N° 3359 - Rapport de M. Paul Molac sur la proposition de loi de M. Paul Molac et plusieurs de ses collègues relative à l'enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l'espace public et audiovisuel (3288)



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N° 3359

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public et audiovisuel,

PAR M. Paul MOLAC,

Député.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3288.

SOMMAIRE

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Pages

I. DES LANGUES RÉGIONALES MENACÉES DE DISPARITION 9

II. UNE ACTION URGENTE POUR PÉRENNISER LES PROGRÈS ACCOMPLIS DEPUIS 2012 DANS L’ÉDUCATION ET GARANTIR LA VISIBILITÉ DE LANGUES DÉSORMAIS CONSACRÉES DANS LA CONSTITUTION 11

A. ALLER JUSQU’AU BOUT DE LA LOGIQUE DE SAUVEGARDE ET DE PROMOTION DES LANGUES RÉGIONALES INITIÉE DANS LA LOI DE REFONDATION DE L’ÉCOLE EN SOUTENANT L’ENSEIGNEMENT BILINGUE 11

1. Une place traditionnellement marginale dans l’école de la République 11

2. D’importants progrès dans la loi de refondation de l’école 12

3. Une offre d’enseignement cependant encore insuffisante et confrontée à de puissants freins légaux et financiers 15

4. Une proposition de loi permettant de clarifier la reconnaissance de l’enseignement immersif et de promouvoir l’enseignement bilingue gratuit, laïc et ouvert à tous. 18

B. UNE INDISPENSABLE VISIBILITÉ SUR LES TERRITOIRES, POUR QUE LES LANGUES RÉGIONALES DEMEURENT DES LANGUES VIVANTES 18

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DES ARTICLES 35

TITRE IER – ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES 35

Article 1er (art. L. 312-10 du code de l’éducation nationale) : Clarification de la reconnaissance législative de l’enseignement bilingue immersif français-langue régionale 35

Article 2 (art. L. 151-4-1 [nouveau] du code de l’éducation nationale) : Exception aux principes d’interdiction et de plafonnement des subventions d’investissement délivrées par les communes au bénéfice des établissements privés d’enseignement bilingue laïc, gratuit, ouvert à tous et respectant les programmes 39

Article 3 (art. L. 151-4-2 [nouveau] du code de l’éducation nationale) : Exception au principe de plafonnement des subventions d’investissement délivrées par les départements et les régions au bénéfice des établissements privés d’enseignement du second degré bilingue, laïc, gratuit, ouvert à tous et respectant les programmes 45

TITRE II – SIGNALÉTIQUE EN LANGUES RÉGIONALES 46

Article 4 : Traduction en langue régionale des inscriptions, signalétiques et principaux supports de communication des services publics 46

TITRE III – PROMOTION DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES DANS LES MÉDIAS 50

Article 5 (art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Élargissement des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel à l’attribution d’une place significative aux langues régionales dans la communication audiovisuelle 50

Article 6 : Compensation de charge supplémentaire 51

TABLEAU COMPARATIF 53

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 59

INTRODUCTION

Le 28 octobre 2015, le Sénat a rejeté le projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement le 31 juillet 2015 tendant à autoriser la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Presque un an plus tôt, le 28 janvier 2015, l’Assemblée nationale avait adopté, par une vaste majorité de 361 voix contre 149, une proposition de loi constitutionnelle identique.

Le processus de ratification d’une Charte signée par la France dès le 7 mai 1999 est donc désormais dans l’impasse, au motif absurde mais si longtemps et obstinément répété que ce texte, pourtant très souple, minerait les fondements de notre pacte social et introduirait des ferments de dislocation dont il faut beaucoup de mauvaise foi pour en trouver traces dans les vingt-cinq États membres du Conseil de l’Europe, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la totalité des pays scandinaves… qui l’ont ratifié sans dramatisation.

Cette position réservée, pour ne pas dire hostile, de notre pays sur les langues régionales n’est plus tenable.

Elle n’est plus tenable à l’égard des quelque cinq millions de locuteurs des langues régionales dans notre nation, dont deux millions de locuteurs habituels, qu’il serait inconcevable de considérer comme des « dissidents » du corps national indivisible et dont il serait insultant de prétendre qu’ils maîtrisent et utilisent avec moins de talent et de conviction que leurs compatriotes notre langue commune qu’est le français. D’ailleurs si la cohésion du corps politique dépendait de la seule connaissance langue nationale, de nombreux pays, tels la Suisse ou le Canada, n’existeraient tout simplement pas.

À l’inverse, la lucidité commande de constater qu’entretenir ou apprendre une langue, loin d’obliger à en « désapprendre » une autre, c’est étayer sa curiosité, approfondir sa mémoire et sa culture, se doter d’atouts irremplaçables pour apprendre d’autres langues et élargir ses talents et donc ses opportunités sociales, professionnelles ou artistiques.

Elle doit aussi nous faire prendre conscience que loin de présenter un quelconque danger, les langues régionales sont presque en extinction. Si rien n’est fait, il est probable qu’elles ne franchiront pas la barrière du siècle présent. Ainsi aujourd’hui, presque 95 % des adultes qui ont grandi en métropole ne parlent quotidiennement que le français alors que 20 % d’entre eux parlaient au moins une autre langue dans leur enfance. Ce phénomène est d’ailleurs général, l’UNESCO estimant qu’en l’absence de réaction rapide la moitié des six mille langues aujourd’hui parlées sur la planète risque de s’éteindre avant 2100.

Mais cette posture hostile aux langues régionales n’est pas tenable non plus à l’égard de nos voisins. Nous ne pouvons dans le même temps promouvoir avec toujours plus d’ardeur à l’étranger une francophonie gravement menacée par l’hégémonie de l’anglo-américain et faire si peu pour protéger l’exceptionnel patrimoine constitué des soixante-quinze langues de France, autant de cultures et de mémoires formant les racines parmi les plus profondes de notre société. Le contraste est embarrassant entre nos ambitions linguistiques internationales et notre incapacité à concrétiser des engagements pourtant modestes pris par le Gouvernement qui a signé la Charte en 1999, en l’assortissant d’ailleurs de nombreuses réserves et précautions. Et nul ne peut ignorer que nous sommes sur ce sujet totalement à contre-courant de nos partenaires, les langues régionales ou minoritaires faisant partout ailleurs, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne, dans les pays scandinaves, etc., l’objet de statuts renforcés et avantageux leur insufflant un indéniable dynamisme.

Pour déplorable qu’il soit, l’interruption du processus constitutionnel préalable à la ratification de la Charte ne peut sceller l’issue du combat pour la reconnaissance et la protection de la diversité culturelle dont les langues régionales constituent l’une des plus riches expressions. Il rend même plus urgent que jamais de mobiliser tous les instruments disponibles, et notamment ceux que la loi peut forger, pour donner une réalité tangible à la reconnaissance par la Constitution elle-même, dans l’article 75-1 introduit par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, de l’importance des langues régionales dans « le patrimoine de la France ».

La présente proposition de loi tend ainsi à relayer et intensifier les efforts déployés depuis 2012 pour bâtir dans la législation les fondations d’un régime juridique indispensable à la survie des langues régionales. Une langue dépendant de deux éléments fondamentaux, son apprentissage puis son usage le plus régulier possible, les mesures proposées se concentrent sur l’éducation et la présence des langues dans la vie sociale et les médias.

L’article 1er clarifie ainsi les modalités de délivrance de l’enseignement bilingue en français et en langue régionale pour la première fois reconnue et promu dans le code de l’éducation par la loi « Peillon » n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Il vise ainsi à préciser que l’enseignement bilingue, qui peut être proposé dans l’enseignement public dans les territoires où les langues régionales sont en usage, peut être dispensé « quelle que soit la durée des enseignements dispensés dans les deux langues ». Cette formulation lève toute ambiguïté sur la reconnaissance de l’enseignement dit « immersif », dont les performances sont unanimement saluées tant pour l’apprentissage des langues régionales que, de manière plus éloquente encore, pour la maîtrise du français. On remarquera d’ailleurs que cet enseignement est d’ores et déjà dispensé tant par un vaste réseau d’écoles privées associatives que par certains établissements d’enseignement public.

Les articles 2 et 3 visent pour leur part à donner aux établissements privés associatifs d’enseignement bilingue l’indispensable soutien financier dont ils ont besoin en permettant aux collectivités locales de s’émanciper de l’interdiction d’attribuer (pour les écoles) ou de l’obligation de plafonner (pour les collèges et les lycées) leurs subventions d’investissement aux établissements d’enseignement privés. Ces exceptions, étroitement encadrées, aux lois Goblet de 1886 et Falloux de 1850 seraient réservées au bénéfice exclusif des établissements dispensant un enseignement en français et en langue régionale dès lors qu’ils sont laïcs, gratuits, ouverts à tous et qu’ils respectent les programmes nationaux. Bien entendu cet aménagement se ferait dans le plein respect du principe d’égalité, en particulier en interdisant que ces subventions n’aboutissent à placer leurs bénéficiaires dans une situation plus favorable que celle des établissements d’enseignement publics.

L’article 4 propose pour sa part d’étendre l’usage des langues régionales dans les services publics présents sur les territoires en permettant aux régions de généraliser la présence de traductions en langue régionale sur les principales signalétiques, sur les voies publiques ainsi que sur les bâtiments publics et les principaux supports de communication institutionnelle des services publics.

Enfin, l’article 5, partant du constat d’une présence manifestement insuffisante des langues régionales dans les médias, propose d’étendre les missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel afin qu’il veille à ce que les services de communication audiovisuelle attribuent une place significative à l’expression des langues régionales.

Il importe au préalable de dessiner le périmètre des langues régionales présentes en France, dont il n’existe aujourd’hui aucune définition juridique dans notre droit interne.

La Charte européenne des langues régionales et minoritaires offre quant à elle une approche ouverte mais imprécise en intégrant dans l’expression de « langues régionales ou minoritaires » les langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d’un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l’État », « différentes des langues officielles de cet État », à l’exception des « dialectes de la langue officielle » et des « langues des migrants ».

À partir de cette définition, le Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne a identifié, dans son rapport Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne publié en juillet 2013, sur le fondement des travaux dirigés en 1999 par Bernard Cerquiglini, ancien délégué général à la langue française et aux langues de France, soixante-quinze langues régionales présentes en France dont la liste est reproduite ci-après.

Les langues régionales en France

France métropolitaine

Basque, breton, catalan, corse, dialectes alémanique et francique (alsacien et francique mosellan), flamand occidental, franco-provençal, langues d’oïl (franc-comtois, wallon, champenois, picard, normand, gallo, poitevin-saintongeais, lorrain, bourguignon-morvandiau), occitan ou langue d’oc (gascon, languedocien, provençal, auvergnat, limousin, vivaro-alpin), parlers liguriens

Départements d’outre-mer

Créoles guadeloupéen, guyanais, martiniquais, réunionnais, mahorais (shimaoré), malgache de Mayotte (shibushi)

Polynésie française

Tahitien, marquisien, langue des Tuamotu, mangarévien, langues des Îles Australes

Wallis et Futuna

Wallisien, futunien

Guyane

Créole à base lexicale française ; créoles bushinenge (à base anglo-portugaise) : saramaka, aluku, njuka, paramaca ; langues amérindiennes : kali’na (ou galibi), wayana, palikur, arawak (ou lokono), wayampi, émerillon ; hmong

Nouvelle-Calédonie (28 langues kanaks)

– Grande Terre : nyelâyu, kumak, caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwapwâ, langue de Voh-Koné, cèmuhî, paicî, ajië, arhâ, arhö, ‘ôrôê, neku, sîchë, tîrî, xârâcùù, xârâgùrè, drubéa, numèè

– Îles Loyauté : nengone, drehu, iaai, fagauvea

Source : comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne.

Cette diversité n’est malheureusement pas gage de dynamisme. Il apparaît en effet que toutes les langues parlées en France métropolitaine souffrent d’un déclin général très préoccupant, qui rend plus indispensable que jamais la conduite d’une action politique résolue. L’enquête Information et vie quotidienne réalisée sur un échantillon de 14 000 personnes par l’INSEE en 2011 atteste ainsi d’un fort recul de l’usage des langues régionales corrélé à la mobilité croissante des populations, à la baisse de l’homogamie locale, mais aussi à la rareté des dispositifs d’apprentissage et soutien. Ainsi, seules 12 % des personnes interrogées parlent, même occasionnellement, une autre langue que le français, alors qu’elles étaient 26 % à la faire dans leur enfance. 0,6 % des adultes s’expriment exclusivement dans une langue régionale ou étrangère, contre 2,2 % des enfants. 75 % des adultes qui parlaient une langue régionale dans leur petite enfance à la maison n’utilisent désormais plus que le français.

Les enquêtes locales ponctuelles étayent ces observations générales. L’Office pour la langue et la culture d’Alsace estime ainsi que la proportion d’habitants aptes à s’exprimer en alsacien est passée de 62 % en 2002 à 42 % en 2013. Selon l’Office public de la langue basque, le pourcentage de bilingues bascophones diminue lentement mais continûment, passant de 22,5 % en 2006 à 21 % en 2013, en raison d’un progressif abandon chez les plus jeunes, le taux de bilingues passant de 36 % chez les plus de 65 ans à 14 % chez les 16-24 ans. Une étude ancienne mais évocatrice réalisée par l’INSEE en 2003 avait déjà mis en lumière un constat identique de vieillissement des locuteurs pour la langue bretonne parlée alors par près de 30 % des habitants âgés de 75 ans contre tout au plus 3 % des jeunes de 20 ans.

Au total, on estime ainsi le nombre de personnes capables de s’exprimer dans la langue régionale dans le territoire où elle est encore en usage a été divisé, entre les générations nées en 1930 et celles nées en 1980, par deux pour le basque, par trois pour l’alsacien et par dix pour le breton.

Dans ce contexte laissant craindre une véritable extinction, la lutte contre le déclin des langues régionales prend un caractère d’urgence qui contraste cruellement avec la lenteur et l’issue décevante des débats sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires.

Il est indispensable de prendre sans tarder le relais des premiers efforts consentis depuis 2012 pour protéger cet élément essentiel de notre patrimoine, constitutionnellement reconnu, en adoptant un régime légal plus cohérent et ambitieux.

L’éducation, et plus particulièrement l’enseignement dès la petite enfance, forme évidemment la priorité absolue en raison de son rôle irremplaçable dans la transmission intergénérationnelle des savoirs et des pratiques. Au fur et à mesure d’ailleurs où s’affaiblit l’usage familial régulier des langues régionales, elle prend même un caractère incontournable. Faute d’être enseignées à l’école, certaines langues font face à rien moins que la perspective d’une disparition certaine.

Mais une langue, pour prospérer, doit « vivre » dans la vie quotidienne de ses locuteurs, et non se figer dans les cénacles étroits des spécialistes ou des locuteurs les plus vieillissants. C’est pourquoi le deuxième pilier de la présente proposition de loi vise à renforcer la « visibilité » et la pratique quotidienne des langues régionales dans les grandes aires de la vie sociale que forment les services publics et les médias.

Il faut d’abord reconnaître que l’on part de très loin. L’enseignement des langues et cultures régionales dans l’Instruction publique puis l’Éducation nationale de la République s’est longtemps heurté au célèbre commandement de l’abbé Grégoire fixant à l’école l’objectif implicite d’« anéantir les patois et universaliser l’usage de la langue française ». Langue exclusive de l’enseignement obligatoire pendant toute la IIIe République, le français n’a admis à ses côtés qu’une introduction très progressive et très méfiante de l’apprentissage des langues régionales.

Quelques timides mouvements, en particulier par la loi Deixonne n° 51-46 du 11 janvier 1951 qui a notamment autorisé les maîtres d’école à recourir aux « parlers locaux » à la condition qu’ils en tirent profit pour leurs enseignements et à dispenser des heures d’activités dirigées dans des langues régionales précisément énumérées par décret, ont rapidement été concurrencés par la vigoureuse défense de la langue française, dans le contexte cependant différent, mais souvent détourné, de la lutte contre sa marginalisation dans la mondialisation.

Les opposants traditionnels aux langues régionales ont ainsi tiré un plein parti de l’introduction dans la Constitution, par la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht, de la mention du français comme « langue de la République » et de la fixation, par la loi Toubon n° 94-665 du 4 août 1994, à l’école de « la maîtrise de la langue française » comme l’un des « objectifs fondamentaux » de l’enseignement, alors même que cette dernière loi prévoyait expressément que cette promotion du français ne devait pas se faire « au détriment des langues régionales ».

L’article 2 de la Constitution, conjugué au principe d’unicité du peuple français, a ainsi fait obstacle à la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires au motif, très contestable, identifié par le Conseil constitutionnel dans la décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, que certaines dispositions de la Charte pouvaient entrer en contradiction, d’une part, avec l’obligation d’usage du français par toutes les « personnes morales de droit public et personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public » et, d’autre part, avec l’impossibilité faite aux particuliers de « se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français » et aux administrations « de les contraindre à un tel usage ».

Suivant un raisonnement comparable mais étayé cette fois sur les seules dispositions législatives du code de l’éducation, le Conseil d’État a ensuite annulé, dans ses arrêts SNES en référé du 30 octobre 2001 et au fond du 29 novembre 2002, un décret et un arrêté permettant de faire de la langue régionale la langue principale d’enseignement et de communication dans des établissements scolaires publics alors même que, bien évidemment, cet enseignement immersif demeurait facultatif pour les familles.

Dans cet environnement juridique contraignant, le législateur n’a que très progressivement favorisé le développement de l’offre d’enseignement « des » et « en » langues régionales.

La loi Fillon n° 2005-370 du 25 avril 2005 sur l’avenir de l’école a ainsi encouragé l’État et les collectivités territoriales à agir de concert pour définir, par voie de convention, les modalités pratiques de l’enseignement des langues régionales.

Surtout, la loi Peillon n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de refondation de l’école de la République a levé les principaux points de blocage, d’une part, en posant le principe que les familles doivent être informées de l’offre d’enseignement et, d’autre part, en encourageant l’accès à des enseignements désormais prévus explicitement dans le code de l’Éducation, soit sous la forme d’un enseignement des langues et cultures régionales, soit sous celle d’un enseignement bilingue français langue régionale.

Enfin, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a concrétisé la faculté de choix laissé aux familles en définissant clairement les modalités de compensation des frais de scolarisation au bénéfice des communes proposant cet enseignement en langue régionale aux enfants de famille résidant dans d’autres communes qui n’offrent pas ce type d’enseignement.

Au total, en 2013, près de 273 000 élèves suivaient un enseignement de langue régionale dans les établissements d’enseignement publics, de l’école maternelle au lycée, dans treize académies métropolitaines : Aix-Marseille, Bordeaux, Clermont-Ferrand (mais seulement pour le Cantal et la Haute-Loire), Corse, Grenoble (Ardèche et Drôme), Limoges (Corrèze et Haute-Vienne), Montpellier, Nancy-Metz (Moselle), Nantes (Loire-Atlantique), Nice, Rennes, Strasbourg et Toulouse, ainsi que dans les quatre académies d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et dans les collectivités territoriales d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna). Parmi ces enfants, 73 000 suivent un enseignement bilingue à parité horaire.

RÉPARTITION DES ÉLÈVES PAR LANGUE

 

Nombre d’élèves

 

Nombre d’élèves

Langues régionales d’Alsace

72 765

Catalan

12 757

Occitan – langue d’oc

62 215

Tahitien

12 615

Breton

34 718

Langues mosellanes

6 179

Corse

33 820

Langues mélanésiennes

4 203

Créole

16 758

Wallisien et futunien

1 900

Basque

13 696

Gallo

551

Source : Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR).

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES ÉLÈVES BÉNÉFICIANT D’ENSEIGNEMENTS PUBLICS
EN LANGUE RÉGIONALE

Source : ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR).

En primaire, dans les écoles où cet enseignement est organisé, les enfants peuvent ainsi suivre un enseignement de sensibilisation, d’une heure trente par semaine, qui peut être étendu à trois heures incluses dans l’horaire normal d’enseignement pour le corse et le tahitien. Ils peuvent aussi être inscrits dans des classes bilingues à parité horaire dans lesquelles une partie des activités inscrites au programme de l’école se déroule dans la langue régionale.

Au collège, les cours de langues régionales peuvent être offerts au titre des enseignements facultatifs dès la sixième, et en langue vivante 2 dès la cinquième, à raison de trois heures par semaines. Les sections spécifiques « langues régionales » assurent même un enseignement plus intensif allant de trois heures minimum par semaine à une parité horaire totale entre le français et la langue régionale concernée. C’est ce dernier enseignement que l’on nomme enseignement bilingue. Il est considéré aujourd’hui comme le seul en mesure de pérenniser l’usage des langues régionales. Les autres formes moins intensives d’enseignement donnent des éléments de culture et de langue. Toutefois, elles ne confèrent pas, dans l’immense majorité des cas, une maîtrise suffisante de la langue pour mener une conversation courante. Aussi l’enseignement bilingue est considéré par l’Éducation nationale comme la voie à privilégier pour un enseignement réellement efficace des langues régionales.

Au lycée, la langue régionale peut soit demeurer la LV2, soit être choisie comme LV3, soit être étudiée, en série littéraire, comme enseignement de spécialité.

À côté de cette offre publique, quelques écoles confessionnelles proposent un enseignement bilingue pour moins de 5 000 élèves. Surtout, les établissements des réseaux associatifs laïcs fédérés dans Eskolim (ABCM Zweisprachigkeit pour l’alsacien, Bressola pour le catalan, Calandreta pour l’occitan, Diwan pour le breton et Seaska pour le basque) dispensent parallèlement à 10 000 enfants et adolescents un enseignement bilingue par immersion où la langue régionale est non seulement la langue des activités pour plus de la moitié de l’horaire, mais également la langue de la vie de l’école.

Cependant, cet enseignement souffre encore d’importantes limites.

En premier lieu, l’offre publique est manifestement insuffisante. Le maillage des enseignements est en effet très irrégulier, en particulier pour l’occitan qui n’est proposé nulle part dans les académies du nord de sa zone traditionnelle d’usage. À titre d’exemple, l’association pour l’enseignement du catalan estime que le nombre de classes d’initiations au catalan ne permet de scolariser que 20 % des élèves alors que 75 % des familles le souhaiteraient, tandis que celles d’enseignement bilingue immersif ne concerneraient que 7 % des élèves à rapprocher d’une demande évaluée à près de 40 %. On constate même une nette déperdition dans la progression de la scolarité, la proportion d’élèves obtenant la mention « langues régionales » au diplôme national du brevet des collèges baissant à 9 % des collégiens ayant étudié le corse dans leur scolarité, 5 % pour l’occitan, 4 % le breton et même 1 % pour l’alsacien.

Dans le même temps, le secteur public fait face à une véritable pénurie d’enseignants spécialisés en particulier dans le premier degré, le nombre de professeurs titulaires compétents demeurant chaque année inférieur de près d’un tiers aux besoins. L’Éducation nationale n’a dès lors souvent d’autre choix que de faire appel à des contractuels pour assurer la continuité du service. De même, les postes ouverts au CAPES pour les langues basque, bretonne, catalane, corse et occitane, pourtant en décrue de cinquante à moins de dix entre 2002 et 2014, n’ont jamais été intégralement pourvus faute de candidatures d’une quantité et d’une qualité suffisantes. Il n’est jusqu’à la voie prometteuse des CAPES bivalents, accumulant les savoirs d’une langue régionale et d’une discipline non linguistique, qui ne soit elle-même freinée par le nombre trop limité de matières secondes admises au concours, qui ne vont pas au-delà de l’anglais, l’espagnol, les mathématiques et l’histoire-géographie.

En second lieu, l’état de la législation décourage le développement, en relais de cette offre manifestement insuffisante, de l’enseignement bilingue immersif, dont les succès sont pourtant remarquables tant dans la maîtrise des langues régionales que dans celle d’un français irréprochable.

D’une part, comme il a été vu, le Conseil d’État a fixé en 2002 une limite à la répartition des heures entre les deux langues enseignées dans l’enseignement bilingue public et privé sous contrat, estimant qu’en laissant la langue régionale disposer de plus de temps que le français, le pouvoir réglementaire allait « au-delà des nécessités de l’apprentissage d’une langue régionale et excédait ainsi les possibilités de dérogation à l’obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement » prévues par le code de l’éducation.

Le rapporteur estime cependant que le législateur, en introduisant expressément en 2013 dans la loi de refondation de l’école « l’enseignement bilingue » dans le code de l’éducation, sans autre précision, s’est écarté de cette interprétation jurisprudentielle en ne reprenant pas le concept de « parité horaire », qui n’a aucune justification pédagogique et a donc implicitement fourni une base légale à l’enseignement immersif. Il a en effet préféré reconnaître de manière générale l’enseignement sans se prononcer sur ses modalités pratiques, dès lors qu’elles permettent de satisfaire aux objectifs, notamment de maîtrise du français, fixés par les autres articles du code pour l’ensemble des élèves scolarisés.

Il importe en effet de réaliser que le concept abstrait de parité horaire arithmétique n’a guère de sens en pratique. En particulier pour les langues non romanes, notamment le basque et le breton, dont les structures sont les plus éloignées du français, il entre même en contradiction avec les constatations avérées que les enfants ne peuvent parvenir à s’exprimer dans une langue qu’ils n’utilisent pas dans les autres sphères de la vie sociale (les enfants ne passent en effet en moyenne annuelle que 15 % de leur temps total d’éveil à l’école) que s’ils y sont acclimatés très tôt, et de manière massive.

Force est de constater l’énorme écart de performances dans l’acquisition des langues entre l’enseignement extensif, caractérisé par un faible nombre d’heures d’enseignement déployé sur une vaste période à l’image de notre enseignement des langues étrangères et considéré comme la méthode pédagogique d’apprentissage des langues la plus difficile qui soit pour l’élève, et l’enseignement immersif précoce puis atténué, par exemple grâce à un usage majoritaire ou intégral de la langue étudiée de la maternelle au milieu du cycle 2 suivi d’un enseignement bilingue faisant de plus en plus de place au français. Cet apprentissage n’affaiblit par ailleurs en rien les aptitudes des élèves concernés à acquérir une maîtrise équivalente à celle de leurs camarades de l’enseignement de droit commun non seulement du français, mais aussi de l’ensemble des compétences, des connaissances et de la culture du socle commun. Selon les informations apportées par ce réseau à votre rapporteur, les écoles Diwan par exemple, dont la composition sociologique, mesurée notamment grâce à l’observation du pourcentage de boursiers, est proche de celle de la moyenne des établissements publics de leur région, affichent des résultats, tant s’agissant de la maîtrise du français mesurée en CM2 que des taux de réussites au brevet et au baccalauréat, supérieurs de près de 10 % aux moyennes nationales.

D’autre part, les écoles associatives précitées, aujourd’hui presque seules à dispenser un enseignement immersif pourtant essentiel au dynamisme des langues régionales, sont dans une situation financière extrêmement difficile alors même qu’elles assurent une mission fondamentale, la transmission des langues régionales, dont la Constitution a fait l’un des éléments du patrimoine de la nation. À la différence en effet des écoles privées, dont le patrimoine en particulier s’est constitué dans le temps très long de l’histoire de la scolarité, ces écoles associatives n’ont pu s’épanouir que très récemment, lorsque l’école de la République a interrompu la longue lutte qu’elle avait engagée contre les « patois locaux ».

Privées de l’atout de la durée, ces écoles ont donc dû acquérir et entretenir les locaux nécessaires à l’exercice de leurs missions, dans un environnement indifférent voir hostile (il n’existe par exemple pas de manuels scolaires bilingues), sans pouvoir bénéficier d’aucune subvention d’investissement des collectivités locales pour les écoles (conformément à l’interdiction posée par la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l’organisation de l’enseignement primaire), ou de subventions limitées au dixième des dépenses annuelles de l’établissement pour les collèges et les lycées (conformément au plafond fixé par la loi Falloux du 15 mars 1850).

En outre, si une majorité d’entre elles ont été en mesure de bénéficier du statut d’établissement d’enseignement privé sous contrat d’association, permettant aux collectivités publiques de financer leur fonctionnement dans les mêmes proportions qu’elles financent celui des établissements publics, il n’en demeure pas moins que la rémunération par l’État de leurs enseignants est limitée à ceux qui ont réussi des concours analogues à ceux de l’enseignement public, dont on a vu qu’ils étaient dans une situation de pénurie manifeste.

Pour remédier à ces défaillances, la proposition de loi propose, dans son article 1er, de reconnaître explicitement l’existence de l’enseignement bilingue immersif, clarifiant l’intention du législateur de déployer ce type de méthode pédagogique dans l’ensemble de l’enseignement, privé comme public, bien entendu à la condition qu’un besoin soit constaté et dans le respect du libre choix des familles, de la maîtrise de la langue française et de l’acquisition du socle commun.

En parallèle, ses articles 2 et 3 proposent de prendre acte de l’importance de la mission particulière qu’assument les écoles privées dispensant un enseignement bilingue en levant à leur seul profit les plafonds aujourd’hui fixés aux collectivités locales pour l’octroi de subventions d’investissement. Cette exception serait limitée aux établissements assurant un enseignement gratuit, laïc, ouvert à tous et respectant les programmes nationaux. Elle devrait en outre se conformer strictement au principe d’égalité, en particulier en veillant à ce que tout établissement placé dans une même situation dispose d’une même aide et à ce que les écoles, collèges et lycées ainsi aidés ne se trouvent pas placés dans une situation plus favorable que les établissements d’enseignement publics compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers.

Le second pilier d’une politique dynamique en faveur de nos langues régionales est l’accroissement de leur visibilité, aujourd’hui encore trop marginale.

La culture, qui donne la curiosité et l’envie d’apprendre, les médias, qui ouvrent ou parfois verrouillent les champs des possibles et des identifications, les services publics et la vie sociale, administrative et économique, grâce auxquels une langue irrigue la vie sociale, ne peuvent demeurer hermétiques à ces éléments si précieux de notre identité. Là encore, des progrès réels et importants ont été accomplis, qu’il importe désormais au législateur d’encourager en traçant des nouvelles perspectives.

De plus en plus de services publics procèdent aujourd’hui spontanément à la traduction en langue régionale de certaines de leurs informations, à l’image des doubles signalétiques observées partout en France sur les panneaux d’entrée et de sortie des agglomérations. Toutefois ces initiatives, parfaitement possibles dans le cadre de la législation actuelle conformément à l’article 21 de la loi Toubon du 4 août 1994 qui précise que « les mesures garantissant l’emploi de la langue française s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage », demeurent trop rares et surtout très inégalement réparties sur les territoires, en l’absence de toute impulsion nationale et, singulièrement, législative apte à lever les réticences souvent excessives des responsables des services publics sur le terrain.

Cette impulsion législative a, à l’inverse, été efficacement donnée pour les médias grâce à la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle qui a introduit dans l’article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication au nombre des missions du secteur public audiovisuel, en métropole comme dans les Outre-mer, « la connaissance, le rayonnement de ces territoires et, le cas échéant, l’expression des langues régionales », « les chaînes de l’audiovisuel public devant assurer la promotion de la langue française » et, « le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France ». En cohérence, l’article 40 du cahier des charges de France Télévisions dispose que la société « veille à ce que, parmi les services qu’elle édite, ceux qui proposent des programmes régionaux et locaux, contribuent à l’expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain et dans les Outre-mer ».

Dans les faits, cette mission est aujourd’hui principalement assumée par France 3, dont le volume d’heures réservées à l’expression des principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain a presque doublé en passant de 213 heures en 2008 à 394 heures en 2014 dans les six régions concernées que forment l’Alsace, l’Aquitaine, le Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Bretagne. S’y ajoutent 582 heures en langue corse sur France 3 Corse Via Stella.

Pour la radio, le réseau France Bleu met en œuvre sur ses stations locales des rendez-vous courts en langue régionale tout au long de la semaine ainsi qu’une émission d’une heure diffusée sur un créneau horaire valorisé. De nombreuses radios associatives proposent tout ou partie de leurs émissions en langue régionale. Leur territoire d’émission reste souvent limité et leur réception parfois aléatoire.

En outre, la présence des langues régionales se développe à un rythme rapide sur internet, non seulement sur le service public (valorisation sur la plate-forme de rattrapage Pluzz des émissions régionales, mise en place d’un portail web brittophone sur le site internet de France 3 Bretagne regroupant les programmes en breton de l’antenne, etc.) mais aussi sur l’ensemble d’internet, via notamment l’émergence de nouvelles télévisions en ligne à l’instar de Brezhoweb.

En dépit de ces signes encourageants de vitalité, il n’en demeure pas moins que, confinées essentiellement à des courts instants et confrontées à des coûts de production, en particulier s’agissant du recrutement des personnes bilingues et des doublages et sous-titrages pour les émissions à plus vastes publics pour éviter l’écueil de la « ghettoïsation », les langues régionales demeurent encore dans l’ensemble placées dans une situation de marginalité et de précarité à l’échelle de l’ensemble des médias.

Pour pallier ces insuffisances manifestes, la présente proposition de loi propose deux innovations.

D’abord, son article 4 encourage l’ensemble des services publics à recourir à des traductions en langues régionales sur leurs principales inscriptions et signalétiques en permettant aux régions, dont le rôle est nécessairement central sur cette question en raison de leurs compétences à la confluence des aires pertinentes pour une approche globale des politiques locales des langues régionales, qu’il s’agisse de l’enseignement et de la formation, mais également de la culture, des médias audiovisuels, de l’emploi, de la formation professionnelle ou encore des transports, d’imposer cette double signalétique sur la partie de leur territoire dans laquelle la ou les langues régionales concernées sont en usage.

Ensuite, son article 5 étend l’ambition d’une meilleure prise en compte des langues régionales au-delà du seul service public audiovisuel en ajoutant « l’attribution d’une place significative à l’expression des langues régionales » aux missions de l’ensemble de l’audiovisuel, sous le contrôle vigilant du CSA.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de M. Paul Molac, la proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public et audiovisuel (n° 3288), lors de sa séance du mercredi 16 décembre 2015.

M. le président Patrick Bloche. Cette proposition de loi est également inscrite par le groupe Écologiste à l’ordre du jour de sa journée réservée, le jeudi 14 janvier 2016.

M. Paul Molac, rapporteur. Merci, mes chers collègues, de m’accueillir dans votre commission. La présente proposition de loi vise à poser les jalons de l’enseignement des langues régionales et de leur usage dans la vie publique.

Depuis 2008, les langues régionales sont inscrites dans la Constitution, dont l’article 75-1 dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Or cette introduction n’a été suivie d’aucune traduction législative.

Bien souvent, les langues régionales ne suscitent qu’au mieux indifférence et frilosité et au pire de l’hostilité franche ; on l’a constaté lors de la révision constitutionnelle préalable à la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée à l’Assemblée nationale avec plus des trois cinquièmes des voix, mais rejeté au Sénat. Cette position française est assez curieuse : alors que nous défendons à l’étranger l’exception culturelle française et la francophonie contre l’hégémonie anglo-saxonne, nous refusons un statut aux langues régionales. Notre pays recèle pourtant une richesse incomparable, avec des langues d’origine celtique, comme le breton, un grand nombre de langues romanes, avec l’occitan, les langues d’oïl, le catalan, et une langue non indo-européenne, le basque, auxquelles s’ajoutent les langues parlées dans les territoires d’outre-mer. Au total, ce sont soixante-quinze langues régionales qui sont présentes sur notre sol.

Or ce patrimoine exceptionnel est gravement menacé. L’UNESCO classe toutes les langues régionales de France, sauf le basque, en grand danger d’extinction. Les Français sont seulement 12 % à parler une autre langue que le français, contre 26 % dans leur enfance, et 75 % des adultes qui parlaient une langue régionale dans leur petite enfance ne l’utilisent plus aujourd’hui. Cette situation n’est pas tenable, et l’argument qui oppose l’usage de ces langues à la maîtrise du français est tout simplement absurde : qui oserait prétendre que les locuteurs de langues régionales sont plus mauvais en français que les autres ?

Pour qu’une langue puisse continuer à vivre, elle doit s’appuyer sur deux piliers : l’éducation, car il faut apprendre, connaître la langue ; l’usage dans la vie quotidienne, qui passe par la signalétique et les médias, car il faut la pratiquer régulièrement.

En matière d’éducation, suivant la célèbre posture de l’abbé Grégoire qui voulait voir éradiqués les patois, notre pays est resté très frileux. Il a fallu attendre la loi Deixonne de 1951 pour rendre possible l’enseignement des langues régionales, en dehors des heures scolaires, et pour autoriser les maîtres à utiliser les langues régionales, à la condition toutefois que cela permette de mieux apprendre… le français. Ensuite, les circulaires Savary de 1982, Bayrou de 1995 et Lang de 2001 ont introduit progressivement un enseignement bilingue digne de ce nom.

Toutefois, certaines dispositions, mises en place entre 1992 et 1994 pour lutter contre la domination de l’anglo-américain, ont été détournées de leur but et utilisées contre les langues régionales. Je fais référence à l’article 2 de la Constitution, qui proclame le principe que le français est la langue de la République, introduit par la révision constitutionnelle de 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht mais aussi à la loi Toubon de 1994, au nom de laquelle le Conseil d’État a annulé la partie des arrêtés de la circulaire Lang de 2001 qui portait sur l’enseignement bilingue immersif du type de celui pratiqué par le réseau associatif Diwan, au motif qu’il ne respectait pas par exemple une parité horaire entre le français et la langue régionale.

Au cours de cette législature, les choses ont avancé. D’abord, la loi Peillon pour la refondation de l’école de la République de 2013 a été la première à reconnaître dans le code de l’éducation l’enseignement dit « bilingue », qui demeure bien sûr une simple faculté pour les familles. Elle a fait obligation aux pouvoirs publics d’informer les parents de l’existence de ces offres d’enseignement. Puis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République de 2015, dite loi NOTRe, a introduit un régime cohérent de compensation entre les communes des frais de scolarité des enfants inscrits dans ces écoles ou filières bilingues d’une autre commune que celle de leur résidence.

Aujourd’hui, 273 000 élèves suivent un enseignement en langue régionale dans les établissements d’enseignement public, dont 73 000 par la voie bilingue, seule considérée d’ailleurs par l’éducation nationale comme formant des locuteurs capables de parler couramment ces langues. C’est celle qui nous intéresse donc plus particulièrement pour une préservation efficace du patrimoine. Parallèlement, 10 000 enfants et adolescents reçoivent un enseignement immersif associatif.

Notre pays souffre à cet égard d’un maillage insuffisant et d’une pénurie d’enseignants – au concours de recrutement de professeurs des écoles, le nombre de postes offerts est traditionnellement toujours supérieur à celui des candidats.

Mais au-delà de ces difficultés d’ordre budgétaire et de vocation, il faut observer que la législation ne permet pas aujourd’hui de faire la promotion de l’enseignement bilingue au mépris de l’objectif de préservation de ce patrimoine reconnu désormais par la Constitution et en dépit de ses excellents taux de réussite tant en langue régionale que dans les autres matières de la scolarité obligatoire.

La proposition de loi tend dès lors à reconnaître dans le service public de l’éducation, à l’article 1er, l’enseignement bilingue immersif et, aux articles 2 et 3, à mieux soutenir financièrement l’enseignement bilingue immersif associatif. Les associations dont c’est l’objet sont en effet confrontées à des difficultés financières importantes. Elles ne peuvent pas être comparées aux structures d’enseignement confessionnel, d’une part, parce qu’elles sont laïques, d’autre part, parce que n’étant pas implantées depuis aussi longtemps, elles ne disposent pas de postes ni de locaux suffisants. L’article 75-1 de la Constitution prévoyant la préservation des langues régionales fournit le fondement législatif nécessaire à ces mesures. Toutes les garanties constitutionnelles, tenant en particulier au respect du principe d’égalité, sont par ailleurs apportées, le dispositif proposant que les collectivités territoriales puissent accorder des subventions d’investissement et des locaux – par exception à l’interdiction posée pour les écoles privées par la loi Falloux de 1850 et au plafonnement à 10 % des ressources de l’établissement pour les collèges et lycées par la loi Goblet de 1886 – aux seuls établissements dispensant un enseignement bilingue gratuit, laïc, ouvert à tous, et respectant les programmes nationaux.

Les articles 4 et 5 constituent le second pilier d’une politique cohérente visant à l’accroissement de la visibilité des langues régionales. L’article 4 propose que l’ensemble des services publics puissent recourir à des traductions en langues régionales sur leurs principales inscriptions et signalétiques, à la demande des régions. Ce choix résulte du rôle particulier reconnu par la loi NOTRe à cet échelon pour la promotion des langues régionales, dans le respect des compétences des autres collectivités, et son implication naturelle et particulière dans les conférences territoriales de l’action publique (CTAP) qui ne manqueront pas d’en débattre. En outre, les régions disposent des compétences techniques nécessaires à cette mission, pour fournir par exemple des traductions cohérentes et rigoureuses, grâce à l’aide des nombreux offices publics des langues qui se sont créés à leur côté.

L’article 5 a pour objet de faire plus de place aux langues régionales dans tous les médias, publics comme privés. La langue bretonne, par exemple, n’est diffusée que pendant une heure dix environ par semaine sur France 3 alors que, chez nos voisins britanniques, le gallois bénéficie de plus de quarante heures hebdomadaires sur S4C. Quant à la communauté autonome du Pays basque espagnol, elle a quatre chaînes : trois en basque et une en castillan… Il est dans ce contexte assez modéré de confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) la mission de veiller à ce qu’une place « significative » soit attribuée à ces langues.

Cette proposition de loi étant destinée à être examinée lors d’une niche parlementaire, elle se devait d’être courte. Pourtant, je crois qu’elle nous donne l’occasion de vivre un moment historique : sur la cinquantaine de propositions de loi traitant des langues régionales à avoir été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale – parmi lesquelles celles de Marc Le Fur, de Jean-Jacques Urvoas et Armand Jung, etc. –, c’est la première qui parvient jusqu’à l’examen en commission. J’espère même qu’elle emportera votre conviction et permettra aux langues régionales de voir, enfin, la législation leur reconnaître un statut à la mesure de leur importance historique.

M. Yves Durand. La proposition de loi de Paul Molac, fruit du travail remarquable qu’il a accompli sur un sujet difficile, comporte deux parties : les articles 1er, 2 et 3 concernent l’enseignement immersif ; les articles 4 et 5, la promotion des langues régionales dans l’espace public.

Chacun se souvient du long débat auquel a donné lieu le premier de ces deux thèmes lors de l’examen du projet de loi pour la refondation de l’école de la République, qui a notablement modifié le code de l’éducation en matière d’enseignement des langues régionales. Nous avons alors trouvé un équilibre délicat entre le français, langue de la République inscrite dans la Constitution depuis 1992, et les langues régionales qui font partie du patrimoine culturel non seulement des régions mais de la France dans son ensemble. Il me paraît aujourd’hui difficile de revenir sur cet équilibre fragile. Si l’intention de protéger ce patrimoine linguistique et culturel est louable, les articles 1er, 2 et 3 du texte présentent un risque d’inconstitutionnalité, non pas tant en raison de la place faite aux langues régionales que s’agissant de sujets annexes mais néanmoins importants, tels que le financement global des établissements associatifs et l’égalité de leur traitement, entre eux et à l’égard du service public.

Nous voterons contre l’article 1er, non parce que nous sommes opposés à son objectif mais parce qu’il va à l’encontre de la parité des horaires d’enseignement entre le français et les langues régionales : le premier étant la langue de la République, il doit être enseigné pendant au moins 50 % des horaires dans les établissements français, cela nous semble clairement découler des impératifs constitutionnels.

Les articles 2 et 3 soulèvent le problème du financement des établissements. Vous citez d’ailleurs dans votre rapport les lois Falloux et Goblet qui statuent sur ce financement pour respectivement l’école primaire et pour le secondaire, et qui pourraient être remises en cause par votre proposition de loi. Cela créerait un précédent unique, qui mérite une très profonde réflexion. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements de suppression de ces articles.

Dans de tout autre domaine, l’article 4 prévoit une avancée intéressante sur les traductions, et l’article 5 répond à une juste préoccupation car il est vrai que la diffusion des langues régionales, limitée principalement à France 3, est insuffisante. Pour autant l’article 5 de votre proposition de loi, en imposant la diffusion de programmes en langues régionales dans tous les médias, nous renvoie à des problèmes de financement comparables à ceux soulevés tout à l’heure en cas d’interdiction de la publicité sur les chaînes publiques. Je crains qu’il nous faille, là aussi, avancer avec prudence et lucidité.

M. Patrick Hetzel. Si l’enseignement dit « immersif » est une question majeure, notre groupe s’interroge à plusieurs titres sur cette proposition de loi.

Est tout d’abord prévue la faculté pour les établissements privés dispensant un enseignement bilingue de bénéficier sous conditions d’aides des communes, des départements ou des régions. Cette disposition risque d’entraîner une rupture d’égalité puisqu’elle exclut explicitement les établissements privés sous contrat dispensant un enseignement bilingue de même objet et de même qualité mais qui auraient pour seule particularité d’être confessionnel. Nous défendrons un amendement revenant sur cette exclusion.

Ensuite, quelle traduction concrète donner à la mention de la faculté de déployer un enseignement bilingue « quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues » ? Actuellement, à l’école primaire, l’enseignement bilingue est dispensé à 50 % en français et à 50 % dans la langue régionale. Cela nous paraît un équilibre garantissant que l’ensemble de nos concitoyens puisse avoir une maîtrise suffisante du français. Votre objectif est-il de donner l’ascendant aux langues régionales au détriment du français ? Cela poserait problème à notre groupe et risquerait d’être inconstitutionnel.

La rédaction de l’article 4 pose, elle aussi, problème : sont-ce les services publics sous la tutelle de l’État que vous visez, avec la volonté de leur transférer la charge de la signalétique bilingue ? Ou s’agit-il des services sous la tutelle des autres collectivités présentes sur le territoire de la région, auxquelles cette dernière serait désormais en droit d’imposer cette signalétique et les charges qu’elle implique ? Nous avons déposé un amendement visant à éviter que cette disposition soit mise en application contre l’avis d’une collectivité territoriale.

Enfin, la loi impose déjà au service public audiovisuel – à France Télévisions en général et à France 3 en particulier, en sa qualité de chaîne des régions – l’obligation d’assurer la promotion des langues régionales. Nous sommes néanmoins très favorables à l’élargissement des missions de régulation du CSA à la défense des langues régionales, étendue d’ailleurs, comme nous le proposerons, à leurs cultures.

Compte tenu de ces réserves, notre groupe soutiendra plusieurs amendements. Pour le moment, nous avons une position d’abstention, mais elle est susceptible d’évoluer en fonction de la discussion.

M. François de Rugy. Je salue Paul Molac pour son travail d’élaboration de cette proposition de loi, mais aussi pour son engagement soutenu sur le sujet depuis 2012. Je me félicite de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, sachant que de multiples tentatives transpartisanes ont déjà eu lieu. Au cours de la précédente législature, le Gouvernement avait annoncé un projet de loi sur le développement et la promotion des langues régionales, dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 2008 – celle-ci nous avait d’ailleurs vus nombreux, et sur les bancs de groupes forts différents, à nous battre pour que les langues régionales soient enfin reconnues dans la Constitution, même si la formulation finalement retenue est très minimaliste. Malheureusement, jamais un tel texte n’a été présenté en conseil des ministres.

Sur le fond, il faut en finir avec la crainte sempiternelle que la promotion des langues régionales puisse faire reculer le français ; c’est, au contraire, un enrichissement. Le français est la langue officielle partagée par tous les citoyens de notre pays et doit continuer de l’être – y compris pour les personnes venant de l’étranger qui doivent l’apprendre en priorité ; il nous permet de communiquer tous ensemble au sein de notre communauté nationale. Mais les langues régionales font partie de notre patrimoine et de l’histoire de France, de sa richesse et de sa diversité ; le nier serait nier notre histoire. J’invite donc nos collègues, notamment ceux qui pourraient ne pas se sentir concernés parce qu’il n’y a plus, dans leur région, de langue régionale vivante, à considérer cet élément comme un « plus ».

Sur la forme, on nous dit souvent qu’il est possible de promouvoir les langues régionales sans recourir à la loi. L’expérience a montré le contraire, notamment dans le domaine de l’enseignement. Ainsi, l’accord très prometteur conclu en 2000 entre le ministre de l’éducation nationale Jack Lang et les écoles Diwan en Bretagne, qui visait à l’intégration de ces dernières, conformément à leur souhait, au service public de l’éducation nationale, a-t-il été annulé par le Conseil d’État. Sans recours à la loi, on butera toujours sur les dispositions législatives actuellement en vigueur et l’interprétation qu’en font les juridictions administratives.

Enfin, cette proposition de loi présente l’intérêt d’aborder plusieurs sujets, tout en restant modeste puisqu’elle les traite en cinq articles. Comme l’a dit Paul Molac, la France défend la francophonie dans le monde entier au nom de la pluralité linguistique à l’échelle mondiale ; il est incompréhensible qu’elle se refuse à le faire à l’intérieur de ses frontières, alors même que nous avons la chance d’avoir des langues vivantes dans plusieurs de nos régions. L’enseignement, la signalétique et les médias sont des outils indispensables à la défense et à la promotion des langues régionales dans notre pays.

M. Rudy Salles. Depuis longtemps, notre formation politique soutient la reconnaissance des langues régionales. Les députés du groupe alors dénommé Union pour la démocratie française (UDF) furent favorables à la ratification de la Charte des langues régionales, car nous défendons une Europe des peuples dans laquelle le dialogue, les échanges et la communication ont toute leur importance. Malgré le refus du Sénat de ratifier la Charte, nous restons convaincus de la nécessité de protéger les langues régionales et minoritaires et de favoriser le droit pour chacun de les pratiquer.

Faire prospérer les langues régionales ne menace en rien l’unité républicaine. Au contraire, par le biais de ses langues régionales, la France a la chance de posséder un patrimoine linguistique d’une richesse inégalée en Europe. Aujourd’hui, si les collectivités territoriales volontaires tentent de remédier aux carences de l’État, elles le font dans un contexte juridique précaire qu’il convient de sécuriser.

Le texte que nous examinons ce matin vise à promouvoir et à protéger la pratique des langues régionales dans trois domaines : l’enseignement, la signalétique et les médias. Le rôle de la culture et des médias dans l’apprentissage et la pratique des langues régionales n’est pas négligeable, car l’expression artistique peut donner, en particulier aux jeunes générations, l’envie d’entendre une langue, la motivation pour mieux la comprendre et la fierté de la pratiquer.

Les langues régionales comme les langues étrangères sont une richesse, une ouverture d’esprit, une nouvelle façon de penser et de s’exprimer. Aussi je comprends bien l’importance de développer l’apprentissage des langues dans les écoles et de former de nouvelles générations de locuteurs. Pour autant, j’émets de fortes réserves quant à l’enseignement immersif. L’article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français ». Comment imaginer que jusqu’à la classe de cours préparatoire, voire de cours élémentaire première année, les enfants ne parlent pas à l’école, pilier de la République, la langue de la République ? À ce stade, je ne vois pas comment nous pourrions reconnaître dans une loi l’exclusion du français des salles de classe.

À défaut de développer l’enseignement immersif, cette proposition de loi aurait dû être l’occasion de clarifier la place des langues régionales dans le projet de réforme du collège. En effet, le maintien des heures d’enseignement optionnel et des sections bilingues, qui jusqu’ici permettaient à de nombreux élèves d’apprendre et de pratiquer leur langue régionale, fait encore l’objet d’incertitudes. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour que les langues régionales bénéficient d’une place à part entière au sein de ce nouveau collège réformé ? Si le ministère se veut rassurant, quelles garanties avons-nous en réalité de l’existence, l’an prochain, dans les établissements scolaires, de l’enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) « langues et cultures régionales » ? La grande part d’autonomie laissée aux établissements engendrera nécessairement une mise en concurrence des matières optionnelles. La réforme du collège risque ainsi d’être dangereuse pour la préservation des identités locales qui forment notre culture.

Compte tenu du contenu de cette proposition de loi et des réserves que j’ai émises, le groupe UDI votera contre.

M. Jean-Noël Carpentier. Je félicite, à mon tour, M. Molac pour le travail qu’il a accompli, visiblement avec le cœur, mais aussi avec la raison. Des millions de Français suivent attentivement notre débat ce matin et nous suivront également au mois de janvier dans l’hémicycle. C’est pourquoi cette discussion doit dépasser les simples logiques partisanes.

En 1999, la France signait la Charte européenne des langues régionales. Depuis, nous avançons trop lentement vers la reconnaissance de ces langues. Ce n’est qu’en janvier 2015 que l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de cette charte. Malheureusement, en octobre dernier, le Sénat a repoussé une proposition similaire du Gouvernement. C’est d’autant plus dommage que vingt-cinq pays du Conseil de l’Europe l’ont déjà ratifiée, parmi lesquels l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. En France, nous nous heurtons depuis longtemps à des blocages incompréhensibles pour ne pas dire rétrogrades. C’est paradoxal quand on sait que la France est l’un des pays d’Europe qui possèdent une grande diversité de langues régionales.

L’UNESCO, que chacun reconnaît comme une institution très sérieuse, considère depuis longtemps les langues régionales comme une richesse à protéger. La France est d’ailleurs signataire, depuis 2006, d’une convention internationale pour leur sauvegarde, signée par 163 pays à travers le monde. Pourquoi soutenir la diversité linguistique dans les instances internationales et ne pas l’appliquer en droit dans notre pays ?

En vertu de la Constitution, la France est une République indivisible et sa langue est le français. Ces deux principes n’interdisent absolument pas d’accorder une place aux langues régionales. D’ailleurs, sous la précédente majorité, la reconnaissance des langues régionales comme appartenant au patrimoine national a été insérée dans le texte constitutionnel. Il faut dorénavant conforter cette reconnaissance.

Le bilinguisme n’est pas l’ennemi de la République. Et si, bien sûr, il nous faut rester vigilants quant à certains débordements, nous devons nous garder de tomber dans des caricatures trop faciles propres à ceux qui ne voient dans les défenseurs des langues régionales que des sécessionnistes de la République. La réalité est plus simple, plus pragmatique et plus apaisée : tous les spécialistes conviennent que maîtriser une langue régionale en plus de la langue officielle est un atout qui n’affaiblit ni la citoyenneté ni la pratique du français. La République française n’a rien à craindre ; la langue française non plus, bien au contraire. Dans les régions où ces langues existent, ces dernières procurent indéniablement un bagage culturel supplémentaire à nos compatriotes. C’est une ouverture d’esprit, une manière d’exprimer aussi sa citoyenneté dans la République.

Cette proposition de loi ne remet nullement en cause le français ni les principes de notre République. Elle va globalement dans le bon sens, même si notre groupe formule quelques réserves sur ses articles 2 et 3 en ce qu’ils reviennent sur les équilibres historiques posés par les lois Falloux et Goblet. Nous invitons donc le rapporteur à y apporter des modifications garantissant en particulier leur pleine sécurité juridique, sans vouloir pour autant aller jusqu’à leur suppression.

Mme Marie-George Buffet. Le rapporteur a essayé de traduire dans cette proposition de loi un engagement justifié en faveur de la promotion des langues régionales. La République française est, en effet, riche parce que diverse. Elle s’est construite en choisissant de faire de ses diversités un bien commun. Ni le français ni la nation française ne sont menacés par les langues régionales, ni d’ailleurs par les langues utilisées par les personnes issues des différentes immigrations. Souvent, les enfants arrivent en maternelle en étant déjà bilingues, ce qui est source d’un développement positif.

Que la France et son peuple puissent avoir une langue commune est indispensable pour permettre à chacun et à chacune d’accéder à égalité à tous les actes administratifs et politiques, à tous les débats et à toutes les prises de décision en commun. Dans le passé, faute d’avoir eu accès au français pour lire et écrire, une partie des Français et des Françaises ont été dominés par l’État central. Si parler, lire et écrire une langue commune a été facteur d’égalité, de liberté et de souveraineté populaire, cela ne s’oppose pas au rayonnement de notre patrimoine culturel dans sa diversité, dont font partie les langues régionales.

Nous étions favorables à la ratification de la Charte des langues régionales et nous souscrivons aisément à l’exposé des motifs de cette proposition de loi, qui rappelle ces mots du Conseil constitutionnel : « L’insertion des langues régionales dans le patrimoine constitutionnel s’inscrit dans une complémentarité avec l’article 2 de la Constitution qui fait du français la langue commune de la République ». C’est sur ce fondement qu’a été rédigé l’article 40 de la loi pour la refondation de l’école de la République : « Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage. Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage. » Cet article semble assurer un équilibre entre, d’une part, l’exigence que le français soit la langue commune pour la démocratie et la souveraineté populaire et, d’autre part, le rayonnement des langues régionales. J’aimerais donc que le rapporteur nous éclaire sur les conséquences de l’ajout prévu par l’article 1er de sa proposition de loi, qui pourrait poser problème quant à la parité entre le français et la langue régionale.

S’agissant de l’élargissement des possibilités de subventions d’investissement des collectivités aux établissements privés, l’alinéa 11 de l’article 2 peut certes rassurer, puisqu’il prévoit que les financements que les collectivités pourraient accorder à l’enseignement privé bilingue ne sauraient dépasser ceux qu’elles accordent aux établissements publics. Toutefois, à mon sens, cet article demeure flou et gagnerait à être précisé. Il en va de même, à nos yeux, de l’article 5 relatif aux langues régionales dans les médias, qui mérite d’être approfondi, s’agissant notamment du financement.

L’article 4 ouvre une possibilité – et non une obligation – en laissant les régions libres de décider l’apposition de signalétiques bilingues. Je me réjouis qu’il ne rende pas obligatoire l’usage des langues régionales dans les actes administratifs et, surtout, qu’il ne contraigne pas les fonctionnaires à l’utiliser dans l’exercice de leurs fonctions.

En attendant les éclaircissements du rapporteur, les députés du Front de gauche s’abstiendront.

M. Jean-Pierre Allossery. L’article 1er de cette proposition de loi pose de sérieux problèmes d’ordre constitutionnel. Il précise, en effet, que l’enseignement bilingue pourra être dispensé « quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues ». Or le Conseil constitutionnel a réaffirmé la primauté du français comme langue de la République et fixé comme limite la parité horaire entre la langue française et les langues régionales. L’enseignement immersif fait de la langue régionale étudiée la langue de l’enseignement et de la communication. Autrement dit, comme l’indique le rapport, il serait permis de l’enseigner au-delà de la stricte parité horaire. Ce point me semble problématique.

Ensuite, malgré la loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013, qui souligne l’importance des langues et des cultures régionales et prévoit différentes mesures pour encourager leur apprentissage, le cas de la langue régionale flamande n’est toujours pas réglé. En effet, le flamand a été omis dans la circulaire du 5 septembre 2001. Il n’est donc pas inscrit dans le texte qui nous est soumis. Or les élus de ma circonscription et les adhérents de l’institut de la langue régionale flamande y sont très sensibles : en l’état, la proposition de loi contribue à nier au flamand son statut de langue régionale. Il faut réparer cet oubli.

M. Frédéric Reiss. Je tiens, avant toute chose, à féliciter M. le rapporteur pour la constance qu’il déploie afin de promouvoir les langues régionales ; il n’est d’ailleurs pas le seul à adopter une attitude très constructive en la matière. Je rappelle ensuite que c’est une majorité de droite qui a contribué à modifier la Constitution en 2008. Les langues régionales font partie de notre patrimoine et sont une richesse pour notre pays ; elles profitent à son économie culturelle et touristique.

Même s’il régresse, l’alsacien compte encore quelque 600 000 locuteurs, soit un tiers de la population des deux départements alsaciens. Nous sommes très favorables à l’enseignement bilingue dès le plus jeune âge, d’autant plus qu’apprendre la forme écrite de l’alsacien revient à apprendre l’allemand, langue de notre voisin.

Avec l’avènement de la grande région de l’Est, et même si les recteurs des anciennes régions seront maintenus, le recteur coordonnateur mettra sans doute en œuvre des politiques adaptées à la région dans son ensemble. De ce point de vue, l’Alsace exercera la plus grande vigilance pour que l’enseignement de l’alsacien continue de se développer dans ses écoles.

Hélas ! notre débat risque de tourner court, tant la majorité socialiste maîtrise désormais la technique de l’esquive consistant à tourner autour du pot en veillant à ne pas y tomber.

M. Hervé Féron. Parole d’expert !

M. Frédéric Reiss. M. Hetzel et moi-même défendrons donc plusieurs amendements en espérant que le texte évoluera dans le bon sens.

Mme Martine Faure. Je tiens à féliciter notre rapporteur avec qui je partage depuis longtemps un même combat en faveur des langues régionales. Je l’encourage simplement à rectifier certaines des dispositions de ce texte afin que nous puissions l’adopter dans son intégralité, et non par bribes.

M. Marc Le Fur. Je félicite, à mon tour, M. le rapporteur pour son travail qui donne un tour concret à la révision constitutionnelle de 2008. Le risque, néanmoins, demeure toujours le même : tout le monde n’accorde pas une égale importance à la question des langues régionales. Certains, moins directement concernés, posent le débat en termes de principes avant tout, tandis qu’il faut au contraire, selon moi, le poser en termes concrets, comme l’a fait notre rapporteur. Pour les rassurer, je précise que les cursus comprenant des enseignements en langues régionales, même très immersifs, produisent d’excellents résultats généraux. Le lycée de Carhaix en est un exemple emblématique : certains jeunes y ont effectué toute leur scolarité dans des classes d’immersion et obtiennent d’excellents résultats – y compris en anglais.

Il n’y a donc aucune opposition de principe entre immersion et réussite. Veillons toutefois à ce que ce texte, paradoxalement, ne se traduise pas par la mise en cause de dispositifs existants. L’enseignement en immersion existe. En l’espèce, il ne s’agit évidemment pas de donner un monopole au breton ou à quelque langue régionale que ce soit, mais de permettre que l’enseignement de certaines disciplines – mathématiques ou géographie, par exemple – se fasse en langue régionale, et que la vie scolaire en dehors de la classe – à la cantine, par exemple – puisse se dérouler dans cette langue. Ce sujet est d’autant plus important que les nouvelles concernant la réforme des collèges sont mauvaises.

J’espère que le point de vue de notre rapporteur sur l’enseignement catholique évoluera. En effet, dans la région qu’il connaît bien, trois réseaux favorisent l’enseignement du breton : le réseau associatif, le réseau public et le réseau de l’enseignement catholique.

Autre point : la plupart des routes concernées sont désormais dotées d’une signalétique bilingue, mais il reste quelques lacunes sur les routes nationales et dans les gares. Nous sommes nombreux à souhaiter que les gares adoptent, à l’occasion de leurs travaux de rénovation, une signalétique comparable à celle des routes. J’espère que cette proposition de loi y contribuera.

Se pose aussi la question des locaux. Un projet de deuxième lycée Diwan est envisagé à Vannes, mais l’association ne parviendra pas à l’implanter seule. Que peut-on faire ? En quoi la proposition de loi qui nous est soumise règle-t-elle ces importantes difficultés budgétaires auxquelles est confronté, de manière générale, l’enseignement bilingue associatif dans notre pays ?

J’insiste enfin sur l’importance des propositions de M. le rapporteur dans une région comme la Bretagne qui, à la différence du Pays basque et de l’Alsace, n’est pas adossée à un vaste hinterland linguistique. La transmission familiale du breton se perd, car la dernière génération qui en est capable a quarante ans environ ; le débat sur la transmission scolaire n’en est que plus important. En tout état de cause, le réseau qui pratique déjà l’enseignement du breton par immersion doit poursuivre son développement car, ce faisant, il n’est évidemment pas question de s’opposer d’une quelconque manière à la République et à la langue française.

M. le rapporteur. Nombreux sont les intervenants qui se sont interrogés sur les limites de l’article 1er. Notez qu’il ne comporte ni plafond ni plancher : certains, lors des auditions, me l’ont d’ailleurs reproché, arguant du fait qu’il permettait de dispenser moins de 50 % de l’enseignement dans une des langues ; c’est le cas, en effet. Cette rédaction souple découle d’un constat : en basque comme en breton, l’enseignement doit, à un moment donné de la scolarité – très souvent en moyenne et grande section de maternelle – dépasser la simple parité pour que les enfants s’approprient la langue, qu’ils deviennent des locuteurs actifs plutôt que passifs et qu’ils puissent suivre au cours préparatoire plusieurs enseignements disciplinaires en langue régionale. Sans cela, ils ne la parleront jamais, c’est un simple fait, pragmatique. Et comment préserver un patrimoine linguistique si les enfants ne maîtrisent pas la langue ? Les expérimentations actuellement menées sur cette question en Bretagne et au Pays basque par l’enseignement public tendent d’ailleurs toutes vers ce même constat.

Pour autant, passé cette période cruciale, la répartition des horaires peut changer, au bénéfice croissant du français. Et il va de soi que si les enseignants constatent une insuffisance du français chez certains élèves, ils réduisent d’eux-mêmes la part du breton pour apporter un surcroît de langue française. Car l’enseignement, qu’il soit bilingue ou non, doit respecter les principes fondamentaux posés par le code de l’éducation, au premier rang desquels figurent la maîtrise du français et celle du socle commun. Je n’ai pas jugé utile de rappeler dans cette proposition de loi que le français est la langue de l’enseignement et que la maîtrise du français est primordiale, car cela va de soi et figure déjà dans le code de l’éducation. L’enseignement ne saurait être bilingue dès lors que le français est insuffisamment connu. La précision est juridiquement superfétatoire, mais je veux ici lever toutes les inquiétudes.

La méthode d’immersion est multiple – étant entendu qu’immersion ne signifie pas submersion. L’immersion consiste à enseigner dans une langue, et non à enseigner une langue. De ce point de vue, l’enseignement à parité est une forme d’immersion, mais ce n’est pas celle que pratiquent les écoles associatives. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité établir une distinction claire entre l’article 1er et les deux suivants. De même, j’ai examiné les arrêts du Conseil d’État de 2002 justifiant la non-intégration du réseau Diwan dans le service public. La juridiction estimait que : « cet enseignement se caractérise par l’utilisation principale de la langue régionale, non exclusive du français, comme langue d’enseignement, la pratique de la langue régionale dans la vie quotidienne des établissements étant par ailleurs encouragée » et, « à l’école maternelle, phase la plus intensive d’acquisition de la langue régionale, l’ensemble des activités scolaires et leur accompagnement s’effectuent dans cette langue ». Il ne s’agit donc pas là de parité, et l’article 1er ne propose pas un tel modèle. Il est plus modeste et beaucoup plus pragmatique : il s’appuie sur la conviction du législateur qu’il appartient à l’éducation nationale de déterminer quelle est la part respective de chaque langue à enseigner selon les âges pour parvenir à la fois au bilinguisme et à la parfaite maîtrise du français et de tous les éléments du socle, sans recourir à des arguments théoriques arbitraires comme la parité horaire.

C’est donc à dessein que le texte demeure vague, car le législateur se contente de fixer l’objectif – le bilinguisme, en l’occurrence – et c’est aux pédagogues qu’il appartient de définir les méthodes permettant d’y parvenir. Il va de soi que ces méthodes varieront selon les langues : l’apprentissage des langues romanes, proches du français, est plus aisé que celui du basque, une langue agglutinante dont la structure morphologique et lexicale, plus ardue, requiert une pédagogie différente.

J’ajoute que le Conseil d’État ne s’est pas appuyé sur l’article 2 de la Constitution. Arguant du caractère trop immersif des méthodes du type de celles pratiquées par les établissements Diwan, il a simplement estimé que le ministre dépassait son pouvoir d’appréciation et renvoyé la question au législateur – d’où la présente proposition de loi. Il a convenu de « l’incompétence du ministre de l’éducation nationale pour instituer et organiser, au sein d’établissements publics d’enseignement, un enseignement par immersion en langues régionales dans des conditions qui méconnaissent l’article 1er de la loi du 4 août 1994 », c’est-à-dire la loi Toubon qui précise que la langue d’enseignement est le français.

Dès lors, je suis presque surpris que l’on m’oppose l’argument d’une éventuelle inconstitutionnalité, car le texte proposé a été rédigé en tenant pleinement compte des jurisprudences et trouve un équilibre satisfaisant. Il ne remet certainement pas en cause le principe que la langue de l’enseignement est le français. Il ne concerne que le cas, très particulier et totalement facultatif, des filières d’apprentissage des langues régionales selon la méthode bilingue, déjà reconnue par la loi Peillon, en clarifiant leur modalité d’organisation. Bien entendu, il ne remet en aucun cas en cause les grands principes identifiés par le Conseil constitutionnel, selon lesquels on ne peut obliger ni les enfants, ni les parents, ni les fonctionnaires à parler une langue régionale. L’article 1er est donc d’une grande souplesse, il privilégie la dimension pédagogique et – que les choses soient claires – il ne saurait nuire à la maîtrise du français et du socle commun.

Je conviens que les articles 2 et 3 sont plus audacieux, puisqu’ils visent à donner un statut protecteur aux écoles associatives laïques. Je précise d’emblée à M. Le Fur, qui m’a interrogé sur l’enseignement catholique, que je ne saurais proposer une extension de la mesure au point de priver d’effets la loi Falloux. Je propose simplement de créer un statut spécial pour les écoles associatives de langue régionale, qui sont laïques, ouvertes à tous et qui respectent les programmes. Au début des années 1980, il leur a été proposé un statut relevant de la loi Debré de 1959 – alors même qu’elles souhaitaient rejoindre le secteur public – et la circulaire dite Savary de 1982 fut la première à permettre l’enseignement bilingue. Elles l’ont accepté comme statut de repli, mais une chose demeure certaine : ce ne sont pas des écoles confessionnelles.

L’article 4, madame Buffet, donne aux régions la faculté de décider en matière de signalétique bilingue. La rédaction actuelle de l’article leur donne en effet la faculté d’imposer cette traduction aux services publics. Mais un simple changement de verbe pourrait alléger cette contrainte… Même la simple mention de la possibilité d’une « demande » de la part des régions, laissant le pouvoir au service public concerné de statuer sur l’apposition des traductions, ne serait pas inutile. À monsieur de Rugy, qui demande s’il est nécessaire de passer par la loi, je répondrai que même une loi qui se contenterait de reprendre l’existant, car aujourd’hui beaucoup de collectivités n’hésitent pas à se concerter avec les services publics pour déployer cette signalétique bilingue, ne serait pas inutile. Autrement, il se trouvera toujours quelqu’un pour déposer un recours auprès du tribunal administratif pour une raison ou une autre, comme on l’a vu récemment à Villeneuve-lès-Maguelone, dans l’Hérault, dont l’un des résidents a déposé un recours contre la juxtaposition de deux panneaux, en français et en langue régionale, à l’entrée de la commune. Il s’est trouvé un juge administratif pour lui donner raison, et il a fallu que la cour d’appel de Marseille annule le jugement. Face à la frilosité, voire l’opposition, de certains, ne pas clarifier les choses dans la loi reviendrait à ne pas sécuriser les collectivités, qui craindraient d’éventuels recours. Je propose, au contraire, de les soulager définitivement de cette inquiétude.

Les temps respectifs d’enseignement en français et en langue régionale, M. Allossery, dépendront comme je l’ai dit de l’éducation nationale. Quant au cas du flamand occidental, il relève du domaine réglementaire : il appartient au Gouvernement de choisir les langues éligibles à un enseignement bilingue. Je sais à cet égard combien tarde la reconnaissance du franco-provençal et du flamand occidental.

S’agissant enfin de la signalétique des gares, il m’apparaît légitime que les régions, qui contribuent au financement de la rénovation des gares régionales, puissent obtenir un affichage bilingue. Ainsi, par exemple, suite à la demande de la région Bretagne et de l’Association des régions de France, un affichage bilingue a été installé dans toutes les gares bretonnes. Toutefois, dans cette région, les contestations ont plutôt porté sur la taille des traductions, le breton étant apposé, à l’identique des langues étrangères, dans des caractères beaucoup moins visibles que le français.

II. EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER
ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES

Article 1er
(art. L. 312-10 du code de l’éducation nationale)

Clarification de la reconnaissance législative de l’enseignement bilingue immersif français-langue régionale

Le présent article a pour objet de clarifier les dispositions actuelles du code de l’éducation en précisant que l’enseignement bilingue en langue régionale et en français, qui peut aujourd’hui être proposé tout au long de la scolarité dans l’enseignement public comme dans l’enseignement privé, peut être dispensé selon la méthode dite immersive, une méthode pédagogique permettant, à certaines étapes de la scolarité, d’enseigner dans la langue régionale au-delà de la stricte parité horaire. Il offrirait ainsi une reconnaissance législative expresse à une forme d’enseignement particulièrement efficace tant pour l’apprentissage des langues régionales que pour la maîtrise des compétences scolaires en français.

1. Une lente et timide acceptation de l’enseignement des langues régionales dans l’école de la République

Comme il a été vu dans l’exposé général, l’école de la République n’a admis que tardivement et timidement, à côté du monopole inflexible du français, l’introduction de l’apprentissage des langues régionales, contribuant de manière décisive à leur raréfaction.

Il a ainsi fallu attendre la loi Deixonne du 11 janvier 1951, désormais codifiée à l’article L. 312-11 du code de l’éducation, pour que les maîtres de l’enseignement primaire soient autorisés à « recourir » aux « parlers locaux », désormais dénommés « langues régionales », à la condition « qu’ils en tirent profit pour leurs enseignements ». Elle a en parallèle introduit la possibilité de dispenser deux heures d’« activités dirigées », dans des langues d’abord limitées au basque, au breton, au catalan et à l’occitan avant que les décrets n° 74-33 du 16 janvier 1974, n° 81-553 du 12 mai 1981 et n° 92-1162 du 20 octobre 1992 n’y ajoutent respectivement le corse, le tahitien et les langues mélanésiennes. C’est ensuite loi Haby n° 75-620 du 11 juillet 1975 relative à l’éducation qui a introduit, dans un texte désormais codifié à l’article L. 312-10 du code de l’éducation, la possibilité de dispenser un enseignement de langue et de culture régionale « tout au long de la scolarité » avant que, trente ans plus tard, la loi Fillon du 25 avril 2005 sur l’avenir de l’école n’ose compléter cet article afin de mieux mobiliser les acteurs de terrain en précisant que les modalités de l’enseignement des langues régionales sont « définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ».

Ce lent mouvement a en effet été concurrencé par la vigoureuse promotion de la langue française, qui, dans le contexte détourné de la lutte contre la place de l’anglo-américain dans la vie économique et culturelle, a donné des armes et une ardeur nouvelles aux traditionnels opposants à la résurgence des langues de France.

La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a ainsi complété l’article 2 de la Constitution en affirmant que « la langue de la République est le français » tandis que la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’emploi de la loi française faisait, dans ce qui est devenu l’article L. 121-3 du code de l’éducation, de « la maîtrise de la langue française » l’un des « objectifs fondamentaux » de l’enseignement.

2. L’affirmation progressive des enseignements « des » et « en » langues régionales

Pour autant, la loi Toubon a expressément autorisé, dans l’article précité, des exceptions au principe d’usage exclusif du français pour l’enseignement, les examens et concours ainsi que les thèses et les mémoires, dans les établissements publics comme privés, lorsqu’elles sont strictement « justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères ».

Sur ce fondement, la circulaire du 7 avril 1995 a mis en place, sur la base du volontariat, à la fois des enseignements d’initiation, d’une à trois heures par semaine, et des enseignements bilingues à parité horaire.

Allant plus loin, l’arrêté du ministre de l’Éducation nationale du 31 juillet 2001 a encouragé la mise en place, par le recteur d’académie après consultation d’un conseil académique des langues régionales institué à cette occasion, d’un enseignement bilingue public dans les « zones d’influence des langues régionales ». Cet enseignement pouvait être proposé dans des écoles, les collèges et les lycées « langues régionales » ou dans des sections langues régionales implantées dans les établissements. Il avait vocation à être dispensé soit à « parité horaire », soit par la méthode dite « de l’immersion » qui se caractérise par l’utilisation principale de la langue régionale, non exclusive du français, comme langue d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement, et dans laquelle l’enseignement des disciplines dans la langue régionale représente plus de la moitié des horaires d’enseignement.

Toutefois, cet arrêté a été suspendu puis annulé par les arrêts SNES du Conseil d’État, statuant en référé le 30 octobre 2001 puis au fond le 29 novembre 2002, au motif que ces prescriptions, en ne permettant pas, dans les cas de parité horaire, d’assurer qu’une partie au moins des enseignements de ces disciplines soit dispensée en français voire, dans les cas d’immersion, en faisant de la langue régionale la langue principale d’enseignement et de communication dans ces établissements, « ouvrent des possibilités qui vont au-delà des nécessités de l’apprentissage d’une langue régionale et excèdent ainsi les possibilités de dérogation à l’obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement prévue par les dispositions des articles L. 121-3 et L. 312-11 précités du code de l’éducation ».

Dans un même esprit, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 relative à la loi de finances initiale pour 2002, a indiqué que « l’usage d’une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l’enseignement public ni dans la vie de l’établissement, ni dans l’enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée », estimant que la loi ne « saurait avoir pour effet de décider du principe » de l’intégration dans l’enseignement public d’établissements pratiquant la méthode immersive sans confrontation préalable par les juges aux dispositions de l’article 2 de la Constitution « et aux dispositions législatives en vigueur » relative à la place du français dans l’enseignement.

Pour tirer les conséquences de ces jurisprudences, l’arrêté du 12 mai 2003 s’est contenté de prévoir la possibilité de mettre en place des enseignements à parité horaire en langue régionale dans les établissements ou les sections d’établissements publics, dès lors qu’« aucune discipline ou aucun domaine disciplinaire, autre que la langue régionale, ne peut être enseigné exclusivement en langue régionale ».

En parallèle, la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (voir par exemple sa décision n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Statut de la Corse) relève que le principe d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français ainsi que les dispositions de l’article 2 de la Constitution sur la langue de la République font obstacle à ce que l’enseignement des langues régionales puisse revêtir un quelconque caractère obligatoire ou puisse constituer un droit pour les citoyens.

Acceptant cette logique, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 s’est ainsi contentée de la reconnaissance des langues régionales comme éléments « du patrimoine de la République », sans que, pour le Conseil constitutionnel, comme il l’a indiqué dans sa décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011, « cet article n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».

3. La reconnaissance de la faculté de proposer un enseignement bilingue doit utilement être clarifiée par la mention explicite de l’enseignement bilingue dit « immersif »

La loi Peillon du 8 juillet 2013 a opéré, dans ce contexte complexe, une salutaire clarification du statut de l’enseignement des langues régionales en France.

Elle a d’abord disposé que les enseignements de langue et culture régionales doivent être « favorisés prioritairement » dans les régions concernées et faire l’objet d’une information en direction des familles, condition sine qua non de la survie puis du déploiement d’une offre apte à enrayer un déclin inquiétant et à satisfaire une demande de plus en plus manifeste de la part des familles.

Elle a ensuite explicitement décrit, à l’article L. 312-10 précité, les deux formes selon lesquelles ces enseignements peuvent être dispensés : soit sous la forme d’un enseignement de la langue ou de la culture régionale, soit sous celle d’un enseignement « bilingue ».

Surtout, pour encourager l’accès à ces apprentissages sans pour autant pouvoir emprunter la voie fermée par la jurisprudence constitutionnelle de l’instauration d’un « droit », l’annexe de la loi prévoit que les élèves résidant dans une commune dont les écoles ne proposent pas un enseignement des langues régionales « auront la possibilité d’être inscrits dans une école d’une autre commune dispensant cet enseignement, sous réserve de l’existence de places disponibles ». En cohérence avec ces ambitions, l’article 101 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a résolu l’une des difficultés pratiques les plus fréquemment rencontrées dans l’application de cette possibilité d’inscription dans une école dispensant un enseignement de langue régionale hors de sa commune de résidence en prévoyant, dans l’article L. 212-8 du code de l’éducation, que le maire de cette dernière ne peut pas s’opposer à cette inscription, même lorsque les écoles de sa commune disposent de places libres, et en définissant clairement les modalités de compensation financière entre les communes des frais de scolarisation de ces enfants.

Ces dispositions forment un ensemble cohérent et efficace, qui constitue un terreau favorable au développement d’enseignements ambitieux en langue régional. Elles ne suffisent pas pour autant, comme il a été vu, à remédier immédiatement au déficit d’offre et à l’inégalité des implantations sur les territoires, qui exigent un investissement, essentiellement budgétaire, qui ressort de la responsabilité du Gouvernement.

Elles comportent toutefois une ambiguïté en limitant le temps d’enseignement bilingue public à la stricte parité horaire. Cela se fonde sur une décision de 2002 du Conseil d’État relative à l’enseignement bilingue dit immersif qui, en recourant aux langues régionales pendant plus de la moitié des heures d’enseignement ainsi que dans les moments de la vie scolaire, excédait selon lui « les possibilités de dérogation à l’obligation d’utiliser le français comme langue d’enseignement » prévues par les dispositions législatives d’alors du code de l’éducation.

Or, comme il a été vu dans l’exposé général, cet enseignement, dispensé dans sa majorité par des établissements privés sous contrat d’association voire, avec des modalités différentes, même par des établissements publics d’enseignement de manière expérimentale, comme cela est le cas dans le département des Pyrénées-Atlantiques depuis la mise en place en 2008 par l’Éducation nationale d’un protocole d’expérimentation pédagogique à cet effet, se révèle particulièrement efficace et plébiscité par les familles.

Le rapporteur estime toutefois que le législateur a choisi en 2013 d’introduire dans le code de l’éducation la faculté de dispenser un enseignement bilingue sans autre précision, ne reprenant pas en particulier le concept de « parité horaire » utilisé par le juge administratif. En reconnaissant de manière générale cet enseignement sans se prononcer sur ses modalités pratiques, dès lors qu’elles permettent de satisfaire aux objectifs, notamment de maîtrise du français, fixés par les autres articles du code pour l’ensemble des élèves scolarisés, il semble avoir manifesté son indifférence sur le contenu concret des méthodes déployées, bien entendu là encore dès lors qu’elles assurent le respect des autres dispositions du code de l’éducation.

Le présent article propose néanmoins de lever toute ambiguïté juridique en disposant clairement que l’enseignement bilingue prévu aux 2° de l’article L. 312-10 peut être dispensé quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues. Pour autant, cette insertion ne dispenserait en rien les établissements concernés, qui ne continueraient bien sûr à ne proposer cet apprentissage qu’à titre facultatif et sur le fondement du volontariat, de garantir à leurs élèves le respect des objectifs de la scolarité obligatoire, au premier rang desquels figure la maîtrise de la langue française telle notamment qu’elle est sanctionnée par l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

*

M. le rapporteur. Je veux rappeler ici, une nouvelle fois, que le bilinguisme n’est pas l’antagoniste du français, bien au contraire. Dans les écoles associatives comme celles du réseau Diwan, où l’immersion est très prononcée, les résultats obtenus aux tests du COREP en classe de CM2 et au brevet des collèges sont ainsi par exemple supérieurs de 10 % à la moyenne nationale, alors même que leur composition sociologique, mesurée notamment via le nombre de boursiers, se situe dans la moyenne nationale. L’objet de l’article 1er n’est d’ailleurs pas d’imposer cette méthode particulière mais plus modestement de donner au terrain les facultés d’adaptation qui apparaîtraient nécessaires à la maîtrise réelle des deux langues. Je pense que ces excellents résultats scolaires dissiperont toutes vos préventions.

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2
(art. L. 151-4-1 [nouveau] du code de l’éducation nationale)

Exception aux principes d’interdiction et de plafonnement des subventions d’investissement délivrées par les communes au bénéfice des établissements privés d’enseignement bilingue laïc, gratuit, ouvert à tous
et respectant les programmes

Le présent article a pour objet de permettre aux communes et à leur groupement de participer au financement des dépenses d’investissements ou d’attribuer des locaux aux établissements d’enseignement privés, par exception à l’interdiction de principe de l’attribution de telles subventions aux écoles privés résultant de la loi Goblet de 1886 ou au plafonnement de ces subventions au dixième des dépenses annuelles d’investissement des collèges et des lycées technologiques et généraux fixé par la loi Falloux du 15 mars 1850.

Ces exceptions seraient limitées aux seuls établissements dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale, laïc, ouvert à tous, gratuit et respectant les programmes nationaux.

La délivrance de ces subventions ou de ces locaux devrait se faire dans le respect du principe d’égalité tant à l’égard des établissements d’enseignement privé placés dans une situation identique que des établissements d’enseignement public, notamment au regard des obligations particulières qu’assument ces derniers.

1. L’interdiction de principe induite de la loi Goblet et le plafonnement par la loi Falloux de l’attribution par les collectivités territoriales de subventions d’investissement et de locaux aux écoles, collèges et lycées privés

La loi du 30 octobre 1886 sur l’organisation de l’enseignement primaire, dite loi Goblet, codifiée à l’article L. 151–3 du code de l’éducation, en disposant que « les établissements privés sont fondés et entretenus par des particuliers ou par des associations », a été constamment interprétée comme interdisant par principe aux collectivités territoriales d’attribuer une quelconque aide à l’investissement aux écoles primaires privées (voir par exemple les avis du Conseil d’État du 19 juillet 1888, et du 20 avril 1950 ou, plus récemment, l’arrêt du 19 mars 1986, département de Loire Atlantique).

En se contentant de rendre explicitement obligatoire pour la commune l’entretien des écoles primaires sous contrat d’association situées sur son territoire, la loi Debré n° 53-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés a confirmé que cet entretien ne saurait s’étendre aux dépenses d’investissement pour l’acquisition des terrains et la construction des établissements scolaires. Doivent ainsi être considérées comme des dépenses d’investissement ne pouvant faire l’objet de subventions :

– les dépenses ayant trait aux grosses réparations des immeubles (arrêt du Conseil d’État du 25 octobre 1980, syndicat de l’enseignement chrétien CFDT) ;

– les dépenses qui concernent les constructions annexes aux établissements telles que les gymnases (arrêt du Conseil d’État du 14 avril 1999, Sussot) ;

– les dépenses qui présentent la nature d’aide financière à la dépense d’investissement, en particulier les prêts qui, en raison des avantages procurés à l’organisme emprunteur, doivent être assimilés à une subvention (arrêt du Conseil d’État du 18 novembre 1992, comité de liaison d’Antibes des fédérations de parents d’élèves des écoles publiques).

Le code de l’éducation n’admet que deux exceptions, rigoureusement délimitées, à ce principe général d’interdiction.

L’article L. 442–16 prévoit la possibilité pour les établissements sous contrat de recevoir de la part de l’État, dans la limite des crédits inscrits à cet effet par la loi de finances, soit des matériels informatiques pédagogiques nécessaires à l’application des programmes d’enseignement, soit une subvention permettant l’acquisition de ces matériels. Les collectivités territoriales peuvent concourir à l’acquisition des matériels informatiques complémentaires sans que ce concours ne puisse excéder celui qu’elles apportent aux établissements d’enseignement public.

L’article L. 442–17 du code de l’éducation étend aux communes la possibilité de garantir des emprunts émis par des groupements ou associations à caractère local pour la construction, l’acquisition et l’aménagement des locaux, selon des modalités ensuite précisées par la circulaire n° 86–213 du 21 juillet 1987.

S’agissant des établissements d’enseignement secondaire privés, la loi Falloux du 15 mars 1850, codifiée à l’article L. 151-4 du code de l’éducation, dispose que « les établissements d’enseignement général du second degré privés peuvent obtenir des communes, des départements, des régions ou de l’État des locaux et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l’établissement. Le conseil académique de l’éducation nationale donne son avis préalable sur l’opportunité de ces subventions ».

La rédaction de cette disposition, qui ne se limite pas aux investissements, a été interprétée jusqu’à la fin des années 1980 comme intégrant les dépenses de fonctionnement mis à la charge de l’État puis des collectivités par la loi Debré précitée du 31 décembre 1959. En pratique, l’ampleur des subventions d’entretien induites par la nouvelle loi n’a laissé aucune marge sous le plafond des 10 % pour verser des subventions d’investissement aux collèges et lycées sous contrat, la loi Falloux n’étant dès lors appliquée que pour les établissements privés hors contrat.

Le Conseil d’État a toutefois admis, à partir de son arrêt du 6 avril 1990, Département d’Ille-et-Vilaine, que l’article L. 151-4 du code de l’éducation devait désormais s’interpréter comme concernant les seules subventions d’investissement accordées par les collectivités territoriales, en conséquence plafonnées à 10 % d’une base de calcul des dépenses annuels réduites par le juge administratif, dans l’arrêt précité, aux seules dépenses autres que les catégories de dépenses couvertes par des fonds publics versés au titre du contrat d’association.

Ce même arrêt a en outre précisé que les collectivités territoriales ne pouvaient mettre un local à la disposition des activités d’un établissement d’enseignement secondaire privé que s’il s’agit d’un local préexistant, excluant l’hypothèse de toute construction nouvelle.

Il importe de préciser que ces dispositions ne s’appliquent pas à l’enseignement secondaire privé professionnel.

2. Des limites constitutionnelles importantes identifiées par le Conseil constitutionnel

La modification des règles fixées par ces deux dispositions est très étroitement encadrée par l’articulation complexe des dispositions et des principes à valeur constitutionnelle que forment « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés [comme] devoir de l’État » (treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946), la liberté de l’enseignement (au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République réaffirmés par le préambule de la Constitution de 1946), la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution) et, surtout, le principe d’égalité des citoyens devant la loi (article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen), mis notamment en évidence par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a ainsi estimé que, si le législateur « peut prévoir l’octroi d’une aide des collectivités publiques aux établissements d’enseignement privés », celle-ci doit :

– être proportionnée à « la nature et l’importance de leur contribution à l’accomplissement des missions d’enseignement » ;

– « obéir à des critères objectifs » prévenant des ruptures d’égalité dans la situation des citoyens à l’égard du service public de l’éducation et empêchant que les conditions essentielles d’exercice de la liberté d’enseignement ne soient pas les mêmes sur tout le territoire ;

– fournir toutes les garanties nécessaires au respect du principe d’égalité, « entre les établissements d’enseignement privés sous contrat se trouvant dans des situations comparables » mais aussi à l’égard de l’enseignement public, en particulier « pour éviter que des établissements d’enseignement privés puissent se trouver placés dans une situation plus favorable que celle des établissements d’enseignement public, compte tenu des charges et des obligations de ces derniers ».

3. L’introduction d’une exception au plafonnement des subventions au seul bénéfice des établissements bilingues, motivée par l’objectif de protection des langues régionales dont l’importance est désormais reconnue par la Constitution

La décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994 du Conseil constitutionnel n’exclut pas la possibilité de modifier les dispositions précitées des lois Goblet et Falloux. Il apparaît en effet que la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur accorde aux collectivités territoriales la faculté de délivrer des subventions d’investissement aux établissements d’enseignement privées, à la condition que cette faculté soit encadrée, qu’elle n’introduise des traitements différents que s’ils sont motivés par des objectifs d’intérêt général, et qu’elle n’aboutisse pas à placer des établissements aux missions identiques et les établissements publics dans une situation moins favorable que celles des bénéficiaires des subventions.

Le rapporteur estime que la mention des langues régionales dans l’article 75-1 de la Constitution crée une situation nouvelle, qui peut être légitimement interprétée comme donnant à la préservation de celles-ci le caractère d’un objectif de valeur constitutionnelle.

Dans ce contexte, il lui apparaît que la délivrance d’un enseignement bilingue, qui est l’une des conditions fondamentales de la survie des langues régionales, est un objectif d’intérêt général, de surcroît mentionné dans la Constitution, qui peut servir de fondement à la mise en œuvre d’un traitement différencié des établissements qui le dispensent. L’alinéa 4 du présent article propose ainsi que ces derniers se voient reconnaître la possibilité de bénéficier de locaux ou de subventions d’investissement de la part des collectivités territoriales, sans plafonnement.

Pour autant, une telle exception n’est acceptable que si les bénéficiaires assument l’ensemble des missions assignées au service public de l’éducation, c’est-à-dire le suivi des programmes, la gratuité et l’ouverture à tous (alinéas 6, 7 et 8). En outre, il est proposé que cette faculté ne soit ouverte qu’aux établissements délivrant un enseignement laïc (alinéa 3).

Le montant de la subvention ou du don en nature devrait être proportionné à « la nature et l’importance de la contribution des établissements à l’accomplissement des missions d’enseignement », appréciée notamment en fonction de l’intensité des engagements pris par l’établissement. Dans cet esprit, les établissements sous contrat d’association seraient naturellement mieux traités que les établissements sous contrat simple.

Enfin, pour respecter le principe d’égalité :

– les autres établissements d’enseignement qui assumeraient les mêmes missions devraient bénéficier de l’attribution de subvention d’investissement et de locaux dans les mêmes proportions que celle accordée au premier bénéficiaire (alinéa 9) ;

– ces attributions ne pourraient aboutir à ce que les établissements bénéficiaires se trouvent dans une situation plus favorable que les établissements d’enseignement publics, compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers. Cela imposerait notamment à la collectivité donataire de veiller à ce que le montant de ses éventuelles subventions rapportées au nombre d’élèves ne soit pas supérieur aux charges qu’elle assume au titre de ses compétences d’investissement et d’entretien à l’égard des établissements d’enseignement public (alinéa 11).

Le présent article confie cette faculté aux communes et à leur groupement, au bénéfice de tout établissement d’enseignement privé, de premier comme de second degré, qu’il soit ou non situé sur leur territoire, tandis que le suivant le fait pour les départements et les régions, au seul profit cependant des collèges et des lycées.

*

La Commission discute de l’amendement AC5 de suppression de M. Yves Durand.

M. le rapporteur. Je suis évidemment défavorable à la suppression de l’article. Cet article vise à créer un statut spécial pour les écoles associatives laïques de langue régionale afin qu’elles puissent recevoir des financements provenant des communes, l’article 3 s’appliquant, quant à lui, aux collèges et aux lycées. Certains y verront une proposition audacieuse ; il s’agit, selon moi, de reconnaître ce type d’enseignement qui, depuis plus de trente ans, a fait la preuve de son efficacité.

M. Frédéric Reiss. L’adoption de cet amendement de suppression ferait tomber l’amendement suivant – et il en sera de même à l’article 3. Je regrette que l’on vide cette proposition de loi de sa substance en en rejetant ou supprimant ainsi les articles principaux.

M. Patrick Hetzel. Je m’étonne, à mon tour, de la proposition de M. Durand qui se disait favorable au texte alors qu’il le vide de sa substance. Nous étions prêts à discuter de plusieurs sujets sur le fond mais vous esquivez tout débat. « Circulez, il n’y a rien à voir ! », nous dit le groupe SRC.

M. Marc Le Fur. Dans la discussion générale, M. Durand se disait, en effet, intéressé par cette proposition de loi. Or la voici saccagée. Mieux vaudrait l’améliorer en présentant des amendements précis, car il convient, à l’évidence, d’en conserver l’économie générale.

M. Jean-Noël Carpentier. La position du groupe SRC m’attriste. L’examen de ce texte n’est pas arrivé à son terme et doit se poursuivre jusqu’à la discussion en séance au mois de janvier. Or, en rejetant l’article 1er et en supprimant les deux suivants, vous privez des millions de nos concitoyens d’un débat extrêmement important ; je le regrette. La représentation nationale doit débattre sur le fond. Vous auriez pu émettre des réserves sans pour autant supprimer l’article ; nous pourrions ainsi poursuivre la discussion dans l’hémicycle. Dans ces conditions, le groupe RRDP votera contre cet amendement de suppression.

M. François de Rugy. Respectons l’esprit du travail parlementaire. Au cours de la précédente législature, l’opposition souffrait beaucoup du traitement de ses propositions de loi, qui étaient balayées : tous les votes étaient renvoyés à un vote solennel le mardi après-midi.

M. Marc Le Fur. Après un débat !

M. François de Rugy. En effet : un débat surréaliste où l’opposition débattait avec elle-même en l’absence de la majorité, qui se contentait de voter à la manière d’un coup de balai le mardi. Cette pratique était très insatisfaisante et les choses ont heureusement changé depuis 2012.

Cette proposition de loi n’a que six articles. Il ne s’agit pas d’ériger un nouvel édifice mais simplement de favoriser le développement des langues régionales en faisant « sauter certains points de blocage », selon l’expression que l’on entend souvent dans d’autres domaines. Le rapporteur et le groupe écologiste sont tout à fait disposés à examiner des amendements susceptibles de lever les inquiétudes exprimées dans la discussion générale en encadrant ou en précisant davantage le dispositif. Au contraire, la suppression de ces articles constitue une autre manière de balayer la proposition de loi.

Quant à nous, nous souhaitons non seulement qu’elle poursuive son cheminement législatif mais aussi qu’elle aboutisse. Pour ce faire, nous sommes parfaitement prêts à trouver des compromis, mais refusons de choisir entre tout ou rien. En outre, le rejet de l’article 1er n’est pas conforme aux propos tenus dans la discussion générale – à moins qu’il ne se soit agi de postures. Il est malhonnête à l’égard de nos concitoyens de prétendre vouloir développer les langues régionales puis, quand vient le moment de passer à l’acte, de balayer le texte. Je suis rapporteur, dans une autre commission, d’une proposition de loi qui sera débattue en séance le même jour que celle-ci, et nous avons convenu que des amendements pourraient alors être examinés pour préciser le texte, quitte à en raboter l’ambition ; au moins a-t-elle été adoptée en attendant l’étape suivante du débat. J’invite nos collègues du groupe majoritaire à agir dans le même sens sur cette proposition de loi.

La Commission adopte l’amendement AC5.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement AC1 de M. Patrick Hetzel n’a plus d’objet.

Article 3
(art. L. 151-4-2 [nouveau] du code de l’éducation nationale)

Exception au principe de plafonnement des subventions d’investissement délivrées par les départements et les régions au bénéfice des établissements privés d’enseignement du second degré bilingue, laïc, gratuit, ouvert à tous
et respectant les programmes

Le présent article a pour objet de permettre aux départements et aux régions de participer au financement des dépenses d’investissement ou de mettre des locaux à la disposition des établissements d’enseignement général du second degré privés, par exception au plafonnement de ces subventions au dixième des dépenses annuelles d’investissement fixé par la loi Falloux du 15 mars 1850, exactement selon les mêmes modalités et sous les mêmes conditions que celles proposées par l’article 2 de la présente proposition de loi (voir supra).

Ces exceptions seraient ainsi limitées aux seuls établissements du secondaire dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale laïc, ouvert à tous, gratuit et respectant les schémas prévisionnels de formation des collèges et des lycées.

La délivrance de ces subventions ou l’attribution de ces locaux devrait se faire dans le respect du principe d’égalité tant à l’égard des établissements d’enseignement privés placés dans une situation identique que des établissements d’enseignement publics, notamment au regard des obligations particulières qu’assument ces derniers.

*

Contre l’avis du rapporteur, la Commission adopte l’amendement de suppression AC6 de M. Yves Durand.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement AC2 de M. Patrick Hetzel n’a plus d’objet.

TITRE II
SIGNALÉTIQUE EN LANGUES RÉGIONALES

Article 4
Traduction en langue régionale des inscriptions, signalétiques
et principaux supports de communication des services publics

Le présent article a pour objet de renforcer la place et l’usage des langues régionales dans la vie publique, en permettant aux régions de demander aux services publics, sur la partie de leur territoire où ces langues sont en usage, de compléter par une traduction en langues régionales les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, les voies publiques de circulation et les voies navigables, ainsi que sur les principaux supports de communication institutionnelle des services publics.

La législation française ouvre dès à présent de très larges possibilités juridiques pour intégrer les langues régionales dans la vie publique.

Si l’article 3 de la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, indique, sur le fondement de l’article 2 de la Constitution, que « toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique […] et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française », son article 21 précise dans le même temps que « les mesures garantissant l’emploi de la langue française s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage ». Le Conseil constitutionnel a lui-même précisé, dans sa décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, que la loi n’avait pas « pour objet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée ».

La traduction et l’usage d’autres langues sont ainsi possibles, dès lors que sont garanties l’inscription, la prononciation et la diffusion en français des informations dont il est indispensable qu’elles soient comprises sans ambiguïté par tous, soit pour des raisons d’intérêt général (par exemple pour des raisons de sécurité, et notamment pour la signalisation routière), soit parce qu’il s’agit de débattre et d’énoncer des normes de droit (par exemple pour toutes les délibérations d’organes délibérants des collectivités territoriales, comme l’illustre l’arrêt du Conseil d’État du 3 juin 2013, Madame C. et autres, qui a annulé deux « lois du pays » adoptées par l’assemblée de la Polynésie française au cours d’une séance où son premier vice-président et plusieurs orateurs s’étaient exprimés exclusivement en tahitien).

D’autre part, comme il a été vu dans l’exposé général, l’article 2 de la Constitution exclut que quiconque puisse se prévaloir d’un droit à user d’une langue autre que le français ou puisse se voir contraint à cet usage.

Dans ces espaces de liberté, de nombreuses initiatives locales se sont épanouies, sur un fondement volontaire et, s’agissant des services publics, souvent contractuels avec les collectivités locales, pour faire apparaître des traductions sur de nombreux éléments de signalétiques. C’est en particulier le cas pour les panneaux déployés par la SNCF dans le cadre des transports régionaux, conformément aux dispositions afférentes dans les conventions négociées avec les régions, pour certaines signalétiques dans les espaces de La Poste dans certaines régions, notamment en Alsace et en Bretagne, ainsi que pour de nombreux éléments de signalisation routière, la cour administrative d’appel de Marseille ayant par exemple jugé, dans un arrêt du 28 juin 2012, « qu’il résulte de la combinaison de l’ensemble de ces dispositions que l’utilisation de traductions de la langue française dans les différentes langues régionales n’est pas interdite pour les inscriptions apposées sur la voie publique et destinées à l’information du public, lorsqu’en même temps l’utilisation du français est suffisamment et correctement assurée ».

Pour autant, le caractère strictement facultatif et consensuel de ces aménagements ne permet pas un développement significatif et cohérent d’une traduction en langue régionale, qui, pour rencontrer une réelle efficacité, doit s’étendre à l’échelle de son bassin d’influence. Ils se heurtent encore trop souvent à une forte prudence voire à un immobilisme de la part des services publics, en particulier ceux en charge des transports publics, de l’emploi et des services sociaux, qu’il s’agisse des hôpitaux, des maisons de retraite et des services d’aides aux personnes âgées, précisément là où la pratique des langues régionales serait susceptible d’améliorer fortement la qualité de la relation avec les usagers.

C’est pourquoi le présent article propose d’étendre à l’échelle d’un territoire cohérent avec le bassin d’influence de la langue régionale la traduction des principaux éléments de signalisation et les grands supports de communication.

Si l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales a maintenu le partage des compétences en matière de langue régionale entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier, son article L. 4221-1, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dispose désormais que « le conseil régional a compétence pour […] assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes ».

Ce rôle central et particulier milite pour confier à la région la faculté de commander aux services publics la mise en place de traduction, sans que cette compétence nouvelle n’empêche pour autant les communes et les départements, dont les compétences sur cette question ont été préservées, de continuer de pouvoir demander cette inscription et de l’assurer sur les services publics locaux qui relèvent de leur tutelle.

L’affichage et la rédaction en langue régionale, conformément aux dispositions constitutionnelles, ne pourraient prendre la forme que de « traduction », le message devant avant tout être présenté dans la langue de la République.

Cette innovation participerait à l’objectif d’intérêt général qu’est la préservation des langues régionales, dont l’importance dans le patrimoine de la République est consacrée par l’article 75-1 de la Constitution.

Le dispositif proposé mentionne l’ensemble des services publics, de manière générale, intégrant à la fois les services publics nationaux et les services publics locaux, et s’imposant ainsi à toute personne morale pour la partie de ses activités relevant de missions de service public. Les traductions seraient assurées sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation et sur les voies navigables, ce qui couvre un champ extrêmement vaste de l’espace public. Sont particulièrement visés la signalisation routière, les éléments de signalétiques du réseau ferroviaire et fluvial ainsi que tous les services publics nationaux et de proximité. En outre, la région pourrait étendre cette traduction aux « principaux supports de communication », dont il conviendrait que le pouvoir réglementaire précise l’acceptation et l’étendue.

L’étendue du territoire ainsi que les services publics concernés, de même que les types de signalétiques, d’inscription et de support de communication, seraient dès lors utilement précisés par l’organe délibérant de la région.

Le rapporteur estime toutefois, pour d’évidentes raisons budgétaires, que ces traductions ne devraient être apposées qu’au rythme de la rénovation spontanée des bâtiments et des voies de communication, et la Commission a modifié le texte en conséquence. En tout état de cause, il remarque que l’efficacité du dispositif dépendra de manière décisive de la présence dans la région concernée d’offices de la ou des langues régionales en usage, qui seuls peuvent apporter l’assistance et l’expertise technique indispensable à la rédaction de traductions homogènes.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC3 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 prévoit la mise en place d’une signalétique bilingue « à la demande de la région » sur tout ou partie de son territoire, ce qui pourrait lui donner la possibilité de l’imposer à d’autres collectivités. Pour éviter cette difficulté, nous proposons de compléter le premier alinéa de l’article 3 de la loi de 1994 relative à l’emploi de la langue française par la phrase suivante : « Elle peut faire l’objet d’une traduction complémentaire en langue régionale ».

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je sais bien que les régions ne sauraient exercer leur tutelle sur d’autres collectivités. Cependant, elles sont chargées de la promotion des langues régionales et, à ce titre, il leur appartient de jouer un rôle particulier sans lequel cet objectif ne peut être atteint. D’ailleurs, en pratique, les choses se passent bien et les collectivités s’entendent sans difficulté, je ne vois pas en quoi ce nouveau dispositif viendrait bousculer des traditions solidement ancrées. Le présent article ne fait que donner à la région la possibilité d’organiser les choses en s’appuyant sur les moyens techniques et matériels des services compétents que sont les offices publics des langues alsacienne, basque, bretonne, corse et occitane. Il reconnaît qu’en pratique, ce sont elles qui s’emparent des langues régionales, même s’il arrive qu’elles délèguent certaines activités à des collectivités infrarégionales – je pense, par exemple, au groupement d’intérêt public constitué par le syndicat intercommunal de soutien à la culture basque, l’État, la région Aquitaine, le département des Pyrénées-Atlantiques et le conseil des élus du Pays basque.

En Bretagne, la gare de Landernau – dont le maire est un brittophone averti – est l’une des premières à s’être équipée d’une signalétique bilingue. Hélas ! l’orthographe utilisée ne correspond pas à celle qui est enseignée à l’école et, de ce fait, les élèves qui passent à la gare se moquent de la SNCF qui ne sait pas écrire le breton ! C’est pour éviter de tels désordres, même anecdotiques, que je propose de confier un tel rôle à la région.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Compte tenu du coût de fabrication et d’installation de nouveaux panneaux bilingues dans l’espace public, il faut profiter de l’occasion offerte par les travaux de rénovation pour installer une nouvelle signalétique. Cet amendement de bon sens permet de préciser que l’affichage bilingue n’est pas une mesure à effet immédiat mais doit se faire à l’occasion de ces rénovations.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

TITRE III
PROMOTION DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES
DANS LES MÉDIAS

Article 5
(art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Élargissement des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel
à l’attribution d’une place significative aux langues régionales
dans la communication audiovisuelle

Le présent article complète les attributions du Conseil supérieur de l’audiovisuel fixées à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, en le chargeant expressément, de manière profondément novatrice, de veiller à ce que l’ensemble des services de communication audiovisuelle « attribuent une place significative aux langues régionales ».

Sur ce fondement, le CSA pourrait intervenir, comme s’agissant de l’ensemble des autres missions qui lui sont assignées (indépendance et impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle, libre concurrence et établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, qualité et diversité des programmes, développement de la production et création audiovisuelles nationales, défense et illustration de la langue et de la culture françaises, etc.) pour mesurer la présence des langues régionales dans les programmes audiovisuels et intégrer à ses conventions avec les services des engagements spécifiques en la matière, évalués sur une base annuelle.

Il importe de préciser que la loi du 30 septembre 1986 précitée s’étend aux départements d’outre-mer, aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle Calédonie, en vertu de son article 108. Le présent article serait donc applicable aux services de communication audiovisuelle établis en outre-mer.

La Commission, sur proposition du rapporteur, a enfin étendu l’attribution de cette place significative aux « cultures » régionales.

*

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC4 de M. Patrick Hetzel et l’amendement AC8 du rapporteur.

M. Patrick Hetzel. L’amendement AC4 vise à élargir les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la promotion et au développement non seulement des langues, mais aussi des cultures régionales, les unes et les autres étant étroitement liées. Les textes en vigueur vont dans ce sens.

M. le rapporteur. Ajouter les cultures aux langues « adoucit » le texte. Ainsi, le baeckeoffe et le kouglof sont certes des termes alsaciens mais font surtout référence à la culture culinaire de votre belle région, Monsieur le député. Les chaînes de télévision font déjà très souvent la promotion des « cultures » régionales entendues au sens large. C’est pourquoi l’article 5, encore atténué par cette extension, n’aurait qu’une portée normative très modeste, mais qui me semble toutefois constituer un signal fort. Je préfère toutefois à votre rédaction l’amendement AC8, qui répond à la même préoccupation et a le mérite de conserver l’expression de « l’attribution d’une place significative ». La notion de « promotion », que vous proposez, me semble plus difficile à appréhender.

M. Patrick Hetzel. Votre argument selon lequel l’ajout, dans le texte, des cultures aux langues élargit le dispositif vaut tout autant pour notre amendement que pour le vôtre, qui prône le même objectif. Quant à la notion de « promotion et de développement des langues et des cultures » que nous proposons, elle vise à permettre au CSA de définir la méthode appropriée et n’entre nullement en contradiction avec celle de « place significative ».

M. le rapporteur. Le CSA n’est pas habilité à faire la promotion de tel ou tel domaine, qu’il s’agisse des langues régionales ou de l’égalité entre les femmes et les hommes. En revanche, il peut être chargé de lui donner une place significative dans la programmation des chaînes audiovisuelles.

La Commission rejette l’amendement AC4.

Puis elle adopte l’amendement AC8.

Elle adopte ensuite l’article 5 modifié.

Article 6
Compensation de charge supplémentaire

Le présent article prévoit que les charges qui pourraient résulter pour l’État et les collectivités territoriales de l’application de la présente loi seront compensées à due concurrence grâce à la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac. Sur proposition du rapporteur, la Commission a supprimé cet article.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AC9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de pure forme vise à supprimer l’article, qui prévoit un gage de charge inutile.

La Commission adopte l’amendement AC9.

En conséquence, l’article 6 est supprimé.

Enfin, la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public et audiovisuel

Proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public et audiovisuel

     
 

TITRE IER

TITRE IER

 

ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES

ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES

     

Code de l’éducation

Article 1er

Article 1er

Art. L. 312-10. – Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage.

 

Supprimé

     

Cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.

   
     

Le Conseil supérieur de l’éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées à l’article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l’étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage.

   
     

L’enseignement facultatif de langue et culture régionales est proposé dans l’une des deux formes suivantes :

   
     

1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ;

   
     

2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.

Le 2° de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par les mots : « , quelle que soit la durée d’enseignement dans ces deux langues. »

 
     

Les familles sont informées des différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales.

   
     
 

Article 2

Article 2

 

Après l’article L. 151-4 du même code, il est inséré un article L. 151-4-1 ainsi rédigé :

Supprimé

Amendement AC5

     
 

« Art. L. 151-4-1. – Les établissements d’enseignement général privés du premier degré peuvent obtenir des communes ou de leurs groupements, des locaux et une subvention d’investissement.

 
     
 

« Afin de pouvoir bénéficier de ces subventions et de ces locaux, dont la décision d’attribution correspond aux communes ou à leurs groupements, ces établissements :

 
     
 

« 1° Dispensent un enseignement à caractère laïc ;

 
     
 

« 2° Dispensent un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ;

 
     
 

« 3° Garantissent l’égal accès des élèves souhaitant suivre leur enseignement ;

 
     
 

« 4° Dispensent un enseignement gratuit ;

 
     
 

« 5° Et dispensent un enseignement qui respecte les programmes nationaux.

 
     
 

« Si une commune ou son groupement décide d’allouer une subvention à un établissement respectant les critères susmentionnés, il délivre une subvention à un autre établissement qui se trouve dans son domaine de compétence et qui respecte ces mêmes critères.

 
     
 

« La subvention d’investissement et les locaux sont alloués pour contribuer à l’accomplissement des missions d’enseignement des établissements. Le montant de la subvention est fixé en fonction de la nature et de l’importance de la contribution des établissements à l’accomplissement des missions d’enseignement.

 
     
 

« L’attribution d’une subvention ou de locaux ne doit pas aboutir à ce que les établissements d’enseignements privés bénéficiant de ces aides se trouvent dans une situation plus favorable que les établissements publics d’enseignement compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers. »

 
     
 

Article 3

Article 3

 

Après l’article L. 151-4 du même code, il est inséré un article L. 151-4-2 ainsi rédigé :

Supprimé

Amendement AC6

     
 

« Art. L. 151-4-2. – Les établissements d’enseignement général privés du second degré respectant les critères suivants peuvent obtenir des départements ou des régions, des locaux et une subvention d’investissement :

 
     
 

« 1° Dispensent un enseignement à caractère laïc ;

 
     
 

« 2° Dispensent un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ;

 
     
 

« 3° Garantissent l’égal accès des élèves souhaitant suivre leur enseignement ;

 
     
 

« 4° Dispensent un enseignement gratuit ;

 
     
 

« 5° Et dispensent un enseignement qui respecte les schémas prévisionnels de formation des collèges et des lycées.

 
     
 

« Si un département ou une région décide d’allouer une subvention à un établissement respectant les critères susmentionnés, il délivre une subvention à un autre établissement qui se trouve dans son domaine de compétence et qui respecte ces mêmes critères.

 
     
 

« La subvention d’investissement et les locaux sont alloués pour contribuer à l’accomplissement des missions d’enseignement des établissements. Le montant de la subvention est fixé en fonction de la nature et de l’importance de la contribution des établissements à l’accomplissement des missions d’enseignement.

 
     
 

« L’attribution d’une subvention ou de locaux ne doit pas aboutir à ce que les établissements d’enseignements privés bénéficiant de ces aides se trouvent dans une situation plus favorable que les établissements publics d’enseignement compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers. »

 
     
 

TITRE II

TITRE II

 

SIGNALÉTIQUE EN LANGUES RÉGIONALES

SIGNALÉTIQUE EN LANGUES RÉGIONALES

     
 

Article 4

Article 4

 

À la demande de la région, les services publics assurent sur tout ou partie de son territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle.

À la …

… institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement.

   

Amendement AC7

 

TITRE III

TITRE III

 

PROMOTION DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES DANS LES MÉDIAS

PROMOTION DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES DANS LES MÉDIAS

     

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Article 5

Article 5

Art. 3-1. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi.

   
     

Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes. Il veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services.

La première phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complétée par les mots : « et à l’attribution d’une place significative à l’expression des langues régionales ».

La …

… langues et cultures régionales ».

Amendement AC8

     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de communication audiovisuelle, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète la diversité de la société française et contribue notamment au rayonnement de la France d’outre-mer. Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l’effectivité de cette diversité dans tous les genres de programmes.

   
     

Il assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l’enfance et à la jeunesse.

   
     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population.

   
     

En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

   
     

Le conseil peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française.

   
     
 

Article 6

Article 6

 

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

Supprimé

Amendement AC9

     
 

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
     

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø M. Jean-Pierre Massias, constitutionnaliste, et M. Eneritz Zabaleta, étudiant en doctorat

Ø Groupe La Poste (*) – M. Jacques Savatier, directeur général adjoint en charge du développement territorial et des instances de gouvernance, et Mme Joëlle Bonnefon, déléguée aux relations parlementaires

Ø Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Olivier Noblecourt, directeur adjoint du cabinet de la Ministre, Mme Alexandrine Fadin, conseillère parlementaire au sein du cabinet de la Ministre, Mme Catherine Moreau, directrice des affaires juridiques, et Mme Sarah Devoucoux, chargée de mission à la direction générale de l’enseignement scolaire.

Ø Association des régions de France (ARF) – M. David Grosclaude, président de la commission Langues régionales

Ø M. Maël Le Guennec, responsable des émissions en langue bretonne de France 3

Ø Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF) (*) – M. Jean-Aimé Mougenot, directeur adjoint SNCF-régions et Intercités, Mme Sarah Bagland, collaboratrice du directeur adjoint, M. Fabrice Morenon, directeur des affaires publiques de gares & connexions, et Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

Ø Fédération pour les langues régionales dans l’enseignement public (FLAREP)  M. Thierry Delobel, président

Ø Audition commune :

‒ Office pour la langue et la culture d’Alsace (OLCA) – Mme Isabelle Schoepfer, directrice

‒ Office public de la langue bretonne (OPAB)  M. Fulup Jakez, directeur

Ø Collectif Eskolim – Réseau des écoles bilingues immersives Diwan –Mme Stéphanie Stoll, présidente, et Mme Anne Marie Chapalain, directrice

Ø Collectif Ai’ta – MM. Renan Kerbiquet et Yves-Marie Derbré-Salaün

Ø Cabinet de la ministre de la Culture et de la communication M. Nicolas Vignolles, conseiller parlementaire, et Mme Aude Accay-Bonnery, conseillère chargée de l’audiovisuel et du cinéma

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale