N° 3349 - Rapport de M. Philip Cordery sur la proposition de résolution européenne de MM. Bruno Le Roux, Philip Cordery et Ibrahim Aboubacar et plusieurs de leurs collègues relative au Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015 (n°3342)




No 3349

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (no 3342)
DE MM. Bruno LE ROUX, Philip CORDERY, Ibrahim ABOUBACAR

et plusieurs de leurs collègues

relative au Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. P
HILIP CORDERY,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Kader ARIF, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

I. DONNER TOUTE SON EFFICACITÉ À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME 7

II. COORDONNER L’ACCUEIL DES RÉFUGIÉS ET HARMONISER LA POLITIQUE D’ASILE ENTRE LES ÉTATS MEMBRES 11

III. PROPOSER UN NOUVEAU COMPROMIS DE LUXEMBOURG ET RENFORCER L’INTÉGRATION DE LA ZONE EURO 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 23

ANNEXE 1 : PROPOSITION DE RÉSOLUTION INITIALE 25

ANNEXE 2 : PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTEE 29

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Récemment je plaidais devant notre commission pour renforcer le pouvoir de contrôle de l’Assemblée sur l’action de l’exécutif en matière européenne.

La proposition de résolution que je propose au nom du groupe SRC, vise à ce que notre Assemblée puisse faire entendre sa voix pour influer sur les décisions qui seront prises au prochain Conseil Européen des 17 et 18 décembre prochain. Ce Conseil sera particulièrement important au vu des crises que traverse l’Union. Il traitera de trois enjeux majeurs : la lutte contre le terrorisme, la crise des réfugiés, et le référendum britannique.

Ce qui nous menace clairement, ce n’est pas l’excès d’Europe mais son insuffisance. Face à la globalisation et aux puissances émergentes, comme devant les risques liés aux instabilités à nos frontières, aux menaces terroristes, aux guerres civiles et à ce qu’elles engendrent comme déplacements de populations. Il nous faut plus de solidarité, plus d’intégration. L’Europe est attendue pour promouvoir un modèle démocratique et parfaire l’intégration économique de la zone euro.

L’Union européenne est un projet dynamique. Un projet au service des citoyens. Chaque État membre reçoit plus qu’il ne donne. Ce qui fait la force de l’Union Européenne ce sont ses valeurs de solidarité et son attachement au respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine.

Face à la crise migratoire, nous avons besoin de plus d’Europe et d’une Europe plus démocratique encore, non d’un repli nationaliste, toujours dangereux. Ce projet de résolution vise à souligner l’urgence d’adopter des mesures opérationnelles pour contrer les menaces terroristes et pour mieux faire face à la crise migratoire. Au-delà de la gestion de cette crise, il nous faut réaffirmer la vocation de l’Union Européenne et réaffirmer notre volonté de construire un système politique intégré.

Concernant la lutte contre le terrorisme, il nous faut trouver des réponses efficaces sans remettre en cause les valeurs démocratiques alors que les menaces sont multiformes et difficiles à appréhender, comme le montre la propagande radicale via Internet.

La lutte contre le terrorisme fait partie intégrante de la politique étrangère de l’Union européenne comme l’a souligné le Conseil des Affaires étrangères du 9 février 2015 et des décisions importantes doivent être mises en œuvre au sein de l’Union pour renforcer nos moyens de défense. L’agenda européen pour la sécurité présenté par la Commission européenne le 28 avril dernier place la lutte contre le terrorisme et contre la radicalisation au cœur de cette nouvelle stratégie. Notre commission a pris position le 1er décembre dernier pour soutenir ce programme et sa mise en place rapide.

Pour la première fois, la France a fait jouer la clause de l’article 42. 7 du traité de L’Union Européenne qui instaure une solidarité européenne en cas d’agression armée. Cet appel a suscité une mobilisation de solidarité de nos partenaires, notamment de l’Allemagne comme nous l’avons clairement perçu lors de notre récente visite au Bundestag le 2 décembre dernier.

Il convient de souligner l’engagement des Allemands autorisant l’envoi de troupes et la fourniture de matériel militaire pour lutter contre l’État islamique en Syrie, le Bundestag ayant voté cette autorisation sur le fondement de l’article précité de solidarité dans le cadre européen. Au plan symbolique, cet engagement fait au nom d’un mécanisme de solidarité d’origine communautaire est une étape importante pour l’Europe de la défense.

Pour conforter notre effort de défense, il est indispensable que les dépenses militaires et de sécurité nationale qui participent en définitive à la sécurité de toute l’Union, ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics de chaque État membre.

La lutte antiterroriste peut être présentée sous quatre aspects principaux : l’identification des déplacements des terroristes ; la surveillance des mouvements financiers ; l’harmonisation des législations applicables en matière de terrorisme ; et l’accent sur les actions de prévention, en particulier dans les prisons.

Il faut à ce titre se féliciter que la commission Libertés publiques (LIBE) du Parlement européen ait adopté le 10 décembre, la proposition de directive sur le fichier des passagers aériens PNR (passenger name record), acceptant le compromis mis au point par le Conseil des ministres quelques jours auparavant, qui prévoit un contrôle sur les vols internationaux et internes à l’Union européenne et qui permettra de conserver les données personnelles des passagers durant six mois puis jusqu’à cinq ans de manière masquée. Le Parlement européen devrait se prononcer prochainement en séance plénière pour aboutir à ce que ce dispositif soit opérationnel au début de 2016, les États membres devant intégrer dans leurs législations nationales les termes de cet accord. C’est l’aboutissement heureux de quatre ans de discussions.

Par ailleurs, il nous faut faire rapidement un effort d’harmonisation de nos législations en matière de terrorisme.

Dans un contexte d’augmentation et de renouvellement de la menace terroriste, le phénomène des « combattants étrangers », apparu dans le cadre du conflit syrien et dont l’importance n’a cessé de croître depuis, a conduit les institutions européennes et internationales à se saisir de la question. La Résolution 2178 (2014) des Nations Unies a ainsi proposé une définition du « combattant terroriste étranger ». Le Protocole additionnel à la Convention du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme du Conseil de l’Europe, signé par dix sept États et par l’Union européenne le 22 octobre 2015, érige en infractions pénales la participation intentionnelle à un groupe terroriste, le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, celui de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme ainsi que le financement ou l’organisation de ces voyages. Dans cette perspective, un chantier de révision de la décision-cadre 2008/919/JAI devrait être ouvert afin de tenir compte des instruments légaux créés par le Protocole additionnel précité.

Pour prévenir les attaques terroristes, il est indispensable de renforcer les échanges d’information entre les services de police et les systèmes judiciaires européens.

Tout doit être mis en œuvre pour rendre Europol et Eurojust plus réactifs et capables de coopérer étroitement avec les autorités nationales. Des instruments existent qu’il faut avoir la volonté politique d’utiliser, quitte à améliorer certains aspects pour les rendre plus opérationnels. L’Union européenne dispose en effet de plusieurs instruments pour faciliter les échanges d’informations entre États membres, agences et institutions. Plusieurs bases de données, comme le système d’information Schengen (SIS), le système d’information antifraude (AFIS), exploité par l’OLAF, l’environnement commun de partage de l’information (CISE) en matière maritime ou le « cadre Prüm » concernant la coopération policière permettent aux États membres de procéder à de tels échanges.

À ce titre il faut se féliciter du renforcement d’Europol suite à la signature de l’accord informel signé le 26 novembre 2015 entre États membres et il faut organiser des échanges accrus d’informations entre services de renseignement de l’Union, notamment à travers l’interconnexion de bases de données appropriées.

Il faut enfin porter une attention beaucoup plus soutenue aux mécanismes de financement du terrorisme et trouver des moyens efficaces pour tarir les ressources des groupes terroristes. La révision du cadre applicable à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, intervenue récemment avec le paquet législatif adopté en mai 2015, met en place une approche fondée sur les risques, plus efficace et conforme aux recommandations du groupe d’action financière (GAFI). C’est une bonne chose mais il est possible d’aller plus loin encore. Les compétences des cellules nationales de renseignement financier sur ces questions sont aujourd’hui très différentes selon les États et gagneraient à être harmonisées.

Par ailleurs, la France est favorable à la mise en place d’un système de surveillance des messages financiers permettant la réalisation des opérations bancaires, à l’image du système de suivi du financement du terrorisme américain (TFTP).

L’Union européenne pourrait enfin exploiter la possibilité offerte par les traités et mettre en place un système de gel des avoirs liés au terrorisme à l’intérieur de l’Union européenne.

Renforcer la lutte antiterroriste suppose enfin l’adoption rapide de la révision de la directive sur la détention et la circulation des armes afin de disposer d’outils de traçabilité des armes neutralisées et de limiter l’acquisition d’armes via internet.

Concernant la crise migratoire, il faut accélérer la mise en œuvre concrète des mesures déjà décidées, notamment sur la relocalisation des réfugiés, afin que les États qui se trouvent en première ligne face à l’afflux des migrants puissent être soutenus.

L’accueil des migrants représente un véritable défi pour les États membres. Il est peut-être le plus sensible que l’Union européenne ait connu depuis sa création ; il s’agit d’une vraie bataille qui se mènera sur trois fronts : le front humanitaire de sauvetage des vies en mer ; le front de l’accueil des réfugiés : la relocalisation ; le front stratégique et géopolitique afin de stabiliser l’environnement moyen-oriental.

Avant cette crise sans précédent, les flux migratoires étaient considérés par les gouvernements comme relevant exclusivement de leurs prérogatives nationales. Aujourd’hui le constat est sans appel : toutes les frontières de l’Union sont les frontières de chacun des États. Croire qu’un pays peut résoudre seul la question est utopique. S’isoler, comme le voudraient certains, c’est se fragiliser gravement.

Le dernier Conseil Justice Affaires intérieures le 2 décembre dernier, a permis de dresser un premier bilan de la mise en place des « hot spots » et il faut déplorer le fait que deux centres seulement soient réellement opérationnels. La solidarité européenne doit se traduire en actes pour permettre aux centres grecs d’être dotés d’outils informatiques efficaces afin qu’ils puissent procéder à l’enregistrement systématique des données personnelles des migrants dont leurs empreintes digitales.

L’accord récent avec la Turquie doit se concrétiser de manière tangible par une baisse des flux de migrants et par la mise en place facilitée de procédures de retour des migrants qui ne peuvent bénéficier du droit d’asile.

Ceci implique des efforts considérables pour améliorer les mécanismes de contrôles aux frontières extérieures de l’Union. Il faut, là encore, se doter de moyens juridiques opérationnels. La Commission européenne va présenter un projet de législation sur les gardes-frontières qui apportera une modification du règlement de l’Agence Frontex afin de donner à l’agence une plus large autonomie d’action et le pouvoir d’agir de son propre chef en cas d’urgence, et d’autre part la création d’un véritable corps de gardes-frontières autonomes. Une fois le problème juridique résolu, il restera à régler la question du financement de ces gardes-frontières.

Enfin, il faut parvenir à un nouveau paquet législatif sur l’asile avec de véritables règles communes en la matière et appuyé par la création d’un Office européen pour la protection des réfugiés.

En effet, même si les États membres ont dû récemment moderniser leur législation sur le droit d’asile 2pour le rendre conforme au « paquet législatif asile » qui a été finalisé au plan européen, en juin 2013, et qui correspondait à la refonte de la directive « accueil », de la directive « qualification », de la directive « procédures » et du règlement « Dublin », cette transposition n’a pas abouti à une réelle harmonisation des pratiques entre les différents pays européens.

L’objectif de la Commission Européenne était ambitieux et ces directives révisées devaient permettre d’instaurer des procédures d’asile communes, un statut uniforme pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire.

La crise migratoire a mis en lumière les fortes disparités qui subsistent entre les États, les demandeurs d’asile n’ayant pas du tout les mêmes chances d’obtenir une protection selon l’État où ils déposent leur demande. C’est pourquoi, il apparait indispensable de créer une véritable politique commune de l’asile avec éventuellement une juridiction européenne spécialisée pour trancher les décisions de refus de manière harmonisée.

Cette crise migratoire a mis aussi en lumière la nécessité d’adapter le code des frontières Schengen mais il faut veiller à ce que cette révision ciblée n’aboutisse pas à remettre en cause un des symboles même de l’Union, le principe de libre circulation.

Le court terme mobilise toutes les énergies pour parvenir à organiser une réponse efficace contre les menaces mais il faut aussi penser à long terme car les flux migratoires que connait l’Europe sont une réalité qui perdura dans les prochaines années. C’est pourquoi il faut insister sur l’importance de la politique de développement menée par l’Union européenne. Seules des initiatives offensives permettront d’améliorer la situation économique de l’Afrique Subsaharienne et du Moyen Orient et inciteront les jeunes générations à rester dans leur pays pour participer à son essor économique. Il est certain que l’instabilité politique du Moyen Orient nourrit les flux migratoires, mais l’absence de perspectives économiques dans de nombreux pays du Sud, qui sont confrontés à une forte pression démographique, renforce ce phénomène. La politique de voisinage devra être revue pour aller au-delà des impératifs de sécurité et pour proposer des initiatives en faveur du développement des pays limitrophes. À ce titre, il est urgent de mettre en œuvre les propositions du Sommet de La Valette.

D’aucuns profitent de notre vulnérabilité pour exiger d’aller plus avant vers une Europe à la carte ou à géométrie variable selon les intérêts de chaque État membre. Cette demande risque de remettre en question ce qui fait l’originalité et la force du modèle européen.

Cautionner le modèle britannique d’une Europe à la carte, ce ne serait non seulement remettre en question le principe même d’égalité de traitement et de non-discrimination entre États membres, ce serait in fine mettre en cause l’unité de l’Europe, sa capacité à s’intégrer de manière plus approfondie et à parler d’une seule voix. Cette conception concorde parfaitement avec la demande britannique de pouvoir interpréter différemment ce qui fait le cœur du projet européen : « l’union sans cesse plus étroite des peuples de l’Europe ». Cependant, il faut être là très clair : l’acceptation de la diversité des points de vue doit trouver une juste limite lorsqu’elle conduit précisément à saper les fondements mêmes du projet d’intégration auquel des générations d’Européens ont travaillé. C’est l’ambigüité fondamentale dont la position britannique doit sortir. Personne ne doit pouvoir se prévaloir des principes européens aux fins même de les dévoyer.

En ce moment de crise, au lieu de se demander si les intérêts de chaque État membre sont bien défendus, il faudrait plutôt se demander quel est l’intérêt général européen et comment renforcer notre cohésion pour être plus forts faces aux menaces extérieures et intérieures.

Les citoyens européens ne comprendraient pas, par exemple, que l’on cède à la demande britannique concernant l’accès différé aux prestations sociales, pendant quatre ans pour les migrants européens qui viennent s’installer en Grande Bretagne. Cette exigence est contraire à un principe fondamental, celui de l’égalité de traitement entre les citoyens. Accéder à cette demande risque de plus, d’ouvrir la boite de Pandore et à inciter d’autres pays à présenter leurs doléances.

Si nous acceptons le choix de certains pays de rester en dehors de la zone euro, nous ne pouvons accepter leur droit de regard sur l’évolution de l’intégration économique et monétaire. La zone euro ne crée aucune discrimination à l’encontre des États membres qui ont délibérément choisi de rester en dehors.

L’intégration différenciée ou l’Europe à plusieurs vitesses c’est la reconnaissance d’un même objectif pour tous, mais la prise en compte des capacités différentes de chacun pour les atteindre. Le cadre est commun, sa mise en pratique adaptée aux contingences et nécessités. Elle concilie la libre volonté des uns d’aller plus loin dans l’intégration tout en préservant la capacité des autres de les rejoindre au moment opportun. Le garant de ce pacte, ce sont les institutions communes. C’est la raison pour laquelle il convient de les renforcer dans certains cas, voire de leur donner forme dans d’autres. Les institutions de la zone euro doivent être renforcées à partir des bases existantes en créant notamment un ministre des finances de la zone euro à la fois Président de l’Eurogroupe et Vice-Président de la Commission européenne. Le futur Trésor européen doit s’appuyer sur les capacités du MES. Et surtout, il reste à créer l’institution parlementaire qui contrôlera démocratiquement les décisions prises par les États partis à la monnaie unique : le Parlement de la zone euro. Ceux des États qui restent en dehors de cette voie ne doivent pas pouvoir entraver la progression des autres vers cet objectif commun.

L’organisation d’un référendum par la Grande Bretagne sur le maintien de ce pays dans l’Union européenne doit être l’occasion de sortir « par le haut » des négociations sur les revendications britanniques. D’autres États peuvent aussi faire valoir certaines spécificités sans pour autant remettre en cause l’acquis communautaire. Il faudrait donc aboutir à une sorte de nouveau « compromis de Luxembourg ». Ce compromis doit clairement reconnaître l’intérêt légitime des uns à poursuivre leur route en avant vers une plus grande intégration européenne tout en maintenant la capacité pour les autres de préserver leurs intérêts légitimes tant que ces derniers ne viennent pas remettre en cause les principes et droits fondamentaux qui s’appliquent à tous. Le cœur de ces principes est « l’intégration sans cesse plus étroite des peuples de l’Europe. » Rien de doit entraver cette marche en avant. Il convient de prendre acte que l’Union Européenne peut progresser avec des États membres choisissant un degré d’intégration différenciée, certains pouvant opter pour une dynamique de gouvernance commune plus structurée alors que d’autres n’y participeront pas.

Les États appartenant à la zone euro doivent au contraire réaffirmer leur volonté de franchir une nouvelle étape dans l’intégration économique et politique. Ce noyau dur de l’Europe doit enclencher une dynamique.

L’adoption d’une monnaie unique va bien au-delà de la création d’une zone monétaire et de la mise en place de mécanismes de solidarité financière entre les États membres. Cette monnaie unique est le symbole d’une Europe de la libre circulation des hommes et des marchandises et d’une économie régulée. Même si nous respectons le choix de certains pays de rester en dehors de la zone Euro nous devons réaffirmer notre entière liberté à parfaire l’intégration de la zone euro pour les pays qui souhaitent accélérer la coordination de leurs politiques économiques.

Les peuples européens espéraient que l’intégration du continent permettrait de converger vers des niveaux de vie et de protection sociale élevés. L’élargissement de l´Union européenne a accueilli des pays plus pauvres qui avaient et ont toute leur place dans le projet européen. L’accroissement des disparités qui en a résulté a posé un premier défi d’ampleur pour la convergence. La crise a ensuite bouleversé ce processus de convergence en Europe, les États devant lancer des programmes de désendettement accompagnés de réformes de structure alors même que le chômage augmentait.

Confrontés aux coûts de cet ajustement, de nombreux citoyens sont tentés de se détourner de l’Europe. Et plus ce mouvement se développe, plus nous nous éloignons d’une solution.

L’euro est le symbole le plus visible et le plus tangible au niveau international d’une Europe unie. Les enquêtes montrent qu’il est devenu le premier pilier de l’identité européenne. À la question de savoir quels sont les principaux éléments de l’identité européenne, 41 % des personnes interrogées dans la zone euro mentionnent en premier lieu la monnaie unique, juste avant les valeurs démocratiques (40 %). Par ailleurs, l’euro est la deuxième monnaie de réserve dans le monde après le dollar des États-Unis, avec environ 24 % des réserves de change en devises.

Enfin et surtout, les interdépendances et la responsabilité commune qu’implique l’euro créent un impératif de solidarité européenne face à la crise. C’est cette « solidarité de fait » qui est le défi majeur que l’Union européenne doit aujourd’hui relever dans un contexte de plus grandes disparités entre pays. La tentation du « cavalier seul » en matière économique, si présente dans le passé (les dévaluations compétitives des années 1980 et 1990), n’est plus de mise. Cela n’efface bien sûr pas les intérêts et les différences de vues entre pays, mais cela crée un devoir de les dépasser pour agir ensemble.

La cohésion nécessite une définition commune de l’équité et l’exercice de la solidarité. Elle passe notamment par une clarification des droits et des responsabilités des différents pays participants pour qu’elle puisse se fonder sur une confiance mutuelle. Cela signifie également que les pays participants acceptent une gouvernance budgétaire, économique et financière renforcée.

Comme le disait Robert Schuman, le 9 mai 1950 : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ».

Une monnaie unique avec dix neuf dettes publiques différentes sur lesquels les marchés peuvent librement spéculer, et dix neuf systèmes fiscaux et sociaux en concurrence débridée les uns avec les autres, cela ne marche pas, et cela fragilise l’ensemble des membres.

Les pays de la zone euro ont fait le choix de partager leur souveraineté monétaire, et donc de renoncer à l’arme de la dévaluation unilatérale, sans pour autant se doter de nouveaux instruments économiques, sociaux, fiscaux et budgétaires communs.

Il faut aujourd’hui franchir une nouvelle étape car partager une monnaie, c’est bien plus que vouloir une convergence. Comme l’a proposé François Hollande en juillet 2015, en reprenant l’ idée déjà formulée par Jacques Delors d’un gouvernement de la zone euro, il faut que la zone euro soit représentée par un exécutif et qu’elle dispose d’un budget. Il resta aussi à imaginer un mécanisme de contrôle démocratique pour que la zone euro ne soit plus assimilée à un mécanisme technocratique peu transparent.

Ce choix de parachever l’intégration économique et monétaire appellera une organisation renforcée et ces pays qui en décideront, constitueront une sorte d’ « avant-garde » de l’Union européenne.

Lors de son discours sur l’état de l’Union, le 9 septembre dernier Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne a souligné : « Il faut plus d’Union dans notre Europe »

Il a d’ailleurs reconnu qu’une monnaie unique ne se pilotait pas sur la seule base de règles et de statistiques. « Cela requiert un jugement politique constant, sur lequel fonder de nouveaux choix de politiques économiques, budgétaires et sociales ».

Parmi ses objectifs il a indiqué que l’Union avait besoin d’une représentation plus forte de l’euro sur la scène mondiale et il s’est demandé pourquoi la zone euro, qui a la deuxième monnaie du monde, ne parvenait toujours pas à parler d’une seule voix sur les questions économiques dans les institutions financières internationales. Il a suggéré que le président de l’Eurogroupe soit le porte-parole naturel de la zone euro dans les institutions financières internationales telles que le FMI.

Évoquant certains chantiers à venir il a abordé la question de l’harmonisation fiscale et la nécessité d’une politique fiscale plus équitable.

Je ne résiste pas à l’envie de vous citer ses propos qui évoquent bien l’évolution vers une intégration économique :

« Oui, il nous faudra, à terme, mettre en place un Trésor de la zone euro, qui soit responsable au niveau européen. Je pense que ce Trésor devrait s’appuyer sur le Mécanisme européen de stabilité (MES) que nous avons créé pendant la crise et qui, avec une capacité de prêt de 500 milliards d’euros, dispose d’une force de frappe aussi importante que le FMI. Le MES devrait assumer progressivement une fonction de stabilisation macroéconomique plus large afin de mieux faire face aux chocs qui ne peuvent pas être gérés uniquement au seul niveau national. Nous préparerons le terrain pour que cela se fasse au cours de la seconde moitié de ce mandat. »

Face aux forces centrifuges remettent en cause la solidarité européenne et aux menaces qui risquent d’ébranler les principes fondateurs de l’Union comme la libre circulation, il faut aller résolument de l’avant pour plus d’Europe afin d’être plus efficaces ensemble. La crise des réfugiés et les menaces terroristes peuvent aussi être l’occasion de surmonter nos intérêts contradictoires pour réaffirmer que seule la voie de l’intégration économique et politique nous rendra plus forts et nous donnera une véritable cohérence. Pour le moment nous sommes dans une situation inconfortable, au milieu du gué. De grands défis nous attendent comme la mise en œuvre, enfin, d’un gouvernement économique de la zone Euro, complétant l’Union monétaire, un contrôle partagé des frontières, une convergence fiscale et sociale et enfin, une politique européenne de défense commune

Dans une tribune récente3, intitulée « Trois risques et trois opportunités, l’impérieuse nécessité de parachever l’UEM », Jacques Delors résume très bien tout l’enjeu de l’évolution de la zone euro : « L’union politique de la zone euro implique que cette dernière ne soit pas seulement la somme de ses composants nationaux mais une entité politique autonome, avec ses intérêts propres et le courage politique de promouvoir l’élaboration de politiques pour l’ensemble de la zone euro ».

L’Union économique et monétaire suppose un partage de souveraineté. Les États de la zone euro, sont-ils prêts à avancer résolument vers l’union politique ?

Cette résolution européenne propose d’aller plus loin.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 15 décembre 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« La Présidente Danielle Auroi. Je suis contente d’avoir entendu les propos du rapporteur qui équilibrent de manière tout à fait appropriée la tonalité du texte de la Résolution. L’exposé des motifs de la résolution me parait en effet incomplet, il traite à peine de l’acquis communautaire en matière de droit d’asile et n’aborde que très succinctement l’exigence du respect des droits humains dans notre manière de faire face à la crise des réfugiés. Rien n’est dit sur la nécessité de réaffirmer la solidarité entre États membres pour parfaire l’intégration européenne, ni de la nécessité de faire une Europe des citoyens avec un réel contrôle démocratique.

Pour en venir au texte même de la résolution, vous connaissez les réserves que j’ai déjà exprimées, comme l’ensemble du groupe écologiste, au plan national et au parlement Européen sur le dossier du PNR. La gestion de ce fichier sera très onéreux et le bilan coût / avantages parait tout à fait problématique. Pour un gain limité en termes d’efficacité, les investissements informatiques seront considérables et c’est autant d’argent qui devra être retiré d’autres projets beaucoup plus importants pour l’avenir de l’Union. Ce dossier est emblématique d’une gestion un peu sensationnelle des questions de sécurité où les questions de communication l’emportent sur le caractère opérationnel de ce nouvel outil.

Cette résolution me parait un peu déséquilibrée car elle est focalisée sur les questions de sécurité. Je comprends bien qu’après les attentats, il faille trouver des réponses pour répondre à l’émotion des citoyens mais je crois très important de rappeler que l’Union européenne ne pourra faire face à ces menaces que par un surcroit de solidarité et par une intégration accrue. Il ne faut pas négliger l’importance de la précarité économique que certains associent aux exigences croissantes des autorités bruxelloises. Il faut répondre au désamour de nos concitoyens vis-à-vis de l’Union européenne en expliquant en quoi l’Europe peut être un bouclier efficace, en matière de préservation de nos droits sociaux par exemple. L’avancée de l’intégration ne peut se limiter à la sphère économique et l’Union européenne ne doit pas se limiter à un grand marché. Il faut aller de l’avant en termes de citoyenneté européenne et de contrôle démocratique.

Enfin, concernant la crise migratoire, il me parait essentiel de rappeler que l’Union européenne symbolise un certain nombre de valeurs au premier rang desquelles le respect de la dignité des personnes. Je vous propose de rajouter au point 13 de la résolution que le nouveau paquet législatif sur l’asile devra respecter les droits humains. Si nous devons harmoniser notre législation en la matière il faut le faire en apportant de véritables garanties aux migrants et non pas en s’alignant sur les pays les plus répressifs. Je voterai cette résolution sous réserve que cette modification soit votée.

M. Gilles Savary. Je me félicite de cette nouvelle procédure et il faudrait qu’elle devienne systématique avant chaque Conseil européen pour permettre une expression du Parlement sur les sujets européens en cours de négociation.

Sur le fond, je trouve le ton de cette résolution un peu trop diplomatique. Ce n’est pas aux parlementaires français de trouver des compromis. Il aurait fallu être plus saillant et mieux souligner les positions politiques des parlementaires français. Laissons le soin à la Commission européenne de faire la synthèse entre les positions des uns et des autres. Je prendrai pour exemple la question des dépenses militaires. La résolution aurait dû être plus nette pour dire que la France ne pouvait continuer à assumer l’essentiel de l’engagement militaire en Syrie et en Afrique pour lutter contre les menaces terroristes. C’est la France qui supporte à la fois le poids de cet engagement de nos forces militaires et qui doit financer des dépenses supplémentaires conséquentes pour ces opérations extérieures. Nous devons dire clairement que nous souhaitons une intégration plus poussée pour mettre en place une véritable Europe de la Défense.

Je voudrais aussi ajouter, et je l’expliquerai tout à l’heure dans ma communication relative aux transports, qu’il faut totalement revoir les procédures de sécurité dans les transports terrestres qui sont aujourd’hui les parents pauvres alors que les risques sont très réels.

Quant au Code Schengen, il faut surtout sortir de l’attentisme car peu à peu, en rétablissant les contrôles aux frontières nationales on vide de sa substance l’Espace Schengen. Il faut résolument s’orienter vers une révision ciblée pour permettre de prendre des mesures de sécurité efficaces tout en préservant le principe de libre circulation.

Pour aborder la question des revendications britanniques, je ne crois pas que des rapports évaluant les conséquences économiques de la suppression de la Zone Euro et de l’Espace Schengen, tels qu’ils sont demandés dans la résolution, soient en mesure de convaincre les britanniques des bienfaits de la solidarité européenne. Je crois qu’il faut que le prochain Conseil soit l’occasion de clarifier certains principes. Il n’est pas possible pour la Grande Bretagne de mettre sans cesse en avant la clause d'exemption (opt-out) et dans le même temps prétendre vouloir participer à toutes les instances européennes même celles concernant des mécanismes, dont la monnaie unique, dont ce pays s’est délibérément affranchi.

La Grande Bretagne a trop longtemps joué de cette clause pour faire pression lors des négociations sur les textes européens pour obtenir le minimum d’engagements opposables dans le cadre de majorités de « moins disant » communautaire ! Elle doit comprendre qu’il n’est plus possible de s’affranchir du maximum de contraintes communes tout en gardant les bénéfices des mécanismes européens favorables à son économie.

La Présidente Danielle Auroi. Il ne faut pas oublier que cette résolution est en quelque sorte un « galop d’essai » et qu’il faudra encore parfaire notre procédure pour préparer les prises de position plus en amont. Je laisse la parole à Philip Cordery pour qu’il réponde à nos observations.

M. Philip Cordery, rapporteur. Je reconnais bien volontiers que le travail de rédaction de cette résolution a été précipité mais la difficulté vient du fait que l’ordre du jour des Conseil est finalisé assez tardivement. Le rapport qui sera publié comprendra des éléments complémentaires qui permettront d’avoir un éclairage plus approfondi sur certains aspects.

Concernant le PNR, je crois qu’il ne faut pas en faire la pierre angulaire de la politique européenne de sécurité qui repose sur de multiples outils. Néanmoins, sa mise en place rapide représentera un progrès. Il faut se féliciter que certaines garanties aient été prévues en matière de préservation des données personnelles et d’information des voyageurs. L’essentiel reste d’améliorer les échanges d’informations sensibles entre les services de renseignements nationaux et les instruments communautaires comme Frontex ou Eurojust, cela suppose que tous les États membres joue le jeu et renseignent systématiquement les bases de données liées à la sécurité.

Je tenais à dire à Mme Auroi que je comprends son souci de rappeler l’importance de la garantie des droits humains notamment dans les procédures d’accueil des migrants. Je suis donc favorable à son amendement au point 13.

Quant à sa proposition de donner une dimension sociale et citoyenne à l’intégration économique j’y souscris aussi. Je n’avais pas insisté sur cet aspect car la dimension sociale ne figurait pas à l’ordre du jour du Conseil. Il me parait en effet très important, pour que les citoyens s’approprient pleinement les acquis de l’euro, qu’il puisse y avoir un progrès démocratique dans la gouvernance de la zone euro. Je suis donc favorable à son amendement au point 20 de la résolution.

Pour répondre aux observations de M. Savary, je suis parfaitement d’accord avec lui sur la nécessité de mettre en place une véritable politique commune de Défense, mais c’est un chantier complexe car il faudra trouver de nouveaux mécanismes de décision pour être capables de prendre des décisions rapides et opérationnelles avec une parfaite fluidité dans la chaine de commandement des opérations militaires.

Quant au Code Schengen, je dirai que sa révision est indispensable pour lui permettre de surmonter la crise actuelle car autrement il sera totalement vidé de son sens à brève échéance. Il faut vraiment se mobiliser pour préserver l’acquis de la libre circulation.

Au sujet de la Grande Bretagne, je voudrais dire que le prochain Conseil ne prendra pas de décision définitive. La négociation prendra du temps et nous devons prendre un peu de recul et ne pas se focaliser sur le cas britannique car d’autres pays ont des exigences pour s’exonérer de certaines règles de l’Union, comme la Pologne ou le Danemark. C’est pourquoi nous avons utilisé l’expression de « nouveau compromis de Luxembourg » car il faut trouver une solution pour acter cette idée d’intégration différenciée, ce qui ne veut pas dire que l’on puisse accepter une remise en cause des valeurs ou des principaux acquis communautaires. Je trouve d’ailleurs encourageant que David Cameron ait récemment renoncé à ses prétentions d’avoir un droit de regard sur la gouvernance de la zone euro alors que son pays n’en fait pas partie.

La crise du Brexit doit être une occasion de progrès pour la gouvernance européenne et pour la clarification des engagements de chacun.

La Présidente Danielle Auroi. Je constate qu’il n’y a pas de vote contre les deux amendements présentés. Je mets donc aux voix la proposition de résolution ainsi modifiée. »

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

AMENDEMENT

No 1

présenté par

Mme Danielle Auroi,

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ARTICLE UNIQUE

Après les mots « l’intégration économique », rédiger ainsi la fin du dernier paragraphe (20) :

« , sociale et politique des pays ayant la monnaie unique en partage, se fondant en particulier sur la création d’un parlement de la zone euro, d’un budget propre, doté d’une capacité d’investissement au service du développement durable, et d’un plan de convergence fiscale et sociale progressive, par le haut ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à souligner que le franchissement d’un nouveau seuil dans l’intégration économique doit traiter du financement des investissements et aboutir à une véritable convergence au plan fiscal et social. Cette étape ne doit pas signifier pour les États de la zone euro une régression sociale mais au contraire se traduire par une meilleure transparence démocratique pour le choix des grandes options économiques de la zone euro.

ANNEXE 1 :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION INITIALE

Vu l’article 88-4 de la Constitution ;

Vu l’article 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu le projet d’ordre du jour annoté du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015 ;

Vu la Résolution européenne relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics n° 522, adoptée par l’Assemblée nationale le 6 juin 2015 ;

Considérant les défis majeurs auxquels nous mettent face les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris qui sont une attaque contre la liberté et nos valeurs universalistes ;

Considérant les enjeux, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, de l’accueil des réfugiés pour l’avenir de l’espace Schengen et le principe fondamental de libre circulation des personnes sur lequel il se base ;

Considérant l’hypothèque que fait peser le référendum britannique pour ou contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union sur la cohésion et l’unité européenne ;

1. Soutient le recours par le Président de la République à l’article 42§7 du Traité sur l’Union européenne, qui instaure une solidarité européenne en cas d’agression armée ;

2. Demande à nouveau que les dépenses militaires et de sécurité nationale qui participent en définitive à la sécurité de toute l’Union, ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics ;

3. Se félicite des conclusions adoptées lors du Conseil des ministres de l’intérieur de l’UE d’accélérer la mise en place d’un PNR européen, de durcir la législation sur les armes à feu et de contrôler systématiquement les frontières extérieures de l’Union Européenne.

4. Se félicite du renforcement d’Europol suite à la signature de l’accord informel signé le 26 novembre 2015 entre États membres et appelle à des échanges accrus d’informations entre services de renseignement de l’Union, notamment à travers l’interconnexion de bases de données appropriées ;

5. Appelle à un renforcement substantiel des moyens en vue de lutter contre le financement du terrorisme, tant au niveau des États membres que de l’Union ;

6. Appelle face aux risques actuels à une sécurité accrue dans les transports terrestres ;

7. Insiste sur la nécessité de mettre l’accent sur la prévention et la dé-radicalisation, autour de la construction d’un contre-discours de tolérance, d’une étroite coopération avec les grands opérateurs d’Internet et l’intégration des questions d’éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité ;

8. Appelle à la vigilance quant au respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles, et à la pleine mobilisation des instruments en vigueur pour lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité.

9. Souligne l’enjeu majeur auquel font face les États membres et les institutions de l’Union à travers l’afflux massif de réfugiés sur son territoire ;

10. Appelle les États membres à ne pas minimiser le risque de remise en cause de la cohérence de l’espace Schengen comme du principe de libre circulation qui le fonde, et à travers lui celle de l’Union européenne, elle-même ;

11. Salue l’accord trouvé au Conseil européen sur le mécanisme permanent pour une relocalisation des personnes ayant besoin d'une protection internationale et appelle la Commission européenne et les États membres à rendre pleinement effectif ce mécanisme ainsi que la proposition d’activation d’un mécanisme de répartition d’urgence ;

12. Insiste sur la nécessité de rendre plus efficace :

– d’une part, le contrôle aux frontières extérieures à travers notamment la création d’un corps de gardes-frontières européen qui aurait accès à des bases de données interconnectées pertinentes et systématiquement consultées ; appelle, en outre, à une réforme ciblée du Code Frontière Schengen, en vue de permettre un contrôle systématique aux frontières extérieures des citoyens de l’Union, et à un renforcement de l’agence Frontex qui doit disposer de moyens accrus pour travailler avec des pays tiers en vue d’une coopération opérationnelle ;

– d’autre part, les programmes de retour des demandeurs d’asile déboutés, dans le plein respect des droits de l’humain ;

13. Appelle à l’élaboration d’un nouveau paquet législatif sur l’asile avec de véritables règles communes en la matière et appuyé par la création d’un Office européen pour la protection des réfugiés ;

14. Appelle, en outre, à un accord en vue d’une nouvelle politique de migration légale qui tienne particulièrement compte de la régulation de l’immigration économique ;

15. Se réjouit de la place accordée par la Commission européenne à la coopération avec les pays-tiers et appelle à donner une suite concrète aux propositions issues du Sommet de la Valette.

16. Souhaite que le processus référendaire britannique soit l’occasion de procéder à une évaluation des politiques publiques de l’Union et de la zone euro à l’aune de l’intérêt général européen et demande, dans ce cadre, à la Commission que soit remis d’ici le mois d’Octobre 2016 trois rapports évaluant des couts économiques et sociaux de la suppression , respectivement :

– de l’espace Schengen ;

– de la zone Euro ;

– des actions communes en matière de défense ;

17. Appelle sur cette base la Commission à proposer de nouvelles initiatives législatives et toutes modifications nécessaires du droit secondaire en vue d’un approfondissement dans ces trois domaines.

18. Regrette la remise en cause par le Royaume-Uni de l’objectif « d’une Union sans cesse plus étroite » entre les peuples de l’Europe, figurant au préambule du Traité de l’Union européenne, ainsi que du principe d’égalité de traitement entre citoyens de l’Union et appelle à un compromis permettant de préserver l’unité de l’Union de même qu’à sauvegarder les principes fondamentaux sur lesquels elle se base ;

19. Demande qu’en échange d’une attention à ne pas discriminer les États ne participant pas à la monnaie unique, notamment dans la législation secondaire, le Royaume-Uni s’engage à ne pas bloquer les initiatives visant à accroître l’intégration de la zone euro ; appelle ainsi à un nouveau « compromis de Luxembourg » qui concilie les intérêts des États de la zone euro avec ceux des autres États membres ;

20. Souhaite que la crise latente que connaît la zone euro soit l’occasion du franchissement d’un nouveau pas dans l’intégration économique et politique des pays ayant la monnaie unique en partage.

ANNEXE 2 :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTEE

(adoptée par la Commission des affaires européennes)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE AU CONSEIL EUROPEEN DES 17 ET 18 DECEMBRE 2015

Article unique

Vu l’article 88-4 de la Constitution ;

Vu l’article 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu le projet d’ordre du jour annoté du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015 ;

Vu la résolution européenne relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics n° 522, adoptée par l’Assemblée nationale le 6 juin 2015 ;

Considérant les défis majeurs auxquels nous mettent face les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris qui sont une attaque contre la liberté et nos valeurs universalistes ;

Considérant les enjeux, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, de l’accueil des réfugiés pour l’avenir de l’espace Schengen et le principe fondamental de libre circulation des personnes sur lequel il se base ;

Considérant l’hypothèque que fait peser le référendum britannique pour ou contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union sur la cohésion et l’unité européenne ;

1. Soutient le recours par le Président de la République à l’article 42§7 du Traité sur l’Union européenne, qui instaure une solidarité européenne en cas d’agression armée ;

2. Demande à nouveau que les dépenses militaires et de sécurité nationale qui participent en définitive à la sécurité de toute l’Union, ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics ;

3. Se félicite des conclusions adoptées lors du Conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne d’accélérer la mise en place d’un PNR européen, de durcir la législation sur les armes à feu et de contrôler systématiquement les frontières extérieures de l’Union Européenne ;

4. Se félicite du renforcement d’Europol suite à la signature de l’accord informel signé le 26 novembre 2015 entre États membres et appelle à des échanges accrus d’informations entre services de renseignement de l’Union, notamment à travers l’interconnexion de bases de données appropriées ;

5. Appelle à un renforcement substantiel des moyens en vue de lutter contre le financement du terrorisme, tant au niveau des États membres que de l’Union ;

6. Appelle, face aux risques actuels, à une sécurité accrue dans les transports terrestres ;

7. Insiste sur la nécessité de mettre l’accent sur la prévention et la dé-radicalisation, autour de la construction d’un contre-discours de tolérance, d’une étroite coopération avec les grands opérateurs d’Internet et l’intégration des questions d’éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité ;

8. Appelle à la vigilance quant au respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles, et à la pleine mobilisation des instruments en vigueur pour lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité ;

9. Souligne l’enjeu majeur auquel font face les États membres et les institutions de l’Union à travers l’afflux massif de réfugiés sur son territoire ;

10. Appelle les États membres à ne pas minimiser le risque de remise en cause de la cohérence de l’espace Schengen comme du principe de libre circulation qui le fonde, et à travers lui celle de l’Union européenne, elle-même ;

11. Salue l’accord trouvé au Conseil européen sur le mécanisme permanent pour une relocalisation des personnes ayant besoin d’une protection internationale et appelle la Commission européenne et les États membres à rendre pleinement effectif ce mécanisme ainsi que la proposition d’activation d’un mécanisme de répartition d’urgence ;

12. Insiste sur la nécessité de rendre plus efficace :

– d’une part, le contrôle aux frontières extérieures à travers notamment la création d’un corps de gardes-frontières européen qui aurait accès à des bases de données interconnectées pertinentes et systématiquement consultées ; appelle, en outre, à une réforme ciblée du Code Frontière Schengen, en vue de permettre un contrôle systématique aux frontières extérieures des citoyens de l’Union, et à un renforcement de l’agence Frontex qui doit disposer de moyens accrus pour travailler avec des pays tiers en vue d’une coopération opérationnelle ;

– d’autre part, les programmes de retour des demandeurs d’asile déboutés, dans le plein respect des droits humains ;

13. Appelle à l’élaboration d’un nouveau paquet législatif sur l’asile avec de véritables règles communes en la matière et appuyé par la création d’un Office européen pour la protection des réfugiés, dans le respect des droits humains ;

14. Appelle, en outre, à un accord en vue d’une nouvelle politique de migration légale qui tienne particulièrement compte de la régulation de l’immigration économique ;

15. Se réjouit de la place accordée par la Commission européenne à la coopération avec les pays-tiers et appelle à donner une suite concrète aux propositions issues du Sommet de la Valette ;

16. Souhaite que le processus référendaire britannique soit l’occasion de procéder à une évaluation des politiques publiques de l’Union et de la zone euro à l’aune de l’intérêt général européen et demande, dans ce cadre, à la Commission européenne que soit remis d’ici le mois d’octobre 2016 trois rapports évaluant les coûts économiques et sociaux de la suppression , respectivement :

– de l’espace Schengen ;

– de la zone Euro ;

– des actions communes en matière de défense ;

17. Appelle sur cette base la Commission européenne à proposer de nouvelles initiatives législatives et toutes modifications nécessaires du droit secondaire en vue d’un approfondissement dans ces trois domaines ;

18. Regrette la remise en cause par le Royaume-Uni de l’objectif « d’une Union sans cesse plus étroite » entre les peuples de l’Europe, figurant au préambule du Traité de l’Union européenne, ainsi que du principe d’égalité de traitement entre citoyens de l’Union et appelle à un compromis permettant de préserver l’unité de l’Union, de même qu’à sauvegarder les principes fondamentaux sur lesquels elle se base ;

19. Demande qu’en échange d’une attention à ne pas discriminer les États ne participant pas à la monnaie unique, notamment dans la législation secondaire, le Royaume-Uni s’engage à ne pas bloquer les initiatives visant à accroître l’intégration de la zone euro ; appelle ainsi à un nouveau « compromis de Luxembourg » qui concilie les intérêts des États de la zone euro avec ceux des autres États membres ;

20. Souhaite que la crise latente que connaît la zone euro soit l’occasion du franchissement d’un nouveau pas dans l’intégration économique, sociale et politique des pays ayant la monnaie unique en partage, se fondant en particulier sur la création d’un parlement de la zone euro, d’un budget propre, doté d’une capacité d’investissement au service du développement durable, et d’un plan de convergence fiscale et sociale progressive, par le haut.

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