______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 novembre 2015.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2105 (n° 3217),
PAR M. Jean-Jacques Bridey,
Député.
——
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 3247 et 3282.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DE LA LPM SÉCURISÉE PAR DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES SUPPLÉMENTAIRES 7
A. L’HYPOTHÈQUE DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES LEVÉE PAR L’ACTUALISATION DE LA LPM 7
B. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES AU RENDEZ-VOUS DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE 8
II. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES (OPEX) 11
A. LE MONTANT DE LA DOTATION PRÉVISIONNELLE POUR 2015 : PRÈS DE 490 MILLIONS D’EUROS 11
B. LE SURCOÛT GLOBAL AU TITRE DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES S’ÉTABLIT À PRÈS DE 1 115 MILLIONS D’EUROS 11
1. Un surcroît de dépenses au titre des opérations extérieures d’environ 1 107 millions d’euros 11
2. Des pertes de recettes évaluées à près de 8 millions d’euros 12
C. UN BESOIN DE FINANCEMENT SUPPLÉMENTAIRE DE PLUS DE 625 MILLIONS D’EUROS 13
III. LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS INTÉRIEURES (OPINT) : L’OPÉRATION SENTINELLE 15
A. UN SURCOÛT NET DE 170,6 MILLIONS D’EUROS SUR L’ANNÉE 2015 15
1. Les dépenses de personnel : 51,6 millions d’euros 15
2. Les autres dépenses : 119 millions d’euros 15
B. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT IDENTIQUES À CELLES APPLICABLES AUX SURCOÛTS OPEX : LE RECOURS À LA SOLIDARITÉ INTERMINISTÉRIELLE 17
IV. POINT PARTICULIER SUR LES CRÉDITS DE TITRE 2 : DES BESOINS ESTIMÉS À PLUS DE 339 MILLIONS D’EUROS EN FIN DE GESTION 19
En dehors de la commission des Finances, par principe saisie au fond, il est rare qu’une autre commission se saisisse pour avis des projets de loi de finances rectificative. Il est encore plus exceptionnel que la commission de la Défense nationale et des forces armées décide de procéder à une telle saisine. À cet égard, le précédent le plus récent remonte à l’année 2010. Notre commission avait alors émis un avis sur la quatrième loi de finances rectificative pour cette même année (1).
Le caractère exceptionnel de la présente saisine s’explique par le caractère tout aussi exceptionnel de la situation opérationnelle – et donc budgétaire – pour nos armées. Il était en effet indispensable que la commission de la Défense puisse vérifier :
– que, suite à l’actualisation de la loi de programmation militaire adoptée en août dernier (2), la rebudgétisation des ressources exceptionnelles soit effectivement consacrée dans une loi de finances ;
– et que les conséquences budgétaires de l’intensité opérationnelle sans précédent, tant sur les théâtres extérieurs que sur le plan intérieur, soient prises en compte à leur juste mesure.
L’actualité tragique que vit notre pays est venue rappeler à tous le rôle essentiel que jouent nos armées dans la protection de nos concitoyens. Il existe un lien direct entre opérations extérieures et opérations intérieures au sein d’un même continuum sécuritaire global, auquel participent l’ensemble de nos forces armées et qui nécessite des moyens budgétaires et humains adaptés.
Si les membres de la commission de la Défense, qui en sont conscients de longue date, n’ont pas besoin d’être convaincus à cet égard, il semble que certaines autorités avaient perdu de vue – ou choisi d’ignorer – cette réalité, s’interrogeant sur la pertinence de certains choix budgétaires effectués en faveur des armées.
Ainsi, d’aucuns ont-ils pu regretter que les crédits de nos armées soient masqués par le brouillard du « secret-défense ».
L’actualité opérationnelle, non seulement de ces derniers mois mais depuis le début du quinquennat, montre pourquoi les armées ont besoin de moyens et pour quoi elles les utilisent. En outre, il convient de rappeler que les services du ministère des Finances et des comptes publics notamment sont particulièrement bien placés pour connaître les justifications au titre des demandes formulées par le ministère de la Défense au plan budgétaire.
Chaque année, les services de la direction du Budget réalisent et adressent au Parlement des projets annuels de performances qui retracent le montant des crédits prévus pour l’année à venir pour chaque politique publique et en expliquent les évolutions. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 et comme les années antérieures, le « bleu » Défense était l’un des plus imposants (3) puisqu’il détaillait sur quelque 466 pages le budget alloué à cette politique publique pour 2016 et l’utilisation de ce budget grâce, notamment, aux développements consacrés à « la justification au premier euro ».
Il faut également ajouter, au titre des ressources documentaires, la multitude de rapports parlementaires, d’études de la Cour des comptes ou de travaux des corps d’inspection – dont l’Inspection générale des Finances – consacrés au secteur de la défense.
En outre, dans le cadre de la préparation du présent avis, le rapporteur avec Mme Patricia Adam, présidente de la commission, et avec M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des Finances pour le budget opérationnel de la Défense, a effectué un contrôle sur pièces et sur place auprès de la direction générale de l’armement le mercredi 18 novembre, conformément aux pouvoirs qui lui ont été conférés par l’article 7 de la loi de programmation militaire 2014-2019 (4). Cet exercice lui a permis d’obtenir toutes les informations nécessaires, sans se voir à aucun moment opposer une quelconque restriction liée au secret de la défense nationale.
Dans son rapport sur les crédits de l’équipement des forces pour l’année 2015 (5), le rapporteur avait rappelé combien l’année 2015 était une année décisive pour la bonne exécution de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019 et n’avait pas caché son inquiétude au sujet de la perception des 2,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles (REX) devant alimenter le budget du ministère de la Défense.
Pour l’année 2015, 2,1 milliards d’euros issus du produit de la vente de la bande de fréquences comprise entre 694 MHz et 790 MHz devaient en effet s’ajouter aux 7,8 milliards d’euros de crédits de paiement du programme 146, pour porter le total des ressources financières à 9,9 milliards d’euros.
Le problème bien connu était l’important retard pris dans le calendrier de mise en vente de ces fréquences faisait courir un risque important de non perception de ces REX en 2015.
Il était donc impératif de trouver une solution alternative dans l’attente de la perception de ces ressources. Le ministère de la Défense avait alors envisagé la création d’une ou plusieurs sociétés de projet.
L’hypothèse abandonnée des sociétés de projet
Dans son avis budgétaire de l’année dernière, le rapporteur avait expliqué le mécanisme des sociétés de projet :
« Le principe, tel qu’il a été défini par le ministre, est d’offrir, par l’utilisation du produit des cessions de participation, une facilité de trésorerie temporaire au ministère de la Défense pour couvrir ses besoins de financement en 2015, 2016 et 2017, estimés à 5,5 milliards d’euros.
« Dans ce schéma, les ressources du CAS PFE ne viennent pas abonder directement les crédits de la mission « Défense » mais doter en capital une société de projet (SPV, pour Special Purpose Vehicle), détenue à 100 % par l’État.
« Une ou plusieurs sociétés pourraient être créées par catégorie de matériels. La dotation pour 2015 devrait être à la hauteur des REX attendues, soit 2,2 milliards d’euros.
« Avec ces deux milliards d’euros, la société rachèterait au ministère de la Défense un certain nombre d’équipements dont celui-ci vient de prendre possession. Ces ressources supplémentaires, en venant abonder le programme 146, permettraient au ministère d’engager deux milliards d’euros de dépenses d’équipement pour 2015.
« Dans le même temps, la société mettrait immédiatement à la disposition du ministère les équipements qu’elle vient de lui acheter contre la perception d’un loyer – mécanisme de « sale and lease-back ».
« Enfin, à la perception des recettes hertziennes, l’État rachèterait les équipements qu’il utilisait jusque-là en location et liquiderait la société, son capital étant reversé au CAS PFE.
« En résumé, il s’agit d’un montage purement financier qui permet de maintenir le niveau de dépenses prévu par la LPM dans l’attente de la perception des recettes hertziennes. »
Source : Avis n° 2265 de M. Jean-Jacques Bridey sur le projet de loi de finances pour 2015.
L’hypothèse des sociétés de projet, qui soulevait de grandes réticences au sein du ministère des Finances, fut finalement abandonnée lorsque l’actualisation de la LPM (6), votée cet été, remplaça opportunément les 2,1 milliards d’euros de REX prévus pour 2015 par 2,1 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires.
La loi de programmation militaire actualisée ayant désormais une trajectoire financière sécurisée, il restait à concrétiser le vote de juillet en ouvrant 2,1 milliards d’euros de crédits supplémentaires au profit de la mission « Défense » dès 2015.
Comme le soulignait le délégué général pour l’armement, M. Laurent Collet-Billon, lors de son audition devant la commission de la Défense, le 7 octobre dernier : « le programme 146 connaît, en cette fin d’année, des tensions de trésorerie inédites » (7).
Dans l’attente de la perception de ces crédits budgétaires supplémentaires, le programme s’est en effet trouvé en rupture de paiement très tôt.
Au 16 novembre 2015, la trésorerie réellement disponible n’était que de 159 millions d’euros, préservée pour payer d’ici la fin de l’année les factures des petites et moyennes entreprises (PME) et les paiements urgents ayant des impacts opérationnels ou contractuels.
Les factures les plus importantes, au profit des grands industriels, ne sont plus honorées depuis le 15 octobre 2015 et représentaient, au 16 novembre, 614 millions d’euros. La somme des dettes vis-à-vis des créanciers publics – OCCAr, CEA et NAHEMA (8) – représentait quant à elle 1,524 milliard d’euros.
Le programme 146 ne dispose en outre d’aucune marge de manœuvre dans la mesure où la réserve de précaution, de 615 millions d’euros, a été levée dès cet été. En août 2015, le programme 146 a en effet payé la somme de 949 millions d’euros dans le cadre du règlement du dossier des BPC russes. Il a reçu en compensation, par le biais d’un fond de concours, la somme de 892 millions d’euros, provenant d’un versement de la COFACE à DCNS, soit une différence de 57 millions en sa défaveur.
Le présent projet de loi de finances rectificative ouvre 2,201 milliards d’euros au profit du programme 146 : 2,144 milliards pour compenser la non-perception des REX et 57 millions d’euros pour compenser le solde du dossier des BPC russes.
Le rapporteur se félicite que les crédits soient bien au rendez-vous de la programmation. Les crédits ne seront effectivement disponibles pour la direction générale de l’armement que dans les tout derniers jours du mois de décembre mais, compte tenu de l’efficacité du système de paiement CHORUS, les factures pourront être honorées très rapidement et garantir ainsi le respect de la trajectoire de dépenses de la LPM.
Conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) (9), la dotation ouverte par la loi de finances initiale pour 2015 au titre du financement des opérations extérieures s’était établie à 450 millions d’euros, soit 170 millions d’euros de dépenses de personnel (titre 2) et 280 millions d’euros hors titre 2.
D’autres sources de financement se sont ajoutées à cette dotation. Au 19 novembre 2015, ces ressources annexes étaient constituées :
– des remboursements attendus de l’ONU, d’autres organismes internationaux ou de pays tiers sous forme de fonds de concours ou d’attributions de produits (10), à hauteur de 34,7 millions d’euros ;
– des décrets de transfert en provenance du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI) portant remboursement de l’opération Tamarin de lutte contre la pandémie Ébola notamment, à hauteur de 4,7 millions d’euros.
Aussi, à la date de dépôt du PLFR pour 2015, la dotation prévisionnelle pour le financement des OPEX s’établissait-elle à 489,4 millions d’euros.
● D’après les dernières informations communiquées par le ministère de la Défense, les prévisions actualisées des surcoûts d’OPEX atteindraient 1 106,9 millions d’euros, soit un différentiel de 617,5 millions d’euros par rapport à la dotation initiale. Ce surcoût est d’un niveau équivalent à celui constaté en 2014 et qui s’était établi à 1 118 millions d’euros.
Le surcoût pour 2015 se décompose en :
– 290,8 millions d’euros de dépenses de personnel ;
– et 816 millions d’euros de dépenses hors titre 2.
● L’analyse des surcoûts OPEX par opération fait apparaître les données suivantes, qui confirment que l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne (BSS) reste, logiquement, la plus onéreuse puisqu’elle représente près de 43 % des surcoûts totaux.
On relèvera également le poids pris par l’opération Chammal de lutte contre Daech, avec 235,7 millions d’euros, soit 21,29 % du total.
De manière plus analytique, on relèvera que les surcoûts se répartissent à hauteur de 290,8 millions d’euros pour le titre 2, tandis que hors titre 2 les principaux postes de dépense sont constitués par l’entretien programmé des matériels (234,6 millions d’euros), le fonctionnement courant (179,7 millions d’euros), les transports (146 millions d’euros) et les munitions (61,8 millions d’euros).
SURCOÛTS DES OPEX PAR OPÉRATION
(en millions d’euros)
Théâtre |
Opération |
Surcoûts |
Part dans le total |
BSS |
Barkhane |
473,8 |
42,80 % |
BSS |
Sabre |
78,4 |
7,08 % |
Mali |
EUTM |
3,6 |
0,32 % |
RCA |
Sangaris EUFOR RCA |
152,6 |
13,79 % |
Levant |
Chammal |
235,7 |
21,29 % |
Liban |
FINUL Daman |
67,5 |
6,10 % |
Océan Indien |
EUNAVFOR Atalante |
6,3 |
0,57 % |
Afghanistan |
Pamir Héraclès Mer |
34,4 |
3,11 % |
Côté d’Ivoire |
Licorne Corymbe CALAO ONUCI |
22,0 |
2,00 % |
Kosovo |
Trident |
2,8 |
0,25 % |
Autres |
Autres opérations |
29,8 |
2,69 % |
TOTAL |
1 106,9 |
100 % |
Source : ministère de la Défense ; calculs du rapporteur.
Le nombre et l’intensité de nos engagements extérieurs n’ont pas seulement entraîné un surcroît de dépenses. Par ricochet, ils ont également affecté certaines recettes dont le ministère de la Défense attendait la perception.
Ainsi, le haut degré de projection d’équipes médicales et chirurgicales du service de santé des armées (SSA) aux côtés de nos soldats en OPEX a privé le ministère de recettes extrabudgétaires (11) qui auraient normalement dû être tirées de l’activité courante de ce service en France.
Ces pertes de recettes, évaluées à 7,9 millions d’euros dont 2,3 millions de titre 2 viennent dès lors mécaniquement s’ajouter au besoin de financement supplémentaire généré par les OPEX.
Le cumul des dépenses excédant la dotation initiale et des pertes de recettes provoquées par les OPEX s’établit à 1 114,8 millions d’euros. Il engendre donc un surcoût net de 625,3 millions d’euros, une fois déduites les sommes couvertes par la dotation prévisionnelle de 489,4 millions d’euros.
BESOIN DE FINANCEMENT RÉSULTANT DES OPEX
(en millions d’euros)
Nature des dépenses et des recettes relatives aux OPEX |
Montants |
Surcoût budgétaire des OPEX (A) |
1 106,86 |
Titre 2 |
290,84 |
Hors titre 2 |
816,02 |
Pertes de recettes générées par les OPEX (B) |
7,90 |
Titre 2 |
2,3 |
Hors titre 2 |
5,6 |
Surcoût global généré par les OPEX (A+B) |
1 114,76 |
Dotation prévisionnelle LFI + FDC (12) (C) |
489,43 |
Besoin de financement total (A + B - C) |
625,32 |
Source : ministère de la Défense.
Le montant du décret d’avance d’OPEX, non encore publié et donc non annexé pour ratification par le PLFR au moment de son dépôt, s’élève à 625,3 millions d’euros dont 123,1 millions sur le titre 2, soit :
– 617,4 millions d’euros au titre des dépenses supplémentaires : 120,8 millions d’euros sur le titre 2 et 496,6 millions d’euros hors titre 2 ;
– et 7,9 millions d’euros au titre des moindres recettes du SSA, dont 2,3 millions d’euros sur le titre 2.
Présenté le mardi 24 novembre en commission des Finances (13) par la rapporteure générale du Budget Mme Valérie Rabault, le projet de décret d’avance a recueilli un avis favorable de cette commission. De fait, et pour ce qui concerne les OPEX, il prévoit bien un financement intégral des surcoûts à hauteur du montant identifié.
Le ministère de la Défense évalue à 51,65 millions d’euros le montant des dépenses de personnel supplémentaires engagées du fait de Sentinelle. Il s’agit d’un surcoût net, qui correspond aux indemnités opérationnelles spécifiques versées aux militaires en plus de la solde qu’ils perçoivent au titre de leur rémunération « normale », quel que soit leur engagement.
Ce surcoût comprend les dépenses directement rattachées à l’opération, soit :
– les indemnités de service en campagne (ISC), pour un solde net de 41,7 millions d’euros (14) ;
– l’indemnité d’alerte opérationnelle (AOPER), pour 7,1 millions d’euros ;
– les soldes des réservistes engagés dans l’opération, pour 3,37 millions d’euros.
Compte tenu de l’urgence, Sentinelle a produit un effet d’éviction au détriment de l’activité de préparation opérationnelle (entraînement et activités « normales »). Aussi, ont logiquement été neutralisés au titre du surcoût Sentinelle les crédits correspondant à cette activité opérationnelle et donc inscrits en loi de finances initiale, mais qui ont in fine servi à financer cette opération intérieure. L’objet de ces dépenses a été modifié, Sentinelle s’étant substitué à une partie de l’activité opérationnelle, mais cette réaffectation a été budgétairement neutre pour l’État. Il est donc logique que les dépenses correspondantes n’entrent pas dans le surcoût net de Sentinelle.
Le surcoût hors titre 2 est constitué de dépenses de fonctionnement, d’infrastructure et d’équipement et s’élève à 119 millions d’euros. Il est partagé entre le programme 178 « Préparation et emploi des forces » à hauteur de 103,1 millions d’euros, et le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » à hauteur de 15,9 millions d’euros.
Les développements suivants présentent la nature des dépenses constitutives de ce surcoût.
● Au titre de l’activité opérationnelle (AOP) : 24,82 millions d’euros.
Ce poste regroupe les dépenses d’alimentation, d’hébergement, de carburant, les dépenses diverses d’instruction, les frais de déplacement, les dépenses de transport et les dépenses d’activité du service des essences des armées (SEA).
● Au titre de l’entretien programmé du matériel (EPM) : 4,2 millions d’euros.
Ces dépenses résultent de l’augmentation du nombre de véhicules engagés en milieu urbain, compte tenu du volume et de la fréquence de rotation du personnel.
● Au titre de l’équipement d’accompagnement et de cohérence (EAC) : 42,19 millions d’euros.
Ces dépenses regroupent :
– les équipements terrestres nécessaires pour fournir aux militaires déployés des équipements adaptés à leur mission : véhicules tactiques, moyens de communication et de commandement interopérables avec le personnel du ministère de l’Intérieur, lunettes de protection individuelle face aux agressions laser, ainsi que diverses autres dépenses d’équipement ;
– les équipements du soutien commun : à savoir les véhicules de la gamme commerciale ;
– les munitions ;
– les dépenses diverses du service de santé des armées (SSA).
● Au titre de l’agrégat fonctionnement et l’activité spécifique (FAS) : 22,05 millions d’euros.
Il s’agit essentiellement de dépenses engagées par les bases de défense : fonctionnement courant, soutien courant des infrastructures et soutien des matériels communs.
● Au titre de l’entretien programmé du personnel (EPP) : 24,62 millions d’euros.
Cet agrégat regroupe les matériels de restauration collective (MRC), l’habillement (gilets pare-balles et effets particuliers) et le soutien de l’homme (vivres opérationnels, entretien, réparation et remise en condition du matériel de campagne).
● Au titre des dépenses d’infrastructure : 8,75 millions d’euros.
De telles dépenses ont été nécessaires pour faire face aux besoins d’une force de 10 000 hommes déployée sur l’ensemble du territoire national. Naturellement, elles concernent principalement l’Île-de-France et les villes de Marseille et Lyon. Le besoin entraîné par Sentinelle à cet égard porte sur l’amélioration rapide des conditions d’hébergement d’urgence des militaires déployés, ainsi que sur la réalisation des infrastructures nécessaires au maintien dans la durée du dispositif de protection du théâtre national.
● Doivent être retranchées de ces surcoûts des moindres dépenses à hauteur de 7,63 millions d’euros.
SURCOÛT NET DE SENTINELLE HORS TITRE 2
(en millions d’euros)
Nature de la dépense |
Montant |
Activité opérationnelle (AOP) |
24,82 |
Entretien programmé du matériel (EPM) |
4,20 |
Équipement d’accompagnement et de cohérence (EAC) |
42,19 |
Fonctionnement et activités spécifiques (FAS) |
22,05 |
Entretien programmé du personnel (EPP) |
24,62 |
Infrastructure |
8,75 |
Moindres dépenses |
- 7,63 |
Total |
119 |
Source : ministère de la Défense.
B. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT IDENTIQUES À CELLES APPLICABLES AUX SURCOÛTS OPEX : LE RECOURS À LA SOLIDARITÉ INTERMINISTÉRIELLE
Logiquement, faute d’un recul suffisant au moment des débats relatifs à l’actualisation de la loi de programmation militaire, les prévisions de surcoût net de l’opération Sentinelle n’avaient pas été intégrées à l’enveloppe budgétaire supplémentaire ouverte dans le cadre de cette actualisation.
Aussi, et comme les OPEX, le financement de Sentinelle fera-t-il l’objet d’un financement interministériel et prendra la forme d’un décret d’avance permettant de compenser les 170,65 millions de surcoûts nets constatés en fin d’exercice. La couverture complète des surcoûts de l’opération Sentinelle non prévus initialement par le PLF 2016 est totalement assurée par le projet de décret d’avance présenté en commission des Finances le mardi 24 novembre.
IV. POINT PARTICULIER SUR LES CRÉDITS DE TITRE 2 : DES BESOINS ESTIMÉS À PLUS DE 339 MILLIONS D’EUROS EN FIN DE GESTION
Le rapporteur a déjà fait état des surcoûts de titre 2 pour ce qui concerne les opérations extérieures et l’opération intérieure Sentinelle. Il a toutefois estimé utile d’offrir une vision globale et consolidée des besoins en crédits de personnel. Tel est l’objet de la présente partie.
De fait, il va de soi que les besoins relatifs aux OPEX et à Sentinelle, à nouveau présentés ici, le sont uniquement pour rappel ; ils sont identiques aux montants précédemment évoqués dans les parties thématiques consacrées à chaque type d’opérations et ne viennent évidemment pas s’y ajouter.
● Le ministère de la Défense évalue à 339,3 millions d’euros l’insuffisance prévisionnelle des crédits de titre 2. Ce besoin global se décompose de la manière suivante :
– 145,6 millions d’euros hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions », et hors opérations, extérieures comme intérieures (Sentinelle) ;
– 120,8 millions d’euros au titre des OPEX ;
– 51,6 millions d’euros au titre de l’opération Sentinelle ;
– 21,3 millions d’euros au titre du CAS « Pensions ».
● Concernant le premier agrégat, le dépassement résulte, à titre principal, des facteurs de surcoût suivants :
– l’atténuation des déflations d’effectifs, consacrée par l’actualisation de la loi de programmation militaire, explique environ 41 % des surcoûts, le maintien de 7 500 ETP dont la suppression était initialement prévue ayant représenté un coût d’environ 60 millions d’euros ;
– le renforcement de la réserve opérationnelle, décidé dans le cadre du nouveau contrat Protection, conduit à un besoin de financement de huit millions d’euros environ.
Par ailleurs, le dysfonctionnement du système Louvois continue de provoquer des perturbations, même si celles-ci se sont subtanstiellement réduites par rapport à 2014. Le rythme des « trop-versés » est évalué entre 1,5 million d’euros et trois millions d’euros par mois depuis le mois de mars. Au total, un coût supplémentaire de 15 millions d’euros est anticipé pour la fin de gestion 2015 au titre des nouveaux indus. Ajouté aux 35,6 millions d’euros d’indus payés entre janvier à septembre, le coût total des dysfonctionnements de Louvois devrait atteindre environ 50 millions d’euros pour 2015.
S’ajoutent enfin certaines dépenses non liées aux effectifs (dites hors socle) : hausse des dépenses de chômage et dépenses liées à la cessation anticipée au titre de l’amiante, dont le coût n’est que partiellement compensé par la diminution des dépenses au titre de la mobilité du personnel civil (indemnités de départ volontaire des ouvriers de l’État).
● Les raisons des besoins constatés sur les trois autres agrégats
– OPEX, Sentinelle et CAS « Pensions » – sont, quant à elles, assez intuitives et résultent de l’intensité opérationnelle à laquelle sont soumises nos forces, tant à l’extérieur de nos frontières que sur le territoire national.
L’insuffisance prévisionnelle sur le titre 2 sera couverte dans le cadre du décret d’avance :
– par des annulations de crédits sur le hors titre 2 à hauteur de 145,6 millions d’euros en application du principe d’autoassurance. Dans le détail, 94 millions d’euros seront annulés sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », et 51,6 millions le seront sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». Ces annulations devraient être compensées, en 2016, par un décret de virement (15) en provenance du programme 146 « Équipement des forces » ;
– par la solidarité interministérielle pour ce qui concerne les besoins liés aux OPEX et à l’opération Sentinelle.
Les besoins au titre du CAS « Pensions » seront également assurés par un financement interministériel.
La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Bridey, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 (n° 3217), au cours de sa réunion du mardi 24 novembre 2015.
*
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 et de l’état B annexé, sans modification.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
À l’occasion du contrôle sur pièces et sur place auprès de la direction générale de l’armement le mercredi 18 novembre 2015 :
Ø M. Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget de la DGA
Ø Mme Éveline Spina, sous-directrice des plans et des programmes de la DGA
Ø Mme Nassima Auvray, chef de cabinet de M. Christophe Fournier
© Assemblée nationale