N° 3360
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2015.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique,
PAR Mme Michèle BONNETON,
Députée.
——
Voir les numéros :
Sénat : 656 (2014-2015), 68, 69 et T.A. 18 (2015-2016).
Assemblée nationale : 3164.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. LES EFFETS NOCIFS DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE AUTOUR DES PROGRAMMES DESTINÉS À LA JEUNESSE 9
A. LES EFFETS NOCIFS DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE SUR LA SANTÉ PHYSIQUE ET PSYCHIQUE DES ENFANTS 11
1. Le lien entre l’exposition aux écrans et l’aggravation de l’obésité 11
2. L’impact désastreux de la publicité télévisée sur le psychisme des enfants 17
B. LES EFFETS NÉGATIFS DE LA PUBLICITÉ TÉLÉVISÉE SUR LA SOCIÉTÉ ET L’ÉCONOMIE 20
1. L’aggravation des difficultés sociales 20
2. L’accentuation de la dépendance des jeunes aux marques des grandes entreprises au détriment des produits de qualité des petites et moyennes entreprises 21
II. L’INSUFFISANCE DES DISPOSITIFS ACTUELS D’ENCADREMENT DE LA PUBLICITÉ À DESTINATION DES ENFANTS 25
A. LES DIVERSES INITIATIVES PRISES POUR RÉGLEMENTER LA PUBLICITÉ À DESTINATION DES ENFANTS 25
B. LES PROPOSITIONS DES PARLEMENTAIRES, NOTAMMENT ÉCOLOGISTES 31
C. LES MODÈLES ÉTRANGERS 33
1. L’interdiction de toute publicité sur le service public de la télévision 34
2. L’interdiction de la publicité à destination des enfants 34
3. La réglementation de la publicité destinée aux enfants 34
III. UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ QUI TEND À PROTÉGER LES ENFANTS SANS MENACER LA SURVIE FINANCIÈRE DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION 37
A. L’EXEMPLARITÉ ET LA VALORISATION DES SPÉCIFICITÉS DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION 37
B. LES SOLUTIONS POUR LIMITER, VOIRE NEUTRALISER, L’IMPACT DE L’INTERDICTION ENVISAGÉE SUR LES FINANCES DE FRANCE TÉLÉVISIONS 41
C. LA PRÉSERVATION DE LA PRODUCTION FRANÇAISE DE FILMS D’ANIMATION 46
TRAVAUX DE LA COMMISSION 49
Chapitre Ier – Protection des enfants et des adolescents 67
Article 1er (art. 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Réglementation des émissions publicitaires destinées à la jeunesse 67
Chapitre II – Dispositions applicables au service public audiovisuel 71
Avant l’article 2 71
Article 2 (art. 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Interdiction des émissions publicitaires dans les programmes de France Télévisions destinés à la jeunesse 72
TITRE II (division et intitulé supprimés) 81
Article 3 (supprimé) (art. 302 bis KG du code général des impôts) : Hausse de la taxe sur la publicité 81
Article 4 (supprimé) (art. 575 et 575 A du code général des impôts) : Gage financier 82
L’interdiction de la publicité dans les programmes de la télévision publique destinés à la jeunesse est une revendication ancienne des parlementaires écologistes.
Toutefois, le vote de la proposition de loi au Sénat a montré qu’il s’agissait là d’une cause transpartisane.
La rapporteure rappelle d’ailleurs qu’en 2008, la précédente majorité, et notamment Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé et des Sports, avait eu des velléités d’interdire toute publicité pour des produits alimentaires à destination des enfants dans l’ensemble des programmes du service public de la télévision.
Au final, le choix a alors été fait d’interdire toute publicité sur les chaînes publiques entre 20 heures et 6 heures (1), et de protéger ainsi un public adulte… alors qu’il aurait été préférable, aux yeux de la rapporteure, de commencer par protéger les publics les plus fragiles, et notamment les enfants.
Comme l’a souligné la sénatrice Corinne Bouchoux, « la situation présente est paradoxale […] : France Télévisions ne peut diffuser de messages publicitaires en soirée, là où ils sont vus par les adultes et où ils sont les plus rémunérateurs, et en diffuse par contre en journée, là où ils sont vus notamment par les enfants et rapportent de moins en moins au groupe public » (2).
Le présent texte propose de remédier à cette situation en interdisant, à compter du 1er janvier 2018, la publicité commerciale pendant la diffusion des programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans, mais aussi quinze minutes avant et après leur diffusion, ainsi que sur les sites internet des chaînes publiques qui proposent ces mêmes programmes.
Les chaînes privées ne sont pas en reste puisque la présente proposition de loi suggère d’inscrire dans la loi le principe d’un contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur les mécanismes d’auto-régulation mis en place par les services de communication audiovisuelle publics et privés pour garantir le respect, par les messages publicitaires diffusés autour des programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque.
Dans le peu de temps qui lui a été imparti, la rapporteure est parvenue à mener près d’une vingtaine d’auditions dont il est ressorti que le dispositif proposé recueillait l’assentiment d’un grand nombre des personnes entendues.
Aussi bien des experts, comme M. Serge Tisseron, psychanalyste et spécialiste de l’image, que les représentants des associations familiales (Confédération syndicale des familles – CSF, Union nationale des associations familiales – UNAF), ceux des associations de parents d’élèves (Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public – PEEP, Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques – FCPE), ceux des associations de consommateurs (UFC – Que choisir ?) ou encore ceux d’associations particulièrement investies sur ce sujet, comme l’association « Résistance à l’agression publicitaire », ont salué une initiative intéressante, dont ils ont formé le vœu qu’elle constitue une étape vers une interdiction de toute publicité sur l’ensemble des programmes de la télévision publique.
La rapporteure estime pour sa part que, si elle peut paraître modeste de prime abord, la « sanctuarisation » des programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de 12 ans constitue un premier pas important et décisif vers une réforme plus ambitieuse encore.
À la suite de son rapport sur le financement de l’audiovisuel public (3), dont la préconisation n° 4.2 appelait à « interdire la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse », le sénateur André Gattolin a commandé un sondage sur l’accueil d’une telle mesure par les Français. Ce sondage a été réalisé par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) qui, les 25 et 26 septembre 2015, a interrogé un échantillon représentatif de 1 005 personnes âgées de 18 ans et plus.
71 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables à la mesure d’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes pour enfants diffusés par la télévision publique – étant précisé que les plus hostiles sont celles qui ont déclaré être des sympathisants du Front national.
L’une des seules objections faites à la rapporteure lors des auditions qu’elle a menées a été d’ordre financier, car, pour reprendre l’expression de Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), si « l’objectif est louable, la question est celle des moyens ».
La rapporteure propose dans son rapport un certain nombre de réponses à la question de la compensation financière des pertes de recettes susceptibles de résulter, pour France Télévisions, de l’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans.
Mais au-delà de ces solutions, la rapporteure estime que la question de la publicité commerciale diffusée autour des programmes pour enfants ne doit pas être envisagée seulement sous un angle comptable et financier.
Il s’agit des devoirs du service public de la télévision à l’égard d’une jeunesse dont il est aujourd’hui prouvé qu’elle pâtit physiquement et psychologiquement d’une surexposition aux messages publicitaires.
Il s’agit de redonner au service public de la télévision ses lettres de noblesse en exigeant de lui une exemplarité qui permette aux parents d’avoir confiance lorsque leurs enfants regardent les programmes des chaînes publiques.
Il s’agit de différencier les chaînes publiques des chaînes privées en mettant en valeur la spécificité des premières ainsi que la qualité et la valeur ajoutée de leurs programmes qui doivent offrir une véritable alternative à ceux des chaînes privées.
La rapporteure ne comprendrait pas que notre Assemblée n’adopte pas une proposition de loi visant à protéger la jeunesse dont il convient de rappeler qu’elle avait été érigée en 2012 en priorité du quinquennat du Président de la République, M. François Hollande. Ce dernier l’a réaffirmé, le 6 mai dernier, à l’occasion du troisième anniversaire de son élection.
Le Président de la République a d’ailleurs lui-même préconisé la réforme dont la rapporteure esquisse les contours pour compenser les pertes de recettes susceptibles de résulter, pour les chaînes publiques, de l’interdiction de la publicité commerciale autour de leurs programmes pour enfants.
En effet, le 2 octobre 2014, dans son discours de clôture du séminaire du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur « L’audiovisuel, enjeu économique », M. François Hollande a dit : « quant à la redevance elle-même, elle fait l’objet de beaucoup de questions. La seule détention du poste de télévision ne peut pas être exclue de cette réflexion puisque l’on peut regarder les chaînes du service public sur d’autres instruments que la télévision. Alors, je rassure : l’objectif n’est pas d’accroître les recettes – la loi de finances prévoit une augmentation de 3 euros. L’objectif, c’est un rendement constant et qu’il puisse y avoir une assiette plus large et plus juste. Je pense que cela fait partie de ce que doit être l’évolution du système » (4).
La rapporteure forme le vœu que le Gouvernement et la majorité feront en sorte que cette annonce ne reste pas lettre morte.
Comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée par le sénateur André Gattolin et les membres du groupe écologiste du Sénat, « la France fait partie des pays développés où les enfants et adolescents sont les plus exposés aux messages publicitaires ou commerciaux. Avec 8,3 millions de jeunes de 4 à 14 ans, la France est aujourd’hui le principal marché “enfants” pour les annonceurs publicitaires à la télévision, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne » (5).
D’après une étude publiée en septembre 2014 par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), le marché « enfants » représente 40 milliards d’euros en France (6).
Les enfants sont ciblés par les annonceurs à la fois en tant que :
– futurs consommateurs (qu’il s’agit de fidéliser le plus tôt possible de façon à ce que les messages publicitaires ancrés dans leur tête dès le plus jeune âge y restent le plus longtemps possible) ;
– consommateurs (pour les enfants qui ont de l’« argent de poche » – et ils sont nombreux quand on sait que, d’après une étude de l’institut de sondages IPSOS publiée en septembre 2014, la France se situe au 2e rang en Europe en termes de volume d’argent de poche donné aux enfants (7)) ;
– prescripteurs des achats de la famille, et notamment de leurs parents.
Comme Mme Chantal Jannet, membre de l’Union nationale des associations familiales et siégeant à ce titre au conseil d’administration de France Télévisions, l’a expliqué devant la sénatrice Corinne Bouchoux, « la publicité a pour but, dès 3 ans, de structurer l’enfant afin d’en faire un futur client des annonceurs » (8).
Une étude sur « Le pouvoir d’influence des 4-10 ans » publiée en décembre 2013 et menée par Lagardère publicité en octobre de la même année, auprès de 618 enfants âgés de 4 à 10 ans ayant déjà participé à l’étude « Junior’Connect » de l’institut de sondages IPSOS, a montré que :
– 76 % des demandes ou des achats faits par les enfants de cette tranche d’âge sont en lien avec une publicité ;
– la télévision est le média le plus influent sur les demandes d’achat des enfants : 82 % d’entre eux disent qu’il leur arrive régulièrement de demander ou d’acheter un produit « vu à la télé » ;
– les enfants sont très influents sur les achats réalisés par leurs parents, que ce soit sur des produits qui les concernent en premier lieu ou moins directement : leur niveau d’influence s’élève jusqu’à 87 % en moyenne sur huit catégories de produits étudiées : jeux/jouets, alimentation, mode, loisirs, beauté, nouvelles technologies (et notamment téléphonie mobile), santé et automobile. Dans le secteur le plus captif qu’est le jouet, les demandes d’achat des 4-10 ans sont acceptées par leurs parents dans 100 % des cas.
Les enfants sont devenus prescripteurs des achats de leurs parents (et pas seulement des produits qu’eux-mêmes consomment) : automobiles, voyages, etc. Ils sont même utilisés par les publicitaires pour faire la promotion de produits dont ils ne sont pas consommateurs. Si le législateur a proscrit en 2010 les publicités pour téléphones portables qui mettent en scène des enfants (9), il n’en demeure pas moins que 17 % des publicités diffusées en France incluent des enfants. On retrouve ainsi des enfants dans 50 % des publicités pour des lessives, dans 30 % des campagnes pour des produits alimentaires, dans 22 % de celles pour des produits d’entretien et dans 13 % de celles pour des véhicules automobiles (10).
L’étude a hiérarchisé les enfants sondés selon leur pouvoir d’influence et a isolé les 20 % les plus influents. Ceux-ci sont des « médiavores » : ils lisent plus que les autres enfants, passent plus de temps sur internet et regardent davantage la télévision, et notamment la chaîne Gulli (seule chaîne gratuite pour enfants).
L’étude a enfin montré que, parmi les différents médias consommés par les enfants, c’est la télévision qui a le plus d’influence sur leurs demandes d’achat.
Or tout cela n’est pas sans conséquence sur leur santé physique et psychique.
La rapporteure a pu constater tout au long des auditions qu’elle a menées que la publicité à destination des enfants diffusée avant, pendant et après les programmes « jeunesse » de la télévision avait un impact négatif non seulement sur la santé physique des enfants (avec un risque d’aggravation de l’obésité), mais aussi sur leur santé psychique, car il faut garder à l’esprit que, depuis 1946, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Lors de son audition, le docteur François-Marie Caron, pédiatre, représentant de l’Association pour la prise en charge et la prévention de l’obésité en pédiatrie (APOP), a expliqué que, si la publicité n’était pas en soi responsable de l’obésité, qui est une maladie multifactorielle d’origine essentiellement génétique, elle était en revanche impliquée dans la création d’un environnement « obésogène », dans la mesure où elle incite les enfants (qu’ils soient obèses ou pas) à adopter une alimentation peu saine et peu équilibrée (qualifiée en anglais de « junk food »).
Pour beaucoup d’enfants, l’essentiel de l’information nutritionnelle est délivré par la publicité. L’étude « Nutri-bébé » menée en 2013 par le Secteur français des aliments de l’enfance (SFAE) auprès de 1 188 enfants a révélé que 30 % des enfants de moins de 3 ans et 15 % des enfants de moins d’un an mangeaient devant des écrans.
L’exposition des enfants aux écrans – et donc à la publicité télévisée – s’est accentuée avec l’apparition de nouvelles chaînes dédiées à la jeunesse, comme France 4 sur le service public, et avec le développement d’habitudes de consommation télévisuelle nouvelles, notamment sur les tablettes (que 35 % des foyers français possédaient en 2014, contre 2 % en 2011).
Dans une étude réalisée en 2010 sur le marketing télévisé pour les produits alimentaires à destination des enfants, l’« UFC-Que Choisir ? » a montré que l’audience des 4-10 ans était organisée autour de trois « pics » correspondant aux créneaux 7 heures – 9 heures, 12 heures – 14 heures et 19 heures – 21 heures (aux moments dits de l’« access prime time » et du « prime time »).
Si, en matinée et en soirée, environ 35 % des enfants regardent la télévision, ce sont 60 % d’entre eux qui la regardent l’après-midi, notamment après la sortie de l’école, sans adulte à leur côté dans 33 % des cas. À cet égard, Mme Valérie Marty, présidente nationale de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP), a indiqué lors de son audition que, quels que soient les milieux sociaux, les parents ignorent largement ce que leurs enfants regardent à la télévision et sur les médias numériques et digitaux (internet, tablettes, smartphones, etc.). En revanche, les adultes, et plus précisément les parents, sont souvent à côté des enfants pendant la plage horaire 19 heures – 21 heures où le pic d’audience des 4-10 ans est le plus élevé (et où les programmes destinés à la jeunesse ne sont pas diffusés).
Une étude Médiamétrie a montré que 11 % de la durée d’écoute de la télévision des enfants âgés de 4 à 14 ans étaient consacrés à la publicité (11). Selon les représentants du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) entendus par La rapporteure, les enfants sont exposés à la publicité, en moyenne, 5 minutes par heure sur France 3 et 2 minutes par heure sur France 4.
Or le premier investisseur publicitaire à la télévision est le secteur alimentaire dont les investissements représentent, d’après la sénatrice Corinne Bouchoux, 17 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des chaînes de télévision (12). Ce secteur est suivi de près par celui de la grande distribution, des jeux et jouets, des loisirs, de l’automobile ainsi que de la banque et des assurances.
INVESTISSEMENTS BRUTS DES ANNONCEURS DANS LES MÉDIAS, PAR SECTEUR ÉCONOMIQUE, EN 2014
Secteur |
Montant des investissements en millions d’euros |
Évolution par rapport à 2013 |
Presse |
Radio |
Télévision |
Publicité extérieure (*) |
Cinéma |
Distribution |
4 089 |
+ 7,5 % |
21,9 % |
41,5 % |
22,5 % |
14 % |
0,1 % |
Automobile-transports |
2 582 |
- 0,6 % |
25,2 % |
22,5 % |
41,7 % |
9,3 % |
1,3 % |
Alimentation |
2 380 |
+ 8,8 % |
9,0 % |
4,7 % |
81,2 % |
4,8 % |
0,4 % |
Culture-Loisirs (dont jouets et jeux) |
2 177 |
+ 3,5 % |
30,0 % |
14,0 % |
28,1 % |
19,4 % |
8,5 % |
Hygiène-beauté |
2 066 |
+ 4,4 % |
20,0 % |
1,3 % |
73,2 % |
4,5 % |
0,9 % |
Établissements financiers et assurances |
1 691 |
+ 1,5 % |
22,0 % |
1,3 % |
73,2 % |
4,5 % |
0,9 % |
Télécommunications |
1 391 |
- 1,8 % |
14,4 % |
17,6 % |
56,4 % |
10,6 % |
1,0 % |
Mode-Accessoires |
1 342 |
+ 3,8 % |
59,4 % |
9,0 % |
20,5 % |
9,9 % |
1,2 % |
Information-Médias |
1 326 |
+ 1 % |
51,5 % |
19,5 % |
20,2 % |
7,3 % |
1,5 % |
Voyage-Tourisme |
1 290 |
+ 10 % |
23,0 % |
14,6 % |
45,8 % |
15,6 % |
1,0 % |
Services |
961 |
- 2,0 % |
36,7 % |
22,1 % |
30,0 % |
9,7 % |
1,5 % |
Boissons |
815 |
+ 6,5 % |
28,1 % |
14,3 % |
31,7 % |
22,3 % |
3,6 % |
Édition |
792 |
+ 0,9 % |
20,4 % |
15,2 % |
58,7 % |
4,2 % |
1,5 % |
Santé |
603 |
+ 1,8 % |
22,3 % |
11,2 % |
65,1 % |
1,2 % |
0,1 % |
Immobilier |
382 |
- 1,4 % |
55,8 % |
7,4 % |
17,5 % |
19,4 % |
0,0 % |
Ameublement-décoration |
371 |
+ 13,9 % |
33,9 % |
10,6 % |
34,3 % |
21,1 % |
0,1 % |
Entretien |
359 |
- 7,0 % |
2,6 % |
0,0 % |
95,6 % |
1,7 % |
0,0 % |
Appareils ménagers |
254 |
+ 5,0 % |
21,0 % |
6,5 % |
68,6 % |
3,9 % |
0,0 % |
Énergie |
248 |
+ 3,3 % |
27,8 % |
29,2 % |
39,2 % |
2,1 % |
1,7 % |
Enseignement-formation |
192 |
+ 5,0 % |
55,1 % |
19,2 % |
17,9 % |
7,5 % |
0,2 % |
Autres secteurs |
1 195 |
+ 7,3 % |
54,4 % |
13,6 % |
23,3 % |
7,2 % |
1,4 % |
Total |
26 508 |
+ 3,4 % |
27,5 % |
17,9 % |
43,0 % |
10,1 % |
1,5 % |
(*) La publicité extérieure s’entend de l’affichage, notamment grand format, sur le mobilier urbain ou dans les moyens de transport.
Source : Kantar Media.
D’après M. Jacques Muller, membre du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) et ancien sénateur du Haut-Rhin à l’initiative, en 2010, d’une proposition de loi relative à la protection des enfants et des adolescents face aux effets de la publicité télévisuelle, 40 % de la publicité diffusée pendant, juste avant ou juste après les programmes pour enfants fait la promotion de produits alimentaires.
Toutefois, l’étude menée en 2010 par l’« UFC-Que Choisir ? » sur le marketing télévisé pour les produits alimentaires à destination des enfants a montré que les messages publicitaires pour les aliments destinés aux enfants ne se concentrent pas nécessairement autour des programmes pour enfants : les publicitaires ont adapté leur stratégie de diffusion de ces messages aux trois « pics » d’audience mentionnés plus haut. Le niveau le plus élevé de diffusion de ces messages correspond au pic d’audience de 19 heures – 21 heures.
D’après Mme Marianne Siproudhis, directrice générale de France Télévisions Publicité, 82 % des investissements du secteur alimentaire sont réalisés dans la télévision. 70 % de ces investissements dans la télévision profitent à TF1 et M6, et 1,5 % à France Télévisions. Près de 50 % des investissements des annonceurs du secteur alimentaire « enfants » sont consacrés aux espaces publicitaires entourant les programmes destinés à la jeunesse.
L’étude précitée de l’« UFC-Que Choisir ? » a évalué à 80 % la part des produits trop gras ou trop sucrés parmi l’ensemble des produits alimentaires faisant l’objet d’une publicité à la télévision (confiseries, restauration rapide, céréales, boissons sucrées, etc.). Seuls 20 % de ces produits auraient un intérêt nutritionnel.
Comme l’ont souligné les représentants de l’Association pour la prise en charge et la prévention de l’obésité en pédiatrie (APOP), lors de leur audition au Sénat, il existe une corrélation entre le temps passé devant les écrans et l’obésité. Ce lien est d’autant plus fort que les enfants sont en retard scolaire et qu’ils n’ont pas de parents qui les accompagnent dans leur scolarité.
Un rapport publié en 2002 par l’agence britannique des normes alimentaires (« Food Standards Agency ») a en effet établi un lien direct entre le marketing alimentaire et les préférences alimentaires des enfants qui y sont exposés. Ce constat a été confirmé dans la version actualisée de ce rapport, commandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (13).
Aujourd’hui, en France, 14 % des enfants sont en surpoids, contre 3 % en 1960. L’étude publiée en septembre 2014 par l’INPES sur l’impact du marketing sur les préférences alimentaires des enfants a révélé que plus de 50 % des dépenses des 8-12 ans se portent sur l’achat de bonbons, chewing-gums et autres confiseries au chocolat (14).
Devant la rapporteure, comme devant la sénatrice Corinne Bouchoux, le psychanalyste Serge Tisseron a rappelé que les enfants avant 7 ou 8 ans ne sont pas sensibles au second degré et ne font pas la différence entre le personnage du dessin animé et ce même personnage qui est utilisé juste après le programme jeunesse pour vendre une barre chocolatée ou des céréales saturées en sucre et en gras.
Dans la contribution écrite qu’elle a adressée à la rapporteure, Mme Elisabeth Baton-Hervé, docteure en sciences de l’information et de la communication, auteure d’une thèse sur Les enfants téléspectateurs : émergences et évolutions des représentations de 1945 à nos jours, a expliqué que « la suppression de la publicité pendant la durée des programmes nationaux de télévision destinés aux moins de 12 ans, ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après la diffusion de ces programmes [lui] paraît être, à ce jour, la mesure la mieux à même de protéger les enfants de la force persuasive de la publicité », car « la compréhension par les enfants de la publicité et de sa nature commerciale et persuasive ne s’acquiert que progressivement pour devenir mature vers 10-12 ans », de sorte que, si les enfants ne sont pas capables de différencier le contenu publicitaire du programme, « la présence de messages persuasifs commerciaux au sein de leur programme s’apparente alors à de la manipulation ».
Il est vrai que, lors de leur audition, les représentants du syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA) ont indiqué qu’ils s’efforçaient de concevoir leurs scenarii pour changer les habitudes alimentaires des petits Français, en évitant par exemple de montrer des enfants en train de manger des pizzas devant la télévision, et, plus généralement, des scènes de consommation devant un écran.
Toutefois, ces efforts ne sont pas suffisants. Lors de leur audition, les représentants de l’association « Résistance à l’agression publicitaire » ont expliqué que les dessins animés avaient de plus en plus tendance à utiliser les codes et les personnages de la publicité – ce qu’ont confirmé les représentantes de la Confédération syndicale des familles (CSF) qui ont été entendues par la rapporteure, ainsi que M. Serge Tisseron, psychanalyste et spécialiste de l’image, qui estime que les programmes pour enfants sont aujourd’hui largement conçus comme des « publicités déguisées », tout spécialement en ce qui concerne le rythme des séquences.
Par ailleurs, on constate que les personnages des films d’animation apparaissent de plus en plus souvent dans les messages publicitaires diffusés peu de temps avant ou après ces films pour promouvoir tel ou tel produit saturé en sucres ou en matières grasses – ce qui crée un continuum entre la fiction et la publicité.
Si l’éducation aux médias et aux images fait partie des programmes scolaires, nombre des personnes entendues ont déploré son insuffisance. Mme Chantal Jannet, administratrice de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), a ainsi regretté l’absence complète d’éducation au décryptage de la publicité.
Lors de son audition, M. Paul Mehu, chargé de mission de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), a exprimé le même regret et suggéré que cette éducation soit prodiguée dans le cadre du module de l’enseignement moral et civique consacré au rapport aux médias.
M. Serge Tisseron a signalé que l’Académie des sciences avait assorti l’avis sur « L’enfant et les écrans » qu’elle a publié en mars 2013 d’un livre éducatif intitulé « Les écrans, le cerveau… et l’enfant ». Élaboré par la Fondation « La main à la pâte » (15), en étroite collaboration avec l’Inspection générale de l’Éducation nationale, ce module pédagogique est destiné aux enseignants du primaire, met en avant l’activité des élèves par le questionnement, l’expérimentation, l’étude documentaire et le débat, et favorise l’adoption d’une attitude critique.
De leur côté, les représentants de l’Union des annonceurs (UDA) ont indiqué que les acteurs privés avaient eux-mêmes diffusé en France et en Europe un programme baptisé « MediaSmart » et destiné à apprendre aux enfants à décrypter un contenu publicitaire. En France, ce programme se présente sous forme de kits (sous format papier ou numérique) destinés aux enseignants du primaire et du secondaire qui en semblent satisfaits, puisqu’ils le réutiliseraient dans 80 % des cas. La qualité de ce programme a d’ailleurs été saluée par l’Institut national de la consommation (INC).
Les entreprises agroalimentaires et l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) ont pris l’initiative de financer des programmes courts d’éducation à la nutrition : « Trop la pêche », diffusé (et rediffusé) depuis 2009 et labellisé par l’INPES, ainsi que « Les défis d’Alfridge », diffusé depuis la fin de l’année 2014, notamment pendant les périodes de vacances scolaires. Chaque épisode des « Défis d’Alfridge » met en scène deux enfants qui acceptent de relever le défi lancé par Alfridge d’épater copains et parents avec une recette de cuisine. En leur lançant ce challenge, dans leur propre cuisine, Alfridge fait (re)découvrir aux enfants et aux parents que la cuisine du quotidien peut être facile, ludique, conviviale, accessible et équilibrée.
Il n’en demeure pas moins que l’éducation à la nutrition est rarement considérée comme prioritaire. À ce sujet, la rapporteure ne peut que s’étonner que la « semaine du goût », organisée chaque année en octobre, soit organisée en partenariat avec la « Collective du sucre ».
Mais la publicité à destination des enfants n’a pas pour seule conséquence d’aggraver l’obésité : ses effets sont aussi et surtout psychiques, comme l’a rappelé lors de son audition le sénateur André Gattolin qui a tenu à souligner qu’au-delà de la lutte contre l’obésité, la présente proposition de loi vise à protéger les jeunes publics de l’intrusion et de l’influence persuasive de cette publicité.
Les représentants de l’association « Résistance à l’agression publicitaire » estiment à environ 600 le nombre moyen de stimuli publicitaires auxquels un jeune est soumis pendant une journée « type ». Ces stimuli incessants ne sont pas sans conséquence sur le psychisme des enfants : ils peuvent provoquer une surcharge cognitive source de stress, de mal-être, de dépression ou de difficultés de concentration. Ils ne sont pas non plus sans conséquences sur leurs résultats scolaires.
C’est aussi le constat établi par M. Philippe Meirieu, professeur des universités en sciences de l’éducation, spécialiste de la pédagogie et auteur d’un ouvrage sur les effets sanitaires de la télévision (16).
Lors de son audition, M. Philippe Meirieu a expliqué que l’accélération permanente des séquences (notamment publicitaires) à la télévision était conçue pour focaliser l’attention des téléspectateurs. Selon lui, les concepteurs des programmes et des publicités télévisés ont pris conscience depuis une quinzaine d’années de la nécessité de renouveler le plus possible l’attention du public pour éviter le « zapping » (par une surenchère des effets, par l’accélération des plans et séquences, etc.). Cela a par exemple conduit certaines chaînes de télévision à supprimer le générique de fin des programmes pour enfants qui favorisait une relâche de l’attention de ces derniers peu propice au suivi de la séquence publicitaire consécutive à ces programmes. Les chaînes de télévision se sont engagées dans la recherche d’une continuité graphique et sonore maximale entre les programmes destinés à la jeunesse et les messages publicitaires qui les précèdent, les interrompent ou les suivent immédiatement.
M. Philippe Meirieu a expliqué que cette stratégie de « capture » de l’attention, voire de « sidération » des enfants, était particulièrement préjudiciable aux heures matinales du réveil, où leur attention est flottante. En effet, les programmes et messages publicitaires télévisés diffusés pendant ce créneau horaire sont, d’après lui, fondés sur un triptyque de postures « agresseur/agressé/redresseur de torts » dans lesquelles les enfants sont susceptibles de s’enfermer pour toute la journée, y compris pendant le temps passé dans la cour de récréation. M. Philippe Meirieu y voit un « enkystement psychique ravageur ».
Selon ce même spécialiste, les messages publicitaires à destination des enfants ne sont pas conçus pour développer leur intelligence et les éveiller, mais pour capter leurs émotions afin de faire passer des messages que l’on peut qualifier de subliminaux. L’exaltation du « pulsionnel » se fait ainsi au détriment du « réflexif ».
À l’attention normale se substitue (alternativement ou pas) :
– une forme d’« hyper-attention » qui abolit toute temporalité et où l’enfant est tout entier absorbé par l’objet de son attention ;
– une forme de « sous-attention » où l’environnement disparaît de la vie intérieure de l’enfant.
Le constat dressé par M. Philippe Meirieu a été corroboré par celui de Mme Valérie Marty, présidente nationale de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP), qui a expliqué lors de son audition que les enseignants doivent de plus en plus souvent adapter leur méthode d’enseignement à l’évolution de l’attention des enfants, de plus en plus irrégulière, alternant entre moments d’hyper-attention et de sous-attention, en leur proposant des séquences d’enseignement plus courtes, à l’image des programmes et messages publicitaires qu’ils visionnent à la télévision.
Les altérations de l’attention des enfants provoquées par les programmes et messages publicitaires qui leur sont destinés ne sont donc pas pour rien dans l’échec scolaire de certains d’entre eux. M. Serge Tisseron, psychanalyste et spécialiste de l’image, a expliqué lors de son audition que la consommation, en début de matinée, avant la journée de cours, de programmes et messages publicitaires télévisés au rythme très rapide avait pour effet d’épuiser et de morceler l’attention des enfants ainsi que de provoquer des troubles de la concentration susceptibles d’engendrer des difficultés d’apprentissage.
M. Philippe Meirieu a estimé que les pratiques publicitaires conduisant à rendre l’attention irrégulière, trop élevée ou trop faible, pouvaient, dans une certaine mesure, être regardées comme contraires aux dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et signée par la France le 26 janvier 1990, impose de protéger les enfants à l’égard de toute forme d’emprise.
De son côté, M. Serge Tisseron a jugé que l’exposition des enfants aux programmes et messages publicitaires décrits plus haut était révélatrice de ce que les enfants n’étaient pas traités comme des citoyens à part entière : alors que l’on reconnaît aux citoyens adultes le droit d’être informé sur la nature des contenus auxquels ils sont exposés (information, fiction, publicité), on expose les enfants à des contenus qu’ils sont incapables de différencier avant l’âge de 6 ans, sans les mettre en mesure de distinguer ce qui relève de l’information, de la fiction ou de la publicité.
Pour sa part, M. Jacques Muller a expliqué lors de son audition que, dans la mesure où les enfants n’avaient pas le recul intellectuel nécessaire pour appréhender les messages publicitaires, ils devenaient des « victimes manipulables à souhait ».
Comme la rapporteure, M. Jacques Muller estime que la publicité à destination des enfants participe d’une forme de violence à leur égard. Les enfants sont transformés en simples consommateurs à une période de leur vie où leur personnalité est en pleine construction.
La publicité façonne ainsi des enfants capricieux auxquels les parents finissent de plus en plus souvent par céder en satisfaisant leur pulsion consommatrice.
De cette stratégie publicitaire fondée sur le « facteur caprice », il résulte une perte d’autorité parentale. M. Serge Tisseron a en effet expliqué lors de son audition que les messages publicitaires étaient conçus pour rendre l’enfant prescripteur des achats de la famille non seulement qui le concernent, mais aussi de ceux qui ne lui sont pas destinés, comme ceux de véhicules automobiles. L’enfant se sent investi de la mission d’informer ses parents tout en ayant conscience de l’insuffisance des informations dont il dispose pour les convaincre. Selon M. Serge Tisseron, ce fossé entre le pouvoir de conviction et d’obtention d’un produit et le défaut d’information sur lequel repose ce pouvoir crée chez les enfants une angoisse qui fragilise leur relation avec leurs parents et décrédibilise l’autorité de ces derniers.
On ne peut donc que s’étonner, comme M. Jacques Muller, que ceux qui dénoncent le culte de l’« enfant-roi » et l’affaiblissement de l’autorité parentale soient parfois aussi ceux qui n’apportent pas leur soutien à une proposition de loi permettant de remédier aux causes de cet affaiblissement.
Qui plus est, le monde présenté dans les messages publicitaires à destination des enfants est largement virtuel (et d’autant plus « déréalisé » qu’il est recouru aux techniques de plus en plus sophistiquées des images de synthèse ou en trois dimensions). Ces messages font miroiter un monde idéalisé auxquels certains enfants veulent à tout prix appartenir, quand bien même leur famille n’aurait pas les moyens financiers de le leur offrir.
Les enfants sont ainsi invités à se plier à ce que le président de l’association « Résistance à l’agression publicitaire », M. Khaled Gaiji, a appelé la « dictature du bonheur conforme ». Ce dernier a fait état, lors de son audition, d’études démontrant l’existence d’un lien entre l’hyperconsommation à laquelle encouragent la publicité à destination des enfants et le développement de la délinquance. En effet, à force de donner aux enfants de familles défavorisées l’irrésistible envie de consommer des produits qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir, la publicité télévisée peut susciter chez ces enfants des frustrations susceptibles de nourrir des comportements violents.
C’est là l’une des illustrations des méfaits que la publicité télévisée à destination des enfants peut avoir sur la société.
Le développement de la publicité commerciale à destination des enfants a eu pour conséquences d’accentuer les inégalités sociales, entre les classes aisées et les classes défavorisées, mais aussi les inégalités économiques, entre les grandes entreprises à la production de masse et aux capacités financières considérables, et les petites et moyennes entreprises évincées du marché publicitaire alors qu’elles proposent des produits de qualité.
Le docteur François-Marie Caron a expliqué lors de son audition que la publicité télévisée à destination des enfants était un facteur d’aggravation des inégalités sociales. D’après lui, l’obésité ne continue aujourd’hui de progresser que dans les classes défavorisées.
L’une des raisons tient à ce que les préoccupations nutritionnelles ne sont pas une priorité pour les familles les moins aisées, comme l’ont expliqué, lors de leur audition, les représentantes de la Confédération syndicale des familles (CSF).
En outre, on constate que les familles en situation de précarité prennent souvent les recommandations sanitaires pour des leçons de morale et sont donc peu enclines à s’y conformer.
Enfin, et surtout, les enfants issus de milieux défavorisés sont ceux qui sont le plus longtemps exposés à la publicité télévisée. Une enquête publiée en juin 2015 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a révélé que 59 % des enfants d’ouvriers (contre 25 % des enfants de cadres) regardent la télévision plus d’une heure par jour les jours de classe (17).
Par ailleurs, comme l’ont rappelé MM. Jacques Muller et Serge Tisseron lors de leurs auditions, la publicité à destination des enfants fait souvent la promotion d’un monde compétitif, empreint d’individualisme plutôt que de solidarité. Outre les stéréotypes de genre et l’hypersexualisation des très jeunes filles (notamment dans la promotion des produits cosmétiques et vestimentaires) (18), cette publicité met en avant des valeurs qui vont à l’encontre de celles du « vivre ensemble » : dénigrement du faible, dépassement de soi par la transgression des règles sociales, etc.
La publicité à destination des enfants « vend » un monde exaltant la puissance individuelle alors que le monde d’aujourd’hui (et notamment celui de l’entreprise) vante les mérites de la collaboration et du travail en équipe.
2. L’accentuation de la dépendance des jeunes aux marques des grandes entreprises au détriment des produits de qualité des petites et moyennes entreprises
Rappelons que, d’après l’Union des annonceurs, le marché de la publicité représente chaque année environ 30 milliards d’euros en France, dont un tiers (10,5 milliards d’euros en 2014) est investi dans les médias, et environ un dixième plus précisément dans la télévision (3,8 milliards d’euros en 2014).
D’après la sénatrice Corinne Bouchoux, « 80 % des dépenses publicitaires [sont] réalisées par seulement 550 entreprises qui sont pour l’essentiel des multinationales », de sorte que « la publicité à la télévision exclut le tissu des PME [petites et moyennes entreprises] qui n’ont pas les moyens d’y accéder » (19).
Or ces PME sont souvent celles qui commercialisent des produits de proximité qui sont souvent de meilleure qualité et pas nécessairement plus chers que ceux des grandes marques.
Comme le sénateur André Gattolin, la rapporteure appelle à l’adoption d’une « publicité raisonnée » qui permettrait de faire baisser les prix de la publicité et de l’ouvrir à d’autres types de produits, comme les fruits et légumes (20).
Comme l’ont rappelé lors de leur audition les représentants de l’association « Résistance à l’agression publicitaire », les petits commerçants locaux n’ont guère accès aux espaces publicitaires de la télévision, compte tenu de leur prix. Ces espaces ne sont financièrement accessibles qu’aux grandes entreprises qui, le plus souvent, répercutent le coût de leurs campagnes publicitaires télévisées sur le prix de leurs produits – ce qui explique en partie la différence entre les produits de leurs marques et les autres produits (21).
Les représentantes de la Confédération syndicale des familles (CSF) ont elles aussi souligné que beaucoup de jeux et jouets de production artisanale, dont l’intérêt pédagogique pour le développement de l’enfant est optimal, ne sont pas promus en raison du prix d’accès aux espaces publicitaires de la télévision – ce qui non seulement nuit à l’activité des producteurs de ces jeux et jouets, mais prive aussi les parents de la possibilité de choisir librement les jeux et jouets qu’ils souhaitent offrir à leurs enfants.
M. Olivier Andrieu-Gérard, coordonnateur du pôle « médias-usages numériques » de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et membre du comité d’experts du jeune public du CSA, a expliqué lors de son audition que les chaînes de télévision devraient promouvoir des produits plus originaux et plus propices au développement de la créativité de l’enfant.
Or c’est au plus jeune âge qu’est innoculé le virus de l’hyperconsommation des produits de grandes marques. Et ce sont avant tout les pratiques de consommation addictives et compulsives inculquées aux enfants que le sénateur André Gattolin a voulu combattre lorsqu’il a déposé la présente proposition de loi.
Il a expliqué lors de son audition que les mesures qu’il a proposées visent avant tout le marché des jeux et jouets où une « stratégie de la rareté » semble être mise en œuvre chaque année au moment des fêtes. La surpression publicitaire (et notamment télévisée) exercée en octobre autour d’un produit phare conduit à des ruptures de stock dès novembre et des achats de « cadeaux de substitution » au moment des fêtes de Noël. Cette situation crée chez les enfants une frustration que les parents culpabilisés cherchent à faire disparaître en achetant le produit phare lorsqu’il réapparaît miraculeusement dans les rayons au mois de janvier (22). Deux achats sont ainsi effectués au lieu d’un, ce qui, dans certains milieux, peut aggraver l’endettement de ménages.
D’après les représentants de France Télévisions, 92 % du chiffre d’affaires généré par la publicité autour de ses programmes destinés à la jeunesse résulte des investissements du secteur des jeux et jouets. Ce chiffre a été confirmé par les données transmises à la rapporteure par Mme Virginie Mary, déléguée générale du syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) : parmi les vingt premiers annonceurs investissant dans la publicité autour des programmes destinés à la jeunesse figurent essentiellement des fabricants de jouets (23).
Mme Marianne Siproudhis, directrice générale de France Télévisions Publicité, a indiqué que plus de 50 % des investissements du secteur des jeux et jouets dans la publicité étaient concentrés sur le dernier trimestre de l’année, et 35 % sur le seul mois de décembre.
D’une manière plus générale, ce secteur investit 80 % de ses dépenses de publicité dans le média télévisé. 60 % de ces investissements vont à Gulli, 20 % à TF1 et 10 % à France Télévisions – étant précisé que les fabricants de jeux et de jouets préfèrent investir dans les espaces publicitaires autour des programmes destinés à la jeunesse, qui leur permettent d’atteindre leur cible (enfants de 4 à 14 ans) à un moindre coût que celui qui résulterait des espaces publicitaires sur le créneau horaire de l’« access prime time » et du « prime time ». 83 % des investissements des annonceurs du secteur des jeux et jouets dans la publicité télévisée sont consacrés aux espaces publicitaires entourant les programmes destinés à la jeunesse.
Comme l’ont expliqué les représentantes de la Confédération syndicale des familles (CSF), notre société devrait tendre vers la formation de citoyens dotés d’esprit critique plutôt que vers celle de consommateurs plus ou moins serviles.
C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi suggère d’aller plus loin dans le sens de la protection des enfants que ne le font les dispositifs existants.
S’il est vrai qu’aussi bien les pouvoirs publics que les acteurs du secteur privé ont pris, depuis une vingtaine d’années, des initiatives pour encadrer la publicité à destination des enfants, force est de reconnaître aujourd’hui que les dispositifs mis en place sont bien timides au regard de ceux instaurés à l’étranger.
— L’article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel [CSA] veille à la protection de l’enfance et de l’adolescence ». À ce titre, le CSA veille « à ce qu’aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les services de communication audiovisuelle ».
— Outre les dispositions générales du code de la consommation en matière de pratiques commerciales déloyales, le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat encadre les communications commerciales à la télévision.
L’article 4 de ce décret prévoit que « la publicité doit être exempte […] de toute incitation à des comportements préjudiciables à la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à la protection de l’environnement ».
L’article 7 du même décret précise que « la publicité ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs » et qu’« à cette fin, elle ne doit pas :
1° inciter directement les mineurs à l’achat d’un produit ou d’un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité ;
2° inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d’acheter les produits ou les services concernés ;
3° Exploiter ou altérer la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d’autres personnes ;
4° Présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse. »
— Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) veille au respect des obligations fixées par le décret du 27 mars 1992 précité et s’efforce de protéger les enfants de certains contenus publicitaires.
Le CSA a par ailleurs adopté un certain nombre de délibérations et de recommandations pour définir ses propres règles d’encadrement des communications commerciales (messages publicitaires, parrainages, placements de produits et télé-achat) auxquelles les enfants peuvent être particulièrement vulnérables.
Le CSA a ainsi :
– encadré les pratiques publicitaires sur les produits dérivés issus d’œuvres d’animation de façon à ce qu’une œuvre d’animation ou de fiction ne puisse être interrompue ni précédée ou suivie de messages publicitaires en faveur de produits ou de services dérivés utilisant l’image de ses protagonistes, qu’il s’agisse de jouets, de jeux vidéo, de figurines ou encore de matériel scolaire, et de façon à ce qu’une œuvre mettant en scène des personnages issus d’un produit ou d’un service préexistant ne puisse être diffusée pendant le lancement de commercialisation de ce produit ou service (recommandation du 7 juin 2006, en vertu de laquelle le CSA est déjà intervenu auprès de la chaîne Gulli) ;
– encadré les messages publicitaires en faveur des jeux vidéo, des services téléphoniques et télématiques ou des sites internet faisant l’objet de restrictions aux mineurs (recommandation du 4 juillet 2006) ainsi qu’en faveur des jeux d’argent et de hasard (délibération du 22 janvier 2013) ;
– interdit le placement de produits dans les émissions pour enfants (délibération du 16 février 2010).
S’agissant des messages publicitaires en faveur des jeux vidéo, des services téléphoniques et télématiques ou des sites internet faisant l’objet de restrictions aux mineurs, ils font l’objet de restrictions horaires. Les messages publicitaires en faveur de vidéogrammes d’oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles interdites ou déconseillées aux moins de 12 ans, et de jeux vidéos destinés aux plus de 12 ans ne sont diffusés ni pendant des émissions destinées à la jeunesse, ni dans les 10 minutes qui précédent ou qui suivent ces émissions. Les messages publicitaires en faveur de vidéogrammes d’oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles interdites ou déconseillées aux moins de 16 ans, et de jeux vidéos destinés aux plus de 16 ans ne sont pas diffusés avant 20 heures 30.
Le CSA est intervenu à plusieurs reprises sur la base de cette recommandation. Il a par exemple mis en garde la chaîne Trace Urban à la suite de la diffusion de messages publicitaires faisant l’objet de restrictions aux mineurs, le 23 juin 2013 à 14 heures 50 et le 16 juillet 2013 à 13 heures 57. Le CSA est également intervenu auprès de NRJ 12 à la suite de la diffusion, le 5 décembre 2009, de trois messages publicitaires en faveur de vidéogrammes interdits aux moins de 12 et 16 ans dans la case jeunesse Disney Break. De même, le 25 janvier 2008, il a mis en garde MCM qui avait diffusé des messages publicitaires en faveur de services téléphoniques réservés ou destinés aux adultes en dehors des horaires prévus.
S’agissant des communications commerciales en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard, elles sont interdites 30 minutes avant et après les programmes présentés comme s’adressant aux mineurs. Il est également interdit de rendre ces jeux attractifs pour les mineurs ou de mettre en scène, dans ces communications commerciales, des personnages ou héros appartenant à l’univers des enfants. Le Conseil est intervenu à plusieurs reprises en la matière, notamment en 2010 où il a mis en garde plusieurs chaînes (France 2, France 3, France 4, Canal +, NRJ 12 et Virgin 17), après avoir constaté que plusieurs messages publicitaires et parrainages en faveur d’opérateurs de jeux d’argent et de hasard avaient été diffusés durant des programmes destinés aux mineurs ou moins de trente minutes avant ou après de tels programmes. Une nouvelle vérification, effectuée par sondage d’août à décembre 2010, a permis de constater de nouveaux manquements. Le Conseil a donc décidé le 17 décembre 2010 de mettre en demeure France 2, France 3, France 4, NRJ 12 et Canal +, et de mettre en garde Direct Star et MCM. Il avait par exemple relevé la diffusion à quatre reprises sur France 2 de messages publicitaires en faveur de Bwin, Pokerstars et PMU moins de 30 minutes après le programme intitulé « Heidi and Co », une série mettant en scène des lycéens dans leur vie quotidienne.
Par ailleurs, le CSA impose des stipulations spécifiques dans les conventions des chaînes en matière de communications commerciales à proximité des programmes jeunesse. Dans certaines conventions, le CSA encadre strictement les rappels de parrainage dans les émissions destinées aux jeunes : l’article 46-1 de la convention conclue avec TF1 stipule ainsi que « la société veille à ce qu’il n’y ait aucune interférence entre le nom du parrain et celui d’une émission pour jeunesse ».
Lors de son audition, les représentants du CSA, et notamment Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège, ont assuré que cette autorité indépendante faisait preuve de la plus grande vigilance sur les questions liées à la protection de l’enfant, tout en précisant qu’elle privilégiait une logique contractuelle plutôt qu’une suppression pure et simple de la publicité à destination des enfants.
— L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) veille également au respect de ces prescriptions par ses quelque six cents organismes adhérents, qui représentent plus de mille entreprises – annonceurs, agences, médias, associations – et environ 80 % de la publicité diffusée en France.
Les équipes opérationnelles de l’ARPP s’assurent au quotidien de la bonne prise en compte des règles déontologiques avant la diffusion des publicités, en fournissant des conseils à l’ensemble de ses adhérents sur leurs projets de publicités, quel que soit le média choisi, afin d’en vérifier la conformité aux règles professionnelles en vigueur.
S’agissant plus particulièrement de la publicité télévisée, tout projet de publicité envisagé par les adhérents de l’ARPP doit obligatoirement être visionné par cette autorité, qui émet un avis (« favorable », « à modifier », « à ne pas diffuser ») avant sa diffusion.
Outre ce contrôle a priori obligatoire de la publicité télévisée, l’ARPP exerce un contrôle a posteriori, une fois la publicité diffusée, soit en s’auto-saisissant d’un manquement constaté après diffusion d’une publicité et en intervenant auprès des professionnels à l’origine du message, soit en examinant la plainte d’un membre du public qu’une publicité diffusée a choqué et qui a saisi le jury de déontologie publicitaire. Ce jury, composé de magistrats indépendants, statue alors sur le bien-fondé de la plainte et publie sa décision.
D’après l’Union des annonceurs, sur les 6 151 messages publicitaires (tous supports) examinés par l’ARPP sur huit mois en 2014, 11 manquements aux règles déontologiques de la profession ont été constatés (2 dans la presse papier, 9 sur internet), dont seulement un concernait une invitation à une consommation excessive d’aliments. Aucun manquement n’a été constaté dans la publicité télévisée.
Toutefois, sur un total de 13 670 projets de publicité télévisée examinés avant leur diffusion sur une période de huit mois en 2014, 953 ont fait l’objet de demandes de modification de la part de l’ARPP – dont un sur le fondement de la recommandation de cette autorité sur les comportements alimentaires, entrée en vigueur le 1er janvier 2010 et modifiée en 2014.
Car il convient de souligner que, s’agissant des questions de nutrition, les professionnels de l’audiovisuel se sont engagés dans une démarche d’auto-régulation depuis plusieurs années. Signée le 18 février 2009 et renouvelée le 21 novembre 2013, la charte dite « alimentaire » associe aujourd’hui le CSA, les ministères de la Santé et de la Culture et 36 chaînes de télévision. Elle énonce un certain nombre d’engagements pris à la fois par les éditeurs, les annonceurs, les producteurs et les agences pour promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et messages publicitaires diffusés à la télévision.
La charte dite « alimentaire »
En 2008, alors que la suppression de la publicité pour les produits alimentaires à destination des enfants était envisagée par les pouvoirs publics, le Conseil a été amené à promouvoir une solution alternative à une interdiction pure et simple en raison du fort impact d’une telle mesure sur l’ensemble du secteur audiovisuel. Une solution de compromis a pu être trouvée avec la signature, le 18 février 2009, par l’ensemble des éditeurs de télévision, d’une première charte alimentaire, visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision.
Compte tenu du bilan positif de cette première charte arrivée à échéance en 2013, le CSA a décidé de rédiger une nouvelle charte alimentaire, plus ambitieuse, qui a été signée le 21 novembre 2013. Cette nouvelle charte, en vigueur pour cinq ans, est le fruit d’un dialogue entre les pouvoirs publics (6 ministères : Éducation nationale ; Affaires sociales et santé ; Culture et communication ; Agriculture, agroalimentaire et forêt ; Outre-mer ; Sport, jeunesse, éducation populaire et vie associative) et les professionnels du secteur audiovisuel (chaînes, producteurs, sociétés d’auteurs, annonceurs etc.) qui ont conjointement décidé de mobiliser leurs antennes pour aider à la lutte contre l’obésité en France – sans toutefois associer les collectifs de consommateurs à leur démarche.
Alors que la première charte comportait huit engagements, la nouvelle en propose quatorze. Alors que la première charte concernait dix-neuf chaînes, la nouvelle en concerne trente-six dont les neuf chaînes Outre-mer 1ères et les six nouvelles chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) qui émettent depuis décembre 2012. Les chaînes locales s’impliquent également sans être tenues à une obligation chiffrée.
La première charte prévoyait un volume total d’émissions compris entre 340 et 470 heures, la nouvelle prévoit un volume minimal compris entre 587 et 753 heures. Pour les chaînes nationales de France Télévisions, le volume horaire annuel minimum est fixé entre 22 et 27 heures par antenne, avec une possibilité de mutualisation pour les cinq chaînes.
La première charte était signée par deux ministres, puis un troisième en 2011, la nouvelle est signée par six ministres. La première charte ne concernait que la télévision linéaire, la nouvelle traite également des sites internet et de la télévision « de rattrapage » (« Replay »). La première charte n’avait pas prévu la création d’un comité d’experts, la nouvelle l’a inscrit dans un engagement. La première charte n’avait pas pris en compte les Journées européennes de l’obésité, la nouvelle prévoit que les chaînes relaient ces journées sur leur antenne. La première charte n’avait pas prévu de faire évaluer l’impact des émissions diffusées par les chaînes, la nouvelle prévoit que le CSA s’y engage au cours des cinq nouvelles années d’application.
Dans le cadre de cette démarche d’autorégulation, les éditeurs, annonceurs, producteurs et agences ont accepté de respecter les engagements suivants :
– renforcer la démarche responsable de la publicité concernant le contenu des publicités alimentaires (suppression de toute publicité invitant à grignoter ou à consommer de façon excessive, ou représentant une personne mangeant devant un écran) ;
– accorder des conditions tarifaires adaptées aux campagnes collectives faisant la promotion des produits dont il convient d’augmenter la consommation, afin de leur permettre l’accès aux écrans publicitaires ;
– diffuser, en particulier auprès du jeune public, des programmes inspirés du Programme national nutrition santé et faisant la promotion d’une alimentation diversifiée et équilibrée, d’une pratique régulière d’activités physiques et du sommeil ainsi que du site internet « mangerbouger.fr » (dont l’audience a augmenté de près de 56 % entre 2013 et 2014, passant de 4,5 à 8 millions de visites – contre 1,7 million de visites en 2009) ;
– dans la mesure du possible, mettre ces programmes à disposition sur les sites de rattrapage des chaînes ;
– relayer les Journées européennes de l’obésité et de prévoir des programmations spéciales à l’occasion de certains événements (ex : la semaine du goût, etc.) ;
– proposer des émissions qui visent la promotion d’une alimentation équilibrée (consommation d’eau, limitation du sucre, etc.) et qui sont adaptées aux spécificités locales (pour les chaînes ultramarines) ;
– inclure un message sanitaire dans les génériques d’écrans publicitaires comprenant des publicités alimentaires ;
– produire des programmes courts visant le jeune public mettant en valeur les bonnes pratiques alimentaires et l’hygiène de vie ;
– financer des programmes courts d’éducation adaptés au jeune public pour favoriser les bons comportements alimentaires et l’activité physique.
Dans le cadre du bilan de la charte alimentaire pour l’année 2013, rédigé sur la base de la précédente charte, le CSA a examiné en 2014 les engagements des chaînes au titre de l’application de la charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision : 1 223 heures de programmes entrant dans cette catégorie ont été diffusées en 2013, soit 780 heures de plus qu’en 2009. Cette nette progression excède largement les engagements pris par les éditeurs dans la nouvelle charte de 2013.
En 2014, l’ensemble des chaînes concernées par des volumes horaires de diffusion des programmes à valoriser au titre de la charte alimentaire ont respecté leur engagement. 1 410 heures de programmes promouvant une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités ont été diffusées à la télévision, soit 187 heures de plus qu’en 2013. Il faut noter que les programmes consacrés à la bonne hygiène de vie diffusés en télévision de rattrapage ont été, pour l’exercice 2014, comptabilisés au titre du bilan annuel d’application de la charte.
S’agissant plus particulièrement du groupe France Télévisions, les cinq chaînes nationales et les neuf chaînes Outre-Mer 1ères ont proposé, en 2014, des émissions favorisant une bonne hygiène de vie pour un volume de 146 heures. 28 heures de programmes valorisables au titre de la charte alimentaire ont été proposées en télévision de rattrapage.
Le CSA a relevé un investissement particulier des chaînes dédiées à la jeunesse pour ce qui concerne le respect des engagements de la charte et la diffusion des programmes de promotion d’une bonne hygiène de vie. Il a noté une augmentation du volume des émissions consacrées à l’exercice physique sur ces chaînes qui ont renouvelé leur programmation en misant sur des programmes innovants.
En application des dispositions de la charte renouvelée et complétée, les annonceurs réunis au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont actualisé la recommandation « Comportements alimentaires » visant à encadrer le contenu des messages publicitaires sur l’alimentation à destination des enfants.
Afin d’encourager la conception de programmes pédagogiques sur les bonnes habitudes alimentaires et physiques, le CSA a, par ailleurs, lancé en mars 2014 un appel à projets aux producteurs et créateurs afin qu’ils lui soumettent des programmes créatifs faisant la promotion d’une bonne hygiène de vie. Quatorze candidatures ont été examinées par un jury composé d’experts en nutrition, de personnalités reconnues pour leurs compétences en matière culinaire, de professionnels de l’audiovisuel, ainsi que d’un représentant des associations de soutien aux personnes souffrant d’obésité. Neuf programmes, dont cinq destinés à la jeunesse, ont été retenus.
Source : CSA.
On ne saurait toutefois se satisfaire de ces dispositifs d’auto-régulation. En effet, bien qu’elles se soient dotées d’une charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision (24), certaines chaînes de télévision et leurs régies publicitaires, dont TF1, France Télévisions et M6, n’ont pas appliqué en 2014 la remise de 60 % du prix des espaces publicitaires prévue par cette charte au profit des messages sanitaires de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) (25).
Si le syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA) a produit en 2011 un clip d’une minute et demie (intitulé « Anime ta vitamine ») qui a été diffusé la même année sur l’ensemble des chaînes signataires de la charte précitée, puis rediffusé en 2012 sur France 3, France 5, M6 et les chaînes Outre-mer 1ères et en 2013 sur France 3 et France 5, ce syndicat n’a, depuis quatre ans, produit aucun nouveau clip.
Enfin, dans son rapport sur l’application de cette charte, le CSA a regretté que les Journées européennes de l’obésité n’aient pas été relayées par la totalité des chaînes signataires de ladite charte, et estimé que les programmes et/ou sujets faisant la promotion du sommeil, nécessaire à l’équilibre et au bon fonctionnement du métabolisme, pourraient être plus nombreux sur l’ensemble des chaînes signataires de la charte (26).
Depuis plusieurs années, les parlementaires écologistes font des propositions pour améliorer le dispositif existant.
— Le 1er décembre 2010, au terme d’une année de travaux, les sénateurs Jacques Muller, Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, Dominique Voynet et Jean Desessard ont déposé une proposition de loi (n° 145, session ordinaire 2010-2011) relative à la protection des enfants et des adolescents face aux effets de la publicité télévisuelle qui visait à interdire la publicité commerciale pendant la diffusion des programmes destinés aux enfants et adolescents de moins de 12 ans sur l’ensemble des chaînes de télévision, privées et publiques, ainsi que le placement de produits dans ces programmes.
Il s’agissait plus précisément de prohiber la pratique tendant à ce que les messages diffusés par les services de télévision, quelle que soit l’heure de leur diffusion, soient conçus de manière à attirer spécifiquement l’attention des enfants de moins de douze ans. Par ailleurs, une réglementation spécifique était prévue pour les messages publicitaires à caractère alimentaire, notamment dans les horaires de « prime time ».
Enfin, la proposition de loi prévoyait la création d’une taxe sur les annonceurs de messages publicitaires télévisés, destinée à financer à la fois les programmes d’éducation à la lecture de l’image et la production française de films d’animation.
— Le 29 mai 2013, notre collègue André Gattolin et les sénateurs membres du groupe écologiste ont déposé une proposition de loi (n° 615 rectifiée, session ordinaire 2012-2013) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique dont l’objet était similaire au dispositif initial de la présente proposition de loi.
Dans leur rapport sur le financement de l’audiovisuel public, les sénateurs André Gattolin (membre du groupe écologiste) et Jean-Pierre Leleux (membre du groupe Les Républicains) ont préconisé l’interdiction de la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse (27).
— Comme ce rapport et le vote de la présente proposition de loi par le Sénat l’ont montré, l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes de la télévision publique destinée à la jeunesse est une cause transpartisane.
Dès 2008, lors de l’examen de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale avait adopté des amendements identiques présentés par les députés UMP Valérie Boyer, Yves Bur et Pierre Méhaignerie, aux termes desquels, à compter du 1er janvier 2010, les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés portant sur des boissons et des produits alimentaires manufacturés avec ajout de sucres, matières grasses, ou édulcorants de synthèse, ne pourraient être diffusés pendant des programmes qui sont qualifiés par le CSA d’émissions dont une partie importante du public est constituée d’enfants et d’adolescents. Il était proposé que ces messages ne puissent pas davantage être diffusés dans les quinze minutes précédant et suivant de tels programmes. Adoptés en commission, et défendus en séance par le rapporteur, M. Jean-Marie Rolland, ces amendements ont été rejetés en séance publique.
En 2010, les sénatrices Évelyne Didier, Annie David, Mireille Schurch et plusieurs de leurs collègues du groupe communiste, républicain et citoyen ont déposé une proposition de loi (n° 165, session ordinaire 2010-211) poursuivant les mêmes finalités que celle du sénateur Jacques Muller.
Plus récemment, en septembre dernier, le sénateur socialiste Maurice Antiste a déposé, dans le cadre de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, un amendement visant à inscrire dans le code de la santé publique le principe selon lequel, à compter du 1er janvier 2016, « les messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés portant sur les boissons et les produits alimentaires manufacturés fixés par décret ne peuvent être diffusés pendant des programmes qui, sur la base de données de Médiamétrie, sont regardés par un nombre important d’enfants et d’adolescents. Ces messages ne peuvent être diffusés dans les quinze minutes qui précèdent et suivent de tels programmes ». Toutefois, cet amendement précisait que l’interdiction en question « ne s’appliqu[ait] pas aux aliments et boissons qui figur[ai]ent sur une liste fixée par décret du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, compte tenu de leurs caractéristiques nutritionnelles adaptées aux besoins de l’enfant et de l’adolescent dans le cadre d’une alimentation équilibrée ».
Le sénateur socialiste Maurice Antiste a souligné à juste titre que, dans son rapport de février 2015, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a alerté une fois de plus sur les effets néfastes du marketing d’aliments hautement énergétiques, riches en matières grasses, en sucre ou en sel sur l’enfant, dont le programme national nutrition santé (PNNS) préconise également la limitation. Ce marketing entraîne en effet une propension à préférer les aliments et modes d’alimentation favorisant l’obésité infantile. M. Maurice Antiste a d’ailleurs rappelé que les trois quarts des 60 % d’enfants qui regardent chaque jour la télévision en rentrant de l’école avouaient préférer les produits promus à la télévision plutôt que ceux ne bénéficiant d’aucune publicité.
Ce sénateur socialiste voit dans l’encadrement strict de la publicité des produits à forte teneur en sucres et en matière grasse un triple bénéfice :
– pour les enfants, qui seront encouragés à manger des produits plus sains ;
– pour l’industrie alimentaire qui sera fortement incitée à améliorer les recettes des produits les plus déséquilibrés ;
– pour les chaînes de télévision qui apporteront leur concours à la santé publique sans altération de leurs recettes publicitaires issues de l’agroalimentaire.
Les diverses propositions faites par les parlementaires – écologistes en particulier – pour améliorer la protection des enfants à l’égard des méfaits de la publicité télévisée se sont inspirées, entre autres, des exemples étrangers.
Les modèles fournis par les réglementations étrangères peuvent être regroupés en trois catégories : celles qui privilégient une interdiction totale de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, celles qui n’interdisent que la publicité à destination des enfants, et enfin celles qui préfèrent réglementer plutôt que d’interdire.
Au Royaume-Uni, les chaînes de la British Broadcasting Corporation (BBC) ne comportent ni publicité ni parrainage depuis leur lancement. Les plateformes numériques de ces chaînes ne comportent pas davantage de messages publicitaires. Aucune introduction de la publicité n’est (et n’a jamais été) envisagée.
Par ailleurs, l’activité hors-antenne des présentateurs de programmes pour enfants de la BBC est très encadrée : ils ont pour obligation de ne pas promouvoir dans une publicité un produit destiné spécifiquement aux enfants.
Enfin, la publicité pour la « junk food » est interdite dans les programmes à destination des enfants de l’ensemble des chaînes de télévision britanniques (y compris privées).
En Espagne, toute publicité sur la télévision publique (RTVE) est interdite depuis 2013.
En Suède, la publicité à destination des enfants de moins de 12 ans est strictement interdite depuis 1991.
Au Québec, toute publicité commerciale destinée aux enfants de moins de 13 ans est strictement interdite par la loi sur la protection du consommateur, quel qu’en soit le support (télévision publique ou privée, radio, presse papier, internet, smartphones, imprimés, affichage et objets promotionnels, etc.).
Dans les provinces canadiennes autres que le Québec, un organisme d’autorégulation (Normes canadiennes de la publicité – NCP) encadre toute la publicité destinée aux enfants de moins de 12 ans. Cet organisme approuve les publicités selon le « code de la publicité radiotélévisée destinée aux enfants ».
Il peut être saisi de toute plainte d’un téléspectateur (même étranger). Toute plainte doit être instruite et examinée par une commission composée non seulement de publicitaires, mais aussi de représentants des pouvoirs publics et des consommateurs.
En Irlande, les publicités à destination des enfants ne doivent pas comporter de mise en scène de personnalités ou de personnages imaginaires soumis à des accords de licence, ni d’allégations nutritionnelles et de santé, ni d’offres promotionnelles. La publicité pour des produits alimentaires peu sains est interdite dans les programmes pour les jeunes de moins de 18 ans.
En Norvège, il est interdit d’induire en erreur ou d’inviter à l’achat par des jeux, d’utiliser un personnage fictif connu des enfants dans une publicité les concernant directement ou de diffuser un message publicitaire 10 minutes avant et 10 minutes après un programme pour enfants.
En Belgique, la publicité commerciale ne doit pas porter un préjudice physique ou moral aux mineurs. La publicité, le télé-achat et l’auto-promotion ne peuvent être insérés dans les programmes pour enfants. Les programmes jeunesse de la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF) ne peuvent être ni parrainés, ni précédés ou suivis (pendant un délai de 5 minutes) de messages publicitaires.
Il semblerait, à l’aune de ces exemples étrangers, que des marges de progrès existent en France. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi que de proposer une amélioration de nos dispositifs, dans un souci d’amélioration de la protection de la jeunesse.
III. UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ QUI TEND À PROTÉGER LES ENFANTS SANS MENACER LA SURVIE FINANCIÈRE DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION
La présente proposition de loi interdit la publicité commerciale (messages publicitaires et parrainages) dans les programmes destinés à la jeunesse :
– pour les programmes de la télévision publique, dont il s’agit de privilégier l’exemplarité ;
– et lorsque ces programmes sont destinés aux enfants de moins de 12 ans.
Trois arguments sont principalement opposés par les professionnels de l’audiovisuel hostiles à ce dispositif :
– 1° la réduction du volume de publicité à destination des jeunes dans les programmes pour les enfants de moins de 12 ans sur les chaînes de la télévision publique entraînerait une augmentation de ce même volume sur les chaînes de la télévision privée et sur internet où la régulation est moindre ;
– 2° l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes de France Télévisions destinés aux enfants de moins de 12 ans entraînerait une perte de recettes dont le chiffrage, incertain, oscillerait entre 7 et 20 millions d’euros et qui menacerait la pérennité financière du groupe ;
– 3° la fragilisation du financement de France Télévisions conduirait cette société à réduire ses investissements dans la production française de films d’animation, au risque de mettre ce secteur en péril.
À l’argument tiré de la différence de traitement entre chaînes publiques et chaînes privées et du risque d’augmentation de la publicité sur les chaînes privées, la rapporteure oppose l’exigence d’exemplarité du service public de la télévision, dont il faut garder à l’esprit qu’il est investi d’une mission d’intérêt général.
— Certes, le dispositif proposé ne prévoit pas d’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes pour enfants des chaînes privées en raison des menaces que cette interdiction ferait peser sur la viabilité financière de ces chaînes qui, contrairement à la télévision publique, dépendent significativement, voire exclusivement, des recettes publicitaires. Comme l’a rappelé le sénateur André Gattolin lors de son audition, 17 chaînes privées sont spécialisées dans les programmes destinés à la jeunesse : si elles venaient toutes à disparaître faute de financement par la publicité, un grand nombre d’emplois, directs et indirects, pourrait être concerné.
La faillite de ces chaînes n’est pas souhaitable, ne serait-ce que parce que leur disparition en raison du tarissement de leurs ressources pourrait poser question au regard de l’exigence constitutionnelle de pluralisme des médias. Et par ailleurs, leur disparition favoriserait des chaînes privées émettant depuis l’étranger, en application de la directive « services de médias audiovisuels sans frontières » (dite « TV sans frontières ») (28). Rappelons que les chaînes « Baby TV » et « Baby First » émettant depuis le Royaume-Uni et accessibles dans le bouquet satellitaire proposent des programmes destinés aux enfants âgés de 0 à 3 ans – ce que le CSA a interdit aux chaînes françaises. Et rappelons également que lorsque la publicité a été supprimée après 20 heures sur les chaînes publiques en France, celle-ci ne s’est pas reportée comme on aurait pu le penser vers les chaînes privées historiques (TF1, M6…). Ce n’est que très partiellement qu’elle s’est transférée sur les chaînes privées plus récentes de la télévision numérique terrestre (TNT).
— Mais au-delà des aspects comptables et financiers, la rapporteure estime que la différence de traitement entre chaînes privées et publiques se justifie par le fait qu’il n’est pas acceptable qu’un service public soit financé par la publicité au détriment des exigences de protection de la santé physique et psychique des enfants. Le docteur François-Marie Caron, pédiatre, auditionné en tant que représentant de l’Association pour la prise en charge et la prévention de l’obésité en pédiatrie (APOP), a lui aussi jugé cela « choquant » et « peu éthique ».
La rapporteure considère, comme les représentantes de la Confédération syndicale des familles, que les espaces publicitaires qui pourraient être libérés par l’interdiction de la publicité commerciale avant, pendant et après la diffusion des programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans sur la télévision publique devraient pouvoir être proposés, à un prix plus abordable qu’ils ne le sont aujourd’hui, à des messages génériques ou des campagnes d’intérêt général, comme celles que mène par exemple l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) dont le budget n’est que de quelques millions d’euros, quand celui des industries agroalimentaires se chiffre en centaines de millions d’euros (29).
En offrant aux parents qui ne souhaitent pas exposer leurs jeunes enfants à la publicité télévisée la possibilité de ne plus avoir à leur interdire purement et simplement de regarder la télévision, mais seulement de regarder telle ou telle chaîne (qui ne pourrait être que privée si la présente proposition de loi était adoptée) qui en diffuse pendant les programmes jeunesse, la présente proposition de loi contribue à valoriser la télévision publique et à asseoir son audience auprès d’un public ainsi fidélisé.
— L’audience des chaînes publiques n’est en effet pas tout à fait la même que celle des chaînes privées. Les représentantes de l’Union des annonceurs l’ont confirmé lors de leur audition : le public de France Télévisions est globalement plus âgé que celui des chaînes privées et composé d’une part notable de cadres supérieurs. Les cibles et recettes publicitaires ne sont donc pas parfaitement fongibles d’une chaîne à l’autre. Les représentantes de l’Union des annonceurs ont ainsi expliqué lors de leur audition que la suppression, en 2009, de la publicité sur la télévision publique entre 20 heures et 6 heures avaient conduit à la perte, pour les annonceurs, d’une cible qu’ils n’avaient pu retrouver sur d’autres chaînes.
Ainsi, les craintes d’augmentation de la publicité sur les chaînes privées, exprimées notamment par le syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA) et par le syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV), n’apparaissent guère fondées au regard des constats qui ont pu être établis à la suite de cette mesure d’interdiction.
Lors de leur audition, les représentants du SNPTV ont eux-mêmes concédé que cette interdiction n’avait pas profité aux chaînes privées historiques, mais partiellement aux jeunes chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT).
Ces mêmes représentants du SNPTV ont déclaré n’avoir pas d’hostilité de fond au dispositif suggéré par la proposition de loi, tout en exprimant leur préférence pour un mécanisme d’auto-régulation. M. David Larramendy, administrateur du SNPTV et directeur général de M6 Publicité, s’est même exprimé en faveur de la suppression de toute publicité sur la télévision publique. Par ailleurs, la rapporteure note que les représentants de l’industrie agro-alimentaire eux-mêmes ne semblent pas farouchement opposés au dispositif proposé puisque le directeur des affaires publiques de l’Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA), M. Alexis Degouy, a indiqué à la sénatrice Corinne Bouchoux que, « si l’ANIA restait très attachée à l’autorégulation, son conseil d’administration avait en 2008 adopté une position favorable au retrait volontaire de la part de ses membres de tout message publicitaires destiné aux enfants de moins de 12 ans » (30).
— Quand bien même la publicité commerciale à destination des mineurs se reporterait sur les chaînes privées, ce report ne pourrait être massif, car, comme l’a expliqué lors de son audition M. Serge Tisseron, l’excès de publicité provoque chez le public un effet de saturation qui dessert la chaîne concernée plus qu’elle ne la rend attractive, ce dont les publicitaires eux-mêmes sont parfaitement conscients.
Cette analyse a été confirmée par les représentants de France Télévisions que la rapporteure a entendus et qui ont expliqué que le report de la publicité commerciale sur des chaînes privées comme Gulli ne pourrait être démesuré en raison de la saturation de ces chaînes et du renchérissement des tarifs de leurs espaces publicitaires qui devrait résulter mécaniquement de la disparition des espaces publicitaires entourant les programmes de la télévision publique destinés à la jeunesse.
— Quant à l’argument, brandi par le SPFA et le SNPTV, du risque d’augmentation de la publicité sur internet, où les contenus diffusés ne sont pas soumis à la réglementation qui s’impose au secteur de l’audiovisuel, et échappent notamment aux prescriptions de la charte alimentaire, il n’emporte pas davantage la conviction.
Outre que la tendance à l’augmentation de la publicité sur internet est inexorable, compte tenu de l’attractivité sans cesse croissante de ce média (31), il n’est pas certain que la publicité à destination des enfants de moins de 12 ans interdite sur la télévision publique se déporte massivement sur internet, car le public visé par les annonceurs n’y est pas aussi nombreux.
En effet, contrairement à une idée reçue, la part des enfants qui délaissent totalement la télévision pour internet est assez faible. Dans son rapport, la sénatrice Corinne Bouchoux note que « le taux d’écoute quotidienne des enfants de 4 à 14 ans reste assez stable depuis 2003 à environ 2 heures et 10 secondes par jour » (32).
L’étude précitée de Lagardère publicité sur « Le pouvoir d’influence des 4-10 ans » publiée en décembre 2013 a montré qu’en moyenne, seuls 3 % des enfants regardaient des programmes exclusivement sur un support numérique et que 97 % des enfants visionnaient des programmes à la fois sur internet et à la télévision. Et parmi ces 97 %, la part des enfants qui regardent des programmes sur des supports numériques va croissant, d’après le sénateur André Gattolin.
Lors de leur audition, les représentantes de l’Union des annonceurs ont confirmé qu’internet et la télévision étaient des techniques non pas exclusives, mais complémentaires pour atteindre des cibles publicitaires : la télévision permet d’atteindre de manière simultanée un large public, tandis qu’internet permet d’atteindre de façon non simultanée un public plus restreint.
B. LES SOLUTIONS POUR LIMITER, VOIRE NEUTRALISER, L’IMPACT DE L’INTERDICTION ENVISAGÉE SUR LES FINANCES DE FRANCE TÉLÉVISIONS
L’estimation de la perte de recettes qui pourrait résulter, pour France Télévisions, de la présente proposition de loi varie largement selon les sources.
— Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) chiffre la perte de recettes pour France Télévisions à environ 20 millions d’euros. C’est du moins le chiffre avancé, lors de son audition, par Mme Sylvie Pierre-Brossolette qui a ajouté que, sauf à augmenter encore le taux (déjà élevé) de rediffusion sur les chaînes publiques, il était difficile de faire davantage d’économies sur leurs programmes.
— Ce chiffre est également celui qui a été cité par les représentants de France Télévisions, lors de leur audition, le 10 décembre dernier : l’interdiction de la publicité autour des programmes pour enfants engendrerait 17,5 millions d’euros de pertes de recettes, auxquels il faudrait ajouter près de 3 millions d’euros d’investissement dans des programmes destinés à occuper le temps d’antenne aujourd’hui dévolu aux espaces publicitaires. À cette occasion, M. Fabrice Lacroix, directeur général délégué à la gestion et aux moyens de France Télévisions, a tenu à préciser que cette société n’était pas « pub addict » mais « pub dépendante ». La publicité est, d’après lui, une nécessité pour France Télévisions qui s’efforce de l’appréhender en faisant primer le contenu éditorial.
Même si la publicité et les parrainages ne représentent qu’une faible part des ressources financières de France Télévisions, le groupe public y est d’autant plus attaché que sa situation financière s’est dégradée ces dernières années, ce qui rend problématique toute baisse des ressources publicitaires. M. Fabrice Lacroix a indiqué que les ressources publicitaires effectivement réalisées étaient inférieures d’environ 300 millions d’euros aux ressources prévues dans le contrat d’objectifs et de moyens signés par France Télévisions et l’État en 2011.
En 2014, les ressources propres ont contribué à hauteur de 11,4 % aux revenus de France Télévisions (environ 2,8 milliards d’euros), la quasi-totalité de ces ressources propres provenant de la publicité et du parrainage (317,8 millions d’euros sur 320,6 millions d’euros – soit 99,1 %).
En 2015, le groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz a expliqué dans son rapport qu’« il existe un risque non négligeable que les recettes publicitaires de France Télévisions continuent de chuter en valeur absolue d’ici 2020, ce qui fait peser une menace accrue sur le financement de ses programmes » (33).
C’est la raison pour laquelle M. Fabrice Lacroix a exprimé le souhait que la question du financement de France Télévisions soit envisagée de manière globale plutôt que morcelée, à défaut de quoi le risque serait grand, selon lui, que France Télévisions ne parvienne plus à financer certaines de ses missions – et ce d’autant plus que le visionnage des programmes télévisés sur des supports numériques monte en puissance.
— De son côté, le syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) évalue l’impact financier de la proposition de loi pour la société France Télévisions à environ 15 millions d’euros – perte à laquelle il faudrait ajouter les baisses d’investissements, voire les retraits des écrans de France Télévisions, d’annonceurs pour qui l’offre du groupe serait beaucoup moins stratégique et pertinente sans les programmes destinés à la jeunesse.
— Ces chiffres sont largement surestimés d’après le sénateur André Gattolin qui, lors de son audition, a expliqué qu’il ne fallait pas confondre les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions autour des programmes pour enfants (de 13,5 millions d’euros dans le budget de 2015), avec les résultats effectivement atteints, qui, selon lui, sont généralement inférieurs de 10 à 20 % aux objectifs fixés. Si l’on prend en compte les recettes publicitaires réellement réalisées par France Télévisions autour des programmes pour enfants ainsi que les recettes susceptibles de résulter du report de la publicité à destination des enfants sur les espaces publicitaires d’autres créneaux horaires, l’impact financier de l’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans ne serait, selon ce sénateur, que de 7 millions d’euros.
— Cette estimation est corroborée par la sénatrice Corinne Bouchoux qui explique dans son rapport que la restriction du champ de l’interdiction aux seuls programmes destinés aux enfants de moins de douze ans limiterait la perte de recettes pour France Télévisions à 5 ou 7 millions d’euros – soit 0,2 % du budget total de cette société (34).
Le chiffrage des pertes de recettes pour France Télévisions est d’autant plus incertain que la commercialisation des messages publicitaires ne se fait pas sur la base des tranches d’âges éditoriales des 3-6 ans ou des 6-12 ans, mais sur la base de critères propres à la régie publicitaire (notamment la cible des 4-10 ans et celle des 11-14 ans), ce qui complique l’évaluation de la perte de chiffre d’affaires liée à une interdiction de la publicité dans les programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans – puisque cela reviendrait à remettre en cause également les messages publicitaires ciblant les 11-14 ans.
Ce n’est que si l’intégralité de ses écrans « jeunesse » était touchée que la perte de recettes de France Télévisions s’élèverait (au plus) à quelque 17 millions d’euros (en prenant en compte à la fois la publicité télévisée, les parrainages et la publicité numérique) – soit environ 0,5 % du budget total de la société en 2015.
La rapporteure approuve l’invitation faite par la sénatrice Corinne Bouchoux à « examiner sérieusement les moyens de réduire la publicité dans ses programmes destinés à la jeunesse tout en limitant les pertes de recettes à travers une redéfinition de la cible publicitaire (10-14 ans) pour qu’elle n’interfère pas avec la cible éditoriale (6-12 ans) qui doit être protégée de la publicité » (35).
RESSOURCES PUBLICITAIRES DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC
(en millions d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
France Télévisions |
441,3 |
423,7 |
372,2 |
333,1 |
317,8 |
340,1 |
Radio France |
41,8 |
41,3 |
40,4 |
40,4 |
42,0 |
40,5 |
France Médias Monde |
3,3 |
4,4 |
5,1 |
3,1 |
3,8 |
4,3 |
TV5 Monde |
4,2 |
4,2 |
4,2 |
2,5 |
2,9 |
2,7 |
Total |
490,6 |
473,6 |
421,9 |
379,1 |
366,5 |
387,6 |
Nota-bene : la société Arte France et l’INA ne réalisent aucune recette publicitaire.
Source : DGMIC.
RESSOURCES PROPRES DE FRANCE TÉLÉVISIONS 2010-2015
(en millions d’euros)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 | |
Ressources publiques |
2 472,7 |
2 464,2 |
2 527,7 |
2 502,1 |
2 485,9 |
2 481,0 |
Ressources propres |
448,9 |
428,3 |
376,1 |
336,8 |
320,6 |
344,0 |
Proportion de ressources propres / ressources totales |
15,4 % |
14,8 % |
13,0 % |
11,9 % |
11,4 % |
12,2 % |
Dont : |
||||||
Publicité et parrainage |
441,3 |
423,7 |
372,2 |
333,1 |
317,8 |
340,1 |
Proportion / ressources propres |
98,3 % |
98,9 % |
99,0 % |
98,9 % |
99,1 % |
98,9 % |
Autres recettes |
7,6 |
4,6 |
3,9 |
3,7 |
2,8 |
3,9 |
Proportion / ressources propres |
1,7 % |
1,1 % |
1,0 % |
1,1 % |
0,9 % |
1,1 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Afin de compenser les pertes de recettes susceptibles de résulter, pour France Télévisions, de la présente proposition de loi, la rapporteure propose plusieurs solutions.
— Tout d’abord, l’interdiction de la publicité commerciale 15 minutes avant, pendant, et 15 minutes après la diffusion des programmes de France Télévisions destinés aux enfants de moins de 12 ans n’ayant vocation à entrer en vigueur qu’au 1er janvier 2018, le législateur dispose de deux ans pour mettre en œuvre la réforme, tant attendue, toujours citée et jamais aboutie, de la contribution à l’audiovisuel public. Comme l’a bien montré le rapport de nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux (36), le temps est venu de définir un nouveau modèle économique et financier pour l’audiovisuel public.
S’il est vrai que la dynamique de la démographie (et des séparations) en France a permis jusqu’à présent un élargissement mécanique de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, il semblerait que cette dynamique puisse connaître un ralentissement d’ici 2018, voire un freinage brutal, comme celui qu’a connu la contribution équivalente aux États-Unis et en Finlande, où les produits de ladite contribution ont diminué respectivement de 10 % et 20 % en deux ans.
L’universalisation de cette contribution, dont le rapport des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux suggère qu’elle s’inspire du modèle allemand de la taxe au foyer (qui repose moins sur la taxation de la détention d’un téléviseur que sur celle d’un droit d’accès à la télévision) (37), devrait générer un surcroît de recettes de 140 à 150 millions d’euros.
— Mais sans attendre une éventuelle réforme en profondeur de la contribution à l’audiovisuel public d’ici 2018, il serait concevable soit d’augmenter légèrement son montant, soit d’élargir son assiette.
En effet, si le Gouvernement estime à 60 millions d’euros les recettes supplémentaires susceptibles de résulter de l’augmentation d’un euro du montant de la contribution à l’audiovisuel public à laquelle procède le projet de loi de finances pour 2016, un calcul rapide permet de constater qu’il suffirait alors d’augmenter le montant de cette contribution de 25 à 33 centimes d’euro par foyer pour générer les 15 à 20 millions d’euros de recettes supplémentaires nécessaires pour compenser les pertes de recettes résultant de l’interdiction de la publicité commerciale avant, pendant et après la diffusion des programmes de France Télévisions destinés aux jeunes de moins de 12 ans (38).
Ces sommes sont dérisoires au regard du coût que représentent l’obésité et l’échec scolaire pour la collectivité. Reprenant des estimations établies par l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS), M. Jacques Muller a ainsi indiqué lors de son audition que la prise en charge et le traitement de l’obésité coûtaient chaque année près de 2,3 milliards d’euros à la collectivité. Quant au coût annuel de l’échec scolaire, le « think tank » Terra nova l’estimait, en 2014, à au moins 24 milliards d’euros (39).
Si le Gouvernement ne souhaitait pas augmenter le montant de la contribution à l’audiovisuel public, il pourrait élargir son assiette dont il faut rappeler qu’elle n’inclut aujourd’hui :
– ni les téléviseurs détenus par certains foyers qui ne sont pas redevables de la contribution parce qu’ils sont exonérés de la taxe d’habitation en raison de leur âge ou pour raisons professionnelles (ambassadeurs et autres agents diplomatiques de nationalité étrangère, sous condition de réciprocité), ou en raison d’une situation de handicap (titulaires de l’allocation adulte handicapé (AAH), personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité), ou en raison de la faiblesse de leurs revenus (personnes reconnues indigentes par la commission communale des impôts directs ; titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité – ASI ; bénéficiaires du régime dit des « droits acquis » - à savoir les personnes âgées de condition modeste et les personnes de condition modeste invalides ou infirmes - ; personnes dont le montant du revenu fiscal de référence est nul, tels que les bénéficiaires du revenu de solidarité active – RSA – ne percevant aucun autre revenu) (40) ;
– ni le(s) téléviseur(s) détenu(s) dans des résidences secondaires, lorsque la résidence principale est équipée d’un (ou plusieurs) téléviseur(s) ;
– ni les autres écrans (d’ordinateurs, de tablettes ou de smartphones).
Selon des estimations, l’élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public à ces autres écrans pourrait générer 20 millions d’euros de recettes supplémentaires (41) – soit le montant des sommes nécessaires pour compenser la mesure d’interdiction contenue dans la présente proposition de loi.
Lors de leur audition, les représentants de l’UNAF se sont déclarés favorables à cet élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public à l’ensemble des écrans.
— Enfin, dans l’hypothèse où le Gouvernement ne souhaiterait pas modifier les règles applicables à la contribution à l’audiovisuel public, on pourrait imaginer d’augmenter davantage la part des recettes de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (article 302 bis KH du code général des impôts) qui est affectée à France Télévisions.
Instituée en 2009 en plus de la taxe sur le chiffre d’affaires des éditeurs de services de télévision (article 302 bis KG du même code), pour compenser les pertes de recettes résultant de l’interdiction de la publicité sur la télévision publique entre 20 heures et 6 heures, la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques voit son produit affecté au budget général de l’État qui en affecte une faible partie à France Télévisions au titre du programme 313 « Contribution à l’audiovisuel public et à la diversité radiophonique ».
L’article 20 du projet de loi de finances pour 2016 propose de majorer le taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques de 0,9 % à 1,2 %, et d’affecter à France Télévisions un montant de 75 millions d’euros par an, équivalent au produit attendu de ce relèvement du taux.
Plutôt qu’une nouvelle augmentation du taux de cette taxe, la rapporteure estime concevable d’accroître la part de son produit qui est affectée à France Télévisions, étant rappelé qu’en 2014, le montant recouvré au titre de cette taxe s’élevait à 213 millions d’euros.
— Par ailleurs, il serait souhaitable que les droits de France Télévisions sur les programmes qu’elle finance pour une part substantielle soient renforcés, ce qui permettrait d’accroître ses recettes (42).
La rapporteure tient tout d’abord à souligner qu’elle est parfaitement consciente de l’excellence de l’industrie française du film d’animation, qui produit chaque année près de 300 heures de programmes télévisés destinés à la jeunesse.
Elle a entendu les inquiétudes exprimées par les représentants du syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA), qui craignent qu’à l’occasion du prochain renouvellement de l’accord qui lie ce syndicat et France Télévisions et qui impose à cette société un volume minimal de diffusion et d’investissement, il soit décidé une réduction drastique des investissements des chaînes publiques dans la production française de films d’animation.
Il est vrai qu’avec un investissement annuel d’environ 30 millions d’euros dans la production française de films d’animation, dont 25 millions d’euros dans celle de films d’animation diffusés à la télévision, France Télévisions représente 60 % de l’investissement dans cette production. Cet investissement permet de produire environ 15 films d’animation (soit 150 heures de programmes) chaque année – ce qui n’est pas sans être rentable pour le groupe public de télévision, puisque ces programmes représentent le tiers des programmes exportés (alors qu’ils ne correspondent qu’à 12,4 % des sommes investies dans la production aidée).
Toutefois, la rapporteure tient à rappeler que les producteurs de films d’animation disposent aujourd’hui de droits non seulement sur les films – dont le financement est en bonne partie assuré par les chaînes (publiques notamment) – mais aussi sur les produits dérivés de ces films (figurines, matériel scolaire, etc.). Alors que les films sont produits grâce aux concours financiers des chaînes, les droits sur ces films et sur leurs produits dérivés appartiennent aux producteurs, qui peuvent aussi les exploiter à l’étranger.
France Télévisions n’est pas propriétaire des droits qu’elle exploite sur des films qu’elle a pourtant financés pour une part substantielle. Certes, la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a permis aux chaînes de télévision d’être coproductrices de programmes, et notamment de films d’animation, à condition d’en financer une part substantielle. Mais le décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles des services de télévision a fixé le niveau de cette part substantielle de financement à 70 % du devis de production d’une œuvre audiovisuelle. Or, alors même que France Télévisions est le premier investisseur européen dans la production de films d’animation, il est rare que cette société assume jusqu’à 70 % du financement d’un film d’animation. Il n’est pas inenvisageable que ce seuil soit abaissé.
Par ailleurs, la rapporteure rappelle que les films d’animation bénéficient d’un certain nombre de soutiens financiers au titre de divers crédits d’impôts et d’aides financières proposés par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Qui plus est, ces films sont largement financés par la télévision publique alors qu’ils ne sont pas toujours produits sur le sol français. S’il est vrai qu’un mouvement de relocalisation des emplois a été impulsé par le CNC, grâce à des incitations fiscales, et que d’importants studios se sont implantés dans les régions Île-de-France, Nord et Rhône-Alpes, certains films d’animation sont produits par des producteurs français qui créent des emplois à l’étranger, et notamment au Canada.
Enfin, à supposer que le risque désinvestissement de France Télévisions dans la production française de films d’animation soit avéré, la rapporteure estime que ce risque pourrait être limité, voire évité, si la société France Télévisions s’engageait, dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens qui la lie à l’État et qui va prochainement être renégocié, à maintenir un taux minimal d’investissement dans cette production.
Aujourd’hui, le SPFA et France Télévisions ne sont liés que par un accord interprofessionnel. La rapporteure estime que le volume d’investissement de France Télévisions dans l’industrie française du film d’animation devrait relever du contrat d’objectifs et de moyens précité, dans la mesure où celui-ci doit comprendre des engagements au titre de « l’innovation dans la création », en application des dispositions de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986.
On pourrait ainsi imaginer qu’au titre de ce contrat d’objectifs et de moyens, France Télévisions s’engage à maintenir un investissement correspondant à au moins 10 % de ses ressources propres (soit environ 30 millions d’euros) dans la production française de films d’animation.
Cela ne représenterait pas un effort considérable pour la télévision publique quand on sait que, comme l’ont rappelé les représentants du SPFA lors de leur audition, France Télévisions investit aujourd’hui moins de 10 % de ses ressources propres dans les programmes destinés à la jeunesse alors que les 7-14 ans représentent près de 15 % de la population française.
La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de Mme Michèle Bonneton, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique (n° 3164), lors de sa séance du mercredi 16 décembre 2015.
M. le président Patrick Bloche. Nous examinons ce matin deux propositions de loi inscrites par le groupe Écologiste à l’ordre du jour de sa journée réservée, le jeudi 14 janvier 2016. La première, adoptée par le Sénat, est relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Mme Michèle Bonneton, rapporteure. Je suis heureuse de vous présenter cette proposition de loi adoptée par le Sénat. L’interdiction de la publicité dans les programmes de la télévision publique destinés à la jeunesse est une revendication ancienne des parlementaires, toutes sensibilités confondues ; quant à la jeunesse, c’est une des priorités de ce quinquennat.
L’adoption de la présente proposition de loi – dont je remercie ici son auteur, André Gattolin, et sa rapporteure, Corinne Bouchoux – par le Sénat montre qu’il s’agit bien d’une cause transpartisane. En 2008, d’ailleurs, sous la précédente majorité, Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé et des sports, avait eu des velléités d’interdire toute publicité pour les produits alimentaires à destination des enfants dans l’ensemble des programmes du service public de la télévision. Au final, le choix a été fait d’interdire la publicité sur les chaînes publiques entre vingt heures et six heures du matin, et de protéger ainsi un public adulte, la question de la publicité pour les produits alimentaires étant renvoyée à une charte.
La situation actuelle est donc paradoxale : France Télévisions ne peut diffuser de messages publicitaires en soirée, là où ils sont vus par les adultes et où ils sont les plus rémunérateurs, mais elle est autorisée à les diffuser en journée, à un moment où ils sont vus notamment par les enfants, souvent en l’absence de leurs parents. Du reste, la suppression de la publicité après vingt heures sur les chaînes publiques n’a guère bénéficié aux chaînes privées historiques.
La présente proposition de loi vous invite donc à remédier à cette situation, en interdisant, à compter du 1er janvier 2018, la publicité commerciale pendant la diffusion des programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans, mais aussi quinze minutes avant et après leur diffusion, ainsi que sur les sites internet des chaînes publiques qui proposent ces mêmes programmes.
Les chaînes privées sont également concernées puisque le présent texte propose d’inscrire dans la loi le principe de la transmission annuelle d’un rapport au Parlement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur les mécanismes d’autorégulation mis en place par les services de communication audiovisuelle. Cela permettrait d’informer la représentation nationale sur le respect, par les messages publicitaires diffusés autour des programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque.
Dans le peu de temps qui m’a été imparti, je suis parvenue à mener près d’une vingtaine d’auditions, dont il est ressorti que le dispositif proposé recueillait l’assentiment d’un grand nombre des personnes entendues. Des experts, tel Serge Tisseron, psychanalyste et spécialiste de l’image, comme les représentants des associations familiales – CSF, UNAF –, des associations de parents d’élèves
– PEEP, FCPE –, des associations de consommateurs – UFC-Que choisir ? – ou encore d’associations particulièrement investies sur le sujet, comme l’association « Résistance à l’agression publicitaire », ont salué une initiative intéressante. Ils ont formé le vœu qu’elle constitue une étape marquante.
J’estime, pour ma part, que si cette proposition de loi peut sembler modeste, la « sanctuarisation » des programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans constitue un premier pas important.
À la suite de son rapport sur le financement de l’audiovisuel public, le sénateur André Gattolin a commandé un sondage sur l’accueil d’une telle mesure par les Français. Ce sondage, réalisé par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), a révélé que 71 % des personnes interrogées étaient favorables à la mesure d’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes pour enfants diffusés par la télévision publique. Pour être tout à fait honnête, je me dois de préciser que les plus hostiles sont celles qui ont déclaré être des sympathisants du Front national.
Lors des auditions, l’une des seules objections qui nous a été faite est d’ordre financier, car, pour reprendre l’expression de Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège du CSA, si « l’objectif est louable, la question est celle des moyens ».
Je propose, dans mon projet de rapport, un certain nombre de réponses à la question de la compensation financière des pertes de recettes susceptibles de résulter, pour France Télévisions, de l’adoption de cette proposition de loi. Ces pertes sont estimées, selon les interlocuteurs, entre 7 et 20 millions d’euros, sachant que les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions autour des programmes pour enfants étaient fixés à 13,5 millions d’euros dans le budget de 2015. Il s’agit de montants non négligeables mais qui pourraient être compensés de différentes manières, par exemple par une augmentation de la part des recettes de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, dont une partie est affectée à France Télévisions. Le produit de cette taxe, mise en place pour compenser la perte de recettes due à la suppression de la publicité après vingt heures, s’élevait à 213 millions d’euros en 2014 ; en 2016, il a été prévu d’en affecter 140 millions à l’audiovisuel public – il reste donc de la marge. Une autre solution serait de permettre à France Télévisions d’accroître les revenus qu’elle tire de sa participation à la création de programmes. Enfin, on peut également imaginer de revoir l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public. Ces propositions sont précisées dans mon rapport et dans celui – excellent – des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.
Compte tenu de la montée en puissance des autres écrans et du numérique, une réforme des ressources de France Télévisions semble, quoi qu’il en soit, nécessaire à court terme. C’est une des raisons pour laquelle cette proposition de loi suggère que l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2018.
Au-delà de ces solutions, j’estime que la question de la publicité commerciale diffusée autour des programmes pour enfants ne doit pas uniquement être envisagée sous un angle comptable et financier. Il est question ici de protéger la santé des enfants au sens où la définit l’Organisation mondiale de la santé, à savoir « un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Il s’agit, de notre point de vue, de l’un des devoirs du service public de la télévision à l’égard d’une jeunesse dont il est aujourd’hui démontré qu’elle pâtit physiquement et psychologiquement d’une surexposition aux messages publicitaires, dont les conséquences sur les apprentissages scolaires et le comportement social ne sont plus à prouver.
Il s’agit de redonner au service public de la télévision ses lettres de noblesse, en exigeant de lui une exemplarité qui permette aux parents d’avoir confiance lorsque leurs enfants regardent les programmes des chaînes publiques. Il s’agit aussi de différencier les chaînes publiques des chaînes privées en mettant en valeur la spécificité des premières ainsi que la qualité et la valeur ajoutée de leurs programmes, qui doivent offrir une véritable alternative à ceux des chaînes privées. Les parents comprendraient difficilement que la commission des affaires culturelles et notre assemblée n’adoptent pas une proposition de loi visant à mieux protéger la jeunesse, dont je rappelle qu’elle avait été érigée en 2012 en priorité du quinquennat par le Président de la République François Hollande. Le 2 octobre 2014, dans son discours de clôture du séminaire du CSA sur « l’audiovisuel, enjeu économique », ce dernier a d’ailleurs lui-même préconisé un élargissement de l’assiette de la redevance, afin de la rendre plus équitable.
Je vous invite, en conséquence, à adopter la présente proposition de loi.
Mme Valérie Corre. Je souhaite tout d’abord féliciter Mme la rapporteure pour la clarté de sa présentation et pour les auditions qu’elle est parvenue à mener dans un temps très restreint.
En France, plus de huit millions de jeunes de quatre à quatorze ans constituent aujourd’hui le marché « enfants » pour les annonceurs publicitaires à la télévision, ce qui nous place devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. C’est pourquoi, à juste titre, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent « limiter strictement les effets de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse », notamment pour lutter contre l’obésité infantile. La publicité a, en effet, une influence néfaste sur le public jeune, très réceptif et très influençable.
Je souscris donc pleinement à l’objectif qui consiste à protéger les enfants de la publicité, omniprésente dans notre société, et qui peut, au-delà de ses représentations des comportements alimentaires à risque, exposer les plus jeunes à des images choquantes ou encore véhiculer des stéréotypes dangereux. Si cet objectif apparaît légitime, son efficacité pour protéger le jeune public peut néanmoins être discutée, d’autant que la suppression de la publicité ne concernerait que la télévision publique. Les enfants ne sont pas exposés à la publicité uniquement par le biais de la télévision, mais partout dans leur environnement quotidien, par le biais de l’affichage ou d’internet, où la publicité, abondante, ne fait pas l’objet des mêmes contrôles.
De plus, l’exposition des enfants à la télévision – on peut le regretter mais c’est la réalité – ne se limite pas aux programmes pour la jeunesse. Certains programmes de télé-réalité et les publicités qui leur sont associées peuvent, par exemple, constituer pour la jeunesse un réel danger. Attention donc à ne pas créer, au nom du devoir d’exemplarité du service public, un système de régulation inégalitaire et, de ce fait, inefficace. C’est la raison pour laquelle il apparaît indispensable que le Parlement puisse, par le biais d’un rapport, remis au plus tard le 30 juin 2017 et assorti d’une étude d’impact, s’accorder sur les modalités concrètes de la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse des chaînes du groupe France Télévisions et sur sa possible extension à d’autres médias.
Il convient, à cet égard, de rappeler que France Télévisions dispose déjà de programmes sans publicité, destinés à la catégorie des préscolaires, c’est-à-dire aux enfants de trois à six ans : c’est le cas de la série d’émissions Les Zouzous, sur France 5.
Enfin, les publicités diffusées au cours des autres programmes pour la jeunesse de France Télévisions sont moins nombreuses que sur les chaînes privées – six minutes contre douze minutes en moyenne – et font l’objet d’une sélection par la régie publicitaire du groupe : les spots pour des produits alimentaires ne représentent que 8 % de l’ensemble des publicités diffusées au cours des programmes pour la jeunesse, les 92 % restants concernant le secteur des jeux et jouets ou de la distribution. Le groupe France Télévisions pratique donc déjà une forme d’autorégulation qui le distingue des chaînes privées et à laquelle il convient d’ajouter les nombreuses obligations en vigueur visant à limiter la diffusion de messages publicitaires pouvant induire des comportements alimentaires à risque ou comportant des images violentes.
Par ailleurs, la suppression de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse représenterait pour la télévision publique une perte de recettes évaluée à environ 20 millions d’euros par an par le CSA. Je dois ici rappeler que, face au déficit de France Télévisions, estimé à 50 millions d’euros, les députés socialistes, lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, ont accordé 25 millions d’euros supplémentaires à l’entreprise, celle-ci s’étant engagée à prendre les mesures nécessaires pour combler les 25 millions de déficit restants. Je regrette donc que la proposition de loi ne propose plus de compensation financière depuis la suppression par le Sénat de l’article 3, qui augmentait la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées, au motif qu’une telle disposition n’était guère pertinente dans la mesure où nous ne savons pas encore quel sera l’état du marché publicitaire au moment de l’entrée en vigueur de la suppression de la publicité, fixée dans l’article 2 au 1er janvier 2018.
Je souhaite, dans ces conditions, qu’un travail de concertation puisse être effectué avec les acteurs du secteur et que des solutions pérennes de compensation financière puissent être trouvées. Il serait, en effet, paradoxal et préjudiciable de porter atteinte, par l’adoption de cette disposition, au service public de la télévision et à la qualité de ses programmes pour la jeunesse. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement visant à réécrire l’article 2. Le groupe socialiste, républicain et citoyen votera cette proposition de loi, dont il partage l’objectif général, sous réserve de l’adoption de ses amendements.
M. Frédéric Reiss. Madame la rapporteure, je tiens également à vous remercier pour le travail que vous avez accompli sur cette proposition de loi adoptée par le Sénat et qui entend légitimement protéger les enfants d’une exposition aux messages publicitaires lors de la diffusion des émissions pour la jeunesse sur les chaînes et les sites internet du service public.
L’article 1er de la proposition de loi renforce la régulation ; l’article 2, qui interdisait à l’origine la publicité dans l’ensemble des programmes pour la jeunesse, ne concerne plus désormais que les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans ; enfin, l’entrée en vigueur du dispositif a été reportée à 2018 et son financement renvoyé à une réforme globale de la contribution à l’audiovisuel public.
Sur le principe, notre groupe ne peut qu’être favorable à ce texte, puisque la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoyait initialement l’extinction totale de la publicité sur les chaînes de service public à l’horizon 2011. C’était sans compter la crise budgétaire et l’enchaînement des moratoires, qui ont conduit certains de nos collègues à présenter un amendement de pérennisation de la publicité en journée sur France Télévisions lors des débats sur la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public, en 2013. Il s’agissait d’un revirement dicté par la nécessité.
Je fais ce rappel pour éclairer notre position sur ce texte et pour rappeler que si nous ne sommes pas opposés à la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse, nous avons par ailleurs des raisons de nous inquiéter de l’équilibre budgétaire de France Télévisions : rappelons simplement que la rallonge de 25 millions d’euros accordée à l’entreprise à partir de l’augmentation de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques inscrite dans le PLF pour 2016 ne suffira pas à combler le déficit annoncé de l’entreprise, qui devrait se situer entre 40 et 50 millions d’euros.
Je ne reviendrai pas sur notre opposition de fond à l’affectation partielle de ces 25 millions d’euros quand c’est l’ensemble du produit de cette taxe qui devrait être reversé à France Télévisions, conformément à la volonté exprimée par le législateur en 2009. Si le Gouvernement n’avait pas décidé de supprimer la dotation publique à France Télévisions, nous pourrions peut-être envisager différemment la proposition de loi qui est soumise à notre attention aujourd’hui.
André Gattolin a estimé que le coût de la suppression de la publicité dans les programmes destinés aux moins de douze ans s’élèverait à 7 millions d’euros. Renvoyer le financement de ce manque à gagner à une réforme globale de la contribution à l’audiovisuel public nous semble peu crédible. La réforme de la redevance a du plomb dans l’aile, comme le montrent encore les débats récents sur la question, et nous ne pouvons valider une nouvelle hausse de cette redevance sans vision globale de l’avenir du financement de l’audiovisuel public. Il nous paraît donc extrêmement compliqué de légiférer sur cette question à l’occasion d’une proposition de loi, sans étude d’impact et sans certitude sur le financement des mesures proposées.
J’ajoute que si la suppression de la publicité n’est supposée s’appliquer qu’à l’audiovisuel public, les enfants savent parfaitement se servir d’une télécommande et zapper sur les chaînes privées ! Pourquoi, dans ces conditions, priver France Télévisions d’une recette supplémentaire par une mesure qui n’assure que partiellement la protection du jeune public ?
Il importe, à nos yeux, de renforcer l’autorégulation de l’ensemble des chaînes, publiques et privées, en matière d’exposition des enfants aux messages publicitaires. Nous entendons l’appel lancé par ce texte, nous comprenons son objet, mais notre groupe s’abstiendra, quitte à reconsidérer sa position d’ici à l’examen du texte en séance publique, au mois de janvier.
Mme Barbara Pompili. Madame la rapporteure, je tiens, en tout premier lieu, à vous remercier pour la qualité de votre rapport dont je partage les constats et les préconisations. Je salue également l’excellent travail mené au Sénat par nos collègues André Gattolin et Corinne Bouchoux.
Comme vous le soulignez, il y a consensus aujourd’hui pour supprimer la publicité commerciale dans les programmes pour enfants. Les enfants constituent une cible de choix pour les publicitaires : ils représentent une clientèle susceptible d’être fidélisée dès le plus jeune âge et sont de véritables prescripteurs en matière d’achats familiaux, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires. Or la publicité pour les produits alimentaires concerne essentiellement des produits qui, trop gras, trop salés ou trop sucrés, sont rarement exemplaires en termes nutritionnels ou diététiques, et elle donne souvent envie de manger, même si l’on n’a pas faim, première étape vers des habitudes de grignotage, qui favorisent la malbouffe, l’obésité, voire la boulimie. Il y a là un facteur d’inégalité sociale, car ceux qui regardent le plus la télévision et qui sont le plus sujets à l’obésité sont issus des milieux défavorisés.
Autre problème soulevé dans le rapport : les enfants ne sont pas capables d’identifier ce qui relève de la publicité, de l’information ou de la fiction. Ils prennent au premier degré le monde tel qu’il leur est proposé par la publicité, et cette confusion est aggravée par l’apparition des personnages de dessins animés dans les messages publicitaires. Ce manque de discernement est également problématique du fait des valeurs promues à travers les publicités : individualisme, compétition, hypersexualisation, auxquelles s’ajoute une théâtralisation du comportement des enfants dans des messages publicitaires construits sur le triptyque « agresseur-victime-redresseur de torts », dans lequel l’enfant risque de se trouver enfermé.
La publicité au milieu des programmes induit également comme autre effet notoire un morcellement de l’attention, qui altère cette dernière, avec les conséquences que l’on connaît sur les résultats scolaires. Pourriez-vous, madame la rapporteure, nous en dire un peu plus sur ce phénomène, qui intéresse particulièrement cette commission, chargée des questions d’éducation ?
Enfin, le rapport met en avant un argument économique qui me semble intéressant, en soulignant que la publicité fait la promotion de produits de marques appartenant à des multinationales, au détriment des petites entreprises.
Pour toutes ces raisons, supprimer la publicité commerciale dans et autour des programmes jeunesse pour les enfants de moins de douze ans est donc une nécessité.
Si l’article 1er de cette proposition de loi va dans le bon sens en permettant d’avoir une meilleure vue sur les dispositifs d’autorégulation des chaînes publiques comme privées, le fait est que ces mécanismes ne suffisent pas. Il est temps de légiférer pour proposer aux enfants une offre audiovisuelle sans publicité, afin de les protéger et de leur proposer un cadre bienveillant. C’est une des missions de service public de France Télévisions.
Mais pourquoi se limiter au secteur public ? D’autres pays ont été plus ambitieux, par exemple la Suède ou le Québec. Les chaînes privées auraient d’ailleurs intérêt à adopter la même attitude, car la suppression de la publicité des programmes pour la jeunesse de France Télévisions devrait augmenter l’intérêt des parents pour ces programmes.
Enfin, la question de l’impact financier pour France Télévisions est cruciale. Dans le contexte actuel, et pour reprendre l’estimation la plus haute, les 20 millions d’euros de pertes que pourrait engendrer cette suppression de la publicité peuvent faire peur. Il faut néanmoins appréhender ce montant en regard du budget de France Télévisions, mais aussi en regard du montant de la contribution à l’audiovisuel public ou de la part de la taxe dite « Copé » sur les opérateurs de communications électroniques qui est fléchée vers le financement de France Télévisions. Pour compenser ces pertes, des pistes existent, et cette proposition de loi a la sagesse de prévoir un délai de deux ans, suffisant pour s’assurer que la suppression de la publicité ne pénalisera ni France Télévisions ni le financement de la fiction française.
Il est plus que temps de donner réellement les moyens au service public de l’audiovisuel de travailler dans de bonnes conditions et que celles-ci soient pérennes. D’où la nécessité de définir un nouveau modèle économique et financier. Mais cela, c’est une autre histoire.
Pour conclure, les écologistes soutiennent vivement cette proposition de loi qui a fait l’objet, au Sénat, d’un soutien transpartisan. Je ne peux qu’espérer qu’il en sera de même ici.
M. Rudy Salles. Protéger les jeunes enfants des excès de la publicité est nécessaire et nous comprenons parfaitement les motivations des auteurs de cette proposition de loi.
En France, le taux d’équipement des foyers en postes de télévision est très élevé, puisqu’il est supérieur à 97 %, tandis que le taux d’écoute quotidienne des enfants de quatre à quatorze ans est d’environ deux heures par jour. La réalité est plus inquiétante encore, car parmi ces jeunes enfants, nombreux sont ceux qui sont livrés à eux-mêmes et regardent la télévision, seuls, dans leur chambre.
Cette surexposition à la télévision et à des programmes qui ne sont pas toujours adaptés à leur âge, outre qu’elle a indéniablement des effets sur le comportement de ces enfants, en fait des cibles privilégiées pour les publicitaires : les enfants, en effet, sont les consommateurs de demain qu’il faut fidéliser, les clients d’aujourd’hui lorsqu’ils ont un peu d’argent à dépenser, et surtout les prescripteurs des achats de la famille, car ils sont capables d’influencer les choix de leurs parents.
Le service public doit être vigilant, surveiller les contenus qu’il diffuse et limiter l’exposition des enfants à la publicité.
Pour autant, malgré l’objectif louable poursuivi, l’examen de cette proposition de loi ne peut se résumer à un débat pour ou contre la publicité dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique en faisant abstraction des enjeux financiers. Certes, le travail du Sénat a permis de reporter cette interdiction à 2018, pour la faire coïncider avec une réforme de la contribution à l’audiovisuel public. Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence de légiférer dès à présent. Ne serait-il pas préférable de mener une réflexion globale sur l’avenir de France Télévisions, plutôt que de se contenter d’une réforme de la redevance ? Les membres du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) sont attachés, comme chacun sur ces bancs, à l’audiovisuel public. Nous sommes porteurs pour lui d’exigences fortes, en ce qui concerne tant son indépendance et son pluralisme que la création ou la bonne gestion.
Aujourd’hui, le paysage audiovisuel du service public nous laisse quelque peu perplexes, et la cohérence du bouquet des chaînes du groupe nous semble perfectible. Comment ne pas être troublé par la similitude entre l’offre de France 2 et celle de TF1 ? Comment définir le périmètre et l’utilité de France 4 ? Quant à la chaîne France Ô, elle souffre d’un vrai problème d’identification, et ce au détriment des territoires ultramarins pourtant riches d’un patrimoine multiculturel. Sans parler du projet de chaîne d’information en continu qui ne fera que fragiliser un secteur déjà affaibli.
Outre le positionnement des chaînes du groupe et la définition de leurs programmes se pose également le problème connexe du financement. Le modèle économique actuel n’est pas viable dans la mesure où il est fondé sur une surévaluation quasi systématique des objectifs publicitaires de France Télévisions, et conduit de ce fait invariablement à une course à l’audience.
Depuis 2009, la situation de France Télévisions est d’autant plus paradoxale que les chaînes du groupe ne peuvent plus diffuser de messages publicitaires en soirée – à destination d’un public adulte et au moment où les spots publicitaires sont les plus rémunérateurs – mais en diffuse en journée, moment où les programmes sont notamment destinés aux jeunes téléspectateurs.
Nous ne sommes pas opposés à la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse, voire sur le service public en général, mais il faut inscrire cette démarche dans une réforme globale de l’audiovisuel public et réaffirmer la position particulière de France Télévisions.
Pour ces différentes raisons, il est inutile de légiférer dès à présent sur un tel sujet. Il convient plutôt, et urgemment, d’engager une réforme ambitieuse de l’audiovisuel public. C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera contre cette proposition de loi.
M. Jean-Noël Carpentier. Je souligne, à mon tour, la qualité du travail de la rapporteure. La présente proposition de loi tente de répondre à un impératif de santé publique : protéger nos enfants contre la pression publicitaire télévisuelle, et notamment de la publicité qui fait la promotion des aliments riches en sucre et en matières grasses, même si, hypocritement, les annonceurs doivent y intégrer des messages de prévention.
L’objectif affiché est donc de lutter contre l’obésité et le surpoids, fléaux qui touchent en particulier les enfants qui passent beaucoup trop de temps devant la télévision et les écrans. Il faudrait certainement que les parents sortent davantage leurs enfants, leur fassent faire plus de sport, les emmènent plus souvent au musée ou au spectacle. Malheureusement, ce monde idyllique n’est pas pour tout de suite.
En attendant, il faut bien tenir compte de la réalité. Aussi suis-je favorable à un contrôle beaucoup plus strict de la quantité et du contenu des programmes publicitaires. Voilà maintenant des années que nous savons que l’acharnement publicitaire dont les enfants font l’objet est nuisible à leur santé. Laisser faire est devenu intolérable. C’est donc un enjeu de santé publique évident.
On peut toutefois regretter que le champ de la proposition de loi soit restreint aux chaînes du service public. Cela limite la portée d’une telle législation. Pour ma part, je suis favorable à l’extension de cette mesure aux chaînes privées. D’abord, ce serait plus efficace pour protéger les enfants qui regardent toutes les chaînes, publiques et privées, mais ce serait aussi plus juste au regard des recettes publicitaires qui vont diminuer, à ce stade de notre discussion, uniquement pour la télévision publique. Il conviendrait également de réfléchir à l’extension de cette législation aux contenus vidéo à destination des jeunes enfants diffusés sur internet, dont les recettes publicitaires sont importantes et pas du tout contrôlées.
Malgré ces deux remarques, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) soutiendra le texte tout en proposant des amendements en séance.
Mme Marie-George Buffet. Certes, cette proposition de loi poursuit un objectif louable et même essentiel : empêcher que les enfants, dès leur plus jeune âge, soient emportés dans la société de consommation avec toutes les conséquences que nous savons sur les stéréotypes – on le voit bien en ce moment avec toutes les publicités pour Noël, et le classement des jouets pour les filles, d’un côté, et pour les garçons, de l’autre – ou bien avec les dangers que nous connaissons en matière d’obésité, parfois de violence.
Les mesures proposées n’ont cependant qu’une portée très limitée. Je reçois de nombreuses lettres pour appuyer cette proposition, mes correspondants croyant qu’elle vise à supprimer la publicité pour tous les programmes de jeunesse et sur toutes les chaînes. Quand je leur réponds que seuls les programmes pour enfants de moins de douze ans et les chaînes publiques sont concernés, leur espoir est vite déçu, sachant que les enfants consomment davantage ces programmes jeunesse sur les chaînes privées – TF1, M6 et Gulli – et de plus en plus sur YouTube – 58 % enfants âgés de sept à dix ans, ce qui est énorme. En outre, les enfants de moins de douze ans regardent davantage les chaînes de France Télévisions entre dix-neuf heures trente et vingt et une heures que le matin, quand sont diffusés les programmes pour la jeunesse.
On voit bien, par conséquent, que les mesures proposées ne visent pas à protéger globalement les enfants de la publicité commerciale.
On fait appel à l’exemplarité des chaînes publiques, à leur mission de service public. Elles diffusent déjà moins de publicités commerciales autour des programmes pour la jeunesse que les chaînes privées. Par le biais de ses deux marques – Les Zouzous pour les enfants âgés de trois à six ans et Ludo pour les six à douze ans –, France Télévisions diffuse 200 heures de programmes, contre 640 heures pour la seule chaîne Gulli. Aucune publicité commerciale n’est diffusée dans les émissions ou sur les applications liées au programme de France Télévisions pour les enfants de trois à six ans.
Devoir du service public, certes, et l’on peut rêver d’une chaîne publique débarrassée de toute publicité pour l’ensemble de ses programmes, mais quid des compensations financières ? On ne peut pas avoir des exigences toujours aussi fortes vis-à-vis du service public de télévision sans lui donner les moyens de les respecter.
On nous dit que le manque à gagner serait de 20 millions d’euros, mais, vu le budget serré de France Télévisions, ce n’est pas rien. Et ces 20 millions d’euros seront transférés vers les chaînes privées où il y aura un surcroît de publicités. Je rappelle que les annonceurs du secteur alimentaire pour la catégorie « enfants » investissent d’abord dans les chaînes privées : TF1 reçoit 83 millions d’euros, M6, 48 millions d’euros, pour seulement 1,4 million pour France 3 et 900 000 euros pour France 4. Quant aux annonceurs du secteur jeux-jouets, c’est bien Gulli qui a leur préférence avec 99 millions d’euros de publicité. Si nous devons travailler à un secteur public sans publicité, nous devons travailler dans le même temps à une grande réforme de la redevance afin de lui permettre de vivre et de créer.
Dans l’état actuel du texte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne le voteront pas. Nous défendrons des amendements visant à élargir à toutes les chaînes cette interdiction de la publicité commerciale pour les programmes destinés à la jeunesse. Nous voterons, par ailleurs, l’un des deux amendements présentés par le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC).
M. Stéphane Travert. Je salue votre travail, madame la rapporteure. Même si j’ai compris les enjeux évidents de santé publique qui sous-tendent cette proposition de loi, notamment la lutte contre l’obésité infantile, permettez-moi de vous interroger précisément sur l’impact de l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse uniquement sur France Télévisions, dont vous n’ignorez pas les difficultés financières. Les dispositions financières votées dans le cadre du PLF 2016 vont d’ailleurs permettre d’augmenter les ressources du groupe et de garantir son indépendance par rapport au budget de l’État. Elles permettront également de combler une partie du déficit annoncé.
À l’heure où d’autres pistes de financement sont également évoquées, comme la ré-internalisation d’une partie de la production mais aussi le financement par la création, comment envisagez-vous de combler le manque à gagner en ressources publicitaires en cas d’adoption du texte ?
En page 41 de votre rapport, vous indiquez que l’estimation de la perte de recettes qui pourrait résulter de l’interdiction proposée varie fortement selon les sources. Le CSA chiffre le manque à gagner à hauteur de 20 millions d’euros, France Télévisions à hauteur de 20,5 millions, le syndicat national de la publicité télévisée à environ 15 millions, tandis que le sénateur André Gattolin, auteur de la proposition de loi, l’estime à seulement 7 millions d’euros. Comment analysez-vous ces divergences, à l’heure où le financement de l’audiovisuel public est un problème récurrent à chaque examen de PLF ?
Vous indiquez également, à la page 45, qu’il serait nécessaire que le Gouvernement augmente le montant de la contribution à l’audiovisuel public ou élargisse son assiette. Il s’agit là, selon moi, d’une analyse à court terme sur la base d’une stabilité des ressources du groupe. Or ne pensez-vous pas qu’un départ des annonceurs pour des chaînes privées, dans le cadre des programmes pour enfants, ne prive, à long terme, le groupe public de ressources publicitaires à une plus grande échelle ? Compte tenu de la fragilité de ce marché et la très forte concurrence entre les chaînes, ne craignez-vous pas de déstabiliser durablement l’équilibre financier très fragile de France Télévisions ?
Mme Dominique Nachury. Sur le fond, on ne peut qu’être favorable au texte. J’aurai néanmoins deux observations. La première concerne la portée des mesures envisagées au regard de l’objectif poursuivi : elles ne concernent que les programmes de France Télévisions et seulement les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans, alors que l’on sait que les enfants regardent de plus en plus souvent les programmes qui leur sont destinés sur tablette ou autres via les sites internet ou application diverses. Ensuite, est-il acceptable, responsable, de renvoyer le financement du dispositif à une réforme globale du financement de l’audiovisuel public ?
Mme Gilda Hobert. L’excellent rapport de Mme Bonneton met en évidence les conséquences souvent néfastes de la publicité lors de la diffusion des programmes pour la jeunesse. Il n’est certes pas nécessaire de tout appréhender à travers le prisme de l’argent et des recettes, aussi ma réflexion ne portera-t-elle pas sur ce point. La force du service public, n’est-ce pas, avant tout, de penser aux citoyens et à leur bien-être ? Je vous remercie d’avoir mis l’accent, dans votre rapport, sur nos inquiétudes : le fait que les annonceurs ne ciblent pas que les consommateurs d’aujourd’hui mais également ceux de demain, les risques accrus d’obésité et de troubles psychologiques et de l’attention, l’entretien par la publicité de la surenchère consommatrice, enfin le refus de l’autorité parentale. Je partage également vos conclusions à propos de l’aggravation des inégalités sociales et de l’individualisme.
Notre collègue Carpentier l’a dit : le groupe RRDP est tout à fait favorable à cette proposition de loi. Reste que je souhaite savoir dans quelle mesure l’interdiction de la publicité pourrait être étendue à l’ensemble du secteur audiovisuel, donc également aux chaînes privées ?
M. Hervé Féron. À la lecture de cette proposition de loi très intéressante, j’ai pensé au roman de Georges Pérec, Les choses, qui raconte l’histoire d’un couple dans la société hyper-consommatrice des années 1960. Ce couple, qui ne vit qu’au travers des choses qu’il possède, éprouve un sentiment de frustration à la vision de celles qui lui sont inaccessibles. Cette frénésie de consommation va de pair avec une certaine vacuité et une absence de réflexion caractéristique de ce mode de vie qui nous fait réfléchir à nos propres comportements. Y est analysé le culte de l’enfant roi et l’affaiblissement de l’autorité parentale par la publicité à destination des enfants. Si l’on avait encore le moindre doute, on est bien obligé de reconnaître que cette publicité participe d’une forme de violence à leur égard.
Vous qualifiez la sanctuarisation des programmes de la télévision publique destinés aux enfants de moins de douze ans de premier pas vers une réforme plus ambitieuse encore. Quelle est donc la réforme que vous appelez de vos vœux ? S’agit-il d’une interdiction totale de la publicité sur les chaînes publiques de télévision, comme c’est le cas sur la BBC britannique ou sur la RTVE espagnole depuis 2013 ? Peut-on se suffire de votre proposition de loi ?
Enfin, comme le déclarait Sylvie Pierre-Brossolette, membre du CSA, vous le rappeliez, madame la rapporteure, si l’objectif de votre proposition de loi est louable, la question des moyens reste posée. Vous reconnaissez vous-même que le chiffrage de la perte des recettes est incertain, oscillant entre 7 et 20 millions d’euros. Pour éviter de causer un manque à gagner insurmontable pour France Télévisions, ne serait-il pas préférable de réaliser, en premier lieu, une étude d’impact pour évaluer précisément le coût des mesures que vous préconisez ?
M. Jacques Cresta. Lors de la présentation de mon rapport relatif aux crédits de l’audiovisuel public pour 2016, j’avais déjà répondu à Isabelle Attard à propos de la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse diffusés par France Télévisions. Il s’agit d’une question complexe qui mêle la nécessaire protection de notre jeunesse et l’équilibre économique de ce qui est le vaisseau amiral de l’audiovisuel public français. C’est naturellement notre volonté de protéger les enfants et les adolescents de l’exposition à des messages publicitaires ou commerciaux qui doit prévaloir.
En ce qui concerne internet, je tiens à rappeler que seule la plateforme Ludo diffuse des publicités puisque la plateforme Les Zouzous propose des applications sans publicité pour les supports mobiles et encadre strictement les annonces diffusées sur certaines parties du site en les limitant à des jouets et films pour enfants et en excluant toute publicité pour des produits de consommation alimentaire. Je suis favorable à ce que France Télévisions aille plus loin mais je ne suis pas convaincu par la présente proposition de loi telle qu’elle est rédigée : elle sous-estime la publicité sur internet et n’apporte qu’une réponse très partielle à l’influence de la publicité sur les jeunes. Ce texte, s’il était adopté en l’état, risquerait surtout de fragiliser financièrement France Télévisions.
Aussi la Commission devra-t-elle se montrer particulièrement attentive aux initiatives que devra prendre France Télévisions en matière d’autorégulation dans le cadre de ses missions de service public. La présente proposition de loi ne saurait, en tout cas, être adoptée sans qu’y soient apportées les modifications proposées par le groupe SRC.
M. Christian Kert. Certains de nos collègues envisagent d’aller encore plus loin que le présent texte alors que le secteur audiovisuel, public comme privé, évolue dans un contexte budgétaire très contraint. Dans votre rapport, madame Bonneton, citant l’exemple des représentants de la confédération syndicale des familles, vous écrivez que notre société devrait former des citoyens dotés d’esprit critique plutôt que des consommateurs plus ou moins serviles, position par laquelle vous justifiez le présent texte. Sur le fond, sommes-nous bien persuadés que c’est en interdisant tout que l’on fait évoluer la conscience des consommateurs comme celle des citoyens ? La pédagogie n’est-elle pas préférable à l’interdiction totale ?
Mme Barbara Pompili. En somme, selon vous, il est interdit d’interdire !
Mme la rapporteure. Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à ce texte, au point que vous m’avez suggéré certaines pistes qui ne se trouvent pas dans le projet de rapport.
Pourquoi se limiter au secteur public et ne pas étendre le dispositif aux chaînes privées ? Dans la mesure où plusieurs amendements portent sur la question, j’y reviendrai au moment de leur examen.
La publicité n’est certes pas à l’origine de l’obésité, mais elle en est un facteur aggravant : quand un enfant voit à l’écran qu’un produit est mangé, il est très souvent incité à faire de même. Des efforts, il est vrai, ont été réalisés par le service public, comme cela a été souligné, en particulier par Valérie Corre : la publicité alimentaire sur les chaînes publiques est devenue beaucoup moins importante que précédemment et la charte alimentaire qu’elles ont adoptée y est respectée.
La publicité a de nombreux autres effets. Elle incite les enfants à devenir des surconsommateurs – notons que la France est l’un des pays en Europe où les enfants ont le plus d’argent de poche – ainsi que des prescripteurs pour leurs parents. Les annonceurs jouent ainsi sur le « facteur caprice », l’enfant insistant pour l’achat de biens pas forcément pour lui-même mais aussi pour la famille. Dans un nombre de cas non négligeables, il va jusqu’à influencer ses parents dans l’achat de leur automobile.
Les enfants constatent que leurs parents peuvent céder à leurs demandes d’achat d’un objet tout simplement vu à la télévision, alors même qu’ils n’ont aucun argument sérieux à faire valoir. D’après psychologues et psychiatres, cela peut les jeter dans un grand désarroi et même une certaine angoisse qui peut se traduire par une perte de repères en matière d’autorité, que ce soit vis-à-vis de leurs parents ou au sein de la société. Les enfants se diront ainsi : mes parents m’aiment parce qu’ils m’achètent ce que je demande, avec l’idée sous-jacente que l’amour est achetable, ce qui, nous en conviendrons, est un peu dommage. La surabondance de publicités est, par conséquent, de nature à fragiliser les enfants du point de vue psychologique.
Selon Philippe Mérieux, qui a étudié ce phénomène très sérieusement il y a quelques années, 30 à 40 % des enfants âgés de six à onze ans regardent surtout la télévision le matin, d’un quart d’heure à une heure trente. C’est un moment où leur attention est qualifiée de flottante. Or on constate dans la publicité une grande accélération des rythmes, avec une musique adaptée, la suppression du générique de fin de l’émission regardée évitant que les enfants ne changent de chaîne. Il s’ensuit une hyper-attention, à savoir un état dans lequel la notion de temps n’existe plus et qui absorbe beaucoup d’énergie ; puis vient un état d’hypo-attention, fait de moments où l’attention est très relâchée. Ce phénomène peut perdurer dans la journée, conduisant les enfants à des difficultés de concentration avec les conséquences que l’on sait sur les apprentissages scolaires. En outre, la publicité fait bien plus appel à l’émotion qu’à l’intelligence ; or, en classe, c’est avant tout de cette dernière qu’on a besoin pour une bonne acquisition des connaissances.
Par ailleurs, la compétition et l’individualisme sont souvent survalorisés dans la publicité, les bienfaits du travail en équipe et la solidarité sont trop rarement mis en évidence. Cela peut induire des comportements théâtralisés, les enfants reproduisant les comportements stéréotypés qu’ils ont vus dans les publicités : victime, agresseur, redresseur de torts. Si certaines émissions contribuent également à ce phénomène, le cas de la publicité n’en reste pas moins caricatural.
De nombreuses questions portent sur la perte de recettes pour l’audiovisuel public qu’entraînerait l’adoption du texte. M. Travert a souligné que les estimations étaient très différentes selon les interlocuteurs. M. Gattolin estime la somme à 7 millions d’euros, expliquant que le développement du secteur numérique est tel qu’il capte de plus en plus de recettes publicitaires. Une étude très récente montre ainsi que, dès 2016, les investissements publicitaires seraient plus importants dans le secteur numérique qu’à la télévision. Le sénateur Gattolin fait par ailleurs valoir que les objectifs de recettes publicitaires attendus sont ensuite nettement revus à la baisse.
Il est vrai que les acteurs publics penchent, de leur côté, pour une vingtaine de millions d’euros, estimant que 17 millions seraient perdus du fait de l’absence de publicité et qu’il faudrait occuper les temps d’antenne ainsi libérés par des programmes qui pourraient coûter jusqu’à 3 millions d’euros. Il est certain qu’une étude approfondie serait nécessaire, quoique très difficile à réaliser puisque devant tenir compte des variations éventuellement très rapides des données. Ainsi, en Finlande, du fait du fort développement du secteur numérique, les produits de la taxe équivalente à notre contribution à l’audiovisuel public ont baissé de 20 % en très peu de temps – retournement soudain que redoutent nos acteurs du service public. Je tiens à souligner, au passage, que les sites internet de la télévision publique sont concernés par la proposition de loi, en particulier dans son article 2.
Comment compenser les pertes en question ? La contribution sur les opérateurs de communications électroniques, instaurée après que la publicité a été supprimée sur le service public après vingt heures, a rapporté 213 millions d’euros en 2014, dont 112 millions ont été transférés vers le service public, ce qui n’est pas négligeable. Il est prévu que cette somme atteigne 140 millions d’euros en 2016. Je rappelle que cette contribution a été instaurée pour compenser les pertes de publicité de l’audiovisuel public.
France Télévisions investit dans la création de programmes, et nos créateurs sont innovants et reconnus de par le monde. Toutefois, une réglementation impose au groupe d’investir plus de 70 % dans un programme pour en être coproducteur et pour pouvoir le revendre et profiter de la vente des produits dérivés. Cette règle est très contraignante et il pourrait être envisagé de diminuer ce pourcentage de façon à ce que France Télévisions bénéficie davantage des revenus de sa participation à la création de programmes. Il peut également être envisagé que le groupe crée davantage de programmes en interne, autre source potentielle de revenus.
Par ailleurs, une grande réforme de la contribution à l’audiovisuel public pourrait être proposée mais reste hors de portée d’une proposition de loi. Plus d’un million de personnes en sont exonérées et on estime que près de 500 000 le sont pour d’autres raisons que leurs faibles revenus, ce qui pourrait être revu. En outre, compte tenu du développement du secteur numérique et de la consultation de la télévision sur des écrans autres que de télévision, ne faudrait-il pas faire payer non pas l’accès à un écran de télévision mais tout simplement l’accès à la télévision, quel que soit l’écran, c’est-à-dire mettre à contribution l’ensemble des ménages sauf ceux qui seraient exonérés pour revenus insuffisants ? Il s’agirait d’une grande réforme de fond.
M. Kert s’est demandé si, plutôt que de tout interdire, il ne faudrait pas mettre l’accent sur la pédagogie. Bien entendu ! Enseignante, à l’origine, je crois très fort en la pédagogie. Il y a bien des messages sur la nécessité de faire du sport, de manger cinq fruits et légumes par jour, mais ils ne durent que deux ou trois secondes. Les enfants doivent les capter si vite que je ne suis pas sûre qu’ils suffisent à une bonne pédagogie. Mais je vous concède, mon cher collègue, qu’il n’est pas du tout inenvisageable de faire mieux et ce serait même fort souhaitable.
Qu’en est-il de la suite, m’a-t-on également demandé ? Faisons une expérience modeste, voyons ce qu’il en est puis que les parlementaires décident ensuite d’aller éventuellement plus loin. Mais commençons, j’y insiste, par une proposition relativement modeste visant à régler le véritable problème que pose, pour la formation des futurs citoyens, la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse et diffusés par les chaînes publiques.
TITRE IER
(Division et intitulé supprimés)
Chapitre Ier
Protection des enfants et des adolescents
Article 1er
(art. 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Réglementation des émissions publicitaires destinées à la jeunesse
Le présent article propose que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect, par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque. Ce rapport comporterait également des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité.
1. Le dispositif initial
Dans sa rédaction initiale, le présent article proposait de compléter le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de confier à un décret en Conseil d’État le soin de réglementer les messages publicitaires diffusés par les services de télévision dans les programmes destinés à la jeunesse.
Le principe de cette réglementation trouvait sa place au premier alinéa de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 puisque cette disposition confie au CSA la mission de contrôler l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle, en prenant notamment en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité.
Si l’affirmation du principe d’un encadrement de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse était louable, il n’en demeurait pas moins qu’en confiant à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la réglementation des messages publicitaires concernés, le législateur laissait « toute liberté à l’exécutif pour en apprécier les modalités avec le risque de ne donner aucune portée normative à ce dispositif ou, à l’inverse, une portée qui pourrait aller au-delà de la volonté du législateur concernant les chaînes de télévision privées », comme l’a justement noté Mme Corinne Bouchoux, rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat (43).
C’est la raison pour laquelle cette commission a, à l’initiative de sa rapporteure, adopté un amendement modifiant substantiellement la rédaction initiale du présent article.
Les auditions menées par la rapporteure Corinne Bouchoux ayant mis en évidence le déficit d’information des parlementaires concernant le dispositif d’autorégulation mis en place à travers la charte dite « alimentaire » signée le 18 février 2009 et renouvelée le 21 novembre 2013, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a adopté l’amendement de sa rapporteure visant à mieux mettre en valeur cette initiative qui associe aujourd’hui le CSA, les ministères de la Santé et de la Culture et 36 chaînes de télévision, ainsi que, d’une façon plus générale, les engagements pris par les éditeurs et annonceurs pour protéger la jeunesse.
Dans la rédaction qu’a retenue la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat (et qui n’a pas été modifiée lors de l’examen de proposition de loi en séance publique par la Haute assemblée), le présent article propose toujours de compléter le premier alinéa de l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986.
Toutefois, il s’agirait désormais de demander au CSA de remettre chaque année au Parlement un rapport :
– évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle (publics et privés) en vue du respect des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse (à savoir les programmes destinés aux enfants de 0 à 14 ans) ;
– formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité.
L’obligation ainsi faite au CSA d’informer chaque année le Parlement sur les initiatives prises par les professionnels de l’audiovisuel en matière de publicité à destination de la jeunesse devrait contribuer :
– à la fois à donner une meilleure visibilité à ces initiatives ;
– et à inciter le CSA lui-même à évaluer de façon plus régulière les dispositifs d’autorégulation existants.
Depuis l’examen de la proposition de loi en première lecture par le Sénat, le CSA a rattrapé le retard qu’il avait accumulé dans l’établissement des bilans d’application des chartes alimentaires de 2009 et 2013, qui sont censés rendre compte chaque année de la bonne exécution des engagements pris pour promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision. Le CSA a en effet adopté et mis en ligne au début de ce mois de décembre le rapport d’application de la charte alimentaire pour l’exercice 2014 (44).
Comme le note la sénatrice Corinne Bouchoux, il est aujourd’hui « nécessaire de clarifier le rôle du CSA en matière de surveillance des engagements pris par les chaînes de télévision et par les annonceurs » (45).
Le présent article peut y contribuer en proposant une mesure qui « a fait l’objet d’un accueil favorable tant de la part des chaînes privées auditionnées que de la représentante du CSA auditionnée » (46).
Lors de son audition par la rapporteure, Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du collège du CSA, a indiqué que, si le législateur souhaitait l’élaboration de ce rapport, l’autorité se conformerait bien sûr à cette nouvelle obligation, tout en rappelant que le rapport annuel du CSA comporte déjà un certain nombre d’évaluations sur les actions menées en faveur du respect des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque.
3. La position de la commission
Contre l’avis de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement de Mme Valérie Corre et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, prévoyant que le rapport demandé au CSA évaluera non seulement les actions menées par les chaînes de télévision publiques et privées, mais aussi celles menées par les annonceurs publicitaires pour s’assurer du respect, par les messages publicitaires diffusés autour des programmes jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque.
Il s’agit par là d’assurer une meilleure visibilité au travail mené par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).
*
La Commission examine l’amendement AC4 de Mme Valérie Corre.
Mme Valérie Corre. Cet amendement ne vise pas à modifier l’objectif de l’article 1er : la remise d’un rapport par le CSA sur les actions menées en vue du respect par les émissions publicitaires des objectifs de santé publique. Il propose seulement d’enrichir le contenu du rapport en y ajoutant les actions de contrôle et de prévention menées en amont par les annonceurs publicitaires. En effet, si le CSA a pour mission de contrôler les chaînes de télévision, la lutte contre l’incitation à des comportements à risque, dans le cadre de la publicité, doit être une responsabilité partagée avec les annonceurs qui effectuent déjà un travail important de sélection et de contrôle par le biais de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). L’ajout de cette mention permettra donc de mettre en valeur ce travail tout en renforçant la pertinence des préconisations en matière d’autorégulation du secteur de la publicité.
Mme la rapporteure. Je comprends le souci des auteurs de l’amendement d’assurer une meilleure visibilité du travail mené par l’ARPP, qui regroupe quelque 600 annonceurs. Cette autorité contrôle systématiquement, avant leur diffusion, les projets de publicité télévisée de ses adhérents. Toutefois, la précision souhaitée me paraît inutilement redondante. En effet, l’ARPP exerce un contrôle a priori ; ensuite, en évaluant les actions menées par les chaînes publiques, le CSA évalue implicitement mais nécessairement les actions de l’ARPP qui aura contrôlé la conformité du contenu publicitaire aux règles déontologiques de la profession avant diffusion.
De plus, d’après les informations dont je dispose, et les représentants du Gouvernement que j’ai rencontrés me l’ont confirmé, l’inclusion des annonceurs publicitaires dans le périmètre du contrôle exercé par le CSA poserait des difficultés car, en l’état du droit, ces annonceurs ne sont pas situés dans le champ de la régulation mise en œuvre par le CSA.
Je vous suggère, par conséquent, de retirer votre amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AC3 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Cet amendement reprend la rédaction initiale du texte lors de son dépôt au Sénat en juillet. Il vise à encadrer l’ensemble de la publicité à destination des enfants et de la jeunesse.
Mme la rapporteure. Il s’agirait de renvoyer à un décret en Conseil d’État la réglementation des messages publicitaires diffusés sur les chaînes publiques et privées. Comme le précise le rapport, le législateur laisserait ainsi toute liberté à l’exécutif de déterminer le contenu de cette réglementation pour aller vers une éventuelle interdiction de la publicité commerciale autour des programmes destinés à la jeunesse diffusés par les chaînes privées et publiques.
Les dispositions qui seraient introduites par le vote du présent amendement à l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont toutefois redondantes avec celles de l’article 27 de la même loi qui prévoit déjà que, « compte tenu des missions d’intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d’État fixent les principes généraux définissant les obligations concernant la publicité, le téléachat et le parrainage […] ».
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement et, si vous le souhaitez, nous pourrons en discuter d’ici à l’examen du texte en séance publique.
Mme Valérie Corre. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) partage le point de vue de Mme Buffet mais préfère la solution envisagée par le prochain amendement que nous allons défendre et qui prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement. Aussi nous abstiendrons-nous sur les trois amendements présentés par Mme Buffet.
M. le président Patrick Bloche. Je me permets de vous rappeler, afin d’éviter toute éventuelle surprise, que si tout le monde s’abstient sauf Marie-George Buffet, son amendement sera adopté.
M. Jean-Noël Carpentier. Les députés du groupe RRDP voteront cet amendement qui permet une avancée dans la réflexion.
M. Frédéric Reiss. Si l’article 2 devait être amendé ainsi que le souhaitent Mme Corre et le groupe SRC, les amendements de Mme Buffet ne présenteront plus aucun intérêt.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
Chapitre II
Dispositions applicables au service public audiovisuel
La Commission est saisie de l’amendement AC1 de Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Si nous voulons vraiment lutter contre l’influence nocive de la publicité sur les jeunes enfants, nous ne pouvons pas nous contenter d’une interdiction sur les chaînes les moins regardées pour les programmes destinés à la jeunesse, alors que des chaînes comme TF1 ou Gulli regorgent de publicités et vont en accueillir encore plus si on l’interdit sur France Télévisions. L’amendement étend donc la portée du chapitre II à l’ensemble des services de communication audiovisuelle.
Mme la rapporteure. Je comprends le souci de protéger les enfants de la publicité commerciale diffusée sur toutes les chaînes. Cependant, la publicité est une ressource essentielle pour l’ensemble des chaînes privées, dont certaines ne vivent que grâce elle. Aussi l’interdiction de la publicité pourrait-elle conduire à mettre fin à l’activité de certaines chaînes et donc à la suppression d’un grand nombre d’emplois directs ou indirects.
Par ailleurs, lorsque la publicité a été supprimée après 20 heures sur les chaînes publiques, les chaînes privées récentes de la télévision numérique terrestre (TNT) en ont un peu bénéficié, mais pas du tout les chaînes privées historiques. Il faut, en outre, noter le développement de la publicité sur internet. Si ces chaînes privées périclitaient, cela mettrait en danger la filière française de production de films d’animation, dont l’excellence est reconnue dans le monde entier. Par ailleurs, des chaînes privées pourraient toujours émettre depuis l’étranger. Les chaînes Baby TV et Baby First émettent depuis le Royaume-Uni, sont accessibles dans le bouquet satellitaire et proposent des programmes pour enfants, âgés de zéro à trois ans, ce que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) interdit aux chaînes émettant en France. Enfin, je rappelle que le Conseil constitutionnel estime que le pluralisme constitue l’un des fondements de la démocratie.
Pour toutes ces raisons, la prudence s’impose et c’est pourquoi notre proposition de loi se limite au secteur public. Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Jean-Noël Carpentier. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cet amendement qui ne propose pas de supprimer la totalité de la publicité, mais seulement la publicité autour des programmes destinés à la jeunesse. Cet amendement ne peut donc entraîner la disparition de toutes les chaînes privées.
Mme Martine Martinel. Votre argumentation me semble erronée, madame la rapporteure, lorsque vous dites que la suppression de cette publicité sur les chaînes privées mettrait en danger les télévisions privées et constituerait une atteinte au pluralisme. Il ne faut pas se tromper de cible.
La Commission rejette l’amendement.
Article 2
(art. 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Interdiction des émissions publicitaires dans les programmes de France Télévisions destinés à la jeunesse
Le présent article vise à interdire la diffusion de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général, pendant les programmes de France Télévisions destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans, ainsi que quinze minutes avant et après la diffusion de ces programmes.
1. Le dispositif initial
Dans sa rédaction initiale, le présent article proposait de compléter l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour interdire, à compter du 1er janvier de l’année suivant la promulgation de la proposition de loi, tout message publicitaire (y compris les parrainages) pendant la diffusion des programmes de France Télévisions destinés à la jeunesse, ainsi que quinze minutes avant et après – à l’exception cependant des campagnes d’intérêt général et des publicités non commerciales pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette interdiction concernait également les sites internet reprenant des programmes destinés à la jeunesse et consultables sur tout support multimédia.
La rapporteure rappelle que l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée définit :
– en son I : le contenu des contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État et France Télévisions, Radio France, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (France Médias Monde), Arte-France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – qui doivent notamment fixer le montant des ressources publiques devant être affectées à ces sociétés ainsi que le montant du produit attendu de leurs recettes propres (en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage) ;
– en son II : les modalités d’approbation et d’exécution de ces contrats d’objectifs et de moyens (et notamment les modalités d’examen, par les commissions chargées des affaires culturelles et des finances des deux assemblées parlementaires, des rapports sur l’exécution de ces contrats) ;
– en ses III et IV : les modalités d’approbation, par le Parlement, de la répartition des avances à l’audiovisuel public ainsi que les modalités de versement de ces ressources publiques aux organismes affectataires ;
– en son V : les conditions de remboursement des exonérations de redevance audiovisuelle ;
– en son VI : les conditions de l’interdiction des messages publicitaires autres que pour les campagnes d’intérêt général et les biens ou services présentés sous leur appellation générique dans les programmes diffusés par France Télévisions entre vingt heures et six heures (à l’exception des programmes régionaux et locaux) ;
– en son VII : les conditions de remise d’un rapport au Parlement évaluant l’incidence de l’interdiction mentionnée au VI sur l’évolution du marché publicitaire.
Dans le dispositif initialement conçu par le sénateur André Gattolin et les membres du groupe écologiste du Sénat, le présent article assortissait l’interdiction de la publicité commerciale pendant la diffusion des programmes de France Télévisions destinés à la jeunesse d’une compensation financière qui, dans des conditions définies par chaque loi de finances, aurait été affectée à la « société mentionnée au I de l’article 44 » de la loi du 30 septembre 1986 – à savoir à la « société nationale de programme France Télévisions » qui, en application du I de cet article 44 est « chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines ».
Il était prévu que le montant de cette compensation soit réduit à due concurrence du montant des recettes propres de France Télévisions qui excéderait le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d’objectifs et de moyens liant France Télévisions et l’État.
Enfin, le présent article modifiait le VII de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 de façon à ce qu’à l’issue du premier exercice au cours duquel l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes de France Télévisions destinés à la jeunesse serait appliquée, le Gouvernement soit tenu de présenter au Parlement un rapport évaluant l’incidence de cette interdiction sur l’évolution du marché publicitaire.
Estimant que l’interdiction de la publicité commerciale dans l’ensemble des programmes de France Télévisions « destinés à la jeunesse » avait une portée trop large, dans la mesure où « cette appellation de jeunesse utilisée sans autre précaution pourrait viser tous les jeunes jusqu’à 18 ans, ce qui constituerait un changement radical dans le modèle économique des programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions » (47), la rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, Mme Corinne Bouchoux, a jugé « nécessaire de mieux circonscrire l’interdiction de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions en tenant compte des différentes tranches d’âges » (48).
En conséquence, la sénatrice Corinne Bouchoux a soumis au vote de cette commission (qui l’a adopté) un amendement modifiant substantiellement la rédaction initiale du présent article.
2. Le dispositif adopté par le Sénat
Dans la rédaction qu’a retenue la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat (et qui n’a pas été modifiée lors de l’examen de proposition de loi en séance publique par la Haute assemblée), le présent article propose toujours de modifier l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986.
Toutefois, il s’agirait désormais, aux termes du 1° du I du présent article, d’insérer dans cet article 53 un VI bis interdisant les messages publicitaires (y compris les parrainages) autres que des campagnes d’intérêt général ou des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants (49) :
– pendant (ainsi que quinze minutes avant et après (50)) la diffusion des programmes de France Télévisions « destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans » ;
– sur les sites internet de France Télévisions « qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans » (à savoir « FranceTV Pluzz »).
La rapporteure Corinne Bouchoux a considéré que « l’âge de 12 ans sembl[ait] particulièrement pertinent pour définir la limite de cette interdiction, les enfants plus âgés bénéficiant d’une capacité de discernement plus importante leur permettant d’appréhender les messages publicitaires avec plus de distance » et que cet âge de 12 ans « coïncid[ait] également avec la limite d’une des deux catégories de jeunes publics visés par le service public de télévisions, les programmes destinés aux plus jeunes de France Télévisions étant regroupés en deux univers : “Zouzous” pour les 3-6 ans et “Ludo” pour les 6-12 ans » (51).
Dans la mesure où les tranches de programmes pour les 3-6 ans rassemblées sous le label « Zouzous » et diffusées sur France 4 et France 5 sont aujourd’hui d’ores et déjà dénuées de publicité, et dans la mesure où la publicité commerciale ne serait pas interdite dans les programmes destinés aux enfants de plus de 12 ans (pour lesquels prévaudrait la démarche d’autorégulation du secteur promue et renforcée par l’article 1er de la proposition de loi), l’interdiction posée par le présent article, dans la rédaction adoptée par le Sénat, affecterait dans les faits les messages publicitaires accompagnant les programmes destinés aux enfants de 6-12 ans, rassemblés sous le label « Ludo » et diffusés à la fois sur France 3, France 4 et sur les supports numériques de France Télévisions.
La rapporteure n’ignore pas que les enfants peuvent fort bien regarder des programmes (notamment de téléréalité) qui ne leur sont pas destinés, à toute heure de la journée. Elle n’ignore pas non plus que, d’après une étude menée en 2010 par l’UFC-Que Choisir ?, le « pic » d’audience des 4-10 ans le plus élevé se situe autour de 19 heures – 21 heures, aux moments dits des « access prime time » et « prime time », au cours desquels les programmes pour enfants sont rarement diffusés. Les représentants de France Télévisions ont indiqué lors de leur audition que, pendant 70 % du temps qu’ils passent devant la télévision, les enfants visionnent des programmes qui ne leur sont pas spécifiquement destinés.
Toutefois, on peut penser qu’à ces horaires-là, les enfants de moins de 12 ans ne sont pas seuls devant la télévision et qu’ils sont entourés d’adolescents et/ou d’adultes susceptibles de les aider à décrypter un message publicitaire.
En revanche, il est plus fréquent que les enfants de moins de 12 ans soient seuls devant la télévision aux heures de diffusion des programmes qui leur sont destinés (en matinée et l’après-midi, après la sortie de l’école). Une enquête publiée en mars 2013 par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a révélé que les enfants de 4 à 14 ans regardaient la télévision pendant plus de deux heures par jour en moyenne et que pendant un tiers de ce temps, ils étaient seuls (52).
Rappelons à cet égard que France Télévisions diffuse chaque année, sur l’ensemble de ses chaînes, environ 5 800 heures de programmes d’animation. Ces programmes sont regardés chaque semaine par environ 9 millions de téléspectateurs, dont seulement 3 millions sont âgés de moins de 14 ans. Chaque année, les vidéos de ces programmes d’animation accessibles sur les sites internet du groupe sont visionnées près de 130 millions de fois – ce qui représente un tiers de l’ensemble des visionnages de vidéos sur les supports numériques du groupe.
Les représentants de France Télévisions ont assuré lors de leur audition que, dans le respect de la liberté de création, ces programmes s’efforçaient de promouvoir le « vivre ensemble » et la citoyenneté et qu’ils proposaient une offre ludo-éducative de qualité.
Néanmoins, la rapporteure Corinne Bouchoux a justifié cette interdiction de la publicité commerciale dans les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans en faisant valoir :
– qu’« une étude attentive de ces programmes, notamment tels qu’ils sont proposés sur le site ludo.fr qui constitue un espace dédié à cette tranche d’âge, a permis […] d’établir que la publicité était à la fois massive et intrusive puisque tous les formats de publicité sont utilisés, y compris à travers des dispositifs permettant l’achat en ligne des produits mis en valeur par le producteur des programmes diffusés par ailleurs sur le site » (53) ;
– que l’interdiction de certains contenus aux moins de 12 ans était habituelle, et qu’elle existait par exemple en matière de classification des films, en fonction du niveau de violence et d’exposition à des scènes adultes.
La rapporteure partage ce point de vue : les enfants de moins de 12 ans ne sont pas encore des adolescents dotés de la capacité de discernement nécessaire pour apprécier de façon suffisamment distanciée les messages publicitaires qui leur sont adressés. Ils doivent donc en être protégés.
Si la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat n’a pas remis en cause le principe de la remise au Parlement d’un rapport évaluant l’incidence sur l’évolution du marché publicitaire de l’interdiction de la publicité commerciale dans les programmes de France Télévisions destinés aux enfants de moins de 12 ans (c’est l’objet des modifications apportées par le 2° du I du présent article au VII de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986), elle a en revanche modifié la date d’entrée en vigueur de cette interdiction.
Sur proposition du sénateur Jean-Pierre Leleux, qui avait déposé un amendement en ce sens, Mme Corinne Bouchoux a modifié son amendement de réécriture du présent article de façon à fixer l’entrée en vigueur de l’interdiction qu’il pose au 1er janvier 2018. C’est l’objet du II du présent article.
La date du 1er janvier 2018 a paru cohérente à la fois avec le calendrier législatif et avec l’horizon de mise en œuvre de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public préconisée par les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux dans leur rapport sur le financement de l’audiovisuel public (54).
C’est d’ailleurs dans la perspective de cette réforme que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a, à l’initiative de sa rapporteure, supprimé la référence au principe d’une compensation financière que le présent article faisait dans sa rédaction initiale. La sénatrice Corinne Bouchoux a en effet jugé que « l’inscription de ce principe [dans la loi] aurait pour conséquence mécanique de prévoir une dotation budgétaire pour attribuer une nouvelle ressource fiscale (en l’espèce liée à la hausse du taux de la taxe sur la publicité des chaînes [initialement] prévue par l’article 3 [de la proposition de loi] ».
Or, aux yeux de Mme Corinne Bouchoux, la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de France Télévisions destinés aux enfants de moins de 12 ans n’a vocation à s’appliquer que concomitamment à une réforme ambitieuse de la contribution à l’audiovisuel public.
Cette réforme devrait avoir pour conséquence d’augmenter son rendement de manière significative à travers l’accroissement du nombre de redevables.
La rapporteure estime, comme la sénatrice Corinne Bouchoux, que le délai de deux ans ainsi laissé aux acteurs concernés devrait « permettre à France Télévisions de poursuivre la réorganisation de son offre à destination de la jeunesse en tenant compte de cette nouvelle contrainte » (55).
3. La position de la commission
Contre l’avis de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement de réécriture globale du présent article, présenté par Mme Valérie Corre et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le présent article propose désormais de modifier la rédaction du VII de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui, en l’état, dispose qu’« à l’issue du premier exercice au cours duquel les règles mentionnées au VI sont appliquées [à savoir celles interdisant la diffusion de publicité commerciale sur le service public de la télévision entre 20 heures et 6 heures], le Gouvernement présentera au Parlement un rapport évaluant leur incidence sur l’évolution du marché publicitaire ».
Dans la rédaction qu’en propose le présent article, ce VII prévoirait désormais que le Gouvernement serait chargé de transmettre au Parlement, avant le 30 juin 2017, un rapport qui évaluerait :
– l’impact d’une suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, à la fois sur le marché publicitaire et sur les ressources de France Télévisions (société mentionnée au I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986) ;
– les différentes possibilités d’évolution de la contribution à l’audiovisuel public (taxe prévue à l’article 1605 du code général des impôts) et des modalités de la compensation financière de la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur le service public de la télévision (modalités prévues au VI de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986) ;
– les moyens de renforcer l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public.
*
La Commission examine l’amendement AC5 de Mme Valérie Corre.
Mme Valérie Corre. Cet amendement vise à modifier l’article 2 de façon à concilier deux impératifs : ouvrir la voie à la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique et garantir à France Télévisions des compensations financières indispensables pour assurer la qualité de ses programmes. Un rapport devra être remis au Parlement au plus tard le 30 juin 2017, soit six mois avant l’entrée en vigueur de la suppression envisagée de cette publicité. Le rapport proposera des modalités de suppression de cette publicité et, surtout, en évaluera les conséquences financières pour France Télévisions, comme pour le secteur de la publicité, avec des solutions de compensation appropriées. Le Parlement pourra alors apprécier les modalités précises de la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse en toute connaissance de cause.
Mme la rapporteure. En réécrivant l’article 2, cet amendement supprime le cœur de la proposition de loi, puisqu’il ne fait pas référence à la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse d’ici au 1er janvier 2018. S’il était adopté, cette proposition de loi se réduirait donc à la remise de deux rapports. Or prévoir la remise d’un rapport avant le 30 juin 2017 ne me semble pas opportun, sachant que les échéances électorales de 2017 seront suivies d’un changement de Gouvernement.
Qui plus est, plusieurs rapports ont déjà été rendus sur le financement de l’audiovisuel public, dont celui des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux en septembre 2015. Un rapport supplémentaire ne s’impose pas, d’autant que les parlementaires se plaignent souvent de la demande de rapports et que les services des ministères sont débordés – moi-même, j’en attends toujours un qui devait être rendu le 1er janvier 2015.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Mme Barbara Pompili. Cet amendement dénature totalement la proposition de loi, puisqu’il supprime la référence même à la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse au 1er janvier 2018. Il propose un rapport dont l’échéance est très lointaine, alors qu’il en existe déjà, dont celui des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin rendu il y a trois mois.
Notre réflexion sur le financement de l’audiovisuel public doit aller bien au-delà des « petits » 20 millions d’euros de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Il n’y a pas d’incompatibilité à se fixer des objectifs et à envisager, en parallèle, une réforme.
Si cet amendement était adopté, il donnerait l’impression qu’on veut encore éviter de prendre des décisions. Soyons un peu courageux !
M. Frédéric Reiss. Si cet amendement était adopté, la proposition de loi serait vidée de sa substance, si bien que l’objectif de suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique deviendrait un vœu pieux.
Mme Colette Langlade. Je m’interroge sur l’impact de la proposition de loi sur le secteur économique des jeux et des jouets. Ce secteur représente 92 % des publicités diffusées dans ses programmes par France Télévisions et celles-ci n’ont évidemment pas les mêmes conséquences en matière de santé publique que les spots alimentaires.
Le secteur des jeux et des jouets en France pourvoit de nombreux emplois. Il convient donc de s’assurer que la suppression totale de la publicité dans les programmes pour la jeunesse n’entraîne pas de conséquences négatives en la matière.
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens cet amendement, dont je suis co-signataire.
M. Jean-Noël Carpentier. Tout le monde en convient, la publicité est néfaste pour les enfants. Mme Pompili a raison, un rapport supplémentaire n’empêche pas de prendre une décision qui va dans le bon sens et qui sera regardée positivement par nos concitoyens. Mon groupe ne soutient donc pas cet amendement.
Mme Valérie Corre. Certes, des rapports ont déjà été rendus, mais tous ne sont pas d’accord sur la somme à trouver en cas de suppression de cette publicité. Je reste convaincue que cette somme est de 20 millions d’euros, et on sait combien nous avons dû batailler pour récupérer péniblement 25 millions pour France Télévisions.
Enfin, la date proposée pour la remise de ce rapport correspond au délai habituel, à savoir six mois avant la mise en œuvre de la loi. Celle-ci ne serait donc pas repoussée.
Je maintiens l’amendement.
Mme la rapporteure. S’il était adopté, l’obligation d’interdire cette publicité au 1er janvier 2018 serait néanmoins supprimée.
La plupart des fabricants de jouets qui font de la publicité sont des grandes firmes étrangères : Nintendo, Mattel, Lego, Playmobil, et autres. Il ne vous a pas échappé qu’actuellement c’est plein feu sur Star Wars et ses produits dérivés !
Je rappelle le récent sondage de l’IFOP : 71 % des Français sont favorables à la suppression de la publicité commerciale dans les émissions destinées à la jeunesse des chaînes de la télévision publique, et 17 % seulement défavorables à cette mesure.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et l’amendement AC2 de Mme Marie-George Buffet n’a plus d’objet.
TITRE II
(Division et intitulé supprimés)
Article 3 (supprimé)
(art. 302 bis KG du code général des impôts)
Hausse de la taxe sur la publicité
Avant d’être supprimé par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, à l’initiative de sa rapporteure, Mme Corinne Bouchoux, le présent article proposait de modifier l’article 302 bis KG du code général des impôts pour augmenter (de 0,5 % à 0,75 %) le taux de la taxe sur la publicité afin de compenser la perte de recettes résultant pour France Télévisions de l’interdiction qui lui est faite par l’article 2 de diffuser des messages publicitaires pendant ses programmes destinés aux enfants de moins de douze ans (ainsi que quinze minutes avant et après).
La rapporteure rappelle que la taxe sur la publicité a été instituée par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, pour compenser les baisses de recettes résultant de la suppression de la publicité sur France Télévisions après 20 heures. Désormais, tout éditeur de services de télévision établi en France doit s’acquitter d’une taxe de 0,5 % assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des sommes qui sont versées chaque année par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires et qui excèdent 11 millions d’euros.
Suivant l’avis de sa rapporteure, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a supprimé le dispositif d’augmentation du taux de la taxe sur la publicité initialement prévu par le présent article, estimant que le financement de la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de la télévision publique destinés à la jeunesse devait être examiné dans le cadre d’une réflexion globale sur le modèle économique de l’audiovisuel public, et plus précisément dans le cadre de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public préconisée par les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux à l’horizon de 2018 (56).
La rapporteure partage ce point de vue et ne souhaite pas revenir sur la suppression du mécanisme de compensation financière initialement conçu par les auteurs de la proposition de loi.
*
La Commission maintient la suppression de l’article 3.
Article 4 (supprimé)
(art. 575 et 575 A du code général des impôts)
Gage financier
En cohérence avec le choix qu’elle a fait de supprimer l’article 3 de la proposition de loi, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a supprimé le présent article, à l’initiative de sa rapporteure, Mme Corinne Bouchoux, qui a estimé que, dans la perspective d’une réforme d’ampleur du financement de l’audiovisuel public, il n’y avait pas lieu de compenser l’éventuelle baisse de recettes publicitaires occasionnée par l’article 2 par la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Pour les mêmes motifs, la rapporteure n’estime pas nécessaire de rétablir le présent article.
*
La Commission maintient la suppression de l’article 4.
Elle adopte ensuite l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
___
Dispositions en vigueur ___ |
Texte du Sénat ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique |
Proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique | |
TITRE IER |
TITRE IER | |
(Division et intitulé supprimés) |
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé) | |
Chapitre IER |
Chapitre IER | |
Protection des enfants et des adolescents |
Protection des enfants et des adolescents | |
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication |
Article 1er |
Article 1er |
Art. 14. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l’objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les services de communication audiovisuelle en vertu de la présente loi. Il peut prendre en compte les recommandations des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité. |
Le premier alinéa de l’article 14 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il adresse chaque année au Parlement un rapport évaluant les actions menées par les services de communication audiovisuelle en vue du respect, par les émissions publicitaires qui accompagnent les programmes destinés à la jeunesse, des objectifs de santé publique et de lutte contre les comportements à risque, et formulant des recommandations pour améliorer l’autorégulation du secteur de la publicité. » |
« Il … … audiovisuelle et les annonceurs publicitaires en vue … … publicité. » |
Amendement AC4 | ||
Les émissions publicitaires à caractère politique sont interdites. |
||
Toute infraction aux dispositions de l’alinéa ci-dessus est passible des peines prévues à l’article L. 90-1 du code électoral. |
||
Chapitre II |
Chapitre II | |
Dispositions applicables au service public audiovisuel |
Dispositions applicables au service public audiovisuel | |
Article 2 |
Article 2 | |
Art. 53. – I. – ………………… |
I. – L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié : |
I. – Le VII de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé : |
VI. – Sous réserve des contraintes liées au décalage horaire de leur reprise en outre-mer, les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44, à l’exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition ne s’applique pas aux campagnes d’intérêt général. Le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s’apprécie par heure d’horloge donnée. À l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d’un département d’outre-mer, d’une collectivité d’outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes des services régionaux et locaux de télévision de la société mentionnée au même I diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires entre vingt heures et six heures autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l’existence d’une offre de télévision privée à vocation locale diffusée par voie hertzienne terrestre en clair. |
1° Après le VI, il est inséré un VI bis ainsi rédigé : |
1° Supprimé |
Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l’incidence de la mise en œuvre du premier alinéa du présent VI sur l’évolution du marché publicitaire et la situation de l’ensemble des éditeurs de services de télévision. |
||
La mise en œuvre du premier alinéa du présent VI donne lieu à une compensation financière de l’État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l’article 44. Le cas échéant, le montant de cette compensation est réduit à due concurrence du montant des recettes propres excédant le produit attendu de ces mêmes recettes tel que déterminé par le contrat d’objectifs et de moyens ou ses éventuels avenants conclus entre l’État et la société mentionnée au même I. |
||
« VI bis. – Les programmes des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44 destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans ne comportent pas de messages publicitaires autres que des messages génériques pour des biens ou services relatifs à la santé et au développement des enfants ou des campagnes d’intérêt général. Cette restriction s’applique durant la diffusion de ces programmes ainsi que pendant un délai de quinze minutes avant et après cette diffusion. Elle s’applique également à tous les messages diffusés sur les sites internet de ces mêmes services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans. » ; |
||
VII. – À l’issue du premier exercice au cours duquel les règles mentionnées au VI sont appliquées, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport évaluant leur incidence sur l’évolution du marché publicitaire. |
2° Au VII, la référence : « au VI » est remplacée par les références : « aux VI et VI bis ». |
« VII. – Au plus tard le 30 juin 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact d’une suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique sur le marché publicitaire et sur les ressources de la société mentionnée au I de l’article 44. Ce rapport présente et évalue par ailleurs précisément les différentes possibilités d’évolution de la taxe prévue à l’article 1605 du code général des impôts et des dispositions prévues au VI du présent article, et formule à cet égard des propositions de nature à renforcer l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public. » |
II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2018. |
II. – Supprimé | |
Amendement AC5 | ||
TITRE II |
TITRE II | |
(Division et intitulé supprimés) |
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé) | |
Article 3 |
Article 3 | |
Supprimé |
Suppression maintenue | |
Article 4 |
Article 4 | |
Supprimé |
Suppression maintenue | |
Ø Syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA) – M. Philippe Alessandri, président, M. Samuel Kaminka, vice-président du collège TV et supports, et M. Stéphane Le Bars, délégué général
Ø Résistance à l’agression publicitaire – M. Khaled Gaiji, président, M. Jean-Pascal Péan, membre du conseil d’administration, et M. Thomas Bourgenot, permanent
Ø Association pour la prise en charge et la prévention de l’obésité en pédiatrie (APOP) – Dr François-Marie Caron, pédiatre
Ø Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du conseil, M. Tristan Julou, chef du département secteur public, et Mme Alexandra Mielle, chef du département protection des publics
Ø Confédération syndicale des familles (CSF) – Mme Elsa Cohen, responsable du secteur Économie, consommation, et Mme Lena Morvan, chargée de mission au sein du même pôle
Ø Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) – M. Jacques Muller, ancien sénateur du Haut-Rhin et membre du MAN
Ø Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) – Mme Virginie Mary, déléguée générale, et M. David Larramendy, administrateur du SNPTV et directeur général de M6 Publicité
Ø M. Philippe Meirieu, professeur des universités en sciences de l’éducation, spécialiste de la pédagogie et auteur d’un ouvrage sur les effets sanitaires de la télévision
Ø Union fédérale des consommateurs (UFC) – Que Choisir – M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles
Ø Union nationale des associations familiales (UNAF) – Mme Chantal Jannet, administratrice, et M. Olivier Andrieu-Gérard, coordonnateur du pôle médias-usages numériques
Ø Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) – Mme Valérie Marty, présidente nationale
Ø M. Serge Tisseron, psychanalyste, spécialiste de l’image
Ø Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques – M. Paul Mehu, chargé de mission
Ø Union des annonceurs (UDA) (*) – Mme Laura Boulet, directrice des affaires publiques et juridiques, et Mme Hanaé Bisquert, juriste
Ø M. André Gattolin, sénateur des Hauts de Seine, et M. Serge Briere, collaborateur parlementaire
Ø France Télévisions – M. Fabrice Lacroix, directeur général délégué à la gestion et aux moyens, Mme Laetitia Recayte, directrice du développement commercial, Mme Tiphaine de Raguenel, directrice exécutive de France 4, directrice de l’unité de programmes jeunesse, Mme Marianne Siproudhis, directrice générale de France Télévisions Publicité, et Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics
Ø Table ronde réunissant des représentants des chaînes privées :
- Canal + – Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures, et M. Mathieu Debusschere, chargé de mission
- Groupe M6 – Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires
- Lagardère Active (Gulli) – Mme Caroline Cochaux, directrice déléguée du Pôle TV, M. Julien Figue, directeur délégué adjoint du Pôle TV, et Mme Cécile Durand-Girard, directrice des relations institutionnelles, directrice des affaires réglementaires au secrétariat général du Pôle Radio-Télévision
- NRJ Group (NRJ 12 et Chérie 25) – M. Denis Morillon, responsable conformité réglementaire et institutionnelle pour le pôle TV de NRJ Group
- TF1 – Mme Nathalie Lasnon, directrice des affaires réglementaires et concurrence
*
Contribution reçue de Mme Elisabeth Baton-Hervé, docteure en sciences de l’information et de la communication, auteure d’une thèse sur Les enfants téléspectateurs : émergences et évolutions des représentations de 1945 à nos jours.
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
1 () En application du VI de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les chaînes de France Télévisions (à l’exception de « France 3 Régions ») ne doivent plus diffuser de publicité de marques entre 20 heures et 6 heures du matin.
2 () Rapport n° 68 (session 2015-2016) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, par la sénatrice Corinne Bouchoux, p. 7.
3 () Rapport d’information n° 709 (session extraordinaire 2014-2015) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des Finances, par les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, sur le financement de l’audiovisuel public, septembre 2015.
4 () Ce discours est consultable via le lien suivant : http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-de-cloture-du-seminaire-du-csa-l-audiovisuel-enjeu-economique/.
5 () Exposé des motifs de la proposition de loi n° 656 (session extraordinaire 2014-2015) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, enregistrée à la Présidence du Sénat le 24 juillet 2015.
6 () A. Garde et M. Friant-Perrot, « L’impact du marketing sur les préférences alimentaires des enfants », INPES, septembre 2014.
7 () Voir le lien suivant : http://www.west-info.eu/files/140908_IIS_special_report_pocket_money_2014.pdf.
8 () Rapport n° 68 (session 2015-2016) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, par la sénatrice Corinne Bouchoux, p. 12.
9 () Article L. 5231-3 du code de la santé publique : « Toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite. »
10 () S. Stadler, « Quand les enfants boostent la pub », Le Parisien, 27 mai 2013.
11 () Médiamétrie, 1999, cité par une étude Institut de l’enfant / Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV).
12 () Rapport n° 68 précité, p. 17.
13 () G. Hastings et al., « The Extent, Nature and Effects of Food Promotion to Children: A Review of the Evidence to December 2008 » [« L’étendue, la nature et les effets de la publicité alimentaire sur les enfants : une analyse des données jusque décembre 2008 »], WHO, 2009.
14 () A. Garde et M. Friant-Perrot, « L’impact du marketing sur les préférences alimentaires des enfants », INPES, septembre 2014.
15 () La Fondation de coopération scientifique « La main à la pâte » créée par décret en 2011, à l’initiative de l’Académie des sciences, de l’École normale supérieure (Paris) et de l’École normale supérieure de Lyon s’inscrit dans la continuité de l’opération « La main à la pâte » lancée en 1995 par l’Académie des sciences à l’initiative de Georges Charpak, prix Nobel de physique 1992. Elle a pour mission de contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement de la science et de la technologie à l’école primaire et au collège. Son action, conduite au niveau national et international, est tournée vers l’accompagnement et le développement professionnel des professeurs enseignant la science. Elle vise à aider les enseignants à mettre en œuvre une pédagogie d’investigation permettant de stimuler chez les élèves esprit scientifique, compréhension du monde et capacités d’expression.
16 () Ph. Meirieu, L’enfant, l’éducateur et la télécommande, entretiens avec Jacques Liesenborghs, Bruxelles, Labor, 2005.
17 () Cette enquête est accessible via le lien suivant : http://www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er920.pdf.
18 () Sur ce sujet, voir le rapport de Mme Chantal Jouanno, sénatrice de Paris, « Contre l’hypersexualisation, un nouveau combat pour l’égalité », mars 2012.
19 () Rapport n° 68 précité, p. 13.
20 () Rapport d’information n° 709 précité, proposition n° 4 (limiter le champ des produits et services pouvant faire l’objet de messages publicitaires sur le service public selon des critères définissant une « publicité raisonnée »).
21 () D’après le sénateur André Gattolin, la part du prix des produits alimentaires et de luxe correspondant à la répercussion du coût des campagnes publicitaires de leurs fabricants serait respectivement de 5 % et 45 %.
22 () Voir notamment les articles de presse suivants :
- Le Soir, « Pas de Lego pour Noël ? », 22 octobre 2015
(http://www.lesoir.be/1023199/article/ economie/2015-10-22/pas-lego-pour-noel) ;
- A. Ottevanger, « La pénurie de Lego pour Noël, une astuce marketing ? », Express.be, 22 octobre 2015 (http://www.express.be/business/fr/marketing/la-penurie-de-lego-pour-noel-une-astuce-marketing/216449.htm).
23 () Cette liste est la suivante : Nintendo France, Groupe Mattel Overseas, Groupe Hasbro, Giochi Preziosi France, Asmodée éditions, Groupe Vtech, Goliath BV, Splash Toys, Jeux Ravensburger, Lego SAS, Play Mobil France, Groupe Walt Disney, Company SA, Megableu, Groupe Simba Toys, Vivendi, Groupe Kellog’s, Lansay France, Groupe Beiersdorf, Groupe Television, Française 1, Spin Master France.
24 () Voir infra le commentaire de l’article 1er de la proposition de loi.
25 () En compensation, ces chaînes proposent de rétrocéder le montant des remises qui auraient dû être accordées à l’INPES en lui proposant gracieusement leurs espaces publicitaires pour la campagne de 2016.
26 () CSA, Rapport d’application de la charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et publicités diffusés à la télévision pour l’exercice 2014, décembre 2015.
27 () Rapport d’information n° 709 précité, proposition n° 4.2.
28 () Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle.
29 () En 2014, l’investissement publicitaire de l’INPES à la télévision sur la thématique de la nutrition s’est élevé à 1,5 million d’euros (contre 1,45 million d’euros en 2013). Cet investissement a été consacré à la promotion de « la Fabrique à menus », le nouvel outil du site « www.mangerbouger.fr » qui a été lancé en 2013 dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), pour faciliter l’intégration des principaux repères nutritionnels à la vie quotidienne des Français. Ce service propose aux internautes de planifier des menus variés pour toute une semaine en prenant en compte les repères du PNNS et présente les différentes familles d’aliments.
30 () Rapport n° 68 précité, p. 18.
31 () Les représentants du SNPTV ont ainsi mentionné des projections qui, établies par Publicis pour les années 2016-2017, montreraient qu’en termes de volume de dépenses faites par les annonceurs, la publicité sur internet devrait supplanter la publicité télévisée dès 2017, au niveau mondial, et à l’horizon de 2020 en France (où ce volume s’établit à environ 3,3 milliards d’euros en 2015, en baisse d’environ 10 % par rapport à son niveau de 2007 – 3,7 milliards d’euros).
32 () Rapport n° 68 précité, p. 11.
33 () Rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions, « France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition », février 2015, p. 115.
34 () Ibidem, p. 50 : « Faute de données plus précises communiquées par France Télévisions, j’estime que cette interdiction – qui correspond aux programmes des cases “Ludo” – entraînerait une perte de revenus de 5 à 7 millions, à comparer aux 2,37 milliards de redevance et 330 millions de recettes publicitaires ».
35 () Rapport n° 68 précité, p. 27.
36 () Rapport d’information n° 709 précité.
37 () Rapport d’information n° 709 précité, proposition n° 3.
38 () D’après les représentants de France Télévisions, le calcul ne serait pas aussi simple car, selon eux, une augmentation d’un euro de la contribution à l’audiovisuel public ne permettrait, compte tenu de divers paramètres, de n’accroître réellement les recettes de la télévision publique que de 25 millions d’euros. Dans cette hypothèse, une nouvelle augmentation de cette contribution à hauteur d’un euro permettrait de compenser (largement) les pertes de ressources publicitaires résultant, pour France Télévisions, de l’interdiction de la publicité commerciale autour des programmes destinés aux enfants de moins de 12 ans.
39 () Challenges, « L’échec scolaire coûte au moins 24 milliards d’euros par an », 6 mars 2014.
40 () Au total, d’après le sénateur André Gattolin, 4,2 millions de foyers seraient concernés, auxquels sont accordés des exonérations et dégrèvements qui, en 2015, ont dû être compensés à hauteur de 517 millions d’euros.
41 () Voir notamment : Sud-Ouest, « La redevance audiovisuelle élargie aux ordinateurs, smartphones et tablettes ? », 3 octobre 2014 (http://www.sudouest.fr/2014/10/03/la-redevance-audiovisuelle-elargie-aux-ordinateurs-smartphones-et-tablettes-1692118-4693.php#).
42 () L’accord signé la semaine dernière entre le syndicat des agences de presse télévisée (SATEV), le syndicat des producteurs de films d’animation (SPFA), le syndicat des producteurs indépendants (SPI), l’Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et France Télévisions va en ce sens. Voir le lien suivant :
43 () Rapport n° 68 (session 2015-2016) fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, par la sénatrice Corinne Bouchoux, p. 36.
44 () Voir le lien suivant : http://www.csa.fr/Etudes-et-publications/Les-autres-rapports/Rapport-d-application-de-la-charte-visant-a-promouvoir-une-alimentation-et-une-activite-physique-favorables-a-la-sante-dans-les-programmes-et-les-publicites-diffuses-a-la-television-Exercice-2014
45 () Rapport n° 68 précité, p. 38.
46 () Ibidem, p. 38.
47 () Rapport n° 68 précité, p. 39.
48 () Ibidem, p. 40.
49 () Le CSA considère que la publicité « générique » recouvre trois types de messages :
– les messages publicitaires assurant la promotion d’une catégorie de produits, dès lors qu’ils n’assurent pas la promotion d’une entreprise commerciale ;
– les messages de promotion d’appellations d’origines et de labels ;
– les messages de promotion des attraits touristiques d’un département, d’une région ou d’un pays.
Afin de dissiper tout doute, la rapporteure tient à préciser que les « produits ou services relatifs à la santé et au développement des enfants » qui pourront faire l’objet de messages publicitaires, en application de l’article 2 de la présente proposition de loi, seront bien des produits ou services génériques, et non ceux d’une entreprise commerciale en particulier.
50 () Plusieurs des personnes entendues par La rapporteure, et notamment les représentants de l’« UFC-Que choisir ? » ainsi que celui de la FCPE, ont jugé particulièrement bienvenue cette neutralisation des 15 minutes qui précèdent ou suivant la diffusion des programmes pour enfants, expliquant que cela permettrait de créer des coupures et d’éviter que les messages publicitaires s’inscrivent dans la continuité de ces programmes.
51 () Rapport n° 68 précité, p. 32.
52 () INSEE, « Plus souvent seul devant son écran », n° 1437, mars 2013. Voir le lien suivant :
53 () Rapport n° 68 précité, p. 40.
54 () Rapport d’information n° 709 précité, proposition n° 3.
55 () Rapport n° 68 précité, p. 42.
56 () Rapport d’information n° 709 précité, proposition n° 3.