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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 janvier 2016.
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI pour une République numérique,
Députée.
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Voir le numéro :
Assemblée nationale : 3318.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. SIMPLIFIER L’ACCÈS AUX DONNÉES AFIN DE SOUTENIR LA STATISTIQUE ET LA RECHERCHE PUBLIQUES 9
A. LA POURSUITE DE L’OUVERTURE DES DONNÉES INITIÉE PAR LA LOI DE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ 9
B. L’ENRICHISSEMENT DE LA STATISTIQUE PUBLIQUE 11
C. LE SOUTIEN À LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE 13
II. GARANTIR LA PLEINE INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES À LA RÉPUBLIQUE NUMÉRIQUE 14
A. UN ACCÈS GARANTI DES PERSONNES DÉFICIENTES AUDITIVES AUX SERVICES TÉLÉPHONIQUES 15
1. Un accès encore inégal des personnes déficientes auditives aux services téléphoniques 15
2. L’inscription dans la loi du principe d’accessibilité des services téléphoniques des personnes publiques et des entreprises 18
3. Le renforcement des obligations pesant sur les offres de téléphonie 20
B. UNE APPLICATION EFFECTIVE DU PRINCIPE D’ACCESSIBILITÉ DES SITES INTERNET PUBLICS AUX PERSONNES HANDICAPÉES 21
1. L’insuffisante mise en œuvre de la politique d’accès des personnes handicapées aux sites Internet publics 21
a. La consécration du principe d’accessibilité des sites Internet publics par la loi du 11 février 2005 21
b. Des modalités d’accessibilité tardivement précisées 22
c. Des sanctions insuffisamment dissuasives pour garantir l’accessibilité 23
2. Une accessibilité rendue effective par de nouveaux outils de suivi et de sanction 24
a. Un suivi de l’accessibilité des services facilité par la création d’un schéma pluriannuel de mise en accessibilité 24
b. Des sanctions rendues plus dissuasives pour garantir la conformité aux règles d’accessibilité 26
III. PRÉVENIR L’EXCLUSION NUMÉRIQUE DES PERSONNES EN DIFFICULTÉ FINANCIÈRE 27
A. LA CONSÉCRATION DE L’ACCÈS À INTERNET COMME DROIT FONDAMENTAL 27
B. LA GARANTIE DE L’INCLUSION NUMÉRIQUE PAR LE FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE LOGEMENT 28
TRAVAUX DE LA COMMISSION 33
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS 51
L’accélération technologique et le progrès technique instaurent de nouvelles pratiques qui font évoluer les organisations traditionnelles. Notre société se trouve face à un paradoxe. Les outils numériques bouleversent les modes d’information, rapprochent les individus en faisant fi des frontières géographiques et naturelles et permettent de surmonter des handicaps physiques et mentaux. Et pourtant, dans le même temps, à mesure que s’inscrivent les nouvelles technologies dans le quotidien des Français, la fracture numérique s’accroît. Faute de compétences et d’équipements, une partie de la population décroche, aggravant dans certains cas le non-recours aux droits. Ainsi, la « troisième révolution industrielle » nécessite impérativement que notre République puisse contribuer à la résolution de ce paradoxe en définissant de nouvelles règles du jeu pour construire le modèle numérique français.
En déposant son projet de loi pour une République numérique, le Gouvernement donne vie à une réforme rendue indispensable par la rapidité des mutations technologiques et l’adaptation de l’ensemble des acteurs de la vie démocratique – services publics, associations, entreprises – à ce nouveau cadre.
Ce dessein ambitieux était attendu tant par les parlementaires que par la société civile. Après l’appropriation du texte par les citoyens à l’occasion d’une consultation publique inédite, le Parlement peut aujourd’hui s’en saisir et enrichir l’ambition première d’accès de chacun au numérique, sans obstacle ni fracture.
Afin de répondre à cette ambition, le projet de loi dessine les contours d’une République numérique à la fois ouverte et solidaire. Au-delà des dispositions génériques relatives aux procédures d’open data – dans la lignée des avancées portées par la loi de modernisation de notre système de santé – ou à la neutralité du net, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis des dispositions relevant de sa compétence, permettant ainsi de prolonger la dimension sociale et solidaire de la société numérique portée par le texte.
La réflexion menée par la commission s’est articulée autour de trois axes ayant pour fil conducteur l’accès au numérique.
D’une part, le mouvement d’ouverture des données et d’accès au numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) engagé par nos derniers travaux parlementaires est poursuivi à l’article 18 du projet de loi. Prenant acte de la rigidité des procédures actuelles de décret en Conseil d’État, le projet de loi met en place deux nouvelles procédures applicables aux traitements effectués dans le cadre de la statistique et de la recherche publiques. Répondant respectivement à des procédures de déclaration et d’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ces nouvelles règles visent à enrichir le contenu des travaux scientifiques et statistiques à partir d’appariements et de croisements de données. Le droit au respect de la vie privée, consacré par le Conseil constitutionnel, est néanmoins préservé par les différents mécanismes de sécurité mis en place, tels que le cryptage du NIR, le strict respect des finalités des traitements ou la distinction entre l’auteur du cryptage et le responsable du traitement.
D’autre part, les obligations de mise en accessibilité des services téléphoniques et des sites Internet publics sont renforcées respectivement aux articles 43 et 44 du projet de loi. Prolongeant les avancées contenues dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’obligation d’accessibilité est rénovée afin de garantir l’accès de tous aux services de téléphoniques et en ligne. Ainsi, les services téléphoniques des administrations et des entreprises les plus importantes doivent mettre en place un service de traduction écrite simultanée et visuelle pour les personnes déficientes auditives, dans la lignée de l’expérimentation d’un centre relais téléphonique durant un an. Les sites Internet publics voient également leurs obligations de mise en accessibilité – ainsi que leur contrôle et leur sanction – renforcés face au retard pris par notre pays dans ce domaine.
Enfin, la consécration d’un droit au maintien de la connexion Internet à l’article 45 du projet de loi constitue une mesure décisive de lutte contre l’exclusion numérique. Consacré comme un service essentiel au même titre que l’eau, l’électricité ou les services téléphoniques, la connexion à Internet sera maintenue pour les publics les plus en difficulté financièrement, via l’intervention du fonds de solidarité pour le logement.
Sous l’impulsion de ces différentes mesures, la République numérique préserve les valeurs fondatrices du modèle républicain français tout en les adaptant. Après avoir porté un projet politique, économique et social, la République se dote aujourd’hui d’un volet numérique confortant les trois composantes de la devise républicaine.
La liberté, tout d’abord, s’exerce sur de nouveaux terrains ouverts par les technologies de l’information et de la communication, renouvelant ainsi la liberté de communication. Ces nouveaux espaces de liberté doivent coexister avec des mécanismes renforcés de protection de la vie privée, en cohérence avec la conception française de la liberté qui ne doit avoir pour seules limites que les mesures nécessaires au respect de la liberté d’autrui.
L’égalité, ensuite, demeure au cœur du projet républicain et rend indispensable la prise en compte de l’ensemble des publics dans l’accès au numérique. Les personnes handicapées, tout particulièrement, doivent se voir garantir les mêmes droits numériques, qu’il s’agisse des services téléphoniques ou des sites Internet publics. L’accessibilité de tous aux services numériques apparaît dès lors comme une nouvelle composante des politiques de lutte contre les discriminations et de cohésion sociale, en cohérence avec le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ces mesures devraient permettre de favoriser une meilleure appropriation de la culture du handicap en France, encore insuffisante par rapport à nos voisins européens, en particulier concernant certaines formes de handicap comme le handicap mental.
La fraternité, enfin, conserve sa mission de réconciliation entre les deux premières valeurs dans le cadre d’une République ouverte et solidaire. Face aux multiples fractures traversant la société française, la lutte contre l’exclusion numérique n’est pas optionnelle et doit mobiliser les acteurs publics et privés de concert. La reconnaissance de la connexion à Internet comme service essentiel s’inscrit pleinement dans ce projet et donne ainsi chair à l’ambition de République inclusive. Cette dimension solidaire devra nécessairement être poursuivie à l’avenir afin de lutter plus efficacement contre la fracture numérique. À ce titre, les économies générées par la dématérialisation des procédures administratives pourraient être redéployées vers un fonds dédié à l’accompagnement au numérique, comme le préconise le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon. L’ensemble des publics fragiles – qu’il s’agisse des personnes handicapées, des personnes âgées, des personnes à très faibles revenus ou des personnes sans domicile – pourraient en bénéficier, dans le cadre d’une logique de redistribution renouvelée.
Ainsi, la construction d’une République numérique est indissociable de l’émergence d’une nouvelle citoyenneté où l’information, la recherche et l’exercice des droits sont à la fois simplifiés et renforcés. Ce texte permet au numérique de répondre à son projet premier : être accessible à tous, sans exclusion ni restriction autres que celles justifiées par la protection des libertés fondamentales.
La rapporteure salue les avancées contenues dans le projet de loi et reconnaît en premier lieu la qualité de la concertation menée. En soumettant son texte aux contributions publiques en amont de son dépôt au Conseil d’État, le Gouvernement a mis en œuvre une démarche audacieuse et inédite traduisant dans le processus législatif la fonction de débat assignée au numérique. Les contributions de plus de vingt mille internautes ont permis de recueillir des avis sur les articles proposés – avec un taux de satisfaction de près de 75 % – et de mettre en débat les propositions de modifications et d’ajouts. Cette démarche souligne la capacité du numérique à mettre en œuvre de nouvelles relations entre l’administration et les citoyens ainsi que le rôle renouvelé d’un débat public dématérialisé et enrichi. Le gouvernement a néanmoins reconnu que l’accessibilité des personnes handicapées à cette consultation avait été insuffisante, ce qui renforce d’autant plus l’intérêt des dispositions contenues dans le texte.
Le projet de loi parvient à concilier différentes approches répondant chacune à leur propre logique, telles que la logique économique – centrée sur le coût et l’impact des technologies – et la logique sociale – faisant prévaloir les attentes de la société civile et appelant des mesures plus ambitieuses pour l’accès au numérique. Afin de conforter cet équilibre, la rapporteure propose l’adoption de différentes dispositions destinées à garantir la pleine entrée en vigueur des réformes envisagées et le suivi de leur application. Les différentes opinions et propositions émises lors des auditions organisées dans le cadre de son travail préparatoire ont ainsi permis d’éclairer les parlementaires sur les améliorations susceptibles d’être apportées au texte, tout en en préservant les équilibres et en en reconnaissant les avancées décisives.
La France dispose aujourd’hui de l’une des plus grandes bases de données médico-administratives au monde, apte à placer notre pays à l’avant-garde de la recherche et de l’innovation, en particulier dans le domaine de la santé. L’accès à ces données doit toutefois être contrôlé et témoigne de la difficulté à préserver l’équilibre entre l’ouverture des données et le droit fondamental au respect de la vie privée.
Dans la lignée des dispositions contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé, l’article 18 du projet de loi poursuit cet objectif d’enrichissement de la statistique publique et de simplification de la recherche scientifique à partir d’une redéfinition des procédures d’accès au numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) et du rôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
A. LA POURSUITE DE L’OUVERTURE DES DONNÉES INITIÉE PAR LA LOI DE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ
Mobilisant de longue date les politiques publiques en matière de recherche et de statistique, l’ouverture des données de santé a été sensiblement modifiée par la loi de modernisation de notre système de santé. Cette redéfinition de la politique d’accès aux données à caractère personnel repose sur une distinction centrale entre :
– d’une part, la procédure d’open data, correspondant à l’ouverture et à l’accès sans restriction aux données parfaitement anonymes, dans le cadre du nouveau système national des données de santé (SNDS) ;
– d’autre part, la procédure d’ouverture des données, lorsque leur anonymisation n’est pas complète, avec un accès facilité pour les recherches, études et évaluations d’intérêt public dans le cadre d’une protection renforcée de la vie privée.
Un principe d’interdiction de collecte ou de traitement des données à caractère personnel relatives notamment à la santé des personnes est posé par l’article 8 de la loi « Informatique et Libertés » du 7 janvier 1978 (1). Ce principe tolère néanmoins des dérogations dès lors que la finalité d’un traitement l’exige et permet de répondre à une exigence d’intérêt public. Afin de clarifier et de simplifier les procédures d’autorisation dans le cadre de traitements à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation dans le domaine de la santé tout en préservant les garanties apportées au respect de la vie privée, la loi de modernisation de notre système de santé rénove le cadre d’accès aux données de santé et, a fortiori, le rôle exercé par la CNIL dans le contrôle de cet accès.
Sans prétendre à un inventaire exhaustif de l’ensemble des mesures portées par cette dernière réforme, la rapporteure insiste néanmoins sur les trois principales avancées en direction de la recherche et de l’innovation. D’une part, l’ensemble des données sont rassemblées dans le nouveau système national des données de santé (SNDS), dont l’accès est refusé en cas de poursuite d’une finalité interdite et confié au nouvel Institut national des données de santé (INDS). D’autre part, les procédures d’accès aux données de santé sont rénovées, avec la mise en place de nouveaux outils contre les risques de réidentification des personnes et la distinction entre les autorisations sur projet accordées par la CNIL et les accès permanents dont bénéficient des organismes publics définis par un décret en Conseil d’État. Enfin, les procédures définies dans la loi du 6 janvier 1978 précitée sont modifiées afin de rassembler dans un chapitre unique les demandes d’accès aux données de santé relevant de projets de recherche en santé et de projets d’évaluation, permettant ainsi de disposer d’un nouveau cadre homogène et clarifié pour le traitement des données de santé.
La loi de modernisation de notre système de santé a plus spécifiquement modifié les dispositions relatives à l’utilisation du NIR, elles-mêmes modifiées par le projet de loi. Consacré comme identifiant de santé, le NIR ne pourra être communiqué aux personnes ayant accès aux données du SNDS. Une séparation stricte s’applique ainsi entre le tiers de confiance, détenant seul le NIR, et les personnes accédant aux données de santé anonymisées. Les procédures d’accès au NIR ont également été simplifiées, à partir d’une modification de la rédaction de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 précitée. Les traitements utilisant le NIR dans le cadre d’une recherche, d’une étude ou d’une évaluation sont aujourd’hui soumis à une stricte procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État. Outre une exception prévue en cas d’alerte sanitaire, la procédure d’autorisation ne s’impose également plus aux cas de traitements à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation dans le domaine de la santé, en conséquence soumis aux dispositions du chapitre IX de la loi du 6 janvier 1978. Ce dernier prévoit une procédure d’autorisation par la CNIL, apte à simplifier ces traitements et l’accès aux données de santé dès lors que l’intérêt public et la protection de la vie privée sont garantis.
L’article 18 du projet de loi prolonge cette ambition de simplification des procédures d’accès au NIR en modifiant à son tour l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 précitée. Cela soulève des questions d’autant plus délicates que cet assouplissement met en jeu l’accès à des données identifiantes ou réidentifiantes, notamment par des jeux d’appariements. Cette modification s’applique à un double domaine mobilisant le NIR : d’une part, la statistique publique ; d’autre part, la recherche scientifique.
Le premier volet de la stratégie de simplification des procédures d’accès au NIR s’adresse à la statistique publique, composée de l’INSEE et des services statistiques ministériels.
Le droit en vigueur impose comme préalable à toute utilisation du NIR l’obtention d’une autorisation par décret en Conseil d’État. Cette obligation de principe, justifiée par l’objectif de protection renforcée de la vie privée, s’est avérée excessivement contraignante dans la pratique. Si des administrations appartenant au service statistique public ont pu bénéficier de telles autorisations, celles-ci n’ont été que rares et ont nécessité de lourdes procédures. Ainsi, selon les informations transmises par l’INSEE, seuls treize décrets autorisant l’accès au répertoire national d’identification des personnes physiques ont été recensés depuis 1984. Le manque d’accès aux ressources contenant le NIR est d’autant plus dommageable qu’il prive la statistique publique de la richesse sans équivalent des données françaises et empêche de procéder aux appariements nécessaires. Cette richesse des sources administratives est pourtant reconnue tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle européenne, comme le rappelle par exemple la réglementation européenne relative à la statistique publique (2).
Pour y remédier, le I de l’article 18 du projet de loi substitue à la procédure de décret en Conseil d’État aujourd’hui en vigueur une procédure de déclaration auprès de la CNIL. Les dispositions relatives à la statistique publique sont ainsi déplacées à l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 précitée relatif à la procédure déclarative en cas de traitement de données à caractère personnel et constituant la procédure de droit commun par rapport aux procédures plus restrictives prévues notamment à l’article 27 de la même loi.
Ainsi, alors que le 1° du I et du II de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 précitée conditionne le traitement de données sur lesquelles figure le NIR à une procédure de décret en Conseil d’État, une dérogation est désormais prévue pour les traitements poursuivant des finalités de statistique publique. Au-delà de cette simplification de principe, plusieurs mécanismes protecteurs sont toutefois identifiés, destinés à garantir le respect de la vie privée :
– les traitements doivent avoir pour finalité exclusive la statistique publique ;
– ils ne peuvent comporter aucune donnée à caractère personnel faisant apparaître directement ou indirectement les origines ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à leur santé ou à leur vie sexuelle, ainsi que les données à caractère personnel relatives aux infractions, aux condamnations et aux mesures de sûreté ;
– les modalités d’application de cette procédure déclarative seront précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis écrit et motivé de la CNIL.
La principale protection apportée aux données à caractère personnel et au respect du principe du cantonnement du NIR réside toutefois dans la création d’une obligation de transformation cryptographique du NIR, ainsi modifié en « code statistique non signifiant » (CSNS). Le schéma ci-dessous retrace les principales étapes de cette opération cryptographique destinée à circonscrire le traitement des données concernées au sein du seul service statistique public.
La création du CSNS – et le processus de chiffrement à clef secrète sur lequel elle repose – permettra de pouvoir mener à terme les enquêtes statistiques sans mettre en danger la confidentialité des données collectées. L’objectif d’enrichissement des données statistiques pourra ainsi être atteint tout en garantissant l’absence de réidentification des personnes. Pour ce faire, la clef de chiffrement constitue la principale garantie d’anonymisation, à partir de trois outils de protection :
– d’une part, la compétence donnée au seul tiers de confiance pour la détenir, au sein d’une équipe dédiée de l’INSEE ;
– d’autre part, la limitation de l’espérance de vie de la clef de chiffrement, impliquant de renouveler le processus chaque décennie avec des clefs de chiffrement à chaque fois différentes ;
– enfin, le renouvellement du processus de chiffrement lors de l’obtention de toute nouvelle source de données par les équipes de la statistique publique.
La rapporteure soutient cette simplification des procédures apte à enrichir considérablement la statistique publique. Tout en conservant la pratique des enquêtes, l’accès des services statistiques publics aux sources administratives sera source d’efficience dans l’appariement des données. Dans la lignée des précédents travaux parlementaires, l’article 18 renouvelle ainsi l’équilibre entre l’accès aux données et la protection de la vie privée à partir de procédures proportionnées et adaptées. La rapporteure sera néanmoins attentive aux garanties précisées dans le décret en Conseil d’État prévu par cet article et au strict respect de la déidentification des données.
Le second volet de la stratégie de simplification des procédures d’accès au NIR s’adresse à la recherche scientifique.
Les dispositions aujourd’hui en vigueur prévoient – de manière identique au cas de la statistique publique – une procédure de décret en Conseil d’État pour toute recherche mise en œuvre pour le compte de l’État, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public portant sur des données parmi lesquelles figure le NIR.
Une telle procédure nuit au travail scientifique et affaiblit la capacité à collecter des données à caractère personnel. L’appariement de plusieurs sources de données est pourtant essentiel afin de permettre à la recherche scientifique publique de disposer de données économiques et sociales destinées à éclairer et à enrichir l’action publique. Face à une procédure longue et complexe, la plupart des organismes de recherche renoncent aux appariements ou procèdent à des appariements trop peu nombreux pour disposer de données crédibles.
Afin d’alléger ces procédures, le II de l’article 18 du projet de loi substitue à la procédure actuelle une procédure d’autorisation délivrée par la CNIL selon l’intérêt public et la justification de la démarche, projet par projet. Ces dispositions sont insérées à l’article 25 de la loi du 6 janvier 1978 précitée, consacré aux procédures d’autorisation délivrées par la CNIL.
Plusieurs garanties de protection de la vie privée et de la confidentialité des données sont précisées :
– les traitements doivent avoir pour finalité exclusive la recherche scientifique ou historique ;
– les traitements ne peuvent mobiliser aucune donnée à caractère personnel faisant apparaître directement ou indirectement les origines ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à leur santé ou à leur vie sexuelle, ainsi que les données à caractère personnel relatives aux infractions, aux condamnations et aux mesures de sûreté ;
– le NIR doit avoir fait l’objet d’une opération cryptographique lui substituant un code spécifique non signifiant propre à chaque projet de recherche ;
– une personne distincte du responsable de traitement procède à l’opération cryptographique et à l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du code spécifique non signifiant.
L’étude d’impact du projet de loi comporte davantage de précisions quant au déroulement de la procédure d’autorisation. Après avoir été soumis au Comité du secret statistique, autorisant la levée du secret statistique ou fiscal au regard de la finalité de la recherche et des garanties apportées, le projet de recherche est soumis à autorisation de la CNIL. L’équipe de chercheurs pourra alors avoir accès à un code recherche dédié non signifiant (CRDNS) dérivé du NIR, créé à partir d’une opération cryptographique. De manière identique au cadre prévu pour la statistique publique, le CRDNS sera créé par le tiers de confiance en distinguant les données statistiques ou fiscales des données identifiantes. Ces modalités seront définies dans le décret au Conseil d’État prévu au même article, pris après avis motivé et publié de la CNIL.
La rapporteure se félicite du soutien apporté à la recherche publique par cette simplification des procédures. Outre un coût financier moindre et des délais réduits, la facilitation des appariements permettra surtout d’enrichir les analyses scientifiques et de mettre à la disposition des pouvoirs publics des résultats plus solides.
L’essor des technologies de l’information et de la communication et leur appropriation par les services publics renouvellent les relations entre les personnes handicapées et les acteurs publics et privés. En simplifiant les démarches administratives et en rendant l’information immédiate, ces technologies constituent un vecteur d’apprentissage et d’intégration apte à faciliter le quotidien des personnes handicapées dans leur relation avec les services publics. Néanmoins, reposant nécessairement sur la modernisation des services publics, ces technologies constituent également un défi pour les personnes handicapées, devant se les approprier et se voir garantir une haute qualité de prestation publique et un accès sans obstacle technique ni exclusion.
Afin d’inclure l’ensemble de ses citoyens, la République numérique est donc indissociable du principe d’accessibilité numérique, que le projet de loi entend conforter par de nouveaux moyens d’accompagnement, de suivi et de sanction. En ce sens, l’accès aux services de téléphonie et aux sites Internet publics va de pair avec l’émergence d’une nouvelle citoyenneté numérique.
L’accès à la téléphonie des personnes sourdes et malentendantes constitue l’une des principales avancées de la politique du handicap en France – et plus largement en Europe – depuis dix ans. Consacré notamment à l’article 2 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006, cet accès a été rendu d’autant plus indispensable par l’accélération des mutations technologiques et la place des services téléphoniques dans le quotidien de chacun. L’utilisation sans cesse croissante des emails, des logiciels vidéo et des SMS a permis d’améliorer la communication des personnes déficientes auditives et s’est accompagnée du développement d’offres adaptées par les opérateurs de télécommunication à la diversité des situations de handicap auditif. Ainsi, en 2005 puis en 2011, ces opérateurs se sont engagés dans une Charte à proposer une offre de terminaux mobiles et de services adaptés aux personnes handicapées.
Bien qu’il n’existe pas de recensement unique, le nombre de personnes sourdes ou malentendantes serait de 5 millions en France, selon l’étude réalisée en 2010 par le cabinet Advention Business Partners (3). Cette population recouvre toutefois une grande diversité de réalités et de niveaux de handicap auditif. La variété des modes de communication mérite en particulier d’être soulignée, avec une distinction entre la langue des signes française (LSF), le langage parlé complété (LPC), l’écrit et la voix.
Selon cette même étude, 80 000 personnes sourdes ne maîtriseraient aucun mode de communication de manière certaine, et la moitié des personnes utilisant la LSF ne lisent ni n’écrivent le français. Au-delà des incertitudes statistiques, chacun peut aujourd’hui être convaincu de l’ampleur du phénomène de déficience auditive et de la nécessité d’y apporter une réponse ayant un impact direct sur la vie professionnelle et sociale des personnes concernées. Il est également nécessaire d’inclure dans l’analyse l’entourage des personnes déficientes auditives, ne disposant souvent pas de moyens de communication pour joindre leurs proches souffrant d’un handicap auditif.
Pour y répondre, plusieurs actions ont été engagées par les pouvoirs publics afin de garantir l’effectivité de l’accès de chacun aux services téléphoniques. En application du principe d’accessibilité des services de communication aux personnes handicapées posé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, plusieurs mesures ont été adoptées pour répondre aux besoins spécifiques des personnes sourdes ou malentendantes. D’une part, la création d’un centre relais national public dédié aux appels d’urgence a été annoncée en 2008 (4) et mise en œuvre en 2011 afin de recevoir et d’orienter à partir d’un numéro national unique – le 114 – les personnes déficientes auditives vers les numéros d’appel d’urgence tels que le 17 et le 18. D’autre part, les Conférences nationales du handicap du 10 juin 2008 et du 8 juin 2011 ont posé les fondements d’un centre de relais téléphonique dédié aux personnes sourdes ou malentendantes. Ce centre ne verra finalement le jour qu’en 2014 pour une expérimentation d’un an. Enfin, en application du droit de l’Union européenne et du troisième « paquet télécom » (5), le code des postes et des communications électroniques a été modifié afin de garantir la fourniture des prestations de service universel et l’accès aux services d’urgence à un tarif abordable. L’ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques crée ainsi l’obligation pour tout opérateur de télécommunication de garantir l’accès des utilisateurs finals handicapés « aux services de communications électroniques à un tarif abordable et aux services d’urgence ». Insérée à l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, cette disposition est ensuite déclinée au sein d’un service client internalisé ou en faisant appel à un prestataire externe.
L’expérimentation d’un centre de relais téléphonique
Après plusieurs années marquées par des difficultés juridiques, des contestations juridictionnelles et des obstacles budgétaires, l’expérimentation d’un centre de relais téléphonique a eu lieu du 2 juin 2014 au 31 mai 2015. Mise en œuvre par la société Orange Consulting et suivie par un comité de pilotage placé auprès du Comité interministériel du handicap (CIH), cette expérimentation rassemble un panel de 500 personnes déficientes auditives sur la base d’un accès de soixante minutes par mois et par personne.
Le bilan de cette expérimentation souligne que le centre a permis à sept panélistes sur dix d’entrer en relation avec une personne ou un service qu’ils n’auraient pas pu contacter par un autre canal de communication. Le temps d’attente avant la mise en relation avec un opérateur relais – près de quatre minutes en moyenne – a néanmoins été critiqué, en comparaison avec les engagements de service mis en place dans d’autres pays. De même, seuls 5 % des panélistes ont consommé l’intégralité de leur forfait mensuel, remettant ainsi en question l’adéquation du dispositif proposé aux besoins.
Le rapport remis en juillet 2014 par Mme Corinne Erhel relatif à l’expérimentation du centre relais téléphonique (6) soulignait plusieurs difficultés dans la recherche d’une accessibilité optimale. D’une part, le pilotage de l’expérimentation manquait d’efficacité, privilégiant les aspects juridiques par rapport aux enjeux technologiques et confiant un rôle insuffisant au régulateur, l’Agence de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). D’autre part, la méthodologie de constitution du panel n’a pas abouti à un échantillonnage par âge, sexe ou lieu d’habitation, ne permettant dès lors pas d’appréhender les publics de personnes déficientes auditives les plus en difficulté. Enfin, le rapport estime qu’il faudrait créer en France 16 000 postes de vidéo conseillers pour couvrir les besoins des personnes sourdes ou malentendantes afin de respecter le ratio de téléconseillers généralistes par habitants.
En conséquence, l’accès aux services téléphoniques des personnes sourdes ou malentendantes demeure encore largement théorique. L’incapacité à garantir la communication entre personnes déficientes auditives – mais aussi entre ces personnes et leur entourage – est constatée aussi bien dans les services publics que dans les entreprises.
S’agissant des services publics, de fortes disparités sont constatées dans la mise en place ou non d’un service adapté pour les personnes déficientes auditives. Cela est d’autant plus dommageable que les services publics – et l’administration en particulier – doivent répondre aux logiques d’impulsion et d’exemplarité qu’il appartient ensuite aux autres acteurs de poursuivre. L’article 78 de la loi du 11 février 2005 précitée prévoit l’accès pour toute personne déficiente auditive, à sa demande, à une traduction écrite simultanée ou visuelle dans ses relations avec les services publics. Néanmoins, aucune obligation de mise en accessibilité des services téléphoniques des services publics n’est aujourd’hui effective.
S’agissant des acteurs privés, l’absence d’obligation législative de mise en accessibilité des services clients par un service de traduction écrite simultanée et visuelle n’a pas empêché certaines entreprises de confier leur service client à des centres relais afin de garantir la prise en charge des appels des personnes déficientes auditives, bien que ces initiatives demeurent limitées.
S’agissant enfin spécifiquement des opérateurs de télécommunication, l’obligation prévue à l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques se limite aux services d’urgence. Des dispositions sont également prévues par voie réglementaire et inscrites à l’article D. 98-13 du code précité mais se limitent à l’accessibilité aux services dédiés à la clientèle. Dès lors, aucune disposition juridique ne garantit aujourd’hui la pleine accessibilité des services de communications électroniques aux personnes déficientes auditives, notamment au regard de la garantie d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle.
Face à ce constat et au succès limité de l’expérimentation d’un centre relais téléphonique, plusieurs options pouvaient être envisagées afin de garantir l’accessibilité des personnes sourdes ou malentendantes aux services téléphoniques, telles que :
– la mise en place d’un centre relais généraliste, à partir des résultats de l’expérimentation menée durant un an ;
– la prise en charge de l’accessibilité par les opérateurs de communications électroniques par le biais du service universel ;
– l’incitation – voire l’obligation – des prestataires de services à garantir cette accessibilité en développant de nouveaux modèles économiquement viables.
Un double dispositif de mise en accessibilité des services téléphoniques et de développement d’offres commerciales accessibles par les opérateurs de communications électroniques est finalement inscrit dans le projet de loi, permettant de faciliter l’autonomie des personnes déficientes auditives et d’impliquer l’ensemble des acteurs – services publics et entreprises – dans le processus de mise en accessibilité.
2. L’inscription dans la loi du principe d’accessibilité des services téléphoniques des personnes publiques et des entreprises
Dans la lignée de l’expérimentation du centre de relais téléphonique achevée le 31 mai 2015 et décrite ci-dessus, l’article 43 du projet de loi instaure une obligation de mise en accessibilité des services téléphoniques.
Cette obligation s’applique tout d’abord aux services publics, comme le prévoit le I de l’article 43 du projet de loi. L’article 78 de la loi du 11 février 2005 précitée est complété afin de préciser les dispositions contenues au premier alinéa de cet article relatives à l’accompagnement des personnes déficientes auditives. Les services d’accueil téléphonique des services publics recevant les appels des usagers doivent être rendus accessibles aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Cette obligation s’applique à l’ensemble des services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales, un organisme les représentant ou une personne privée chargée d’une mission de service public. À défaut, les services publics devront prévoir la réception des appels par un service de communication au public en ligne. Le IV de l’article 43 du projet de loi précise que ces dispositions entrent en vigueur au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, selon des modalités et à une date prévues par décret.
Cette obligation s’applique également aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à seuil défini par décret, aux termes du II du même article. Pour ce faire, l’article L. 113-5 du code de la consommation, consacré au numéro de téléphone mis en place par chaque entreprise afin de recevoir l’appel d’un consommateur, est complété par l’obligation de mise en accessibilité du service téléphonique aux personnes sourdes et malentendantes. Les entreprises doivent ainsi rendre leur numéro accessible par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Afin de prendre en compte la diversité des modes de communication, ce service de traduction comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. À défaut, la même obligation de réception des appels par un service de communication au public en ligne s’applique. Une entrée en vigueur anticipée de ces dispositions est prévue par le IV de l’article 43 du projet de loi, avec un délai fixé à deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
L’impact financier de cette obligation de mise en accessibilité est d’autant plus difficile à chiffrer précisément qu’il dépend à la fois de la nature de l’entité, de sa taille et de sa propension à être sollicitée de manière régulière par téléphone par les usagers ou les clients. L’étude d’impact du projet de loi évalue néanmoins le coût moyen du recours à une entreprise de relais téléphonique, sur la base d’un forfait annuel illimité, à 70 euros pour une commune de moins de 2 000 habitants, un médecin ou un boulanger, à 20 000 euros pour une grande entreprise ou un conseil départemental. Ces coûts pourront toutefois être réduits à partir de mécanismes de mutualisation entre plusieurs acteurs sollicitant un même prestataire.
La montée en puissance du recours aux services de traduction ne pourra être que progressive et variera selon les modes de communication utilisés. Selon l’étude de 2010 précitée, ces centres devraient arriver à maturité en douze ans pour la langue des signes française, en quatorze ans pour le texte et en seize ans pour le langage parlé complété. Cette même étude évalue à 91 000 le nombre d’utilisateurs des centres relais en dix ans, répartis entre le texte (19 %), la LSF (48 %) et le LPC (54 %).
Aux termes de l’analyse des offres de formation et au regard de craintes exprimées lors des auditions, la rapporteure s’interroge néanmoins sur la capacité des administrations et des entreprises à se voir garantir un accès à une offre de professionnels suffisante pour garantir un service de traduction adapté. Un écart persiste aujourd’hui entre les besoins de traduction et le nombre d’étudiants en formation ou de professionnels diplômés, quels que soient les types d’intervention auprès des personnes déficientes auditives. Au-delà de la faiblesse du nombre de professionnels diplômés et en activité, la société Orange Consulting recense – à partir du rythme de formation – seulement 30 nouveaux interprètes LSF, 20 codeurs LPC, 13 sténotypistes et 3 vélotypistes par an. Ce déséquilibre entre l’offre de professionnels et les besoins découlant de l’obligation d’accessibilité prévue par le projet de loi risque donc de se renforcer à offre de formation inchangée. En conséquence, la rapporteure estime indispensable que le Gouvernement engage sans tarder une réflexion sur les formations disponibles, leurs effectifs et leurs financements.
Les craintes exprimées par les associations lors des différentes auditions menées par la commission des affaires sociales ont également souligné le risque que le dispositif prévu ne réponde pas pleinement aux attentes des personnes déficientes auditives, notamment face à la diversité des modes de communication. En ce sens, il est indispensable que le suivi de ces dispositions soit exercé de manière effective par les services du ministère en charge des personnes handicapées afin de garantir la pleine entrée en vigueur de la mesure. Le Gouvernement a ainsi précisé à la rapporteure que le suivi de l’application de ces dispositions sera effectué par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et par la direction générale des entreprises (DGE).
La montée en charge de l’obligation de mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle ne pourra être que lente et progressive. À ce titre, l’entrée en vigueur différée de cette obligation est justifiée et rend incontournable l’accroissement des offres de formation dans le délai maximal de cinq ans mentionné au décret prévu au IV de l’article 43.
En outre, au-delà de la mise en accessibilité des services téléphoniques, il importe également de revaloriser la lutte contre l’illettrisme comme priorité de nos politiques publiques. À ce titre, les dispositions relatives à la traduction écrite simultanée et visuelle sont indispensables pour faciliter le quotidien des personnes sourdes illettrées à court terme mais ne suffiront pas pour réduire leur nombre. La rapporteure invite donc le Gouvernement à se saisir pleinement de cette question, en concertation avec le Parlement, afin de garantir une solution durable et satisfaisante pour chacun.
Le second volet de la politique d’accessibilité des personnes handicapées aux services téléphoniques réside dans la rénovation des obligations pesant sur les offres de téléphonie.
Le III de l’article 43 du projet de loi définit ainsi une obligation pour les opérateurs de communication électronique de développer une offre commerciale accessible pour les personnes sourdes et malentendantes.
Plusieurs pistes étaient envisageables, reflétant la diversité des modalités de mise en œuvre de l’accessibilité des personnes déficientes auditives en Europe, tels que le financement d’un centre relais par l’ensemble des utilisateurs de services téléphoniques, via un prélèvement effectué sur chaque forfait téléphonique ou une obligation de traduction écrite simultanée et visuelle imposée à l’opérateur historique ou à un prestataire spécifique dans le cadre de la mission de service universel.
Le projet de loi prévoit finalement le développement par les opérateurs de télécommunications d’une offre commerciale accessible incluant la fourniture d’un service de traduction écrite et visuelle.
L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques inclut cette nouvelle disposition, dont les modalités précises de déclinaison et de contenu seront prévues par décret. Cet article conditionne aujourd’hui déjà l’établissement et l’exploitation de réseaux ouverts au public à l’accès des utilisateurs finals handicapés à des services de communications électroniques à un tarif abordable et aux services d’urgence « équivalent à celui dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals ». Il est ainsi complété par une disposition dédiée aux utilisateurs finals sourds et malentendants, qui devront se voir garantir une offre de services de communications électroniques incluant la fourniture d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. L’entrée en vigueur de cette disposition sera définie par le même décret prévu au IV de l’article 43 du projet de loi, au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
Il apparaît nécessaire aux yeux de la rapporteure qu’il y ait une accessibilité effective et uniforme de l’ensemble des services, à la fois fixes et mobiles. Ces mesures viendront utilement compléter les initiatives mises en œuvre par de nouvelles offres de service, s’appuyant notamment sur la reconnaissance vocale. Ainsi, il sera également important de pouvoir tenir compte de la rapidité des mutations technologiques et de la mise à disposition de nouveaux outils « text-to-speech » et « speech-to-text » qui faciliteront les communications interpersonnelles, comme le soulignent aujourd’hui les opérateurs de télécommunication, et qui permettront de rendre encore plus effective l’accessibilité des personnes déficientes auditives aux services téléphoniques.
B. UNE APPLICATION EFFECTIVE DU PRINCIPE D’ACCESSIBILITÉ DES SITES INTERNET PUBLICS AUX PERSONNES HANDICAPÉES
1. L’insuffisante mise en œuvre de la politique d’accès des personnes handicapées aux sites Internet publics
a. La consécration du principe d’accessibilité des sites Internet publics par la loi du 11 février 2005
Le poids croissant des technologies de l’information et de la communication et la multiplication des relations dématérialisées entre l’administration et les citoyens ont fait de l’accessibilité numérique des services publics un enjeu primordial. Dans le cadre de l’émergence d’une société numérique, l’accessibilité des services publics ne peut plus uniquement être géographique ou physique : elle recouvre une nouvelle dimension dématérialisée que les administrations ont progressivement intégrée.
Afin de faciliter cette adaptation, le législateur a consacré en 2005 le principe d’accessibilité des sites Internet publics. L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit ainsi que « les services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées ».
Cet article tire les conséquences de recommandations et de pratiques initiées par plusieurs acteurs nationaux et supranationaux. D’une part, de nombreuses recommandations relatives à l’accessibilité de l’Internet ont été formulées par les institutions internationales et européennes et appelaient à être déclinées en droit interne, dans la lignée du plan « eEurope 2002 ». D’autre part, les collectivités territoriales ont de longue date mis en œuvre isolément des outils destinés à renforcer l’accès des personnes handicapées à leurs sites Internet. Le principe d’accessibilité vise donc à la fois à coordonner et harmoniser ces initiatives et à garantir qu’aucun service public ne reste en marge de ce mouvement.
L’accessibilité numérique comporte une dimension générale, devant s’appliquer à tout type d’information sous forme numérique « quels que soient les moyens d’accès, les contenus et le mode de consultation ». Une fois le principe consacré dans la loi, l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée renvoyait à un décret en Conseil d’État la définition des règles relatives à l’accessibilité, la nature des adaptations à mettre en œuvre ainsi que les délais et les sanctions en cas de non-respect.
Consacrée comme un principe général, l’accessibilité des sites Internet publics est longtemps restée théorique en l’absence de publication du décret en Conseil d’État prévu par la loi du 11 février 2005 précitée. C’est en effet seulement quatre années après la promulgation de la loi, que le décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 créant un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne a précisé les adaptations à mettre en œuvre, les délais de mise en conformité des sites existants et, le cas échéant, les sanctions imposées.
Les modalités concrètes d’accès aux services de communication publique en ligne sont déclinées dans un référentiel d’accessibilité prévu à l’article 1er du décret précité. S’agissant du contenu, tout d’abord, le référentiel d’accessibilité doit préciser les règles techniques, sémantiques, organisationnelles et d’ergonomie nécessaires à la compréhension par chacun de l’ensemble des informations diffusées sous forme numérique. Il est notamment précisé que la notion de « services de communication publique en ligne » recouvre en particulier l’Internet, le téléphone et la télévision. S’agissant des délais de mise en conformité des services, également, la durée de trois ans à compter de la publication du décret est reprise, comme le prévoit le dernier alinéa l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée. Les services de communication en ligne de l’État et de ses établissements publics doivent toutefois se conformer au référentiel dans un délai réduit à deux ans maximum.
En application de l’article 1er du décret précité, un référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA) a été publié, détaillant à la fois la déclinaison technique des règles d’accessibilité et une méthodologie pour évaluer leur conformité aux règles énoncées.
Le référentiel général d’accessibilité pour les administrations
Le référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA) est un document prévu par le décret du 14 mai 2009 rassemblant l’ensemble des obligations techniques et méthodologiques des administrations en matière d’accessibilité numérique.
Il décline les recommandations d’accessibilité définies à l’échelle internationale, reprenant notamment les « règles d’accessibilité pour les contenus web » (ou web content accessibility guidelines – WCAG) et leurs grands principes – être perceptible, utilisable, compréhensible et robuste. Élaboré par les services du ministre chargé de la réforme de l’État, il est mis à jour après consultation du ministre chargé du développement de l’économie numérique et après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Après une première version publiée en 2009, le référentiel a été rénové avec la publication du « RGAA 3.0 » par un arrêté du 29 avril 2015. Les critères d’accessibilité incluent notamment le titrage des pages et des vidéos, l’agrandissement des tailles de caractères ou l’accès au clavier.
Enfin, conformément au troisième alinéa de l’article 47 de la loi du 11 février 2005, le décret du 14 mai 2009 précité précise également les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne, à partir d’un enseignement théorique et pratique destiné notamment à apprécier la conformité aux règles et aux standards nationaux et internationaux dans ce domaine.
La consécration du principe d’accessibilité et sa déclinaison par voie réglementaire n’ont pas suffi à mettre fin aux situations d’éloignement et aux obstacles techniques à une utilisation complète des services de communication publique.
Outre des difficultés techniques, le principal obstacle à l’effectivité de l’accessibilité réside dans l’absence de sanction réellement dissuasive pour les services de communication publique en ligne ne se conformant pas aux règles identifiées par le référentiel.
Les modalités de vérification de la conformité des services au RGAA sont définies aux articles 4 et 5 du décret du 14 mai 2009 précité :
– l’autorité administrative compétente doit attester que ses services de communication publique en ligne sont conformes au référentiel d’accessibilité ;
– lorsqu’un défaut de conformité est constaté par le ministre en charge des personnes handicapées – s’agissant des services de l’État ou de ses établissements publics – ou par le préfet – s’agissant des services déconcentrés, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics –, une mise en demeure est prononcée afin que l’autorité administrative se mette en conformité avec le référentiel dans un délai de six mois maximum ;
– une fois ce délai expiré, le service est inscrit sur une liste de services de communication publique en ligne non conformes.
Les premières années de mise en œuvre des règles d’accessibilité et du RGAA témoignent de l’inefficacité des sanctions prévues en cas de non-conformité. De fait, le simple classement des services sur une liste mise en ligne par le ministre en charge des personnes handicapées n’a pas conduit à rendre la plupart des services accessibles, comme le déplorent aujourd’hui les associations. Surtout symbolique, la sanction prévue et mise en œuvre depuis 2009 ne peut donc pas être considérée comme satisfaisante et doit être modifiée. Une étude réalisée en 2014 (7) a ainsi souligné que seuls 4 % des sites Internet publics sont actuellement conformes aux règles d’accessibilité. À partir d’une analyse des déclarations de conformité au RGAA de 602 services de communication en ligne publics, cette étude pointait également de manière plus surprenante l’existence de déclarations de conformité au référentiel non vérifiées dans la réalité.
L’objectif d’accessibilité des sites Internet publics est pourtant rendu d’autant plus urgent par la construction d’une « Administration 2.0 », où l’information dématérialisée des usagers des services publics et la multiplication des procédures en ligne rendent inacceptable l’exclusion d’une partie de la population en raison de son handicap.
La République numérique portée par le projet de loi ne pourra être inclusive qu’à la condition de garantir une accessibilité effective des sites Internet publics. Il est donc indispensable de renforcer l’appropriation par les administrations des règles d’accessibilité et de mettre en œuvre une sanction dissuasive en cas de non-respect de ces règles. Pour ce faire, l’article 44 du projet de loi rénove l’accessibilité numérique des services publics en réécrivant l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée. Une double logique de suivi et de sanction sous-tend cette réécriture.
a. Un suivi de l’accessibilité des services facilité par la création d’un schéma pluriannuel de mise en accessibilité
L’accessibilité renforcée des personnes handicapées aux sites Internet publics repose tout d’abord sur la rénovation du contrôle et du suivi des services de communication publique en ligne. La création d’un schéma pluriannuel de mise en accessibilité des services de communication publique en ligne, défini au I du nouvel article 47 de la loi du 11 février 2005, en constitue le principal outil.
Ce schéma sera rendu public et déclinera les programmes et les modalités de mise en accessibilité des sites Internet et Intranet, afin de faciliter l’adaptation des services au RGAA et d’accélérer leur mise en conformité. Les progiciels mis à disposition des utilisateurs des sites seront également précisés afin d’identifier clairement les outils techniques proposés par chacun des sites.
Le suivi du schéma pluriannuel sera facilité par sa déclinaison en feuilles de route annuelles, permettant notamment d’étaler dans le temps la mise en service des différents progiciels. Chaque mise à jour, modification ou changement de contenu des sites sera également précisé dans un programme de prise en compte de l’accessibilité.
Au-delà de cette logique d’accompagnement renforcé des autorités administratives compétentes, l’article 44 du projet de loi procède également à une extension du périmètre des acteurs soumis à l’obligation de mise en conformité des services de communication publique en ligne. Outre les services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, l’obligation de mise en conformité s’appliquera également aux organismes délégataires d’une mission de service public. Indépendamment de leur statut juridique, l’ensemble des services publics sont donc concernés par cet impératif d’accessibilité numérique.
L’information des usagers sur la conformité ou non aux règles d’accessibilité est également clarifiée par la présence sur chacune des pages d’un service de communication publique d’une mention dédiée. Cette disposition, prévue par le II du nouvel article 47 de la loi du 11 février 2005, vise à la fois à valoriser les services s’étant conformés aux règles d’accessibilité et à accélérer la mise en conformité des autres services. Les dispositions relatives à l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’action de l’année en cours seront également accessibles depuis un lien afin de permettre aux usagers de signaler directement les manquements constatés.
Enfin, le décret en Conseil d’État prévu au IV devra fixer les règles relatives à l’accessibilité, la nature des adaptations à mettre en œuvre et les délais de mise en conformité des sites existants. Ainsi, l’article 44 du projet de loi rénove les logiques de contrôle, d’accompagnement et de suivi afin de les rendre plus opérationnelles. La rapporteure propose néanmoins de préciser, comme le prévoit la rédaction actuelle de l’article 47 de la loi du 11 février 2005, que le décret définira les modalités de formation des professionnels intervenant sur ces services, afin de répondre aux besoins et aux spécificités des formations concernées.
Le second pilier d’une accessibilité renforcée des services publics en ligne repose sur la refonte des mécanismes de sanction. L’efficacité d’une sanction se mesurant à son caractère dissuasif et à son impact sur les comportements, il est indispensable de rénover les mécanismes existants et de ne plus s’en tenir à une simple procédure d’inscription sur une liste de non-conformité.
Pour ce faire, le III du nouvel article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée crée une sanction administrative applicable à tout service de communication publique en ligne n’ayant pas mis en œuvre l’obligation de publication sur chacune de ses pages de sa conformité ou non aux règles d’accessibilité. La sanction pourra être prononcée à une fréquence annuelle dès lors qu’il n’est pas mis un terme à ce manquement. Le montant de cette sanction sera défini par un décret en Conseil d’État, sans pouvoir excéder 5 000 euros. Un barème sera établi afin de prononcer une sanction adaptée à l’autorité compétente, s’agissant en particulier des communes les plus faiblement peuplées.
Le produit de ces sanctions sera versé au fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle prévu à l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation. En conséquence, le II de l’article 44 du projet de loi étend les sources de financement du fonds à ces sanctions prévues par la nouvelle rédaction de l’article 47 de la loi du 11 février 2005. En outre, la compétence du fonds – initialement limitée au financement d’actions de mise en accessibilité d’établissements recevant du public et d’actions de recherche et de développement en matière d’accessibilité universelle – est étendue au financement des prestations destinées à assurer le respect des obligations en matière d’accessibilité des services de communication au public en ligne des autorités administratives.
La nouvelle procédure de sanction comporte donc une double dimension :
– d’une part, une sanction symbolique, liée à l’affichage sur chacune des pages du service de la non-conformité aux règles d’accessibilité, selon le principe du « name & shame » ;
– d’autre part, une sanction financière, destinée à renforcer le caractère dissuasif de la non-conformité aux règles d’accessibilité et à abonder le fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle.
Un suivi effectif de ces mesures devra être mis en place afin d’en garantir la pleine entrée en vigueur. En réponse aux interrogations de la rapporteure à ce sujet, le Gouvernement a indiqué que la Direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de la communication (DINSIC) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) assureraient le suivi de cette disposition, et qu’une commission rassemblant les acteurs administratifs et associatifs serait créée par le décret en Conseil d’État prévu à cet article.
Ces mesures devront démontrer leur efficacité – et, le cas échéant, être complétées – face à l’ampleur du travail d’accessibilité restant à accomplir en France. Si les administrations et les services publics doivent répondre à une logique d’exemplarité, ils ne doivent toutefois pas être les seuls concernés par l’obligation de mise en accessibilité des sites Internet. Les services quotidiens délivrés par les entreprises – tels que les services bancaires – ne peuvent donc rester en marge de ce mouvement, comme l’illustre le contenu de la proposition de directive relative à l’accessibilité présentée par la Commission européenne le 2 décembre 2015. Le Parlement et le Gouvernement doivent donc s’approprier davantage cet enjeu d’accessibilité aux sites Internet des services du quotidien.
Devenu central dans la vie professionnelle comme sociale, l’accès à Internet doit être garanti à chacun afin de lutter plus efficacement contre l’isolement. Le maintien d’une connexion Internet au même titre que l’eau, l’électricité ou le téléphone apparaît en ce sens comme un nouveau rempart contre les fractures qui traversent notre société – en particulier la nouvelle fracture numérique – et permettra de faire prévaloir les logiques de solidarité et d’accompagnement sur celles d’exclusion et de coupure.
L’utilisation d’Internet, devenue quotidienne, fait aujourd’hui partie intégrante de nos modes de vie. Bien plus qu’un outil de communication ou d’information parmi d’autres, Internet irrigue l’ensemble de la société et est à ce titre devenu un service essentiel auquel chacun doit se voir garantir un accès.
L’accès à Internet est fréquemment considéré comme découlant d’un droit fondamental consacré de longue date, la liberté de communication. Cette dernière, inscrite à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, s’exerce de manière croissante via les outils numériques et revêt ainsi une forme dématérialisée. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a récemment confirmé cette reconnaissance de l’accès à Internet comme support de la liberté de communication. Dans sa décision relative à la loi dite « HADOPI » (8), le Conseil constitutionnel précise ainsi dans son douzième considérant qu’« en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ». La liberté fondamentale que constitue la liberté de communication est ainsi renouvelée sous l’influence numérique, appelant dès lors la protection de l’accès aux services Internet. Comme tout droit, cet accès n’est toutefois pas sans limite et peut se voir opposer des restrictions, en particulier lorsque l’exercice d’autres droits constitutionnellement garantis est en jeu. À l’inverse, le respect du principe constitutionnel de liberté de communication peut justifier la restriction d’autres principes – tels que le droit de propriété ou la liberté d’entreprendre – pour des motifs d’intérêt général, comme l’envisage le projet de loi.
Le droit international a franchi un pas supplémentaire en reconnaissant l’accès à Internet comme un droit fondamental autonome qu’il appartient à chaque État de protéger. Ainsi, l’accès à Internet est devenu lui-même un droit fondamental indissociable de l’exercice par chacun de ses droits. En 2012, le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des nations unies a reconnu l’accès à Internet comme un droit fondamental devant garantir à chacun que ses droits déjà reconnus hors-ligne soient également désormais protégés en ligne.
Indissociable de l’exercice de nouveaux droits, la République numérique a donc pour corollaire l’effectivité de l’accès à Internet, pilier de l’inclusion numérique et de la lutte contre la fracture numérique.
L’inclusion numérique des usagers des services Internet peut être fragilisée par des difficultés financières – souvent temporaires – conduisant à des coupures de connexion. Pour y faire face, l’article 45 du projet de loi prévoit un mécanisme de maintien de la connexion Internet reposant sur un double dispositif : d’une part, la suspension de la procédure d’impayé en cas de saisine du fonds de solidarité pour le logement (FSL) ; d’autre part, l’aide au financement des impayés destinée à garantir la continuité de la connexion.
La collectivité vient aujourd’hui en aide aux personnes en difficulté financière dès lors qu’elles ne peuvent plus financer leur consommation d’eau, d’énergie ou de téléphone. Consacrée par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite « loi Besson », cette aide permet de financer le maintien de la fourniture du service dans son logement et ainsi d’éviter l’accélération des processus d’isolement et d’exclusion.
Ce dispositif repose sur l’action du fonds de solidarité pour le logement, créé par cette même loi et compétent pour statuer sur les procédures d’impayé dans un logement. Il est codifié à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, qui précise que la fourniture d’énergie, d’eau et d’un service téléphonique restreint est maintenue pendant l’examen de la demande d’aide par le FSL. Ainsi, le maintien de l’accès à ces services quotidiens et indispensables constitue une procédure dérogatoire par rapport au droit applicable relatif aux factures impayées. Alors qu’un fournisseur d’eau ou d’énergie peut en temps normal réduire ou interrompre son service à défaut de paiement et d’accord avec le consommateur dans un délai de trente jours, la saisine du FSL et son examen du dossier interrompent tout délai et permettent en particulier de lutter contre le mal-logement.
Ainsi, la seule saisine du fonds de solidarité pour le logement permet de garantir le traitement des dossiers des personnes les plus défavorisées et d’éviter la coupure de fourniture du service, avant le cas échéant de bénéficier d’une aide de la collectivité pour financer les factures ultérieures. Dans ce contexte, la consécration de l’accès à Internet comme un droit fondamental implique donc d’étendre cette garantie de maintien du service au cas de la connexion Internet.
Le I de l’article 45 du projet de loi répond à cet objectif d’inclusion numérique en étendant la compétence du FSL à la fourniture d’une quatrième catégorie de service : l’accès à Internet. La saisine du FSL permet ainsi de suspendre l’interruption de la fourniture du service afin d’évaluer notamment l’insuffisance des ressources ou les conditions d’existence. La commission d’examen de la demande rend ensuite son avis dans un délai de deux mois.
Le maintien de la connexion durant ces deux mois ne fait pas obstacle au recouvrement des créances des fournisseurs d’accès à Internet sur les usagers. S’appuyant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux créances des distributeurs d’eau (9), le Conseil d’État considère ainsi dans son avis sur le projet de loi que le maintien de la connexion durant l’examen du dossier par le FSL n’entraîne pas un transfert du coût vers le fournisseur.
Afin de demeurer proportionné au besoin, le maintien de la connexion pourra néanmoins être restreint par l’opérateur, dans le cadre d’un service d’accès à Internet à condition de préserver l’accès fonctionnel aux services de communication au public et aux services de courrier électronique. La rapporteure précise néanmoins que cette mesure de restriction de la connexion à Internet sera probablement peu mise en œuvre, au regard de la complexité de l’opération. Aux termes des auditions menées, il apparaît en effet plus lourd et coûteux pour les opérateurs de télécommunication de modifier le service fourni pendant une durée de deux mois plutôt que de maintenir un service identique en attendant la décision du FSL.
La rapporteure se félicite de la consécration d’un droit au maintien temporaire de la connexion. Enrichir le droit au logement d’un volet numérique est rendu encore plus indispensable par le poids croissant pris par l’accès à Internet dans les démarches administratives, l’information sur les droits et la recherche d’un emploi. Interrompre la connexion en cas de difficultés financières temporaires ne conduirait qu’à alimenter la spirale d’exclusion désormais nourrie par une triple fracture sociale, financière et numérique. Le motif d’intérêt général de respect de la liberté de communication suffit ainsi à porter atteinte de manière proportionnée à d’autres principes constitutionnels comme la liberté d’entreprendre. En cohérence avec le droit au maintien de la fourniture d’un service téléphonique, le maintien de la connexion Internet donne donc chair au projet de République numérique solidaire et inclusive.
L’aide de la collectivité ne doit pas se limiter à la simple suspension des procédures d’impayé : afin de garantir l’accès à Internet et d’assurer le paiement des factures dues aux fournisseurs d’accès, elle doit également reposer sur une aide versée aux personnes en difficulté financière et sur l’accessibilité financière des offres des opérateurs.
Mises en place de manière isolée et volontaire par certains opérateurs, les mesures d’aide aux personnes les plus fragiles financièrement demeurent encore fragmentées et souffrent d’une insuffisante publicité. La création d’un label « tarif social de l’Internet », dont le cahier des charges a été précisé le 7 mars 2011, permet de garantir davantage d’uniformité dans les tarifs et les services de base proposés par les opérateurs.
Le tarif social de l’Internet
Le label « tarif social de l’Internet » a été créé par une convention conclue entre l’État et les opérateurs de télécommunications.
Il s’inscrit dans la lignée du « tarif social mobile », à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) socle, créé en 2011 et devant proposer au moins 40 minutes de communication et 40 SMS pour un tarif mensuel maximal de 10 euros.
Le cahier des charges du tarif social de l’Internet comporte trois principes. D’une part, il fixe un prix maximum de 23 euros par mois pour pouvoir bénéficier d’un accès illimité à la téléphonie fixe et à Internet. Cette somme se décompose en 20 euros de tarification pour l’accès à Internet et 3 euros pour la location de l’équipement. D’autre part, son accès aux bénéficiaires du RSA socle doit également être garanti. Enfin, il doit exclure tout engagement de durée, frais d’activation ou caution.
Mise en œuvre pour la première fois en 2012, l’offre sociale Internet prolonge la logique de service universel et concrétise l’objectif d’accessibilité numérique.
Ces initiatives demeurent toutefois insuffisantes. D’une part, elles reposent sur une démarche volontaire, par définition moins protectrice pour les personnes en difficulté financière que les aides par exemple prévues en matière de fourniture d’eau ou d’électricité. D’autre part, le paysage des opérateurs de télécommunication a été modifié en profondeur depuis 2011, avec l’entrée sur le marché d’un quatrième opérateur et le renforcement de la concurrence facilitant la pression à la baisse sur les prix. Dès lors, le tarif social Internet maximal de 23 euros apparaît aujourd’hui comme élevé face aux nouvelles gammes de prix, permettant de bénéficier d’une offre Internet pour moins de 20 euros par mois quels que soient ses revenus. Enfin, ces initiatives ne permettent pas de garantir le financement des impayés une fois que ces derniers sont constatés, et présentent donc pour les opérateurs moins de garanties de paiement du service rendu.
Le II de l’article 45 du projet de loi répond à ces difficultés en mettant en œuvre un mécanisme d’aide au financement des impayés en matière d’abonnement à Internet.
En modifiant la loi du 31 mai 1990 précitée, le projet de loi étend la compétence du fonds de solidarité pour le logement aux aides au titre des dettes de factures d’accès à Internet, de manière identique aux aides aujourd’hui prévues en matière de loyer et de factures d’énergie, d’eau et de téléphone. L’inclusion sociale se double ainsi d’un volet numérique rendu d’autant plus urgent par l’influence croissante de l’utilisation d’Internet dans la recherche d’un emploi ou l’accès aux démarches administratives et aux aides sociales.
Il reviendra à chaque département de définir le niveau des aides accordées pour le paiement des factures. S’agissant des services téléphoniques, l’étude d’impact du projet de loi précise que l’aide du FSL varie de 50 euros en Maine-et-Loire à 150 euros dans l’Essonne, à une fréquence le plus souvent annuelle ou semestrielle. Le montant d’un abonnement Internet étant en moyenne deux fois supérieur à celui d’un abonnement téléphonique, le niveau des aides ou des abandons de créance au titre du FSL serait donc doublé par rapport à la situation actuelle où les aides sont limitées au paiement des factures téléphoniques.
La rapporteure appuie cette extension de la compétence du FSL, permettant d’adapter les politiques de cohésion sociale au nouveau contexte numérique et dématérialisé. Le double mécanisme de suspension de la procédure d’impayé et d’aide au remboursement des factures permettra de garantir l’effectivité du maintien de la connexion et de poursuivre la reconnaissance d’Internet comme un service essentiel. La rapporteure s’interroge néanmoins sur la viabilité du financement du maintien de la connexion mis en place par le projet de loi. De manière identique au maintien de la ligne téléphonique, les départements et les fournisseurs d’accès devront donc mettre en place, selon les spécificités propres à chaque territoire, les mesures nécessaires à un financement pérenne.
Plus fondamentalement, il importe d’empêcher que le numérique ne devienne un vecteur supplémentaire de précarisation et d’isolement. Qu’il s’agisse spécifiquement des personnes en difficulté financière ou de l’ensemble des publics fragiles, la rapporteure souligne l’ambivalence du numérique, à la fois porteur de nouvelles opportunités économiques et sociales et source d’un éloignement renforcé pour les personnes isolées. À terme, l’ensemble des politiques publiques devront donc soutenir le droit à la connexion numérique consacré par cet article et inclure des mécanismes de soutien aux personnes les plus vulnérables. C’est à ce titre que l’ambition de République numérique portée par le projet de loi pourra devenir réellement effective.
La Commission des affaires sociales examine, pour avis, sur le rapport de Mme Hélène Geoffroy, les articles 18, 43, 44 et 45 du projet de loi pour une République numérique (n° 3318) lors de sa séance du mardi 12 janvier 2016.
Mme la présidente Catherine Lemorton. Le projet de loi pour une République numérique, qui a été renvoyé au fond à la commission des lois, est important et attendu. Il vise, face à la rapidité des mutations technologiques, à permettre l’adaptation de l’ensemble des acteurs de la vie démocratique – services publics, associations, entreprises – à ce nouveau cadre. Il comporte un volet social qui justifie notre saisine pour avis sur les articles 18, 43, 44 et 45, et nous avons désigné Mme Hélène Geoffroy rapporteure pour notre commission
L’article 18 poursuit le mouvement d’ouverture des données et d’accès au numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) engagé par nos derniers travaux parlementaires sur le projet de loi santé.
Les articles 43 et 44 renforcent, pour leur part, les obligations de mise en accessibilité des services téléphoniques et des sites internet publics.
Enfin, l’article 45, en consacrant l’existence d’un droit au maintien de la connexion internet, constitue une mesure décisive de lutte contre l’exclusion numérique. Je rappelle le devoir de l’État et des collectivités de couvrir l’ensemble du territoire en matière d’accès à internet.
Mme Hélène Geoffroy, rapporteure pour avis. Le projet de loi poursuit un objectif essentiel : l’encadrement du développement du numérique en France. La réponse collective que pourra apporter notre société à cette accélération technologique nous fera entrer dans un nouvel âge démocratique.
Le Gouvernement nous propose aujourd’hui une stratégie numérique dont le présent projet de loi constitue le volet législatif. Cette stratégie a pour enjeu essentiel d’assurer que cette nouvelle liberté d’expression et d’information ne soit pas détournée et qu’une partie des citoyens n’en soit pas dépossédée.
Renforcer les droits des individus dans le monde numérique est une condition indispensable de son développement. La société connaît un paradoxe : alors que les outils numériques bouleversent les modes d’information, rapprochent les individus en faisant fi des frontières géographiques et naturelles, et permettent de surmonter des handicaps physiques et mentaux, dans le même temps, à mesure que s’inscrivent les nouvelles technologies dans le quotidien des Français, la fracture numérique s’accroît. C’est ce qui justifie la saisine de notre commission. Faute de compétences ou d’équipements, une partie de la population décroche, ce qui peut parfois entraîner une aggravation du non-recours aux droits sociaux. La République doit contribuer à remédier à ce paradoxe en définissant de nouvelles règles du jeu pour construire le modèle numérique français.
Quatre articles du projet de loi intéressent plus particulièrement notre commission.
L’article 18 poursuit l’objectif d’enrichissement de la statistique publique et de simplification de la recherche scientifique. Il s’inscrit dans la lignée des dispositions contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé. Cet article prévoit une redéfinition des procédures d’accès aux données à caractère personnel et du rôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
La loi de modernisation de notre système de santé a modifié les dispositions relatives à l’utilisation du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques. Les procédures d’autorisation d’accès à ce dernier ont été simplifiées, néanmoins les traitements l’utilisant dans le cadre d’une recherche, d’une étude ou d’une évaluation sont aujourd’hui soumis à une stricte procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État. L’article 18 du projet de loi poursuit l’ambition de simplification des procédures d’accès au NIR.
Le premier volet de cette stratégie de simplification concerne la statistique publique et s’adresse à l’INSEE et aux services statistiques ministériels. L’article 18 substitue à la procédure de décret en Conseil d’État pour l’accès au NIR aujourd’hui en vigueur une procédure de déclaration auprès de la CNIL.
Le second volet concerne la recherche scientifique. Les dispositions aujourd’hui en vigueur prévoient également une procédure de décret en Conseil d’État. Une telle procédure nuit au travail scientifique et affaiblit la capacité à collecter des données à caractère personnel. L’article 18 remplace donc ces procédures par une autorisation délivrée par la CNIL selon l’intérêt public et la justification de la démarche, projet par projet. Cette simplification permettra un meilleur soutien à la recherche publique et facilitera les appariements entre bases de données pour enrichir les analyses scientifiques.
Les articles 43, 44 et 45 intéressent les publics non connectés.
L’article 43 est ainsi destiné à permettre aux personnes sourdes et malentendantes d’avoir un accès aux services téléphoniques équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs. Bien qu’il n’existe pas de recensement unique, le nombre de personnes sourdes ou malentendantes est estimé à 5 millions en France. L’incapacité à garantir la communication entre personnes déficientes auditives, mais aussi entre ces personnes et leur entourage, est constatée aussi bien dans les services publics que dans les entreprises. Face à ce constat et au succès limité de l’expérimentation d’un centre de relais téléphonique, un double dispositif de mise en accessibilité des services téléphoniques et de développement d’offres commerciales accessibles par les opérateurs de communications électroniques est inscrit dans le projet de loi. Cela permettra de faciliter l’autonomie des personnes déficientes auditives. Le financement de ce service de traduction et d’accessibilité ne repose pas uniquement sur les personnes déficientes auditives, mais aussi sur les opérateurs et les entreprises, ce qui répond à la dimension solidaire et inclusive que doit préserver la République numérique.
Je proposerai d’enrichir cet article en ajoutant un critère de qualité de la traduction écrite simultanée et visuelle, et en donnant une valeur juridique, et donc une meilleure protection, à l’expression de « coût abordable » qui figure dans le texte.
L’article 44 porte, lui aussi, sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap aux sites internet publics. Il crée des obligations à la charge des administrations pour permettre l’accessibilité des sites internet aux personnes en situation de handicap. Seront concernés les sites internet des services de l’État, des collectivités locales et des établissements publics, qui devront afficher une mention visible précisant le niveau de conformité ou de non-conformité aux règles d’accessibilité. Ces mêmes administrations devront mettre en œuvre un schéma pluriannuel de mise en accessibilité des services de communication publique en ligne. Je proposerai un amendement afin de préciser les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics.
Reste posée la question des services autres que ceux des administrations publiques. Les services quotidiens délivrés par les entreprises, tels que les services bancaires, ne peuvent rester en marge de ce mouvement. Cette question devra être débattue, et j’ai amorcé une discussion en ce sens avec le ministère.
Enfin, l’article 45 prévoit le maintien temporaire de la connexion internet en cas de non-paiement des factures par les personnes les plus démunies. Ce service doit pouvoir être maintenu, et la loi prévoit que le fonds de solidarité pour le logement puisse statuer sur la demande d’aide financière de la personne concernée.
Indissociable de l’exercice de nouveaux droits, la République numérique a donc pour corollaire l’effectivité de l’accès à internet, à l’image du droit à l’accès à d’autres services essentiels tels que l’électricité, l’eau et la téléphonie fixe. Afin de demeurer proportionné au besoin, le maintien de la connexion pourra néanmoins être restreint par l’opérateur dans le cadre d’un service d’accès à internet, à condition de préserver l’accès fonctionnel aux services de communication au public et aux services de courrier électronique.
Toutefois, la viabilité du dispositif de financement du maintien de la connexion mis en place par le projet de loi reste en question dans le cas où les fournisseurs d’accès à internet ne souhaiteraient pas volontairement y concourir. Il faudra trouver des réponses pérennes spécifiques à chaque territoire.
Par ces articles, il convient d’empêcher que le numérique ne devienne un vecteur supplémentaire de précarisation et d’isolement. À terme, l’ensemble des politiques publiques devra appuyer le droit à la connexion numérique et permettre le soutien des personnes les plus vulnérables.
M. Gérard Bapt. Ce projet de loi pour une République numérique est particulièrement bienvenu puisqu’il complète les acquis de la loi informatique et libertés, et du droit à l’accès aux documents administratifs. Son article 18 vient aussi heureusement compléter certaines dispositions de la loi santé, notamment les articles concernant l’accès aux données et l’open data. Il s’agit du fameux article 47 du projet de loi sur la santé, que le Parlement a entièrement réécrit, en accord avec le Gouvernement.
Notre commission n’est pas saisie pour avis du titre Ier, mais je voudrais néanmoins vous faire part de ma satisfaction. L’article 47 de la loi santé prévoit l’utilisation libre des données issues des sites d’information de l’assurance maladie, tel Ameli.fr, notamment par des sites d’information appartenant à des associations ou des groupements de patients. Mais d’autres sites avaient été oubliés, notamment ceux des établissements publics de santé tels que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, bien que leur contenu soit proche de celui de l’assurance maladie. C’est ainsi que la présidente de l’association des victimes du Valproate, l’APESAC, s’est retrouvée sous la menace de peines d’amende et de prison parce que des informations figurant sur les sites de l’AP-HP avaient été reprises sur le site de l’association. De manière heureuse, le titre Ier réglera ce problème puisqu’il permet l’accès et l’utilisation des données publiques sur les sites publics à fin d’information.
La procédure de discussion de ce texte est également inédite, puisqu’un appel aux internautes a été réalisé en amont de son examen par le Conseil d’État. Plus de 21 000 citoyens ont participé à cet exercice, 8 500 contributions ont été examinées, et la secrétaire d’État a reçu certains auteurs des contributions les plus importantes.
Mme la rapporteure a très bien décrit les articles dont notre commission est saisie. Il s’agit de réduire la fracture numérique, notamment pour certains de nos concitoyens souffrant de handicaps, et aussi de compléter la redéfinition de l’accès aux données à caractère personnel, qui nous interpelle directement puisqu’il s’agit de la protection des données personnelles de santé. Le patient doit en rester propriétaire, mais elles doivent pouvoir être réutilisées, soit avec son accord, soit de manière immédiate lorsqu’il s’agit de données anonymisées à des fins de recherche publique ou scientifique.
Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, j’exprime notre soutien à ce projet de loi qui sera enrichi par les amendements qui nous seront présentés suite aux auditions auxquelles nous avons participé.
M. Dominique Tian. Incontestablement, ce texte est important et nous nous étonnons du choix de la procédure accélérée, qui permet rarement de faire du bon travail.
Bien sûr, le numérique peut simplifier les démarches administratives de nos concitoyens, qu’ils soient usagers ou chefs d’entreprise. Il peut créer de nouvelles formes d’activité et générer de la croissance, donc de l’emploi, nous en sommes d’accord. Pour ce qui est du texte, toutefois, il va, aux yeux du groupe Les Républicains, décevoir beaucoup de monde.
Tout d’abord, il convient de relever l’avis très critique du Conseil d’État. Ce dernier déplore, sur plusieurs sujets, que l’étude d’impact n’évalue pas suffisamment les incidences des mesures prévues. Il relève aussi le caractère insuffisamment normatif du texte et constate un décalage entre le titre et le contenu au point de proposer de le renommer en « Projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique ». C’est évidemment moins poétique que la République numérique, mais néanmoins plus adapté à un texte dont l’importance n’est pas celle que vous lui donnez.
Des modifications significatives interviendront sans doute lors de l’examen du projet de loi en séance publique dès la semaine prochaine. Ce texte peine à apporter des réponses concrètes aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire et au financement du très haut débit pour les zones blanches en zone rurale, qui exaspèrent nos concitoyens et les élus locaux. Beaucoup regretteront que ce sujet ne soit pas traité.
Il faudra veiller à la protection des données personnelles et à l’open data, et le Conseil d’État rappelle dans son avis l’exigence de respecter la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés lorsque les données en open data présentent un caractère personnel. Nous serons très attentifs à ces questions.
La Commission des affaires sociales s’est saisie des articles qui concernent le handicap et l’accès des publics fragiles au numérique. La loi de 2005 prévoyait déjà que les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant. De même, tous les sites internet d’administrations doivent être accessibles. L’étendue des données que l’administration devrait fournir a été très peu détaillée jusqu’à présent, et un certain nombre d’associations se sont émues du fait que cette consultation ait été très parcellaire, beaucoup d’informations n’étant pas disponibles, même sur internet. Les associations nous appellent donc à une plus grande vigilance.
S’agissant de l’élaboration des schémas pluriannuels de mise en accessibilité, beaucoup d’éléments manquent et il faudra que nous approfondissions la question au cours des débats.
Enfin, de nombreux collègues sont inquiets des conséquences de l’article 45, qui prévoit le maintien de la connexion internet pour les personnes les plus démunies. C’est évidemment une excellente intention, mais faute de financement pour le suivi et l’accompagnement des publics en difficulté, et compte tenu de l’automaticité des aides, nous craignons beaucoup que la charge financière découlant de cette mesure repose sur les départements. Notre collègue Jean-Pierre Barbier présentera des amendements sur ce point, car cela pourrait créer une charge très lourde pour les départements. Il nous semble que c’est l’État qui devrait assumer ces charges, et que cette procédure devrait être plus normée.
Pour ces raisons, en l’état du débat, le groupe Les Républicains s’achemine vers une abstention sur ce texte.
M. Arnaud Richard. Ce texte, attendu depuis plus de deux ans, a le mérite d’aborder certains grands enjeux du numérique de demain, tels que le principe de neutralité du net, le droit à l’oubli, l’ouverture des données ou encore la notion de « mort numérique ».
Sans soulever d’opposition de principe, le projet de loi s’avère cependant extrêmement éloigné de l’ambition affichée par le Gouvernement et sa majorité depuis le début du quinquennat de bâtir une véritable République numérique. Il est dépouillé de sa dimension économique et peine à donner une vision d’ensemble de la stratégie numérique française. Une nouvelle fois, force est de constater que nous sommes devant une énumération de grands principes plutôt qu’un texte fixant un véritable cap.
Nous ne pouvons que constater que la méthode choisie par le Gouvernement revient à morceler le sujet du numérique en trois textes : l’un, sur l’open data, soutenu par Clotilde Valter, a été discuté en octobre, celui-ci est porté par Axelle Lemaire et Emmanuel Macron se chargera du troisième.
Ce texte est néanmoins important si nous voulons dynamiser ce secteur d’activité économique et, à terme, notre croissance. Il est indispensable de traiter la question de l’open data. C’est un enjeu de gouvernance, de rapports avec nos concitoyens et de meilleure information de l’ensemble des parties prenantes.
On ne peut que se réjouir que le droit à l’oubli et la « mort numérique » soient abordés. Essentiel pour les mineurs, le droit à l’oubli devrait pouvoir être étendu à chaque internaute. Il faudra réfléchir à une manière simple et lisible de le faire.
S’agissant de la protection des consommateurs, il nous paraît primordial d’aller plus loin. Certaines pratiques vont à l’encontre des intérêts de l’internaute sans faire l’objet d’aucun contrôle. C’est le cas de l’IP tracking ou de la publicité ciblée en ligne. Nous regrettons également que rien ne soit prévu sur le harcèlement virtuel. Vous connaissez l’adage du net : « On the internet, nobody knows you’re a dog » !
Nous aurions souhaité davantage de mesures de simplification des démarches administratives, qui représentent une perte de temps et des coûts très importants pour un certain nombre de nos concitoyens.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, très attachés à la réduction de la fracture numérique, s’étonne de voir que le projet de loi ne mentionne pas la couverture numérique des territoires. Nous nous réjouissons néanmoins qu’il reprenne le contenu de la proposition de loi d’André Chassaigne relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques.
Pour autant, nous tenons à saluer la méthode collaborative mise en place par le Gouvernement, et nous espérons qu’elle guidera l’ensemble de l’examen de ce texte.
À l’instar de Dominique Tian, je dois dire que nous restons très circonspects, et nous pourrions nous abstenir au terme des débats, à moins que le Gouvernement ne parvienne à nous convaincre.
Mme Dominique Orliac. Notre commission est saisie de quatre articles de ce projet de loi.
L’article 18 vise à créer une nouvelle procédure spécifique d’accès à certaines données publiques à des fins statistiques ou de recherche publique. La volonté de simplification que traduisent ces nouvelles dispositions va dans le bon sens.
En ce qui concerne les articles 43 et 44, j’aimerais soulever un point important. L’accessibilité doit être prise en compte lorsque l’on met en place des politiques publiques spécifiques pour les personnes en situation de handicap, qu’elles soient sourdes, malentendantes ou souffrant d’un autre handicap. Dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre, il y a deux ans, sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap dans le domaine électoral, j’ai pleinement mesuré le défi technologique et numérique qui nous attend. Aujourd’hui, la technologie est prête et disponible ; à nous de lui faire confiance.
Du point de vue financier, l’article 43, qui tend à donner accès aux personnes sourdes et malentendantes à un service téléphonique équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs en instaurant l’obligation de fournir une traduction écrite simultanée et visuelle en langue française, pourrait être l’occasion de miser sur les nouvelles technologies numériques pour un moindre coût. La traduction et l’interprétation sont très onéreuses, mais notre pays regorge de start-up dynamiques. Les applications sur les smartphones foisonnent et peuvent, dans certains cas, offrir une prestation identique à de l’interprétation et de la traduction en direct, pour un moindre coût financier. Il faudra évidemment s’assurer que la qualité du service est comparable à celle offerte aux personnes qui ne sont pas en situation de handicap.
La discussion sur cet article pourrait être l’occasion d’améliorer les services téléphoniques de certains services publics. Nous avons déjà évoqué ici, lors de l’audition de responsables de Pôle emploi, le caractère extrêmement problématique de certains services téléphoniques, même pour l’usager qui n’est pas en situation de handicap – répondeurs qui tournent en rond, touches qui ne mènent à aucun interlocuteur, réponses automatiques inappropriées à des demandes pourtant simples. Un appel doit systématiquement aboutir à une simplification du problème de l’appelant, et non en apporter de nouveaux.
Je ne peux que soutenir l’article 44, qui fait obligation aux administrations de permettre l’accessibilité des sites internet aux personnes handicapées. Demander que les sites internet de l’État, des collectivités locales et des établissements publics affichent une mention visible permettant de préciser le niveau de conformité ou de non-conformité aux règles d’accessibilité sous peine de sanctions pécuniaires me semble constituer un pas dans la bonne direction.
Enfin, l’article 45, qui prévoit le maintien temporaire du service en cas de non-paiement des factures par les personnes les plus démunies, me semble également très pertinent. Trop souvent, le manque de moyens crée une spirale de l’enfermement qui isole encore plus les personnes les plus démunies. Que deviendraient-elles sans accès à internet, alors que bientôt, tout sera géré entièrement en ligne ? Rares sont, aujourd’hui, les personnes qui n’ont qu’un téléphone filaire. Les offres des fournisseurs d’accès à internet étant le plus souvent en triple play, en VSL ou en ADSL, une coupure du réseau interromprait de fait les communications téléphoniques passant par une box numérique alors que certains numéros de services publics sont davantage taxés pour les appels passés par téléphone cellulaire. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne peut donc que souscrire aux dispositions de l’article 45.
Mme Isabelle Le Callennec. Internet bouleverse la vie quotidienne. Le développement du numérique impose des évolutions juridiques, de nouvelles règles du jeu, de nouveaux droits et devoirs. Les articles dont est aujourd’hui saisie la Commission des affaires sociales portent essentiellement sur l’accès à internet. Je rappelle la nécessité de déployer le très haut débit dans l’ensemble du territoire pour permettre l’égalité d’accès au numérique, alors même que la téléphonie mobile n’est toujours pas accessible partout dans notre pays.
L’article 18, qui ouvre l’accès à certaines données publiques à des fins de statistique ou de recherche, fait uniquement mention de la recherche publique. Est-il envisagé que cet accès soit aussi ouvert à la recherche privée ?
Le financement de l’accès des personnes sourdes ou malentendantes aux services téléphoniques prévu à l’article 43 pèsera-t-il uniquement sur les opérateurs et les entreprises ou également sur l’usager ?
Enfin, aux termes de l’article 45, c’est le fonds de solidarité pour le logement (FSL) qui prendrait le relais en cas de non-paiement des factures. Avez-vous recueilli, sur ce sujet, l’avis des conseils départementaux, qui gèrent le FSL ?
M. Bernard Perrut. Le numérique est au cœur d’un vaste mouvement de transformation de notre économie et de construction du lien social, c’est dire son importance. Il faut évidemment dessiner une société conforme aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité.
Le projet de loi a trois atouts : il favorise la circulation des données du savoir ; il œuvre pour la protection des individus ; il garantit l’accès au numérique pour tous. C’est ce troisième point qui me préoccupe. Si l’objectif est tout à fait louable, encore faut-il que chacun puisse avoir accès à l’internet. Or il existe encore beaucoup de zones de notre territoire qui ne sont pas couvertes. La fibre optique arrive, certes, dans un certain nombre de villes françaises, y compris de taille moyenne, mais beaucoup d’espaces ne peuvent pas encore être connectés, ce qui a des conséquences négatives pour la vie sociale, les jeunes et l’éducation, les entreprises et les artisans. Je souhaite donc que cette priorité soit réellement mise en œuvre, car ce texte, avec toutes ses bonnes dispositions, ne peut s’appliquer que si les Françaises et les Français ont un accès effectif à internet.
Concernant la connexion internet pour les personnes en difficulté, je rejoins mes collègues : qui va payer pour ce bon objectif, et dans quelles conditions ? On voit bien que tous les Français doivent avoir accès au numérique. Dans certaines villes, des cyber-bases emploi ont été mises en place pour celles et ceux qui n’avaient pas cette possibilité, notamment dans le cadre des maisons de l’emploi. Mais l’État n’a-t-il pas réduit leurs moyens ? Alors que certaines de ces cyber-bases ont dû fermer ou restreindre leur activité, peut-être pourriez-vous intervenir, madame la rapporteure, pour que nous ayons les moyens de faire vivre sur le terrain la République numérique que nous souhaitons.
M. Dominique Dord. Dominique Tian relevait l’avis du Conseil d’État concernant le titre du projet de loi. Il est vrai qu’il est extrêmement ambitieux au regard des dispositions du texte, qui sont, elles, très impressionnistes.
À la suite des propos de Bernard Perrut et de Dominique Tian, je relève qu’un handicap n’est pas envisagé par le texte : le handicap territorial. Derrière la volonté ambitieuse de l’accès pour tous au numérique, ce sont les collectivités locales qui sont appelées à financer les trous béants de la couverture territoriale numérique.
J’aurais aimé que soit abordée l’adaptation sociale liée à certaines activités que le numérique remet complètement en cause. Je pense en particulier aux petits commerces qui souffrent de cette concurrence qui aura des conséquences sociales dans nos communes.
Pour finir, notre rapporteure pourrait-elle faire un point sur la manière dont les pays voisins ont eu à traiter de ces sujets, qui s’imposent à eux comme à nous ? Comme toujours, nos textes sont très pauvres en comparaisons internationales, en tout cas dans l’espace européen.
Mme Monique Iborra. J’appuie complètement les propos de notre rapporteure : il était absolument indispensable que des mesures spécifiques soient mises en place pour les personnes handicapées, mais il est également très important d’étendre ces mesures aux personnes vulnérables, en particulier celles qui ont recours à Pôle emploi. Alors que la dématérialisation y est effective depuis quelques années, les personnes vulnérables que sont les demandeurs d’emploi ne sont pas toutes à égalité de traitement. Il importe donc que nous puissions suivre les effets de cette nouvelle loi sur l’institution Pôle emploi.
M. Jean-Pierre Door. Le rapport évoque l’expérimentation d’un centre de relais téléphonique dont le fonctionnement n’a pas donné pleine satisfaction. En 2002-2003, j’ai ouvert dans ma ville un centre « Websourd », dont le siège était à Toulouse. Il s’agissait d’une entreprise coopérative soutenue par les associations de personnes handicapées, qui a fonctionné parfaitement pendant des années avec le soutien du conseil général et de la ville. Puis nous avons subi des difficultés financières et des problèmes juridiques, et ce centre a été placé en liquidation judiciaire. Je le regrette, car il a permis, pendant une dizaine d’années, de faire fonctionner dans la ville un centre de visioconférence où les sourds pouvaient se rendre et avoir des discussions à distance. Aujourd’hui, tout est fermé pour des raisons financières. L’expérimentation dont parle le rapport, qui aurait été menée jusqu’au 31 mai 2015, reposait-elle sur ce même centre de Toulouse ? De mémoire, il a été fermé avant cette date.
Mme la rapporteure pour avis. Bien que cela ne fasse pas l’objet de la saisine de la Commission des affaires sociales, je souhaite revenir sur le sens de ce projet de loi. M. Tian et M. Dord se demandent s’il mérite bien son nom, mais ce n’est pas ici que nous allons en redéfinir le titre. En tout cas, le texte aborde un aspect fondamental qui est l’ouverture des données.
Nous nous sommes penchés, dans cette commission, sur la création d’un open data pour les questions de santé, et nous sommes aujourd’hui à un tournant important, car il s’agit d’encadrer l’ensemble des données accessibles. Dans tous les domaines de notre vie quotidienne, nous ne cessons de produire des données, soit que nous les fournissions nous-mêmes, soit qu’elles soient enregistrées sur toutes les questions sociales, fiscales, d’éducation, voire sur nos goûts lorsque nous commandons quelque chose en ligne. Nous sommes tracés par l’intermédiaire de ces données, au point de devoir imaginer une « mort numérique ». C’est dire à quel point nous sommes en train de changer de modèle en profondeur.
C’est à ces questions que le projet de loi apporte un début de réponse, même s’il ne peut évidemment pas tout embrasser. Si nous n’encadrons pas la production de données, nous courons le risque de voir ces données utilisées pour atteindre la vie privée, mais plus encore pour organiser sans nous nos politiques et les actions de nos entreprises ou de nos services publics. Ces données sont aussi un vecteur de développement économique, et il y a là un champ de développement pour les start-up, que nous devons accompagner. C’est pour cela que nous sommes face à une forme de révolution. Aujourd’hui, le projet de loi permet d’aborder l’ensemble de ces champs.
S’il n’aborde pas la couverture par la fibre optique ou le développement du très haut débit, c’est que ce ne sont pas les mêmes sujets. La question très opérationnelle du mode d’acheminement de l’information relève des compétences des métropoles et des conseils départementaux, dont le rôle est de s’assurer que tout leur territoire est couvert. Au-delà de cet aspect, nous devons décider comment traiter ce monde numérique, qui peut devenir un monde parallèle, voire virtuel ; nous devons l’ancrer dans la réalité.
J’en reviens aux dispositions qui font l’objet de notre saisine. Vous avez tous salué la facilitation de l’accès aux données publiques et de l’exercice de certaines démarches, en soulignant que nous devons assurer l’effectivité de ces mesures pour les personnes en situation de handicap ou vulnérables.
S’agissant des défis technologiques et numériques, la question a été posée de savoir si les centres de relais, tels qu’ils sont pensés, constituent une bonne réponse technologique. Ce débat a eu lieu entre les associations de personnes sourdes et malentendantes et les opérateurs. Évidemment, de nouvelles technologies sont offertes par les smartphones, telles que la reconnaissance vocale et la traduction simultanée par l’écrit, mais elles ne sont pas encore complètement opérationnelles au moment où nous débattons de ce projet de loi. Le projet de loi n’empêchera pas de les utiliser si elles se révèlent à terme plus efficaces et plus accessibles qu’un centre de relais. Peut-être que les deux modèles coexisteront : un traducteur physique qui transmet l’information et des applications pour smartphone que des start-up sont en train de développer.
Pour le financement de cet article 43, il est prévu que les usagers ne participent qu’à une partie du coût des communications lorsqu’ils téléphoneront et utiliseront ces traductions simultanées écrites et visuelles. Le texte fait mention de « tarifs abordables ».
S’agissant de l’utilisation des statistiques publiques pour la recherche, l’article permettant l’utilisation du NIR ne concerne que les recherches publiques, l’INSEE et les services ministériels de statistique.
La question de la connexion internet soulève en effet des débats. Les départements nous demandent que le dispositif prévu en cas de non-paiement des factures soit identique à celui qui existe déjà pour le téléphone fixe. Le projet de loi n’impose rien s’agissant du financement de la mesure. Les opérateurs rencontrés se sont déclarés prêts à travailler à des conventions avec les départements, comme ils le font déjà pour le téléphone fixe. En termes pratiques, ils nous ont expliqué que la notion de service restreint était difficile à mettre en œuvre, et ils laisseront la connexion internet pleine et entière pendant l’instruction du dossier devant le fonds de solidarité pour le logement.
L’expérimentation des centres de relais téléphonique s’est déroulée à l’échelle nationale de mai 2014 à mai 2015, avec un panel de 500 utilisateurs. Les retours sont mitigés. Seul un nombre réduit de bénéficiaires a eu recours à ce service, mais ils en sont très satisfaits, ce qui explique que les associations souhaitent reproduire ce modèle. Il a été décidé de s’appuyer sur les opérateurs et les entreprises pour mettre en œuvre ce centre de relais téléphonique qui doit permettre de fournir une traduction visuelle et écrite lorsque les personnes sourdes et malentendantes appellent.
Enfin, dans les différents pays européens, plusieurs modèles existent. Soit un seul opérateur – généralement l’opérateur historique – est chargé de mettre les mesures en œuvre, soit une obligation est imposée à tous les opérateurs, soit le financement repose sur tous les utilisateurs de service téléphonique. Un rapport a été remis par notre collègue Corinne Erhel au Premier ministre en 2015, qui développe tous les modèles existants aujourd’hui.
Mme la présidente Catherine Lemorton. En réponse à M. Door, la société Websourd a été créée en 2003, et ses financeurs n’étaient pas uniquement les collectivités. Des banques en faisaient partie, qui se sont retirées. En 2014, le PDG François Goudenove a donné une interview très claire sur les difficultés de sa société, qui ne s’expliquent pas uniquement par la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Cette société avait remporté des appels d’offres, notamment avec Aéroports de Paris, mais elle attendait aussi depuis 2009 un appel d’offres de l’État qui n’a été publié qu’en 2013. Les déficits se sont accumulés. Les causes des difficultés ne sont donc pas aussi simples.
M. Jean-Pierre Door. Cela fonctionnait très bien !
Mme la présidente Catherine Lemorton. Certes, mais ils accumulaient des déficits depuis des années. Le PDG avait même déclaré que la loi sur le handicap de 2005 les avait mis en concurrence avec des modèles économiques totalement différents du leur, venus notamment de la capitale, et auxquels ils ont eu du mal à faire face.
Mme Monique Iborra. J’ajoute que cette société a reçu d’importantes subventions de la région, malgré lesquelles elle n’a pas réussi à fonctionner correctement.
La Commission en vient à l’examen des articles 18, 43, 44 et 45 du projet de loi.
Article 18 (art. 22, 25, 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Procédure d’accès à certaines données publiques à des fins statistiques par l’intermédiaire du numéro d’inscription au répertoire (NIR)
La Commission est saisie de l’amendement AS13 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Cet article rénove les conditions d’accès au NIR, et c’est l’une des principales avancées du projet de loi en matière de statistique et de recherche publiques. L’essentiel est de garantir la protection de la vie privée, c’est pourquoi il est prévu de crypter ce numéro d’identification pour son utilisation lors d’appariements entre bases de données différentes.
Un tiers de confiance au sein de l’INSEE sera seul habilité à détenir la clé de chiffrement permettant de passer du NIR au code statistique non-signifiant, c’est-à-dire le nouveau numéro permettant de faire les appariements. Selon l’INSEE, la fréquence de renouvellement de cette clé de chiffrement devra être fixée entre cinq et dix ans afin de concilier protection des identités et souplesse des procédures, tout en ayant le temps de faire des études dans des délais utiles.
L’amendement AS13 vise donc à inscrire dans la loi le principe d’une espérance de vie limitée du code statistique non signifiant, tout en laissant au décret prévu à cet article toute latitude pour la préciser.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement AS14 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle tendant à préciser que le fait de circonscrire les données au sein du seul service statistique n’est ni la conséquence ni l’objet de l’opération cryptographique : il s’agit de deux garanties distinctes de protection de la vie privée.
Nous mettons donc le texte en cohérence avec les attentes de l’INSEE en supprimant un lien de causalité sans fondement.
La Commission adopte l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 18 modifié.
Accès des publics fragiles au numérique
Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques
Article 43 (art. 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, art. L. 113-5 du code de la consommation et art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques
La Commission est saisie de l’amendement AS15 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser la rédaction en réponse à une question qui s’est posée lors des auditions. Le service de traduction mis à la disposition des personnes sourdes et malentendantes doit être simultané, à l’écrit comme à l’oral. La rédaction actuelle pourrait laisser penser que ce n’est pas le cas.
Cet amendement apporte cette précision dans le présent projet de loi ainsi que dans la loi de 2005, qui en faisait état pour la première fois.
La Commission adopte l’amendement.
Elle discute ensuite de l’amendement AS10 de M. Philippe Noguès.
M. Philippe Noguès. L’amendement AS10 tend à ce que l’accessibilité téléphonique pour les personnes atteintes de surdité ou malentendantes réponde à de véritables exigences de qualité, notamment en faisant référence à la charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française et son annexe, documents reconnus par l’ensemble des associations de défense des droits des personnes atteintes de surdité ou malentendantes. Cette charte de qualité est déjà utilisée pour le sous-titrage ou le langage des signes à la télévision.
Cet amendement permettra d’éviter que les entreprises aient recours à des interprètes non qualifiés et, par conséquent, d’assurer un service de qualité à l’ensemble des personnes concernées.
Mme la rapporteure pour avis. Vous avez raison de souligner que les entreprises devront faire appel à des personnels qualifiés dans leurs formations respectives. C’est d’ailleurs un sujet qui a été largement abordé lors des auditions que j’ai menées. Je présenterai des amendements qui permettront de préciser ce point.
Bien que je partage pleinement votre exigence, je vous demande de retirer votre amendement, car les traducteurs en langue des signes française ne sont pas les seuls concernés. La traduction est aussi pratiquée par des vélotypistes, des sténotypistes et des codeurs en langage parlé complété, tous intervenants évoqués lors des auditions dont on ne comprendrait pas qu’ils ne figurent pas aussi dans le texte.
De plus, plutôt que d’inscrire dans la loi la référence à une charte précise dont la dénomination peut évoluer, je vous invite à faire préciser ce point par la ministre lors de nos débats en séance.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement AS11 de M. Philippe Noguès.
M. Philippe Noguès. La Convention internationale des droits des personnes handicapées, dont la France et l’Union européenne sont signataires, pose le principe de l’accès pour ces personnes aux services de communication avec le minimum de frais supplémentaires. L’objet de cet amendement est de ne pas ajouter de surcoût pour ces personnes dont le seul revenu provient bien souvent de l’allocation adulte handicapé, qui s’élève approximativement à 800 euros par mois.
L’offre de communication électronique pour les personnes atteintes de surdité ou malentendantes est une activité de service. Le fait qu’elle entraîne un surcoût pour les personnes souffrant d’un handicap par rapport aux autres usagers constitue une rupture d’égalité. Je vous propose donc de ne pas limiter l’accès à ce service de communication électronique aux seules personnes qui en auraient les moyens.
Mme la rapporteure pour avis. Le financement du service de traduction a été au cœur de la concertation publique et des auditions.
La rédaction actuelle permet d’éviter deux écueils. Le premier serait un financement par les seuls utilisateurs, d’autant plus injuste que le service de traduction permettra également à leur entourage entendant de les joindre. Le second serait le financement par les seuls opérateurs, apparaissant disproportionné face à l’importance du dispositif qu’ils devront mettre en œuvre en peu de temps.
La notion de tarif abordable, inscrite dans le code des postes et des communications électroniques, permet de faire reposer le coût en premier lieu sur les opérateurs, tout en garantissant une participation proportionnée des utilisateurs. Elle existe déjà pour la téléphonie fixe, et est donc éprouvée dans la pratique.
On peut espérer que la montée en puissance du dispositif permettra ensuite de réduire le coût des appels – mais vous n’êtes pas obligé de me croire.
Je vous demande de retirer votre amendement, ne serait-ce que pour les deux premières raisons avancées.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement AS16 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Dans la droite ligne de l’échange que nous venons d’avoir sur la notion de tarif abordable, je propose d’assortir celle-ci de critères de qualité.
La rédaction de l’article prévoit que les communications personnelles seront prises en charge par les opérateurs dans le cadre d’un service de traduction à un tarif abordable, mais sans dimension qualitative. Cet amendement a pour objet de garantir un niveau homogène de qualité, notamment en termes de succès des appels émis et reçus.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de cohérence rédactionnelle AS17 de la rapporteure pour avis.
Puis elle examine l’amendement AS18, également de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Je propose que le décret d’application prévu dans l’article 43 contienne une disposition qui en précise les modalités de suivi et d’application. Il s’agit d’éviter que le retard constaté en matière d’accessibilité physique ne se reproduise pour l’accessibilité numérique. Les modalités attendues pourraient, par exemple, prendre la forme d’un comité de suivi dédié composé à parité d’associations et de représentants des services des ministères en charge des questions du handicap et du numérique. Cette proposition répond à une forte attente d’associations inquiètes d’un retard potentiel.
La Commission adopte l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 43 modifié.
Accès des personnes handicapées aux sites internet publics
Article 44 (art. 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et art. L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation) : Renforcement du contrôle et des sanctions en matière d’accès des personnes handicapées aux sites internet publics
La Commission est saisie de l’amendement AS6 de M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Plutôt que de créer des schémas pluriannuels et autres plans d’action, mieux vaudrait des informations concrètes et lisibles concernant la mise en accessibilité des sites publics. Ainsi, nous pourrions envisager la mise en place d’indicateurs faisant état de l’avancement de la mise en conformité par rapport aux délais qui seront fixés dans le décret prévu à l’alinéa 7.
Mme la rapporteure pour avis. Vous proposez de supprimer le schéma qui devrait nous aider à atteindre l’objectif. L’obligation de mise en accessibilité des sites internet publics a été consacrée dès 2005, mais elle n’a pu être mise en place. L’une des causes avancées par les administrations pour expliquer ce retard est le manque de stratégie pluriannuelle permettant de répartir les efforts d’adaptation sur plusieurs années.
Il est vrai que, dix ans après la promulgation de la loi, moins de 4 % des administrations sont conformes au référentiel général d’accessibilité des administrations. Malgré tout, au terme de la concertation, il est apparu indispensable de disposer d’un schéma prospectif permettant de décliner, année après année, les actions à mettre en œuvre.
Supprimer cette disposition replacerait les administrations face aux mêmes difficultés qu’en 2005. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement AS19 de la rapporteure pour avis.
Mme la rapporteure pour avis. Comme nous venons de le voir, l’accessibilité des sites internet publics n’est toujours pas effective. Je vous propose donc de rétablir une disposition qui existait sur les modalités de formation des personnels qui interviennent sur les services de communication publique en ligne. Cela devrait permettre de garantir la conformité des sites aux standards nationaux et internationaux.
Je propose donc de compléter l’alinéa 7 en précisant le contenu du décret.
La Commission adopte l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 44 modifié.
Maintien de la connexion internet
Article 45 (art. L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et art. 6 et 6-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement) : Maintien temporaire de la connexion à internet en cas d’impayés
La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sans modification.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS
(par ordre chronologique)
Ø Association française des professionnels pour l’accessibilité aux personnes handicapées (AFPAPH) – M. Sylvain Denoncin, président
Ø Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM) – M. Thierry Kopernik
Ø Collectif pour une France accessible :
– Association des paralysés de France (APF) – Mme Pascale Ribes, vice-présidente et M. Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité
– Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA) – M. Edouard Ferrero, président
– Mouvement des sourds de France (MDSF) – M. René Bruneau, président
– Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI) – M. Bruno Le Maire, administrateur, président de la commission Accessibilité
– Union nationale pour l’insertion sociale du déficient auditif (UNISDA) – M. René Bruneau, vice-président
Ø Autorité de régulation des communications électroniques et des postes(ARCEP) – M. Benoît Loutrel, directeur général, et M. Romain Delassus, conseiller du président
Ø Cabinet de la secrétaire d’État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes – Mme Emmeline Tanguy, chargée de mission, et M. Léopold Gilles, conseiller
Ø Cabinet de la secrétaire d’État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique – M. Alexandre Tisserant, directeur adjoint du cabinet, Mme Claire Ponty, conseillère parlementaire, et M. Grégoire Odou, conseiller
Ø Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – M. Edouard Geffray, secrétaire général, Mme Tiphaine Inglebert, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires
Ø Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) – M. Fabrice Lenglart, directeur des statistiques démographiques et sociales, et M. Michel Isnard, chef de l’unité des affaires juridiques et contentieuses
Ø Le Défenseur des droits – M. Jacques Toubon, défenseur des droits, et Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire
Ø Mme Marie Prost-Coletta, déléguée interministérielle à l’accessibilité
Ø Fédération française des télécommunications – M. Pierre Petillault (Orange), M. Pascal Pouillet (Numericable-SFR), M. Anthony Colombani (Bouygues Telecom), M. Jean-Marie Le Guen et M. Alexandre Galdin (FFTélécoms)