux, 5 millions ont déjà bénéficié de la baisse d’impôt sur le revenu à l’automne 2015 dans le cadre de la réforme du bas de barème, et 3 millions n’en ont pas bénéficié ;

– sur ces 8 millions de foyers fiscaux, environ 1,1 million doivent devenir non imposés du fait de la mesure, les 6,9 millions restants voyant leur impôt réduit.

Au total, en cumulant les deux réductions d’impôt, celle de la loi de finances pour 2015 et celle prévue par le présent article, ce sont plus de 12 millions de contribuables, soit un tiers des foyers fiscaux français, qui sont concernés par l’allégement de la pression fiscale engagé en 2014.

Enfin, cette mesure réduit le taux marginal d’imposition à l’entrée dans le barème progressif. Ainsi 100 euros de revenus supplémentaires seront désormais taxés à 24,5 euros, au lieu de 28 euros aujourd’hui.

La loi de finances pour 2015 (5) a procédé à une réforme approfondie des modalités de calcul de l’impôt sur le revenu, tout d’abord en supprimant la tranche à 5,5 % du barème, ensuite en réalisant une refonte du mécanisme de la décote, conduisant à accentuer fortement ses effets. Elle est venue pérenniser et amplifier les résultats de la réduction d’impôt (RI) exceptionnelle prévue par la première loi de finances rectificative pour 2014 (6), qui prévoyait, pour l’imposition des seuls revenus de 2013, un avantage forfaitaire de 350 euros pour un célibataire et de 700 euros pour un couple, pour les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) était inférieur à certains plafonds (7).

Sans revenir sur les mécanismes d’application du barème au revenu imposable des contribuables (8), il convient de rappeler que la réforme conduite à l’automne dernier a supprimé, selon la formulation généralement retenue, la première tranche du barème (9), au taux de 5,5 %, tout en abaissant la limite inférieure de la tranche suivante, au taux de 14 %. Le barème ainsi modifié ne compte plus que cinq tranches, aux taux de 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 % ; les limites des trois dernières tranches n’ont pas été modifiées – hors indexation sur l’inflation –, comme le retrace le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU ENTRE 2014 ET 2015

Barème applicable pour l’imposition des
revenus de 2013

Barème applicable pour l’imposition des
revenus de 2014

De 0 à 6 011 euros

0 %

De 6 011 à 11 991 euros

5,5 %

De 0 à 9 690 euros

0 %

De 11 991 à 26 631 euros

14 %

De 9 690 à 26 764 euros

14 %

De 26 631 à 71 397 euros

30 %

De 26 764 à 71 754 euros

30 %

De 71 397 à 151 200 euros

41 %

De 71 754 à 151 956 euros

41 %

Au-delà de 151 200 euros

45 %

Au-delà de 151 956 euros

45 %

Source : article 197 du code général des impôts.

L’abaissement du seuil d’entrée dans la tranche à 14 %, de 11 991 à 9 690 euros, a été calibré de manière à ce qu’il permette de neutraliser la baisse d’imposition occasionnée par la suppression de la tranche à 5,5 % pour les contribuables qui relevaient de la tranche à 14 % et des tranches suivantes (10) , tout en étant toujours plus favorable pour les contribuables relevant jusqu’alors de la tranche à 5,5 %. Il s’agissait de cibler les bénéficiaires de la réforme, en excluant de son bénéfice les foyers plus aisés, sans pour autant que ces derniers voient leur imposition s’alourdir et ne soient amenés à financer la suppression de la tranche à 5,5 %.

Cette réforme permet ainsi d’alléger ou de supprimer l’imposition des contribuables dont le revenu par part relevait de la tranche à 5,5 % – le gain retiré augmentant avec le nombre de parts au sein du foyer fiscal, et donc avec le nombre de personnes à charge en son sein. À cet égard, la suppression de la tranche à 5,5 % ne trouve pas à s’appliquer pour un célibataire, puisque, du fait de la décote (11) et du seuil de mise en recouvrement (12), le premier revenu déclaré imposable dans cette configuration (soit 13 725 euros pour l’imposition des revenus de 2013) relève d’emblée de la tranche à 14 %. L’allégement d’imposition joue de façon limitée pour des foyers fiscaux comportant une part et demie ou deux parts, pour s’amplifier ensuite au fur et à mesure que le nombre de parts augmente.

● Défini au 4 du I de l’article 197 du code général des impôts (CGI), le mécanisme de la décote vient s’appliquer à la cotisation d’impôt issue de l’application du barème au revenu net global imposable du foyer fiscal, divisé par le nombre de parts de quotient familial, et après plafonnement de l’avantage retiré du quotient familial, le cas échéant (13).

La décote a été introduite par la loi de finances pour 1982 (14) au bénéfice des contribuables isolés disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial. Elle se substituait à l’époque à un dispositif d’abattement visant à exonérer d’impôt les salariés rémunérés au SMIC disposant d’une part de quotient familial, au motif que cet abattement introduisait un ressaut d’imposition au franchissement du plafond. Plus avantageuse que l’abattement, la décote a d’abord vu son plafond de référence augmenter (15), avant d’être généralisée aux couples et aux familles par la loi de finances pour 1987 (16). Cette extension du champ d’application de la décote a porté le nombre de ses bénéficiaires de 2,8 millions à 7 millions.

Le mécanisme consistait, jusqu’à l’imposition des revenus de 2013, à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème de la différence entre 508 euros et la moitié de son montant. L’avantage issu de la décote est retenu dans la limite du montant de l’imposition et ne donne lieu à aucun remboursement au bénéfice du contribuable.

La décote vient décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu : son application peut conduire à rendre non imposables des contribuables qui le seraient sinon en application du barème, ou à retarder la progression de l’imposition en application du barème, de façon dégressive à mesure que l’imposition augmente.

En pratique, l’impôt dû après application de la décote était nul tant que le montant d’impôt dû avant décote était inférieur aux deux tiers de la valeur maximale de celle-ci soit, pour l’imposition des revenus de 2013, un montant d’impôt de 339 euros. En se combinant avec le seuil de mise en recouvrement, l’application de la décote aboutissait à un impôt effectivement acquitté égal à 0 tant que l’imposition due était inférieure à 379 euros.

Au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote augmentait au-delà de 339 euros, le montant de la baisse d’imposition diminuait, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à deux fois la valeur de la décote, soit 1 016 euros (508 × 2).

Exemple : un célibataire a perçu en 2013 des revenus salariaux de 17 500 euros. En application du barème, et après déduction forfaitaire pour frais professionnels, il aurait dû s’acquitter en 2014 d’un impôt de 855 euros.

Au titre de la décote, son impôt est minoré de 81 euros, soit la différence entre 508 et 427 euros (soit 855/2). Il doit donc s’acquitter d’un impôt de 774 euros.

● Le montant de la décote est traditionnellement revalorisé chaque année à hauteur du taux de l’inflation, par l’article de la loi de finances indexant le barème de l’impôt sur le revenu. Il a toutefois été fait exception à cette règle pour l’imposition des revenus de l’année 2011, du fait du gel du barème.

En revanche, l’actuelle majorité a souhaité limiter, pour les contribuables aux revenus modestes, les effets du gel du barème pour l’imposition des revenus de 2012. Pour ce faire, la loi de finances pour 2013 (17) a procédé à une forte augmentation du montant de la décote : celui-ci est passé de 439 à 480 euros, soit une hausse de 9 %. Puis, la loi de finances pour 2014 (18) est venue à nouveau revaloriser la décote au-delà du taux de l’inflation, à hauteur de 5,8 %, pour la porter à 508 euros, afin de cibler les efforts en faveur du pouvoir d’achat sur les contribuables disposant de revenus limités.

Ces deux hausses successives, conjuguées au dégel du barème pour l’imposition des revenus de 2013, se sont traduites par une hausse du seuil de revenus en-deçà duquel un contribuable n’acquitte pas d’impôt sur le revenu, comme l’illustre le tableau ci-dessous (19) :

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

IR 2012
(revenus de 2011)

IR 2013
(revenus de 2012)

IR 2014
(revenus de 2013)

(avant réduction exceptionnelle de la LFR 2014-1)

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote fixée à 439 euros (RFR)

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote fixée à 480 euros (RFR)

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote fixée à 508 euros (RFR)

1 part

13 275 (11 947)

13 490 (12 141)

13 725
(12 353)

1,5 part

16 677 (15 009)

17 222 (15 500)

17 685
(15 917)

2 parts

19 989 (17 990)

20 534 (18 481)

21 020

(18 918)

2,5 parts

23 302 (20 972)

23 848 (21 463)

24 353

(21 918)

3 parts

26 614 (23 953)

27 160 (24 444)

27 702

(24 932)

4 parts

33 249 (29 924)

33 785 (30 406)

34 380

(30 942)

5 parts

39 875 (35 888)

40410

(36 369)

41 060

(36 954)

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

Par ailleurs, du fait de ces revalorisations exceptionnelles, les contribuables dont l’imposition ne pouvait être annulée du fait de la décote ont bénéficié d’un allégement d’impôt plus important à l’entrée dans le barème progressif, et ce jusqu’à un point de sortie du dispositif plus élevé.

Outre la suppression de la tranche à 5,5 % du barème, l’article 2 de la loi de finances pour 2015 a procédé à une réforme de la décote, dont les effets ont été ainsi fortement amplifiés.

● En premier lieu, le mécanisme lui-même a été modifié, puisqu’il ne consiste plus à retrancher du montant d’impôt issu du barème une somme égale à la différence entre 508 euros et la moitié de ce montant d’impôt, mais à retrancher la différence entre 1 135 euros et la totalité de ce montant.

Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle revalorisation de la décote, s’inscrivant dans la lignée des hausses réalisées en 2013 et 2014, mais d’un changement de mode de calcul – sachant que le principe reste identique, à savoir un allégement de l’imposition de moins en moins important au fil de l’augmentation de l’impôt dû.

De ce fait, l’impôt dû après décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur à la moitié de la valeur maximale de la décote – au lieu des deux tiers auparavant. Avec une décote portée à 1 135 euros, l’impôt acquitté est donc nul tant que l’imposition due est inférieure à 568 euros, soit 1 135 / 2 – et à 598 euros après prise en compte du seuil de mise en recouvrement, au lieu de respectivement 339 et 379 euros auparavant.

La nouvelle décote a donc pour premier effet de reculer fortement l’entrée dans l’impôt sur le revenu.

Ensuite, elle occasionne un allégement d’imposition nettement plus important. Le montant précité de 598 euros correspond à la réduction maximale pouvant être obtenue ; puis la baisse d’impôt s’amenuise au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît, pour devenir nulle à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 135 euros. Dans le dispositif précédent, la réduction maximale pouvant être obtenue se limitait à 379 euros, et décroissait progressivement pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 016 euros.

● En second lieu, la décote a été « conjugalisée », par la fixation d’un montant plus élevé pour les couples que pour les célibataires : l’impôt issu du barème est ainsi diminué de la différence entre 1 870 euros et l’impôt dû pour un couple, au lieu de 1 135 euros pour un célibataire.

De ce fait, l’imposition due après décote par un couple est nulle tant que le montant d’impôt issu du barème est inférieur à 965 euros, compte tenu du seuil de mise en recouvrement, contre 379 euros auparavant. La réduction d’imposition résultant de la décote diminue au fil de l’augmentation de l’impôt dû, pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition de 1 870 euros – contre 1 016 euros auparavant.

Le recul de l’entrée dans l’impôt sur le revenu de même que l’allégement d’impôt induits par le dispositif proposé sont donc encore plus significatifs que pour un célibataire.

La « conjugalisation » de la décote permet d’adapter le mécanisme selon la configuration du foyer fiscal, et de rapprocher le rapport entre « seuil d’imposabilité » pour les célibataires et pour les couples de montants de 1 à 2. Auparavant, le rapport des « seuils d’imposabilité » entre un célibataire et un couple était de l’ordre de 1 à 1,53 (20), alors qu’il est désormais de 1 à 1,88 (21).

● Le tableau ci-après permet de mesurer l’impact de la réforme en termes d’entrée dans l’impôt sur le revenu. Ainsi, entre 2013 et 2015, le niveau de revenus déclarés à partir duquel un contribuable célibataire devient imposable est passé de 13 490 à 15 508 euros. Cette hausse est beaucoup plus sensible pour un couple, avec ou sans enfant, ce qui résulte de la conjugalisation de la décote (22) : l’entrée dans l’impôt intervient à partir de revenus déclarés de 20 534 euros pour un couple sans enfant en 2013, contre 29 196 euros en 2015.

Les seuils d’entrée dans l’impôt s’avèrent systématiquement plus favorables au titre de l’imposition des revenus de 2014, par rapport à l’imposition des revenus de 2013, même en tenant compte de la réduction d’impôt exceptionnelle – cette dernière ayant visé les contribuables aux revenus modestes, proches des seuils d’imposition.

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2013

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014 - avant RI de la LFR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

1 part

13 490

(12 141)

13 725

(12 353)

15 369

(13 832)

15 508

(13 957)

1,5 part

17 222

(15 500)

17 685

(15 916)

19 496

(17 546)

20 888

(18 799)

2 parts

20 534

(18 481)

21 020

(18 918)

28 135

(25 322)

29 196

(26 276)

2,5 parts

23 848

(21 463)

24 353

(21 918)

33 492

(30 143)

34 576

(31 118)

3 parts

27 160

(24 444)

27 702

(24 932)

37 117

(33 405)

39 959

(35 963)

4 parts

33 785

(30 406)

34 380

(30 942)

43 795

(39 415)

50 725

(45 652)

5 parts

40 410

(36 369)

41 060

(36 954)

50 475

(45 427)

61 492

(55 343)

Source : commission des finances.

La conjugalisation de la décote permet ainsi de réduire le nombre de couples mariés ou liés par un pacte civil de solidarité qui perdent au fait d’être imposés conjointement, dans le cadre du quotient conjugal. En effet, deux personnes dont les revenus respectifs se trouvent en-deçà du seuil d’imposition pour un célibataire, compte tenu de la décote, et qui ne seraient pas imposées à titre individuel, peuvent, lorsque ces mêmes revenus sont additionnés et pris en compte dans le cadre du quotient conjugal, être redevables de l’impôt sur le revenu, puisque le « seuil d’imposabilité » d’un couple est inférieur au double du « seuil d’imposabilité » d’un célibataire. D’un point de vue fiscal, ces deux personnes n’ont pas d’intérêt à être mariées ou à contracter un pacte civil de solidarité, et gagneraient à une imposition séparée de leurs revenus (23). Cet effet induit de la décote est fortement minoré par la réforme, en ce qu’elle a accru le rapport des « seuils d’imposabilité » entre les célibataires et les couples, désormais de 1 à 1,88.

Jusqu’à l’imposition des revenus de 2012, la décote concernait environ 12 millions de foyers fiscaux – ce nombre s’avérant relativement stable depuis 2010 –, pour un coût budgétaire de l’ordre de 2 milliards d’euros, soit un gain moyen oscillant autour de 170 euros.

Le gel du montant de la décote en 2012, pour l’imposition des revenus de 2011, s’est traduit par une nette diminution du nombre de bénéficiaires, passé de 12,3 à 11,75 millions, et de son coût, ramené de 2,11 à 1,99 milliard d’euros. Le rattrapage opéré par la loi de finances pour 2013 est venu compenser pour partie cette évolution, sans permettre de revenir au niveau de 2011 en termes de nombre de bénéficiaires.

ÉVOLUTION DU COÛT ET DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE DEPUIS 2012

(effectifs en millions)

IR 2012

IR 2013

IR 2014 (*)

IR 2015 (prévisions)

Coût budgétaire en recouvrement (en milliards d’euros)

1,99

2,17

3,61

3,62

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires effectifs d’un allégement d’impôt

11,752

12,135

12,683

10,413

Dont imposés devenant non imposés (gain moyen en euros)

4,108

(207)

4,391

(216)

6,658

(348)

4,523

(407)

Dont imposés dont l’impôt décroît (gain moyen en euros)

4,46

(134)

5,157

(148)

3,389

(183)

4,328

(315)

Dont restitués dont la restitution augmente (gain moyen en euros)

3,184

(178)

2,587

(190)

2,636

(275)

1,562

(300)

Gain moyen pour l’ensemble des foyers fiscaux (en euros)

172

181

289

353

(*) Y compris la réduction d’impôt exceptionnelle en faveur des ménages modestes.

Source : fascicule des Voies et moyens, tome II, annexé aux projets de loi de finances 2014 à 2016. Simulations budgétaires sur un échantillon représentatif de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus.

Les effets de la décote au titre de l’imposition des revenus de 2013 sont plus difficiles à appréhender, du fait de la réduction exceptionnelle d’impôt intervenue en 2014. En effet, cette réduction d’impôt et la décote recouvrent un champ quasi analogue et leurs effets sont étroitement imbriqués : en l’absence de décote, l’avantage en impôt procuré par celle-ci se trouverait octroyé par le biais de la réduction d’impôt. Il en résulte que le coût de la décote ne peut être dissocié de celui de la réduction exceptionnelle.

En unissant les effets de ces deux dispositions, il apparaît que le nombre de foyers fiscaux concernés en 2014 est en légère hausse, en s’élevant à 12,68 millions d’euros, tandis que le gain moyen est fortement accru : il s’élève à 289 euros, soit une hausse de 60 %. Au total, le coût budgétaire de la décote et de la réduction d’impôt exceptionnelle s’établit à 3,61 milliards d’euros.

Les premiers chiffres disponibles au titre de l’impôt sur le revenu de 2015, sur la base de la troisième émission de revenus de 2014, montrent que le coût budgétaire de la décote telle qu’issue de la réforme de la loi de finances pour 2015 devrait atteindre 3,62 milliards d’euros, soit le montant du coût cumulé de la décote et de la réduction d’impôt en 2014.

Le fort accroissement du coût de la décote entre 2013 et 2015 traduit le renforcement de ses effets : le gain moyen pour les foyers fiscaux s’établit à 353 euros, soit le double du gain constaté en 2013 et en 2012. En revanche, le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires se trouve en retrait par rapport aux années précédentes, en étant ramené à 10,4 millions. Cette évolution, qui peut apparaître contre-intuitive au premier abord, résulte de la suppression de la tranche à 5,5 % du barème, qui annule l’imposition d’un certain nombre de foyers fiscaux avant même l’intervention de la décote.

Ces 10,41 millions de foyers fiscaux bénéficiaires se répartissent comme suit :

– 4,52 millions de foyers fiscaux deviennent non imposés sous l’effet de la décote, pour un gain moyen de 407 euros ;

– 4,33 millions de foyers fiscaux imposés voient leur impôt décroître, pour un gain moyen de 315 euros ;

– 1,56 million de foyers fiscaux bénéficient d’une restitution majorée, pour un gain de 300 euros.

● La répartition des bénéficiaires de la décote par décile de RFR connaît une nette évolution entre 2013 et 2015, comme l’illustrent les tableaux suivants :

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉCOTE PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE (RFR), POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2012

Borne inférieure
de RFR

(en euros)

Borne supérieure
de RFR

(en euros)

Déciles des foyers fiscaux bénéficiant de la décote

(en nombre de foyers)

Montant de gain moyen retiré par les foyers fiscaux

(en millions d’euros)

0

10 353

1 212 570

158

10 353

11 803

1 212 570

227

11 803

13 294

1 212 570

247

13 294

14 381

1 212 570

198

14 381

15 454

1 212 570

159

15 454

16 578

1 212 570

125

16 578

18 760

1 212 570

190

18 760

22 009

1 212 570

197

22 009

26 795

1 212 570

162

26 795

1 212 570

125

Total

12 125 700

181

Source : direction de la législation fiscale.

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉCOTE PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE (RFR), POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2013

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles des foyers fiscaux bénéficiant de la décote (*)

(en nombre de foyers)

Gain moyen en émission retiré par les foyers fiscaux

(en euros)

0

10 184

1 268 337

160

10 184

11 695

1 268 337

245

11 695

13 220

1 268 337

337

13 220

14 446

1 268 337

339

14 446

15 552

1 268 337

167

15 552

16 690

1 268 337

133

16 690

19 264

1 268 337

237

19 264

23 088

1 268 337

287

23 088

27 454

1 268 337

505

27 454

– 

1 268 337

480

Total

12 683 370

289

(*) y compris incidence de la RI exceptionnelle.

Source : logiciel Orison. Échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2013.

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉCOTE PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE (RFR), POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2014

Borne inférieure
de RFR

(en euros)

Borne supérieure
de RFR

(en euros)

Déciles des foyers fiscaux bénéficiant de la décote

(en nombre de foyers)

Gain moyen en émission retiré par les foyers fiscaux

(en euros)

0

11 622

1 041 325

152

11 622

13 091

1 041 325

364

13 091

14 566

1 041 325

502

14 566

15 859

1 041 325

325

15 859

16 953

1 041 325

217

16 953

19 994

1 041 325

239

19 994

24 797

1 041 325

318

24 797

29 085

1 041 325

570

29 085

33 209

1 041 325

402

33 209

– 

1 041 325

441

Total

10 413 250

353

Source : logiciel Orison. Échantillon des revenus de 2013 et, majoritairement, 2014.

Les foyers fiscaux bénéficiaires se répartissent sur des niveaux de revenus plus larges, ce qui résulte du recul du point de sortie de la décote : en 2013, 1,21 million de foyers fiscaux bénéficiant de la décote avaient un RFR supérieur à 26 795 euros. En 2015, 2,08 millions de foyers fiscaux bénéficiaires disposent d’un RFR supérieur à 29 085 euros. Ces tableaux permettent de constater également la hausse des gains moyens retirés de la décote entre 2013 et 2015, pour chacun des déciles de RFR.

Traditionnellement, la loi de finances de l’année vient revaloriser les seuils des différentes tranches du barème à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. Cette indexation du barème s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème ne soit indexé. À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Les quatre premières tranches étaient ainsi revalorisées au-delà du niveau de l’inflation afin d’abaisser plus fortement la pression fiscale pesant sur les contribuables aux revenus modestes et, inversement, les cinq dernières tranches étaient revalorisées en deçà du niveau de l’inflation afin de limiter la correction du niveau d’imposition au regard de l’inflation annuelle.

Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’est imposé. Depuis cette date, il a constitué une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.

Néanmoins, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 (24) a procédé au gel des différents seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012 ; il s’agissait d’accroître les recettes fiscales, compte tenu de l’état dégradé des finances publiques – la mesure de gel se traduisant par des recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 n’est pas revenue sur le gel ainsi réalisé pour l’imposition des revenus de 2012, du fait du contexte budgétaire difficile.

En revanche, la loi de finances pour 2014 (25) a renoué avec la pratique traditionnelle d’indexation, et a revalorisé de 0,8 % les seuils du barème applicables à l’imposition des revenus de 2013. La loi de finances pour 2015 (26) a fait de même, en procédant à une revalorisation de 0,5 % de ces seuils applicables au titre des revenus de 2014.

Année d’imposition

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre de foyers fiscaux

35,08

35,46

36,04

36,39

36,6

36,96

36,39

36,72

37,11

Nombre de foyers imposés

16,92

16,31

16,92

15,78

16,82

17,21

18,15

19,20

17,77

Nombre de foyers non imposés

18,16

19,15

19,11

20,61

19,78

19,75

18,24

17,52

19,34

Proportion de foyers imposés

48,2 %

46 %

46,9 %

43,4 %

46 %

46,6 %

49,9 %

52,3 %

47,9 %

Source : direction de la législation fiscale.

ÉVOLUTION DE LA PART DES FOYERS FISCAUX IMPOSÉS

Au-delà des facteurs pouvant influer sur le nombre de foyers fiscaux imposés, notamment l’évolution des revenus et des situations des contribuables, la tendance générale à la hausse retracée dans le graphique présenté supra traduit un accroissement de la pression fiscale depuis 2010, et manifeste une participation importante des foyers fiscaux aux revenus modestes et moyens aux efforts de redressement budgétaire.

Le nombre de foyers fiscaux imposés a notamment connu un ressaut de l’ordre d’un million entre 2011 et 2012, sous l’effet des mesures adoptées sous la précédente législature, puis à nouveau d’un million entre 2012 et 2013, en conséquence des mesures prises par l’actuelle majorité, et ce afin de maîtriser le déficit budgétaire qui s’est fortement creusé entre 2008 et 2010.

Depuis 2010, différentes mesures ont ainsi contribué à accroître à la fois le nombre de contribuables imposés et le montant des recettes d’impôt sur le revenu. Elles sont retracées dans le tableau ci-après :

EFFETS SUR LES RECETTES D’IMPÔT SUR LE REVENU DES DIFFÉRENTES MESURES FISCALES ADOPTÉES DEPUIS 2010

(en milliards d’euros)

Loi de finances

Intitulé des mesures

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015

LFI 2009

Extinction du bénéfice de la demi-part « vieux parents » pour ceux n’ayant pas élevé un enfant seuls au moins cinq années

0,5

0,5

LFI 2011

Révision des modalités déclaratives de revenu en cas de mariage, pacs, divorce ou dissolution de pacs

1

Réduction de 10 % sur différents avantages fiscaux

0,4

Aménagement du crédit d’impôt pour le développement durable

0,9

0,2

Contribution de 1 % sur les hauts revenus

0,1

LFI 2012

Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus

0,6

Rabot de 15 % sur différents avantages fiscaux

0,5

LFR 2011-4

Désindexation du barème de l’impôt sur le revenu

1,8

1,6

Augmentation du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) pour les dividendes, les intérêts et les revenus des capitaux mobiliers (RCM) des non-résidents

0,5

LFR 2012-2

Fiscalisation des heures supplémentaires

0,6

1

LFI 2013

Baisse du plafond de l’avantage retiré du quotient familial à 2 000 euros

0,6

Création d’une tranche à 45 % au sein du barème de l’impôt sur le revenu

0,3

Revalorisation de la décote à hauteur de 9 %

− 0,3

 

Imposition au barème des revenus du capital

1,3

− 0,4

− 0,2

LFI 2014

Baisse du plafond de l’avantage retiré du quotient familial à 1 500 euros

1

Fiscalisation des majorations de pensions pour charges de famille

1,2

Fiscalisation de la participation des employeurs aux complémentaires santé

1

Revalorisation de la décote de 5,8 %

− 0,2

Réforme de l’imposition des plus-values immobilières

− 0,2

− 0,6

0,3

Réforme de l’imposition des plus-values immobilières

− 0,2

− 0,3

0,1

LFR 2014-1

Réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu

− 1,3

1,3

LFI 2015

Réforme du bas de barème

− 2,7

Réforme du crédit d’impôt pour la transition énergétique

− 0,2

Total

 

5,8

4,9

1,4

− 1,4

Source : Rapport économique, social et financier annexé aux projets de loi de finances pour 2014 et pour 2015.

Des dispositions telles que le plafonnement de l’avantage fiscal retiré du quotient familial, la création d’une tranche à 45 % au sein du barème de l’impôt sur le revenu ou le plafonnement global des niches fiscales ne concernent que les contribuables les plus aisés, relevant des neuvième et dixième déciles. Elles n’ont eu par définition aucune incidence sur l’entrée de nouveaux ménages dans l’imposition.

En revanche, d’autres mesures introduites en lois de finances pour 2013 et pour 2014 ont emporté des conséquences pour des contribuables relevant de déciles moins élevés et ont conduit à faire entrer dans l’imposition des foyers fiscaux jusqu’alors non imposés, alors que leurs revenus n’avaient pas évolué. Tel est le cas notamment de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de pension pour charges de famille ou encore de l’exonération fiscale des heures supplémentaires. Il convient de souligner que ces mesures visaient également, au-delà de l’objectif de rendement budgétaire, à supprimer des dispositifs fiscaux qui s’avéraient anti-redistributifs, en ce qu’ils bénéficiaient d’autant plus à un foyer fiscal que celui-ci percevait des revenus élevés. À titre de rappel, 40 % de l’avantage fiscal résultant de l’exonération des majorations de pensions bénéficiait au dernier décile des foyers fiscaux, tandis que les 20 % de contribuables les plus aisés recevaient 46 % de l’avantage fiscal correspondant à l’exonération des heures supplémentaires.

Pour autant, ces mesures ont conduit à mettre à contribution les contribuables aux revenus modestes et moyens, relevant notamment des cinquième et sixième déciles (c’est-à-dire pour des RFR compris entre 15 430 euros et 22 500 euros). C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en œuvre dès 2014 des mesures ciblant ces contribuables, afin de leur restituer une partie des efforts consentis depuis 2011.

● Sous l’effet de la réduction d’impôt exceptionnelle instaurée en première loi de finances rectificative pour 2014, d’un montant de 1,25 milliard d’euros, le nombre de foyers fiscaux imposés a diminué dès 2014 : il est passé de 19,2 millions en 2013 à 17,8 millions en 2014, soit une baisse de 1,4 million (et alors que le nombre de foyers fiscaux a crû parallèlement de 400 000). La proportion de foyers imposés a ainsi été ramenée de 52,3 % à 47,9 %.

Sur les quelque 4 millions de foyers fiscaux ayant bénéficié de la mesure, 2,1 millions sont en effet devenus non imposés, tandis que 1,36 million ont perçu une restitution d’impôt plus élevée (pour un gain moyen de 230 euros). Enfin, 600 000 foyers fiscaux imposés ont bénéficié d’un allégement de leur imposition, d’un montant moyen de 436 euros. Les effets de la mesure sont donc considérables pour les ménages se trouvant dans son champ, tant en termes de sortie de l’imposition que de baisse de l’impôt dû, et ils se traduisent par un gain significatif de pouvoir d’achat.

Le tableau ci-dessous retrace la répartition des foyers fiscaux bénéficiaires de la mesure au sein de l’ensemble des foyers fiscaux ventilés par décile de RFR. Ces déciles de RFR ne prennent pas en compte le nombre de parts au sein du foyer. Or, le bénéfice de la mesure était conditionné à un plafond de RFR majoré en fonction du nombre de demi-parts de quotient familial, pour prendre en compte la composition du foyer. De ce fait, les 1,23 million de foyers fiscaux concernés par la mesure dont le RFR est compris entre 22 726 et 28 490 euros, qui relèvent du septième décile, correspondent pour l’essentiel à des familles avec un ou plusieurs enfants. En revanche, les 1,15 million de foyers fiscaux bénéficiaires dont le RFR est compris entre 12 380 et 15 545 euros, relevant du quatrième décile, sont des contribuables célibataires, veufs ou divorcés.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX EFFECTIVEMENT BÉNÉFICIAIRES
DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PAR DÉCILES DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE DE L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Borne inférieure
de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles de l’ensemble des foyers fiscaux

(en milliers)

Nombre de foyers fiscaux effectivement bénéficiaires

(en milliers)

0

3 533

3 655

3

3 533

8 745

3 655

ε

8 745

12 380

3 655

96

12 380

15 545

3 655

1 154

15 545

18 596

3 655

285

18 596

22 726

3 655

554

22 726

28 490

3 655

1 231

28 490

36 452

3 655

623

36 452

50 942

3 655

111

50 942

 

3 655

1

Total

36 550

4 060

Source : direction générale du Trésor, simulation budgétaire, échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2012 actualisés 2013, environnement législatif applicable aux revenus 2013.

● L’évolution engagée en 2014 devrait se poursuivre cette année, sous l’effet de la réforme du bas de barème mise en œuvre par la loi de finances pour 2015. Si les chiffres définitifs ne sont pas encore connus, la part des foyers fiscaux imposés devrait être comprise entre 46 % et 46,5 % en 2015. A la troisième émission des revenus de 2014, le nombre de foyers fiscaux imposés s’établissait à 16,84 millions, sur un nombre total de foyers fiscaux de 36,61 millions, soit une proportion de l’ordre de 46 %.

Les données transmises par le Gouvernement permettent de dresser un premier bilan de la réforme conduite à l’automne dernier : celle-ci a concerné 9,3 millions de foyers fiscaux, pour un coût budgétaire estimé à 2,8 milliards d’euros (27), avec un gain moyen par foyer de 301 euros. Ces résultats sont proches des estimations initiales, à savoir 9 millions de foyers bénéficiaires prévus, pour un coût de 2,7 milliards d’euros.

La suppression de la tranche à 5,5 % et la réforme de la décote ont donc permis de faire sortir de l’impôt 3,2 millions de foyers fiscaux – ou d’éviter qu’ils n’y entrent –, tandis qu’elles ont allégé l’impôt de 4,4 millions de foyers fiscaux imposés.

IMPACT DE LA RÉFORME DU BAS DE BARÈME
DE LA LOI DE FINANCES POUR 2015

Type de foyers

Nombre de foyers fiscaux

Gain moyen

Foyers fiscaux devenus non imposés sous l’effet de la réforme

3,201 millions

384 euros

Foyers fiscaux non imposés (avec ou sans la réforme) dont la restitution augmente

1,643 million

265 euros

Foyers imposés dont l’imposition diminue

4,378 millions

258 euros

Source : direction générale des finances publiques.

Les gains à la réforme sont élevés, puisque si 1,4 million de foyers enregistrent un gain inférieur à 100 euros, 5,74 millions de foyers obtiennent un gain supérieur à 200 euros – parmi lesquels 2,17 millions ont un gain supérieur à 400 euros. Le pouvoir d’achat redistribué aux ménages s’avère là encore significatif.

Montant du gain

Nombre de foyers fiscaux

Gain inférieur à 100 euros

1,396 million

Gain compris entre 100 et 200 euros

2,178 millions

Gain compris entre 200 et 300 euros

2,322 millions

Gain compris entre 300 et 400 euros

1,252 million

Gain compris entre 400 et 500 euros

0,476 million

Gain supérieur à 500 euros

1,693 million

Source : direction générale des finances publiques.

5,4 millions des foyers fiscaux bénéficiaires de la mesure sont des célibataires, veufs ou divorcés, tandis que 3,9 millions sont des personnes mariées ou ayant contracté un pacte civil de solidarité.

BÉNÉFICIAIRES DE LA RÉFORME SELON LEUR SITUATION FAMILIALE

Situation familiale

Nombre de bénéficiaires

Coût de la réforme
(en euros)

Célibataire

3 517 052

689 635 498

Divorcé

1 192 748

234 337 686

Marié

3 579 701

1 591 861 172

Pacsé

323 727

151 168 383

Veuf

702 827

136 823 745

Total

9 316 056

2 803 826 484

Source : direction générale des finances publiques.

Enfin, le tableau suivant permet de visualiser la ventilation des foyers fiscaux dans le champ de la réforme, au sein de l’ensemble des déciles de RFR. 5,37 millions de foyers fiscaux bénéficiaires, soit 58 %, relèvent des quatrième à sixième déciles. Là encore, comme pour la réduction d’impôt exceptionnelle, les foyers situés dans les déciles élevés correspondent à des couples avec un ou plusieurs enfants, tandis que les contribuables célibataires, divorcés ou veufs relèvent de déciles médians.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX BÉNÉFICIAIRES DE LA RÉFORME DU BARÈME AU SEIN DES DÉCILES DE RFR DE L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Déciles

Nombre de foyers fiscaux

Gain moyen (en euros)

Nombre de foyers bénéficiaires (en milliers)

Nombre de foyers devenus non imposés

01. RFR <=3 645 euros

3 661 322

235

1 109

500

02. 3 645<RFR <= 8 934 euros

3 661 546

88

156

133

03. 8 934<RFR <= 12 599 euros

3 660 864

53

187 805

47 208

04. 12 599 < RFR <=15 690 euros

3 661 317

252

2 305 451

825 994

05. 15 690 < RFR <= 18 769 euros

3 660 625

136

1 937 175

350 005

06. 18 769 RFR <= 23 045 euros

3 661 185

187

1 124 530

476 146

07. 23 045 < RFR <=28 827 euros

3 660 846

478

1 497 837

797 178

08. 28 827 RFR <= 36 885 euros

3 661 133

449

1 648 897

525 516

09. 36 885 < RFR <= 51 503 euros

3 660 952

462

570 678

165 871

10 RFR > 51 503

3 661 076

487

42 418

12 648

Total

36 610 867

301

9 319 056

3 201 199

Source : direction générale des finances publiques.

● Le du I procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, en revalorisant chacune des limites des tranches de l’impôt sur le revenu de 0,1 %, soit l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2015 par rapport à 2014.

Cette disposition permet ainsi de maintenir la pression fiscale – c’est-à-dire la proportion de l’impôt dû par rapport au revenu – à un niveau constant. A contrario, si le barème n’était pas indexé, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait : du fait de la progressivité du barème, une part plus importante de leurs revenus serait soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis, et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre.

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne corrélativement de celle de différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt. Si la décote fait l’objet d’une réforme distincte et n’est pas indexée sur l’inflation (voir infra), les plafonds des avantages fiscaux retirés du quotient familial, tant au titre des demi-parts de droit commun que des demi-parts répondant à des situations particulières, ainsi que le plafond de l’abattement accordé au titre du rattachement d’enfants majeurs mariés ou chargés de famille, sont également augmentés de 0,1 % ( du I et II).

INDEXATION DE PLAFONDS ET MONTANTS ASSOCIES AU CALCUL DE L’IMPÔT
SUR LE REVENU

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour l’imposition des revenus de 2014

Pour l’imposition des revenus de 2015

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial (a du du I du présent article)

1 508

1 510

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI (b du du I)

3 558

3 562

Plafond de l’avantage retiré de la demi-part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI (c du du I)

901

902

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI (d du du I)

1 504

1 506

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194 (e du du I)

1 680

1 682

Montant de l’abattement accordé en cas de rattachement d’un enfant majeur marié ou chargé de famille en application de l’article 196 B du CGI (II)

5 726

5 732

● L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant selon les cas une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Cette indexation emporte de nombreuses conséquences sur les régimes d’imposition spécifiques à certains contribuables ou sur les recettes de différentes impositions.

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu dans le domaine de l’impôt sur le revenu

– la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut (3° de l’article 83 du CGI), plafonnée à 12 157 euros au titre de l’imposition des revenus de 2014

– l’abattement applicable aux pensions et retraites (a du 5 de l’article 158 du CGI), fixé à 3 707 euros au titre de l’imposition des revenus de 2014

– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou invalides (article 157 bis du CGI), fixé à 2 344 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 710 euros ou 1 172 euros si ce revenu est compris entre 14 710 euros et 23 700 euros au titre de l’année d’imposition précitée

– la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % (1° ter de l’article 200 du CGI) dans la limite d’un plafond de dons de 526 euros au titre de l’imposition des revenus de 2014

– la déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable (2° ter du II de l’article 156 du CGI), fixée à 3 403 euros au titre de l’imposition des revenus de 2014

– les modalités d’imputation des déficits agricoles sur le revenu global imposable (1° du I de l’article 156 du CGI, ces déficits étant déductibles à la condition que le total des revenus nets d’autres sources n’excède pas 107 610 euros au titre de l’imposition des revenus de 2014)

– la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France (article 182 A du CGI)

– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie (1 de l’article 168 du CGI), fixée à 45 358 euros pour l’imposition des revenus de 2014

– la limite d’exonération du complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié de titres restaurant (19° de l’article 81 du CGI) fixée à 5,36 euros par titre pour 2014

– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu (1 de l’article 1664 du CGI), fixé à 347 euros pour l’imposition des revenus de 2014

– l’éligibilité au régime de l’auto-entrepreneur (2° du I de l’article 151-0 du CGI)

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu dans le domaine de la fiscalité locale

– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence mentionné à l’article 1417 du CGI. Ce niveau de revenu gouverne également de nombreuses autres exonérations, dégrèvements et abattements.

Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive)

– le barème de la taxe sur les salaires (2 bis de l’article 231 du CGI)

– l’exigibilité de la taxe sur les salaires pour les associations (article 1679 A du CGI)

– le montant des parts de groupements fonciers agricoles et des biens ruraux loués par bail à long terme donnant droit à exonération totale ou partielle d’impôt de solidarité sur la fortune (article 885 H du CGI)

– les montants de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite « des cinquante pas géométriques » en Guadeloupe et en Martinique (articles 1609 C et 1609 D du CGI)

Exemple de dispositif indexé dans des domaines non fiscaux

– les montants déterminant l’éligibilité à l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire (article L. 221-15 du code monétaire et financier).

S’agissant de l’impôt sur le revenu, il convient de citer, parmi les principaux dispositifs indexés, l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus donnés, ou encore le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites et celui de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels.

Par ailleurs, il convient d’observer qu’en application de la loi de finances rectificative pour 2013 (28), certains seuils et plafonds applicables pour l’imposition des professionnels sont désormais actualisés tous les trois ans dans la même proportion que l’évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu, alors que leur revalorisation suivait un rythme annuel auparavant – la première revalorisation triennale prenant effet à compter du 1er janvier 2017 (29).

Au titre de la fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du CGI définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattements, utilisés par une douzaine de régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette revalorisation emporte également des conséquences en termes de recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de taxe d’habitation.

Le présent article modifie à nouveau le mécanisme de la décote ( du I), tout en conservant le principe de sa conjugalisation. Alors que la décote en vigueur consiste à réduire le montant d’impôt résultant du barème de la différence entre 1 135 euros ou 1 870 euros, selon la configuration du foyer fiscal, et la totalité de ce montant d’impôt, la décote telle qu’issue de la réforme proposée consisterait à diminuer le montant d’impôt résultant du barème de la différence entre 1 165 euros ou 1 920 euros, selon la configuration du foyer fiscal, et les trois quarts de ce montant d’impôt.

Le montant retranché de l’impôt issu du barème en application de la décote serait donc toujours plus important :

– en raison de la hausse du montant de la décote, qui passe de 1 135 à 1 165 euros pour un célibataire et de 1 870 à 1 920 euros pour un couple ; cela représente une augmentation de 2,6 %, nettement plus élevée que le taux d’inflation ;

– du fait de la diminution du montant qui est défalqué de la décote : il ne s’agit plus de la totalité de l’impôt dû, mais seulement des trois quarts.

Exemple : un couple disposant d’un revenu de 35 000 euros en 2015 devrait s’acquitter d’un impôt de 1 694 euros en 2016 en application du barème.

Avec la décote applicable aux revenus de 2014, l’impôt dû serait réduit de 176 euros (1870-1694), et donc ramené à 1 518 euros.

Avec la décote telle qu’issue du présent article, l’impôt dû serait réduit de 650 euros (1920 – 0,75 × 1694), et donc ramené à 1 044 euros.

● La modification du mécanisme de la décote amplifie mécaniquement ses effets, puisque celui-ci permettrait désormais d’annuler l’impôt dû en application du barème par un célibataire jusqu’à un montant de 701 euros – lorsque l’on prend en compte les effets du seuil de mise en recouvrement (30) ; pour l’imposition des revenus de 2014, ce montant était de 598 euros, tandis qu’il s’établissait à 379 euros pour l’imposition des revenus de 2013.

Ainsi, entre 2014 et 2016, le montant d’impôt pouvant être effacé par le biais de la décote doublerait quasiment, en passant de 379 à 701 euros.

Cette évolution est encore plus marquée pour les couples, puisque la décote proposée permettrait d’annuler l’impôt dû en application du barème pour un couple jusqu’à un montant de 1 132 euros (31) – après prise en compte du seuil de mise en recouvrement, contre 965 euros pour l’imposition des revenus de 2014 et toujours 379 euros pour l’imposition des revenus de 2013, soit un triplement en entre 2014 et 2016.

Les montants précités de respectivement 701 euros (pour un célibataire) et 1 132 euros (pour un couple) correspondent à l’allégement maximal d’imposition qui peut résulter de la décote, en nette hausse par rapport aux années précédentes. Puis la baisse d’imposition se réduit au fur et à mesure que l’impôt dû au titre du barème croît : elle devient nulle à compter d’un niveau d’imposition de 1 553 euros pour un contribuable célibataire (32) – contre 1 135 euros en 2015 et 1 016 euros en 2014. Parallèlement, la décote ne joue plus pour un couple au-delà d’un niveau d’imposition dû de 2 560 euros (33) – contre 1 870 euros en 2015 et 1 016 euros en 2014.

Le point de sortie de la décote, en termes de niveau d’impôt sur le revenu, est lui aussi en forte hausse, puisque, entre 2014 et 2016, il est multiplié par 1,5 pour un célibataire et par 2,5 pour un couple.

ÉVOLUTION DU CHAMP DE LA DÉCOTE DEPUIS 2012

(en euros)

Année d’imposition

2012

2013

2014

2015

2016

Pour un célibataire

Pour un couple

Pour un célibataire

Pour un couple

Plafond de la décote

439

480

508

1 135

1 870

1 165

1 920

Montant maximal d’impôt sur le revenu issu du barème susceptible d’être effacé par la décote

292

320

339

568

935

666

1 097

Montant maximal d’impôt sur le revenu issu du barème susceptible d’être effacé par la décote compte tenu du seuil de mise en recouvrement, et correspondant à l’allégement maximal d’imposition résultant de la décote

334

361

379

598

965

701

1 132

Plafond d’impôt sur le revenu issu du barème à partir duquel la décote ne joue plus

878

960

1 016

1 135

1 870

1 553

2 560

Source : commission des finances.

● Ces évolutions de plafonds d’impôt annulé et de point de sortie de la décote en termes de niveaux d’imposition, trouvent leur traduction en termes de niveaux de revenus, selon les différentes configurations de foyers fiscaux : le seuil de revenu au-delà duquel un foyer fiscal entre dans l’impôt est à nouveau accru, quelle que soit la configuration du foyer fiscal. Ce recul du seuil d’imposition s’effectue de façon linéaire pour les célibataires et pour les couples cette fois, à la différence de l’année précédente.

Le tableau suivant permet de retracer l’évolution des seuils d’entrée dans l’impôt depuis 2013 :

ÉVOLUTION DU POINT D’ENTRÉE DANS L’IMPOSITION SOUS L’EFFET DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

IR 2013

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote et de la réduction d’impôt (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2016

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

1 part

13 490

(12 141)

soit 0,98 SMIC

15 369

(13 832)

soit 1,1 SMIC

15 508

(13 957)

soit 1,1 SMIC

16 341

(14 707)

soit 1,16 SMIC

1,5 part

17 222

(15 500)

soit 1,25 SMIC

19 496

(17 546)

soit 1,4 SMIC

20 888

(18 799)

soit 1,49 SMIC

21 727

(19 554)

Soit 1,54 SMIC

2 parts

20 534

(18 481)

soit 1,49 SMIC

28 135

(25 322)

soit 2,02 SMIC

29 196

(26 276)

soit 2,08 SMIC

30 540

(27 486)

soit 2,16 SMIC

2,5 parts

23 848

(21 463)

soit 1,73 SMIC

33 492

(30 143)

soit 2,4 SMIC

34 576

(31 118)

soit 2,46 SMIC

35 929

(32 336)

soit 2,54 SMIC

3 parts

27160

(24 444)

soit 1,97 SMIC

37 117

(33 405)

soit 2,66 SMIC

39 959

(35 963)

soit 2,85 SMIC

41 317

(37 186)

soit 2,92 SMIC

4 parts

33 785

(30 406)

soit 2,45 SMIC

43 795

(39 415)

soit 3,14 SMIC

50 725

(45 652)

soit 3,61 SMIC

52 095

(46 886)

soit 3,69 SMIC

5 parts

40 410

(36 369)

soit 2,93 SMIC

50 475

(45 427)

soit 3,62 SMIC

61 492

(55 343)

soit 4,38 SMIC

62 873

(56 286)

soit 4,45 SMIC

Source : commission des finances.

Désormais, l’entrée dans l’imposition interviendrait à partir d’un revenu de l’ordre de 1,16 SMIC pour un célibataire, soit environ 1 315 euros de revenus mensuels nets, contre 1,1 SMIC en 2015 et 0,98 SMIC en 2013.

Pour un couple avec deux enfants, soit un foyer comptant trois parts, ce seuil passerait à 2,92 SMIC, soit environ 3 320 euros de revenus mensuels nets, contre 2,85 SMIC en 2015 et 1,97 SMIC en 2013.

Le graphique ci-dessous permet de visualiser le recul de l’entrée dans l’impôt en fonction du nombre de parts au sein du foyer fiscal :

ÉVOLUTION DU NIVEAU DE REVENU ANNUEL À PARTIR DUQUEL UN FOYER FISCAL EST IMPOSABLE, SELON LE NOMBRE DE PARTS FISCALES, ENTRE 2013 ET 2016

Source : commission des finances.

La forte augmentation du champ d’application de la décote, en termes de montants d’imposition susceptibles d’être réduits, se traduit comme suit en termes de niveau de revenus, selon les différentes configurations de foyers fiscaux :

ÉVOLUTION DU POINT DE SORTIE DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2013

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote (RFR)

IR 2016

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote (RFR)

1 part

18 242

(16 418)

soit 1,32 SMIC

18 772

(16 895)

soit 1,35 SMIC

19 766

(21 962)

soit 1,4 SMIC

23 103

(20 793)

soit 1,63 SMIC

1,5 part

23 557

(21 201)

soit 1,71 SMIC

24 129

(21 716)

soit 1,73 SMIC

25 150

(19 035)

soit 1,79 SMIC

28 492

(25 643)

soit 2 SMIC

2 parts

28 870

(25 983)

soit 2,1 SMIC

29 484

(26 536)

soit 2,11 SMIC

36 367

(32 730)

soit 2,6 SMIC

41 873

(37 686)

soit 2,96 SMIC

2,5 parts

34 184

(30 766)

soit 2,48 SMIC

34 841

(31 357)

soit 2,5 SMIC

41 750

(37 575)

soit 2,97 SMIC

47 262

(42 536)

soit 3,34 SMIC

3 parts

39 260

(35 334)

soit 2,85 SMIC

40 198

(36 178)

soit 2,88 SMIC

47 133

(42420)

soit 3,35 SMIC

52 651

(47 386)

soit 3,73 SMIC

4 parts

45 896

(41 306)

soit 3,33 SMIC

47 230

(42 507)

soit 3,39 SMIC

57 900

(62 110)

soit 4,12 SMIC

63 429

(57 086)

soit 4,49 SMIC

Source : commission des finances.

Ainsi, au titre de l’imposition des revenus de 2012, pour un contribuable célibataire, la décote trouvait à s’appliquer entre des revenus de 13 490 euros (seuil d’entrée dans l’impôt) et 18 242 euros, tandis qu’au titre de l’imposition des revenus de 2015, elle devrait jouer pour des revenus compris entre 16 341 euros (point d’entrée dans l’impôt) et 23 103 euros. Ces différents seuils, comme l’amplitude entre les deux, sont donc fortement accrus.

De même, au titre de l’imposition des revenus de 2012, pour un couple marié avec deux enfants, la décote venait minorer l’imposition entre des revenus de 27 160 euros (seuil d’entrée dans l’impôt) et de 39 260 euros, tandis qu’au titre de l’imposition des revenus de 2015, elle devrait s’appliquer pour des revenus compris entre 41 317 euros (seuil d’entrée dans l’impôt) et 52 651 euros.

Le mécanisme même de la décote, qui s’applique à la cotisation d’impôt résultant du barème progressif, a pour effet induit d’accroître le taux marginal d’imposition des revenus qui se trouvent dans son champ, parallèlement à l’allégement d’impôt qu’il occasionne. Cela résulte du fait que la décote réduit d’autant moins l’imposition que cette dernière est élevée. Si l’impôt issu du barème augmente, l’effet de la décote est moindre : l’impôt final augmente encore davantage que l’impôt avant décote.

Cette accentuation de la pente d’imposition a été renforcée par la réforme intervenue en loi de finances pour 2015, et le présent article vise à revenir pour partie sur cette évolution, afin d’assurer une entrée plus progressive dans l’imposition.

● Jusqu’à l’imposition des revenus de 2013, la décote se traduisait par une augmentation de 50 % du taux d’imposition marginal des revenus tel qu’il résultait du barème progressif. En effet, le système de la décote pouvait se traduire par la formule arithmétique suivante (sachant que l’impôt initial correspond à l’impôt résultant du barème) :

Impôt dû = impôt initial – (508 – impôt initial/2)

Ce qui revient à écrire : Impôt dû = 1,5 × impôt initial – 508

De ce fait, une augmentation d’un euro de l’impôt issu du barème se traduit par une augmentation de 1,5 euro de l’impôt dû après décote, soit un coefficient de 1,5. Ainsi, pour un foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu au taux de 5,5 %, la décote portait le taux marginal d’imposition à 8,25 % ; pour un foyer fiscal assujetti au taux de 14 %, la décote portait le taux marginal à 21 % (34).

Exemple 1 : un couple a perçu en 2013 des revenus salariaux de 28 000 euros. Son impôt dû avant décote s’établit à 828 euros en 2014. Son impôt après décote est égal à 734 euros (1,5 × 828 – 508), la baisse résultant de la décote étant de 94 euros (35).

Si ce même couple avait perçu des revenus de 28 111 euros, ce qui correspond à une hausse de revenu imposable de 100 euros (36), son impôt dû avant décote se serait établi à 842 euros, et celui après décote à 755 euros, la baisse résultant de la décote étant de 87 euros.

Avant prise en compte de la décote, le taux marginal d’imposition s’établit logiquement à 14 %, soit le taux de la tranche du barème dont le foyer fiscal relève : 100 euros de revenu imposable supplémentaire se traduit par une hausse d’impôt de 14 euros (842 – 828).

Après prise en compte de la décote, le taux marginal d’imposition est porté à 21 % : 100 euros de revenu imposable supplémentaire aboutit à une hausse d’impôt de 21 euros (755 – 734).

● La réforme intervenue en loi de finances pour 2015, pour l’imposition des revenus de 2014, est venue accroître la pente de la décote : cette dernière vient désormais doubler le taux d’imposition marginal des revenus résultant du barème.

En effet, le système de la décote se traduit désormais par la formule arithmétique suivante :

Impôt dû = impôt initial – (1 135 ou 1 870 – impôt initial)

Ce qui revient à écrire :

Impôt dû = 2 × impôt initial – 1 135 ou 1 870

Une augmentation d’un euro de l’impôt issu du barème conduit à une augmentation de 2 euros de l’impôt dû après décote, soit un coefficient de 2. De ce fait, pour un foyer fiscal soumis à l’impôt sur le revenu au taux de 14 %, la décote porte le taux marginal d’imposition à 28 %, contre 21 % précédemment.

Exemple 2 : un couple avec deux enfants a perçu en 2014 des revenus salariaux de 40 000 euros. Son impôt dû avant décote s’établit à 970 euros en 2015. Son impôt après décote est égal à 70 euros (2 × 970 – 1 870).

Si ce même couple avait perçu des revenus de 40 111 euros, ce qui correspond à une hausse de revenu imposable de 100 euros, son impôt dû avant décote se serait établi à 984 euros, et celui après décote à 98 euros.

Avant décote, le taux marginal d’imposition s’établit à 14 % : 100 euros de revenu imposable supplémentaire se traduit par une hausse d’impôt de 14 euros (984 – 970).

Après décote, le taux marginal d’imposition est porté à 28 % : 100 euros de revenu imposable supplémentaire aboutit à une hausse d’impôt de 28 euros (98 – 70).

Il convient toutefois de souligner que cette accentuation de la pente d’imposition a été associée à un fort allégement de l’imposition due, en raison du renforcement de la décote et de la suppression de la tranche à 5,5 %. Même si la progression de l’imposition en fonction de celle des revenus est plus rapide qu’auparavant, du fait d’une pente de la décote plus raide, le contribuable retire systématiquement un gain de la réforme, en s’acquittant toujours d’un impôt moindre.

Ainsi, pour reprendre l’exemple 2, en conservant le dispositif de la décote applicable aux revenus de 2013, l’imposition due pour un niveau de revenu de 40 000 euros se serait établie à 947 euros (970 × 1,5 – 508), au lieu de 70 euros avec la décote réformée. Le gain est donc de 877 euros.

Certes, le taux marginal d’imposition dans le cadre de la précédente décote ne serait que de 14 %, ce qui porterait, pour un revenu de 45 111 euros, l’imposition due à 961 euros. Dans le cadre de la décote réformée, l’imposition se limite toutefois à 98 euros, même après application d’un taux marginal d’imposition de 28 %. Le gain retiré de la réforme reste très significatif, en s’élevant à 863 euros.

● La réforme proposée procède à une « dépentification » de la décote, et parvient à une situation intermédiaire entre le dispositif applicable avant la réforme de la loi de finances pour 2015 et celui qui en est issu.

La décote issue du présent article se présenterait sous la forme suivante :

Impôt dû = impôt initial – (1 165 ou 1 920 – 0,75 × impôt initial)

Ou encore : Impôt dû = 1,75 × impôt initial – 1 165 ou 1 920

Le taux marginal d’imposition serait donc multiplié par 1,75 dans le cadre de la décote, au lieu de 2 pour l’imposition des revenus de 2014 et de 1,5 pour celle des revenus de 2013. Ainsi, la décote porterait à 24,5 % le taux d’imposition marginal des foyers fiscaux qui, avant décote, relèvent du taux marginal de 14 %.

Exemple 3 : un couple perçoit en 2015 des revenus salariaux de 35 000 euros. Son impôt dû avant décote s’établirait à 1 694 euros en 2016. Son impôt après décote serait égal à 1 044,50 euros, soit 1 045 euros compte tenu de l’arrondi (1,75 × 1 694 – 1 920).

Si ce même couple percevait des revenus de 35 111 euros, son impôt dû avant décote s’établirait à 1 708 euros, et celui après décote à 1 069 euros.

Avant décote, le taux marginal d’imposition s’établit à 14 % : 100 euros de revenu imposable supplémentaire se traduit par une hausse d’impôt de 14 euros (1 708 – 1 694).

Après décote, le taux marginal d’imposition est porté à 24,5 % : 100 euros de revenu imposable supplémentaire aboutit à une hausse d’impôt de 24,50 euros (1 069 – 1 044,5).

Le dispositif proposé permet ainsi d’adoucir la pente d’imposition découlant de la décote, tout en allégeant, dans toutes les configurations de foyer et quel que soit le niveau de revenu, l’imposition due.

Les graphiques ci-dessous permettent de constater visuellement la « dépentification » ainsi opérée par rapport à l’impôt sur le revenu de 2015, ainsi que le gain retiré de la réforme. Pour tous les niveaux de revenus, l’impôt acquitté en application du barème et de la décote est moindre en 2015 et en 2016, par rapport à 2014 et 2013.


IMPÔT SUR LE REVENU ACQUITTÉ EN 2013, 2014, 2015 ET 2016
EN FONCTION DE SES REVENUS PAR UN CÉLIBATAIRE

IMPÔT SUR LE REVENU ACQUITTÉ EN 2013, 2014, 2015 ET 2016 EN FONCTION DE SES REVENUS PAR UN COUPLE


IMPÔT SUR LE REVENU ACQUITTÉ EN 2013, 2014, 2015 ET 2016
EN FONCTION DE SES REVENUS PAR UN COUPLE AVEC DEUX ENFANTS


IV. L’ÉVALUATION DE L’IMPACT DE LA RÉFORME

● Le coût budgétaire de la réforme est chiffré à 2,1 milliards d’euros pour l’année 2016 et les années suivantes. Cette somme correspond au montant des pertes de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État, et se répartit entre 100 millions d’euros au titre de l’indexation du barème sur l’inflation, et 2 milliards d’euros au titre de la réforme de la décote.

En revanche, les pertes de recettes pour les collectivités territoriales, au titre de l’indexation du barème sur l’inflation, ne font l’objet d’aucun chiffrage par l’évaluation préalable du présent article. En effet, la revalorisation des plafonds de RFR mentionnés aux articles 1414 A et 1417 du CGI, qui déterminent les conditions d’exonération et d’abattement au titre de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, se traduit par des moindres recettes pour les collectivités territoriales dès lors que certains des régimes dérogatoires applicables ne font pas l’objet de compensation par l’État. Les effets de l’indexation du barème à cet égard ne sont donc pas connus, même si l’on peut supposer qu’ils sont limités, compte tenu de la faiblesse du taux d’inflation.

Il convient d’observer que, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (37), le bénéfice du taux réduit de CSG et de l’exonération de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) applicables aux revenus de remplacement est désormais conditionné au respect de plafonds de RFR en année N – 2, définis par l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, et non plus au fait d’être non imposable l’année précédente. De ce fait, la hausse du nombre de foyers non imposables résultant de la présente réforme n’aura pas d’incidence sur les recettes de la sécurité sociale. Par ailleurs, les plafonds définis par l’article L. 136-8, à la différence de ceux prévus par les articles 1414 A et 1417 du CGI, ne sont pas indexés annuellement comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais se voient appliquer un mécanisme distinct (38).

● La présente réforme se traduit par une hausse significative du coût budgétaire de la décote, qui devrait s’établir à 5,53 milliards d’euros au titre de l’année 2016. Ce coût avait d’ores et déjà enregistré une nette hausse en 2015, en passant à 3,6 milliards d’euros, contre 2,2 milliards d’euros en 2013. En trois années, le coût de la décote devrait ainsi être multiplié par 2,5.

Parallèlement, le gain moyen retiré par les contribuables se trouvant dans son champ a aussi plus que doublé, ce qui découle du plus fort allégement d’imposition qu’elle occasionne.

ÉVOLUTION DU COÛT ET DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

Année

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015 (prévisions)

IR 2016 (simulations)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiant de la décote

(en millions)

11,75

12,135

12,68

10,4

13,177

Gain moyen (en euros)

169

179

289

349

426

Coût budgétaire

(en milliards d’euros)

1,99

2,17

3,61

3,6

5,53

NB : au titre de l’impôt 2014, le coût et le nombre de foyers fiscaux bénéficiaires correspond à la fois à la décote et à la réduction d’impôt exceptionnelle introduite en première LFR 2014, puisque leurs effets ne peuvent être dissociés.

Source : direction générale des finances publiques.

● L’évaluation préalable du présent article indique que la réforme de la décote bénéficiera à 8 millions de foyers fiscaux, pour un gain moyen de 252 euros.

Selon les simulations transmises par le Gouvernement, les foyers fiscaux concernés par la réforme se répartiraient comme suit :

– 1,13 million de foyers fiscaux qui deviennent non imposés ou évitent d’entrer dans l’impôt, et dont le gain moyen s’établirait à 208 euros ;

– 6,9 millions de foyers fiscaux imposés, qui bénéficient d’un allégement de leur imposition, pour un gain moyen de 262 euros.

En tout état de cause, la réforme de la décote ne fait aucun perdant.

La décote telle qu’issue de la présente réforme concernerait 13,2 millions de foyers fiscaux en 2016, contre 10,4 millions en 2015. Ces 13,2 millions de foyers fiscaux bénéficiaires se répartiraient ainsi :

– 5,92 millions de foyers fiscaux seraient non imposés sous l’effet de la décote, pour un gain moyen de 463 euros ;

– 6,42 millions de foyers fiscaux imposés verraient leur impôt décroître, pour un montant moyen de 402 euros ;

– 0,836 million de foyers bénéficieraient d’une restitution majorée, pour un gain de 354 euros.

● Le tableau suivant procède à la répartition des foyers fiscaux bénéficiaires de la réforme au sein des déciles de RFR de l’ensemble des foyers fiscaux, avec, pour chacun de ces déciles, le montant moyen du gain.

Environ 4,75 millions de foyers fiscaux, soit environ 60 % du total, relèvent des quatrième à sixième déciles, et 1,6 million de foyers fiscaux appartiennent au huitième décile. Là encore, la ventilation des foyers fiscaux par décile de RFR ne prend pas en compte le nombre de parts au sein du foyer fiscal. C’est la raison pour laquelle un nombre significatif de foyers fiscaux concernés par la mesure relève du huitième décile : ces derniers correspondent pour l’essentiel aux couples avec plusieurs enfants.

RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA MESURE DÉCOTE PAR DÉCILES DE RFR
DE L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Borne inférieure
de RFR

(en euros)

Borne supérieure
de RFR

(en euros)

Déciles des foyers fiscaux

(en nombre de foyers)

Déciles des foyers fiscaux gagnants

(en nombre de foyers)

Gain moyen en émission

(en euros)

0

3 443

3 698 963

– 

– 

3 443

9 025

3 698 963

– 

– 

9 025

12 964

3 698 963

– 

– 

12 964

16 262

3 698 963

1 534 554

202

16 262

19 465

3 698 963

2 062 380

251

19 465

24 129

3 698 963

1 159 193

149

24 129

29 804

3 698 963

822 109

253

29 804

38 069

3 698 963

1 596 579

343

38 069

53 058

3 698 963

787 974

318

53 058

– 

3 698 963

64 157

268

Total

36 989 630

8 026 946

252

Source : logiciel Orison. Échantillon des revenus de 2013 et, majoritairement, 2014, vieillis 2015. Environnement LF 2015 sans PPE, indexation barème et seuils de 0,1%.

Le tableau ci-après présente la ventilation des seuls foyers fiscaux bénéficiaires de la réforme par décile de RFR, ainsi que le gain moyen pour chacun de ces déciles :

RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA RÉFORME DÉCOTE
PAR DÉCILES DE RFR

Borne inférieure
de RFR

(en euros)

Borne supérieure
de RFR

(en euros)

Déciles des foyers fiscaux gagnants

(en nombre de foyers)

Gain moyen en émission

(en euros)

– 

15 125

802 695

172

15 125

16 327

802 695

237

16 327

17 581

802 695

279

17 581

18 883

802 695

261

18 883

20 137

802 695

149

20 137

24 569

802 695

159

24 569

30 052

802 695

265

30 052

34 265

802 695

403

34 265

38 510

802 695

286

38 510

802 695

310

Total

8 026 950

252

Source : logiciel Orison. Échantillon des revenus de 2013 et, majoritairement, 2014, vieillis 2015. Environnement LF 2015 sans PPE, indexation barème et seuils de 0,1 %.

● Il convient toutefois de rappeler que la prime pour l’emploi (PPE) a été supprimée à compter de l’imposition des revenus de 2015 par la dernière loi de finances rectificative pour 2014 (39). La ventilation par décile des bénéficiaires de la présente réforme est effectuée par rapport à un environnement fiscal intégrant cette suppression ; pour autant, compte tenu des restitutions d’imposition que la PPE occasionne et de ses effets sur l’entrée des contribuables dans l’imposition, il serait utile de disposer d’un bilan d’ensemble de ces deux réformes, en termes de nombre de foyers fiscaux gagnants et perdants, du strict point de vue de l’impôt sur le revenu.

De fait, une partie des bénéficiaires actuels de la PPE sera éligible, à compter du 1er janvier 2016, à la prime d’activité, nouvelle prestation qui vient remplacer à la fois la PPE et le revenu de solidarité active (RSA) dans son volet « activité ». Ainsi, des contribuables qui ne bénéficieront plus d’une restitution au titre de la PPE en 2016 pourront voir leur perte plus que compensée par le versement de la prime d’activité – qui, du fait de son mode de calcul, s’avère toujours plus élevée que la PPE. Néanmoins, alors que la PPE est quasi automatiquement versée à ses bénéficiaires, du fait de son adossement à la déclaration des revenus (40), le versement de la prime d’activité nécessite une démarche de la part de ses potentiels bénéficiaires. L’étude d’impact du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (41) posait comme hypothèse un taux de recours à la prime d’activité de l’ordre de 50 %, lequel a été estimé à partir du taux de recours du RSA-activité, lui-même chiffré à environ 32 %. Il est donc probable qu’une partie des anciens bénéficiaires de la PPE ne percevront pas la nouvelle prestation, alors qu’ils y seraient éligibles, simplement parce qu’ils n’auront pas effectué les démarches nécessaires.

En pratique, compte tenu des plafonds de revenus d’activité et de RFR des contribuables bénéficiaires de la PPE, ces derniers sont le plus souvent non imposés : la PPE se traduit, pour plus de 80 % de son montant, par des restitutions de la part du Trésor public. Sur les 5 millions de foyers bénéficiaires en 2015, environ 4,5 millions de foyers fiscaux ont perçu la PPE sous forme de restitution, soit pour sa totalité, soit en partie – les 500 000 foyers fiscaux restants voyant leur imposition minorée par la PPE.

Pour tous les contribuables percevant la totalité de leur PPE sous forme de restitution, soit la grande majorité des 4,5 millions précités, la réforme de la décote ne permet pas de compenser la suppression de la PPE : les contribuables non imposés en 2015 resteront non imposés en 2016, mais ne recevront plus de chèque du Trésor public.

En revanche, la présente réforme permet de compenser une partie, voire la totalité de la perte occasionnée par la suppression de la PPE, pour les contribuables imposables dont l’impôt était soit minoré, soit annulé par la PPE.

Au-delà de l’impact global de la réforme, il apparaît utile de présenter ses incidences en fonction de la configuration des foyers fiscaux et de leurs niveaux de revenus.

Les tableaux ci-dessous visent à retracer les conséquences de la réforme pour un célibataire, un couple sans enfant et un couple avec deux enfants. Ils permettent de constater que le gain maximal retiré de la réforme s’établit à environ 315 euros pour un célibataire et à 520 euros pour un couple.

● Pour un contribuable célibataire, l’entrée dans l’impôt sur le revenu interviendrait à compter d’un revenu mensuel net de 1 315 euros en 2016, au lieu de 1 250 euros en 2015 (sans prise en compte de la PPE). Le gain retiré de la réforme croîtrait régulièrement à partir de ce revenu mensuel de 1 250 euros, pour atteindre son montant maximal, soit 317 euros, pour un revenu mensuel de 1 590 euros, soit 1,4 SMIC – qui correspond d’ailleurs au point de sortie de la décote actuellement en vigueur.

Le gain obtenu décroîtrait ensuite régulièrement, pour devenir nul pour un salaire mensuel de 1 860 euros, soit 1,63 SMIC, qui correspond au point de sortie de la décote telle qu’issue de la réforme.

En posant comme hypothèse que le contribuable bénéficie de la PPE au titre de l’imposition de ses revenus de 2014, la moindre imposition résultant de la réforme proposée vient partiellement compenser la suppression de la PPE pour des revenus mensuels nets compris entre 1 250 euros et de 1 315 euros, pour la compenser ensuite totalement. C’est à partir de ce montant de revenus de 1 315 euros que le contribuable percevant la PPE en 2015 retire un gain net de la réforme.

EFFETS DE LA RÉFORME POUR UN CÉLIBATAIRE (UNE PART)

(en euros)

Revenu déclaré (revenu mensuel net)

IR 2015
sans PPE

IR 2015 avec bénéfice de la PPE

IR 2016

Gain à la réforme sans prise en compte de la PPE

Gain ou perte à la réforme avec prise en compte de la PPE

14 000 (1 126 euros/mois)

0

-666

0

0

– 666

15 520 (1 248 euros/mois, soit 1,1 SMIC)

Entrée dans l’IR pour IR 2015

63

– 310

0

63

– 310

15 600 (1 254 euros/mois)

83

– 274

0

83

– 274

16 000 (1 286 euros/mois)

184

– 97

0

184

– 97

16 300 (1 311 euros/mois)

259

37

0

259

37

16 350 (1 315 euros /mois soit 1,16 SMIC)

Entrée dans l’IR pour IR 2016

273

61

64

272

– 3

16 500 (1 327 euros/mois)

309

125

97

212

28

17 000 (1 367 euros/mois)

435

348

207

228

141

17 500 (1 407 euros/mois)

561

561

317

244

244

18 500 (1 487 euros/mois)

813

813

538

275

275

19 500 (1 568 euros/mois)

1 065

1065

758

307

307

19 766 (1 589 euros/mois, soit 1,4 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2015

1 134

1 134

817

317

317

21 000 (1 688 euros/mois)

1 289

1 289

1 089

200

200

22 000 (1 769 euros/mois)

1 415

1 415

1 310

106

106

23 000 (1 849 euros/mois)

1 541

1 541

1 530

11

11

23 103 (1 858 euros/mois, soit 1,63 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2016

1 554

1 554

1 553

1

1

24 000 (1 930 euros/mois)

1 667

1 667

1 666

1

1

NB : compte tenu de la faiblesse de l’inflation, estimée à 0,1 % pour l’année 2015, le calcul de l’imposition pour 2015 et 2016 a été réalisé à revenus constants.

Source : commission des finances.

GAIN RÉSULTANT DE LA RÉFORME POUR UN CÉLIBATAIRE

Source : direction générale des finances publiques.

● À compter de 2016, un couple devrait devenir imposable à compter de revenus mensuels nets de 2 455 euros, contre 2 350 euros en 2015 (sans prise en compte de la PPE). Le bénéfice qu’il retirerait de la réforme serait maximal, à hauteur de 523 euros, pour un niveau de revenu mensuel de 2 920 euros, soit 2,6 SMIC, et il décroîtrait progressivement pour s’annuler pour un revenu mensuel net de 3 370 euros, soit le point de sortie de la décote ainsi réformée.

En posant comme hypothèse que les revenus du couple sont répartis également et qu’ils bénéficient tous deux de la PPE au titre de l’imposition de leurs revenus de 2014, il apparaît que la moindre imposition résultant de la réforme proposée vient partiellement compenser la suppression de la PPE pour des revenus mensuels nets compris entre 2 350 euros et 2 650 euros. Au-delà de revenus de 2 650 euros, le couple qui perçoit la PPE en 2015 retire un gain net de la réforme.

EFFETS DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE (DEUX PARTS)

(en euros)

Revenu déclaré (revenu mensuel net)

IR 2015
sans PPE

IR 2015 avec bénéfice de la PPE (pour des revenus également répartis)

IR 2016

Gain à la réforme sans prise en compte de la PPE

Gain ou perte à la réforme avec prise en compte de la PPE

28 000 (2 251 euros/mois)

0

– 1 332

0

0

– 1 332

29 200 (2 348 euros/mois, soit 2,07 SMIC)

Entrée dans l’IR pour IR 2015

62

– 1 038

0

62

– 1 038

30 000 (2 412 euros/mois)

264

– 682

0

264

– 682

30 540 (2 455 euros/mois, soit 2,16 SMIC)

Entrée dans l’IR pour l’IR 2016

400

– 442

61

339

– 503

32 000 (2 573 euros/mois)

768

208

383

385

– 175

33 000 (2 653 euros/mois)

1 020

652

604

417

49

35 000 (2 814 euros/mois)

1 524

1 524

1 045

480

480

36 367 (2 924 euros/mois, soit 2,6 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2015

1 869

1 869

1 346

523

523

37 000 (2 975 euros/mois)

1 949

1 949

1 486

464

464

39 000 (3 136 euros/mois)

2 201

2 201

1 927

275

275

41 000 (3 296 euros/mois)

2 453

2 453

2 368

86

86

41 873 (3 367 euros/mois soit 2,96 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2016

2 563

2 563

2 560

3

3

42 000 (3 377 euros/mois)

2 579

2 579

2 576

3

3

Source : commission des finances.

GAIN RÉSULTANT DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE SANS ENFANT

Source : direction générale des finances publiques.

● À compter de 2016, un couple avec deux enfants devrait devenir imposable à compter de revenus mensuels nets de 3 330 euros, contre 3 216 euros en 2015. Le bénéfice qu’il retirerait de la réforme serait maximal, à hauteur de 525 euros, pour un niveau de revenu mensuel de 3 790 euros, soit 2,6 SMIC, et il décroîtrait progressivement pour s’annuler pour un revenu mensuel net de 4 230 euros, soit 3,7 SMIC – qui correspond au point de sortie de la décote ainsi réformée.

COUPLE AVEC DEUX ENFANTS (TROIS PARTS)

(en euros)

Revenu déclaré
(revenu mensuel net)

IR 2015
sans PPE

IR 2015 avec PPE

IR 2016

Gain à la réforme

Gain ou perte à la réforme avec prise en compte PPE

30 000 (2 412 euros/mois)

0

– 1 018

0

0

– 1 018

34 000 (2 734 euros/mois)

0

– 246

0

0

– 246

38 000 (3 055 euros/mois)

0

0

0

0

0

40 000 (3 216 euros/mois, soit 2,85 SMIC)

Entrée dans l’IR pour IR 2015

70

70

0

70

70

41 000 (3 296 euros/mois)

322

322

0

322

322

41400 (3 329 euros/mois, soit 2,92 SMIC)

Entrée dans l’IR pour IR 2016

423

423

79

344

344

43 000 (3 457 euros/mois)

826

826

432

394

394

45 000 (3 618 euros/mois)

1 330

1 330

873

457

457

47 000 (3 779 euros/mois)

1 834

1 834

1 314

520

520

47 133 (3 790 euros/mois, soit 3,33 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2015

1 869

1 869

1 343

525

525

48 000 (3 859 euros/mois)

1 978

1 978

1 535

444

444

50 000 (4 020 euros/mois)

2 230

2 230

1 976

255

255

52 650 (4 233 euros/mois, soit 3,7 SMIC)

Sortie de la décote pour l’IR 2016

2 564

2 564

2 560

– 4

– 4

54 000 (4 342 euros/mois)

2 734

2 734

2 730

– 4

– 4

Source : commission des finances.

GAIN RÉSULTANT DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

Source : direction générale des finances publiques.

Il apparaît utile de mettre en perspective l’impact de la présente réforme et des précédentes mesures d’allégement, en présentant l’évolution de l’impôt sur le revenu acquitté par quelques catégories de ménages, en fonction de leur niveau de revenu, au cours des quatre dernières années. Cela permet d’apprécier les effets conjugués des mesures ayant conduit à accroître l’imposition depuis 2012, telles que la fiscalisation des majorations de pension ou de la participation employeur aux complémentaires santé (42), et de celles qui viennent la réduire.

● Pour un contribuable retraité de plus de soixante-cinq ans, le tableau suivant permet de constater que l’impôt acquitté enregistre une nette baisse pour des niveaux de revenus annuels inférieurs à 22 000 euros ; la hausse d’imposition entre 2012 et 2013 résultant du gel du barème est ainsi plus que compensée par la suite par les mesures d’allégement. En revanche, ces dernières ne produisent plus d’effet pour des revenus annuels de 24 000 euros et au-delà.

EVOLUTION DE L’IMPÔT ACQUITTÉ EN FONCTION DES REVENUS PAR UN CÉLIBATAIRE RETRAITÉ PLUS DE SOIXANTE-CINQ ANS

(en euros)

Niveau de revenu déclaré
(montant pour l’année 2011, pour l’impôt acquitté en 2012)

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015

IR 2016

Niveau de revenus correspondant à l’entrée dans l’IR

15 800

16 060

16 668

16 815

17 650

16 000

333

352

0

0

0

18 000

711

738

720

511

277

20 000

1 019

1 069

1 078

1 031

732

22 000

1 271

1 326

1 337

1 344

1 189

24 000

1 523

1 584

1 596

1 604

1 606

Source : commission des finances

● Si ce contribuable retraité a eu trois enfants et bénéficie à ce titre d’une majoration de pension, la fiscalisation de cette dernière (43) à compter de l’imposition des revenus de 2013 se traduit par un ressaut d’imposition en 2014. Pour certains niveaux de revenus, cette hausse est partiellement compensée par l’allégement d’impôt intervenu en 2015 puis elle devrait l’être totalement par la baisse de l’impôt dû à compter de 2016. Ainsi, si ce contribuable a perçu une pension annuelle de 18 000 euros en 2011, son impôt est passé de 711 euros en 2012 à 1 052 euros en 2014, sous l’effet de la mesure. En revanche, son impôt a commencé à décroître en 2015, et il devrait repasser en deçà de son niveau de 2012 sous l’effet de la présente réforme, pour s’établir à 686 euros en 2016.

Pour une pension annuelle de 19 000 euros, la hausse d’imposition enregistrée en 2014 n’est pas compensée en 2015, mais devrait l’être par la présente réforme, en 2016.

En revanche, les effets de la fiscalisation des majorations de pension ne sont que partiellement palliés par les mesures d’allégements lorsque les revenus du contribuable atteignent 20 000 euros, et ils ne le sont plus au-delà.

ÉVOLUTION DE L’IMPÔT ACQUITTÉ EN FONCTION DES REVENUS PAR UN CÉLIBATAIRE RETRAITÉ AYANT EU PLUS DE TROIS ENFANTS (HORS EFFET DE LA DEMI-PART « VIEUX PARENTS »)

(en euros)

Niveau de revenu déclaré
(montant pour l’année 2011, pour l’impôt acquitté en 2012)

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015

IR 2016

14 000

0

0

0

0

0

16 000

333

352

642

407

186

18 000 

711

738

1 052

979

687

19 000

893

931

1 195

1 200

938

20 000 

1 019

1 069

1 337

1 344

1 189

22 000 

1 271

1 326

1 622

1 630

1 631

24 000 

1 523

1 584

2 070

2 081

2 083

Source : commission des finances.

● Si l’on prend le cas d’un couple marié avec deux enfants, dont les conjoints sont tous deux actifs et éligibles à la PPE, le tableau ci-dessous permet de constater la très nette diminution de leur imposition entre 2012 et 2016, jusqu’à des niveaux de revenus de 47 000 euros, après la hausse résultant du gel du barème – hors effet de la suppression de la PPE.

En revanche, s’ils perçoivent des revenus élevés, leur imposition s’est accrue sous l’effet du gel, mais aussi des abaissements du plafond de l’avantage retiré du quotient familial, et ils ne bénéficient pas des mesures d’allégement instaurées depuis 2014.

Il convient par ailleurs de noter que la suppression de la prime pour l’emploi, à compter de 2016, se traduit par une perte de la restitution afférente pour les contribuables concernés. Ces derniers sont toutefois, pour une partie d’entre eux, éligibles à la nouvelle prime d’activité, qui vient remplacer à compter du 1er janvier 2016 la PPE et le RSA activité.

ÉVOLUTION DE L’IMPÔT ACQUITTÉ EN FONCTION DES REVENUS PAR UN COUPLE MARIÉ AVEC DEUX ENFANTS

(en euros)

Niveau de revenu déclaré (réparti à égalité entre les deux conjoints)
(montant pour l’année 2011, pour l’impôt acquitté en 2012)

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015

IR 2016

Seuil d’entrée dans l’imposition
hors effet de la PPE

26 614

27 160

37 117

39 959

41 317

27 000

– 1 508

– 1 405

– 1 450

– 1 424

0

30 000

– 706

– 586

– 856

– 826

0

32 000

– 171

– 40

– 458

– 426

0

35 000

684

694

0

0

0

37 000

833

846

128

0

0

40 000

1 023

1 123

1 132

406

73

42 000

1 275

1 380

1 392

926

529

45 000

1 653

1 766

1 780

1 708

1 214

47 000

1 905

2 023

2 039

2 049

1 670

50 000

2 283

2 409

2 428

2 440

2 354

100 000

11 195

12 407

13 539

13 605

13 638

200 000

42 413

44 561

45 949

46 178

46 243

Source : commission des finances.

         

Si ce couple est composé de deux salariés du secteur privé affiliés à une complémentaire santé collective faisant l’objet d’une participation de leur employeur, on peut poser comme hypothèse que la fiscalisation de cette part employeur à compter de l’imposition des revenus de 2013 se traduit par une hausse de leur revenu imposable de l’ordre de 1 000 euros en 2014. Cette mesure occasionne un accroissement de leur imposition en 2014 pour des revenus de 40 000 euros et au-delà, lequel est toutefois rattrapé en totalité dès 2015 jusqu’à des revenus de 42 000 euros. Elle est totalement compensée en 2016 pour des niveaux de revenus allant jusqu’à 47 000 euros, mais ne l’est plus au-delà.

EVOLUTION DE L’IMPÔT ACQUITTÉ EN FONCTION DES REVENUS PAR UN COUPLE MARIÉ AVEC DEUX ENFANTS SE TROUVANT DANS LE CHAMP DE LA FISCALISATION DE LA PART EMPLOYEUR DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ

(en euros)

Niveau de revenu déclaré (réparti à égalité entre les deux conjoints)
(montant pour l’année 2011)

IR 2012

IR 2013

IR 2014

IR 2015

IR 2016

Seuil d’entrée dans l’imposition hors effet de la PPE

26 614

27 160

37 117

39 959

41 317

27 000

– 1 508

– 1 405

– 1 258

– 1 230

0

30 000

– 706

– 586

– 662

– 632

0

32 000

– 171

– 40

– 266

– 234

0

35 000

684

694

0

0

0

37 000

833

846

679

0

0

40 000

1 023

1 123

1 258

658

294

42 000

1 275

1 380

1 518

1 178

750

45 000

1 653

1 766

1 906

1 915

1 435

47 000

1 905

2 023

2 165

2 175

1 891

50 000

2 283

2 409

2 554

2 566

2 568

52 000

2 535

2 666

2 813

2 826

2 829

55 000

2 913

3 051

3 202

3 217

3 220

100 000

11 195

12 407

13 809

13 875

13 908

200 000

42 143

44 561

46 318

46 547

46 613

Source : commission des finances.

*

* *

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF 103 de M. Charles de Courson et l’amendement I-CF 163 de M. Nicolas Sansu.

M. Charles de Courson. Je propose de revaloriser les limites des tranches de l’impôt sur le revenu et de la décote du taux de l’inflation, soit 1 %.

M. Gaby Charroux. Notre amendement est un amendement de principe : nous souhaitons une plus grande progressivité de l’impôt.

Le même principe est aussi affirmé dans l’amendement I-CF 166 qui suit, visant à créer une nouvelle tranche d’imposition pour la fraction des revenus supérieure à 300 000 euros.

Mme la Rapporteure générale. Votre amendement, monsieur de Courson, vise à indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur le taux d’inflation prévu pour 2016. Or, le taux qui importe pour l’impôt sur le revenu est celui de l’année 2015, puisque ce sont les revenus de 2015 qui sont imposés. Par ailleurs, le présent article rehausse de 2,6 % les seuils de la décote, soit bien au-delà de l’inflation. Avis défavorable, donc.

Avis défavorable également à l’amendement I-CF 163. Plusieurs réformes ont déjà conduit à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, telles que la création de la tranche à 45 % et le plafonnement global des niches fiscales à 10 000 euros. En outre, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dite « surtaxe Fillon », continue de s’appliquer.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette également l’amendement I-CF 166 de M. Nicolas Sansu.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 65 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’impact des mesures affectant la base imposable de l’impôt sur le revenu, notamment en termes de concentration de celui-ci, qui est une préoccupation de notre groupe.

Mme la Rapporteure générale. Cette préoccupation est tout à fait légitime, mais il me semble inutile de multiplier les documents. Vous trouverez dans mon rapport des données, reprises en grande partie de celles fournies par le ministère des finances, qui vous éclaireront. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF 65.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 69 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport détaillant l’impact de l’aménagement du mécanisme de la décote. Un point en particulier nous intéresse : l’effet dissuasif sur l’augmentation d’activité – et non pas seulement sur la reprise d’activité – d’un taux de prélèvement marginal trop important.

Mme la Rapporteure générale. Je vous propose, monsieur le président, que nous répondions à ces questions dans mon rapport, et je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président Gilles Carrez. Je le retire, mais chacun doit être bien conscient que ce mécanisme appelle un éclairage particulier, car il est devenu l’instrument essentiel des réductions d’impôt sur le revenu.

L’amendement I-CF 69 est retiré.

La commission adopte l’article 2 sans modification.

*

* *

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement I-CF 74 de M. Laurent Grandguillaume.

Mme Christine Pires Beaune. À la suite des affaires qui ont récemment défrayé la chronique, nous entendons réagir à la pratique dite des « parachutes dorés ». Nous proposons de réduire de moitié l’avantage fiscal dont font l’objet les indemnités de départ : l’exonération fiscale des indemnités serait limitée à un montant fixé non plus à six fois, mais à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Mme la Rapporteure générale. Je partage votre objectif mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement n’atteint que partiellement sa cible. Je vous propose donc de le retirer afin de le réécrire avec vous en vue d’un dépôt en séance.

Mme Christine Pires Beaune. J’en suis d’accord.

M. Razzy Hammadi. Nous avons beaucoup travaillé sur ces questions avec Laurent Grandguillaume, et fait des propositions dans le cadre de la précédente loi de finances et de la loi bancaire. Le dispositif actuel comporte un trou, qui réduit l’efficacité des mesures que nous avons pu faire adopter auparavant. Je préférerais que nous adoptions dès maintenant cet amendement, quitte à le modifier en séance.

M. le président Gilles Carrez. Faites donc confiance à Mme la Rapporteure générale, monsieur Hammadi. La limitation à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, qui prévaut actuellement, est issue d’un amendement de Michel Bouvard que j’avais proposé de réécrire avec lui, et qui a été adopté en séance...

L’amendement I-CF 74 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 3 de M. Marc Le Fur et I-CF 125 de M. Charles de Courson, ainsi que l’amendement I-CF 126 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre amendement vise à revenir sur une mesure qui a eu des conséquences non négligeables pour 3,8 millions de contribuables : la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu trois enfants ou plus. Cette disposition a été ressentie par beaucoup non seulement comme une injustice, mais aussi comme un recul, et vos mesures de baisse de l’impôt sur le revenu ne compenseront pas la perte subie par tous.

M. Charles de Courson. Il ne faut pas oublier que ces majorations ont été conçues à l’origine comme la contrepartie d’un renoncement de mères de famille qui se retiraient temporairement du marché du travail, et qui ont aujourd’hui moins de droits à pension.

Nous aurions pu envisager un plafonnement de l’avantage fiscal, comme je le fais dans mon second amendement, qui est de repli, mais le supprimer totalement est d’une totale iniquité. Jusqu’à la fin de la législature, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants s’attachera à vous rappeler les erreurs et les injustices sociales que vous avez commises – je le dis à l’intention de Mme la Rapporteure générale qui ironise volontiers sur mes amendements…

Mme la Rapporteure générale. Je vous renvoie au tableau qui retrace l’évolution de l’impôt sur le revenu d’un retraité non concerné par la demi-part « vieux parents », mais ayant perçu ladite majoration de 10 %, ainsi que l’incidence des mesures de réduction d’impôt prévues par les lois de finances pour 2015 et 2016.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques I-CF 3 et I-CF 125, puis l’amendement I-CF 126.

Elle en vient à l’examen de l’amendement I-CF 4 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. La loi de finances pour 2014 a supprimé l’exonération d’impôt sur le revenu du salaire différé de l’hériter de l’exploitant agricole. Nous voulons rétablir cette disposition afin de ne plus pénaliser les aides familiaux.

Mme la Rapporteure générale. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer l’année dernière que la disposition que vous voulez rétablir concernait très peu de bénéficiaires. En outre, un dispositif transitoire a permis d’éviter que certaines personnes ne se retrouvent dans une situation difficile, tandis que le mécanisme de quotient pour revenus différés permet de limiter les effets de la mesure. Je renouvelle mon avis défavorable, madame Dalloz.

La commission rejette l’amendement I-CF 4.

Elle examine ensuite, en discussion commune les amendements identiques I-CF 5 de M. Marc Le Fur et I-CF 121 de M. Charles de Courson, ainsi que l’amendement I-CF 238 de Mme Marie-Christine Dalloz et l’amendement I-CF 122 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’associe mes collègues Laurent Wauquiez et Marc Le Fur à ces amendements qui visent à revenir – et nous le ferons inlassablement – sur la suppression de l’exonération des heures supplémentaires instaurée par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA). S’il est une mesure qui avait favorisé à la fois le pouvoir d’achat et l’activité, c’est bien celle-ci.

Las, ce gouvernement a choisi la voie d’une augmentation des impôts sans commune mesure avec ce que nous avons connu dans le passé. Il commence d’ailleurs à prendre la mesure des conséquences de ce matraquage, puisque cela fait deux années de suite qu’il s’efforce de faire sortir de l’imposition sur le revenu les contribuables les plus modestes.

Les Français ont le sentiment que vous jouez les apprentis sorciers en matière de fiscalité.

M. Charles de Courson. Jusqu’à la fin de la législature, nous redéposerons à chaque loi de finances ces amendements visant à rétablir une exonération qui était une mesure de pouvoir d’achat, une mesure d’encouragement concentrée sur les gens qui travaillent. Sa suppression a été une énorme erreur, une bonne partie des membres de la majorité le reconnaît d’ailleurs aujourd’hui.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà longuement débattu de cette question lors des précédentes lois de finances. Avantager les salariés qui font des heures supplémentaires revient à faire payer le coût de cet avantage fiscal à ceux qui n’en font pas, ce qui est injuste. Par ailleurs, je rappelle que 46 % de l’avantage fiscal bénéficiait à 20 % des ménages les plus favorisés.

Avis défavorable à ces quatre amendements.

M. Éric Alauzet. Je ne sais pas où sont les apprentis sorciers, en revanche je sais où sont les mystificateurs. Il y a une formidable contradiction à affirmer sur les plateaux de télévision, dans les meetings, dans l’hémicycle qu’il faut mettre à bas les 35 heures et, dans le même temps, à continuer de déposer ce genre d’amendements pour réclamer la défiscalisation des heures supplémentaires, lesquelles disparaîtraient avec la suppression de leur seuil de déclenchement.

M. Charles de Courson. Petite remarque, mon cher collègue : mon amendement I-CF 122 propose de réserver le rétablissement de l’exonération fiscale aux salariés gagnant moins de deux fois le SMIC. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un amendement pour les riches !

M. Éric Woerth. Marie-Christine Dalloz a bien raison de défendre un tel amendement. Je ne vois pas ce qu’il y a de paradoxal à cela. Nous raisonnons à périmètre constant et nous nous adaptons au cadre proposé par l’actuelle majorité. Nous voyons bien qu’elle n’est pas prête à aller plus loin.

Mme Monique Rabin. J’aimerais obtenir une précision technique, qui est aussi politique : quel montant faudrait-il emprunter pour couvrir les dépenses liées au rétablissement de ces exonérations ?

Mme la Rapporteure générale. Il me semble que ce serait de l’ordre de 4,5 milliards d’euros.

La commission rejette les amendements identiques I-CF 5 et I-CF 121 puis, successivement, les amendements I-CF 238 et I-CF 122.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF 6 de M. Marc Le Fur et I-CF 127 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre amendement vise également à revenir sur une disposition de la loi de finances pour 2014 : je veux parler de la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. Elle s’est traduite par une augmentation d’impôt pour 13,2 millions de salariés qui ne peuvent plus déduire de leur revenu imposable la part des contrats payée par leur employeur. Afin de soulager le pouvoir d’achat des salariés concernés, nous proposons tout simplement de revenir sur cette suppression.

M. Charles de Courson. Réintégrer la couverture complémentaire santé négociée avec les employeurs dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, voilà bien une mesure incompréhensible pour nos concitoyens. Et le même problème se pose pour la part non déductible de la CSG. Les gens me demandent souvent pourquoi ils sont taxés sur de l’argent qu’ils n’ont jamais touché. Savez-vous répondre à cette question, mes chers collègues ?

Cette mesure est antisociale, ce qui est un comble pour un parti qui prétend défendre les salariés : 76 % de ceux qui bénéficiaient de cette exonération ont été touchés. Elle est, en outre, contraire au dialogue social. Elle est, enfin, incompréhensible pour nos concitoyens qui s’étonnent de l’écart entre l’assiette de l’impôt et ce qu’ils touchent réellement, écart qui ne fait que s’accentuer d’année en année.

J’ai proposé maintes fois, pour rendre le dispositif compréhensible, que l’on résolve le problème de la CSG en la rendant entièrement déductible, quitte à en ajuster le taux. Personne ne veut le faire !

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable à ces amendements. Dans ma présentation liminaire, j’ai évoqué le cas d’un couple marié de salariés qui intègrent dans leur impôt sur le revenu l’avantage que vous visez. Il montre que, jusqu’à 47 000 euros de revenus, ils paieront moins d’impôt qu’en 2012.

M. Dominique Lefebvre. Charles de Courson passe son temps, comme ses amis politiques, à nous expliquer qu’il faut élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu, tout en faisant des propositions qui aboutissent à la miter.

Il passe également son temps à interpeller la majorité de gauche pour savoir pourquoi elle met en cause les déductions fiscales. Je vais lui dire pourquoi. C’est le mécanisme fiscal le plus injuste qui soit, puisqu’il s’appuie sur le taux marginal : plus le revenu est élevé, plus l’on bénéficie des effets de la déduction. C’est profondément anti-redistributif. Voilà pourquoi la gauche est opposée, de manière générale, aux déductions fiscales. Je rappelle qu’à sa création la CSG était non déductible. C’est une perversité de l’histoire que de l’avoir rendue déductible.

La commission rejette les amendements identiques I-CF 6 et I-CF 127.

Puis elle examine l’amendement I-CF 385 de la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à appliquer les conclusions du Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté.

Afin de ne pas accentuer la concentration de logements sociaux dans les quartiers où il en existe déjà beaucoup, nous proposons que l’abattement de 30 % sur l’imposition des plus-values réalisées lors de la vente d’un terrain destiné à la construction de logements sociaux ne s’applique pas dans les quartiers faisant l’objet d’un programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Mme la Rapporteure générale. Je ne doute pas que François Pupponi, président de l’ANRU, maîtrise parfaitement son sujet, mais ce n’est pas mon cas. Les amendements de la commission des affaires économiques ne nous ayant été transmis qu’hier soir, nous n’avons pas eu le temps de les examiner. Je vous propose donc de retirer votre amendement et que nous le réexaminions en séance publique.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous n’avons pas eu plus de temps que vous pour rédiger nos amendements…

L’amendement I-CF 385 est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF 70 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Lorsque deux époux font l’objet d’une imposition séparée parce qu’ils sont en instance de séparation, la pension versée par l’un à l’autre ne peut être prise en compte que si elle découle d’une décision de justice. Dans les cas où la séparation se déroule à l’amiable, il serait plus judicieux de se contenter d’un acte notarié. C’est une mesure de simplification qui ne devait pas avoir d’effet ravageur sur les finances publiques.

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement est plein de bon sens, mais je souhaite davantage d’éléments pour étayer ma décision.

L’amendement I-CF 70 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF 402 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement reprend un article de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Il s’agit de permettre que l’avantage fiscal dont bénéficient les monuments historiques s’applique à l’ensemble d’entre eux, y compris ceux détenus en copropriété inscrits à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques ou bénéficiant du label délivré par la Fondation du Patrimoine. Cette mesure, qui permet de financer des travaux de rénovation, avait été approuvée par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Mme la Rapporteure générale. Sans doute devriez-vous également préciser que la mesure en question avait été adoptée contre l’avis du Gouvernement… Je souhaite, cela étant, que, lorsqu’on adopte des dispositions fiscales, on en connaisse le coût.

Je propose donc que vous retiriez votre amendement et que nous fassions une évaluation précise de son coût, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je ne comprends pas ce que vient faire cet amendement dans le PLF, dans la mesure où l’Assemblée nationale a adopté hier un projet de loi sur le patrimoine, dans lequel il aurait été plus judicieux d’inscrire ce dispositif.

M. Charles de Courson. L’amendement fait référence aux copropriétés inscrites à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques ou bénéficiant du label délivré par la Fondation du Patrimoine. Je vous mets donc en garde contre le fait que, si nous adoptions cet amendement, un organisme privé pourrait définir l’assiette de l’impôt, ce qui ne me paraît pas constitutionnel.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cette mesure coûterait a priori 4 millions d’euros, ce qui correspond au montant des économies réalisées grâce à la modification du dispositif dans la loi de finances de l’an dernier.

Je précise en outre que les copropriétés inscrites à l’Inventaire ou qui bénéficient du label délivré par la Fondation du Patrimoine représentent les deux tiers des monuments historiques.

La commission rejette l’amendement I-CF 402.

Puis elle examine l’amendement I-CF 7 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. La loi de finances pour 2009 prévoyait que serait supprimée à partir de 2014 la demi-part supplémentaire accordée aux contribuables vivant seuls et n’ayant pas eu seuls la charge d’un enfant pendant au moins cinq ans. Nous proposons, par cet amendement de distinguer le cas, d’une part, des célibataires et des divorcés, dont la situation relève d’un choix personnel, et, d’autre part, des veufs.

M. le président Gilles Carrez. Il existe sur ce point une décision explicite du Conseil constitutionnel qui l’interdit.

Mme Marie-Christine Dalloz. Certes, mais nous souhaitons relancer le débat sur ce dispositif qui pénalise de nombreuses veuves ayant de faibles revenus.

M. Henri Emmanuelli. Vous ne manquez pas d’air, c’est vous qui l’avez supprimé !

Mme la Rapporteure générale. Je remercie le président d’avoir rappelé que, dans une décision du 30 décembre 1996, le Conseil constitutionnel a jugée inconstitutionnelle l’introduction d’une distinction entre célibataires, divorcés ou veufs, et je me désole que des députés de la Nation veuillent aller contre la Constitution. Je remercie également Henri Emmanuelli d’avoir rappelé que la suppression de cette demi-part avait été votée par la précédente majorité. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je rappelle que la demi-part n’a pas été entièrement supprimée puisque, suite à un amendement de votre humble serviteur, nous l’avons maintenue pour les personnes qui ont élevé seules au moins un enfant pendant cinq ans.

La commission rejette l’amendement I-CF 7.

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Article additionnel après l’article 2
Abaissement de la condition d’âge pour l’obtention par les anciens combattants d’une demi-part supplémentaire

La commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF 335 de M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. J’ai à plusieurs reprises proposé d’abaisser l’âge à partir duquel les anciens combattants peuvent bénéficier d’une demi-part supplémentaire, de 75 à 70 ans. Je me borne cette année, compte tenu de l’état de nos finances publiques, à proposer de l’abaisser à 74 ans.

On m’a opposé que cette mesure coûterait cher mais, vu le nombre décroissant chaque année d’anciens combattants, j’ai sincèrement peine à croire qu’elle constituerait pour nos finances une charge abusive. J’estime au contraire qu’il serait raisonnable de faire un geste envers ces combattants.

Mme la Rapporteure générale. La dépense fiscale associée à cette demi-part était en 2007 de 170 millions d’euros ; elle s’élève en 2016 à 550 millions d’euros, ce qui s’explique par le fait qu’en bénéficient désormais les générations ayant fait la guerre d’Algérie. Ne disposant pas du coût exact de cette proposition, je vous suggère de retirer votre amendement pour que nous tâchions de l’évaluer avant la discussion en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. Je voudrais à cette occasion souligner l’injustice que constitue le fait que, lorsqu’un ancien combattant décède à 74 ans, sa veuve ne peut prétendre à cette demi-part, à laquelle elle aurait eu droit s’il était mort à 75 ans révolus.

Mme la Rapporteure générale. C’est exact.

M. Razzy Hammadi. La dépense fiscale associée au programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant s’élève pour 2016 à 789 millions d’euros, contre 505 en 2013, ce qui peut donner un aperçu de l’évaluation que nous obtiendrons.

Par ailleurs, le PLF pour 2016 comporte déjà des mesures en faveur des anciens combattants, en étendant notamment rétroactivement le bénéfice de la « campagne double » aux soldats ayant participé à ce que l’on ne nomme plus les événements d’Algérie mais bien la guerre d’Algérie. Je sais les pressions qu’exercent certains lobbies sur la représentation nationale, pressions qui ont pour résultat le fait que certaines indemnités mensuelles versées sont supérieures au salaire moyen d’une infirmière, mais je suis pour que l’on en reste aux progrès que comporte déjà le PLF.

Mme Karine Berger. Razzy Hammadi a raison de rappeler tout ce qui a déjà été fait pour les anciens combattants. Je pense aussi que nous avons besoin d’une évaluation, laquelle pourrait ne pas être si élevée, dans la mesure où, la guerre d’Algérie s’étant achevée en 1962, cette mesure ne concerne plus que les dernières classes d’âge qui ont combattu là-bas. Je suis donc plutôt favorable à l’amendement de Dominique Baert, qui s’inscrirait comme un dernier geste envers ces anciens soldats.

M. Dominique Baert. Il ne faut pas tout confondre. Nous parlons ici non de l’aide différentielle, mais de la demi-part prise en compte dans le calcul de l’impôt sur le revenu, qui concerne également les veuves.

Par ailleurs je tiens à préciser à Razzy Hammadi que je ne suis soumis à aucune pression : voilà plus de dix ans que je dépose ces amendements ! Merci de m’en donner crédit.

Enfin, concernant l’évaluation chiffrée de cette mesure, compte tenu de la démographie, elle ne devrait pas excéder une dizaine de millions d’euros.

La commission adopte l’amendement I-CF 335.

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Après l’article 2

La commission en vient à l’amendement I-CF 91 de M. Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Je tiens avant tout à remercier Charles de Courson, puisque je viens d’apprendre que c’est grâce à lui que je bénéficie d’une demi-part supplémentaire pour avoir élevé des enfants seule, ce qui est profondément anormal compte tenu de mes revenus. Peut-être pourrions-nous assortir cette mesure d’une condition de revenus, et financer ainsi l’amendement que nous venons d’adopter.

M. le président Gilles Carrez. Proposez-le donc pour la séance publique !

Mme Christine Pires Beaune. Mon amendement va dans le sens de votre précédente observation, monsieur le président : je ne sais pour ma part expliquer à une veuve d’ancien combattant qui a perdu son mari âgé de 74 ans et dix mois qu’elle n’aura pas droit à la demi-part, alors que s’il avait vécu deux mois de plus, elle en aurait bénéficié. C’est un amendement de justice.

Mme la Rapporteure générale. J’entends parfaitement ces arguments, mais je m’en tiens au principe qui consiste à ne pas voter de mesure nouvelle sans une évaluation chiffrée. Je pense par ailleurs que cet amendement serait plus coûteux pour les finances publiques que celui de Dominique Baert. Je propose donc son retrait tant que l’on ne sait pas si son coût est de l’ordre de 10 ou de 100 millions d’euros.

M. le président Gilles Carrez. Selon moi, nous devrions être plus proches de la centaine de millions.

M. Charles de Courson. Pour en revenir à la demi-part accordée aux veuves, sans doute faudrait-il aussi l’assortir de conditions touchant à la durée du mariage !

M. Éric Alauzet. Je fais partie des rares députés qui n’ont pas voté l’amendement précédent. En revanche, je soutiens farouchement celui-ci. Certes, il faut trouver le bon équilibre entre le coût et la pertinence d’une mesure mais, en l’occurrence, cette affaire des 75 ans est parfaitement inexplicable et injustifiable. Je rappelle que l’ensemble des amendements proposés tout à l’heure par l’opposition doit allègrement se chiffrer à quelque 10 milliards d’euros…

L’amendement I-CF 91 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF 339 et I-CF 340 de M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. J’annonce d’emblée que je retirerai mes amendements, pour les redéposer en séance afin qu’ils y fassent l’objet d’un débat. Cela étant, ma proposition n’est pas nouvelle ; elle est soutenue depuis longtemps par des élus de toutes sensibilités politiques. Ce qui pourrait modifier les données du débat, c’est la volonté du Gouvernement d’avancer vite et fort sur la télédéclaration, ce qui lèverait l’obstacle technique qu’on oppose à l’instauration de cette contribution universelle.

Par ailleurs, je ne me positionne nullement, à ce stade de la réflexion, sur l’utilisation qui pourrait être faite de cette cotisation civique minimum obligatoire.

J’insiste également sur le fait que, même si beaucoup de foyers sont exonérés aujourd’hui de contribution à l’audiovisuel public – 136 euros –, il n’a pas choqué grand monde que l’on oblige parfois des foyers modestes à acquitter cette redevance qui n’est ni progressive ni proportionnelle. Quant à la CSG, payée par tous les Français, chacun sait qu’il s’agit, à la différence de l’impôt sur le revenu, d’un impôt affecté, en l’occurrence au financement de la sécurité sociale.

Quand on sait que dans certaines villes de Seine-Saint-Denis, sept habitants sur dix ne paient pas l’impôt sur le revenu, le débat sur cette contribution revêt certes des aspects fiscaux et budgétaires, mais il comporte avant tout des enjeux citoyens et républicains.

M. le président Gilles Carrez. Pouvez-vous nous préciser qu’il s’agit bien d’imposer les revenus par part en deça de 9 700 euros à hauteur de 0,01 % – ce qui donne au maximum 96 centimes d’euros – et non de 1 % ?

M. Razzy Hammadi. Il ne s’agit pas du taux mais de la définition de la tranche.

Mme la Rapporteure générale. Je rappelle que chaque Français acquitte la TVA, pour un montant total de 139 milliards d’euros par an, et que nos concitoyens s’acquittent également de la CSG, pour un montant total de 90 milliards d’euros par an. Accréditer l’idée que certains Français ne paieraient pas d’impôt me paraît donc dangereuse.

M. Pierre-Alain Muet. La France a cette particularité d’avoir deux impôts sur le revenu : l’impôt sur le revenu proprement dit, dont les recettes représentent 3,5 % du PIB, et la CSG, dont les recettes atteignent presque 5 % du PIB. En additionnant ces deux impôts, on obtient un total de 8,3 % du PIB, ce qui est proche des taux pratiqués dans les autres pays : 10 % aux États-Unis, 9 % en Allemagne, 9 %, entre 8,5 % et 9 % au Royaume-Uni. Arrêtons donc d’accréditer cette fiction que la moitié des Français ne paieraient pas l’impôt sur le revenu, alors que la moitié des plus modestes de nos concitoyens paient un impôt sur le revenu qui commence à 8 % en taux moyen, c’est-à-dire un taux bien supérieur à ce qui existe dans tous les autres pays.

Dans la réflexion que la gauche mène pour réunifier ces deux impôts, nous ne devons pas oublier qu’en 1959 Antoine Pinay a réunifié l’impôt progressif et les impôts dits cédulaires, ce qui nous a valu de ne plus avoir, jusqu’à la création de la CSG, qu’un seul impôt sur le revenu.

Quoi qu’il en soit, si l’idée d’un impôt citoyen est sympathique, elle ne doit pas nous faire perdre de vue que l’impôt sur le revenu qui produit le plus de recettes, c’est la CSG.

M. le président Gilles Carrez. Si vous vous livrez à des comparaisons internationales, notamment avec l’Allemagne, il convient d’intégrer dans vos calculs la part des cotisations salariales destinées à financer l’assurance maladie.

M. Pierre-Alain Muet. Certes, mais au Danemark ce sont la TVA et l’impôt sur le revenu qui financent toutes les prestations sociales. Dès lors qu’il s’agit de financer des prestations universelles, comparables à n’importe quelle dépense publique, il faut qu’elles soient financées par l’impôt – c’est d’ailleurs ce qui a conduit à la création de la CSG.

M. le président Gilles Carrez. Razzy Hammadi soulève ici un problème auquel de nombreux maires sont confrontés, à savoir l’importance du lien fiscal dans l’expérience de la citoyenneté. Il est vrai que le fait que certains ménages ne paient ni l’impôt sur le revenu ni la taxe d’habitation engendre des comportements qui posent problème, ce qui conduit en effet à penser qu’une contribution explicite ne peut que contribuer à renforcer le sentiment de citoyenneté. Il s’agit là d’un argument qui risque de structurer le débat que nous aurons sur le prélèvement à la source, qui concerne déjà la CSG, alors que l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation sont clairement identifiés comme des prélèvements du fait des avis que l’on reçoit et de ce que l’on verse au Trésor public.

M. Razzy Hammadi. La retenue à la source ne dispensera pas de faire une déclaration l’année suivante pour régularisation, ce qui conservera à l’impôt sur le revenu toute sa visibilité.

Quant à la question de la citoyenneté, je rappelle qu’aujourd’hui le travailleur saisonnier étranger paie la CSG et que le touriste acquitte la TVA. La dimension citoyenne de l’impôt sur le revenu est liée, elle, au fait qu’il est attaché à la résidence sur notre territoire.

Ma problématique n’est pas celle de l’injustice ou de la justice sociale, et je suis même prêt à ce qu’à terme tout ceci se solde par un jeu à somme nulle. Il n’en reste pas moins que chaque impôt a sa légitimité et qu’ils ne sont pas interchangeables. Fusionner en revanche l’impôt sur le revenu et la CSG, ainsi que le suggère Pierre-Alain Muet, va dans le sens de ce que je défends, notamment puisque cela implique un élargissement de l’assiette.

M. Charles de Courson. L’idée de Razzy Hammadi est certes sympathique, mais elle ne résiste malheureusement pas à une approche concrète des faits : avec un taux de 0,01 % certains ménages auront à s’acquitter d’un montant inférieur à quatre euros, ce qui est bien en dessous du seuil de recouvrement.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur de Courson, il a été précisé qu’on ne parlait pas ici du taux de l’imposition, et nous avons tous rectifié.

M. Charles de Courson. Quoi qu’il en soit, n’oublions pas les coûts de gestion que va générer une telle mesure, qu’il conviendrait plutôt adosser à la taxe d’habitation.

M. Olivier Carré. Le prélèvement à la source va à l’encontre de la volonté de rendre l’impôt tangible pour les citoyens.

M. Pascal Cherki. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que priorité doit être donnée aux économies budgétaires, mais la pertinence d’un impôt dont la perception coûtera davantage que ce qu’il rapportera mérite d’être discutée.

D’autre part, la CSG est aujourd’hui l’impôt direct le plus important, ce qui est problématique dans la mesure où il s’agit d’un impôt proportionnel et non progressif. Or, il me semble que la question de la citoyenneté ne peut être disjointe de celle de la progressivité de l’impôt. Il serait donc préférable de réfléchir à sa fusion avec l’impôt sur le revenu et d’envisager d’établir la progressivité du nouvel impôt.

M. Hervé Mariton. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un lien évident entre progressivité et citoyenneté. Je rappelle qu’il est inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme que l’impôt doit être acquitté « à raison » des capacités contributives, ce qui, dans le langage de l’époque, signifie « en proportion ».

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, la CSG n’est pas payée par la totalité des Français, tant s’en faut. Plusieurs millions de Français – 20 % selon Charles de Courson – n’y sont pas assujettis.

Enfin, il me semble que la déclaration préremplie, la télédéclaration et le télépaiement ne justifient plus que soit instauré un montant de prélèvement minimum de 61 euros, comme le prévoit l’article 1657 du code général des impôts. Supprimer le seuil de mise en recouvrement permettrait ainsi de répondre en partie à la préoccupation de Razzy Hammadi.

M. Alain Fauré. Quand un citoyen utilise des services publics ou qu’il constate les travaux en cours dans l’espace public, il n’est guère informé de l’origine de leur financement. En revanche, chacun sait qu’il contribue au financement de la dépense publique, qu’il s’agisse de services ou de prestations, ne serait-ce qu’en achetant son pain, sur lequel il acquitte un taux de 5,5 % de TVA. Nos débats de riches laisseraient pantois nombre de Français qui ont du mal à se nourrir. Nous devrions donc faire preuve d’un peu plus de décence.

M. Dominique Lefebvre. La vie politique est pavée de bons sentiments, dont il convient de se méfier car ils sont rarement conformes à la réalité. En l’espèce, les amendements défendus par Razzy Hammadi sont motivés par l’idée qu’un certain nombre de Français ne paieraient pas l’impôt. Or c’est faux, tout comme est fausse l’idée que serait mal perçue la contribution fiscale de chacun au financement des charges publiques, ce qui revient à dire qu’il y aurait un bon impôt, celui qui est identifié lorsque l’on signe son chèque au Trésor public, et un mauvais impôt, celui qui est indirect ou prélevé à la source.

Quant aux classes moyennes et supérieures, qui ont le sentiment de payer davantage que ce qu’elles reçoivent en retour, elles se trompent également. Un couple avec deux enfants qui paie la taxe d’habitation et la taxe foncière à Cergy-Pontoise est ainsi plus que remboursé de sa contribution dès lors qu’il inscrit ses deux enfants au conservatoire municipal !

Il n’est donc pas responsable d’alimenter ces confusions en posant mal les problèmes, d’autant qu’il s’agit de questions fort anxiogènes pour nos compatriotes. J’aimerais donc que la majorité se concentre sur le fait que nous baissons les impôts de manière équitable en privilégiant les contribuables relevant des premières tranches, auxquels d’importants efforts ont déjà été demandés. Pour les tranches supérieures, qui ne bénéficient pas de cette baisse, nous considérons, malgré les reproches de l’opposition, que leur capacité à supporter les efforts reste aujourd’hui plus importante.

M. Laurent Grandguillaume. En lieu et place de ce débat, certes intéressant, nous pourrions nous donner pour priorité de réformer les valeurs locatives cadastrales et remédier ainsi aux inégalités qui affectent les contribuables. Nous pourrions également réformer la cotisation foncière des entreprises, taxe forfaitaire à laquelle sont injustement assujettis des micro-entrepreneurs, qui, par leur travail, leurs efforts et leur mérite créent pourtant des richesses.

Les voies de réforme de la fiscalité sont nombreuses et peuvent longtemps alimenter nos débats. Mieux vaut faire preuve de pragmatisme et modifier à travers cette loi de finances certains dispositifs injustes et contreproductifs en termes de création de richesses.

Les amendements I-CF 339 et I-CF 340 sont retirés.

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF205 et I-CF206 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le dispositif visant à inciter les citoyens à investir dans les PME au travers d’une réduction d’impôt a été instauré de manière consensuelle. Ces amendements proposent de rendre éligibles à cet avantage fiscal les parts de groupements fonciers agricoles (GFA), groupements qui facilitent l’installation des agriculteurs en allégeant le poids du foncier. Une exploitation agricole peut, en effet, être assimilée à une petite ou moyenne entreprise.

Mme la Rapporteure générale. Je regrette que Charles de Courson n’aime pas les additions… Les parts de GFA font l’objet d’une double exonération : à hauteur de 75 % dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, en cas de transmission, à hauteur de 75 % dans l’assiette des droits de mutation. Je comprends que, par cet amendement, vous cherchez à favoriser les nouveaux entrants dans les GFA.

J’ai demandé le 17 juillet au ministère un bilan global des dispositifs existants en matière de fiscalité agricole. Je ne l’ai pas encore reçu, je ne désespère pas, mais, en attendant, j’émets un avis défavorable à ce nouvel avantage fiscal qui vient s’ajouter à ceux que j’ai cités.

M. Charles de Courson. Votre argument vaut également pour les PME. Mon intention est de rendre le dispositif homogène, ni plus, ni moins.

La commission rejette successivement les deux amendements I-CF 205 et I-CF 206.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF 8 de M. Marc Le Fur et I-CF 239 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’emploi d’une personne à domicile ouvre droit à une réduction d’impôt pour ceux qui paient l’impôt sur le revenu et à un crédit d’impôt pour certains de ceux qui ne sont pas imposables. Or, les retraités sont exclus du bénéfice de ce dernier alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à avoir besoin d’aide à domicile. Dans un souci de justice, cet amendement vise à mettre fin à cette distorsion.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons débattu à plusieurs reprises de cette proposition, dont le coût s’élève environ à 2 milliards d’euros. Avis défavorable.

M. Hervé Mariton. Historiquement, une réduction d’impôt a d’abord été instaurée pour l’emploi de salariés à domicile avant d’être complétée par un crédit d’impôt pour certaines catégories de contribuables.

La logique qui a présidé à la création de cette réduction d’impôt demeure, on peut le regretter : pour rendre acceptable un impôt très lourd et concentré, des allégements doivent être consentis. En transformant la réduction d’impôt en crédit d’impôt, vous vous écartez de cette logique. C’est la raison pour laquelle le crédit d’impôt est réservé à certains emplois et à certaines catégories.

M. le président Gilles Carrez. Je partage le point de vue d’Hervé Mariton dans ce débat qui nous occupe depuis des années. J’ajoute que les personnes non imposables retraitées peuvent bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

M. Jean-Louis Gagnaire. Je suis très sensible à ce débat. Les structures d’aide à domicile me l’ont confirmé : certaines personnes, qui ne sont plus assujetties à l’impôt sur le revenu à la faveur des mesures prises depuis 2014, ne font plus appel à leurs services.

J’ai retenu de notre discussion précédente que les retraités ont les mêmes devoirs fiscaux que les actifs. Je considère par conséquent qu’ils ont aussi les mêmes droits. Je crains que la rupture d’égalité entre actifs et retraités – qui pouvaient se justifier autrefois lorsque les retraités bénéficiaient de certains avantages mais ce n’est plus le cas aujourd’hui – ne pose un problème de constitutionnalité.

Christian Eckert, avant d’être ministre, était assez favorable à cette mesure. Il nous objecte aujourd’hui son coût, mais j’ai quelques doutes sur le chiffrage sur lequel il s’appuie. La réduction du plafond proposée mérite aussi d’être évaluée, tout comme les gains en termes d’emplois et de cotisations.

Quant à l’APA, elle n’est pas une solution pour les personnes qui ne sont pas dépendantes mais qui ont besoin de quelques heures d’aide à domicile.

Un certain nombre de retraités devenant non imposables, le phénomène d’éviction que vise à combattre cet amendement risque d’être de plus en plus important, et l’on ne peut opposer pour seule réponse à l’argument de la rupture d’égalité le coût budgétaire de la proposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. La sortie de l’impôt d’un certain nombre de contribuables aura un impact sur l’emploi à domicile. La distorsion qui existe aujourd’hui, si elle n’est pas corrigée, risque de favoriser le travail non déclaré et de mettre à mal les structures d’aide à domicile qui emploient du personnel peu qualifié dans nos territoires.

Dans le Jura, l’État rembourse 37,5 % des dépenses de l’APA, 62,5 % restant donc à la charge du département. Comment peut-on continuer ainsi ? Les départements seront bientôt exsangues. Mais l’État persiste à se défausser.

Mme Karine Berger. Madame la Rapporteure générale, il serait peut-être utile de disposer, pour la séance, d’une répartition par tranche d’imposition des bénéficiaires de l’avantage fiscal lié à l’emploi à domicile. Les chiffres non officiels que j’ai pu consulter montrent que les premières tranches d’imposition ne recourent presque pas à la réduction d’impôt. Des données de la part de Bercy seraient le meilleur moyen de clore ce débat.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il ne faut pas craindre, me semble-t-il, une demande massive. La mesure s’appliquera très progressivement, les personnes concernées ayant besoin d’en prendre connaissance et de s’approprier son fonctionnement très complexe.

Les chiffres sont à revoir, j’en conviens. D’où tirez-vous celui de 2 milliards d’euros ? Je ne serais pas choqué qu’on abaisse le plafond pour compenser le coût de la mesure. Ce serait faire œuvre de justice.

Mme la Rapporteure générale. Sur cette question importante, je vais essayer de vous présenter des chiffres pour la séance. Certains figurent dans le rapport de décembre 2014 de Martine Pinville et Bérengère Poletti réalisé dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle, mais ils sont incomplets.

M. Dominique Lefebvre. Le débat comporte deux termes : le coût du travail et la solvabilisation des ménages. Dès lors que les salaires des personnes employées se situent entre 1 et 1,2 fois le SMIC, le coût des charges patronales est quasiment effacé pour les particuliers employeurs.

Une fois l’objectif de solvabilisation atteint, il faut s’assurer que, comme pour d’autres aides, le dispositif n’aboutisse pas à une augmentation des salaires versés.

Le système est très compliqué, mais il doit être équitable. Il ne le serait probablement pas sans le crédit d’impôt. Il faut toutefois être prudent sur les critères choisis, sans quoi l’on risque d’enclencher un cycle infernal dès lors, encore une fois, qu’on a effacé les charges sociales pour les employeurs particuliers.

M. Hervé Mariton. On touche là les limites de la logique fiscale de la majorité, qui décide d’exonérer plus de contribuables de l’impôt sur le revenu et s’inquiète dans le même temps de la disparition de la réduction d’impôt pour les emplois à domicile qui en résulte. Si elle tient absolument à maintenir cet avantage, peut-être doit-elle revoir sa réforme fiscale…

La commission rejette les amendements I-CF 8 et I-CF 239.

Puis elle aborde les amendements identiques I-CF 134 de M. Charles de Courson et I-CF289 de M. Éric Alauzet.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de coordination. Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement instaure un système d’autorisation des organismes de services à domicile pour les personnes fragiles. Or, le code général des impôts ignore la notion de services à la personne autorisés. En l’absence de coordination, les contribuables recourant à des services déclarés ou agréés seraient ainsi privés de l’avantage fiscal alors qu’ils y sont éligibles.

L’attention de plusieurs d’entre nous a été attirée sur ce point par les associations intervenant dans ce domaine.

M. Éric Alauzet. L’article 32 bis du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement a pour conséquence de supprimer, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, le bénéfice des avantages fiscaux attachés aux activités de services à la personne, qui passent du régime de l’agrément à celui de l’autorisation.

Il convient de maintenir l’avantage existant, qui menace de disparaître par accident.

Mme la Rapporteure générale. Je suis d’accord avec Charles de Courson et Éric Alauzet sur le fond. Toutefois, l’entrée en vigueur de la disposition que vous visez n’est prévue qu’en 2021. En outre, le projet de loi en question est encore en navette. Je reconnais leur sens aigu de l’anticipation. Mais il ne faut pas confondre anticipation et précipitation. Il est préférable d’attendre de connaître le texte définitif pour remédier au problème. Je vous propose donc de retirer vos amendements.

M. Charles de Courson. Je retire le mien et le redéposerai en vue de la séance afin d’obtenir un engagement du ministre.

Les amendements I-CF 134 et I-CF 289 sont retirés.

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Article additionnel après l’article 2
Prorogation de la réduction d’impôt pour les dépenses de restauration d’un immeuble dans les quartiers visés par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés

La commission examine l’amendement I-CF 407 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement a un double objet : d’une part, prolonger jusqu’en 2017 le dispositif de réduction d’impôt pour les dépenses de restauration dans les quartiers visés par le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), qui vient lui-même d’être prolongé, d’autre part, étendre cette réduction d’impôt aux quartiers visés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Mme la Rapporteure générale. Votre amendement propose une prorogation du dispositif existant et ouvre un nouveau droit. Il me semble qu’il aurait davantage sa place en seconde partie puisqu’il n’est pas d’application immédiate.

En outre, nous ne disposons pas d’une évaluation du coût de la mesure nouvelle que vous proposez pour les quartiers visés par le nouveau programme national de renouvellement urbain.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit de maintenir le dispositif en cours, sur la base duquel des projets ont été validés.

M. Charles de Courson. Un compromis pourrait être trouvé en conservant les deux premiers alinéas de l’amendement, à savoir la prorogation du dispositif existant jusqu’en 2017.

Mme la Rapporteure générale. Le 2° de l’amendement ouvre droit à une dépense fiscale au titre des revenus de 2015 pour des investissements qui n’ont pas pu, par définition, encore être réalisés. C’est la raison pour laquelle je suggérais de le renvoyer à la seconde partie de la loi de finances.

M. Dominique Baert. Je propose de rectifier l’amendement en supprimant la partie de l’amendement relative aux quartiers relevant du programme national de renouvellement urbain.

Mme la Rapporteure générale. Cette mesure nouvelle a en effet vocation à figurer en seconde partie. J’accepte la rectification proposée.

La commission adopte l’amendement I-CF 407 ainsi rectifié.

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Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement I-CF 410 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Les dispositifs d’investissement locatif reposent sur l’engagement de louer pendant une période donnée, un logement dont le loyer est plafonné. Toutefois, la location à des descendants ou ascendants est autorisée. Cet amendement propose de ne pas prendre en compte la durée de location à un descendant au sein de la période sur laquelle l’investisseur s’est engagé. Ce dernier est ainsi contraint de louer à un tiers pendant une durée minimale.

M. Christophe Caresche. Nous avons eu de longs débats lors de la mise en place du dispositif « Pinel », sur lesquels il ne semble pas opportun de revenir : il connaît un net succès, et un certain nombre d’opérations sont en cours de lancement. Ce serait un très mauvais signal adressé aux investisseurs que de le modifier dans le sens que vous proposez.

M. le président Gilles Carrez. J’approuve entièrement les propos de Christophe Caresche. Alors que la reprise de l’investissement est très fragile, la question de la visibilité des dispositifs d’investissement locatif est essentielle. C’est leur instabilité qui explique les très mauvais résultats en matière de construction de logements neufs ces dernières années. La prudence commande de s’en tenir aux dispositions adoptées l’an dernier, après de longs débats.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la commission rejette l’amendement I-CF 410.

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Article additionnel après l’article 2
Abrogation de la condition de mixité des programmes immobiliers pour bénéficier du dispositif d’investissement locatif

La commission examine l’amendement I-CF 167 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Cet amendement tend à aménager légèrement le dispositif « Pinel », afin d’encourager la construction, en supprimant la condition de mixité des programmes immobiliers. Selon les professionnels que nous avons reçus, certaines opérations peinent à aboutir car cette condition serait compliquée à satisfaire.

Mme la Rapporteure générale. La disposition que vous proposez de supprimer n’a jusqu’à présent pas fait l’objet de décrets d’application. Mes interlocuteurs m’ont également fait part des difficultés pratiques que vous évoquez. J’émets donc un avis plutôt favorable à votre amendement.

M. le président Gilles Carrez. J’approuve cet amendement. En zone tendue, on éprouve de grandes difficultés à mettre au point ce type de montage. La condition qui est imposée freine la construction.

Mme Karine Berger. Nous n’avons probablement pas les mêmes interlocuteurs. J’ai rencontré un promoteur qui a insisté sur la nécessité de conserver la condition de mixité qui, selon lui, serait le seul moyen d’intégrer du logement intermédiaire dans les programmes. Je suis très défavorable à cet amendement.

M. Christophe Caresche. Dans le dispositif actuel, la construction est conditionnée à l’existence dans le même immeuble de logements qui ne bénéficient pas du dispositif « Pinel », y compris du logement libre. Il s’agit bien de favoriser la construction de logements intermédiaires, en aucun cas de la contraindre.

M. le président Gilles Carrez. En zone tendue, on rencontre les pires difficultés pour développer une offre de logement intermédiaire. Il faut absolument supprimer les dispositions qui entravent la construction de ce type de logement.

Ce problème, j’en conviens, madame Berger, est spécifique aux zones très tendues dans lesquelles il existe un gouffre entre le logement social et le logement privé. Nous ne sommes pas capables de proposer une offre intermédiaire.

M. Hervé Mariton. Une partie de l’offre de logement en France est conditionnée par les avantages fiscaux qui y sont attachés.

La disposition que vous proposez de supprimer présente l’intérêt de déconnecter les programmes immobiliers de l’incitation fiscale alors que l’offre de logement est « droguée » à la fiscalité. Mais, je vous le concède, la situation diffère selon les zones. Dans certaines d’entre elles, elle peut avoir pour effet d’assécher toutes les initiatives qui n’entrent pas dans le cadre du « dispositif Pinel ».

M. le président Gilles Carrez. On se heurte toujours au même problème : des règles générales sont définies pour l’ensemble de la France alors que le loyer dans le parc privé à Cahors est moins élevé que le loyer dans le parc social au Perreux. La politique en matière de logement ne peut pas être la même sur tout le territoire.

Mme Karine Berger. Mon interlocuteur m’entretenait de la situation à Marseille. Selon lui, si les programmes ne comportent pas autre chose que du logement intermédiaire, ils ne se font pas. C’est un problème d’attractivité pour l’ensemble des partenaires, et en particulier pour la ville.

Mme la Rapporteure générale. Si le décret d’application n’est jamais sorti, c’est bien la preuve que les discussions sont compliquées et qu’aucune solution n’a été trouvée à ce jour.

J’ajoute que la suppression de cette condition n’interdit pas la mixité « programmatique », simplement elle ne l’impose pas.

M. Christophe Caresche. Le problème auquel nous sommes confrontés est le suivant : certaines opérations n’aboutissent pas car les opérateurs ne parviennent pas à remplir la condition de mixité. Nous avons intérêt à veiller à la lisibilité des dispositifs car, à force de complexifier, les opérateurs ne suivent plus.

M. Alain Fauré. Ce point ne peut-il pas être examiné dans le cadre du suivi de l’application de la loi ?

M. Dominique Lefebvre. Le logement intermédiaire est destiné aux ménages qui ne peuvent accéder ni au logement social, ni au marché locatif privé, ni à la propriété.

À Cergy, dans le logement social, le loyer est environ de 7 euros le mètre carré, tandis qu’il est entre 16 et 18 euros dans le secteur libre. Entre les deux, les ménages ne trouvent aucun logement.

Le logement intermédiaire est difficile à produire parce que les investisseurs rechignent, faute de réussir à louer facilement les logements ensuite – les loyers s’élèvent à 800 euros pour un F3, contre 1 200 euros dans le privé, ce qui est beaucoup pour des gens qui n’ont pas d’aide au logement. Je soutiens l’amendement de Christophe Caresche. En imposant une condition trop rigoureuse, on ne facilite pas les choses. Néanmoins, il faut permettre au promoteur de mutualiser les risques en lui laissant la possibilité d’inclure du logement locatif privé dans son opération. En revanche, si vous lui imposez de faire du logement locatif social, il ne suivra pas. C’est sans doute pour cela que le décret n’est jamais sorti.

M. le président Gilles Carrez. Je constate la même chose dans ma commune mais le montant des loyers est supérieur de 200 euros – et de 300 ou 400 euros à Paris.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cela fait deux ans que nous débattons du logement intermédiaire. Des doutes avaient été émis dès le départ, et il s’avère que cela ne fonctionne pas. Les quelques grands promoteurs et bailleurs sociaux qui ont vendu cette idée devraient s’interroger.

Construire du logement social s’avère compliqué mais, dans certaines communes, c’est indispensable. En revenant sur l’obligation de construire du logement social, à côté du logement intermédiaire, on remet en cause l’équilibre requis. Nous avions proposé l’année dernière d’imposer la construction de logement social non pas dans l’ensemble immobilier, mais sur le territoire de la commune.

Il faut assouplir les règles sans revenir sur celle qui oblige à construire du logement social en même temps que de l’intermédiaire.

M. le président Gilles Carrez. Ce n’est pas le sujet de l’amendement.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je veux répondre à Dominique Lefebvre qu’il faut être attentif à la mixité. Ceux qui portent les projets de logement intermédiaire ont ostracisé certaines communes qui n’étaient pas suffisamment intéressantes à leurs yeux, en particulier les plus défavorisées. Je peux d’autant moins l’admettre que 2 milliards d’euros de fonds publics y sont consacrés.

M. Jean-Louis Dumont. Les opérations de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), qui visent à la production aussi bien de logements en accession à la propriété que de logements locatifs intermédiaires, n’ont bien fonctionné au cours de ces dernières années que parce que les opérateurs investissaient : elles ont représenté 30 % des opérations menées en Île-de-France, 40 % des opérations conduites à Paris et 60 % des programmes de la métropole lyonnaise. Il conviendrait donc que nous redéposions en seconde partie du PLF des amendements permettant de monter des opérations correspondant à l’ensemble des besoins. Aujourd’hui, du fait des difficultés financières que nous connaissons, on réalise moins d’opérations d’accession à la propriété – qu’elle soit sociale ou libre. Peut-être serait-il temps de construire davantage de logements locatifs, ce qui pourrait redynamiser l’accession par la suite. Si l’on souhaite que le nombre de logements sociaux corresponde à l’ensemble des besoins, il convient de s’en donner les moyens. Quant à savoir si l’amendement de Christophe Caresche le permet, c’est à notre assemblée de le déterminer.

La commission adopte l’amendement I-CF 167.

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Après l’article 2

La commission examine l’amendement I-CF 280 de M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement d’appel revient sur une discussion que nous avons eue lors de notre précédent débat budgétaire concernant le financement des partis politiques. Il vise notamment un cas particulier ayant conduit le groupe socialiste, républicain et citoyen à demander la création d’une commission d’enquête sur le financement de certains partis politiques par des prêts bancaires en provenance de pays étrangers situés hors de la zone euro. Tout en conservant l’esprit de la loi en vigueur, rappelé dans notre exposé sommaire, nous proposons de faire en sorte que le don d’un particulier à un parti politique financé par des prêts étrangers ne puisse pas ouvrir droit à une réduction d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Mieux vaudrait d’abord saisir la Commission nationale des comptes de campagne afin qu’elle définisse un règlement interdisant le financement des partis par le biais d’emprunts à l’étranger – l’outil fiscal ne me paraissant pas le moyen le plus approprié pour atteindre cet objectif. D’autre part, l’adoption de cet amendement en première partie du projet de loi de finances priverait certains donateurs aux partis politiques de l’avantage fiscal dont ils pourraient bénéficier au titre de l’impôt sur le revenu de 2015. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas de tendresse particulière pour M. Poutine, mais soyons prudents : il existe, symétriquement, des mouvements politiques, en Russie et à Hong Kong par exemple, qui vivent en grande partie grâce à des financements étrangers. Si l’on considère comme totalement illégitime a priori tout financement étranger de partis politiques, cet argument risque d’être utilisé dans des pays moins amis de la démocratie que le nôtre, ce qui me paraît fort délicat.

M. Christophe Premat. Outre la question de l’opportunité de cet avantage fiscal, cet amendement présente des difficultés : en 2013, le Conseil constitutionnel a invalidé l’élection de deux députées des Français de l’étranger, entre autres au motif que des transferts d’argent avaient été effectués au profit de l’une d’elles ayant souscrit un emprunt auprès d’une banque américaine, et ce parce qu’elle ne pouvait régler certains frais de campagne avec une carte bancaire française. Ce point avait pourtant été signalé par son trésorier de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne. Par ailleurs, certaines diasporas participent à notre vie politique en dehors de notre territoire.

Je comprends l’objectif de l’amendement, mais les campagnes électorales sont suffisamment compliquées à mener à l’étranger pour que nous n’y ajoutions pas un obstacle supplémentaire. La Commission nationale des comptes de campagne peut très bien exiger un justificatif de remboursement des prêts contractés auprès de banques étrangères.

M. Charles de Courson. Tout d’abord, monsieur Hammadi, vous semblez confondre les partis politiques, visés dans l’amendement, et les candidats aux élections, visés dans l’exposé sommaire, qui cite l’article L. 52-8 du code électoral.

Ensuite, l’amendement s’appuie sur l’hypothèse implicite d’un lien de dépendance politique entre le gouvernement et les établissements financiers de certains pays étrangers, ce qui est tout à fait inexact. Qu’un parti s’endette auprès d’une banque allemande ou belge au lieu d’une banque française, je ne vois pas où est le problème.

Enfin, tel que rédigé, l’amendement empêche un donateur qui s’endetterait auprès d’une filiale de banque française à l’étranger de bénéficier de l’avantage fiscal ici visé. C’est pourquoi cet amendement n’est pas opérant.

D’autre part, il s’agit d’un amendement ad hominem – ou ad mulierem – visant le Front national, parti qui n’est pas interdit en France. Cette proposition est politiquement contre-productive, car si elle est adoptée, les responsables de ce parti ne manqueront pas d’arguer qu’ils sont victimes de discriminations.

M. Razzy Hammadi. Je retire mon amendement, compte tenu du fait qu’il trouverait mieux sa place en seconde partie du projet de loi de finances. Notez cependant, monsieur de Courson, que cet amendement ne concerne que les établissements bancaires situés dans des pays hors de la zone euro.

Enfin, madame la Rapporteure générale, j’observe que la Commission nationale des comptes de campagne ne peut aujourd’hui être alertée, dans le cas où un prêt ne serait jamais remboursé par le parti politique et constituerait donc un apport en nature de la part d’une personnalité physique ou morale étrangère – ce qu’interdit la loi en vigueur –, que par l’établissement prêteur.

L’amendement I-CF 280 est retiré.

Puis la commission examine l’amendement I-CF 72 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement est inspiré par le rapport d’information d’Olivier Carré et de Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme. Il vise à placer la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin » non plus sous le plafond général de 10 000 euros, mais sous le plafond de 18 000 euros.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable dans la mesure où nous avons décidé d’abaisser ce plafond applicable à la plupart des avantages fiscaux. À force d’introduire des exceptions, nous viderions cette décision de sa substance.

M. Dominique Lefebvre. Lors de la séance de présentation de ce rapport d’information, que j’ai eu l’honneur de présider, notre collègue Jean-Claude Fruteau a indiqué que si nous créions un plafonnement spécifique pour ce dispositif « Madelin », cela risquerait de désavantager les investissements en outre-mer. Je vous accorde que l’abaissement du niveau global du plafonnement peut soulever des questions, alors même que la réduction d’impôt au titre du dispositif « Malraux » est désormais hors plafond global, et que le dispositif de souscription au capital de sociétés de financement d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA) est placé sous le plafond spécifique de 18 000 euros. Mais une fois que l’on ouvre la boîte de Pandore, on ne s’en sort plus. Je suis donc moi aussi défavorable à cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Je présenterai donc en séance un amendement relatif aux SOFICA…

La commission rejette l’amendement I-CF 72.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 124 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à remédier à la forte diminution du nombre d’heures déclarées dans le secteur des services d’aide à domicile. À ces heures se substitue pour partie aujourd’hui le travail au noir. De plus, les conseils départementaux, qui sont en situation difficile, ont durci les conditions d’accès à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) : certains d’entre eux, financièrement étranglés, ont réduit de 10 %, voire de 20 %, le nombre d’heures accordées, par rapport à l’évaluation initialement effectuée par les médecins.

Autre phénomène auquel on assiste : la réorientation de l’emploi des fonds d’action sanitaire et sociale des caisses de retraite de base et complémentaires.

L’ensemble de ces facteurs entraîne une forte réduction du nombre d’heures déclarées. Il est donc proposé de rehausser le plafond global applicable à la réduction d’impôt au titre de l’emploi de salariés à domicile à 18 000 euros, soit au niveau en vigueur avant le 1er janvier 2013.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà eu ce débat. Le placement sous le plafond à 10 000 euros de la réduction d’impôt permet déjà de couvrir un volume horaire important. Je propose donc que nous en restions là.

La commission rejette l’amendement I-CF 124.

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Article 3
Abaissement du seuil de soumission à la TVA en France
pour les ventes à distance

Cet article abaisse de 100 000 à 35 000 euros, à partir de 2016, le seuil de chiffre d’affaires annuel à partir duquel la vente à distance de biens en provenance d’autres États membres de l’Union européenne doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en France.

En application du I de l’article 258 du code général des impôts (CGI), les livraisons de biens qui nécessitent une expédition ou un transport à destination de leur acquéreur ne sont actuellement soumises à la TVA en France que si le lieu de départ du bien se trouve en France ou hors de l’Union européenne (bien importés). À l’inverse, si le bien livré en France provient d’un autre État membre de l’Union européenne, il n’est pas soumis à la TVA en France, mais dans l’État membre d’où il provient.

L’article 258 B du même code prévoit, toutefois, une dérogation limitée à ce principe pour certaines ventes à distance, conformément aux articles 33 et 34 de la « directive TVA » (44) : ainsi, est soumise à la TVA en France la vente, à une personne elle-même non redevable de la TVA (45), de biens meubles corporels « expédiés ou transportés en France à partir d’un autre État membre de la Communauté européenne, par le vendeur ou pour son compte », dans deux hypothèses :

– si le montant de ces ventes à distance effectuées par le vendeur en direction de la France a dépassé 100 000 euros (hors TVA) pendant l’année civile de la livraison ou celle qui a précédé ;

– si le vendeur a, indépendamment de son chiffre d’affaires, choisi dans l’État membre où il est établi, que ces livraisons devaient être considérées comme ayant eu lieu sur le territoire français.

Ces critères ne sont toutefois pas applicables aux ventes à distance à des particuliers d’alcools, huiles minérales ou tabacs, qui sont toujours soumises à la TVA en France. Elles ne le sont pas non plus aux livraisons de moyens de transport neufs, ni aux livraisons intracommunautaires de biens d’occasion, œuvres d’art, objets de collection ou antiquités, effectuées par des assujettis-revendeurs – ces opérations étant soumises respectivement, au régime prévu par l’article 138 de la directive TVA et à celui de la marge bénéficiaire prévu par ses articles 312 à 325.

Par conséquent, sous réserve des règles dérogatoires applicables à ces produits particuliers, les ventes à distance provenant d’un autre État membre peuvent actuellement échapper à la TVA française lorsque le chiffre d’affaires annuel du vendeur pour ces activités est resté inférieur à 100 000 euros.

Or, l’article 34 de la directive TVA (voir IV) autorise les États membres à fixer ce seuil à 100 000 euros où à 35 000 euros. Sans être isolée sur ce point au sein de l’Union européenne, la France fait partie, avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Luxembourg, des rares États dans lesquels le seuil est situé à 100 000 euros ou proche de ce niveau (46). Les vingt-trois autres États membres ont opté le plus souvent pour un seuil égal à 35 000 euros, ou encore pour un seuil encore inférieur (cas de la Roumanie) ou voisin de 40 000 euros (cas de la Pologne et de la République tchèque).

SEUILS DE CHIFFRE D’AFFAIRES AU-DELÀ DESQUELS LES VENTES À DISTANCE DE BIENS SONT SOUMISES À LA TVA DE L’ÉTAT MEMBRE DE DESTINATION

État membre

Seuil de soumission à la TVA

(en euros)

Allemagne

100 000

Autriche

35 000

Belgique

35 000

Bulgarie

35 791

Chypre

35 000

Croatie

35 621

Danemark

37 498

Espagne

35 000

Estonie

35 000

Finlande

35 000

France

100 000

Grèce

35 000

Hongrie

35 000

Irlande

35 000

Italie

35 000

Lettonie

35 000

Lituanie

35 000

Luxembourg

100 000

Malte

35 000

Pays-Bas

100 000

Pologne

39 822

Portugal

35 000

République tchèque

41 583

Roumanie

26 700

Royaume-Uni

97 656

Slovaquie

35 000

Slovénie

35 000

Suède

34 366

Source : évaluation préalable des articles jointe au projet de loi de finances pour 2016.

Le nombre de personnes déclarant la TVA en France dans le cadre de ventes à distance effectuées à partir d’un autre État membre de l’Union européenne tend à progresser, tout en restant limité : ce nombre est passé de 422 en 2012 à 834 en 2014. De même, les recettes de TVA perçues par l’État à ce titre ont augmenté, passant de 167,2 millions d’euros en 2012 à 293,8 millions d’euros en 2014, ce qui reflète avant tout le dynamisme du commerce en ligne.

Cette évolution favorable devrait se poursuivre aussi grâce à l’élargissement du droit de communication décidé au profit de l’administration fiscale à l’égard des opérateurs de téléphonie et d’internet, décidé dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 (47). Ce changement a, en outre, été complété depuis lors par trois actes réglementaires pris, le 16 juillet dernier (48), pour renforcer les moyens de contrôle de l’administration fiscale vis-à-vis de l’activité d’entreprises étrangères procédant à des ventes à distance en direction de la France. Ainsi, la capacité de contrôle des agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) a été, pour le contrôle des entreprises étrangères n’ayant pas leur siège en France mais y réalisant des opérations taxables, étendue à la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et aux directions spécialisées du contrôle fiscal (DIRCOFI).

Pour autant, le fait que les entreprises d’autres États membres de l’Union européenne procédant à des ventes à distance en France ne soient pas tenues de se soumettre à la TVA dans notre pays en-deçà de 100 000 euros de chiffre d’affaires prive notre pays de recettes d’autant plus importantes que le commerce en ligne se développe rapidement.

Selon le rapport d’activité 2014-2015 de la Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD), le nombre de sites marchands actifs sur internet s’est établi, en 2014, à 157 300 (en hausse de 14 % par rapport à 2013) et a représenté un chiffre d’affaires de 56,8 milliards d’euros (en hausse de 11 % par rapport en 2013). Cette évolution s’est poursuivie en 2015, puisque les ventes auraient encore progressé de 16 % au cours du deuxième trimestre et qu’il existerait désormais 167 650 sites actifs pour le commerce en ligne. Selon la FEVAD, ce secteur représentait 112 000 emplois en France en 2014 et notre pays serait le sixième plus important au monde pour le chiffre d’affaires du commerce en ligne – les cinq pays où ces transactions représentent les montants les plus importants étant, par ordre décroissant, la Chine, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne.

Cette question doit être étudiée en prenant également en compte l’évolution récente des règles applicables à d’autres achats en ligne – ceux qui ne concernent pas des biens matériels. Ainsi, depuis le 1er janvier 2015, les services électroniques sont toujours soumis à la TVA de l’État membre où se trouve le client, et non plus dans celui où est établie l’entreprise vendant ces services. À cet égard, les systèmes fiscaux en vigueur au sein de l’Union européenne présentent un visage plus cohérent lorsqu’ils tendent à soumettre la vente en ligne de biens à des règles de territorialité proches de celles qui sont désormais applicables pour la vente de services électroniques.

Il convient, enfin, de rappeler que les taux de TVA en vigueur au sein de l’Union européenne sont compris, pour le taux normal, entre 17 et 27 %.

TAUX NORMAL DE TVA APPLICABLE DANS LES ÉTATS MEMBRES
DE L’UNION EUROPÉENNE

État membre

Taux normal de TVA

Allemagne

19 %

Autriche

20 %

Belgique

21 %

Bulgarie

20 %

Chypre

19 %

Croatie

25 %

Danemark

25 %

Espagne

21 %

Estonie

20 %

Finlande

24 %

France

20 %

Grèce

23 %

Hongrie

27 %

Irlande

23 %

Italie

22 %

Lettonie

21 %

Lituanie

21 %

Luxembourg

17 %

Malte

18 %

Pays-Bas

21 %

Pologne

23 %

Portugal

23 %

République tchèque

21 %

Roumanie

24 %

Royaume-Uni

20 %

Slovaquie

20 %

Slovénie

22 %

Suède

25 %

L’article propose, dans son paragraphe I, de modifier ponctuellement le 1° du paragraphe I de l’article 258 B du CGI pour abaisser de 100 000 à 35 000 euros le montant des ventes à distances effectuées en France au-delà duquel le vendeur devra obligatoirement être soumis à la TVA en France. Il procède par ailleurs à un toilettage rédactionnel de ce même article, en substituant la référence à l’Union européenne à celle, obsolète, de « Communauté européenne ».

Il est par ailleurs précisé, dans le paragraphe II de cet article, que ces changements seront applicables aux opérations dont le fait générateur sera intervenu à partir du 1er janvier 2016. Rappelons que le fait générateur, qui est l’événement dont l’existence fonde l’imposition, se situe, pour les livraisons de biens et en application de l’article 269 du CGI, au moment où intervient le transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire, c’est-à-dire lorsque le bien a été reçu par son destinataire.

L’article 258 B du CGI, qui définit les règles de territorialité applicables aux ventes à distance, n’a fait jusqu’ici l’objet que de toilettages techniques. Ceux-ci ont résulté de l’ordonnance du 19 septembre 2000 prise pour dans le cadre du passage du franc à l’euro (49) – avant le 1er janvier 2002, le seuil de soumission à la TVA française était fixé à 700 000 francs –, ainsi que de la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 (50) s’agissant de la mise à jour de la référence à la « directive TVA ».

Le changement proposé ne paraît pas soulever de problème de compatibilité avec le droit de l’Union européenne. En effet, le premier alinéa du 2 de l’article 34 de la directive TVA précise que, pour les ventes à distance effectuées entre États membres, l’État de destination « peut limiter le seuil [de soumission à la TVA sur son territoire] à la somme de 35 000 euros […] dans le cas où cet État membre craint que le seuil de 100 000 euros ne conduise à de sérieuses distorsions de concurrence ». Tel est bien le cas en France pour les ventes à distance, compte tenu des écarts existant entre le taux normal de TVA applicable dans notre pays, lequel est fixé à 20 %, et celui que pratiquent d’autres États membres – ces taux variant de 17 % au Luxembourg (15 % encore en 2014) à 25 % au Danemark, en Croatie et en Suède, et même 27 % en Hongrie.

Cet abaissement du seuil de soumission à la TVA française des ventes à distance de biens meubles devrait avoir un effet économique doublement positif.

En effet, il permettra d’abord, grâce à l’élargissement de l’assiette des biens dont la livraison est soumise à la TVA en France, d’accroître les recettes annuelles de l’État d’un montant que le Gouvernement estime à 5 millions d’euros.

Il aura, surtout, pour grand intérêt de réduire le nombre de ventes à distance susceptibles d’être taxées plus ou moins lourdement en fonction de la fiscalité applicable dans l’État membre de provenance. Grâce à ce changement, les distorsions de concurrence entre entreprises de l’Union européenne vendant le même type de produits seront réduites, ce qui pourra s’avérer positif pour les entreprises françaises subissant actuellement la concurrence d’entreprises établies dans des États, tels que le Luxembourg, où la TVA est plus faible.

Par ailleurs, l’alignement du seuil en vigueur en France, pour la soumission à la TVA du pays de destination, sur le seuil qui prédomine dans les autres États membres contribuera à l’harmonisation européenne de ces règles fiscales – ce qui contribuera à faciliter, dans ce domaine, la révision de la « directive TVA » qui devrait faire l’objet, en 2016, de discussions européennes. En outre, la Commission européenne a annoncé, dans une communication du 6 mai dernier sur le marché numérique en Europe, qu’elle formulerait en 2016 des propositions législatives pour étendre à ces opérations le système électronique d’enregistrement et de paiement unique (dit « mini-guichet »). Enfin, il est prévu que des discussions soient engagées au niveau européen sur une future baisse des seuils de soumission à la TVA applicable aux ventes à distance, ainsi que sur un élargissement de ce dispositif aux ventes à distance de biens en provenance d’États non membres de l’Union européenne. De ce point de vue, le changement proposé par cet article paraît cohérent et s’accorde bien avec les orientations plus largement débattues au niveau européen.

*

* *

La commission adopte l’article 3 sans modification.

*

* *

Après l’article 3

La commission aborde l’amendement I-CF 146 de M. Hervé Féron.

M. Michel Vergnier. Il s’agit d’un amendement d’appel. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. La situation dramatique que connaissent aujourd’hui nos éleveurs pénalise gravement nos territoires, à commencer par les plus fragiles d’entre eux. Nous proposons donc de dispenser ces éleveurs à titre provisoire du remboursement de la TVA sur les ventes d’animaux.

Mme la Rapporteure générale. Je partage l’objectif, poursuivi par Michel Vergnier, de soutien à l’élevage. Cependant, son amendement pose un problème de conformité au droit européen : la directive sur la TVA prévoit, en ses articles 132, 135 et 136, une liste de produits éligibles aux exonérations de TVA, dont est exclue la vente d’animaux. De sorte qu’en cas de recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), les éleveurs devront rembourser ces exonérations par la suite comme cela s’est produit pour les plants de campagne en arboriculture. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Il serait intéressant de prendre connaissance du dispositif allemand de remboursement de TVA agricole, qui ne me semble pas avoir été remis en cause par l’Union européenne. Nous pourrions ainsi déposer un amendement qui en reprendrait le mécanisme.

M. Michel Vergnier. Je vous remercie de vos réponses. Cet amendement d’appel visait avant tout à mettre en évidence une situation gravissime.

L’amendement I-CF 146 est retiré.

Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF 9 de M. Marc Le Fur, I-CF 241 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 219 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, seul 15 % du bois de chauffage vendu l’est dans un cadre légal. C’est dire la perte de recettes que représentent pour l’État les 85 % restants. La fixation du taux de TVA à 10 % sur le bois de chauffage est donc une aberration.

Notre amendement, loin de représenter un coût pour le Trésor public, pourrait rapporter des sommes considérables. Paradoxalement, alors qu’au fil des ans, la filière s’est organisée et professionnalisée en créant des labels tels que NF Biocombustibles solides, France Bois Bûche, ONF Énergie Bois, elle ne parvient pas à décoller. C’est pourquoi nous proposons de ramener ce taux de TVA à 5,5 %. Cet amendement aura un impact positif sur les territoires ruraux et les entreprises qui s’y trouvent.

M. Charles de Courson. Vivant dans une zone forestière, j’y constate le développement du travail au noir qui, au niveau national, est évalué à 85 %. Cet amendement coûterait fort peu, voire pourrait rapporter au budget de l’État. Sans parler de la dimension écologique qu’il revêt puisqu’il s’agit d’une énergie renouvelable.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La consommation des autres énergies est soumise à un taux de TVA de 20 %, alors que le bois bénéficie d’un taux de 10 %, soit deux fois moins. Cet avantage paraît suffisant.

M. Alain Fauré. Que le taux de TVA soit fixé à 10 % ou à 5,5 % ne changera rien car, le plus souvent, les vendeurs privés de bois de chauffage ne sont pas des adeptes de la déclaration de TVA, qu’elle soit mensuelle, trimestrielle ou annuelle…

La commission rejette successivement les amendements I-CF 9, I-CF 241 et I-CF 219.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette l’amendement I-CF 86 de M. Laurent Grandguillaume.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF 135 de M. Charles de Courson, I-CF 148 de M. Joël Giraud, I-CF 290 de M. Éric Alauzet et I-CF 378 de M. Marc Le Fur.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement.

M. Joël Giraud. Cet amendement vise à maintenir le taux réduit de TVA pour les organismes et entreprises entrant dans le champ des services à la personne en vue de l’application, en 2021, du projet de loi précité.

Mme la Rapporteure générale. Comme précédemment, en raison de la date d’application prévue et de la navette parlementaire encore en cours, je vous invite à retirer ces amendements.

Les amendements I-CF 135, I-CF 148, I-CF 290 et I-CF 378 sont retirés.

La commission étudie l’amendement I-CF 341 de M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Depuis de nombreuses années, le législateur applique un taux de TVA de 5,5 % à la billetterie du spectacle vivant, mais un taux de 20 % aux concerts de musique électronique – genre musical dans lequel la France est en pointe et dispose d’une attractivité avérée. Cette distinction me paraît à la fois un anachronisme et une incohérence. Qui plus est, les « platinistes » se voient souvent infliger une imposition forfaitaire plutôt que de bénéficier du statut d’intermittent du spectacle, précisément parce que les propriétaires de salle ou d’établissement intègrent la TVA dans le coût de leur prestation. Il s’agit donc d’une mesure de justice, de progrès, de simplification, d’attractivité et d’harmonisation.

Mme la Rapporteure générale. L’amendement vise à un double élargissement du bénéfice du taux de TVA à 5,5 % aux spectacles pendant lesquels il est d’usage de servir de la nourriture ou des boissons aux spectateurs, d’une part, et d’autre part, aux représentations musicales auxquelles participe au moins un artiste, et non plus aux seuls concerts. Il n’existe pas d’obstacle communautaire au bénéfice du taux réduit de TVA pour ces activités. Pour autant, je m’interroge sur la portée réelle de l’amendement, car il me semble qu’il élargirait aussi le bénéfice du taux de 5,5 % à certains cabarets.

M. Razzy Hammadi. Les cabarets bénéficient déjà du taux réduit.

Mme la Rapporteure générale. J’ignore, d’autre part, quel serait le coût d’une telle mesure. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Karine Berger. De plus en plus de spectacles vivants de musique classique sont retransmis en direct. C’est d’ailleurs de cette nouvelle source de recettes que provenait, l’an dernier, la quasi-totalité des ressources budgétaires du Metropolitan Opera de New York. La France étant assez timide en la matière, je suis persuadée qu’une mesure prenant en compte la diffusion d’arts vivants se déroulant en direct – tels que le festival off d’Avignon – grâce aux nouvelles technologies serait une avancée. J’entends bien qu’il faille évaluer le coût de la mesure d’ici à la séance publique. Mais ne croyez pas qu’un tel dispositif ne bénéficiera qu’aux seuls disc-jockeys (DJ) – dont le travail est par ailleurs fort respectable.

M. Razzy Hammadi. Par le passé, comme on ne parvenait pas à distinguer entre le spectacle vivant et la représentation dans des lieux particuliers, l’administration fiscale a inventé le critère de consommation pendant la représentation. Aujourd’hui, les spectateurs consomment de la nourriture ou de l’alcool lors de la quasi-totalité des spectacles vivants de sorte que les organisateurs desdits spectacles n’ont pas l’assurance réglementaire de bénéficier du taux réduit de TVA. Je vous propose de simplifier la règle en adoptant une mesure d’harmonisation et de progrès.

M. Dominique Lefebvre. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, nous avons eu un débat important sur la TVA et le reclassement de ses taux. La structure actuelle en trois taux – de 5,5 %, 10 % et 20 % – me semble plus cohérente que par le passé. Il existe toujours de bonnes raisons de passer son temps à reclasser des produits ou des activités entre les différents taux. D’autres amendements du même ordre suivront d’ailleurs concernant les transports publics ou les parcs à thème – quand il ne s’agit pas du bois de chauffage ou des DJ. Ma position de principe est donc la suivante : moins on modifiera le classement des taux de TVA et plus on s’économisera de tels débats, mieux on se portera – ces débats ne portant in fine que sur des mesures symboliques.

Mme la Rapporteure générale. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement I-CF 341.

Puis elle se penche sur les amendements I-CF 10 et I-CF 11 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dominique Lefebvre affirme que nos amendements sont presque anecdotiques : les personnes concernées apprécieront…

Il s’agit en effet, par l’amendement I-CF 10, de ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports publics de voyageurs au quotidien, qu’ils soient urbains, départementaux ou régionaux – ce qui inclut le transport scolaire et le transport spécialisé pour les personnes en situation de handicap. Le transport scolaire coûte en effet fort cher aux départements qui ont décidé d’en maintenir la gratuité pour alléger le budget des familles.

L’amendement I-CF 11 est analogue, mais concerne les services et programmes fournissant à l’ensemble de la population l’énergie, les systèmes d’assainissement et l’eau.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Le coût du premier amendement est évalué à au moins 500 millions d’euros, le second à quelque 120 millions d’euros.

M. Dominique Lefebvre. Madame Dalloz, il me semble effectivement symbolique d’appliquer un taux de TVA à 5,5 % à la billetterie des parcs à thème, sachant qu’on ne s’y rend pas tous les jours. Quant à vos deux amendements, ils ne sont effectivement pas anecdotiques en termes de recettes de TVA…

Il faudra un jour que les Républicains nous expliquent comment ils comptent supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune, baisser l’impôt sur le revenu, en supprimer la tranche à 45 % et diminuer les impôts indirects tout en équilibrant le budget de l’État. De manière générale, ce parti a tendance à promouvoir les impôts indirects : peut-être entend-il relever le taux normal à 21 %, voire à 33 % sur les voitures et produits de luxe, comme le proposait le Parti communiste à une certaine époque.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je tiens à vous rassurer, monsieur Lefebvre : le programme des Républicains se construit sans que nous ayons besoin de vous demander votre avis. C’est le rôle de l’opposition que de formuler des propositions divergentes de celles de la majorité.

La commission rejette successivement les amendements I-CF 10 et I-CF 11.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 12 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF 12 concerne la distinction entre la vente à emporter et la vente à consommer sur place.

Quant à l’amendement I-CF 13 qui suit, il vise les parcs à thèmes, les zoos, les châteaux et les musées privés et coûte très peu cher d’après Dominique Lefebvre.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : l’amendement I-CF 12 entre en contradiction avec les principes de la « directive TVA » consistant à taxer les opérations économiques en fonction de leur nature, et non de la personne qui les effectue.

La commission rejette l’amendement I-CF 12.

Puis elle examine en discussion commune les amendements I-CF 13 de M. Marc Le Fur et I-CF 133 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Mettant fin à un traitement identique, la loi de finances pour 2014 a porté le taux de TVA des spectacles vivants – théâtres, chansonniers, cirques, concerts – à 5,5 % et celui des parcs à thème à 10 %. Cette évolution n’est guère cohérente.

Mme la Rapporteure générale. Le coût de cet amendement étant évalué à 75 millions d’euros, j’y suis défavorable.

La commission rejette les amendements I-CF 13 et I-CF 133.

Elle aborde ensuite les amendements identiques I-CF 291 de Mme Brigitte Allain et I-CF 391 de la commission des affaires économiques.

Mme Eva Sas. Adoptés par la commission des affaires économiques, ces amendements visent à réduire à 5,5 % le taux de TVA applicable aux plats entièrement « bio ». Jusqu’ici, on nous a toujours opposé l’argument selon lequel nos amendements en la matière étaient trop flous. Nous proposons donc ici une définition très ciblée.

M. le rapporteur de la commission des affaires économiques. Défendu.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Imaginons que certains plats servis au cours d’un même soient issus de l’agriculture biologique et d’autres non : il serait compliqué, d’un point de vue comptable, d’appliquer différents taux de TVA à un même repas.

M. Dominique Lefebvre. Qui plus est, comment contrôler l’application d’une telle mesure ?

La commission rejette les amendements I-CF 291 et I-CF 391.

Elle en vient à l’amendement I-CF 293 de M. Éric Alauzet.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA à la gestion des déchets et aux actions de prévention, de collecte sélective et de valorisation des déchets. Il s’agit de préconisations du Comité permanent pour la fiscalité écologique qui permettraient d’encourager les opérations de prévention et de valorisation de la matière dans la gestion des déchets. Cette baisse de TVA serait aussi de nature à créer des emplois dans les filières de recyclage et de prévention des déchets.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Cet amendement présente un risque d’incompétence négative puisqu’il ne définit pas avec précision la notion de prévention des déchets. Le coût du dispositif est estimé entre 60 et 80 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement I-CF 293.

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Article additionnel après l’article 3
Conditions d’application du taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

La commission est saisie de l’amendement I-CF 409 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous avons étendu l’an dernier le bénéfice du taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais ce bénéfice était subordonné à la signature d’un contrat de ville. Or, certains promoteurs ont déposé leur permis de construire quelques jours avant cette signature. Nous proposons donc que ce taux réduit de TVA s’applique lors de l’année de signature du contrat de ville.

Mme la Rapporteure générale. Lorsque nous avions abordé ce point en séance publique, le Gouvernement s’était engagé à faire preuve de souplesse au cours des premiers mois de mise en application du dispositif. Je vous propose donc d’interroger directement le ministre des finances à ce sujet.

M. Marc Goua. La signature des nouveaux contrats de ville a pris un retard considérable, dû non pas aux collectivités locales, mais à l’État.

M. Dominique Lefebvre. S’il me paraît normal de conditionner cet avantage à l’existence d’un contrat de ville qui engage les parties, il est absurde d’appliquer la règle en fonction de la date de signature d’un tel contrat, qui dépend de certaines contingences administratives et politiques. Peut-être obtiendrons-nous un engagement du Gouvernement en séance publique, mais, en attendant, je propose que nous adoptions cet amendement.

La commission adopte l’amendement I-CF 409.

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Article additionnel après l’article 3
Conditions d’application du taux réduit de 10 % de TVA aux opérations de construction de logements intermédiaires

La commission examine l’amendement I-CF 404 de la commission des affaires économiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Aujourd’hui, le taux de TVA de 10 % ne s’applique aux opérations de construction de logements intermédiaires que si celles-ci comprennent également 25 % de logements sociaux. Or, le Gouvernement souhaite qu’il y ait moins de constructions de logements sociaux dans les quartiers qui en comptent déjà une proportion importante. Nous proposons donc que dans les territoires comportant plus de 50 % de logements sociaux ou faisant l’objet d’un programme de rénovation urbaine, il soit possible de construire des logements intermédiaires au taux réduit de TVA sans avoir à réaliser des logements sociaux supplémentaires.

Mme la Rapporteure générale. Je souscris à l’esprit de cet amendement, mais il me faudra en vérifier auprès du Gouvernement la conformité au droit européen. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement I-CF 404.

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Après l’article 3

La commission examine l’amendement I-CF 292 de M. Denis Baupin.

Mme Eva Sas. Une entreprise disposant d’une flotte de véhicules de société peut récupérer la TVA si ces véhicules sont équipés d’un moteur diesel, mais pas s’ils roulent à l’essence. Pour des raisons de réglementation européenne, nous ne pouvons empêcher la récupération de la TVA sur les véhicules diesel. Nous proposons donc d’autoriser cette récupération sur les deux types de véhicules. Cela aura certes un coût mais entraînera également une augmentation des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), puisque la taxe applicable aux véhicules roulant à l’essence est plus élevée que la celle applicable aux véhicules roulant au diesel.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Passer du jour au lendemain de zéro à 80 % de déductibilité est par trop radical. Par ailleurs, la référence faite aux essences paraît pouvoir correspondre à d’autres carburants mentionnés au tableau du B de l’article 265 du code des douanes, telles que les essences d’aviation : est-ce volontaire ? Enfin, le coût de la mesure dépasserait les 50 millions d’euros.

Mme Eva Sas. Nous ne pouvons plus tergiverser face à une règle aussi aberrante. Nous devons absolument résoudre ce problème.

M. Dominique Lefebvre. Nous allons aborder dans la suite du débat plusieurs amendements portant sur la fiscalité écologique. Je formulerai systématiquement la même recommandation : que ces amendements soient redéposés en vue de la séance, pour nous permettre d’en débattre et d’entendre la réponse du ministre des finances. En revanche, il me paraît inopportun d’adopter, dès maintenant, des mesures alors que l’ensemble de ces sujets devrait être traité dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative qui sera adopté en Conseil des ministres au début du mois de novembre et discuté dans l’hémicycle en pleine COP21.

La commission rejette l’amendement I-CF 292.

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Article 4
Limitation des effets de seuils dans les TPE et les PME

Le présent article neutralise les effets de seuils d’effectifs applicables aux TPE et PME pendant les trois ans qui suivent leur franchissement, relève de manière pérenne les seuils de neuf et dix salariés à onze salariés et simplifie les méthodes de calcul des seuils.

Le coût des dispositifs fiscaux concernés est mal connu (cf. tableau infra). Le Gouvernement évalue le coût de ces mesures à 152 millions d’euros par an (cf. tableau du II.B.), en année pleine, ce qui est certainement un minorant. Ce surcoût sera supporté par l’État (105 millions d’euros), la sécurité sociale (27 millions d’euros) et les collectivités territoriales. Pour ces dernières, il est toutefois jugé marginal. En outre, la collecte au profit de la formation professionnelle serait réduite à hauteur de 20 millions d’euros.

Ce dispositif s’inscrit dans la suite du conseil restreint sur l’emploi et l’activité dans les TPE et les PME, au cours duquel le Premier ministre a présenté, le 9 juin 2015, dix-huit « mesures fortes pour lever les freins, les incertitudes, simplifier la vie des TPE et des PME et donc encourager l’embauche ».

TABLEAU RÉCAPITULATIF

Dispositif concerné

Prélèvement concerné

Base légale

Coût 2016

(en millions d’euros)

Personnes concernées

Existence d’un mécanisme de sortie progressive avant la réforme

Mesure de seuil proposée

Exonération d’impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les entreprises de moins de dix salariés

IS

IR

CFE

CVAE

TFPB

Article 44 quindecies du CGI

7*

Entreprises de moins de dix salariés

Mécanisme de « sortie en sifflet » en huit ans

Relèvement du seuil de dix à onze salariés et neutralisation temporaire des effets de seuils

Exonération de cotisation foncière des entreprises pour les petits commerces installés dans les quartiers prioritaires de la politique

de la ville (QPV)

CFE

septies de l’article 1466 A du CGI

nc

Entreprises commerciales de moins de dix salariés

L’exonération dure cinq ans et est pourvue d’un mécanisme de « sortie en sifflet » de trois ans

Relèvement du seuil de dix à onze salariés

Crédit de CFE en faveur des très petites entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense (ZRD)

CFE

Article 1647 C septies du CGI

3

Entreprises de moins de dix salariés

Aucun

Relèvement du seuil de dix à onze salariés et neutralisation temporaire des effets de seuils

Participation des employeurs de moins de dix salariés au financement de la formation professionnelle continue (FPC)

Participation à la FPC

Articles 235 ter D et 235 ter KA du CGI

nc

Entreprises de moins de dix salariés

Taux réduit pendant trois ans suivi d’un mécanisme de « sortie en sifflet » pendant trois ans

Relèvement du seuil de dix à onze salariés

Non-assujettissement des employeurs de moins de dix salariés au forfait social

Forfait social

Article L. 137-15 du code de la sécurité sociale

nc

Employeurs de moins de dix salariés

Aucun

Relèvement du seuil de dix à onze salariés et neutralisation des effets de seuils

Exonération de versement transports pour les employeurs de moins de neuf salariés

Versement transport

Articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales

nc

Employeurs de moins de neuf salariés

Exonération pendant trois ans suivie d’un mécanisme de « sortie en sifflet » pendant trois ans

Harmonisation des seuils à onze salariés

Option pour le régime des sociétés de personnes pour les entreprises de moins de cinquante salariés

IS

IR

Article 239 bis AB du CGI

nc

Entreprises de moins de cinquante salariés

Aucun

Neutralisation temporaire de l’effet de seuil

Crédit d’impôt sur les primes d’intéressement pour les entreprises de moins de cinquante salariés

IR

IS

Article 244 quater T du CGI

29

Entreprises de moins de cinquante salariés

Neutralisation du franchissement du seuil d’assujettissement à la participation pendant trois ans introduit par l’article 156 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance et l’activité

Neutralisation temporaire de l’effet de seuil

Abattement de cotisation de taxe sur les salaires pour les mutuelles de moins de trente salariés

TS

Article 1679 A du CGI

nc

Mutuelles de moins de trente salariés

Aucun

Neutralisation temporaire de l’effet de seuil

Déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires

Cotisations sociales patronales

Article L. 241-18 du code de la sécurité sociale

nc

Entreprises de moins de vingt salariés

Mécanisme de neutralisation de l’effet de seuil pour les entreprises le franchissant en 2013, 2014 et 2015.

Neutralisation temporaire de l’effet de seuil

Exonération de CFE pour les micro-coopératives agricoles

CFE

Article 1451 du CGI

nc

Coopératives agricoles de trois salariés au plus ; mutuelles agricoles de deux salariés au plus

Les coopératives agricoles qui ne bénéficient pas de l’exonération ont tout de même un abattement de 50 % (article 1468 du CGI)

Neutralisation temporaire de l’effet de seuil

IS : impôt sur les sociétés. IR : impôt sur le revenu. TF : taxe foncière. CFE : contribution foncière des entreprises. TS : taxe sur les salaires. CGI : code général des impôts.

(*) Chiffre 2014 (évaluation préalable).

Source : commission des finances, d’après l’évaluation préalable.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Le plan gouvernemental de lissage des effets de seuil concerne douze dispositifs qui soutiennent aujourd’hui les petites et très petites entreprises dans leur installation en zones prioritaires, dans leur développement ou dans la mise en œuvre du droit social.

A. LES SEUILS DE NEUF ET DIX SALARIÉS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE RELEVÉS

Le relèvement des seuils à proprement parler concerne six dispositifs. Il permet d’harmoniser à onze les seuils voisins mais formulés différemment de neuf et dix salariés.

1. L’exonération d’impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale pour les entreprises de moins de dix salariés

Les exonérations d’impôt sur les bénéfices pour les entreprises nouvelles font partie intégrante de la politique d’aménagement du territoire depuis 1995.

En application de l’article 44 quindecies du code général des impôts (CGI), les entreprises de moins de dix salariés créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015 dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) sont exonérées d’impôt sur les bénéfices totalement pendant cinq ans, puis partiellement pendant trois ans : exonération à hauteur des trois quarts la première année, de la moitié la seconde année et du quart la troisième année suivant la période d’exonération totale. Sont exclues du dispositif les entreprises exerçant une activité bancaire, financière, d’assurances, de gestion ou de location d’immeubles et de pêche maritime, ainsi que les filiales d’autres entreprises et les extensions d’activités préexistantes.

TAUX D’EXONÉRATION SUR LES BÉNÉFICES DANS LES ZONES DE REVITALISATION RURALE POUR LES ENTREPRISES FRANCHISSANT LE SEUIL DE DIX SALARIÉS

(en %)

Année

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

N + 6

N + 7

N + 8

Taux

100

100

100

100

100

75

50

25

Prévu initialement jusqu’au 31 décembre 2013, le dispositif a été prorogé par l’article 47 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 (51) jusqu’au 31 décembre 2015.

Le coût du dispositif a été évalué à 3 millions d’euros en 2011 pour 1 948 entreprises bénéficiaires, 6 millions d’euros en 2012 et 9 en 2013. Selon le rapport d’évaluation du dispositif de revitalisation rurale publié en juillet 2014 (52), le dispositif a fait la preuve de son efficacité pour inciter les petits entrepreneurs à reprendre des activités artisanales ou commerciales, en compensant en partie leurs difficultés d’accès au crédit. Le dispositif est également attractif pour les professions libérales, en particulier médicales. Il était donc recommandé de proroger le dispositif à compter du 1er janvier 2015 et pour une période d’au moins trois ans (recommandation n° 3).

La réforme proposée par le Gouvernement vise à augmenter le seuil de dix à onze salariés et à neutraliser temporairement les effets de seuils pendant trois ans et pour trois ans (cf. infra).

2. L’exonération de cotisation foncière des entreprises pour les petits commerces installés dans les quartiers prioritaires de la politique
de la ville

La cotisation foncière des entreprises (CFE) est l’une des deux composantes de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Contrairement à la taxe professionnelle, dont elle reprend l’essentiel des règles, la CFE est basée uniquement sur les biens soumis à la taxe foncière. Cette taxe est due dans chaque commune où l’entreprise dispose de locaux et de terrains.

L’article 1466 A du CGI prévoit plusieurs exonérations de CFE au titre de l’aménagement du territoire et de la politique de la ville. Certaines de ces exonérations sont décidées à l’initiative des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), d’autres sont applicables par défaut, sauf délibération contraire de la commune ou de l’EPCI.

L’exonération de CFE dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) relève de la deuxième catégorie. Elle est prévue au I septies de l’article 1466 A du CGI.

Institués par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dont l’objectif était de simplifier les nombreux zonages accumulés depuis vingt ans, les QPV se sont substitués aux 751 zones urbaines sensibles (ZUS) et aux 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU) à compter du 1er janvier 2015. La nouvelle géographie prioritaire est plus concentrée pour mieux cibler les moyens publics : 1 300 territoires sont concernés, dont plus d’une centaine pour la première fois, contre 2 600 auparavant. L’identification des nouveaux quartiers prioritaires se fonde sur le critère unique de la pauvreté, c’est-à-dire la concentration des populations ayant des ressources inférieures à 60 % du revenu médian.

Ce dispositif a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2017 par l’article 49 de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative précitée.

Il concerne les entreprises commerciales de moins de dix salariés qui font l’objet d’une création ou d’une extension entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020 ainsi que celles déjà créées au 1er janvier 2015. Aucune condition d’effectif n’est exigée par la suite. Il suffit que l’effectif soit inférieur à dix salariés au moment de l’entrée de l’entreprise dans le dispositif.

Les bénéficiaires sont exonérées de CFE dans la limite du montant de base nette imposable, fixée, pour 2015, à 77 089 euros et actualisé chaque année en fonction de la variation de l’indice des prix.

L’exonération dure cinq ans et est pourvue d’un mécanisme de « sortie en sifflet » pendant trois ans : la base nette imposable des bénéficiaires fait alors l’objet d’un abattement. Le montant de cet abattement est égal, la première année, à 60 % de la base exonérée de la dernière année d’application de l’exonération ; puis 40 % et 20 % pour les années suivantes. Cet abattement ne peut réduire la base d’imposition de l’année considérée de plus de 60 % de son montant la première année, 40 % la deuxième année et 20 % la troisième.

ABATTEMENT DE LA BASE NETTE IMPOSABLE POUR LES PETITS COMMERCES ASUJETTIS À LA CFE, INSTALLÉS DANS LES QPV ET FRANCHISSANT LE SEUIL
DE DIX SALARIÉS

(en %)

Année

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

N + 6

N + 7

N + 8

Abattement

100

100

100

100

100

60 de la base N + 4 plafonné à 60 de la base N + 5

40 de la base N + 4 plafonné à 40 de la base N + 6

20 de la base N + 4 plafonné à 20 de la base N + 7

En application de l’article 1586 nonies du même code, les bénéficiaires peuvent aussi être exonérés de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sauf délibération contraire de la commune.

Par ailleurs, en application de l’article 1383 C ter du même code, les immeubles existant au 1er janvier 2015 et rattachés à cette même date à un établissement remplissant les conditions pour bénéficier de l’exonération de CFE prévue au I septies de l’article 1466 A ainsi que les immeubles rattachés, entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020, à un établissement remplissant les mêmes conditions sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Le seuil de dix salariés serait porté à onze par la réforme.

3. Le crédit de CFE en faveur des très petites entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense

L’article 34 de la loi de finances rectificative pour 2008 (53) a créé plusieurs régimes de faveur afin d’aider le développement économique des territoires concernés par le redéploiement des armées, autrement dit des zones de restructuration de la défense (ZRD), définies par cette même loi. Ces zones se caractérisent par la perte d’au moins cinquante emplois directs du fait de la réorganisation des unités militaires et établissements du ministère de la défense ; un taux de chômage supérieur de trois points à la moyenne nationale ; une démographie en baisse. Un rapport entre la perte d’emplois directs du fait de la réorganisation des armées et la population locale salariée doit être d’au moins 5 %.

Ainsi a été institué un crédit de CFE, pris en charge par l’État, en faveur des très petites entreprises commerciales et artisanales situées dans ces zones.

En application de l’article 1647 C septies du CGI, les entreprises de moins de dix salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel ou total de bilan inférieur ou égal à 2 millions d’euros peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 750 euros par salarié employé depuis au moins un an dans un établissement situé dans une ZRD, sous réserve du respect de certaines conditions, notamment la préservation de l’emploi local.

Le crédit d’impôt s’applique pendant trois ans à compter du 1er janvier de l’année au titre de laquelle la commune est reconnue comme ZRD. La condition d’effectif s’apprécie au 1er janvier de chaque année d’application du crédit d’impôt.

À titre d’exemple, n arrêté du 28 mai 2015 relatif à la délimitation des ZRD a reconnu la commune de Châlons-en-Champagne comme ZRD au titre de l’année 2015. Dans cette commune, le crédit d’impôt de CFE est susceptible de s’appliquer aux entreprises éligibles pour les années 2015, 2016 et 2017.

Le seuil de dix salariés serait porté à onze par la réforme. Les effets du franchissement du seuil seront neutralisés pour trois ans (cf. infra).

4. La participation des employeurs de moins de dix salariés au financement de la formation professionnelle continue

L’obligation, pour l’employeur, de participer à la formation professionnelle continue est codifiée aux articles L. 6331-1 et suivants du code du travail ainsi qu’aux articles 235 ter C et suivants du CGI.

Modifié par l’article 10 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, l’article L. 6331-1 indique désormais plus clairement que deux obligations s’imposent à l’employeur :

– le financement direct d’actions de formation listées aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 ;

– le versement des contributions pour le développement de la formation professionnelle continue.

La participation au développement de la formation professionnelle continue, assise sur la masse salariale de l’entreprise, voit son taux varier en fonction de l’effectif de l’entreprise apprécié au 31 décembre de l’année civile. En application de l’article L. 6331-2, un taux réduit de 0,55 % est applicable aux entreprises de moins de dix salariés. Il est porté à 1 % au-delà (1,3 % pour les entreprises de travail temporaire).

Le dispositif est pourvu d’un mécanisme de « sortie en sifflet ». L’augmentation de taux est neutralisée au titre de l’année du franchissement du seuil de dix salariés et des deux années suivantes, l’entreprise bénéficiant ensuite d’un taux minoré les troisième et quatrième années suivant celle du franchissement (0,7 % puis 0,9 %).

TAUX DE PARTICIPATION
AU DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE
POUR LES ENTREPRISES FRANCHISSANT LE SEUIL DE 10 SALARIÉS

(en %)

Année

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

Taux

0,55

0,55

0,55

0,7

0,8

1,0

Ce seuil à dix salariés serait porté à onze, en cohérence avec les autres mesures proposées par le Gouvernement.

Dans un souci de cohérence, la réforme imposerait aussi de modifier le seuil de dix salariés prévu à l’article 8 de l’ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial.

5. Le non-assujettissement des employeurs de moins de dix salariés au forfait social

En application de l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, les employeurs de moins de dix salariés ne sont pas assujettis au forfait social au taux de 8 %, dû au titre des contributions des employeurs au financement des dispositifs de prévoyance.

Pour mémoire, la contribution sur les rémunérations ou gains assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG) mais exclus de l’assiette des cotisations sociales (« forfait social ») avait été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (article 13) (54).

Entré en vigueur le 1er janvier 2009, l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel l’ensemble des éléments de rémunération qui sont soumis à la CSG (article L. 136-1 du code de la sécurité sociale) et exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale (articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime) sont soumis à une contribution à la charge de l’employeur. Autrement dit, le principe devient l’assujettissement, toute nouvelle exonération d’un élément de rémunération répondant à ces mêmes critères entrant dans l’assiette du forfait social, sans qu’il soit besoin de le prévoir expressément.

Le taux de cette contribution, fixé à 2 % par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a depuis lors été porté à 4 % pour 2010, puis à 6 % pour 2011, puis à 8 % pour 2012 (article L. 137-16 du code de la sécurité sociale), en application d’une recommandation du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011.

Une dérogation pour le financement de prestations complémentaires de prévoyance a été conservée lors de cette réforme en faveur des employeurs de moins de dix salariés.

Ce seuil à dix salariés serait porté à onze, en cohérence avec les autres mesures proposées par le Gouvernement. En outre, les effets du franchissement du seuil seraient neutralisés pendant trois ans et pour trois ans (cf. infra).

6. L’exonération de versement transports pour les employeurs de moins de neuf salariés

La règle d’assujettissement au versement transport des employeurs de plus de neuf salariés a été instituée par la loi créant ce versement du 24 février 1996.

Sont assujettis au versement transport les employeurs de plus de neuf salariés ayant leur lieu de travail dans un périmètre où ce versement a été institué. L’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales (CGCT) concerne les métropoles et la métropole de Lyon tandis que l’article L. 2531-2 est propre à la région Île-de-France.

Il existe, en outre, un dispositif de neutralisation pendant trois ans pour l’entreprise qui atteint dix salariés pour la première fois. Elle est d’abord dispensée pendant trois ans puis bénéficie ensuite d’une réduction du versement de 75 % la quatrième année, de 50 % la cinquième année et de 25 % la sixième année.

RÉDUCTION DU VERSEMENT TRANSPORT POUR LES ENTREPRISES AYANT FRANCHI EN ANNÉE N LE SEUIL DE DIX SALARIÉS

(en %)

Année

N

N + 1

N + 2

N + 3

N + 4

N + 5

Exonération

100

100

100

75

50

25

Ce seuil à dix salariés serait porté à onze, en cohérence avec les autres mesures proposées par le Gouvernement.

B. LES SEUILS DONT LE FRANCHISSEMENT SERAIT TEMPORAIREMENT NEUTRALISÉ

La neutralisation temporaire des effets de seuils concerne neuf dispositifs, dont trois, présentés supra, font aussi l’objet d’un relèvement de seuil. L’exonération d’impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale pour les entreprises de moins de dix salariés, le crédit de CFE en faveur des très petites entreprises situées dans une zone de restructuration de la défense et le non-assujettissement des employeurs de moins de dix salariés au forfait social.

Les entreprises franchissant les seuils prévus par ces huit dispositifs au titre des années 2016, 2017 et 2018 pourront encore bénéficier des régimes prévus pendant trois années.

1. L’option pour le régime des sociétés de personnes pour les entreprises de moins de cinquante salariés

Prévue à l’article 239 bis AB du CGI, l’option pour le régime des sociétés de personnes pour les entreprises de moins de cinquante salariés permet aux jeunes entreprises dont les résultats seraient déficitaires d’imputer les déficits sociaux sur leurs propres revenus.

L’option n’est valable que cinq ans et suppose le respect de certaines conditions :

– la société ne doit pas être cotée ; elle doit exercer à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ; elle doit employer moins de cinquante salariés et avoir réalisé au cours de l’exercice un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan inférieur à 10 millions d’euros ; elle doit avoir été créée depuis moins de cinq ans ;

– le capital et les droits de vote des associés doivent être détenus au moins à 50 % par des personnes physiques, et au moins à hauteur de 34 % par un ou plusieurs dirigeants ainsi que par les membres de leur foyer fiscal.

La condition relative à l’âge de la société s’apprécie à la date d’effet du régime : la société doit avoir moins de cinq ans à la date d’ouverture du premier exercice d’application du régime. Les autres conditions tenant à la détention du capital, à l’activité et à la taille de la société doivent être respectées tout au long des exercices couverts par l’option.

L’option doit être notifiée au cours des trois premiers mois du premier exercice auquel l’option s’applique. Elle est valable pour une période de cinq exercices sauf révocation de manière anticipée par l’entreprise. Elle prend obligatoirement fin à l’issue de cette période et ne peut pas être renouvelée.

L’option prévue à l’article 239 bis AB du CGI est particulièrement utile pour les créateurs d’entreprises innovantes qui accumulent parfois des déficits plusieurs années consécutives avant d’être rentables.

L’obligation de respecter un seuil de moins de cinquante salariés tout au long des exercices couverts par l’option pour le régime des sociétés de personnes peut être un frein pour des entreprises en forte croissante en privant leurs créateurs du double avantage lié à cette option :

– un avantage juridique qui limite leur responsabilité à leurs apports ;

– un avantage fiscal qui leur permet d’imputer immédiatement les déficits de début d’activité sur les revenus du foyer fiscal des associés au lieu d’être reportés dans le temps sur les bénéfices futurs.

Le Gouvernement propose donc un mécanisme temporaire de neutralisation de l’effet de seuil pendant trois ans et pour trois ans.

2. Le crédit d’impôt sur les primes d’intéressement pour les entreprises de moins de cinquante salariés

Les entreprises de moins de cinquante salariés échappent au régime obligatoire de la participation prévu par les articles L. 3322-1 et suivants du code du travail. Elles peuvent néanmoins mettre en place un intéressement, défini aux articles L. 3312-1 et suivants du même code, qui permet d’associer financièrement les salariés aux résultats de l’entreprise ou à la réalisation d’objectifs de performance.

L’article 2 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a institué un crédit d’impôt destiné à encourager les entreprises, notamment celles de moins de cinquante salariés, à conclure des accords d’intéressement avant le 31 décembre 2014.

Les articles 129 et 131 de la loi de finances pour 2011 (55) ont élargi le bénéfice de ce crédit d’impôt à des entreprises bénéficiant de certains régimes spécifiques d’exonération (56) tout en le réservant aux entreprises de moins de cinquante salariés. En outre, les modalités de calcul du crédit d’impôt ont été modifiées : son taux a augmenté de 20 % à 30 % et le bénéfice du crédit d’impôt plafonné à 200 000 euros dans le cadre du régime de minimis pour les aides d’État défini par le droit européen.

L’article 20 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (57) a modifié ce dispositif, de façon à ménager une transition pour les entreprises de plus de cinquante salariés. L’ancien dispositif est demeuré applicable aux entreprises dont les effectifs sont compris entre quarante-neuf et deux cent cinquante salariés, pour les primes dues en application d’accords d’intéressement conclus ou renouvelés avant le 1er janvier 2011 et donc jusqu’au 31 décembre 2014.

L’obligation de respecter un seuil de moins de cinquante salariés tout au long des exercices couverts par l’accord d’intéressement freinerait l’emploi et la croissance des entreprises à fort potentiel en les privant, du fait du dépassement d’un tel seuil, du bénéfice du crédit impôt imputable sur l’impôt sur les bénéfices.

À l’occasion de la discussion de la loi du 6 août 2015 pour la croissance (58), un article additionnel, devenu l’article 156 dans le texte voté, a été introduit à l’initiative de Mme Catherine Deroche, Rapporteure de la commission spéciale du Sénat, afin de lutter contre les effets de seuils.

Il résulte de la nouvelle rédaction de l’article L. 3322-3 du code du travail qu’une entreprise ayant conclu un accord d’intéressement et sur le point de franchir le seuil d’assujettissement à la participation n’aurait l’obligation de mettre en place un mécanisme de participation qu’au troisième exercice clos après le franchissement du seuil, si l’accord est appliqué sans discontinuité pendant cette période. À cette date, un accord de participation peut être conclu dans les conditions de l’article L. 3324-2 sur une base de calcul et de répartition reprenant celle de l’accord d’intéressement ayant expiré.

Le Gouvernement propose en outre un mécanisme temporaire de neutralisation de l’effet de seuil relatif au crédit d’impôt pendant trois ans et pour trois ans.

3. L’abattement de cotisation de taxe sur les salaires pour les mutuelles de moins de trente salariés

En application de l’article 1679 A du CGI, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les syndicats professionnels et leurs unions ainsi que les mutuelles qui emploient moins de trente salariés bénéficient d’un abattement annuel de cotisation de taxe sur les salaires d’un montant de 20 262 euros. Cet abattement, initialement fixé à 6 000 euros a été porté à 20 000 euros par l’article 67 de la quatrième loi finances rectificative pour 2012 (59) pour soutenir le secteur associatif.

Le montant de cet abattement est relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Le franchissement du seuil de trente salariés pour les mutuelles n’est assorti d’aucun mécanisme de sortie progressive du dispositif.

Le Gouvernement écarte la possibilité de supprimer ce seuil, une solution trop coûteuse pour les finances publiques. De plus, sa suppression bénéficierait à toutes les mutuelles, y compris celle de grandes tailles, alors que les entreprises d’assurances, qui exercent des activités analogues, en sont exclues.

Le Gouvernement propose donc un mécanisme temporaire de neutralisation de l’effet de seuil pendant trois ans et pour trois ans.

4. La déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires

En application de l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale, les entreprises de moins de vingt salariés bénéficient d’une déduction forfaitaire pour les heures supplémentaires effectuées par leurs salariés éligibles aux allégements généraux de cotisations sociales (« allégements Fillon »), régie par l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Le montant de la déduction forfaitaire par heure supplémentaire est égal à 1,50 euro.

Cette déduction forfaitaire s’applique :

– à la rémunération des heures supplémentaires des salariés soumis à la durée légale du travail ;

– à la rémunération des heures de travail effectuées au-delà de 1 607 heures pour les salariés relevant de conventions de forfait en heures sur l’année ;

– au titre des heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un accord collectif d’annualisation du temps de travail ;

– à la rémunération des jours de repos auxquels renoncent les salariés cadres employés au forfait annuel en jour. Ces jours de travail supplémentaires sont ceux effectués au-delà du plafond annuel de 218 jours et dans la limite de 235 jours annuels.

L’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait introduit un mécanisme de neutralisation des effets de seuils temporaire pour toutes les entreprises franchissant pour la première fois le seuil de vingt salariés au 31 décembre 2012. Il permettait aux entreprises concernées de bénéficier encore de la déduction forfaitaire pour les années 2013, 2014 et 2015.

C’est un mécanisme similaire que le Gouvernement propose de mettre en place pour neutraliser pendant trois ans et pour trois ans les effets du franchissement du seuil de vingt salariés.

5. Le taux réduit et l’assiette minorée pour la contribution au Fonds national d’aide au logement

En application de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale, les entreprises de moins de vingt salariés sont soumises à une contribution versée au Fonds national d’aide au logement (FNAL).

À la suite de la refonte des modalités de prélèvement au profit du FNAL par la loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 (60) et par la seconde loi de finances rectificative pour 2014 (61), les entreprises sont aujourd’hui soumises à une contribution unique, qui distingue uniquement les entreprises de moins de vingt salariés et les autres.

Pour les entreprises de moins de vingt salariés, la contribution est calculée par l’application d’un taux de 0,1 % à la part des rémunérations perçues dans la limite du plafond de la sécurité sociale mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code. Les autres entreprises acquittent une contribution de 0,5 % sur la masse salariale déplafonnée.

Le Gouvernement propose de neutraliser les effets du franchissement du seuil de vingt salariés pendant trois ans et pour trois ans.

6. L’exonération de CFE pour les micro-coopératives agricoles

L’exonération prévue à l’article 1451 du CGI a été instituée par l’ordonnance n° 45-2522 du 19 octobre 1945 relative aux impôts directs et aux taxes assimilées perçus au profit des départements, des communes et des régions. Elle a été maintenue lors du remplacement de la taxe professionnelle par la CET en 2010.

En application de l’article précité, sont exonérées de façon permanente de la CFE :

– les sociétés coopératives agricoles et leurs unions ainsi que les sociétés d’intérêt collectif agricole qui emploient au plus trois salariés ou qui se consacrent à certaines activités : électrification, habitation ou aménagement rural, utilisation de matériel agricole, insémination artificielle, lutte contre les maladies des animaux et des végétaux, vinification, conditionnement des fruits et légumes, organisation des ventes aux enchères ;

– les coopératives agricoles et vinicoles, pour leurs activités autres que la vinification, lorsque l’effectif salarié correspondant n’excède pas trois personnes ;

– les caisses locales d’assurances mutuelles agricoles qui ont au plus deux salariés ou mandataires rémunérés.

La période à considérer pour le calcul du nombre de salariés est la période de référence retenue pour la détermination des bases de la CFE. Dans la généralité des cas, la période de référence est constituée, en vertu des dispositions de l’article 1467 A du CGI, par l’avant-dernière année civile précédant celle de l’imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile.

L’effet de seuil est relativement atténué du fait des dispositions prévues à l’article 1468 du CGI. En application de celui-ci, en effet, les coopératives agricoles et unions de coopératives agricoles qui ne bénéficient pas de l’exonération prévue à l’article 1451 du CGI bénéficient d’un abattement de 50 % de la base d’imposition à la CFE.

Le Gouvernement propose de neutraliser les effets du franchissement des seuils de deux et trois salariés pendant trois ans et pour trois ans, sans les remettre en cause.

II. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES

A. LE DISPOSITIF

Le I a trait aux modifications apportées au code général des impôts (CGI).

Le  concerne l’exonération d’impôt sur les bénéfices dans les ZRR pour les entreprises de moins de dix salariés prévue à l’article 44 quindecies du CGI.

Le a) relève le seuil de dix à onze salariés.

Le b) neutralise le franchissement du seuil de onze salariés pendant trois ans (pour les exercices clos entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2018) et pour trois ans.

Les deux illustrations suivantes permettent de mieux comprendre les effets de cette double mesure.

● Premier cas : une entreprise reprise en 2010 dans une zone de revitalisation rurale et comptant neuf salariés bénéficie aujourd’hui d’une exonération d’impôt totale sur les bénéfices. À partir de 2016, le taux d’exonération passera à 75 %. Le chef d’entreprise pourra recruter deux voire trois nouveaux salariés sans sortir du dispositif. En 2017, le taux d’exonération passera bien à 50 %. En 2018, il sera de 25 %.

● Deuxième cas : une entreprise de dix salariés créée en 2015 dans une ZRR pourra bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les bénéfices, même si elle recrute un salarié supplémentaire. Elle peut profiter de la mesure temporaire pour financer sa croissance en embauchant immédiatement cinq nouveaux salariés : elle continuera de bénéficier d’une exonération totale pendant trois ans.

L’exonération conserve néanmoins sa durée de vie limitée prévue au I de l’article 44 quindecies précité. Ces nouvelles mesures ne bénéficieront qu’aux entreprises créées ou reprises avant le 31 décembre 2015.

Le concerne la participation de l’employeur due au titre de la formation professionnelle continue. Il modifie les articles 235 ter D et 235 ter KA du CGI pour substituer au seuil de dix salariés un seuil de onze salariés.

Le  concerne le régime d’option des sociétés à l’IS pour le régime des sociétés de personnes prévu à l’article 239 bis AB du CGI. Il neutralise pendant trois ans (à compter du 31 décembre 2015 et clos au plus tard le 31 décembre 2018) et pour trois ans les effets du franchissement du seuil de cinquante salariés, dans la limite de la durée maximale de cinq exercices consécutifs. Les deux illustrations suivantes permettent de mieux comprendre les effets de cette mesure.

● Premier cas : dans l’état du droit, une entreprise soumise à l’IS a opté pour le régime des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l’article 239 bis AB du CGI en 2012. Elle envisage de recruter en 2016 mais elle atteindrait alors le seuil dirimant de cinquante salariés. Elle décide d’attendre jusqu’en 2017 la fin de ses cinq années d’option. Grâce à la nouvelle mesure, elle va pouvoir recruter dès 2016.

● Deuxième cas : deux jeunes diplômés sont porteurs d’un projet de plateforme numérique offrant d’abord des services gratuits, pour se faire connaître, puis un abonnement payant (freemium). S’ils optent pour le régime des sociétés de personnes en 2016 et que leur entreprise atteint dès 2018 le seuil de cinquante salariés, ils pourront conserver leur option jusqu’en 2020, soit deux années de plus qu’avant l’adoption de la mesure. Si leurs résultats sont déficitaires dans les premières années de l’entreprise, ils pourront imputer les déficits sociaux sur leurs propres revenus tout en poursuivant leur croissance.

Le concerne le crédit d’impôt sur les primes d’intéressement prévu à l’article 244 quater T du CGI. Le I est complété par un alinéa neutralisant le franchissement du seuil de cinquante salariés à compter des exercices clos entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017. La date retenue pour la clôture des exercices est celle du 1er janvier et non du 31 décembre pour ne pas défavoriser les entreprises qui clôturent leur exercice à cheval sur l’année 2015. Les bénéfices de la mesure seront ainsi plus rapides.

Le concerne l’exonération de CFE applicable aux micro-sociétés coopératives agricoles et leurs unions, aux sociétés d’intérêt collectif agricole et aux organismes agricoles divers. Il neutralise pour trois années le franchissement des seuils de deux ou trois salariés qui interviendraient pendant les périodes de références retenues pour les impositions établies de 2016 à 2018.

Le concerne l’exonération de CFE dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville prévue au I septies de l’article 1466 A du CGI. Un seuil de onze salariés remplace le précédent seuil de dix salariés.

Le  procède à une nouvelle rédaction de l’article 1647 C septies du CGI relatif au crédit de CFE en faveur des entreprises commerciales et artisanales de moins de dix salariés situées dans une ZRD.

En vertu des dispositions modifiées, les entreprises concernées pourront désormais bénéficier du crédit d’impôt jusqu’à onze salariés, les autres conditions de chiffre d’affaires ou d’activité restant inchangées.

Le cas particulier des groupes est prévu par l’article dans sa nouvelle rédaction qui précise que le chiffre d’affaires de la société mère est apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

Le chiffre d’affaires pris en compte est celui de l’avant-dernière année précédant celle de l’imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile, éventuellement corrigé pour correspondre à une année pleine.

Un second alinéa prévoit que le franchissement du seuil de onze salariés pour les impositions établies au titre des années 2016 à 2018 ne fera pas perdre le bénéfice du crédit d’impôt aux entreprises concernées.

Le concerne l’abattement de cotisation de taxe sur les salaires pour le secteur associatif. Il neutralise pour trois ans les effets du franchissement du seuil de trente salariés intervenu entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018 pour les mutuelles visées à l’article 1679 A du CGI.

Le II modifie le code du travail

Le procède à l’adaptation des articles du titre III du livre III de la sixième partie du code du travail consacré au financement de la formation professionnelle continue. Seules les dispositions relatives aux contributions des entreprises sont modifiées ; les dispositions relatives aux droits des salariés restent inchangées.

Les règles et modalités de la collecte ainsi que les modalités de répartition du produit de la collecte (sections du plan de formation, alimentation du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) sont modifiées afin de relever les seuils de dix à onze salariés.

Les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) des employeurs de dix salariés et plus seront désormais agréés pour les employeurs de plus de onze salariés. Les OPCA des micro-entreprises verront possiblement le nombre de leurs contributeurs augmenter tandis que le montant total de la collecte au titre de la formation professionnelle continue pourrait légèrement diminuer, du fait que plus d’entreprises cotiseront à taux réduit.

Les articles L. 6331-15 et suivants du code du travail relatifs à la prise en compte d’un accroissement d’effectifs sont adaptés au changement de seuil mais maintenus, de sorte que le franchissement du seuil restera neutralisé pour trois ans, de manière pérenne.

Le modifie les intitulés des sections du chapitre 1er du titre III du livre III de la sixième partie du code du travail en conséquence.

Le III modifie le code de la sécurité sociale

Le concerne le non-assujettissement des employeurs de moins de dix salariés au forfait social prévu à l’article 137-15 du code de la sécurité sociale.

Le a) relève le seuil de non-assujettissement au forfait social de dix à onze salariés.

Le b) neutralise pour trois ans les effets du franchissement du seuil de onze salariés intervenu en 2016, 2017 ou 2018.

Le complète l’article L. 241-18 du même code relatif à la déduction forfaitaire applicable en matière de cotisations sociales dues au titre des heures supplémentaires. Les entreprises franchissant le seuil de vingt salariés au titre des exercices 2016, 2017 ou 2018 pourront continuer pendant trois ans à se voir appliquer la déduction forfaitaire applicable aux entreprises de moins de vingt salariés (1,50 euro par heure supplémentaire).

Le complète l’article L. 834-1 du même code relatif au taux réduit et l’assiette minorée pour la contribution au FNAL. Le nouvel alinéa permettra aux entreprises franchissant le seuil de vingt salariés au titre des exercices 2016, 2017 ou 2018 pourront continuer à bénéficier pendant trois ans du taux réduit et de l’assiette minorée, à savoir 0,1 % à la part des rémunérations perçues dans la limite du plafond de la sécurité sociale mentionné au premier alinéa de l’article L. 241-3 du même code.

Le IV modifie le code général des collectivités territoriales

Le CGCT se caractérise par la persistance de seuils de niveau voisins mais différents. Ainsi, certains dispositifs sont applicables « jusqu’à » un niveau de neuf ou dix salariés tandis que d’autres sont réservés aux entreprises « de moins » de neuf salariés. Cette absence d’harmonisation altère la lisibilité du droit. Le présent titre procède à une harmonisation de la définition des seuils au sein de ce code et en cohérence avec les autres codes.

Le modifie l’article L. 2333-64 relatif aux modalités du versement transport dans les métropoles hors de la région Île-de-France. Il harmonise les différentes formulations retenues dans l’article pour instituer un seuil unique à onze salariés.

Le procède aux mêmes modifications à l’article L. 2531-2 du CGCT relatif au versement transport en Île-de-France.

Le V modifie l’ordonnance du 2 avril 2015 relative au portage salarial

Le V procède à une modification de l’article 8 de l’ordonnance du 2 avril 2015 précitée. Par cohérence avec les dispositions modifiées relative au financement de la formation professionnelle continue, le seuil de dix salariés est relevé à onze.

Le VI compense les pertes de recettes résultant des dispositions introduites au IV

Le VI institue un prélèvement sur recettes de l’État afin de compenser les pertes de recettes résultant des dispositions introduites au IV pour les autorités organisatrices de la mobilité et la métropole de Lyon. Cette compensation est égale à la différence entre le produit du versement transport recouvré et celui qui aurait été perçu si les articles L. 2531-2 et L. 2333-64 du CGCT étaient appliqués dans leur version en vigueur au 1er janvier 2015. Elle est versée selon une périodicité trimestrielle.

Le VII précise les dates d’entrée en vigueur de certaines dispositions

Le relèvement du seuil d’exonération d’impôt sur les bénéfices dans les ZRR pour les entreprises de moins de dix salariés prévu à l’article 44 quindecies du CGI s’appliquera aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015.

Le relèvement du seuil de dix salariés à onze pour l’exonération de CFE dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et pour le crédit de CFE en faveur des entreprises commerciales et artisanales situées dans une zone de restructuration de la défense s’appliquera à compter des impositions établies au titre de l’année 2016.

Enfin, les changements de seuils relatifs au financement de la formation professionnelle continue s’appliqueront pour la collecte des contributions dues au titre de l’année 2016 et des années suivantes.

B. LE COÛT POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Le coût pérenne de la mesure est évalué à 152 millions d’euros par an. Il pourrait être plus élevé.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE POUR LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES (APU)

(en millions d’euros)

Administration publique

2016

2017

2018

Coût pérenne

État

– 78,75

– 105

– 105

– 105

Collectivités locales

Sécurité sociale

– 27

– 27

– 27

– 27

Autres administrations publiques

– 20

– 20

– 20

– 20

Total pour l’ensemble des APU

– 125,75

– 152

– 152

– 152

Source : évaluation préalable.

Seules certaines dépenses fiscales ont fait l’objet d’une évaluation. Par voie de conséquence, seules les mesures correspondantes ont pu faire l’objet d’une estimation chiffrée.

ESTIMATION DU COÛT DES MESURES DU PRÉSENT ARTICLE

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

Coût

Exonération de l’impôt sur les bénéfices en ZRR

7

Relèvement du seuil et neutralisation des effets de seuil pendant trois ans et pour trois ans

0,5

Crédit de CFE en faveur des entreprises commerciales et artisanales de moins de dix salariés situées dans une zone de restructuration de la défense

2

Relèvement du seuil

Marginal

Crédit d’impôt sur les primes d’intéressement

29

Neutralisation des effets de seuil pendant trois ans et pour trois ans

Marginal

Versement transport

 

Relèvement des seuils

105

Exonération de forfait social

 

Neutralisation des effets de seuil pendant trois ans et pour trois ans

7

Relèvement du seuil

20

Participation de l’employeur à la formation professionnelle continue

 

Relèvement des seuils

20

Source : évaluation préalable.

L’impact des autres mesures sur les finances publiques n’a pas été évalué.

C. L’IMPACT ÉCONOMIQUE

1. Une simplification pour les entreprises

À la suite de la réforme, le nombre de seuils légaux d’effectifs sera réduit de neuf à six. Après la fusion des seuils de neuf, dix et onze salariés, le droit positif reconnaît toujours des seuils de trois, onze, vingt, trente, cinquante et deux-cent-cinquante salariés.

Les seuils de trois et trente salariés correspondent à des situations spécifiques (coopératives agricoles, mutuelles). Les seuils de droit commun seront donc surtout ceux de onze, vingt, cinquante et deux-cent-cinquante salariés.

Tous les dispositifs modifiés seront désormais pourvus de mécanismes d’atténuation des effets de seuils, au moins pendant trois ans. Toutefois, les mécanismes tels qu’ils résulteront de la réforme seront hétérogènes (cf. tableau récapitulatif en tête du présent commentaire) :

– six des douze dispositifs sont pourvus de mécanismes pérennes de « sortie en sifflet » ;

– huit dispositifs sont concernés par la neutralisation temporaire des effets de seuils introduite par le Gouvernement, dont quatre étaient déjà pourvus de mécanismes atténuant plus ou moins les effets de seuils.

Les mécanismes temporaires de neutralisation des effets de seuils introduits par le Gouvernement sont eux-mêmes différents. Si le franchissement de seuil est en général neutralisé pendant trois ans (2016, 2017 et 2018) et pour trois ans, le présent article ménage une exception pour le crédit de CFE en faveur des très petites entreprises situées dans une ZRD. Aux termes du présent article « le franchissement du seuil de onze salariés pour les impositions établies au titre des années 2016 à 2018 ne fera pas perdre le bénéfice du crédit d’impôt aux entreprises concernées ».

2. Un impact difficile à évaluer sur l’emploi

La problématique des effets de seuils comme frein possible à la croissance et à l’emploi a été évoquée à de nombreuses reprises dans divers rapports, notamment les rapports Camdessus (2004) (62), Aghion (2007) (63) et Attali (2008) (64).

Dans son évaluation préalable, le Gouvernement indique que l’existence même des seuils d’effectifs aurait une incidence sur la taille des entreprises françaises et découragerait l’embauche de salariés supplémentaires. Par le présent article, il entend réduire des biais défavorables à l’emploi.

Selon l’évaluation préalable, le Gouvernement s’appuie sur plusieurs rapports et études :

– l’étude de Pierre Cahuc et Francis Kramarz de 2005 (65), qui signale que les seuils d’effectifs sont une caractéristique du tissu économique français ;

– une étude de l’institut allemand Institut für Wirtschaftsforschung (IFO) relative à l’effet sur l’emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne (2015), commandée par la délégation aux entreprises du Sénat, qui souligne que la part des entreprises avec quarante-huit et quarante-neuf salariés est 1,8 fois plus importante en France qu’en Allemagne ;

– les données fiscales de 2005 analysées dans une étude de l’INSEE intitulée L’impact des seuils de 10, 20 et 50 salariés sur la taille des entreprises françaises (66) montrent également de nettes discontinuités dans la distribution aux alentours de certains seuils.

Une lecture attentive de ces rapports et études permet toutefois de douter que la mesure ait des effets significatifs sur l’emploi.

Ainsi, MM. Pierre Cahuc et Francis Kramarz, dans le rapport précité, après avoir relevé la singularité de la France concernant la prépondérance des petites entreprises, excluaient que les effets de seuil, à eux seuls, puissent expliquer le déficit d’emploi en France (annexe 1 du rapport, page 165). Ils concluaient que les seuils avaient « apparemment, une importance relative minime » et que d’autres études statistiques précises seraient nécessaires pour conclure définitivement.

L’étude conduite en 2010 par l’INSEE (précitée) sur les données fiscales et sociales 2005 aboutit à la même conclusion. Des discontinuités dans la distribution et la dynamique des entreprises autour des seuils apparaissent très fortes avec les données fiscales mais faibles ou inexistantes avec les données plus précises issues des déclarations automatisées des données sociales (DADS) et les données des Urssaf.

Même en s’appuyant sur les données fiscales, les effets globaux sont de faible ampleur. La proportion d’entreprises entre zéro et neuf salariés diminuerait de 0,4 point en l’absence de discontinuités administratives, tandis que la proportion d’entreprises entre dix et dix-neuf salariés et celle d’entreprises entre vingt et deux cent cinquante salariés augmenteraient de 0,2 point.

Les auteurs de l’étude concluaient que « ces effets sont ainsi loin de rendre compte des différences de taille d’entreprises entre la France et l’Allemagne, pour lesquelles d’autres explications doivent être recherchées ».

Plusieurs économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) doutent des effets de seuils d’effectifs sur l’emploi. Selon Gérard Cornilleau, économiste à l’OFCE (67), « quand bien même il y aurait un effet emploi avec le lissage ou la suppression des seuils, il faut réfléchir en termes macroéconomiques. C’est-à-dire que les postes créés dans les petites entreprises pourraient être détruits dans les plus grandes ».

*

* *

La commission est saisie de l’amendement I-CF 104 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Lorsque le Gouvernement a donné son accord pour relever les seuils, le groupe UDI, qui a toujours défendu cette thèse, avait proposé de reporter les seuils de neuf et dix salariés à vingt et un, et de cinquante à soixante. Nous félicitons le Gouvernement d’aller dans la bonne direction et d’amplifier le mouvement.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Monsieur de Courson, c’est un amendement d’inflation puisque vous augmentez le nombre de seuils. Nous allons en rester à la disposition prévue à l’article 4. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF 104.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF 105 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à élever le seuil applicable à la désignation d’un délégué syndical, aux calculs des heures de délégation, à l’installation d’un comité d’entreprise, d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et à la mise en place d’une participation aux résultats dans l’entreprise. Augmenter les seuils est une chose. Encore faudrait-il les harmoniser…

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la commission rejette l’amendement I-CF 105.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 106 et I-CF 108 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’amendements de repli.

L’amendement I-CF 106 vise à porter à vingt et un salariés le seuil d’élection des délégués du personnel.

L’amendement I-CF 108 a le même objectif, mais l’application des dispositions est limitée à une durée d’un an à compter de la promulgation de la présente loi. L’un des problèmes de l’article est qu’il fixe la limite à trois ans. Sait-on comment revenir, au bout de trois ans, au seuil antérieur ? Les gens ont besoin de visibilité. Cette limite fixée à trois ans n’est pas cohérente. Ces mesures ne seront pas efficaces, alors que, pour une fois, elles vont dans la bonne direction.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la commission rejette successivement les amendements I-CF 106 et I-CF 108.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

*

* *

Article 5
Augmentation du plafond de la provision déductible de l’impôt sur les sociétés des groupements d’employeurs en pourcentage de la masse salariale

Le présent article permet aux groupements d’employeurs (GE) de déduire de leur impôt sur les sociétés le montant d’une réserve de précaution constituée afin de financer la responsabilité solidaire entre les membres de ces groupements jusqu’à 2 % de la masse salariale.

Cette mesure s’insère dans un ensemble de mesures destinées à promouvoir les GE, qui s’inscrit lui-même dans le cadre du plan « Tout pour l’emploi dans les TPE et les PME » annoncé par le Premier ministre le 9 juin 2015.

Le montant de cette mesure est évalué entre 1 et 2 millions d’euros.

Les GE ont été formellement reconnus par les articles 46 et suivants de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, afin d’encourager la coopération entre employeurs et l’organisation des activités saisonnières. À l’origine, il s’agissait de permettre à des entreprises de petite taille, le plus souvent agricoles et connaissant de fortes activités saisonnières, d’embaucher des salariés dont le coût aurait été trop élevé pour chacune des entreprises prises individuellement.

Les avantages du dispositif en termes d’emploi ont conduit à sa généralisation. Le seuil d’effectifs pour adhérer à un groupement d’employeurs a été relevé de dix salariés en 1985 à trois cents en 1993 (68) puis assouplie par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, dite « loi Aubry III » et enfin supprimée par la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Depuis lors, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des grandes entreprises peuvent donc, le cas échéant, être membres fondateurs d’un groupement ou adhérer ultérieurement à un groupement existant.

La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a permis aux entreprises de constituer des groupements avec des collectivités territoriales (article 59) à certaines conditions, assouplies par la loi du 28 juillet 2011 précitée. Les collectivités territoriales ne doivent pas être majoritaires dans le groupement. Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d’une collectivité territoriale ne peuvent constituer l’activité principale du groupement. Le temps consacré par chaque salarié aux tâches effectuées pour le compte des collectivités territoriales adhérentes ne peut excéder, sur l’année civile, la moitié de la durée du travail contractuelle ou conventionnelle ou, à défaut, légale, calculée annuellement.

Les GE se sont vus reconnaître un champ d’intervention croissant. Les spécificités des « groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification » (GEIQ) ont ainsi été reconnues par l’article 20 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, afin d’encourager le développement de ces groupements qui organisent des parcours d’insertion et de qualification pour des salariés rencontrant des difficultés d’insertion.

Une réalité encore mal connue

Les groupements d’employeurs sont insuffisamment connus : les services de l’État ne disposent pas de données statistiques précises sur le nombre, la composition, l’état financier et les pratiques de gestion des groupements d’employeurs, autre que les données partielles fournies par des fédérations nationales de groupements d’employeurs.

Le dénombrement des GE pose des difficultés puisque nombre de GE mono-sectoriels ne se déclarent pas avec l’activité « groupement d’employeurs » pour activité principale (code APE de l’INSEE). À l’inverse, certaines structures référencées avec le code APE de groupements d’employeurs n’en sont pas.

Une étude quantitative et qualitative est en cours, sous l’égide de la direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) du ministère de l’emploi, avec la participation de la direction générale des entreprises (DGE), de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et du ministère de l’agriculture.

Les organisations de représentation ou d’animation des groupements d’employeurs sont nombreuses. À la fin des années 1990, plusieurs organisations ont été créées sous statut associatif : des associations à vocation régionale (Centres de ressources de Poitou-Charentes, des Pays de la Loire, de l’Aquitaine, de la Bretagne, du Languedoc Roussillon et de l’Auvergne) ou sectorielle (Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux, Fédération nationale profession sport et loisirs). L’Union des groupements d’employeurs de France (UGEF) fut la première association à vocation nationale. Deux syndicats créés respectivement en 2014 et 2015 complètent ce paysage : la Fédération nationale des groupements d’employeurs (FNGE), qui revendique 81 adhérents après un an d’existence, soit 4 365 adhérents utilisateurs (entreprises adhérentes aux groupements) pour 2 397 équivalent temps plein, et le Syndicat national des groupements d’employeurs (SNGE), créé en janvier 2015, qui revendique 22 adhérents aujourd’hui.

Selon l’UGEF, reprise dans l’évaluation préalable du Gouvernement, il existe aujourd’hui 4 500 GE, dont environ 4 000 groupements agricoles, environ 100 GEIQ et environ 300 groupements à vocation économique (hors GE agricoles et GEIQ). L’ensemble représenterait 26 000 emplois. La plupart des groupements d’employeurs à vocation économique sont intersectoriels. L’assujettissement des groupements à la TVA, dès lors qu’un de leurs membres y est assujetti, a conduit à la création de groupements « hors TVA », dans le secteur associatif par exemple.

Selon le Centre de ressources pour les groupements d’employeurs (CRGE), autre organisation professionnelle, le nombre total de GE déclarés au Journal officiel des associations et des fondations d’entreprises atteindrait 5 065, dont 400 GE « classiques » (13 000 emplois), 165 GEIQ (2 600 emplois) et 4 500 GE agricoles (19 000 emplois). L’ensemble représenterait ainsi 34 600 emplois et un chiffre d’affaires de 650 millions d’euros environ. Ces chiffres sont des majorants, une partie des GE déclarés au Journal officiel étant en sommeil ou ayant disparu.

Selon les éléments recueillis par la DGE, les adhérents des groupements d’employeurs sont souvent de petites entreprises (TPE, PME, associations). Très peu d’ETI ou de grandes entreprises y participent. Le nombre moyen de mis à disposition en équivalents temps plein serait compris, le plus souvent, entre deux-trois salariés et quelques dizaines, voire une centaine de salariés. La structure type d’un groupement d’employeurs est composée d’un directeur – en général un spécialiste des ressources humaines –, un assistant et un secrétaire.

Exemples de groupements d’employeurs

1er cas : un groupement de taille moyenne.

– Effectif : 19 équivalents temps plein ;

– Masse salariale annuelle chargée brut : 402 000 euros ;

– Dernier bénéfice connu avant impôt sur les sociétés (IS) : 5 000 euros.

2e cas : un groupement multisectoriel de grande taille par rapport à la moyenne.

– Effectif  : 74 équivalents temps plein (ETP) ;

– Masse salariale annuelle chargée brut : 1 950 000 euros ;

– Dernier bénéfice connu avant IS : 13 000 euros.

3e cas : un groupement multisectoriel de grande taille par rapport à la moyenne avec une dominante industrielle.

– Effectif : 84 équivalents temps plein ;

– Masse salariale annuelle chargée brut : 3 175 000 euros ;

– Dernier bénéfice connu avant IS : 60 000 euros.

Source : direction générale des entreprises.

Données agrégées sur six groupements

Une étude menée en Pays de la Loire sur la structure financière de six groupements de taille relativement importante a dégagé les données suivantes (en données agrégées pour les six groupements étudiés ) :

– chiffre d’affaires agrégé : 6,35 millions d’euros ;

– charges : 4,28 millions d’euros de salaires, 1,25 million d’euros de charges sociales (dont 351 812 euros pour les salaires des permanents et 113 820 euros pour les charges de structure) ;

– tranche d’impôt sur les sociétés : 15 % ;

– montant total d’impôt et taxes acquittés : 137 234 euros pour 2013.

Source : direction générale des entreprises.

La possibilité de constituer une réserve de précaution défiscalisée pour le paiement des salaires

Les membres du groupement sont solidairement responsables des dettes à l’égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires (article L. 1253-8 du code du travail). Par dérogation, les statuts des groupements d’employeurs peuvent prévoir, sur la base de critères objectifs, des règles de répartition de ces dettes entre les membres du groupement, opposables aux créanciers. Ils peuvent également prévoir des modalités de responsabilité spécifiques pour les collectivités territoriales membres du groupement.

L’article 57 de la loi du 23 février 2005 précitée a créé la possibilité pour les groupements d’employeurs de constituer une réserve de précaution défiscalisée. Il s’agissait de favoriser la solidarité financière au sein des groupements d’employeurs en cas de défaillance temporaire de l’un des membres.

En effet, en application des articles L. 1253-1 et suivants du code précité, le contrat de travail du salarié est conclu avec le groupement d’employeurs de sorte qu’il revient à ce dernier de payer le salarié, quand bien même l’entreprise auprès de laquelle le salarié est mis à disposition ne peut plus rémunérer la prestation de service. L’assurance de garantie des salaires, apportée par l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), ne peut donc être mise en œuvre au bénéfice des salariés du groupement que si le groupement lui-même connaît une défaillance.

Autre facteur de fragilité : le groupement d’employeurs est un créancier simple, autrement dit non prioritaire, vis-à-vis de ses adhérents car la créance n’est pas de nature salariale ; elle est considérée comme la contrepartie d’une prestation de services.

Cette provision défiscalisée finance donc la mise en œuvre de la responsabilité solidaire des groupements d’employeurs, prévue à l’article L. 1253-8 précité. Elle a depuis été codifiée au 8° du 1 de l’article 214 du code général des impôts (CGI), lors de la recodification de 2008 (69), et n’a pas été modifiée depuis.

Conformément aux dispositions du CGI, les groupements d’employeurs peuvent, à la clôture de l’exercice, déduire de leur bénéfice imposable, de manière extra-comptable, et dans la limite de 10 000 euros, les sommes provenant des recettes de l’exercice et inscrites à un compte d’affectation spéciale ouvert auprès d’un établissement de crédit afin de faire face à la mise en œuvre de la responsabilité solidaire pour le paiement des dettes salariales prévue à l’article L. 1253-8 précité.

Tous les GE sont visés, à savoir :

– les groupements d’employeurs mentionnés aux articles L. 1253-1 à L. 1253-18, c’est-à-dire les groupements de PME désireuses de recruter un même salarié à temps partagé pour occuper une fonction économique dont le volume ne peut justifier, du fait de la taille de l’entreprise, la création d’un emploi ;

– les groupements d’employeurs agricoles mentionnés à l’article R. 1253-14 du même code, permettant le remplacement des chefs d’exploitations ou d’entreprises agricoles ainsi que des membres non salariés de leur famille travaillant sur l’exploitation en cas d’absences temporaires (maladie, accident, maternité, formation professionnelle, etc.) ;

– les groupements d’employeurs composés à la fois de personnes physiques ou morales de droit privé et de collectivités territoriales ou de leurs établissements publics et mentionnés à l’article L. 1253-19.

L’épargne doit être déposée sur un compte bancaire spécifique ouvert au nom du groupement d’employeurs. Elle doit être inscrite à l’actif du bilan et provenir des recettes de l’exécution. Le compte bancaire retrace les opérations aux sommes épargnées dans le cadre de la déduction mais peut aussi recevoir des sommes épargnées qui n’ont pas bénéficié de celle-ci.

L’épargne accumulée est pourvue d’une sorte de « date de péremption ». Les entreprises membres du groupement doivent utiliser les sommes épargnées au cours des cinq exercices qui suivent leur versement. À défaut, ces sommes seront « refiscalisées », c’est-à-dire que la déduction sera rapportée aux résultats du cinquième exercice suivant celui au titre duquel elle a été versée.

Si l’épargne constituée est utilisée pour un autre objectif que la mise en œuvre de la responsabilité solidaire, les déductions relatives aux sommes utilisées sont rapportées au résultat de l’exercice au cours duquel cette utilisation a été effectuée.

Il est possible pour les groupements d’employeurs de constituer une provision plus importante, l’avantage fiscal restant, en tout état de cause, plafonné à 10 000 euros.

Selon la DGE, compte tenu de leur taille réduite, le montant d’impôt sur les sociétés acquitté par les groupements d’employeurs est déjà faible. La plupart des groupements sont imposés à taux réduit (15 %). Pour mémoire, le taux réduit d’impôt concerne les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros. Le montant du bénéfice imposable au taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15 % est plafonné à 38 120 euros par exercice comptable de 12 mois.

Selon la DGE du ministère de l’économie, les retours d’expérience recueillis en Poitou-Charentes et dans les Pays de la Loire montrent que les groupements d’employeurs provisionnent en général, par précaution, le maximum possible, soit 10 000 euros sur cinq ans, dès qu’ils parviennent à une taille importante, soit une dizaine d’entreprises adhérentes et autant de salariés mis à disposition, en équivalents temps plein (ETP).

Il s’agit de parer à des défaillances financières simultanées de plusieurs adhérents qui ne peuvent plus payer les factures pour le paiement des salariés mis à disposition. La provision évite de faire appel à la solidarité des entreprises adhérentes solvables.

La DGE a transmis à la Rapporteure générale des exemples réalistes de situations où le maximum de provision peut paraître trop limité pour couvrir la dette.

● Premier cas : un groupement d’employeurs composé de seize entreprises adhérentes et comptant huit salariés, dont la masse salariale est inférieure à 500 000 euros.

Ce groupement s’est développé dans plusieurs domaines d’activité, il est donc multisectoriel. Cinq salariés, en contrat à durée indéterminée (CDI) au sein du groupement d’employeurs, sont mis à disposition chez un premier adhérent de janvier à mai ; de juin à décembre, ils sont mis à disposition auprès d’un second adhérent. Leurs parcours sont donc construits en temps partagé auprès de plusieurs adhérents. Les cinq postes ne sont pas identiques, il y a un magasinier, un cadre, une secrétaire administrative, un ouvrier polyvalent, un administrateur de site internet. Le premier adhérent est subitement placé en liquidation judiciaire et ne peut pas payer les factures des trois derniers mois de mises à disposition. Le montant de l’impayé se monte à 45 000 euros (sur la base d’un salaire d’environ 2 000 euros, auquel s’ajoutent environ 1 000 euros de charges, multiplié par trois mois d’impayés et par cinq salariés).

Dans ce cas, on constate que le groupement utilise la quasi-totalité de sa provision pour risque.

● Deuxième cas : la même situation se produit dans un groupement d’employeurs de quarante salariés qui met à disposition dix salariés en temps partagé entre un premier adhérent pendant cinq mois de l’année et un second adhérent les sept mois restants. Le premier adhérent est placé en liquidation judiciaire et ne peut pas payer les factures des trois derniers mois. Le montant de l’impayé se monte cette fois à 90 000 euros pour les dix salariés suivant la même méthode de calcul.

● Troisième cas : il en serait de même avec deux fois cinq salariés mis à disposition de deux adhérents qui connaîtraient tous deux des difficultés sérieuses pour honorer leur créance.

Dans les deux derniers exemples, le montant maximum de 50 000 euros provisionné sur cinq ans est insuffisant.

À l’issue d’un conseil restreint sur l’emploi et l’activité dans les très petites et les moyennes entreprises (TPE-PME), le Premier ministre a présenté, le 9 juin 2015, dix-huit « mesures fortes pour lever les freins, les incertitudes, simplifier la vie des TPE et des PME et donc encourager l’embauche ». En matière fiscale, certaines mesures annoncées avaient l’ambition de rendre plus attractif les groupements d’employeurs :

– adapter le régime de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des groupements d’employeurs au sens du code du travail pour les services rendus aux adhérents non assujettis à cette taxe ;

– relever le plafond en déduction d’impôt de la provision de responsabilité solidaire du groupement envers les adhérents défaillants en permettant d’appliquer un plafond calculé sur la masse salariale (2 %) ;

– confirmer l’application aux groupements de moins de vingt salariés de la déduction de cotisations patronales sur les heures supplémentaires des entreprises de cette taille.

Le présent article ne substitue pas au plafond de 10 000 euros un nouveau mode de calcul fondé sur la masse salariale mais offre une alternative.

Il modifie le premier alinéa du 8° du 1 de l’article 214 du CGI, de sorte que les groupements pourront provisionner au moins 10 000 euros, quelle que soit leur masse salariale, et jusqu’à 2 % du montant de leur masse salariale majorée des cotisations salariales.

Les rémunérations prises en compte sont les salaires bruts, c’est-à-dire les salaires nets et les cotisations salariales.

Cette rédaction garantit ainsi une provision minimale aux groupements composés des plus petites entreprises. A contrario, pour un groupement dont la masse salariale s’élève à un million d’euros par an, la réforme permettra de provisionner deux fois plus qu’aujourd’hui. Pour une masse salariale de 800 000 euros, la provision pourra atteindre 16 000 euros par an.

Ce pourcentage de 2 % est celui qu’ont proposé les organisations de groupements d’employeurs. Il n’est pas apparu opportun d’aller au-delà. À cet égard, la DGE estime qu’il ne serait pas aisé de provisionner plus de 100 000 euros sur cinq ans pour de petites structures, qui ont une trésorerie limitée.

Il restera toujours possible pour un groupement de provisionner au-delà de 2 %, le dégrèvement fiscal restant en tout état de cause plafonné à 2 % de la masse salariale. Il est également possible, en cas de défaillance particulièrement grave, de solliciter directement les autres adhérents qui restent tenus à une solidarité financière.

D’après l’Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2015, la dépense fiscale n° 320122 correspondant à la provision déductible de l’impôt sur les sociétés des groupements d’employeurs « coûte » actuellement 6 millions d’euros par an au budget de l’État.

À partir des déclarations de résultats déposées par les redevables au titre des exercices clos en 2013 et dont la forme juridique est codifiée « groupement d’employeurs », il a été possible d’identifier 2 400 groupements d’employeurs sur les 4 500 estimés.

Sur ces 2 400 redevables, 200 déclarent un montant de masse salariale et de cotisations sociales supérieur à 500 000 euros. Ces 200 redevables sont donc susceptibles de bénéficier d’une provision de plus de 10 000 euros après la réforme (500 000 × 2 %).

L’estimation est réalisée en posant la double hypothèse selon laquelle les 200 redevables ont déjà atteint une provision de 10 000 euros et qu’ils déclareront après la réforme une provision égale à 2 % de la masse salariale.

Le surplus de provision est estimé à 5 millions d’euros, ce qui donne un surcoût pour l’État de 0,75 million d’euros après application d’un taux moyen d’impôt sur les sociétés de 15 %. Extrapolée à l’ensemble des 4 500 groupements d’employeurs, cette hypothèse conduit à un coût majorant de 1,5 million d’euros. L’évaluation préalable retient donc une fourchette entre 1 et 2 millions d’euros.

Ce calcul est évidemment valable toutes choses égales par ailleurs. Le but de la mesure étant d’encourager et de développer la formule du groupement d’employeurs, un écart à la hausse pourrait être observé. A contrario, la DGE souligne que les petites entreprises n’ont pas intérêt à provisionner des montants trop importants, ce qui les inciterait plutôt à la modération sauf si les risques qu’elles perçoivent sont élevés.

Les bénéfices en termes d’emploi du présent article ne sont évalués ni par la DGE ni par les fédérations et syndicats des groupements d’employeurs.

Aujourd’hui selon l’UGEF, les groupements d’employeurs représentent 26 000 emplois. Le CRGE avance le chiffre de 34 600.

L’objectif des trois mesures annoncées par le Gouvernement est de développer le recours aux groupements d’employeurs qui permettent à des salariés de partager leur temps entre plusieurs entreprises tout en ayant un emploi stable et à temps plein.

L’expression du plafond de la provision déductible de l’impôt sur les sociétés en pourcentage de la masse salariale vise à ne pas décourager les groupements d’employeurs qui voudraient embaucher davantage de salariés.

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La commission adopte l’article 5 sans modification.

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Après l’article 5

La commission est saisie de l’amendement I-CF 295 de Mme Eva Sas.

M. Éric Alauzet. Une catégorie de jeunes, un peu plus qualifiés que ceux visés par le dispositif, n’est pas concernée par le système des emplois d’avenir. Avec un coût de 6 000 euros par an et par emploi – contre 10 000 pour un emploi d’avenir –, cette mesure serait de nature à faciliter l’embauche de ces jeunes et à leur mettre le pied à l’étrier.

Mme la Rapporteure générale. Vous proposez d’octroyer un crédit d’impôt sur les sociétés à des organismes qui en sont exonérés, ce qui revient à une subvention brute. Vous m’opposerez qu’un dispositif de même type existe déjà en faveur des organismes s’occupant de logement social en outre-mer, mais nous souhaitons éviter de répéter ce schéma.

Cet amendement a déjà été rejeté l’an dernier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF 295.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 364 à I-CF 366 de M. Alain Fauré.

Mme Christine Pires Beaune. Ces trois amendements visent à revenir sur le dispositif plus communément connu sous le nom de « niche Copé ». L’amendement I-CF 365 vise à substituer au taux de 8 % le taux de 19 %. Les deux autres sont de repli.

Mme la Rapporteure générale. Je suis favorable à l’esprit des amendements que vous proposez. Toutefois, ces amendements sont placés dans la première partie du projet de loi de finances, ce qui est inadéquat. Ils devraient être déposés en seconde partie pour éviter l’application du dispositif dès les revenus générés en 2015.

Concernant les différents taux que vous proposez, il faut que nous approfondissions un peu plus ces amendements. Soit vous les retirez maintenant pour les redéposer en séance, soit, à ce stade, je donne un avis de sagesse.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire les amendements.

M. le président Gilles Carrez. Placés en première partie, ces amendements ne seront pas rétroactifs, mais ils relèveront de ce que l’on appelle la « petite rétroactivité », c’est-à-dire qu’ils s’appliqueront aux exercices clos à compter du 31 décembre 2015, et donc à la totalité des exercices civils sur l’année 2015. C’est très ennuyeux pour des opérations patrimoniales qui ont été faites sous l’empire d’une certaine fiscalité et qui n’auraient pas eu lieu si cette fiscalité avait été – comme en l’occurrence – multipliée par quatre.

M. Charles de Courson. Nous avons débattu de la question pendant des années. Que l’on soit pour ou contre l’« amendement Copé », on doit avoir conscience que, si l’on revient sur cette mesure, cela aura pour conséquence un gel total des opérations. Les grands groupes ne feront plus leurs opérations en France et cela accentuera la délocalisation des sièges.

M. le président Gilles Carrez. Madame Pires Beaune, je vous invite à relire le rapport que Lionel Jospin avait commandé à Michel Charzat en 2001 et à la suite duquel cette décision avait été prise. Jusque-là, les opérations de cession de titres de participation se faisaient systématiquement à l’étranger, notamment aux Pays-Bas.

Les amendements I-CF 364 à I-CF 366 sont retirés.

La commission en vient à l’amendement I-CF 129 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Au lieu de se concentrer sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), il eût été préférable que le Gouvernement prenne des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) en réduisant progressivement le taux de l’impôt sur les sociétés de 15 à 10 %, dans la limite du plafond de la première tranche des bénéfices, et qu’il n’y touche plus ensuite. Tout le monde reconnaît que ce sont, en grande partie, les petites et moyennes entreprises qui créent des emplois et développent ce pays. Au lieu de construire des usines à gaz, encourageons les PME !

Mme la Rapporteure générale. Cet amendement, qui cible les PME, est intéressant. J’en avais déposé un dans le même esprit il y a deux ans : il visait à étendre à toutes les PME la taxation à 15 % des premiers 38 000 euros de résultat net. Aujourd’hui, elle ne concerne que les entreprises ayant un chiffre d’affaires de moins de 7,6 millions d’euros.

Toutefois, je vais donner un avis défavorable à votre amendement, monsieur de Courson, car de nombreux dispositifs ont été mobilisés. Ce matin, vous nous avez appelés à la vigilance sur l’ensemble des finances publiques. Des choix ont été faits qui profitent aux PME. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) étant ciblé jusqu’à 2,5 SMIC, il profite d’abord aux PME et aux très petites entreprises (TPE). L’effort consenti par la Nation en faveur de ces entreprises est déjà considérable et l’état de nos finances publiques ne nous permet pas d’accepter votre proposition.

M. Dominique Lefebvre. Le problème de cet amendement, c’est qu’il propose un allégement de la fiscalité sur les entreprises financé par un alourdissement significatif de la fiscalité sur les ménages – avec l’augmentation des droits sur le tabac. Si vous estimez, monsieur de Courson, que votre proposition est plus pertinente que d’autres, il eût été préférable d’indiquer, parmi les mesures que nous nous apprêtons à voter en faveur des entreprises, celle qui devrait être reportée ou différée pour financer celle que vous proposez.

J’en profite pour rappeler que, en 2016, les augmentations de fiscalité qui ont été votées par la précédente majorité et par la nôtre et qui ont pesé sur les entreprises depuis 2011 auront été effacées. À ce stade, nous avons de bonnes raisons de maintenir l’allégement, prévu en 2016, d’environ 1 milliard d’euros de C3S qui va toucher énormément de PME et de TPE, s’agissant d’un impôt sur le chiffre d’affaires dont tout le monde constate que ce n’est pas le plus intelligent. Je rappelle que, dans le pacte de responsabilité et de solidarité, la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés est prévue pour 2017.

Nous proposons cette année un paquet de 9 à 10 milliards d’euros d’allégements pour les entreprises en 2016 en ne reconduisant pas la surtaxe d’impôt sur les sociétés de 2,5 milliards d’euros. Nous aurons, en 2017, à débattre en particulier de la dernière tranche de C3S : si la mesure est votée par notre assemblée, il restera 3,5 milliards de C3S pour 20 000 entreprises. On peut poursuivre dans cette voie, on peut également annoncer que l’on va réfléchir à la manière de redistribuer ces sommes, soit par une baisse du taux général de l’impôt sur les sociétés, soit par une baisse ciblée sur les PME. Pour cela, je vous donne rendez-vous plutôt l’année prochaine.

M. Charles de Courson. J’ai eu ce débat en privé avec M. Sapin. Je lui ai dit que je ne comprenais pas ses choix fiscaux. Il est beaucoup plus intelligent et beaucoup plus efficace, avec la même somme, de baisser le taux de l’impôt sur les sociétés pour les PME et de revenir progressivement à des taux plus proches de la moyenne européenne, au-delà du seuil des 30 000 euros et quelques, que de s’échiner à éliminer la C3S. Il est vrai que c’est un impôt imbécile, mais, quand on n’a pas de marge de manœuvre, il faut se fixer des priorités.

Je prends acte de ce qu’a dit Dominique Lefebvre et j’espère que, l’année prochaine, il m’appuiera pour en finir avec la C3S et passer à l’impôt sur les sociétés, en commençant par les PME, à coût inchangé.

La commission rejette l’amendement I-CF 129.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 313 et I-CF 311 de Mme Eva Sas.

M. Éric Alauzet. Nous proposons d’abaisser le plafond de la fraction des dépenses éligibles au taux de 30 % du crédit d’impôt recherche (CIR) de 100 à 50 millions d’euros. Moins de 2 % des entreprises déclarent plus de 20 millions d’euros de recherche et développement (R&D) en France. A contrario, cela veut dire que près de 98 % des entreprises déclarent moins de 20 millions d’euros de R&D. Le plafond de 100 millions d’euros n’a donc de facto aucune raison d’être, alors qu’il occasionne une perte de revenu de 500 millions d’euros pour l’État. L’impact global de cet amendement se chiffrerait à hauteur de 1 milliard d’euros, somme qui pourrait être utilisée notamment pour financer la recherche publique.

Le dispositif du CIR est considéré au niveau européen comme une mesure de dumping fiscal, alors que nous sommes engagés dans la lutte contre l’évasion fiscale générée par les pratiques déloyales de certains pays. Le CIR nous permet de garder un certain nombre d’entreprises sur notre territoire, mais ce n’est pas très loyal non plus.

Mme la Rapporteure générale. Vous ne pouvez à la fois déposer un amendement pour que l’on apprécie le plafond de dépenses au niveau du groupe consolidé, afin qu’il n’y ait pas de filiales qui multiplient à l’envi le plafond de 100 millions d’euros, et déposer celui-ci pour redescendre le plafond à 50 millions d’euros. Pour certaines entreprises industrielles, ce n’est pas raisonnable au regard de l’effort de recherche qu’elles font. C’est du point de vue économique que je ne partage pas votre sentiment. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous devons vivre avec le CIR tel qu’il existe jusqu’à la fin de la législature. Dans un contexte hyperconcurrentiel, nous n’avons pas intérêt à changer une virgule au système actuel, car toute déstabilisation pourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur les investissements d’un certain nombre d’entreprises dans le domaine de la recherche et du développement.

On peut toujours en contester le bien-fondé, y compris dans le cas des grands groupes qui calculent le CIR à travers leurs filiales, mais il faut savoir que, s’il n’y avait pas ces dispositions, certains grands groupes ne pourraient pas mener à bien leur activité de recherche et développement dans des filiales dites « mineures ».

Le crédit d’impôt recherche est mal nommé : il s’agit en réalité d’un CICE pour les ingénieurs et les techniciens supérieurs. Il permet de rendre la masse salariale plus supportable, grâce à une réduction du coût des ingénieurs. Ceux qui l’ont conçu souhaitaient redonner de la compétitivité à la R&D dans les entreprises. L’objectif du CIR n’a jamais été de faire de la recherche académique, mais il a permis aux entreprises françaises les plus innovantes de rester en vie et d’être concurrentielles au niveau international.

Ne déstabilisons pas un système que nous envient de nombreux pays et qui rend la France très attractive. Certes, il faut se demander ce que nous ferons ensuite avec les start-up, car il s’agit bien de financer l’innovation. Je serais tenté de donner un coup de rabot sur le CIR, parce qu’il manque de l’argent ailleurs – notamment à la Banque publique d’investissement (BPI) et dans les pôles de compétitivité. Mais, pour l’instant, ne touchons pas au système.

M. Dominique Lefebvre. À la constance de ceux de nos collègues qui, à chaque projet de loi de finances, déposent des amendements visant à modifier le CIR, répondra celle du groupe socialiste, républicain et citoyen, qui, depuis le début de la législature, a choisi de le maintenir en l’état et s’opposera à tous ces amendements.

Mme Karine Berger. Lors du dernier débat sur le sujet dans l’hémicycle, nous avons appris que, du fait des règles encadrant le marché commun, toute dépense de recherche réalisée dans l’Union européenne était éligible au crédit d’impôt recherche en France. J’espère bien que le CIR n’est pas le CICE des entreprises de technologie, et que vous n’allez pas m’apprendre qu’embaucher des gens en République tchèque donne droit au CICE en France – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Madame la Rapporteure générale, avez-vous pu avoir connaissance des sommes couvertes par un CIR alors qu’elles ne sont pas dépensées sur le territoire français ?

Mme la Rapporteure générale. C’est un point crucial. Suite à la dernière loi de finances, j’ai fait plusieurs demandes concernant le CIR. Il s’élevait à 470 millions d’euros en 2002, à 3,4 milliards d’euros en 2012 et à 5,3 en 2015. Force est de constater que les dépenses de recherche n’ont pas progressé dans cette proportion.

J’ai en vain demandé à Bercy un tableau décomposant le montant du CIR entre ce qui est payé à des entreprises en France pour faire de la recherche en France et ce qui est payé pour faire de la recherche l’étranger. On m’a simplement communiqué les montants de CIR des cinquante premières entreprises qui le perçoivent : ce document, couvert par le secret fiscal, est imprimé sur cinquante pages et enfermé dans un coffre de la commission des finances. J’ai expliqué à Bercy que le Gouvernement encourageant la simplification et la productivité, il serait bon qu’on me fasse parvenir ces informations sous forme d’un fichier informatique, qui me permettrait de faire le tri entre ce qui est payé en France et qui l’est à l’étranger.

M. Charles de Courson. Bercy a-t-il fait le calcul ?

Mme la Rapporteure générale. Je l’ignore.

M. Charles de Courson. Je croyais qu’il y avait un accord entre tous les groupes politiques pour ne plus toucher au crédit d’impôt recherche. Ne bougeons plus jusqu’à la fin de la législature et réfléchissons.

Je confirme ce qu’a dit la Rapporteure générale : il n’est pas interdit à une entreprise de sous-traiter pour partie sa recherche dans un institut tchèque ou allemand, et d’être éligible au CIR.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 311 propose de consolider les dossiers des différentes filiales au niveau du groupe pour éviter les cumuls et le découpage du CIR à travers l’ensemble des filiales. Il s’agit de centraliser les demandes et de réduire le CIR en conséquence.

Mme la Rapporteure générale. J’y suis favorable. Mais, si l’on veut éviter la petite rétroactivité, mieux vaudrait déposer cet amendement en seconde partie du projet de loi de finances. Pour cette raison, je vous suggère de retirer l’amendement.

M. Charles de Courson. Nous avons eu ce débat pendant des années. Il est vrai que le fait de calculer entreprise par entreprise pose un problème au regard des groupes. Mais soyons pragmatiques ! Un tel amendement pénaliserait les grandes entreprises françaises les plus performantes, comme Airbus ou les groupes automobiles. Tout cela est très compliqué : il faut définir le périmètre du groupe, consolider l’ensemble des dépenses ; il peut y avoir des échanges de recherche à l’intérieur d’un groupe ; des centres de recherche financés par plusieurs entreprises du groupe ; la recherche peut se faire en interne ou en externe. On ne peut que souhaiter la neutralité de l’organisation des groupes au regard des impôts que nous votons. Cela étant, j’appelle votre attention sur les conséquences d’un tel amendement, qui vise à économiser 500 millions d’euros.

Mme Arlette Grosskost. Ce que souhaitent nos entreprises, les petites comme les grandes, c’est la stabilité fiscale. Si nous touchons à ce dispositif, nous en revenons à l’instabilité. De grâce, arrêtons ! Redonnons confiance à nos entreprises !

M. Dominique Lefebvre. L’année dernière, notre commission a adopté à la majorité des amendements remettant en cause le CIR, lesquels ont finalement été rejetés dans l’hémicycle. Cette manœuvre a eu pour seul effet de générer des interrogations sur la permanence du dispositif. Je n’ai aucun élément qui me laisse penser que la position du groupe socialiste, républicain et citoyen ait changé par rapport à l’an dernier. Aussi, mieux vaut éviter d’adopter en commission des amendements qui seront rejetés dans l’hémicycle par le Gouvernement et par notre groupe.

M. Éric Alauzet. Je redéposerai l’amendement I-CF 311 en seconde partie.

L’amendement I-CF 311 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF 313.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 314 de Mme Eva Sas.

M. Éric Alauzet. Cet amendement propose de conditionner le CIR d’un montant supérieur ou égal à 1 million d’euros à la création d’un poste à destination d’un docteur. Dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le doctorat est considéré comme un passeport pour les postes à responsabilité dans le secteur privé, du fait de l’autonomie des réseaux académiques et de l’ouverture à l’international de ces diplômes. En France, la séparation entre universités et grandes écoles a contribué à éloigner les chercheurs de la R&D, si bien que 9 % des titulaires d’un diplôme de doctorat sont en recherche d’emploi trois ans après leur soutenance de thèse, contre 2 à 4 % dans les autres pays de l’OCDE. C’est un gâchis énorme pour le développement économique de notre pays.

Mme la Rapporteure générale. S’agissant du CIR, le dispositif « jeunes docteurs » existe déjà, avec la prise en compte des rémunérations des jeunes docteurs pour le double de leur montant dans l’assiette du CIR. Il convient de laisser un peu de liberté aux entreprises en ce qui concerne leur manière de mener leur R&D.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF 314.

Article additionnel après l’article 5
Application du doublement des dépenses prises en compte dans le cadre du crédit d’impôt recherche pour les opérations confiées aux instituts technologiques agricoles et aux instituts technologiques agro-industriels

La commission en vient à l’amendement I-CF 217 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est un petit amendement dont le coût est estimé à 3 millions d’euros. Après de longs débats, nous avons intégré dans le code de la recherche les centres techniques industriels (CTI). Mais nous avons oublié leurs équivalents dans le domaine de l’agriculture : les instituts technologiques agricoles (ITA) et les instituts technologiques agro-industriels (ITAI). Au total, ils sont trente. Cet amendement propose de rendre éligible au crédit d’impôt la recherche faite dans ces instituts.

Mme la Rapporteure générale. Charles de Courson a raison. Cet avantage a été reconnu aux CTI uniquement via des rescrits fiscaux. Je confirme également le montant de 3 millions d’euros. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF 217.

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Après l’article 5

La commission examine l’amendement I-CF 312 de Mme Eva Sas.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de cumuler CIR et CICE.

Nous aurions intérêt à conduire une évaluation englobant le CIR et le CICE, puisque les deux dispositifs montent en puissance. Au total, nous allons arriver à un montant de 25 ou 26 milliards d’euros.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà eu le débat l’an dernier. Les deux dispositifs ne visent pas tout à fait les mêmes objectifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF 312.

La commission est saisie de l’amendement I-CF 128.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement « hollandiste », qui vise à appliquer ce qu’a annoncé le Président de la République : le CICE est trop compliqué et il faut le remplacer par une baisse des cotisations sociales. Je partage entièrement cette thèse, que je défends depuis vingt-deux ans. Je cite les propos tenus le 6 novembre 2014 par le Président de la République : « Nous allons faire le CICE pendant trois ans ; ça va monter en régime, et après, en 2017, tout ce qui a été mis sur l’allégement du coût du travail, ça sera transféré en baisse de cotisations sociales pérennes ». Je ne puis qu’approuver de tels propos et je propose simplement d’anticiper d’un an. Je suis un « super hollandiste » !

M. le président Gilles Carrez. Quel est le coût de ce dispositif ?

M. Charles de Courson. Le coût est nul puisqu’on supprime le CICE pour pouvoir baisser les cotisations sociales.

M. Olivier Carré. Vous dites qu’il y a une montée en puissance, mais il y a toujours un recul. Les montants dus cette année aux entreprises seront effectivement délivrés dans deux ans.

Nous sommes aujourd’hui pris dans une mécanique infernale. L’État a une créance envers les entreprises et les derniers montants dus au titre de l’exercice 2012 seront versés en 2016. La transition ne peut se faire que sur une impasse de l’ordre de 25 milliards d’euros. La même année, l’État devra deux montants : celui dû à la sécurité sociale pour compenser la baisse des cotisations et la créance envers les entreprises au titre de l’exercice précédent. Il y a donc un écart très significatif. C’est au Gouvernement et au législateur de décider ensuite s’il doit être payé tout de suite ou en cinq ans. Vous pouvez ne pas payer la créance aux entreprises, mais cela ne rassurera personne. Je n’ose pas imaginer que c’est ce qu’avait en tête le Président de la République.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. L’argument d’Olivier Carré est très conservateur. Si l’on poussait sa thèse jusqu’au bout, aucune modification ne serait possible. En réalité, il y a au moins deux moyens de basculer du CICE vers de moindres charges sociales. D’une part, il est possible d’appliquer dès le 1er janvier 2017 de moindres cotisations, en gelant le système du CICE pour 2016 ; d’autre part, comme pour la TVA, il est possible de geler la créance liée au CICE et de la dégeler graduellement.

M. Olivier Carré. Il n’y aurait certes rien d’original à étaler ainsi une créance. Mais je considère qu’il s’agit d’une question de loyauté de l’État vis-à-vis des entreprises qui ont déjà inscrit cette créance dans leurs comptes.

M. Dominique Lefebvre. Nul ne contestera les propos du Président de la République. Dans son rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un chapitre entier au bouleversement que constituerait, pour la structure de financement de la sécurité sociale, ce basculement présenté comme inéluctable.

Dans un rapport, France Stratégie a constaté que le dispositif du CICE monte en charge et que les entreprises s’en saisissent. En changeant de système, nous bouleverserions leurs décisions en matière d’investissement et d’embauche, en raison des incertitudes qui en découleraient et qui engendreraient à leur tour de la paralysie et affecteraient finalement l’emploi. Misons plutôt sur la stabilité et la lisibilité de la législation.

Je note cependant avec intérêt, monsieur de Courson, que vous soutiendriez le Président de la République s’il devait, dans une campagne pour sa réélection, proposer cette mesure.

Mme Véronique Louwagie. Substituer une baisse des cotisations sociales au CICE aurait immédiatement un effet positif sur l’emploi. La baisse de cotisations est en outre plus simple à mettre en pratique que le CICE, qui nécessite une déclaration particulière et représente ainsi une contrainte administrative supplémentaire.

Enfin, il s’agit de transparence. Alors que le CICE apparaît dans les comptes des entreprises qui paient l’impôt sur les sociétés, il n’en va pas de même quand il est imputé sur d’autres types d’impôts, tels que l’impôt sur le revenu. Il serait bon que le montant du crédit d’impôt soit connu de tous, quel que soit l’impôt sur lequel il est imputé.

M. Olivier Carré. Je partage l’analyse de Véronique Louwagie. Au comité de suivi des aides publiques aux entreprises, nous avons aussi constaté que les entreprises préféreraient une baisse sèche de charges, même si le CICE est entré dans leurs habitudes.

De multiples ambiguïtés affectent également le dispositif. Elles disparaîtraient si les transferts de la branche famille étaient par exemple retirés de la feuille de paie.

La commission rejette l’amendement I-CF 128.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 370 de M. Éric Woerth.

Mme Véronique Louwagie. Je pourrais reprendre l’argumentation que j’ai développée à propos de l’amendement précédent. Cet amendement vise quant à lui à instituer une baisse des cotisations salariales et patronales de 15 % sur les 500 premiers euros de salaire. Produisant un effet immédiat, cette mesure aurait aussi l’avantage de la simplicité et de la transparence. Elle serait gagée par la mise en place d’une TVA sociale.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Une taxe supplémentaire ne ferait que compliquer le dispositif. S’agissant de votre argumentaire précédent : pour les entreprises qui s’acquittent de l’impôt sur le revenu, le CICE n’apparaît pas dans leur compte de résultat, c’est vrai. C’est pourquoi j’avais, par des amendements aux précédents projets de loi de finances, proposé qu’il puisse être versé sur un compte distinct de celui du contribuable.

La commission rejette l’amendement I-CF 370.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 14 de M. Marc Le Fur, I-CF 132 de M. Charles de Courson et I-CF 46 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’amendement I-CF 14 pourrait être une illustration de l’avantage que présenterait une baisse de charges par rapport au CICE, qui ne touche pas toutes les entreprises. Ainsi, les compagnies maritimes de commerce, qui emploient parfois jusqu’à 2 000 marins, ne bénéficient pas du dispositif, car les armateurs ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés. Tel est le cas de Brittany Ferries.

À défaut de baisse des charges, il faut donc aller vite. Des amendements semblables sont également défendus par nos collègues socialistes ; le sujet dépasse donc les clivages partisans. Je veux cependant souligner l’intérêt d’aller vite pour décider une baisse de charges générale, mesure claire, cohérente et définitive, qui éviterait les scories telles que celles visées par le présent amendement.

M. le président Gilles Carrez. Cette question s’est posée dès l’origine du CICE.

Mme la Rapporteure générale. S’agissant du passage du forfait au réel…

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’un tout autre sujet ! Les armateurs s’acquittent d’une taxe au tonnage, non de l’impôt sur les sociétés.

Mme la Rapporteure générale. Précisément, ils peuvent exercer une option en faveur d’une taxe sur le tonnage réel, plutôt que de s’acquitter de l’impôt sur les sociétés.

M. Olivier Carré. J’ai étudié le sujet avec notre collègue Yves Blein. L’option au tonnage réel est en effet plus favorable aux compagnies maritimes que l’impôt sur les sociétés. Toutefois, depuis le CICE, elles préféreraient payer l’impôt sur les sociétés, sur lequel le crédit d’impôt pourrait être imputé. Lorsque la question s’est posée, la période où l’option pouvait être exercée était fermée. Il s’agissait donc de savoir s’il était possible de la rouvrir. Le ministère des finances était d’accord.

Mme la Rapporteure générale. J’en étais également restée à l’idée que ces entreprises pouvaient exercer un choix entre le régime réel au tonnage et l’impôt sur les sociétés. Nous pourrons faire le point en séance publique, mais il me semble que l’article 74 de la seconde loi de finances rectificative pour 2014 a rouvert le délai d’option.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Le Fur, vous pourriez donc déposer à nouveau cet amendement en vue de la séance publique.

L’amendement I-CF 14 est retiré.

M. Charles de Courson. Le CICE exclut les entreprises soumises au régime forfaitaire d’imposition, telles que celles qui sont aujourd’hui touchées par la crise de l’élevage. Ce serait faire un geste à leur égard que de les faire bénéficier du dispositif. Tel est le premier objet de l’amendement I-CF 132.

Par ailleurs, je voudrais qu’on en finisse avec l’usine à gaz que constituent les sociétés fiscalement translucides – sociétés mixtes dont tous les porteurs de part ne sont pas des exploitants agricoles. Assis sur la masse salariale de la société mixte, le CICE est recalculé au prorata des parts, mais il n’est versé qu’aux exploitants agricoles pour les parts qu’ils détiennent.

Je plaide donc à la fois pour l’extension du CICE aux entreprises soumises au régime forfaitaire d’imposition, et pour une simplification du régime applicable aux sociétés fiscalement translucides.

M. Marc Le Fur. Voici encore un cas dans lequel la baisse des charges simplifierait tout par rapport à l’application du CICE !

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Nous avons déjà étudié des amendements de ce type.

La commission rejette successivement les amendements I-CF 132 et I-CF 46.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 16 et I-CF 17 de M. Marc Le Fur.

Mme la Rapporteure générale. Ces amendements sont déjà satisfaits.

Les amendements I-CF 16 et I-CF 17 sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF 149 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Cet amendement vous a déjà été présenté l’an dernier et l’année précédente. Il est certes normal que l’État aide à renforcer le tissu économique et productif, y compris au moyen de dépenses fiscales, tels les crédits d’impôt. Mais toutes les dépenses fiscales que nous décidons doivent être compensées, et, comme nous avons décidé de réduire le déficit, nous ne pouvons guère recourir qu’à la réduction des dépenses publiques, en diminuant le financement de ministères utiles, comme le ministère de l’agriculture, ou à des hausses d’impôt. Dès lors que nous avons choisi de dépenser plusieurs milliards d’euros pour renforcer le tissu productif, encore faut-il mobiliser cet instrument à bon escient.

Par cet amendement, je propose donc d’exclure les sociétés cotées sur les marchés du champ des entreprises éligibles au CICE, et de n’en faire bénéficier que les TPE, PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui représentent près de 83 % des entreprises françaises et forment la trame de notre tissu économique : elles ont besoin de trésorerie et ne peuvent faire appel à des financements issus des marchés.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Il n’est pas possible d’établir de discrimination qui reposerait sur le mode de financement des entreprises, que ce soit par action, par augmentation de capital ou par souscription de dette. Ce n’est pas sur cette base qu’on peut établir leur niveau de richesse et leur besoin de soutien.

M. Olivier Carré. Ce que vise le CICE, c’est un soutien à la compétitivité de l’emploi en France, de sorte que les groupes mondialisés cotés à Paris ne sont soutenus qu’en fonction de leurs emplois en France. Les PME et TPE bénéficient des mêmes avantages, dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons. Votre proposition est donc économiquement absurde, sans même aborder la question sous l’angle de la jurisprudence constitutionnelle.

M. Pascal Cherki. Nous mènerons de nouveau le débat en séance publique. Il y aurait un parallèle à tracer avec la loi sur les 35 heures. Fallait-il prévoir une compensation pour toutes les entreprises, qu’il s’agisse de Saint-Gobain ou d’une petite PME ? Je reste persuadé que, à l’heure où chacun doit se serrer la ceinture, il est problématique de venir en aide aux entreprises du CAC 40, car elles ont une surface financière qui ne justifie pas ce soutien.

M. le président Gilles Carrez. Quand le CICE aura été remplacé par une baisse de charges, nos débats seront beaucoup plus courts… Allons même plus loin et barémisons-la, c’est-à-dire intégrons-la dans un barème. Ainsi, nous n’en parlerions plus. Aujourd’hui, certaines cotisations ne sont pas prélevées, mais le taux apparent est tout de même conservé.

M. Olivier Carré. Il conviendrait aussi de les plafonner ! Dans un travail mené avec M. Jean Pisani-Ferry, nous nous sommes aperçus qu’il y a des problèmes sur les salaires plus importants, chez les salariés très qualifiés.

M. Marc Le Fur. Quand il était encore possible de poser des questions écrites sans limitation, j’avais interrogé le Gouvernement pour savoir quel est le montant de CICE attribué au groupe Carrefour. Je n’ai jamais eu la réponse.

M. le président Gilles Carrez. Le secret fiscal existe.

La commission rejette l’amendement I-CF 149.

Elle examine ensuite les amendements I-CF 130, I-CF 131 et I-CF 200 de M. Charles de Courson, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Charles de Courson. Par l’amendement I-CF 130, je propose que les travailleurs indépendants puissent également bénéficier du CICE. Ne représentent-ils pas 10 % de la force de travail de la France ?

L’amendement I-CF 131 propose que les travailleurs indépendants agricoles puissent également en bénéficier.

Enfin, l’amendement I-CF 200 propose que le travail non salarié agricole soit pris en compte, dans la limite d’un plafond équivalent à deux fois et demie le SMIC. Et ne me dites pas que les travailleurs indépendants ne sont pas soumis à la concurrence internationale !

Mme la Rapporteure générale. Je vous répondrai sur un autre terrain. Ces amendements nous avaient déjà été présentés l’an dernier. Mais la situation a changé depuis lors, car, depuis le 1er janvier 2015, les travailleurs indépendants bénéficient d’une réduction de charges de 1 milliard d’euros. Cette mesure me semble plus avantageuse. Votre objectif est donc déjà atteint. Avis défavorable.

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit même d’une baisse directe de cotisations !

M. Charles de Courson. Avez-vous du moins chiffré le coût de l’amendement I-CF 130 ? L’application générale du CICE coûterait-elle plus ou moins que le milliard d’euros que vous évoquez ?

La commission rejette successivement les amendements I-CF 130, I-CF 131 et I-CF 200.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 315 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Voici un amendement qui pourrait, me semble-t-il, emporter l’adhésion de nombre de nos concitoyens. Interrogés par sondage, les Français s’y déclareraient certainement favorables. Il s’agit en effet de moduler le taux du CICE en fonction de la taille de l’entreprise, en favorisant les TPE et les PME.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Le soutien aux PME et TPE est un objectif louable. Mais le CICE est déjà concentré sur ces entreprises, en raison de leur structure de salaires.

Mme Véronique Louwagie. Nous regrettons cependant l’existence de seuils : ce sont des freins au développement de l’économie française, qui aurait intérêt à ce que les PME deviennent des ETI. N’amplifions pas encore le phénomène avec des éléments supplémentaires, qui renforceraient ces seuils, voire en créeraient de nouveaux.

M. Charles de Courson. Il y a un argument supplémentaire contre cet amendement. S’il était adopté, un salarié n’ouvrirait pas droit au même montant de CICE selon que l’entreprise où il est employé est grande ou petite. Il y a de grandes entreprises où les salaires ne sont pas élevés et méritent d’être soutenus – la grande distribution en est un exemple.

Mme Eva Sas. Certes, le rapport d’application sur le CICE a mis en évidence qu’il est plus favorable aux PME et aux TPE. Mais pourquoi ne pas amplifier ce phénomène grâce à un taux plus important ?

Madame Louwagie, si le tissu économique français manque d’ETI, il faut précisément les favoriser grâce à un taux préférentiel.

Mme Karine Berger. Monsieur de Courson, je voudrais tout de même rappeler que ce ne sont pas les salariés qui touchent le CICE.

M. Olivier Carré. Sauf s’il facilite des augmentations de salaire !

Mme Karine Berger. J’ajoute que le Conseil constitutionnel estime que nos textes fondamentaux permettent de tolérer une modulation des baisses de cotisations patronales en fonction de la taille des entreprises. Je comprends parfaitement la démarche d’Eva Sas. Il serait mille fois plus utile de soutenir les PME et ETI que les grandes entreprises qui captent 8 milliards d’euros grâce au CICE.

La commission rejette l’amendement I-CF 315.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 316 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à réduire de moitié le CICE d’une entreprise, lorsqu’elle verse à ses actionnaires des dividendes qui représentent plus de 12 % du bénéfice imposable. Dans son intention, il rejoint donc l’amendement I-CF 149 défendu tout à l’heure par Pascal Cherki.

Certes, le versement du CICE n’est pas soumis à des conditions. Mais nous avons tout de même inscrit dans la loi qu’il ne peut servir ni à rémunérer les actionnaires par des dividendes ni à augmenter les salaires des dirigeants des entreprises. Nous aurions pu ajouter qu’il ne peut servir non plus à des transferts fiscaux.

Bien sûr, pour expliquer l’effondrement des marges, il faut prendre en compte la concurrence internationale ou la question du coût des salaires français par rapport aux salaires des autres pays. Mais il ne faut pas oublier de considérer aussi la rémunération parfois éhontée du capital, qui peut atteindre 12, 13 ou 14 %. L’année dernière, j’avais proposé un seuil à 10 %. Cette année, j’essaye 12 %. Je tenterai 14 % l’année prochaine. Nous verrons jusqu’à quel niveau nous sommes prêts à supporter ces rémunérations.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Votre amendement pose la question de savoir comment les marges des entreprises doivent être utilisées. Je tiens à vous signaler que son adoption priverait la plupart des entreprises du CAC 40 de son bénéfice. Le taux de distribution de dividendes oscille en effet entre 35 % et 45 %.

Entre fin 2013 et fin 2014, les marges des entreprises sont passées de 29,4 % à 31 %. Rapporté à la valeur ajoutée, leur excédent brut d’exploitation équivaut, en montant, au soutien que leur ont apporté le CICE et le pacte de responsabilité. Je soumets ces éléments à votre réflexion. Il n’en demeure pas moins que, si nous voulons un peu de stabilité de la législation, nous ne saurions adopter cet amendement.

La commission rejette l’amendement I-CF 316.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 201 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement concerne de nouveau les sociétés fiscalement translucides, qui font l’objet d’une discrimination infondée. Je souligne qu’il ne s’agirait que d’une petite dépense.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la commission rejette l’amendement I-CF 201.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 317 de Mme Brigitte Allain et I-CF 406 de la commission des affaires économiques.

Mme Eva Sas. L’amendement I-CF 317 est issu d’un rapport parlementaire, salué par tous, sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires. Il apparaît que nous manquons d’abattoirs de proximité multi-espèces ; ils bénéficieraient ainsi d’un crédit d’impôt sur les sociétés. Un amendement semblable a été adopté par la commission des affaires économiques.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je confirme que l’amendement I-CF 406, identique, a été adopté par la commission des affaires économiques. Trop d’abattoirs ont déjà fermé et les éleveurs doivent désormais parcourir des distances trop longues.

Mme la Rapporteure générale. Vous mentionnez les « dépenses d’aménagement et de fonctionnement nécessaires » et les « filières de proximité » sans clairement définir ni les unes ni les autres. On est alors dans le champ de l’incompétence négative, ce qui nous serait reproché par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous affirmez qu’il y a eu, au cours des dernières années, une concentration massive et une spécialisation des abattoirs. C’est au contraire l’insuffisance de la concentration qui nous pose des problèmes : en France, l’abattage coûte environ 1 euro par kilo de plus qu’en Allemagne, ce qui nuit à la compétitivité d’une partie de l’élevage de notre pays. Dans le grand Est, les transformateurs de viande envoient en masse les animaux en Allemagne afin de profiter de cette différence de prix d’abattage. Votre proposition est anti-économique et elle ne pourrait que contribuer à accentuer encore la dégradation de l’élevage français. C’est l’inverse qu’il faut faire.

M. François André. Pour m’en tenir au raisonnement économique qui sous-tend l’amendement, je m’étonne aussi de ce que vous affirmez. En Bretagne, la région que je connais le mieux, la disparition d’abattoirs est directement liée à la baisse de la production animale. C’est la reconquête de l’élevage qui permettra d’accroître les capacités d’abattage, et non l’inverse.

M. Razzy Hammadi. L’amendement d’Eva Sas, soutenu par la commission des affaires économiques, est certes fiscal et budgétaire, mais il a aussi à voir avec la stratégie de développement économique. Je suis en total désaccord avec Charles de Courson. La compétitivité par les coûts – fondée sur le développement de très grosses structures et une course au moins-disant qui conduit à payer les salariés 2 euros de l’heure en Allemagne – est un échec dans ce domaine. Pour le bétail comme pour la volaille, les modèles qui réussissent sont ceux qui ont promu la petite exploitation de très bonne qualité. On peut mener une stratégie de filière dans certaines régions, en veillant au respect d’un équilibre entre les exploitations de diverses tailles. Il nous faut aussi une stratégie budgétaire et fiscale pour encourager la qualité, le circuit court. Pour ne citer que cet exemple, le Label Rouge n’a aucun problème depuis 1955. Cette réussite contredit les propos que vous venez de tenir. Pour cette raison, je soutiendrai cet amendement.

M. Charles de Courson. Je n’aurai pas la cruauté de dire que Montreuil, ce n’est pas vraiment la France agricole…

M. Razzy Hammadi. S’il vous plaît, monsieur de Courson, n’employez pas ce type d’arguments. Sinon, dès que vous parlerez de politique de la ville, je vous demanderai de vous taire !

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Contrairement à ce que notre collègue de Courson peut penser, le problème de l’abattage et des abattoirs concerne également Montreuil et Sarcelles ! Certains de nos compatriotes, qui veulent abattre des animaux, en particulier des moutons, vont en Angleterre, parce qu’il n’y a pas d’abattoir local.

M. le président Gilles Carrez. Où sont les moutons chez vous ?

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous en avons, nous en élevons ! Je vous invite à venir visiter les élevages de moutons à Sarcelles. Je ne plaisante pas !

Pour en revenir à l’amendement, j’entends vos arguments concernant l’est de la France ou la Bretagne. La France agricole est diverse. En montagne, où la bonne charcuterie se fait pendant l’hiver, les agriculteurs sont parfois obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour trouver un abattoir. Nous souhaitons favoriser le maintien d’abattoirs de proximité pour les agriculteurs qui travaillent en circuit court, sans mettre en péril l’équilibre économique. Ne nous racontons pas d’histoires : les agriculteurs qui ne peuvent pas aller à l’abattoir régional tuent sur place en ne respectant aucune règle d’hygiène. Dans certaines régions, il y a besoin d’abattoirs de proximité.

M. Joël Giraud. Pour abonder dans le même sens, en prenant ma casquette de président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, je puis vous assurer que les abattoirs de proximité sont indispensables dans certaines régions.

Si vous n’avez pas entendu parler de crise dans certains endroits, notamment dans les territoires de montagne, c’est tout simplement parce que l’utilisation exclusive des circuits courts a tiré les prix vers le haut, ce qui a permis de développer une filière dont la reconnaissance est liée aux signes de qualité. Quand je parle aux agriculteurs de ma circonscription des négociations en cours sur le prix du porc, ils m’expliquent qu’ils vendent leurs animaux trois fois plus cher que le prix minimum dont il est question. Ils travaillent dans une autre logique économique, celle des filières courtes. Ils ne me parlent que d’un risque : la fermeture éventuelle de certains abattoirs de proximité. C’est pourquoi je voterai pour cet amendement qui correspond à une agriculture variée. Pour les filières courtes, il est absolument indispensable que les abattoirs de ces petits territoires puissent subsister.

M. Alain Fauré. Pour renchérir sur les propos de mes collègues, je dirai qu’il ne peut pas y avoir un seul type d’abattoir, mais des entreprises adaptées à chaque situation. En Ariège, nous avons deux petits abattoirs qui fonctionnent très bien, sans être déficitaires. Ils offrent une prestation de qualité et permettent le maintien de circuits courts rentables : les producteurs tuent, transforment et vendent eux-mêmes. Ces abattoirs sont certes subventionnés, mais ils permettent de conserver des emplois et contribuent à la valorisation du territoire.

M. Dominique Lefebvre. Je ne m’aventurerai pas dans un débat de fond sur la politique des abattoirs, d’autant que je n’étais pas de ceux qui, à la Cour des comptes, ont rendu un rapport sur le secteur – et sont revenus traumatisés de leurs édifiantes visites sur le terrain.

À mes collègues de la commission des affaires économiques, qui posent un intéressant débat de politique publique, je signale que nous sommes ici en commission des finances. À chacun son rôle ! Tout comme moi, notre Rapporteure générale s’est bien gardée d’intervenir sur le fond, mais, à l’appui de son avis négatif, elle a évoqué l’incompétence négative. Existe-t-il un décret qui détermine ce qu’est une filière de proximité ou un abattoir multi-espèces ? Quoi qu’il en soit, dans votre amendement, vous ne faites pas référence à la détermination par décret.

Même si cet amendement franchissait le cap de la commission des finances puis du débat dans l’hémicycle, je suis à peu près certain qu’il n’irait guère au-delà : tel que rédigé, il sera sans portée. La commission des affaires économiques l’a adopté : il reviendra donc dans l’hémicycle. Le ministre des finances s’exprimera. Peut-être le ministre de l’agriculture viendra-t-il aussi. Mais, à la commission des finances, on ne peut pas adopter un dispositif de crédit d’impôt qui n’est pas opérationnel.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. J’entends ce que dit Dominique Lefebvre. S’agissant de la forme, il a été demandé à la commission des affaires économiques de remettre un rapport sur la fiscalité agricole, ce qui a été fait. Dans un monde normal, la commission des affaires économiques et la commission des finances auraient travaillé ensemble à la mise en œuvre d’une partie des mesures proposées dans ce rapport. Je peux admettre que cet amendement soit mal rédigé et je suis prêt à le reprendre pour l’améliorer.

M. le président Gilles Carrez. Ce travail sur la fiscalité agricole a été conduit par notre collègue François André.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Oui, et c’est la commission des affaires économiques qui essaie de faire en sorte que les propositions contenues dans ce rapport ne restent pas lettre morte.

Mme la Rapporteure générale. C’est ce qu’a fait François André.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Et ce que nous avons fait nous aussi. Cet échange montre que nous avons sûrement besoin de mieux travailler ensemble sur ces sujets : nous sommes compétents sur le fond et, comme l’a dit notre collègue Lefebvre, vous êtes compétents en matière de finances. Je propose que nous retirions cet amendement et que nous en présentions en séance publique une version améliorée grâce aux lumières des commissaires aux finances.

M. François André. Un rapport sur la fiscalité agricole a été élaboré à l’initiative de la commission des finances, dont certaines propositions ont été reprises dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Des amendements qui vont être discutés dans quelques minutes – et je l’espère adoptés – vont venir enrichir le projet de loi de finances. Mais la mesure que vous présentez dans votre amendement ne fait pas partie des propositions retenues par les membres de la mission d’information.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous avons travaillé tous seuls dans notre coin sur le sujet.

Mme Eva Sas. Pour poursuivre dans la même veine que mes collègues Hammadi, Pupponi et Giraud, je voudrais insister sur la nécessité de repenser notre modèle agricole. Monsieur de Courson, je vous invite à réfléchir à l’agriculture d’aujourd’hui, qui n’est pas celle d’hier. Nous ne devons pas forcément aller vers une concentration accrue et des abattoirs géants. En tout cas, ce n’est pas le modèle que nous proposons.

Puisqu’une majorité semble approuver le fond de cet amendement, peut-être pourrions-nous en améliorer la forme avant la séance publique, avec l’aide de la Rapporteure générale et des services de la commission ? Je peux admettre que sa rédaction pose un problème, mais son objectif doit demeurer le même : encourager fiscalement les abattoirs de proximité, car c’est ce dont nous avons besoin actuellement en France.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, il y a des gens qui ont travaillé sur le fond de ce sujet. Ici, nous n’avons pas forcément la science infuse en ce qui concerne la pertinence d’un tel modèle. Nous avons peut-être plus de compétences que d’autres sur les finances, mais, pour évaluer le modèle économique, nous ne sommes peut-être pas les meilleurs.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Alauzet, la Rapporteure générale s’est bornée à expliquer que l’amendement n’était pas correctement rédigé et posait notamment des problèmes d’incompétence négative.

M. Éric Alauzet. Mais il y a eu d’autres interventions. D’aucuns évoquent l’Est ou l’Ouest, mais ces régions ne sont pas uniformes et la France est diverse. Ma région est à l’est aussi, un peu plus au sud que celle de Charles de Courson. Nous avons pu y sauver de petits abattoirs, diversifiés ou spécialisés, qui s’intègrent dans le cadre d’une économie locale. Je pense à un abattoir de porcs destinés à la fabrication de la saucisse de Morteau, par exemple. Toutes les étapes sont traitées sur le territoire, et tout le monde gagne sa vie le long de la chaîne.

Un modèle paraît incontournable : la concurrence mondiale, les salariés allemands payés à 4 ou 5 euros de l’heure, les produits cotés sur les marchés internationaux. Si c’est notre seul horizon, nous courons à l’échec : à la fin, tout le monde sera mort. Il faut savoir réagir.

M. Étienne Blanc. Nous avons tous dans nos régions de petits abattoirs en situation difficile. Vous proposez une mesure fiscale pour les aider à se mettre aux normes. Mais nous savons tous que ce qui leur permet de se mettre aux normes, ce sont les subventions accordées par les départements et les régions. Sans cette perfusion, ils n’y parviendraient pas. Voyez ce qu’a perçu l’abattoir de Morteau. Ce que vous proposez n’est pas à la hauteur des enjeux des mises aux normes imposées par l’Union européenne.

Les amendements I-CF 317 et I-CF 406 sont retirés.

La commission examine l’amendement I-308 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je reviens sur le CICE qui, il est vrai, encombre nos débats. Je rappelais ce qu’il ne doit pas faire, en défendant mes amendements sur les dividendes et sur les hauts salaires. On peut aussi se demander s’il est bien opportun d’accorder le bénéfice du CICE à des entreprises qui font de l’optimisation fiscale agressive. Les entreprises doivent remettre tous les ans aux services fiscaux une description générale de la politique de prix de transfert du groupe auquel elles appartiennent. Cet amendement propose de réduire le CICE de celles qui ne remplissent pas cette obligation.

Mme la Rapporteure générale. Lors des débats sur la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, nous avons adopté un amendement présenté par Pierre-Alain Muet, Sandrine Mazetier et Karine Berger sur les prix de transfert. Vous en étiez d’ailleurs aussi signataire, si mes souvenirs sont exacts. Toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 400 millions d’euros doivent transmettre annuellement à l’administration fiscale la description générale de toute leur politique de prix de transfert. C’est une obligation. Peut-être allez-vous me dire qu’il faut abaisser le seuil de chiffre d’affaires ou supprimer le CICE si ces obligations ne sont pas remplies ? Il y a déjà eu beaucoup d’actions concernant ces prix de transfert.

Incidemment, je signale que d’autres mesures vont être proposées dans le cadre de la mise en œuvre des quinze recommandations de l’OCDE qui tendent à éviter l’évasion et l’optimisation fiscale agressive.

J’émets donc un avis défavorable à votre amendement. Il faut éviter de tout mélanger et de tout rattacher au CICE, dont les objectifs sont un peu différents.

M. Éric Alauzet. Mon amendement s’appuie précisément sur le dispositif prévu par la loi du 6 décembre 2013, qu’il cherche à rendre plus opérationnel. Quand une obligation n’est pas assortie d’éventuelles sanctions, elle peut ne pas être très opérante. Le CICE nous offre l’occasion d’intervenir. Le jour où il disparaîtra, remplacé peut-être par un allégement de charges, nous ne nous poserons plus toutes ces questions.

Même s’il encombre nos discussions, ce débat sur le CICE nous conduit à être plus vigilants sur la manière dont les entreprises utilisent l’argent public. Cet argent est souvent bien utilisé, si l’on en juge par les propos de notre Rapporteure générale sur la reconstitution des marges qui serait parallèle au montant du CICE, mais j’aimerais savoir ce qu’il en est en fonction de la taille des entreprises.

La commission rejette l’amendement I-CF 308.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 296 et I-CF 297 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’amendement I-CF 296 vise à promouvoir l’apprentissage. Cet après-midi dans l’hémicycle, Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, a redit à quel point l’apprentissage – et l’alternance en général – était la meilleure voie d’entrée des jeunes dans le monde du travail et un élément essentiel et prioritaire des politiques de l’emploi à l’égard des jeunes. Cet amendement d’appel avait déjà été déposé l’année dernière et il ne lui avait manqué que quatre voix pour être adopté en séance publique. Il propose de faire bénéficier les entreprises d’un crédit d’impôt sur les sociétés de 500 euros par mois et par apprenti. Il s’agit d’insister sur la nécessité de passer de la parole aux actes en la matière, car, rappelons-le, l’apprentissage a reculé en 2014.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 297 est plus qu’un amendement d’appel et tend à répondre à une difficulté particulière : pour d’innombrables raisons, nombre de jeunes entrent de plus en plus tard dans l’apprentissage, ce qui va bien avec l’idée de la deuxième chance, mais ils coûtent beaucoup plus cher aux chefs d’entreprise qui les embauchent. Il s’agit ici d’ajuster les aides publiques à l’âge de l’apprenti, afin que cette catégorie ne soit pas exclue pour cette raison de surcoût.

Mme la Rapporteure générale. Dans le tome I du rapport que nous mettrons en ligne, nous allons refaire un point sur l’apprentissage. Les politiques de soutien à l’apprentissage ont fait le yo-yo, mais un très gros effort a été consenti au cours des deux dernières années. Une entreprise de moins de onze salariés, qui prend un apprenti pendant quatre ans, perçoit 12 000 euros d’aides, celles de la région incluses. Son apprenti payé au SMIC lui coûte en réalité 525 euros par mois. Les apprentis mineurs représentant environ les trois quarts du total, les aides sont concentrées sur eux. Quand l’apprenti est majeur, elles sont moins élevées. Nous ferons un point précis sur les entreprises de moins de onze salariés qui emploient des apprentis mineurs ou majeurs. Mais il me semble que le soutien aux entreprises n’a jamais atteint de tels montants.

J’émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.

M. Olivier Carré. Il serait intéressant de rapprocher ces mesures de dispositions existant par ailleurs, qui peuvent relever de la commission des affaires sociales ou de voies réglementaires, et du durcissement de l’environnement du code du travail. D’un côté, la position de l’exécutif a fait un aller-retour au cours du quinquennat, et c’est heureux. De l’autre, l’inflation normative s’est poursuivie, complexifiant encore la vie de l’entrepreneur, et de celui qui doit encadrer le jeune. Si ma mémoire est bonne, un risque pénal est même apparu. Résultat, quand on les rencontre sur le terrain, en dehors de la question du coût, les chefs d’entreprise mettent en avant les risques liés à l’environnement réglementaire du travail et se plaignent de ne pas avoir d’apprentis à former.

Mme Eva Sas. Un travail est effectué sur l’apprentissage et des efforts ont été accomplis au cours des deux dernières années, dites-vous, madame la Rapporteure générale. Dans ce cas, pourquoi le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage a-t-il baissé de 3,2 % en 2014 ? Quels sont les chiffres récents ? Quelle dynamique est mise en œuvre ? Il est urgent de faire le point. À notre avis, les mesures sont insuffisantes. Mais peut-être aurons-nous des réponses dans votre rapport.

La commission rejette successivement les amendements I-CF 296 et I-CF 297.

*

* *

Article 6
Prorogation du dispositif d’amortissement accéléré
applicable au matériel de robotique industrielle

Le présent article proroge d’une année – jusqu’en 2016 – le dispositif d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois prévu par la loi de finances pour 2014 pour encourager la robotisation dans l’industrie.

Le système de l’amortissement dégressif a été introduit pour des raisons économiques. Il incite l’entreprise au renouvellement de ses investissements. Il consiste à appliquer un taux constant à la valeur résiduelle. Ainsi, les premières annuités sont plus élevées que les dernières, ce qui permet de dégager plus rapidement de la trésorerie pour renouveler l’immobilisation.

En application de l’article 39 A du code général des impôts (CGI), l’amortissement dégressif ne concerne que certaines catégories de biens d’équipements, généralement industriels, ainsi que certains immeubles limitativement énumérés. La durée d’utilisation du bien doit être supérieure ou égale à trois ans. Le bien doit avoir été acquis à l’état neuf.

Les matériels et outillages utilisés pour les opérations industrielles de fabrication et de transformation sont éligibles à l’amortissement dégressif, prévu à l’article 39 A du CGI. Ainsi les robots industriels peuvent être amortis soit selon le mode linéaire soit selon le mode dégressif.

L’annuité d’amortissement se calcule en multipliant la valeur nette comptable de l’immobilisation (c’est-à-dire la différence entre la valeur d’origine et l’amortissement) par un taux contant. Comme la valeur nette comptable diminue chaque année, les annuités sont nécessairement dégressives. Le taux constant est égal au produit du taux linéaire normal par un coefficient qui est de :

– 1,25 si la durée d’utilisation est de trois ou quatre ans ;

– 1,75 si la durée d’utilisation est de cinq ou six ans ;

– 2,25 la durée d’utilisation est supérieure à six ans.

Le coefficient applicable en cas d’amortissement dégressif sur cinq ans est de 2,25, soit un taux d’amortissement de 45 % (soit 20 % × 2,25). Pour un bien de valeur 100, l’application de ce taux permet de déduire 45 la première année, 24,75 la deuxième année (45 % de [100 – 45]), 13,6 la troisième année
(45 % de [100 – 45 – 24,75]). On utilise cette formule jusqu’à que le taux d’amortissement dégressif soit inférieur au taux d’amortissement linéaire.

Le coefficient est parfois majoré pour certains biens, notamment les matériels destinés à économiser l’énergie, en application de l’article 39 AA du CGI.

Comme pour l’amortissement linéaire, la première annuité est réduite prorata temporis en cas d’acquisition en cours d’exercice. Mais le point de départ de l’amortissement est situé à la date d’acquisition et non à la date de mise en service. Sur le plan comptable, l’amortissement ne peut être pratiqué qu’à compter de la mise en service ; le supplément d’amortissement fiscal n’est déductible que par le truchement des amortissements dérogatoires. La première annuité se calcule en mois ; le mois d’acquisition est retenu pour sa totalité.

Diverses mesures législatives ou réglementaires ont prévu des amortissements exceptionnels en faveur de certains investissements (équipement informatique, matériels écologiques) qui s’apparentent à des mesures fiscales d’aide à l’investissement.

Par exemple, les entreprises qui acquièrent un logiciel informatique peuvent procéder à l’amortissement intégral de celui-ci sur douze mois, réparti prorata temporis sur l’exercice d’acquisition et l’exercice suivant.

Les amortissements accélérés, qu’ils soient dégressifs ou exceptionnels, procurent à l’entreprise un avantage de trésorerie, et génèrent en contrepoint un coût de trésorerie pour l’État. En effet, il s’agit d’anticiper la déduction d’une charge qui aurait été déduite ultérieurement.

Les investissements des entreprises françaises sont insuffisamment tournés vers l’amélioration de leurs processus de production et les technologies d’avenir.

D’après l’évaluation préalable de l’article, la France a pris un retard certain en matière de robotisation, avec seulement 32 300 robots industriels en fonctionnement en 2013, qui ont une moyenne d’âge élevée, contre 59 000 en Italie et 167 600 en Allemagne. Même en calculant le nombre de robots par tranche de 10 000 personnes employées dans l’industrie (pour corriger les effets de taille), la France est loin du peloton de tête des pays industrialisés, avec seulement 125 robots industriels pour 10 000 salariés de l’industrie, là où l’Espagne en compte 141, Taïwan 142, les États-Unis 152, le Danemark 166, la Belgique 169, l’Italie 170, la Suède 174, l’Allemagne 282, le Japon 323 et la Corée du Sud 437.

En 2013, le nombre de robots industriels achetés en France a même chuté de 27 % (2 160 robots) alors que ce nombre a progressé en Italie de 7 % (4 700 robots), en Espagne de 37 % (2 800 robots) et en Allemagne de 4 % (18 300 robots).

La robotique industrielle a pourtant considérablement évolué depuis dix ans. Les robots dits « cartésiens » – quatre axes de déplacement et six axes couplés aux différents systèmes de préhension (pince, aspiration, ventouse…), de pesage et de vision – n’ont quasiment pas de limites. Ils peuvent travailler dans des espaces extrêmement restreints et manipuler tous types de produits (froids ou chauds, petits ou gros, durs ou mous) pour les mettre en boîte, les ranger, les trier, les décorer ou encore les étiqueter.

Dans son évaluation préalable, le Gouvernement estime que, dans l’ensemble de l’industrie, la robotisation permettra de gagner en compétitivité, en qualité des produits et de diminuer la pénibilité du travail de certains opérateurs. Les entreprises qui investissent en robotique industrielle sont plus compétitives, accroissent leur chiffre d’affaires et réalisent des embauches pour accompagner leur croissance. Ainsi, dans le domaine de la mécanique, il existe de nombreux exemples, grâce à des investissements en robotique, de relocalisation en France de la production à bas coûts, initialement délocalisée en Tunisie ou au Maroc par exemple.

Le plan « Robotique » fait partie des trente-quatre plans pour la Nouvelle France Industrielle. La France s’est fixée pour objectif de compter parmi les cinq nations chefs de file de la robotique dans le monde d’ici à l’horizon 2020 particulièrement en matière de robotique de service à usage personnel et professionnel, de développer une offre française mondiale en matière de robotique et de machines intelligentes et d’accroître ses parts dans un marché en forte croissance dans les années à venir.

L’article 20 de la loi de finances pour 2014 (70) a créé une nouvelle mesure dérogatoire à l’article 39 AH du CGI permettant l’amortissement accéléré sur vingt-quatre mois du matériel de robotique industrielle pour les robots industriels acquis ou créés par les PME (moins de cinquante salariés) entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015.

Cette date limite était notamment justifiée par un souci de bonne gestion des finances publiques. L’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (71) prévoyait en effet que toute dépense fiscale nouvellement créée ou étendue devait avoir une durée de vie limitée.

L’aide est soumise au plafond du régime européen de minimis relatif aux aides d’État : elle ne peut excéder 200 000 euros sur trois exercices.

Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2014, le coût de la mesure était estimé à 4 millions d’euros en 2014, 12 en 2015 et 22 en 2016. D’après l’Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2015, le coût de la mesure s’est élevé à 4 millions d’euros en 2014 et était estimé à 16 millions pour 2015.

Les autres mesures prises par le Gouvernement en faveur des investissements en robotique

D’autres mesures ont été prises par le Gouvernement pour soutenir les investissements dans le domaine de la robotique industrielle.

Dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir, la Banque publique d’investissement Bpifrance propose des prêts de développement « robotique » à taux bonifié de plus de trois ans à destination des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour des montants compris entre 100 000 et 5 millions d’euros. En 2014, 300 millions d’euros ont été consacrés à ces prêts qui doivent être accompagnés d’un crédit d’égal montant consenti par une banque commerciale. D’une durée de sept ans, ces prêts sont consentis sans prendre de garantie sur l’entreprise, avec un différé d’amortissement en capital de deux ans.

Les entreprises s’équipant en robotique pourront également bénéficier du dispositif exceptionnel de suramortissement de 40 % prévu par l’article 142 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Pour un investissement de 100 euros, l’entreprise pourra déduire (sur la période d’amortissement) 140 euros de son résultat fiscal contre 100 euros actuellement. Au lieu de lui procurer un gain net d’impôt sur les sociétés (IS) de 33,33 euros (un tiers de 100 euros), une entreprise soumise au taux de droit commun de l’IS bénéficiera d’un gain net d’IS de 46,66 euros (un tiers de 140 euros). En d’autres termes, la mesure de suramortissement assurera à cette entreprise une réduction fiscale de plus de 13 % de la valeur de l’investissement – soit un tiers de 40 %.

Un an après l’adoption de la mesure, le Gouvernement constate que des besoins importants de robotisation persistent, en particulier sur des postes spécifiques (conditionnement, lignes de production).

La filière automobile fait de la robotisation l’une des voies de la consolidation de la sous-traitance du secteur et le moyen de garantir aux grands clients la compétitivité de leurs fournisseurs grâce à une meilleure efficacité opérationnelle. Mais l’insuffisance de l’investissement en robotique est encore plus patente dans les autres secteurs industriels : travail des métaux-mécaniques, ferroviaire, naval, chimie-pneus-plastiques, agroalimentaire, électrique-électronique.

Le Gouvernement considère que l’incitation fiscale devrait améliorer la compétitivité des industries de tous les secteurs mais aussi favoriser le développement d’une filière performante de robotique industrielle. Si la France manque d’acteurs dominants de dimension mondiale, elle dispose d’entreprises d’ETI et de PME performantes en matière de robotique industrielle et peut compter sur des intégrateurs et équipementiers de haut niveau, sur des entreprises de pointe positionnées sur des marchés très spécialisés. En outre il est rappelé que l’achat d’un robot entraîne une dépense complémentaire égale à trois fois le prix du robot auprès des ingénieristes et intégrateurs qui sont pour la plupart français. La France est enfin forte de pôles de compétitivité travaillant dans le domaine de la robotique.

Le du présent article remplace la date limite du 31 décembre 2015 par celle du 31 décembre 2016.

Le actualise les références des textes européens relatifs aux aides d’État qui régissent la mesure.

Le Gouvernement ne produit pas, à l’appui de cette prorogation, d’évaluation de l’impact de la mesure sur le comportement d’investissement des entreprises. Il est néanmoins précisé dans l’évaluation préalable que la direction générale des entreprises assurera un suivi pour actualiser les données sur les investissements en robotique industrielle.

Le coût moyen d’un robot industriel est estimé à 120 000 euros. La durée normale de vie est d’environ dix ans. En 2013, les entreprises françaises (grandes entreprises, ETI, PME) ont acheté 2 160 robots (au lieu de 2 950 en 2012). Les robots sont majoritairement détenus par les grands groupes et les ETI.

Le calcul repose sur l’hypothèse selon laquelle 10 % des robots achetés en France le sont par les PME françaises. Ce chiffre est considéré comme un majorant, étant donné qu’en Allemagne, pays très avancé dans le domaine, les PME détiennent environ 1 % du parc des robots.

Dans cette hypothèse, les PME françaises achèteraient 220 robots (10 % de 2 160) et l’acquisition interviendrait au 30 juin de l’année (demi-année). Ainsi, 220 robots seraient donc achetés au 30 juin 2016.

Par ailleurs, les robots industriels bénéficient d’un amortissement dégressif sur une durée de vie normale de dix ans, soit 10 % × 2,25 = 22,5 % calculé chaque année sur leur valeur nette comptable restante.

En supposant que les entreprises clôturent au 31 décembre, les 220 robots acquis à la mi-2016 bénéficieront au titre de l’exercice 2016 de six mois d’amortissement exceptionnel (sur une durée d’amortissement de deux ans, soit un taux annuel de 50 %) au lieu de l’amortissement dégressif.

Le complément d’amortissement ainsi généré par la mesure est estimé à :

– au titre de l’exercice 2016 à : (220 × 120 000 euros × 50 % × 6/12) – (220 × 120 000 euros × 22,5 % × 6/12) = 3,63 millions d’euros ;

– au titre de l’exercice 2017 à : (220 × 120 000 euros × 50 %) – [220 × (120 000 euros – 13 500 euros) × 22,5 %] =7,93 millions d’euros ;

– au titre de l’exercice 2018 à : (220 × 120 000 euros × 50 % × 6/12) –[220 × (120 000 euros – 13 500 euros – 23 963 euros) × 22,5 % × 6/12] = 2,51 millions d’euros.

La chronique des différentiels d’amortissements est la suivante jusqu’en 2025.

DIFFÉRENTIELS D’AMORTISSEMENTS PAR EXERCICE

(en millions d’euros)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Acquisitions 2016

3,63

7,93

2,51

– 3,2

– 2,5

– 1,9

– 1,6

– 1,6

– 1,6

– 1,6

)

Source : évaluation préalable.

Le dispositif ne s’appliquant qu’aux PME au sens communautaire, un taux moyen d’imposition à l’impôt sur les sociétés de 20 % est retenu.

En considérant que les entreprises anticipent l’impact de l’amortissement exceptionnel sur leurs acomptes, le coût budgétaire de la mesure est estimé comme suit.

IMPACT FINANCIER DE LA MESURE PAR RAPPORT AU DROIT EXISTANT

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

Impact sur les finances publiques

-0,7

-1,6

-0,5

Source : évaluation préalable.

S’agissant d’un amortissement accéléré, la mesure ne fait qu’anticiper la déduction d’une charge : il s’agit d’une mesure de trésorerie, neutre budgétairement sur le long terme.

La Rapporteure générale souscrit aux ambitions du Gouvernement pour le développement de la robotisation. On peut néanmoins s’interroger sur l’impact qu’aura la prorogation de cette mesure d’amortissement exceptionnel d’une année, compte tenu du temps nécessaire pour élaborer un projet de robotisation dans une petite entreprise – environ dix-huit mois, d’après les organisations professionnelles.

*

* *

La commission examine l’amendement I-CF 109 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les entreprises françaises, en particulier les PME, ont un très gros retard par rapport à leurs homologues allemandes en matière de robotique. Le Gouvernement nous propose de prolonger d’un an le dispositif d’amortissement accéléré du matériel robotique, applicable du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2015. Plutôt que des dispositions ponctuelles, nous devons prendre des mesures stables et permanentes. Mon amendement vise donc à rendre pérenne ce dispositif spécifique d’amortissement : ce n’est pas en un ou deux ans que la France et ses PME vont rattraper leur retard ; il faudra dix ou quinze ans. Il me semble d’ailleurs, madame la Rapporteure générale, que le coût de cette mesure n’est pas considérable.

Mme la Rapporteure générale. Une prorogation de deux ans est demandée par les professionnels. Vous qui êtes toujours généreux, monsieur de Courson, préférez une pérennisation. À ce stade, je vais émettre un avis défavorable à votre amendement, car je ne connais pas le coût de la mesure. Je m’en tiens à ma position de ce matin : je trouve dangereux d’adopter des mesures dont on ne connaît pas le coût.

M. Charles de Courson. On peut reprendre les déclarations du Gouvernement à l’époque où le dispositif avait été adopté, mais seule l’administration fiscale peut fournir le chiffre. Qu’en est-il des études d’impact ? On me dit qu’elles viennent d’arriver et sont en distribution, mais je ne les ai toujours pas vues. Mettons 2017 au lieu de 2016, si Mme la Rapporteure générale y tient, mais je pense que l’on gagnerait à avoir une stratégie fiscale stable pendant plusieurs années.

Mme la Rapporteure générale. Vous pouvez retirer votre amendement et le redéposer en séance : entre-temps, je vous aurai communiqué le coût de la mesure.

M. Charles de Courson. Voulez-vous que je le redépose en l’état, madame la Rapporteure générale, ou en mettant 2017 ?

Mme la Rapporteure générale. En mettant 2017.

M. Charles de Courson. Ce sera fait.

Cependant, dans l’étude d’impact, que l’on vient de m’apporter, j’ai la réponse à votre question : la mesure coûterait 1 à 2 millions d’euros, ce qui est très peu.

L’amendement I-CF 109 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF 222 de M. Charles de Courson et I-CF 298 de M. Éric Alauzet.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF 222 a pour objet d’encourager le développement du gaz naturel (GNV) et du biométhane carburant (bioGNV) dans les PME françaises. Les véhicules fonctionnant avec ces carburants, dont l’usage se développe, représentent de 10 % à 15 % de la flotte des PME.

M. Éric Alauzet. Il s’agit, avec l’amendement I-CF 298, d’étendre le dispositif de suramortissement prévu pour les investissements industriels, les machines-outils en particulier, à l’acquisition de moyens de transport au gaz GNV ou au biométhane.

Mme la Rapporteure générale. Comme vous, monsieur le président, je n’ignore pas qu’il y a beaucoup de demandes d’intégration dans ce dispositif de suramortissement, concernant essentiellement les transports. Je ne connais pas le coût – qui pourrait être assez important – de cette mesure. J’émets donc un avis défavorable.

M. Éric Alauzet. Ces amendements ne portent pas sur n’importe quel type de transports, mais ciblent ceux qui participent à la transition énergétique. C’est évident pour les véhicules qui fonctionnent au biométhane, et même pour ceux qui utilisent le GNV, une énergie transitoire entre le pétrole et les énergies renouvelables. Dans la dépense publique, nous devons être plus sélectifs par rapport à la transition énergétique. Or, nous ne tenons pas suffisamment compte du coût global et des externalités.

La commission rejette les amendements I-CF 222 et I-CF 298.

Puis elle adopte l’article 6 sans modification.

*

* *

Article additionnel après l’article 6
Abaissement du seuil de déductibilité des rémunérations différées

La commission est saisie de l’amendement I-CF 71 de M. Laurent Grandguillaume.

M. Pascal Terrasse. Cet amendement revient sur la question des « parachutes dorés ». Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nous avions adopté à l’unanimité un amendement prévoyant le plafonnement de la déductibilité du bénéfice imposable de ce type d’indemnités de départ. Il faisait suite à un rapport que vous aviez remis, monsieur le président.

Au vu de l’actualité récente, les dispositions que nous avions prises à l’époque paraissent insuffisantes. La déductibilité maximale est aujourd’hui fixée à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 228 240 euros au 1er janvier 2015. Par le présent amendement, nous proposons de diviser cet avantage fiscal par deux.

Comment justifier l’usage des « parachutes dorés » ? Beaucoup de chefs d’entreprise possèdent des parts sociales, acquises tout au long de leur carrière professionnelle par le biais de stock-options qui font partie de leur rémunération. Cela me paraît suffisant. Je pense que cette accumulation – salaire, stock-options, « parachute doré », retraite chapeau – pose un problème moral.

Mme la Rapporteure générale. Ce matin, nous avons examiné un amendement I-CF 74, similaire à celui-ci, au titre de l’impôt sur le revenu. La commission était largement acquise à la réduction du plafond, mais se posait un problème d’écriture : la cible visée n’était pas celle que nous souhaitions. J’ai proposé qu’il soit retiré et retravaillé avant d’être représenté en séance. Je vous fais la même proposition.

M. le président Gilles Carrez. Et ces amendements doivent être présentés en seconde partie pour éviter la rétroactivité.

M. Razzy Hammadi. Avec mon collègue Laurent Grandguillaume et comme d’autres ici, nous travaillons sur le sujet depuis des mois. Nous avons étudié les rythmes d’acquisition des droits, nous avons plafonné, conditionné et introduit un droit de regard des syndicats et des représentants des salariés. Mais le dispositif est d’une complexité folle. Chaque fois que nous parvenons à faire adopter une mesure, nous nous rendons compte qu’il reste un trou dans la raquette. Je comprends qu’on nous demande de retirer et de retravailler cet amendement, mais, jusqu’à la fin de la législature, nous aurons des amendements sur les golden hello et les retraites chapeau, car nous tenons à remettre en cause des pratiques qui ne sont pas moralement acceptables.

Mme Karine Berger. Je ne suis pas le raisonnement de la Rapporteure générale. À part le thème, quel est le rapport entre l’amendement de ce matin et celui de cet après-midi ?

M. le président Gilles Carrez. Ce matin, il était question de seuil d’imposition ; cet après-midi, nous parlons de déductibilité.

Mme Karine Berger. Je ne vois pas quel est le problème de rédaction. Contrairement à l’amendement dont nous avons discuté ce matin, celui-ci vise parfaitement la cible. Si cet amendement que j’ai cosigné était retiré, je le reprendrais immédiatement.

M. Dominique Lefebvre. Nous pourrions reprendre tout cela en seconde partie. Ce dont j’aimerais être absolument certain, c’est qu’il y a adéquation entre la mesure prévue, qui peut se justifier, et ce qui, dans l’exposé des motifs, fait référence à des exemples récents. Pour les Français, les exemples les plus scandaleux sont à des niveaux tels que la modification proposée du plafond de la sécurité sociale ne changera pas grand-chose. Que l’on cible ceux dont les indemnités de départ sont comprises entre trois et six fois le plafond de la sécurité sociale, je peux le comprendre. Ceux qui se situent à des niveaux interstellaires, qui perçoivent des primes de 8 ou 14 millions d’euros, sont hors sujet. Que ce soit déductible ou pas, cela ne change strictement rien. L’amendement concerne des personnes dont les indemnités de départ se situent à 200 000 ou 300 000 euros. Mais on permet à une grande entreprise internationale de faire un chèque de 8 ou 14 millions d’euros à un dirigeant qui s’en va. À mon avis, certains vont se sentir incompris, à juste titre.

Mme la Rapporteure générale. Il est ici question d’un avantage fiscal : ce sera payé par le contribuable français.

M. Olivier Carré. Notre collègue Hammadi a jugé certaines pratiques moralement inacceptables tout en constatant qu’il y avait toujours des trous dans nos dispositifs fiscaux. Si vous voulez faire de la morale, il faut passer par d’autres moyens – le code du travail ou un autre – et décider une interdiction stricte de telle ou telle pratique. Quand il veut faire de la morale par le biais de la fiscalité, le législateur déclenche des phénomènes d’optimisation qu’il passe son temps à essayer de corriger, au risque de perturber le fonctionnement global de l’économie et d’affaiblir notre tissu productif national. Si la majorité considère que cette moralisation est un sujet politique fort, ce que je peux comprendre, qu’elle active d’autres textes de loi que ceux qui portent sur la fiscalité !

M. Razzy Hammadi. Je pense au contraire qu’il est possible de faire à la fois de la fiscalité et de la morale, et même de faire de la fiscalité morale. En travaillant sur le sujet, nous nous sommes rendu compte que des centaines de milliers de Français étaient concernés, mais nous ne nous sommes pas attaqués spécifiquement aux « parachutes » les plus scandaleux : nous avons, dans un premier temps, mis en place des dispositifs épargnant ceux qui partent avec un chèque de 10 000, 15 000 ou 20 000 euros de manière légitime dès lors que ces personnes ont passé beaucoup de temps dans l’entreprise, ont cotisé, et peuvent faire état de performances et de résultats. Il faut à présent faire évoluer l’assiette.

M. le président Gilles Carrez. Le Premier ministre a pris l’engagement que la loi ne pratiquerait plus de « petite rétroactivité » et il a raison, car il est malsain de prendre des mesures fiscales rétroactives. Comme nous l’avons prévu ce matin au sujet de l’impôt sur le revenu, nous pourrons avoir le présent débat en seconde partie, car les mesures s’appliqueront alors aux revenus distribués ou aux dépenses engagées à partir du 1er janvier 2016. Sur le fond, notre commission est d’accord pour réduire ce plafond, même si l’amendement n’est pas – Dominique Lefebvre a raison de le souligner – de nature à apporter une réponse aux dizaines de millions d’euros qui ont récemment défrayé la chronique.

M. Razzy Hammadi. Ne peut-on rectifier l’amendement ?

Mme la Rapporteure générale. Si l’amendement est rectifié, avec les bonnes dates, il sera de facto reclassé en seconde partie.

Mme Karine Berger. Je propose de rectifier l’amendement en prévoyant une application au 1er novembre 2015 : il n’y a plus de « petite rétroactivité » dans ce cas.

La commission adopte l’amendement I-CF 71 ainsi rectifié.

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Après l’article 6

La commission examine les amendements I-CF 183 et I-CF 184 de M. Philippe Vigier, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Charles de Courson. Le dispositif de jeune entreprise innovante (JEI) étant actuellement plafonné à 50 millions d’euros, l’amendement I-CF 183 prévoit de remonter ce plafond, ce qui s’avérerait d’ailleurs peu coûteux. L’amendement I-CF 184 vise quant à lui à allonger la période d’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, de deux à trois ans, car la plupart de ces entreprises ne commencent à gagner de l’argent que la troisième année. Cela ne coûtera pas beaucoup non plus.

Mme la Rapporteure générale. Le seuil de 50 millions d’euros a le mérite d’être conforme au seuil de définition des PME au sens communautaire. Alors que vous nous avez tout à l’heure invités à fusionner les seuils, vous en proposez là de nouveaux. Ce n’est pas très cohérent. En ce qui concerne la prolongation de la période d’exonération, vous n’apportez aucun chiffrage. Avis défavorable.

L’amendement I-CF 183 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF 184.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 212 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’agriculture subissant des variations de revenus de plus en plus fortes, cet amendement vise à permettre une variabilité des dotations aux amortissements en fonction de la variabilité des résultats. En d’autres termes, dans une bonne année, l’agriculteur amortira beaucoup, dans une mauvaise année il amortira peu. Le solde est nul sur la moyenne période, mais cela donnera davantage de souplesse aux exploitations, dans la limite d’une modulation fixée à 50 % du montant déductible.

Mme la Rapporteure générale. La série d’amendements sur la fiscalité agricole qui débute avec celui-ci fait suite à une mission d’information conduite au mois de juillet. Cet amendement, monsieur de Courson, reprend une proposition que vous aviez émise dans le cadre de cette mission, mais qui n’a pas été retenue. Avis défavorable.

J’en profite pour signaler que j’ai demandé au ministère des finances, le 17 juillet dernier, l’ensemble des montants d’exonération existant dans l’agriculture, selon une distribution par décile, afin de savoir si ces mesures fiscales sont concentrées sur certains types d’exploitation ou non. J’espère que je recevrai ces données un jour.

M. François André. En tant que rapporteur de la mission d’information sur la fiscalité agricole, je n’ai pas retenu cette proposition, lui préférant un dispositif de déduction pour aléa. C’est le choix de la mission d’information pour traiter le problème de la volatilité des résultats.

La commission rejette l’amendement I-CF 212.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF 33 et I-CF 36 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. La mission d’information sur la fiscalité agricole est parvenue à des propositions consensuelles, que ces amendements reprennent en ce qui concerne la déduction pour aléas (DPA). La DPA est une auto-assurance : au cours d’une bonne année, l’agriculteur est autorisé à mettre de l’argent de côté, de façon qu’il puisse le réintroduire dans ses comptes lors des mauvaises années. La dernière crise agricole a révélé que l’aléa – la variation du climat, mais aussi des prix – était de plus en plus important ; c’est même devenu l’obsession du monde agricole. L’idée est donc de renforcer la DPA. Dans l’immédiat, cela ne coûtera rien, car il s’agit de retirer de l’argent des comptes dans les bonnes années, et nous traversons justement une très mauvaise année, mais cela enverrait au monde agricole le signal très positif qu’il pourra à l’avenir recourir à des mécanismes d’atténuation des aléas.

Ces amendements visent donc à rendre le recours à la DPA plus facile et plus souple, afin que l’atténuation de l’aléa passe principalement par ce dispositif fiscal, qui est moins cher qu’une assurance, car il n’y a pas d’intermédiaire, et plus avantageux que la déduction pour investissement (DPI).

M. le président Gilles Carrez. Certains amendements relatifs à la DPA ont été reportés en seconde partie, car ils traitaient de la réintégration, qui se fait au cours des exercices suivants, tandis que ceux qui traitent de la déduction elle-même affectent l’exercice 2016 et ont donc été conservés en première partie.

M. François André. Nous aurons donc un débat saucissonné et, en termes de lisibilité, c’est bien dommage. Le sujet – la crise l’a révélé – mériterait de faire l’objet d’une mesure dans le prochain projet de loi de finances rectificative (LFR).

M. Charles de Courson. La DPA ne fonctionne pas. Elle a même été construite pour ne pas fonctionner, en raison notamment de conditions d’entrée et de sortie extrêmement restrictives. Dans la mission d’information, nous sommes tombés d’accord pour assouplir l’entrée et la sortie, mais nous différons en ce qui concerne l’ampleur de cet assouplissement. J’étais le plus libéral, et le rapporteur le plus restrictif. Je trouve moi aussi très dommage que la discussion soit tronçonnée, car nos collègues n’y pourront rien comprendre. Je pense toutefois qu’il faut voter ces amendements, car cela permettra au Gouvernement de nous indiquer où en sont les arbitrages.

M. Marc Le Fur. Il serait en effet préférable de discuter tous les amendements ensemble, mais cela peut se faire en seconde partie. Cela ne me dérange donc pas de les retirer à ce stade.

M. François André. Je souscris à cette proposition. Ce serait plus lisible.

M. le président Gilles Carrez. Nous pouvons discuter l’ensemble en seconde partie, début novembre – et il vaut mieux en effet avoir une discussion globale, car le sujet est très compliqué –, si vous rédigez les amendements de façon qu’ils s’appliquent au 1er janvier 2017. Depuis 2002, des amendements tendant à modifier le régime de la DPA sont présentés dans chaque loi de finances, et j’ai du mal à comprendre pourquoi ce régime subit une telle instabilité fiscale.

M. Marc Le Fur. C’est un régime qui n’a jamais fonctionné et qui ne coûte presque rien, car, comme l’a expliqué Charles de Courson, les conditions ont été définies de façon à décourager les agriculteurs d’y recourir. La crise agricole est due à des aléas d’une ampleur qui était inconnue du temps où il existait une gestion européenne des marchés. Le régime a été modifié à plusieurs reprises, car il n’a jamais fonctionné.

M. le président Gilles Carrez. C’est dommage, car il avait fallu une suspension de séance et une réunion de deux heures en salle Colbert, en pleine nuit, pour le créer.

Les amendements I-CF 33 et I-CF 36 sont retirés.