N° 3399
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 3318) pour une République numérique,
PAR M. Luc BELOT
Député
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Voir les numéros : 3387, 3389, 3391.
SOMMAIRE
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Pages
I. LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR : UN LEVIER DE LA POLITIQUE DE MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION, DES ENJEUX ÉCONOMIQUES CONSIDÉRABLES 23
A. UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES 25
1. L’amélioration de l’accès aux documents administratifs (articles 1er, 2, 8, 10 et 11) 26
a. Les échanges d’information entre administrations 26
b. Le droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle 26
c. La mise à jour annuelle du répertoire des documents administratifs 27
2. L’élargissement des obligations de diffusion (articles 4 et 5) 27
3. L’ouverture à la réutilisation des informations publiques des données collectées dans le cadre d’un service public industriel ou commercial (article 6) 30
4. L’ouverture de l’accès à certaines données des délégataires de service public (DSP) et des conventions de subvention (articles 10 et 11) 30
5. Les autres dispositions en matière d’ouverture des données publiques 31
B. LA CRÉATION D’UN SERVICE PUBLIC DE LA DONNÉE, UNE AVANCÉE MAJEURE À CONSOLIDER (article 9) 33
1. La création d’un service public de la donnée, une idée séduisante… 33
2. … qui mérite d’être précisée au cours des débats parlementaires 34
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois 34
C. LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE DU SAVOIR ET DE LA CONNAISSANCE 34
1. Une action volontariste en faveur de la diffusion et de la réutilisation libre des travaux et des données de la recherche publique (article 17) 35
2. Une simplification des procédures permettant des appariements de fichiers à des fins statistiques ou de recherche à partir du NIR (article 18) 39
II. LES DROITS DES CITOYENS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE 43
A. LA NEUTRALITÉ DU NET, UN IMPÉRATIF EUROPÉEN AU SERVICE DES USAGERS (article 19) 45
B. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES, UNE INITIATIVE FRANÇAISE AU BÉNÉFICE DES CONSOMMATEURS (articles 22 à 25) 49
1. Une nouvelle catégorie d’intermédiaires du commerce électronique soumise à une obligation générale de loyauté vis-à-vis des consommateurs (article 22) 51
2. La création d’un dispositif d’autorégulation de la loyauté des principales plateformes en ligne (article 23) 53
3. L’amélioration de l’information du consommateur sur internet 54
C. L’AUTODÉTERMINATION INFORMATIONNELLE, UN PRINCIPE DIRECTEUR QUI DONNE SENS À DES DROITS RENOUVELÉS AU SERVICE DES INDIVIDUS 55
1. Le droit d’auto-héberger ses données (article 20) 55
2. La consécration d’un droit à décider et contrôler les usages de ses données personnelles (article 26) 56
3. La portabilité des données (article 21) 57
4. Une plus grande souveraineté des individus sur les réseaux numériques (articles 31 et 32) 59
D. LA CNIL, UN RÉGULATEUR CONFORTÉ ET PLUS CRÉDIBLE (articles 29, 30, 32 et 33) 62
E. DES DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE EN LIGNE 65
F. LE RENFORCEMENT DU PRINCIPE ET DE LA PORTÉE DU SECRET DES CORRESPONDANCES (article 34) 66
G. LA FACILITATION DE NOUVEAUX USAGES NUMÉRIQUES (articles 40 et 41) 67
H. LES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO (article 42) 70
III. UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE PLUS INCLUSIVE 71
A. DÉVELOPPER LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES 72
1. Renforcer l’action des territoires dans le développement du numérique 73
a. Encourager l’élaboration d’une stratégie départementale en faveur des usages et des services numériques (article 35) 73
b. Assouplir les conditions d’association de syndicats mixtes pour réaliser le plan France-Très Haut Débit à l’horizon 2022 (article 36) 74
c. Les autres dispositions en matière de couverture numérique du territoire 75
2. Améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs sur le territoire 76
a. Permettre la réutilisation libre des cartes de couverture numérique des opérateurs mobiles (article 37) 76
b. Calculer les redevances des fréquences dues par les opérateurs en fonction de leur utilisation prévue et réalisée (article 38) 76
c. Garantir la qualité du service téléphonique sur l’ensemble du territoire (article 39) 78
B. AMÉLIORER L’ACCÈS DE TOUS LES CITOYENS AU NUMÉRIQUE 79
1. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un enjeu pour l’égalité des citoyens dans la société numérique (articles 43 et 44) 79
a. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un principe inscrit dans notre droit qui peine à se traduire dans les faits 79
b. Le renforcement de l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet publics 81
i. La mise en accessibilité des services téléphoniques des administrations et des entreprises aux personnes sourdes et malentendantes 81
ii. L’accès à une offre de téléphonie incluant une prestation de traduction à un tarif abordable 81
iii. L’amélioration de l’accès des personnes handicapées aux sites internet publics 82
2. Le maintien de la connexion internet pour les personnes les plus démunies (article 45) 83
a. Internet, un service essentiel dans la vie quotidienne, nécessaire à l’exercice des libertés fondamentales 83
b. La protection de la connexion internet en cas d’impayés 85
CONTRIBUTION DE M. PHILIPPE GOSSELIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI (article 86, alinéa 7, du Règlement) 87
DISCUSSION GÉNÉRALE 91
EXAMEN DES ARTICLES 118
TITRE IER – LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR 119
Avant l’article 1er 119
Article 1er : Échanges de données entre administrations publiques 122
Après l’article 1er 133
Article 1erbis (art. L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration) : Intégration du code source à la liste des documents administratifs 135
Article 1erter (art. L. 311–1 et L. 311–9 du code des relations entre le public et l’administration) : Ajout de la publication aux moyens d’accès aux documents administratifs 137
Article 2 (art. L.311–3–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle 139
Après l’article 2 143
Article 3 (art. L.312–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Mesure de coordination avec le nouveau dispositif sur l’occultation des mentions personnelles et des secrets protégés 144
Article 4 (art. L. 312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l’administration) : Élargissement du champ de diffusion des documents administratifs par l’administration 145
Article 4 bis (art. L. 541-10 du code de l’environnement) : Encouragement des démarches d’open data dans le domaine des déchets 180
Article 5 (art. L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration) : Entrée en vigueur des nouvelles obligations de diffusion – Soumission de la publication des documents au respect des droits de propriété littéraire et artistique 181
Article 6 (art. 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Principe de libre réutilisation des données pour les services publics industriels et commerciaux (SPIC) 182
Après l’article 6 190
Article 7 (art. 11–1 [nouveau] de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Rationalisation du régime de réutilisation des informations publiques 191
Après l’article 7 198
Article 7 bis (art. 15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public 200
Article 8 (art. 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. L. 342–1, L. 342–2, L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique – saisine de la CADA en cas de refus de diffusion d’un document administratif – création d’une procédure simplifiée de réponses aux demandes reçues par la CADA 202
Après l’article 8 206
Article 9 : Création d’un service public de la donnée de référence 208
Après l’article 9 213
Article 9 bis (art. 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Publication par le CSA dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes 215
Article 9 ter : Promotion du logiciel libre 217
Section 2 : Données d’intérêt général 219
Article 10 (art. 40–2 [nouveau] de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. L.1411–3–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Ouverture de données par défaut dans les contrats de délégation de service public (DSP) 219
Article 11 (art. 10 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Ouverture des données des conventions de subventions 228
Article 12 (art. 3 et 3–1 [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Accès de la statistique publique aux bases de données privées 230
Après l’article 12 234
Section 3 : Gouvernance 236
Article 13 (art. 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Composition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) 237
Après l’article 13 238
Article 14 (art. 15 bis : [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Création d’un collège unique CNIL–CADA pour traiter les sujets d’intérêt commun 240
Article 15 (art. 23 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Composition de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) 242
Article 16 (art. 23 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Création d’un collège unique CADA–CNIL pour traiter les sujets d’intérêt commun 243
Après l’article 16 244
Article 16 bis (art. 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Création d’une auto–saisine de la CADA pour la poursuite des réutilisations frauduleuses 245
Article 16 ter : Demande d’un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique 246
Chapitre II – Économie du savoir 249
Avant l’article 17 249
Article 17 (art. L. 533-4 [nouveau] du code de la recherche) : Accès aux travaux de recherche financés par des fonds publics 249
Après l’article 17 276
Article 18 (art. 22, 25, 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Procédure d’accès à certaines données publiques à des fins statistiques par l’intermédiaire du numéro d’inscription au répertoire (NIR) 285
Après l’article 18 293
TITRE II – LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE 299
Article 19 (art. L. 32-1, L. 32-4, L. 33-1, L.36-8, L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) : Définition du principe de neutralité de l’internet 299
Article 20 (art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Auto-hébergement de ses données 313
Après l’article 20 319
Article 20 bis (nouveau) (art. L. 32-4 et L. 32.5 du code des postes et des communications électroniques) : Modernisation des pouvoirs d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes 321
Article 20 ter (nouveau) (art. L. 125 du code des postes et des communications électroniques) : Extension des compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques aux questions relatives à la neutralité de l’internet 327
Après l’article 20 ter 328
Article 20 quater (nouveau) (art. L. 2, L. 2-2, L. 33-2, L. 33-4, L. 34, L. 35-1 à L. 35-4, L. 44, L. 125, L. 131 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques) : Modification du nom de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques 329
Article 20 quinquies (nouveau) (art. L. 130 du code des postes et des communications électroniques) : Statut de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes 330
Article 20 sexies (nouveau) (art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) : Clarification des termes de l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique 332
Section 2 : Portabilité et récupération des données 333
Article 21 (art. L–121–120, L. 121–121, L. 121–122, L. 121–123, L. 121–124, L. 121-125 [nouveaux] du code de la consommation) : Récupération et portabilité des données 333
Section 3 : Loyauté des plateformes 354
Article 22 (art. L. 111-5-1 du code de la consommation) : Principe de loyauté vis-à-vis des consommateurs 354
Article 23 (art. L. 111-5-2 [nouveau] du code de la consommation) : Autorégulation des principaux opérateurs de plateforme en ligne 383
Après l’article 23 388
Avant l’article 24 388
Article 24 (art L. 111-5-3 [nouveau] et L. 111-6-1 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les avis en ligne 389
Après l’article 24 394
Article 25 (art. L. 121-83 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les débits de connexion 398
Après l’article 25 405
Chapitre II – Protection de la vie privée en ligne 409
Section 1 : Protection des données à caractère personnel 409
Avant l’article 26 409
Article 26 (art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Droit à la libre disposition de ses données personnelles 412
Article 26 bis (art. 11 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL 420
Après l’article 26 bis 421
Article 26 ter (art. 31 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Publication dans un format ouvert et réutilisable de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration 421
Après l’article 26 ter 422
Article 27 (art. 32 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Information sur la durée de conservation des données personnelles 422
Article 28 (art. 43–1 [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 4 de l’ordonnance n° 2005–1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives) : Exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles 425
Article 29 (art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Élargissement des missions de la CNIL 427
Article 29 bis (art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Publicité des avis de la CNIL sur tout projet de décret 439
Après l’article 29 bis 441
Article 30 (art. 37-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Certification par la CNIL de processus d’anonymisation des données à caractère personnel 441
Article 30 bis (art. L. 135 du code des postes et des communications électroniques et art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Coopération croisée entre la CNIL et l’ARCEP 445
Article 31 (art. 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Conservation des données personnelles après la mort de l’intéressé 447
Avant l’article 32 447
Article 32 (art. 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Droit à l’effacement accéléré des données personnelles pour les mineurs et devenir des données personnelles après le décès de la personne 448
Article 33 (art. 45 et 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Renforcement des procédures et pouvoirs de sanction de la CNIL 470
Après l’article 33 477
Article 33 bis (nouveau) (art. 49 bis [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Coopération entre la CNIL et d’autres autorités de protection des données d’États non-membres de l’Union européenne 481
Après l’article 33 bis 482
Article 33 ter (nouveau) (art. 2-24 [nouveau] du code de procédure pénale) : Possibilité pour les associations de protection des données personnelles ou de la vie privée de se constituer partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques 486
Après l’article 33 ter 489
Article 33 quater (nouveau) (art. 226-1 du code pénal) : Répression pénale de la diffusion non désirée d’images ou vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique ») 491
Section 2 : Confidentialité des correspondances électroniques privées 494
Avant l’article 34 494
Article 34 (art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques) : Renforcement du secret des correspondances et interdiction des traitements automatisés d’analyse de leur contenu 494
Après l’article 34 509
TITRE III – L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE 511
Avant l’article 35 511
Article 35 (art. L. 1425-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Stratégie numérique des collectivités 515
Article 36 (art. L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales) : Regroupement de syndicats mixtes ouverts 520
Section 2 : Couverture numérique 531
Article 37 A (nouveau) (art. L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales) : Éligibilité des dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée 531
Avant l’article 37 B 532
Article 37 B (nouveau) (art. L. 48 du code des postes et des communications électroniques) : Rétablissement de la servitude des réseaux déployés en façades et sur les murs d’immeubles 533
Article 37 C (nouveau) (art. 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Simplification de la mise en œuvre du droit à la fibre optique 534
Article 37 (art. L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques) : Mise à disposition du public des cartes de couverture du territoire des opérateurs mobiles 535
Article 37 bis (nouveau) (art. 52-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) : Établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par les zones blanches 543
Après l’article 37 bis 545
Article 38 (art. L. 2124-26 du code général des collectivités territoriales) : Principe de calcul des redevances d’usage des fréquences 546
Après l’article 38 551
Article 39 (art. L. 35, L. 35-7, L. 36-11 et L. 50 du code des postes et des communications électroniques) : Qualité du service téléphonique 552
Après l’article 39 561
Article 40 A (nouveau) (art. L. 121-47 du code de la consommation et art. 145 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) : Modalités de blocage des services téléphoniques surtaxés 562
Article 40 (art. L. 36-11 et L. 100 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques) : Encadrement des exigences applicables au recommandé électronique 564
Section 2 : Paiement par SMS 573
Article 41 (art. L. 311-4, L. 521-3, L. 521-3-1 [nouveau], L. 525-6 et L. 525-6-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Paiement ou don par SMS 573
Section 3 : Compétitions de jeux vidéo 585
Chapitre III – accès des publics fragiles au numérique 597
Section 1 : Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques 597
Article 43 (art. 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, art. L. 113-5 du code de la consommation et art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques 597
Section 2 : Accès des personnes handicapées aux sites internet publics 613
Article 44 (art. 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et art. L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation) : Renforcement du contrôle et des sanctions en matière d’accès des personnes handicapées aux sites internet publics 613
Après l’article 44 621
Section 3 : Maintien de la connexion à internet 622
Article 45 (art. L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et art. 6 et 6-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement) : Maintien temporaire de la connexion à internet en cas d’impayés 622
Après l’article 45 632
TITRE IV – DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER 633
Article 46 : Mentions expresses d’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises 633
Article 47 (art. L. 116-2 [nouveau] et L. 123-1 du code de la consommation, art. L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 du code de la recherche, art. L. 552-8, L. 552-15, L. 553-2, L. 562-8, L. 562-16, L. 563-2, L. 574-1 et L. 574-5 du code des relations entre le public et l’administration et art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques) : Application des dispositions des codes modifiés par le présent projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna 635
Article 48 (art. 59 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. 41-1 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et art. 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Application des dispositions des lois modifiées par le présent projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna 636
Titre 637
TABLEAU COMPARATIF 639
PRÉSENTATION DES OBSERVATIONS SUR LES DOCUMENTS RENDANT COMPTE DE L’ÉTUDE D’IMPACT (article 86, alinéa 9, du Règlement) 851
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 853
PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION
Lors de ses réunions des mercredi 13 et jeudi 14 janvier 2016, la commission des Lois a apporté au projet de loi pour une République numérique les principales modifications présentées ci-après.
• En matière d’ouverture des données publiques :
— À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a consacré à l’article 1er un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public ;
–– Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 1erbis – complétant la liste des documents administratifs mentionnée dans le code des relations entre le public et l’administration par les « codes source » ;
–– À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 1erter – ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication ;
–– Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations aux nouvelles obligations de publication, votre Commission a adopté un amendement à l’article 4 de M. Philippe Gosselin, avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal ;
–– À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a précisé à l’article 9 que les données de référence constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ;
–– À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 7 bis – consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public ;
–– Sur proposition de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 9 bis – visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dans un format ouvert et aisément réutilisable, du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes ;
–– À l’initiative de Mme Delphine Batho et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 9 ter – disposant que les administrations encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique ;
–– À l’article 10, la Commission a adopté plusieurs amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire, à s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration, à préciser que l’exemption de l’obligation de fournir les données essentielles en open data peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution, qu’elle peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations et qu’elle doit être fondée sur des motifs d’intérêt général ;
–– À l’initiative de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel
– article 16 bis – reconnaissant à la Commission d’accès aux documents administratifs une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques ;
–– À l’initiative de Mme Delphine Batho et suivant l’avis favorable du Gouvernement mais défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 16 ter – demandant au Gouvernement, la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.
• En faveur du développement de l’économie du savoir et de la connaissance :
–– À l’initiative de M. Emeric Bréhier, rapporteur au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et après avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté trois amendements à l’article 17 relatif à l’open access en matière de recherche. Le premier, adopté après un avis de sagesse du Gouvernement, vise à s’assurer que les publications nées d’une recherche financée principalement sur fonds publics seront rendues gratuitement accessibles par voie numérique dans un format ouvert. Le deuxième permet aux chercheurs de mettre à disposition du public toutes les versions successives de leur manuscrit jusqu’à la version finale acceptée pour publication. Le troisième autorise le ministère de la recherche à fixer par arrêté un délai d’embargo inférieur à ceux de six et douze mois prévus pour certaines disciplines ;
–– À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements à l’article 18 relatif à l’utilisation du NIR à des fins statistiques ou de recherche précisant notamment que seul le service de la statistique publique aura connaissance du code non signifiant et pourra l’utiliser pour garantir davantage de sécurité ; que les opérations visant à chiffrer le NIR devront obéir au même régime de déclaration simplifiée ou d’autorisation simplifiée que le traitement de données auquel elles se rapportent afin de rendre le dispositif opérationnel ; que la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État est maintenue lorsque les chercheurs souhaitent réaliser des traitements comportant des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 et à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978.
• Pour assurer le respect de la neutralité de l’internet :
La commission des Lois a adopté plusieurs articles additionnels après l’article 19 visant à moderniser le statut de l’ARCEP et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques dont :
– l’article 20 bis, introduit à l’initiative de votre rapporteur avec le soutien du Gouvernement, qui adapte les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de l’ARCEP pour conforter l’effectivité de son contrôle et renforcer les garanties procédurales des personnes contrôlées ;
– l’article 20 ter, introduit à l’initiative de votre rapporteur à la suite d’un avis de sagesse du Gouvernement, qui étend les compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) aux questions relatives à la neutralité de l’internet tandis que l’article 20 quater, introduit à l’initiative de M. Lionel Tardy, renomme la CSSPPCE, « Commission parlementaire du numérique et des postes » ;
– l’article 20 quinquies, introduit à l’initiative de votre rapporteur malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui consacre dans la loi le fait que l’ARCEP est une autorité administrative indépendante et qu’elle respecte le principe de parité au sein de son collège.
• Pour garantir le droit à la portabilité des données :
–– À l’article 21, la Commission a adopté un amendement de la commission des Affaires économiques, clarifiant les conditions permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de pouvoir gratuitement continuer à bénéficier des services d’envoi et de réception des mails pendant une durée de six mois. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement. Elle a également adopté, avec le soutien de votre rapporteur, un amendement du Gouvernement, abaissant de douze à six mois le seuil réglementaire d’application du présent article.
• S’agissant de la régulation des plateformes en ligne et de l’information des consommateurs :
–– À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la Commission a précisé la définition des opérateurs de plateforme en ligne à l’article 22 ;
–– Au même article, à l’initiative de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement circonscrivant le champ des informations à donner au consommateur au titre de l’obligation générale de loyauté des opérateurs de plateforme en ligne et précisant les modalités de diffusion de ces informations dans les conditions générales d’utilisation ;
–– À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 23 pour assurer un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et intervention de la DGCCRF et autoriser, à titre expérimental, l’installation d’une plateforme d’échange citoyen et de recueil d’avis sur les pratiques des plateformes en ligne ;
–– À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a complété l’article 24 pour permettre aux consommateurs de connaître les motifs qui conduisent à la non publication de leur avis et aux entreprises de signaler, par l’intermédiaire d’une fonctionnalité gratuite en ligne, les avis abusifs qui sont de nature à gêner leur activité, sous réserve d’être expressément motivés ;
–– À l’initiative de Mme Marietta Karamanli, la commission des Lois a réécrit l’article 25 pour prévoir un renvoi complet à l’ensemble des explications précontractuelles prévues par l’article 4) 1) d) du règlement MUCE.
• S’agissant du droit à disposer librement de ses données personnelles :
–– À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la Commission a adopté un amendement modifiant l’insertion de l’article 26 au sein de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en le déplaçant à l’article premier de la loi « Informatique et libertés » ;
–– À l’article 32, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, prévoyant l’intransmissibilité des droits « Informatique et libertés » aux héritiers du défunt lorsque ce dernier n’a pas laissé de directive quant au devenir de ses données après sa mort. Toutefois, les héritiers pourront demander à tout responsable du traitement qu’il soit tenu compte du décès de la personne (maintien du droit existant) ; par ailleurs, ils ne pourront accéder à ses données que lorsqu’elles sont « nécessaires à la liquidation et au partage de la succession ».
• Pour renforcer le rôle de la CNIL en matière de protection des données personnelles :
–– À l’article 29, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, offrant la faculté pour le président d’une assemblée de saisir la CNIL sur une proposition de loi et précisant, de manière plus générale, la procédure applicable aux avis de la CNIL sur tout texte ;
–– Sur proposition de M. Sergio Coronado et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a décidé de systématiser la publicité des avis rendus par la CNIL sur tout projet de loi (article 29), de décret ou d’arrêté (article 29 bis) ;
–– À l’initiative de M. Sergio Coronado, la Commission a adopté deux amendements portant article additionnel, l’un permettant à l’ARCEP et à la CNIL de se saisir mutuellement pour avis sur toute question relevant de leurs compétences respectives (article 30 bis), l’autre instaurant un mécanisme de coopération entre la CNIL et ses homologues d’un autre État non-membre de l’Union européenne (article 33 bis).
• Pour renforcer la protection de la vie privée en ligne :
–– Sur proposition de M. Sergio Coronado et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un nouvel article habilitant toute association de protection des données personnelles régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne résultant des traitements informatiques (article 33 ter) ;
–– Contre l’avis de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a décidé, au sein d’un nouvel article 33 quater, de renforcer la répression des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique »).
• Pour améliorer la couverture numérique du territoire :
–– À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a simplifié l’article 35 décrivant le volet « services et usages numériques » du SDTAN ;
–– À l’initiative de Mme Marianne Chapdelaine et des autres membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 36 pour encadrer plus étroitement la période pendant laquelle des syndicats mixtes ouverts peuvent être constitués avec d’autres syndicats mixtes ouverts, en fixant la limite de ce dispositif au 31 décembre 2019.
La commission des Lois a également adopté plusieurs articles additionnels dont :
– l’article 37 A, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rend les dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile sur la période 2015-2022 éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
– l’article 37 B, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rétablit la servitude de passage sur les façades et les murs d’immeubles au bénéfice de tous les opérateurs pour pouvoir accrocher les câbles de fibre optique en suivant le cheminement des câbles existants en façade ou poser de nouveaux systèmes d’accroche ;
– l’article 37 C, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui interdit au propriétaire d’un immeuble à usage mixte ou à la copropriété de s’opposer, sauf motif sérieux et légitime, à l’installation de la fibre optique dans les parties communes de l’immeuble lorsque les infrastructures d’accueil disponibles le permettent dès lors que l’occupant d’un logement a souhaité mettre en œuvre sont « droit à la fibre » ;
– l’article 37 bis, introduit à l’initiative de M. Patrice Martin-Lalande, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui autorise l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
• Concernant les compétitions de jeux vidéos :
–– À l’initiative de votre rapporteur, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Emeric Bréhier et contre l’avis du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article 42 permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, sans recourir à l’ordonnance.
• Pour améliorer l’accès des publics fragiles au numérique :
–– À l’article 43, sur proposition de la commission des Affaires économiques et de la commission des Affaires sociales et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a précisé la nature du « service de traduction simultanée écrite ou visuelle » pour l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, en particulier en matière de respect de la confidentialité des conversations, de qualité du service proposé ou de suivi de l’application de ces dispositions ;
–– À l’article 44, sur proposition de ces deux mêmes commissions, et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, La Commission a enrichi les conditions de la mise en accessibilité des sites internet publics.
Mesdames, Messieurs,
En 2004, le Parlement a adopté une loi pour la confiance dans l’économie numérique (1). À l’époque, 10 % de l’humanité, soit 500 millions de personnes, utilisaient internet au travail, à domicile ou dans des lieux publics, et le nombre des internautes s’accroissait au rythme de 120 à 140 millions par an dans le monde. Près de 160 millions d’ordinateurs étaient raccordés à internet. Les échanges inter-entreprises sous forme de commerce électronique (business to business – B to B) représentaient plus de 2000 milliards d’euros en 2002.
Dix ans après, internet est devenu incontournable dans le monde entier. Selon l’agence We Are Social, on dénombre un peu plus de 3 milliards d’internautes en 2015, soit 42 % de la population, dont 2 milliards sont inscrits sur les réseaux sociaux, soit 68 % des internautes. Le taux de pénétration d’internet dans le monde est variable mais croissant : 81 % en Amérique du Nord (86 % au Canada, 80 % aux États-Unis), 78 % en Europe de l’Ouest (83 % en France), 18 % en Afrique et 12 % en Asie du Sud. On décompte 8 nouveaux utilisateurs d’internet chaque seconde dans le monde et 822 240 nouveaux sites internet sont mis en ligne quotidiennement.
Selon les estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), en 2013, la valeur du commerce électronique d’entreprises à entreprises a dépassé 15 000 milliards de dollars dans le monde. Les transactions en ligne effectuées, par ordre d’importance, aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Chine représentaient plus des trois quarts de ce montant. Au cours des dix dernières années, le rôle du commerce électronique s’est fortement accru. Aux États-Unis, par exemple, la part de ce commerce dans le chiffre d’affaires total du secteur manufacturier est passée de 19 % en 2002 à 50 % en 2012. En 2013, le montant du commerce électronique d’entreprise à consommateur (business to consumer – B to C) a été estimé à 1 200 milliards de dollars dans le monde. Même si ces transactions sont beaucoup plus modestes que les transactions d’entreprises à entreprises, elles augmentent rapidement.
Les Français sont des grands utilisateurs d’internet (83 % de la population). Ils sont désormais nombreux à utiliser internet sur plus d’un support. En janvier 2015, 34,6 millions de Français se sont connectés à internet depuis deux ou trois supports différents, ce qui représente 78 % de la population française globale. Selon les chiffres de la Fédération française de la vente à distance (FEVAD), le commerce en ligne se porte bien : il représente 56,8 milliards d’euros en 2014, soit plus que le secteur automobile. Le secteur a progressé de 11,5 % par rapport à l’an passé alors que le commerce traditionnel gagnait, lui, seulement 1,1 %. Les internautes sont d’ailleurs plus nombreux à réaliser des transactions depuis un mobile. Au premier trimestre 2015, ils étaient six millions de mobinautes. En dix ans, le secteur du commerce électronique aura créé plus de 112 000 emplois directs salariés selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), soit en moyenne plus de 10 000 créations d’emplois nettes par an.
Comme le montrent ces différents chiffres, la société française s’est donc considérablement transformée, sous l’influence d’internet, depuis dix ans. Il paraît désormais urgent d’établir un cadre juridique permettant de garantir la confiance des Français dans la société numérique.
Le présent projet de loi, déposé le 9 décembre 2015 sur le Bureau de l’Assemblée nationale et sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, comporte quatre parties. Il vise à construire une République numérique au service des citoyens.
La première partie concerne la circulation des données et du savoir. Y figurent des mesures relatives à l’économie de la donnée, avec en particulier l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée. Pionnière, avec le minitel, dans l’utilisation des services télématiques, la France a su prendre tôt le tournant du numérique : l’un des premiers sites internet officiel d’un ministère date de 1995 (2). Le mouvement n’a depuis cessé de s’amplifier, rendant plus accessible aux citoyens et aux entrepreneurs une information toujours plus étendue. Cependant, en dépit des progrès enregistrés, des lacunes persistent, la qualité, l’exhaustivité ou la facilité d’accès aux informations pertinentes n’étant pas toujours assurées. Le projet de loi, notamment par l’élargissement des obligations de diffusion des documents administratifs, permet de remédier à ces écueils.
Un chapitre de cette partie est également consacré à l’économie du savoir et de la connaissance. Il prévoit, notamment, la possibilité pour les chercheurs de publier librement les articles scientifiques dont ils sont les auteurs dans un délai de six à douze mois et la reconnaissance légale de la libre réutilisation des données de la recherche publique.
La deuxième partie concerne la protection des citoyens dans la société numérique. Elle comprend, d’une part, des dispositions garantissant un environnement numérique ouvert – neutralité de l’accès à internet, loyauté des plateformes, portabilité des données – et, d’autre part, des mesures en faveur de la protection de la vie privée en ligne, notamment la reconnaissance d’un droit « chapeau » à disposer librement de ses données personnelles, donnant sens à d’autres droits, par exemple dans la gestion des données en cas de décès ou en matière de confidentialité des correspondances privées.
La troisième partie est consacrée à l’accès de tous au numérique. Elle encourage l’action des territoires dans le développement du numérique, renforce les obligations des opérateurs en matière de couverture mobile, favorise de nouveaux usages comme le recommandé électronique et le paiement par SMS, facilite l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet et instaure un droit au maintien de la connexion pour les personnes les plus fragiles.
Une quatrième partie procède aux adaptations nécessaires pour l’application du projet de loi aux collectivités d’outre–mer.
Construire la confiance dans la République numérique est un objectif ambitieux. Les pouvoirs publics ont témoigné de leur engagement d’agir dans ce sens en rendant les modalités d’élaboration du présent projet de loi aussi transparentes et interactives que possible.
Une concertation a d’abord été menée par le Conseil national du numérique, entre octobre 2014 et février 2015, conduisant à plus de 4 000 contributions qui ont inspiré la stratégie numérique du Gouvernement présentée le 18 juin dernier. En parallèle, au sein même de notre Assemblée, une Commission ad hoc de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, coprésidée par M. Christian Paul, député, et Mme Christiane Féral-Schuhl, avocate et ancienne bâtonnière de Paris, et réunissant autant de députés que de personnalités qualifiées d’horizons divers (informaticiens, universitaires, juristes, journaliste…), a formulé 100 recommandations (3) tendant à constituer une doctrine pour le législateur en matière numérique.
Une consultation publique a été organisée du 26 septembre au 18 octobre 2015, afin que le projet de loi soit commenté en ligne et que des propositions de modifications puissent être suggérées. Ce processus a rassemblé des citoyens, des communautés, des associations, des entreprises et des organisations professionnelles, qui se sont mobilisées sur une ou plusieurs thématiques particulières. En l’espace de trois semaines, près de 21 000 participants ont publié 8 500 contributions. À l’issue de cet exercice, le Gouvernement a retenu cinq nouveaux articles « d’inspiration citoyenne » dans son projet et a intégré près de 90 modifications.
Enfin, plusieurs autorités administratives indépendantes et commissions directement concernées par les dispositions du projet de loi ont été saisies pour avis par le Gouvernement, en particulier l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil national du numérique (CNNum). Le Défenseur des droits à également rendu un avis sur plusieurs dispositions contenues dans ce texte.
Dans un même souci de transparence, certains de ces avis ont été rendus publics, à l’instar de celui de l’ARCEP (4), du CNNum (5) et du Défenseur des droits (6). L’avis de la CNIL (7) , quant à lui, a été publié à l’initiative du président de la commission des Lois de notre assemblée, M. Jean-Jacques Urvoas, qui a fait usage de la faculté que lui reconnaît à cet effet l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
L’Assemblée nationale dispose désormais des outils nécessaires pour fixer un cadre législatif propice aux ambitions avancées. L’intérêt que suscite ce projet de loi se traduit par une forte mobilisation : outre la commission des Lois, compétente au fond, les commissions des Affaires culturelles, des Affaires économiques et des Affaires sociales se sont saisies pour avis. La commission des Affaires européennes et la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont consacré au projet de loi un rapport d’information concluant sur un certain nombre de recommandations.
Le défi est considérable : répondre aux évolutions en cours du fait du numérique et de ses usages conditionne l’avenir de l’ensemble de notre société.
I. LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR : UN LEVIER DE LA POLITIQUE DE MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION, DES ENJEUX ÉCONOMIQUES CONSIDÉRABLES
Les « données » représentent aujourd’hui un actif stratégique dans la transformation numérique de la société et de l’économie. L’ouverture et la diffusion des données de l’administration publique et de la recherche majoritairement financée par fonds publics offrent des opportunités considérables de création de valeurs et de nouveaux usages, dont la France doit se saisir.
C’est la raison pour laquelle le chapitre Ier de la première partie du projet de loi propose d’améliorer la circulation des données émanant des administrations publiques à travers la généralisation de la mise à disposition de tous des données publiques pour une libre réutilisation (A) et la création d’un service public de la donnée (B).
Le second chapitre de la première partie s’intéresse plus particulièrement à l’économie du savoir et de la connaissance (C). Il propose de favoriser la diffusion et la réutilisation des travaux et des données de la recherche lorsqu’elle est majoritairement financée par des fonds publics et de simplifier les procédures permettant des appariements de données à des fins statistiques ou de recherche publique à partir de données personnelles, telles que le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale.
LES GRANDS CONCEPTS
– « Données ouvertes » ou (« open data » en anglais) : mise à la disposition de tous de données (numériques) pour une libre utilisation. L’ouverture s’oppose en principe à toute restriction quant à la réutilisation : pas de droit d’auteur (copyright) ni de redevance, hormis, éventuellement, les frais de mise à disposition ; pas de DRM (gestion de droits), idéalement des formats ouverts. L’open data suppose à la fois une mise à disposition physique des fichiers de données (serveur web) et une licence ouverte fixant les droits de réutilisation. Il s’agit en principe de données adaptées aux traitements automatiques et non pas nécessairement de documents lisibles par l’homme.
– Accès aux documents administratifs / réutilisation des informations publiques : droit pour toute personne d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration, sous réserve de secrets protégés (défense nationale…). La réutilisation s’entend comme l’utilisation d’informations à des fins étrangères au but en vue duquel elles ont été produites.
– Libre accès aux travaux et aux données de la recherche (ou « open access » en anglais) : possibilité d’accéder librement aux travaux de la recherche et mise à disposition des données de la recherche pour permettre leur réutilisation libre. Ce libre accès s’oppose au modèle traditionnel de publication des travaux de recherche fondé sur le transfert des droits d’auteur du chercheur à l’éditeur qui fait payer un abonnement pour pouvoir accéder à la revue dans laquelle l’article est publié et qui peut limiter la réutilisation de l’article et des données issues de cette recherche. On distingue deux modèles de libre accès. Le premier, appelé la voie dorée (ou « open access gold » en anglais) permet la publication immédiate en accès libre et gratuit à tous, sous format numérique, des travaux de recherche. La voie dorée implique que l’auteur-chercheur ou l’institution à laquelle il appartient paie les « coûts de libération » de l’article à l’éditeur dès sa parution. Le second, appelé la « voie verte » (ou « open access green »), offre aux auteurs la possibilité de déposer leur article, dans une archive ouverte, pendant leur période de soumission à une revue, ou en période probatoire avant publication (« preprints »), ou encore une fois publiées (« postprints »), en respectant éventuellement un « délai d’embargo » imposé par l’éditeur dans le contrat signé avec l’auteur. Dans cette hypothèse, l’auteur négocie avec l’éditeur une licence pour autoriser le dépôt et, éventuellement, la mise à disposition de son article en ligne, sous certaines conditions (8).
– « Appariements de données » : l’appariement de données permet aux services de la statistique publique et aux chercheurs de croiser des données issues de corpus différents pour expliquer un même phénomène. C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit d’étudier les liens entre les revenus salariaux et les revenus de remplacement (chômage, indemnités journalières d’assurance maladie, retraites) pour mieux comprendre la récurrence du chômage.
LES ENJEUX
– Transparence démocratique : en octroyant à chacun la possibilité de consulter les données relatives à l’action de l’administration et les informations sur lesquelles elle fonde sa décision, l’open data est un outil essentiel pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie, par la transparence, la concertation et l’ouverture à de nouveaux points de vue, et renforcer ainsi l’efficacité de l’action publique.
– Efficacité économique : la mise à disposition libre et gratuite des informations publiques permet une meilleure utilisation, grâce à la réduction des coûts de transaction, par les acteurs publics et privés, des ressources disponibles.
– Création de valeur : le libre accès aux documents administratifs ou aux travaux et données de la recherche publique ouvre la possibilité d’exploiter ces données à titre commercial et ainsi créer de la richesse au niveau national.
– Amélioration de la diffusion des connaissances et du savoir : la mise en accès ouvert de publications et la libre réutilisation des données de la recherche favorisent le partage des connaissances et des découvertes, anciennes et récentes, au sein de la communauté́ scientifique. Elle encourage les collaborations et l’interdisciplinarité́, limite la duplication des efforts de recherche, contribue à l’amélioration générale de la qualité́ des travaux. Elle ouvre également la voie à une meilleure prise en compte des attentes de la société́ civile, favorisant une recherche et une innovation responsables. Elle profite enfin aux entreprises qui cherchent à innover, en particulier aux petites et moyennes entreprises qui n’ont pas les capacités d’investir dans la recherche et développement.
Chacun connaît l’antienne selon laquelle « l’information est le pouvoir ». Cette philosophie a longtemps perduré dans l’administration française. Dans son avis relatif à l’ouverture des données publiques, le Conseil national du numérique (CNNum) a toutefois relevé que « l’ouverture des données publiques n’est [...] pas une fin en soi, mais un moyen de créer de nouveaux services pour les citoyens, d’améliorer le fonctionnement des administrations et de répondre à l’exigence démocratique de transparence de la puissance publique » (9).
Au niveau international, la France a participé activement à l’adoption de la « charte du G8 sur l’ouverture des données publiques » du 18 juin 2013, qui énonce un principe « d’ouverture par défaut » des données publiques, affirme le principe de gratuité de leur réutilisation et encourage l’utilisation de formats ouverts et non-propriétaires.
L’action de la France en matière d’open data est saluée internationalement. Notre pays a ainsi été classé en décembre 2014 à la 3e place mondiale pour l’open data, selon un classement établi par une association internationale indépendante (10), alors qu’il n’était qu’à la 16e position dans le précédent classement. Cette progression s’explique par la mise à disposition des bases LEGI (textes législatifs) par la direction de l’information légale et administrative (DILA), le passage en licence ouverte de certaines données de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la fourniture de l’ensemble des résultats électoraux en un point unique par le ministère de l’Intérieur ou encore la mise à disposition par La Poste de la base nationale officielle des codes postaux.
La France a par ailleurs adhéré au partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO ou Open Government Partnership), lancé en 2011 et qui compte actuellement 65 pays membres, ainsi que des organisations non gouvernementales et des représentants de la société civile.
Le PGO vise à promouvoir la transparence de l’action publique et la gouvernance ouverte, à améliorer la participation citoyenne à l’élaboration des politiques publiques, à renforcer l’intégrité publique et à combattre la corruption, grâce notamment aux nouvelles technologies et au numérique. La France a été choisie, en avril 2015, par ses partenaires membres du comité directeur pour présider l’organisation à partir de l’automne 2016, pour un an. Elle a présenté un plan d’action national (2015-2017), intitulé « Pour une action publique transparente et collaborative », dans lequel elle prend une série d’engagements à ce titre.
Les administrations au sens large (11) sont de fortes consommatrices de données publiques dans l’exercice de leurs missions de service public. L’article 1ercrée un régime dédié de droit d’accès aux documents administratifs à leur bénéfice. Il prévoit que les administrations communiquent les documents administratifs qu’elles détiennent aux administrations qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public. Ce faisant, il donne aux administrations, pour reprendre les termes employés par la CADA dans son avis sur le présent projet de loi, « un droit d’accès (…) aussi large que celui qui est ouvert à toute autre personne. » (12) Ce dispositif connaît une traduction opérationnelle : le programme « Dites-le nous une fois » est un levier de simplification, permettant de lutter contre la redondance de production des pièces justificatives des usagers.
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements permettant de donner leur pleine mesure aux nouvelles dispositions introduites à l’article 1erdu présent projet de loi, en consacrant un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public.
De nombreuses décisions individuelles, telles que l’affectation des lycéens dans des filières d’enseignement supérieur via le logiciel « admission post –bac », font intervenir des algorithmes informatiques, dont les règles sont malaisées à comprendre pour un citoyen non spécialiste.
L’article 2 a été introduit suite à la proposition de plusieurs contributeurs individuels lors de la consultation ouverte aux internautes dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Il crée un droit d’accès aux règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations publiques et aux principales caractéristiques de leur mise en œuvre, quand ceux –ci débouchent sur des décisions individuelles. Cette nouvelle obligation de transparence permettra que s’engage à ce propos une discussion publique.
L’accès aux documents administratifs est souvent malaisé : les administrés peinent à identifier le document pertinent et le service qui le détient. Aux termes de l’article 17 de la loi n° 78 –753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal (dite « loi CADA »), les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques doivent tenir à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent.
Pourtant, l’identification des informations recherchées est souvent difficile en raison de leur caractère lacunaire et de leur qualité inégale, qui sont eux-mêmes liés à la tardiveté des mises à jour, à une certaine instabilité méthodologique ou à la grande technicité des données. L’I de l’article 8 consacre le principe d’une mise à jour annuelle du répertoire. Cela permettra a minima une actualisation plus régulière de son contenu, permettant d’inclure les informations publiques produites ou reçues par l’administration.
Démarche transversale par nature, l’open data s’accommode mal de l’organisation administrative traditionnelle dite « en silos », qui segmente les services en domaines d’activité disjoints. Les informations communiquées ou publiées peuvent être réutilisées mais l’administration n’a pas l’obligation de les publier, ni a fortiori, de les produire sous des formats ouverts. La stabilité du nombre des avis de la CADA (5 000 par an), alors que le contexte juridique est largement clarifié, montre que les administrations tardent à procéder à la communication des documents demandés, quand elles n’en réduisent pas la portée.
L’article 4 modifie la « loi CADA », partiellement codifiée au code des relations entre le public et l’administration, afin de favoriser la diffusion des données publiques.
La législation actuelle distingue trois cas, soumis chacun à des conditions de mise en œuvre différentes : la communication, la publication et la réutilisation. L’article 4 vise à uniformiser ces conditions, de sorte que tout document communicable puisse, sous réserve des exceptions légales, faire l’objet d’une publication et d’une libre réutilisation.
Surtout, il accroît fortement les obligations pesant sur les administrations en termes de publication afin de passer d’une logique de demande d’accès par les personnes privées à une logique d’offre par les administrations. Le I de l’article 4 crée un nouvel article L. 312 –1–1, dont le premier alinéa dispose que les administrations rendent publics en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable certains documents :
– les documents que les administrations sont amenées à communiquer actuellement dans le cadre de la procédure du droit d’accès ;
– les documents qui figurent dans le répertoire des informations produites ou reçues par les administrations ;
– les bases de données produites ou reçues par les administrations, quand elles ne font pas déjà l’objet d’une diffusion publique ainsi que les données qu’elles contiennent ;
– les données dont l’administration qui les détient estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental.
Le droit général d’accès aux documents administratifs connaît des exceptions résultant soit de la loi du 17 juillet 1978 elle-même, directement ou par renvoi, soit de régimes autonomes de communication. Outre un nombre de documents limitativement énumérés qui ne sont pas communicables, il résulte ainsi de son article 6 que l’atteinte que la communication de certaines informations porterait à des intérêts protégés par la loi exige d’en occulter les mentions, tandis que le caractère personnel d’autres informations en restreint l’accès aux seuls intéressés.
Les modifications apportées au cadre juridique actuel ne concernent pas les conditions de communicabilité des documents administratifs. Elles ne permettront donc pas la diffusion de documents portant atteinte à la protection de la vie privée ou au secret médical ainsi que de documents portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique ou faisant apparaître son comportement dès lors que la divulgation de ce dernier pourrait lui porter préjudice. Ces documents restent communicables aux seuls intéressés. En outre, la publication de documents comportant des données à caractère personnel est soumise à des conditions strictes afin de ne pas porter atteinte à la vie privée et au droit à la protection des personnes concernées. Elle ne peut intervenir qu’après anonymisation des données, sauf si une disposition législative ou réglementaire autorise une diffusion sans anonymisation préalable ou si la personne intéressée y a consenti.
Comme le dispose le vadémécum sur l’ouverture et le partage des données publiques établi par la mission Étalab (13) en septembre 2013, les données publiques sont véritablement à la disposition du public quand elles sont « librement accessibles et gratuitement réutilisables ». Votre rapporteur a déjà eu l’occasion de souligner, dans son rapport sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, que « de nombreuses études montrent que les effets de la gratuité de l’utilisation et de la réutilisation des informations publiques sont, à terme, extrêmement bénéfiques pour la société »(14).
Il estime, une nouvelle fois, que le projet de loi est en retrait par rapport aux conclusions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2013. Le Gouvernement avait alors précisé sa doctrine en matière d’exceptions au principe de gratuité en affirmant qu’« aucune redevance ne saurait être exigée sur les données résultant des missions de service public des administrations générales ». Il ajoutait par ailleurs que « les opérateurs dont la mission même est de produire des données doivent rechercher des modèles économiques leur permettant de faire face à un paysage économique en profonde reconstitution. Conformément aux conclusions du rapport Trojette (15), il leur demande d’engager, dans les meilleurs délais, avec l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et du ministère du Budget, une réflexion sur les évolutions de leurs modèles économiques. Il leur demande de rechercher des modèles stimulant l’innovation autour de leurs données, favorables aux entrepreneurs innovants, et soutenables à l’heure de l’économie numérique, de la production de nombreuses données par les citoyens eux-mêmes, et des stratégies de plateformes. »
La généralisation du principe de gratuité n’exclut pas cependant que soit facturée aux réutilisateurs la fourniture de services à valeur ajoutée.
Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300 –2 du code des relations entre le public et l’administration aux nouvelles obligations de publication, votre Commission a adopté un amendement de M. Philippe Gosselin à l’alinéa 2 de l’article 4 , avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal.
À l’alinéa 6, qui organise la publication des documents présentant un intérêt économique, social ou environnemental, la Commission a adopté un amendement défendu par Mme Delphine Batho – avec l’avis favorable de votre rapporteur – permettant de prendre également en compte les enjeux sanitaires.
3. L’ouverture à la réutilisation des informations publiques des données collectées dans le cadre d’un service public industriel ou commercial (article 6)
Dans la rédaction actuelle de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, plusieurs types d’informations sont exclus du champ d’application du principe de la libre réutilisation, parmi lesquelles celles produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’une mission de service public industriel ou commercial (SPIC).
Les informations peuvent être communiquées dans le cadre commun du droit d’accès, avec les mêmes restrictions que celles s’appliquant aux autres administrations, mais celles qui sont détenues ou produites par les SPIC ne sont pas considérées comme des informations publiques en matière de réutilisation.
Les dérogations au principe de la libre réutilisation des données publiques doivent être limitées au maximum, eu égard aux fortes externalités positives générées par l’open data. Et ce, d’autant que les services rendus par les SPIC intéressent des domaines cruciaux pour l’économie, tels que les transports ou la distribution de l’eau.
C’est la raison pour laquelle l’article 4 de la loi n° 2015 –990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a prévu, par exemple, la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.
L’article 6 harmonise les règles relatives à la réutilisation des informations publiques produites ou reçues par des autorités chargées d’une mission de service public, que cette dernière soit de nature administrative, industrielle ou commerciale.
La commission des Lois a néanmoins précisé que les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300 –2 du code des relations entre le public et l’administration étaient tenues d’adopter, pour les informations mises à disposition sous forme électronique, un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine.
4. L’ouverture de l’accès à certaines données des délégataires de service public (DSP) et des conventions de subvention (articles 10 et 11)
L’article 10 crée une obligation pour le délégataire d’une mission de service public de permettre à l’autorité délégante de publier en open data les données principales de son activité. Il est possible à l’autorité délégante de déroger, sous certaines conditions, à cette nouvelle obligation. L’article 11 crée une obligation de publication en open data des données essentielles des conventions de subvention lorsque ces dernières dépassent un seuil déterminé par voie réglementaire.
La commission des Lois a adopté deux amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à :
– définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire. Cette dernière devrait peser sur les données et bases de données indispensables à l’exécution du service public ;
– s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311 –5 et L. 311 –6 du code des relations entre le public et l’administration.
– préciser que l’exemption de l’obligation de fournir les données essentielles en open data peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution, peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations et doit être fondée sur des motifs d’intérêt général.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 1erbis – visant à compléter la liste des documents administratifs mentionnée dans le code des relations entre le public et l’administration par les « codes source ». Cet article additionnel permettra de lever le doute sur les codes source en général, qui sont bien des documents administratifs lorsqu’il existe un traitement automatisé d’usage courant permettant de les rendre exploitables, comme pour tous les autres documents administratifs. La navette parlementaire sera l’occasion de préciser le régime applicable aux cas spécifiques des codes source relatifs aux impôts.
À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 1erter – visant à ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Ces deux amendements ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. Cet article prend la mesure de l’article 4 du présent projet de loi en ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Il s’agit d’une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 4 bis –visant à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Cet article s’inscrit pleinement dans l’objectif poursuivi par le titre Ier du projet de loi relatif à la circulation du savoir. Un meilleur accès à l’information sur les caractéristiques du gisement collecté et sur l’offre relative aux matières de substitution est de nature à favoriser la demande.
À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable émis par votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 7 bis – consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public. Il supprime notamment les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur la base du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, plus connu sous son acronyme « SIRENE », et du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).
Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 9 bis – visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes.
À l’initiative de Mme Delphine Batho, et avec le soutien de plusieurs groupes politiques qui avaient déposé des amendements similaires, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 9 ter –disposant que les services de l’État, les établissements publics, les entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique. Cet amendement a reçu un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur.
À l’initiative de M. Sergio Coronado, et avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 16 bis – reconnaissant à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques.
À l’initiative de Mme Delphine Batho, avec l’avis favorable du Gouvernement et défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 16 ter – demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.
L’inertie à laquelle se heurte parfois l’exercice du droit d’accès aux documents administratifs, la qualité inégale de la gestion des portails publics d’information et les difficultés de réutilisation des données publiques disponibles sont de nature à décevoir les attentes citoyennes et économiques. De surcroît, la réutilisation des données publiques se heurte à certains obstacles : des difficultés techniques et méthodologiques, tenant en particulier au format des données, à l’absence de contextualisation, à la non harmonisation des processus de production qui interdit les rapprochements, à l’instabilité méthodologique et aux niveaux d’agrégation ou de précision retenus.
L’approche incitative et volontariste d’ouverture des données qui a pour l’instant prédominé se heurte à certaines limites qu’il convient aujourd’hui de dépasser.
Au regard des enjeux citoyens et de l’opportunité économique qui s’attachent à l’accessibilité de l’information publique, un nouvel élan doit être donné à la transparence administrative. L’article 9 introduit dans le droit français un nouveau service public, celui des « données de référence ».
Une donnée de référence est une donnée qui doit :
– faire l’objet – ou être susceptible de faire l’objet – d’utilisations fréquentes par un grand nombre d’acteurs publics et privés ;
– dont la qualité, en termes notamment de précision, de fréquence de mise à jour ou d’accessibilité est essentielle.
Cet article donne un rôle crucial au pouvoir réglementaire qui devra : fixer la liste des données de référence, déterminer les administrations responsables de leur production et les modalités de coordination entre les administrations, définir la qualité minimale que la publication des données doit respecter (précision, degré de détail, fréquence de mise à jour, accessibilité, format), préciser les modalités de participation des collectivités territoriales.
L’étude d’impact fournit quelques exemples de données de référence : le cadastre, la base d’adresse nationale collaborative, le référentiel à grande échelle, le registre des entreprises, dit « SIRENE », ainsi que le registre national des associations.
L’objectif du service public de la donnée est d’organiser la production, la qualité et la circulation des données de référence en garantissant un niveau de qualité minimale dans leur diffusion.
Votre rapporteur partage l’avis du Conseil d’État qui a estimé qu’en l’état de la rédaction, cet article était entaché d’incompétence négative dès lors :
– d’une part que la mission de ce service public, la nature des données de référence qui en relèveraient et ses modalités essentielles d’organisation ne sont pas suffisamment précisées ;
– d’autre part que les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les organismes privés chargés d’une mission de service public au titre de leur participation à ce nouveau service public et de son financement ne sont pas définies.
Il estime, comme nombre des personnes auditionnées, que la précision de cet article doit être renforcée, en particulier afin d’indiquer que ces données de référence doivent être mises à disposition de manière ouverte et gratuite.
À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur qui avait également déposé un amendement de réécriture globale, la commission des Lois a adopté un amendement visant à définir plus précisément les contours de la nouvelle mission de service public de la mise à disposition et de la publication des données de références. Cet amendement a complété au II la définition des données de références, concept nouveau dans notre système juridique. L’amendement a précisé qu’elles « constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ». Les conditions d’organisation de ce service public sont précisées au III de l’article.
Grâce au numérique, les données de la recherche se développent rapidement et leur diffusion joue un rôle toujours plus important dans toutes les disciplines. En y accédant librement, les chercheurs peuvent les explorer, les visualiser et les comparer pour effectuer leurs propres analyses, afin de valider ou d’infirmer les conclusions précédentes des autres chercheurs ou découvrir de nouveaux résultats.
La libre diffusion des travaux et des données de la recherche devient un puissant moteur de croissance économique. À titre d’exemple, les bénéfices économiques du projet international de séquençage du génome humain, qui repose sur une contribution internationale à une banque ouverte de données, ont été́ estimés par le gouvernement américain à 800 milliards de dollars, s’accompagnant d’une création de 310 000 emplois, pour 3,8 milliards investis.
Il est donc impératif de favoriser la diffusion et la réutilisation des travaux et des données de la recherche lorsqu’elle est majoritairement financée par des fonds publics et de simplifier les procédures permettant des appariements à des fins statistiques ou de recherche publique à partir de données personnelles, telles que le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale.
1. Une action volontariste en faveur de la diffusion et de la réutilisation libre des travaux et des données de la recherche publique (article 17)
On estime que le nombre de données générées par la recherche augmente de 30 % chaque année. Dans le même temps, la perte de ces données est évaluée à 80 % en vingt ans (16).
La publication des travaux scientifiques des chercheurs et la réutilisation libre des données qui en sont issues deviennent donc un enjeu fondamental pour le chercheur lui-même – qui est évalué par ses pairs (17) – et pour la société tout entière compte tenu des progrès issus de la recherche scientifique.
Le monde de l’édition scientifique a beaucoup évolué avec le passage au numérique. Le marché s’est concentré au niveau mondial autour de quelques grands groupes éditoriaux qui proposent des bouquets de revues incontournables pour les chercheurs, tendant à évincer les éditeurs de taille et de bassin linguistique plus limités. Ainsi, les quatre premiers groupes d’édition (Elsevier, Springer/Macmillan Nature, Wiley, Thomson Reuters) éditent au plan mondial 24,8 % des titres mais publient 50,1 % des revues à fort impact. Or, ces grands groupes éditoriaux ont largement réorienté leurs publications vers le modèle du libre accès par « la voie dorée » (« open access gold » en anglais) afin de garantir leur revenu et rendre immédiatement accessibles les écrits scientifiques et les données associées par voie numérique. Seules les revues mondialement connues demeurent accessibles par la voie d’abonnement traditionnel, telles que Nature ou Sciences par exemple. Les chercheurs français et leurs instituts ou organismes de recherche, peu enclins à payer les coûts de libération des articles, privilégient pour leur part la « voie verte » (« open access green » en anglais) en déposant leurs écrits scientifiques sur des archives ouvertes dans l’attente ou en complément d’une publication traditionnelle malgré certaines difficultés à imposer des licences en ce sens aux grands éditeurs. En conséquence, la diffusion numérique des revues s’est accompagnée d’une forte hausse des prix des abonnements traditionnels, conduisant à une réorientation des budgets des organismes de recherche au profit de revues numériques, au passage d’un modèle de vente pérenne à celui d’abonnements à des flux sans possibilité́ de conservation de certaines publications pour les institutions académiques et à un certain déclin des éditeurs de moindre envergure.
L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de rechercher un équilibre plus juste entre les intérêts du monde de la recherche, attaché à une diffusion libre de la connaissance la plus rapide possible et à moindre frais, et ceux du secteur de l’édition, soucieux de disposer d’un temps d’exploitation économique exclusive de la publication (18).
Pour ce faire, l’article 17 du projet de loi propose d’introduire un nouvel article L. 533-4 au sein du chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche relatif à la valorisation des résultats de la recherche par les établissements et organismes de recherche.
Le I de ce nouvel article entend préserver le modèle de publication traditionnel et l’exclusivité de l’exploitation de l’œuvre par l’éditeur pendant une certaine durée, souvent appelée « durée d’embargo ». À l’issue de cette période, le chercheur dont la publication est née d’une activité de recherche financée pour moitié par des fonds publics (dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, subventions d’agences de financement nationales ou fonds de l’Union européenne) recouvrerait son droit d’auteur, et pourrait ainsi rendre public ses travaux et ses données de recherche sur internet afin d’en permettre le libre accès et la libre réutilisation.
Le principe est clair : dès lors que l’éditeur d’un écrit scientifique le met à disposition du public gratuitement sous une forme numérique, l’auteur-chercheur recouvre immédiatement son droit de le mettre lui-même à disposition du public gratuitement et sous une forme numérique, par exemple dans une archive ouverte (« open access green » en anglais) ou sur son propre site internet. À défaut, l’auteur-chercheur pourra le faire à l’expiration d’une durée d’embargo – qui est fixée à six mois pour les écrits dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et à douze mois dans celui des sciences humaines et sociales – afin de préserver la possibilité pour l’éditeur d’en tirer un avantage commercial. En conséquence, il est interdit au chercheur de recouvrer son droit d’auteur afin d’en tirer profit dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial de nature à concurrencer son éditeur.
Cette réforme est un grand pas en faveur de l’accès libre aux travaux de la recherche financée majoritairement par des fonds publics et s’inscrit dans la droite ligne des recommandations de la Commission européenne du 17 juillet 2012 (19) et des lignes directrices du programme-cadre de recherche européen Horizon 2020 (20). Il faut en effet rappeler qu’actuellement les durées d’embargo prévues dans les contrats signés par les chercheurs avec une grande partie des éditeurs nationaux et internationaux varient le plus souvent entre 12 et 24 mois, voire 48 mois pour certaines revues de sciences humaines et sociales. Il est en outre assez rare qu’un chercheur réussisse à négocier avec les éditeurs d’envergure nationale ou mondiale un libre accès immédiat à ses travaux de recherche ou une durée d’embargo inférieure à 12 mois.
Il faut souligner que la mise à disposition gratuite en ligne par l’auteur de son écrit scientifique au-delà de la durée d’embargo demeure toujours volontaire. De plus, le I de l’article L. 533-4 (nouveau) précise qu’avant de pouvoir mettre à disposition gratuite en ligne un écrit scientifique co-rédigé par plusieurs chercheurs, les coauteurs doivent se mettre d’accord à l’unanimité. Dans le cadre de la consultation publique lancée par le Gouvernement, certains prônaient l’introduction d’une obligation pour l’auteur ou les coauteurs de mettre en ligne, et à tout le moins de déposer dans une archive ouverte, leur publication à l’issue du délai d’embargo, à l’instar de ce qu’impose la législation américaine. Toutefois, votre rapporteur considère que cette proposition se heurte frontalement au droit d’auteur et au respect de la liberté d’expression.
À l’initiative de M. Emeric Bréhier, rapporteur au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et après avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté trois amendements :
– le premier vise à s’assurer que les publications nées d’une recherche financée principalement sur fonds publics rendues gratuitement accessibles le seront en format ouvert afin de promouvoir la diffusion de la connaissance et du savoir. Le format ouvert se comprend au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
– le deuxième précise que les auteurs-chercheurs pourront mettre à disposition du public non seulement la version finale du manuscrit acceptée pour publication mais également toutes les versions successives de ce manuscrit jusqu’à cette version finale, c’est-à-dire qu’ils pourront mettre à disposition par voie numérique leurs « preprint » ;
– le dernier permet au ministère de la recherche de fixer par arrêté un délai d’embargo inférieur à ceux de six et douze mois prévus par le présent article, pour les disciplines ou familles de disciplines pour lesquelles un tel délai serait opportun, afin de mieux prendre en compte leurs spécificités éditoriales. Cet amendement a été adopté malgré l’avis défavorable du Gouvernement.
Le II du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche consacre le droit de réutilisation libre des données rendues publiques issues d’une telle activité de recherche dès lors qu’elles ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière, comme le secret professionnel, le secret médical ou le secret des affaires.
Les données concernées doivent être issues d’une recherche financée majoritairement par des fonds publics et avoir été rendues publiques soit par le chercheur lui-même, soit par son établissement ou son organisme de recherche. Il s’agit ici de reconnaître que les données de la recherche sont d’intérêt public et que leur vocation même est de pouvoir circuler dès lors qu’elles ont été rendues publiques. Nul ne doit priver autrui de leur usage, pas même le chercheur qui les a collectées dès lors que ses travaux ont été rendus publics. Rappelons en effet que le droit d’auteur du chercheur ne porte que sur son « œuvre » et non sur les « données » au fondement de son raisonnement. C’est la raison pour laquelle le laboratoire de recherche pourra rendre ces données publiques même si le chercheur s’y oppose.
L’accès à ces données et leur réutilisation constituent un enjeu à la fois scientifique (reproductibilité de la recherche, recherches interdisciplinaires), économique (rationalisation des moyens consacrés à la recherche, opportunités pour l’économie de la connaissance et de l’innovation), social et de citoyenneté (vulgarisation scientifique, éducation…).
Le III du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche interdit à l’éditeur d’un écrit scientifique mentionné au I de limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.
La difficulté́ réside dans le fait que les éditeurs, en tant qu’operateurs du service de mise à disposition, tendent actuellement, dans les contrats de cession portant sur l’écrit, à demander des licences toujours plus étendues sur l’exploitation de ces données, ce qui n’est pas sans faire peser des risques sur leur libre circulation, essentielle au développement de la société du savoir et de la connaissance. Actuellement, le commerce de données de la recherche reste un secteur d’activité très peu développé. Il est limité à quelques services spécialisés proposés par les éditeurs sur leur plateforme numérique qui offrent des services d’analyse et de fouille de textes (« text data mining » en anglais) et de données (« data mining » en anglais) sur les corpus qu’ils ont déjà publiés eux-mêmes, lesquels peuvent être très étendus chez les grands éditeurs.
La réforme proposée par le Gouvernement permettra de surmonter cette difficulté puisque l’éditeur ne pourra plus restreindre la réutilisation des données afférentes à l’écrit scientifique qu’il a publié, dans le cadre du contrat d’édition passé avec l’auteur.
Le IV du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche précise d’ailleurs que ces dispositions sont d’ordre public et que toute clause contraire est réputée non écrite. Un éditeur ne pourra donc pas s’en exonérer par voie contractuelle. La fouille des données rendues publiques ne connaîtra plus de limites. En revanche, la fouille de texte reste pour le moment sous le contrôle des éditeurs car elle met en cause le monopole du droit d’auteur et le droit sui generis des producteurs de bases de données, à défaut d’une révision de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
L’impact de cette réforme sur le monde de la recherche et la société de la connaissance est nécessairement positif puisque la plus grande diffusion des travaux et des données de la recherche financée majoritairement par fonds publics devrait conduire à un effet « rebond » important : plusieurs études montrent que plus l’accès gratuit est précoce, plus l’audience totale de la publication est importante.
Cette réforme permettra également une maîtrise accrue de la puissance publique sur les produits d’une activité́ de recherche qu’elle a elle-même financée.
Enfin, l’impact de cette réforme sur les éditeurs est ambivalent : il sera très progressif et sans doute assez faible sur les éditeurs d’envergure mondiale dans les domaines des sciences, des techniques et de la médecine ; en revanche, il est susceptible d’être plus important pour les éditeurs et directeurs de revues de sciences humaines et sociales, dont la part de marché et les ventes sont plus limitées, notamment pour des raisons linguistiques. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé, le 23 novembre 2014, la mise en place d’un plan d’accompagnement des revues françaises de sciences humaines et sociales à la transition au libre accès. L’objectif est de les conduire à mettre en accès libre l’intégralité de leurs numéros au plus tard dans un délai d’un an à compter de 2016 et de leur fournir une aide à la traduction en anglais des articles publiés ou de long résumés pour élargir leur diffusion au-delà des seuls francophones. Sur une base de 200 revues sélectionnées, le coût maximum d’accompagnement des éditeurs français serait de 4 millions d’euros par an, dont 500 000 euros en 2016).
2. Une simplification des procédures permettant des appariements de fichiers à des fins statistiques ou de recherche à partir du NIR (article 18)
L’appariement de sources de données provenant de disciplines différentes permis par l’article 18 du projet de loi poursuit un double objectif : autoriser des appariements jusqu’alors impossibles en France de nature à répondre à de nombreuses questions que se posent les chercheurs, d’une part, et les pouvoirs publics, d’autre part, et produire davantage d’information statistique de qualité tout en réduisant significativement la charge d’enquêtes auprès des ménages et des entreprises (21).
Actuellement, le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale de chaque individu, constitue un des moyens les plus fiables de garantir un appariement exact entre deux fichiers, car il permet de connaître directement le sexe de l’individu ainsi que son année, son mois, son département et sa commune de naissance. Or, l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés précise que l’utilisation du NIR ne peut être mise en œuvre que si le traitement a été autorisé par un décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dès lors que ce traitement de données à caractère personnel est mis en œuvre pour le compte de l’État, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public.
Dans la pratique, cette exigence s’est souvent révélée insurmontable pour les organismes universitaires ou de recherche, puisque très rares sont ceux qui ont pu obtenir qu’un ministre prenne l’initiative de porter un décret en Conseil d’État pour permettre un appariement dans le cadre d’un projet de recherche. Seules des administrations appartenant au service de statistiques public ont pu, grâce à l’appui de leur ministre de tutelle, mettre en œuvre la procédure prévue par la loi. Les démarches sont toutefois très lourdes.
Afin de lever ces difficultés et d’améliorer la qualité de la recherche française en sciences humaines et l’évaluation des politiques publiques nationales, le présent article propose de créer deux nouveaux dispositifs d’appariement distincts, pour le service de statistiques public d’une part (I) et pour les organismes de recherche d’autre part (II).
Ainsi, le I de l’article 18 remplace la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la CNIL, par une procédure de déclaration préalable du traitement réalisé par les services de statistiques public sur la base du NIR auprès de la CNIL. Il complète, à cet effet, l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 par un I bis qui impose trois conditions cumulatives :
– les traitements doivent avoir exclusivement des finalités de statistiques publiques ;
– les traitements ne doivent comporter aucune des données personnelles mentionnées au I de l’article 8 (c’est-à-dire les données personnelles faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale, les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle) ou à l’article 9 de la même loi (données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté) ;
– les appariements sur la base du NIR seraient remplacés par des appariements sur la base d’une clé non signifiante après une opération cryptographique. La clé d’appariement, qui correspond à un code statistique non signifiant (CSNS), serait commune à toutes les sources statistiques mais permettrait de circonscrire le traitement de données concerné au sein du seul service de statistiques public.
La procédure de déclaration préalable sur la base de l’identifiant unique auprès de la CNIL serait celle de droit commun : elle comporterait l’engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 et donne lieu à l’établissement d’un récépissé. Les traitements relevant d’un même organisme et ayant des finalités identiques ou liées entre elles pourront faire l’objet d’une déclaration unique. Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, définira les modalités d’application de ce dispositif.
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté deux amendements précisant que :
– seuls les services de la statistique publique auront connaissance du code non signifiant et pourront l’utiliser pour garantir davantage de sécurité ;
– les opérations visant à chiffrer le NIR devront obéir au même régime de déclaration simplifié que le traitement de données auquel elles se rapportent afin de rendre le dispositif opérationnel.
De même, le II de l’article 18 vise à remplacer la procédure d’autorisation du traitement de données par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, par une procédure d’autorisation par la CNIL elle-même, pour chaque projet de recherche scientifique ou historique nécessitant des appariements de données personnelles faisant apparaître le NIR ou qui requièrent une consultation de ce répertoire. Il est donc créé un nouveau 9° au I de l’article 25 de loi du 6 janvier 1978 qui précise le régime de cette procédure.
Comme pour la statistique publique, l’article présenté par le Gouvernement prévoyait que les données sensibles mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 restent exclues du champ du traitement informatisé des données demandé. Votre Commission a néanmoins estimé que, dans ce cas précis, la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État devait être maintenue afin de laisser la possibilité aux chercheurs de réaliser des traitements comportant des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 et à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 précitée. Elle a donc adopté un amendement présenté en ce sens par votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement.
Contrairement à ce qui est prévu pour la statistique publique, un code recherche dédié non signifiant (CRDNS) spécifique sera créé pour chaque projet de recherche, aboutissant à des NIR chiffrés différents pour chaque appariement à la suite d’une opération cryptographique analogue à celle opérée pour la statistique publique, c’est-à-dire par séparation des données identifiantes des données informatives. Le CRDNS ne pourra donc pas être utilisé en dehors du projet de recherche pour lequel il a été créé.
Il est précisé que l’opération cryptographique, et, le cas échéant, l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du CRDNS qui en est issu, sont assurés par une personne distincte de la personne responsable du traitement. Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, ces tiers de confiance seront des organismes offrant des garanties en matière de confidentialité et de sécurité définies par le décret d’application.
Dans leur avis sur le présent projet de loi, la CNIL et le Conseil d’État ont considéré que l’article 18 du projet de loi permettait une simplification des formalités préalables à la mise en œuvre d’un traitement de données sur la base d’un NIR crypté tout en garantissant un haut niveau de protection des données personnelles grâce à la mise en place d’un cadre de sécurité organisationnel et informatique strict.
À l’initiative de votre rapporteur, votre Commission a adopté deux autres amendements de précision :
– l’un prévoit de soumettre au même régime simplifié la procédure de chiffrement du NIR par le tiers de confiance, qui sinon serait resté soumise à la procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État ;
– l’autre précise qu’il existe deux tiers de confiance à côté du responsable du traitement de données : le premier tiers de confiance n’a connaissance que des variables identifiantes et est chargé de les crypter pour obtenir un code spécifique non signifiant pour chaque projet de recherche (CRDNS) tandis que le deuxième tiers de confiance n’a connaissance que de données cryptées sans aucune information sur les identités et procède à l’appariement des données cryptées issues du CRDNS.
La confiance est un facteur-clé́ de la croissance de l’économie numérique : confiance des usagers et des citoyens dans les services qui leur sont proposés, confiance des entreprises dans les transactions et la sécurité́ juridique de leurs activités. La loi précitée du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a défini un cadre général qui a permis un développement remarquable du numérique et des services de la société́ de l’information.
Le projet de loi s’inscrit dans cette continuité́ et, face aux nouveaux défis suscités par la seconde génération de l’internet, pose des jalons supplémentaires en faveur de la protection des citoyens dans la société́ numérique. Sont désormais garanties par la loi la neutralité de l’internet (A) et la loyauté des plateformes en ligne à l’égard des consommateurs (B). Par ailleurs, la protection des données à caractère personnel, à travers le principe de libre disposition de ses données (C) et le renforcement des pouvoirs de la CNIL (D) et de la protection de la vie privée en ligne (E), ainsi que le droit au respect du secret des correspondances (F) se trouvent renforcés. Enfin, le projet de loi facilite le recours à de nouveaux usages numériques (G), comme le recommandé électronique ou les paiements par SMS, et traite des compétitions de jeux vidéo (H).
LES GRANDS ENJEUX
– Donnée à caractère personnel : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.
– Neutralité du net : traitement égal et non discriminatoire du trafic dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’internet impliquant également la délivrance d’explications claires et compréhensibles des services rendus par les opérateurs aux usagers en application du règlement du 25 novembre 2015 dit « règlement marché unique des communications électroniques ».
– Loyauté des plateformes : obligation de transparence imposée aux opérateurs de plateforme en ligne qui exercent une activité consistant à référencer ou classer des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne par des tiers ou à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente ou de la fourniture d’un bien ou service, y compris non rémunérées.
– Portabilité des données : possibilité de récupérer et de transférer certaines de ses données stockées en ligne, ses courriels, ses listes de contacts, les données associées à son compte utilisateur tels que ses listes de lecture…
– Autodétermination informationnelle : la Cour constitutionnelle fédérale allemande a dégagé, en 1983, à partir des principes de dignité de l’homme et de droit au libre développement de sa personnalité, un droit à l’autodétermination informationnelle. Pour la Cour de Karlsruhe, « la Constitution [allemande] garantit en principe la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel » car s’il « ne sait pas prévoir avec suffisamment de certitude quelles informations le concernant sont connues du milieu social et à qui celles-ci pourraient être communiquées, sa liberté de faire des projets ou de décider sans être soumis à aucune pression est fortement limitée ».
– « Droit à l’oubli » pour les mineurs : permettre à toute personne de demander l’effacement accéléré de ses données dès lors qu’elles ont été collectées alors qu’elle était mineure.
– « Mort numérique » : permettre à toute personne de décider, par des directives écrites, le sort de ses données après son décès et l’identité de la personne qui sera chargée de les exécuter.
– Traitements automatisés d’analyse du contenu de la correspondance en ligne : outils automatiques de scan des courriers électroniques principalement destinés à proposer certains services à l’utilisateur (personnalisation et contextualisation de la publicité, protection contre des logiciels malveillants, assistance personnelle à la gestion des courriels…).
LES OUTILS
– L’articulation entre le niveau européen et le niveau national : le contenu du projet de loi devra évoluer au cours de la « navette » parlementaire afin de tenir compte de l’adoption prochaine du règlement général sur la protection des données ainsi que des textes que pourrait éventuellement proposer la Commission européenne à la suite des consultations lancées le 24 septembre 2015 sur le rôle économique des plateformes en ligne et sur le blocage géographique.
– Le renforcement des pouvoirs de l’ARCEP : le projet de loi étend ses prérogatives à l’égard des fournisseurs de communications électroniques et de services de communication au public en ligne afin d’assurer le respect du principe de la neutralité de l’internet ;
– le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF : le projet de loi étend le champ du contrôle opéré par la DGCCRF en matière de loyauté des plateformes en ligne et de fiabilité des avis en ligne.
– Le renforcement des pouvoirs de la CNIL : le projet de loi consolide le rôle consultatif de la CNIL sur tout projet de loi ou de décret comportant des dispositions relatives à la protection des données personnelles ou à leur traitement ; il élargit ses missions à la promotion des technologies protectrices de la vie privée et à la réflexion sur les problèmes éthiques et sociétaux soulevés par le numérique ; il renforce l’efficacité et la crédibilité des sanctions qu’elle peut prononcer.
– Les nouveaux usages : sur un plan plus sectoriel, le projet de loi encourage le recours à de nouvelles pratiques numériques dans la vie quotidienne des Français, en matière de dématérialisation des échanges (harmonisation et sécurisation du cadre juridique applicable au recommandé électronique) et de paiements par SMS (micropaiements et dons par SMS).
La neutralité de l’internet (« net neutrality ») est un principe selon lequel les réseaux de communications électroniques doivent transporter tous les flux d’information de manière neutre, c’est-à-dire indépendamment de leur nature, de leur contenu, de leur expéditeur ou de leur destinataire. Ce concept peut concerner tous les réseaux, mais il trouve particulièrement à s’appliquer sur les réseaux constituant l’internet.
Le débat sur la neutralité de l’internet porte sur la question de savoir quel contrôle les responsables de l’acheminement et de la gestion du trafic ont le droit d’exercer sur ce trafic pour des raisons à la fois techniques et économiques. Il s’agit d’examiner les pratiques des opérateurs de communications électroniques sur leurs réseaux, mais également leurs relations avec certains fournisseurs de contenus et d’applications (22). Peuvent-ils bloquer des services, ralentir certaines applications, donner la priorité à certaines catégories de contenus ? Doivent-ils au contraire s’en tenir strictement au respect du principe d’égalité de traitement, tel qu’imaginé par les concepteurs de l’internet ? Le débat porte en particulier sur la compatibilité de ce principe avec la croissance soutenue du trafic sur les réseaux, notamment mobiles, et avec la nécessité de financer les investissements qui en résultent. Des questions se posent, enfin, sur le rôle des fabricants de terminaux dans la préservation du principe de neutralité.
Sur les plans techniques et philosophiques, internet a été conçu comme un réseau ouvert, reposant sur une architecture décentralisée et le principe du « meilleur effort » : chaque opérateur doit faire « de son mieux » pour assurer la transmission de tous les paquets de données qui transitent par son réseau, sans garantie de résultat (obligation de moyen) mais en excluant toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise.
Lors de la révision du cadre réglementaire européen des communications électroniques en 2009, transposé en droit français par l’ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, des mesures concrètes ont été́ adoptées concernant la neutralité des réseaux : renforcement de la transparence et de l’information des consommateurs concernant les pratiques d’acheminement du trafic mises en œuvre par les opérateurs de communications électroniques (articles L. 121-83 et L. 121-83-1 du code de la consommation) ; possibilité́ pour les pouvoirs publics d’intervenir dans les relations entre les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de services de communication au public en ligne concernant les conditions d’acheminement du trafic (articles L. 32-4 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques) ; garantie du service et préservation de l’internet selon le principe du « meilleur effort » (articles L. 32-1 et L. 36-6 du même code).
Le règlement (UE) 2 015/2 120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’internet ouvert et modifiant la directive 2002-2022/CE (23) et le règlement (UE) n° 531/2 012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (24) consacrent désormais explicitement le principe de neutralité́ de l’internet et fixent les règles garantissant l’accès à un internet ouvert.
Afin de consolider l’approche harmonisée de la neutralité de l’internet retenue par le « règlement MUCE » d’application directe dans l’ordre juridique interne, l’article 19 du projet de loi aménage le code des postes et des communications électroniques en conséquence (25).
Le I de l’article 19 précise que, parmi les objectifs poursuivis par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et par son ministre de tutelle, dans le cadre de leurs attributions décrites au II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, figure désormais au 5° bis (nouveau) « la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 », c’est-à-dire au sens du règlement MUCE.
Le II étend les pouvoirs d’enquête administrative de l’ARCEP et du ministre chargé des communications électroniques, mentionnés à l’article 32-4 du même code, aux pratiques de « gestion » de trafic « notamment en vue d’assurer le respect de la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 ».
Le III complète le I de l’article L. 33-1 du même code relatif aux obligations des exploitants de réseaux ouverts au public et des fournisseurs de services de communications électroniques, ci-après désignés sous le terme « opérateurs », afin de préciser qu’ils doivent désormais « garantir l’accès à un internet ouvert » au sens du règlement MUCE. La référence au règlement MUCE est également mentionnée, par coordination, au 3° de l’article L. 36-7 du même code qui explicite les textes législatifs et réglementaires au regard desquels l’ARCEP est chargée de contrôler les opérateurs (IV).
En conséquence, alors qu’en application du 5° du II de l’article L. 36-8 du même code, l’ARCEP peut d’ores et déjà être saisie des différends portant sur « les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communications en ligne », le V étend explicitement ce pouvoir de règlement des différends à l’examen de des pratiques de « gestion » de trafic en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité de l’internet.
Le VI complète l’article L. 36-11 du même code afin de permettre à l’ARCEP de sanctionner les manquements des personnes fournissant des services de communication en ligne au public en cas de violation des dispositions du règlement MUCE relatives à l’accès à un internet ouvert. Sont désormais visés tous les opérateurs de sites internet qui assurent une « transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur » aux termes de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
L’objectif du 1° et du 2° du VI est de permettre à l’ARCEP de contraindre un tel opérateur (comme Youtube par exemple), si ce dernier ne se conforme pas à une décision de règlement d’un différend entre cet opérateur et un exploitant de réseau (comme Orange par exemple). Cette disposition est importante compte tenu du rôle des fournisseurs de services de communication au public en ligne dans l’acheminement des contenus sur les réseaux.
La question se posera avec une acuité particulière en cas de différend relatif à la fourniture de « services optimisés » au sens du point 5 de l’article 3 du règlement MUCE, généralement appelés « services gérés » ou « services spécialisés » en France. Cet article dispose que :
« Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet et les fournisseurs de contenus, d’applications et de services, sont libres de proposer des services autres que les services d’accès à l’internet qui sont optimisés pour des contenus, des applications ou des services spécifiques, ou une combinaison de ceux-ci, lorsque l’optimisation est nécessaire pour que les contenus, les applications ou les services satisfassent aux exigences correspondant à un niveau de qualité spécifique.
Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne peuvent proposer ou faciliter ce type de services que si les capacités du réseau sont suffisantes pour les fournir en plus de tous services d’accès à l’internet fournis. Ces services ne sont pas utilisables comme services d’accès à l’internet ni proposés en remplacement de ces derniers, et ils ne sont pas proposés au détriment de la disponibilité ou de la qualité générale des services d’accès à l’internet pour les utilisateurs finals. »
En parallèle, le 3° du VI précise que les pouvoirs de sanction de l’ARCEP pourront désormais être mis en œuvre en cas de violation des dispositions du règlement MUCE, et en particulier en cas d’atteinte au principe d’un internet neutre et ouvert.
Le 4° du VI complète le pouvoir de mise en demeure de l’ARCEP prévu par le sixième alinéa du I de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électronique pour lui permettre d’intervenir de manière anticipée, lorsqu’il existe un risque caractérisé qu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques ne respecte pas ses obligations légales à l’échéance initialement fixée. Cet alinéa devrait notamment permettre à l’ARCEP de mettre en demeure un opérateur dont les obligations s’inscrivent dans la durée et qui sont assorties d’échéances, avant le terme de ces échéances, lorsqu’elle constate qu’il prend du retard dans la mise en œuvre de ses obligations. Tel pourrait notamment être le cas à l’égard des opérateurs mobiles qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de couverture du territoire.
Enfin, le 5° du VI étend la possibilité pour l’ARCEP de notifier des griefs à un fournisseur de communication au public en ligne et de lui infliger in fine une sanction pécuniaire s’il ne se conforme pas à la décision de règlement des différends qu’elle aura prise.
En s’en tenant strictement à rappeler les dispositions du règlement MUCE dans le code des postes et des communications électroniques et en étendant les pouvoirs d’enquête, de règlement des différends et de sanction de l’ARCEP pour lui permettre de veiller au respect du principe de la neutralité de l’internet, le Gouvernement améliore la lisibilité du droit français compte tenu des impératifs européens et garantit la sécurité juridique des opérateurs dans l’exercice de leurs activités.
La commission des Lois s’est inscrite dans cette démarche en adoptant plusieurs articles additionnels après l’article 19 visant à moderniser le statut de l’ARCEP et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques pour tenir compte de ces évolutions :
– l’article 20 bis, introduit à l’initiative de votre rapporteur avec le soutien du Gouvernement, adapte les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de l’ARCEP pour conforter l’effectivité de son contrôle et renforcer les garanties procédurales des personnes contrôlées, en les alignant sur des dispositions similaires à celles qui sont déjà prévues pour l’Autorité de la concurrence ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
– l’article 20 ter, introduit à l’initiative de votre rapporteur à la suite d’un avis de sagesse du Gouvernement, étend les compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) aux questions relatives à la neutralité de l’internet tandis que l’article 20 quater, introduit à l’initiative de M. Lionel Tardy, renomme la CSSPPCE, « Commission parlementaire du numérique et des postes » ;
– l’article 20 quinquies, introduit à l’initiative de votre rapporteur malgré l’avis défavorable du Gouvernement, consacre dans la loi le fait que l’ARCEP est une autorité administrative indépendante et qu’elle respecte le principe de parité au sein de son collège.
B. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES, UNE INITIATIVE FRANÇAISE AU BÉNÉFICE DES CONSOMMATEURS (articles 22 à 25)
Alors que, actuellement, la notion de plateformes en ligne n’existe pas juridiquement, on désigne souvent sous cette dénomination les opérateurs du numérique comme les moteurs de recherche, les places de marchés, les réseaux sociaux, les sites de partage, les sites collaboratifs, les magasins d’applications, les comparateurs de prix…
Le débat sur la loyauté des plateformes en ligne est né de la volonté de décliner le principe de neutralité d’internet consacré aux seuls opérateurs de communications électroniques (26), aux « plateformes », avec l’idée que certaines d’entre elles, à commencer par le moteur de recherche Google, jouent un rôle au moins aussi important que celui des opérateurs de communications électroniques dans l’accès des internautes aux contenus et services.
En France, nombreuses sont les institutions ayant contribué à alimenter ce débat comme le montrent notamment l’étude thématique du rapport annuel 2014 du Conseil d’État (27), deux rapports du Conseil national du numérique (mai 2014 (28) et juin 2015 (29)) ou encore le rapport de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (octobre 2015) (30). À ce stade, il existe des divergences d’opinions sur le contenu de la définition des plateformes ainsi que sur la nécessité ou non d’introduire une nouvelle forme de régulation de ces plateformes par rapport au droit existant pour appréhender leur pouvoir de marché vis-à-vis des entreprises comme des usagers.
Certaines initiatives parlementaires ont toutefois conduit à imposer des obligations de loyauté spécifiques aux comparateurs de prix d’une part et à certains sites de mise en relation des internautes d’autre part.
Ainsi, l’article 147 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », a introduit un nouvel article L. 111-5 au sein du code de la consommation imposant à « toute personne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations en ligne permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels (…) d’apporter une information loyale, claire et transparente, y compris sur ce qui relève de la publicité dont les modalités et le contenu sont fixés par décret ».
Poursuivant cette démarche, l’article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a introduit deux autres articles au sein du code de la consommation afin d’imposer une obligation de loyauté aux sites mettant en relation « plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service » (article L. 111-5-1) et de sanctionner le non-respect de cette obligation (article L. 111-5-2). Les conditions d’application de cet article devaient être précisées par décret mais ce dernier n’a pas encore été publié.
Dans le cadre de la « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », la Commission européenne a, pour sa part, lancé deux consultations publiques le 24 septembre 2015, l’une sur le rôle économique des plateformes en ligne, l’autre sur le blocage géographique des sites internet. Elle entend ainsi aborder plusieurs questions telles que la définition des plateformes en ligne, leur responsabilité en ce qui concerne les contenus illicites hébergés en ligne par rapport à celle des hébergeurs et des éditeurs de communications publiques en ligne résultant de la directive « commerce électronique » du 8 juin 2000 (31), les moyens d’améliorer la libre circulation des données dans l’Union Européenne et de construire un nuage européen (« european cloud »). Elle vise également à étudier les possibilités et les éventuelles questions réglementaires soulevées par l’essor de l’économie collaborative.
Dans ce contexte, le Gouvernement propose de poser des jalons pour lancer la discussion sur le champ de la régulation des plateformes, en commençant par définir explicitement la notion d’ « opérateurs de plateformes en ligne » dans le code de la consommation afin de renforcer les obligations de transparence et de loyauté de cette nouvelle catégorie d’intermédiaires du commerce électronique vis-à-vis des consommateurs.
1. Une nouvelle catégorie d’intermédiaires du commerce électronique soumise à une obligation générale de loyauté vis-à-vis des consommateurs (article 22)
L’article 22 du projet de loi propose de modifier l’article L. 111-5-1 du code de la consommation afin d’introduire explicitement dans la loi le concept d’« opérateurs de plateforme en ligne ».
Sont qualifiés comme tels, toute personne exerçant à titre professionnel des activités consistant à :
– classer ou référencer des contenus (photos, vidéos, fichiers…), biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers : sont visés les moteurs de recherche et les sites de référencement, c’est-à-dire les sites internet proposant une application permettant de trouver des ressources à partir d’une requête sous forme de mots ;
– ou à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il peut s’agir aussi bien de plateformes mettant en relation des professionnels ou des non-professionnels (économie de partage ou collaborative comme AirBnB, Uber, BlaBlaCar…) ou encore des professionnels et des consommateurs sur des sites de vente en ligne, souvent appelées « places de marché » (Amazon, eBay, Booking.com…).
Cet article élargit le contenu de l’obligation générale de loyauté inscrite à l’article L. 111-5-1 du code de la consommation depuis la loi du 6 août 2005. Les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus de délivrer une « information loyale, claire et transparente » sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’ils proposent et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des « contenus, biens et services » auxquels ils permettent « d’accéder » et non plus seulement des « offres mises en ligne ».
Il est également précisé qu’ils doivent, dans ce cadre, faire apparaître clairement trois types d’informations : l’existence ou non d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées ; l’existence ou non d’une rémunération par les personnes référencées et, le cas échéant, l’impact de cette rémunération sur le classement des contenus, biens ou services proposés.
Votre rapporteur considère que la définition des opérateurs de plateformes en ligne retenue par l’article 22 manque de précision tandis que la nature des informations à transmettre au consommateur est assez vaste. C’est la raison pour laquelle il a proposé à votre Commission de réécrire largement l’article 22 pour préciser que :
– la qualification d’opérateur de plateforme en ligne ne remet pas en cause la summa divisio instaurée par l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 précitée, entre la qualité d’hébergeur et celle d’éditeur de contenus en ligne ni le régime de responsabilité qui leur est associé, mais qu’elle s’y superpose ;
– l’activité de classement ou de référencement réalisée par les opérateurs de plateformes en ligne doit reposer sur l’utilisation d’un ou plusieurs algorithmes informatiques ;
– les comparateurs de prix font partie des opérateurs de plateforme en ligne si bien que l’article L. 111-5 du code de la consommation doit être abrogé car devenu obsolète ;
– l’obligation générale de loyauté qui pèse sur tous les opérateurs de plateformes en ligne doit être circonscrite afin de permettre au consommateur de visualiser clairement les résultats de sa requête selon qu’ils sont classés ou référencés favorablement par l’opérateur en contrepartie d’une relation commerciale ou capitalistique ou d’une rémunération directe avec la ou les personnes classées, référencées ou mises en relation. La Commission a donc supprimé l’obligation de préciser explicitement au consommateur l’existence de lien contractuel ou capitalistique avec les personnes référencées ou l’existence d’une rémunération directe avec ces personnes lorsqu’elles n’ont aucune influence sur le classement ou le référencement ;
– les informations à délivrer au consommateur à ce titre prendront la forme d’une description générique et intelligible à inclure dans les conditions générales d’utilisation des opérateurs de plateforme en ligne.
La mise en œuvre de cette disposition appellera des contrôles par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui pourra, le cas échéant, prononcer des amendes administratives en cas de non-respect des obligations mises à la charge des opérateurs de plateformes en ligne. L’article L. 111-6-1 du code de la consommation prévoit en effet que tout manquement aux articles L. 111-5 et L. 111-5-1 du même code est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2.
Pour autant, au cours des auditions menées par votre rapporteur, certains ont mis en doute l’intérêt d’un dispositif de régulation des plateformes en ligne au niveau national au motif que les principaux acteurs du marché n’ont pas leur siège social sur notre territoire, ni même au sein de l’Union européenne, et qu’ils pourraient donc s’y soustraire. Toutefois, l’ensemble des opérateurs de plateformes en ligne auditionnés n’a pas remis en cause la légitimité du dispositif proposé par le Gouvernement. Ces opérateurs sont en effet extrêmement sensibles à ne pas se trouver en situation d’illégalité délibérée afin de préserver leur réputation. Ils pourront, le cas échéant, être conduits devant les tribunaux français s’ils dirigent leur activité vers la France ou causent un dommage à un consommateur sur le territoire national (32).
2. La création d’un dispositif d’autorégulation de la loyauté des principales plateformes en ligne (article 23)
La décision de réguler ou non les plateformes en ligne les plus influentes est un choix politique dépassant la seule dimension économique dans la mesure où il s’agit d’éviter que l’internet ne soit accaparé par une poignée d’acteurs dont l’influence est majeure sur les choix opérés par les utilisateurs en raison de leur rôle d’intermédiation.
Sans vouloir aller jusqu’à instaurer un dispositif de régulation spécifique des plateformes en ligne, à l’instar de celui applicable aux opérateurs de communications électroniques par exemple, le Gouvernement entend dès à présent encourager les plateformes les plus influentes à aller plus loin que l’obligation générale de loyauté introduite à l’article 22 du projet de loi, en renforçant la transparence sur leurs conditions commerciales. Il s’agit de permettre aux consommateurs de mieux les appréhender et le cas échéant de mieux les comparer.
L’objectif de l’autorégulation prévue par l’article 23 est donc de viser les quelques dizaines de plateformes structurantes pour l’économie française dont la liste sera déterminée à partir d’un seuil de nombre de connexions défini par décret. Les opérateurs de plateformes en ligne de moindre envergure ne seront donc pas tenus par ces obligations mais pourront s’y soumettre volontairement.
Ce mécanisme d’autorégulation, introduit au nouvel article L. 111-5-2 du code de la consommation, invite les opérateurs des plateformes concernées à :
– élaborer et diffuser auprès des consommateurs des bonnes pratiques en matière de transparence et de loyauté ;
– définir des indicateurs permettant d’apprécier le respect de leurs obligations de clarté, de transparence et de loyauté ;
– de rendre périodiquement publics les résultats de l’évaluation de ces indicateurs.
Il faudra ensuite s’assurer de l’effectivité de ce mécanisme d’autorégulation des plateformes en ligne. C’est la raison pour laquelle de nouveaux pouvoirs sont conférés à la DGCCRF, principale autorité administrative compétente pour veiller au respect des obligations de loyauté des entreprises à l’égard des consommateurs.
Ces nouveaux pouvoirs recouvrent :
– le pouvoir de procéder à des enquêtes administratives auprès des plateformes en ligne et de tout organisme participant à l’évaluation de leurs pratiques dans les mêmes conditions que les enquêtes de concurrence qui lui sont déjà confiées par le code de commerce (demande d’informations, visites et saisies…) ;
– le pouvoir de publier une liste noire des plateformes ne respectant pas leurs obligations au titre des articles L. 111-5-1 et L. 111-5-2 du code de la consommation tels que régis par le présent projet de loi ;
– le pouvoir de publier par elle-même, ou par un organisme compétent désigné à cet effet, les résultats des indicateurs en recueillant directement auprès des plateformes les données nécessaires à cette évaluation.
Ce dispositif a été réécrit par la commission des Lois à l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, pour assurer un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et intervention de la DGCCRF et parvenir à une information fiable et complète à destination des utilisateurs de ces plateformes. Il est en outre prévu, désormais, à titre expérimental, la possibilité pour le Conseil national du numérique – dont une des missions, fixée par le décret n° 2012-1400 du 13 décembre 2012, est d’organiser des concertations régulières, au niveau national et territorial, avec les élus, la société civile et le monde économique – de lancer une plateforme d’échange citoyen et de recueil d’avis sur les pratiques des plateformes en ligne. Si cette expérimentation fonctionne, elle pourrait être une étape intermédiaire et participative entre l’autorégulation et le contrôle administratif, et s’inscrire dans une logique de dialogue ouvert avec les plateformes comme avec l’autorité administrative sur les résultats de son action.
Suivant la même logique, le projet de loi fixe une obligation d’information loyale sur la qualité des avis publiés sur l’internet (article 24) et renforce l’information des consommateurs concernant les débits de connexion proposés dans les contrats par les opérateurs de communications électroniques (article 25).
La confiance des entreprises et des consommateurs étant la clé de voûte de l’économie numérique, l’article 24 du présent projet de loi introduit dans le code de la consommation un nouvel article L. 111-5-3 imposant à toute personne physique ou morale mettant en ligne des avis provenant de consommateurs d’indiquer, de manière explicite, si la publication de ces avis a fait l’objet d’un processus de vérification, qu’il soit interne ou externe. Si tel est le cas, la personne est tenue d’en préciser clairement les principales modalités et de mettre ces informations à disposition des consommateurs de manière préalable. L’objectif poursuivi est d’éviter les « mésusages » des avis en ligne, comme la publication de « faux avis » mettant en jeu de manière déloyale la réputation de telle ou telle entreprise. Ce dispositif permettra donc d’améliorer la fiabilité des informations délivrées au consommateur (33). Il faut d’ailleurs souligner le principal apport de la commission des Lois à cet article qui résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Ce dernier complète le dispositif proposé pour permettre aux consommateurs de connaître les motifs qui conduisent à la non publication de leur avis et aux entreprises de signaler, par l’intermédiaire d’une fonctionnalité gratuite en ligne, les avis abusifs qui sont de nature à gêner leur activité, sous réserve d’être expressément motivés.
Dans le même ordre d’idée, l’article 25 du présent projet de loi précise, dans le code des communications électroniques, que conformément aux dispositions du règlement « marché unique des communications électroniques » (34), les opérateurs de communications électroniques devront désormais délivrer « une explication claire et compréhensible en ce qui concerne les débits minimums, normalement disponible, maximums montants et descendants fournis lorsqu’il s’agit de services d’accès à internet fixe et une estimation des débits maximums montants et descendants fournis dans le cas de services d’accès à internet mobile, ainsi que l’incidence sur la disponibilité des services offerts d’un écart significatif par rapport au débit prévu au contrat ». Il s’agit de la reprise littérale de l’une des obligations d’information prévue par l’article 4 du règlement MUCE (35). Toutefois, sur proposition de Mme Marietta Karamanli et des membres du groupe socialiste, la commission des Lois a été encore plus précise en inscrivant à l’article L. 121-83 du code des postes et des communications électroniques un renvoi complet à l’ensemble des explications précontractuelles prévues par l’article 4) 1) d) du règlement MUCE.
C. L’AUTODÉTERMINATION INFORMATIONNELLE, UN PRINCIPE DIRECTEUR QUI DONNE SENS À DES DROITS RENOUVELÉS AU SERVICE DES INDIVIDUS
Premier élément du droit à l’autodétermination informationnelle, l’article 20 du projet de loi permet à tout utilisateur d’internet d’héberger ses propres données, par les moyens qu’il entend, en utilisant le réseau fourni par son fournisseur d’accès.
L’objectif est de conforter le pouvoir de l’individu de décider lui-même des méthodes de gestion de ses données. L’article s’inscrit ainsi dans le prolongement de l’article 26 du présent projet de loi qui inscrit le principe de libre disposition de ses données personnelles dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
L’article 20 est justifié par le fait que certains fournisseurs d’accès à internet français ne permettent pas d’héberger, derrière leur box, un serveur personnel de données, soit pour des raisons tenant à la gestion du trafic internet (allocation d’adresses IP dynamiques, gestion optimale de la bande passante) soit pour des raisons de sécurité (blocage des ports internet pour éviter des cyber attaques).
Sans contraindre tous les opérateurs à libérer tous les ports internet de toutes les box, cet article autorise désormais tout utilisateur à demander à son fournisseur d’accès de débloquer, si nécessaire, les ports internet de sa box pour pouvoir y connecter son propre serveur de données afin de les gérer et les stocker par lui-même. En cas de refus de la part de l’opérateur, l’utilisateur pourra saisir le tribunal d’instance, la DGCCRF ou l’ARCEP pour faire valoir son nouveau droit (36).
2. La consécration d’un droit à décider et contrôler les usages de ses données personnelles (article 26)
Pour assurer la pleine effectivité des droits à opposition, accès et rectification affirmés par la loi n° 78 –17 du 6 janvier 1978 dite « Informatique et libertés », il importe d’introduire un droit à la libre disposition de ses données personnelles.
L’article 26 insère un nouvel article 5 bis dans la loi du 6 janvier 1978 et affirme que « toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions et limites fixées par les lois et règlements en vigueur ».
Le Conseil national du numérique, dans son avis sur le présent projet de loi, a souligné l’importance « d’outiller les individus dans l’exercice de ce droit afin que ce principe dépasse la seule déclaration de bonnes intentions ». Il est en effet indispensable d’accompagner cette consécration de mesures concrètes tendant à renforcer les droits des personnes, en renouvelant et en adaptant les prérogatives de l’individu dans la société numérique. Le projet de loi, à l’article 21 sur la portabilité des données, à l’article 27 sur l’information sur la durée de conservation des informations à caractère personnel et à l’article 32 sur l’effacement, donne des traductions concrètes à ce nouveau droit.
À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la commission des Lois a adopté un amendement modifiant l’insertion de cet article 26 au sein de la loi n° 78 –17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en lui donnant la place symbolique qu’il mérite, à l’article premier de la loi « Informatique et Libertés ».
Par ailleurs, à l’initiative de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, avec l’avis favorable du rapporteur et défavorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 26 bis – visant à prévoir la présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL prévu par la loi « Informatique et Libertés ».
Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 26 ter – visant à imposer la publication « dans un format ouvert et réutilisable » de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL.
Le droit à la portabilité des données consacré à l’article 21 est le corollaire indispensable de la reconnaissance du droit à la libre disposition de ses données personnelles reconnu à l’article 26. Il permet à une personne d’obtenir une copie exhaustive des données faisant l’objet d’un traitement dans un format électronique couramment utilisé et de pouvoir les réutiliser ultérieurement et librement, y compris dans un environnement technique différent. Cela implique notamment que la restitution des données se fasse dans des formats ouverts et standards – permettant d’être lues par tout type de machine – et de manière complète et non dégradée. Cette proposition figurait parmi les 70 recommandations du rapport du Conseil national du numérique (37) et de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (38).
Cette notion recouvre :
– d’une part, la protection des données personnelles, qui vise à renforcer la capacité pour les individus d’exercer une maîtrise effective de l’usage des informations identifiantes ;
– d’autre part, le droit de la consommation, qui vise à offrir des droits nouveaux au consommateur – personne physique ou morale –, et le droit de la concurrence, qui cherche à réduire la « viscosité » du marché.
L’article 21 dispose, d’une part, que tout fournisseur d’un service de courrier électronique comprenant la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique propose une fonctionnalité gratuite permettant au consommateur de transférer directement ses messages et sa liste de contacts vers un autre fournisseur, dans la limite de la capacité de stockage du nouveau service.
D’autre part, aux termes de cet article, tout fournisseur d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur, en prenant toutes les mesures nécessaires à cette fin, une fonctionnalité gratuite lui permettant de récupérer :
– tous les fichiers qu’il a mis en ligne ;
– toutes les données associées à son compte utilisateur dans un standard ouvert et aisément réutilisable, lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé.
Au cours de ses débats, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements modifiant l’article 21 présenté par :
– M. Sergio Coronado, précisant que la récupération des données peut se faire de manière partielle et intégrale. Il s’agit d’éviter une interprétation restrictive de ce droit, où l’utilisateur se verrait contraint de récupérer, un à un, l’ensemble de ses messages. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;
– la commission des Affaires économiques, visant à supprimer à l’alinéa 8 la mention du transfert « direct » des mails d’un fournisseur vers un autre. En effet, l’objet de la portabilité est d’accorder la possibilité aux utilisateurs d’exporter leurs mails dans un standard applicable – après un travail de configuration et d’agrégation –, puis de les importer sans difficulté dans le nouveau service. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;
– la commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 11 pour clarifier les conditions permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de pouvoir gratuitement continuer à bénéficier des services d’envoi et de réception des mails pendant une durée de six mois. Cette rédaction écarte la mention du changement de fournisseur, qui apparaît superflue, l’utilisateur n’ayant pas à justifier d’un changement de fournisseur pour désactiver ou résilier son service de messagerie électronique et bénéficier de la disposition proposée. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement ;
– la commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 21 afin de ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services de « business to business ». Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement ;
– le Gouvernement, abaissant de douze à six mois le seuil réglementaire d’application du présent article 21 fixé au nombre de connexions, une échelle qui serait plus fiable et plus pertinente pour comparer le poids des différentes plateformes.
Renforcer l’autonomie de décision de l’individu sur les conditions et les modalités de communication et d’utilisation de ses données personnelles, c’est aussi lui permettre de décider du devenir de ses données. Cette question, laissée en grande partie sans réponse par le droit communautaire et le droit national existants, se pose avec une acuité particulière à deux moments de la vie de l’individu, lorsqu’il est un enfant d’une part, et au moment de sa disparition d’autre part. Les articles 31 et 32 du projet de loi tendent à restaurer la souveraineté de l’individu sur le devenir de ses données à ces deux moments.
En premier lieu, le I de l’article 32 consacre un droit à l’effacement accéléré au profit des personnes dont les données ont été collectées alors qu’elles étaient mineures au moment de la collecte. Ainsi que l’a relevé le Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi, il s’agit d’un droit à l’effacement des données particulièrement large, reconnu à « la personne, adulte ou non » et « sans motif » autre que la minorité (39).
Cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’article 17 du projet de règlement communautaire sur la protection des données qui fait de la minorité un motif légitime d’effacement des données à caractère personnel, sous réserve que la mise en œuvre du traitement ne soit pas nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, au respect d’une obligation légale ou à l’exercice d’une mission d’intérêt public, pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, à des fins d’archivage ou scientifiques, statistiques et historiques, ou à la constatation, l’exercice et la défense de droits en justice. Elle s’inscrit plus généralement dans le prolongement des préoccupations récentes sur le « droit à l’oubli » et le droit au déréférencement des moteurs de recherche tel qu’il a été récemment consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt Google Spain c. AEPD (40).
Il s’agit là d’une réponse à l’exposition massive des mineurs sur les réseaux numériques, à un âge où ils ont rarement conscience des conséquences de leurs choix en matière de collecte et de gestion de leurs données personnelles et où il est difficile de connaître leur âge réel ou de s’assurer du consentement effectif de leurs parents. Ainsi, 96 % des 8-17 ans utiliseraient internet et, parmi eux, 48 % seraient connectés à un réseau social sans toujours maîtriser les paramètres de protection de leurs données (41).
Le I de l’article 32 exige du responsable de traitement qu’il agisse « dans les meilleurs délais ». À défaut d’exécution ou de réponse dans un délai d’un mois après sa demande, la personne pourra saisir la CNIL qui se prononcera dans un délai de quinze jours à compter de la date de la réception de la réclamation. Ce droit s’exercera à l’égard de tout responsable de traitement et de tout site internet sous les mêmes réserves que celles énoncées par le projet de règlement communautaire, y compris à l’égard des moteurs de recherche.
En second lieu, l’article 31 et le II de l’article 32 créent, pour la première fois dans notre législation, un cadre juridique réglant le sort des données à caractère personnel d’une personne au moment de sa disparition. Il vient combler le vide juridique actuel qui entoure le devenir de ces données au décès de la personne, lequel laisse les proches ou les ayants droit du défunt relativement démunis pour les gérer.
Le II de l’article 32 ouvre à toute personne la faculté de « définir des directives relatives à la conservation et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès », directives qui justifieront la conservation de ses données au-delà de la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles avaient été collectées et traitées (article 31). Ces directives définiront « la manière dont la personne entend que soient exercés après son décès les droits qu’elle détient en application de la [loi « Informatique et libertés »] ».
Par ces directives, la personne pourra désigner une personne chargée de les exécuter. Le même article prévoit que, à défaut, ces directives seront exécutées par les héritiers désignés selon l’ordre successoral spécifique suivant : « les descendants, le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir ». Cet ordre, qui ne reprend pas le droit commun des successions, tient compte de la nature particulière des données personnelles en cause et s’inspire du droit des successions anomales – qui régit la transmission d’un souvenir, d’un bien ou d’une sépulture de famille – et du droit de la propriété littéraire et artistique
– notamment la transmission du droit de divulgation de l’œuvre posthume.
Ces dispositions constituent un réel progrès par rapport au droit existant. En effet, en l’état du droit et hors les cas dans lesquels un contrat réglerait la question, les héritiers et proches du défunt peuvent seulement entreprendre des démarches de mise à jour des informations relatives au défunt afin que le responsable du traitement « prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence », conformément aux deux derniers alinéas de l’article 40 de la loi « Informatique et libertés ».
Dans d’autres cas particuliers, ils peuvent exercer le droit d’accès indirect reconnu par l’article 39 de la même loi à l’égard de certains traitements mis en œuvre par les administrations ou personnes privées chargées d’une mission de service public aux fins de constatation des infractions, de contrôle ou de recouvrement des impositions, par exemple le fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). De même, ils peuvent se faire communiquer les informations couvertes par le secret médical lorsqu’elles sont nécessaires à la connaissance des causes de la mort ou à la défense de la mémoire du défunt, ou lorsqu’elles leur permettraient de faire valoir leurs droits (article L. 1110-4 du code de la santé publique).
Par ailleurs, certains fournisseurs de services en ligne (Facebook, Google, Instagram, Linked In, Microsoft Outlook ou Twitter) proposent à leurs clients des fonctionnalités de paramétrage du devenir des données personnelles après leur mort ou, à défaut, des interfaces permettant à leurs proches de solliciter le verrouillage ou la suppression du compte. Mais ils le font sans encadrement juridique et dans des conditions ne permettant pas d’apporter une réponse homogène et complète aux questions soulevées par la disparition de la personne.
La commission des Lois a sensiblement modifié les dispositions de l’article 31 consacrées au devenir des données d’une personne au moment de sa disparition afin de préciser, d’une part, la portée du droit reconnu à chacun de définir des directives quant à leur conservation et à leur communication et, d’autre part, les modalités de transmission des droits « Informatique et libertés » à ses héritiers en l’absence de directive de sa part.
En premier lieu, elle a adopté un amendement de Mme Marietta Karamanli, soutenu par votre rapporteur et le Gouvernement, tendant à préciser que ces directives devront faire l’objet d’un consentement spécifique de la personne et ne pourront résulter de la seule approbation des conditions générales d’utilisation du service concerné.
En second lieu, à l’initiative du Gouvernement et avec l’accord de votre rapporteur, elle a supprimé la transmission à ses héritiers des droits « Informatique et libertés » de la personne décédée en l’absence de directive de sa part. En lieu et place de ce dispositif qui soulevait de nombreuses interrogations, elle a rétabli les dispositions actuelles de notre droit qui permettent aux héritiers de demander à tout responsable de traitement qu’il soit tenu compte du décès de la personne (verrouillage du compte, mise à jour des données) et restreint la possibilité pour ces derniers d’accéder aux données du défunt au seul cas où ses données personnelles seraient « nécessaires à la liquidation et au partage de la succession ».
Près de quarante ans après sa création, la CNIL s’est durablement installée dans le paysage des régulateurs des activités numériques, aux côtés de la CADA et de l’ARCEP avec lesquelles elle travaille étroitement. Cette autorité administrative indépendante a su s’adapter aux évolutions législatives et technologiques qui ont marqué le secteur qu’elle est chargée de réguler, en parvenant à mener de front ses missions d’information des usagers de traitements, de conseil, de contrôle et de sanction des responsables de traitements, et de suivi des mutations numériques.
Le projet de loi consolide sa place et conforte son rôle à l’égard des usagers et des responsables de traitements en lui confiant des missions complémentaires de celles qu’elle remplit déjà et en améliorant les conditions dans lesquelles elle sanctionne les manquements à la loi « Informatique et libertés ».
L’article 29 élargit les missions qui lui ont été confiées par le législateur à l’article 11 de la loi « Informatique et libertés » dans trois directions :
– de manière moins restrictive que ne le prévoit l’actuel a) du 4° de cet article, il rend obligatoire sa consultation non seulement sur « tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » mais aussi sur « les dispositions de tout projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données » (1°) ;
– au même 4°, il lui confie le soin de mener une « réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques », en associant des personnalités qualifiées et la société civile sous la forme de « débats publics » (2°) ;
– au même 4°, il la charge de promouvoir « l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données » devenues un outil essentiel dans les mains de l’individu pour garantir la confidentialité et l’intégrité d’une information et assurer l’authenticité d’un message (même 2°).
À l’initiative de M. Sergio Coronado et avec un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a inscrit au 1° bis de cet article la publicité systématique des avis rendus par la CNIL sur un projet de loi, là où aujourd’hui le président d’une commission permanente parlementaire doit en solliciter la publication. Dans le même esprit, la Commission, avec l’avis favorable de votre rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, a adopté un amendement de M. Coronado insérant un article 29 bis qui rend systématiquement publics les avis de la CNIL sur tout projet de décret ou d’arrêté lorsque cette dernière est consultée en vertu d’une disposition législative.
La commission des Lois a également adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable de votre rapporteur, opérant la synthèse des amendements déposés par plusieurs parlementaires de la majorité et de l’opposition, qui ouvre, au 1° ter de l’article 29, la possibilité pour le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat de consulter la CNIL sur une proposition de loi « relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données ». Le même amendement a précisé la procédure applicable aux avis rendus par la CNIL sur un projet de loi ou de décret ou sur une proposition de loi, en prévoyant qu’elle disposerait d’un délai de six semaines pour rendre son avis, délai reconductible une fois.
En outre, l’article 30 conforte sa mission de conseil des responsables de traitements dans leur mise en conformité avec les obligations légales. Il lui permet de certifier la conformité à la loi « Informatique et libertés » des processus d’anonymisation des données personnelles (occultation, pseudonymisation, généralisation des données identifiantes…), en particulier dans la perspective de l’ouverture plus grande des données publiques prévue par l’article 4 du projet de loi. La sécurité, la fiabilité et la robustesse des techniques d’anonymisation des données personnelles contenues dans les données mises en ligne constituent en effet des enjeux essentiels, tant sont grands les risques de réidentification ultérieure de personnes par recoupements, corrélations ou inférences.
La commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, précisant que cette mission de certification pouvait consister dans un travail d’homologation et de publication de référentiels ou de méthodologies générales servant de base à une certification par des tiers.
Enfin, la mise en œuvre des dispositions de l’article 32 relatives au droit à l’effacement accéléré des données d’une personne et au devenir de ses données après sa mort nécessitera l’intervention de la CNIL, déjà habituée à veiller au respect des droits « traditionnels » de la loi « Informatique et libertés ».
S’agissant des modalités d’exercice des compétences reconnues à la CNIL, la commission des Lois, avec l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté deux amendements de M. Sergio Coronado créant deux nouveaux articles au sein du présent projet de loi :
– à l’article 30 bis, elle a institué une possibilité de coopération croisée entre la CNIL et l’ARCEP sur toute question relevant des compétences respectives de chacune de ces autorités ;
– à l’article 33 bis, elle a instauré un mécanisme de coopération entre la CNIL et son homologue d’un autre État non-membre de l’Union européenne, dès lors que cet État offre un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel.
Afin de renforcer la crédibilité de la CNIL à l’égard des responsables de traitements, l’article 33 rénove les conditions dans lesquelles elle peut prononcer des sanctions en cas de manquement aux obligations qui s’imposent à eux.
Les procédures aujourd’hui prévues par l’article 45 de la loi « Informatique et libertés » présentent des lacunes qui grèvent leur efficacité et leur crédibilité, en raison de la longueur excessive du délai de mise en demeure, de la nécessité d’une mise en demeure préalable avant le prononcé, par la formation restreinte, d’une sanction pécuniaire, d’une injonction de cesser le traitement ou d’un retrait de l’autorisation, ou encore du caractère restrictif du référé judiciaire applicable en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés.
L’article 33 remédie à ces lacunes sur trois points :
– en cas de non-respect des obligations posées par la loi, il réduit le délai de mise en demeure fixé par le président de la CNIL de cinq jours en cas d’urgence aujourd’hui à vingt-quatre heures « [e]n cas d’extrême urgence » et permet à la formation restreinte de prononcer une sanction sans mise en demeure préalable « lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure » (1° du I) ;
– en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés, il permet au président de la CNIL de demander à la juridiction compétente d’ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde de ces droits, et plus seulement les « mesures de sécurité » (2° du I) ;
– de manière générale, il renforce la publicité des sanctions en prévoyant que la formation restreinte pourra « ordonner que les personnes sanctionnées informent individuellement de [ces] sanction[s], à leur frais, chacune des personnes concernées » (II).
Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a inséré un 1° bis au sein de cet article qui clarifie les conditions dans lesquelles peut être mise en œuvre la procédure de sanctions en application du II de l’article 45 de la loi « Informatique et libertés ».
En complément des dispositions figurant déjà dans le projet de loi en la matière, la commission des Lois a inséré deux nouveaux articles tendant à renforcer la protection de la vie privée en ligne et des données à caractère personnel.
En premier lieu, sur proposition de M. Sergio Coronado et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a créé, à l’article 33 ter, une nouvelle habilitation d’association à exercer les droits reconnus à la partie civile. Cet article insère un article 2-24 au sein du code de procédure pénale permettant aux associations régulièrement déclarées depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par leurs statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Cette disposition sera de nature à renforcer l’effectivité et l’efficacité de la poursuite des infractions à la législation relative aux données personnelles.
En second lieu, à l’initiative de M. Sergio Coronado mais contre l’avis de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a souhaité renforcer, à l’article 33 quater, la répression pénale des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique »). Inspiré des conclusions du rapport d’information de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée (42), cet article complète l’article 226-1 du code pénal afin de punir d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait « de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites ».
Il ne saurait y avoir, dans une République numérique, de garantie des droits sans respect du droit au secret des correspondances. Rattaché, par le Conseil constitutionnel, aux libertés constitutionnellement garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (43) et protégé par l’article 8 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), le droit au secret des correspondances protège la confidentialité des communications privées.
Le respect de ce droit a pris une importance particulière à l’ère numérique et le législateur le garantit non seulement à l’égard des éventuelles immixtions des autorités publiques (article L. 801-1 du code de la sécurité intérieure) mais aussi des activités des opérateurs de communications électroniques (article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques). Plusieurs dispositions du code pénal répriment les atteintes de toute forme portées à ce principe (articles 226-1 à 226-3, 226-15 et 432-9).
Il doit toutefois s’appliquer avec la même vigueur à l’ensemble des personnes qui fournissent des services par lesquels transitent des échanges de nature privée, quels que soient la nature de l’activité de ces personnes et le vecteur ou la technologie de communication utilisés. Or, s’il ne fait aucun doute que ce principe s’applique aux échanges par téléphone et par SMS, un débat juridique est né sur son application aux autres échanges sur les réseaux numériques, notamment les services de téléphonie sur IP, les réseaux sociaux ou les services de messagerie en ligne.
C’est la raison pour laquelle l’article 34 du projet de loi modifie la rédaction de l’actuel article L. 32-3 du code des postes des communications électroniques afin de renforcer l’effectivité de ce principe et d’en clarifier le champ d’application.
En premier lieu, il continue de l’appliquer aux opérateurs de télécommunications mais définit sa portée en précisant qu’il concerne le contenu des correspondances, l’identité des correspondants et, le cas échéant, l’en-tête du message ainsi que les pièces jointes (I).
En deuxième lieu, il étend ce principe aux « éditeurs de services de communication au public en ligne permettant aux utilisateurs de ces services d’échanger des correspondances » (II).
En troisième et dernier lieu, il interdit tout « traitement automatisé d’analyse du contenu de la correspondance en ligne », ce qui vise les services proposés par certains acteurs à des fins de publicité comportementale, de protection de l’usager de la messagerie ou d’amélioration de ses fonctionnalités (scan des courriers électroniques). Par dérogation, il autorise de tels traitements lorsqu’ils ont pour fonction « l’affichage, le tri, l’acheminement de ces correspondances, la fourniture d’un service bénéficiant uniquement à l’utilisateur ou la détection de contenus non sollicités ou de programmes informatiques malveillants » (III).
De l’avis de votre rapporteur, le recours à des outils automatiques de scan des courriels, destinés à proposer des services à l’utilisateur et à contextualiser ou personnaliser des messages publicitaires, n’est pas de même nature que l’ouverture, l’exploitation et la révélation de correspondances privées décidées et effectuées par une personne physique. C’est la raison pour laquelle il s’est interrogé sur la pertinence et la proportionnalité du dispositif d’interdiction posée par l’article 40, au regard notamment de deux critères. Il lui est apparu nécessaire de tenir compte, dans la réflexion, d’une part, du caractère gratuit des services de réception et de gestion des courriels mis à la disposition des personnes qui les utilisent et, d’autre part, des perspectives d’évolution des modalités d’information et de recueil du consentement de ces personnes.
Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, la commission des Lois a élargi le champ des personnes soumises au respect du secret des correspondances en vertu de l’article L. 32-3 précité. Outre les éditeurs de services de communication au public en ligne au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), sont visés par cet article les « fournisseurs de services de communication au public en ligne » au sens du 2 du I de l’article 6 de la LCEN et par l’intermédiaire desquels peuvent transiter ou être conservées des correspondances privées, c’est-à-dire les hébergeurs de sites internet.
Le projet de loi ne se borne pas à consolider les droits des individus à être protégés et à décider de manière autonome des conditions de collecte et de conservation de leurs données sur les réseaux numériques. Il ouvre à ces mêmes individus de nouvelles possibilités d’agir en leur permettant de tirer tous les bénéfices des nouvelles fonctionnalités offertes par le numérique, en particulier dans le domaine des échanges sécurisés dématérialisés et des micro-paiements multimédia.
L’article 40 vient utilement encadrer et sécuriser la lettre recommandée électronique alors que coexistent aujourd’hui trois types de recommandé – le recommandé traditionnel sous format papier, le recommandé intégralement électronique et le recommandé hybride, collecté sous forme électronique mais distribué sous format papier – dans un univers juridique lacunaire et peu harmonisé.
Dans le prolongement des dispositions adoptées par l’Union européenne en matière de sécurité des transactions électroniques avec le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 dit « e-IDAS » (44), cet article insère un nouvel article L. 100 dans le code des postes et des communications électroniques, qui tend à assurer au recommandé électronique les mêmes effets juridiques que ceux attachés au recommandé postal traditionnel (I).
À cette fin, il encadre ses modalités de distribution en exigeant qu’il soit délivré, d’une part, par un prestataire reconnu comme un prestataire de service de confiance qualifié pour les services d’envoi recommandé électronique au sens du droit communautaire (1°) et, d’autre part, par l’intermédiaire d’un « procédé électronique permet[tant] de garantir l’identité du destinataire » qui devra « donner son accord exprès pour l’utilisation d’un tel procédé » (2°).
Par ailleurs, la responsabilité contractuelle et délictuelle du prestataire chargé de délivrer le recommandé électronique pourra être engagée en cas de retard dans la délivrance, de perte de la lettre ou d’avaries au cours de la prestation (II). Enfin, il est confié à l’ARCEP le soin de veiller au respect par tout prestataire de recommandé électronique des obligations législatives et réglementaires et de sanctionner les éventuels manquements à celles-ci, dans les conditions aujourd’hui prévues par l’article L. 36-11 du même code (III et IV).
Mieux sécurisé, le recommandé électronique pourra ainsi être davantage utilisé dans les relations entre les entreprises, les citoyens et les autorités publiques.
Avec l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements présentés par Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et M. Lionel Tardy, qui complètent ou précisent les conditions pour que l’envoi recommandé électronique bénéficie des mêmes effets juridiques que l’envoi recommandé postal, notamment en matière d’information claire, transparente et loyale des consommateurs sur les prestataires de services d’envoi de recommandé électronique.
L’article 41 vise, quant à lui, à faciliter certaines opérations de paiement ou don multimédia proposées par un opérateur de communications électroniques et imputées sur la facture de l’abonné (opérations dites de « facturation opérateur »).
De telles opérations existent déjà en partie, en vertu du 1° de l’article L. 311-4 du code monétaire et financier (45), mais ne sont admises que dans des conditions relativement restrictives, exigeant que l’opérateur apporte une valeur ajoutée au bien ou service proposé (systèmes d’accès, de recherche ou de distribution…) et que le bien ou service soit utilisé à l’aide de l’appareil numérique (portable, ordinateur….) ayant servi à son achat.
L’article 41, qui transpose dans notre droit certaines dispositions de la directive dite « services de paiement 2 » (46), insère dans ce même code deux nouveaux articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 afin d’élargir le champ des opérations susceptibles d’être proposées par l’opérateur à ses abonnés en matière de micro-paiements ou de dons par SMS :
– il vise « l’achat de contenu numérique et de services vocaux, quel que soit le dispositif utilisé pour l’achat ou la consommation du contenu numérique » : sont concernés les contenus numériques et les services vocaux ayant trait aux loisirs (téléchargements de vidéos, de musique ou de jeux…), à l’information (météo, actualités, résultats sportifs, cours de bourse…), aux renseignements téléphoniques ou à la participation à des émissions de radio ou de télévision ;
– il autorise la fourniture de services de don multimédia au profit d’organismes faisant appel public à la générosité, en particulier de dons par SMS, ce qui permettra aux associations caritatives de développer et de diversifier les supports de leur collecte de dons ;
– il permet l’achat multimédia de tickets électroniques.
Dans la mesure où elle déroge au cadre juridique applicable aux activités de prestataire de services de paiement, l’activité de paiement des opérateurs sera exemptée d’agrément mais continuera d’être soumise au régime de déclaration préalable auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et au contrôle de cette dernière. Par ailleurs, la valeur de chaque opération de paiement isolée ne pourra excéder 50 euros et le cumul mensuel de toutes les opérations 300 euros.
Le sport électronique – communément appelé e –sport – désigne la pratique du jeu vidéo sous une forme professionnalisée. La compétition la plus connue est la « coupe du monde League of Legends », qui a été regardée en direct par plus de 32 millions de personnes en 2015. Les tournois sont de mieux en mieux dotés, la compétition « The international Dota 2 » proposant par exemple 11 millions de dollars de gains. Les joueurs, appelés « gamers », peuvent jouer seuls ou en équipe dans ces événements organisés par des associations, des organisations professionnelles, et de plus en plus souvent par des éditeurs de jeux vidéo.
Le développement des compétitions de jeux vidéo est un phénomène mondial, particulièrement en Asie et en Amérique du Nord. Selon l’étude d’impact, en France, il y aurait environ 850 000 pratiquants réguliers, et on assiste à l’émergence d’une scène professionnelle avec près de 50 jeunes Français qui sont rétribués pour leur activité, que celle –ci soit liée aux gains lors des tournois, aux sponsors ou aux commentaires de parties diffusées en ligne.
Lors de la consultation publique sur le projet de loi, la proposition du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) visant à sécuriser l’organisation de ces compétitions en introduisant une exception à l’interdiction des loteries a recueilli un très grand succès auprès des internautes. Après examen de la proposition, le Gouvernement a décidé d’utiliser ce projet de loi pour répondre aux attentes des joueurs et des organisateurs. Le présent article a donc été ajouté. L’étude d’impact indique qu’une mission parlementaire devrait être très rapidement lancée pour proposer un cadre complet afin de développer ces activités et leur organisation, clarifier le statut des joueurs et soutenir le développement de ce secteur économique.
L’article 42 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le code de la sécurité intérieure afin de définir, par dérogation à l’interdiction générale des loteries, le régime particulier applicable aux compétitions de jeux vidéo, tels que définis à l’article 220 terdecies II du code général des impôts (47), pour en faciliter l’organisation.
Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
À l’initiative de votre rapporteur, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Emeric Bréhier et contre l’avis du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, sans recourir à l’ordonnance.
Aux termes de la nouvelle rédaction de l’article, un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la jeunesse aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo, notamment à dominante sportive, requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions, protéger les mineurs, prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et les atteintes à la santé publique. Par ailleurs, cet article dispose qu’un arrêté du ministre chargé de la jeunesse fixe la liste des logiciels de loisirs pour lesquels les organisateurs de compétitions peuvent bénéficier de l’agrément.
La République numérique exige que chacun de ses citoyens puisse accéder non seulement aux technologies numériques mais aussi à leurs usages et aux services qu’elles proposent. À cet effet, le troisième volet du projet de loi, qui vise à garantir l’accès au numérique pour tous, s’attache à développer la couverture numérique des territoires, par le renforcement de l’action des territoires en matière de développement numérique ainsi que l’amélioration de la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs (A), et à améliorer l’accès de tous au numérique, notamment pour les personnes handicapées et celles qui rencontrent des difficultés financières (B).
UNE DIMENSION TERRITORIALE INDÉNIABLE
– Favoriser la mise en place d’une stratégie de développement des usages et services numériques au niveau départemental : actuellement de nombreuses collectivités territoriales encouragent le développement des usages et des services numériques sur leur territoire. L’objectif du projet de loi est d’assurer la cohérence de ces initiatives en étendant aux usages et services numériques la démarche des schémas territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN). Cette démarche suppose une coordination au niveau départemental ou supra-départemental entre tous les acteurs concernés (collectivités territoriales, opérateurs, représentants de l’État dans les départements ou la région concernés…) afin d’améliorer la cohérence et la pertinence des choix faits en matière de politique de développement des usages et des services numériques.
– Accélérer la réalisation du Plan France – Très Haut Débit à travers le regroupement de syndicats mixtes : le projet de loi autorise, à titre dérogatoire, le regroupement de syndicats mixtes ouverts ayant reçu, de la part des collectivités, la compétence pour développer un réseau de communications électroniques, afin de parvenir à l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, conformément au Plan France Très Haut Débit (PFTHD) lancé en 2013. La possibilité d’un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert – sans devoir être dissous – ne serait ouverte que pour la réalisation de cet objectif et pour une période limitée dans le temps, s’achevant le 31 décembre 2021.
– Améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs mobiles sur le territoire et développer de nouveaux services numériques : l’amélioration de la couverture mobile du territoire de même que le nouveau mode de calcul des redevances pour l’occupation et l’utilisation du domaine public hertzien par les opérateurs mobiles devrait permettre le développement de services numériques innovants. Par ailleurs, l’amélioration de l’entretien des abords des lignes de téléphonie fixe devrait renforcer la qualité du service rendu aux usagers.
LES ENJEUX DE L’ACCESSIBILITÉ
– Accessibilité des services publics, des services clients et des offres de communications électroniques aux personnes sourdes et malentendantes : mise en place d’une offre de traduction écrite, simultanée ou visuelle permettant aux personnes souffrant d’une déficience auditive de communiquer dans la vie quotidienne avec une personne entendante (transcription écrite, intervention d’interprètes en langue des signes française ou de codeurs en langage parlé complété).
– Accessibilité des sites internet publics aux personnes handicapées : adaptation de la configuration et de la présentation des sites internet des administrations de l’État, des collectivités territoriales et des délégataires d’une mission de service public selon des normes permettant la perception, l’utilisation et la compréhension des informations qu’ils contiennent aux personnes handicapées.
– Maintien temporaire de la connexion internet : interdiction faite à tout opérateur de couper l’accès à une connexion internet d’une personne qui n’a pas les moyens de payer sa facture si elle a demandé une aide financière de la collectivité et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande.
La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a accru les facultés d’intervention des collectivités territoriales en matière d’établissement de réseaux de communications électroniques en leur permettant d’établir et d’exploiter ces réseaux. Ces compétences nouvelles ont été codifiées à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et renforcées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Macron ») et par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation du territoire de la République (NOTRe).
Les collectivités territoriales sont en effet de plus en plus sollicitées pour accompagner la transition numérique du territoire français dans le cadre de multiples projets : le déploiement opérationnel du très haut débit fixe (2015-2022), la couverture mobile du territoire (2016-2017), le déploiement du plan numérique éducatif (2016), la dématérialisation complète des documents d’urbanisme, des marchés publics et des demandes de subvention, des factures (2017), de la chaîne comptable et financière (2017-2019), la saisine électronique par les usagers, le principe du « silence vaut acceptation ! » (novembre 2016), le programme « France Connect » (2016), le programme « Dites-le nous une fois ! »…
Le présent projet de loi s’inscrit dans ce contexte et propose de renforcer l’action des territoires dans le développement du numérique en favorisant la cohérence des initiatives locales en matière d’usages et de services numériques dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN) (article 35), ainsi que la mutualisation des moyens à l’échelle supra-départementale pour parvenir à la réalisation du plan France Très Haut Débit à l’horizon 2022 (article 36).
Parallèlement, le présent projet de loi entend améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs sur le territoire à travers la mise à disposition et la réutilisation libre des cartes de couverture numérique des opérateurs mobiles (article 37), la clarification des modalités de calcul des redevances des fréquences dues par ces opérateurs en fonction de leur utilisation prévue et réalisée (article 38) et l’instauration d’une obligation d’entretien et de renouvellement du réseau des lignes téléphoniques fixes sur l’ensemble du territoire national (article 39).
a. Encourager l’élaboration d’une stratégie départementale en faveur des usages et des services numériques (article 35)
Les usages et services numériques proposés par les collectivités territoriales sont très variés. Ils peuvent, par exemple, porter sur l’ouverture massive des données publiques, la médiation via le numérique au service des citoyens, la promotion d’actions de formation au numérique ou de nouveaux modes d’apprentissage…
L’article 35 du présent projet de loi introduit un nouvel article L. 1425-3 au sein du code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités qui le souhaitent d’inclure, dans le SDTAN, une stratégie de développement des usages et des services numériques utilisant les infrastructures et réseaux de communications électroniques du territoire.
Ces schémas directeurs territoriaux n’auront qu’une valeur indicative et visent essentiellement à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l’investissement privé, ainsi que la mise en place de ressources partagées et mutualisées, y compris en matière de médiation numérique, afin de doter l’ensemble des territoires d’un maillage équilibré de services numériques (48).
À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, votre Commission a adopté un amendement visant à simplifier la description du volet « services et usages numériques » du SDTAN pour la concentrer sur ses caractéristiques principales.
b. Assouplir les conditions d’association de syndicats mixtes pour réaliser le plan France-Très Haut Débit à l’horizon 2022 (article 36)
Dans un discours prononcé le 20 février 2013, le Président de la République a défini les premières orientations de la stratégie de croissance pour une ambition numérique visant à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022. Il a ainsi lancé le plan France Très Haut Débit (PFTHD) qui succède au programme national très haut débit lancé en 2010.
Le PFTHD prévoit en effet un partage des investissements entre opérateurs privés et collectivités territoriales pour parvenir à la couverture totale du territoire en très haut débit d’ici 2022 :
– sur un territoire représentant 57 % de la population, les opérateurs s’engagent à déployer des réseaux privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l’État et les collectivités concernées ;
– sur le reste du territoire (43 % de la population), les collectivités territoriales sont nécessairement conduites à créer des réseaux d’initiative publique ouverts à tous les opérateurs, ce qui implique des investissements de très grande ampleur avec le soutien technique et financier de l’État. Il faut à cet égard souligner que la politique de financement menée par le PFTHD prévoit une prime aux réseaux d’initiative publique d’envergure pluri-départementale qui bénéficient d’une majoration de subvention de 10 % pour deux départements et de 15 % pour trois et plus.
Toutefois, de nombreuses collectivités territoriales se sont lancées dans le développement du très haut débit à travers des groupements d’une échelle départementale voire infra-départementale et sont désormais propriétaires des réseaux d’initiative publiques qu’elles ont financées. Or, il apparaît aujourd’hui nécessaire de réussir à commercialiser ces réseaux d’initiative publique à une plus grande échelle afin d’attirer les fournisseurs d’accès à internet pour qu’ils exploitent ces réseaux. Plusieurs solutions sont envisageables comme la création d’un syndicat mixte ouvert à l’échelle régionale, en Bretagne par exemple, ou encore la création de sociétés publiques locales chargées de commercialiser et d’exploiter les réseaux de communications électroniques de ses membres, comme il en existe en Auvergne ou en Aquitaine.
L’article 36 du présent projet de loi s’inscrit dans ce contexte en autorisant, à titre dérogatoire, le regroupement de syndicats mixtes ouverts ayant reçu, de la part des collectivités, la compétence pour développer un réseau de communications électroniques, afin de parvenir à l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, conformément au Plan France Très Haut Débit (PFTHD). La possibilité d’un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert – sans devoir être dissous – ne serait ouverte que pour la réalisation de cet objectif et pour une période limitée dans le temps, s’achevant le 31 décembre 2021(49). Toutefois, à l’initiative de Mme Marianne Chapdelaine et les autres membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de réécriture globale du présent article, sous-amendé par votre rapporteur, qui vise à encadrer plus étroitement la période pendant laquelle des syndicats mixtes ouverts peuvent être constitués avec d’autres syndicats mixtes ouverts, en fixant la limite de ce dispositif au 31 décembre 2019.
La commission des Lois a adopté plusieurs articles additionnels après l’article 37 du projet de loi pour encourager davantage la couverture numérique du territoire à travers :
– l’article 37 A, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rend les dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile sur la période 2015-2022 éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
– l’article 37 B, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rétablit la servitude de passage sur les façades et les murs d’immeubles au bénéfice de tous les opérateurs pour pouvoir accrocher le câble de fibre optique en suivant le cheminement des câbles existants en façade ou poser de nouveaux systèmes d’accroche ;
– l’article 37 C, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui interdit au propriétaire d’un immeuble à usage mixte ou à la copropriété de s’opposer, sauf motif sérieux et légitime, à l’installation de la fibre optique dans les parties communes de l’immeuble lorsque les infrastructures d’accueil disponibles le permettent dès lors que l’occupant d’un logement a souhaité mettre en œuvre son « droit à la fibre » ;
– l’article 37 bis, introduit à l’initiative de M. Patrice Martin-Lalande, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui autorise l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches en terme de couverture mobile de deuxième génération, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
a. Permettre la réutilisation libre des cartes de couverture numérique des opérateurs mobiles (article 37)
Afin de favoriser la concurrence entre les opérateurs de téléphonie mobile pour déployer sur l’intégralité du territoire français des technologies mobiles les plus innovantes (3G, 4G, 4G+) et encourager la création de nouveaux services aux entreprises ou aux usagers à partir des données servant à établir les cartes de couverture mobile, l’article 37 du présent projet de loi impose à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de mettre à disposition du public, par voie électronique, sous un standard ouvert et réutilisable (en « open data » en anglais), sous réserve d’en mentionner la source, les données suivantes :
– les cartes numériques de couverture du territoire que les fournisseurs de services de communications électroniques sont déjà tenus de publier ;
– les données servant à les établir qui sont transmises préalablement à l’Autorité, lesquelles sont d’ores et déjà publiées pour l’essentiel par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) sur le site www.cartoradio.fr.
Dans son avis, le Conseil d’État a considéré que cette disposition impose « des obligations proportionnées » aux opérateurs de téléphonie mobile au regard des objectifs poursuivis(50).
b. Calculer les redevances des fréquences dues par les opérateurs en fonction de leur utilisation prévue et réalisée (article 38)
Dans un arrêt du 29 décembre 2014 (51), le Conseil d’État a annulé un décret (52) qui prévoyait la multiplication par six du montant de la part fixe de la redevance du domaine public hertzien imposée aux opérateurs de téléphonie mobile visant à prendre en compte la levée des restrictions technologiques dans la bande 1 800 MHz initialement autorisée pour la fourniture du service mobile de deuxième génération (2G). Cette annulation était motivée par le fait que la méthode d’évaluation de la valeur économique des fréquences retenue ne tenait pas parfaitement compte des conditions d’utilisation des fréquences par l’opérateur concerné. En effet, l’évaluation des avantages procurés aux opérateurs retenait l’hypothèse que ces fréquences pourraient être exclusivement utilisées pour la fourniture de service mobile de quatrième génération (4G) alors que les fréquences en cause ne pouvaient, en fait, être utilisées, au moins pendant un temps, exclusivement avec la norme 4G, compte tenu de la nécessité pour l’opérateur de continuer d’acheminer sur cette bande de fréquences un volume notable de communications par le biais de la norme 2G, lui procurant des avantages moindres.
Selon le Gouvernement, « une lecture trop littérale de cet arrêt ne permettrait plus à l’État de fixer des redevances incitant les opérateurs mobiles à couvrir le plus vite possible le territoire avec les technologies les plus modernes ».
C’est la raison pour laquelle l’article 38 du présent projet de loi propose d’introduire un nouvel article au sein du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), numéroté L. 2125-10, précisant les modalités de calcul des redevances dues par les opérateurs mobiles pour l’occupation ou l’utilisation du spectre hertzien.
Le premier alinéa de ce nouvel article L. 2125-10 prévoit que la redevance due, par un opérateur de communications électroniques, pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public des fréquences radioélectriques, tient compte :
– d’une part, des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation eu égard à l’utilisation à laquelle ces fréquences sont destinées ;
– d’autre part, de l’objectif d’utilisation et de gestion efficaces des fréquences radioélectriques.
L’objectif poursuivi par le Gouvernement est que « le montant de la redevance contribue à une utilisation optimale du spectre » conformément à l’article 13 de la directive « Autorisation » (53).
Les deuxième et troisième alinéas de ce nouvel article L. 2125-10 prévoient par ailleurs que les fréquences radioélectriques qui n’ont pas été spécifiquement assignées à un utilisateur ne donnent pas lieu à redevances de même que celles autorisées à des fins exclusivement expérimentales. Il s’agit d’encourager les projets innovants de partage de fréquences (objets connectés, e-santé, villes intelligentes…), comme le préconise le rapport intitulé « Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance » remis par Madame Joëlle Tolédano en mars 2014 (54).
L’article 39 du présent projet de loi s’inspire de la proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, déposée par notre collègue André Chassaigne le 16 décembre 2014, qui a été adoptée à l’unanimité le 7 mai 2015 en première lecture à l’Assemblée nationale (55).
L’objectif de cette proposition de loi était d’apporter des solutions à la dégradation du service téléphonique fixe consécutive au défaut d’entretien des abords des réseaux fixes de communications électroniques ouverts au public. Son premier chapitre visait à qualifier l’entretien des réseaux fixes et de leurs abords d’utilité publique. Sur cette base, le texte rétablissait la servitude d’élagage introduite en 1984 et rendait l’opérateur Orange (56) entièrement responsable de l’entretien des abords de son réseau, étant précisé que le propriétaire pouvait le faire, pour le compte de l’opérateur, après l’en avoir informé et avoir recueilli son accord. Le second chapitre renforçait quant à lui l’encadrement de l’opérateur chargé du service universel par deux obligations : dresser un état des lieux détaillé du réseau fixe et renforcer le régime de sanction applicable par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en cas de manquement de l’opérateur à ses obligations. Cette proposition de loi n’a pas encore été examinée par le Sénat.
Le projet de loi reprend une grande partie des dispositions de cette proposition de loi mais, par rapport à la version adoptée par l’Assemblée nationale, renverse le régime de responsabilité en imposant désormais aux propriétaires d’effectuer lui-même l’entretien des abords des réseaux, tout en permettant à l’opérateur de le faire à ses frais sur une base volontaire, et le lui impose si le propriétaire n’est pas connu. Il est confirmé que lorsque cet entretien n’est assuré par aucun d’entre eux, le maire peut s’en charger aux frais des opérateurs.
La technologie présente une certaine ambivalence au regard des conditions d’accès au numérique. Source d’innovations et porteuse de facilités d’apprentissage et d’usage, elle permet aux individus de gagner en autonomie et de s’investir dans des champs d’action et du savoir auxquels ils ne pouvaient, jusqu’alors, pas accéder aussi facilement (économie collaborative, création et partage de savoirs, recours des personnes handicapées à certaines technologies adaptées à leur handicap, comme les SMS, la visiophonie ou la synthèse et la reconnaissance vocales). Dans le même temps, elle crée de nouvelles exclusions et creuse des inégalités existantes au détriment des personnes qui n’en maîtrisent pas les codes ou ne disposent pas des moyens suffisants pour l’utiliser.
À l’ère numérique, la République doit permettre à chacun de nos concitoyens de pouvoir accéder, dans les meilleures conditions possibles, à internet, en tenant compte, le cas échéant, de leur handicap ou des difficultés financières qu’ils peuvent rencontrer. Tel est l’objet du chapitre III du titre III du projet de loi, consacré à l’accès des publics fragiles au numérique, qu’il s’agisse de l’accès aux services téléphoniques, aux sites internet publics ou à une connexion internet.
1. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un enjeu pour l’égalité des citoyens dans la société numérique (articles 43 et 44)
En premier lieu, le projet de loi renforce les conditions d’accessibilité de certains services numériques aux personnes handicapées.
a. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un principe inscrit dans notre droit qui peine à se traduire dans les faits
Le principe d’égal accès des personnes handicapées à toutes les sphères de la Cité a été consacré par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, notamment en matière de scolarité, d’enseignement supérieur et professionnel, d’emploi, de cadre bâti, de transports et de nouvelles technologies.
L’article 47 de cette loi dispose ainsi que « [l]es services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées » et que « [l]’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation ». À cet effet, un référentiel général d’accessibilité a été mis en place en 2009 afin d’harmoniser les conditions d’accessibilité que ces sites doivent respecter et des mesures d’encouragement des administrations ont été prises (labellisation, formations, chartes…).
En vertu de l’article 78 de la même loi, « [d]ans leurs relations avec les services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant ».
Les opérateurs de communications électroniques doivent également prendre diverses mesures en faveur des utilisateurs handicapés pour qu’ils bénéficient d’un accès équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs, et à un tarif abordable, aux prestations de service universel (téléphonie fixe, renseignements et annuaires…) depuis 2003 (57) et, depuis la transposition du troisième « paquet télécom » (58) en 2011, aux services de communications électroniques, y compris les services dédiés à la clientèle, les contrats, les factures, la documentation et les équipements (59), ainsi qu’aux services d’urgence, pour lesquels un centre national de relais spécifique – le 114 – a été créé en 2011 (60). Ces dispositions ont été complétées par l’expérimentation conduite par l’État, en 2014 et 2015, d’un centre relais généraliste destiné à traiter les communications interpersonnelles entre les personnes sourdes et malentendantes et les personnes entendantes.
Malgré tout, l’accessibilité des services téléphoniques et des sites internet publics aux personnes handicapées demeure insuffisante, comme ont pu le confirmer les auditions conduites par votre rapporteur sur ce sujet :
– s’agissant des services téléphoniques, l’expérimentation, l’année dernière, d’un centre relais généraliste a fait naître de nombreuses attentes de la part des personnes déficientes auditives qui souhaiteraient pouvoir communiquer avec un tiers dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre personne ; au surplus, toutes les administrations et entreprises ne se sont pas encore dotées de services téléphoniques d’accueil ou de relations clients accessibles aux personnes sourdes et malentendantes ;
– la mise en accessibilité des sites internet publics demeure, quant à elle, largement insuffisante puisque seuls 4 % des sites se seraient conformés aux règles posées par la loi, d’après une étude réalisée par l’association Braillenet en 2014 (61).
b. Le renforcement de l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet publics
Les articles 43 et 44 du projet de loi tendent à réparer ces insuffisances, afin de garantir, dans un délai de deux à cinq ans, une meilleure intégration des personnes handicapées dans la société numérique et singulièrement des sourds et malentendants.
i. La mise en accessibilité des services téléphoniques des administrations et des entreprises aux personnes sourdes et malentendantes
L’article 43 renforce les obligations de mise en accessibilité des services téléphoniques aux personnes sourdes et malentendantes.
Le I de l’article 43, qui modifie l’article 78 de la loi du 11 février 2005 précitée relatif à la traduction des informations orales ou sonores délivrées par les services publics aux personnes déficientes auditives, prévoit que l’accueil téléphonique des services publics gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, devra être rendu accessible aux personnes sourdes et malentendantes « par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle » ou, à défaut, « d’un service de communication au public en ligne, en respectant les mêmes conditions de traduction ».
À l’initiative de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé que le service de traduction mis en place par les services publics devrait respecter la confidentialité des conversations traduites ou transcrites.
Le II du même article, qui complète l’article L. 113-5 du code de la consommation aux termes duquel toute entreprise doit mettre en place un numéro de téléphone client non surtaxé pour la bonne exécution du contrat ou le traitement des réclamations, impose aux « entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret » de rendre ce numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes et ce, dans les mêmes conditions (mise à disposition d’un service de traduction ou, à défaut, d’un service de communication au public en ligne équivalent).
En vertu du III de l’article 43, qui modifie l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs de communications électroniques devront proposer « [u]n accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un tarif abordable, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle ».
À la différence des deux services téléphoniques précédents, qui ont trait à la relation de l’usager ou du client avec l’organisme concerné et doivent être rendus accessibles aux déficients auditifs gratuitement, l’offre de téléphonie visée par cette disposition concerne la communication interpersonnelle entre un sourd ou malentendant et une personne entendante et devra être proposée « à un tarif abordable », compte tenu du coût particulier généré par la mise en place d’un service de traduction à l’échelle d’un opérateur de télécommunications.
Sur proposition de la commission des Affaires économiques et avec un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé, d’une part, que la notion de « tarif abordable » devrait s’entendre comme le « prix abordable » applicable au service universel des communications électroniques et, d’autre part, que le service proposé par les opérateurs devrait être conforme aux conditions de neutralité, de confidentialité et de protection des données personnelles posées par la loi. À l’initiative de la commission des Affaires sociales et avec l’approbation de votre rapporteur ainsi que celle du Gouvernement, elle a également ajouté que ce service de traduction devrait respecter certaines exigences de qualité définies par l’ARCEP.
Enfin, suivant toujours une proposition de la rapporteure de la commission des Affaires sociales et avec l’accord du rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé les modalités de suivi de l’application de l’ensemble des dispositions de l’article 43.
Dans le prolongement de la démarche pragmatique et incitative déjà engagée en la matière, l’article 44 rénove les conditions de mise en accessibilité des sites internet publics à toutes les personnes handicapées afin d’instituer un véritable suivi des efforts entrepris par les administrations (valorisation des administrations exemplaires, stigmatisation des administrations en retard selon la logique du « name and shame ») et un meilleur accompagnement financier de leurs démarches.
D’une part, le I modifie la rédaction de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée dans trois directions :
– il étend le périmètre des personnes concernées aux « organismes délégataires d’une mission de service public » et ajoute l’obligation d’élaborer « un schéma pluriannuel de mise en accessibilité », de le rendre public et de le décliner « en plans d’action annuels » ;
– il assortit ces obligations d’un mécanisme de suivi renforcé, reposant sur l’obligation pour le site internet concerné de comporter, « sur chacune de ses pages, une mention visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’action de l’année en cours (…) et permettant aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité » ;
– il institue un mécanisme de contrôle plus effectif que celui prévu aujourd’hui – la seule inscription des sites non conformes sur une liste publique
– en sanctionnant d’une peine d’amende administrative de 5 000 euros maximum l’administration qui n’aura pas porté sur son site internet cette mention visible ou ce lien.
D’autre part, le II complète l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation afin d’élargir les compétences du Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle au financement de la mise en accessibilité des sites internet publics aux personnes handicapées et, en conséquence, d’abonder ses ressources du produit des amendes administratives précédemment mentionnées.
À l’initiative de la commission des Affaires économiques, sur avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la commission des Lois a aménagé l’obligation pour tout site internet public de comporter une mention visible sur sa conformité aux règles d’accessibilité, en prévoyant que cette mention devra être portée non pas sur chacune de ses pages mais sur sa page d’accueil, de manière « clairement visible ». Sur proposition de la rapporteure de la commission des Affaires sociales et avec l’accord de votre rapporteur et du Gouvernement, elle a également rétabli les dispositions de l’actuel article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée afin de confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics.
En second lieu, l’article 45 tire les conséquences de l’importance prise par le numérique dans notre société en instaurant la possibilité d’un maintien temporaire de l’accès à internet à une personne en difficulté financière.
a. Internet, un service essentiel dans la vie quotidienne, nécessaire à l’exercice des libertés fondamentales
Nul ne peut contester qu’internet est devenu, au fil des ans, un service essentiel aussi bien pour effectuer une démarche administrative, rechercher un emploi, accéder à l’information ou communiquer. Entendu par votre rapporteur, le mouvement Agir pour la dignité Quart-Monde (ATD Quart-Monde) a fort opportunément souligné combien internet constituait un bien de première nécessité pour nombre de familles et que les coupures d’accès pouvaient gravement pénaliser non seulement les personnes à la recherche d’un emploi mais aussi – et surtout – les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants et dans leur orientation, démarches qui passent désormais principalement par la voie numérique.
C’est la raison pour laquelle l’accès à une connexion internet revêt le caractère d’un droit fondamental justifiant que les mesures prises concernant cet accès respectent les droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement protégés.
Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il rattaché, en 2009, dans sa décision « HADOPI », l’accès à internet à la liberté de communication protégée par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 compte tenu de « l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions » (62). L’Union européenne tend aussi à considérer l’accès à internet comme un droit fondamental devant faire l’objet de protections particulières, comme en dispose l’article 1er du troisième « paquet télécom » (63), et certains pays européens l’ont même érigé en droit opposable et en composante du service universel, à l’instar de la Finlande.
Dans cet esprit, de nombreuses initiatives, internationales (64) ou parlementaires (65), ont vu le jour pour appeler à une meilleure protection de cet accès par les pouvoirs publics. Ces initiatives ont également été prolongées par la mise en place, en France, d’offres internet à des tarifs abordables au profit des ménages modestes, sous le label « tarif social internet » pour Orange ou d’autres formes comparables chez Numericable-SFR ou Bouygues Telecom. À cet égard, dans une décision du 11 juin 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a même considéré que les services d’abonnement à l’internet fixe – mais pas mobile – étaient inclus dans l’ensemble minimal des services universels définis par la directive dite « service universel » (66) et pouvaient faire l’objet, à ce titre, du tarif social et du mécanisme de compensation correspondant (67).
Tirant les conclusions de ces évolutions, l’article 45 vise à instaurer une aide au maintien de la connexion à internet.
Le I inscrit l’accès à internet parmi les services susceptibles de permettre le maintien temporaire du service le temps pour l’abonné de solliciter une aide de la collectivité lorsqu’il n’est plus en mesure de payer ses factures. En conséquence, les dispositions actuelles de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles relatives au maintien de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques seraient élargies à la fourniture d’un service d’accès à internet, le cas échéant restreint par l’opérateur « sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique » (connexion internet aux fins de consultation de sites et de la messagerie électronique).
Par cohérence, le II étend le champ des aides susceptibles d’être accordées par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) institué dans chaque département – aujourd’hui les dettes de loyer et de factures d’énergie, d’eau et de téléphone – aux dettes de factures d’accès à internet.
Le financement de cette mesure se fera sans changement du mode de financement des FSL tel qu’il est prévu par l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, c’est-à-dire sans le concours obligatoire des opérateurs de communications électroniques. Lors de son audition par la commission des Lois, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a toutefois indiqué que le Gouvernement allait « identifier des départements pionniers qui permettront d’imaginer des schémas de financement dans lesquels l’État accompagnera l’introduction de ce droit au maintien à la connexion à internet, comme cela a été fait pour le gaz, pour l’eau et pour l’électricité » (68).
Sur proposition de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a inscrit au 3° du I de l’article 45 que, comme c’est le cas pour les autres services de base (électricité, chauffage, gaz, eau), le fournisseur d’accès au téléphone et à internet devra aviser par courrier le consommateur qui n’a pas procédé au paiement de sa facture du délai et des conditions dans lesquels la fourniture de ce service pourra être réduite ou suspendue.
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CONTRIBUTION DE M. PHILIPPE GOSSELIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI
(article 86, alinéa 7, du Règlement)
Pourrait-on dire, en paraphrasant un grand auteur, que le XXIe siècle sera numérique ou ne sera pas ? Sans aucun doute, tant le numérique a pris de la place dans la société, dans l’économie, dans nos vies. Incontournable, il est de plus en plus au cœur des activités quelles qu’elles soient. Au cœur aussi de questions essentielles sur les droits fondamentaux, la vie privée, le respect des données personnelles.
Il importe de répondre aux nouveaux besoins, de développer les outils adaptés à l’intention des particuliers, des usagers des services publics et des entreprises, tout autant sinon plus encore pour ces dernières. En la matière, les attentes sont grandes. Il s’agit d’accompagner, de créer aussi, de nouvelles formes d’activité autour de l’open data, en bon français – de l’ouverture des données –, cet extraordinaire gisement de matières premières dont la gratuité est en question et n’a pas fini d’être débattue au cours de nos travaux et après. Il est encore question de croissance et d’innovation, un domaine dans lequel le développement du numérique nourrit bien des espoirs, même s’il soulève aussi nombre de questions.
Annoncé en début de législature, puis reporté à de nombreuses reprises, le projet de loi « République Numérique » était très attendu. Il a été élaboré selon une procédure originale, j’en donne volontiers acte à la Ministre. On parlait, sous la précédente législature de « coproduction législative ». En l’espèce, on a adopté une approche citoyenne intéressante qui a permis un vaste débat même s’il est resté quand même entre les mains de spécialistes le plus souvent, fussent-ils issus de plus larges viviers de tout notre pays.
Le titre du texte est ambitieux sans doute trop même. Il ne tient pas réellement ses promesses. On espère en tout cas ne pas vivre l’an I de la République numérique : la Constitution de l’An I, jamais appliquée, n’a pas laissé d’impérissables souvenirs…
Quant au contenu, le texte tente de « balayer » l’ensemble des sujets d’actualité et des questions les plus attendues. Balayer est sans doute le mot juste. Entre l’avant-projet et le texte lui-même présenté, quelques coups de balais ont été donnés ! Des éléments ont disparu … Sont donc envisagés, la circulation des données du savoir, l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée. Les missions de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) sont revues partiellement alors même qu’un rapprochement s’esquisse à moyen terme entre ces deux autorités. Cette perspective, conjuguée aux conclusions du rapport sénatorial sur les Autorités Administratives Indépendantes, ne peut que donner matière à réflexion. Le projet de loi intègre aussi des droits nouveaux, la neutralité de l’internet, l’accès au réseau, la loyauté des plateformes – autant de questions qui ont trait à la protection de la vie privée. Quant au « numérique pour tous », au-delà de la formule, qui rappelle d’autres slogans, il devra être confirmé.
Au total, en première approche, il y a de bonnes choses dans ce texte. Je salue d’ailleurs l’ouverture de la Ministre Axelle Lemaire et du Rapporteur Luc Belot. Les droits du consommateur, voire du citoyen, seront partiellement accrus avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs, le sort des données après le décès par exemple.
Mais les sujets de critique l’emportent sur les motifs de satisfaction.
Le premier problème est le calendrier. Le texte vient trop tard par rapport à la loi de Mme Clotilde Valter relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. D’un autre côté, il vient trop tôt : l’« arche de Noé », c’est-à-dire le projet de loi « Macron 2 », NOE, sur les Nouvelles Opportunités Économiques, va réserver au numérique une place importante. Le projet est pris d’une certaine façon entre l’enclume et le marteau.
Deuxièmement, viennent ensuite les critiques du Conseil d’État. Certes, une partie d’entre elles tombent sans doute d’elle-même puisque le texte sur lequel elles portaient n’est pas exactement le même que celui qui a été présenté en Conseil des ministres et dont nous débattons en ce début d’année. J’en donne acte. Mais justement !
Il reste que le Conseil d’État « déplore l’insuffisance de l’étude d’impact qui, sur plusieurs sujets, n’évalue pas les incidences des mesures prévues par le texte ». Or l’objet même d’une telle étude n’est-il pas d’éclairer non seulement la représentation nationale, mais aussi les décideurs ? Le Conseil relève également le caractère insuffisamment normatif de certaines dispositions, ce qui nous rappelle certain rapport annuel sur la « loi bavarde », un problème auquel on sait le Président de la commission des lois particulièrement sensible. Le Conseil constate enfin le « décalage entre le contenu du projet de loi et son titre », je l’évoquais en introduction. Il va jusqu’à proposer un nouveau titre que nous pourrions reprendre par voie d’amendement : « projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique ». Évidemment, c’est plus modeste mais plus réaliste aussi !
Troisièmement, l’impression se dégage d’un village gaulois qui résiste, voire qui s’enferme dans une législation trop franco-française. Le règlement européen tant attendu sur le sujet est en cours de négociation et de finalisation. Nous n’avons cessé en commission des Lois d’y faire référence. Dans un sens, dans l’autre, de façon parfois contradictoire, le Gouvernement a utilisé ou écarté ce texte. Au cours de la précédente législature, alors membre de la commission des Affaires européennes, j’avais déposé, et fait adopter, un projet de résolution européenne sur la protection des données. C’était en février 2012. Le règlement attendu en 2016 était déjà en « gestation ». Quatre ans se sont écoulés et il n’est pas « né » avant l’examen du présent texte, pas plus que pour la séance publique. Autrement dit, l’encre qui aura servi à écrire le projet de loi numérique sera à peine sèche que la loi risque d’être déjà en décalage avec le règlement. Rappelons qu’un règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et d’application directe, à la différence d’une directive : il ne nécessite aucune transposition. Nous devrons donc l’appliquer tel quel en 2018. Mais quid des contradictions à ce moment et des lacunes d’ici là ?
Le projet sera rapidement promulgué puisqu’il fait l’objet d’une procédure accélérée. Quelle utilité à une telle procédure ? Court-circuiter le débat parlementaire ? Espérons que non. Fâcheux cependant que celui-ci soit moins généreux que ne l’a été le débat public et citoyen, que j’approuve par ailleurs.
Bref, nous risquons d’aboutir à des textes contradictoires entre le règlement et le présent projet. Le Conseil d’État le disait il y a quelques semaines déjà. Il sera « difficile d’apprécier la parfaite adéquation [de certains articles] aux règles européennes en cours d’élaboration ». La discussion de nombreux amendements en commission des Lois a bien mis en évidence, et à de nombreuses reprises, ces contradictions.
Cinquièmement, pour terminer, les réponses que le projet esquisse aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire ne sont ni assez concrètes ni assez précises. Or cet aspect est essentiel pour les territoires ruraux. Des départements ont une politique numérique très volontariste, mais tous les départements ruraux ne sont pas logés à la même enseigne et je doute que la République numérique aille jusqu’à ces districts, pour filer la métaphore révolutionnaire. D’autant qu’on ne constate pas de grandes avancées quant au financement du dispositif.
En conclusion, si ce texte, intéressant du fait des questions qu’il soulève, et parfois des réponses apportées, mérite quelques satisfecit, il n’est pas à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. Je ne suis pas sûr, loin s’en faut, et on le regrette déjà, qu’il devienne LA grande Constitution de la République numérique qui nous est présentée.
Il est vrai, du reste, que l’on a vu des républiques en chasser d’autres !
Lors de sa réunion du mercredi 16 décembre 2015, la commission des Lois procède à l’audition de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, sur le projet de loi pour une République numérique (n° 3318).
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le projet de loi pour une République numérique a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale la semaine dernière. Nous accueillons ce matin, pour nous le présenter, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Nous examinerons les articles du projet de loi le 13 janvier prochain.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le projet de loi pour une République numérique a fait l’objet d’un long travail préparatoire, selon une méthode originale, et même inédite : il a d’abord, en effet, été alimenté par une consultation publique lancée par le Conseil national du numérique, ce qui a permis à un très grand nombre d’acteurs concernés par ce sujet de s’exprimer. Cette consultation a duré six mois, et des réunions publiques ont été organisées dans plusieurs régions. Le Conseil national du numérique a ensuite rendu un rapport, qui a été à l’origine de la stratégie numérique du Gouvernement. Le projet de loi a ensuite été rédigé puis soumis à l’ensemble de nos concitoyens grâce à une plateforme en ligne, en toute transparence. Cette étape a permis d’apporter au texte des modifications très substantielles — plus de quatre-vingt-dix changements ont été opérés, et cinq articles ont été ajoutés. C’est donc d’une véritable co-construction de la loi qu’il s’est agi. Le texte a été vraiment enrichi. Je forme le vœu que cette méthode soit reprise dans le futur.
Le projet de loi a ensuite été soumis pour avis à l’ensemble des autorités administratives qui devaient être saisies conformément à la loi. Il a enfin été envoyé au Conseil d’État, et présenté en Conseil des ministres le 9 décembre dernier.
Il se compose de trois titres, que l’on peut résumer de façon très rapide en un volet économique, un volet sociétal et un volet social. Mais je précise tout de suite que ces trois catégories se mêlent. Ainsi, il est bien difficile de traduire en français la notion de privacy : on peut parler de respect de la vie privée ou de contrôle des données personnelles. Or ces données ont aujourd’hui – le modèle de tous les géants de l’internet le montre – une immense valeur économique.
La donnée est au cœur de l’essor du numérique dans l’économie et dans la société : ce projet de loi veut donc construire le socle juridique de son traitement, dans un sens d’ouverture, de libre circulation et de rediffusion, notamment des données publiques, et cela dans un environnement qui conforte la confiance des utilisateurs. Il n’y a pas de numérique sans confiance.
Le titre Ier est consacré à la circulation et à la diffusion des savoirs, des connaissances et des données. Il porte notamment sur la politique de l’open data, c’est-à-dire de l’ouverture des données : les données publiques seront désormais ouvertes par défaut. Cela nécessitera un changement culturel au sein de l’administration : les données doivent non seulement être ouvertes pour garantir la transparence de l’action publique, donc pour renforcer la démocratie, mais aussi pour promouvoir l’innovation, puisque ces données peuvent être utilisées par les entreprises pour créer de nouveaux produits et proposer de nouveaux services. Nous créons aussi une nouvelle mission de service public : la mise à disposition et la publication des « données de référence » en vue de faciliter leur réutilisation – ces données de référence devant être publiées dans des formats déterminés à l’avance. Les administrations devront donc mettre en place de véritables stratégies d’utilisation de leurs données – qui n’étaient pas jusqu’ici utilisées au mieux.
Nous créons également une nouvelle catégorie juridique, les « données d’intérêt général ». En effet, certaines données ne sont ni purement publiques, au sens où elles seraient produites par des administrations, ni complètement personnelles, rattachées à des individus, ni entièrement privées ou commerciales, même si elles le sont peut-être au départ. Ces données, il est pourtant de l’intérêt de tous qu’elles soient partagées avec la puissance publique, dans la mesure où leur contrôle par les seules entreprises privées qui ont signé des contrats avec l’État – sous forme de convention, de délégation de service public… – ne permet pas qu’elles soient utilisées de façon optimale.
Concrètement, aujourd’hui, une collectivité locale n’a pas toujours accès à toutes les informations sur l’exploitation de son service public de l’eau : elle ne peut donc pas les utiliser pour définir ses politiques publiques. Cet outil nouveau sera très important, en particulier pour les collectivités territoriales qui doivent faire des choix en matière de transport, d’énergie…
D’autres dispositions portent sur la possibilité laissée aux chercheurs de publier leur recherche de manière libre et ouverte : à l’issue d’un délai d’embargo, l’exclusivité signée avec un éditeur commercial sera levée. C’est l’une des conditions de la diffusion et du rayonnement international de la recherche française : nous accédons là à une demande très forte des chercheurs. C’est l’esprit de la culture numérique, puisqu’il s’agit de partager les savoirs de façon aussi large que possible, afin, entre autres, d’assurer la diversité de l’expression de ces savoirs sur la toile.
Le titre II crée de nouveaux droits pour nos concitoyens, en se fondant sur la notion de confiance. Nous introduisons pour la première fois dans notre législation la notion de neutralité de l’internet : il s’agit de garantir un accès ouvert et non discriminatoire au réseau. Nous introduisons également le principe de libre disposition des données personnelles, ce qui constitue un renversement de la logique de la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 : celle-ci posait des principes en fonction du traitement réservé aux données personnelles, l’accès et la rectification se faisant auprès de tiers qui devaient être enregistrés auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Ici, nous remettons l’accent sur le particulier, l’individu, qui doit être souverain sur l’usage de ses données personnelles. L’actualité a pu, ces dernières années, faire douter de la réalité de la protection de la vie privée sur internet, avec une multiplication des fuites de données personnelles en raison de failles de sécurité et de cyberattaques, comme il y en a eu beaucoup après l’attaque contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Il faut donc rétablir la confiance : le renforcement du régime juridique des données personnelles y contribuera.
Le principe général de libre disposition des données personnelles se décline de plusieurs façons : portabilité des données, mort numérique, droit à l’oubli pour les mineurs…
Le titre III, enfin, concerne l’accès au numérique. Le Gouvernement a toujours considéré le numérique comme un objet politique : il n’y a pas de République numérique sans un numérique pour tous nos concitoyens, et particulièrement pour ceux qui sont en situation de handicap. C’est pourquoi plusieurs dispositions portent sur l’accessibilité des sites internet des administrations, sur les services après-vente en ligne des grandes entreprises, sur les services de téléphonie mobile.
D’autres dispositions portent sur un sujet qui concerne tout particulièrement les députés : le numérique dans les territoires. Chacun a conscience qu’il est urgent d’accélérer le déploiement du numérique, afin que les services publics, les particuliers, les entreprises puissent en disposer : le projet de loi prévoit des outils qui doivent permettre cette accélération. Ces outils doivent aussi permettre aux collectivités locales de se préoccuper non seulement des tuyaux, mais aussi du contenu et des usages, afin que nos politiques publiques soient autonomes en la matière. Nous voulons encourager l’e-médecine, l’e-éducation, l’e-gouvernance ou l’e-administration. Nous permettons donc aux collectivités locales d’étendre leurs schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) par un volet relatif aux usages.
M. Luc Belot, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je reviens sur quelques-uns des sujets que vous venez d’aborder. Open data, open access, data mining, plateformes, neutralité du net… Voilà des termes qui ne sont pas fréquemment entendus au Parlement, alors qu’ils occupent largement les discussions économiques et les négociations internationales, voire l’actualité — ainsi, le principe de la sphère de sécurité (safe harbor) a été annulé par la Cour de justice de l’Union européenne il y a quelques semaines. Je pourrais en citer d’autres, qui apparaissent dans ce projet de loi : le e-sport, le droit à l’oubli pour les mineurs… Nous avions nous-mêmes, à l’occasion de l’audition du vice-président du Conseil d’État, évoqué le droit à l’autodétermination informationnelle dont le Conseil traitait dans son étude annuelle 2014. Mais nous abordons peu ces sujets et, à bien des égards, le monde numérique semble échapper aux réglementations, aux codes, aux lois.
Aussi l’enjeu de ce texte n’est-il rien moins que la confiance. Le Parlement a voté, en 2004, une loi pour la confiance dans l’économie numérique ; ce projet de loi doit établir la confiance dans la société numérique. Chaque citoyen, en France comme en Europe, doit pouvoir avoir confiance dans les acteurs numériques français, européens, mondiaux.
On parle souvent d’incapacité à réguler et à encadrer le monde numérique. Le fait est que le Parlement a souvent très mal légiféré. J’évoque régulièrement la loi anti-Amazon, qui visait à interdire à cette entreprise d’accorder à tous ses clients la gratuité de la livraison, afin d’assurer le respect de la réduction maximale de 5 % sur le prix d’un livre. La livraison gratuite s’est transformée en livraison à un centime, et cette loi – que nous avions pourtant passé du temps à écrire – a perdu toute portée, parce qu’elle ne visait qu’à réguler une seule plateforme. C’est certainement le travers dans lequel nous tombons le plus souvent : viser un seul acteur. Il me semble que c’est également le problème que présente la loi relative aux taxis et aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), qui me semble difficilement applicable.
Rien ne justifie que les pouvoirs publics renoncent à intervenir dans le monde numérique. Mais cette intervention doit être adaptée. Vous avez su, madame la secrétaire d’État, ne pas céder à la tentation d’un simple rattrapage fiscal pour des opérateurs mondiaux, le plus souvent américains, qui ne paient pas d’impôts : certains voudraient pour cette raison prévoir des règles supplémentaires, des obstacles, des blocages. Ce n’est pas l’esprit de ce texte, et c’est un point que je salue.
Cela n’enlève rien à la portée réelle du projet de loi. Vous travaillez sur la réalité des droits des citoyens, sur leur capacité à exister dans ce monde numérique, à disposer librement de leurs données personnelles au lieu de n’être que les jouets de grandes entreprises : c’est bien l’angle d’attaque le plus pertinent.
Je veux remercier ici tous ceux de nos collègues, nombreux, qui se sont investis dans le travail de préparation de ce texte et qui ont assisté aux auditions – nous avons commencé à entendre différents acteurs dès que le texte a été soumis au Conseil d’État, c’est-à-dire que ces auditions durent déjà depuis près de quatre semaines. Nous avons travaillé avec les commissions des Affaires sociales, des Affaires européennes, des Affaires économiques, des Affaires culturelles – avec cette dernière, nous avons établi un véritable partenariat, notamment sur les questions relatives aux universités et à la recherche, principalement l’open access et le data mining. Le lobby de l’édition peut être très puissant : il faut pouvoir entendre le point de vue des uns et des autres et conserver cette volonté de partir du citoyen et de ses droits. C’est ce qu’a su faire ce texte. La confiance se construit, elle ne se décrète pas : il faudra beaucoup expliquer, et beaucoup rassurer. Je ne doute pas que la commission des Lois saura répondre aux inquiétudes.
La semaine dernière, en séance publique, nous avons voté le projet de loi de transposition de la directive dite « ISP » – Informations du secteur public – de 2013, qui porte notamment sur l’open data et la gratuité des données publiques. Nous devrons revenir sur ce sujet. J’invite notamment la Commission à se pencher sur l’article 106 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), dont bon nombre de collectivités locales n’ont pas encore perçu tout l’intérêt et toutes les conséquences. Nous devrons aussi traiter des plateformes, de la loyauté et de la portabilité, voire prévoir un encadrement.
Ce texte est donc très large. J’ai cité l’accessibilité et la recherche, je n’ai pas encore cité la mort numérique et la question patrimoniale ou pseudo-patrimoniale : que deviennent nos données après notre mort ? Les données personnelles font-elles partie de la succession ? Les auditions sur ce point ont été particulièrement riches.
Madame la secrétaire d’État, ce texte très attendu s’est longtemps appelé « loi numérique » : certains observateurs s’attendaient à un texte traitant aussi des écosystèmes numériques, des start-up, de leur financement, de leur fiscalité. Ce n’est pas le cas, et vous avez choisi un titre plus précis. Cette question du titre reviendra à coup sûr dans nos discussions, mais pouvez-vous expliquer les raisons de ce choix ?
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. On comprend bien la nécessité d’une application rapide de ses dispositions. Néanmoins, eu égard à l’ampleur des sujets traités, au grand nombre de codes modifiés, à la nécessaire précision de ce texte, écartez-vous totalement l’idée d’une deuxième lecture ?
S’agissant de l’open data, un débat s’est ouvert sur la gratuité des données publiques. Quelle est aujourd’hui votre position ? Nous avons évoqué en séance publique, lors des débats sur la transposition de la directive ISP, le modèle de freemium, où les données sont d’abord gratuites puis deviennent payantes en fonction de l’importance des données utilisées, de leur qualité ou de la fréquence de leur mise à jour, par exemple. Mme Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, avait pris, en séance, l’engagement que le Gouvernement retravaillerait sur ce sujet.
S’agissant de la loyauté des plateformes, vous avez choisi d’inscrire ce texte dans le cadre du droit de la consommation. J’y vois un avantage certain : le texte s’appliquera aux acteurs nationaux, mais aussi internationaux, notamment les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon. Mais cela limite aussi la portée du texte au business to consumer, le business to business étant finalement peu concerné, alors qu’il constitue un véritable enjeu, dans le domaine par exemple des moteurs de recherche et des classements que ceux-ci proposent.
Comment, enfin, ce projet de loi s’articule-t-il avec les textes européens en cours d’élaboration, et attendus dès le début de l’année prochaine ? Nous avons appris hier que le projet de règlement général sur la protection des données pourrait par exemple permettre d’interdire l’accès des réseaux sociaux aux enfants de moins de seize ans.
Mme la secrétaire d’État. Je commence par vous remercier, monsieur le rapporteur, de votre implication très forte dans la préparation de ce texte.
Vous m’interrogez sur son titre : loi pour une République numérique. Tout débat de nature politique sur ce titre sera naturellement le bienvenu. Vous faites référence à d’autres titres qui ont existé, notamment « projet de loi relatif à l’ambition numérique de la France ». Jamais dans notre histoire législative un texte n’aura fait l’objet d’une telle transparence : toutes les versions martyres qui ont circulé ont été connues du grand public et étroitement analysées par les journalistes, qui m’interrogent souvent sur les raisons qui ont conduit à introduire ou au contraire à supprimer telle ou telle mesure. Dans un cadre plus ordinaire, où les projets de loi ne sont connus que lorsqu’ils sont présentés en Conseil des ministres, ce ne serait pas possible. Il sera sûrement intéressant pour les chercheurs, plus tard, d’examiner la genèse de ce texte.
Ce texte ne comporte pas, c’est vrai, de chapitre relatif au financement des entreprises, et en particulier des jeunes entreprises innovantes. N’y voyez pas une absence de volonté politique : ce n’est absolument pas le cas ; nous faisons énormément pour favoriser les écosystèmes d’innovation, avec l’Initiative French Tech, avec des dispositifs de financement mis en place dans le cadre de la Banque publique d’investissement… Mais nous n’avons repéré aucune mesure législative qui permettrait d’aller plus loin, sauf peut-être dans le domaine fiscal, mais celui-ci relève de la loi de finances.
De nombreux pays ont choisi, pour renforcer leur attractivité économique, de se donner des titres : Israël s’est ainsi appelé la start-up nation, Londres a mis en avant la Tech City, et chacun connaît la Silicon Valley californienne. La France aurait sans doute du mal, culturellement, à se définir comme « la nation des start-up ». La France est une République ; elle peut devenir la République des start-up.
Mais la République numérique va bien au-delà : il faut prendre conscience de la profondeur des bouleversements sociaux, économiques et culturels qu’entraîne le numérique : il révolutionne nos façons de travailler, de produire, de consommer, d’apprendre, d’enseigner, de communiquer… Parfois, notre appareil institutionnel n’est plus en phase avec ces évolutions si rapides. Il faut donc adapter le logiciel républicain, tout en restant fidèle à nos valeurs. Ce texte parle de liberté, de fraternité et d’égalité : liberté d’accès au savoir et aux données, accès égal au réseau, solidarité entre les territoires.
Quant à la procédure accélérée, elle présentait notamment l’avantage de permettre l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale sans respecter totalement le délai prévu entre le passage en Conseil des ministres et le dépôt au Parlement. Nous avons ainsi gagné quelques jours. Cette procédure ouvre également, c’est exact, la possibilité de ne faire qu’une seule lecture dans chaque assemblée. Il va de soi qu’un tel choix serait fait en concertation avec les parlementaires, et que nous ne le ferons que si les lectures des députés et des sénateurs sont assez concordantes. Il ne s’agit bien sûr en aucune façon de brider le Parlement : j’ai justement beaucoup insisté sur la nécessité de la transparence et du débat public. Je suis tout à fait persuadée que le numérique doit cesser d’être réservé aux experts et aux techniciens : les enjeux sont si forts qu’il est indispensable que la représentation nationale se les approprie. Quelque décision que nous prenions, soyez assurés qu’elle le sera en concertation avec les parlementaires, notamment avec les présidents des commissions saisies au fond.
Vous m’interrogez également sur la gratuité de l’open data, c’est-à-dire des données produites par les administrations et ouvertes. Ce sont des questions qui peuvent paraître complexes : ces données, dont la production est financée par le contribuable, doivent-elles être vendues ou mises gratuitement à disposition ? Certains argueront qu’elles n’appartiennent pas aux administrations, mais à nos concitoyens, et devraient donc être gratuites. D’autres avanceront que des organismes comme l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) doivent justement, pour remplir leur mission de service public, se reposer sur un modèle économique et être rémunérés pour la mise à disposition des données qu’ils produisent : dès lors, il faudrait introduire un système de redevance. Cette question aurait en effet pu se poser dans le cadre de la discussion du projet de loi présenté par Mme Clotilde Valter, mais le Gouvernement a préféré, pour que le débat soit vraiment global, l’inscrire dans ce projet-ci. Le Gouvernement travaille notamment sur la possibilité d’établir un système de complémentarité, en étroite collaboration avec les organismes concernés, afin de ne pas leur imposer un schéma qui mettrait en péril leur existence.
La logique qui a aujourd’hui mes faveurs est celle que l’on appelle freemium : les données sont gratuites au début, pour des usages modestes ou restreints, puis deviennent payantes au fur et à mesure qu’on les utilise de façon plus importante, et notamment pour les grandes entreprises qui en font un usage intensif, pour du big data. Plus précisément, les données seraient gratuites si elles sont reversées de manière libre et ouverte à la communauté, notamment sur le portail du Gouvernement : c’est la licence Share Alike. En cas de refus, les données seraient payantes à partir d’un certain volume de données consommées. C’est la solution vers laquelle se dirige le Gouvernement, mais cela devra naturellement faire l’objet d’un débat avec les parlementaires.
Vous m’interrogez également sur la loyauté des plateformes, c’est-à-dire des services d’intermédiation proposés en ligne, souvent par de très grands acteurs de l’internet – réseaux sociaux, moteurs de recherche, places de marché… En apparence, il est très difficile de leur appliquer les droits traditionnels, ceux qui ont jusqu’ici régi la sphère économique en France et en Europe : droit de la concurrence, droit de la consommation, droit fiscal… Dans un monde par essence international, la question de l’application de la loi territoriale se pose. Le sentiment qui domine, de façon frappante, c’est que l’on ne peut rien faire : il existe un véritable lobby de l’impuissance publique, souvent à partir du constat que ces entreprises ne paient pas l’impôt sur les sociétés à la hauteur de ce qu’elles devraient payer.
Mais c’est faux, totalement faux ! La réalité, c’est que ces entreprises respectent la loi nationale sur bien des sujets, notamment dans le domaine du droit de la consommation. Mais les obligations qui s’imposent à elles sont aujourd’hui très légères, bien plus que celles qui s’imposent dans d’autres secteurs. Nous introduisons donc une obligation de loyauté des plateformes. Elles devront d’abord délivrer aux consommateurs une information claire, loyale et transparente.
L’obligation d’autorégulation doit également se traduire par la publication des « bonnes pratiques » : que font ces entreprises des données personnelles, comment les utilisent-elles ? Quel est le volume de ces données ? Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne savent presque rien de ces nouvelles pratiques commerciales, dont la régulation doit être faite à l’échelle européenne. Le Gouvernement français a été très actif sur ce chantier, avec le gouvernement allemand : c’est, je crois, notre volontarisme qui a permis d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour des travaux de la Commission européenne. Mais, pour réguler, il faut disposer d’informations et de données objectives sur les comportements de ces nouveaux acteurs. Comme l’ont fait les Allemands, comme sont en train de le faire les Britanniques et les Américains – qui ont créé une administration spécifique –, nous voulons désormais amasser ces informations. Pour cela, nous passons par l’autorégulation.
Enfin, l’obligation de loyauté concerne les avis en ligne – ceux que l’on peut consulter avant de réserver un hôtel ou un restaurant, comme avant d’acheter un lave-linge. On ne sait pas toujours si l’avis que nous lisons est authentique, ou s’il a été publié par le vendeur lui-même, voire par un robot. Nous proposons donc un processus qui doit permettre au consommateur d’évaluer l’authenticité de l’avis.
Vous m’interrogez enfin sur l’articulation de notre travail avec celui que mène le Gouvernement à Bruxelles. Elle est étroite. Deux textes européens pourraient concerner ce texte, à commencer par le règlement européen relatif aux données personnelles que nous avons déjà évoqué. Il se trouve que, sur ce texte, un accord a été trouvé hier entre le Conseil européen et le Parlement européen. Nous avons donc très bon espoir que ce texte soit adopté rapidement et promulgué au premier semestre de l’année 2016. Il faudra alors peut-être ajuster la loi française, au cours des discussions parlementaires. À aucun moment des dispositions que nous proposons ne heurtent l’esprit du règlement européen.
En ce qui concerne les plateformes, la Commission européenne travaille en ce moment sur leur rôle économique et nous sommes fortement engagés dans ce processus. Dans ce projet de loi, nous avons justement fait le choix de modifier le code de la consommation ; nous ne modifions pas le droit de la concurrence, qui est essentiellement européen et sur lequel travaille la Commission.
M. Bernard Gérard. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas entièrement convaincu par le titre du projet de loi, mais là n’est pas l’essentiel. Disons que je prends la République numérique comme un immense défi. C’est un défi qui concerne notre société, mais aussi l’Europe et le monde : il n’a pas de frontières.
Je suis pour ma part préoccupé par notre jeunesse, et j’ai déposé une proposition de loi relative au cyber-harcèlement ; elle a été cosignée par plus de quatre-vingts députés. Internet n’a pas été conçu pour les enfants, qui se trouvent seuls face à lui. Je regrette que ce projet de loi ne comporte aucune mesure sur cette question, et je proposerai des amendements pour le compléter. Lorsque des parents achètent un téléphone portable pour leurs enfants, rien ne les met en garde sur les risques de cet outil nouveau –dont le téléphone n’est aujourd’hui que la septième fonction, bien après la photographie et l’accès à internet. À mon sens, lorsque l’on souscrit un abonnement, il faudrait une mise en garde, et les opérateurs de téléphonie devraient avoir l’obligation de fournir certaines applications.
Au-delà de ce qui est fait aujourd’hui, car l’éducation nationale prend des initiatives, c’est vrai, il faut agir contre le cyber-harcèlement. Nous devons protéger les enfants et leurs familles contre les risques d’internet.
M. Philippe Gosselin. On pourrait dire, en paraphrasant un certain grand auteur, que le XXIe siècle sera numérique ou ne sera pas.
Il s’agit ici de répondre à de nouveaux besoins, de développer des outils adaptés à l’intention des particuliers, des usagers des services publics et des entreprises – en la matière, les attentes sont grandes –, de créer de nouvelles formes d’activité autour de l’open data – je préfère quant à moi parler d’ouverture des données –, cet extraordinaire gisement de matières premières dont la gratuité est en question et devra être débattue au cours de nos futurs travaux. Il s’agit aussi de croissance et d’innovation, un domaine dans lequel le développement du numérique nourrit bien des espoirs, même s’il soulève aussi nombre de questions.
Annoncé en début de législature, puis reporté, le projet était très attendu. Il a été élaboré selon une procédure originale. On parlait sous la précédente législature de « coproduction législative » ; en l’espèce, on a adopté une approche citoyenne que je trouve sincèrement intéressante.
Le titre du texte est ambitieux, peut-être un peu trop – j’y reviendrai. On espère en tout cas ne pas vivre l’an I de la République numérique : la Constitution de l’an I, jamais appliquée, n’a pas laissé d’impérissables souvenirs…
Quant au contenu, le texte balaie l’ensemble des sujets d’actualité et des questions les plus attendues : la circulation des données du savoir, l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée, les missions de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) – un rapprochement s’esquisse à moyen terme et cette perspective, conjuguée aux conclusions du rapport sénatorial sur les autorités administratives indépendantes, ne peut que donner matière à réflexion –, les droits nouveaux, la neutralité de l’internet, l’accès au réseau, la loyauté des plateformes – autant de questions qui ont trait à la protection de la vie privée. Quant au « numérique pour tous », au-delà de la formule, qui rappelle d’autres slogans, il devra être confirmé.
Au total, en première approche, il y a de bonnes choses dans ce texte. Les droits du consommateur, voire du citoyen, sont accrus avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs, le sort des données après le décès. Mais les sujets de critique l’emportent sur les motifs de satisfaction.
Le premier problème est le calendrier. Le texte vient trop tard par rapport à la loi de Mme Clotilde Valter relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. D’un autre côté, l’« arche de Noé », c’est-à-dire le projet de loi « Macron 2 » sur les nouvelles opportunités économiques, va réserver au numérique une place importante. Bref, votre projet, madame la secrétaire d’État, est pris entre le marteau et l’enclume.
Viennent ensuite les critiques du Conseil d’État. Certes, une partie d’entre elles tombe sans doute d’elle-même puisque le texte sur lequel elles portaient n’est pas exactement le même que celui qui a été présenté en Conseil des ministres. Il reste que le Conseil d’État « déplore l’insuffisance de l’étude d’impact qui, sur plusieurs sujets, n’évalue pas les incidences des mesures prévues par le texte » ; or l’objet même d’une telle étude n’est-il pas d’éclairer non seulement la représentation nationale, mais aussi les décideurs ? Le Conseil relève également le caractère insuffisamment normatif de certaines dispositions, ce qui nous rappelle certain rapport annuel sur la « loi bavarde » – un problème auquel je sais le président de la commission des lois particulièrement sensible. Le Conseil constate enfin le « décalage entre le contenu du projet de loi et son titre » et va jusqu’à proposer un nouveau titre que nous pourrions reprendre par voie d’amendement : « projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique ». Évidemment, c’est moins « classe » ; par ailleurs, la notion de « citoyens » n’est pas sans rapport avec celle de « République » ; toujours est-il que cette proposition mérite l’attention.
Au-delà de ces problèmes auxquels il est sans doute possible de remédier, l’impression se dégage d’un village gaulois qui résiste, voire qui s’enferme dans une législation trop franco-française. Un règlement européen est en cours de négociation ; vous y avez fait référence, madame la secrétaire d’État. Certes, des rapprochements ont eu lieu au cours des derniers jours, en particulier hier, mais à petite vitesse. Au cours de la précédente législature, alors que je siégeais à la commission des Affaires européennes, j’avais déposé et fait adopter un projet de résolution européenne sur la protection des données ; c’était avant juin 2012, et le règlement dont nous parlons était déjà en gestation. Quatre ans se sont écoulés et je doute qu’il soit achevé avant l’examen du présent texte, prévu le 13 janvier en commission et du 19 au 21 en séance. Autrement dit, l’encre qui aura servi à l’écrire sera à peine sèche que votre loi sera déjà en décalage avec le règlement. Rappelons qu’un règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et d’application directe, à la différence d’une directive : il ne nécessite aucune transposition.
Votre projet sera rapidement promulgué puisqu’il fait l’objet d’une procédure d’urgence — ce que je dénonce, madame la secrétaire d’État. J’ai entendu vos arguments : il ne s’agit pas de tuer le débat parlementaire dans l’œuf. Je trouve néanmoins quelque peu fâcheux que celui-ci soit moins généreux que ne l’a été le débat public et citoyen, que j’approuve par ailleurs. Sans doute est-ce une manière de nous ramener à la condition moyenne qui est la nôtre sous la Ve République, mais je n’en suis pas d’accord.
Bref, nous risquons d’aboutir à deux textes contradictoires. Le Conseil d’État le disait il y a quelques semaines déjà, il sera « difficile d’apprécier la parfaite adéquation [de certains articles] aux règles européennes en cours d’élaboration ». Le dépôt de nos amendements pourrait être compliqué par cette concomitance.
Enfin, les réponses que le projet esquisse aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire ne sont ni assez concrètes ni assez précises. Or cet aspect est essentiel pour les territoires ruraux. Je vois que mon collègue Yves Goasdoué, de l’Orne, approuve : comme la Manche, son département a une politique numérique très volontariste, mais tous les départements ruraux ne sont pas logés à la même enseigne et je doute que la République numérique aille jusqu’à ces districts, pour filer la métaphore révolutionnaire. D’autant que je ne constate pas de grandes avancées quant au financement du dispositif – mais peut-être y aura-t-il des annonces à ce sujet.
Au total, si ce texte, intéressant du fait des questions qu’il soulève, mérite quelques satisfecit, il n’est pas tout à fait à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. Je ne suis pas sûr qu’il devienne une grande Constitution de la République numérique. Il est vrai que l’on a vu des républiques en chasser d’autres !
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je tiens pour ma part à saluer le travail de titan accompli par Mme la secrétaire d’État. L’élaboration du texte, remarquable, s’est fondée sur une démarche véritablement citoyenne qui a permis à chacun de prendre part au processus législatif. En outre, contrairement à ce qui vient d’être dit, l’étude d’impact, qui ne compte pas moins de 147 pages, offre toutes les explications que l’on veut bien y trouver. J’en remercie le Gouvernement.
Merci également au rapporteur d’avoir organisé un marathon d’auditions qui nous a permis de formuler nos demandes et qui a beaucoup apporté au texte.
J’en viens à mes questions.
Je doute que le fonds de solidarité pour le logement (FSL), déjà fortement mis à contribution pour payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité des plus démunis, soit en mesure de financer leur accès à internet comme le prévoit le texte. Ne faudrait-il pas envisager une autre solution ?
L’open data est une ambition nécessaire, mais il faut entendre les inquiétudes de certains acteurs, s’agissant notamment des pertes de financement. Le débat devrait nous permettre d’obtenir des explications sur ce point.
La possibilité laissée aux services publics industriels et commerciaux (SPIC) de préserver une redevance ne risque-t-elle pas d’entraver la circulation des données et des savoirs ?
Aux termes du texte, les administrations vont bénéficier de longs délais avant l’entrée en vigueur de l’open data. Ne pourrait-on faire varier ces délais en fonction des situations ? Pourquoi ne pas fixer une règle générale d’entrée en vigueur différée qui pourrait être ramenée à un an, le délai étant porté à deux ans lorsque l’administration fait état de difficultés techniques rencontrées dans la mise en œuvre de la mesure ?
Les grandes entreprises peuvent facilement payer les données, à la différence des start-up qui en ont pourtant besoin pour se développer. Ne pourrait-on réserver la gratuité à certaines entreprises seulement ?
Comment le Gouvernement envisage-t-il de concilier la législation nationale avec celle qui est en cours d’élaboration au niveau européen ?
En ce qui concerne le handicap, nous avons reçu hier avec Mme Pochon des sourds et malentendants qui nous ont dit préférer le terme d’« interprétation » à celui de « traduction ». Il faudra également s’interroger sur les mesures destinées aux autres formes de handicap. On peut avoir un handicap et être mauvais lecteur.
Envisagez-vous de promouvoir les logiciels libres ?
J’en viens à la couverture réseau. Je pense moins aux territoires ruraux qu’aux outre-mer où l’on peut être privé de la 4G, de la 3G, voire de la 2G, et parfois du téléphone, par exemple en Guyane. Qu’est-il envisagé pour remédier à ce problème ?
Vous parlez de mieux utiliser le numérique. Mais ne faudrait-il pas faire en sorte que les conditions générales d’utilisation soient mieux et plus clairement rédigées, de manière à être compréhensibles par tous ? Souvent, pour ne pas avoir à lire un texte long et difficile écrit en petits caractères, on accepte les conditions générales d’utilisation (CGU) d’un clic, au risque de méconnaître ses droits.
En ce qui concerne la loyauté des plateformes, tout le monde y est favorable et elle a fait l’objet de concertations, mais cela suffira-t-il à la garantir ? Un sujet, vous le savez, me tient particulièrement à cœur : le droit à l’oubli physique pour les mineurs, c’est-à-dire l’écrasement physique des données. Nous devons y insister : ce droit doit être consacré.
En prison, un accès contrôlé à internet peut permettre aux détenus de préparer leur réinsertion. Ainsi, une prison centrale pour femmes que j’ai visitée propose une formation au secrétariat dans le cadre de laquelle un tel accès, naturellement régulé, peut être nécessaire.
Enfin, les jeunes sont nombreux à écouter de la musique sur leur smartphone et il leur arrive d’être bloqués par leur opérateur. N’y a-t-il pas, dans ce domaine aussi, quelque chose à faire ?
Mme Delphine Batho. Je salue l’arrivée devant notre Assemblée de ce projet de loi très attendu, dont la méthode d’élaboration est exemplaire par sa transparence et par la manière dont elle a mis la société civile à contribution.
Le texte comporte d’importantes avancées. J’approuve le choix de son titre ; je souhaite même que l’on aille jusqu’au bout de la logique qui y préside. Le projet, en effet, ne répond pas entièrement à cette question fondamentale : comment la souveraineté s’exerce-t-elle dans le cyberespace ? Telle est la question lancinante qu’ont posée les parlementaires de tous les groupes lors du débat préparatoire en séance publique. Entre-temps est intervenue la très importante décision, évoquée par le rapporteur, de la Cour de justice de l’Union européenne, qui dit clairement que les données des citoyens européens sont exploitées en toute illégalité aux États-Unis, ce qui révèle une défaillance de la régulation européenne et nationale.
Moi qui ai voté avec enthousiasme le projet de loi sur le renseignement, parce qu’il me paraît absolument normal que nos services aient les moyens de faire leur travail dans le cyberespace, je trouve paradoxal que les défenseurs des libertés ne s’émeuvent pas davantage de ce captage massif des données, exploitées notamment à des fins commerciales, sans que ne s’applique la moindre règle visant à protéger les droits des citoyens.
Les données sont la matière première ; elles sont en quelque sorte le capital de cette nouvelle économie du big data. Le problème est que les catégories juridiques de la loi de 1978 ne sont plus adaptées aux systèmes technologiques que nous connaissons aujourd’hui. En effet, cette loi prend en considération des données individuelles, même si elle intègre l’idée essentielle que celles-ci peuvent renseigner « directement ou indirectement » sur un individu ; or, actuellement, c’est à un réseau de données que nous sommes confrontés. De ce point de vue, l’article 26 du projet de loi, aux termes duquel tout citoyen a le droit de contrôler ses données, est problématique. Car, en laissant un tiers accéder à mes données, je lui offre aussi l’accès à celles de toutes les personnes figurant dans mon carnet d’adresses, avec qui j’ai eu un rendez-vous, qui ont posté des commentaires sur ma page Facebook, etc. On ne peut plus isoler les données personnelles les unes des autres.
Ce réseau de données solidaires rattachées aux personnes appelle une nouvelle approche juridique : les données ne peuvent plus être traitées que comme un bien commun. Dès lors, si l’on veut favoriser l’open data, le partage des données publiques et l’économie numérique, se pose la question du chiffrement lorsqu’il s’agit de gérer ce bien commun. Il faut, en effet, différents niveaux d’ouverture et de protection des informations qui se rattachent aux personnes. Les textes juridiques qui le permettront ne seront pas faciles à rédiger.
Je ne crois pas à l’autorégulation des plateformes. Il faudra, même si ce n’est pas au niveau européen, établir une règle de domiciliation juridique et fiscale à la source des données. On ne peut pas laisser exploiter les données des citoyens sans imposer la valeur ainsi créée et sans permettre d’en appeler à la justice en cas de défaillance.
M. François Vannson. Mon analyse de l’économie générale du texte est proche de celle de mon collègue Philippe Gosselin.
Je profite de l’occasion pour appeler une nouvelle fois votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’assurer une desserte équilibrée de nos territoires par le haut et le très haut débit. Nous légiférons et améliorons les textes concernant le numérique ; encore faut-il que nos territoires aient accès à l’ensemble des données disponibles.
Certes, l’article 35 va permettre aux collectivités de s’engager encore davantage pour la desserte haut et très haut débit de leurs territoires. Mais quand un département doit mobiliser pour cela une masse financière considérable, à l’image des Vosges qui lancent un programme de 60 millions d’euros pour que 85 % des Vosgiens bénéficient de cette desserte en 2018, il a bien besoin du soutien de l’État dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. De tels projets sont essentiels à l’aménagement du territoire.
Mme Élisabeth Pochon. Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous dire à mon tour combien j’apprécie le titre de votre projet de loi. La République numérique est peut-être un doux rêve, une utopie — que l’on espère raisonnable. Quoi qu’il en soit, j’ai envie d’y adhérer tant est bienfaisante, par les temps qui courent, l’idée que le numérique nous permet de renouer avec les valeurs de la République grâce à la liberté des échanges, l’égalité de tous les citoyens et, peut-être, la fraternité entre utilisateurs.
Je vous remercie de toutes les avancées que comporte le texte, et dont certaines me tiennent particulièrement à cœur. La première est la mise en ligne des données par les administrations, qui est très attendue par les associations œuvrant pour l’environnement ou dans le domaine économique et social, auxquelles elle épargnera d’incessantes recherches documentaires.
Ensuite, le droit à l’oubli renforcé pour les mineurs est essentiel à leur protection. Je sais, pour avoir très longtemps travaillé avec des jeunes, que leur engouement en cette matière n’a d’égale que leur naïveté, qui leur est préjudiciable aujourd’hui ou le sera après coup.
Une dernière chose. Je suis coprésidente, avec Mme Marianne Dubois, du groupe d’études sur la langue des signes ; mon parcours m’a sensibilisée à l’expérience des sourds et malentendants ; mon suppléant est sourd. Le numérique représente pour ces personnes une avancée extraordinaire ; ils s’en sont emparés, ils l’utilisent quotidiennement. Les revendications qu’ils expriment à ce sujet sont légitimes. Lors d’un débat sur la langue des signes que nous avons organisé récemment, il est apparu qu’ils attendaient beaucoup de la perspective d’un relais téléphonique, pour communiquer non pas entre eux, mais avec des entendants, lesquels veulent eux aussi converser avec les sourds de leur entourage. En somme, les sourds ne sont pas les seuls à s’intéresser à cette possibilité : pourquoi devraient-ils seuls payer un surcoût, même à un tarif abordable ? Madame la secrétaire d’État, je relaie auprès de vous cette demande de justice. Pouvez-vous y réfléchir et y travailler avec l’ensemble des opérateurs ?
Mme Cécile Untermaier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de la méthode inédite à laquelle vous avez eu recours, fondée sur l’appel collaboratif aux citoyens. Comme vous, je crois opportun de s’appuyer ainsi sur l’intelligence collective. Il convient néanmoins de rester prudent et de s’assurer que la plateforme citoyenne préserve la liberté d’expression des internautes. J’étudie ces questions avec M. Dominique Raimbourg dans le cadre de nos travaux sur le Parlement ouvert ; nous avons été très heureux de vous entendre à ce sujet.
Quant au fond, je suis très sensible à l’ouverture des données publiques. Il s’agit d’une véritable révolution, au sens premier du terme : ce sera désormais à l’administration de mettre ces données en ligne spontanément et gratuitement, et non plus à l’usager de les chercher vainement, au point de devoir parfois saisir la CADA lorsqu’il n’obtient pas de réponse – même si l’administration a fait de gros efforts de communication depuis quelque temps. Espérons que la mesure sera efficace, ce qui suppose que l’administration soit dotée des outils nécessaires à la mise à disposition des données. S’agissant de l’accès des chercheurs aux données, je vous félicite : voilà un juste retour des choses, si l’on se souvient que c’est à des universitaires que nous devons l’invention d’internet.
L’idée que le citoyen doit être souverain dans l’usage qu’il fait de ses données personnelles est louable, mais ne doit pas rester un vœu pieux, même si ce n’est pas facile. Il faut y associer l’exigence de protection de l’enfant, sur laquelle mon collègue a insisté tout à l’heure. Nous devons réfléchir aux moyens de préserver les enfants des messages fallacieux que l’on peut trouver sur internet. Je dois avouer mon sentiment d’impuissance face à des attaques en ligne discriminatoires, médiocres, mais qui bénéficient d’une totale impunité. C’est donc un vaste chantier qui s’ouvre devant nous.
En travaillant sur le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, j’ai découvert à quel point celle-ci était présente sur internet. Ainsi, 90 % des médicaments proposés en ligne sont faux. Il y a là aussi un enjeu majeur en matière de consommation ; je ne doute pas que vous saurez en tenir compte, dans la mesure qui sera nécessaire.
S’agissant de l’accès au numérique, je souscris entièrement aux propos de Mme Élisabeth Pochon ; si elle dépose un amendement, je le signerai et je ne doute pas que vous y serez sensible, madame la secrétaire d’État.
Vous l’avez dit vous-même, l’accès au numérique est un objet politique. Nous le voyons bien dans les projets de loi qui nous arrivent. Dernièrement encore, à propos des règles applicables à l’élection présidentielle, nous avons renoncé à une diffusion par internet à cause de l’insuffisante couverture numérique des territoires, particulièrement ruraux. Le déploiement du numérique à l’intention des entreprises comme des particuliers est donc une urgence ; vous en avez d’ailleurs convenu.
Je profite de l’occasion pour vous dire combien il est difficile de mobiliser les opérateurs : malgré les fonds publics avancés, malgré la bonne volonté des élus, nous déplorons une grande inertie et une lenteur pour le moins paradoxale dans le domaine qui nous intéresse.
Je félicite le Gouvernement de son initiative et le rapporteur de son travail.
Mme Colette Capdevielle. Ce texte qui pose les fondements d’une République numérique se prête particulièrement à la méthode utilisée ; ce n’est pas le cas de tous, mais il faudra renouveler cette expérience très positive.
Monsieur Gosselin, la procédure d’urgence n’empêche pas le débat ; j’en veux pour preuve celui qui nous occupe aujourd’hui. Nous avons un mois pour continuer de travailler sur le texte et préparer nos amendements. Quant à l’étude d’impact, comme l’a rappelé Mme Chapdelaine, elle fait 147 pages ; j’y ai pour ma part trouvé les réponses aux questions que je me posais.
Ma première question concerne la démocratie participative. Madame la secrétaire d’État, êtes-vous prête à ouvrir le texte à tout ce qui favorise la participation citoyenne, l’exercice actif par les citoyens de leurs droits, l’expression démocratique, notamment le vote, par l’intermédiaire du vote par procuration ou de la diffusion de la propagande électorale ?
En ce qui concerne les publics fragiles, les plus exposés – cela a été dit – sont les mineurs. Or, aujourd’hui, ils savent contourner le contrôle parental ; j’ai récemment été saisie d’un dossier de ce type. D’un côté, il est essentiel que les mineurs aient accès au numérique, à des fins pédagogiques ou pour nourrir leurs échanges ; de l’autre, ils sont particulièrement vulnérables, parce qu’ils ne sont absolument pas protégés par le droit en vigueur. Ainsi, il leur est très facile d’accéder à des sites pornographiques ou pédopornographiques. Il faudra donc bien que le texte s’attelle à la protection des mineurs, qui est une nécessité impérative.
Le projet protège fort opportunément le secret des correspondances, mais il est un autre aspect de la vie privée auquel le numérique peut porter gravement atteinte et qui mérite lui aussi d’être préservé : le droit à l’image.
Enfin, j’aimerais que nous utilisions autant que possible la langue française ; vous y avez veillé en rédigeant le texte, j’espère que nous en ferons autant dans nos amendements. Efforçons-nous d’éviter les anglicismes et les mots anglais, puisque nous avons à notre disposition une langue merveilleuse qui nous fournit tous les mots dont nous pouvons avoir besoin. Vous venez vous-même, madame la secrétaire d’État, d’un pays où cet effort est systématique. Entendons-nous bien : j’adore la langue anglaise ! Mais ce n’est pas parce que nous parlons du numérique qu’il faut systématiquement y recourir.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je salue d’autant plus volontiers le processus d’élaboration de ce texte qu’une association de mon département, les Webs du Gévaudan, y a beaucoup participé ; son fondateur, M. Pierre Ygrié, est un grand spécialiste du numérique.
Madame la secrétaire d’État, vous déclariez récemment dans Le Midi libre que la France, l’Allemagne et l’Espagne ont plaidé pour que l’Union européenne se montre plus souple en matière d’aides d’État, afin de permettre aux régions rurales d’avoir accès à un internet plus rapide. Pourquoi la France ne peut-elle assumer directement la couverture numérique du territoire ? Pourquoi les opérateurs n’ont-ils pas d’obligation d’aménagement du territoire ? Ils pourraient y consacrer l’argent qu’ils gagnent dans ce secteur.
Vous souhaitez renforcer les missions de la CADA et de la CNIL, entre lesquelles vous suggérez même un rapprochement. Pourquoi ne pas aller jusqu’à la fusion entre ces deux autorités administratives indépendantes, sur le modèle de celle qui a donné naissance au Défenseur des droits ?
Votre texte apporte-t-il des réponses concrètes s’agissant des sites « anormaux », notamment pédopornographiques ?
Vous rétablissez la servitude d’élagage dont bénéficiait France Télécom, malgré l’inefficacité notoire du service après-vente d’Orange et de sa sous-traitance – et tant pis si je déplais à M. Stéphane Richard en m’en prenant directement à ses services !
Enfin, auteur de nombreux rapports sur le télétravail, je ne vois dans votre texte aucun dispositif particulier concernant cette pratique qui se heurte à bien des résistances, notamment de la part des centrales syndicales.
Mme Françoise Descamps-Crosnier. Ce projet de loi qui étend les droits des citoyens s’adresse à tous. En témoignent sa méthode d’élaboration comme son contenu, d’autant que le numérique se caractérise par sa transversalité : il touche à des domaines très divers, comme vous l’avez montré, madame la secrétaire d’État, ainsi que M. le rapporteur. Parmi eux, je retiendrai deux thèmes.
La délégation aux droits des femmes de notre Assemblée a adopté hier un rapport d’information sur les femmes et le numérique qui identifie quatre priorités et énumère dix-huit recommandations destinées à accroître l’égalité entre les femmes et les hommes. Comment faire du présent projet de loi un véritable levier de cette égalité – pour une égalité réelle, conformément au titre de la loi du 4 août 2014 ?
La plupart des collectivités territoriales ne bénéficient pas d’une structure qui leur permette de s’emparer facilement des outils du numérique. C’est donc une véritable révolution culturelle que vont devoir opérer bon nombre d’entre elles. En effet, le projet de loi étend l’accès sur internet aux documents administratifs de l’État, des collectivités territoriales et des personnes morales de droit public, ou de droit privé lorsqu’elles sont chargées d’une mission de service public. Selon l’exposé des motifs, « cette avancée aura pour conséquence de limiter la communication sur demande des documents administratifs, qui seront rendus librement accessibles par internet ». Beaucoup de collectivités souhaitent s’engager dans cette démarche, mais sont freinées dans leur élan par manque de compétence, ou par crainte des conséquences d’une appréciation erronée de ce qui est communicable et de ce qui ne l’est pas.
Ainsi, dans le cadre d’une délégation de service public, les données commerciales communiquées à la puissance publique par son délégataire sont-elles diffusables ou non ? La question est suffisamment complexe pour que l’article 10 lui soit entièrement consacré. Et si cet article fait obligation au délégataire de fournir les données « dans un standard ouvert aisément réutilisable » et de permettre l’exploitation de « tout ou partie de ces données et bases de données », il ne précise pas lesquelles, et autorise les collectivités à dispenser le délégataire de cette obligation.
À propos de ces questions difficiles, et d’autres qui pourraient se poser à l’avenir, comment accompagner les collectivités ? L’État a-t-il prévu de les faire bénéficier de son expertise en la matière ?
Les collectivités auraient également intérêt à recourir aux logiciels libres, qu’elles pourraient adapter à leurs besoins. Mais, dans ce cas comme précédemment, la mise en œuvre du principe théorique pose un problème : les collectivités ne disposent pas nécessairement dans leurs services de concepteurs-développeurs et de spécialistes des langages informatiques. Il importe donc de développer la formation en leur sein.
M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais d’abord faire part d’une préoccupation dont nous avons discuté la semaine dernière dans les couloirs de l’Assemblée.
Je veux parler de la difficulté qu’éprouvent certains territoires, dont les territoires ruraux d’Île-de-France – car, je le répète toujours, il y en a ! –, à trouver les moyens d’assurer une couverture numérique assez rapidement pour satisfaire aux exigences de développement et de préservation de l’emploi comme des services rendus aux citoyens. En effet, les collectivités se heurtent à des blocages innombrables et insupportables – y compris lorsque, comme la mienne, elles sont prêtes à aider à l’investissement, voire à adhérer aux syndicats départementaux. La réticence des grands opérateurs, pour ne pas dire leur résistance, est telle, sans compter les difficultés matérielles auxquelles ils sont peut-être confrontés, que l’on aboutit à des délais proprement inacceptables. Et cela ne vaut évidemment pas de la seule Île-de-France ; la partie urbaine de la Manche, par exemple, est concernée, me dit M. Gosselin.
J’espère qu’à défaut de résoudre le problème quant au fond, ce projet de loi marquera la volonté de l’État de démêler cet entrelacs incompréhensible, à l’image de ce que vous avez fait avec votre collègue Emmanuel Macron s’agissant de la couverture téléphonique. Je me souviens des déclarations de M. Macron après l’adoption de la loi qui porte son nom ; j’aimerais que la détermination soit aujourd’hui la même, de sorte que – disons-le crûment –, s’il faut tordre des bras, on aide les collectivités à le faire. Cela suppose des dispositions législatives ou réglementaires. Sont-elles envisagées ? Quelle est leur nature ? Dans quel délai pourra-t-on les mettre en œuvre ?
Je le répète, les territoires que je connais sont prêts à apporter leur contribution. Certains d’entre eux, dont le mien, ont entrepris de constituer des provisions financières à cette fin. C’est souvent une question de survie : chaque mois, une entreprise renonce à s’installer dans le sud des Yvelines parce que la couverture numérique y est insuffisante en dehors des zones d’activité dédiées. Comment ne pas s’atteler à ce problème à l’heure où l’on parle de pacte pour l’emploi, d’infrastructures, d’investissement ? Je sais que la tâche est difficile et que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) fait son possible pour la mener à bien, malgré la forte représentation de Télécom Paris en son sein, qui ne doit pas favoriser la souplesse.
En second lieu, l’inquiétude que j’exprimais ici même lors de l’examen de la loi sur le renseignement reste entière. L’État a conclu avec une société étrangère – l’entreprise Cisco – un contrat qui confie à celle-ci la sécurisation des données informatiques des collectivités locales. L’accord signé en février comporte deux volets : le premier permet à l’entreprise d’investir 100 millions de dollars pour apporter un financement aux start-up intervenant dans le domaine de la sécurisation ; le second vise à accompagner spécifiquement les collectivités territoriales dans cette démarche de sécurisation.
Monsieur le président de la commission des Lois, qui siégez également au sein de la délégation parlementaire au renseignement, il ne me paraît pas de bonne politique, dans la période actuelle, de laisser des opérateurs étrangers intervenir en ce domaine, sans avoir aucun moyen – du moins je le suppose – de sécuriser les données ainsi disponibles ou collectées et de vérifier qu’elles restent sous l’autorité de l’opérateur français. J’ai toute confiance dans nos amis anglo-saxons, cela va sans dire ; mais la célèbre phrase attribuée à un Premier ministre de la reine Victoria – « L’Angleterre n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts » – ne vaut pas que pour ce pays, et peut certainement s’appliquer aux grands opérateurs informatiques.
Il me semble que des sociétés françaises – par exemple Atos – auraient été parfaitement capables de se charger de cette tâche, moyennant peut-être quelques investissements. Je regrette que nous n’ayons pas fait des choix plus compatibles avec nos politiques industrielles et de services.
Sur ce sujet, avez-vous, madame la secrétaire d’État, des informations à nous donner, à l’intérieur ou hors du cadre de ce projet de loi ?
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Pour construire son texte et son propos, Mme la secrétaire d’État a commencé par interroger la société dans son entier : cette consultation de la population sur internet était une innovation majeure.
Nous retrouvons ici des mots que nous avions perdu l’habitude d’entendre : neutralité, transparence, protection, garanties, loyauté – autant de mots importants qui viennent s’ajouter à nos fondamentaux républicains, ceux que nous avons souvent chantés au cours de cette année dramatique. Je veux saluer cette approche d’un monde que l’on a tendance soit à diaboliser, soit à surinvestir : entre la crainte et l’hyperconfiance, c’est-à-dire l’insouciance, Mme la secrétaire d’État a trouvé une solution élégante et intéressante.
Nous retrouvons aussi de grandes institutions : la CADA, la CNIL, l’ARCEP, auxquelles s’ajoutent les SDTAN au niveau territorial.
Dans ma région, en Languedoc-Roussillon, nous avons lancé il y a cinq ans une grosse opération d’équipement destinée à développer l’accès à internet ; 52 millions d’euros ont été investis. C’était essentiel : la population des villages de campagne le demandait. Il n’en va pas de même en grande banlieue ou dans certains quartiers urbains : du fait de précédentes lois, les collectivités ne pouvaient intervenir dans les secteurs considérés comme concurrentiels. De sorte que nos campagnes sont mieux équipées, ou presque, que certains territoires urbains. Cela devrait nous inciter à repenser la répartition des rôles en matière d’équipement et à réfléchir à la manière dont l’Europe empêche l’intervention publique dans les secteurs prétendument concurrentiels – où, en réalité, la concurrence n’intervient pas non plus lorsque ces secteurs ne sont pas jugés suffisamment rentables. Ne réduisons donc pas au monde rural des questions qui se posent aussi en milieu urbain et dans certaines banlieues. Il existe des régions où les collectivités ont fait le travail ! Cela vaut pour internet plus que pour les mobiles, même si la situation est en train de changer.
Je tiens enfin à saluer la qualité et la finesse du travail qui a été mené vis-à-vis du monde scientifique. En la matière, le projet ouvre des portes, en ferme d’autres ; il joue la carte allemande en matière de protection des données scientifiques, et interroge en filigrane la manière dont celles-ci sont exploitées par les grands éditeurs, en fixant des délais au terme desquels elles peuvent être réutilisées par les chercheurs et les équipes qui les ont produites, ainsi que les résultats, les concepts et perspectives qui en découlent. C’est aussi de l’intérêt européen qu’il s’agit.
Les publications scientifiques sont massivement en anglais. Pourquoi y en a-t-il si peu en français ? N’aurions-nous pas intérêt, nous, Français, francophones, à ce que, au sein d’une communauté scientifique nationale, européenne et internationale, le savoir ne se diffuse pas en une seule langue ? Certes, l’anglais est le latin d’aujourd’hui. Il n’empêche que l’on ne pense pas de la même façon dans une langue et dans une autre – je m’adresse à Mme Lemaire, parfaitement bilingue et pleinement consciente de ces subtilités.
Merci pour la science, merci pour les mots ! Nous allons maintenant travailler à ce qui s’apparente à un big bang théorique.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’avance de répondre brièvement étant donné les contraintes qui s’imposent à nous. Sur ce texte dont se sont saisies pour avis les commissions des Affaires culturelles, des Affaires économiques et des Affaires sociales, ainsi que la délégation aux droits des femmes, la séance vous laissera certainement tout loisir de répondre aux questions que vous n’auriez pas le temps de traiter aujourd’hui.
Mme la secrétaire d’État. Je partage bien sûr le souci, qu’ont exprimé plusieurs députés, de protéger les mineurs, notamment contre le cyber-harcèlement, mais la législation en vigueur couvre déjà l’immense majorité des situations. Ainsi, depuis la loi du 6 août 2012, l’article 222-33-2 du code pénal punit le cyber-harcèlement de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et, en vertu d’une disposition adoptée au mois de septembre 2013, les sanctions du cyber-harcèlement sont aggravées lorsque les victimes sont des personnes vulnérables, par exemple des mineurs.
Le projet de loi que je défends aujourd’hui tend pour sa part à introduire des dispositions relatives au droit à l’oubli pour les mineurs, une procédure accélérée devant faciliter le recours à la CNIL. En outre, les fournisseurs de services ont l’obligation légale de mettre en place le contrôle parental. Enfin, le ministère de l’éducation nationale a lancé un programme concernant le harcèlement scolaire, qui comporte un volet relatif au cyber-harcèlement.
Cependant, au-delà de cette réponse formelle, nous savons que les enfants sont bel et bien exposés à de grands risques sur internet. Il y a là, me semble-t-il, une question d’application effective de la loi. Pour qu’une situation de cyber-harcèlement soit reconnue, il faut effectuer, auprès des plateformes de réseaux sociaux ou des autorités policières et judiciaires, des démarches longues et complexes, se plier à des procédures qui sont inaccessibles à nombre de familles. Je suis tout à fait disposée à travailler avec vous sur ces sujets, mais cela concerne moins la loi que sa mise en œuvre. À cet égard, un dialogue beaucoup plus coopératif s’est engagé avec les géants de l’internet, notamment à la suite des attentats, pour faciliter le retrait des contenus illicites, non seulement ceux qui incitent à la haine et au terrorisme, mais aussi ceux qui présentent un caractère pédopornographique. Précisons aussi que l’administration peut désormais interdire des sites pédopornographiques sans intervention du juge judiciaire, de même que des sites faisant l’apologie du terrorisme.
Qu’en est-il de l’articulation des dispositions proposées et du droit européen ? Ne vous méprenez pas sur la démarche du Gouvernement, Monsieur Gosselin. Nous devons faire preuve d’une grande rigueur juridique : soit les questions évoquées sont hors du champ du règlement évoqué, comme celle de la mort numérique – le règlement renvoie la définition des procédures à la loi nationale –, soit les dispositions proposées respectent le texte européen, soit elles n’en constituent qu’une anticipation, sans y déroger. Le règlement européen ne doit entrer en vigueur qu’au cours du premier semestre de l’année 2016, mais, en réalité, les entreprises ont deux ans pour le mettre en œuvre ; il n’entrera donc dans la vie de nos concitoyens qu’en 2018 au plus tôt.
Le Gouvernement ne s’interdit pas de proposer, au cours des débats parlementaires, d’amender le texte national en fonction de l’évolution du texte européen. De même, la procédure accélérée ne sera peut-être pas utilisée, finalement, si les parlementaires en décident ainsi ; nous pourrons aviser en fonction de l’évolution des débats européens. Prenons un autre exemple : les sanctions infligées par la CNIL. Le règlement européen précise le niveau des sanctions, mais renvoie la définition des procédures à la loi nationale. En ce qui concerne la neutralité du net, un règlement européen a été adopté, mais nous nous contentons d’en intégrer les définitions au droit national, en ajoutant aux compétences de l’ARCEP, régulateur national, le contrôle du respect des dispositions concernées. Rien ne contrevient sur le fond aux textes européens ni n’en contredit l’esprit.
Le Conseil d’État a souligné l’insuffisance des études d’impact dans un avis qui, une fois n’est pas coutume, a été rendu public. Cependant, la partie relative à l’open data comporte des éléments précis et substantiels. Elle en détaille notamment l’impact juridique au regard de la jurisprudence de la CADA et les bénéfices socio-économiques attendus. Elle précise les modalités techniques de publication des documents. Elle présente différents éléments techniques qui permettent d’estimer la charge nouvelle qui en résultera pour les administrations — une charge sans doute limitée.
Le caractère très novateur de bien des principes intégrés dans ce texte rend cependant difficile une étude d’impact économique et financière. De même qu’il n’existe pas de « lobby du futur », nous ne disposons pas de boule de cristal pour prédire l’avenir. Nous l’écrivons pourtant, en édictant les principes de données d’intérêt général, de mission de service public, de loyauté des plateformes, en instaurant la portabilité des données d’usage et de consommation et non pas uniquement des données personnelles. Cela dit, en nombre de pages, cette étude d’impact n’est pas moins substantielle que celle d’autres lois. L’idée d’une étude d’impact insuffisante doit donc être maniée avec prudence.
Mme Chapdelaine a évoqué le financement du maintien de l’accès à la connexion à internet par le recours au fonds de solidarité logement. Le Gouvernement est très conscient de la nécessité d’accompagner les collectivités locales, notamment les départements, dans cette démarche. Nous le ferons en bonne coopération avec les opérateurs de télécommunications, concernés au premier chef. Avec le cabinet de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, nous allons donc identifier des départements pionniers qui permettront d’imaginer des schémas de financement dans lesquels l’État accompagnera l’introduction de ce droit au maintien à la connexion à internet, comme cela a été fait pour le gaz, pour l’eau et pour l’électricité.
Madame Batho, le Gouvernement a choisi de conférer aux données personnelles un caractère d’usage, et non un caractère propriétaire. Soumises au droit de la propriété, les données pourraient faire l’objet d’un commerce, être vendues et exploitées selon les règles du commerce. Le choix du Gouvernement ne remet nullement en cause le fait que toute exploitation des données nécessite un consentement explicite. Sur ce sujet, la législation française n’est pas insuffisamment protectrice ; les entreprises lui reprochent au contraire de l’être trop, comparée à d’autres en Europe, ou à celles des pays anglo-saxons. En réalité, la loi « Informatique et libertés » est la plus protectrice en Europe et dans le monde. Une harmonisation était nécessaire au niveau européen, mais nous avons veillé à ce qu’elle ne se fasse pas « par le bas ».
Mme Batho ne croit pas à l’autorégulation des plateformes, à laquelle est consacré un volet du projet de loi, mais celui-ci édicte également des contraintes nouvelles. Rappelons aussi que les géants de l’internet qui dirigent leurs activités vers le territoire français sont soumis au droit français de la concurrence, de même qu’ils sont soumis au droit français de la consommation, dès lors que les consommateurs ont leur domicile en France. Pour la même raison, ils doivent respecter nos règles de protection des données personnelles. Il faut donc abandonner l’idée selon laquelle il n’est pas possible d’agir en ce domaine.
Néanmoins, c’est très compliqué et très lent au niveau européen. Ce sont des jugements rendus sur le droit à l’oubli, puis sur le Safe harbor, non des décisions politiques qui ont enfin décidé la communauté des États européens à agir. C’est d’autant plus regrettable que le Gouvernement français a toujours demandé des avancées sur ces points. Le temps européen est un temps long, qui ne correspond pas assez à celui du numérique. Ne nous interdisons donc pas de légiférer dans ce domaine, dès lors que les mesures envisagées ne contreviennent pas aux objectifs visés par l’Union européenne.
La desserte des territoires, question évoquée par M. Vannson, est une priorité absolue du Gouvernement et du Président de la République. Chaque fois que je le vois, nous en parlons, et nous analysons les mesures financières, budgétaires, réglementaires qui ont été, qui sont et qui pourront être prises pour accélérer ce déploiement. Ainsi avons-nous doublé le budget consacré au déploiement des réseaux fixes dans les territoires par rapport à la législature précédente et réintroduit la question de la couverture mobile, en friche depuis de très nombreuses années. Dans le département des Vosges, le projet, d’un montant de 60 millions d’euros, dont vous parliez, monsieur Vannson, doit être soutenu à hauteur de 50 % par l’État. C’est là une contribution notoire.
En outre, nous passons actuellement en revue toutes les dispositions qui, en plus de celles proposées dans le projet de loi, permettraient d’aller plus vite et d’éviter de freiner les déploiements. Peut-être certaines donneront-elles lieu à des amendements lors de l’examen du texte.
J’espère avoir répondu à la question de Mme Cécile Untermaier. Cela dit, je demande aux plateformes de prévoir la possibilité de signaler un contenu illicite, par exemple un contenu pédopornograhique, d’un simple clic sur un onglet intégré à la page internet du réseau social concerné. Le signalement parviendrait directement aux forces de police, peut-être via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS). Voilà qui permettrait une application bien plus efficace de la loi. Nous en discutons actuellement.
Je suis très ouverte, madame Capdevielle, à toute proposition visant à renforcer la démocratie participative, pour peu qu’elle puisse trouver une traduction législative concrète.
Je suis sensible à la question de la langue française. L’usage de la langue reflète un rapport de force économique et culturel, et la délégation aux droits des femmes fait des recommandations très utiles à ce sujet. Elle préconise ainsi de donner des mots aux maux, notamment pour lutter contre le harcèlement des femmes en ligne. J’y suis naturellement très favorable.
Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous saluerez de ma part les Webs du Gévaudan. Les aides d’États sont effectivement soumises à un cadre juridique européen contraignant, y compris lorsqu’il s’agit d’assurer une égalité, ou du moins une forme d’équité, entre territoires ruraux et territoires urbains. Le Gouvernement français se bat pour que les règles édictées par la Commission européenne soient assouplies et permettent un ciblage des financements de l’État et des collectivités en faveur des zones qui en ont le plus besoin. Cela étant, les opérateurs doivent respecter des obligations de couverture, notamment lorsque des fréquences leur sont attribuées. Celles-ci appartiennent au domaine public, et, lorsque l’État les leur vend, ils prennent des engagements en termes de couverture du territoire. Ce fut le cas, tout récemment, lors de la vente de la bande des fréquences 700 mégahertz.
En ce qui concerne la fusion de la CADA et de la CNIL, nous prônons, dans un premier temps, un rapprochement, car la question des données personnelles et celle des données publiques se rapprochent, mais ne forçons pas le cours des choses. Une fusion, ce n’est pas anodin, et il ne faudrait pas que les objectifs, d’un côté, d’ouverture et de libre circulation, et, de l’autre, de respect de la vie privée, et donc de l’intimité, entrent en contradiction. Il faut donc avancer progressivement, mais le Gouvernement explore cette piste. Une mission a notamment été lancée, qui pourrait aboutir à des conclusions au cours de l’examen de ce texte.
Les servitudes d’élagage sont l’objet de la proposition de loi de M. André Chassaigne, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Intégrée au texte que je défends, elle renforce les obligations d’entretien du service universel, étant entendu qu’Orange en est le prestataire. Nous parlons là des vieilles lignes fixes, mais cela concerne encore beaucoup de nos concitoyens, en particulier les personnes âgées dans les zones rurales. Nous encourageons et incitons fortement les opérateurs à investir dans l’internet mobile, dans le très haut débit fixe et, demain, dans la 5G, mais il faut aussi penser à ceux qui n’ont pas accès à ces technologies.
Le télétravail, nous y travaillons, avec Mme Myriam El Khomri.
Madame Descamps-Crosnier, nous sommes très soucieux de l’accompagnement des collectivités locales dans la stratégie d’open data. La CADA évoluera en ce sens et jouera, au-delà de son rôle contentieux, un rôle d’accompagnement des acteurs locaux. Elle pourra ainsi rendre des avis.
Le Gouvernement est très favorable à l’utilisation des logiciels libres, qu’il promeut, mais il a décidé de ne pas forcer les administrations à y recourir, car nous sommes confrontés à un problème de ressources humaines : il faut être capable d’utiliser ces logiciels. Nous devons donc renforcer la filière de formation pour permettre un recours plus systématique aux logiciels libres.
Monsieur Poisson, je vous communiquerai par écrit des informations plus précises à propos de la couverture de votre circonscription, dans les Yvelines, mais notez d’ores et déjà que l’État, fait inédit, dresse désormais des constats de carence lorsque les opérateurs de téléphonie ne respectent pas leurs engagements dans les zones AMII (appels à manifestation d’intentions d’investissement), afin que les autorités publiques puissent intervenir à leur place.
Quant à vos préoccupations concernant la cyber-sécurité du territoire, l’entreprise Cisco s’est engagée à investir en France, mais non sous la forme d’un contrat signé avec l’État. Dans le cadre d’une politique d’attractivité économique du territoire, cette entreprise privée américaine très présente dans les écosystèmes d’innovation a pris l’engagement de soutenir des entreprises par des financements directs, notamment des start-up, de les suivre dans leur croissance et, éventuellement, de les acheter. Cet engagement unilatéral d’un investisseur étranger n’écarte en rien l’application du droit français en matière de propriété intellectuelle, de localisation des données, de secret industriel et commercial. Le Gouvernement se soucie de la question. Avec le Premier ministre, nous avons lancé une stratégie nationale en matière de cyber-sécurité, et la question de l’intelligence économique est au cœur de nos priorités. Je pourrai vous fournir plus d’informations si vous le souhaitez.
Vous avez raison, madame Le Dain, à propos des banlieues. Le Gouvernement agit pour la couverture des territoires ruraux, mais aussi pour celle des zones périurbaines définies comme zones AMII. Ainsi a-t-il durci le ton avec ces constats de carence pour permettre l’action de la puissance publique là où celle des opérateurs privés est insuffisante.
Merci beaucoup, madame Pochon, pour votre intervention concernant les personnes handicapées, en particulier les personnes sourdes et malentendantes. Votre témoignage conforte le Gouvernement dans l’idée qu’il est nécessaire d’avancer sur ce sujet. La solution choisie consiste justement en la généralisation du recours à un centre relais téléphonique. Nous n’avons effectivement pas trouvé de technologie alternative qui permette de satisfaire les besoins très concrets des personnes sourdes et malentendantes. Une obligation est donc imposée aux opérateurs, qui en redoutent le coût, mais, si vous considérez que d’autres outils pourraient favoriser l’accès des personnes handicapées aux outils numériques, je suis à votre entière disposition pour continuer ce dialogue.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous aurons davantage de temps pour approfondir ces questions, madame la secrétaire d’État, le 13 janvier prochain, lors de l’examen des articles du projet de loi. Le rapporteur en a déjà préparé une soixantaine, mais, par leurs contributions, les autres membres de la Commission prouveront également que nous ne manquons pas d’imagination.
Lors de ses réunions des mercredi 13 et jeudi 14 janvier 2016, la commission des Lois procède à l’examen, sur le rapport de M. Luc Belot, après engagement de la procédure accélérée, des articles du projet de loi pour une République numérique (n° 3318).
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous en venons à l’examen des articles du projet de loi pour une République numérique, qui a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier. Je rappelle que la discussion générale a eu lieu quand Mme la secrétaire d’État nous a présenté son texte, le 16 décembre.
Il ne s’agit pas d’un texte anodin, puisqu’il a été précédé d’une consultation publique ayant donné lieu à plus de 8 500 contributions déposées par plus de 20 000 participants. Plusieurs autorités administratives indépendantes ont donné leur avis, à savoir l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le Conseil national du numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – j’ai d’ailleurs demandé, faisant usage des prérogatives qui sont les miennes en tant que président de commission, la publication de l’avis de la CNIL, qui n’était pas automatique, car il me semblait logique que cet élément soit versé au débat public.
Trois commissions de notre assemblée se sont saisies pour avis – j’en remercie les rapporteurs Émeric Bréhier, Hélène Geoffroy et Corinne Erhel. La commission des Affaires européennes a pour sa part désigné Marietta Karamanli pour être rapporteure, et la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, Catherine Coutelle, s’est investie à titre collectif et viendra elle aussi défendre ses amendements.
Le nombre des parties prenantes et celui des amendements – 601 ont été déposés – me conduisent à inviter chacun de vous à faire preuve de concision. À défaut, les délais – en principe plutôt larges – que j’ai prévus pour l’examen de ce texte risquent de ne pas suffire. Dans le même état d’esprit, la Conférence des Présidents qui s’est tenue hier a reporté, à ma demande, le délai de dépôt des amendements en séance de vendredi dix-sept heures à samedi treize heures. Enfin, je souhaite la bienvenue à nos collègues non-membres de la commission des Lois à la présente séance, mais je rappelle que seuls les membres de la commission voteront sur les amendements.
TITRE IER
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR
Chapitre Ier
Économie de la donnée
Section 1
Ouverture de l’accès aux données publiques
La Commission est saisie de l’amendement CL102 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet, non pas d’imposer l’appellation « l’internet » quand d’autres, notamment celle de « réseau de communication publique en ligne », sont proposées dans la législation, mais d’utiliser le mot « internet » conformément à la logique de la langue française. Il ne s’agit pas d’un nom propre, mais d’un nom commun ou ayant vocation à devenir commun compte tenu de la nature de ce qu’il désigne, à savoir un bien commun universel. Je propose donc que le mot « internet » soit écrit sans majuscule et en étant précédé de l’article défini élidé, conformément à la position sur ce point des instances compétentes.
M. Luc Belot, rapporteur. Je remercie M. Martin-Lalande, qui a assisté à un très grand nombre d’auditions au cours des cinq semaines ayant précédé la suspension de nos travaux en décembre, ainsi que l’ensemble des députés qui se sont investis sur ce texte.
Pour ce qui est de son amendement, si je comprends la volonté de normaliser l’appellation de l’internet, il me semble qu’une telle mesure n’a pas vocation à figurer dans le présent texte, mais relève plutôt des prérogatives de l’Académie française. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
M. Patrice Martin-Lalande. Dans les différentes versions de ce projet de loi et son étude d’impact, émanant du Gouvernement, on a vu le mot « internet » écrit de différentes manières : « Internet », « l’Internet », « internet » et « l’internet ». Si le texte sur la République numérique ne nous fournit pas l’occasion de nous mettre d’accord sur ce point, il sera difficile de trouver une meilleure opportunité législative de le faire. Je maintiens donc mon amendement.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. L’objectif de cet amendement est louable, mais il introduit une définition de l’internet, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi. S’il s’agit simplement de procéder à un lissage relevant de la terminologie cosmétique, cela doit être fait dans tous les cas concernés par le texte, et je suggère que ce travail d’harmonisation soit fait dans les semaines qui viennent, avant la séance publique.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL2 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet d’attribuer à l’éducation au numérique le label de « Grande cause nationale » pour l’année 2017. L’éducation au numérique constitue un moyen privilégié de donner à chacun une meilleure maîtrise du monde numérique, ce qui est l’objet même de ce texte. L’attribution de l’agrément « Grande cause nationale » permettrait à l’éducation au numérique de disposer de moyens et d’une exposition médiatique plus importants.
M. le rapporteur. Je suppose qu’il s’agit d’un amendement d’appel puisque, comme vous le savez, l’attribution du label « Grande cause nationale » relève des compétences du Premier ministre, et ne s’effectue qu’au terme d’une campagne d’intérêt public et d’un appel d’offres. En tout état de cause, je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le lancement par le Président de la République du plan numérique pour l’éducation a marqué la priorité donnée à l’enseignement du numérique à l’école. Ce plan a vocation à se renforcer au cours des années qui viennent avec l’enseignement du code informatique et la création de la grande école du numérique. Si je partage totalement l’objectif que vous poursuivez en voulant défendre ce label, il me paraît compliqué d’introduire dans la loi une proposition ne revêtant pas un caractère normatif.
M. Patrice Martin-Lalande. Au bénéfice de ce qui vient d’être dit par Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement, en espérant qu’il aura l’effet escompté.
L’amendement CL2 est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l’amendement CL170 de Mme Delphine Batho.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Votre amendement fait apparaître un mot tabou, chère collègue, celui de « rapport » !
M. Philippe Gosselin. Tabou ou totem ? (Sourires.)
Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à faire avancer une proposition en train de faire son chemin dans la société, à savoir l’idée d’instaurer un revenu de base universel, inséparable des questions que soulèvent la révolution numérique et les mutations que celle-ci entraîne, notamment en matière de travail.
Le Conseil national du numérique a récemment mené un travail de réflexion sur ce sujet. Dans la perspective du projet de loi sur lequel travaille actuellement la ministre Myriam El Khomri, il est envisagé de mettre à l’étude cette proposition dont le principe commence à être expérimenté dans un certain nombre de pays. Le présent amendement reprend la proposition du Conseil national du numérique sous la forme d’un rapport demandé au Gouvernement, afin de faire avancer le débat au sein de la représentation nationale.
M. le rapporteur. Je vous rejoins sur l’importance de développer une expertise sur ce thème, compte tenu de l’ampleur qu’il prend actuellement. En revanche, comme le président de notre commission, je ne suis pas très favorable aux demandes de rapport : il me semble que notre assemblée dispose de moyens d’action plus efficaces, notamment les missions d’information.
Par ailleurs, l’instauration d’un revenu de base ne me paraît pas être un sujet exclusivement lié au thème de la République numérique. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
M. Sergio Coronado. Nous soutenons l’amendement de Mme Batho. Il est sain que, dans un débat parlementaire de cette importance, nous ne soyons pas totalement hermétiques aux préoccupations de la société – d’autant que l’idée du revenu de base a déjà connu des traductions législatives dans d’autres pays. Certes, il existe d’autres façons de mener la réflexion que celle consistant à rédiger un rapport, c’est pourquoi je veux demander à Mme la secrétaire d’État si elle serait disposée à ce que soit nommé un parlementaire en mission.
Mme la secrétaire d’État. Le revenu de base constitue effectivement un sujet très important, parfois considéré comme une réponse possible à ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » de l’économie. Une proposition en ce sens a été faite récemment par le Conseil national du numérique dans un rapport, et des mesures législatives ont été introduites dans certains pays – c’est le cas en Finlande. La réflexion est engagée au sein du Gouvernement, notamment par la ministre du travail ; des députés y travaillent également, en particulier Christophe Sirugue, qui s’est vu confier la mission de réfléchir à l’efficacité et à la lisibilité de certaines dispositions, notamment celles relatives aux minima sociaux. Sans minimiser l’importance du sujet, je suggère de ne pas multiplier les instances de réflexion.
Mme Delphine Batho. Je veux préciser qu’à mon sens le revenu de base n’est pas une mesure ayant vocation à accompagner l’« ubérisation » de l’économie, ou plus exactement le « précariat », qui n’est autre chose qu’une nouvelle forme de prolétariat. Je salue ce qui a été dit par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État et me félicite de ce que la réflexion commence à s’engager. Je maintiens mon amendement, non parce que je tiens à ce qu’un rapport soit remis au Parlement, mais parce que je souhaite que s’engage un processus correspondant à la méthodologie recommandée par le Conseil national du numérique. La Commission rejette l’amendement.
Article 1er
Échanges de données entre administrations publiques
Le présent article a pour objet de faciliter la communication de données entre les administrations publiques.
Aux termes de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Pourtant, la culture administrative a longtemps été caractérisée par « le silence des agents publics, au nom de leur obligation de confidentialité, et le secret de principe des « papiers », avalisé par une jurisprudence constante du juge administratif, aux termes de laquelle la communication d’un document détenu par l’administration n’était un droit que si elle était expressément prévue par un texte » (69).
L’accès aux documents administratifs : exemples de droit comparé (70)
En Suède, il s’agit d’un droit constitutionnel depuis 1776 : « Tout citoyen suédois aura libre accès aux documents officiels ». Le champ d’application de ce droit est très large et aucune justification d’un intérêt pour agir ou d’un motif n’est requise ; la demande peut d’ailleurs être anonyme. La réponse de l’administration doit intervenir dans les 24 heures de sa saisine et les documents sont immédiatement consultables sur place.
Aux États–Unis, le Freedom of information Act (FOIA), adopté en 1966, donne largement accès aux documents produits par la présidence et les agences fédérales. Depuis 2003, l’accès à ces documents est réservé aux seuls citoyens américains.
Au Royaume–Uni, le Freedom of information Act, adopté en 2 000, concerne plus de 100 000 administrations publiques, nationales et locales. Le suivi de son application est confié à un commissaire à l’information dont les décisions s’imposent à l’administration, sous réserve de contestation devant le juge.
Certes, des dispositions spécifiques organisent depuis longtemps la communication de documents administratifs, à l’instar de l’article 58 de la loi municipale du 5 avril 1884, repris dans les codifications successives (71), qui ouvre à tout habitant ou contribuable local la faculté de demander communication sur place et de prendre copie, totale ou partielle, des « procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune, des arrêtés municipaux ». Ces droits sont toutefois circonscrits quant au champ de leurs bénéficiaires et aux documents sur lesquels ils sont susceptibles de s’exercer.
Il a fallu attendre les années 1970, et l’adoption de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, pour que soit consacré le principe du droit d’accès aux documents administratifs.
Dorénavant la communication est de droit et seul le législateur peut en limiter la portée, la liberté d’accès aux documents administratifs relevant des « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » (72).La définition du périmètre du droit d’accès aux documents administratifs est une compétence purement nationale, et non européenne, à la différence du droit à réutilisation des informations publiques (73).
L’article L. 300–1 du code des relations entre le public et l’administration (74) consacre le droit pour toute personne d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration.
Sont considérés comme documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou privé chargées d’une telle mission. La notion de document est largement entendue (75). La loi en énumère une liste non limitative et ne pose aucune condition de forme matérielle, ce qui permet au demandeur d’accéder, notamment, à des bases de données informatiques.
Le droit de communication ne s’applique cependant qu’aux documents achevés, et non aux documents préparatoires (76). La loi n’a pas non plus pour effet de faire établir un document qui ne préexisterait pas à la demande.
L’article L. 311–5 du code des relations entre le public et l’administration prévoit plusieurs exceptions au droit à la communication. Ne sont ainsi pas communicables :
– les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, certains documents de la Cour des comptes ou de l’Autorité de la concurrence ;
– les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, à la monnaie et au crédit public, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou aux opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ou aux autres secrets protégés par la loi.
L’article L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (77), au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. On notera les interrogations soulevées par une décision récente du Conseil d’État qui a retenu une exception tirée de la « vie privée des entreprises » (CE, 17 avril 2013, n° 344924). La portée de cette exception est encore incertaine mais elle pourrait conduire, si elle était trop largement entendue, à une extension substantielle des informations soustraites à la communication.
La persistance de régimes particuliers d’accès aux documents administratifs (78)
Lorsqu’il a adopté la loi du 17 juillet 1978, le législateur n’a pas supprimé les régimes autonomes de communication préexistants. Il en a, au contraire, introduit de nouveaux depuis. Ces régimes sont de trois ordres :
– certains sont mentionnés dans la loi du 17 juillet 1978, avec laquelle ils doivent être articulés, et sont mis en œuvre, en tout ou en partie, sous le contrôle de la commission d’accès aux documents administratifs (79) ;
– d’autres sont pleinement autonomes et les difficultés rencontrées par les demandeurs dans l’exercice de leur droit sont alors directement invocables devant le juge administratif (80);
– enfin, en matière environnementale, le législateur français a conçu un droit d’accès renforcé pour tenir compte des exigences spécifiques de la convention dite d’Aarhus (81) et du droit européen (82) relatifs à l’accès aux informations environnementales.
b. L’exclusion des administrations publiques du champ des personnes bénéficiant du droit d’accès aux documents administratifs
Le terme d’ « administré » initialement présent dans la loi de 1978 a été remplacé par celui « de personne » par la loi du 11 juillet 1979, afin de désigner tous les types de personnes, y compris les personnes publiques. Le ministère de l’Intérieur, dans une réponse à une question écrite, a d’ailleurs observé que, dans plusieurs affaires, les juridictions administratives avaient examiné la recevabilité des recours formés par des autorités administratives à l’aune de l’article 7 de la loi du 17 juillet 1978 et les avaient rejetés pour défaut de saisine de la CADA (83). Il en concluait que « ces juridictions ont estimé que la loi de 1978 s’applique également à la communication de documents administratifs entre autorités administratives » (84).
Saisie de manière récurrente de demandes de communication émanant d’autorités publiques, la CADA a cependant estimé de manière constante que :
« La loi du 17 juillet 1978 garantit au seul profit des administrés un droit d’accès aux documents administratifs et n’avait pas vocation à régir les transmissions de documents entre les autorités administratives qui relevaient le cas échéant d’autres textes relatifs à ces autorités et à leur mission, pour l’application desquels la CADA n’avait pas reçu compétence aux fins d’émettre un avis. […]. La commission observe que la directive 2003/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, pour la transposition de laquelle les dispositions des articles L. 124–1 et suivants ont été introduites, garantit à tout « demandeur », défini comme « toute personne physique ou morale ». Cette directive n’exclut donc pas qu’une autorité administrative puisse avoir la qualité de demandeur et se prévaloir des dispositions nationales encadrant le droit d’accès à ces informations » (85).
Pour compenser, en partie, l’interprétation restrictive de la loi du 17 juillet 1978, l’ordonnance n° 2015–507 du 7 mai 2015 relative à l’adaptation du secret professionnel dans les échanges d’informations entre autorités administratives et à la suppression de la production de pièces justificatives a créé, au sein de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, un article16 A, depuis codifié aux articles L. 114–8 à L. 114–10 du code des relations entre le public et l’administration, encadrant les échanges de données entre administrations.
Ces articles restreignent les échanges de données entre administrations aux cas où ils sont strictement nécessaires pour traiter une demande présentée par le public ou une déclaration transmise par celui–ci en application d’un texte législatif ou réglementaire.
Ces échanges s’effectuent par ailleurs dans un cadre contraint, régi par un décret en Conseil d’État, qui détermine :
– les domaines et les procédures concernés par les échanges d’informations ;
– la liste des administrations auprès desquelles la demande de communication s’effectue en fonction du type d’informations ou de données ;
– les critères de sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des échanges ;
– les informations qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet de ces échanges entre administrations ;
– le délai de conservation des informations applicables à chaque système d’échanges.
2. La création d’un droit d’accès aux données publiques au profit des administrations publiques
a. Les personnes publiques constituent des utilisateurs et des réutilisateurs importants de données publiques
Les administrations sont de fortes consommatrices de données publiques dans l’exercice de leurs missions de service public, c’est-à-dire au-delà de l’échange de données permettant de traiter la demande d’un administré prévu par le code des relations entre le public et l’administration.
S’agissant de la réutilisation, l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 dispose certes que « l’échange d’informations publiques entre les autorités mentionnées à l’article 1er, aux fins de l’exercice de leur mission de service public, ne constitue pas une réutilisation » (86). Dès lors, « aussi longtemps que l’information ne sort pas de la sphère du service public, le chapitre II [relatif à la réutilisation des informations publiques] n’a pas vocation à s’appliquer » (87). Mais lors de son audition par votre rapporteur, M. Antoine Fouilleron – qui a remis le 8 décembre 2015 un rapport sur les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations (88) – a indiqué qu’il n’existe pas nécessairement de différence de tarification selon que le réutilisateur est une personne publique ou une personne privée. Le flux total n’est pas négligeable puisqu’il est estimé en 2014 à 20 millions d’euros bruts – montant qui inclut les données produites à façon. Pour plus de la moitié, les flux financiers font intervenir les échanges d’informations entre l’État et les organismes de sécurité sociale – synthèse de la déclaration annuelle des données sociales, répertoire national d’identification des assurés sociaux, etc.
Les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations
S’il ne saurait prétendre, de l’aveu même de l’auteur, à être exhaustif dans sa cartographie, le rapport de M. Antoine Fouilleron a permis un premier recensement des pratiques d’échange de données à titre onéreux entre les administrations.
Le rapport montre que les transactions liées aux échanges de données entre administrations publiques demeurent modestes en montant mais concentrées sur un nombre limité d’acteurs et en progression à périmètre constant. La mission a recensé trente « vendeurs » de données, pour un total d’environ 19,9 millions d’euros (2014).
Neuf dixièmes de ces échanges sont le fait de quatre principaux vendeurs de données : la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) (9,8 millions d’euros), l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN) (3 millions d’euros), l’institut de la statistique et des études économiques INSEE (2,3 millions d’euros) et la direction générale des finances publiques (DGFiP) (2,2 millions d’euros). Les administrations de sécurité sociale sont à l’origine de plus de la moitié des ventes à d’autres administrations alors que l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) collectent un peu plus du tiers des recettes.
À l’inverse, le panorama des acheteurs publics est plus fragmenté. Des 1000 administrations « acheteuses » (la mission relève entre 900 et 1400 acheteurs en fonction des années), seules trois ont un volume supérieur à un million d’euros - les autres se répartissant de manière hétérogène entre des montants de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines de milliers d’euros.
Ainsi, la vente des données démographiques n’a rapporté que 263 euros à l’INSEE en 2012 et celle des bases de données cadastrales 135 euros à la DGFIP en 2014.
De même le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a acheté pour 20 euros de données à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) en 2011, 2012 et 2013, le chiffre 2014 restant inconnu.
La mission recommande l’inscription dans la loi du principe de gratuité des échanges, qui ne serait limité que par les règles de la concurrence et de l’accès à la commande publique ou pour certaines transmissions complexes. Cette loi devrait être accompagnée d’un schéma de neutralisation des flux financiers constatés et par une standardisation des modalités d’échange afin d’en lever les obstacles juridiques et sociologiques.
Les administrations publiques locales représentent 55 % des acheteurs publics de données à d’autres administrations mais pour des montants faibles (moins de 9 % du total des flux concernés).
Le rapport rappelle que les échanges de données entre administrations ne se limitent pas aux données publiques susceptibles d’être concernées par le droit de réutilisation ouvert par la loi CADA du 17 juillet 1978 mais recouvrent également les transmissions de données non communicables aux citoyens et dont les conditions de diffusion peuvent être protégées par la loi.
Le fondement juridique permet de douter de la régularité des pratiques tarifaires. En effet, le rapport souligne que, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation ne saurait être applicable. Dans les faits, la pratique en matière de tarification demeure déterminée à l’échelle de chaque administration et donc fortement hétérogène.
Le rapport insiste sur les effets sous optimaux des pratiques actuelles qui affectent l’efficience de l’action publique : retard dans la mise en œuvre de projets, renoncements à la donnée, stratégies de contournement de la tarification à même de menacer l’exercice des prérogatives de puissance publique.
Le rapport de M. Mohammed Adnène Trojette a montré, en 2013, que l’adoption par l’État d’une stratégie de plateforme, qui consisterait notamment à exonérer de redevances les administrations, serait de nature à supprimer les coûts de transaction et générerait de nombreuses externalités positives (89).
b. Sous réserve du respect de certains principes l’institution de fait d’un principe de gratuité des échanges d’informations publiques entre administrations ne méconnaît ni le principe d’égalité ni le droit de la concurrence
S’agissant du principe d’égalité consacré à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, la jurisprudence a établi de manière constante – sous réserve que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit – la possibilité pour le législateur de :
– régler de façon différente des situations différentes ;
– déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général.
La réutilisation de données publiques comporte un fort enjeu économique en raison de leur potentiel commercial. À cet égard, la dichotomie opérée par la loi du 17 juillet 1978 entre les personnes échangeant des informations publiques aux fins de l’exercice de leurs missions de service public et celles y procédant à d’autres fins à vocation à être conservée.
La différence de traitement entre personnes privées et personnes publiques exerçant une mission de service public est justifiée par le meilleur accomplissement de leurs missions de service public.
Par ailleurs, lorsqu’une personne publique se livre à une activité participant à l’exercice de l’autorité publique et non à des activités économiques à caractère industriel et commercial, les règles du droit de la concurrence ne trouvent pas à s’appliquer. Au regard du droit de la concurrence, le statut de l’opérateur économique n’a pas en lui–même d’influence sur l’application ou non des règles en cause. Le droit de la concurrence s’applique tant aux entreprises privées qu’aux entreprises publiques ainsi qu’aux autorités publiques (90). Si les échanges d’informations publiques avaient lieu dans le cadre d’une activité économique, la transmission gratuite pourrait être qualifiée d’aide d’État.
c. La création d’un droit d’accès pour les personnes publiques
Le présent article crée un régime dédié de droit d’accès aux documents administratifs au bénéfice des administrations (91) dans l’exercice de leurs missions de service public. Il prévoit que les administrations communiquent les documents administratifs qu’elles détiennent aux administrations qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public. Cet article donne aux administrations, pour reprendre les termes employés par la CADA dans son avis sur le présent projet de loi, « un droit d’accès (…) aussi large que celui qui est ouvert à toute autre personne, puisqu’elles peuvent déjà se prévaloir des dispositions générales sur l’accès aux documents administratifs lorsqu’elles agissent à un autre titre qu’une mission de service public – par exemple en tant que candidate à l’attribution d’un marché public. » (92)
Ce droit s’exerce :
– sous réserve des dispositions prévues pour les documents protégés à l’article L. 311–5 du code des relations entre le public et l’administration (documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte à la défense nationale ou au déroulement des procédures engagées devant les juridictions) et à l’article L. 311–6 du même code, s’agissant des documents qui ne sont communicables qu’au seul intéressé ;
– dans le respect des dispositions de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
La CADA, dans son avis précité sur le présent projet de loi, estime que seront également applicables les dispositions de l’article L. 311–2 du code des relations entre le public et l’administration (sur les documents inachevés ou présentant un caractère préparatoire) ainsi que les documents faisant l’objet d’une diffusion publique.
La CADA observe qu’elle s’estimera dorénavant compétente pour se prononcer dans les mêmes conditions que lorsqu’elle est saisie par un administré sur les refus de communication opposés à une administration (article L. 342–l du code des relations entre le public et l’administration).
Cet article n’abroge pas l’article L. 114–8 qui conserve toute sa pertinence. Tout d’abord, il convient de rappeler que le présent article n’accorde qu’un droit de communication, avec ses limites, entre administrations dans l’accomplissement de leur mission de service public. Les données ne sont pas les mêmes : dans le premier cas, il s’agira des données communicables à tout citoyen ; dans l’autre, il pourra s’agir le plus souvent de données à caractère personnel mais dont les administrations ont besoin pour le traitement de la démarche de l’usager et qu’elles sont d’ores et déjà habilitées à traiter.
Ce dispositif connaît une traduction opérationnelle : le programme « Dites-le nous une fois », levier de simplification, permettant de lutter contre la redondance de production des pièces justificatives des usagers. Il est notamment en cours de mise en œuvre pour les entreprises dans le cadre de "Marchés publics simplifiés" : cette application propose aux entreprises de candidater aux marchés publics avec leur seul numéro SIRET, le dispositif permettant ensuite d’obtenir les données d’identité directement dans la base SIRENE de l’INSEE, et les certificats de paiement des impôts et contributions sociales auprès de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements permettant de donner leur pleine mesure aux nouvelles dispositions introduites à l’article 1er du présent projet de loi, en consacrant un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public.
Le « rapport Fouilleron » précité a en effet montré que les flux financiers liés aux échanges de données entre administrations publiques demeurent modestes en montant mais en progression à périmètre constant, avec un panorama fragmenté d’acheteurs publics, pour lesquels les coûts de transaction engendrés par l’achat de données rendent les opérations largement inefficientes.
En outre, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation défini par l’article 10 de la loi dite « CADA » ne devrait être applicable. L’étude minutieuse menée par M. Antoine Fouilleron a pourtant montré que c’est le cas. Votre rapporteur a donc déposé un amendement, adopté par votre commission des Lois, précisant que les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées gratuitement par toute administration mentionnée au même article L. 300–2 qui le souhaite à des fins d’accomplissement de missions de service public autres que celles pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL10 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Comme je le dis lors de l’examen de chaque texte, il convient d’éviter les « neutrons législatifs » comme celui-ci : tel que rédigé, cet article 1er serait l’un des seuls du texte à ne pas être codifié ou inséré dans une loi.
J’estime donc qu’il serait préférable de l’insérer dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Je sais que le Conseil d’État a rejeté cette idée, ce code étant selon lui réservé aux dispositions relatives aux relations entre le public et les administrations. Cette difficulté peut toutefois être contournée en précisant que le CRPA contient également des dispositions relatives aux relations entre les administrations.
M. le rapporteur. Si je partage votre intention de codifier les dispositions du projet de loi, de fait, le code des relations entre le public et l’administration, par son titre même et par son contenu, vise d’abord les relations entre le citoyen et les administrations.
Par ailleurs, je ne vois pas ce qui justifie l’appellation « neutron législatif » : le fait qu’une disposition législative ne soit pas codifiée ne lui retire en rien sa portée normative. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL347 du rapporteur.
Elle étudie ensuite l’amendement CL537 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à instaurer la gratuité des échanges d’informations entre les administrations.
Le texte consacre le droit d’accès des personnes publiques et privées chargées d’une mission de service public. Cet amendement vient le compléter, notamment au regard des conclusions du rapport d’Antoine Fouilleron du 8 décembre 2015, qui montre que les transactions liées aux échanges de données entre administrations publiques prennent une place de plus en plus conséquente – elles ont représenté près de 20 millions d’euros en 2014.
Neuf dixièmes de ces échanges sont le fait de quatre principaux vendeurs de données : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’Institut de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le panorama des acheteurs publics est, quant à lui, beaucoup plus fragmenté : la mission relève entre 900 et 1 400 acheteurs en fonction des années, pour des transactions d’un très faible montant – ainsi, la vente des données démographiques n’a rapporté que 263 euros à l’INSEE en 2012 et celle des bases de données cadastrales 135 euros à la DGFiP en 2014.
Le fondement juridique permet de douter de la régularité des pratiques tarifaires. En effet, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation ne saurait être applicable. Il convient de préciser, puisque cet article ne s’insère pas dans le CRPA, que ce nouveau « droit d’accès » est gratuit.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL405 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Notre proposition, essentielle pour que l’article 1er ait une réalité concrète dans la vie des administrations, consiste à préciser que la communication des documents entre les administrations doit s’effectuer « si possible par voie électronique, dans un standard ouvert et aisément réutilisable ». Il est en effet fréquent qu’un conflit de formats empêche la communication de se faire réellement.
M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif poursuivi par cet amendement et les arguments qui viennent d’être invoqués, mais je considère qu’il serait préférable d’adopter une mesure de coordination plus globale au niveau du CRPA. Je vous invite donc à retirer cet amendement afin que nous puissions le retravailler ensemble avant la séance publique.
M. Christian Paul. Je prends note de cette proposition et je retire l’amendement.
L’amendement CL405 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL538 du rapporteur.
M. le rapporteur. Dans un souci de cohérence, cet amendement vient compléter la création par l’article 1er du présent projet de loi d’un droit d’accès aux documents administratifs pour les administrations, en créant un régime de réutilisation gratuite des informations publiques pour les administrations.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
La Commission examine l’amendement CL222 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que les autorités administratives indépendantes (AAI) entrent bien dans le champ de l’article L. 300-2 du CRPA, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs. En effet, contrairement aux autorités publiques indépendantes, les AAI ne disposent pas nécessairement de la personnalité juridique – la question s’est posée au sujet de la CNIL. Il importe donc de s’assurer que cela est bien le cas.
Il s’agit par ailleurs d’une suggestion du Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi.
M. le rapporteur. Les documents des autorités administratives indépendantes devraient déjà être considérés comme des documents administratifs. Si cette précision permettait de lever un doute, je donnerais volontiers un avis favorable, mais il me semble que cet amendement est satisfait. Je vous en demande donc le retrait.
M. Sergio Coronado. En attendant de vérifier ce que vient de dire notre rapporteur, je lui accorde le bénéfice du doute et je retire mon amendement.
L’amendement CL222 est retiré.
La Commission se penche sur l’amendement CL223 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à étendre le champ de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs, aux personnes de droit privé appartenant à des personnes publiques. En effet, à l’heure actuelle, les agents fonctionnaires de la Bibliothèque nationale de France délégués au sein de l’annexe que constitue BNF-Partenariats ne communiquent ni au public ni aux parlementaires les documents relatifs à la conclusion des contrats qui les concernent.
M. le rapporteur. Je vous rejoins complètement quant à l’intérêt démocratique que représente la publicité des documents appartenant au domaine privé de l’État, mais votre rédaction ne me paraît pas complètement satisfaisante. Je vous demande le retrait de cet amendement afin que nous puissions travailler ensemble à une nouvelle rédaction en vue de la séance.
Mme la secrétaire d’État. Je précise que les personnes de droit privé qui appartiennent à des personnes de droit public peuvent déjà être couvertes par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », dès lors qu’elles sont investies d’une mission de service public. Ce n’est pas la définition organique ou institutionnelle de l’entité qui importe ici, mais bien la mission poursuivie. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit retiré.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La notion d’« appartenance » à une personne publique me paraît dénuée de sens. Il faudra trouver une autre formulation.
L’amendement CL223 est retiré.
Article 1erbis
(art. L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration)
Intégration du code source à la liste des documents administratifs
Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel visant à compléter la liste des documents administratifs mentionnée à l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration (93) par les « codes source ».
La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a, dans un récent avis du 8 janvier 2015, défini le « code source » comme « un ensemble de fichiers informatiques qui contient les instructions devant être exécutées par un micro-processeur » (94). L’accès aux codes source, qui font intervenir des algorithmes, est une question récurrente. Comme le relevait la sénatrice Corinne Bouchoux, « l’économiste Thomas Piketty, pour ses travaux sur la justice du système fiscal français, a été forcé de recréer lui-même un outil de simulation fiscale individuelle faute d’avoir pu avoir accès aux algorithmes du ministère des finances. » (95)
La CADA a estimé que « les fichiers informatiques constituant le code source sollicité, produits par la direction générale des finances publiques dans le cadre de sa mission de service public, revêtent le caractère de documents administratifs ».
En réponse à une demande qui lui a été adressée de communication du code source permettant de calculer l’impôt sur le revenu, le directeur général des finances publiques a indiqué qu’il se composait de nombreux fichiers nécessitant un lourd traitement pour être rendus exploitables, de sorte que le document sollicité devait être regardé comme inexistant, en l’absence de traitement automatisé d’usage courant susceptible d’en produire une version compréhensible. Cette affaire est aujourd’hui pendante devant le juge administratif.
L’article additionnel adopté par votre commission permettra de lever le doute sur les codes source en général, qui sont bien des documents administratifs lorsqu’il existe un traitement automatisé d’usage courant permettant de les rendre exploitables, comme pour tous les autres documents administratifs. La navette parlementaire sera l’occasion de préciser le régime applicable aux cas spécifiques des codes source relatifs aux impôts.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL224 de M. Sergio Coronado et CL534 du rapporteur.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à permettre la communication des codes sources, qui doivent être considérés comme des documents administratifs donc communicables. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA signale qu’« un autre apport de ces nouvelles dispositions pourrait consister à lever également, en faveur des intéressés, les obstacles à la communication du code source que peuvent présenter, dans certains cas, les dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6 ». Cet amendement serait cohérent avec la volonté de transparence sur les algorithmes affichée par le présent projet de loi.
M. le rapporteur. Mon amendement vise le même objectif, mais sa rédaction est légèrement différente : pour correspondre exactement à la définition consacrée par la CADA, je propose de parler uniquement de « code-source », et non de « codes source de logiciels ».
M. Sergio Coronado. Je m’y rallie.
Mme la secrétaire d’État. La question des codes-sources et de leur ouverture est un sujet important et récurrent. Comme vous le savez, la CADA a déjà considéré que ces codes entrent dans la catégorie des documents administratifs dès lors qu’ils ont été développés dans le cadre d’une mission de service public. En réalité, l’enjeu pour la communication de ces codes réside dans l’interprétation de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, relatif à l’interprétation des secrets et des protections prévus à cet article. Le Gouvernement est favorable à la fois à l’application de la jurisprudence de la CADA et à une interprétation au cas par cas, tant les situations peuvent être potentiellement complexes.
Cela dit, à l’issue d’un entretien approfondi, le ministre des Finances m’a convaincue que lorsqu’on parle des codes-sources, c’est de l’impôt sur le revenu qu’il est question le plus souvent. Je suis très heureuse de vous annoncer aujourd’hui que Michel Sapin est favorable à l’application de la jurisprudence de la CADA à l’impôt sur le revenu, et qu’il a demandé à son administration de communiquer aux demandeurs à très brève échéance le code de l’impôt sur le revenu pour la dernière année écoulée. Cela représente une avancée très importante pour la transparence de l’action publique et répondra aux attentes de nombreux chercheurs.
En dehors de la décision prise au sujet de l’impôt sur le revenu, le Gouvernement s’oppose à une approche globale qui consisterait à ouvrir la totalité des codes-sources. Je suis donc défavorable à l’amendement proposé.
M. Philippe Gosselin. Le caractère mesuré et raisonnable de la décision prise par le Gouvernement au sujet du code-source de l’impôt sur le revenu – justifié, sans doute, par la crainte de possibles abus de droit – pourrait nous faire oublier qu’il s’agit davantage d’une fermeture que d’une ouverture : quid des autres impôts, notamment de l’impôt sur les sociétés ? Il serait intéressant que le Gouvernement justifie sa position d’une manière plus approfondie en séance.
M. le rapporteur. L’avis rendu par la CADA le 8 janvier 2015 en faveur de la communicabilité du code-source en matière fiscale répond tout à fait à nos préoccupations en matière de transparence. J’ai eu, moi aussi, l’occasion d’échanger avec Michel Sapin à ce sujet, et je suis très favorable à ce que les nouvelles dispositions proposées entrent en vigueur après la campagne des impôts.
L’amendement CL224 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL534.
Article 1erter
(art. L. 311–1 et L. 311–9 du code des relations entre le public et l’administration)
Ajout de la publication aux moyens d’accès aux documents administratifs
À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado, la commission des Lois a adopté, avec avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel visant à ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication.
L’accès aux documents administratifs s’exerce aujourd’hui, au choix du demandeur :
– par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ;
– sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ;
– par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.
Il est proposé d’ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Il s’agit d’une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs. Cette mesure (96) qui est d’ailleurs nécessaire à la cohérence du projet de loi prévoit, à l’article 8, que la CADA est dorénavant compétente pour les cas de refus de publication. La tâche de l’administration en sera simplifiée car un document publié n’est plus communicable – puisqu’il est disponible de manière permanente en ligne.
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La Commission est saisie des amendements identiques CL507 du rapporteur et CL225 de M. Sergio Coronado.
M. le rapporteur. Aujourd’hui, l’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur, soit par une consultation gratuite sur place, soit – sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document – par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration aux frais du demandeur, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.
Cet amendement prend pleinement la mesure de l’article 4 du présent projet de loi en ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication, conformément à une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs.
En outre, il est nécessaire à la cohérence du projet de loi, dans la mesure où celui-ci prévoit à l’article 8 que la CADA est dorénavant compétente pour les cas de refus de publication.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à simplifier le travail de toute l’administration : au-delà du droit de communication et de réutilisation, il vise à permettre à une personne d’obtenir la publication d’une information en ligne, qui pourrait constituer une alternative plus simple, plus rapide et moins coûteuse qu’une communication. L’amendement permet en fait d’évoluer d’un droit à la communication à un droit à la publication : dès lors que quelqu’un demanderait la communication d’un document, cela s’interpréterait comme le signe que ce document est digne d’intérêt et impliquerait sa mise en ligne systématique, plutôt que d’en rester à un système où l’administration répond à chaque demande de manière individuelle, ce qui lui prend énormément de temps.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui créent une modalité supplémentaire de communication des documents administratifs lorsqu’une personne en fait la demande. Cela ouvre aux administrations une faculté nouvelle et pertinente, puisqu’elle favorise la dynamique de mise en ligne des documents administratifs, conformément à l’esprit du présent projet de loi.
La Commission adopte les amendements.
Article 2
(art. L.311–3–1 du code des relations entre le public et l’administration)
Droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle
Le présent article a été introduit suite à la proposition de plusieurs contributeurs individuels lors de la consultation ouverte aux internautes dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Il crée un droit d’accès aux règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations publiques et aux principales caractéristiques de leur mise en œuvre, quand ceux–ci débouchent sur des décisions individuelles.
1. L’émergence de nouveaux systèmes d’aide à la décision administrative
Comme le souligne l’étude d’impact, « la transformation numérique de l’administration et la profusion des données rendent de plus en plus fréquents les recours aux programmes informatiques, qui outillent le travail des agents publics et préparent les décisions des administrations. » De fait, de nombreuses décisions individuelles, telles que l’affectation des lycéens dans des filières d’enseignement supérieur via le logiciel « admission post–bac », font intervenir des algorithmes informatiques. Des traitements algorithmiques interviennent également lorsqu’il s’agit de déterminer le montant d’une aide obligatoire ou le produit d’une taxe, comme par exemple :
• Pour les personnes morales
– le calcul de la fiscalité des entreprises (impôt sur les sociétés, CVAE, etc.),
– les droits de douane,
– le montant des subventions agricoles (parfois avec des modèles régionaux).
• Pour les personnes physiques
– les modalités d’avancement des fonctionnaires,
– les décisions d’attribution des logements sociaux de certains bailleurs sociaux,
– le calcul des impôts locaux (taxe d’habitation).
La présomption d’infaillibilité et d’objectivité associée à ces dispositifs pourrait avoir tendance, si aucune discussion publique sur leurs modalités n’était entreprise, à déposséder les administrations des choix qu’elles doivent faire et à réduire leur libre arbitre, faisant de ces services non plus de simples mécanismes d’aide à la décision mais de véritables systèmes de décision automatique ou semi-automatique. Ces algorithmes affectent non seulement les droits des consommateurs mais aussi la relation de l’usager et du citoyen avec les pouvoirs publics alors qu’émerge une véritable « action publique algorithmique » destinée, par exemple, à anticiper certains comportements dans le domaine social (aide au diagnostic médical, prédiction des risques de maltraitance, anticipation des risques de décrochage scolaire, etc.) ou en matière de sécurité.
2. Un dispositif juridique en partie inadapté face à ces nouveaux usages
a. L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes
L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes et des droits des personnes à l’égard des traitements des données à caractère personnel est aujourd’hui régi par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés :
– à l’article 10, qui proscrit la prise de décision à l’égard d’une personne sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ;
– à l’article 39, qui accorde à toute personne physique justifiant de son identité le droit d’interroger le responsable d’un traitement de données à caractère personnel en vue d’obtenir les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous–tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui–ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé. Les informations communiquées à la personne ne doivent toutefois pas porter atteinte au droit d’auteur.
3. L’extension du droit d’accès aux documents administratifs pour s’adapter aux nouveaux usages
La section 1 du chapitre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est consacrée à l’étendue du droit à communication des documents administratifs (97).
L’article L. 311–3 de ce code dispose que toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. Le présent article complète ce dispositif en introduisant un nouvel article L. 311–3–1 indiquant que dès lors qu’une personne est l’objet d’une décision administrative individuelle ayant pour fondement un traitement algorithmique, elle peut demander à l’administration de lui communiquer les règles constituant cet algorithme, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre (98). Cet article ouvre un nouveau droit, en particulier pour les personnes morales, qui ne sont pas dans le champ de l’article 39 de la loi dite « Informatique et libertés ».
Cette communication est néanmoins soumise au respect des dispositions sur les secrets protégés prévues au 2° de l’article L. 311–5 (par exemple, secret de la défense nationale, secret relatif à la monnaie et au crédit public, secret relatif à la recherche des infractions fiscales et douanières).
Cette nouvelle obligation de transparence permettra une discussion publique sur les règles algorithmiques publiques ayant des conséquences importantes dans la vie de nos concitoyens, et renforcera la confiance dans ces outils des décisions publiques qui sont appelés à prendre une place croissante.
Votre rapporteur partage l’avis de la CADA qui alerte sur le fait que le présent article ne doit pas constituer un recul par rapport à sa doctrine sur l’accès aux codes sources et logiciels, qui sont des documents administratifs. Il convient que, « pour présenter un effet utile, [l’article 2 du présent projet de loi doit être compris] comme ouvrant aux personnes le droit d’obtenir de l’administration, en complément de la communication éventuelle du code source, dont la compréhension nécessite des compétences techniques en code informatique, des explications complémentaires, explicitant les règles de traitement mises en œuvre et les principales caractéristiques de celle–ci. » (99)
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La Commission examine l’amendement CL12 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Comme la CNIL l’indique dans son avis, le 5° de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », édicte déjà le droit pour toute personne d’obtenir des informations lorsqu’une décision est prise à son égard par le biais d’un traitement automatisé. L’algorithme entrant visiblement dans cette catégorie, nous sommes proches du doublon, mais aussi et surtout de la contradiction entre cet article et l’article 2 du projet de loi. Afin d’éviter cela, je vous propose d’ajouter une référence explicite à l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978.
M. le rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait, dans la mesure où les articles du CRPA et ceux de la loi dite « Informatique et libertés » se rejoignent sur un certain nombre de points – c’est pourquoi le présent projet de loi met en place une instance de dialogue entre les deux autorités administratives indépendantes. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL506 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL4 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Je remercie M. le rapporteur d’avoir permis à un certain nombre de députés de suivre les auditions qu’il a menées. Cette mutualisation de l’information me semble une bonne façon de travailler.
Mon amendement a pour objet de rappeler le principe selon lequel aucune décision administrative ne peut être prise sur le seul fondement du traitement automatisé des données.
M. le rapporteur. L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes et des droits des personnes à l’égard des traitements des données à caractère personnel est aujourd’hui régi, pour les personnes physiques, par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le présent article complète ce dispositif en introduisant un nouvel article L. 311-3-1 aux termes duquel, dès lors qu’une personne est l’objet d’une décision administrative individuelle ayant pour fondement un traitement algorithmique, elle peut demander à l’administration de lui communiquer les règles constituant cet algorithme, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre. Cet article ouvre un nouveau droit, en particulier pour les personnes morales, qui ne sont pas dans le champ de l’article 39 de la loi « Informatique et libertés ».
Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
M. Patrice Martin-Lalande. Je n’ai pas bien saisi quel était l’inconvénient de mon amendement, monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. La précision apportée n’apporte rien au nouveau droit créé par l’article 2.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL115 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Si l’administration ne fait pas systématiquement savoir aux intéressés que les décisions qui les concernent ont pour partie été prises sur le fondement d’un traitement algorithmique, le nouveau droit restera virtuel. C’est ce que l’amendement tend à éviter.
M. le rapporteur. De très nombreuses décisions individuelles font intervenir des traitements par algorithmes. Le droit d’accès étant désormais consacré, contraindre toute administration à mentionner cette précision me paraît bien lourd. Je ne suis pas très favorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement juge intéressant cet amendement qui renforce l’effectivité du nouveau droit. Il conviendrait toutefois d’en approfondir la rédaction ; je vous propose donc de le retirer pour le présenter, retravaillé, lors de la séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL11 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Sans même parler du fait qu’il n’est pas toujours productif de s’en remettre à une formule mathématique – par exemple pour trouver des terroristes, comme nous l’avons vu lors du débat sur la loi relative au renseignement –, il faut s’assurer que toute personne ayant fait usage du droit à communication est informée que la décision qui la concerne est fondée sur un traitement algorithmique ; faute de quoi, le nouveau droit resterait virtuel. C’est à quoi tend l’amendement.
M. le rapporteur. Si l’intéressé a fait usage du droit à communication, c’est qu’il sait avoir fait l’objet d’une décision de cette nature. La précision me paraît donc inutile.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement dont M. Martin-Lalande vient d’accepter la réécriture répondra pour partie à votre préoccupation. Je vous suggère d’attendre sa présentation en séance publique.
L’amendement CL11 est retiré.
La Commission adopte l’article 2 modifié.
La Commission examine l’amendement CL226 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Ayant donc une chance sur deux que soit le Gouvernement soit le rapporteur se dise favorable à l’amendement, je me lance ! (Sourires.)
À la suite d’une décision du Président de la République, les avis rendus par le Conseil d’État sur les projets de loi sont désormais systématiquement publiés. Il en a été de même pour certaines propositions d’amendements gouvernementaux. L’information des parlementaires et la qualité de la loi en ont été considérablement améliorées. Pour plus de transparence encore, nous proposons par cet amendement d’inscrire dans la loi cette disposition qui marque un très grand progrès en matière d’information et de transparence.
M. le rapporteur. Seuls les avis du Conseil d’État sur les projets de loi sont rendus publics. Je vous suggère donc de retirer l’amendement et de le présenter en séance publique ainsi précisé.
Mme la secrétaire d’État. Il se trouve, monsieur le député, que je partage l’avis défavorable de votre rapporteur...
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement CL508 du rapporteur est retiré.
M. Patrice Martin-Lalande. J’ai cru comprendre que mon amendement CL103, qui visait à ce que tout projet ou proposition de loi fasse systématiquement l’objet d’une consultation publique en ligne avant son inscription à l’ordre du jour du Parlement, a été déclaré irrecevable pour des raisons financières. Je le déplore et j’aimerais que le débat puisse néanmoins avoir lieu sur une disposition qui permettrait d’associer plus étroitement les citoyens à l’élaboration des lois.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il nous faut examiner 601 amendements. Nous ne saurions en plus débattre de ceux qui ont été jugés irrecevables par le président de la commission des Finances, aux avis duquel je me tiens.
Article 3
(art. L.312–1 du code des relations entre le public et l’administration)
Mesure de coordination avec le nouveau dispositif sur l’occultation des mentions personnelles et des secrets protégés
Cet article supprime le deuxième alinéa de l’article L. 312–1 du code des relations entre le public et l’administration relatif à la publication de documents administratifs comportant des mentions personnelles ou des secrets protégés au profit d’un nouveau dispositif plus général introduit au II de l’article 4 du projet de loi.
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La Commission adopte l’article 3 sans modification.
Article 4
(art. L. 312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l’administration)
Élargissement du champ de diffusion des documents administratifs
par l’administration
Le présent article élargit le champ de la publication des documents administratifs, par l’État et les personnes morales de droit public et privé chargées d’une mission de service public
Lors de la consultation publique dans le cadre de l’élaboration du projet de loi, cet articlea été le second article ayant recueilli le plus de votes, près de 2 500, parmi lesquels 91 % étaient favorables. Les 7 % d’avis mitigés émanaient de contributeurs souhaitant étendre plus encore les obligations de diffusion. Cet article a également reçu 116 propositions de modifications et 95 arguments, soit un niveau de participation parmi les plus élevés : ont contribué de nombreux citoyens, mais aussi des associations engagées sur ce thème, des organismes publics, ou des entreprises de l’économie de la donnée (100).
1. L’ouverture progressive des données publiques
L’ouverture des données publiques, communément appelée « open data », permet de garantir la transparence de l’action publique en octroyant à chacun la possibilité de consulter les données relatives à l’action de l’administration et les informations sur lesquelles elle fonde sa décision. Elle doit également ouvrir la possibilité d’exploiter ces données à titre commercial et ainsi créer de la richesse au niveau national.
Diffusion d’information et service public
La politique d’information publique mise en œuvre par l’État varie selon que la diffusion de l’information fait ou non partie des missions de service public des administrations :
– la diffusion d’information, mission principale ou mission associée à celle-ci : relèvent de cette catégorie la direction de l’information légale et administrative (Dila), l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ou l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ;
– la diffusion d’informations publiques, mission accessoire : entrent dans cette catégorie toutes les administrations auxquelles aucun texte n’impose de procéder à la publication des documents qu’elles détiennent. Il en va ainsi, par exemple, des services d’archives publiques, chargés de collecter, de conserver, de protéger et de communiquer, sur demande, les archives qu’elles détiennent mais qui assurent une publication de certaines archives numérisées sur leurs sites internet.
L’ouverture des données publiques a pris un certain essor depuis 1997 avec le discours de M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, prononcé à Hourtin le 25 août 1997, affirmant la nécessité que « les données publiques [deviennent] accessibles à tous gratuitement sur internet ».
Cette volonté s’est traduite par l’adoption, en janvier 1998, d’un ambitieux programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) qui prévoyait la diffusion gratuite des données publiques essentielles telles que « les grands textes de notre droit, l’information administrative du public, les principaux documents publics et les données culturelles essentielles ». Il a conduit notamment à la mise en ligne de toutes les annonces publiées au Bulletin officiel d’annonces des marchés publics (BOAMP), à la mise en ligne de tous les rapports publics de l’État avec la création d’une bibliothèque numérique des rapports publics ainsi que des décisions nominatives publiées au Journal officiel.
Une mission de réflexion a également été confiée au commissariat général au Plan, aboutissant à la publication du rapport de MM. Dieudonné Mandelkern et Bertrand du Marais sur la diffusion des données publiques et la révolution numérique (101). Ce rapport préconisait, en raison de la qualité de « bien public » ou « collectif » de l’information publique et des externalités positives dégagées par sa diffusion, l’application d’un principe de gratuité.
En mars 2006, MM. Maurice Levy et Jean-Pierre Jouyet ont remis au ministre de l’Économie un rapport sur l’économie de l’immatériel (102). Celui-ci a conduit à la création de l’agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE) en avril 2007.
Le 20 octobre 2008, le secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique a présenté le plan « France Numérique 2012 » (103), qui promeut la diffusion des contenus publics et patrimoniaux ainsi la réutilisation des informations publiques par les agents économiques afin de développer de nouveaux produits et services. Est également recommandée la mise en place d’un portail unique d’accès aux données publiques. Le conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010 a décidé de donner suite à cette recommandation. Le décret n° 2011-194 du 21 février 2011 crée par conséquent la mission « Étalab » chargée de concevoir ce portail unique interministériel et de coordonner l’action des administrations de l’État en matière de réutilisation des données publiques.
La mission Étalab
La mission Étalab est un service du Premier ministre chargé de l’ouverture des données publiques, du développement de la plateforme française « open data » et de la coordination, au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), de l’action des services de l’État et de ses établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques. Elle s’appuie sur un réseau de coordinateurs et de correspondants dans chaque ministère.
Chargée d’administrer le portail unique interministériel data.gouv.fr, Étalab en a assuré la refonte. La mission a également piloté la rédaction de la « Licence ouverte », qui permet au réutilisateur de :
– reproduire, copier, publier et transmettre l’information ;
– la diffuser et la redistribuer ;
– l’adapter, la modifier, procéder à des extractions, la transformer ;
– l’exploiter à titre commercial ;
sous réserve de la mention de sa « paternité » (source et date de mise à jour).
Au niveau national, Étalab endosse ainsi une fonction d’animation de l’écosystème de la réutilisation des données. Il conduit dans ce cadre des initiatives telles que le concours Dataconnexions qui, en récompensant des projets innovants reposant sur l’utilisation de données publiques, promeut des exemples concrets de réutilisations de ces données publiques.
En tant que membre associé de l’association Open Data France, Étalab s’associe par ailleurs aux initiatives d’open data lancées par les collectivités territoriales qui introduisent la démarche collaborative au niveau local.
La dimension collaborative de la politique d’ouverture de données se traduit également par un effort de développement des relations entre les administrations en charge de cette politique et les réutilisateurs de la société civile, notamment les start-ups ou les associations.
Le portail unique interministériel destiné à rassembler et à mettre en ligne l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public, nommé « data.gouv.fr », a été ouvert le 5 décembre 2011.
Une nouvelle version du site a été mise en ligne le 18 décembre 2013, offrant des fonctionnalités renouvelées aux utilisateurs. Le nombre de jeux de données mis en ligne a considérablement augmenté (il est aujourd’hui supérieur à 20 000).
Exemples de fichiers très téléchargés sur data.gouv.fr
Statistique générale
- Recensement de la population 2008
Information géographique
- Fonds de carte IGN France et Régions
- Correspondances stations/lignes sur le réseau ferré RATP
Transparence sur l’action de l’État
- Loi de finances initiale – budget général
- Liste des subventions versées par l’État aux associations
Information de sécurité
- Informations sur la localisation des accidents corporels de la circulation
- Avis de rappel de produits 2011
- Liste des 150 infractions les plus fréquentes dans les condamnations pénales
Santé et sécurité alimentaire et environnementale
- Dépenses de santé remboursées par l’assurance maladie par région (soins de ville, établissements de santé publics et privés, établissements médico-sociaux)
- Table de composition nutritionnelle des aliments
Efficacité et accessibilité des services publics
- Les réseaux de réussite scolaire (RRS)
- Indicateurs de résultat des lycées d’enseignement général et technologique
Information culturelle et patrimoniale
- Données complètes du contenu de la BNF
- Liste des événements culturels de l’année
Vie démocratique
- Élections présidentielles 2012 résultats
- Élections européennes 2009 résultats
Source : Vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques, septembre 2013
Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.
Si ce site a pour fonction première de rassembler les informations de l’État mises à la disposition du public, les collectivités territoriales comme les personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public peuvent également l’utiliser sur la base du volontariat pour y placer les informations qu’elles détiennent à la disposition du public.
Open data et collectivités territoriales (104)
Des démarches d’ouverture des données publiques sont mises en œuvre par un certain nombre de collectivités territoriales : Rennes (depuis 2010), Nantes (depuis 2011), Paris et la Saône-et-Loire font partie des précurseurs en la matière, mais le mouvement est loin d’être général.
L’assemblée des départements de France (ADF) et les autres associations d’élus locaux commencent également à s’intéresser au sujet, en lien avec le développement de l’e-administration.
Ces portails accueillent peu de données produites par les citoyens, en raison notamment d’inquiétudes sur la qualité et la pérennité des données produites et sur la difficulté à assumer un processus productif avec les intéressés. On notera toutefois que des contributeurs se sont emparés des données de voirie libérées par les collectivités territoriales pour enrichir leur fonds de carte (par exemple à Toulouse : l’accessibilité des lieux publics et privés aux personnes en situation de handicap) ou en complétant les zones peu cartographiées.
Des applications commerciales ont également été développées qui intègrent des données locales en open data, essentiellement en matière de tourisme ou encore d’offre immobilière ou d’économie sociale et solidaire (itinéraires pour les bicyclettes, les piétons, etc.). Si les licences semblent globalement converger, en revanche le contenu des données n’est pas encore normalisé, ce qui rend difficile le développement d’applications transversales.
Les problématiques de stockage des données et de gestion du catalogue sont importantes pour les petites collectivités. La mutualisation au travers de la mise à disposition de plateformes par les plus grandes d’entre elles, comme à Toulouse, leur permet de disposer d’espaces suffisants sans avoir à exposer des dépenses qu’elles ne seraient pas en mesure de financer. Il est toutefois important pour les collectivités de pouvoir disposer de plateformes mutualisées mais personnalisables pour afficher leur propre portail.
Une collaboration a par ailleurs été établie avec Étalab, qui recueille les données des collectivités locales. En revanche, les services déconcentrés de l’État semblent plus réticents.
La politique française d’ouverture des données publiques a été confortée au niveau européen par l’adoption de la directive n° 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public (dite « directive ISP »), modifiée en 2013. Cette directive a fixé un cadre minimum applicable à la réutilisation des informations du secteur public dans l’Union européenne.
Elle s’applique aux informations détenues par les organismes du secteur public, c’est-à-dire à l’État, aux collectivités territoriales, aux organismes de droit public et aux associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou organismes. La directive n’impose aucune obligation pour les États membres d’autoriser la réutilisation de documents. Elle ne fait que créer des règles minimales qui s’appliquent lorsque la réutilisation est autorisée.
Le Président de la République, M. François Hollande, a fait de l’ouverture et du partage des données publiques un axe important de la modernisation de l’action publique. Cette priorité s’est traduite par plusieurs décisions prises lors des comités interministériels (CIMAP) de 2013. Un vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques a été adopté le 17 septembre 2013 et adressé par le Premier ministre à tous les membres du Gouvernement, par voie de circulaire. Le 21 mai 2014, une communication en conseil des ministres a créé la fonction d’administrateur général des données, consacrée par le décret n° 2014-1050 du 16 septembre 2014. Autorisé à connaître des données détenues par l’administration de l’État et ses opérateurs, cet administrateur a pour missions :
– d’organiser une meilleure circulation des données dans l’économie comme au sein de l’administration, dans le respect de la vie privée et des différents secrets légaux ;
– de veiller à la production ou à l’acquisition de données essentielles ;
– de lancer des expérimentations pour éclairer la décision publique ;
– de diffuser outils, méthodes et culture de la donnée au sein des administrations et au service de leurs objectifs respectifs.
Les données de santé : un ensemble d’une exceptionnelle richesse
L’utilisation des données de santé est très encadrée, au regard du droit fondamental au respect de la vie privée qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
Les bases de données de santé médico-administratives, à vocation exhaustive, rassemblent des données personnelles anonymisées, mais pouvant présenter un caractère indirectement identifiant (105). Leur administration est assurée par différents organismes à des fins de gestion et de régulation du système de soins ou dans un but statistique.
L’article 47 de la loi sur la modernisation de notre système de santé, adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015, définit un nouveau cadre d’accès aux données à caractère personnel figurant dans les bases médico–administratives. Ces dernières comportent des informations à caractère personnel sur les usagers des services de santé, recueillies dans le cadre du soin. Ces bases sont très riches puisqu’elles concernent chaque année près de 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux et 11 millions de séjours hospitaliers. Comme l’a noté le rapport de notre collègue Hélène Geoffroy : « l’exploitation des informations est cependant encore difficile : les différentes bases répondent à des régimes juridiques distincts et aucun système de gouvernance d’ensemble n’est aujourd’hui satisfaisant. La richesse de ces informations constitue pourtant un atout pour la France en matière d’innovation et de recherche de santé, comme pour mener les différentes vigilances sanitaires ou pour optimiser la dépense de santé. »
L’article 47 renforce le rôle de pilotage statistique de l’État, via le rôle confié au nouveau système national des donnés de santé (SNDS). Lorsque les données de santé ne sont pas totalement anonymisées, leur accès pour des recherches, études et évaluations d’intérêt public sera restreint et s’accompagnera de garanties renforcées destinées à protéger de manière effective la vie privée. Les données personnelles les plus sensibles ne sont accessibles en open data qu’après application de procédés d’anonymisation complets déclarés conformes par la CNIL (article L. 1461–2 du code de la santé publique et article 8 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).
Comme le dispose le vadémécum sur l’ouverture et le partage des données publiques établi par Etalab en septembre 2013, les données publiques sont véritablement à la disposition du public quand elles sont « librement accessibles et gratuitement réutilisables ».
L’ouverture des données génère de la valeur économique et sociale à travers quatre mécanismes principaux (106) :
– la réduction des coûts de transaction
L’open data permet une meilleure utilisation, par les acteurs publics et privés, des ressources disponibles. Toute transaction économique engendre des coûts liés à sa réalisation, en particulier les coûts de recherche d’information. En mettant à disposition librement et gratuitement les données publiques, les coûts de transaction sont réduits d’autant.
Ainsi, en Australie, les coûts de transaction induits par la vente et la distribution de données géographiques ont été évalués, avant leur mise à disposition libre et gratuite en 2002, entre 17 et 33 % des revenus de l’administration qui les commercialisait. Le gain annuel de cette ouverture a été évalué à 1,7 million de dollars par an pour la seule réduction des coûts de transaction (107).
– l’innovation
L’utilisation par les secteurs publics et privés des données libres, gratuites et ouvertes leur permet de créer de nouveaux produits.
De nombreuses études montrent que la baisse d’une redevance ou sa suppression entraîne mécaniquement une augmentation de la réutilisation des données concernées (108). Par exemple, le passage à la gratuité du référentiel à grande échelle de l’IGN pour les organismes chargés d’une mission de service public administratif a entraîné une multiplication par vingt des volumes de données téléchargées, soit un bénéfice social estimé à 114 millions d’euros par an, pour un manque à gagner de 6 millions d’euros par an environ. (109)
– la réduction de l’asymétrie d’information
Les données ouvertes permettent de réduire les asymétries d’information, c’est-à-dire les situations où un acteur possède une information plus complète que les autres acteurs participant à une transaction. Au niveau macroéconomique, la transparence est un outil de lutte contre la corruption. Au niveau microéconomique, il peut s’agir d’un élément permettant d’améliorer l’achat public.
– les économies d’échelle
La collaboration permise par l’open data – en particulier par les plateformes du type data.gouv.fr – entraînent des économies d’échelles. Ainsi, le fichier des accidents corporels de la circulation a fait l’objet de multiples améliorations par les réutilisateurs : nettoyage, correction des doublons, ajout des codes géographiques, ce qui a permis d’enclencher une dynamique d’amélioration continue de la qualité des données.
Pourtant, la mise à disposition des données publiques a d’abord été considérée dans une visée patrimoniale. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la commercialisation des données et services des grands producteurs de données, comme l’institut national de l’IGN ou le service hydrographique et océanique de la marine (SHOM), ainsi que celle des données culturelles, ont été largement encouragées. Il s’agissait notamment d’inciter les opérateurs de l’État au développement de ressources propres dans un contexte budgétaire contraint.
Cependant, contrairement à celle des actifs détenus par les acteurs privés du secteur marchand, la mise en valeur du patrimoine immatériel de l’État, et en particulier celle des données publiques, doit également conduire à une amélioration du service rendu aux usagers, au développement de la qualité du service public et à la mise en place d’une meilleure protection de ces actifs face aux détournements et aux utilisations indues.
Lors de son audition par votre rapporteur, M. Mohammed Adnène Trojette, auteur d’un rapport sur l’ouverture des données publiques (110), a mis en garde contre le risque que représenterait le choix d’une approche uniquement patrimoniale pour la gestion des données publiques, qui doit être envisagée à long terme et sur un plan interministériel.
Votre rapporteur a déjà eu l’occasion de souligner, dans son rapport sur le projet de loi de transposition de la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public (« Directive PSI »), que « de nombreuses études montrent que les effets de la gratuité de l’utilisation et de la réutilisation des informations publiques sont, à terme, extrêmement bénéfiques pour la société »(111).
Il estime, une nouvelle fois, que le projet de loi est en retrait par rapport aux conclusions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2013. Le Gouvernement avait alors précisé sa doctrine en matière d’exceptions au principe de gratuité en affirmant qu’« aucune redevance ne saurait être exigée sur les données résultant des missions de service public des administrations générales ». Il ajoutait par ailleurs que « les opérateurs dont la mission même est de produire des données doivent rechercher des modèles économiques leur permettant de faire face à un paysage économique en profonde reconstitution. Conformément aux conclusions du rapport Trojette, il leur demande d’engager, dans les meilleurs délais, avec l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et du ministère du Budget, une réflexion sur les évolutions de leurs modèles économiques. Il leur demande de rechercher des modèles stimulant l’innovation autour de leurs données, favorables aux entrepreneurs innovants, et soutenables à l’heure de l’économie numérique, de la production de nombreuses données par les citoyens eux-mêmes, et des stratégies de plateformes. »
Votre rapporteur, comme le Conseil d’État (112) avant lui, s’inquiète du risque d’altération de la notion de service public autour de laquelle notre administration est construite si se développait la tendance à instituer des ressources annexes qui seraient demandées aux usagers en contrepartie de la mission naturelle des services. Il s’agit d’un choix politique, mais aucune redevance ne devrait pouvoir être établie par une administration dont la mission de service public comprend à titre principal la diffusion de données publiques. Le législateur devrait en revanche, si ces redevances étaient supprimées, faire preuve de la plus grande cohérence, en compensant pour ces administrations la perte des recettes par une augmentation de leur dotation budgétaire.
La généralisation du principe de gratuité n’exclut pas cependant que soit facturée aux réutilisateurs la fourniture de services à valeur ajoutée.
2. L’obligation de publication : une nouvelle avancée
a. L’obligation légale de publication est aujourd’hui l’exception, la règle étant la liberté
Aux termes de l’article L. 312–1 du code des relations entre le public et l’administration, les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent. Les différentes avancées évoquées infra en matière de publication des documents administratifs ont toutes été réalisées à la suite d’une impulsion politique, mais elles ne résultent pas d’obligations législatives. Ces dernières se limitent à :
– l’article 1er du code civil pour les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs. Pour ces documents, leur entrée en vigueur est conditionnée à leur publication ;
– l’article L. 312–2 du code des relations entre le public et l’administration. Il s’agit des instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ;
– l’article 2 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui organise un accès simple aux règles de droit. Reprenant les termes employés par le Conseil d’État (113), cet article rappelle que « la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller ».
Ainsi, comme l’a noté le rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux, « aucune obligation n’est faite aux administrations de publier un document qui leur serait pourtant fréquemment demandé. On peut regretter l’indisponibilité de la carte scolaire complète, qui n’est accessible que par un formulaire faisant correspondre l’adresse d’un domicile à un établissement. » (114)
b. L’élargissement des obligations de publication marque une nouvelle avancée dans la politique française de l’open data
Le I du présent article renverse la logique existante selon laquelle la liberté de publication est la règle, l’obligation l’exception. Il crée un nouvel article L. 312–1–1, dont le premier alinéa dispose que les administrations rendent publics en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable certains documents :
– les documents que les administrations sont amenées à communiquer actuellement dans le cadre de la procédure du droit d’accès ;
– les documents qui figurent dans le répertoire des informations produites ou reçues par les administrations ;
– les bases de données (115) produites ou reçues par les administrations, quand elles ne font pas déjà l’objet d’une diffusion publique ainsi que les données qu’elles contiennent ;
– les données dont l’administration qui les détient estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental.
Cet article répond à l’une des préconisations du rapport de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (116).
Concrètement, la publication se fera essentiellement sur la plateforme ouverte des données publiques, data.gouv.fr – qui accueille déjà près de 21 300 jeux de données, issus de 350 producteurs différents, dont les ministères, l’IGN, l’INSEE, Météo France et les collectivités territoriales. La diffusion pourra également être effectuée par une mise en ligne sur le site internet de l’administration concernée. S’agissant des données environnementales, une passerelle a été mise en place pour référencer automatiquement les données environnementales et géographiques concernées par les 34 thématiques de la directive européenne dite « Inspire » (117), qui encourage les différents systèmes d’information géographique de l’UE à converger vers les mêmes standards pour faciliter la circulation et l’interopérabilité des données.
Il faut noter que la CADA a estimé que le large champ d’application de cet article lui paraissait « pour partie excessif. En effet, si l’obligation de publier le contenu des bases de données paraît utile et proportionnée, ces dispositions prévoient aussi que les administrations devront en outre publier tous les documents communiqués, même ceux qui ne présentent qu’un intérêt limité, voire nul, pour le public ou ceux qui ne sont communicables qu’à l’intéressé au sens des dispositions de l’article L. 311–6. » Elle juge que ces dispositions vont engendrer pour les administrations « une charge de travail et des coûts disproportionnés au regard des objectifs poursuivis, notamment lorsque ces documents devront être rendus anonymes avant diffusion publique ou lorsque devront être occultées les mentions protégées par l’un des secrets visés à l’article L. 311–5 ».
Elle s’interroge par ailleurs « sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et [sur] l’opportunité d’introduire dans le texte de la loi la notion de péremption des informations diffusées, en l’articulant avec le droit des archives publiques. L’immense majorité des documents administratifs est en effet vouée à l’élimination à l’issue de leur durée d’utilité administrative ; de très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l’administration des archives ».
L’avis de l’ARCEP sur le présent projet appelle à la publication, en complément des données brutes, d’avertissements méthodologiques, précisant les modalités d’élaboration des données et les éventuelles réserves d’interprétation liées à ces modalités.
3. Les modalités d’application de l’élargissement de la diffusion
Même si le III du présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la CADA définit les modalités d’application des nouvelles obligations de diffusion, le I et le II donnent un cadre précis qui doit régir la mise en œuvre de cet article.
a. La protection de la vie privée et des secrets protégés reste inchangée
Le II insère dans le code des relations entre le public et l’administration un nouvel article L. 312–1–2 régissant les dispositions relatives à l’anonymisation et aux occultations des secrets protégés des documents publiés.
Actuellement, le deuxième alinéa de l’article L. 312–1 prévoit que dans le cas d’une publication, volontaire, par l’administration, et sauf disposition législative contraire, les documents administratifs qui comportent des mentions entrant dans le champ de l’article L. 311–5 – documents non communicables pour protéger certains secrets – et L. 311–6 – documents communicables au seul intéressé – ou qui contiennent des données à caractère personnel, ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions ou de rendre impossible l’identification des personnes nommées. Cet alinéa a été supprimé par l’article 3 du projet de loi.
Le nouvel article L. 312–1–2 prévoit qu’avant toute diffusion – obligatoire ou volontaire –, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, les documents :
– qui comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L. 311–5 et L. 311–6 font l’objet d’un traitement d’occultation ;
– qui comportent des données personnelles sont anonymisées, sauf si la personne concernée a consenti à leur publication.
Dans son avis sur le présent projet de loi (118), la CNIL a indiqué qu’elle estimait impératif la vérification préalable des processus d’anonymisation et que ces processus devaient répondre à des méthodologies précises, sous son contrôle (119). Elle appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que le projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé prévoit déjà, pour les traitements de données de santé, que la Commission a la possibilité d’homologuer et de publier des méthodologies générales ou des procédés d’anonymisation préalablement à la mise à disposition de ces données ou jeux de données.
b. Une exception pour les petites structures
Pour tenir compte des difficultés de mise en œuvre que les règles prévues par l’article 4 pourraient représenter pour les administrations dotées de moyens humains limités, une exclusion est prévue à l’alinéa 2 pour les personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à 250.
c. Une exception pour certains documents d’archives
En application de l’alinéa 11, ne sont pas concernés par l’obligation de publication les documents d’archives issus de deux types d’opérations qui visent, à l’expiration d’une période d’utilisation courante, à séparer :
– les documents à conserver des documents dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination (article L. 212–2 du code du patrimoine) ;
– les documents comportant des données à caractère personnel (120) à conserver et ceux dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination (article L. 213–3 du code du patrimoine).
d. Une obligation qui porte essentiellement sur les documents nativement numériques
L’alinéa 2 dispose que l’obligation de publication ne s’applique que pour les documents qui sont disponibles sous forme électronique. Cette disposition limite considérablement la charge de travail occasionnée par la nouvelle obligation de publication, qui, de fait, couvrira :
– l’ensemble du flux de nouveaux documents, ceux–ci étant tous nativement numériques ;
– pour le stock, les documents « nativement numériques » et les documents déjà numérisés.
Il ne s’agit donc pas d’une obligation générale de numérisation des documents que l’administration a en sa possession.
e. Un standard ouvert aisément réutilisable
En l’état du droit, la jurisprudence du Conseil d’État considère que la loi du 17 juillet 1978 n’oblige pas les administrations mentionnées à son article 1er à enregistrer les documents qu’elles doivent communiquer à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elles utilisent habituellement (121).
L’alinéa 2 dispose que les documents doivent être publiés dans un « standard ouvert ». Le débat sur l’utilisation du terme « standard » ou du terme « format » a déjà eu lieu lors de l’examen de la loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques.
Votre rapporteur marque une préférence pour le choix qui a été retenu dans le projet de loi, qui consiste à retenir le terme de « standard » ouvert. En effet, ce dernier a fait l’objet d’une définition par l’article 4 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (122).
Par ailleurs, comme le note l’étude d’impact, « les termes de standard ouvert sont consacrés dans le référentiel général d’interopérabilité (RGI), qui s’applique à l’ensemble des autorités administratives, en vertu de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret n° 2007–284 du 2 mars 2007. Les systèmes d’information doivent donc déjà être mis en conformité avec le RGI, qui prévoit notamment le recours à des standards ouverts. La notion de format « réutilisable » ne recouvre pas entièrement celle de format ouvert. En effet, du point de vue du RGI, le PDF est un standard ouvert, mais en pratique la réutilisation des données contenues dans un PDF est très difficile. Par contre, le même RGI recommande l’usage du format Open Document plutôt que le format concurrent proposé par Microsoft. »
f. L’exclusion des collectivités territoriales
L’article 106 de la loi n° 2015–991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a déjà renforcé les exigences de transparence des données des collectivités territoriales. Deux nouveaux articles L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales et L. 1215–12 du code des communes de Nouvelle–Calédonie prévoient que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent rendent accessibles en ligne les informations publiques mentionnées à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, lorsque ces informations se rapportent à leur territoire et sont disponibles sous forme électronique. Ces informations publiques sont offertes à la réutilisation dans les conditions prévues au chapitre II du titre Ier de la même loi.
L’alinéa 7 du présent article exclut donc les collectivités territoriales, leurs établissements publics de coopération intercommunale et les communes de Nouvelle–Calédonie des obligations de publication introduites au présent article.
Votre rapporteur, s’il comprend la logique de stabilité de la norme qui a présidé à ce choix, regrette que des dispositions non identiques sur le même sujet soient éclatées dans plusieurs codes. Il estime que l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi serait mieux respecté si l’ensemble des dispositions relatives à la publication et à la réutilisation des données publiques étaient réunies au sein du code des relations entre le public et l’administration, et ce d’autant plus que le champ de l’obligation de publication n’est pas exactement le même. La CNIL, dans son avis précité, a souligné que « ces dispositions spéciales ne prévoient aucune condition particulière s’agissant de la diffusion d’informations publiques comportant des données à caractère personnel et renvoient s’agissant de la réutilisation de telles informations aux conditions actuellement prévues à l’article 13 de la loi CADA. Or, le présent projet de loi vise précisément à supprimer les conditions particulières de réutilisation, à l’exception du respect des dispositions de la loi « Informatique et Libertés » et à prévoir de nouvelles conditions de publication pour les documents comportant des données à caractère personnel ». La CNIL a demandé à ce que les dispositions spéciales applicables aux collectivités territoriales et aux EPCI à fiscalité propre soient mises en cohérence avec le présent projet de loi, afin d’assurer l’uniformisation du cadre juridique applicable à la diffusion et à la réutilisation de telles informations, tant sur le fond que sur les termes juridiques utilisés.
4. Les modifications apportées par votre commission des Lois
Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration aux nouvelles obligations de publication prévues par l’article 4, votre Commission a adopté un amendement à l’alinéa 2 de M. Philippe Gosselin, avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal.
Elle a adopté un amendement à l’alinéa 5, à l’initiative du Gouvernement et avec le soutien de votre rapporteur qui proposait un dispositif similaire, visant à restreindre l’exception à l’obligation de publication prévue par le 3° de l’article 4 car la rédaction initiale ne concernait pas les bases de données faisant l’objet d’une diffusion publique par ailleurs.
À l’alinéa 6, qui organise la publication des documents présentant un intérêt économique, social ou environnemental, la Commission a adopté un amendement défendu par Mme Delphine Batho – avec l’avis favorable de votre rapporteur – permettant de prendre en compte également les enjeux sanitaires.
La Commission a en outre adopté plusieurs amendements rédactionnels, d’harmonisation et de coordination, présentés par M. Lionel Tardy, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques et par votre rapporteur.
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* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL619 de la commission des Affaires économiques et CL317 rectifié de Mme Laure de La Raudière.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration dispose que certains documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret en matière commerciale et industrielle ne peuvent être communiqués qu’à l’intéressé. L’amendement précise que ce secret couvre les compétences spécifiques de l’entreprise.
Mme Laure de La Raudière. L’amendement CL317 rectifié a le même objet mais une rédaction légèrement différente ; je le retire au bénéfice de celui de la commission des Affaires économiques, que j’ai co-signé.
Sur un autre plan, je comprends parfaitement, monsieur le président, votre manière de conduire nos débats, mais je ne peux m’empêcher de penser que la proposition de M. Martin-Lalande tendant à systématiser la méthode de la consultation publique qui a été employée pour ce texte aurait toute sa place dans un projet intitulé « Pour une République numérique » – bien davantage que beaucoup des articles qui y figurent.
L’amendement CL317 rectifié est retiré.
M. le rapporteur. Aux termes de l’article L. 311-6 du code précité, ne sont transmissibles qu’à l’intéressé les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle. La précision proposée par la commission des Affaires économiques étant superfétatoire, je préfère le maintien de la rédaction actuelle.
La Commission rejette l’amendement CL619.
Puis elle examine l’amendement CL620 de la commission des Affaires économiques
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement vise à étendre le champ d’application de l’ouverture des données publiques à celles qui sont susceptibles d’être aisément numérisées.
M. le rapporteur. Il me paraît difficile de déterminer quels critères – techniques ou financiers – déterminent le caractère aisément numérisable d’un document. Je demande donc le retrait de l’amendement, sur lequel j’exprimerai, sinon, un avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL529 du rapporteur, CL131 de M. Philippe Gosselin, CL227 de M. Sergio Coronado et CL304 de Mme Laure de La Raudière, ainsi que les amendements CL686 du Gouvernement et CL132 de M. Philippe Gosselin.
M. le rapporteur. Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet, a estimé que « la nature du seuil à partir duquel l’obligation [de publication des données] s’imposerait, lequel serait fixé par rapport à l’effectif de l’administration en cause, n’était pas pertinente au regard de l’objectif poursuivi par cette disposition ». De fait, de petites structures administratives peuvent produire des données très riches. En conséquence, je propose de supprimer le seuil relatif au nombre d’agents d’une administration, que le texte fixe à 250. Mais je constate que le Gouvernement a déposé cette nuit un amendement qui tend à abaisser le seuil à 50 agents.
M. Philippe Gosselin. L’obligation de publication des données est une très bonne chose, mais la faire dépendre de l’effectif de l’administration concernée est contestable – et contesté par le Conseil d’État. Le Gouvernement propose désormais d’abaisser ce seuil à 50 agents ; est-ce vraiment plus pertinent ? La sagesse consisterait à adopter l’amendement CL132, qui tend à fixer le seuil par décret au lieu de le graver dans le marbre de la loi. Nous y gagnerions en souplesse.
Mme Isabelle Attard. Outre qu’il suffit d’un clic pour mettre les données en ligne, conditionner l’obligation de publication à l’effectif des administrations considérées est d’autant moins pertinent que l’intérêt pour la transparence de la vie publique des données qu’elles peuvent mettre à la disposition du public est sans relation avec le nombre de leurs agents.
Mme la secrétaire d’État. Il faut en effet dissocier la taille d’une administration et la qualité des informations qu’elle produit. L’amendement CL686 va dans ce sens, en fixant à 50 agents ou salariés le seuil au-dessous duquel les personnes publiques sont exclues des nouvelles obligations de mise en ligne des données. L’ouverture des données publiques par défaut se fera progressivement, ce qui permettra aux plus petites administrations de s’adapter à leur nouvelle obligation. Opter pour un décret, comme le recommande M. Gosselin, c’est prendre le risque de retarder l’application de la disposition.
M. Philippe Gosselin. La nouvelle proposition du Gouvernement et les amendements de mes collègues traduisent une hésitation manifeste. Je continue de penser que mieux vaudrait fixer un seuil par décret.
M. le rapporteur. En fixant pour le moment à 50 agents le seuil au-delà duquel les administrations sont tenues de publier les données en ligne, l’amendement du Gouvernement ne modifie pas mon opinion sur le bien-fondé du critère lui-même. Mais renvoyer à un décret, comme le propose M. Gosselin, c’est prendre le risque que la barre soit placée largement plus haut. Le seuil de 50 agents me semble un juste équilibre ; je retire donc l’amendement CL529 et me rallie à l’amendement CL686.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement CL227, mais une remarque de méthode s’impose. Les membres de la commission préparent leurs observations en ayant connaissance des amendements du rapporteur ; ils apprennent ensuite que le ministre a déposé au dernier moment, dans la nuit, un amendement relatif à une question importante. Il serait bon que le rapporteur et le Gouvernement se présentent en Commission au terme d’une concertation suffisamment aboutie pour que le travail des commissaires en soit facilité.
M. Philippe Gosselin. Puis-je suggérer au Gouvernement de donner un avis favorable à l’amendement CL132 tendant à ce que le seuil soit fixé par décret, en annonçant d’emblée que le seuil retenu sera celui de 50 agents ou salariés ?
Mme Laure de La Raudière. Je me rallie à l’amendement de M. Gosselin.
Les amendements CL529, CL131, CL227 et CL304 sont retirés.
Mme la secrétaire d’État. La lisibilité et la sécurité de la loi imposent de maintenir l’amendement CL686. Les administrations doivent savoir dès maintenant si la nouvelle disposition leur est applicable, et vous n’ignorez rien du délai de rédaction et de mise en œuvre des décrets d’application des lois. Suivre cette voie retarderait l’ouverture des données publiques voulue par le Gouvernement.
M. Philippe Gosselin. Je ne doute pas de la diligence du Gouvernement, et personne, d’évidence, ne sachant déterminer exactement quel seuil est le bon, il serait plus sage de s’en remettre à un décret. Cela permettra de juger à l’usage et de modifier plus aisément ce qui pourrait devoir l’être.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le recours au décret me paraît pertinent. Décidons-en, et faisons en sorte, avant la séance publique, que la disposition soit applicable immédiatement.
Mme Isabelle Attard. Cette suggestion est bienvenue. Aucune étude d’impact ne permet d’apprécier pourquoi il faut un seuil et en quoi il est préférable de le fixer à 50 agents plutôt qu’à 250, 75 ou 25. Le Gouvernement n’a avancé aucun argument qui permettrait de nous éclairer.
Mme la secrétaire d’État. L’abaissement du seuil qui vous est proposé par cette nouvelle rédaction répond au souhait d’une plus grande ouverture exprimé par la grande majorité des membres de votre commission. Dans le même temps, il faut répondre aux préoccupations des élus locaux et des petites collectivités qui redoutent les conséquences de cette obligation nouvelle en termes financiers et d’effectifs, et ne pas mésestimer les difficultés qu’auront les petites administrations au budget réduit à la mettre en œuvre – et, pour cette raison, continuer de fixer un seuil. Je crains que renvoyer la fixation du seuil à un décret n’ait pour effet d’obscurcir la disposition : le risque existe que l’on en vienne à définir des seuils différents en fonction des types d’administration. Il me semble donc raisonnable de fixer dans un premier temps le seuil à 50 agents, puis de faire le bilan de cette mesure. Ainsi donnera-t-on l’impulsion nécessaire sans pénaliser les plus petites administrations.
M. Patrice Martin-Lalande. Par l’amendement CL5, dont je déplore qu’il ait lui aussi été déclaré irrecevable, je proposais de retenir pour critère celui des moyens, tels qu’évalués par la CADA, dont les administrations disposent pour assurer cette mission.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’évolution technique fait que le maintien d’un seuil ne me paraît pas pertinent ; tenir compte des moyens le serait davantage. M. Gosselin propose un bon compromis, adoptons-le.
La Commission rejette l’amendement CL686.
Puis elle adopte l’amendement CL132.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL509 du rapporteur.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL468 de Mme Anne-Yvonne Le Dain et CL530 du rapporteur.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mon amendement tend à supprimer les mots « dans un standard ouvert aisément réutilisable ». Ainsi garantira-t-on que l’authenticité des documents originaux, tels que mis en ligne par l’administration, ne peut être altérée.
M. le rapporteur. Par « standard ouvert et aisément réutilisable », il faut entendre que le document peut être réutilisé par celui qui le consulte ; le document original demeure inchangé et inaltérable sur le site de l’administration qui l’a publié. Je suggère donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Quant à mon amendement CL530, il vise à ce que les informations mises à la disposition du public lui soient accessibles aisément, mais aussi gratuitement.
Mme la secrétaire d’État. Avant d’aborder ce débat important, je souhaite répondre à M. Coronado. En ma qualité d’ancien membre de votre commission, je suis sensible au fait que le Gouvernement ne devrait pas déposer d’amendements tardivement, et c’est la démarche qui me guide. Le Gouvernement a déposé onze amendements en tout, dont la plupart portent sur le très haut débit ; ils ont été déposés tard car des arbitrages financiers étaient nécessaires. Quant à l’amendement relatif au seuil au-delà duquel l’obligation est faite de publier les informations en ligne, il visait à répondre aux nombreux amendements à ce sujet des membres de votre commission.
J’en viens à l’amendement CL530. La loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques a affirmé le principe de la gratuité, avec des dérogations : les administrations peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu’elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. Lors des débats, le Gouvernement s’était engagé à mener une réflexion avec les principaux organismes concernés – l’INSEE et l’IGN par exemple – pour dégager de nouveaux modèles économiques, car si la gratuité est imposée de manière systématique, il en découlera de très importantes pertes de ressources pour ces organismes publics.
Depuis la promulgation de la loi, ce travail a été mené très activement, avec deux résultats principaux. Les bases de données de l’INSEE, notamment la base de données SIRENE sur les entreprises, vont être ouvertes gratuitement aux réutilisateurs. À l’instar de ce qu’ont fait les Britanniques, le Gouvernement s’est engagé à ce que l’État compense intégralement les recettes ainsi perdues par l’INSEE, soit plus de 10 millions d’euros. Pour la statistique publique, base actualisée plus de 10 000 fois par jour et principale source d’informations pour le secteur économique, la gratuité totale s’est imposée comme la meilleure solution. Des modèles innovants de financement de l’open data ont été mis au point pour l’IGN, qui souhaite que le référentiel à grande échelle soit utilisé sous une double licence : gratuité en cas de « repartage » à l’identique du résultat de l’exploitation des données examinées, ou redevance si le réutilisateur n’accepte pas cette clause. Il en ira de même pour les établissements publics industriels et commerciaux, qui doivent pouvoir continuer à percevoir des redevances pour la partie commerciale de leur mission.
L’amendement de votre rapporteur ne tient pas compte de ces progrès substantiels et ne chiffre pas la perte qu’induirait la gratuité totale. Le Gouvernement invite donc à son retrait, au bénéfice de l’amendement relatif à la gratuité de l’accès aux bases de données de l’INSEE.
M. le rapporteur. Chacun sait mon attachement à la gratuité de l’accès aux données publiques. Je me félicite donc que le Gouvernement ait avancé pour la base de données SIRENE et pour l’ensemble des données statistiques et je vous en remercie, madame la ministre. On est sur le bon chemin mais, vous l’avez compris, je souhaite que l’on aille plus vite et plus loin. Étant donné ce que vous nous avez dit, je ne doute pas que cela sera le cas. Je retire donc l’amendement.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ayant pris acte des assurances du rapporteur, je retire l’amendement CL468. Je demanderai ultérieurement que tout utilisateur de données publiques cite explicitement sources et auteurs. Enfin, j’apprécie la distinction subtile faite par la Mme la ministre entre ce qui relève du service public et ce qui relève des activités commerciales. Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), qui élaborent des données de grande valeur scientifique, technique et morale, sont une force pour notre pays ; parce qu’ils doivent affronter une concurrence nationale et internationale, il ne faut pas, en leur demandant de donner accès à leur fonds, les mettre en difficulté. La prudence avec laquelle vous avez procédé me paraît légitime.
Les amendements sont retirés.
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je profite de ce moment pour faire un point de méthode afin que tout le monde se souvienne des règles que nous avons adoptées. Autant nous sommes très compréhensifs à l’égard du Gouvernement quand il dépose, même tard, des amendements aux textes que nous étudions en commission – cinq amendements déposés cette nuit, ce n’est d’ailleurs pas beaucoup –, autant nous sommes hostiles aux amendements déposés entre nos travaux et l’examen en séance. Madame la ministre, j’appelle donc votre attention sur la doctrine de cette commission : si vous déposez des amendements entre l’examen en commission et la séance, ce qui revient à réduire à néant l’utilité de nos travaux, nous voterons contre.
M. Philippe Gosselin. Sévère mais juste !
M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est l’état d’urgence… (Sourires.) Mais la commission n’est souveraine que pour ses propres travaux !
Mme Laure de La Raudière. Merci de m’accueillir dans cette commission où je découvre cette règle avec intérêt. Est-ce à dire que le Gouvernement ne peut amender le texte de la commission, celui que nous examinons en séance ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nos règles tiennent à un contrat implicite : en général, le Gouvernement s’entend avec sa majorité avant l’examen en commission. Si des amendements interviennent juste avant la séance, c’est une négation du travail du rapporteur qui s’exprime au nom de la commission. Nous souhaitons que cette règle, dont nous avons longuement débattu, continue à être appliquée comme c’est le cas depuis plusieurs mois. En ce début d’année, je voulais le rappeler au Gouvernement. Comme souvent, madame la ministre, les présents paient pour les autres : vous n’êtes pas particulièrement concernée.
M. Guy Geoffroy. Est-ce qu’elle va s’appliquer pour la révision constitutionnelle ?
M. le président Jean-Jacques Urvoas. Oui, mais c’est, je le rappelle, le texte du Gouvernement qui sera examiné en séance et non celui de la commission.
M. Lionel Tardy. C’est une excellente règle, que devrait aussi appliquer la commission des Affaires économiques dont je suis membre.
La Commission examine l’amendement CL13 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Avant de défendre mon amendement, et puisque nous parlons d’un texte sur la République numérique, je voudrais signaler que les internautes se plaignent d’avoir du mal à suivre nos débats en ligne, certains d’entre eux allant jusqu’à proposer de réaffecter une partie du budget de la buvette au financement du serveur de streaming de l’Assemblée nationale. (Sourires.) J’ai fait le test : on ne peut pas suivre les débats concernant ce texte important sur le site de l’Assemblée.
Quant à mon amendement, il tend à harmoniser la rédaction de ce texte avec celle qui a été retenue dans la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, dite « loi Valter ». Pour l’open data, nous y avions retenu la formulation suivante : « standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. » Ce n’était pas ma rédaction préférée mais c’est celle que nous avons adoptée il y a à peine un mois dans l’hémicycle et qui figure dans la loi, promulguée le 28 décembre dernier. Dans le présent texte, nous avons une formulation différente car tronquée : il manque l’expression « lisible par une machine ». En harmonisant les deux rédactions, il s’agit d’affirmer que nous sommes bien dans le même cadre.
M. le rapporteur. C’est parfaitement juste. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement CL13.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement de précision CL621 de la commission des Affaires économiques, puis les amendements rédactionnels CL375 et CL376 du rapporteur.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL622 de la commission des Affaires économiques, CL685 du Gouvernement et CL510 du rapporteur.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise deux objets. D’une part, il revient sur la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article L. 312-1-1 nouveau du code des relations entre le public et l’administration, qui autorise une interprétation extensive, sinon intégrale, des données détenues par les administrations et les personnes, publiques ou privées, chargées d’une mission de service public. D’autre part, en supprimant le mot « estimer » dans la rédaction actuelle de l’alinéa 6 du même article, il réduit l’importante marge de manœuvre laissée aux administrations dans la sélection des données pouvant être ouvertes car présentant un intérêt économique, social ou environnemental.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement vise à restreindre l’exception à l’obligation de publication prévue par l’alinéa 3. Cette exception s’appliquerait aux bases de données qui font l’objet par ailleurs d’une diffusion publique dans un standard ouvert aisément réutilisable, alors qu’elle concerne actuellement toutes les bases de données qui font l’objet d’une diffusion publique par ailleurs.
M. le rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui que vient de présenter Mme la ministre. Concernant l’amendement CL622, je suis d’accord avec l’appréciation de Mme la rapporteure pour avis sur la rédaction actuelle, mais la nouvelle proposition du Gouvernement me paraît plus juste. Pour ma part, j’avais le souci de pouvoir demander l’avis de l’administrateur général des données mais, si j’en juge par les discussions que j’ai pu avoir au cours des dernières heures, il semble que ce soit compliqué. Dans tous les cas, il est possible de saisir la CADA pour un refus de publication, et c’est l’un des éléments de nature à garantir l’objectivité des « estimations » des administrations. Cet amendement étant satisfait, je propose que l’on s’en tienne à celui du Gouvernement.
Les amendements CL510 et CL622 sont retirés.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rédaction de l’amendement du Gouvernement pose un problème car il ne tient pas compte de l’amendement de M. Tardy que nous venons d’adopter. Pour être cohérent, il faut ajouter « c’est-à-dire lisible par une machine ».
La Commission adopte l’amendement CL685 ainsi rectifié avec l’accord du Gouvernement.
Puis elle examine les amendements identiques CL331 de M. Philippe Gosselin et CL632 de la commission des Affaires économiques.
M. Philippe Gosselin. La rédaction trop générale de l’alinéa 6 risque de conduire à la diffusion de données sensibles. Cela étant, je suis assez rassuré par le débat que nous venons d’avoir et je vais retirer cet amendement qui me semble satisfait.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je retire également le mien.
Les amendements sont retirés.
La Commission est saisie des amendements identiques CL147 de Mme Delphine Batho et CL151 de M. Patrice Martin-Lalande.
Mme Delphine Batho. Ces amendements qui tendent à réécrire l’alinéa 6 soulèvent le même genre de risque que les précédents qui proposaient de le supprimer et, pour ma part, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils seraient satisfaits. Mon amendement reprend d’ailleurs les termes utilisés par Mme Erhel dans son amendement CL622 à l’alinéa 5, qu’elle a également retiré. La rédaction actuelle de l’alinéa 6 est trop restrictive, laissant l’administration seule juge des documents communicables. Je propose de reprendre les termes de l’avant-projet de loi et de rédiger ainsi l’alinéa 6 : « 4° Les données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ».
M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit de remplacer l’appréciation subjective de l’administration par des considérations plus objectives : l’intérêt économique, social ou environnemental. Sinon, le texte aura une application limitée puisque la publication des données relèvera du bon vouloir des administrations.
M. le rapporteur. Mon argumentaire est le même que pour les deux amendements qui ont été retirés tout à l’heure. Il s’agit d’objectiver l’estimation. C’est la CADA, en tant qu’autorité, qui sera chargée de le faire et qui pourra être saisie d’un refus de publication. C’est suffisant pour remplir les conditions que vous souhaitez. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Mme Batho a bien cerné la problématique, autant y répondre aussi directement : l’étude d’impact nous montre qu’il est irréaliste de vouloir imposer la publication de l’ensemble des informations qui présentent un intérêt économique, social ou environnemental car la charge serait extrêmement lourde pour les administrations. Tel que rédigé, le texte permet la saisine de la CADA, qui sera amenée à jouer un rôle de plus en plus important, y compris en amont pour conseiller les administrations qui s’interrogent sur la pertinence d’ouvrir ou non des documents. Cette procédure permet aussi un contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration, ce qui constitue une avancée très importante par rapport à l’état actuel du droit.
Mme Delphine Batho. Que la CADA estime, lorsqu’elle est saisie, de ce qui présente un intérêt économique, social ou environnemental, c’est une chose. Que le texte dise que c’est l’administration qui l’estime, c’en est une autre. Or c’est ce qui est écrit. Avec ce que nous proposons, une administration pourra refuser une publication et, si elle est saisie, la CADA se prononcera sur le point de savoir si les données présentent un intérêt économique, social ou environnemental. Mais dans sa rédaction actuelle, le texte dit autre chose : c’est l’administration qui décide de ce qui présente un intérêt. Faisons attention. La rédaction que je propose permet de répondre parfaitement aux conséquences pratiques que vous évoquez, tout en signifiant plus clairement que la CADA est le juge de paix ; le texte actuel permet à l’administration de faire ce qu’elle veut, ce qui peut avoir des conséquences absolument significatives notamment dans un domaine que je connais bien, celui de l’environnement.
Mme Isabelle Attard. Nous sommes plusieurs à avoir des amendements semblables à celui de Mme Batho, qui concerne bien l’alinéa 6 et non l’alinéa 4. Nous en avons débattu hier en commission des Affaires économiques, et nous avons indiqué clairement que nous ne voulons pas que l’administration, à la fois juge et partie, se retrouve à décider elle-même de l’intérêt de la mise à disposition de ces données. Au moins cinq amendements se réfèrent aux « données dont la publication présente un intérêt économique, social ou environnemental » et non plus au pouvoir d’estimer de l’administration.
M. Philippe Gosselin. J’ai retiré mon amendement CL331 mais, à la lumière de nos derniers échanges, j’ai l’impression que le problème n’est pas complètement résolu. Les amendements soutenus me semblent pertinents.
La Commission rejette les amendements identiques CL147 et CL151.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL104 de M. Lionel Tardy et CL228 de M. Sergio Coronado, ainsi que l’amendement CL81 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
M. Lionel Tardy. Dans le même registre, je vous cite le quatrième critère de libération des données : « les données dont l’administration, qui les détient, estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental ». Sachant que certaines administrations sont réticentes à fournir leurs données, il ne me paraît pas judicieux de les laisser apprécier cet intérêt économique. Plutôt que de les laisser être juge et partie, je propose une rédaction plus objective avec des critères qui pourront être développés dans le décret d’application prévu à cet article.
M. le rapporteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je persiste à penser que la rédaction est un peu compliquée et je bute moi-même sur le mot « estime » depuis plusieurs semaines. Une chose me rassure : la CADA peut être saisie afin de contribuer à rendre accessibles des données qui ne le seraient pas. Je souhaite m’en tenir à cette réalité et à la qualité du travail de la CADA. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements identiques CL104 et CL228.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Par mon amendement, je propose une solution pour remédier au problème du mot « estime » sur lequel vous butez, monsieur le rapporteur. Il s’agit de remplacer « qui les détient, estime » par « qui les détient ou tout autre tiers estiment ». Cette formulation permet de garder le verbe estimer mais en ouvrant le champ des acteurs possibles : davantage de données deviennent communicables dans le cadre des garanties prévues par le texte.
M. le rapporteur. Les tiers que vous souhaitez introduire sont les mêmes que ceux qui pourront saisir la CADA. Cette précision étant inutile, j’émets un avis défavorable à l’amendement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais votre rédaction oblige à passer par la CADA !
M. le rapporteur. De toute façon ce sera le cas, y compris avec votre rédaction. Les tiers en question n’auront d’autre recours que de saisir la CADA si l’administration estime que les données ne peuvent pas être publiées.
La Commission rejette l’amendement CL81.
L’amendement CL591 du rapporteur est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL146 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je m’interrogeais sur l’absence du mot « sanitaire » dans la liste des critères d’intérêt et je propose de le rajouter.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL146.
L’amendement CL474 de Mme Anne-Yvonne Le Dain est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL511 du rapporteur.
M. le rapporteur. Nous en venons à un nouveau débat particulièrement important : la nécessaire cohérence entre ce texte et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée cet été, dont l’article 106 concerne les enjeux d’open data pour les collectivités. Si nous estimons que des règles différentes doivent s’appliquer, il faut qu’elles soient extrêmement lisibles, compréhensibles. Or, au regard de nos auditions, il semble que les représentants des collectivités n’aient pas totalement intégré – et c’est un doux euphémisme – la portée de cet article 106 de la loi NOTRe. Dès le début des auditions, nous avons insisté sur ce point qui a fait l’objet de nombreux échanges. Mon amendement vise à supprimer l’alinéa 7 mais, compte tenu des complexités qui subsistent, je propose de le retirer afin d’y retravailler d’ici à la séance, en fonction des éléments de réponse de Mme la secrétaire d’État.
Mme la secrétaire d’État. Si le président de la commission m’y autorise, je veux bien retravailler le texte avec le rapporteur. (Sourires.) La question cruciale est la suivante : la politique d’ouverture des données publiques est-elle applicable de la même manière aux administrations de l’État et aux collectivités locales, sans que ne soient fixés des seuils pour ces dernières ? L’article 106 de la loi NOTRe rend applicable, sans aucun seuil, ces obligations d’ouverture des données publiques. Or, depuis l’adoption de ce texte, certains élus locaux nous alertent sur les difficultés de sa mise en œuvre. Il est vrai que bon nombre de collectivités n’ont pas encore pris la mesure de la portée de cette loi NOTRe. Je suis tentée d’accepter la proposition du rapporteur et de poursuivre ce travail notamment avec la ministre en charge de la décentralisation, Mme Marylise Lebranchu, et avec les représentants des collectivités locales, afin que cette question soit abordée avec les principaux concernés.
L’amendement CL511 est retiré.
La Commission examine l’amendement CL332 de M. Philippe Gosselin.
M. le rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement qui, à mon avis, n’apporte pas de garantie supplémentaire par rapport au texte du Gouvernement. S’il était maintenu, j’émettrais un avis défavorable.
M. Philippe Gosselin. Je le maintiens, car je ne suis pas sûr que la rédaction actuelle offre les garanties nécessaires.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL377 et l’amendement de cohérence CL378 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CL6 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Nous proposons d’ajouter le mot « préalablement » après le mot « consenti » à l’alinéa 10. Il s’agit d’empêcher qu’un accord ne soit extorqué, si je puis dire, par une administration qui aurait mis en ligne certaines données sans avoir consulté les personnes concernées, afin de faire pression sur elles. Cet amendement met clairement au point la procédure à suivre.
M. le rapporteur. Dans la rédaction actuelle, les documents comportant des données à caractère personnel ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement rendant impossible l’identification des personnes concernées. Je pense que la précision que vous demandez n’est pas utile et je demande le retrait de votre amendement, à défaut de quoi j’appellerai à son rejet.
La Commission rejette l’amendement CL6.
Elle examine ensuite l’amendement CL229 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA note que l’article 4 maintient « un régime d’interdiction absolue de publication des données personnelles, alors que certaines de ces données, qui n’intéressent ni la vie privée ni la réputation des personnes concernées, ne sont pas exclues du droit à communication, et peuvent, par ailleurs, être utilement diffusées, ce qui est par exemple le cas des organigrammes administratifs ou des documents rendant compte des activités de nombreuses instances administratives qui, dès lors qu’ils mentionnent le nom des personnes qui y interviennent ou permettent de les identifier, comportent des données à caractère personnel ».
C’est pourquoi nous proposons de limiter les informations non communicables à celles qui portent atteinte à la protection de la vie privée ou de la réputation des personnes, afin de limiter les obstacles inutiles au droit de réutilisation.
M. le rapporteur. Je suis très partagé : d’un côté, je suis extrêmement sensible à l’équilibre qui a été trouvé en matière de vie privée ; d’un autre côté, je suis très réceptif aux arguments soulevés. Je penche pour un retrait de l’amendement, mais l’avis du Gouvernement m’éclairera peut-être davantage.
Mme la secrétaire d’État. L’objectif visé, qui correspond à une demande que la CADA a formulée dans son avis sur le projet de loi, est pertinent. La CADA souligne que le droit actuel impliquerait de disposer d’une base légale ad hoc pour la publication des organigrammes des administrations car ces tableaux comportent des données personnelles même si leur publication ne porte pas atteinte à la vie privée. Une distinction est potentiellement possible entre respect de la vie privée et respect des données personnelles.
Pour autant, à ce stade, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement, qui soulève des interrogations juridiques. Nous travaillons sur le sujet avec la CNIL, qui est particulièrement défavorable à ce genre de proposition, redoutant que la protection des données personnelles ne soit mise en cause. En l’état, il semble moins important d’améliorer le régime de publication que le régime de réutilisation de ces données. Nous pouvons continuer à avancer sur le sujet afin d’opérer une distinction entre vie privée et données personnelles.
Mme Isabelle Attard. Notre rédaction est plus précise afin de répondre, par exemple, au problème des organigrammes. On ne peut pas considérer que la vie privée et la réputation d’une personne sont menacées par la publication d’un organigramme où apparaissent son nom et sa photo, qui sont pourtant des données personnelles. Disposer d’un organigramme est fondamental pour qui – usager ou fonctionnaire – veut comprendre l’organisation d’une administration. Il est donc nécessaire d’affiner la rédaction de l’alinéa 10 dans le sens demandé par la CADA. Pourquoi devrions-nous attendre d’autres rédactions ou d’autres discussions alors qu’en étant précis dans ce texte nous pouvons accorder au public des informations nécessaires, dans la mesure où celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée ou à la réputation des personnes concernées ? Les informations sont d’ailleurs fournies par les personnes elles-mêmes. En l’absence de telles modifications, nous pourrions en arriver à des absurdités : la diffusion d’organigrammes avec des photos de personnes dont les noms seraient rayés au feutre.
Mme Delphine Batho. Je suis très réservée face à cette logique, car la réflexion n’est pas mûre. Il faut mesurer ce que l’on peut faire ne serait-ce qu’avec le prénom, le nom ou le visage d’une personne : certains algorithmes peuvent effectuer toute une série d’analyses qui posent des problèmes au regard des valeurs républicaines. Considérer que la protection des données personnelles se limite à la vie privée et à la question de la réputation des personnes serait un recul en matière de protection des droits et des libertés. Je comprends le raisonnement, mais nous devons être prudents, c’est pourquoi je soutiens plutôt l’argumentation de Mme la secrétaire d’État.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL379 et CL380 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques CL181 de M. Lionel Tardy et CL230 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. Il y a un intérêt à prévoir le libre accès des citoyens à certaines archives publiques – je pense notamment aux documents généalogiques – y compris par le biais de licences. L’alinéa 11 permet pourtant aux administrations de ne pas publier les archives publiques issues des opérations de sélection. Mon amendement tend à remédier à sa rédaction générale trop restrictive qui pourrait nuire aux recherches historiques que j’ai évoquées. On comprend cette restriction pour les archives non numérisées mais pas pour les autres.
M. le rapporteur. Je suis plutôt séduit par l’idée, mais j’ai cru comprendre que cela posait quand même des difficultés d’application. Je suis donc très intéressé par l’avis du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Encore une fois, je crois qu’un objectif ambitieux se heurte à la réalité des territoires et des moyens des administrations locales. Prenons un exemple. Si nous adoptions vos amendements, les départements devraient mettre en ligne tous les documents nativement numériques qui étaient auparavant conservés par toutes les administrations ayant leur siège dans le département, et notamment tous les services déconcentrés de l’État. On voit bien qu’il est nécessaire de pouvoir sélectionner qualitativement les documents d’archives à diffuser en ligne. Ce n’est pas un obstacle à la présence massive des archives sur internet puisque plus de 400 millions de documents numérisés sont d’ores et déjà accessibles gratuitement en ligne : l’état civil, le recensement de la population, les registres militaires, etc. Il n’y a aucune mauvaise volonté de la part des administrations des archives concernées, mais un principe de réalité s’impose à elles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements dont il partage pourtant l’objectif.
M. le rapporteur. À la lumière de ces explications, je demande le retrait des amendements, sans quoi je plaiderai pour leur rejet.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine l’amendement CL421 de M. Bertrand Pancher.
M. Michel Zumkeller. Le code du patrimoine prévoit la possibilité d’opérer une sélection, parmi les archives publiques, entre les documents à conserver et ceux dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique. Par cet amendement, nous proposons de préciser que si, comme le prévoit l’alinéa 11, l’administration n’est pas tenue de publier les archives issues de ces opérations de sélection, cela ne doit pas pour autant remettre en cause le droit de les réutiliser. Il s’agit de bien différencier la publication de ces archives – qui n’est pas obligatoire – de leur réutilisation qui est possible même si les informations qu’elles contiennent ne sont pas publiées.
M. le rapporteur. L’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit effectivement que lorsque des archives sont communiquées, elles sont réutilisables. Mais l’alinéa 11 du présent article dispose que les administrations ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues d’opérations de sélection. Il n’est donc pas utile, à cet alinéa, de faire référence à l’article 10 de la loi précitée car il n’y a pas de réutilisation possible de ces archives. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL413 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Nous savons tous ici la place qu’ont prise les algorithmes dans la société numérique qui est la nôtre. Cette question a d’ailleurs beaucoup occupé notre commission à l’occasion de l’examen d’un autre texte législatif.
Nous proposons ici de rendre publiques en ligne, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, les règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations françaises. Il nous paraît important que ce principe soit affirmé. On le sait aujourd’hui, les traitements algorithmiques sont multiples dans la vie quotidienne. On peut notamment citer ceux qu’utilise l’administration fiscale pour calculer les impôts des Français, ou l’éducation nationale pour les inscriptions dans les lycées et les universités. Il importe de ne pas laisser s’installer, sur ces sujets essentiels, une forme d’opacité technologique, et de ne pas sacrifier non plus la place de l’humain confronté à une gestion purement algorithmique. Ce serait une avancée de cette « loi pour une République numérique » que d’affirmer ce principe de publicité des algorithmes et des règles qui les définissent.
Nous reviendrons sur ce sujet, qui touche à de nombreux domaines de la vie publique, lorsque nous évoquerons la loyauté des plateformes – dont il conviendra aussi d’exiger ce que nous demandons ici aux administrations.
M. le rapporteur. La question des algorithmes est effectivement importante. Les arguments que vient de donner Christian Paul plaident très largement en faveur de ces publications et communications et de la manière dont elles sont utilisées.
Pour autant, la première partie de son amendement ne me semble pas utile. En outre, nous avons adopté à l’unanimité l’amendement CL132 de M. Gosselin qui supprime le seuil de 250 agents prévu au deuxième alinéa de l’article. Je propose donc à M. Paul de retirer son amendement et de le réécrire d’ici à la séance publique.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où la conjonction des articles 2 et 4 vise déjà à remplir l’objectif de transparence de l’action publique que vous poursuivez. Simplement, le projet de loi le limite aux cas où la communication d’un document, d’une décision prise, a été demandée par un individu – étant entendu que cette décision doit avoir été prise du fait d’un traitement algorithmique et concerner un particulier.
Si nous ne souhaitons pas aller plus loin, c’est que l’obligation que vous souhaitez imposer contraindrait à la publication de traitements qui n’ont pas vocation à être divulgués. Je citerai, par exemple, la fraude fiscale et la fraude sociale, qui débouchent sur des décisions individuelles. Autant, il importe que les personnes concernées comprennent l’origine de la décision, autant la révélation publique de la manière – totalement généralisée et non nuancée – dont cette décision a été prise ne nous paraît pas opportune. J’insiste sur le fait qu’en l’état actuel, la conjonction des deux articles précités renforce l’obligation de diffusion, telle qu’elle est prévue par le présent article. On peut considérer que la communication de l’algorithme ayant permis de prendre une décision individuelle est à la fois une immense avancée et un premier pas à saluer – d’ailleurs issu de la consultation publique.
M. Christian Paul. Je serais éventuellement tenté de me conformer au souhait du rapporteur, mais je n’entends pas si facilement les arguments du Gouvernement : l’amendement proposé n’appelle pas une telle réponse. Tout d’abord, nous ne visons pas la simple communication, à la demande d’un citoyen, de documents – eussent-ils un caractère informatique – mais la publicité autant que la publication de ces traitements algorithmiques, indépendamment d’ailleurs de la demande de tel ou tel individu. La conjonction des articles 2 et 4 ne me paraît pas répondre à cette nécessité de publicité.
D’autre part, l’amendement, tel qu’il est rédigé, laisse toute possibilité au Gouvernement, par voie réglementaire notamment, de prévenir les difficultés évoquées. Mme la secrétaire d’État a notamment cité la question de la fraude fiscale : nous pourrions en discuter afin de savoir s’il convient d’introduire une exception sur ce point-là. Mais la publicité des algorithmes est un principe d’intérêt général qui devrait devenir la règle dans la société de l’information. Les conséquences des traitements algorithmiques peuvent d’ores et déjà être extrêmement graves pour quantité de citoyens – non ceux qui se trouvent en situation de délinquance fiscale ou autre. Je souhaiterais donc qu’avec le rapporteur, nous puissions trouver une rédaction satisfaisante.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je trouve l’amendement de M. Paul très intéressant. Néanmoins, il pose un problème de seuil depuis que nous avons adopté l’excellent amendement CL132 de M. Gosselin. Le présent amendement mérite donc d’être réécrit et l’engagement du rapporteur me convient.
M. Christian Paul. Je serais ravi si le rapporteur acceptait néanmoins que nous votions cet amendement pour le retravailler ensuite, car je ne souhaiterais pas que l’excellent amendement de M. Gosselin nous conduise, pour des raisons de seuil d’effectifs, à ne pas retenir des propositions portant sur des questions de principe essentielles. J’entends cependant le propos du rapporteur et l’engagement de la responsable du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), et j’accepte donc de le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL381 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL15 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Dans son avis, la CADA s’interroge sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et sur l’opportunité d’introduire dans le texte de loi la notion de péremption des informations diffusées en l’articulant avec le droit des archives publiques. C’est là le premier élément permettant d’éviter que les diffusions se fassent une fois que le document n’a plus d’intérêt.
La CADA explique aussi que l’immense majorité des documents administratifs est vouée à l’élimination à l’issue de leur durée d’utilisation administrative. De très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l’administration des archives.
Comment concilier cette réalité administrative avec l’obligation ici créée ? Mon amendement d’appel vise à ce que nous nous saisissions du sujet. Par défaut, il prévoit la présence de précisions supplémentaires dans le décret d’application auquel renvoie le III de l’article.
M. le rapporteur. J’entends vos propos, car les délais sont effectivement définis à l’article 5. Si je suis sensible, moi aussi, à l’avis de la CADA, je ne suis pas sûr que la rédaction ici proposée résolve le problème. J’ai néanmoins bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement CL512 du rapporteur est retiré.
La Commission aborde l’amendement CL80 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendement vise à instaurer un système de double licence pour les données. Il s’agit de reproduire, pour les données publiques communicables et leur utilisation, le système prévu pour l’open source. Concrètement, si une donnée est utilisée dans un système entièrement gratuit d’un bout à l’autre et si, in fine, la mise en forme de la donnée est elle-même utilisée dans un contexte gratuit, non commercial, il est proposé d’instituer une licence libre. Si, en revanche, la donnée est utilisée dans un système dans lequel à un moment intervient une prise en main commerciale, en milieu ou en bout de ligne, il est proposé d’instaurer par dérogation un système de licence payante. L’objectif est d’éviter un dispositif dans lequel il y aurait, d’un côté, l’internet des petits, des généreux, des ouverts, fonctionnant sur le mode de la licence libre, ouverte, où tout est accessible à tous ; et de l’autre, de grosses entreprises qui, elles, mettent en forme et réutilisent les données, souvent à des fins de marketing, de caractérisation et de criblage : elles ont un accès gratuit à des éléments qui leur permettent d’avoir une activité commerciale.
M. le rapporteur. Nous poursuivons ici la discussion que nous avons déjà eue – à la fois sur le texte précédent et tout à l’heure. Je suis plutôt favorable à la gratuité et au freemium. Nous avons d’ailleurs tenté d’instaurer un freemium lors de l’examen de la « loi Valter ». Aujourd’hui, je préfère maintenir notre attachement fort à la gratuité et aux avancées enregistrées par le Gouvernement concernant les données statistiques de l’INSEE. Je suis plus attaché à la gratuité – même si elle doit prendre plus de temps – qu’au freemium qui pourrait fermer un modèle.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je suis également attachée à la gratuité et j’apprécie toutes les avancées en ce sens que contient le projet de loi. Le problème qui se pose est celui des sociétés cherchant un bénéfice commercial – voire à maîtriser un marché ou à le monopoliser – en utilisant des données publiques qui, à l’origine, avaient vocation à être gratuites. La gratuité peut ainsi se retourner contre le projet qu’elle emportait. Une entreprise qui a déjà une position dominante sur un marché a les moyens, en utilisant la donnée publique et mise à disposition gratuitement, de renforcer sa position dominante – alors que l’objectif était de mettre en place un système ouvert. Le fait d’ouvrir un maximum de données peut paradoxalement conduire à refermer de nombreux marchés. Or, le dispositif de la licence double existe pour l’open source et fonctionne bien : pourquoi ne pas le répliquer ?
Mme Delphine Batho. À titre personnel, je soutiens l’amendement, bien que n’ayant pas le droit de vote dans cette commission. On ne peut débattre de l’ouverture des données sans poser le problème de la création de valeur par de grandes entreprises privées à partir de l’utilisation de données publiques partagées gratuitement. Cette question nous renvoie aussi au débat sur la fiscalité imposée aux grands géants de l’internet.
Mme la secrétaire d’État. Les arguments que vous avancez sont justes et je partage le constat que vous avez établi. Si le Gouvernement est réticent à l’adoption aussi rapide d’une mesure aussi forte, c’est qu’en pratique, imposer un modèle de licence plutôt qu’un autre – en l’occurrence le share alike ou licence de partage, qui est de nature contractuelle au départ – soulève des difficultés techniques, notamment pour vérifier la réalité du partage ou du reversement des données exploitées.
C’est pourquoi l’approche actuellement retenue par le Gouvernement concernant les organismes publics les plus concernés par les enjeux financiers que vous avez soulignés et par la question du positionnement économique sur les marchés, est celle du cas par cas, qui permet à notre avis de trouver le modèle le plus juste.
De mon point de vue personnel, la double licence ou, à défaut, le freemium, qui consiste à accorder la gratuité aux petits acteurs économiques et aux particuliers et à assujettir à une redevance les plus grosses entreprises, est le modèle à poursuivre : il est à la fois très sophistiqué et très innovant. Simplement, l’imposer par voie législative plutôt que de rechercher des arrangements contractuels ou les modèles économiques qui soient les plus viables pour ces organismes publics me paraît, sinon inapproprié, du moins fort prématuré.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous dites qu’il est un peu tôt pour mettre en place un tel modèle. Je l’entends bien, car j’ai moi-même eu du mal à rédiger cet amendement. Cela étant, nous n’avons guère de fenêtres de tir et nous ne remettrons pas l’ouvrage sur le métier avant plusieurs années. Or, dans l’intervalle, certaines entreprises en position dominante pourraient devenir monopolistiques. Je comprends votre intention, mais nous nous trouvons face à de grosses entreprises dont les motivations sont très différentes. N’y aurait-il pas moyen, d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique, de retravailler cet amendement pour trouver ensemble une formule qui permettrait de mettre un pied dans la porte et de concevoir l’architecture d’un dispositif sur le principe duquel nous sommes ici tous d’accord ? Si l’on n’instaure pas maintenant ce mécanisme, on ne le fera jamais.
Je suis prête à retirer mon amendement si vous êtes d’accord pour que nous retravaillions ensemble, d’ici à la séance publique, à cette architecture que vous décrivez et à laquelle je souscris.
M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr que le modèle freemium empêche les entreprises de se mettre en position dominante sur le marché. Même si le système de freemium les conduit à apporter une participation financière, cela n’empêchera pas les plus grands de payer. Et toute la difficulté demeurera. C’est pourquoi le débat est récurrent entre les partisans de la non ouverture des données, ceux de l’ouverture des données et de la gratuité, ceux des redevances et ceux du freemium. De toute façon, les plus gros ont les moyens de payer. Quand Google a besoin de référentiels de grande échelle, il achète pour 4,5 millions d’euros à l’IGN ce dont il a besoin, mais on se trompe si l’on croit qu’il va racheter tous les ans la base de données de l’IGN, car il a trouvé de son côté d’autres solutions de mise à jour. Bref, le développement des géants de l’internet est sans limites, car ils peuvent y consacrer des moyens financiers considérables. Le freemium ne peut freiner une telle expansion : il peut certes apporter des ressources à l’émetteur de données, mais il ne peut en aucun cas contrecarrer les positions dominantes existantes.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je comprends votre argument concernant les positions dominantes, mais je ne puis accepter de vous entendre dire que, tout en étant conscients du problème, vous n’y pouvez rien, qu’il est à la fois trop tôt et trop tard pour agir puisque, de toute façon, les positions dominantes sont prises. Je ne dis pas que le système que je propose soit une arme absolue, mais l’amendement nous permet au moins de manifester notre intention.
M. le rapporteur. Mon propos n’est pas celui que vous me prêtez. Je dis simplement que le frein que vous voulez instituer me semble inefficace, et qu’il est préférable d’assurer la gratuité du système et de le rendre très simple d’accès pour les uns et les autres – sans envisager l’instauration d’une double licence ou d’un potentiel paiement. C’est ainsi que même les nouveaux entrants et les plus petits acteurs seront capables de se saisir des données et d’intervenir.
Nous avons réfléchi à l’instauration d’un freemium lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Valter. J’avais moi-même déposé un amendement de repli sur le freemium, qui a été rejeté. J’ai donc tenté, moi aussi, de transcrire ce dispositif dans la loi : je n’y parviens pas aujourd’hui et je ne pense pas que votre amendement nous permette d’avancer en la matière.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Article 4 bis
(art. L. 541-10 du code de l’environnement)
Encouragement des démarches d’open data dans le domaine des déchets
À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – ainsi qu’un sous–amendement rédactionnel soutenu par M. Lionel Tardy – visant à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Cet article s’inscrit pleinement dans l’objectif poursuivi par le titre Ier du projet de loi relatif à la circulation du savoir.
Le II de l’article L. 541–10 du code de l’environnement définit, en application du principe de responsabilité élargie du producteur, les obligations incombant aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication. Le présent article complète ces dispositions par l’encouragement des démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets.
Un meilleur accès à l’information sur les caractéristiques du gisement collecté et sur l’offre relative aux matières de substitution est de nature à favoriser la demande. Dans le respect du caractère confidentiel des données stratégiques sur les déchets, l’open data permettra d’améliorer la connaissance du gisement, de sa géolocalisation et de l’offre des matières de substitution, permettant une optimisation de la collecte et de la valorisation matière. Réciproquement, l’optimisation de la demande orientera l’écoconception des produits mis sur le marché. Le cahier des charges des éco-organismes devra indiquer les conditions d’ouvertures des données qu’ils détiennent.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL522 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL595 de M. Lionel Tardy.
M. Luc Belot, rapporteur. Cet amendement vise à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Il est possible que sa rédaction évolue d’ici à la séance publique.
M. Lionel Tardy. Il serait préférable de n’évoquer que les « conditions dans lesquelles sont encouragées les démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets » et non « les conditions et limites », ne serait-ce que pour ne pas restreindre le mouvement dans le domaine des déchets. On avait d’ailleurs abouti à cette rédaction, l’année dernière, lors du débat sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », mais elle a été modifiée par la suite.
M. le rapporteur. Je suis favorable à l’adoption de ce sous-amendement.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.
Article 5
(art. L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration)
Entrée en vigueur des nouvelles obligations de diffusion – Soumission de la publication des documents au respect des droits de propriété littéraire et artistique
1. Une publication des documents administratifs sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique
Le I modifie l’article L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration pour préciser que les documents administratifs sont publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique – ce qui est le régime prévu actuellement pour la communication des informations publiques.
2. Une entrée en vigueur différée
Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur en plusieurs étapes de l’élargissement des obligations de diffusion prévu à l’article 4 du projet de loi :
– le 1° prévoit que dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, les administrations publient les documents qu’elles communiquent actuellement en application de la législation sur le droit d’accès ;
– le 2° prévoit que dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, les administrations publient l’ensemble des documents figurant dans le répertoire des informations publiques ;
– le 3° dispose que les administrations publient l’ensemble des documents qu’elles doivent diffuser dans un délai fixé par décret et au maximum de deux ans après la publication de la présente loi.
Cet article a fait l’objet d’un amendement de votre rapporteur de réécriture globale, dans un souci de simplification rédactionnelle, avec le soutien du Gouvernement.
Les étoiles de Tim Berners-Lee
Comme le rappelle le rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux (123), en 2010, Tim Berners Lee, inventeur du web et très engagé pour l’open data, a exposé sa conception des différentes étapes conduisant à une ouverture parfaite des données en les matérialisant sous forme d’une notation de une à cinq étoiles.
* Ouverture du jeu de données sous n’importe quel format avec un droit de réutilisation ;
** Utilisation de format structuré (par exemple un fichier Excel) qui permet un traitement automatique de l’information ;
*** Utilisation d’un format ouvert (par exemple un fichier CSV ne nécessitant pas un logiciel propriétaire particulier pour son interprétation) ;
**** Le jeu de données est identifié par URL : les données du jeu deviennent référençables par d’autres jeux à l’aide de liens ;
***** Le jeu de données fait lui-même référence à d’autres jeux par liens.
Cette modélisation a été reprise par de nombreux écrits sur l’ouverture des données, et notamment dans le livre blanc sur l’open data présenté au Parlement britannique en juin 2012.
Il s’agit d’une démarche pragmatique laissant la place à une amélioration progressive, selon le principe qu’il vaut mieux ouvrir des données même de manière imparfaite que passer beaucoup de temps à tenter de les améliorer sans les ouvrir.
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL418 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 6
(art. 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Principe de libre réutilisation des données pour les services publics industriels et commerciaux (SPIC)
Le présent article supprime le régime dérogatoire en matière de réutilisation des données des services publics industriels et commerciaux. Il adapte également la rédaction de l’article 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal pour tenir compte de l’entrée en vigueur du code des relations entre le public et l’administration et de l’adoption de la loi sur la gratuité et les modalités de réutilisation des informations publiques.
Comme indiqué dans le commentaire sur l’article 4 du projet de loi, l’ordonnance du 6 juin 2005 (124) prise pour la transposition de la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 (125) a supprimé le principe d’interdiction de réutilisation commerciale des documents administratifs posé par l’ancien article 10 de la loi du 17 juillet 1978 et créé le chapitre II reconnaissant explicitement le principe de libre réutilisation des informations publiques.
Le présent article modifie l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 qui définit le régime de la réutilisation des informations publiques. À l’exception de deux modifications qui sont décrites infra, il s’agit d’ajustements rédactionnels pour prendre en compte :
– l’entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2016, du code des relations entre le public et l’administration (126), qui a codifié à droit constant une partie de la loi du 17 juillet 1978 ;
– les modifications opérées par le présent projet de loi à d’autres articles, en particulier à l’article 4 – élargissement des obligations de publication. La nouvelle formulation permet ainsi d’affirmer que les informations publiques réutilisables sont celles qui ont été communiquées ou diffusées. Cela lève l’ambiguïté de la rédaction actuelle qui dispose seulement que les « informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite (…) » ;
– la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques. Un amendement de votre rapporteur avait en effet modifié l’article 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 afin de prévoir que les informations communiquées à des fins de réutilisation le sont sous forme électronique et, si possible, dans un standard ouvert. Lors de la navette, la rédaction a évolué afin de préciser que l’obligation de mise à disposition sous forme électronique et dans un standard ouvert ne vaut que pour les informations produites postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Cette précision permet d’écarter le risque que les administrations aient à convertir les documents qu’elles détiennent dans un autre format. L’ajout de la précision « si possible » résulte d’un sous-amendement du Gouvernement. Celui-ci a avancé qu’il convenait de ne pas imposer de charges trop lourdes aux administrations et notamment aux collectivités territoriales, et d’éviter de les contraindre à convertir leurs documents dans un format autre que celui qu’elles utilisent habituellement.
En l’état du droit, la jurisprudence du Conseil d’État considère que la loi du 17 juillet 1978 n’oblige pas les administrations mentionnées à son article 1er à enregistrer les documents qu’elles doivent communiquer à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elles utilisent habituellement (127).
Dans la rédaction actuelle de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, trois types d’informations sont exclues du champ d’application du principe de la libre réutilisation. Il s’agit de celles :
– dont la réutilisation ne constitue pas un droit, sauf si elles font l’objet d’une diffusion publique – c’est par exemple le cas des informations dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;
– sur lesquelles des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle ;
– produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’une mission de SPIC.
Les informations peuvent être communiquées dans le cadre commun du droit d’accès, avec les mêmes restrictions que celles s’appliquant aux autres administrations (128), mais les informations détenues ou produites par les SPIC ne sont pas considérées comme des informations publiques en matière de réutilisation.
Qui peut assurer un SPIC ?
Les SPIC peuvent être assurés par :
– des personnes publiques – État, collectivités territoriales et leurs groupements – qui les exploitent alors directement sous la forme d’une régie ;
– des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), placés sous la tutelle de l’État ou d’une collectivité territoriale. Il s’agit notamment pour les EPIC nationaux de la SNCF, de la RATP, des grands ports, du centre national des études spatiales (CNES), d’institutions culturelles telles que l’Opéra de Paris, la Comédie française ou la RMN–GP, d’institutions financières telles que BPI France et l’agence française de développement. Pour les EPIC locaux, on peut citer les offices publics de l’habitat, les établissements fonciers locaux, les établissements publics d’aménagement ou les offices de tourisme n’ayant pas la forme associative ;
– des personnes de droit privé gérant un service public dans le cadre d’une relation contractuelle avec une personne publique (marché de service public ou concession de service public) ou en application d’une disposition législative ou réglementaire. Ce dernier cas vise essentiellement d’anciens EPIC devenus des entreprises de droit privé, comme La Poste ou EDF.
Aujourd’hui, les EPIC sont donc libres de définir eux–mêmes les règles relatives à la réutilisation des données qu’ils ont produites ou reçues. De facto, plusieurs EPIC se sont lancés dans des politiques ambitieuses en matière de réutilisation des données publiques.
Ainsi, l’établissement public créé par le décret n° 2011–52 du 13 janvier 2011 relatif à l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (RMN–GP), qui conduit une activité d’agence photographique chargée d’indexer, de valoriser et de diffuser les reproductions photographiques des collections, doit « donner accès à sa photothèque à toute personne qui lui en fait la demande, y compris pour une utilisation à des fins commerciales, dans des conditions notamment tarifaires qu’il fixe à l’avance dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination (129)».
Le RMN–GP a ouvert le 14 octobre 2015 une plateforme « Images d’Art » regroupant :
– le nouveau site Images d’Art (www.art.rmngp.fr), qui offre au grand public la possibilité de découvrir, collectionner et partager ces images des musées français. Les utilisateurs peuvent effectuer gratuitement des usages non commerciaux des images ;
– une interface de programmation d’application, appelée « API » (130), destinée aux développeurs désirant réutiliser les images et les données pour offrir de nouveaux services. L’autorisation est donnée à titre gratuit pour les usages privés et pédagogiques.
Par ailleurs, la RMN–GP organise la diffusion commerciale (131) sur le site www.photo.rmn.fr qui comporte un système de commande en ligne. Le tarif est variable selon les usages. Ce site compte 22 000 clients actifs et 8 000 factures annuelles. Cette agence photo évolue sur un marché concurrentiel comprenant notamment : Bridgeman, Scala, AKG ou encore Corbis et Getty.
CHIFFRE D’AFFAIRES DE LA RMN–GP ENTRE 2011 ET 2015 (PRÉVISIONNEL)
Année |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015p |
CA total (en k€) |
4 116 000 |
3 956 000 |
4 210 000 |
3 982 000 |
3 990 000 |
CA lié à la commercialisation des fonds des musées nationaux |
2 609 000 |
2 741 000 |
2 809 000 |
2 684 000 |
2 795 000 |
Source : RMN-GP
Les préconisations du rapport « Ouverture et partage des données publiques culturelles, pour une (r)évolution numérique dans le secteur culturel » (132)
Dans un rapport remis en décembre 2013, M. Camille Domange, chef du département des programmes numériques au secrétariat général du ministère de la culture, décrit le régime actuel d’accès aux données culturelles et évalue, sur la base d’exemples étrangers, les nouvelles modalités de réutilisation qui peuvent être envisagées ainsi que le cadre juridique et financier qui pourrait les accompagner.
Il fait le constat que le développement des usages numériques des données culturelles implique d’adapter les pratiques des établissements publics culturels. Dans les grandes institutions étrangères, les revenus tirés de la revente d’images ne constituent plus une source de financement significative. Le rapport souligne la méconnaissance de cette question par les acteurs de la culture ainsi que leur scepticisme quant à leur capacité à mettre en place un « écosystème de création et d’innovation » autour de ces données.
Alors que le droit d’auteur est souvent invoqué à l’appui des restrictions à la réutilisation de certaines données, en particulier les photographies des œuvres des collections nationales, le rapport souligne qu’une rationalisation du recours à des contrats de licence de réutilisation, en particulier à la licence Creative Commons, permettrait de surmonter ces difficultés dans le respect des droits de l’auteur de l’œuvre.
Le rapport appelle par ailleurs les organismes culturels français, dont certains continuent de mettre en œuvre des stratégies « protectionnistes » de mise à disposition des contenus, à repenser leur système de redevances de réutilisation. Il estime que la mise en place d’une offre de services complémentaires aux données publiques en libre accès permettrait aux musées de tirer au mieux profit de la révolution numérique dont ils sont aujourd’hui trop souvent les témoins passifs. Des exemples étrangers, le Rijksmuseum d’Amsterdam ou le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, démontrent qu’il est possible par ce biais de capter une nouvelle audience, sensible aux démarches collaboratives engagées grâce aux outils numériques, sans renoncer à sa vocation première qui est la promotion et la diffusion universelle des biens publics culturels.
Les dérogations au principe de la libre réutilisation des données publiques doivent être limitées au maximum, eu égard aux fortes externalités positives générées par l’open data. Et ce, d’autant que les services rendus par les SPIC intéressent des domaines cruciaux pour l’économie, tels que les transports ou la distribution de l’eau.
C’est la raison pour laquelle l’article 4 de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.
Accès aux données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité
Comme l’ont relevé l’Autorité de la concurrence, dans un avis du 27 février 2014, et la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, dans sa fiche sur l’ouverture de l’offre de transport par autocar, l’ouverture et la mise à disposition des données relatives aux transports est un facteur essentiel au développement de l’intermodalité comme à une concurrence saine entre les différents services de transport.
L’article L. 1115-1 du code des transports – article 4 de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – prévoit la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.
L’article dispose également que les personnes tenues de fournir ces données sont les exploitants des services de transports et de mobilité et, le cas échéant, les autorités organisatrices de transport.
Les données concernées sont celles :
– relatives aux arrêts, aux horaires planifiés et en temps réel, aux tarifs, aux informations sur l’accessibilité aux personnes handicapées, aux informations relatives à la disponibilité des services et à leur capacité, ainsi qu’aux incidents constatés sur le réseau et dans la fourniture des services de transport ;
– issues de services de calculateurs d’itinéraires multimodaux gérés par ou pour le compte des autorités organisatrices de transport.
Pour remplir ces obligations, les exploitants de services de transport ou de mobilité pourront adopter des codes de conduite et des lignes directrices rendus publics déterminant les conditions de diffusion, de fourniture et d’actualisation des données. Ils devront notamment définir la manière dont la connexion entre systèmes d’informations permet de fournir les données de manière immédiate aux usagers et la manière dont la continuité de la fourniture des données est assurée en cas de changement des modalités de leur diffusion.
Le 2° retire les données produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’un SPIC de la liste des informations non réutilisables au sens de la loi du 17 juillet 1978. Il harmonise ainsi les règles relatives à la réutilisation des informations publiques produites ou reçues par des autorités chargées d’une mission de service public, que cette dernière soit de nature administrative, industrielle ou commerciale.
Il faut noter que l’impact du 2° pourrait toutefois être limité par les dispositions relatives à la protection des secrets en matière industrielle et commerciale.
1. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Outre un amendement de simplification rédactionnelle de votre rapporteur et un amendement de coordination porté par Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques, la Commission a adopté un amendement imposant aux administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration de retenir, pour les informations mises à disposition sous forme électronique, un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. Ce sujet avait fait l’objet de débats lors de l’examen de la loi n° 2015–1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. L’amendement porté par votre rapporteur, identique à celui adopté par la Commission, avait alors été sous–amendé par le Gouvernement afin de prévoir le caractère optionnel de l’obligation de fournir ces documents dans un standard ouvert et aisément réutilisable.
*
* *
La Commission étudie l’amendement CL82 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement vise à lever l’une des restrictions à la communicabilité des données publiques. Ainsi, dans la première phrase du troisième alinéa de l’article – « Les informations publiques figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » –, nous souhaitons supprimer tous les mots placés après « qui le souhaite ».
M. le rapporteur. Monsieur Martin-Lalande, je vous demande de retirer votre amendement ou j’émettrais un avis défavorable à son adoption. Aucune restriction n’existe, si bien que rien ne justifie la suppression de la fin de la phrase.
M. Patrice Martin-Lalande. N’étant pas l’auteur principal de cet amendement, je ne puis le retirer et le maintiens donc.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL450 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL16 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Lors de la commission mixte paritaire examinant le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, porté par Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, j’avais exprimé la déception du groupe Les Républicains devant le choix de faire de la diffusion sous format réutilisable une simple possibilité. Cela représente en effet un frein sérieux à l’ouverture des données publiques, et je demande la suppression des mots « si possible » à la dernière phrase de l’alinéa 3.
M. le rapporteur. J’avais également soutenu cette idée, si bien que je ne peux émettre qu’un avis favorable à l’adoption de cet amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CL231 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Nous souhaitons préciser le sens des mots « aisément réutilisable ». Un document possédant cette qualité doit être lisible par une machine et exploitable par un système de traitement automatisé. Les données publiées au format PDF ne remplissent que la première condition, et mon amendement reprend une définition de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public – Public Sector Information (PSI).
M. le rapporteur. J’entends vos arguments, mais une discussion en commission mixte paritaire avec le Sénat sur la transposition de la directive a tranché cette question, et je ne souhaite pas que l’on adopte une rédaction différente dans ce texte. Je vous demande donc de retirer votre amendement à l’adoption duquel j’émettrais un avis défavorable si vous le mainteniez.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle étudie les amendements CL470, CL469 et CL471 rectifié de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il convient de préciser que toute utilisation de documents administratifs contenant des données publiques fasse explicitement référence à leur source, afin que l’on puisse retrouver les textes initiaux. Il s’agit de l’application du principe scientifique de réfutation, qui s’avère d’une importance fondamentale et qui valorise l’activité de notre administration.
M. le rapporteur. Je souscris à votre objectif et à vos arguments, mais l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », satisfait déjà votre préoccupation, puisque l’on y lit : « Sauf accord de l’administration, l’utilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé, que leur source et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. » Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je les retire, mais je réfléchirai d’ici à la séance publique à une éventuelle nouvelle rédaction, car une loi de cette importance doit répéter les éléments fondamentaux et ne pas se contenter de renvoyer à une loi antérieure que l’on révise en profondeur. Quant aux deux autres amendements, ils obéissent au même principe, si bien que je les retire également.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL451 du rapporteur.
Puis elle adopte, suivant l’avis favorable du rapporteur, l’amendement de coordination CL623 de la Commission des Affaires économiques.
Elle adopte enfin l’article 6 modifié.
La Commission examine l’amendement CL422 de M. Bertrand Pancher.
Mme Maina Sage. Cet amendement vise à reprendre une proposition émise à l’occasion du débat sur le projet de loi défendu par Mme Clotilde Valter : celle d’inscrire le principe du freemium pour la réutilisation des données publiques. Il s’agit d’un dispositif intermédiaire entre le premium et le free, qui nous paraît opportun, équitable et juste. L’option d’une réactualisation annuelle offre une bonne solution.
M. le rapporteur. Le dispositif que vous proposez, et qui diffère de l’exposé sommaire de votre amendement que vous venez de nous présenter, est déjà largement satisfait par l’article 4 du projet de loi tel que nous l’avons amendé et dans lequel nous avons accru les obligations de diffusion des administrations. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.
Mme Maina Sage. Mon amendement fixe une obligation de réactualisation annuelle gratuite, l’offre premium débutant pour une demande plus fréquente. Il ne me semble pas que le texte de l’article 4 aille aussi loin, si bien que je maintiens l’amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Article 7
(art. 11–1 [nouveau] de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978
portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Rationalisation du régime de réutilisation des informations publiques
Le présent article comporte diverses mesures visant à rationaliser le régime de la réutilisation des informations publiques. Il adapte, pour les bases de données créées par les administrations faisant l’objet d’une diffusion publique, le régime de la propriété intellectuelle, afin de ne pas entraver la réutilisation des informations publiques contenues dans ces bases de données.
1. La création d’une dérogation au régime juridique relatif aux bases de données pour les organismes publics
Le I du présent article adapte, pour les bases de données créées par les administrations faisant l’objet d’une diffusion publique, le régime de la propriété intellectuelle, afin de ne pas entraver la réutilisation des informations publiques contenues dans ces bases de données.
La loi n° 98–536 du 1er juillet 1998 – transposant dans le code de la propriété intellectuelle la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données – a introduit deux articles L. 342–1 et L. 342–2 dans le code de la propriété intellectuelle accordant des droits étendus au producteur de bases de données. Ce dernier peut en effet interdire :
– l’extraction, par transfert permanent ou temporaire, de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;
– la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme ;
– l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données.
Cet article pose aujourd’hui des problèmes d’articulation avec la politique française d’open data et nourrit un contentieux devant les juridictions administratives. Ainsi, la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux a eu à connaître d’une affaire opposant la société NotreFamille.com et le conseil général du département de la Vienne à propos des conditions de réutilisation des informations contenues dans les documents d’archives publiques. La CAA a jugé que, dès lors qu’il est producteur d’une base de données, un service culturel peut interdire la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de cette base de données en faisant état des droits que lui confère l’article L. 342–1 du code de la propriété intellectuelle (133).
L’extension des obligations de publication prévue par l’article 4 du présent projet de loi, et singulièrement des « bases de données [que les administrations] produisent ou [que les administrations] reçoivent, ainsi que le contenu de ces bases » se trouverait limitée dans ses effets en l’état actuel du droit sui generis sur la protection des bases de données.
Le I insère donc un nouvel article 11–1 à la loi du 17 juillet 1978 qui prévoit que sous réserve de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers, le droit sui generis sur les protections des bases de données ne s’applique pas aux cas de réutilisations permis par l’article L. 312–1–1 du code des relations entre le public et l’administration (article 4 du projet de loi).
La CADA a affirmé à plusieurs reprises, et a réitéré sa doctrine dans son avis sur le projet de loi, que le droit sui generis que les administrations détiennent sur les bases de données ne pouvait s’opposer par lui–même à leur réutilisation – en effet, l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction actuelle, qui n’est pas modifiée par le projet de loi, exclut de la définition des informations publiques les informations contenues dans des documents sur lesquels des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle mais pas les informations contenues dans les documents sur lesquels seule une administration détient de tels droits, y compris, le cas échéant, en tant que producteur d’une base de données.
La CADA craint que cette disposition ne donne a contrario l’indication que d’autres droits de propriété intellectuelle détenus par les administrations pourraient désormais faire obstacle à la réutilisation de documents administratifs. La Commission propose donc d’adopter une rédaction générale, indiquant que les droits de propriété intellectuelle que l’administration détient sur un document, y compris le cas échéant sur une base de données en tant que producteur, ne peuvent par eux–mêmes s’opposer à la réutilisation des informations publiques que comporte ce document avec les dispositions du nouveau b) de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978.
Le III du présent article encadre plus strictement les types de licences utilisables par les administrations pour autoriser les réutilisations de données publiques à titre gratuit.
Aujourd’hui, l’article 16 de la loi du 17 juillet 1978 ne prévoit la délivrance d’une licence en vue de la réutilisation de données publiques que dans le cas où la réutilisation est soumise au paiement d’une redevance. Or, la licence joue un rôle pédagogique non négligeable. Elle permet d’encadrer contractuellement les règles relatives à la réutilisation des informations publiques et en particulier de préciser celles qui sont énoncées à l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 précitée : « sauf accord de l’administration, la réutilisation des données publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées ».
b. Les modifications apportées par la loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques
L’article 8 de la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public permettant la délivrance d’une licence indépendamment du paiement d’une redevance, l’article 4 de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques a modifié la loi du 17 juillet 1978 en ce sens :
– la licence est possible mais facultative si la réutilisation des données publiques n’est pas soumise au paiement d’une redevance ;
– la licence est obligatoire si la réutilisation des données publiques est soumise au paiement d’une redevance.
De fait, et conformément à l’action n° 41 du plan « France numérique 2012 », des licences ont été élaborées par la mission Étalab et l’agence du patrimoine de l’État (APIE), afin de favoriser la réutilisation libre et gratuite des données publiques. Depuis novembre 2011, la licence ouverte s’impose aux administrations de l’État, à l’exception des cas de jeux de données spécifiques donnant lieu à des licences comportant des conditions particulières, élaborées par les administrations, soumises et validées par Étalab.
Ainsi, comme l’ont montré les sénateurs Gaëtan Gorce et François Pillet (134) dans un rapport déposé en avril 2014, l’ensemble des données mises à disposition sur le portail data.gouv.fr le sont sous le régime de la licence ouverte. Ce type de licence permet au réutilisateur, sous réserve du respect de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 précitée :
– de reproduire, copier, publier et transmettre l’information publique ;
– de diffuser et redistribuer l’information publique ;
– d’adapter, modifier l’information publique ;
– d’exploiter l’information publique à titre commercial.
Cette licence s’inscrit dans un contexte international en étant compatible avec les standards des licences open data développées à l’étranger et notamment celles du Gouvernement britannique (open Government licence) ainsi que les autres standards internationaux (ODC–BY, CC–BY 2.0).
Des licences standardisées
La licence ouverte de data.gouv.fr remplace les anciens standards (notamment les licences Apie, LIP, etc.). Elle n’impose que la mention de l’origine des données utilisées et de leur date de mise à jour. Elle est en outre compatible avec des licences ouvertes très utilisées comme l’Open Government Licence et la licence CC-BY.
Data.gouv.fr admet en outre l’Open Database Licence (ODbL), licence plus complexe qui introduit la notion de partage à l’identique : en cas de modifications (adaptations, corrections, améliorations) des données par l’utilisateur, celui-ci est tenu de les diffuser dans des conditions de licence identiques à celles de l’original.
De multiples licences existent au plan international. Depuis le début des années 2000, les licences Creative Commons (CC), inspirées de la licence GNU GPL relative au logiciel libre, ont pris une importance considérable :
CC-Zero (pas de contrainte, pas de mention de paternité, sous réserve de compatibilités ;
CC-BY (pas de contrainte si ce n’est la mention de la paternité) ;
CC-BY-SA (paternité et partage à l’identique, c’est-à-dire conservation de la licence lors des réutilisations).
Il faut enfin souligner que la réutilisation d’informations publiques ne donne lieu qu’à un très petit nombre de litiges, moins de cinq depuis 2005, alors même que la Commission d’accès aux documents administratifs rend près de 5 000 avis ou conseils par an (135).
Il est nécessaire de standardiser les licences pour les données ouvertes afin d’éviter la multiplication des conditions particulières en cas de réutilisation, qui serait un obstacle pour les réutilisateurs utilisant des jeux de données provenant de divers producteurs.
Le II du présent article complète l’article 16 de la loi du 17 juillet 1978 et impose dorénavant que lorsque les réutilisations à titre gratuit donnent lieu à l’établissement d’une licence, celle–ci doit figurer parmi la liste des licences fixée par décret. Toutefois, lorsqu’une administration souhaite recourir à une licence ne figurant pas sur cette liste, cette licence doit être préalablement homologuée par l’État – en pratique par Étalab.
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* *
La Commission aborde l’amendement CL17 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Comme l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978 a été abrogé par la loi du 28 décembre 2015 dite « loi Valter », il est préférable de rétablir un article 11 plutôt que d’en créer un nouveau.
M. le rapporteur. Je vous remercie de cette excellente proposition, monsieur Tardy. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CL18 de M. Lionel Tardy et CL423 de M. Bertrand Pancher.
M. Lionel Tardy. Comme le recommande l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), il convient de prévoir une rédaction plus générale pour l’alinéa 2 de l’article 7. Sa version actuelle pourrait en effet générer des obstacles à la réutilisation de documents administratifs, dont des bases de données, sur lesquels l’administration détient un droit de propriété intellectuelle.
Mme Maina Sage. Nous avons déposé un amendement qui propose d’inclure les collectivités territoriales dans le régime dérogatoire de l’article 7 pour les bases de données déjà en ligne et de clarifier la distinction entre le contenu du document et le contenant de l’information.
M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement CL18, je rejoins M. Tardy et la CADA sur l’opportunité d’une exclusion plus large des droits de propriété intellectuelle, mais celle que vous proposez s’avère trop étendue et pourrait mettre en péril certains brevets. Je vous propose de retirer ces amendements, afin que nous travaillions ensemble à une autre rédaction d’ici à la séance publique.
M. Lionel Tardy. D’accord.
M. le rapporteur. Quant à l’amendement CL423, il élargit le champ de l’exception aux droits sui generis sur les bases de données. J’ai déposé un amendement similaire, CL452, auquel je vous propose de vous rallier.
Mme Maina Sage. Je retire mon amendement.
Les amendements sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CL232 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Le droit d’auteur des fonctionnaires ne doit pas s’opposer à la réutilisation des données, comme cela fut le cas pour la base Mérimée pour le patrimoine. Dès lors, cet amendement prévoit de s’appuyer l’article L. 131-3-1 du code de la propriété intellectuelle, qui porte sur le droit d’auteur des fonctionnaires, pour favoriser la réutilisation des données.
M. le rapporteur. Le sujet du droit d’auteur n’est pas simple, notamment pour les fonctionnaires ; comme pour les « communs », un travail d’ampleur est nécessaire pour examiner l’ensemble de ses implications. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.
Mme Isabelle Attard. Nos amendements portant sur le domaine commun informationnel ne touchent pas au droit d’auteur, monsieur le rapporteur. Je maintiens cet amendement.
M. le rapporteur. J’ai lié ces deux sujets pour montrer qu’une réflexion approfondie était indispensable, mais j’ai bien compris que votre amendement ne concernait pas le droit d’auteur.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL452 et CL495 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL20 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’idée d’une liste de licence de réutilisation fixée par voie réglementaire émane du Conseil national du numérique. J’avais proposé à Mme Valter d’introduire cette disposition dans son projet de loi, mais elle l’avait jugée inutile ; je souris donc de la voir intégrée dans ce texte. Son but est de limiter le nombre de licences pour garantir l’uniformité de la politique de réutilisation des données dans le pays. Cependant, la deuxième partie de l’alinéa 4 ouvrant la possibilité pour les administrations d’homologuer de nouvelles licences va à l’encontre de cet objectif ; il conviendrait plutôt que le décret fixant la liste des licences soit révisé annuellement, afin que les administrations puissent proposer de nouvelles licences ou adapter les existantes, leur nombre total devant être plafonné. Il faut éviter qu’il y ait autant de licences que d’administrations, le texte actuel n’évacuant pas ce risque.
M. le rapporteur. Une révision annuelle paraît disproportionnée au regard de la faiblesse du nombre de licences gratuites. On pourrait à la rigueur envisager une fréquence quinquennale. Je vous propose de retirer votre amendement.
M. Lionel Tardy. Je le maintiens.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
La Commission examine les amendements identiques CL19 rectifié de M. Lionel Tardy et CL233 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. Cet amendement reprend l’avis de la CADA et propose de revenir à la suppression du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui se trouvait dans la précédente version du projet de loi. Il y a lieu de réintroduire cet abandon, sous peine de doublons avec plusieurs dispositions qui assurent déjà la protection de la vie privée. L’amendemement permettrait de favoriser la réutilisation de données qui ne contreviennent pas aux dispositions de la loi « CADA ».
Mme Isabelle Attard. Comme M. Tardy, nous souhaitons supprimer le premier alinéa de l’article 13 de la loi dite « Informatique et libertés », qui limite strictement la réutilisation des données publiques en cas de présence de données personnelles, même si celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée des individus. Cette modification, utile aux yeux de la CADA, n’affecterait pas la protection de la vie privée, assurée par l’article 9 du code civil et par l’article L. 311-6 du nouveau code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Notre droit prohibe en effet la communication de documents qui porterait atteinte à la protection de la vie privée ou à la réputation des personnes et donc la réutilisation des informations qu’ils comportent. Avec la suppression de cet alinéa, on autoriserait la libre réutilisation des informations publiques comportant des données à caractère personnel, à la condition qu’elle ne contrevienne à aucune de ces garanties.
M. le rapporteur. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a souligné que la suppression de cet alinéa affaiblirait la protection de la vie privée. Il n'y a pas lieu de revenir sur l’équilibre actuel, même si je comprends votre objectif. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces amendements s’ils n’étaient pas retirés.
Mme Delphine Batho. Il convient de veiller à la cohérence du texte, et cette position contredit le principe posé par l’article 26. La même loi ne peut pas affirmer que chaque personne décide de l’utilisation de ses données personnelles tout en contenant une disposition contraire à ce principe.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de ces amendements. Il ne faut pas confondre l’obligation d’anonymisation des données personnelles, qui s’accompagne de l’ouverture des données publiques, avec celle de protection de la vie privée. Or ces amendements présentent un risque pour les données personnelles, ce qu’a souligné le Conseil d’État. Veillons à maintenir l’équilibre entre l’accès aux données publiques et le respect des données personnelles.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle en vient à l’amendement CL235 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Les redevances constituent une lourde barrière à l’accès aux informations d’intérêt général, alors qu’elles ne représentent qu’une part très faible des recettes des services publics qui les établissent – environ 3 % pour l’INSEE et 5 % pour l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Les modèles économiques mutent sous l’influence des start-up, et de nombreux rapports ont montré l’inconvénient de ces redevances. La libération des données et leur diffusion sont en effet une source d’externalités bien plus positives que le maintien des redevances. Des entreprises françaises pourraient utiliser ces données pour leur développement, que nous freinons en nous acharnant à maintenir sous perfusion un modèle dépassé. Ce système bloque ainsi la création d’emplois.
Notre amendement propose d’ouvrir les données gratuitement, dès lors qu’elles seront rediffusées dans un format ouvert et réutilisable sous licence type « partage à l’identique ». Cela permettrait à des acteurs non marchands qui se fondent sur le contributif et la libre réutilisation d’avoir accès à ces données, tout en les maintenant payantes pour les acteurs économiques importants. Les entités les plus puissantes sur l’internet ne publient d’ailleurs pas de données en open data.
M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion et, en cohérence, je me prononce contre l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. La majorité des données publiques produites par des organismes publics proviennent de l’INSEE, de l’IGN et des caisses de sécurité sociale. Nous avons déjà enregistré de réelles avancées pour l’INSEE et nous travaillons quotidiennement avec l’IGN pour définir des modèles de licences de partage voire, à défaut, de paiement de redevances. Nous devons étendre cet effort aux caisses sociales. Le Gouvernement souhaite poursuivre cette approche pragmatique, qui répond au cas par cas à la situation des entités publiques. Celles-ci ne sont pas maintenues sous perfusion par des rentes issues de la vente de leurs données publiques, ne serait-ce que parce que les revenus tirés de ces ventes s’avèrent très modestes.
Mme Isabelle Attard. Je ne dis pas que ces établissements soient sous perfusion, mais que l’on a tort de penser que le modèle économique sur lequel reposent leurs recettes subsistera de longues années. Nous devons accompagner un autre système de développement, celui de la mise à disposition des données, qui générera de nouvelles recettes pour notre pays. Nous ne répondons pas aux sollicitations de stimulation de ce secteur qui nous sont adressées dans nos circonscriptions ; nous avons déjà pris du retard et, si l’on peut comprendre la mise en œuvre d’une phase de transition de quelques semaines ou de quelques mois, nous manquerions une occasion importante pour notre société si nous attendions cinq ou six ans.
La Commission rejette l’amendement.
Article 7 bis
(art. 15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public
À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable émis par votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public.
Cet article rend gratuites les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et les autres services statistiques ministériels (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) notamment). Il supprime les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur la base du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, plus connu sous son acronyme « SIRENE », et du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).
La suppression de ces redevances s’accompagnera d’une compensation budgétaire intégrale pour les administrations concernées. L’entrée en vigueur de la disposition est différée au 1er janvier 2017, afin de permettre la mise en œuvre de cette compensation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.
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La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CL234 de M. Sergio Coronado, CL484 rectifié et CL689 du Gouvernement.
Mme Isabelle Attard. M. Antoine Fouilleron a remis à la fin de l’année dernière un rapport sur les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations, dans lequel il indiquait que ces transactions généraient une vingtaine de millions d’euros de recettes et ne cessaient de progresser. Il rappelait pourtant que le principe de gratuité des échanges de données entre les services de l’État devait prévaloir, et notre amendement propose de traduire ce principe dans la loi. Mais nous avons adopté tout à l’heure un amendement du rapporteur qui me paraît satisfaire cet objectif, je suis donc prête à retirer le mien.
M. le rapporteur. En effet, nous avons adopté l’amendement CL537 qui fixe le même cadre, si bien que je vous propose effectivement de retirer le vôtre, madame Attard.
Mme Isabelle Attard. D’accord.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement CL484 rectifié se trouvant également satisfait par l’adoption du CL537, je le retire. Le Gouvernement souhaitait imposer la gratuité des échanges entre les administrations et les établissements publics administratifs (EPA), mais pas avec les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Nous ne pouvons pas inclure ces derniers dans le champ du texte, car la Commission européenne pourrait requalifier cette gratuité en aide d’État.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), c’est-à-dire les universités, se trouvent-ils bien inclus dans la catégorie des EPA, madame la ministre ?
Mme la secrétaire d’État. Oui, mais je souhaite que nous ayons une discussion en séance publique sur ce sujet important.
L’amendement CL689 vise à rendre gratuites les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et par les autres services statistiques ministériels. Il propose également de supprimer les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur le système informatique du répertoire des entreprises, la base SIRENE, et sur le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Je salue l’ouverture de l’INSEE qui se montre très allant sur cette question. Grâce à sa coopération et à la volonté politique portée par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, nous sommes en mesure d’aboutir à la gratuité des données élaborées par l’INSEE.
M. le rapporteur. Cette mesure constitue une avancée pour l’INSEE et pour les éléments statistiques. J’émets un avis très favorable à l’adoption de cet amendement.
Les amendements CL234 et CL484 rectifié sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL689.
Article 8
(art. 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. L. 342–1, L. 342–2, L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration)
Actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique – saisine de la CADA en cas de refus de diffusion d’un document administratif – création d’une procédure simplifiée de réponses aux demandes reçues par la CADA
1. L’actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique
Aux termes de l’article 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques doivent tenir à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent.
Les modalités de mise en œuvre de cette obligation sont fixées par l’article 36 du décret n° 2005–1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Cet article impose la mention, pour chacun des documents recensés, de son titre exact, son objet, la date de sa création, les conditions de sa réutilisation et, le cas échéant, la date et l’objet de ses mises à jour. Lorsque l’autorité administrative dispose d’un site internet, elle rend le répertoire accessible en ligne.
L’étude d’impact fait le constat de la relative ineffectivité de cette obligation. Les choix des administrations sont hétérogènes, certaines se contentant de répertorier les documents ayant fait l’objet d’une publication. Elle indique que tel est le cas ? notamment, du répertoire des ministères économiques et financiers (136). Le rapport précité de la sénatrice Corinne Bouchoux constate, par ailleurs, que « sur le site internet du ministère de la santé (sante.gouv.fr), certaines informations étaient périmées ou dataient de plusieurs années alors que des modifications substantielles étaient intervenues entre-temps. (…) Une telle situation, qui n’est pas propre à ce ministère, illustre une difficulté majeure de l’exercice de transparence administrative : celle-ci répond à un investissement très fort, mais trop souvent ponctuel. Or, il faut éviter que les administrations abandonnent leur démarche de publication, avec ce que cela comporte comme exigence de mise à jour, une fois publié le premier jeu de documents. » (137)
Le I du présent article se contente d’inscrire à l’article 17 de la loi du 17 juillet 1978 « Informatique et libertés » le principe d’une mise à jour annuelle du répertoire. Cela devra permettre une actualisation plus régulière du contenu du répertoire publié, permettant d’inclure les informations publiques produites ou reçues par l’administration. Mais cela ne remédie ni à l’hétérogénéité des doctrines de mise en ligne, ni à l’ineffectivité globale de cette obligation.
Autorité administrative indépendante, la CADA est chargée de veiller au respect du droit d’accès aux documents administratifs et aux dispositions relatives à la réutilisation des informations publiques. Sa saisine s’exerce dans le cadre d’un recours préalable obligatoire à la saisine d’un juge administratif, ce qui permet d’éviter le développement d’un contentieux autour du droit d’accès aux documents administratifs. Son intervention est alors purement consultative, la commission n’étant dotée d’aucun pouvoir décisionnel, contrairement à nombre d’autres autorités administratives indépendantes.
Saisie par l’administré dans les deux mois du refus de communication opposé par l’administration, la commission formule, dans le délai d’un mois, un avis sur la communicabilité du document, après avoir recueilli les observations de l’administration. En cas d’avis favorable, l’administration, qui n’est pas tenue par l’avis de la commission, doit informer celle–ci, dans un délai d’un mois, des suites qu’elle y a réservées.
La commission peut également être consultée par les administrations sur toute question relative à l’application du droit d’accès aux informations publiques et de réutilisation de celles-ci. Elle agit alors en qualité de conseil de l’administration.
Aux termes de l’article 22 de la loi du 17 juillet 1978, la CADA, lorsqu’elle est saisie par une administration, peut, à l’issue d’une procédure contradictoire, infliger une amende à l’auteur d’une infraction aux prescriptions en matière de réutilisation. Ainsi, par une décision du 16 décembre 2008, la CADA a condamné à une amende de 50 000 euros et à la publication de cette sanction sur tous les supports utilisés pour sa campagne de publicité une société qui avait utilisé à des fins publicitaires, pour mettre en avant les bénéfices nutritionnels supposés d’un nouveau produit alimentaire, des données dénaturées à partir d’une étude de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments et présentées comme des recommandations officielles (138).
Au cours de la dernière décennie, la CADA a été formellement saisie, en moyenne, de quelques 5 000 demandes d’avis chaque année. Seuls un peu plus de 10 % des dossiers sur lesquels elle s’est prononcée ont fait l’objet d’un recours contentieux. L’analyse détaillée des jugements montre que les cas de divergences au fond, sur des questions de droit, n’excèdent pas quelques unités chaque année (139).
La CADA joue de surcroît un rôle d’accélérateur : l’administration qui a négligé de répondre fait souvent droit à la demande de communication dès lors que son auteur a saisi la commission (140). Elle amplifie en outre cet effet en joignant des éléments d’information sur l’interprétation de la loi lors de la notification de sa saisine à l’administration, ce qui permet de lever les incertitudes éventuelles de cette dernière. Enfin, afin de circonscrire, autant que possible, aux seules questions non encore tranchées, les demandes d’avis dont le nombre ne baisse pas, la commission a mis en place un dispositif de renseignement. 13 collaborateurs permanents traitent ainsi plus de 7 000 demandes de renseignements téléphoniques et plus de 6 000 demandes de renseignements écrits par an. Nombre de refus infondés sont ainsi évités.
L’actuel article L. 342–1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit la possibilité de saisir la CADA lorsqu’une personne se voit opposer :
– un refus de communication d’un document administratif ;
– un refus de consultation ou de communication des documents d’archives publiques ;
– une décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques.
Cette rédaction ne prévoit pas de saisine pour refus de publication d’un document administratif, ce qui paraît logique au vu du faible nombre de documents actuellement concernés (141). En revanche, l’article 4 du présent projet de loi étendant considérablement les obligations de diffusion de documents administratifs (142), il importe de prévoir, ce que fait le II du présent article, la possibilité de saisir la CADA en cas de refus de publication.
Le III du présent article crée parallèlement un droit de saisine de la CADA en cas de refus de publication d’un document administratif par les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants (143).
La CADA a été saisie, en 2013, de 5 486 dossiers, dont 5 306 demandes d’avis et 178 demandes de conseil. La nouvelle possibilité de saisine devrait engendrer une hausse des demandes d’avis. Celle–ci devrait toutefois être compensée par le fait que la généralisation de la publication des documents administratifs va entraîner une baisse sensible à moyen terme des demandes de communication – puisque la diffusion d’un document administratif éteint le droit à communication de ce dernier (144). Comme M. Serge Daël, ancien président de la CADA, l’a fait valoir, « la dématérialisation et la mise ligne sont à coup sûr les deux gisements permettant de concilier l’exigence démocratique de transparence et la maîtrise de la dépense publique, comme d’ailleurs de réconcilier le temps lent des procédures et le temps rapide inhérent à la communication moderne » (145).
La CADA estime, au regard de son expérience, que les personnes intéressées par un document administratif tendant à privilégier leur accès personnel à ce document par rapport à sa diffusion publique, les recours motivés par un refus de publication devraient rester limités par rapport à ceux qui sont dirigés contre un refus de communication.
Dans le cadre des recours administratifs obligatoires préalabablement à la saisine du juge administratif, la CADA est saisie d’un nombre constant de demandes d’avis.
La commission, qui comprend onze membres (146), délibère de manière collégiale. L’article L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les cas pour lesquels la CADA peut délibérer en formation restreinte. Comme l’a souligné le président de la CADA lors de son audition par votre rapporteur, un examen collégial n’est en effet pas toujours indispensable. Il a notamment cité comme exemples les cas où la commission :
– prend acte de ce qu’une demande a perdu tout objet ;
– se contente de réitérer une réponse relevant d’une doctrine bien établie.
Le IV du présent article franchit une étape supplémentaire en prévoyant qu’un décret fixe les cas pour lesquels la CADA peut déléguer à son président l’exercice de certaines de ses attributions. Cette dernière s’est félicitée de cette mesure, qui lui permettra de faire face à l’augmentation sensible des demandes de conseils portant sur l’anonymisation de documents avant diffusion, que l’on peut anticiper.
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* *
La Commission est saisie de l’amendement CL236 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Comme l’ont recommandé les sénateurs Jean-Jacques Hyest et Corinne Bouchoux, les demandes d’avis portant sur des questions déjà tranchées par la CADA ou par la jurisprudence administrative devraient pouvoir faire l’objet de recours simplifiés en cas d’obstruction d’une administration. La CADA saisirait le juge des référés du tribunal administratif (TA) compétent, dès réception d’une demande d’avis répondant à l’une des exigences requises, ce qui permettrait au requérant de bénéficier d’une ordonnance sous 48 heures.
M. le rapporteur. Le rapport de Mme Bouchoux et de M. Hyest envisageait la saisine du TA et non celle du tribunal de grande instance (TGI) comme vous le proposez dans votre amendement. J’ai demandé à la CADA son avis sur l’opportunité de lui donner la possibilité de saisir le TA, et la Commission s’est montrée très réservée sur cette idée. Elle estime qu’il n’entre pas dans ses fonctions d’être partie dans une affaire où elle a émis un avis et qu’elle ne pourra exercer cette faculté que dans de très rares occasions à moyens constants. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement concernant le TGI et je ferai de même en séance si vous déposez un amendement sur les TA.
Mme la secrétaire d’État. Je comprends l’objectif de vouloir disposer d’une décision rapide par le biais du référé, mais il reste loisible au juge administratif, saisi d’une affaire de refus de communication, de prescrire des mesures d’exécution par voie juridictionnelle. Il peut notamment prononcer une astreinte dans les conditions prévues par le code de la justice administrative. Cet amendement se trouve donc déjà satisfait.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 8 sans modification.
La Commission étudie l’amendement CL414 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Cet amendement vise à imposer à l’Assemblée nationale et au Sénat les mêmes obligations de transparence qu’au pouvoir exécutif en matière d’ouverture des documents et des données administratifs. Cette communication devra s’opérer dans des formats ouverts permettant les traitements automatisés. Les citoyens comprendraient mal que les assemblées parlementaires soient exonérées de ces contraintes, même si cela ne signifie pas qu’elles n’aient rien fait en la matière.
M. le rapporteur. La pratique de l’Assemblée nationale s’avère exemplaire en matière d’open data – la notice de mon rapport sur ce texte est d’ailleurs accessible sous le format de la licence ouverte Etalab –, et on a encouragé la réutilisation des données, notamment sur le site « data.gouv.fr ». En revanche, je ne souhaite pas que la loi fixe la politique d’open data de notre maison. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Cette proposition est intéressante, car la politique d’ouverture des données publiques n’a pas concerné les assemblées parlementaires jusqu’à présent. Au moment où le Gouvernement mène des consultations publiques sur ses projets de loi et où les administrations de l’État et les collectivités locales s’engagent dans la même voie, il pourrait paraître anachronique que le Parlement n’emprunte pas le même chemin. En revanche, le Gouvernement ne souhaite pas imposer une telle décision à l’Assemblée nationale et au Sénat. La séparation des pouvoirs rend le Parlement souverain dans ce domaine, si bien que je m’en remets à la sagesse de votre Commission.
M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, si l’on appliquait votre raisonnement, on ne pourrait pas imposer à l’État ou aux collectivités locales d’ouvrir leurs données. Je comprends que cet amendement surprenne, mais je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir replacé dans un contexte général.
On ne peut pas invoquer la séparation des pouvoirs en l’espèce, puisque cette disposition est proposée par un amendement parlementaire qui ne répond pas à une injonction du Gouvernement. Je ne vois pas ce qui nous empêche de nous fixer des ambitions que nous souhaitons pour les autres, même si je ne méconnais absolument pas les efforts réalisés par l’Assemblée nationale en la matière. Nous générerions de l’incompréhension en refusant d’adopter cette position.
Mme Isabelle Attard. Je soutiens pleinement cet amendement : nos concitoyens nous reprochent suffisamment de ne pas faire ce que nous disons et nous invitent avec force à l’exemplarité. Or nous exigeons souvent cette dernière pour les autres sans toujours nous l’appliquer à nous-mêmes. En ne nous exposant pas à certaines critiques, nous effectuerions nos mandats dans de meilleures conditions – je ne reviendrai pas ici sur l’interdiction de l’alcool sur le lieu de travail. Si nous n’adoptions pas cette mesure, nous ne serions pas crédibles pour demander des efforts à nos administrations en matière d’ouverture des données publiques.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit d’un sujet compliqué : on comprend l’intérêt d’imposer aux assemblées parlementaires les obligations que la loi a élaborées au fil du temps, mais il me semble difficile de prévoir le contrôle de l’action du Parlement par une autorité administrative indépendante (AAI). L’Assemblée nationale est irréprochable en matière d’ouverture de ses données – notre Commission ayant montré la voie pour le suivi de ses travaux –, et ne se montre pas du tout opposée à cette pratique de communication. En revanche, une AAI ou le pouvoir exécutif ne peuvent pas contrôler le Parlement, car cela entamerait sa capacité d’agir ; c’est pourquoi le dispositif législatif ne s’applique pas aux assemblées parlementaires. Maintenir cet équilibre est de l’intérêt de nos compatriotes, car réduire une liberté revient toujours à limiter celle du citoyen.
Le Règlement de l’Assemblée nationale pourrait prévoir les conditions dans lesquelles le citoyen pourrait contester un refus qui serait opposé à une demande de communication de documents et de données publiques, ma position n’excluant absolument pas l’augmentation de l’accès aux travaux du Parlement.
M. le rapporteur. On peut difficilement me faire le procès de ne pas être en faveur de la transparence et de l’open data au vu des amendements que j’ai déposés sur ce texte et sur celui transposant la directive « PSI ». De même, je ne souhaite pas imposer aux autres des règles plus strictes qu’à nous-mêmes. Je défendrai toujours farouchement l’approfondissement de la diffusion en open data de nos travaux, de nos documents et de nos études ; pour autant, cette politique ne doit pas entrer dans le champ de la loi CADA – pour les raisons que vient d’exposer M. Le Bouillonnec – et doit rester du ressort des parlementaires, par le biais du Règlement des assemblées.
M. Christian Paul. On pourrait réécrire cet amendement pour émanciper l’Assemblée nationale du contrôle d’une AAI, car j’entends l’argument avancé par M. Le Bouillonnec. La loi devrait ainsi étendre au Parlement l’objectif de transparence qu’elle assigne à l’État et aux autres collectivités publiques, tout en prévoyant un mode de contrôle qui préserve les libertés parlementaires. Nous ferions œuvre utile en votant un tel amendement aux vertus pédagogiques et d’exemplarité.
La Commission rejette l’amendement.
Article 9
Création d’un service public de la donnée de référence
Le présent article crée une nouvelle mission de service public portant sur la mise à disposition et la publication de données de référence, en vue de favoriser leur réutilisation.
En dépit de leur profusion, la qualité des informations disponibles n’est pas toujours de mise : passée la première publication, certains documents ne sont pas mis à jour, d’autres, au contraire, évoluent de telle manière qu’il devient impossible de les comparer dans la durée, d’autres encore ne contiennent pas les informations pertinentes susceptibles de répondre vraiment à la préoccupation des usagers.
Comme le souligne l’étude d’impact, dans le cadre des projets relatifs à la mise en œuvre de la stratégie de « l’État plateforme » déployée par la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, plusieurs services utilisent des données considérées comme étant de référence. Les projets « marchés publics simplifiés » et « aides publiques simplifiées » s’appuient par exemple sur la base SIRENE produite par l’INSEE, le projet de système d’identification « France connect » s’appuyant lui sur le répertoire national des individus des personnes physiques. Or, ces deux référentiels reposent sur une logique de fichier statique, fonctionnant sur un modèle de copie de fichier. Pourtant, les différents projets évoqués nécessitent l’accès à la donnée en temps réel, et ne peuvent se permettre des indisponibilités des bases pouvant durer plusieurs heures.
Le rapport précité de la sénatrice Corinne Bouchoux a montré qu’il était également « difficile de croiser des jeux de données alimentés par plusieurs administrations dont les processus de production n’ont pas été harmonisés. Il se peut alors que les données mises à disposition ne respectent pas la même ventilation statistique, le même niveau d’agrégation ou suivent des options de présentation différentes. L’intérêt scientifique des données mises à disposition suppose également que leur structuration respecte quelques exigences méthodologiques comme l’exhaustivité des séries, la régularité de leur mise à jour ou l’application d’une méthodologie unique » (147).
Certaines entreprises effectuent pour le compte d’autres entreprises la structuration et le nettoyage des données. Elles insistent pour que les données brutes soient mises en ligne le plus rapidement possible, sans attendre que celles-ci soient retravaillées pour des raisons de cohérence ou de mise à niveau, afin d’éviter tout retard dans leur publication. Cette approche réserve toutefois la prestation aux seuls utilisateurs qui peuvent en acquitter le prix.
La diffusion de données à un niveau de qualité constant génère certains coûts. S’ajoutent dans le temps, aux coûts initiaux, des coûts de mise à jour des jeux de données, voire de retraitement en cas de discontinuité, en raison d’un changement méthodologique ou de l’utilisation d’un nouveau logiciel de traitement. Les Britanniques, dans le cadre du rapport d’un comité dit « Shakespeare », ont adopté une approche coût – utilité méthodique qui donne la priorité à l’ouverture des données en fonction des gains attendus et du coût de mise à niveau des données pour une exploitation efficace.
La « donnée » n’est pas un objet juridique non identifié dans la mesure où le décret n° 2014–1050 du 16 septembre 2014 a institué un administrateur général des données (148) mais le présent article introduit dans le droit français un nouveau concept, celui d’un service public des « données de référence », venant compléter le droit d’accès aux « documents administratifs » et la libre réutilisation des « informations publiques ». Il s’agit de l’une des propositions de la commission de réflexion sur les droits et les libertés à l’âge du numérique (149).
Aux termes du présent article, une donnée de référence est une donnée qui doit :
– faire l’objet – ou être susceptible de faire l’objet – d’utilisations fréquentes par un grand nombre d’acteurs publics et privés ;
– dont la qualité, en termes notamment de précision, de fréquence de mise à jour ou d’accessibilité est essentielle.
Cet article donne un rôle crucial au pouvoir réglementaire qui devra :
– fixer la liste des données de référence ;
– déterminer les administrations responsables de leur production et les modalités de coordination entre les administrations ;
– fixer la qualité minimale que la publication des données doit respecter : précision, degré de détail, fréquence de mise à jour, accessibilité, format ;
– préciser les modalités de participation des collectivités territoriales.
L’étude d’impact fournit quelques exemples de données de référence :
– le cadastre ;
– la base d’adresse nationale collaborative ;
– le référentiel à grande échelle ;
– le registre des entreprises, dit « SIRENE » ;
– le registre national des associations.
L’objectif du service public de la donnée est d’organiser la production, la qualité et la circulation des données de référence en garantissant un niveau de qualité minimale dans leur diffusion. Votre rapporteur partage l’avis du Conseil d’État qui a estimé qu’en l’état de la rédaction, cet article était entaché d’incompétence négative dès lors :
– d’une part que la mission de ce service public, la nature des données de référence qui en relèveraient et ses modalités essentielles d’organisation ne sont pas suffisamment précisées ;
– d’autre part que les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les organismes privés chargés d’une mission de service public au titre de leur participation à ce nouveau service public et de son financement ne sont pas définies.
Votre rapporteur, comme nombre des personnes auditionnées, estime en particulier que ces données de référence doivent être mises à disposition de manière ouverte et gratuite (150).
4. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur qui avait également déposé un amendement de réécriture globale, la commission des Lois a adopté un amendement visant à définir plus précisément les contours de la nouvelle mission de service public de la mise à disposition et de la publication des données de références. Elle a également adopté un sous–amendement de M. Tardy, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, visant à codifier l’article 9 du présent projet de loi à l’article L. 320–1 du code des relations entre le public et l’administration.
Cet amendement a précisé au II la définition des données de référence, concept nouveau dans notre système juridique. Outre qu’elles sont réutilisées fréquemment par des personnes publiques et privées autres que l’administration qui les détient et que leurs réutilisations nécessitent qu’elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité, notamment en termes de précision, de disponibilité ou de fréquence de mise à jour, l’amendement a précisé qu’elles « constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ».
Cette formulation s’appuie notamment sur le concept de « données pivot » développé par le groupement français des industriels de l’information (GFII), c’est-à-dire celles qui constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes. Les conditions d’organisation de ce service public sont précisées au III de l’article.
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* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL21 de M. Lionel Tardy, CL592 rectifié du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL596 de M. Lionel Tardy, et CL482 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL597 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je propose de supprimer cet article. Quel est l’intérêt de créer la nouvelle catégorie des « données de référence » par rapport à celle déjà existante des documents administratifs ? La CNIL a répondu que cela ne présentait aucun avantage. Le seul effet de cette mesure sera de complexifier la loi CADA. Si des règles spécifiques doivent être appliquées, il serait préférable d’opérer une harmonisation législative avec les autres données plutôt que de renvoyer à un décret, le Conseil d’État ayant dénoncé une incompétence négative. Les amendements de rédaction déposés par M. le rapporteur et par le Gouvernement ne règlent pas le problème posé par cet article, qu’il convient de supprimer.
Mme la secrétaire d’État. Cet article est, au contraire, essentiel, monsieur Tardy, car la création de cette catégorie juridique permettra l’avènement d’une nouvelle mission de service public, celle de la donnée. Il s’agit d’une petite révolution culturelle pour les administrations qui seront tenues de s’interroger sur l’utilisation de leurs propres données. La CNIL s’en étonne, mais elle s’occupe des données personnelles alors que cet article concerne les données administratives, telles qu’entendues par la loi CADA, et, parmi elles, les données pivot que l’on identifie par l’utilisation intensive qu’en font les usagers extérieurs. Elles englobent les grands répertoires – la base SIRENE ou le registre national des associations tenu par le ministère de l’intérieur, la base Adresse nationale de l’IGN et de La Poste, le cadastre et le référentiel à grande échelle de l’IGN, qui réalise les cartes territoriales de notre pays. La mission de service public imposera un critère qualitatif dans le traitement et l’ouverture de ces données, le décret précisant le format, l’interopérabilité et le niveau de qualité exigé pour l’ouverture, l’utilisation et la réutilisation de ce type de données. On espère que cela enclenchera un mouvement vertueux pour l’ensemble des données publiées par les administrations.
M. le rapporteur. Je propose de retirer mon amendement pour soutenir celui du Gouvernement, que M. Tardy a opportunément sous-amendé, en repli, pour codifier l’article 9. J’émets un avis défavorable bien entendu à l’adoption de l’amendement de M. Tardy.
M. Lionel Tardy. Je retire mon amendement de suppression.
Les amendements CL21 et CL592 rectifié ainsi que le sous-amendement CL596 sont retirés.
Mme la secrétaire d’État. Nous n’avons pas été sourds aux remarques du Conseil d’État et de la CNIL et avons réécrit l’amendement CL482 pour mieux expliciter le concept de « données de référence ». La nouvelle mission de service public participe de notre volonté d’élaborer le cadre dans lequel évolueront la société et l’économie françaises de demain.
M. Lionel Tardy. Mon sous-amendement est de repli : il vise à éviter l’absence d’insertion dans un code d’articles de loi.
La Commission adopte le sous-amendement CL597, puis l’amendement CL482 ainsi sous-amendé.
L’article 9 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CL22 de M. Lionel Tardy, CL279 de M. Patrice Martin-Lalande, CL624 de la Commission des Affaires économiques et CL91 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet tombent.
La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CL425 rectifié et CL426 rectifié de M. Philippe Vigier.
Mme Maina Sage. Notre amendement vise à empêcher l’opposition du secret de la vie privée à la consultation et à la communication des diplômes ou titres ouvrant droit à l’exercice d’une profession médicale ou paramédicale. En 2014, l’Ordre national des médecins a recensé 22 568 médecins titulaires d’un diplôme étranger, soit une augmentation de plus de 60 % depuis 2007. Nous ne doutons pas de la qualité des médecins formés à l’étranger et qui exercent dans notre pays, mais certains exercices frauduleux de la médecine ont causé des scandales sanitaires et médicaux graves au cours de ces dernières années. Notre proposition permettra à chacun de vérifier à tout moment la réalité de ces diplômes.
M. le rapporteur. Le projet de loi relatif à la santé, définitivement adopté par notre assemblée, satisfait ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Après consultation du ministère de la santé, je vous confirme que l’article 53 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit bien l’exclusion du secret de la vie privée pour la consultation des diplômes médicaux ou paramédicaux. Votre objectif, madame Sage, est tout à fait compréhensible, mais il n’est pas nécessaire de modifier la loi CADA, qui porte sur les rapports entre le public et les administrations, puisque vos amendements ont trait aux relations entre le public et les médecins, qui exercent une profession libérale.
Les amendements sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement CL350 rectifié de M. Gérard Bapt.
M. Gérard Bapt. Cet amendement concerne l’utilisation de données récoltées à partir de la connexion des dispositifs médicaux. Nous avions déjà débattu de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, mais nous n’avions pas pu défendre cette proposition lors de la discussion relative au projet de loi de modernisation de notre système de santé, à cause de la règle dite « de l’entonnoir ». Je tente donc de l’insérer dans ce texte, car il contient une avancée importante pour la qualité des soins ; en effet, le recueil de données de santé, dont la liste sera limitative, peut grandement améliorer l’efficacité d’un traitement. L’adoption d’une disposition législative s’avère nécessaire après l’annulation, à l’initiative d’une association de patients, d’un décret par le Conseil d’État qui prévoyait la possibilité de suspendre la prise en charge de l’assurance maladie lorsque les dispositifs visant à traiter l’apnée du sommeil n’étaient pas observés.
Votre cabinet, madame la ministre, m’a informé que mon amendement présentait le risque de constituer un cavalier, car les tarifs pourraient être modulés en fonction du nombre de données connectées par les prestataires de santé. Je suis prêt à retirer mon amendement et à le retravailler avec vous, d’ici à la séance publique.
M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à l’introduction d’une telle mesure dans notre droit. L’application de la règle dite de l’entonnoir a empêché le projet de loi relatif à la santé de l’intégrer, ce qui s’avère d’autant plus regrettable que votre amendement constitue bien un cavalier, ce texte n’abordant pas ces questions et ne modifiant pas le code de la sécurité sociale. Nous pourrons l’insérer dans le PLFSS, même si le prochain ne sera pas discuté avant l’automne.
Mme la secrétaire d’État. Ce sujet est crucial pour les patients atteints de maladies chroniques comme le diabète ; grâce à l’utilisation massive des données du big data, la santé deviendra plus personnalisée, prédictive et préventive. Ce progrès nécessite le déploiement de dispositifs médicaux collectant des données relatives au quotidien des patients et une meilleure circulation de l’information entre les personnels traitants. Je suis donc favorable à l’objet de votre amendement, monsieur Bapt, mais ses implications financières l’exposent à la qualification de cavalier. Je vous suggère de renvoyer l’examen de cette mesure à la séance publique, afin que nous puissions l’étudier plus précisément, puis l’adopter si elle satisfaisait l’ensemble des ministères concernés.
M. Gérard Bapt. Je retire mon amendement en espérant que l’on puisse en adopter l’objet avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, car le suivi de l’observance améliore grandement le pronostic pour le patient, en permettant notamment de prévenir la survenue d’accidents secondaires. Madame la ministre, je suis tout à fait disposé à réécrire mon amendement d’ici à la séance publique.
L’amendement est retiré.
Article 9 bis
(art. 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Publication par le CSA dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes
À l’initiative de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes.
Aux termes de l’article 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA communique chaque mois aux présidents de chaque assemblée et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement, le relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes. Actuellement le CSA transmet souvent ces informations avec retard, et ne publie ces relevés qu’au format PDF, ce qui en réduit l’intérêt pour les réutilisateurs potentiels. C’est dommageable dans la mesure où ces données présentent un fort intérêt en matière de transparence de la vie publique.
Dans la même logique qu’un amendement présenté en décembre lors de l’examen de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, cet article impose la diffusion dans un format ouvert et aisément réutilisable des relevés des temps d’intervention par parti politique, communiqués mensuellement aux présidents des assemblées et responsables des partis politiques, à partir des comptages effectués par le CSA.
La diffusion dans un format ouvert et aisément réutilisable n’aura aucun coût, dès lors que les relevés sont déjà effectués.
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La Commission examine l’amendement CL238 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Lors du débat sur la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, cet amendement avait été écarté au motif qu’il constituait un cavalier. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui nous semble être le cadre idoine.
L’amendement vise à supprimer un obstacle légal au droit de réutilisation libre. Il prévoit ainsi que les relevés des temps d’intervention par parti politique, communiqués mensuellement aux présidents des assemblées et responsables des partis politiques, à partir des comptages effectués par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), doivent être publiés dans un format ouvert et aisément réutilisable. Actuellement, le CSA ne transmet ces informations que très tardivement et ne publie ces relevés qu’en PDF (Portable Document Format), ce qui diminue leur intérêt.
M. Luc Belot, rapporteur. J’émets un avis favorable à cet amendement qui se borne à imposer un format ouvert et aisément réutilisable pour des données qui sont déjà communiquées. Je demande toutefois à ses auteurs de rectifier l’amendement pour préciser, comme nous y invite M. Tardy, que réutilisable signifie « lisible par une machine ».
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est moins favorable à cet amendement. L’adoption de ce projet de loi supprimera l’obstacle légal à la libre publication des données que vous soulignez, puisque le CSA, en tant qu’autorité administrative indépendante, est soumis à la loi. Ensuite, les données que vous mentionnez peuvent être considérées comme des données d’intérêt social, au sens de l’article 4 du texte. Enfin, cet amendement risque de donner lieu à une déclinaison infinie, obligeant, pour chaque secteur, à préciser la manière dont le texte doit être appliqué.
M. Sergio Coronado. Je maintiens l’amendement. Je ne comprends pas l’intervention de Mme la secrétaire d’État, car l’objet de cet amendement est très précis. Il ne s’agit pas d’étendre à l’infini l’obligation d’adopter ce format.
J’ajoute que, lors du débat précédent, la Commission avait repoussé l’amendement pour des raisons de forme et non de fond, convaincue de la nécessité d’une plus grande transparence et d’une meilleure information des responsables politiques.
J’accepte de rectifier l’amendement en ajoutant, après le mot « réutilisable », les mots « c’est-à-dire lisible par une machine ».
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Article 9 ter
Promotion du logiciel libre
À l’initiative de Mme Delphine Batho, et avec le soutien de plusieurs groupes politiques qui avaient déposé des amendements similaires, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel disposant que les services de l’État, les établissements publics, les entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et du rapporteur.
Le logiciel libre se caractérise par la liberté :
– d’utiliser le logiciel, pour tout usage ;
– d’étudier son fonctionnement ;
– de le modifier ;
– de le redistribuer.
Le logiciel libre permet la mise en place de systèmes de mutualisation des développements et des pratiques. Des études ont montré que son développement et son utilisation permettent généralement à moyen terme d’obtenir des économies.
C’est la raison pour laquelle cet article promeut l’encouragement du logiciel libre par les administrations lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système d’information.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL393 de Mme Delphine Batho et CL408 de Mme Isabelle Attard.
Mme Delphine Batho. L’amendement CL393 est un amendement de repli par rapport à l’amendement CL408 que je soutiens. Ils portent tous deux sur le développement des logiciels libres dans les administrations publiques et les entreprises du secteur public.
Mme Isabelle Attard. L’amendement CL408 rappelle que l’administration doit donner la priorité au logiciel libre, généralisant ainsi un principe que nous avons réussi à poser pour les établissements d’enseignement supérieur.
M. le rapporteur. Je préfère l’amendement de repli, car l’expression « donner la priorité » ne me semble pas très claire, à moins de l’inscrire dans le code des marchés publics, ce que je ne pourrais accepter. Je propose à Mme Attard de retirer son amendement.
Mme la secrétaire d’État. L’expression « donner la priorité » présente un risque de constitutionnalité, car elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre, en contraignant l’État à choisir un type de logiciel au détriment des autres. Je ne suis donc pas favorable à cette formulation.
En revanche, j’approuve l’amendement de Mme Batho qui incite à l’utilisation de logiciels libres et ouverts.
Je rappelle que le logiciel libre est une filière économique importante pour la France : elle représente un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros par an et 50 000 emplois, son taux de croissance en 2015 était de 9 % ; elle compte des champions français qui peuvent demain devenir des champions mondiaux ; enfin, elle contribue à développer une culture d’innovation technologique et d’usage.
Jusqu’à présent, le soutien au logiciel libre par les administrations publiques faisait l’objet d’une circulaire du 19 septembre 2012. Il me semble opportun de lui conférer une valeur législative.
Pour autant, il n’est pas souhaitable d’aller plus loin, car il ne faut pas méconnaître la réalité des entreprises qui fournissent des logiciels propriétaires — un marché de 50 milliards d’euros. En outre, sur le plan technique, ces logiciels répondent à des besoins que les logiciels libres ne peuvent pas toujours satisfaire – je pense à l’absence de communauté de développeurs dans certains secteurs, à l’impossibilité d’assurer la maintenance en continu, ou encore à certains logiciels métiers qui n’existent pas dans une version libre.
Mme Delphine Batho. J’ai déposé l’amendement CL393 sachant pertinemment que les autres n’avaient aucune chance d’être adoptés. Je connais l’argumentation de la direction des affaires juridiques de Bercy et je la conteste.
J’ai repris le terme « encourager » que nous avons adopté dans la loi d’avenir pour l’agriculture pour les circuits courts, dans le même souci de contourner les obstacles liés à la concurrence. L’adoption de l’amendement serait un début, mais cette rédaction n’est pas satisfaisante.
En approfondissant, j’ai découvert que la phrase « les logiciels libres sont utilisés en priorité » figure dans le code de l’éducation. Il est donc possible d’inscrire la notion de priorité dans la loi. Le débat mérite d’être poursuivi en séance. Dans cette perspective, il serait utile d’apporter des précisions sur le raisonnement juridique qui conduit à écarter la notion de priorité.
Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement CL408 au profit de celui de Mme Batho. Je souhaite toutefois faire quelques remarques.
Le logiciel libre ne fait pas référence à un type de logiciel, mais à un type de licence légale : il n’y a aucune différence technologique. Serait-il possible de rendre publique la note juridique qui justifie l’opposition du Gouvernement à la notion de priorité ? Je ne comprends pas en quoi le fait de donner la priorité empêche de faire appel à un autre logiciel si le logiciel libre répondant au besoin n’existe pas ; lors de la consultation innovante que vous avez organisée, madame la secrétaire d’État, la priorité donnée au logiciel libre a été la proposition la plus plébiscitée par les internautes ; Air France et Aéroports de Paris ont pu juger de la qualité de la maintenance de Microsoft pour un logiciel utilisé par les aiguilleurs du ciel ; sur ce sujet, beaucoup de préjugés et d’inexactitudes sont colportés par les lobbys.
M. Patrice Martin-Lalande. La valeur juridique du terme « encourage » est faible — c’est un euphémisme.
L’exemplarité de l’Assemblée nationale en matière d’ouverture des données a été discutée ce matin. Sous la précédente législature, notre institution s’était distinguée en adoptant le logiciel libre. Devrons-nous déposer un amendement pour imposer le logiciel libre lors de cette législature ?
L’amendement CL408 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL393.
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Section 2
Données d’intérêt général
Article 10
(art. 40–2 [nouveau] de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. L.1411–3–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Ouverture de données par défaut dans les contrats de délégation de service public (DSP)
Le présent article crée une obligation pour un délégataire de missions de service public de permettre à l’autorité délégante de publier en open data les données principales de l’activité dont il a la charge. Il est possible à l’autorité délégante de déroger, sous certaines conditions, à cette nouvelle obligation.
1. L’ouverture des données essentielles des contrats de DSP
Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service (151).
L’information sur ces DSP est aujourd’hui insuffisante. En effet, si l’article 38 de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dispose que le délégataire produit chaque année avant le 1er juin à l’autorité délégante un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public, une analyse de la qualité de service et une annexe permettant d’apprécier les conditions d’exécution du service public, ce rapport n’est pas systématiquement mis en ligne par les collectivités territoriales (152).
En outre, comme le souligne l’étude d’impact, ce rapport ne concerne pas l’ensemble des données produites dans le cadre de l’exécution de la DSP. Ainsi, dans le domaine de l’eau, l’organisme chargé du service constitue des bases de données sur les consommations des ménages et des entreprises ainsi que sur les opérations d’entretien du réseau ou sur les fuites, mais ces données ne se retrouvant pas nécessairement dans le rapport précité.
Le présent article, comme le préconisait le rapport de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (153), prévoit au nouvel article L. 40–2 de la loi du 29 janvier 1993 (I) pour les contrats de DSP passés par l’État, et au nouvel article L. 1411–3–1 du code général des collectivités territoriales (II) pour les collectivités locales, que le délégataire fournit à l’autorité publique les données et bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exécution du service public. Ces données peuvent être extraites et exploitées librement par l’autorité publique ou par un tiers qu’elle désigne, en vue de leur mise à disposition à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux.
Cet article prévoit, toutefois, que l’autorité publique peut exempter le délégataire de ces nouvelles obligations par une décision motivée et rendue publique. En outre, il ne s’applique qu’aux nouveaux contrats et à ceux reconduits postérieurement à la publication de la loi (III).
Il faut noter que le Conseil d’État a observé que cet article entrait directement en contradiction avec le projet d’ordonnance relative aux concessions qui ne donne plus à la notion de délégation de service public qu’un rôle résiduel. Le législateur devra donc être attentif à ce que les coordinations nécessaires soient effectuées en temps voulu.
2. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Outre plusieurs modifications rédactionnelles proposées par votre rapporteur et par M. Lionel Tardy, la commission des Lois a adopté deux amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à
– définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire. Cette dernière devrait peser sur les données et bases de données indispensables à l’exécution du service public ;
– s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration.
Par ailleurs, votre rapporteur a déposé un amendement, qui a été adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, réécrivant les alinéas 3 et 6 sur la possibilité pour l’autorité délégante d’exempter le titulaire de l’obligation de fournir certaines données. Il convenait de préciser que cette exemption :
– peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution ;
– peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations ;
– doit être fondée sur des motifs d’intérêt général.
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La Commission adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle CL496 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL23 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement, comme les précédents, vise à harmoniser la rédaction avec celle de la loi de Mme Valter.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision rédactionnelle CL497 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL525 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement précise le champ de l’obligation de transmission à l’autorité délégante des données et bases de données collectées en indiquant que celle-ci se limite aux données indispensables à l’exécution du service public.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL152 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet de limiter les exceptions au principe d’ouverture des données publiques d’intérêt général dans le cadre d’une délégation de service public (DSP).
Dans sa rédaction actuelle, l’article 10 permet par deux moyens de contourner le principe d’ouverture des données qu’il institue.
L’alinéa 2 dispose que le délégataire doit autoriser la personne morale de droit public à extraire ou à exploiter librement les données cédées. Or, sans autorisation du délégataire, aucun recours ne semble prévu, ce qui pose la question de l’efficacité et de l’applicabilité de la mesure.
L’alinéa 3 prévoit que la personne morale est libre d’exempter le délégataire des obligations liées à l’ouverture et à la libre réutilisation de ses données.
L’amendement propose de supprimer la première de ces exceptions.
M. le rapporteur. La rédaction de l’article 10 me paraît juridiquement plus solide que celle que vous proposez. Je rappelle en outre que l’utilisation de l’indicatif dans un texte de loi vaut impératif.
En outre — je ferai valoir le même argument sur les amendements suivants —, l’amendement CL526 que j’ai déposé devrait vous donner satisfaction. Je vous suggère donc de retirer votre amendement au bénéfice de ces explications.
Mme la secrétaire d’État. Je suis plutôt favorable à cet amendement qui apporte une précision intéressante.
M. le rapporteur. L’essentiel se retrouve dans l’amendement CL526.
Mme la secrétaire d’État. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Patrice Martin-Lalande. Je maintiens l’amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle passe ensuite à l’amendement CL527 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement tend à encadrer l’utilisation des données par l’autorité délégante.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CL24 de M. Lionel Tardy, CL154 de M. Patrice Martin-Lalande et CL239 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. L’ouverture des données imposée aux délégataires de service public est logique. Toutefois, les exceptions le sont moins puisqu’elles n’obéissent à aucun critère objectif. Faute d’une définition de ces critères, l’amendement propose de supprimer les exemptions, qui sont susceptibles de rendre inopérante l’obligation qui est instituée.
M. Patrice Martin-Lalande. En écho à mon précédent amendement, l’amendement CL154 supprime la seconde exception.
Mme Isabelle Attard. Les arguments développés par M. Tardy me semblent pertinents. Nous risquons d’aboutir à une généralisation des exceptions permettant de se soustraire à l’obligation de publication des données par les délégataires.
Je comprends la logique du rapporteur qui vise à limiter les dégâts en imposant une décision publique pour justifier l’exemption, mais je ne suis pas sûre que cela suffise.
M. le rapporteur. Je vous demande de retirer ces amendements. La rédaction que je propose dans l’amendement CL526 me paraît plus adaptée car elle impose à l’autorité publique de fonder sa décision sur des motifs d’intérêt général. Je souscris aux inquiétudes de M. Tardy, mais nous devons être attentifs aux risques d’atteinte à la propriété intellectuelle ainsi qu’au secret industriel et commercial. L’amendement de la rapporteure pour avis, CL625, que je complète dans mon amendement, apporte des précisions utiles.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements concernent les données d’intérêt général. Désormais, les autorités délégantes ou concédantes ont la possibilité de demander la transmission des données liées à l’exécution du contrat, pas seulement de celles liées au contrat lui-même, comme c’est le cas aujourd’hui. Cet article a suscité beaucoup de discussions. Dans la rédaction initiale, seules des stipulations contraires dans le contrat permettaient de déroger à l’obligation de fourniture des données. Actuellement, le texte impose une décision motivée et rendue publique pour justifier l’exemption, permettant ainsi de se prémunir contre une éventuelle décision arbitraire.
Le rapporteur suggère d’aller plus loin, et prévoit que l’exemption peut être décidée dès la passation du contrat et qu’elle doit être fondée sur des motifs d’intérêt général — par exemple en cas d’atteinte à la concurrence ou lorsque les prix imposés aux utilisateurs risquent d’augmenter de manière disproportionnée en raison de la nouvelle obligation de transmettre des données.
Si la rédaction du rapporteur est adoptée, il est certain que les juristes intégreront dans les contrats types la question des données d’intérêt général. L’exemption rendue publique pour un motif d’intérêt général sera utilisée avec beaucoup de parcimonie.
Nous sommes dans une matière entièrement nouvelle, nous créons une nouvelle catégorie juridique de données. Après toutes les évolutions qu’a connues le texte, nous sommes allés aussi loin que possible, tout en laissant une marge de manœuvre aux co-contractants. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer vos amendements au profit de l’amendement CL526 du rapporteur qui reprend l’amendement de la rapporteure pour avis.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL526 du rapporteur et CL625 de la Commission des Affaires économiques.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Par souci de transparence, l’amendement CL625 vise à prévenir en amont, dès le cahier des charges, les candidats à la délégation de service public du choix du délégant d’exempter ou non le délégataire des obligations d’ouverture des données d’exploitation du service public.
Cette mention dans le cahier des charges, ex ante, n’ôte nullement la marge d’appréciation laissée au délégant pour effectuer ce choix, qui devra toujours être motivé, ex post, par une décision publique.
M. le rapporteur. Je salue l’excellent travail de la rapporteure pour avis. Je reprends dans mon amendement la précision qu’elle apporte, à savoir que l’exemption peut être décidée lors de la passation, et pas seulement à la signature, du contrat.
En prévoyant que cette exemption doit être fondée sur des motifs d’intérêt général, mon amendement est de nature à éviter les risques de dérive que les amendements de suppression pointaient. Le cadre ainsi défini donne les gages de transparence et d’efficacité nécessaires.
Mme la rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques. J’approuve la rédaction du rapporteur. Toutefois, je note que la mention du cahier des charges a disparu.
M. le rapporteur. Je vous propose d’adopter mon amendement et de réintroduire en séance publique la référence au cahier des charges, puisqu’elle apporte une précision par rapport à la passation du contrat.
La Commission adopte l’amendement CL526.
En conséquence, l’amendement CL625 tombe.
La Commission adopte les amendements de coordination rédactionnelle CL528 et CL498 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL240 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement prévoit d’ouvrir les données des partenariats public-privé (PPP), dans les mêmes conditions et délais que pour les délégations de service public. En effet, rien ne justifie de soustraire les PPP aux obligations qui pèsent sur les DSP.
M. le rapporteur. Je souscris aux objectifs que vous poursuivez. Votre amendement est toutefois satisfait par l’article 56 de l’ordonnance n° 2015-899 relative aux marchés publics qui dispose : « dans des conditions fixées par voie réglementaire, les acheteurs rendent public le choix de l’offre retenue et rendent accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché public sous réserve des dispositions de l’article 44 ». Je vous demande donc de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL83 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et CL386 de Mme Bernadette Laclais.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le projet de loi prévoit que le concessionnaire met à disposition de l’État ou de la collectivité les données récupérées dans l’exercice de sa mission. Je propose d’étendre cette obligation à tous les marchés publics.
Cette ouverture sera notamment utile pour les marchés relatifs aux déchets, dans lesquels les prestataires récupèrent des données géolocalisées relatives à l’utilisation du service qu’ils peuvent éventuellement valoriser ensuite.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’amendement prévoit d’appliquer l’obligation de transparence, dans un délai de trois ans, à toutes les DSP, y compris aux contrats conclus ou reconduits antérieurement à la promulgation de la loi.
M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement CL83, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’article 56 de l’ordonnance de juillet 2015 couvre les cas que vous évoquez et apporte les garanties que vous demandez.
Quant à l’amendement CL386, j’en comprends les motivations. Toutefois, il comporte un sérieux risque d’inconstitutionnalité en raison de l’atteinte à la liberté contractuelle.
Je sollicite donc le retrait des deux amendements.
Mme la secrétaire d’État. En ce qui concerne l’amendement CL83, je comprends la volonté d’étendre l’obligation à l’ensemble des marchés publics. Cependant, à la différence des DSP qui permettent à l’entreprise de se rémunérer auprès des utilisateurs, les marchés publics sont financés à 100 % par l’autorité publique. Nous avons pu mesurer l’impact économique de l’échange de données dans le cas d’une DSP. En revanche, pour les marchés publics, il existe un risque réel d’augmentation des tarifs et des prix que les utilisateurs devraient supporter. Cette incertitude m’a amenée à demander une expertise sur ce sujet dont je ne suis pas en mesure aujourd’hui de vous livrer les conclusions. Je ne suis pas fermée par principe à l’idée que vous défendez — je souhaite que la notion de données d’intérêt général soit étendue —, mais l’extension à tous les marchés publics dès aujourd’hui présente un risque du point de vue économique.
Quant à l’amendement CL386, s’il est plein de bon sens, il se heurte à l’argument juridique de constitutionnalité. Un débat similaire a eu lieu à propos des concessions autoroutières, l’obstacle constitutionnel — une violation potentielle du droit de propriété — obligeant au final la ministre Ségolène Royal à opter pour une solution négociée plutôt que pour une obligation juridique des concessionnaires. L’applicabilité de la mesure aux contrats en cours apparaît donc très problématique. En revanche, nous pouvons travailler à une rédaction qui obligerait l’entreprise à ouvrir à l’autorité publique les bases de données tirées de l’exécution de son contrat au moment du renouvellement de ce dernier. Cette solution intermédiaire n’est sans doute pas entièrement satisfaisante, mais juridiquement plus sûre, et elle a le mérite de poser la question de l’applicabilité de la mesure aux contrats de concession souvent très longs. Mon avis est donc défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la secrétaire d’État, je comprends vos arguments ; certes, la disposition que je propose coûterait sans doute très cher, mais je soupçonne que la valeur générée par les données n’est tout simplement pas prise en compte dans le cadre des marchés publics. Notre amendement peut d’ailleurs être vu comme une incitation à le faire.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je retire l’amendement CL386 pour le retravailler dans le sens indiqué par Mme la secrétaire d’État.
M. le rapporteur. L’article 56 de l’ordonnance relative aux marchés publics me semble donner toutes les garanties nécessaires. J’en transmettrai copie à tous les intéressés et, si vous y voyez des faiblesses que je n’aurais pas perçues, je m’engage à reprendre le débat, car je souscris à vos attentes.
L’amendement CL386 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CL83.
Puis elle adopte l’amendement de précision rédactionnelle CL499 du rapporteur.
Elle aborde ensuite l’amendement CL241 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Il s’agit de fixer au 1er janvier 2019 la date à laquelle les documents des délégations de service public doivent être rendus publics, même pour des contrats très longs. Lorsqu’une délégation s’étend sur une durée de vingt ans — et il y en a de nombreuses —, faut-il attendre 2035 pour l’ouverture des données ? Je voudrais que notre Commission s’empare de ce sujet.
M. le rapporteur. Je reprendrai le même argument que précédemment, car cet amendement pose le même problème de constitutionnalité, même si je comprends la difficulté que représentent des contrats aussi longs.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
Mme Isabelle Attard. Nous maintenons cet amendement. Je rejoins l’argument de Mme Kosciusko-Morizet : ce genre d’exceptions encourage les administrations à recourir aux délégations de service public ou aux partenariats public-privé au lieu de s’occuper elles-mêmes de leurs affaires.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL472 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les utilisateurs ultérieurs de données mises en ligne par l’administration doivent faire référence au fichier source d’où elles sont tirées et où elles restent disponibles longtemps après. Ce matin, nous avons travaillé sur la notion de « standard ouvert aisément réutilisable » ; je rectifie donc mon amendement pour ne maintenir que la partie qui précise : « Toute utilisation ultérieure des documents mis en ligne par l’administration devra fournir explicitement l’adresse où les documents originels sont disponibles. » Une bonne gestion des données publiques doit en assurer la traçabilité, pour que chacun puisse éventuellement réfuter non seulement l’usage, mais l’usage de l’usage de l’usage qui peut en être fait. En effet, le principe même de toute utilisation de données est de fabriquer des indicateurs ; or les indicateurs ne sont pas qu’algorithmiques, ils peuvent également être techniques, politiques et scientifiques, et aboutir à des considérations, des décisions et des choix ayant une incidence sur la vie de nos concitoyens.
M. le rapporteur. L’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 relative à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) précise : « Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. » Si vous estimez que cet article nécessite un complément, vous pouvez proposer un autre amendement en vue de la séance.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Très bien. Je tiens à proposer une formulation explicite.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 10 modifié.
Article 11
(art. 10 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Ouverture des données des conventions de subventions
Le présent article crée une obligation de publication en open data des données essentielles des conventions de subvention lorsque ces dernières dépassent un seuil déterminé par voie réglementaire.
L’article 9–1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de la loi définit les subventions comme des « contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. »
Toute subvention supérieure à un certain montant – aujourd’hui fixé à 23 000 euros (154) – donne lieu à une convention déterminant son objet, son montant, les modalités de son versement et les conditions de son utilisation.
La loi du 12 avril 2000 comporte un certain nombre de dispositions sur la transparence financière des subventions (155) mais leur publication n’est pas organisée, à l’exception de quelques domaines tels que l’agriculture.
La publication des aides de la politique agricole commune
En application du règlement européen (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, chaque État membre est tenu de publier un certain nombre d’informations relatives aux bénéficiaires des aides de la politique agricole commune (PAC), qu’elles relèvent du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ou du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Les informations pouvant être consultées sont : la dénomination du bénéficiaire, la commune d’enregistrement et le code postal, les montants des paiements correspondant à chaque mesure financée par le FEAGA ou par le FEADER, le type et la description des mesures concernées par les paiements précités et la somme des montants perçus par le bénéficiaire au cours de l’exercice financier concerné.
La dénomination d’un bénéficiaire est anonymisée lorsque le montant total des aides perçues au cours de l’exercice financier concerné est inférieur ou égal à 1 250 euros. Lorsque le nombre de personnes physiques anonymisées au sein d’une même commune est strictement inférieur à 11, seul le numéro de département apparaît.
Pourtant, l’ouverture de ces informations représente un enjeu en matière de transparence de l’action administrative. C’est la raison pour laquelle le présent article modifie l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 pour :
– au 1° modifier une erreur de référence ;
– au 2° imposer que l’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un SPIC qui attribue une subvention d’un montant dépassant les 23 000 euros rende accessible, sous un standard ouvert aisément réutilisable, les données essentielles de la convention – celles–ci étant fixées par la voie réglementaire.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL25 de M. Lionel Tardy et CL500 du rapporteur.
M. Lionel Tardy. Je propose à nouveau une harmonisation avec la rédaction retenue dans la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, ainsi que dans d’autres textes.
M. le rapporteur. Je vous propose de vous rapprocher de mon amendement CL500.
L’amendement CL25 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL500.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CL26 de M. Lionel Tardy.
Puis elle étudie l’amendement CL626 de la Commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques. Cet amendement de précision rédactionnelle cherche à éviter de créer involontairement une nouvelle forme de données : des données « essentielles ».
M. le rapporteur. Sauf erreur de ma part, l’article 56 de l’ordonnance de juillet 2015 prévoit déjà cette notion de « données essentielles » en matière d’open data des contrats publics. Par souci de coordination rédactionnelle, je vous propose donc de retirer votre amendement ; si vous voyez une faiblesse dans cet article, nous pourrons le reprendre.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 11 modifié.
Article 12
(art. 3 et 3–1 [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques)
Accès de la statistique publique aux bases de données privées
Le présent article permet à la statistique publique de se voir transmettre sous forme électronique des informations issues des bases de données des personnes enquêtées afin de lui permettre de réaliser les enquêtes statistiques obligatoires et de simplifier les processus actuels. Il accorde au ministre de l’économie la possibilité de prononcer une amende administrative en cas de refus de transmission de ces données.
La loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques définit le cadre juridique relatif à la statistique publique.
Les statistiques publiques sont aujourd’hui essentiellement produites à partir d’enquêtes, dont la liste est arrêtée chaque année par le ministre chargé de l’économie. Le cadre relatif à ces enquêtes statistiques ne paraît plus entièrement adapté à l’évolution des techniques numériques. Certes, la statistique publique dispose de prérogatives contraignantes lui permettant de se voir communiquer des données émanant de personnes privées, mais les enquêtes – en particulier celles de l’emploi et de l’indice des prix à la consommation – exigent un nombre important d’enquêteurs et le montant des amendes en cas de non-réponse est plafonné à 2 250 euros.
Le 1° du présent article supprime le cadre actuel, défini à l’article 3 de la loi du 7 juin 1951, relatif à la cession à l’INSEE par des personnes privées d’informations d’ordre économique ou financier, à des fins exclusives d’établissement de statistiques. Un nouveau régime est créé par le 2° au I de l’article 3–1 inséré dans la loi du 7 juin 1951.
Ce dispositif n’a pas pour objectif d’obtenir de nouvelles catégories d’information puisqu’il s’agit toujours de répondre aux besoins des enquêtes statistiques rendues obligatoires, mais de permettre à l’INSEE d’y accéder directement.
Comme le souligne l’étude d’impact, l’intérêt d’une telle mesure est évident pour l’enquête sur le calcul de l’inflation. Aujourd’hui, l’INSEE assoit ce calcul en grande partie sur des relevés de prix réalisés dans les différents points de vente par un réseau d’enquêteurs. Une partie de ces relevés (environ 20 %) pourrait être remplacée par les prix enregistrés lors du passage en caisse des clients de la grande distribution (« données de caisse »). Le calcul de l’inflation serait moins coûteux et plus précis.
Cette disposition a été expérimentée au cours des dernières années par l’INSEE. Elle est assortie au I de l’article 3–1de trois garanties :
– étude préalable de faisabilité et d’opportunité, faisant intervenir les personnes morales enquêtées (alinéa 5) ;
– non-communication des données recueillies (alinéa 6) ;
– strict encadrement de l’enregistrement des données nécessaires à la réalisation de l’enquête (alinéa 7).
Le II de l’article 3–1 [nouveau] de la loi du 7 juin 1951 renforce la procédure de sanction en cas de non-respect de l’obligation de communication des données. Le montant maximal de la sanction administrative sera de 25 000 euros, montant qui pourra être doublé en cas de récidive dans un délai de trois ans (alinéa 11).
Le ministre peut rendre publiques les sanctions qu’il prononce. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications aux frais des personnes sanctionnées.
Le réseau d’enquêteurs de l’INSEE compte aujourd’hui environ 750 personnes en équivalent temps plein (ETP), dont un peu plus d’une centaine sont dédiés à la collecte des prix à la consommation (le reste étant consacré à des enquêtes auprès des ménages). L’allégement du nombre de relevés pourrait représenter dans un premier temps, à l’horizon de 2019, environ une quinzaine d’ETP. À terme, le projet pourrait être élargi, en termes de produits concernés, mais également de types d’enseigne, et ainsi permettre un allégement supplémentaire.
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La Commission étudie l’amendement CL133 de M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. L’article 12 a pour objectif de faciliter la transmission des nombreuses informations demandées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) aux entreprises lors d’enquêtes statistiques obligatoires. L’idée de cet amendement est de rendre la loi beaucoup plus normative en remplaçant la faculté de décider du ministre par un présent de l’indicatif qui vaut impératif. Une fois les études de faisabilité effectuées, le ministre ne doit pas tergiverser, mais agir pour aller directement vers la dématérialisation.
M. le rapporteur. La rédaction actuelle me semble déjà parfaitement normative. Au moment de la consultation, ce point a fait l’objet de nombreux débats ; je vous propose d’en rester à l’équilibre trouvé dans la rédaction actuelle. En outre, il s’agit d’une mesure qui simplifie le travail de l’INSEE, le ministre sera donc plutôt enclin à autoriser cette procédure.
Mme la secrétaire d’État. Rappelons l’objectif poursuivi par l’article 12 du projet de loi : faire économiser de l’argent public par les services statistiques et alléger la charge de la réponse aux enquêtes obligatoires pour les entreprises. Il est donc important de conduire une étude de faisabilité et d’opportunité, mais également de laisser au ministre la possibilité de considérer la décision de recourir à des enquêtes par voie électronique comme une faculté. Cette souplesse répond bien à l’esprit de cet article qui cherche à simplifier les procédures nécessaires à la réalisation d’une enquête statistique plutôt que de les alourdir. Une décision systématique de la part du ministre ou de son administration aurait tendance à allonger les délais.
M. Philippe Gosselin. Dès lors que l’on considère la dématérialisation comme un réel progrès et un allègement du processus, c’est rester au milieu du gué que de ne pas en tirer toutes les conclusions !
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CL134 de M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Nous partons du principe que la dématérialisation représente une avancée qui permet de faciliter de façon très concrète la vie des entreprises. Son intérêt n’est plus à démontrer. Nous proposons donc un calendrier effectif d’entrée en vigueur de la mesure, pour ne pas en rester à un simple effet d’affichage.
M. le rapporteur. C’est l’étude d’opportunité qui permettra aux entreprises d’éviter les charges disproportionnées. Quant au calendrier, il ne concerne pas l’entrée en vigueur de la mesure, mais la mise en œuvre de l’enquête. Il s’agit des enquêtes obligatoires qui sont encadrées par la loi du 7 juillet 1951. L’article 12 introduit seulement une nouvelle possibilité pour y procéder dès lors que leur opportunité sera prouvée. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Mme Karine Berger. Ayant été responsable de la collecte des données d’enquête visées par cet article, je sais que, la plupart du temps, ce sont les entreprises qui demandent à pouvoir continuer à les transmettre de façon non dématérialisée. L’administration publique — ou du moins l’INSEE — a depuis longtemps proposé de remplir les questionnaires en ligne, mais, pour des grosses PME, il est parfois plus pratique d’envoyer une version papier. L’article me semble très bien écrit, puisqu’il préserve cette possibilité.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL627 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’imposer plus explicitement le régime du secret statistique aux données transmises par les personnes morales de droit privé dans le cadre d’une enquête statistique.
M. le rapporteur. J’y vois un amendement d’appel et de confirmation de l’applicabilité des règles relatives au secret statistique prévues par la loi de 1951 ; je pense que la secrétaire d’État en fera la même lecture.
Mme la secrétaire d’État. Le débat est essentiellement juridique puisque l’objectif de l’amendement est de renforcer le secret concernant les données collectées par voie électronique. Nous le partageons ; mais la rédaction proposée induirait l’effet inverse. En effet, vous renvoyez à la loi de 1951 qui concerne le secret statistique, mais cette loi introduit des exceptions, notamment la possibilité de transmettre les données à des chercheurs, en particulier pour rechercher un avis. Or le présent texte vise expressément à exclure toute possibilité d’exception. En réalité, l’article 12, en l’état, renforce plutôt le secret et la confidentialité — préoccupation largement exprimée par les entreprises —, qui pourraient au contraire être potentiellement amoindris par le renvoi à la loi de 1951. Pour cette raison, mon avis est défavorable.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. J’entends vos arguments. Le terme qui me posait problème dans la rédaction initiale, c’est « quiconque », d’où cet amendement de précision.
Mme la secrétaire d’État. Nous pouvons continuer à travailler pour parvenir à une formulation plus satisfaisante. Nous poursuivons le même objectif.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL501 du rapporteur et CL628 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement CL628 est rédactionnel.
M. le rapporteur. Nous poursuivons le même objectif ; mon amendement CL501 me semble répondre à votre attente.
L’amendement CL628 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL501.
Puis elle en vient à l’amendement CL27 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. À première vue, l’article 12 peut donner l’impression d’une aspiration des données statistiques détenues par les entreprises privées au profit de la statistique publique. Ce n’est pas, me semble-t-il, l’esprit du projet de loi, mais encore faut-il prévoir toutes les garanties nécessaires. Par exemple, dans le texte présenté au Conseil d’État, les conditions d’enregistrement temporaire des données étaient encadrées ; dans le texte actuel, cet encadrement est renvoyé à un décret alors que le Conseil d’État n’a, sauf erreur, pas émis de réserve sur le caractère réglementaire de cette disposition. Étant donné l’importance de cet encadrement par rapport à la protection des données personnelles, je propose de l’introduire dans la loi.
M. le rapporteur. J’ai longuement hésité à propos de cet amendement. Demander un relevé à chaque création d’un enregistrement temporaire des données nécessaires à l’enquête, pour chaque opération courante, ne me semble pas possible, étant donné le nombre de ces enregistrements. Le renvoi au décret d’application, dans le cadre des dispositions générales sur le secret statistique, me paraît être la meilleure réponse. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 12 modifié.
La Commission étudie l’amendement CL101 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Le cœur de l’industrie du numérique, c’est la donnée personnelle que les grandes plateformes récupèrent, traitent, stockent et valorisent massivement. L’un des problèmes vient de la définition de ces données. Quand un individu donne accès à son carnet d’adresses, il fournit des informations sur lui-même, mais aussi sur d’autres, sans que ceux-ci en soient informés, et bien sûr sans qu’ils aient donné leur autorisation. Le statut juridique de ces données devrait être redéfini en prenant en compte cette particularité : ces données appartiennent à toutes les personnes qu’elles concernent et nul ne devrait donc pouvoir les accaparer ou en céder la jouissance. Le présent amendement a pour objet de demander que le Gouvernement établisse un rapport sur la possibilité d’accorder par défaut aux données numériques le statut juridique de biens communs souverains.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. En matière de rapports, vous connaissez l’adage : « Pas de rapports ! » Dura lex, sed Urvoas lex…
M. le rapporteur. La patrimonialité des données représente un vrai sujet de débat, et Patrice Martin-Lalande a raison de le soulever. Nous aurons l’occasion d’y revenir, notamment en abordant l’article 26 qui consacre le droit à la libre disposition de ses données personnelles. Quand nous avions auditionné le Conseil d’État sur son rapport annuel, nous avons vu la complexité des enjeux. Pour toutes ces raisons, je suis opposé à cette demande de rapport. Par ailleurs, nous avons toute latitude de créer des missions d’information et pouvons donc mener ce travail sans l’inscrire dans la loi. Souhaitez-vous retirer votre amendement ?
M. Patrice Martin-Lalande. Certes, nous en avons la capacité ; mais en avons-nous la volonté ? Ce travail sera-t-il effectivement mené au sein de l’Assemblée nationale ? Je ne retire l’amendement que si l’on s’engage à le faire.
M. le rapporteur. Je propose que cette demande soit relayée par votre groupe au bureau de la Commission et arbitrée dans l’instance concernée.
M. Philippe Gosselin. L’amendement n’est pas polémique et soulève un réel problème. Qu’appelle-t-on exactement « données personnelles » ? Il ne s’agit pas de faire de la résistance franco-française : le règlement européen propose une approche très différente de celle des pays anglo-saxons. L’équivalent de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui gère les données personnelles aux États-Unis, la Federal Trade Commission, est un organisme à aspect commercial, donc non neutre. Le Gouvernement a-t-il l’intention, à très court terme, de travailler sur cette question ?
Mme la secrétaire d’État. Je me réjouis de l’intérêt que vous portez à ces enjeux dont vous vous êtes saisis très rapidement. La notion de bien commun souverain peut prêter à confusion puisqu’elle associe le concept de bien commun — on connaît le débat sur les biens communs informationnels — et celui de souveraineté sur les données personnelles, qu’il me semble important de distinguer. Comme le rapporteur, j’estime que ce texte de loi est une occasion de débattre de l’importance des données personnelles et de leur respect. L’article 26 pose ainsi la question de la patrimonialité des données personnelles. Le choix fait par le Gouvernement est celui de l’usage, c’est-à-dire d’une libre disposition ; en effet, si l’individu devient propriétaire de ses données, il peut les commercialiser. C’est également un débat que nous avons eu au niveau européen. Le règlement européen sur les données personnelles trouve un positionnement médian entre les deux écoles que vous avez mentionnées. Les questions que vous soulevez pourront être abordées dans le cadre du débat sur l’amendement relatif à la souveraineté numérique, qui peut impliquer, entre autres, des enjeux de maîtrise des données personnelles.
Mme Delphine Batho. Les amendements que j’ai déposés à l’article 26 et aux suivants renvoient à la reconnaissance de la notion de réseau indivisible de données. Désormais, les données ne sont plus isolables les unes des autres, et tous les droits et les libertés que nous affirmons restent virtuels si nous ne trouvons pas les outils juridiques qui correspondent aux réalités technologiques d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas du débat entre la conception patrimoniale des données et la conception française des libertés fondamentales, qui reste valable dans la notion de réseau indivisible de données. Il ne s’agit pas non plus de faire passer les données sous propriété de l’État, mais d’organiser un commun indivisible auquel toutes les règles que nous essayons d’instaurer puissent être applicables. Je me félicite de cette discussion et de la réponse de la secrétaire d’État. En séance, nous ne pourrons pas débattre de la République numérique sans approfondir cette question du statut des données. Même si nous ne disposons pas encore des solutions juridiques parfaites, l’enjeu est fondamental.
Mme Karine Berger. Je profite de ce débat pour poser une question ouverte à la secrétaire d’État. L’article 13 de la directive européenne sur les données personnelles reconnaît de fait que les données personnelles peuvent être un moyen de paiement, ou du moins d’échange, avec une série d’opérateurs. En effet, il affirme que les données peuvent être une contrepartie dans un contrat privé. Comment garderons-nous notre spécificité face à une définition qui, je le crains, ne va pas dans le sens que vous souhaitez retenir ?
M. Patrice Martin-Lalande. Je me réjouis de l’ouverture de ce débat, qui doit avoir lieu plus largement en séance. C’est une question centrale qui donnerait toute leur solidité aux dispositions que nous retiendrons pour les données personnelles.
L’amendement est retiré.
Les quatre articles de la section 4 organisent une coordination renforcée entre les deux autorités administratives indépendantes que sont la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).
Article 13
(art. 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Composition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
Le présent article prévoit que le président de la CADA ou son représentant siège au collège de la CNIL.
La CNIL est une autorité administrative indépendante créée par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés afin de protéger les données personnelles des individus. Elle a pour missions principales d’informer les responsables de traitements automatisés de données sur leurs obligations et d’autoriser certains traitements de données. Elle joue par ailleurs un rôle de conseil auprès des acteurs privés et publics en matière de protection des données personnelles.
Il existe certains recoupements – appelés à croître avec les nouvelles obligations de publication et l’élargissement des possibilités de réutilisation prévues par le présent projet de loi – entre les missions de la CNIL et celles de la CADA.
Ainsi :
– la CADA est amenée à se prononcer sur la publication ou la réutilisation de fichiers de grande taille comportant des données personnelles, telles que les données individuelles de santé ;
– la CNIL se prononce sur des traitements automatisés de données personnelles utilisant des informations issues de documents administratifs.
Il est donc important d’assurer une coordination plus étroite que celle prévue par l’actuelle convention entre les deux autorités administratives.
Le 1° procède à une modification de référence à l’article 13 de la loi du 6 janvier 1978 (156).
Le 2° modifie le même article 13 pour ajouter aux 17 membres actuels du collège de la CNIL le président de la CADA.
La composition actuelle de la CNIL
1° Deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat de manière à assurer une représentation pluraliste ;
2° Deux membres du Conseil économique, social et environnemental, élus par cette assemblée ;
3° Deux membres ou anciens membres du Conseil d’État, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;
4° Deux membres ou anciens membres de la Cour de cassation, d’un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l’assemblée générale de la Cour de cassation ;
5° Deux membres ou anciens membres de la Cour des comptes, d’un grade au moins égal à celui de conseiller maître, élus par l’assemblée générale de la Cour des comptes ;
6° Trois personnalités qualifiées pour leur connaissance de l’informatique ou des questions touchant aux libertés individuelles, nommées par décret ;
7° Deux personnalités qualifiées pour leur connaissance de l’informatique, désignées respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.
Elle comprend en outre, avec voix consultative, le Défenseur des droits ou son représentant.
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La Commission adopte l’article 13 sans modification.
La Commission est saisie de l’amendement CL92 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendent d’appel vise à soulever le problème auquel est confronté le personnel engagé dans la lutte contre la grande délinquance ou le terrorisme. Lors d’enquêtes en cours et parfois dans l’urgence, il se heurte à des communications protégées par des moyens de cryptage individuel. Ces dispositifs, qui se multiplient en réponse à des scandales de prise en main des données individuelles, ont leur utilité ; mais ils peuvent être détournés pour devenir une barrière pour les services de sécurité. Je ne propose pas un accès permanent à ces équipements — mon amendement ne s’inscrit donc pas dans la logique de la loi sur les services de renseignement —, mais la possibilité pour les services d’accéder rapidement aux données dont ils ont besoin. La formulation de mon amendement peut au besoin être modifiée ; le problème, lui, est bien réel. Il ne nous est d’ailleurs pas particulier, puisqu’un vif débat est actuellement engagé sur ce sujet entre les Américains et Apple.
M. le rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement d’appel. Le Premier ministre a pris position de manière très ferme sur ce sujet il y a quelques mois. Mais l’enjeu est complexe et je ne suis pas sûr que le texte sur la République numérique soit le vecteur législatif le plus opportun pour le traiter. Il faudrait également des précisions sur les appareils électroniques concernés. Mais je me doute que vous attendez surtout l’avis de la secrétaire d’État.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement a le mérite de prolonger un débat international en cours. Il ne s’agit pas de faire preuve de naïveté en ignorant le problème, mais je ne considère pas que la solution que vous proposez — une vulnérabilité par construction — soit la bonne. Vous cherchez à répondre à une préoccupation croissante de la justice et des forces de l’ordre face à des entreprises, souvent très puissantes, qui mettent en place des systèmes de cryptage pour protéger les données de leurs clients sans prévoir les conditions d’accès à ces données par les autorités, en dépit des dispositions législatives existantes, telles que les articles 230-1 et suivants du code de procédure pénale.
Je considère néanmoins que la solution proposée est inappropriée ; tout d’abord, elle sort du cadre de cette loi qui prône des principes de liberté et d’ouverture et qui n’entre pas dans le champ pénal. Le texte confère d’ailleurs une nouvelle mission à la CNIL : la promotion du chiffrement. L’actualité récente — l’inscription par les Pays-Bas dans leur législation du droit au chiffrement, ou encore le scandale de Juniper Networks — montre à quel point le fait d’introduire dans les appareils, à la demande des agences de renseignement, des backdoors, des failles délibérées permettant de déchiffrer des informations personnelles, produit un effet contraire : celui de nuire à l’ensemble de la collectivité, puisque les données personnelles ne sont plus du tout protégées. Même si les intentions — maintenir l’ordre et la sécurité publique — peuvent être louables, cette solution ouvre la porte à des acteurs qui poursuivent des intentions moins nobles, sans compter le dommage économique subi par les entreprises et par leurs clients dont ces failles peuvent atteindre la crédibilité. Vous avez raison d’alimenter ce débat, mais, de l’avis du Gouvernement, prévoir systématiquement des ouvertures dans les matériels — tablettes ou téléphones — ne constitue pas la bonne réponse au problème.
M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement est favorable à un retrait, mais la question qui se pose, à la suite d’une actualité brûlante et douloureuse, n’en est pas moins grave. Sur les ondes de France Inter, François Molins, procureur de la République de Paris, révélait récemment que des blocages complets l’empêchaient de progresser dans les enquêtes qu’il mène à la suite des attentats du 13 novembre. Nous ne pouvons pas, sur un tel sujet, choisir de ménager la chèvre et le chou. Il faudra aborder la question au fond, peut-être à l’occasion de la réforme de la procédure pénale. Pour l’heure, l’amendement de Nathalie Kosciusko-Morizet a du moins l’avantage d’attirer notre attention sur ce point.
M. Lionel Tardy. Je suis d’accord sur le constat, mais nous nous lançons, je le crains, dans une sorte de course à l’échalote. Texte après texte, nous dénonçons les méfaits d’internet : projet de loi sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), projet de loi sur le renseignement, projet de loi sur le terrorisme… Chaque fois, cela conduit à un cryptage plus poussé d’internet. Dans ce scénario à la Big Brother, ce pourrait être, de manière paradoxale, le cryptage général qui triomphe.
Mme Isabelle Attard. Les arguments de la secrétaire d’État sont tout à fait justes. Je voudrais revenir sur le principe des backdoors ou portes dérobées. Si on l’appliquait au domaine de la construction, cela voudrait dire qu’il faudrait prévoir dans chaque bâtiment une porte dérobée en cas de possible intervention des forces de l’ordre, laquelle porte pourrait être bien plus souvent empruntée par des personnes mal intentionnées. Le gouvernement néerlandais a donc eu raison de prendre récemment position en faveur du chiffrement.
J’ajoute que l’adoption de l’amendement serait une très mauvaise nouvelle pour les constructeurs informatiques français, dont il signerait la fin.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je voudrais remercier le rapporteur et la secrétaire d’État, qui n’éludent pas le problème. Cependant, même si ce n’est pas l’objet de la loi, je voudrais signaler que la liberté se protège.
Madame Attard, je m’inscris en faux contre votre argumentation. Dans une maison, des perquisitions sont possibles. Quand un espace de liberté est mal utilisé, il faut y mettre bon ordre, ce qui ne signifie pas qu’il faille y garantir un accès permanent aux autorités. Je souligne que le dispositif actuel n’est pas efficace et pose des problèmes en termes de délai. Certaines procédures n’aboutissent pas à temps ; d’autres n’aboutissent pas du tout.
L’amendement est retiré.
Article 14
(art. 15 bis [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés)
Création d’un collège unique CNIL–CADA
pour traiter les sujets d’intérêt commun
Le présent article prévoit que la CNIL et la CADA peuvent se réunir dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.
Cet article s’inscrit dans la logique des articles 13 et 15 du présent projet de loi qui visent à instaurer une meilleure coordination entre les deux autorités administratives indépendantes (AAI). Il crée un article 15 bis dans la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permettant la réunion de la CNIL et de la CADA dans un collège unique, à l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.
D’aucuns ont pu être amenés à proposer une réforme plus radicale. Ainsi, dans leur rapport présenté en 2010 sur les autorités administratives indépendantes, les députés René Dosière et Christian Vanneste ont préconisé de créer une autorité unique en charge du traitement des données :
« Les rapporteurs se prononcent clairement pour un rapprochement de [la CADA et la CNIL]. Une telle fusion donnerait une plus grande visibilité, un poids plus important aux recommandations de la CADA, sachant que cette autorité pâtit de sa taille qui demeure réduite et d’une notoriété insuffisante. La CADA est en outre chargée de la réutilisation des informations publiques, domaine de compétence partagé avec la CNIL. Elle dispose d’un pouvoir de sanction depuis l’ordonnance du 6 juin 2005 contre les personnes qui réutilisent des informations publiques en méconnaissance des prescriptions du chapitre II de la loi du 17 juillet 1978 consacrant le droit de réutilisation. Il faudra bien sûr prévoir un mécanisme particulier lorsque la demande d’accès aux documents administratifs concernera les missions qui sont actuellement confiées à la CNIL. (157) »
Les présidents des deux AAI, auditionnés par votre rapporteur, se sont prononcés en faveur du présent article, estimant qu’il s’agissait d’une approche pragmatique, en vue d’un éventuel rapprochement futur.
Cette fusion pourrait intervenir après l’adoption du règlement européen sur la protection des données qui va redéfinir en partie le rôle des autorités de protection des données nationales (notamment dans leur articulation avec une possible autorité européenne).
Les avantages d’une telle fusion seraient doubles :
– d’une part la nouvelle institution pourrait mettre en place une régulation équilibrée des données et de la protection des droits fondamentaux qui y sont attachés (droit à la vie privée et droit à l’information). En effet, comme le montre le projet de loi, les sujets appelant la compétence de la CNIL et de la CADA sont de plus en plus nombreux : éthique, traitement massif de données, ouverture des données, ouverture des algorithmes ;
– d’autre part, les missions confiées par le projet de loi à la CADA nécessitent de nouveaux moyens, notamment en matière technique (informatique, format d’ouverture des données par exemple) et en termes de régulation (accompagnement des administrations, notamment les collectivités territoriales, pour l’ouverture des données, accompagnement des réutilisateurs). Ces compétences existent au sein de la CNIL (présence d’un service de l’expertise, expérience d’approches plus régulatoires comme la reconnaissance de labels ou de codes de bonne conduite) et pourraient utilement être mobilisées pour ces missions.
Les risques principaux sont celui d’un déséquilibre entre la CNIL (200 agents aujourd’hui) et la CADA (une dizaine d’agents) qui mettrait en danger la mission de droit à l’information défendue par cette dernière et celui d’une perte d’efficacité, au sein de la CNIL comme de la CADA, dont les modes de fonctionnement et les doctrines reposent sur une expérience de plusieurs dizaines d’années. Il convient de veiller à ne pas perturber la qualité de la réponse aux besoins des citoyens, des entreprises et des administrations concernées.
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La Commission adopte l’article 14 sans modification.
Article 15
(art. 23 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Composition de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA)
Le présent article prévoit que le président de la CNIL ou son représentant siège au collège de la CADA.
Cet article est une disposition miroir par rapport à celle prévue à l’article 13 du présent projet de loi. Il modifie l’article 23 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal qui prévoit que siège à la CADA une personnalité qualifiée en matière de protection des données à caractère personnel, proposée par le président de la CNIL. Le présent article substitue à cette personnalité qualifiée le président de la CNIL ou son représentant, pour les mêmes raisons que celles évoquées à l’article 13.
La composition actuelle de la CADA
a) Un membre du Conseil d’État, d’un grade au moins égal à celui de conseiller, président, un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes en activité ou honoraire, désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;
b) Un député et un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ;
c) Un élu d’une collectivité territoriale, désigné par le président du Sénat ;
d) Un professeur de l’enseignement supérieur, en activité ou honoraire, proposé par le président de la commission ;
e) Une personnalité qualifiée en matière d’archives, proposée par le directeur des Archives de France ;
f) Une personnalité qualifiée en matière de protection des données à caractère personnel, proposée par le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
g) Une personnalité qualifiée en matière de concurrence et de prix, proposée par le président de l’Autorité de la concurrence ;
h) Une personnalité qualifiée en matière de diffusion publique d’informations.
La commission comprend en outre, avec voix consultative, le Défenseur des droits ou son représentant.
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La Commission adopte les amendements rédactionnels CL502 et CL503 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 15 modifié.
Article 16
(art. 23 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions
d’ordre administratif, social et fiscal)
Création d’un collège unique CADA–CNIL
pour traiter les sujets d’intérêt commun
Le présent article prévoit que la CADA et la CNIL peuvent se réunir dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.
Il s’inscrit dans la logique des articles 13 et 15 du présent projet de loi qui visent à instaurer une meilleure coordination entre les deux autorités administratives indépendantes (AAI).
Il constitue la disposition miroir de l’article 14 qui insère un article 15 bis dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permettant la réunion de la CNIL et de la CADA dans un collège unique. Il introduit la même possibilité dans la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, qui régit le fonctionnement de la CADA, en y insérant à cet effet un nouvel article 23 bis.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL504 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 16 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL121 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je voudrais, par cet amendement, introduire une discussion sur notre souveraineté numérique, qui doit permettre de garantir aussi bien la sécurité des citoyens que la protection de leurs droits et libertés. Or la loi du 6 janvier 1978 signe notre abandon de souveraineté, dans son article 5, en restreignant son champ d’application aux données dont les moyens de traitement sont situés sur le territoire français. Je voudrais la modifier pour qu’il s’étende plutôt à « toutes les données à caractère personnel de citoyens français ». Ce dernier adjectif ne figurant pas dans le texte de l’amendement, permettez-moi de le rectifier oralement.
M. le rapporteur. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt remarqué sur la protection des données personnelles, arrêt dit de la « sphère de sécurité » ou arrêt safe harbour. Cette décision est proche de celle que nous défendions, lorsque tout le monde ne prenait pas encore en compte, au niveau européen, les enjeux liés au big data, contrairement aux architectes du safe harbour.
Vous ouvrez donc la discussion, mais une problématique territoriale apparaît d’emblée. Car nous ne pouvons agir qu’au niveau européen, voire qu’au niveau international. Le débat reste donc entier. Il ne peut trouver de solution d’application strictement territoriale.
Mme la secrétaire d’État. Votre amendement pose la question de la coordination du droit français avec le droit européen. Dans le deuxième alinéa de son article 3, le règlement européen sur la protection des données, qui devrait être définitivement adopté en mars 2016, prévoit précisément son applicabilité sur la base d’un critère territorial, et non sur la base de la nationalité. La loi européenne doit en effet s’appliquer là où les données personnelles sont recueillies et traitées, non là où les géants d’internet ont établi leur siège social.
M. Patrice Martin-Lalande. Je serais partisan du principe : « À marché local, serveur local ». Notre problème vient de ce que les serveurs sont établis outre-Atlantique : ils pourraient tout aussi bien être établis sur notre territoire, où nous pourrions nous assurer de la bonne application des règles européennes et françaises. Ce serait aussi un moyen de récupérer notre souveraineté.
Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement. La CJUE a apporté la réponse inverse à celle que le Gouvernement préconise, puisqu’elle a rappelé que les autorités nationales ont toute légitimité pour intervenir. Permettez-moi de vous rappeler sa position : la CJUE considère « qu’aucune disposition de la directive n’empêche les autorités nationales de contrôler les transferts de données personnelles vers des pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de la Commission » ; elle « constate que la décision de la Commission du 26 juillet 2000 prive les autorités nationales de contrôle de leurs pouvoirs » ; elle « considère que la Commission n’avait pas la compétence de restreindre ainsi les pouvoirs des autorités nationales de contrôle ». La CJUE est donc d’avis que les parlementaires nationaux ne soient pas interdits de prendre des décisions sur le sujet.
M. le rapporteur. Certes, mais, entre-temps, en décembre dernier, le règlement européen sur la protection des données personnelles, qui traite explicitement de cette question, est entré en phase de finalisation. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL122 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Il s’agit de la suite logique de mon précédent amendement. Si l’on crée de la valeur avec les données des citoyens français, il est normal que la domiciliation fiscale et juridique des entreprises concernées soit établie en France. Il s’agit d’une question fondamentale.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Article 16 bis
(art. 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Création d’une auto–saisine de la CADA pour la poursuite des réutilisations frauduleuses
À l’initiative de M. Sergio Coronado, et avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement reconnaissant à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques.
Aux termes de l’article 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal toute personne réutilisant frauduleusement des informations publiques est passible d’une amende prononcée par la CADA.
La CADA peut prononcer, au terme d’une procédure contradictoire, une amende, interdire à l’auteur d’une infraction la réutilisation d’informations publiques pendant une durée maximale de deux ans. Cette durée peut être portée à cinq ans en cas de récidive dans les cinq ans suivant le premier manquement. La CADA peut également ordonner la publication de la sanction aux frais de celui qui en est l’objet selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
La mise en œuvre de cette procédure suppose toutefois que la CADA soit saisie. Or, toutes les réutilisations frauduleuses ne lèsent pas nécessairement directement une administration ou un tiers en particulier. Le présent article prévoit donc au 3° que le président de la CADA est habilité à saisir la commission, aux fins d’entamer une procédure de manquement. Il s’agit de la proposition n° 18 du rapport sénatorial de Mme Corinne Bouchoux précité.
Par ailleurs, la CADA ayant été intégrée dans le code des relations entre le public et l’administration, le 1°et le 2° procèdent à des coordinations de deux références au sein de l’article 18.
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La Commission en vient à l’amendement CL242 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. L’amendement vise à reconnaître à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses, pour la procédure prévue à l’article 18 de la loi n° 78-753.
Selon l’article L. 342-1 du code des relations entre le public et l’administration, la CADA ne dispose pas de capacité d’auto-saisine. Cette disposition complique la poursuite de réutilisations frauduleuses, où il n’y a pas forcément de victimes — et donc de saisine —, alors même que la CADA est compétente pour sanctionner ces manquements. Il s’agit de la proposition n° 18 du rapport sénatorial de Corinne Bouchoux et Jean-Jacques Hyest sur la refondation du droit à l’information publique à l’heure du numérique.
Par ailleurs, la CADA ayant été intégrée dans le code des relations entre le public et l’administration, l’amendement procède à une modification de deux références de cet article 18.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement partage cet avis favorable. Il est utile de renforcer le pouvoir de la CADA en cas de non-respect des règles.
La Commission adopte l’amendement.
Article 16 ter
Demande d’un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique
À l’initiative de Mme Delphine Batho, avec l’avis favorable du Gouvernement et défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.
La guerre contre le terrorisme, mais aussi l’urgente nécessité de protéger dans le cyberespace les droits et libertés des citoyens alors que la récente décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne dite du « Safe Harbor » (158) a prouvé que leurs données à caractère personnel étaient exploitées dans un cadre différent de celui qui avait été pensé originellement, appellent de la part de la représentation nationale une prise de conscience nouvelle sur les enjeux liés à l’exercice de la souveraineté de la France dans le domaine du numérique.
La création d’un organisme spécifiquement chargé de cette mission, sous la forme d’un établissement public doté d’une autonomie administrative et financière, directement rattaché au Premier Ministre paraît constituer une piste intéressante. En conséquence, cet article demande un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un tel Commissariat à la souveraineté numérique chargé de la création d’un système d’exploitation souverain et de protocoles de chiffrement des données.
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La Commission est saisie de l’amendement CL129 de Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Ce matin, le président Jean-Jacques Urvoas a indiqué à la secrétaire d’État que le Gouvernement ne saurait déposer d’amendement nouveau entre la réunion de la Commission et le débat en séance publique. Je me heurte pour ma part à une autre difficulté. Initialement, j’avais en effet déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable au motif qu’il proposait de donner au Gouvernement le pouvoir de créer par ordonnance un Commissariat à la souveraineté numérique. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel réserve au Gouvernement le recours à l’article 38 de notre Constitution, relatif au pouvoir de prendre des ordonnances. J’ai donc dû me rabattre sur une demande de rapport au Gouvernement, demandant que soit étudiée la création d’un tel commissariat.
Il me semble que cette question de la souveraineté numérique dépasse les clivages politiques. Nos débats sur le statut des données personnelles et sur les protocoles de chiffrement ont montré qu’il s’agit d’une question fondamentale. L’enjeu est de savoir comment garantir aux citoyens français leurs droits et libertés dans le cyberespace. Nous devons donc engager un travail de réflexion sur la création d’un tel commissariat et sur l’articulation des activités de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et de la CNIL. Je crois que cette proposition peut recueillir l’assentiment général.
M. le rapporteur. La jurisprudence interne à la Commission et défendue par le président Urvoas prohibe l’adoption de demandes de rapport au Gouvernement. Nous pouvons nous saisir nous-mêmes de ces sujets. Et celui-ci mériterait en effet un examen approfondi.
Mme la secrétaire d’État. L’absence du président Urvoas m’autorise-t-elle à déroger à la règle, pour me déclarer favorable à cet amendement ? Je suis en effet plutôt favorable à l’introduction d’un travail de ce type, bien que je sois par ailleurs peu portée sur le recours aux ordonnances. Je l’ai dit dès mon entrée en fonction : la question de la souveraineté numérique doit être abordée de manière interministérielle et transversale.
En revanche, je ne crois pas à la possibilité d’un système d’exploitation souverain, qui serait peu opérant. La technologie ne saurait être la réponse exclusive. Néanmoins, je soutiens l’idée qu’il convient d’entamer un sérieux travail de fond sur ces enjeux.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Nous ne méconnaissons pas la pertinence de ces demandes de rapport. Mais nous adoptons pour ligne de conduite que nous devons alors nous saisir nous-mêmes de la question que doit traiter le rapport, ou qu’il revient au Gouvernement de mettre en jeu ses propres capacités. Lorsqu’il présidait notre commission, M. Warsmann avait dressé la liste des rapports effectivement déposés : leur nombre était inacceptable. La pertinence du sujet justifierait que nous recourions à d’autres modes de réflexion.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les règles ne valent que par leur exception. Étant donné l’importance de la question, je suis favorable à la rédaction de ce rapport.
M. Philippe Gosselin. Toute règle connaît en effet des exceptions. Notre collègue Delphine Batho met le doigt sur des questions essentielles, mais je ne veux pas d’un recours aux ordonnances, qui dessaisit le pouvoir législatif. Si nous voulons vraiment une République numérique, nous ne pouvons travailler dans cette direction : nous avons déjà dit que le projet de loi n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée par son titre. Sans souveraineté numérique, il n’y a plus de République du tout. Que le sujet n’ait pas été intégré dès le départ dans le projet de loi en constitue une grave lacune. Cet amendement justifierait donc une exception à la jurisprudence interne à la Commission, constamment rappelée par le président Urvoas. Sur la base de ce rapport, le débat pourrait prospérer.
M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement CL116, qui va dans le même sens, doit être examiné à la suite. La demande de rapport est en effet le seul moyen de faire avancer la question, puisque tout autre amendement serait irrecevable, soit au titre de l’article 38, soit au titre de l’article 40 de la constitution. Je partage les arguments de Delphine Batho. Face à un système asymétrique où Français et Européens dépendent d’entreprises placées dans l’orbite des États-Unis, il est urgent d’agir. Avancer dans la réflexion serait un premier pas.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis néanmoins gênée par le libellé de l’amendement. S’il s’agissait seulement d’un rapport à rendre dans les trois mois, j’y souscrirais. Mais il est question de créer une instance nouvelle, une nouvelle administration ! Si ce libellé est maintenu, je ne peux que mettre en garde contre la démarche. Réfléchissons à la souveraineté numérique, mais ne créons pas de nouvelle ligne Maginot numérique !
Mme Delphine Batho. Je tiens à remercier le Gouvernement pour l’esprit d’ouverture dont il a témoigné.
La Commission adopte l’amendement.
L’amendement CL116 de M. Patrice Martin-Lalande est retiré.
Chapitre II
Économie du savoir
La Commission est saisie de l’amendement CL388 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cet amendement est issu d’un rapport d’information de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances. Il s’agit d’élargir le périmètre du service public de l’éducation à la formation aux technologies digitales et à la connaissance des données de la recherche. On note des insuffisances en ce domaine et les jeunes filles se dirigent peu vers les métiers du numérique.
M. le rapporteur. Ce sujet important relève, comme vous l’indiquez, du code de l’éducation. Les ministres Najat Vallaud-Belkacem et Axelle Lemaire ont pris la mesure des enjeux du numérique, qui devient une grande cause nationale. Je souscris aux objectifs que vous poursuivez, mais les nouveaux programmes d’éducation et la formation des enseignants satisfont déjà à vos attentes.
L’amendement est retiré.
Article 17
(art. L. 533-4 [nouveau] du code de la recherche)
Accès aux travaux de recherche financés par des fonds publics
Le présent article vise à faciliter l’accès aux publications issues de travaux de recherche financés majoritairement par des fonds publics et la réutilisation libre des données issues de ces travaux en recherchant un équilibre plus juste entre les intérêts du monde de la recherche et du secteur de l’édition à l’heure du numérique et de la société de la connaissance.
Pour ce faire, il est proposé d’introduire un nouvel article L. 533-4 au sein du chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche relatif à la valorisation des résultats de la recherche par les établissements et organismes de recherche.
Ce nouvel article ne remet pas en cause la protection actuellement accordée par le droit d’auteur et fait le choix de privilégier le modèle de diffusion traditionnel des œuvres des chercheurs (publications dans des revues soumises à abonnement), dans lequel l’auteur transfère tout ou partie de ses droits patrimoniaux à l’éditeur. Il en limite simplement les effets à une certaine période au-delà de laquelle l’auteur peut décider de mettre à disposition gratuitement sur internet le contenu de cette publication. Cet article prévoit également que la réutilisation des données de la recherche ainsi rendue publique ne peut faire l’objet d’aucune limitation de la part de l’éditeur.
Après avoir rappelé le régime juridique du droit d’auteur-chercheur (1) et son articulation avec différents modèles de diffusion des travaux de recherche (2), votre rapporteur vous présentera la réforme proposée par le présent article (3) et les grandes lignes du plan d’accompagnement des revues de sciences humaines et sociales annoncé par le Gouvernement dans l’étude d’impact (4).
1. La protection du droit d’auteur et les exceptions prévues en matière d’enseignement et de recherche
La grande réforme du droit d’auteur issue de la loi du 11 mars 1957 (159), complétée par la suite par la loi du 3 juillet 1985 (160) et codifiée à l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, précise que : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».
Les droits moraux de l’auteur recouvrent le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. L’auteur dispose également du droit de divulgation de l’œuvre et du droit de repentir ou de retrait auprès du cessionnaire de son œuvre sous réserve d’indemnisation (articles L. 121-1 à L. 121-9 du même code).
Les droits patrimoniaux de l’auteur se déclinent en deux catégories :
– celles qui s’exercent sur l’œuvre en tant qu’objet incorporel, appelé « droit d’exploitation » : selon l’article L. 122-1 du même code, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation (communication de l’œuvre au public par tout moyen) et le droit de reproduction (fixation matérielle de l’œuvre sur tout support) ;
– celles qui s’exercent sur le support matériel de l’œuvre, appelé « droit de suite », qui est, au terme de l’article L. 122-8 du même code, « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente de l’œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsque intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ». Fondé sur des considérations d’équité, le droit de suite a été institué dans le but de permettre aux auteurs d’œuvres d’art graphique et plastique de compenser les maigres profits tirés en général de la reproduction et de la représentation de leurs œuvres. Afin d’éviter que ceux-ci n’en soient réduits à céder à vil prix leurs œuvres dont la valeur augmentera une fois la notoriété acquise, la loi leur permet, ainsi qu’à leurs ayants droit, de percevoir une partie du prix de vente.
Alors que l’auteur demeure toujours titulaire du droit moral, il n’en est pas de même s’agissant du droit d’exploitation. En effet, si le principe est que le droit d’auteur, y compris dans son aspect patrimonial, naît sur la tête de l’auteur, il arrive aujourd’hui fréquemment que la loi instaure, par dérogation, une dissociation entre paternité de l’œuvre et titularité ou que l’auteur cède volontairement ses droits patrimoniaux un tiers. C’est le cas le plus souvent des chercheurs, titulaires d’un droit d’auteur sur leurs travaux de recherche (161), lorsqu’ils souhaitent les faire publier par un éditeur dans une revue scientifique spécialisée (voir infra).
Quel que soit le titulaire du droit d’exploitation, celui-ci répond à un principe d’exclusivité.
En conséquence, les exceptions à l’exclusivité du droit d’exploitation sont d’interprétation stricte et trouvent nécessairement leur origine dans la loi, le droit de l’Union européenne ou les traités internationaux.
Les conventions internationales relatives au droit d’auteur sont fort prudentes sur le sujet controversé des exceptions au droit exclusif. Le préambule du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du 20 décembre 1996 sur le droit d’auteur se borne à évoquer la « nécessité de maintenir un équilibre entre les droits des auteurs et l’intérêt public général, notamment en matière d’enseignement, de recherche et d’accès à l’information ». L’article 10.2 de ce traité dispose que « les parties contractantes peuvent prévoir, dans leur législation, d’assortir de limitations ou d’exceptions les droits conférés aux auteurs d’œuvres littéraires et artistiques dans certains cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ». Toutefois, si elles appliquent la Convention de Berne de 1886 sur la protection des œuvres et des droits des auteurs sur leurs œuvres, « les parties doivent restreindre toutes limitations ou exceptions dont elles assortissent les droits prévus dans ladite convention à certains cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ».
Les exceptions au droit exclusif doivent donc passer un « triple test », qui subordonne à trois conditions cumulatives l’admission par les lois nationales des exceptions au droit exclusif :
– limitation des exceptions à des cas spéciaux (interdiction d’exemptions généralisées) ;
– absence d’atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ;
– absence de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.
Ce triple test, qui trouve son origine dans l’article 9.2 de la Convention de Berne et qui a été étendu à l’ensemble des prérogatives patrimoniales par l’article 13 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) du 15 avril 1994 et par l’article 10 du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur précité, est devenu un standard international. Il a été intégré à l’ordre juridique européen par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Ainsi, l’article 5 de la directive dresse une liste facultative mais exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de représentation. Il précise, au paragraphe 5, qu’elles « ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit ».
Au plan national, l’article 41 de la loi de 1957 précitée, devenu l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, est le siège principal de ces exceptions puisqu’il régit toutes les œuvres à l’exception des logiciels, soumis à des règles spécifiques contenues dans l’article L. 122-6-1 du même code.
En matière d’enseignement et de recherche, la directive prévoit trois types d’exceptions ou limites :
– le c) du paragraphe 2 de l’article 5 de la directive prévoit une exception facultative pour les « actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d’enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ».
Cette disposition a été transposée par la loi du 1er août 2006 (162) au 8° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle modifié par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet qui autorise : « la reproduction d’une œuvre et sa représentation effectuées à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de sa consultation à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers, dans les locaux de l’établissement et sur des terminaux dédiés par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial » ;
– le d) du paragraphe 2 de l’article 5 de la directive indique également une exception facultative « lorsqu’il s’agit de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu’elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur, soit indiquée et qu’elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi ».
L’exception de citation a été transposée par la loi du 1er août 2006 précitée au 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : « Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées » sous réserve que soient indiqués clairement « le nom de l’auteur et la source » ;
– le a) du paragraphe 3 de l’article 5 de la directive précitée autorise les États membres à déroger au droit de reproduction et au droit de représentation (communication au public) pour « une utilisation à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement ou de la recherche scientifique (...) dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi ». L’œuvre tout entière peut donc être reproduite ou communiquée mais seulement pour des utilisations non commerciales d’illustrations. Le 14e considérant de la directive précise que l’ambition du texte est ainsi de « promouvoir la diffusion du savoir et la culture par la protection des œuvres et autres objets protégés, tout en prévoyant des dérogations dans l’intérêt du public à des fins d’éducation et d’enseignement ».
La transposition en droit français de cette disposition est plus stricte puisque le e) du 3° de l’article L. 122-5 précité empêche l’auteur, sous réserve de l’indication de son nom et de la source, de s’opposer à « la représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres, sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions de musique et des œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit, à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs directement concernés, que l’utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale, et qu’elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l’article L. 122-10 ».
L’exception s’étend à la mise en ligne mais elle est soigneusement circonscrite. En premier lieu, elle ne permet l’utilisation que d’extraits d’œuvres. En deuxième lieu, elle ne joue pas pour certaines œuvres (celles conçues à des fins pédagogiques, les partitions de musique et, jusqu’au 1er janvier 2016, les œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit). En troisième lieu, la représentation ou l’utilisation n’est licite que si elle intervient « à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative », ce qui exclut également l’utilisation à des fins « d’analyse ». En quatrième lieu, le public en cause doit être « composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs directement concernés ». Enfin, le législateur a tenu à prendre en compte les conséquences économiques de l’exception. Non seulement il interdit toute exploitation commerciale comme le prévoit la directive mais il a en outre imposé « une compensation sous la forme d’une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie ».
Actuellement, les institutions européennes se posent la question de réviser la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.
Le nouveau président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, a ainsi délivré, en septembre 2014, une lettre de mission selon laquelle « les règles du droit d’auteur devraient être modernisées durant la première partie de ce mandat, à la lumière de la révolution numérique, des nouveaux comportements des consommateurs et de la diversité culturelle européenne » (163).
Le rapport présenté par Mme Julia Reda, rapporteure au nom de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, s’inscrit dans cette démarche en proposant l’extension des exceptions actuelles ou la création de nouvelles exceptions voire l’interdiction de prévoir des compensations financières pour le préjudice que peuvent causer des exceptions (164).
Ce sujet fait particulièrement débat (165) et concerne au premier chef le monde de la recherche qui plaide en faveur d’une exception au titre de la « fouille de texte » (« text data mining » en anglais).
La « fouille de texte » ou l’extraction de connaissances dans les textes est une spécialisation de la « fouille de données ». La « fouille de données » est toujours possible car le droit d’auteur ne porte que sur les « œuvres de l’esprit » et non sur les données qui peuvent y être afférentes. La « fouille de texte » désigne un ensemble de traitements informatiques consistant à extraire des connaissances selon un critère de nouveauté ou de similarité dans des textes produits par des humains pour des humains. Or, cette activité met en œuvre le monopole de droit d’auteur et le droit sui generis des producteurs de bases de données (166). En effet, dans la pratique, cela suppose de réaliser des copies ou reproductions numériques des œuvres – au moins provisoires – et de créer un algorithme permettant d’extraire des informations pertinentes d’une masse importante de données textuelles non structurées, généralement issue d’une base de données.
Pour autant, la fouille de grands corpus de textes et de données scientifiques, par son principe de croisements et de recoupements grâce à des algorithmes appropriés, ainsi que par ses effets de rebonds, aurait selon les chercheurs une double finalité : accélérer les processus de recherche et favoriser de nouvelles découvertes. Or, le potentiel d’innovation induit par cette fonctionnalité est aujourd’hui décuplé par le numérique.
C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la consultation menée par le Gouvernement sur l’avant-projet de loi, de nombreux organismes de recherche ont plaidé pour l’introduction d’une nouvelle exception au droit d’auteur permettant la fouille de texte à travers la modification de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle et de la directive 2001/29/CE. La Grande-Bretagne a récemment autorisé la fouille de texte, considérant que l’exception prévue par le paragraphe 3 de l’article 5 de cette directive qui limite la reproduction des œuvres aux seules fins « d’illustration » ne concerne que « l’enseignement » et non « la recherche », estimant que la conjonction « ou » laisse une option à l’État membre.
Toutefois, cette interprétation n’est pas celle retenue à ce stade par les institutions européennes, qui proposent justement de réviser la directive (167), ni par le Gouvernement français, qui promeut le recours à une solution contractuelle afin d’encadrer la fouille de texte (168). C’est la raison pour laquelle le présent article ne remet pas en cause le régime juridique du droit d’auteur ni les exceptions et limites actuellement autorisées par la directive. En revanche, il entend favoriser le libre accès aux travaux de recherche financés majoritairement par fonds publics, au-delà d’une certaine durée d’embargo, à l’initiative de l’auteur, ainsi que la réutilisation des données rendues publiques, et notamment la fouille de ces données.
2. Les différents modèles de diffusion des travaux de recherche et leur articulation avec le droit d’auteur
Les enseignants-chercheurs publient régulièrement leurs travaux et les font connaître dans des supports écrits et multimédia internes et externes : publications scientifiques, ouvrages pédagogiques, essais, cas multimédias, articles, communications, cahiers de recherches, etc.
L’évaluation des travaux scientifiques des chercheurs réalisée par les pairs (« peer review ») (169) est particulièrement importante mais tend peu à peu à laisser la place à une évaluation par le biais des publications et de l’analyse bibliométrique (nombre d’articles publiés par chaque chercheur). Publier devient donc un enjeu encore plus fondamental.
Or, il existe plusieurs modèles de diffusion des résultats de la recherche à l’ensemble de la communauté des chercheurs et des citoyens :
– le modèle traditionnel de publication dans des revues dont les abonnements sont payants (dit « toll access » en anglais), dans lequel l’auteur peut faire publier son article gratuitement mais transfère en contrepartie ses droits patrimoniaux au profit de la maison d’édition qui le publie et qui peut donc en limiter la réutilisation ;
– la publication en accès libre et gratuit à tous sous format numérique par le biais d’internet, impliquant un mode d’auteur-payant qui signifie que les « coûts de libération » de l’article sont payés dès sa parution par l’auteur ou l’institution à laquelle il est rattaché. Ce modèle est appelé « voie d’accès dorée » (ou « open access gold » en anglais).
Ce nouveau modèle de diffusion se développe rapidement car il permet de rendre l’article accessible à tous sans délai ainsi qu’une réutilisation libre de l’article surmontant les contraintes liées au modèle traditionnel. En effet, le transfert du droit de l’auteur par abandon total de ses droits patrimoniaux au profit des maisons d’édition bloque la réutilisation automatique des œuvres de l’auteur sur d’autres supports ou dans de futures compilations. Il enlève le droit pour l’auteur de réutiliser partiellement le matériau qu’il a soumis (utilisation des figures par exemple) ou de le diffuser sur tout autre support ;
– le modèle mixte, appelé la voie « verte » du libre accès (ou « open access green »), offre aux auteurs la possibilité de déposer des copies de leurs articles sur une archive ouverte et, éventuellement, de les mettre en ligne ensuite. Une archive ouverte est un site où les documents sont en libre accès. Les chercheurs peuvent y déposer leur article pendant leur période de soumission à une revue, ou en période probatoire avant publication (« preprints »), ou encore une fois publiées, en respectant éventuellement un « délai d’embargo » imposé par l’éditeur dans le contrat signé avec l’auteur. Dans cette hypothèse, l’auteur négocie avec l’éditeur une licence « creative commons » pour autoriser la mise à disposition de son article en ligne sous certaines conditions (170).
En France, la plateforme numérique HAL (« Hyper article en ligne ») est une archive ouverte nationale pluridisciplinaire créée en 2001 par le Centre pour la communication scientifique et directe (CCSD) – par des chercheurs, pour des chercheurs – avec pour objectif le partage des résultats de la recherche. HAL s’inscrit dans le mouvement pour le libre accès à la connaissance, défini lors de la conférence mondiale de Budapest en 2002 et réaffirmé à Berlin en 2003. Ce mouvement vise à faciliter l’échange et la valorisation d’archives numériques en permettant à des fournisseurs de services de « moissonner » des métadonnées sur les sites de fournisseurs de données. Il est ainsi possible d’utiliser un protocole d’échange de données (dit « OAI-PMH » (171)) pour créer un outil de recherche simultanée dans plusieurs bases de données bibliographiques.
Il convient de bien distinguer le « dépôt » d’un article dans une archive ouverte et la « mise en ligne » d’un article. Sur HAL, il est précisé à l’attention de l’auteur que « le dépôt doit être effectué en accord avec les co-auteurs et dans le respect de la politique des éditeurs » et que « la mise en ligne est assujettie à une modération, la direction de HAL se réservant le droit de refuser les articles ne correspondant pas aux critères de l’archive ». Selon les informations transmises à votre rapporteur lors de ses auditions, seuls 6 % des publications scientifiques françaises sont déposées sur l’archive ouverte HAL actuellement.
Le marché mondial de l’édition scientifique de recherche est estimé à 12,8 milliards d’euros (8,6 milliards d’euros pour l’édition scientifique de recherche et 4,2 pour l’édition des sciences humaines et sociales). Les services numériques représentent en moyenne 60 % des chiffres d’affaires. Chez les grands éditeurs, qui ont investi de façon précoce dans le numérique et dans une logique de plateformes, ce ratio est de 75 %. Ce marché est très concentré. Un nombre limité d’éditeurs occupent le haut du classement avec des parts de marché qui en apparence n’en font pas des acteurs dominants mais derrière eux figure un peloton très nombreux de très petites structures. Cette structuration donne en fait un fort pouvoir de marché aux éditeurs surplombant cette « longue traîne ». Les quatre premiers éditeurs (Elsevier, Springer/Macmillan Nature, Wiley, Thomson Reuters), s’ils éditent au plan mondial 24,8 % des titres, publient 50,1 % des revues à fort impact. Ils affichent un nombre moyen de plus de 1 500 revues à leur catalogue (2 200 pour le seul Elsevier ; même ordre de grandeur chez Springer/Macmillan-Nature) alors que pour l’ensemble des autres éditeurs, le nombre moyen de revues publiées est à peine supérieur à deux. Seuls 2 % des éditeurs publient 100 titres ou plus.
Le nombre de publications en open access gold est en augmentation rapide du fait de la transformation progressive des revues traditionnelles et de la création de nombreuses revues de ce type. De récentes statistiques montrent que 80 % des nouvelles publications sont librement accessibles (172).
Cependant, ce mode de publication fait l’objet de débats et réclame qu’une attention soit portée sur les dérives qu’il peut engendrer, en particulier du fait de la multiplication des revues publiées par des éditeurs « prédateurs » (173). De plus, le coût de la « voie dorée » peut s’avérer un frein puissant, notamment pour des organismes de recherche publique : le Gouvernement estime que le coût pour le seul Centre national de la recherche scientifique (CNRS), premier organisme de recherche mondial par article publié, serait de 53 millions d’euros par an au minimum (sur une base de 44 000 articles recensés en 2013 dans la base Scopus/Elevier avec un coût moyen de 1 210 euros par article). L’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) a calculé pour sa part que le coût annuel de publication de ses chercheurs serait de 2,3 millions d’euros par an alors que son budget documentaire total est de 2,4 millions d’euros. En outre, 83 % des chercheurs du CNRS n’ont jamais payé pour faire éditer un article en accès ouvert et n’envisagent pas de le faire.
Pour autant, il est vivement conseillé aux chercheurs de négocier avec les éditeurs scientifiques la possibilité de déposer gratuitement leur article sur les archives ouvertes, en complément de la publication dans une revue si elle n’est pas en open access gold, aussi bien par les organismes financeurs de la recherche que par les universités.
Dès le 17 juillet 2012, la Commission européenne a pour sa part publié une recommandation relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation, incitant les États membres à prendre les dispositions nécessaires pour que :
– « les publications issues de la recherche financée par des fonds publics soient librement accessibles dans les meilleurs délais, de préférence immédiatement et, dans tous les cas, au plus tard six mois après leur date de publication, et au plus tard douze mois pour les publications dans les domaines des sciences sociales et humaines » ;
– « les systèmes d’octroi de licences contribuent, de façon équilibrée, au libre accès aux publications scientifiques issues de la recherche financée par des fonds publics, dans le respect et sans préjudice de la législation applicable en matière de droit d’auteur, et encouragent les chercheurs à conserver leurs droits d’auteur tout en concédant des licences aux éditeurs (…) » (174).
Cette recommandation a également été réaffirmée dans les lignes directrices du programme-cadre de recherche européen Horizon 2020 (2014-2020), qui encourage la diffusion et la réutilisation libre de toutes les données nécessaires à la validation des résultats présentés dans les publications (175).
Le I de l’article L. 533-4 (nouveau) du code de la recherche vise à préserver le modèle de publication traditionnel et l’exclusivité de l’exploitation de l’œuvre par l’éditeur pendant une certaine durée (souvent appelée « durée d’embargo ») pour laisser place ensuite à la possibilité pour le chercheur, dont la publication est née d’une activité de recherche financée pour moitié par des fonds publics, de recouvrer son droit d’auteur pour rendre public ses travaux et ses données de recherche sur internet afin d’en permettre le libre accès et la libre réutilisation. En revanche, il est interdit au chercheur d’en tirer profit dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial.
Le II consacre le droit de réutilisation libre des données rendues publiques issues d’une telle activité de recherche dès lors qu’elles ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière.
Le III interdit à l’éditeur d’un écrit scientifique mentionné au I de limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.
Le IV précise que ces dispositions sont d’ordre public et que toute clause contraire est réputée non écrite.
a. Le choix de la diffusion des publications en accès libre sous format numérique au terme d’une durée d’embargo raccourcie pour les éditeurs et la reconnaissance d’un droit d’exploitation secondaire pour les chercheurs
Le premier alinéa du I de l’article L. 533-4 (nouveau) du code de la recherche reconnaît un droit pour l’auteur d’une publication scientifique, issue d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par fonds publics, de mettre gratuitement sous format numérique – c’est-à-dire sur internet – le contenu de cette publication sous certaines conditions.
i. La reconnaissance d’un droit d’exploitation secondaire pour les chercheurs au-delà d’une certaine durée d’embargo
Le premier alinéa du I de l’article L. 533-4 (nouveau) propose de limiter dans le temps les effets de la cession exclusive de tout ou partie du droit d’auteur reconnu au chercheur sur son œuvre au profit d’un éditeur, en offrant la possibilité au chercheur de retrouver le droit de la mettre à disposition gratuitement sous un format numérique sous certaines conditions cumulatives.
Il est prévu que, « même en cas de cession exclusive à un éditeur », dès que l’éditeur met l’écrit gratuitement à disposition sous une forme numérique, l’auteur recouvre immédiatement son droit de le mettre en ligne lui-même.
À défaut de mise en ligne gratuite de la publication par l’éditeur, le présent article distingue deux cas dans lesquels l’auteur peut le faire au-delà d’une durée d’embargo :
– pour les œuvres scientifiques (sciences, techniques et médecine), le délai maximal à l’expiration duquel l’auteur recouvre son droit d’exploitation est de six mois suivant la première publication de l’écrit ;
– pour les œuvres des sciences humaines et sociales, ce délai maximal est de douze mois car le temps de retour sur investissement pour les éditeurs est plus long, ces derniers ayant un modèle économique différent, plus fragile que celui de la grande majorité des éditeurs scientifiques (voir infra).
Actuellement, les durées d’embargo prévues dans les contrats signés par les chercheurs avec une grande partie des éditeurs nationaux et internationaux s’étalent entre 0 et 24 mois, et sont étendues exceptionnellement jusqu’à 48 mois pour certaines revues de sciences humaines et sociales.
Comme l’indique le dossier de presse du présent projet de loi, le Gouvernement a fait évoluer cette disposition entre son avant-projet de loi soumis à consultation du public et le présent article de la manière suivante :
– il est désormais prévu que si l’écrit est mis à disposition gratuitement sur internet par l’éditeur lui-même, l’auteur peut immédiatement recouvrer l’usage de son droit ;
– les délais « d’embargo » ont été réduits de moitié.
Ces durées d’embargo sont conformes aux délais préconisés par la recommandation de la Commission européenne du 17 juillet 2012 précitée et applicables dans le cadre des projets de recherche partiellement financés par les fonds de cohésion dans le cadre du programme-cadre de recherche Horizon 2020.
Elles sont également identiques aux délais retenus dans d’autres États ayant pris des mesures législatives ou réglementaires en matière de libre accès aux publications scientifiques financées majoritairement par fonds publics, comme la Grande-Bretagne (Research Council) ou les agences indiennes. Pour leur part, l’Allemagne, l’Espagne, les États-Unis et les agences canadiennes retiennent une durée d’embargo de 12 mois pour les deux catégories d’écrits scientifiques alors que l’Argentine retient une durée d’embargo de 6 mois et l’Italie de 18 mois pour les écrits scientifiques et 24 mois pour les écrits en sciences humaines et sociales.
ii. Un droit reconnu à l’auteur d’un écrit scientifique issu d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par fonds publics
Le premier alinéa du I de l’article L. 533-4 (nouveau) précise que ne sont concernés par le dispositif que les écrits scientifiques issus « d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne ».
L’objectif est de mieux valoriser l’investissement public dans la recherche scientifique, en garantissant la possibilité pour les chercheurs dont les travaux sont majoritairement financés par des fonds publics de rendre rapidement leurs travaux disponibles à l’ensemble de la communauté scientifique. Ainsi, les informations déjà financées par des fonds publics et rendues publiques ne devraient pas être de nouveau payées à chaque fois que l’on utilise ou que l’on accède à ces informations. Elles devraient profiter pleinement aux chercheurs, aux entreprises et aux citoyens tout en assurant une conservation à long terme de ces informations.
Si cet objectif est parfaitement louable, il restera néanmoins à déterminer précisément les modalités permettant de définir ce qu’est une activité de recherche scientifique financée « au moins pour moitié » par fonds publics, par décret.
iii. Un droit reconnu à l’auteur d’un écrit scientifique publié dans un périodique, des actes de congrès ou de colloque ou des recueils de mélange
Le premier alinéa du I précise que ne sont ici visés que les écrits scientifiques « publiés dans un périodique au moins une fois par an, dans des actes de congrès ou de colloque ou des recueils de mélanges ». Sont donc exclus du dispositif les travaux de recherche publiés dans un ouvrage unique, comme la publication d’une thèse par un éditeur par exemple, car l’auteur comme l’éditeur peuvent légitimement vouloir retirer un bénéfice financier des fruits de leur travail.
iv. Un droit portant sur la version finale du manuscrit accepté pour publication
Le droit de l’auteur porte sur la « version finale du manuscrit accepté pour publication », c’est-à-dire la dernière version transmise à l’éditeur sur laquelle la révision par les pairs a été réalisée mais le travail de mise en forme par l’éditeur pas encore effectué. Cette version est souvent appelée « version de l’auteur », ou « postprint ».
Il en résulte que rien n’interdit à un auteur de négocier contractuellement avec son éditeur la possibilité de diffuser en ligne la ou les versions numériques antérieures à cette version, souvent appelée(s) « preprint », ou de déposer son article dans une archive ouverte telle que HAL, en utilisant par exemple une licence « creative commons ».
v. Un droit facultatif
Il faut souligner que la mise à disposition gratuite en ligne par l’auteur de son écrit scientifique au-delà de la durée d’embargo demeure toujours volontaire. Certains prônaient l’introduction d’une obligation pour l’auteur de mettre en ligne, et à tout le moins de déposer dans une archive en ligne, sa publication à l’issue du délai d’embargo, à l’instar de ce qu’impose la législation américaine. Toutefois, votre rapporteur considère que cette proposition se heurte frontalement au droit d’auteur et au respect de la liberté d’expression.
De plus, le premier alinéa du I de l’article L. 533-4 (nouveau) précise que ce droit ne peut s’exercer que « sous réserve des droits des éventuels coauteurs » de l’écrit scientifique publié. Concrètement, cela signifie qu’avant de pouvoir mettre à disposition gratuite en ligne un écrit scientifique co-rédigé par plusieurs chercheurs, les coauteurs doivent se mettre d’accord à l’unanimité.
vi. Un droit assorti de l’interdiction pour l’auteur de l’exploiter dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 533-4 (nouveau) interdit, en contrepartie, au chercheur de tirer profit d’une éventuelle réédition de son écrit scientifique à des fins commerciales au-delà de la durée d’embargo mentionnée au premier alinéa.
Cette disposition vise à protéger le modèle économique des éditeurs de travaux de recherche scientifique et consacre l’ambition du dispositif de favoriser l’accès libre et gratuit à la connaissance scientifique au-delà de la durée d’embargo.
b. La consécration du droit de réutilisation libre des données issues d’une activité de recherche financée pour moitié par fonds publics lorsqu’elles ont été rendues publiques légalement
Le II de l’article L. 533-2 (nouveau) du code de la recherche prévoit que les données issues d’une activité de recherche financée majoritairement par fonds publics, qui ont été rendues publiques et qui ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière, sont librement réutilisables.
Comme l’indique l’étude d’impact, les données que produisent les chercheurs sont à la base des raisonnements qu’ils développent dans leurs écrits. Il peut s’agir de données d’observation, capturées en temps réel, comme en neuro-imagerie, en photographie astronomique ou dans le cadre d’enquête ; de données expérimentales obtenues à partir d’équipements de laboratoire, telles des chromatogrammes ; de données computationnelles, générées par des modèles informatiques, par exemple en météorologie ou en économie ; ou encore de données dérivées, issues du traitement ou de la combinaison de données brutes ou de petits jeux de données, comme dans le cas de bases de données génétiques, de résultats de fouilles de texte, ou de collections d’écrits ou d’archives historiques.
Le projet de loi ne définit pas la notion de « données de recherche ». Selon l’étude d’impact, la définition suivante pourrait être proposée : « les données de la recherche sont l’ensemble des données factuelles issues d’observations, d’enquêtes, de corpus, d’archives, d’expériences ou d’analyses computationnelles, enregistrées sous tout format et sur tout support, dans une forme brute ou après avoir été traitées ou combinées, et sur lesquelles se fondent les raisonnements du chercheur et qui sont jugées nécessaires à la validation des résultats de la recherche ».
Dans une réponse à un questionnaire de votre rapporteur, le Gouvernement distingue trois types de données :
– les données incluses dans une publication (tableaux, figures, faits dispersés dans le texte) et qui peuvent faire l’objet d’une structuration et d’une mise en forme par l’éditeur (par exemple, des schémas, figures, tableaux…). L’exclusivité de ces données est en général cédée à l’éditeur au même titre que l’article par l’auteur-chercheur ;
– les données associées à une publication ou données brutes (« underlying data » ou « supplementary data » en anglais) qui ont servi à la production de l’article, fournies aux éditeurs à leur demande. L’exclusivité n’est a priori pas cédée à l’éditeur. En France, ces données n’appartiennent pas à l’auteur non plus mais à son institution ;
– les données produites dans un cadre de projet, d’observatoire, hors publications, et pouvant être agrégées à d’autres données dans une infrastructure et offertes à la réutilisation.
Le présent article prévoit que les données de recherche sont automatiquement réutilisables librement si trois conditions sont remplies :
– il doit d’agir de données issues d’une activité de recherche financée majoritairement par fonds publics au sens du I du présent article. En conséquence, les données issues de travaux de recherche privée ne sont pas librement réutilisables ;
– ces données ne doivent être protégées par aucun « droit spécifique » ni par « une réglementation particulière » : sont donc écartées les données protégées par des droits particuliers, qu’ils soient d’origine contractuelle ou légale. Il faut notamment évoquer à cet égard la protection due au respect de la vie privée, aux données à caractère personnel, et à la propriété intellectuelle. De même, les données confidentielles en vertu d’un contrat de collaboration, ou au titre de secrets protégés par la loi, comme le secret professionnel ou le secret défense, ne seront pas librement réutilisables ;
– il faut que ces données aient été rendues publiques soit par le chercheur lui-même, soit par son établissement ou son organisme de recherche. Il s’agit ici de reconnaître que les données de la recherche sont des données d’intérêt public dont la vocation même est de pouvoir circuler dès lors qu’elles ont été rendues publiques. Nul ne doit pouvoir priver autrui de leur usage, pas même le chercheur qui les a collectées dès lors que ses travaux ont été rendus publics. Rappelons en effet que le droit d’auteur du chercheur ne porte que sur son « œuvre » et non sur les « données » au fondement de son raisonnement. C’est la raison pour laquelle son laboratoire de recherche pourra rendre ces données publiques même si le chercheur s’y oppose.
L’accès à ces données et leur réutilisation constituent un enjeu à la fois scientifique (reproductibilité de la recherche, recherches interdisciplinaires), économique (rationalisation des moyens consacrés à la recherche, opportunités pour l’économie de la connaissance et de l’innovation), social et de citoyenneté (vulgarisation scientifique, éducation, …). Or, on estime que le nombre de données générées par la recherche augmente de 30 % chaque année et évalue la perte de ces données à 80 % en vingt ans (176).
c. L’interdiction pour un éditeur de limiter la réutilisation des données de recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication
Selon la même logique et conformément à la demande de la société civile consultée sur cet article, le III de l’article L. 533-4 (nouveau) du code de la recherche interdit à l’éditeur de limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.
L’éditeur ne pourra donc plus restreindre la réutilisation des données afférentes à l’écrit scientifiques qu’il a publié, dans le cadre du contrat d’édition passé avec l’auteur. Actuellement, le commerce de données de la recherche reste un secteur d’activité très peu développé. Il est limité à quelques services spécialisés proposés par les éditeurs sur leur plateforme numérique qui offrent des services d’analyse et de fouille de données sur les corpus qu’ils ont déjà publiés eux-mêmes et qui peut parfois être très étendu chez les grands éditeurs. Grâce à la présente disposition, la fouille des données rendues publiques ne connaîtra plus de limites.
L’impact de cette disposition limitant l’exclusivité sur le flux, sans porter atteinte au stock, est circonscrit et au surplus très progressif, à l’échelle microéconomique. À l’échelle macroéconomique, la disposition est au contraire source d’externalités positives importantes à moyen et long terme, ouvrant à tout acteur innovant la possibilité de développer des services à haute valeur ajoutée sur des données accessibles gratuitement.
d. Des dispositions d’ordre public
Le IV de l’article L. 533-4 (nouveau) du code de la recherche précise que « ces dispositions sont d’ordre public et toute clause contraire est réputée non écrite ».
Votre rapporteur observe que cette disposition emporte deux conséquences :
– sur la validité des contrats : l’article 6 du code civil pose le principe selon lequel : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». La sanction d’une clause contractuelle contraire à une disposition d’ordre public est en principe la nullité du contrat, sauf si la loi en dispose autrement. En l’occurrence, seule les clauses des contrats conclus entre les chercheurs et les éditeurs qui seraient contraires aux dispositions du présent article seraient réputées non écrites, c’est-à-dire qu’elles sont censées n’avoir jamais existé et cessent de produire leurs effets ;
– sur l’applicabilité dans le temps des dispositions du présent article : d’une manière générale, l’application des normes nouvelles à une situation contractuelle en cours à la date de son entrée en vigueur n’est possible que si un motif d’intérêt général suffisant lié à un impératif d’ordre public le justifie et qu’il n’est dès lors pas porté une atteinte excessive à la liberté contractuelle. En l’occurrence, une atteinte limitée est portée à la liberté contractuelle des auteurs et des éditeurs, en empêchant l’auteur ou son établissement de renoncer au bénéfice du droit qui lui est conféré en ce qui concerne les publications, et de céder à l’éditeur des licences tendant à limiter la réutilisation des données de la recherche.
Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a toutefois privilégié l’abandon du IV au motif qu’il y aurait une incohérence à prévoir le caractère d’ordre public du dispositif, qui ne peut jouer que sur les contrats conclus sur le territoire français, alors que son objet est de favoriser la diffusion par internet des écrits scientifiques, par nature d’envergure mondiale.
S’il est bien conscient du caractère limité de l’effet d’une telle disposition sur les contrats relevant d’un droit étranger et ne ressortissant pas de la compétence des tribunaux nationaux, votre rapporteur estime néanmoins que ce IV envoie un signal important à l’attention des éditeurs du monde entier sur la nécessité de privilégier l’accès et la réutilisation libre des écrits scientifiques et des données de la recherche rendues publiques, lorsqu’ils sont issus d’une activité de recherche financée majoritairement par fonds publics.
Il considère en outre que l’atteinte à la liberté contractuelle résultant du présent article apparaît équilibrée au regard des finalités d’intérêt général poursuivies et conforme à la mission de diffusion des connaissances scientifiques qui est confiée à la recherche publique par l’article 14 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 modifiée. Ces dispositions seront donc d’un effet immédiat sur les contrats relevant en cas de litige de la compétence des tribunaux français.
4. L’impact socio-économique du présent article
a. L’impact de la réforme proposée sur la recherche, l’édition, et la société en général
Après avoir auditionné de nombreux éditeurs et organismes de recherche scientifiques, votre rapporteur estime que le présent article correspond à un bon équilibre entre les intérêts des uns et des autres et constitue un grand pas en faveur de la société de la connaissance car il favorisera le partage des découvertes, anciennes et récentes, au sein de la communauté scientifique, des entreprises et des citoyens.
Outre cet impact bénéfique sur la diffusion des connaissances, la mise en accès ouvert des publications financées par des fonds publics autorisera une maîtrise accrue de la puissance publique sur les produits et activités de recherche qu’elle a financés.
Selon l’étude d’impact, « la majorité du chiffre d’affaires [des revues scientifiques et techniques françaises] est aujourd’hui constitué de subventions apportées par des établissements ou des laboratoires. Les revues ne représentent en outre, en moyenne, que 18 % de leur production éditoriale, et entre 40 % et 60 % du chiffre global des ventes associées à ces revues est réalisé grâce aux publications de l’année, qui demeureront sous embargo au terme de la mesure proposée, garantissant que ces acteurs ne devraient être touchés que marginalement. ».
Votre rapporteur souligne qu’en laissant au chercheur le choix de mettre ses publications en accès ouvert ou de ne pas le faire, les effets éventuels de la nouvelle législation sur l’économie de l’édition scientifique devraient être lissés sur plusieurs années, laissant le temps aux éditeurs de s’adapter au numérique et de développer des plateformes en ligne proposant des services innovants bien plus créateurs de valeur que l’édition papier sous abonnement. L’expérience allemande en donne la preuve puisqu’au terme d’une année d’application de la loi, environ 10 % seulement des chercheurs ont fait usage de leur droit d’exploitation secondaire sur leurs nouveaux écrits. Une autre étude, conduite en 2012 aux États-Unis après quelques années d’existence d’une plateforme d’accès libre en médecine et sous une législation fixant une durée d’embargo d’un an, tend quant à elle à montrer que la mise en accès ouvert des publications se traduit par un recul limité des accès aux publications par l’intermédiaire des sites des éditeurs (177).
Par ailleurs, une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) publiée en juillet 2015 a mis en évidence l’effet bénéfique de l’ouverture d’une publication en sciences humaines et sociales sur son audience. Elle montre que l’accès gratuit à une publication auparavant payante provoque un “effet rebond” propice à sa diffusion, et que plus l’accès gratuit est précoce, plus l’audience totale de la publication est importante (178). De même une étude anglaise réalisée en 2008 est parvenue à une estimation tendant à montrer que les bénéfices d’une politique de diffusion et de réutilisation des données de la recherche pourraient être quatre fois supérieurs à son coût, en tenant compte des économies réalisées (179).
Votre rapporteur estime que l’impact du présent article sur l’édition scientifique institutionnelle en France est donc limité et largement compensé par les externalités positives résultant du libre accès aux publications et de la libre réutilisation des données passé le délai d’embargo.
b. L’annonce d’un plan d’accompagnement des revues françaises de sciences humaines et sociales à la transition vers le libre accès
À la demande du Premier Ministre dans sa lettre du 23 novembre 2015 adressée à la Ministre en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR), le MENESR est chargé de proposer un plan de transition au libre accès des revues de sciences humaines et sociales.
Ce plan entend ainsi pallier la fragilité particulière des éditeurs français de travaux en sciences humaines et sociales marquée par une diminution tendancielle des abonnements papiers, par le resserrement des budgets d’acquisitions des bibliothèques réorientés vers les plateformes de revues en sciences et médecine très onéreuses (+ 450 % entre 2002 et 2014), et enfin par le recul de la langue française comme langue scientifique dans le monde.
L’objectif du plan, qui sera lancé dès 2016, est d’aider les revues qui le souhaiteraient à mettre en accès libre l’intégralité de leurs numéros, soit sans délai soit au terme d’un délai minimal après leur parution pour continuer d’assurer leur viabilité (un an) ainsi qu’une aide à la traduction en anglais des articles publiés ou de longs résumés.
Sur une base de 200 revues sélectionnées, le coût maximum d’accompagnement serait de 4 millions d’euros par an (dont 500 000 euros en 2016) si l’on considère un financement complet des revues, à répartir entre les établissements (dont les coûts d’abonnements aux revues concernées seraient convertis en financement « en amont » aux revues, via un dispositif à élaborer de fonds de soutien) et le MENESR, à hauteur de 1,5 million d’euros par an à inscrire dans le cadre de sa politique de soutien aux SHS. Par ailleurs, l’accompagnement portant sur l’aide à la traduction a été évalué, pour 50 revues sélectionnées, à environ 200 000 euros par an.
5. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements de précision du I du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche.
De plus, à l’initiative de M. Emeric Bréhier, rapporteur au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et après avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté trois amendements plus substantiels contre l’avis du Gouvernement :
– le premier vise à s’assurer que les publications nées d’une recherche financée principalement sur fonds publics rendues gratuitement accessibles le seront en format ouvert afin de promouvoir la diffusion de la connaissance et du savoir. Le format ouvert se comprend au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
– le deuxième précise que les auteurs-chercheurs pourront mettre à disposition du public non seulement la version finale du manuscrit acceptée pour publication mais également toutes les versions successives de ce manuscrit jusqu’à cette version finale, c’est-à-dire qu’ils pourront mettre à disposition par voie numérique leurs « preprint » ;
– le troisième permet au ministère de la recherche de fixer par arrêté un délai d’embargo inférieur à ceux de six et douze mois prévus par le présent article, pour les disciplines ou familles de disciplines pour lesquelles un tel délai serait opportun, afin de mieux prendre en compte leurs spécificités éditoriales.
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La Commission adopte les amendements rédactionnels CL571 et CL539 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL609 de la commission des Affaires culturelles.
M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. Cet amendement vise à garantir que les publications issues d’une recherche principalement financée sur fonds publics et rendues gratuitement accessibles le soient en format ouvert.
M. le rapporteur. Cet amendement contribue à la meilleure diffusion des connaissances. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Cette notion de format libre d’accès existe déjà dans le code de la recherche. L’un des fondateurs d’internet, Tim Berners-Lee, considère qu’il n’y a pas à proprement parler de mise à disposition des données publiques si le format choisi n’est pas ouvert. Ma seule crainte est que, en voulant imposer un format ouvert, nous fassions sortir du champ de l’article 17 un chercheur qui aurait utilisé des tableaux Excel ou des documents en PDF. Nous introduirions ainsi malgré nous une dérogation à l’ouverture des données ou open access. Sous cette réserve, j’adopterais une position de sagesse vis-à-vis de l’amendement.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Je le maintiens par conséquent, en espérant que la position de sagesse du Gouvernement puisse se transformer en accord franc et entier à l’occasion de nos débats de séance publique.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL569 du rapporteur et CL28 de M. Lionel Tardy.
M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser que les écrits scientifiques que les chercheurs souhaitent mettre à disposition du public le soient « par voie numérique », c’est-à-dire sur internet. Il permet de dissiper tout risque de confusion entre les termes « sous forme électronique » et « sous forme numérique » retenus initialement par le projet de loi.
M. Lionel Tardy. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui vise à remplacer « forme numérique » par « forme électronique ». Ce n’est pas seulement une question de forme, car nous sommes là pour rendre la loi lisible et cohérente. Le projet de loi ne va malheureusement pas dans ce sens.
L’amendement CL28 de M. Lionel Tardy est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL569.
Puis elle adopte l’amendement de précision CL540 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL288 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. L’article 17 prévoit la libre diffusion des résultats de la recherche publique, mais omet les données sources qui ont permis d’y parvenir. Dans le domaine de la recherche publique, aucun espace de partage des données scientifiques n’est prévu. Au fil du temps et des différentes recherches, les données sont perdues. Ce déficit de transmission des données entrave la recherche et allonge sa durée.
Le présent amendement prévoit donc que, lorsqu’un écrit scientifique issu d’une recherche financée au moins pour moitié par des dotations publiques est publié, son auteur peut mettre à disposition, sous une forme numérique, le résultat de sa recherche, ainsi que les données sources qui l’ont conduit à l’écrit final. Il permet ainsi de pallier le manque d’espace de partage de la donnée scientifique.
M. le rapporteur. Je note un problème de définition : la notion de « données sources » est loin d’être claire. Je rappelle en outre que le droit d’auteur porte sur une œuvre, non sur les données ayant conduit à son élaboration. Au demeurant, la deuxième partie du projet de loi prévoit déjà que les organismes de recherche peuvent immédiatement les mettre à la disposition du public.
Mme la secrétaire d’État. Comme le rapporteur, je rappelle que le présent article porte sur les données — tableaux, figures, faits — incluses dans une publication. Ce sont elles qui font potentiellement l’objet d’un accord d’exclusivité avec l’éditeur. Les autres données associées, que vous appelez les « données sources », peuvent être fournies à l’éditeur, avec l’assentiment de l’organisme de recherche, hors de tout accord commercial d’exclusivité avec l’éditeur. Le texte actuel satisfait donc déjà cet amendement.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. J’irais même plus loin que la secrétaire d’État. Si nous adoptions cet amendement, nous restreindrions la liberté du chercheur. Alors qu’il peut aujourd’hui faire part librement de ses données sources, il serait désormais soumis pour elles à la règle de diffusion comportant un embargo de six ou douze mois.
Mme Karine Berger. Certaines publications, telles celles de Thomas Piketty, peuvent s’appuyer sur des données fiscales individuelles protégées. Les règles qui protègent leur confidentialité sont incompatibles avec le contenu de cet amendement. Au contraire, la deuxième partie apporte une bonne réponse dans cette éventualité.
Mme Colette Capdevielle. Je comprends qu’un souci de protection domine dans le monde de chercheurs. Je crois cependant que nous devons nous engager en faveur de la transparence. Or, la rédaction actuelle du projet de loi ne prévoit de diffusion que pour le résultat de la recherche, ce qui ne couvre pas le champ de mon amendement.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL610 de la commission des Affaires culturelles.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Cet amendement, de portée rédactionnelle, doit permettre la mise à disposition de toutes les versions successives de l’article, jusqu’à la version finale acceptée pour publication, mais n’ayant pas encore fait l’objet d’une mise en forme par l’éditeur.
M. le rapporteur. Avis favorable. Il s’agit d’un amendement de précision utile.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL340 de Mme Isabelle Attard, CL289 de Mme Colette Capdevielle et CL541 du rapporteur.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à supprimer la distinction faite entre, d’une part, les sciences, la technique et la médecine, et, d’autre part, les sciences humaines et sociales dans le délai de mise en accès libre des publications. Cette distinction ne se justifie en effet nullement. Par ailleurs, elle pourrait être parfois difficile à appliquer dans le cas de recherches pluridisciplinaires mêlant des disciplines disposant de délais différents.
Je citerais simplement ma spécialité, l’archéologie. Lorsque nous produisons des rapports ou des études, nous faisons appel tant à des paléogéologues et paléobiologistes qu’à des ethnologues. La distinction est donc parfois ténue entre « sciences dures » et « sciences molles ». Il ne me semble pas bon de stigmatiser une partie des chercheurs. Je voudrais connaître les raisons réelles de la distinction établie.
M. le rapporteur. Nous entrons ainsi dans le débat sur le délai de six mois ou de douze mois applicable à la diffusion gratuite de travaux, selon qu’ils appartiennent à l’une ou à l’autre catégorie. Sur ce point, je suis sensible aux arguments de la commission des Affaires culturelles, qui prévoit que les règles puissent être fixées par arrêté, en tenant compte des familles de discipline. Je soutiens donc son amendement, de préférence aux autres.
Le monde français de l’édition ne jouit pas toujours d’une assise financière très solide dans les sciences humaines. Abaisser le délai d’embargo à six mois dans ces domaines me paraît donc peu raisonnable sur le plan économique, ce que confirme l’instauration d’un plan d’aide en faveur de l’open access pour ces éditeurs d’ici à 2017.
Mme Colette Capdevielle. Mon amendement était dans le même esprit que celui de notre collègue Isabelle Attard. Je ne vois pas de différence entre sciences dures et sciences molles. Je proposais seulement d’appliquer indifféremment un délai de douze mois, plutôt qu’un délai de six mois. Mais un délai uniforme de six mois me conviendrait.
M. le rapporteur. Mon amendement CL541 n’est que rédactionnel ; il reformule le libellé du délai de six mois applicable aux sciences, à la technique et à la médecine.
Madame Capdevielle, j’attire votre attention sur le fait que de grandes disparités s’observent y compris au sein des sciences humaines et sociales, selon les familles de discipline et le secteur de l’édition, tant en termes de besoins de financement que de retour sur investissement. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement de la commission des Affaires culturelles, qui laisse la porte ouverte à des évolutions possibles, en s’en remettant à des arrêtés pour fixer un délai inférieur à l’embargo de six ou douze mois selon les disciplines.
Mme la secrétaire d’État. En ce domaine, nous nous contentons de suivre les préconisations de la Commission européenne. Ces délais ne tombent donc pas du ciel. Le temps de la recherche varie selon ses objets. En matière de sciences dures, la valeur économique des résultats baisse après six mois. Au-delà de ce délai, il est donc logique qu’il n’y ait plus d’exclusivité. Les sciences humaines et sociales ne sont pas soumises à la même pression de l’urgence et de la concurrence internationale entre laboratoires de recherche.
La solution que nous proposons est celle à laquelle se sont ralliés tous les autres pays ayant légiféré. Seule l’Allemagne a imposé un délai uniforme de douze mois à toutes les publications, ce qui allonge donc le délai pour les sciences dures. Nous avons préféré nous conformer à ce qu’avaient fait d’autres pays où se pratique l’open access. Car il importe aussi d’harmoniser le marché intérieur. Sur l’amendement du rapporteur, j’émets un avis de sagesse.
Les amendements CL340 et CL289 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL541.
Puis elle en vient à l’amendement CL611 de la commission des Affaires culturelles.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Il s’agit d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif, lorsque la pratique ou la culture de certaines disciplines le justifie. Je pense notamment à la recherche en informatique, où il est de coutume de déposer ses articles avant même leur publication, pour permettre à la communauté scientifique d’y réagir. L’arrêté permettra également de s’adapter aux disciplines dans lesquelles les éditeurs ont une pratique du libre accès plus avancée que d’autres. Cette disposition donnerait de la souplesse au ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur pour décider avec le monde de la recherche et de l’édition. Les délais de six et de douze mois deviendraient ainsi de simples seuils maximaux.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Je crains que cette disposition n’introduise au contraire davantage de rigidité. Nous voulons plutôt rendre à l’auteur la maîtrise de son écrit à l’issue d’un certain délai d’embargo, durant lequel les éditeurs jouissent d’une exclusivité. Fixer contractuellement des délais d’embargo inférieurs se pratique déjà. Implicitement, le libellé actuel ménage cette possibilité. Prévoir par décret des délais contractuels inférieurs nuit au contraire à la lisibilité de l’ensemble du dispositif. Faut-il que la loi déroge aux délais d’embargo maximaux ? Le Gouvernement serait prêt à avancer sur cette piste, mais non à laisser cette faculté à des arrêtés ou décrets ministériels, car cela introduirait de la confusion.
Quant à la distinction entre les différents types de sciences, il suffit de se reporter à la classification existante des revues spécialisées.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. J’entends en partie l’argumentation. Mais mon amendement laisse aux éditeurs la possibilité de fixer des délais inférieurs dans le cadre de leurs relations contractuelles avec les chercheurs. Il donne seulement une souplesse supplémentaire aux autorités ministérielles. Notre débat pourrait connaître un prolongement utile dans l’hémicycle.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL612 de la commission des Affaires culturelles, CL570 du rapporteur et CL29 de M. Tardy.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. L’amendement CL612 a pour but de limiter les risques contentieux que présente l’alinéa dans sa rédaction actuelle : il n’est en effet pas évident de distinguer ce qui relève d’une activité d’édition. Par ailleurs, il vise à empêcher une pratique qui se développe actuellement et qui consiste à aspirer le contenu des plateformes dans un but strictement mercantile, au détriment des auteurs comme des éditeurs.
M. le rapporteur. L’amendement CL570 est rédactionnel. Sur l’amendement CL612, je suis plus réservé que sur le précédent. En effet, s’il est normal que les auteurs-chercheurs ou d’autres acteurs n’exploitent pas commercialement la version de l’article transmise à l’éditeur dans le cadre d’une activité d’édition qui les concurrencerait directement, je ne vois pas pourquoi les chercheurs ou d’autres entreprises ne pourraient pas, en revanche, créer de la valeur à partir de la réutilisation de l’article à d’autres fins qu’éditoriales.
M. Lionel Tardy. L’amendement CL29 est satisfait par l’amendement du rapporteur.
Mme la secrétaire d’État. Je suis favorable aux amendements CL570 et CL29.
L’article 17 vise notamment à empêcher un autre éditeur d’utiliser le produit publié de la recherche pour une autre exploitation commerciale. Nous souhaitons la diffusion libre, si possible gratuite, des savoirs.
Cependant, faire référence à une activité commerciale, et pas uniquement à une activité d’édition à caractère commercial, a pour conséquence d’exclure toute forme de commercialisation des produits de la recherche et développement, notamment lorsque celle-ci est menée dans une entreprise sur fonds publics. Cette restriction explique la réticence du Gouvernement à l’égard de l’amendement.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Il y a une incompréhension quant au but recherché. Il ne s’agit pas de limiter l’utilisation des travaux par d’autres acteurs économiques, mais de leur forme écrite, ce qui n’est pas exactement la même chose.
Toutefois, j’entends les remarques du rapporteur et je retire l’amendement.
L’amendement CL612 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL570.
En conséquence, l’amendement CL29 tombe.
L’amendement CL630 de la commission des Affaires économiques est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL473 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement impose de faire référence à la source des données et de citer le ou les auteurs ainsi que l’adresse où elles ont été rendues publiques. Cette précaution devrait être systématiquement prise.
M. le rapporteur. Dans le cas d’une œuvre, le chercheur est obligé de la citer. En revanche, pour les données, il n’est pas nécessaire de citer ces éléments, car aucun droit de propriété ne leur est attaché. Mais rien ne l’interdit. Il ne semble pas utile de modifier l’état du droit en la matière. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CL613 de la commission des Affaires culturelles.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Nous avons entendu, au cours des nombreuses auditions, les craintes des éditeurs sur les conséquences de l’article 17 : certains, il est vrai, sont dans une situation proche de l’oligopole, mais d’autres acteurs plus petits, dans le domaine des sciences humaines et sociales notamment, participent malgré tout à l’excellence de la recherche française. En dépit de la jurisprudence qui prévaut dans cette commission à l’encontre des demandes de rapport, je souhaite que le Gouvernement puisse réaliser une évaluation des conséquences économiques de cet article dans un délai de trois ans.
M. le rapporteur. Je souscris pleinement à votre analyse sur le besoin d’évaluer l’impact de cette loi sur le monde de l’édition. J’ai entendu, comme vous, l’inquiétude réelle et justifiée de ses représentants.
M. Gosselin et moi-même sommes rapporteurs de l’application de cette loi. Je vous propose de travailler avec nous dans ce cadre sur ce sujet.
Mme la secrétaire d’État. Toute transition bouscule l’ordre établi.
L’Assemblée nationale et les ministères se transforment parfois en bureau des plaintes lorsqu’il s’agit de faire adopter des réformes.
Je peux toutefois vous assurer que le ministère de la recherche est sensible aux préoccupations exprimées par les petits éditeurs, en particulier dans les sciences humaines et sociales, à telle enseigne qu’il s’est engagé à les accompagner sur plusieurs années, notamment en maintenant les abonnements des bibliothèques publiques à leurs revues.
La solution proposée par le rapporteur me semble la bonne. Il n’est pas question de tuer l’édition française. Nous devons l’inciter à évoluer et à trouver de nouveaux modèles économiques à l’ère numérique.
M. Philippe Gosselin. Nous sommes dans une phase de transition compliquée à gérer, avec un modèle économique à stabiliser. La proposition du rapporteur me paraît pragmatique. Je suis à sa disposition pour travailler, avec l’ensemble des rapporteurs pour avis, et, le moment venu, faire des propositions. Mais il ne faut pas trop tarder, car dans un an, nous serons à la veille d’échéances peu propices à l’exposé de conclusions.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. J’accepte la proposition subtile et habile du rapporteur, conciliant jurisprudence et bureau des plaintes. Je fais droit à sa demande en retirant mon amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 17 modifié.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL84 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et CL463 de M. Christian Paul.
M. Lionel Tardy. L’amendement CL84 vise à favoriser la circulation des données au sein de la communauté de la recherche. La capitalisation du travail de curation et de formatage des données, ce qu’on appelle le prétraitement ou la normalisation, est fondamentale pour les chercheurs. Il s’agit d’une demande forte de la communauté de la recherche. Il apparaît important de pouvoir mutualiser ce travail pour fournir un matériau directement exploitable par d’autres chercheurs. Le présent texte doit prévoir la conservation et la diffusion des jeux de données au terme de la recherche.
M. Christian Paul. L’amendement CL463 vise à favoriser l’exploitation des données à des fins de recherche publique. Un certain nombre de possibilités sont déjà inscrites dans notre droit mais, d’une effectivité très relative, sans commune mesure avec les besoins de la recherche. Il faut, on l’a souligné par ailleurs, manier des quantités considérables de données, à l’aide d’algorithmes ; bref, ces procédés de data mining, de fouille des données correspondent à une demande très forte en France. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont pris une avance importante ; c’est un enjeu essentiel pour la recherche française.
M. Luc Belot, rapporteur. La fouille de données est toujours possible, c’est la fouille de textes qui ne l’est pas, par le fait qu’elle impose de copier le texte en question, ce qui pose le problème du droit d’auteur. Ce dossier est en cours de discussion au niveau européen ; la Commission européenne de M. Junker a émis le souhait de « réviser les règles de l’Union afin de permettre aux chercheurs d’utiliser plus facilement les techniques de fouille dites data mining et de text mining pour analyser de grandes séries de données. L’éducation – poursuit la Commission – constitue une autre priorité. Je vous propose par conséquent de ne pas nous mettre en infraction avec le droit en vigueur et d’attendre l’évolution du cadre juridique européen. Je vous suggère donc de retirer vos amendements.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. En l’état actuel du droit, aucune des exceptions prévues par la directive européenne sur les droits d’auteur ne concerne l’exploration de textes, même si la Commission européenne a annoncé, le 9 décembre dernier, qu’elle ferait des propositions sur le sujet dès le printemps 2016. Dans ces conditions, il serait compliqué pour la France d’anticiper le cours des négociations prévues. Néanmoins, le Gouvernement a bien conscience de l’enjeu et notamment de l’importance pour la recherche française de conserver son attrait et donc ses moyens, en particulier ses moyens technologiques et numériques.
C’est pourquoi le Premier ministre a confié au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’au ministère de la culture et de la communication une mission destinée à faire converger tous les acteurs impliqués, notamment les éditeurs, afin d’aboutir à un accord. Ce dialogue est indispensable compte tenu du caractère très technique et très juridique de la question, et de la nécessité de mettre au point un dispositif qui apporte toutes les garanties nécessaires pour faire face au risque de dissémination des fichiers.
J’ajoute que le Royaume-Uni est le seul pays d’Europe à avoir mis en place une telle disposition qui entre en contravention avec le droit communautaire en vigueur. Du reste, une discussion est engagée au sein même du Parlement britannique sur les éventuels abus d’exploitation commerciale, au-delà des objectifs de recherche initialement affichés de ces pratiques.
Il est donc sans doute prématuré, à ce stade, je le répète, d’introduire une telle disposition dans le texte.
M. Christian Paul. J’entends les arguments avancés par la secrétaire d’État et je connais, comme chacun ici, l’état du droit européen et les exceptions à la directive de 2001. Cependant, il serait intéressant qu’à l’occasion du débat en séance publique, le Gouvernement, dans le cadre de la préparation de la révision des textes européens et moyennant, bien sûr, les précautions nécessaires, s’engage plus fermement à défendre cette exception. Je veux bien retirer mon amendement mais dans la perspective de le déposer de nouveau afin que nous ayons sur le sujet un débat public le plus dense, le plus précis possible.
L’amendement CL463 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CL84.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL30 de M. Lionel Tardy et CL88 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, et les amendements CL462 de M. Christophe Premat et CL615 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, également identiques.
M. Lionel Tardy. Nous retrouvons la question de la « liberté de panorama ». En 2011, j’avais proposé de l’introduire dans la loi, ce qui m’avait été refusé. Or nous sommes de plus en plus nombreux, et sur tous les bancs, à défendre cette position. Il en était question dans l’avant-projet de loi qui a fuité au cours de l’été ; depuis, plus rien ! Pourtant, la secrétaire d’État chargée du numérique s’est rendu compte, à la suite de la publication d’un tweet avec la photographie de la Tour Eiffel, qu’il était absurde de ne pas pouvoir légalement photographier les monuments situés dans des lieux publics et de ne pas pouvoir diffuser ces photographies.
Je rappelle que l’exception au droit d’auteur est en vigueur dans de nombreux pays européens et qu’en interdisant la publication de photographies, si une œuvre architecturale ou artistique protégée par le droit d’auteur apparaissait sur un site, ce dernier encourrait le risque de poursuites en contrefaçon. Certes, ce genre de poursuites n’est, à ma connaissance, jamais engagé, mais nous sommes là pour améliorer la loi, pour l’adapter aux évolutions techniques de la diffusion artistique. En d’autres termes, refuser cette exception ne servirait à rien.
En toute honnêteté, je ne vois pas l’intérêt qu’il y a à repousser sans cesse ce débat, sachant que la liberté de panorama a davantage sa place, vous en conviendrez, dans ce projet de loi dit de « liberté de création ». Une éventuelle opposition à tous les amendements concernant la liberté de panorama, une opposition au principe lui-même, serait incompréhensible et purement dogmatique. Il est temps de nous prononcer ensemble en faveur de son inscription dans la loi.
M. Patrice Martin-Lalande. Compte tenu de l’argumentation insurpassable de Lionel Tardy, je me bornerai à préciser qu’avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous poursuivons le même objectif avec l’amendement CL88…
M. Émeric Bréhier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation qui l’a adopté, je défends l’amendement CL615 qui participe de la même logique de liberté de panorama, tout en précisant que j’y suis, à titre personnel, défavorable. C’est pourquoi je préférerais qu’un des signataires de l’amendement prenne la parole.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Tout cela est très simple…
M. Christian Paul. Extrêmement simple. Le rapporteur pour avis a parfaitement expliqué la démarche de la commission des Affaires culturelles, tout aussi attachée au droit d’auteur que la commission des lois. Nous savons toutefois que la directive de 2001 prévoit de possibles exceptions – parmi lesquelles la liberté de panorama. Si nous avons adopté cet amendement, après un débat qui a duré en France pendant de nombreuses années, c’est parce que la situation nous paraît assez mûre pour que le législateur puisse ainsi en disposer. Il s’agit de la reproduction d’œuvres architecturales ou plastiques placées de façon permanente dans le domaine public.
Or l’absence de liberté de panorama s’apparente depuis très longtemps à une forme de privatisation de l’espace public ; aussi considérons-nous qu’il faudrait trouver un meilleur équilibre afin de ne pas pénaliser cette activité d’intérêt général qu’est la photographie urbaine, sans parler des usages privés qui peuvent en être faits sur les réseaux sociaux, même si les plaintes, il est vrai, sont rares. N’oublions pas non plus que la photographie urbaine offre, pour des œuvres d’architectes ou de plasticiens, l’occasion d’être plus largement diffusées.
M. le rapporteur. S’il est possible pour les États de transposer en droit national cette exception au droit d’auteur, effectivement prévue dans la directive 2001/29/CE, force est de constater que ce texte est précisément en cours de révision. Ce débat est fort ancien, vous le savez, et le dispositif envisagé compte autant de partisans farouches que de détracteurs qui ne le sont pas moins, et leurs échanges ne sont pas toujours un modèle de rationalité… Et même si ce n’est pas le cas des propos tenus par les uns et par les autres ce soir, qui restent mesurés parce qu’animés par la volonté d’avancer, je me dois de vous rappeler que la France a souligné avec constance quel pouvait être l’impact de la liberté de panorama.
On cite toujours le scintillement de la Tour Eiffel dont on peut faire un vine afin de le poster sur Facebook. Reste que, ce faisant, l’on prive de revenus certains artistes, revenus qui contribuent par ailleurs au financement de la culture ; c’est là une réalité objective. Cette pratique permet en outre une utilisation lucrative des œuvres par toute personne, sans demander leur autorisation aux auteurs ni les rémunérer. Or les artistes peuvent d’ores et déjà permettre l’utilisation gratuite de leurs œuvres.
J’entends les arguments de Christian Paul et Lionel Tardy sur l’usage de cette exception par les particuliers. Ne pourrons-nous pas profiter du temps qui nous sépare de l’examen du texte en séance pour préciser la rédaction de vos amendements sur ce point particulier, de façon à éviter les enjeux commerciaux ?
Mme la secrétaire d’État. Dans le monde numérique, l’écart est parfois très important entre les usages qui se développent chez les particuliers et le droit en vigueur ; c’est le cas ici. Néanmoins, il ne faut pas s’empêcher de réfléchir à l’opportunité d’avancer sur le sujet – je parle d’opportunité car nous savons que la question est inscrite à l’ordre du jour des discussions au niveau européen, et c’est davantage pour des raisons tactiques que le Gouvernement est défavorable au dispositif proposé. Je vous invite en effet à relire L’art de la guerre : il ne faut pas dévoiler ses positions avant d’avoir entamé les négociations. L’enjeu peut être grand pour certaines professions : les architectes, les photographes… Il s’agit d’être pleinement conscient de l’impact potentiel de l’introduction – qui nous semble donc prématurée – d’une telle mesure.
M. Lionel Tardy. L’argumentation du rapporteur et de la secrétaire d’État ne tient pas : on verra plus loin que nous allons prendre des décisions sur de nombreux sujets alors même qu’ils sont en discussion au niveau européen. Encore une fois, il s’agit d’une des exceptions optionnelles d’ores déjà prévue, mais que la France n’a pas encore transposée, alors que nombre d’autres pays européens l’ont fait sans qu’aucun préjudice pour les ayants droit des œuvres concernées ait pu être constaté. Ensuite, je constate que ce refus nuit au rayonnement du patrimoine français – plus de 3 milliards d’internautes sont tout de même concernés. Enfin, parmi les amendements en discussion, je préfère ma rédaction qui utilise le terme de « lieux publics » quand celui de la commission des Affaires culturelles parle d’« extérieurs publics ».
M. Philippe Gosselin. Cette question est importante en ce qu’elle touche au respect du droit d’auteur. La France a été précurseur en la matière depuis la Révolution, depuis les lois votées en 1848, en 1857, etc. Nous avons toujours eu le plus profond respect de l’auteur.
Pour ma part, je souscrirais à cette exception de panorama si elle s’appliquait à la photographie du particulier avec un monument en fond de décor – un joli selfie, par exemple : toi, moi, je t’aime, à la vie, à la mort, avec la Tour Eiffel derrière… Qu’il n’y ait pas de méprise, monsieur le président, monsieur le rapporteur, ce n’est pas à vous que je m’adressais ! (Sourires.)
M. le rapporteur. Quand on sait votre amour du mariage pour tous…
M. Philippe Gosselin. Précisément : de la même façon, je doute du panorama pour tous.
Pour en revenir au droit d’auteur, le principe de mettre tel ou tel monument en fond d’écran, y compris un monument contemporain dès lors qu’il se trouve dans l’espace public, pourquoi pas, dans la mesure où ce n’est pas le monument en question qui est le point essentiel pour le particulier ? En revanche, si je lis bien les amendements, ils concernent également, et c’est ce qui me pose problème, les usages commerciaux : cartes postales, magnets, objets publicitaires… Je ne vois pas au nom de quoi quelqu’un qui vendrait ces objets à Montmartre, au Mont-Saint-Michel ou ailleurs, priverait, le cas échéant, les sculpteurs, les artistes de leurs droits imprescriptibles. C’est en tout cas à la loi de garantir ce droit de propriété. Aussi la piste évoquée par le rapporteur d’envisager un distinguo entre l’utilisation privée et l’utilisation commerciale peut-elle constituer un élément de réflexion intéressant. En l’état actuel, le dispositif proposé me paraît ouvrir une brèche dans un droit à mes yeux essentiel.
Mme Isabelle Attard. Au sein de l’Union européenne, seules l’Italie, la France et la Belgique n’ont pas adopté la liberté de panorama. Dans les pays où elle est en vigueur aussi, il y a des architectes, des plasticiens qui ont réalisé des œuvres grandioses photographiées par des millions de touristes chaque année ; on ne me fera pas croire que ces pays ne se soient pas inquiétés d’un possible risque d’une perte de revenus lié à l’exercice de cette liberté. Je rejoins Lionel Tardy et Christian Paul sur le fait qu’il y va également de la renommée de notre patrimoine.
M. Philippe Gosselin. Mais il faut distinguer l’usage privé de l’usage commercial.
Mme Isabelle Attard. On peut en effet opérer une distinction, mais aujourd’hui les autres pays européens ne la font pas tous. Je ne pense pas qu’il soit possible de légiférer œuvre par œuvre, ce serait même aberrant : imaginez-vous un touriste devant consulter les textes pour savoir s’il peut ou non se faire photographier devant tel ou tel monument ?
Quoi qu’il en soit, l’absence de liberté de panorama pose problème : certains qui se sont fait photographier devant la petite sirène de Copenhague ont été obligés de retirer le cliché de leur page Facebook ! On ne peut pas non plus se faire photographier devant le viaduc de Millau et le poster sur les réseaux sociaux. C’est comme si je photographiais n’importe quelle couverture de livre sans pouvoir la poster sur ma page Facebook, à moins de verser des droits à l’auteur !
M. Christian Paul. Chacun sent bien, après cet échange, que le droit français est trop à l’étroit pour prendre en compte les évolutions de la photographie – je pense à la photographie numérique – mais aussi celles des échanges et des usages sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi je souhaite que ce débat se poursuive. On ne peut pas restreindre la liberté de panorama, monsieur le rapporteur, aux particuliers – Wikipédia, par exemple, se situe entre le commercial et le privé. Pour avancer, nous devons réfléchir à l’idée de donner au dispositif une visée non lucrative, même si ce n’est pas ma position. Il y a peut-être là une piste à explorer.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Je souscris pour ma part à la proposition du rapporteur.
M. le rapporteur. Il conviendrait de préciser, à la fin de l’amendement : « à l’exclusion de toute exploitation commerciale. » Je soumets cette proposition à votre réflexion.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vous suggère d’ajouter ces mots à la fin de l’amendement CL30 de M. Tardy qui utilise le terme de « lieux publics ».
M. Philippe Gosselin. La proposition de Christian Paul de distinguer la pratique commerciale de celle qui ne l’est pas est intéressante. Ne pouvons-nous pas profiter des quelques jours qui nous séparent de l’examen du texte en séance pour affiner notre réflexion ? Je ne refuserais pas de voter l’amendement CL30 dans sa nouvelle mouture, mais il conviendrait d’apprécier les conséquences du dispositif ainsi proposé.
Mme Karine Berger. Je prends un exemple pratique pour tâcher de mieux comprendre : imaginons qu’une personne fasse une photographie panorama et que Google l’utilise dans sa page d’appel et qu’on puisse cliquer dessus : cette pratique est-elle considérée comme commerciale ou non ? Pour moi, oui, mais qu’en pense le rapporteur ?
M. le rapporteur. C’est justement un des points que nous devrons préciser. Je propose à chacun de retirer son amendement pour que, dans les deux jours qui viennent et bien avant la limite de dépôt des amendements, je puisse vous proposer une nouvelle rédaction dans l’esprit qui nous anime, afin que nous reprenions sereinement ce débat en séance.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. La base de la discussion en séance serait donc l’ajout à l’amendement CL30 – qui évoque, j’y insiste, des « lieux publics » – des mots proposés par le rapporteur.
M. Lionel Tardy. Je veux bien retirer mon amendement, mais sous réserve que nous trouvions une vraie solution. Je rappelle tout de même qu’il a été adopté à l’unanimité par les membres de la commission des Affaires culturelles.
M. le rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles. Pas à l’unanimité, mon cher collègue !
M. Lionel Tardy. Quasiment… En tout cas il a été voté par des députés de tous les groupes.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. La précaution est simple : vous retirez tous vos amendements et les redéposerez si nous ne parvenons pas à régler le problème.
M. le rapporteur. Je vais déposer un amendement suffisamment tôt afin que chacun puisse prendre position.
M. Christian Paul. Soit, mais j’espère que ce procédé ne fera pas jurisprudence pour tous les sujets que nous allons aborder au cours de la soirée.
Les amendements CL30, CL88, CL462 et CL615 sont retirés.
La Commission examine l’amendement CL345 de Mme Isabelle Attard.
Mme Isabelle Attard. Il s’agit de mettre les livres numériques sur le même pied que les livres imprimés pour ce qui touche à la rémunération des auteurs et des éditeurs par les bibliothèques. Vous savez que pour les livres imprimés, une négociation s’engage à partir d’un catalogue imprimé. Nous proposons le même mécanisme pour les livres numériques. En effet, la négociation s’effectue jusqu’à présent éditeur par éditeur, livre par livre, si bien que seulement 14 % de l’offre numérique se retrouve dans les bibliothèques alors que les livres numériques sont l’avenir et qu’on ne saurait freiner leur utilisation.
M. le rapporteur. Je suis totalement favorable à l’idée que contient cet amendement. Nous avions déjà discuté, vous et moi, de ce type de dispositif. Cela étant, il pose un vrai problème : vous avez expliqué tout à l’heure que lorsque vous vous photographiiez devant un ouvrage vous alliez devoir payer des droits d’auteur ; or dans le cas d’un livre numérique, l’auteur ne toucherait rien… Vous évoquiez par ailleurs l’idée de réunir tous les acteurs du secteur autour du médiateur du livre. Soit le Gouvernement s’engage à lancer une vraie mission destinée à trouver la bonne solution, soit nous tâchons de parvenir à une meilleure rédaction de l’amendement d’ici à l’examen du texte en séance, car la vôtre me paraît en l’état compliquée au regard du droit d’auteur.
Mme la secrétaire d’État. On ne peut qu’encourager le prêt de livres numérique en bibliothèque ; cependant, contrairement à la liberté de panorama, il ne s’agit pas d’une exception au droit d’auteur pour laquelle le droit européen permet de déroger. Ce sujet fera partie des prochaines négociations de la directive relative aux droits d’auteur. Pour l’heure, la pratique consiste à n’autoriser le prêt de livres numériques que dans le seul cadre de licences, qu’il faut négocier.
La comparaison entre le livre numérique et le livre physique est délicate à établir dans la mesure où il s’agit d’un marché émergent, particulièrement en France où l’offre et la demande sont moins pressantes que dans beaucoup d’autres pays voisins. Le Gouvernement a donc préféré retenir le principe de la licence afin de préserver une certaine souplesse en termes de modèle économique et de modalités d’accès ainsi que pour favoriser le développement de ces usages.
À cet égard, une convention a été passée en 2014 avec les associations représentatives de huit professionnels du livre et la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) qui a formulé des recommandations pour une diffusion du livre numérique par les bibliothèques publiques, dans l’attente des négociations européennes qui ne manqueront pas de se dérouler très prochainement.
Mme Isabelle Attard. Je précise que lorsque je parlais tout à l’heure de payer des droits d’auteur sur un livre avec lequel je me serais faite photographier, c’était de l’humour… Il est certain que, compte tenu des freins qui font obstacle à leur consultation, le marché français des livres numériques ne risque pas de se développer très rapidement ! C’est le serpent qui se mord la queue… alors qu’à l’extérieur de nos frontières, il est en pleine expansion, et les éditeurs français de livres numériques le savent parfaitement.
Il s’agit aussi de simplifier la vie des bibliothécaires contraints de négocier livre par livre avec chaque éditeur, chacun imposant ses conditions particulières. Ainsi, certains ouvrages numériques ne peuvent être prêtés que cinq fois, d’autres deux ou trois fois : personne ne peut se sortir d’une situation aussi aberrante !
La Commission rejette l’amendement CL435.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL631 de la commission des Affaires économiques.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. La commission des Affaires économiques avait déposé un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement relatif aux conséquences de la politique d’ouverture d’open access sur le marché de l’édition, même si j’ai bien compris que ce mot est tabou à la commission des lois…
Je persiste à croire que, lorsque les positions sont aussi antagonistes, quel que soit le sujet, il n’est pas inutile de les analyser objectivement ; toutefois, je me rallierai à la position du rapporteur en espérant que l’impact des mesures que nous allons adopter sera étudié, mais aussi qu’une étude prospective sera conduite sur l’accompagnement et l’adaptation des modèles.
Précisons par ailleurs que si nous demandons ces rapports, c’est aussi parce que les études d’impact accompagnant les projets de loi ne sont pas suffisamment documentées – et dans le cas présent, c’est justement ce qui, pour une part, explique la tension constatée entre les acteurs.
M. le rapporteur. Je tiendrai peut-être des propos encore plus sévères que les vôtres au sujet de l’étude d’impact, même si la version que nous avons reçue a été étoffée depuis la présentation du projet de loi devant le Conseil d’État, ce qui est heureux. Cela étant, je constate que les études d’impact proviennent du Gouvernement, ce qui n’est pas sans inconvénient ; il y a peut-être là une piste de travail à explorer dans notre réflexion sur l’amélioration de notre fonctionnement démocratique…
M. Philippe Gosselin. Intéressant !
M. le rapporteur.… quelles que soient la majorité et la législature. Je ne peux donc qu’encourager ma collègue Corine Ehrel à retirer son amendement comme elle l’a laissé entendre, tout en suggérant, en accord avec M. Gosselin, de poursuivre avec elle la réflexion dans le cadre du rapport d’information sur l’application de la loi.
M. Philippe Gosselin. Tout porte à croire que le rapport d’information sur l’application de la loi sera conséquent, monsieur le rapporteur…
L’amendement est retiré.
Article 18
(art. 22, 25, 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés)
Procédure d’accès à certaines données publiques à des fins statistiques par l’intermédiaire du numéro d’inscription au répertoire (NIR)
Le présent article vise à assouplir les formalités préalables à la mise en œuvre de traitements automatisés à des fins statistiques ou de recherche publique à partir des données comprenant le numéro de sécurité sociale (NIR) afin de permettre l’appariement des sources de données entre elles.
L’appariement de sources de données provenant de disciplines différentes (180) permis par le présent article poursuit un double objectif : autoriser des appariements de fichiers jusqu’alors impossibles en France de nature à répondre à de nombreuses questions que se posent les pouvoirs publics ou les parlementaires au moment de prendre une décision publique ou d’adopter une nouvelle loi et produire davantage d’information statistique de qualité tout en réduisant significativement la charge d’enquêtes auprès des ménages et des entreprises.
Actuellement, le NIR constitue un des moyens les plus fiables de garantir un appariement exact entre deux fichiers. Or, l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 précitée précise que l’utilisation du NIR ne peut être mise en œuvre que si le traitement a été autorisé par un décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dès lors que ce traitement de données à caractère personnel est mis en œuvre pour le compte de l’État, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public.
Les administrations de l’État, en particulier celles qui composent le service statistique public et les organismes de recherche, notamment universitaires, doivent donc obtenir l’autorisation de ce traitement par un décret en Conseil d’État. Or, dans la pratique, cette exigence s’est souvent révélée insurmontable pour les organismes universitaires ou de recherche, puisque très rares sont ceux qui ont pu obtenir qu’un ministre prenne l’initiative de porter un décret en Conseil d’État pour permettre un appariement dans le cadre d’un projet de recherche. Seules des administrations appartenant au service statistique public ont pu, grâce à l’appui de leur ministre de tutelle, mettre en œuvre la procédure prévue par la loi. Les démarches sont toutefois très lourdes.
Afin de lever ces difficultés et d’améliorer la qualité de la recherche française en sciences humaines et l’évaluation des politiques publiques nationales, le présent article propose de créer deux nouveaux dispositifs d’appariement distincts, pour le service de statistiques public d’une part et pour les organismes de recherche d’autre part, garantissant un haut niveau de protection des données personnelles grâce à la mise en place d’un cadre de sécurité organisationnel et informatique très strict.
1. Création d’une clé d’appariement unique commune à toutes les sources statistiques au bénéfice du service statistique public assortie d’une procédure de déclaration préalable auprès de la CNIL
Par dérogation aux 1° du I et II de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978, qui imposent de recourir à un décret en Conseil d’État pour autoriser un traitement de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État par une personne morale de droit public ou par une personne morale de droit privé gérant un service public à partir du NIR, le I du présent article introduit une procédure simplifiée en renvoyant à la procédure de déclaration préalable du traitement auprès de la CNIL, prévue par l’article 22 de la même loi.
Le nouveau I bis de l’article 22 permet de soumettre à une déclaration préalable à la CNIL un traitement de données afin de procéder à des appariements sur la base du NIR, ou par consultation du fichier NIR, sous trois conditions cumulatives :
– les traitements doivent avoir exclusivement des finalités de statistiques publiques, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être mis en œuvre que par le service statistique public qui regroupe l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et les services statistiques ministériels (181) ;
– les traitements ne doivent comporter aucune des données personnelles mentionnées au I de l’article 8 (c’est-à-dire les données personnelles faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale, les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle) ou à l’article 9 de la même loi (données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté) ;
– les appariements sur la base du NIR (qui permet de connaître directement le sexe de l’individu ainsi que son année, son mois, son département et sa commune de naissance) seraient remplacés par des appariements sur la base d’une clé d’appariement non signifiante après une opération cryptographique. La clé d’appariement, qui correspond à un code statistique non signifiant (CSNS), sera commune à toutes les sources statistiques mais permettrait de circonscrire le traitement de données concernées au sein du seul service statistique public.
La procédure de déclaration préalable des traitements sur la base de l’identifiant unique auprès de la CNIL serait celle de droit commun : la déclaration mentionnée aux articles 22 et 23 de la loi du 6 janvier 1978 comporte l’engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi et donne lieu à l’établissement d’un récépissé qui permet de mettre en œuvre les traitements. Les traitements relevant d’un même organisme et ayant des finalités identiques ou liées entre elles peuvent faire l’objet d’une déclaration unique.
Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, définira les modalités d’application de ce dispositif, et notamment les exigences auxquelles doit répondre l’opération cryptographique. Selon l’étude d’impact, cette opération devrait être réalisée par l’INSEE de manière irréversible, le décret précisant les méthodes et le schéma organisationnel utilisés pour le chiffrement. Le dispositif de création du CSNS reposera sur une technique de chiffrement permettant de faire correspondre un CSNS à un NIR grâce à un algorithme de chiffrement associé à une clé secrète de chiffrement unique : ce processus permettra à chaque NIR d’avoir un correspondant mais ne permettra pas de recalculer le NIR d’origine à partir du CSNS en l’absence de la clé de chiffrement.
Ce décret devra également préciser les conditions dans lesquelles le service statistique public peut utiliser l’identifiant unique (ou CSNS) pour l’ensemble des statistiques publiques. Celles-ci regroupent l’ensemble des productions issues des enquêtes statistiques dont la liste est arrêtée chaque année par un arrêté du ministre chargé de l’économie et de l’exploitation, à des fins d’information générale, de données collectées par des administrations, des organismes publics ou des organismes privés chargés d’une mission de service public.
Selon les informations transmises à votre rapporteur par le directeur général de l’INSEE, M. Jean-Yves Tavernier, il y aura une « muraille de Chine » entre le service établissant l’identifiant unique (service gestionnaire du répertoire national d’identification des personnes physiques, unité dédiée au sein de l’INSEE d’une dizaine de personnes) et les services l’utilisant (services statistiques de l’INSEE et services statistiques ministériels). L’étude d’impact relative au présent article confirme que : « le même décret en Conseil d’État précisera que l’organisme ou le service qui a effectué l’opération cryptographique, et qui donc détient la clé associée à l’opération cryptographique, ne peut avoir accès aux données confidentielles indexées par le CSNS. Ce décret sera rédigé en collaboration avec l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information] ». L’objectif est de mieux séparer les usages statistiques (utilisation du CSNS) des usages administratifs (usage du NIR).
Selon la même étude d’impact, l’identifiant unique ne sera pas permanent et devrait être changé tous les cinq ou dix ans. Le décret précisera donc les modalités de stockage et de conservation des clés de chiffrement.
L’impact de cette mesure sur la statistique publique est important :
– elle permettra de mieux séparer les usages statistiques des usages administratifs et d’apporter des garanties supplémentaires en termes de confidentialité lors de travaux statistiques sur les fichiers car le CSNS n’est pas nominatif contrairement au NIR ;
– elle devrait accroître l’efficience de la production de la statistique publique en définissant un cadre mutualisé et sécurisé pour la réalisation d’appariement, ce qui augmentera l’efficacité globale de production de statistique ;
– elle devrait permettre d’augmenter la qualité de certains appariements réalisés aujourd’hui et réduire les coûts de réalisation d’étude en limitant le recours à des enquêtes.
2. Création d’une clé d’appariement pour chaque projet de recherche scientifique ou historique après autorisation de la CNIL
Le II du présent article vise à remplacer la procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL en application des 1° du I et du II de l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 précitée, par la procédure d’autorisation du traitement de données par la CNIL, prévue au I de l’article 25 de la même loi, pour chaque projet de recherche scientifique ou historique nécessitant des appariements de données personnelles parmi lesquelles figure le NIR ou qui requièrent une consultation du répertoire NIR. Il est donc créé un nouveau 9° à l’article 25 précité.
Comme pour la statistique publique, les données sensibles mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 restent exclues du champ de l’article.
Contrairement à ce qui est prévu pour la statistique publique, une clé de chiffrement différente sera créée pour chaque projet de recherche, aboutissant à des NIR chiffrés différents pour chaque appariement. Il sera créé en conséquence, pour chaque appariement, un code recherche dédié non signifiant (CRDNS) spécifique. Celui-ci serait obtenu par une opération cryptographique analogue à celle opérée pour la statistique publique, c’est-à-dire par séparation des données identifiantes des données informatives. Le CRDNS ne pourra donc pas être utilisé en dehors du projet de recherche pour lequel il a été créé.
Il est précisé que l’opération cryptographique, et, le cas échéant, l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du CRDNS qui en est issu, sont assurés par une personne distincte de la personne responsable du traitement. Concrètement, un tiers de confiance, dit « identité », sera chargé de récupérer les données NIR produites par des producteurs A et B puis de les crypter afin de déterminer un CRDNS pour chaque projet de recherche. Il renverra alors à chaque producteur A et B les données identifiantes et le CRDNS pour qu’ils établissent une table de correspondance. Chaque producteur enverra ensuite la table résultante à un autre tiers de confiance, dit « appariement et mise à disposition », afin que celui-ci réalise l’appariement selon le CRDNS et renvoie le résultat de cet appariement au responsable du traitement. Le CRDNS est ensuite supprimé une fois l’opération d’appariement réalisée. Dans ce schéma, le premier tiers de confiance n’a connaissance que des variables identifiantes et le deuxième tiers de confiance n’a connaissance que de données sans aucune information sur les identités.
Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, ces tiers de confiance seront des organismes offrant des garanties en matière de confidentialité et de sécurité définies par le décret d’application. Les tiers de confiance « identité » pourraient être l’unité dédiée de l’INSEE en charge de la gestion du NIR, l’imprimerie nationale ou la caisse nationale d’assurance vieillesse. Les tiers de confiance « appariement et mise à disposition » pourraient être le centre d’accès sécurisé aux données (CASD) du groupe des écoles nationales d’économie statistiques (Genes) ou un organisme offrant des garanties d’indépendance et de sécurité équivalentes. Dans tous les cas, les tiers sollicités devront obligatoirement être indiqués dans la demande d’autorisation et être approuvés, en conséquence, par la CNIL.
Un décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la CNIL définira les modalités d’application de ce dispositif, et notamment les méthodes et le schéma organisationnel utilisés pour le chiffrement du NIR. Ce décret précisera également les conditions techniques de sécurité pour la réalisation des opérations d’appariement afin de garantir la confidentialité et la traçabilité des données.
Cette nouvelle procédure d’autorisation par la CNIL offrira désormais la possibilité de procéder à des appariements de données inédits dans le cadre de travaux de recherche tout en garantissant la confidentialité des données personnelles.
Enfin, le III procède en conséquence aux coordinations nécessaires pour introduire les nouvelles exceptions à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978.
Dans leur avis, la CNIL et le Conseil d’État ont considéré que le présent article permet une simplification des formalités préalables applicables tout en encadrant de garanties suffisantes la mise en œuvre des traitements comportant un NIR crypté.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements visant à clarifier le dispositif proposé par le Gouvernement.
S’agissant de la procédure de déclaration simplifiée auprès de la CNIL des traitements réalisés par le service statistique public sur la base du NIR, il est précisé que :
– seuls les services de la statistique publique auront connaissance du code non signifiant et pourront l’utiliser pour garantir davantage de sécurité ;
– les opérations visant à chiffrer le NIR devront obéir au même régime de déclaration simplifié que le traitement de données auquel elles se rapportent afin de rendre le dispositif opérationnel.
S’agissant de la procédure d’autorisation des traitements de données à des fins de recherche scientifique ou historique auprès de la CNIL, trois modifications ont été apportées :
– votre Commission a soumis à un régime simplifié d’autorisation les traitements portant sur des données comportant le NIR dès lors que celui-ci a été chiffré. Dans le cas contraire, l’article ne serait pas opérationnel car le chiffrement du NIR, par le tiers de confiance, resterait soumis à la procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État en vigueur aujourd’hui ;
– votre Commission a maintenu la possibilité pour les chercheurs qui souhaiteraient réaliser des traitements comportant des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 et à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 précitée, d’être autorisés à le faire par décret en Conseil d’État ;
– votre Commission a précisé qu’il fallait bien distinguer deux tiers de confiance à côté du responsable du traitement de données : le premier tiers de confiance n’a connaissance que des variables identifiantes et est chargé de les crypter pour obtenir un code spécifique non signifiant pour chaque projet de recherche (CRDNS) ; le second tiers de confiance n’a connaissance que de données cryptées sans aucune information sur les identités et procède à l’appariement des données cryptées issues du CRDNS.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL575 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL572 du rapporteur.
La Commission est saisie de l’amendement CL605 de la commission des Affaires sociales.
Mme Hélène Geoffroy, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales. L’article 18 est intéressant pour la statistique et la recherche publique car il permet de rénover les conditions d’accès au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) ; c’est une de ses principales avancées. Plusieurs garanties sont toutefois apportées à la protection de la vie privée telle la création d’un tiers de confiance au sein de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), seul habilité à détenir la clé de chiffrement. Un passage est ainsi créé entre le NIR, qui est identifiant, et un code statistique non signifiant qui permet d’appareiller des données.
Au titre de ces garanties figure le renouvellement de l’opération cryptographique qui substitue au NIR ce fameux code statistique non signifiant. Selon l’INSEE, la fréquence de ce renouvellement devrait être fixée entre cinq et dix ans afin de concilier à la fois la protection des identités et la souplesse des procédures.
Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi une espérance de vie limitée du code statistique non signifiant tout en laissant au décret prévu par le présent article le soin d’en préciser la durée.
M. le rapporteur. La présentation de votre amendement m’inciterait à émettre un avis favorable ; malheureusement, l’alinéa concerné comporte déjà douze lignes et sa lecture risquerait de s’en trouver alourdie. Je vous propose de le retirer afin que, d’ici à l’examen en séance, nous puissions en reprendre la rédaction dans une phrase spécifique ; je pourrais alors émettre un avis favorable en séance.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Hélène Geoffroy. Je retire mon amendement sur la foi des propos du rapporteur en rappelant que la commission des Affaires sociales a été sensible au fait que le NIR comprend le numéro de sécurité sociale des personnes et que la protection de ce type de données est un enjeu indispensable.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL573 et CL574 du rapporteur et CL604 de la commission des Affaires sociales.
Mme Hélène Geoffroy. Mon amendement CL573 est de clarification rédactionnelle, la rédaction proposée étant obscure. Il s’agit de circonscrire le traitement des données au seul service de la statistique, ce qui n’est ni l’objet ni la conséquence de l’opération cryptographique ; cela doit être précisé.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Monsieur le rapporteur, les trois amendements concourent à la suppression d’une redondance : quel est votre choix ?
M. le rapporteur. La combinaison de mes amendements CL573 et CL574 satisfait l’amendement CL604 dont je demande le retrait.
Mme Hélène Geoffroy. Soit, mais vous remarquerez que je parvenais au même objectif en un seul amendement, ayant cru comprendre que la concision était une tradition de la commission des Lois…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Voilà une courageuse perfidie en ce lieu ! Mais vous avez raison de vous défendre…
L’amendement CL604 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL573.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL574 du rapporteur.
Puis elle adopte l’amendement de précision CL545 du rapporteur.
La Commission étudie ensuite l’amendement CL546 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’article 18 prévoit actuellement d’exclure du régime simplifié d’autorisation les traitements comportant certaines données sensibles.
L’étude réalisée en 2014 par le Conseil d’État recommandait que la loi soumette à une procédure d’accès sur autorisation les traitements qui utilisent des données sensibles. Dans la mesure où les traitements mentionnés dans le II de cet article font l’objet d’une procédure d’accès sur autorisation de la CNIL, il n’est dès lors pas nécessaire d’exclure les données mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 du champ de la recherche scientifique et historique.
Grâce à cette modification, les travaux de recherche utilisant le NIR et des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 pourront être autorisés grâce à l’une ou l’autre de ces deux procédures. S’ils ont recours au chiffrement du NIR prévu par le présent article, ils devront obtenir l’autorisation de la CNIL prévue au I de l’article 25 – dans le cas contraire, s’ils ne souhaitent pas avoir recours au chiffrement du NIR, ils conserveront la possibilité de demander l’autorisation par décret en Conseil d’État. C’est une simplification du dispositif.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.
Mme Delphine Batho. J’émets les plus grandes réserves sur cette dérogation aux principes fondateurs énoncés par l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui a pris naissance à la suite d’un projet de grand fichier interconnecté. J’étudierai la question plus avant dans la perspective du débat en séance publique. Faisons très attention : la dérogation donnée ici pourrait valoir pour d’autres données sensibles.
M. Philippe Gosselin. J’entends le rappel aux conditions historiques qui ont présidé à l’adoption de la loi du 6 janvier 1978 ; d’ores et déjà, un certain nombre d’exceptions sont autorisées et très encadrées par cette loi, et la rédaction proposée me paraît apporter toutes les garanties.
Mme la secrétaire d’État. Je souhaite souligner que les données concernées – données fiscales ou relatives à la santé – sont déjà soumises à une autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Il n’est pas question de revenir sur ce principe et le droit commun, qui est celui de la loi informatique et libertés de 1978, continue de s’appliquer. En revanche, l’intérêt pour les chercheurs de la possibilité de croiser ces données est indéniable ; j’en veux pour preuve l’engagement pris par M. Thomas Piketty lors de la consultation publique, qui a témoigné de l’utilité pour les chercheurs français du recours à ce type de procédure qui leur permet de mener des travaux de recherche plus objectifs sans pour autant menacer la protection de la vie privée et des données personnelles.
Mme Delphine Batho. Je demeure vigilante, car toutes les données mentionnées au I de l’article 8 sont visées ; il ne faudrait pas verser dans des regroupements de données – des statistiques ethniques, par exemple – dont nous n’aurions pas mesuré la portée.
La Commission adopte l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CL 548 rectifié du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement de conséquence permet la mise en œuvre de dispositions que nous venons d’adopter : le recours au décret pour la CNIL ayant été supprimé, il faut aussi supprimer le décret prévu pour les opérations cryptographiques.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CL544 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 18 modifié.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL341 et CL342 de Mme Isabelle Attard, CL460 de M. Christian Paul, CL117 de Mme Delphine Batho, CL616 et CL617 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation.
Mme Isabelle Attard. Le domaine public, ou domaine commun informationnel, ne concerne en rien le droit d’auteur, lequel dispose que, soixante-dix ans après la mort de l’auteur, l’œuvre tombe dans le domaine public et peut-être réutilisée par des auteurs contemporains qui créent ainsi de nouvelles ressources, y compris économiques. Au-delà de ces questions, ces biens appartiennent à l’humanité entière.
Nous avons besoin d’une définition positive parce qu’aujourd’hui, elle fait défaut ; le domaine public est de plus en plus attaqué par d’autres droits, comme le droit des marques. Ainsi, les ayants droit de Sir Arthur Conan Doyle, qui est mort depuis bien longtemps, ont déposé une marque, ce qui fait qu’aujourd’hui aucune production ayant trait à Sherlock Holmes, livre, film, pièce de théâtre, etc., ne peut être réalisée sans l’accord des ayants droit. C’est de telles situations que résulte la nécessité de définir ce qu’est le domaine commun, non informationnel, non plus en creux comme c’est le cas aujourd’hui, mais bien de façon positive.
Une autre pratique se répand également, celle du copyfraud – fausse déclaration de droit d’auteur qui consiste à faire acquitter des droits de façon abusive alors que l’œuvre concernée appartient déjà au domaine public. Notre législation ne prévoit aucun recours contre ces pratiques. Je peux en témoigner : sur les ordres de ma hiérarchie, à l’époque, j’ai été conduite à faire payer des droits d’utilisation pour des images numérisées appartenant au domaine public depuis plus de mille ans. Les exemples abondent : le département de la Dordogne a exigé des droits d’auteur pour des reproductions de peintures de la grotte de Lascaux – dix-sept mille ans après la disparition de ses créateurs ! La Bibliothèque nationale de France (BNF) impose des licences d’utilisation commerciale pour des œuvres remontant à plusieurs siècles.
Nous devons adopter un texte fiable, limitant les recours contentieux devant les tribunaux qui sont engorgés par des débats portant sur la notion d’appartenance ou non au domaine public. Par ailleurs, notre législation ne permet pas aujourd’hui à un auteur de déposer de façon volontaire ses œuvres dans le domaine public ; il n’y a pas d’autre ressource que le recours aux licences creative commons, ce qui revient à contourner une carence législative.
Mon amendement CL342 est de repli : il ne propose pas la possibilité du dépôt d’une œuvre dans le domaine public du vivant de son auteur.
M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. L’amendement CL616 a été adopté par la commission des Affaires culturelles, sur la proposition de Christian Paul notamment, mais contre mon avis. Toutefois, j’estime qu’il doit être possible de trouver, d’ici à l’examen du texte en séance, une rédaction susceptible de franchir une étape dans la mise en place de ce droit positif.
M. Christian Paul. Mon amendement CL460 a le même but, nos motivations sont inscrites dans la révolution numérique depuis de nombreuses années : la problématique des biens communs informationnels a ainsi été totalement renouvelée par la révolution numérique, et l’apparition des logiciels libres comme la mise à disposition d’œuvres de l’esprit de toute nature sous licence creative commons procède de ces évolutions.
Mon amendement veut fonder la reconnaissance en droit positif des biens communs informationnels qui constituent des œuvres nouvelles ; à la commission des Afaires culturelles, j’entendais hier une inquiétude relative à des œuvres physiques comme les tableaux des musées : elles ne sont pas visées. Le domaine public informationnel concerne des œuvres relevant de trois catégories : les œuvres non appropriables, les œuvres dont les droits patrimoniaux sont échus, celles enfin pour lesquelles les auteurs ont donné des droits de copie ou autre.
Cette définition du domaine public informationnel ne crée aucune spoliation, elle ne contrarie pas le droit d’auteur ; nous voulons donner au droit positif une notion qui n’existe aujourd’hui qu’en creux. Il faut en effet protéger ce domaine des revendications indues de droits, illustrées par la pratique du copyfraud, par exemple.
Nous présenterons également un amendement sur les licences ouvertes qui permettent à des auteurs de définir librement les droits dont ils souhaitent entourer leurs œuvres dans des conditions adaptées aux réalités d’aujourd’hui. La révolution numérique permet des progrès, sans que cela soit au détriment des auteurs.
Mme Delphine Batho. La rédaction proposée – excellente – de mon amendement CL117 est directement issue de l’avant-projet de loi. Le concept de biens communs informationnels se fonde sur la logique de l’article 714 du code civil qui dispose qu’« il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous ». Je m’interroge sur les raisons pour lesquelles cette disposition intelligente a été retirée du texte que nous examinons aujourd’hui : elle était attendue dans la mesure où elle marque un réel progrès au regard de la notion de biens communs.
M. le rapporteur. J’observe que les biens communs informationnels font l’objet de débats nourris depuis des années et que les protagonistes sont incapables d’échanges de qualité. Les avis émis par des commissions, des conseils supérieurs de propriété littéraire et artistique, susceptibles de varier en fonction des circonstances, ne font que bloquer ce dialogue qui piétine. Je laisserai le soin à Mme la ministre de répondre à Delphine Batho, car ce n’est pas à moi que sa question s’adressait… Je suppose toutefois qu’entre la version initiale du texte et ce retrait, le constat a probablement été le même que le mien — et que celui d’Emeric Bréhier lorsqu’il s’est penché sur la question : un vrai travail de fond reste à mener par-delà les oppositions rencontrées.
L’ensemble des arguments avancés doit être analysé, y compris ceux de Christian Paul. Bien des notions gagneraient à être précisées au sujet du droit de propriété intellectuelle ; les arguments formulés il y a peu par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) doivent aussi être pris en compte. La référence à l’article 714 du code civil revient à abolir la propriété sur les œuvres, et sur leur support matériel quand il est indissociable. Vous considériez tout à l’heure que les tableaux des musées n’étaient pas concernés, mais l’échéance du droit patrimonial n’éteint pas pour autant le droit moral.
Je ne proposerai pas un rapport — j’en ai refusé beaucoup —, mais si je suis convaincu qu’un vrai travail, en sortant des ornières d’un dialogue de sourds, doit être mené, je ne pense pas pour autant qu’une telle réflexion soit susceptible d’aboutir à temps, même pour la première lecture au Sénat. Dans ces conditions, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable ; mais je demande, Mme la ministre, qu’un vrai travail soit conduit par-delà des points de vue qui resteront à jamais inconciliables.
Mme la secrétaire d’État. Je partage le constat établi par le rapporteur : les prises de position relatives au domaine commun informationnel sont souvent radicales, et ne s’accompagnent pas d’une volonté de rejoindre le point de vue des parties en présence. Je comprends néanmoins les préoccupations exprimées par les porteurs de ces amendements ; j’ai effectivement eu connaissance de la rédaction proposée puisqu’elle figurait dans les avant-projets du texte examiné aujourd’hui. C’était la seule disposition à inclure une telle mention, son maintien dépendait de la conclusion satisfaisante susceptible d’être obtenue sur le plan juridique, alors même que la définition — y compris celle proposée par les amendements — demeurait relativement vague : il s’agit de modifier le code civil et elle ne met personne d’accord, ni les juristes appuyant les ayants droit, ni ceux qui défendent le principe des biens communs. Reste que jamais ce sujet n’avait été à ce point porté sur la place publique, ce qui, en soi, me paraît bon et sain.
Ce débat doit également nous conduire à observer ce qui se passe en dehors de nos frontières : il a aussi cours en Amérique latine, en Italie, au Royaume-Uni, où il n’a pas davantage abouti. La consigne donnée par le Premier ministre a été de poursuivre le travail, jusqu’à trouver la formulation juridique à même de couvrir le domaine commun informationnel ; comme le rapporteur, je doute que cette définition puisse être trouvée avant l’examen du texte en séance publique. Le Gouvernement s’est engagé à mener à bien une réflexion objective, probablement en confiant une mission à un tiers qui serait aussi neutre et impartial que possible ; il me paraît urgent de sortir d’une certaine hystérie sur ce sujet.
En ce qui concerne le domaine commun volontaire, il s’agit de donner la possibilité de se déposséder volontairement de ses droits et de laisser d’autres personnes en disposer librement ; or l’état actuel du droit permet à chaque auteur d’autoriser l’utilisation de ses œuvres par l’établissement d’un contrat. Il me semble que, dans ce domaine, il est essentiel de laisser toute liberté à la volonté contractuelle des parties par le truchement d’un accord susceptible d’aménagement ou par le recours à un contrat type. Par ailleurs, une incertitude juridique plane encore sur ce domaine commun volontaire puisque nous ne maîtrisons pas complètement les conséquences d’un éventuel abandon des droits : qu’adviendra-t-il des droits des tiers bénéficiaires, si, par exemple, l’auteur décide de reprendre les siens ?
Je ne peux dans ces conditions qu’encourager les parlementaires à poursuivre leur réflexion sur ces questions passionnantes qui témoignent certainement d’une tendance nouvelle, liée aux usages du numérique, mais qui ne sont pas encore suffisamment mûres pour figurer dans un texte de loi.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Ne souhaitant pas prolonger ce vaste débat inutilement, car je pressens que toute solution de convergence ne serait qu’une très malencontreuse improvisation, je me bornerai à demander aux auteurs des amendements s’ils les retirent, et nous passerons ensuite au vote.
Mme Isabelle Attard. Mes amendements CL341 et CL342 sont maintenus.
Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement CL117, en attendant qu’on avance.
M. Christian Paul. Je maintiens également mon amendement CL460. Ce débat dure depuis au moins dix ans à l’Assemblée nationale, il n’est donc pas récent. Nous ne sommes pas non plus en train de préparer la signature d’un contrat entre les uns et les autres : nous écrivons la loi, c’est une question de courage politique, il faut trancher sur ces sujets qui ont fait l’objet de thèses de juristes universitaires, de part et d’autre. Il appartient à présent au Parlement d’écrire la loi sur les biens communs informationnels.
M. Émeric Bréhier, rapporteur pour avis. Quel que soit mon avis personnel, je ne peux retirer un amendement adopté par ma commission.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL480 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Nos concitoyens utilisent couramment les outils numériques et l’internet, et tout se fait en auto-apprentissage. L’auto-apprentissage est bien sûr quelque chose de formidable, mais ce n’est pas un facteur de progrès pour notre société. Et surtout, cela ne permet pas de créer de la valeur ajoutée derrière, alors que nous n’avons de cesse de consommer la valeur ajoutée créée par les autres : j’en veux pour preuve que les GAFA, les géants du Web, sont tous des entreprises américaines, dont les sièges se trouvent en Irlande.
Je propose, par cet amendement, qu’une formation aux langages et aux usages des outils numériques et de l’internet soit apportée aux élèves et étudiants de tous les établissements d’éducation, en fonction de leur âge et de leur maturité. Appuyée sur l’utilisation comme sur l’élaboration desdits langages et outils numériques, leur intégration dans les autres disciplines enseignées est facilitée par les programmes officiels et par les équipements matériels et logiciels mis à disposition des élèves. Une partie des apprentissages ainsi permis est valorisée par la délivrance d’un titre délivré à l’élève ou à l’étudiant à chaque fin de cycle.
M. le rapporteur. Vous prêchez un convaincu : la quasi-intégralité de ma réserve parlementaire est dédiée à l’équipement numérique des écoles de ma circonscription… Nous avons déjà évoqué ce point à l’occasion d’un amendement de Mme Coutelle et j’ai rappelé que ces éléments sont très largement pris en considération dans le cadre de la refondation de l’école et des nouveaux programmes, y compris au niveau de la formation initiale et continue des enseignants, ce qui n’était pas toujours le cas. Je pense que votre souci est satisfait.
Mme la secrétaire d’État. Jamais l’enjeu du numérique à l’école n’a été soutenu avec autant de volonté politique au plus haut niveau de l’État, ni avec autant de moyens dédiés – je pense au plan numérique à l’école lancé cette année par le Président de la République, mais on pourrait aussi parler de l’apprentissage du code informatique à l’école ou encore des appels à projets lancés dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Il n’y a pas besoin d’une loi pour avancer sur le sujet ; le niveau normatif s’impose d’autant moins que ces objectifs sont déjà inscrits dans la loi pour la refondation de l’école et celle relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. L’amendement pourrait donc être retiré au bénéfice de ces actions très concrètes.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vais le retirer, mais je considère qu’il ne faut pas restreindre ce qui concerne la jeunesse au ministère chargé de l’éducation. Inscrire dans une loi sur le numérique que notre jeunesse a vocation à être formée permettrait de graver l’objectif dans le marbre, ce qui lui éviterait de disparaître un jour sans que personne s’en aperçoive…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vous emmènerai dans mes écoles primaires, où le numérique est entré depuis longtemps. Le problème n’est pas là où il est déjà entré, mais là où il ne peut entrer.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis bien d’accord. La région Languedoc-Roussillon a financé à hauteur de 15 millions d’euros par an l’achat d’ordinateurs portables et de logiciels associés pour tous les élèves de tous les lycées de la région.
M. Philippe Gosselin. Il existe déjà le brevet informatique et internet, qui est une attestation de compétence.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mes trois enfants l’ont tous eu. Ce n’est pas le niveau dont nous avons besoin aujourd’hui.
Cet amendement est retiré.
TITRE II
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Environnement ouvert
Section 1
Neutralité de l’internet
Article 19
(art. L. 32-1, L. 32-4, L. 33-1, L.36-8, L. 36-11 du code des postes
et des communications électroniques)
Définition du principe de neutralité de l’internet
En application du règlement « marché unique des communications électroniques » (MUCE) du 25 novembre 2015 (182), le présent article confie à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) une nouvelle mission consistant à veiller au respect de la neutralité de l’internet par les opérateurs. L’ARCEP devra donc s’assurer du traitement égal et non discriminatoire du trafic par les opérateurs dans les conditions prévues par les articles 3 et 4 du règlement et bénéficie en conséquence d’un élargissement de ses pouvoirs d’enquête administrative, de règlement des différends et de sanction.
La neutralité de l’internet (« net neutrality ») est un principe selon lequel les réseaux de communications électroniques doivent transporter tous les flux d’information de manière neutre, c’est-à-dire indépendamment de leur nature, de leur contenu, de leur expéditeur ou de leur destinataire. Ce concept peut concerner tous les réseaux, mais il trouve particulièrement à s’appliquer sur internet.
Le débat sur la neutralité de l’internet porte sur la question de savoir quel contrôle les responsables de l’acheminement et de la gestion du trafic ont le droit d’exercer sur les flux transportés pour des motifs à la fois techniques et économiques.
Il s’agit d’examiner les pratiques des opérateurs de communications électroniques sur leurs réseaux, mais également leurs relations avec certains fournisseurs de contenus et d’applications (183). Peuvent-ils bloquer des services, ralentir certaines applications, donner la priorité à certaines catégories de contenus ? Doivent-ils au contraire s’en tenir strictement au respect du principe d’égalité de traitement, tel qu’imaginé par les concepteurs de l’internet ? Le débat porte en particulier sur la compatibilité de ce principe avec la croissance soutenue du trafic sur les réseaux, notamment mobiles, et avec la nécessité de financer les investissements qui en résultent. Des questions se posent enfin sur le rôle des fabricants de terminaux dans la préservation du principe de neutralité.
Sur les plans techniques et philosophiques, internet a été conçu comme un réseau ouvert, reposant sur une architecture décentralisée et le principe du « meilleur effort » : chaque opérateur doit faire « de son mieux » pour assurer la transmission de tous les paquets de données qui transitent par son réseau, sans garantie de résultat (obligation de moyen) mais en excluant toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise.
Lors de la révision en 2009 du cadre réglementaire européen des communications électroniques, dit « Paquet télécom » (184), des premières mesures ont été adoptées concernant la neutralité des réseaux.
Transposées en droit français dans le code des postes et des communications électroniques et dans le code de la consommation par l’ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, ces mesures s’articulent autour de trois axes :
– le renforcement de la transparence et de l’information des consommateurs concernant les pratiques d’acheminement du trafic mises en œuvre par les opérateurs de communications électroniques (articles L. 121-83 et L. 121-83-1 du code de la consommation) ;
– la garantie du service et la préservation de l’internet sur le principe du « meilleur effort » (articles L. 32-1 et L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques) ;
– l’élargissement des compétences de l’ARCEP en matière d’enquête et de recueil d’information et de règlement des différends aux relations entre les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de services de communication au public en ligne (185) concernant les conditions d’acheminement du trafic (articles L. 32-4 et L. 36-8 du code des postes et des communications).
L’ARCEP, qui s’est saisie très tôt de la question de la neutralité de l’internet et des réseaux, a développé une approche progressive, essentiellement basée sur le droit souple au travers de préconisations adressées aux acteurs en 2010 (186) et 2012 (187).
Jusqu’à présent, la neutralité de l’internet fait donc l’objet d’une logique d’autorégulation par la transparence et de règlement a posteriori des éventuels litiges entre les acteurs. L’ARCEP a déjà largement mis en œuvre ses pouvoirs d’enquête et le recensement des pratiques d’acheminement du trafic a permis de dissuader les comportements inappropriés si bien que les blocages très répandus auparavant (ex : blocage de la « VoIP » (188) et du « P2P » (189) sur le mobile) ont totalement disparu (190). L’Autorité n’a donc pas eu, jusqu’ici, besoin de sanctionner un opérateur en raison des mesures de gestion de trafic mise en œuvre.
Néanmoins, compte tenu de l’importance sociale et économique d’internet, le législateur européen a estimé indispensable de définir un cadre a priori, en consacrant un droit d’accès à l’internet ouvert et en encadrant les pratiques susceptibles d’être mises en œuvre par les opérateurs dans la gestion de leurs réseaux depuis le 25 novembre 2015 (voir encadré ci-après).
Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, dit « règlement marché unique des communications électroniques » (MUCE)
Le 11 septembre 2013, la Commission européenne a publié une proposition de règlement établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l’Europe un continent connecté.
Le 3 avril 2014, la proposition de règlement a été adoptée par le Parlement européen après avoir fait l’objet d’importants débats et de nombreux amendements. Elle a ensuite été examinée par le Conseil de l’Union européenne. Les négociations internes au Conseil ont débouché sur un texte resserré autour des thèmes de la neutralité de l’internet et de l’itinérance sur les réseaux mobiles, faute de consensus sur les autres éléments de la proposition initiale.
Le 30 juin 2015, les représentants du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne ont conclu un accord politique sur un projet de règlement, dont l’intitulé a été modifié. Le Parlement européen a finalement adopté en deuxième lecture la position du Conseil sur ce règlement en première lecture, le 27 octobre 2015.
Le texte définitif, publié le 25 novembre 2015, introduit pour la première fois dans la législation européenne des grands principes de l’internet ouvert et de la neutralité de l’internet : traitement égal et non-discriminatoire du trafic, d’une part, et droit de tout utilisateur (consommateur ou acteur de l’internet) de diffuser et d’accéder aux informations et contenus de son choix, d’autre part.
La gestion raisonnable du trafic par les fournisseurs de services d’accès à internet n’est acceptée que dans un cadre limitatif excluant les considérations commerciales.
La dégradation ou le blocage du trafic (ou d’une catégorie spécifique de trafic) est interdite, sauf exceptions strictement définies. Seul un nombre limité de cas de figure permettent de justifier ces pratiques : une obligation légale ou une décision de justice, une atteinte à la sécurité du réseau, une congestion imminente ou exceptionnelle du réseau.
Au-delà de la fourniture du service d’accès à internet, les opérateurs peuvent proposer des services qui requièrent un acheminement optimisé dans un cadre bien limité, à condition notamment que ce ne soit pas au détriment de la disponibilité ou de la qualité générale des services d’accès à internet.
Les pratiques commerciales des opérateurs, notamment lorsqu’elles portent sur la mise en avant d’un ou plusieurs services en ligne, sont désormais encadrées. Le régulateur national dispose d’un droit de regard sur la constitution de ces offres.
Les obligations de transparence pesant sur les opérateurs sont renforcées. Le renforcement porte notamment sur l’enrichissement des informations figurant dans les contrats : impact des éventuelles mesures de gestion de trafic mises en œuvre par l’opérateur, incidence concrète des limitations de l’offre (volume, débit, etc.).
2. La consécration du principe de la neutralité de l’internet sous le contrôle a priori et a posteriori de l’ARCEP
Afin de consolider l’approche harmonisée de la neutralité de l’internet retenue par le « règlement MUCE », l’article 16 confie une nouvelle mission à l’ARCEP consistant à veiller à la neutralité de l’internet de la part des opérateurs de communications électroniques, désormais tenus de respecter les dispositions de ce règlement européen. En conséquence, ses pouvoirs d’enquête administrative et de règlement des différends, prévus aux articles L. 32-4 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, sont élargis.
a. Une nouvelle mission confiée à l’ARCEP : veiller à la neutralité de l’internet, obligation à laquelle sont désormais soumis les opérateurs
Le I du présent article insère au II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques un 5° bis (nouveau) qui précise que, parmi les objectifs poursuivis par l’ARCEP, comme par son ministre de tutelle, dans le cadre de leurs attributions, figure désormais « la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 », c’est-à-dire au sens du règlement MUCE.
Conformément à l’article 1er du règlement MUCE, l’ARCEP est directement chargée de veiller au respect du « traitement égal et non discriminatoire du trafic dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’internet et les droits connexes des utilisateurs finals ».
Selon le président de l’ARCEP, M. Sébastien Soriano, cette nouvelle mission devrait conduire l’ARCEP à une forme de « révolution culturelle » puisque sa mission traditionnelle consistant à jouer un rôle d’arbitre entre différents opérateurs économiques sur les marchés serait complétée par une mission de contrôle de la neutralité de l’internet de la part d’opérateurs considérés davantage comme des intermédiaires techniques que comme des acteurs économiques. L’ARCEP a d’ailleurs lancé une consultation publique afin de préparer une « revue stratégique » de ses missions pour redéfinir ses priorités compte tenu de cette nouvelle mission et de celles qui lui ont été récemment conférées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron » (191).
Le Gouvernement a judicieusement fait le choix de s’en tenir à une simple référence au règlement MUCE pour définir le contenu du principe de neutralité de l’internet plutôt que de réécrire, dans la loi, ce que recouvre cette notion. Rappelons que le règlement européen est en effet d’application directe dans l’ordre interne et que toute législation nationale contraire doit être écartée par le juge national.
Pour éclairer le Parlement national, il est néanmoins utile de rappeler dans le présent rapport ce que signifie l’expression « garantir l’accès à un internet ouvert » au sens de l’article 3 du règlement MUCE en surlignant les points les plus importants.
« Garantir l’accès à un internet ouvert »
au sens de l’article 3 du règlement MUCE du 25 novembre 2015
« 1. Les utilisateurs finals ont le droit d’accéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, d’utiliser et de fournir des applications et des services et d’utiliser les équipements terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve l’utilisateur final ou le fournisseur, et quels que soient le lieu, l’origine ou la destination de l’information, du contenu, de l’application ou du service, par l’intermédiaire de leur service d’accès à l’internet.
Le présent paragraphe s’entend sans préjudice du droit de l’Union ou du droit national qui est conforme au droit de l’Union, en ce qui concerne la légalité des contenus, des applications et des services.
2. Les accords entre les fournisseurs de services d’accès à l’internet et les utilisateurs finals sur les conditions commerciales et techniques et les caractéristiques des services d’accès à l’internet, telles que les prix, les volumes de données ou le débit, et toutes pratiques commerciales mises en œuvre par les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne limitent pas l’exercice par les utilisateurs finals des droits énoncés au paragraphe 1.
3. Dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’internet, les fournisseurs de services d’accès à l’internet traitent tout le trafic de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence, quels que soient l’expéditeur et le destinataire, les contenus consultés ou diffusés, les applications ou les services utilisés ou fournis ou les équipements terminaux utilisés.
Le premier alinéa n’empêche pas les fournisseurs de services d’accès à l’internet de mettre en œuvre des mesures raisonnables de gestion du trafic. Pour être réputées raisonnables, les mesures sont transparentes, non discriminatoires et proportionnées, et elles ne sont pas fondées sur des considérations commerciales, mais sur des différences objectives entre les exigences techniques en matière de qualité de service de certaines catégories spécifiques de trafic. Ces mesures ne concernent pas la surveillance du contenu particulier et ne sont pas maintenues plus longtemps que nécessaire.
Les fournisseurs de services d’accès à l’internet n’appliquent pas de mesures de gestion du trafic qui vont au-delà de celles visées au deuxième alinéa et, en particulier, s’abstiennent de bloquer, de ralentir, de modifier, de restreindre, de perturber, de dégrader ou de traiter de manière discriminatoire des contenus, des applications ou des services spécifiques ou des catégories spécifiques de contenus, d’applications ou de services, sauf si nécessaire et seulement le temps nécessaire, pour :
a) se conformer aux actes législatifs de l’Union ou à la législation nationale qui est conforme au droit de l’Union, auxquels le fournisseur de services d’accès à l’internet est soumis, ou aux mesures, conformes au droit de l’Union, donnant effet à ces actes législatifs de l’Union ou à cette législation nationale, y compris les décisions d’une juridiction ou d’une autorité publique investie des pouvoirs nécessaires ;
b) préserver l’intégrité et la sûreté du réseau, des services fournis par l’intermédiaire de ce réseau et des équipements terminaux des utilisateurs finals ;
c) prévenir une congestion imminente du réseau et atténuer les effets d’une congestion exceptionnelle ou temporaire du réseau, pour autant que les catégories équivalentes de trafic fassent l’objet d’un traitement égal.
4. Les mesures de gestion du trafic ne peuvent donner lieu au traitement de données à caractère personnel que si ce traitement est nécessaire et proportionné à la réalisation des objectifs fixés au paragraphe 3. Ce traitement est effectué conformément à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil. Les mesures de gestion du trafic respectent également la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil.
5. Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet et les fournisseurs de contenus, d’applications et de services, sont libres de proposer des services autres que les services d’accès à l’internet qui sont optimisés pour des contenus, des applications ou des services spécifiques, ou une combinaison de ceux-ci, lorsque l’optimisation est nécessaire pour que les contenus, les applications ou les services satisfassent aux exigences correspondant à un niveau de qualité spécifique.
Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne peuvent proposer ou faciliter ce type de services que si les capacités du réseau sont suffisantes pour les fournir en plus de tous services d’accès à l’internet fournis. Ces services ne sont pas utilisables comme services d’accès à l’internet ni proposés en remplacement de ces derniers, et ils ne sont pas proposés au détriment de la disponibilité ou de la qualité générale des services d’accès à l’internet pour les utilisateurs finals. »
En conséquence, le II du présent article étend explicitement les pouvoirs d’enquête administrative de l’ARCEP et du ministre chargé des communications électroniques, mentionnés à l’article 32-4 du code des postes et des communications électroniques, aux pratiques de « gestion » de trafic « notamment en vue d’assurer le respect de la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 ».
Il faut préciser que les pratiques de gestion de trafic étaient d’ores et déjà incluses dans les « conditions techniques et tarifaires d’acheminement du trafic » que le ministre et l’ARCEP contrôlent mais le II permet désormais d’en éclairer davantage le contenu et les modalités d’appréciation en faisant référence au règlement MUCE. Il aura également pour effet, par voie de conséquence, de permettre à l’ARCEP de procéder à des enquêtes – éventuellement à des visites et saisies – auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques, au titre du contrôle de la neutralité de l’internet en application du 3° du I du même article L. 32-4.
Le III du présent article complète le I de l’article L. 33-1 du même code relatif aux obligations des exploitants de réseaux ouverts au public et des fournisseurs de services de communications électroniques, ci-après désignés sous le terme « opérateurs », afin de préciser qu’ils doivent désormais « garantir l’accès à un internet ouvert » au sens du règlement MUCE. La référence au règlement MUCE est également mentionnée, par coordination, au 3° de l’article L. 36-7 du même code qui explicite les textes législatifs et réglementaires au regard desquels l’ARCEP est chargée de contrôler les opérateurs (IV).
En conséquence, alors qu’en application du 5° du II de l’article 36-8 du même code, l’ARCEP peut d’ores et déjà être saisie des différends portant sur « les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communications en ligne », le V étend ce pouvoir de règlement des différends à l’examen des pratiques de gestion de trafic en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité de l’internet.
Le VI du présent article complète l’article 36-11 du même code afin de permettre à l’ARCEP de sanctionner les manquements des personnes fournissant des services de communication en ligne au public en cas de violation des dispositions du règlement MUCE relatives à l’accès à un internet ouvert.
Jusqu’à présent, les pouvoirs de sanction de l’ARCEP, mis en œuvre soit d’office, soit sur demande du ministre chargé des communications électroniques, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, ne s’appliquaient qu’en cas de manquement de la part des exploitants de réseau ou des fournisseurs de services de communications électroniques. Ces pouvoirs de sanction sont :
– la mise en demeure, par le directeur général de l’ARCEP, de se conformer aux règles ou prescriptions en matière d’attribution ou d’assignation de fréquences (I de l’article 36-11 précité) après la mise en œuvre d’une procédure contradictoire détaillée au II et III du même article ;
– en l’absence de respect d’une décision de règlement d’un différend ou d’une mise en demeure prise en application du I, des sanctions de suspension partielle ou totale des services ou attributions de fréquences ou, lorsque le manquement n’est pas constitutif d’une infraction pénale, des sanctions pécuniaires (III) ;
– sans mise en demeure préalable, le prononcé de mesures conservatoires (IV) ;
– lorsqu’un manquement constaté est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou l’ensemble du marché, la saisine en référé du Conseil d’État par le président de l’ARCEP (VI).
Le pouvoir de sanction de l’ARCEP a été récemment réformé par l’ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 qui modifie les articles L. 5-3, L. 36-11 et L. 130 du code des postes et des communications électroniques, pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013 censurant les dispositions de l’article L. 36-11 précité au motif qu’elles n’assuraient pas la séparation des fonctions de poursuite et de jugement dans le cadre de la procédure de sanction (192) .
Les 1° et 2 ° du VI du présent article étendent désormais l’application de ces pouvoirs de sanctions aux « personnes fournissant des services de communications en ligne au public » qui violeraient leurs obligations.
La communication au public en ligne, et par extension les services qui la permettent, s’inscrivent dans un ensemble législatif dont il convient de rappeler brièvement les composantes.
L’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 (193) modifié par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) place toutes les « émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons par voie électromagnétique » sous une même notion cadre : la « communication électronique ».
Cette dernière se divise elle-même en deux sous-ensembles :
– les « correspondances privées » définies comme étant « le message exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne, physique ou morale, déterminée et individualisée » par la circulaire du 17 février 1988, prise en application de l’article 43 de la loi du 30 septembre 1986 ;
– les « communications au public par voie électronique » qui recouvrent « toute communication au public ou catégorie de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».
Ce sous-ensemble des communications au public par voie électronique se divise à nouveau en deux catégories :
– la « communication audiovisuelle » qui vise « toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l’article 1er de la LCEN », étant précisé qu’un « service de télévision/radio » est « tout service de communication au public par voie électronique destinée à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé » soit « d’une suite ordonnée d’émission comportant des images et des sons » soit « d’une suite ordonnée d’émission comportant des sons » uniquement, aux termes de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986. Les services visés sont ceux où s’opère une communication d’un point d’émission unique vers une multitude de points de réception, recevant un même contenu, et au même moment. Par définition, sont ici visées toutes les chaînes de radio et de télédiffusion ;
– la « communication au public en ligne » recouvre enfin toutes les communications opérées par ou sur internet qui ne répondent pas aux définitions de la correspondance privée, et surtout de la communication audiovisuelle. Selon l’article 1er de la LCEN, cela vise : « Toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur. ».
Il s’ensuit que les pouvoirs de sanction de l’ARCEP pourront désormais s’appliquer à un fournisseur de communication au public en ligne, notamment si ce dernier ne se conformait pas à une décision de l’ARCEP relative au règlement d’un différend entre un tel acteur (comme You tube par exemple) et un exploitant de réseau (comme Orange par exemple). Cette disposition est importante compte tenu du rôle des fournisseurs de services de communication au public en ligne dans l’acheminement des contenus sur les réseaux.
La question se posera avec une acuité particulière en cas de différend relatif à la fourniture de « services optimisés » au sens du règlement MUCE, généralement appelés « services gérés » en France. Le considérant 16 du règlement apporte en effet un éclairage certain sur les intérêts parfois divergents entre un opérateur de communications électroniques, fournisseur d’accès à internet, et un fournisseur de communication au public en ligne : « (…) les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet, et les fournisseurs de contenus, d’applications et de services devraient être libres de proposer des services autres que des services d’accès à l’internet qui sont optimisés pour des contenus, des applications ou des services spécifiques, ou une combinaison de ceux-ci, lorsque l’optimisation est nécessaire pour que les contenus, les applications ou les services satisfassent aux exigences correspondant à un niveau de qualité spécifique. Il convient que les autorités réglementaires nationales vérifient si et dans quelle mesure une telle optimisation est objectivement nécessaire pour garantir une ou plusieurs caractéristiques spécifiques et essentielles du contenu, des applications ou des services, et pour faire en sorte qu’une garantie de qualité correspondante soit offerte aux utilisateurs finals, plutôt que d’accorder simplement une priorité générale par rapport aux contenus, applications ou services comparables disponibles par l’intermédiaire du service d’accès à l’internet et de contourner ainsi les dispositions relatives aux mesures de gestion du trafic applicables aux services d’accès à l’internet. »
En parallèle, le 3° du VI précise que les pouvoirs de sanction de l’ARCEP pourront désormais être mis en œuvre en cas de violation des dispositions du règlement MUCE, et en particulier en cas d’atteinte au principe d’un internet neutre et ouvert.
Enfin, le 4° du VI complète le pouvoir de mise en demeure de l’ARCEP prévu par le sixième alinéa du I de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électronique pour lui permettre d’intervenir de manière anticipée, lorsqu’il existe un risque caractérisé qu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques ne respecte pas ses obligations légales à l’échéance initialement fixée.
Cet alinéa devrait notamment permettre à l’ARCEP de mettre en demeure un opérateur dont les obligations s’inscrivent dans la durée et qui sont assorties d’échéances, avant le terme de ces échéances, lorsqu’elle constate que l’opérateur prend du retard dans la mise en œuvre de ses obligations. Tel pourrait notamment être le cas à l’égard des opérateurs mobiles qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de couverture du territoire.
Ce pouvoir de mise en demeure par anticipation a d’ores et déjà été reconnu par la voie jurisprudentielle au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en 1995. Le Conseil d’État a en effet déclaré régulière la procédure par laquelle le président du CSA, après avoir constaté que la société TF1 n’avait rempli durant le premier semestre 1991 que le tiers de son obligation annuelle de diffusion d’œuvres d’expression originale française aux heures de grande écoute, l’a mis demeure de s’y conformer sous peine de sanction (194). Votre rapporteur estime que l’inscrire dans le présent projet de loi permettra de renforcer la sécurité juridique des pouvoirs de sanction de l’ARCEP.
Enfin, le 5° du VI étend la possibilité pour l’ARCEP de notifier des griefs à un fournisseur de communication au public en ligne et, le cas échéant, de lui infliger in fine une sanction pécuniaire, s’il ne se conforme pas à la décision de règlement des différends qu’elle aura prise.
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté trois amendements rédactionnels au présent article.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL576 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL416 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Parmi les mesures importantes de ce texte figure l’inscription en droit français du principe de neutralité de l’internet, que nous sommes nombreux à défendre. Certains d’entre nous l’ont fait par le biais de propositions de loi il y a quelques années. C’est une cause commune d’intérêt général.
Ce principe clé peut être inscrit dans notre droit de deux façons. Le Gouvernement propose de le faire par référence au droit européen, qui a progressé au cours des dernières années, voire des derniers mois. La seconde façon serait de proposer une définition plus explicite de la neutralité en indiquant quels sont les droits et devoirs des fournisseurs de services de communication en matière de gestion du trafic, afin de garantir une réelle transparence et l’éviter un internet à deux vitesses en fonction de la nature des contenus.
Cet amendement présente une définition plus précise et détaillée qu’une simple référence au droit européen. On m’opposera peut-être qu’il est difficile d’être exhaustif dans une telle définition, mais je maintiens que le droit français sera beaucoup plus fort si nous forgeons nous-mêmes notre définition. L’amendement CL416 est évidemment compatible avec le droit européen.
M. le rapporteur. Notre collègue pressentait déjà l’avis défavorable du rapporteur… L’article 19 renvoie au règlement sur le marché unique des communications électroniques, qui définit précisément l’accès à un internet ouvert à son article 3 et les mesures qui le garantissent à l’article 4, et est d’ailleurs bien plus exhaustif que ce que vous proposez. Il n’est pas utile d’en rajouter dans le code des postes et des communications électroniques, le règlement étant d’application directe dans l’ordre interne.
Mme la secrétaire d’État. Défavorable. Le règlement européen du 25 novembre 2015 a été adopté notamment grâce à l’activisme qu’a déployé le Gouvernement français pour avancer sur la neutralité de l’internet et le roaming. Ce règlement est d’applicabilité directe et s’applique sur notre territoire aujourd’hui. Il définit la neutralité de l’internet à peu près dans les mêmes termes que l’amendement. La tentation peut être grande d’introduire des nuances, par exemple sur les services spécialisés ou le zero rating, mais qui serait juge de la compatibilité de ces termes avec le droit européen ? Ce ne serait ni le Gouvernement ni le législateur français, mais bien le juge européen. Nous avons décidé de nous conformer strictement au texte de l’accord européen, et ce pour une raison économique également, à savoir la volonté de construire un marché européen des télécommunications et de faire émerger des acteurs capables de peser dans la concurrence internationale. Notons que le seul pays européen à avoir introduit sa propre définition de la neutralité de l’internet, les Pays-Bas, a finalement décidé, tout récemment, de se remettre en conformité avec le règlement.
La Commission rejette cet amendement.
Elle en vient à l’amendement CL243 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement propose de préciser la définition de la notion de neutralité afin de parer à toute éventuelle interprétation restrictive de ce principe. J’ai compris que le Gouvernement souhaitait se conformer strictement au texte du règlement européen. Nous verrons comment cela se passe en séance. Nous ne sommes pas aussi optimistes que Mme la secrétaire d’État quant à la création d’un espace européen des télécommunications.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL410 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. L’amendement CL410 vise les services « gérés », également appelés services optimisés ou propriétaires. Je reconnais que les textes européens, largement inspirés par la France, ouvrent la voie à des progrès de régulation des réseaux numériques. Il faut, dans ce cadre, trouver des formes de régulation des services gérés, qui peuvent se développer au détriment de l’internet ouvert. Rien ne serait pire que de constater a posteriori qu’un internet confisqué par des services spécialisés aurait supplanté un internet d’intérêt général devenu résiduel, un peu comme si les services gérés confisquaient l’autoroute en ne laissant plus que la bande d’arrêt d’urgence… Mon amendement vise à limiter la mise en place de ces services, de façon proportionnée et dans des cas précis.
M. le rapporteur. Le règlement du 25 novembre 2015 impose déjà à l’autorité de régulation de veiller à ce que les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne puissent proposer ou faciliter ce type de services que si les capacités du réseau sont suffisantes pour les fournir en plus de tous services d’accès à l’internet fournis. Il précise en outre : « Ces services ne sont pas utilisables comme services d’accès à l’internet ni proposés en remplacement de ces derniers, et ils ne sont pas proposés au détriment de la disponibilité ou de la qualité générale des services d’accès à l’internet pour les utilisateurs finaux ». D’application directe, ce règlement satisfait votre préoccupation. J’ai par ailleurs déposé un amendement qui renforce les pouvoirs de l’ARCEP.
Mme la secrétaire d’État. Défavorable. L’amendement propose une reprise partielle du règlement sur le sujet des services spécialisés. L’objectif est bien poursuivi par le Gouvernement français, qui l’a défendu à Bruxelles lors de la négociation du règlement européen.
La stratégie européenne du Gouvernement dans la discussion sur les sujets numériques consiste à ne jamais entrer en contradiction avec le droit européen et à ne jamais revenir sur ce qui a fait l’objet d’un accord. Ou bien nous anticipons des dispositions qui s’appliqueront très certainement en droit national, par exemple sur la question du droit à l’oubli, ou bien nous nous engouffrons dans la brèche du renvoi au droit national, comme sur la mort numérique, où des marges de manœuvre sont autorisées, ou bien encore nous considérons que la réflexion et l’action n’avancent pas assez vite au niveau européen – je parle souvent du lobby de l’impuissance publique, parce que les délais de prise de décision s’étendent sur plusieurs années –, auquel cas nous nous décidons à introduire certaines mesures a minima. Aller au-delà du règlement européen en matière de marché des télécommunications n’entre dans aucun de ces cas de figure.
Mme Karine Berger. Cet amendement est très important. Que ferons-nous lorsqu’il sera trop tard ? Aux États-Unis, les trois quarts des capacités d’internet sont occupées par YouTube et Netflix, et ce sont là des chiffres qui remontent déjà à un an et demi. Que se passera-t-il si nous ne sommes pas capables de stopper le mouvement de saturation par quelques opérateurs de cet espace public qu’est internet ? Cette évolution totalement incontrôlée mérite plus qu’une réflexion sur les échanges avec nos partenaires européens.
La Commission rejette cet amendement.
Elle en vient à l’amendement CL409 de M. Christian Paul.
M. Christian Paul. Cet amendement vise à permettre à l’autorité de régulation d’encadrer les pratiques en matière de tarification de services proposés au public. Certains fournisseurs d’accès incluent dans leurs offres mobiles des services d’écoute de musique en streaming, dont le trafic n’est pas décompté du plafond mensuel de transfert de données généralement prévu. Ces services, qui ont parfois des relations économiques très étroites avec les fournisseurs d’accès, sont ainsi favorisés, sans que cette discrimination puisse être justifiée par une quelconque facilité de transport sur les ondes hertziennes. Nous souhaitons prévoir un moyen de lutter contre ces discriminations qui représentent autant d’atteintes à la neutralité de l’internet.
M. le rapporteur. Le règlement européen impose déjà à l’autorité de régulation de veiller à l’ensemble de ces éléments : je ne reviens pas sur ce que j’ai déjà indiqué. En revanche, l’encadrement des tarifs par l’ARCEP n’est pas prévu par le règlement et serait contraire au droit européen.
Mme la secrétaire d’État. Défavorable. Il nous est apparu urgent, dès l’adoption du règlement européen, de confier au régulateur national, l’ARCEP, le soin de contrôler l’application de ce règlement par l’ensemble des acteurs économiques. Cela concerne la neutralité du net au sens de la gestion du trafic mais n’inclut pas directement l’offre tarifaire. Le règlement n’interdit pas a priori les pratiques de tarification différenciées, c’est vrai, mais il appartient aux régulateurs nationaux d’examiner au cas par cas l’existence ou non d’atteintes au principe de neutralité.
Il a été décidé par l’ensemble des États membres qu’une mise en œuvre harmonisée des dispositions prévues par le règlement interviendrait sous l’égide de l’organe des régulateurs européens, le BEREC, qui a lancé ses travaux à la fin de 2015 et doit les rendre au cours de l’été 2016. À l’issue de ces travaux, qui traiteront en particulier du zero rating, il appartiendra aux régulateurs nationaux de mettre en œuvre les préconisations retenues, et je ne doute pas que l’ARCEP se montrera très vigilante. Le Gouvernement est conscient que la problématique de la tarification fait partie de la question de la neutralité de l’internet ; c’est seulement une question de temps avant que des pouvoirs appropriés soient confiés au régulateur national.
La Commission rejette cet amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL297 du rapporteur.
Puis, elle examine l’amendement CL31 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. J’ai du mal à comprendre les alinéas 17 et 18. Une mise en demeure par l’ARCEP est déjà prévue pour les cas où l’obligation n’est pas respectée à l’échéance fixée. Or ce nouvel alinéa 17 viendrait créer une sorte de mise en demeure préventive assez étrange dans la mesure où elle se base sur la seule suspicion que l’obligation ne sera pas remplie et où elle s’ajoute à la première mise en demeure qui a le même objet, à savoir le respect de l’obligation, à la même date.
M. le rapporteur. Cette nouvelle possibilité est justifiée lorsque l’ARCEP connaît le calendrier de déploiement des obligations des opérateurs et qu’elle se rend compte, à la première ou à la deuxième échéance, qu’elles ne pourront être respectées. Une mise en demeure anticipée permettra de rappeler à l’ordre au plus vite l’opérateur. Cette possibilité a déjà été consacrée par la jurisprudence du Conseil d’État au bénéfice du CSA, comme je l’indique dans mon rapport qui sera rendu public en fin de semaine. Je vous suggère de retirer votre amendement.
Cet amendement est retiré.
La Commission adopte ensuite l’amendement d’harmonisation rédactionnelle CL577 du rapporteur.
Par conséquent, l’amendement CL137 de M. Lionel Tardy tombe.
La Commission adopte l’article 19 modifié.
Article 20
(art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques)
Auto-hébergement de ses données
Cet article, introduit à la suite de la consultation en ligne de l’avant-projet de loi compte tenu de la proposition du bloggeur « Le poisson libre », tend à permettre à tout utilisateur d’héberger, par les moyens qu’il entend, ses propres données, en utilisant le réseau fourni par un fournisseur d’accès à internet.
Certains fournisseurs d’accès à internet français ne permettent pas à leurs clients d’héberger, derrière leur box, un serveur personnel de données. Cette pratique s’observe, par exemple, lorsque des ports internet sont bloqués ou lorsque des adresses IP dynamiques sont allouées.
Ces pratiques n’ont pas nécessairement pour finalité de bloquer l’auto-hébergement, ce blocage apparaissant davantage comme un effet collatéral de mesures de gestion du réseau.
Par exemple, un fournisseur d’accès à internet peut décider d’allouer des adresses IP dynamiques pour s’assurer de la bonne gestion de son stock d’adresses. Ainsi, lorsqu’un utilisateur n’utilise pas sa connexion internet (ex. box éteinte), l’adresse IP peut être réattribuée dans l’optique d’une gestion dynamique du stock d’adresses. Cette pratique permet à l’opérateur d’assurer une utilisation optimale du stock d’adresses IP. Mais à l’inverse, elle empêche l’utilisateur de mettre en place une redirection d’adresse vers son serveur personnel, car l’adresse change à chaque connexion.
Dans la même optique, les fournisseurs d’accès à internet peuvent être amenés à bloquer certains ports pour s’assurer que tous les utilisateurs bénéficient d’une bande passante convenable, qui réponde aux critères de l’offre à laquelle ils ont souscrit. Certains ports internet permettent à des services particuliers d’utiliser davantage de bande passante. Pour garantir un équilibre des abonnés dans l’accès à la bande passante, le fournisseur d’accès peut donc souhaiter mettre en place des mesures de blocage des ports.
Enfin, les fournisseurs d’accès à internet peuvent aussi bloquer des ports internet de leur box de façon à prévenir des attaques informatiques qui passent par la connexion à un port déterminé.
2. La réforme proposée
Le présent article propose de compléter l’article 33-1 du code des postes et des communications électroniques, relatif aux obligations des opérateurs de communications électroniques et des fournisseurs de services de communication au public en ligne, en introduisant un VI nouveau interdisant toute limitation technique ou contractuelle à un service d’accès à internet qui aurait pour objet ou effet d’interdire à un utilisateur de ce service « qui en fait la demande » d’accéder depuis un point d’accès à internet à des données enregistrées sur une box connectée à internet et de donner accès à ces données à des tiers.
Cette obligation reste relative car elle est soumise à une « demande » expresse de l’utilisateur auprès de son fournisseur d’accès à internet pour pouvoir héberger ses données personnelles derrière sa box.
Il en résulte que, par défaut, les fournisseurs d’accès à internet pourront toujours mettre en place des mesures de blocage des ports ou allouer des adresses IP dynamiques mais qu’ils devront nécessairement cesser ces pratiques si l’un de leur client en fait la demande.
Si un usager d’internet demande à son opérateur de libérer ses ports d’accès à son terminal et si celui-ci refuse, plusieurs actions seront possibles :
– s’il subit un préjudice compris entre 4 000 et 10 000 euros, l’usager peut saisir le tribunal d’instance et le fournisseur de services de communications électroniques peut être assigné par voie d’huissier à libérer les ports internet de la box de l’usager. Au-delà de 10 000 euros, c’est le tribunal de grande instance qui serait compétent, la représentation par un avocat étant obligatoire ;
– l’usager peut, en parallèle ou non, saisir la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou ses antennes départementales. Celle-ci intervient auprès des entreprises et assure la protection des consommateurs (information sur les prix, qualité et sécurité des produits et des services, loyauté des pratiques commerciales…) ;
– enfin, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) peut être saisie par une association agréée d’utilisateurs ou par une personne physique ou morale concernée pour sanctionner les manquements qu’elle constate de la part des exploitants de réseau et des fournisseurs de services de communications électroniques lorsque ceux-ci ne respectent pas les obligations qui leur incombent en application du code des postes et des communications électroniques.
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel au présent article.
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La Commission se saisit de trois amendements de suppression, CL352 de Mme Laure de La Raudière, CL466 de M. Patrice Martin-Lalande et CL638 de la commission des Affaires économiques.
Mme Laure de La Raudière. Vous disiez vous-même il y a quelques instants, madame la secrétaire d’État, qu’il ne fallait pas sur-transposer le règlement européen. Le BEREC a été chargé de préciser quelle doit être l’étendue du règlement européen, et ses préconisations seront reprises par l’ensemble des autorités de régulation. Or cet article 20 me paraît justement constituer une sur-transposition : pourquoi le faire ici, alors que vous le refusez ailleurs ? N’y a-t-il pas là deux poids et deux mesures ? Vise-t-il vraiment à résoudre le blocage par certains opérateurs de l’auto-hébergement ? Le Gouvernement ne devrait-il pas travailler plutôt sur l’adressage IP, et notamment sur le protocole IPv6 ?
M. Patrice Martin-Lalande. L’article 20 inscrit dans la loi certaines parties du règlement européen, pourtant d’application directe. Il ne s’agit donc que de gagner deux ans, puisque le règlement s’appliquera en 2018. Or nous ignorons quelles pourraient être les conséquences, positives comme négatives, d’une telle application anticipée : les opérateurs français ne risquent-ils pas d’être mis en difficulté vis-à-vis de leurs concurrents européens ?
La France a joué un rôle moteur dans l’adoption de ce règlement, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Dès lors, n’est-il pas discourtois vis-à-vis de nos partenaires européens de ne pas attendre la fin de la procédure d’ajustement ? Les deux années de délai entre l’adoption du règlement et sa mise en œuvre doivent permettre de s’assurer de la cohérence de l’application du texte dans chacun des pays. On reproche souvent à la France son comportement solitaire : est-il correct d’inscrire ces mesures dans la loi sans attendre la fin du processus européen ?
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Notre amendement CL638 est un amendement d’appel : je souhaiterais en effet quelques explications sur l’article 20. Comment s’articule-t-il avec l’article 19, qui pose le principe du respect de la neutralité de l’internet ?
L’article 3 du règlement européen ne me semble pas comporter de disposition qui permette d’interdire ou de brider l’auto-hébergement au motif de l’atteinte à la sûreté ou à l’intégrité du réseau. Pour l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), que j’ai auditionnée, il n’y a d’ailleurs pas là de risque d’atteinte majeure au réseau. L’application stricte du règlement rend donc inutile, à mon sens, la précision apportée par cet article.
J’ai donc l’impression que l’on mélange ici différentes notions. L’application du principe de neutralité du net me paraît suffisante.
M. le rapporteur. Ces amendements suscitent de ma part bien des interrogations. Il y a là en effet plusieurs sujets. Aujourd’hui, les opérateurs peuvent bloquer l’auto-hébergement, mais chacun peut faire une demande pour rendre l’opération possible : il suffit d’avoir chez soi deux adolescents qui hébergent des serveurs de jeux vidéo pour comprendre que c’est quelque chose d’assez facile à faire, même pour des non-spécialistes.
Je ne pense pas que cet article procède à une sur-transposition du règlement, dont l’article 3 prévoit le droit pour les utilisateurs finaux « d’utiliser les équipements terminaux de leur choix, quel que soit le lieu où se trouve l’utilisateur final ou le fournisseur, et quels que soient le lieu, l’origine ou la destination de l’information, du contenu, de l’application ou du service, par l’intermédiaire de leur service d’accès à l’internet ».
Cela n’exclut nullement le débat sur l’adressage IP et le protocole IPv6. Nous voyons bien que les uns et les autres ne se précipitent pas pour avancer sur cette question, tout en pestant contre le trop grand nombre d’adresses qui leur sont demandées… En fait, on assiste à une forme d’auto-alimentation des adresses IP disponibles, alors même que l’application du protocole IPv6 apporterait des solutions.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements. Mais je souhaite prolonger la discussion avec vous sur les points soulevés. Pour l’heure, je ne suis pas sûr de ce que sera ma position en séance publique.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Il faut à mon sens maintenir cet article, pour des raisons qui se résument en deux mots : confiance et liberté, confiance des utilisateurs et liberté de choix de ces mêmes utilisateurs.
L’auto-hébergement est une question d’apparence très technique. Mais il faut souligner que c’est simplement ce qu’a fait Hillary Clinton, qui a auto-hébergé sa propre messagerie électronique – ce qui lui a été reproché par la suite… On peut considérer que c’est une forme de prolongation, finalement, de la neutralité de l’internet, mais cette question n’entre absolument pas dans le champ du règlement européen. L’auto-hébergement en effet ne pose pas de problème d’intégrité ou de sécurité du réseau ; il est déjà autorisé par un certain nombre d’opérateurs de télécommunications, même si d’autres – en France, un seul – le refusent.
Il ne s’agit vraiment que d’utiliser son propre serveur, chez soi, pour éviter qu’un opérateur ou un fournisseur d’accès à internet n’empêche l’accès à certains types de contenu, pour disposer de son propre serveur de messagerie ou de son propre cloud, c’est-à-dire de son propre nuage pour stocker ses données…
Si certains opérateurs refusent ces usages, c’est pour des raisons louables : ils considèrent qu’ils ne peuvent plus alors garantir la même sécurité que pour leur propre réseau, et protéger ces utilisateurs des virus et des spams. Mais peut-être peut-on estimer que les usagers qui souhaitent installer leur propre réseau ont conscience de ces risques et sont prêts à les assumer. Certains opérateurs préfèrent néanmoins interdire ces pratiques, mais encore une fois, c’est loin d’être le cas général.
Nous sommes là face à un usage émergent, mais qui va sans doute se développer fortement avec le déploiement de la fibre : il est en effet nécessaire que les débits entrants et sortants soient symétriques.
Certains opérateurs arguent enfin du coût pour refuser l’auto-hébergement. Mais ce n’est pas à mon sens un argument pertinent : c’est une pratique qui se fait sur demande d’un utilisateur, il n’est pas question de la généraliser ou de l’imposer à tous.
Quant au problème de l’adressage IP, faciliter le recours à l’auto-hébergement obligera, à terme, à constater les limites du système actuel, et incitera par le fait à accélérer le passage à l’IPv6.
L’auto-hébergement permet donc de promouvoir un internet libre et ouvert. C’est finalement une application du principe de souveraineté numérique.
Mme Laure de La Raudière. Je maintiens néanmoins mon amendement.
M. Patrice Martin-Lalande. Je le maintiens également, d’autant que je n’ai pas entendu de réponse sur les conséquences possibles d’une application anticipée du règlement par la loi française.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Je maintiens également notre amendement CL638. Je ne nie nullement l’intérêt de l’auto-hébergement, bien au contraire. Ma question porte sur l’application du règlement et sur son articulation avec la loi française : le règlement suffit, à mon sens, à interdire aux opérateurs d’empêcher ou de restreindre l’auto-hébergement. Cet article me semble donc superflu, d’autant que nous allons renforcer les pouvoirs d’enquête et de sanction de l’ARCEP.
La Commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle se saisit de l’amendement CL290 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. J’entends les arguments qu’a exposés à l’instant Mme la secrétaire d’État. Toutefois, la formulation proposée par le projet de loi est ambiguë : il est d’ores et déjà possible pour tout utilisateur qui le souhaite d’accéder à ses données personnelles à condition de disposer d’une adresse IP fixe.
La solution technique la plus efficace semble être l’IPv6, nouvelle version du protocole Internet, qui permet de doter chaque équipement d’une adresse fixe, ce qui offre plus de flexibilité et d’efficacité.
Je vous propose donc d’adopter un calendrier contraint, en inscrivant dans la loi la date du 1er janvier 2017. L’idée est d’encourager les opérateurs historiques à proposer des adresses IP fixes à leurs utilisateurs.
M. le rapporteur. Je précise d’abord que les objets connectés utilisent souvent d’autres protocoles, même s’ils ont besoin ensuite de recommuniquer avec le reste du réseau. Les besoins ne sont pas tout à fait les mêmes.
Madame la secrétaire d’État, ne pourriez-vous pas confier à l’ARCEP la mission de favoriser le passage à l’IPv6 ? C’est une question sur laquelle il faut avancer vivement.
Je suggère le retrait de l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. La rédaction actuelle de l’article 20 se place du point de vue des obligations imposées aux opérateurs ; votre amendement, madame Capdevielle, se place plutôt du point de vue des droits des utilisateurs.
Il me semble que les opérateurs ne pourront pas empêcher un usage déjà établi en arguant des limitations techniques. L’auto-hébergement est déjà parfaitement possible et ne pose pas de difficultés opérationnelles notables. La nécessité d’imposer une date d’entrée en vigueur ne m’apparaît pas utile non plus.
Je partage en revanche votre souhait d’un recours à l’IPv6. J’ai même, monsieur le rapporteur, envoyé très récemment une lettre de mission au président de l’ARCEP pour lui demander d’avancer sur ce sujet, que nous voulions introduire dans la loi, mais on m’a répondu que cela ne relevait pas de la norme et que cela ne saurait du coup être traité par une disposition à caractère législatif ou même réglementaire.
Il faut donc disjoindre la question de l’auto-hébergement de celle du passage au nouveau protocole.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL549 de M. le rapporteur.
Elle adopte alors l’article 20 modifié.
La Commission examine l’amendement CL245 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à ne pas faire de l’internet une cause aggravante pour les délits de harcèlement et d’apologie du terrorisme. Ce n’est pas la technologie qui fait le délit, qui reste tout aussi grave si l’internet n’est pas utilisé ! Personne n’avait, à l’époque, considéré l’utilisation du Minitel comme une circonstance aggravante. Mais, depuis quelques années, le numérique est devenu une sorte de bouc émissaire facile.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes aux limites du projet de loi, dont le champ est pourtant assez large. Il convient à mon sens de maintenir ces dispositions pénales.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Le Gouvernement a toujours été clair sur le fait que ce texte ne devait pas être l’occasion de revenir sur ces dispositions récemment votées. Le contexte actuel nous oblige plus encore à renforcer l’arsenal dont nous disposons, en particulier pour réprimer l’apologie du terrorisme.
M. Sergio Coronado. Je salue le sens de la solidarité gouvernementale de Mme la secrétaire d’État, qui ne disait pas la même chose lorsqu’elle n’était que commissaire aux lois…
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement CL247 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Un internaute a été condamné pour avoir accédé à des documents qui étaient librement disponibles en ligne. Qui peut accéder à quel type de données ? C’est une question cruciale. Peut-on vraiment punir un internaute qui a obtenu des données accessibles et dont il ignorait qu’elles étaient protégées ?
Le cas est précis : le journaliste Bluetouff a été condamné pour s’être maintenu dans un extranet non sécurisé de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). L’extranet était mal sécurisé, et l’ensemble des fichiers étaient accessibles, simplement, depuis un moteur de recherche. Le journaliste avait été relaxé en avril 2013 par le tribunal correctionnel de Créteil, qui estimait que l’ANSES avait manifestement mal sécurisé son réseau. La cour d’appel de Paris a pourtant condamné le journaliste, puis la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.
Les juges ont à cette occasion renversée la jurisprudence Kitetoa – cour d’appel de Paris, 30 octobre 2002 – qui mettait à la charge du responsable de traitement une obligation de sécurisation minimale de son site. Sinon, comment peut-on savoir que l’on entre dans un endroit interdit ?
C’est pourquoi mon amendement CL247 vise à consacrer dans la loi cette jurisprudence : le responsable du traitement ne peut reprocher à un utilisateur d’accéder à un système de traitement automatisé de données s’il ne l’a pas a minima sécurisé. Cet amendement vise donc à renverser la récente jurisprudence.
M. le rapporteur. J’entends ces arguments, mais si vous laissez la porte de votre bureau ouverte, et que je vais y consulter des documents, je n’aurai certes commis aucune infraction, mais vous n’apprécieriez sans doute pas pour autant ma visite… Il en va de même pour les sites, fussent-ils insuffisamment sécurisés.
Il revient surtout au juge de fixer des limites entre le simple accès à un extranet mal sécurisé et un travail de fouille, de recherche, même s’il y a des failles de sécurité. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Il s’agit d’une disposition lourde, puisqu’elle modifie le code pénal. Ma première réaction serait de vous répondre que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude… Toutefois, votre amendement souligne un problème bien réel. Une expertise juridique et une consultation de la chancellerie me paraissent nécessaires. Je ne peux pas me prononcer à ce stade. Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme Isabelle Attard. Je retire cet amendement, et je le représenterai en séance. Je veux préciser d’ores et déjà que, dans le cas que j’évoquais, c’est Google qui a mis ces données à disposition. Lorsque vous consultez Google, vous demandez-vous si vous avez le droit de lire ce que vous lisez ? Imaginez un magasin où aucune limite claire ne marquerait la distinction entre les espaces ouverts aux clients et les réserves. Un visiteur serait-il condamnable s’il se retrouvait dans ces réserves ? Voilà l’exemple qu’il faut prendre. Entre le couloir et mon bureau, la différence est nette ; dans le cas présent, nous parlons de données mises en libre accès par Google. Punir un internaute qui les a utilisées, c’est quelque chose qui ne doit plus arriver. Et c’est un cas que les tribunaux vont retrouver très souvent.
L’amendement est retiré.
Article 20 bis (nouveau)
(art. L. 32-4 et L. 32.5 du code des postes et des communications électroniques)
Modernisation des pouvoirs d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
Introduit à l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, le présent article modernise les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) afin de conforter l’effectivité de son contrôle et renforcer les garanties procédurales des personnes contrôlées, en les alignant sur des dispositions similaires à celles qui sont déjà prévues pour l’Autorité de la concurrence ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
1. Le droit en vigueur
Actuellement, l’article L. 32-4 du code des postes et des communications électroniques permet à l’ARCEP et au ministre chargé des communications électroniques, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de leurs missions et sur la base d’une décision motivée, de :
– recueillir auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect par ces personnes des principes définis aux articles L. 32-1 et L. 32-3, ainsi que des obligations qui leur sont imposées par le présent code ou par les textes pris pour son application ;
– recueillir auprès des personnes fournissant des services de communication au public en ligne les informations ou documents concernant les conditions techniques et tarifaires d’acheminement du trafic appliquées à leurs services ;
– procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes.
Ces enquêtes sont menées par des fonctionnaires et agents du ministère chargé des communications électroniques et de l’ARCEP habilités à cet effet par le ministre chargé des communications électroniques et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Elles donnent lieu à procès-verbal. Un double en est transmis dans les cinq jours aux personnes intéressées.
Les fonctionnaires et agents peuvent accéder aux locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel utilisés par les personnes exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques, demander la communication de tous documents professionnels nécessaires et en prendre copie, enfin recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications nécessaires. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu’entre 8 heures et 20 heures ou pendant leurs heures d’ouverture au public. Lorsque les locaux ou une partie de ceux-ci constituent un domicile, les visites sont autorisées dans les conditions définies à l’article L. 32-5 du même code.
L’article L. 32-5 fixe les conditions dans lesquelles l’enquête est autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
L’ordonnance comporte l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité du ou des fonctionnaires habilités à procéder aux opérations de visite et de saisie ainsi que les heures auxquelles ils sont autorisés à se présenter. L’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute.
L’ordonnance est notifiée sur place, au moment de la visite, à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal de visite. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis. À défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice.
L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé la visite et contre le déroulement des opérations de visite. Il mentionne également que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi d’une demande de suspension ou d’arrêt de cette visite.
La visite et la saisie de documents s’effectuent sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui les a autorisées. Le juge des libertés et de la détention peut, s’il l’estime utile, se rendre dans les locaux pendant l’intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l’arrêt de la visite. La saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de suspension ou d’arrêt des opérations de visite et de saisie n’a pas d’effet suspensif.
La visite ne peut commencer avant 6 heures et après 21 heures. Elle est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister de l’avocat de son choix. En l’absence de l’occupant des lieux, les agents chargés de la visite ne peuvent procéder à celle-ci qu’en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous leur autorité.
Les agents habilités, l’occupant des lieux ou son représentant peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie.
Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents habilités à procéder à la visite. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s’il y a lieu. Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents habilités et l’occupant des lieux ou, le cas échéant, par son représentant et les témoins. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
Les originaux du procès-verbal et de l’inventaire sont, dès qu’ils ont été établis, adressés au juge qui a autorisé la visite. Une copie de ces mêmes documents est remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’occupant des lieux ou à son représentant. Le procès-verbal et l’inventaire mentionnent le délai et les voies de recours. Les pièces saisies sont conservées pour les besoins de la procédure, à moins qu’une décision insusceptible de pourvoi en cassation par les parties n’en ordonne la restitution.
L’ordonnance autorisant la visite peut faire l’objet d’un appel puis d’un pourvoi en cassation, selon les règles prévues par le code de procédure civile.
2. La réforme proposée
Le présent article additionnel modifie en premier lieu l’article L. 32-4 du code des postes et des communications électroniques pour autoriser les fonctionnaires et agents du ministère chargé des communications électroniques et de l’ARCEP, pour l’exercice de leur mission, à :
– pénétrer entre 6 heures et 21 heures (au lieu de 8 heures et 20 heures ou aux horaires d’ouverture au public) dans tous les lieux utilisés à des fins professionnelles, à l’exclusion des parties affectées au domicile privé, ainsi que d’accéder à tous moyens de transport à usage professionnel ;
– demander la communication de tous documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support, et obtenir ou prendre copie de ces documents par tout moyen et sur tout support ;
– recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou justification utiles ;
– accéder aux logiciels, aux programmes informatiques et aux données stockées ainsi qu’en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
Dans le cadre de ces contrôles, le secret professionnel ne pourra leur être opposé et ils pourront accéder à tout document d’information détenu par les services et établissements de l’État et des autres collectivités publiques.
Le présent article permet également à ces fonctionnaires et agents de recourir « à une personne compétente » qui pourra les accompagner lors de leurs contrôles et prendre connaissance de tout document ou élément nécessaire à la réalisation de sa mission ou de son expertise. Il est néanmoins précisé que cette personne ne pourra, en revanche, effectuer aucun acte de procédure pénale ou administrative, ni utiliser les informations dont elle aura pris connaissance à cette occasion pour la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle dont elle dispose, le cas échéant, en application d’autres dispositions législatives ou réglementaires, ni divulguer les informations dont elle a eu connaissance dans ce cadre sous peine d’encourir les sanctions prévues à l’article 226 13 du code pénal.
Le présent article propose ensuite que les fonctionnaires et agents du ministère chargé des communications électroniques et de l’ARCEP puissent procéder à des visites conjointes avec des agents d’autres services de l’État ou de ses établissements publics.
Il les autorise également, en dehors des contrôles sur place et auditions sur convocation, à « procéder à toute constatation utile », et notamment consulter, par la voie numérique, les données librement accessibles ou rendues accessibles, y compris par imprudence, par négligence ou par le fait d’un tiers. Ils peuvent les retranscrire par tout traitement approprié dans des documents utilisables pour les besoins du contrôle. Un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions dans lesquelles ils procèdent à ces constatations.
Votre rapporteur souligne que ces visites de contrôle peuvent être réalisées après avoir été préalablement autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention dans les conditions prévues par l’article L. 32-5 du même code ou non. Toutefois, dans ce dernier cas, le responsable des locaux professionnels privés est informé de son droit d’opposition à la visite de contrôle. S’il s’y oppose, la visite ne pourra avoir lieu qu’après avoir été autorisée par le juge des libertés et de la détention. En tout état de cause, les visites des locaux affectés au domicile privé ou les saisies ne peuvent avoir lieu sans avoir été préalablement ordonnées par le juge des libertés et de la détention dans les conditions prévues par l’article L. 32-5.
Le présent article additionnel modifie en second lieu l’article L. 32-5 du code des postes et des communications électroniques relatif à l’intervention du juge des libertés et de la détention.
Il est utilement précisé que lorsque les lieux à visiter sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu’une action simultanée doit être menée dans chacun d’eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l’un des juges des libertés et de la détention compétents.
De plus, le contrôle du juge est renforcé puisqu’au-delà du contrôle purement formel actuel, il devra désormais « vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession du demandeur de nature à justifier la visite et la saisie ».
De même, le formalisme de l’ordonnance est renforcé puisqu’elle devra préciser expressément « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix ». Néanmoins, l’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.
Enfin, le présent article prévoit la possibilité de placer sous scellés les pièces et documents saisis si l’inventaire sur place présente des difficultés, ce qui n’était pas le cas précédemment et qui constitue une garantie supplémentaire au bénéfice des personnes faisant l’objet du contrôle. Celles-ci ou leurs représentants seront avisés qu’elles pourront assister à l’ouverture des scellés.
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La Commission examine l’amendement CL552, deuxième rectification, de M. le rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement mérite que je prenne un peu de temps pour le présenter. Dans le contexte de l’extension des missions de l’ARCEP, chargée de veiller au respect de la neutralité du net, il vise à moderniser et à renforcer ses pouvoirs d’enquête, qui pourraient se révéler plus nécessaires qu’auparavant dans la mesure où le secteur des télécoms dans son ensemble n’a pas intérêt à transmettre spontanément de l’information au régulateur et que certains comportements occultes pourraient donc prospérer.
L’amendement CL552, deuxième rectification, vise à conforter la réalité du pouvoir d’enquête de l’ARCEP, par l’adoption de dispositions similaires à celles qui sont déjà prévues pour l’Autorité de la concurrence ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), et qui sont plus récentes. Il précise notamment les conditions dans lesquelles les enquêteurs peuvent intervenir dans les locaux professionnels des opérateurs. Il clarifie également les cas dans lesquels une autorisation préalable du juge des libertés et de la détention est obligatoire, notamment lorsque les lieux sont affectés au domicile privé ou lorsqu’il est procédé à une saisie de documents.
En cohérence avec l’esprit de la République numérique, nous devons donner aux autorités de régulation les moyens de travailler, tout en apportant aux citoyens les garanties nécessaires.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable. Nous confions à l’ARCEP des pouvoirs plus importants qu’auparavant, par exemple sur la neutralité : il faut qu’elle puisse enquêter dans les réseaux des opérateurs. Le Gouvernement approuve ce rapprochement avec les règles qui régissent l’action de l’Autorité de la concurrence ou de la CNIL ; vous avez eu raison de prévoir un strict contrôle du juge des libertés et de la détention.
Il est toutefois possible que nous vous proposions quelques modifications techniques en séance publique.
M. Lionel Tardy. Cet amendement, qui étend de façon considérable les pouvoirs de l’ARCEP, est très lourd. Je comprends les arguments avancés, mais j’aimerais des précisions. Quels moyens supplémentaires, notamment en personnel, seront attribués à l’ARCEP ?
La commission des Affaires économiques attribue très souvent des missions à la DGCCRF, mais sans moyens supplémentaires, cela ne sert absolument à rien. Sans moyens nouveaux, l’ARCEP ne pourra tout simplement pas exercer ces nouvelles missions. Cela fera rire tout le monde !
M. Philippe Gosselin. Je n’ai pas d’objection sur le fond, mais je m’étonne de la façon dont ces pouvoirs sont proposés. Bien sûr, je ne nie pas au rapporteur le pouvoir de proposer des amendements, mais la modification qu’il propose est très substantielle. Renforcer ainsi les pouvoirs de l’ARCEP, au détour d’un amendement, alors qu’il faudrait une expertise juridique très approfondie, à tout le moins quelques éléments d’étude d’impact, me paraît une façon de faire étonnante et fâcheuse.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Le rapporteur a parfaitement le droit de proposer un amendement substantiel : cela fait même partie du travail normal de la Commission. Ce n’est pas l’une des situations anormales qu’il nous arrive de déplorer en séance publique.
M. Philippe Gosselin. Reconnaissez, monsieur le président, qu’il s’agit là d’un amendement très conséquent.
M. le rapporteur. Monsieur Tardy, il n’est pas question de moyens nouveaux attachés à une compétence nouvelle. C’est pour mener les missions qui sont déjà les siennes que nous proposons de donner à l’ARCEP des méthodes et des outils spécifiques, auxquels elle n’a pas accès aujourd’hui.
Il est toujours possible de considérer que les agents de l’ARCEP ne sont pas assez nombreux pour remplir les missions qui sont aujourd’hui les leurs, mais l’objet de cet amendement est de leur donner tous les outils pour mener sereinement les enquêtes. Nous adaptons donc plutôt les pouvoirs d’enquête et les outils qui leur sont associés aux compétences spécifiques de l’ARCEP.
Je vous renvoie au commentaire que je fais de cet article dans mon rapport ; nous pourrons en discuter à nouveau en séance.
La Commission adopte l’amendement.
Article 20 ter (nouveau)
(art. L. 125 du code des postes et des communications électroniques)
Extension des compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques aux questions relatives à la neutralité de l’internet
La Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) est actuellement composée de sept députés et de sept sénateurs ainsi que de trois personnalités qualifiées. Elle a été créée par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, relative à l’organisation du service public des postes et télécommunications.
La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a confirmé ses missions, en élargissant son domaine d’intervention aux communications électroniques et en adaptant son nom aux évolutions du secteur des télécommunications.
Cette commission veille à l’évolution équilibrée des secteurs des postes et des communications électroniques et émet, à cette fin, un avis sur les projets de modification de la législation applicable à ces secteurs, sur les projets de cahier des charges de La Poste et des opérateurs chargés du service universel des communications électroniques et les projets de contrats de plan de La Poste.
Elle est consultée par les ministres chargés des postes et des communications électroniques lors de la préparation des directives communautaires relatives à ces secteurs. Elle peut être consultée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat sur les questions relevant de sa compétence.
Elle peut saisir l’ARCEP sur des questions concernant la compétence de cette autorité en matière de contrôle du respect, par les opérateurs, des obligations de service public et de service universel qui leur sont applicables en vertu du présent code.
Elle peut suggérer les modifications de nature législative et réglementaire que lui paraît appeler l’évolution technologique, économique et sociale des activités postales et de communications électroniques.
Elle adresse des recommandations au Gouvernement pour l’exercice d’une concurrence loyale dans les activités postales et de communications électroniques.
Elle établit un rapport annuel qui est remis au Parlement et au Premier ministre. Ce rapport comprend une évaluation de l’action de l’ARCEP, pour ce qui concerne le service public des postes et celui des communications électroniques. Elle peut, en outre, faire connaître, à tout moment, ses observations et ses recommandations.
Elle peut recueillir toutes les informations utiles à l’accomplissement de ses missions et notamment demander aux ministres chargés des postes et des communications électroniques de faire procéder à toute étude ou investigation concernant La Poste et les opérateurs chargés du service universel des communications électroniques.
Le présent article, introduit à l’initiative de votre rapporteur, a été adopté par la commission des Lois après un avis de sagesse du Gouvernement. Il étend les compétences de la CSSPPCE aux questions relatives à la neutralité de l’internet, en raison de l’adoption du règlement européen sur le « marché unique des communications électroniques » (195) (MUCE).
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La Commission examine l’amendement CL551 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’Assemblée nationale et le Sénat ont formé une Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Je vous propose d’élargir son champ de compétence pour y inclure la neutralité du net.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis de sagesse sur cet amendement. Certes, cette commission est une instance fort utile, mais elle dispose de moyens réduits. Si l’argument du manque de moyens a été opposé à l’ARCEP, il est plus facile encore de l’opposer à cette instance…
Au demeurant, je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas d’ores et déjà se prononcer sur ce sujet, et cet amendement ne m’apparaît donc pas nécessaire. Mais si les députés estiment que l’inscrire dans la loi est utile, le Gouvernement se rangera à leur point de vue.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine l’amendement CL427 de M. Bertrand Pancher.
Mme Maina Sage. Cet amendement vise à interdire le « zero rating » qui permet à des opérateurs de proposer des services illimités, comme Youtube, sur certains forfaits mobiles.
M. le rapporteur. Le « zero rating » a fait l’objet de nombreux débats au niveau européen, et de nombreux amendements au règlement européen avaient été déposés pour interdire cette pratique qui consiste à ne pas décompter du forfait data des abonnés l’utilisation de certains services, bien souvent à destination du jeune public autour de vidéos ou d’applications très spécifiques. Toutefois, ces amendements n’ont pas été adoptés. Interdire le « zéro rating » constituerait donc une violation du règlement européen.
En revanche, je tiens à conforter l’idée que l’ARCEP vérifiera que les pratiques des opérateurs sont « transparentes, non discriminatoires et proportionnées » et « ne peuvent être maintenues plus longtemps que nécessaire ». Je fais donc confiance au régulateur pour qu’il veille à l’absence de telles pratiques. Je vous propose de retirer cet amendement.
L’amendement est retiré.
Article 20 quater (nouveau)
(art. L. 2, L. 2-2, L. 33-2, L. 33-4, L. 34, L. 35-1 à L. 35-4, L. 44, L. 125, L. 131 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques)
Modification du nom de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques
Introduit à l’initiative de M. Lionel Tardy, le présent article additionnel, adopté par votre commission des Lois après avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, renomme la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) en « Commission parlementaire du numérique et des postes ».
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La Commission est saisie de l’amendement CL487 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement, comme les trois suivants, concerne la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, dont je suis le secrétaire. Son acronyme, CSSPPCE, est particulièrement complexe et cet amendement entend lui donner un nouveau nom : « Commission parlementaire du numérique et des postes », puisqu’elle est essentiellement composée de parlementaires. Par ailleurs, il élargit ses compétences historiques.
Il serait judicieux de disposer d’une commission installée de façon permanente qui traite des sujets numériques et apporte une expertise en la matière, d’autant que tous les textes que nous examinons à l’Assemblée traitent du numérique.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il ne faut pas oublier que la CSSPPCE comprend, outre des parlementaires, trois personnalités qualifiées. Ce changement de nom ne pose-t-il pas problème à cet égard ?
M. Lionel Tardy. Nous avons prévu une solution : il suffira de transformer les personnalités qualifiées en « experts auprès » de la commission.
La Commission adopte l’amendement CL487.
Article 20 quinquies (nouveau)
(art. L. 130 du code des postes et des communications électroniques)
Statut de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes
Le présent article, introduit à l’initiative de votre rapporteur, a été adopté par la commission des Lois malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Il inscrit dans la loi le fait que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est une autorité administrative indépendante et qu’elle respecte le principe de parité au sein de son collège.
Le 1° du présent article fait figurer, à l’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques, la mention selon laquelle l’ARCEP est une « autorité administrative indépendante ». Il consacre ainsi la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1996 (196).
Les 2° et 3° du présent article introduisent, au même article, l’obligation de respecter le principe de parité au sein du collège des membres de l’ARCEP, bien que ce soit déjà le cas en pratique puisqu’il comprend actuellement trois femmes et quatre hommes dont le Président. En conséquence, il est précisé que les nouveaux membres du collège devront être du même sexe que ceux qu’ils remplaceront. Rappelons que le principe de parité s’applique aux membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes depuis l’ordonnance du 31 juillet 2015 prise sur le fondement de l’article 74 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL550 du rapporteur, CL244 rectifié de M. Sergio Coronado et CL637 de la commission des Affaires économiques.
M. le rapporteur. Cet amendement a simplement pour objet d’inscrire dans la loi que l’ARCEP est une autorité administrative indépendante, comme l’a reconnu le Conseil constitutionnel dans une décision du 23 juillet 1996, et aussi faire en sorte que le collège des membres de l’ARCEP respecte le principe de parité entre les hommes et les femmes, ce qui est d’ailleurs actuellement le cas sans que la loi ne l’impose.
Mme Isabelle Attard. Mon amendement CL244 rectifié est en partie identique à celui du rapporteur, je le retire donc au profit du sien.
L’amendement CL244 rectifié est retiré.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je suis également prête à retirer mon amendement CL637 au profit de celui du rapporteur.
Mme la secrétaire d’État. Je m’apprêtais à demander à la rapporteure pour avis de ne pas retirer son amendement, le Gouvernement y est favorable !
L’amendement CL550, du rapporteur, mélange deux sujets qui ne sont pas directement liés : le statut d’autorité administrative indépendante de l’ARCEP et la question de la parité du collège.
Si l’objectif recherché est véritablement d’instaurer une obligation juridique de parité, alors l’amendement de la commission des Affaires économiques suffit parfaitement. Le statut d’autorité administrative indépendante a été reconnu par le Conseil constitutionnel et une proposition de loi sur le sujet est en cours d’élaboration. C’est un autre débat qu’il ne me semble pas utile d’ouvrir ici.
M. le rapporteur. Je suis disposé à me rallier à l’amendement de la commission des Affaires économiques, mais je tiens à garder la mention du statut d’autorité administrative indépendante, qui n’y figure pas, ainsi que le 3°, qui prévoit des dispositions de coordination. Dans ces conditions, je maintiens mon amendement. Peut-être sera-t-il possible de combiner, avant la séance, la rédaction proposée par la commission des Affaires économiques à celle que je défends ?
La Commission adopte l’amendement CL550.
En conséquence, l’amendement CL637 tombe.
Article 20 sexies (nouveau)
(art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)
Clarification des termes de l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique
Introduit à l’initiative de M. Sergio Coronado, le présent article additionnel a été adopté par la commission des Lois après avis favorable de votre rapporteur et malgré les réserves du Gouvernement. Il substitue à l’article 6 de loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), à la notion de manifestement « illicite » celle, plus objective, de manifestement « illégale ».
L’article 6 de la LCEN proclame notamment le principe de l’absence d’obligation pour les prestataires techniques de surveiller les contenus qu’ils stockent ou acheminent. Cependant, il leur est imposé de retirer promptement les contenus « illicites » à partir du moment où ils en ont eu une connaissance effective. Cette disposition doit se lire à la lumière de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2014, aux termes de laquelle : « ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge » (197).
Or, le Conseil national du numérique et la Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique ont observé qu’en comportant une dimension morale, le terme « illicite » était de nature à inciter les hébergeurs à censurer des contenus au-delà de ce que leur impose la loi. En substituant au terme « illicite » le terme « illégal », le présent article permet de résoudre cette difficulté.
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La Commission examine l’amendement CL246 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. L’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique a pour effet de transférer aux hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet la responsabilité de juger de la licéité des contenus publiés.
Le Conseil national du numérique et la Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique ont élaboré plusieurs propositions pour adapter cet article, qui sont reprises dans le présent amendement.
Tout d’abord, il semble nécessaire de remplacer la notion de « manifestement illicite » par celle, plus objective, de « manifestement illégale ». Ensuite, l’amendement CL246 propose que la personne qui a produit le contenu soit informée du signalement et du retrait si l’on dispose de ses coordonnées, et qu’elle soit en capacité de formuler des observations avant le retrait.
Par ailleurs, la montée en puissance de la plateforme PHAROS permet la mise en place d’un double signalement. Cette plateforme doit être capable de demander le rétablissement d’un contenu qui ne serait pas manifestement illégal, afin que l’hébergeur ne soit plus le seul juge de la nécessité de retirer le contenu.
M. le rapporteur. Je suis favorable à l’emploi des termes « manifestement illégale » plutôt que « manifestement illicite ». En revanche, les services du Premier ministre m’ont confirmé que la plateforme PHAROS n’était pas en mesure d’assurer ce double contrôle.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, ou à le modifier afin de supprimer le 3°, auquel cas je donnerai un avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ce sujet est traité au niveau européen, le droit applicable est la transposition de la directive sur l’e-commerce qui va être renégociée à partir de l’année prochaine.
Mais surtout, je ne suis pas convaincue que cette plateforme PHAROS, en tant que service de l’État rattaché aux forces de l’ordre, soit l’interlocuteur le mieux placé pour organiser une telle procédure contradictoire entre un internaute, un utilisateur et un fournisseur d’accès à internet. Il me semble que le débat mérite d’être approfondi ; cette mesure n’est pas anodine en ce qu’elle implique des moyens nouveaux confiés à la plateforme PHAROS. Je ne suis donc pas favorable, à ce stade, à l’introduction d’une telle disposition.
Mme Isabelle Attard. Puisque le rapporteur et le Gouvernement sont gênés par la référence à la plateforme PHAROS, je me range à leur avis. Je maintiens les deux premiers points de cet amendement et je retire le troisième.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Section 2
Portabilité et récupération des données
Article 21
(art. L–121–120, L. 121–121, L. 121–122, L. 121–123, L. 121–124, L. 121–125 [nouveaux] du code de la consommation)
Récupération et portabilité des données
Le présent article a pour objet de permettre aux clients des prestataires de services numériques de récupérer et de transférer leurs fichiers mis en ligne, les données associées à leur compte utilisateur ainsi que leurs e–mails. Il introduit, à cet effet, une nouvelle section 20 consacrée à la « récupération et portabilité des données » dans le code de la consommation.
1. La portabilité des données : corollaire du droit à la libre disposition de ses données personnelles
a. Une demande croissante d’un droit à la portabilité
Le droit à la portabilité des données est le corollaire de la reconnaissance du droit à la libre disposition de ses données personnelles reconnu à l’article 26. Il s’agit de permettre à une personne d’obtenir une copie exhaustive des données faisant l’objet d’un traitement dans un format électronique couramment utilisé et de pouvoir les réutiliser ultérieurement et librement, y compris dans un environnement technique différent. Cela implique notamment que la restitution des données se fasse dans des formats ouverts et standards – permettant d’être lues par tout type de machine – et de manière complète et non dégradée. Cette proposition figurait parmi les 70 recommandations du rapport du Conseil national du numérique (198) et de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (199).
Sa définition et son champ d’application oscillent entre deux tendances différentes qui se recoupent toutefois partiellement :
– d’une part, la protection des données personnelles, qui vise à renforcer la capacité pour les individus d’exercer une maîtrise effective de l’usage des informations identifiantes ;
– d’autre part, le droit de la consommation, qui vise à offrir des droits nouveaux au consommateur – personne physique ou morale, et le droit de la concurrence, qui cherche à réduire la « viscosité » du marché.
b. La portabilité des données dans le règlement général sur la protection des données
L’article 18 de la proposition de la Commission européenne du 25 janvier 2012 de règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, dit « règlement général sur la protection des données », confère à la personne concernée un nouveau droit, le droit à la portabilité des données, c’est-à-dire celui de transmettre des données personnelles d’un système de traitement automatisé à un autre, sans que le responsable du traitement ne puisse y faire obstacle. Il prévoit que les personnes physiques peuvent obtenir leurs données à caractère personnel du responsable du traitement dans un format électronique structuré et couramment utilisé.
Article 18 de la proposition de règlement général sur la protection des données
sur la portabilité des données personnelles
Lorsque des données à caractère personnel font l’objet d’un traitement automatisé dans un format structuré et couramment utilisé, la personne concernée a le droit d’obtenir auprès du responsable du traitement une copie des données faisant l’objet du traitement automatisé dans un format électronique structuré couramment utilisé permettant la réutilisation de ces données par la personne concernée.
Lorsque la personne concernée a fourni les données à caractère personnel et que le traitement est fondé sur le consentement ou sur un contrat, elle a le droit de transmettre ces données à caractère personnel et toutes autres informations qu’elle a fournies et qui sont conservées par un système de traitement automatisé à un autre système dans un format électronique couramment utilisé, sans que le responsable du traitement auquel les données à caractère personnel sont retirées n’y fasse obstacle.
La Commission peut préciser le format électronique visé au paragraphe 1, ainsi que les normes techniques, les modalités et les procédures pour la transmission de données à caractère personnel conformément au paragraphe 2. Les actes d’exécution correspondants sont adoptés conformément à la procédure d’examen prévue à l’article 87, paragraphe 2.
c. La consécration d’un droit à la récupération et à la portabilité des données
Le 1° du I du présent article crée une nouvelle section 20 au sein du code de la consommation consacrée à la récupération et à la portabilité des données. Cette nouvelle section profitera tant aux particuliers qu’aux professionnels (article L. 121–123 [nouveaux]). Elle ne s’appliquera pas, en revanche, aux petits fournisseurs d’un service de communication au public en ligne (article L. 121–125 [nouveau]) (200).
L’article liminaire L. 121–120 [nouveau] affirme que le consommateur dispose d’un droit de récupération de données à tout moment dans les conditions prévues à ladite section (alinéa 5).
Dès lors qu’un consommateur résidant en France conclut un contrat avec un fournisseur de service, le droit français trouve à s’appliquer, en vertu du « principe de destination ». Pour pouvoir opérer à destination de résidents sur le territoire français, les services en ligne devront se conformer à l’obligation de portabilité, comme ils se conforment déjà au reste de la réglementation nationale. L’application de l’obligation instaurée par l’article 21 ne pose pas plus de difficulté que toute obligation imposée à un prestataire de services contractant avec un consommateur résidant en France.
Le Gouvernement a indiqué, en réponse à une question écrite de votre rapporteur, qu’ « hormis certains cas particuliers, les données concernées ne sont pas volumineuses. Pour les courriers électroniques, il existe déjà des protocoles, assez répandus, permettant la récupération et le chargement de messages depuis un service de courrier électronique (pop, imap, smtp…). De même un certain nombre de services permettent la récupération individuelle de fichiers (mais pas toujours la récupération groupée, en une seule opération) : dans ce cas il s’agit d’un élargissement de possibilités existantes. Ainsi, la mise en œuvre de la portabilité ne doit pas poser de problèmes techniques majeurs. Des startups spécialisées dans ce domaine ont également confirmé cette analyse. »
L’objectif de cet article est de diminuer la « viscosité » du marché et de favoriser la possibilité, pour les consommateurs, de changer de service s’ils le souhaitent. Il convient donc d’imposer la gratuité de ce service afin d’éviter les barrières qui limiteraient la possibilité pour les consommateurs d’exercer ce droit.
Le 2° du I prévoit les mesures de coordination rendues nécessaires par l’insertion d’une nouvelle section dans le code de la consommation (alinéa 24).
Le II prévoit que la nouvelle section du code de la consommation entrera en vigueur « 18 mois à compter de la date de promulgation de la présente loi ».
2. La consécration d’un droit à la portabilité des courriels
a. Les courriels : une utilisation majeure d’internet
L’envoi et la réception de courrier électronique est l’une des utilisations les plus courantes d’internet ; selon une étude Médiamétrie de 2014, 95 % des 43,2 millions de Français qui utilisent régulièrement internet consultent quotidiennement une messagerie électronique.
Deux types d’entreprises proposent des services de courrier électronique permettant de recevoir, envoyer et stocker des courriels :
– les fournisseurs d’accès à internet (FAI), le service étant alors lié à l’abonnement ;
– les pure players d’internet (dit « OTT », acronyme anglais signifiant « over the top »), qui proposent ce service sans lien avec un service d’accès à internet.
La plupart de ces services de courriers électroniques sont inclus dans l’offre de base d’accès à internet proposée par les FAI et ne sont payants que si l’on souhaite dépasser une limite de stockage, qui concerne essentiellement les professionnels. Les OTT proposent ces services le plus souvent gratuitement et se rémunèrent notamment grâce à la publicité.
b. Le droit en vigueur
S’il n’existe pas de disposition dans le corpus législatif français consacrant la portabilité des courriels, l’article L. 44–1 du code des postes et communications électroniques – introduit par la loi n° 2009–1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique – impose aux FAI de permettre à leurs clients qui changent d’opérateurs de conserver gratuitement un accès aux messages reçus sur leur boîte aux lettres électronique attribuée sous leur nom de domaine durant six mois.
c. La portabilité des courriels et listes de contacts
Le nouvel article L. 121–121 met en application le droit général à la portabilité des données énoncé à l’article L. 121–120 s’agissant de la portabilité des courriels et des listes de contacts.
Il dispose que tout fournisseur d’un service de courrier électronique comprenant la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique (201) propose une fonctionnalité gratuite permettant au consommateur de transférer directement (202) ses messages et sa liste de contacts vers un autre fournisseur, dans la limite de la capacité de stockage du nouveau service (alinéa 8).
Comme il n’existe pas d’interopérabilité entre les différents services de messagerie, cet article prévoit que le fournisseur d’un service de courrier électronique fournit les informations nécessaires – en particulier les règles techniques et les standards applicables – à la mise en place de la portabilité des courriels (alinéa 9).
Les fournisseurs informent le consommateur de manière claire et loyale de ce nouveau droit (alinéa 10).
Le présent article étend par ailleurs l’obligation prévue à l’article L. 44–1 du code des postes et des télécommunications aux fournisseurs de services de courrier électronique (alinéa 11).
Le coût de cette mesure pour les fournisseurs est estimé par l’étude d’impact à quelques dizaines de milliers d’euros, pour des opérateurs qui sont très majoritairement de grande envergure – les autres étant exonérés de cette obligation.
3. La portabilité des données
a. Les enjeux économiques liés aux données stockées en ligne
Le cloud computing (informatique dans les nuages), apparu au cours des années 2 000, consiste à délocaliser des données, des fichiers et des utilisations des ordinateurs des particuliers et des entreprises vers le nuage, c’est-à-dire vers des serveurs extérieurs, qui hébergent les données, les fichiers et les applications utilisées par les clients.
Le cloud computing intéresse de plus en plus les particuliers et les entreprises. Il permet notamment de disposer de capacités de stockages supplémentaires, réduit les investissements en matériel informatique des entreprises et permet plus de souplesse dans la gestion des données. Les petites et moyennes entreprises (PME) représentaient en 2014, selon l’INSEE, plus des trois quarts des acheteurs de services de cloud (203). Les PME n’ont souvent pas les moyens humains et matériels de négocier les contrats avec les opérateurs de service du cloud à leur avantage, et peinent à récupérer leurs données lorsqu’elles souhaitent migrer vers un autre service.
UTILISATION DE SERVICES DE CLOUD COMPUTING DANS L’UNION EUROPÉENNE
en %
Champ : sociétés d’au moins 10 personnes des secteurs principalement marchands hors secteurs agricole, financier et d’assurance, implantées en France et dans l’EU à 28.
Sources : Insee, Eurostat, enquêtes TIC 2014. INSEE Première, La timide émergence du cloud computing dans les sociétés en 2014, n° 1545, avril 2015
En 2014, ce marché était estimé en France à près de 5 milliards d’euros, contre 2,3 milliards en 2009 (204). Le cloud est, d’après toutes les études prospectives, appelé à se développer de manière exponentielle. Il s’agit d’un des domaines du numérique où les entreprises européennes (SAP, Orange) détiennent une part de marché substantielle par rapport aux géants américains (Google, Amazon, Microsoft, Apple). L’utilisation des services de cloud par les entreprises françaises est plus faible que dans le reste de l’UE. En effet, seules 12 % des entreprises françaises ont acheté des services de cloud en 2014, contre 19 % en moyenne dans l’Union européenne (205).
http://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-le-marche-du-cloud-computing-39790256.htm
Source : INSEE Première, La timide émergence du cloud computing dans les sociétés en 2014, n° 1545, avril 2015
Par ailleurs, la multiplication des services de communication en ligne s’est accompagnée d’une personnalisation croissante de ceux–ci. Beaucoup de services numériques sont désormais associés à un compte utilisateur qui enregistre les données liées à l’utilisation du service. Dans ce cas, il est important pour le consommateur de pouvoir passer d’un service à un autre en récupérant les données liées à son compte utilisateur et résultant de son usage du service : liste de lecture, historique de navigation ou d’achat, etc.
Dans le cadre de l’agenda numérique, la Commission européenne a créé un groupe d’experts pour examiner l’opportunité de réglementer les contrats de cloud. Compte tenu de l’importance du sujet et de la vitesse de son évolution, il est néanmoins apparu préférable d’adopter une réglementation nationale rapidement, dans l’attente d’une éventuelle initiative européenne qui ne saurait prospérer avant plusieurs années.
b. Le droit en vigueur
Si aucune mesure spécifique concernant la récupération des données n’existe à ce jour en droit français, les contrats de cloud computing sont soumis aux dispositions du code civil régissant l’ensemble des contrats, ainsi qu’aux articles L. 121–16 et suivants du code de la consommation concernant les dispositions relatives aux ventes de biens et fournitures de prestations de service à distance.
c. La portabilité des données permettra de réduire la « viscosité » du marché
Comme le souligne l’étude d’impact, « la perspective de perdre ses données ou de devoir se lancer dans une fastidieuse récupération de celles–ci peut inciter le consommateur à renoncer à changer d’opérateur, quand bien même il ne serait plus satisfait de ses services ».
Le nouvel article L. 121–122 dispose que tout fournisseur d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur, en prenant toutes les mesures nécessaires à cette fin, une fonctionnalité gratuite lui permettant de récupérer (alinéa 14) :
– tous les fichiers qu’il a mis en ligne (alinéa 2) ;
– toutes les données associées à son compte utilisateur dans un standard ouvert et aisément réutilisable, lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé (alinéa 3).
Certaines données brutes ne sont pas récupérables car intégrées dans des fichiers d’un format propriétaire. Dans ce cas, l’alinéa 18 prévoit que le fournisseur en informe clairement le consommateur, avant la conclusion du contrat et dans le contrat, de l’impossibilité ou de la possibilité de récupérer ces données, et, le cas échéant, des modalités de cette récupération et de la forme, notamment le format de fichier, sous laquelle ces données sont récupérables.
L’alinéa 17 dispose en outre que le fournisseur doit offrir une faculté de requête unique étendue au moins à un type ou un format de fichiers ou données.
4. Sanctions
Le nouvel article L. 121–124 définit le régime applicable aux manquements aux articles L. 121–122 et L. 121–123. Il s’agit d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, montants usuels du droit de la consommation.
5. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Outre des amendements rédactionnels présentés respectivement par Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques et par votre rapporteur, la Commission a adopté plusieurs amendements de :
– M. Sergio Coronado, précisant que la récupération des données peut se faire de manière partielle et intégrale. Il s’agit d’éviter une interprétation restrictive de ce droit, qui contraindrait l’utilisateur à récupérer, un à un, l’ensemble de ses messages. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;
– la commission des Affaires économiques, visant à supprimer à l’alinéa 8 la mention du transfert « direct » des mails d’un fournisseur vers un autre. En effet, l’objet de la portabilité est d’accorder la possibilité aux utilisateurs d’exporter leurs mails dans un standard applicable – après un travail de configuration et d’agrégation –, puis de les importer sans difficulté dans le nouveau service. Plusieurs opérations simples sont donc à réaliser, ce qui a justifié la suppression du terme « directement ». Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;
– la Commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 11 pour clarifier les conditions permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de pouvoir gratuitement continuer à bénéficier des services d’envoi et de réception des mails pendant une durée de six mois. La rédaction initiale, « d’accès au courrier électronique reçu », laissait subsister un doute sur les fonctionnalités dont aurait pu bénéficier l’utilisateur. Il semblait important de préciser que l’envoi des mails reste possible. En outre, cette rédaction écarte la mention du changement de fournisseur, qui apparaît superflue, voire risquée, l’utilisateur n’ayant pas à justifier d’un changement de fournisseur pour désactiver ou résilier son service de messagerie électronique et bénéficier de la disposition proposée. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement ;
– la Commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 21 afin de ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services « business to business ». Ces contrats prévoient déjà, pour beaucoup, les conditions de portabilité des données. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement ;
– du Gouvernement, abaissant de douze à six mois le seuil réglementaire d’application du présent article fixé en fonction du nombre de connexions, ce qui paraît plus fiable et plus pertinent pour comparer le poids des différentes plateformes.
*
* *
La Commission examine les amendements identiques CL32 de M. Lionel Tardy et CL353 Mme Laure de La Raudière.
M. Lionel Tardy. Nous commençons l’examen d’une série de trois ou quatre articles qui nous feraient commettre une sérieuse erreur consistant à anticiper une future réglementation européenne – ce que précisément vous nous reprochiez tout à l’heure. C’est notamment le cas de cet article 21 sur la portabilité, puisque le règlement européen doit être finalisé au cours du mois. Il ira moins loin et prévoira une période d’adaptation de deux ans.
À part pénaliser les éditeurs français, je ne comprends pas l’intérêt de cet article, d’autant qu’un règlement, contrairement à une directive, est d’application directe. Une fois de plus, la loi française n’est pas faite pour envoyer un quelconque signal à Bruxelles, ni pour faire du zèle, surtout quand ce zèle va créer un déséquilibre entre les contraintes françaises et celles des autres pays européens. Tout cela, très honnêtement, est vain et contre-productif. Nous vous invitons donc à supprimer cet article en attendant l’application de la réglementation européenne.
Mme Laure de La Raudière. Il n’y a pas encore de position commune des chefs d’État sur le projet de règlement sur la protection des données. Il est donc dangereux de légiférer en avance car nous allons imposer à nos acteurs une nouvelle réglementation, donc une charge administrative, des coûts et des tracas avant même l’adoption du règlement européen qui imposera de nouvelles normes. Nous allons donc leur imposer deux réglementations différentes en deux ans.
Si nous n’examinions pas ce projet de loi en procédure accélérée, je pourrais comprendre que l’on cherche à envoyer un signal à Bruxelles en première lecture, puis que l’on attende l’adoption du règlement européen avant d’adopter le texte final en seconde lecture. Cela ne me semble pas idéal, mais je comprendrais la logique. Mais puisque nous sommes en procédure accélérée, nous allons adopter le projet de loi avant la finalisation du règlement européen sur les données personnelles. C’est une très mauvaise façon de faire, et le Conseil d’État l’a d’ailleurs souligné dans son avis.
M. le rapporteur. J’entends le souci des auteurs de ces deux amendements, mais les champs d’application du règlement européen et du projet de loi portent sur deux aspects différents. Le règlement européen porte sur la protection des données personnelles, afin de renforcer la capacité des individus à exercer une maîtrise effective de l’usage des informations identifiantes. Le projet de loi, lui, porte sur le droit de la consommation qui vise à offrir des droits nouveaux au consommateur – personne physique ou morale – et sur le droit de la concurrence, qui cherche à réduire la viscosité du marché.
Je souhaite donc le maintien de cet article, afin que le débat puisse porter sur l’ensemble des éléments, y compris les services fournis aux professionnels prévus à l’alinéa 21 du présent article.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement tient beaucoup à cet article. Il faut bien comprendre qu’il ne poursuit pas le même objectif que l’article du règlement européen sur la portabilité.
L’objectif poursuivi par cet article est essentiellement économique et concurrentiel ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est très soutenu par l’écosystème des start-up. Ces dernières considèrent qu’il y a trop de barrières à l’entrée sur le marché, et que des écosystèmes fermés, prônés par certains géants de l’internet, les empêchent de se distinguer par l’offre de services innovants qu’ils sont capables de fournir.
L’article 21 ne mentionne pas uniquement les données personnelles, mais les données tout court ce qui soulève la question du champ des données concernées par l’article. En l’occurrence, le règlement européen sur les données personnelles n’interdit absolument pas d’aller au-delà du champ des données personnelles. Nous sommes donc pleinement dans la stratégie européenne du Gouvernement français, que j’ai décrite tout à l’heure, qui consiste à ne jamais entrer en contradiction avec les textes adoptés ou en négociation à Bruxelles.
Prenons l’exemple d’un utilisateur qui a créé des playlists – des préférences musicales – pendant plusieurs années. Il pourrait souhaiter récupérer, non pas le contenu des fichiers musicaux, mais uniquement le résultat de ses préférences. En l’état, ce n’est pas forcément couvert par le règlement européen. Il en va de même pour l’historique des relevés bancaires.
La portabilité des téléphones mobiles avait été très discutée avant que l’on admette qu’elle a permis une plus grande concurrence ; de même, la portabilité des courriers électroniques et des données stockées dans l’informatique en nuage – le cloud – doit permettre une plus grande fluidité du marché des données, au bénéfice des plus petits acteurs qui ont aujourd’hui du mal à se positionner.
M. Lionel Tardy. Dans le cas de la liberté de panorama, l’Europe nous permet de faire exception, comme beaucoup d’autres pays, mais nous ne le faisons pas. Maintenant, vous proposez l’inverse : dans l’attente d’une future norme européenne, nous passons outre pour faire notre propre réglementation… Nous aurons l’occasion d’y revenir en débattant des différents amendements.
M. Philippe Gosselin. Nous avons été nombreux à dénoncer le syndrome du village gaulois : nous sommes en train de décider de règles franco-françaises. Ce texte arrive soit trop tard, soit trop tôt. Le règlement européen tant attendu prend corps, nous ne sommes plus qu’à quelques encablures du port, et j’ai le sentiment que nous allons créer un droit franco-français alors que nous devrions envisager un cadre beaucoup plus large. Les arguments de la ministre ne m’ont pas convaincu, et cette question se posait dans les mêmes termes à l’article 20 et il en ira de même à l’article 22.
La Commission rejette ces amendements.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL639 de la commission des Affaires économiques.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL248 rectifié de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement tend à préciser que la récupération des données peut se faire de manière partielle et intégrale. Il s’agit d’éviter une interprétation restrictive de ce droit, par laquelle l’utilisateur se verrait contraint de récupérer, un à un, l’ensemble de ses messages.
Si une plateforme peu conciliante ne souhaite pas remplir cette obligation, il faut que la récupération des données puisse se faire en bloc, ou avoir la possibilité de récupérer quelques-unes de ces données sans forcément tout prendre.
Cette flexibilité dans la portabilité est importante pour ne pas se retrouver prisonnier d’une plateforme.
M. le rapporteur. Je partage l’objectif de cet amendement. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL313 de Mme Laure de La Raudière et l’amendement CL640 de la commission des Affaires économiques.
Mme Laure de La Raudière. Je propose de supprimer le mot « directement », dans la mesure où le transfert des mails d’un fournisseur à un autre n’est pas forcément facile à faire de manière directe.
De plus, je propose d’ajouter que le standard des contacts doit être compatible avec l’ancien service de messagerie pour permettre le transfert. En effet, il n’existe pas actuellement de standard pour transférer les contacts, à l’image du standard IMAP. Cette absence de standard n’empêche toutefois pas certains opérateurs de proposer un format pour transférer les contacts, accepté par certains fournisseurs de mail.
M. le rapporteur. Je suis parfaitement d’accord avec la première partie de votre amendement, mais moins avec la seconde, car la rédaction que vous proposez donne l’impression que ce sont les adresses électroniques, et non les contacts, qui doivent être compatibles. Je vous propose donc de retirer cet amendement et de vous rallier à l’amendement CL640 de la commission des Affaires économiques.
Mme Laure de La Raudière. Soit. Je verrai pour la deuxième partie s’il est nécessaire de déposer un amendement en séance.
L’amendement CL313 est retiré.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Comme l’a expliqué Mme de La Raudière, le transfert des courriers électroniques n’étant pas facile à faire, il est proposé de ne pas imposer qu’il puisse se faire directement.
L’amendement CL640 est adopté.
La Commission en vient à l’examen de l’amendement CL650 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Il s’agit simplement de mettre l’alinéa 8 en cohérence, comme nous l’avons fait pour l’alinéa 5 de cet article, en intégrant les mots « partiellement et intégralement » afin que la récupération des données puisse se faire une par une, ou de façon globale.
M. le rapporteur. Avis favorable. J’en profite pour remercier les uns et les autres : Mmes Attard, Erhel, de La Raudière et M. Tardy pour tous ces amendements rédactionnels de bon sens.
L’amendement est adopté.
La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL492, du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL319 de Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. Je propose de compléter l’alinéa 8 pour nous assurer qu’il est applicable pratiquement par les opérateurs de messagerie.
M. le rapporteur. Je me suis également beaucoup questionné sur cette partie de l’article 21. J’ai interrogé le Gouvernement, qui m’a donné la réponse écrite suivante : « Hormis certains cas particuliers, les données concernées ne sont pas volumineuses. Pour les courriers électroniques, il existe déjà des protocoles, assez répandus, permettant la récupération et le chargement de messages depuis un service de courrier électronique. De même un certain nombre de services permettent la récupération individuelle de fichiers (mais pas toujours la récupération groupée, en une seule opération) : dans ce cas il s’agit d’un élargissement de possibilités existantes. Ainsi, la mise en œuvre de la portabilité ne doit pas poser de problèmes techniques majeurs. Des start-up spécialisées dans ce domaine ont également confirmé cette analyse ».
Je vous propose donc de retirer cet amendement.
Mme Laure de La Raudière. Puisque mon amendement ne pose aucune difficulté et que nous sommes assurés qu’il n’exige pas l’impossible, mais que la presque totalité des acteurs répondront à ce principe, vous auriez plutôt intérêt à l’accepter.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement n’est pas totalement anodin, parce qu’il limite la portée du principe de portabilité aux standards applicables. Certains standards comme le protocole IMAP sont en effet, de facto, applicables. Je ne pense pas pour autant qu’il faille en faire une obligation. L’alinéa 8 de l’article 21 limite déjà l’obligation de portabilité aux capacités de stockage du nouveau service vers lequel le consommateur veut se tourner.
Cette précision m’apparaît donc inutile, et de surcroît plus contraignante.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite les deux amendements identiques CL106 de M. Lionel Tardy et CL428 de M. Michel Zumkeller.
M. Lionel Tardy. L’alinéa 11, qui prévoit de laisser la boîte mail accessible six mois après sa fermeture, n’a pas un grand intérêt puisque cette obligation existe déjà pour les fournisseurs d’accès à internet : quand vous fermez votre boîte mail liée à votre abonnement, les fournisseurs d’accès doivent vous laisser y accéder. C’est plutôt logique puisque la boîte mail dépend d’un autre service, en l’occurrence un forfait. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par l’amendement CL106, de supprimer cette disposition.
Mme Maina Sage. Cet alinéa risque de créer une nouvelle contrainte pour les services de messagerie. D’où notre amendement de suppression CL428.
M. le rapporteur. En pratique, les fournisseurs de service de courrier électronique laissent déjà cet accès ouvert dans la plupart des cas. Je vous propose de retirer ces deux amendements car on pourrait très bien imaginer à l’avenir que le service de messagerie clôture le compte quand l’internaute demande la portabilité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Les arguments que vous invoquez pour supprimer l’alinéa 11 correspondent en fait à la pratique qui est déjà suivie par les opérateurs et les gestionnaires. Je préférerais garder cet alinéa 11.
La Commission rejette ces deux amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL641 de la commission des Affaires économiques.
Mme Claudine Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’un amendement de précision, car la rédaction actuelle laisse planer un petit doute sur les fonctionnalités dont pourrait bénéficier l’utilisateur. Il est utile de spécifier qu’il pourra non seulement recevoir, mais aussi envoyer des mails durant cette période.
D’autre part, la rédaction proposée écarte la mention du changement de fournisseur, l’utilisateur n’ayant pas à justifier d’un changement de fournisseur pour désactiver ou résilier son service de messagerie électronique.
M. le rapporteur. Avis favorable. Si cet amendement devait être adopté, il ferait tomber l’amendement suivant, que je souhaitais défendre. Je propose donc à Mme la rapporteure pour avis de modifier son amendement afin d’inclure la précision rédactionnelle proposée par notre amendement CL493.
Mme Claudine Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. J’accepte volontiers la modification proposée.
Mme la secrétaire d’État. Avis de sagesse. L’amendement irait plus loin que le dispositif actuel en alourdissant les contraintes qui pèsent sur les opérateurs de courrier électronique, ce qui n’est pas forcément l’objectif recherché.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
En conséquence, l’amendement CL493 tombe.
La Commission en vient à l’amendement CL156 de M. Bernard Gérard.
M. Philippe Gosselin. Cet amendement concerne la portabilité des données de courrier électronique. Il soulève la question de l’interopérabilité et de son effectivité, qui suppose un format de compatibilité commun entre tous les fournisseurs de service de messagerie, qui n’existe pas aujourd’hui. Nous avons l’impression que nous sommes sur le point de créer des usines à gaz qui imposeront des contraintes impossibles aux fournisseurs.
M. le rapporteur. Je me suis également interrogé sur le caractère opérationnel de cet alinéa 11, et les arguments sont identiques à ceux avancés pour défendre l’alinéa 8. Je ne vais pas vous relire la réponse écrite que m’a adressée le Gouvernement, retenons que cette question ne soulève pas de problème technique majeur. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable : vous prévoyez une nouvelle exception au principe de portabilité des messageries électroniques. Or, si l’on considère les coûts induits par les opérateurs comme la faisabilité technique, la réalité est que l’investissement n’est pas majeur, la plupart des fournisseurs sont capables de proposer cette option, et beaucoup le font déjà.
Il me semble dommage de limiter la portée de ce principe de portabilité des courriers électroniques, qui est moins contestée que la portabilité des données contenues dans le cloud. À partir du moment où il existe un consensus sur ce sujet, il est dommage de reculer pour une raison qui ne correspond pas à la pratique des opérateurs.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission se saisit de l’amendement CL308 de Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. Les alinéas 15 à 18 de l’article 21 précisent quelles données entrent dans le champ de l’obligation de portabilité.
L’amendement CL308 supprime l’alinéa 15 car les fichiers qui y sont mentionnés sont nécessairement des données. L’alinéa 16 soulève, pour sa part, une réelle difficulté, car il inclut les données attachées au compte utilisateur, des données liées au savoir-faire de l’entreprise prestataire, par exemple la catégorie ou le profil de l’utilisateur.
Ainsi la lettre de l’article 21 semble-t-elle contredire la définition de l’obligation de portabilité inscrite à l’article 18 du règlement européen, dont la rédaction a fait l’objet, le 15 décembre dernier, d’un accord de principe entre le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne. En effet, si l’article 18 du règlement européen dispose que l’utilisateur doit pouvoir récupérer toutes les données qu’il a communiquées au responsable de traitement et qui le concernent, ce périmètre exclut les données attachées au compte utilisateur.
Je vous propose ainsi une rédaction nouvelle des alinéas 15 et 16.
M. le rapporteur. La question du champ des données soumises à l’obligation de portabilité se pose depuis le début. D’emblée, nous avons vu que ce point du texte soumis à notre examen devrait être réécrit. Nous y avons beaucoup réfléchi, notamment avec les personnes auditionnées, et j’ai abordé la question avec Corinne Erhel. Pour tout vous dire, aucune des formulations proposées ne me convient parfaitement, ni celle-ci, chère collègue, ni celles des amendements suivants – les miens compris.
Avec Corinne Erhel, nous allons essayer de trouver une solution d’ici à samedi, pour pouvoir déposer un amendement. Je pense que nous sommes sur la bonne piste, mais nous ne sommes pas encore parvenus au but.
En attendant de vous soumettre une nouvelle rédaction, le plus tôt possible, pour que vous puissiez la commenter, la critiquer, la compléter ou la cosigner, je vous propose de retirer vos amendements. Je retirerai moi-même les deux miens.
Mme la secrétaire d’État. Je souhaite également le retrait de cet amendement.
Le champ du principe de portabilité visé par ce projet de loi n’est pas le même que celui du règlement européen mais ce dernier n’interdit pas de retenir un champ plus large. Il n’est pas question des mêmes sujets. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Royaume-Uni s’est permis d’introduire le principe de portabilité dans sa législation nationale, tout en continuant à négocier, comme l’ont fait les autres pays, le règlement européen sur les données personnelles.
Cela dit, je suis tout à fait sensible aux craintes exprimées par certaines entreprises. Leur valeur ajoutée, notamment issue des traitements algorithmiques des données provenant des utilisateurs, n’est-elle pas menacée ? Il est important de définir très précisément le champ des données concernées.
Votre amendement CL308 exclurait le classement des contenus et les statistiques d’utilisation. Cela va trop loin, nous souhaitons quand même que le principe introduit ait une portée effective, notamment du point de vue concurrentiel, mais je me réjouis que le rapporteur se dise prêt à retravailler la définition du champ des données concernées d’ici à l’examen du projet de loi dans l’hémicycle. Je suis assez confiante : toutes les définitions proposées, notamment par les entreprises avec lesquelles nous nous sommes entretenus, nous permettront d’aboutir à une définition satisfaisante pour l’ensemble des acteurs économiques.
Mme Laure de La Raudière. Je comprends la logique défendue, mais je ne retire pas pour autant mon amendement. Et je suis quand même très inquiète : nous sommes quatre ou cinq députés à avoir travaillé avec différents administrateurs de l’Assemblée nationale, Mme la secrétaire d’État a de son côté travaillé sur le texte avec ses services, et nous n’avons toujours pas trouvé la bonne formulation ! Il s’agit tout de même de règles qui s’imposeront aux acteurs de l’économie numérique et s’appliqueront aux données, notamment aux données personnelles. Nous aurons donc deux réglementations différentes, qui s’appliqueront l’une aux données personnelles, l’autre aux autres données. Nous complexifions l’environnement de travail de nos acteurs du numérique, alors que nous pourrions attendre l’adoption du règlement européen pour avoir un débat plus serein.
Je ne retire pas mon amendement, que je crois de bonne facture et qui mérite d’être adopté.
Mme la secrétaire d’État. J’aimerais revenir sur le fond du sujet, parce que ces débats peuvent apparaître assez techniques, voire technocratiques. Nous parlons de la faculté donnée à des usagers, des internautes, de récupérer des informations qui les concernent mais qui ne sont pas considérées au sens du droit comme des données personnelles. Prenons, par exemple, des photos de vacances postées dans un cloud. Est-il légitime de demander au prestataire de services de cloud de fournir ce contenu non à un autre fournisseur mais bel et bien à l’utilisateur, à la personne privée, au particulier ? Cette question n’est pas résolue par le règlement européen, et que l’on attende trois ou six mois n’y changera rien, puisqu’il traite des données personnelles. J’aurais pu donner d’autres exemples, comme celui des playlists.
Les utilisateurs sont quand même très démunis, aujourd’hui, face aux géants de l’internet, qui imposent leurs pratiques. Ce n’est pas par hasard que nous approchons du principe de libre disposition de ces données. L’idée est de redonner une certaine maîtrise à l’usager, au particulier, sur les données qui le concernent, au-delà des seules données personnelles au sens strict. La souveraineté des particuliers sur leurs données est un enjeu majeur, à l’instar de la souveraineté des États.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL643 et CL644, tous deux de la commission des Affaires économiques, CL107 de M. Lionel Tardy et CL532.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Sur cet important sujet, l’objectif, pour la commission des Affaires économiques, est d’essayer de trouver le point d’équilibre entre la protection des données personnelles et le niveau plus élevé d’innovation. En l’occurrence, le champ des données soumises à l’obligation de portabilité est extrêmement large. Je respecte ce choix mais, au-delà des données fournies par l’utilisateur, il y a celles qui résultent de l’utilisation du service et les données dites enrichies ou hybrides. Comment ne pas décourager l’innovation, notamment dans les services aux usagers ?
Au nom de la commission des affaires économiques, je propose deux formulations. L’une, objet de l’amendement CL643, vise à exclure les données enrichies ou hybrides du champ de l’article 21 pour protéger les données personnelles tout en maintenant l’innovation au niveau le plus pertinent possible. L’autre « colle » au règlement européen et transpose précisément les dispositions arrêtées, à l’heure actuelle, au niveau européen, pour éviter tout décalage. Il est toujours difficile de se détacher d’une réglementation commune – ce disant, j’exprime également une conviction personnelle.
Bien sûr, je n’ai pas la science infuse, et je vois bien que nous n’arrivons pas à trouver le point d’équilibre sur cette question difficile. J’espère néanmoins que nous y parviendrons.
Je n’évoquerai pas l’exemple de certaines start-up, très jeunes et déjà très célèbres, notamment dans le secteur de la mobilité. Si nous permettons le transfert de ce qu’on appelle les données hybrides, ou enrichies, ce sont les compétences spécifiques d’une entreprise très innovante qui peuvent partir chez un autre concurrent – français ou étranger, peu importe. C’est un vrai risque. Mettons donc à profit les quelques jours qui nous restent pour trouver le bon point d’équilibre. C’est, avec les plateformes, l’un des points sur lesquels nous devons vraiment être vigilants ; les enjeux sont considérables. Je veux bien retirer les amendements CL643 et CL644, mais je tiens vraiment à ce que les données enrichies soient exclues du champ de l’article 21.
M. Lionel Tardy. Je retirerai mon amendement CL107, mais j’aimerais bien qu’on tienne compte de mon amendement de repli CL33 dans le débat. Je comprends de quelle logique procède la portabilité des données que l’utilisateur a lui-même entrées et créées. En revanche, prévoir une portabilité de toutes les données, c’est oublier qu’il y a, derrière tout cela, un site, une entreprise qui apporte une valeur ajoutée aux données. Créer une liste musicale de A à Z et enregistrer une liste musicale générée à la suite de suggestions, par exemple, ce n’est pas la même chose. Dans le premier cas, l’utilisateur peut être tout à fait libre de partir chez le concurrent avec sa liste ; dans le second, il y a de la valeur ajoutée, et tout ne devrait pas être récupérable pour aller chez le concurrent. Par mes amendements CL33 et CL107, je propose donc des rédactions alternatives, qui visent le même objectif : que seuls les classements de contenus réalisés par l’utilisateur entrent dans le champ des données portables. Je suis d’accord avec Corinne Erhel, et je retire cet amendement de repli en espérant qu’une solution soit trouvée d’ici à la séance, qui tienne compte de cette problématique des données récupérables.
M. le rapporteur. Je propose à Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques et à M. Tardy de retirer leurs amendements. Je donne l’exemple en retirant l’amendement CL532.
Les amendements CL643, CL644, CL107 et CL532 sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CL33 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je retire cet amendement puisque nous sommes convenus hier de revoir la question des données récupérables par l’utilisateur de plateforme d’ici à la séance publique.
L’amendement est retiré.
L’amendement CL533 du rapporteur est également retiré.
La Commission examine l’amendement CL34 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je ne crois pas que le rôle de la loi soit de préciser que la fonctionnalité de recherche des données stockées en ligne « offre au consommateur une faculté de requête unique étendue au moins à un type ou un format de fichiers ou données ». Je propose de supprimer un alinéa qui entre vraiment trop dans le détail.
M. Luc Belot, rapporteur. Avis défavorable. Tout l’intérêt du dispositif repose sur la capacité de récupération globale des données.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Avis également défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL646 de la commission des Affaires économiques.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cette nouvelle rédaction de l’alinéa 18 vise, à périmètre normatif quasi constant, à clarifier cette disposition pour les entreprises concernées comme pour les consommateurs.
M. le rapporteur. Avis plutôt favorable.
Mme la secrétaire d’État. La rédaction actuelle de l’alinéa 18 impose une double information, précontractuelle et contractuelle, du consommateur en cas d’impossibilité de transfert de ses données. L’amendement me semble moins précis car il ne comporte pas cette double garantie protectrice pour les consommateurs. Sachant que nous nous sommes engagés à retravailler sur l’article 21 avec l’ensemble des rapporteurs d’ici à la séance, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL494 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL647 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’apporter une précision afin de ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services business to business. Ces contrats prévoient déjà, pour beaucoup d’entre eux, les conditions de portabilité des données. Dans le cadre de la liberté contractuelle des parties, ils devront fixer les conditions dans lesquelles sera prévue la portabilité de leurs données.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement ne concerne pas le consommateur final auquel le Gouvernement a pris le parti d’appliquer principalement le principe de portabilité. Il est vrai que beaucoup de petites entreprises se plaignent de ne pas pouvoir récupérer leurs données. Il me semble que la loi doit aussi les protéger, même s’il n’est pas question d’imposer des contraintes aux entreprises dans les relations qu’elles peuvent avoir entre elles. Si l’Assemblée considère qu’il faut limiter le champ d’application de l’article 21 sur ce point, le Gouvernement s’en remet à sa sagesse.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CL648 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Le modèle économique des entreprises du numérique s’apprécie à des échelles de temps différentes. Sachant que les évolutions dynamiques de marché se mesurent en mois, sinon en jours, la référence au nombre de connexions au cours « des trente derniers jours » me semble plus pertinente que celle au « douze derniers mois » proposée dans le texte.
M. le rapporteur. Peut-être pouvons-nous trouver une durée qui se situerait entre les « trente derniers jours », pour lesquels les chiffres ne sont pas toujours simples à calculer, et les « douze dernier mois », qui paraissent trop longs, à moins que nous ne renvoyions ce choix au décret ?
Mme la secrétaire d’État. L’introduction d’un critère de seuil fondé sur « le nombre de compte utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion » est très novatrice. La notion de chiffre d’affaires est mise de côté pour coller à la réalité des entreprises du numérique qui peuvent connaître de très fortes croissances en de très courts laps de temps.
« Trente jours » semble toutefois un délai très bref. Tout en s’inscrivant dans la logique de l’amendement, le Gouvernement souhaite qu’il soit rectifié : il propose qu’à l’alinéa 23, les « douze derniers mois » soient remplacés par les « six derniers mois ». Monsieur le rapporteur, il me semble utile de fixer d’emblée une durée dans la loi afin d’assurer la lisibilité et la sécurité juridique du dispositif.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je me rallie à cette rectification.
M. le rapporteur. J’y suis également favorable.
Mme Laure de La Raudière. En tergiversant sur la période à prendre en compte, il me semble que nous passons à côté du véritable problème. Quel seuil le décret fixera-t-il en termes de nombre de connexions ? L’étude d’impact n’est pas précise sur le sujet, et nous ne savons pas ce que le Gouvernement a en tête en la matière. Madame la secrétaire d’État, quelles seront les entreprises concernées ?
Mme la secrétaire d’État. L’idée est de viser les grandes entreprises qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs ou d’abonnés. La réduction de la période d’observation a d’autant plus d’importance que la croissance du nombre d’utilisateurs peut être extrêmement rapide.
Mme Laure de La Raudière. Les entreprises concernées seront-elles une dizaine, une centaine ?
Mme la secrétaire d’État. Elles devraient être une centaine si l’on vise un seuil d’un million d’utilisateurs.
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Elle examine ensuite l’amendement CL252 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Le droit à la portabilité des données devrait s’accompagner d’un droit pour l’utilisateur à l’effacement de ces dernières.
Cet amendement, qui complète l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « informatique et libertés », propose que la portabilité des données constitue un motif légitime d’opposition au traitement. Il s’agit d’une suggestion du Conseil national du numérique dans son avis sur le présent projet de loi.
M. le rapporteur. La portabilité des données et l’opposition à leur traitement sont deux problématiques bien différentes. La première tend à permettre à toute personne de récupérer ses données, notamment personnelles, et ses mails dans un standard permettant leur réutilisation ou leur transfert à d’autres fournisseurs de services, alors que la seconde vise à permettre à toute personne de s’opposer à ce que ses données fassent l’objet d’un traitement.
Il n’y a donc pas lieu de faire de la récupération des données un motif d’opposition à leur traitement. Je demande en conséquence le retrait de l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Je crains que cet amendement n’introduise une certaine confusion entre deux principes entre lesquels il n’existe pas de lien, sachant que l’article 38 de la loi de 1978, relatif au droit d’opposition, s’applique et qu’il vaut notamment pour ce qui concerne les données stockées dans le cloud.
La Commission rejette l’amendement.
L’amendement CL531 du rapporteur est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 21 modifié.
Section 3
Loyauté des plateformes
Article 22
(art. L. 111-5-1 du code de la consommation)
Principe de loyauté vis-à-vis des consommateurs
Le présent article introduit une nouvelle catégorie juridique d’intermédiaires du commerce électronique qualifiés d’opérateurs de plateforme en ligne et leur impose une exigence de transparence à l’égard des consommateurs.
L’objectif poursuivi est, à l’instar, des solutions retenues en 2014 pour les sites comparateurs de prix (206) et en 2015 pour certains sites de « mise en relation » (207), de mieux informer le consommateur avant qu’il effectue son choix d’achat de biens ou de prestation de services sur internet.
De nombreuses dispositions législatives sont destinées à protéger les internautes, soit en tant que simples utilisateurs, soit en tant que consommateurs.
a. Le droit général de l’internet
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui a transposé la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 (208) et certaines dispositions de la directive du 12 juillet 2002 sur la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (209), a introduit pour la première fois en droit français un droit général de l’internet.
La LCEN comprend un premier volet régissant la liberté des communications en ligne.
L’article 1er proclame que : « La communication au public par voie électronique est libre ». Dans le même temps, il précise quelles sont les limites de cette liberté : « L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle ».
L’article 1er définit également les communications sur internet en créant de nouvelles catégories légales qui distinguent la « communication au public par voie électronique », la « communication au public en ligne » et le « courrier électronique ».
De plus, les articles 6 et 9 de la LCEN définissent le régime de responsabilité des acteurs de l’internet en instaurant une summa divisio entre la responsabilité des hébergeurs et celle des éditeurs en ligne conformément à la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 précitée.
L’éditeur est celui qui, par son rôle actif, est supposé avoir connaissance et contrôler le contenu diffusé sur son site ; l’hébergeur, en revanche, est un prestataire technique qui assure simplement la mise à disposition d’un serveur et éventuellement d’une interface.
Plusieurs arrêts de la CJUE, et notamment un arrêt du 23 mars 2010 (210), ont permis de dégager les critères permettant de distinguer ces deux statuts : l’activité de l’hébergeur revêt un caractère purement technique, automatique et passif, impliquant qu’il n’ait pas eu la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées. À titre d’exemple, Facebook fournit les moyens techniques de diffuser des informations sur internet, et chaque utilisateur poste ensuite le contenu qu’il souhaite (photos, texte, vidéos etc.), de sorte que Facebook est un hébergeur. En revanche, certains sites de vente d’occasion, tels que Priceminister ou Ebay par exemple, assurent un contrôle systématique des annonces mises en ligne, autorisent la recherche de mots clés pertinents, organisent l’anonymat des vendeurs et ont donc été considérés comme des éditeurs par la jurisprudence.
Or, s’agissant des hébergeurs, les I et II de l’article 6 et de l’article 9 de la LCEN proclament le principe de l’absence d’obligation pour les prestataires techniques de surveiller les contenus qu’ils stockent ou acheminent. Cependant, il leur est imposé de retirer promptement les contenus illicites à partir du moment où ils en ont eu une connaissance effective. Cette disposition doit se lire à la lumière de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2014, aux termes de laquelle : « ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d’engager la responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge » (211).
Pour éviter des dénonciations abusives, la personne qui informe un hébergeur de l’illicéité d’un contenu est tenue de communiquer des informations permettant de l’identifier, précisant la nature de l’illicéité et la procédure engagée contre l’auteur ou l’éditeur. Elle peut être sanctionnée pénalement pour avoir présenté sciemment comme illicite un contenu licite.
Par exception, les hébergeurs sont néanmoins tenus de participer à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à haine raciale et de la pornographie enfantine en mettant en place un dispositif de signalement de ces infractions, en informant les autorités compétentes et en rendant publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces infractions.
S’agissant des éditeurs d’un service de communication en ligne au public (fournisseurs de contenus ou d’application…), le III de l’article 6 de la LCEN leur impose un régime de responsabilité plus strict puisqu’ils sont responsables de tout contenu diffusé sur leur site, et sont même soumis à une obligation de contrôle.
Agissant à titre professionnel, les éditeurs doivent mettre à la disposition des internautes plusieurs informations permettant leur identification, par analogie aux obligations applicables aux professionnels de la presse imprimée sur papier.
En outre, les IV et V du même article 6 aménagent un droit de réponse au profit des internautes et fixent un délai de prescription des délits de presse de 3 mois à compter de la diffusion du message au contenu contesté. L’article 6 a également été complété et modifié en 2014 afin de lutter contre la pédopornographie (212).
Conformément à la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 précitée, sauf exceptions énumérées au paragraphe 4 de l’article 3, il n’est pas possible juridiquement qu’une législation nationale établisse un statut spécifique autre que ceux d’hébergeurs et d’éditeurs, qui porterait atteinte à la libre circulation des services de la société de l’information.
Les limites posées par le paragraphe 4 de l’article 3 de la directive permettent toutefois aux États membres d’encadrer les pratiques des opérateurs du commerce électronique pour assurer la « protection des consommateurs ». Dans cette hypothèse, les mesures envisagées par l’État membre doivent être notifiées à la Commission européenne dans les plus brefs délais pour vérifier leur compatibilité avec le droit européen.
b. Le régime particulier de la protection du consommateur sur internet
La LCEN comprend un second volet régissant le commerce électronique et améliorant la protection des consommateurs sur internet.
Le commerce électronique est défini à l’article 14 de la LCEN comme « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent. ».
Deux critères sont donc retenus pour définir l’activité de commerce électronique :
– la finalité doit être la fourniture de biens ou la prestation de services, ce qui englobe les activités de service en ligne, comme l’accès à un moteur de recherche sur internet ou à des bases de données d’information ;
– la technologie doit permettre une offre « à distance » - ce qui exclut le cas de la vente par des appareils distributeurs - et « par voie électronique » – ce qui signifie que les modes de transmission alternatifs à l’Internet sont également concernés, comme par exemple l’EDI (« Electronic Data Interchange ») entre industriels utilisant des liaisons spécialisées extranet, et surtout le téléphone interactif, qu’il soit fixe ou mobile.
Le commerce électronique obéit donc aux dispositions du droit commun de la vente à distance (droit de rétractation dans le délai minimum de 14 jours) et des contrats de consommation.
Rappelons ici que la négociation d’un contrat de consommation déclenche l’application d’une série de mécanismes destinés à protéger le consentement du consommateur et à maintenir l’équilibre des parties. Le code de la consommation prévoit, notamment, à cet effet :
– une obligation générale d’information pesant sur tous les professionnels (article L. 111-1) et portant sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;
– une obligation d’information sur les prix (article L. 113-3) ;
– une protection du consommateur contre les clauses abusives définies comme les clauses ayant « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » (article L. 132-1) ;
– une protection face aux messages publicitaires mensongers ou trompeurs (article L. 121-1).
Les dispositions qui sont propres au commerce électronique ne s’appliquent que dans la mesure où elles dérogent au droit commun.
L’article 15 de la LCEN précise que le professionnel du commerce électronique est tenu de la bonne exécution du contrat, que cette exécution dépende uniquement de lui ou qu’elle soit le fait d’autres prestataires. Cependant il lui est possible de s’exonérer en démontrant le cas de force majeure, le fait d’un tiers ou le fait du consommateur.
L’article 16 de la LCEN pose des restrictions au libre exercice de l’activité de commerce électronique (interdiction de jeux d’argent, y compris sous forme de paris et de loteries, légalement autorisés ; activités de représentation et d’assistance en justice ; activités exercées par les notaires) et précise que lorsqu’elle est exercée par des personnes établies dans un autre État membre de l’Union européenne, elle reste soumise au respect de certaines dispositions du droit national (213).
L’article 17 de la LCEN précise toutefois que l’activité de commerce électronique est soumise à la loi de l’État membre sur le territoire duquel la personne qui l’exerce est établie (principe du « pays d’origine ») mais que cette règle de compétence ne peut priver un consommateur des protections que lui assure la loi française ou déroger aux règles de compétence en matière d’assurance.
L’obligation d’information, qui existe déjà pour tout contrat de consommation, est précisée ou renforcée en matière de commerce électronique par l’article 19 de la LCEN.
Celui-ci impose au professionnel de fournir au client les renseignements suivants :
– son identification (nom et prénom pour une personne physique, raison sociale pour une personne morale), adresse de l’établissement, adresse électronique, coordonnées téléphoniques permettant effectivement d’entrer en contrat avec lui ;
– son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, son capital social et l’adresse du siège social, si elle est assujettie à ces formalités ;
– son éventuel numéro individuel d’identification en cas d’assujettissement au paiement de la TVA ;
– si son activité est soumise à autorisation, le nom et l’adresse de l’autorité l’ayant délivrée ;
– s’il est membre d’une profession réglementée, la référence aux règles professionnelles applicables, son titre professionnel, l’État membre dans lequel il a été octroyé ainsi que le nom de l’ordre ou de l’organisme professionnel auprès duquel il est inscrit, sauf dérogation prévue à l’article 1369-6 du code civil.
En outre, l’article 1369-4 du code civil impose au professionnel qui propose la fourniture de biens ou la prestation de services, par voie électronique, de mettre à disposition les conditions contractuelles applicables d’une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. Ainsi, selon la CJUE, une pratique consistant à ne rendre accessibles les informations que par un hyperlien sur un site internet ne satisfait pas à cette exigence (214).
La LCEN impose enfin d’autres obligations d’information mentionnées dans le nouvel article L. 121-19-3 du code de la consommation : dans les contrats conclus par voie électronique, avant que la commande ne soit passée, le professionnel rappelle au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l’article L. 121-17 du même code. Le professionnel doit faire prendre conscience au consommateur qu’il a une obligation de paiement et doit pour cela utiliser une formule telle que « commande avec obligation de paiement ». En outre, les sites de commerce en ligne doivent indiquer clairement et lisiblement, au plus tard au début du processus de commande, les moyens de paiement acceptés.
La protection des consommateurs sur internet a encore été étendue par l’introduction d’une obligation de loyauté de la part des sites comparateurs de prix en 2014 et de certains sites de « mises en relation » en 2015.
L’article 147 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », a introduit un nouvel article L. 111-5 au sein du code de la consommation imposant à « toute personne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations en ligne permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels (…) d’apporter une information loyale, claire et transparente, y compris sur ce qui relève de la publicité dont les modalités et le contenu sont fixés par décret ».
Poursuivant cette démarche, l’article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a introduit deux autres articles au sein du code de la consommation afin d’imposer une obligation de loyauté aux sites mettant en relation « plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service » (article L. 111-5-1) et de sanctionner le non-respect de cette obligation (article L. 111-5-2).
Le premier alinéa de l’article L. 111-5-1 impose aux sites d’intermédiation de fournir une « information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation » de son service et « sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne ». Sont concernés par cette obligation générale de loyauté tous les sites internet de mise en relation « en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service », qu’il s’agisse de relations entre professionnels, entre non-professionnels (économie de partage ou collaborative), ou entre professionnels et consommateurs sur des sites de vente en ligne (« places de marché ») (215).
Sans les nommer explicitement, l’article L. 111-5-1 entend donc régir certaines plateformes en ligne telles que les moteurs de recherche, les médias sociaux, les sites de partage collaboratif, les boutiques d’applications, etc.
L’objectif poursuivi est d’identifier le rôle de ces plateformes en ligne vis-à-vis des consommateurs par rapport à celui des hébergeurs, qui se contentent de mettre à disposition un serveur et de la bande passante, et à celui des éditeurs, qui choisissent, voire produisent les contenus qu’ils diffusent sur internet.
Le deuxième alinéa de l’article L. 111-5-1 impose plus spécifiquement aux plateformes collaboratives (entre consommateurs ou non professionnels) une obligation spécifique d’« information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties mises en relation en matière civile et fiscale ». Il s’agit des informations relatives aux principales obligations ressortant du droit des contrats ou de la responsabilité civile.
Le troisième alinéa de l’article L. 111-5-1 vise enfin les plateformes jouant un rôle de place de marché sur internet (« marketplace » en anglais) en les obligeant à mettre à la disposition du professionnel, vendeur de biens ou prestataire de services, un espace lui permettant de communiquer au consommateur les informations précontractuelles prévues par le code de la consommation.
Les dispositions du nouvel article L. 111-5-1 devaient être précisées par décret mais celui-ci n’a pas encore été publié.
Par ailleurs, l’article 134 de la loi du 6 août 2015 précité a défini un nouveau régime de sanctions administratives, inscrit à l’article L. 111-6-1 du code de la consommation, pouvant aller jusqu’à 75 000 € d’amende pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale en cas de manquements à aux obligations de loyauté mentionnées aux articles L. 111-5 et L. 111-5-1 du même code.
2. Le débat sur la « loyauté » des « plateformes en ligne »
Comme le souligne le rapport de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (216), la notion de « loyauté des plateformes » est née de la volonté de décliner le principe de neutralité d’internet consacré aux seuls opérateurs de communications électroniques (217), aux « plateformes », avec l’idée que certaines d’entre elles, à commencer par le moteur de recherche Google, jouent un rôle au moins aussi important que celui des opérateurs de communications électroniques dans l’accès des internautes aux contenus et services.
Pour répondre aux enjeux posés par ces acteurs de l’internet, le Conseil d’État a proposé de les englober dans une nouvelle catégorie juridique « au sein de la directive commerce électronique » afin de leur appliquer un « principe de loyauté ».
Dans son étude annuelle 2014, intitulée Le numérique et les droits fondamentaux, le Conseil d’État considère en effet que « la summa divisio issue de la directive sur le commerce électronique est aujourd’hui sujette à de fortes incertitudes quant à la démarcation entre les deux catégories d’éditeur et d’intermédiaire technique » et qu’« il est probable que dans les prochaines années, des décisions juridictionnelles écarteront la qualification d’hébergeur pour les principales catégories de plateformes (…) : après les places de marché et les moteurs de recherche, suivront les réseaux sociaux, les plateformes de partage et les magasins d’applications. Tous ces acteurs perdront alors le régime de responsabilité limitée qui favorise leur activité » (218).
Le Conseil d’État propose par conséquent de définir une catégorie propre aux plateformes, distincte de celle des hébergeurs, mais qui, à l’égard des contenus mis en ligne par les tiers, se verrait appliquer le régime de responsabilité civile et pénale des hébergeurs. Seraient qualifiés de plateformes, les services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers et partagés sur le site de la plateforme (moteurs de recherche, réseaux sociaux, sites de partage de contenus, places de marché, magasins d’applications, agrégateurs de contenus et comparateurs de prix). Par rapport aux hébergeurs, les plateformes se distingueraient donc par l’existence d’un service de classement ou de référencement.
Le Conseil d’État en conclut que ces plateformes devraient être soumises à un principe de loyauté consistant à « assurer de bonne foi le service de classement ou de référencement, sans chercher à l’altérer ou à le détourner à des fins étrangères à l’intérêt des utilisateurs. La plateforme doit avoir le choix des critères présidant à son classement ; mais ces critères doivent être pertinents par rapport à l’objectif de meilleur service rendu à l’utilisateur et ne peuvent par exemple être liés au fait que la plateforme favorise ses propres entités au détriment de services concurrents ou a passé des accords de partenariat dont l’utilisateur n’aurait pas connaissance ».
Dans l’avis qu’il a rendu à la demande du Gouvernement en mai 2014 intitulé Neutralité des plateformes (219), le Conseil national du numérique avait d’abord estimé, pour sa part, que les plateformes « jouent un rôle crucial pour atteindre les objectifs de la neutralité d’internet » mais que les problématiques qu’elles impliquent pouvaient « être traitées en exploitant au mieux les droits existants : consommation, commercial, concurrence, données, etc., et en faisant évoluer leur jurisprudence. Certaines spécificités nécessitent d’adapter le droit aux logiques écosystémiques propres aux plateformes : en particulier les effets d’échelle à dimension mondiale, la complexité multimodale des canaux numériques, leur évolution rapide et constante, leur technicité et les problèmes nouveaux liés à l’appropriation des données et des traces d’usages. ».
Toutefois, dans un second avis rendu en juin 2015, intitulé Ambition numérique (220), le Conseil national du numérique a finalement repris l’idée du Conseil d’État de créer une catégorie juridique des plateformes (sans en faire pour autant une troisième catégorie entre les hébergeurs et les éditeurs au sens de la LCEN, et ce afin de ne pas modifier le régime de responsabilité limitée auquel elles sont aujourd’hui soumises) pour les soumettre à un principe de loyauté spécifique à double dimension :
– dans les relations de la plateforme avec les utilisateurs non professionnels, le principe de loyauté s’appliquerait à toutes les plateformes, à l’instar des règles de protection des consommateurs qui imposent un devoir général de conseil et d’information à tous les professionnels vis-à-vis des particuliers ;
– dans les relations de la plateforme avec ses utilisateurs professionnels, l’application du principe devrait se concentrer, à l’instar des règles communes de la régulation économique, sur les pratiques qui pénalisent le plus l’innovation, c’est-à-dire sur les acteurs dotés de la plus forte capacité de nuisance.
Après avoir étudié l’ensemble de ces propositions, le rapport de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique ne retient pas cette approche et précise qu’ « une majorité des membres de la Commission estime en effet qu’il est nécessaire de rendre plus effectifs et d’adapter les outils du droit commun existant tout en envisageant la mise en place d’une régulation ad hoc des grandes plateformes structurantes de l’économie numérique ».
D’autres personnes ou organisations auditionnées par votre rapporteur contestent la pertinence de créer une nouvelle catégorie juridique d’acteurs au niveau national ainsi que la mise en place d’une régulation spécifique de toutes ou partie des plateformes en ligne : tel est le cas du président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, qui considère que l’approche du pouvoir de nuisance des plateformes peut être couverte par le droit commun de la concurrence, de la consommation ou des pratiques commerciales. Tel est également le cas des représentants des entreprises, actrices ou utilisatrices du numérique, qui font en outre valoir qu’une définition juridique des plateformes en ligne n’aurait de sens qu’à l’échelle de l’Union européenne le cas échéant, sauf à altérer la compétitivité française.
Cette dernière préoccupation est d’ailleurs partagée par le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), M. Sébastien Soriano, et par l’ensemble des opérateurs de communications électroniques (Orange, Iliad-Free, Bouygues, SFR).
L’ARCEP fait en outre valoir que « si la directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000 précitée n’interdit pas d’imposer aux acteurs proposant un service de la société de l’information, dont les plateformes en ligne, des obligations nécessaires et proportionnées pour assurer la protection des consommateurs, l’extension de ces obligations à la protection des professionnels impliquerait un examen approfondi vis-à-vis du cadre communautaire ».
Or, compte tenu du rôle d’intermédiaire joué par les plateformes et du caractère biface des marchés sur lesquels elles interviennent, l’ARCEP considère qu’il est « indispensable d’aborder la question de la loyauté des plateformes de manière globale, en garantissant cette loyauté tant vis-à-vis des consommateurs que des professionnels, dont les contenus ou services sont susceptibles d’être référencés par les plateformes et à l’égard desquels les pratiques mises en œuvre peuvent avoir des conséquences très importantes. ». Si elle en conclut qu’il est prématuré de prévoir, en droit national, des obligations contraignantes à l’égard des plateformes, elle fait sienne la proposition du Conseil national du numérique, dans son rapport de juin 2015, qui promeut un système de notation des plateformes s’appuyant sur un réseau ouvert de contributeurs, leur permettant de signaler les pratiques qui leur sembleraient contraires au principe de loyauté.
Enfin, d’aucuns s’interrogent sur l’opportunité de nouvelles obligations de loyauté des plateformes en ligne alors que l’article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui recouvre la même ambition, n’a pas encore été mis en œuvre faute de décret d’application.
Dans le cadre de la « stratégie pour un marché unique numérique en Europe », la Commission européenne a, pour sa part, lancé deux consultations publiques le 24 septembre 2015, l’une sur le rôle économique des plateformes en ligne et l’autre sur le blocage géographique.
La définition retenue par la consultation de la Commission européenne pour la notion de « plateforme en ligne » est « une entreprise active sur des marchés bifaces (ou multi-faces), qui utilise Internet pour permettre des interactions entre au moins deux groupes distincts, mais interdépendants, d’utilisateurs de façon à créer de la valeur pour au moins l’un des groupes. Certaines plateformes sont aussi considérées comme des prestataires de services intermédiaires ».
La Commission entend ainsi aborder plusieurs questions telles que la responsabilité des plateformes en ce qui concerne le contenu illicite hébergé en ligne, les moyens d’améliorer la libre circulation des données dans l’Union Européenne et de construire un nuage européen (« european cloud »). Elle vise également à étudier les éventuelles questions réglementaires soulevées par l’essor de l’économie collaborative.
M. Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne pour le marché unique numérique, a déclaré : « Les plateformes jouent un rôle de plus en plus important dans nos vies. Elles font partie d’une économie numérique prospère, mais des questions se posent également concernant leur transparence et leur utilisation du contenu. Le blocage géographique a trop souvent pour effet de rediriger ou de bloquer les consommateurs en fonction de leur nationalité ou de leur lieu de résidence, ce qui ne contribue pas à la promotion du commerce électronique car cela frustre les consommateurs, et contribue encore moins au développement du commerce électronique transfrontalier qui est dans l’intérêt des consommateurs comme des entreprises. Aussi lançons-nous aujourd’hui un exercice de collecte d’éléments factuels pour traiter ces deux questions essentielles au bon fonctionnement du marché unique numérique. ».
M. Günther H. Oettinger, commissaire pour l’économie et la société numériques, a fait valoir que : « Les plateformes internet produisent de nombreux effets bénéfiques sur l’économie, mais nous devons mieux appréhender le rôle qu’elles jouent et la façon dont elles interagissent avec les autres entreprises et avec les consommateurs. Nous devons aussi en savoir davantage sur les formes injustifiées de blocage géographique, lequel constitue l’une des manifestations les plus visibles de la non-Europe en matière de commerce électronique dans le marché unique.»
Mme Elżbieta Bieńkowska, commissaire pour le marché intérieur, l’industrie, l’entrepreneuriat et les PME, a considéré pour sa part que : « Ces consultations fourniront des éléments factuels indispensables à notre réflexion sur les moyens de mettre à niveau notre marché unique afin de tirer le meilleur parti de l’économie numérique, de promouvoir l’innovation et de nouveaux modèles d’entreprise comme l’économie numérique, ainsi que de mettre un terme aux discriminations injustifiées entre consommateurs dans le marché intérieur.».
La Commission souhaite recueillir l’avis des particuliers, des fabricants, des détaillants (en particulier des PME), des titulaires de droits, des fournisseurs et utilisateurs de services de données et d’informatique en nuage, ainsi que de tous les acteurs de l’économie collaborative. Les deux consultations sont ouvertes jusqu’en décembre 2015. Leurs résultats fourniront une contribution importante aux futurs travaux de la Commission en 2016 sur une approche européenne de ces différentes thématiques.
Votre rapporteur en déduit que la réforme proposée par le Gouvernement dans le présent article se limite à réguler les obligations de loyauté des plateformes vis-à-vis des consommateurs anticipant une partie des réflexions menées à l’échelle européenne, qui pourront néanmoins être intégrées au cours des débats parlementaires, dans le cadre de la navette.
Il observe que, conformément à la directive « commerce électronique », le Gouvernement a d’ailleurs notifié à la Commission européenne les dispositions du présent projet de loi relatives à ce sujet, le 10 novembre 2015, pour lui permettre de vérifier leur compatibilité avec le droit européen dans un délai de trois mois.
3. La réforme proposée : une nouvelle catégorie juridique d’intermédiaires du commerce électronique soumis à une obligation de loyauté spécifique à l’égard des consommateurs
La consultation sur l’avant-projet de loi et les contributions de nombreux acteurs du numérique ont convaincu le Gouvernement de la nécessité de définir les plateformes numériques dans le code de la consommation afin de renforcer leurs obligations de transparence vis-à-vis des consommateurs qui les utilisent. Le présent article propose donc de modifier en ce sens l’article L. 111-5-1 dudit code.
a. Une définition légale des opérateurs de plateformes en ligne s’adressant au consommateur
Par rapport à l’article L. 111-5-1 du code de commerce introduit par la « loi Macron » du 6 août 2005 précitée, le présent article propose d’introduire le concept d’« opérateurs de plateforme en ligne » dans la loi et de les définir en fonction de la nature de leurs activités.
Le présent article qualifie d’« opérateurs de plateformes en ligne », toute personne exerçant à titre professionnel des activités consistant à :
– classer ou référencer des contenus (photos, vidéos, fichiers…), biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers : il s’agit principalement de viser les moteurs de recherche et les sites de référencement, c’est-à-dire les sites internet proposant une application permettant de trouver des ressources à partir d’une requête sous forme de mots. On peut citer, à titre d’exemple, les moteurs de recherche généralistes (Google, Bing) mais également les outils de recherche spécialisés (Google Shopping, Kelkoo, Twenga, GoogleLocal, TripAdvisor, Yelp…) ;
– mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il peut s’agir aussi bien de plateformes mettant en relation des professionnels, ou des non-professionnels (économie de partage ou collaborative comme AirBnB, Uber, TaskRabbit, BlaBlaCar…) ou encore celles mettant en relation des professionnels et des consommateurs sur des sites de vente en ligne, souvent appelées « places de marché » (Amazon, eBay, Allegro, Booking.com…).
On peut également citer les plateformes audiovisuelles et musicales (Deezer, Spotify, Netflix, CanalPlay, Apple TV), les plateformes de partage de vidéos (YouTube, Dailymotion), les systèmes de paiement (PayPal, Apple Pay), les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn), les boutiques d’applications (Apple App Store, Google Play) ou les plateformes d’économie collaborative.
b. Une obligation générale de loyauté élargie dans son périmètre et précisée dans son contenu
Le présent article élargit le contenu de l’obligation de loyauté inscrite à l’article L. 111-5-1 du code de la consommation depuis la loi du 6 août 2005 et précise qu’elle s’applique exclusivement aux opérateurs de plateformes en ligne telles que définis ci-dessus.
Ainsi, les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus de délivrer une « information loyale, claire et transparente » sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’ils proposent et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des « contenus, biens et services auxquels ce service permet d’accéder », et non plus seulement des « offres mises en ligne ».
Il est également précisé que les plateformes doivent, dans ce cadre, faire apparaître clairement trois types d’informations :
– l’existence ou non d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées ;
– l’existence ou non d’une rémunération par les personnes référencées ;
– et, le cas échéant, l’impact de cette rémunération sur le classement des contenus, biens ou services proposés.
L’objectif du Gouvernement est d’assurer une véritable transparence de la part des opérateurs de plateformes en ligne, exerçant à titre professionnel, par rapport aux liens contractuels ou financiers qu’ils entretiennent ou non avec les personnes, physiques ou morales, qu’ils ont référencées.
Votre rapporteur observe que la nature des informations demandées aux opérateurs de plateformes en ligne est très vaste à ce stade. Il observe néanmoins que certains se sont déjà engagés dans cette voie, tel Google, qui à la suite d’engagements contraignants pris devant la Commission européenne (221), a accepté de présenter la liste des sites référencés de manière automatique de façon indépendante de celle des sites avec lesquels ce moteur de recherche a des liens commerciaux (222).
Le décret d’application prévu par le présent article devrait préciser le type d’informations que devront afficher les opérateurs de plateforme en ligne en s’assurant que les entreprises ne soient pas contraintes de dévoiler leurs secrets des affaires. Selon les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, il n’est pas envisagé de demander la communication de l’intégralité des algorithmes utilisés pour le référencement et le classement, mais bien des principes et critères essentiels de référencement, pour la bonne compréhension, par le consommateur, des déterminants du classement des résultats de sa requête. Autrement, cela serait de nature à porter atteinte à la liberté d’entreprendre des entreprises et au secret des affaires.
En tout état de cause, il est probable que la plupart des plateformes en ligne devront modifier l’ergonomie de leurs sites en ligne afin que les informations auxquelles elles sont tenues puissent y apparaître de manière claire et lisible.
c. Le maintien des obligations spécifiques de transparence applicables aux plateformes collaboratives et aux places de marché
Le présent article modifie marginalement les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 111-5-1 du code de la consommation introduit par l’article 134 de la loi du 6 août 2005 en visant désormais « l’opérateur de la plateforme en ligne » à la place de « la personne mentionnée au premier alinéa du présent article ».
Cela emporte toutefois une conséquence importante puisque seules les plateformes en ligne exerçant à titre professionnel au sens de l’alinéa premier, seront désormais tenues aux obligations mentionnées à ces deux alinéas, c’est-à-dire :
– pour les plateformes collaboratives ou de partage mettant en relation des consommateurs ou des non professionnels (c’est-à-dire des entreprises n’exerçant pas dans le champ de leur activité professionnelle), une obligation d’informer de façon loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale ;
– pour les places de marché, mettant en relation des professionnels avec des consommateurs, une obligation de mettre à leur disposition un espace permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues à l’article L. 121-17 du code de la consommation.
En tout état de cause, la mise en œuvre de cette réforme appellera des contrôles par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui pourra, le cas échéant, prononcer des amendes administratives en cas de non-respect des obligations mises à la charge des professionnels. Rappelons en effet que l’article L. 111-6-1 du code de la consommation prévoit déjà que tout manquement aux articles L. 111-5 et L. 111-5-1 du même code est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2 du même code.
d. L’applicabilité territoriale des dispositions du projet de loi relatives à la loyauté des plateformes en ligne
Au cours des auditions menées par votre rapporteur, nombreux sont ceux qui ont mis en doute l’intérêt du dispositif de régulation des plateformes en ligne proposé par le présent projet de loi au motif que les principaux acteurs du marché n’ont pas leur siège social en France, ni même au sein de l’Union européenne, et qu’ils pourraient donc s’y soustraire.
Aussi convient-il de rappeler les règles applicables en matière d’obligations contractuelles entre un professionnel et un consommateur ainsi que celles couvrant les obligations non contractuelles en distinguant le cas où l’opérateur est établi sur le territoire d’un des États membres de l’Union européenne ou non.
● Si l’opérateur d’une plateforme en ligne est établi sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne
Le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome I ») pose le principe selon lequel : « Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
Toutefois, il introduit plusieurs exceptions à ce principe, notamment en cas de contrat de consommation, défini à l’article 6 comme : « un contrat conclu par une personne physique (ci-après « le consommateur »), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après « le professionnel »), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle ». Dans cette hypothèse, le contrat de consommation « est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité. ».
La Cour de justice de l’Union européenne a été interrogée successivement dans deux procédures par l’Oberster Gerichtshof d’Autriche, qui se demandait selon quels critères on pouvait considérer qu’un commerçant disposant d’un site internet dirigeait ses activités vers un autre État membre, et s’il suffisait que le site Internet soit accessible aux consommateurs domiciliés dans cet État membre (223). La Cour de justice répond, en premier lieu, que le seul fait que le site Internet soit accessible ne suffit pas à établir que le professionnel dirige ses activités vers l’État du consommateur et qu’il faut rechercher d’autres indices démontrant qu’il a « manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales ». Parmi les indices pertinents « figurent toutes les expressions manifestes de la volonté de démarcher les consommateurs de cet État membre » (pt 80). Ce peut être la mention informant les consommateurs que le professionnel offre ses services dans tel État membre, l’engagement de dépenses de référencement auprès de l’exploitant d’un moteur de recherche, pour faciliter l’accès au site des consommateurs domiciliés dans différents États membres (pt 81). De tels indices sont qualifiés par la Cour de « patents » (pt 82). Ce peut être aussi d’autres indices éventuellement combinés les uns aux autres : mention des coordonnées téléphoniques avec l’indication du préfixe international, utilisation d’un nom de domaine de premier niveau différent de celui de l’État membre dans lequel le commerçant est établi, ou neutre tel que « .com », « .eu », description d’itinéraires à partir d’autres États membres, mention d’une clientèle internationale domiciliée dans d’autres États membres, présentation de témoignages de ces clients (pt 83).
Ainsi, s’agissant des dispositions visant à protéger le consommateur et à l’informer de manière loyale, claire et transparente, si l’opérateur de la plateforme est situé dans l’Union européenne mais hors de France, le droit français lui sera applicable si a minima il dirige son activité vers la France et que la relation entre le consommateur et la plateforme est susceptible d’être qualifiée de « contrats de consommation ». Si tel ne fait aucun doute pour les plateformes de réservation par exemple, certains s’interrogent sur la pertinence de la qualification de « contrat de consommation » entre un internaute et un moteur de recherche.
Si cette relation ne peut être qualifiée de « contrat de consommation » mais que l’utilisateur de la plateforme estime avoir subi un dommage, il convient d’appliquer le règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »). Or, l’article 12 de ce règlement dispose notamment que la loi applicable est « celle du pays dans lequel le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans le(s)quel(s) des conséquences indirectes de ce fait surviennent ».
Le Gouvernement considère donc que, même dans l’hypothèse où la relation entre un usager installé en France et un opérateur d’une plateforme en ligne ne pourrait pas être qualifiée de contrat de consommation, la loi française est applicable si un dommage survient en France du fait du non-respect par un opérateur des dispositions prévues par le projet de loi.
● Si l’opérateur d’une plateforme en ligne est établi en dehors du territoire d’un État membre de l’Union européenne
Si l’opérateur de la plateforme en ligne exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle (en France), ou s’il dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité, l’article 6 du règlement Rome I précité s’applique, de sorte que la loi française s’impose à l’opérateur étranger. De la même manière, en l’absence de relation contractuelle, si un utilisateur estime subir un dommage sur le territoire français en raison d’un manquement d’un opérateur de plateforme en ligne aux obligations prévues par le présent projet de loi, la loi française s’applique.
Il n’en demeure pas moins vrai qu’il sera beaucoup plus difficile de faire valoir ses droits et de faire reconnaître et exécuter une amende administrative en cas de manquement de la part d’un opérateur situé en dehors de l’Union européenne. Si celui-ci n’obtempère pas, l’autorité administrative, en l’occurrence la DGCCRF, pourra lui délivrer un titre exécutoire et procéder, sous réserve d’éventuels recours, à la saisie de ses biens situés sur le territoire français. S’il n’y en a pas, il n’existe pas, à ce jour, de reconnaissance d’exécution des décisions administratives à l’étranger, sauf dérogation prévue par une convention bilatérale.
Malgré ces limites, votre rapporteur ne doute pas de la sensibilité extrême des plateformes étrangères pour ne pas se trouver en situation d’illégalité délibérée afin de préserver leur réputation et la confiance des internautes. Auditionné, Tripadvisor, qui est un comparateur en ligne et une plateforme numérique dont le siège social est à Boston mais qui s’adresse aux internautes en France, a clairement indiqué qu’il considérait être soumis aux dispositions du présent projet de loi et qu’il avait bien l’intention de les respecter, la loyauté vis-à-vis des consommateurs étant le principal facteur de son succès.
4. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur, inspiré par plusieurs de ses collègues sur tous les bancs, votre Commission a largement réécrit le présent article pour préciser la définition des opérateurs de plateformes en ligne, avec l’avis favorable du Gouvernement, et circonscrire l’obligation générale de loyauté qui s’impose à eux, malgré l’avis contraire du Gouvernement.
En premier lieu, votre Commission a précisé que la qualification d’opérateur de plateforme en ligne ne remet pas en cause la summa divisio instaurée par l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 précitée, entre la qualité d’hébergeur et celle d’éditeur de contenus en ligne, ni le régime de responsabilité qui leur est associé, mais qu’elle s’y superpose dans un cadre strict lié à la protection des consommateurs. Un hébergeur comme un éditeur peuvent donc être qualifiés d’opérateur de plateforme en ligne et se voir imposer les obligations de loyauté vis-à-vis des consommateurs prévues par le présent projet de loi, en sus de celles déjà prévues par la LCEN et par les autres dispositions du code de la consommation.
Votre Commission a par ailleurs précisé que l’activité de classement ou de référencement réalisée par les opérateurs de plateformes en ligne doit reposer sur l’utilisation d’un ou plusieurs algorithmes informatiques. Cette activité de classement ou de référencement porte aussi bien sur des contenus que sur des biens ou des services proposés ou mis en ligne par des tiers. Il faut donc en déduire que sont inclus dans ce champ les opérateurs dont l’activité consiste à fournir des informations en ligne permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services mentionnés à l’article L. 111-5 du code de la consommation. C’est la raison pour laquelle votre Commission a adopté un amendement de M. Lionel Tardy supprimant l’article L. 111-5 du code de la consommation et modifié en conséquence la numérotation retenue par le présent article. À l’issue de ces débats, il en résulte que l’article L. 111-5-1 du code de la consommation introduit par la « loi Macron » du 6 août 2005 précitée et modifié par le présent article et par votre Commission est devenu l’article L. 111-5 du code de la consommation.
En deuxième lieu, votre Commission a circonscrit l’obligation générale de loyauté qui pèse sur tous les opérateurs de plateformes en ligne afin de permettre au consommateur de visualiser clairement les résultats de sa requête selon qu’ils sont classés ou référencés favorablement par l’opérateur en contrepartie d’une relation commerciale ou capitalistique ou d’une rémunération directe avec la ou les personnes classées, référencées ou mises en relation.
Elle a donc supprimé l’obligation de préciser explicitement s’il n’existe aucun lien contractuel ou capitalistique avec les personnes référencées ni aucune rémunération directe. Les opérateurs de plateformes en ligne ne sont tenus de mentionner ces relations contractuelles, ces liens capitalistiques ou toute rémunération directe avec d’autres personnes morales que lorsque celles-ci influencent le classement ou le référencement des contenus affichés.
Enfin, votre Commission a précisé que les informations à délivrer au consommateur à ce titre prendront la forme d’une description générique et intelligible à inclure dans les conditions générales d’utilisation des opérateurs de plateforme en ligne.
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La Commission est saisie des amendements identiques CL35 de M. Lionel Tardy et CL302 de Mme Laure de La Raudière.
M. Lionel Tardy. Je souhaite la suppression de l’article 22 qui anticipe sur une réglementation que la Commission européenne achève de mettre en place concernant la loyauté des plateformes. Pourquoi placer aujourd’hui un tel boulet aux pieds des plateformes françaises ?
Cet article crée une nouvelle catégorie : les plateformes ne seraient ni des éditeurs ni des hébergeurs au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Il casse ainsi plus de dix ans de jurisprudence, désormais stabilisée, et une distinction qui ne fait plus débat. De plus, il est truffé d’imprécisions et de contresens, sans compter son flou juridique. Tout cela pour la simple et bonne raison qu’il vise uniquement à cibler certains gros acteurs. On oublie cependant que les petits acteurs en croissance, qui de surcroît sont Français, seront aussi touchés. L’étude d’impact est d’ailleurs muette sur le coût de ces nouvelles obligations pour les plateformes en question.
Mme Laure de La Raudière. Le fait même de créer des « plateformes », comme nouveau statut alternatif à ceux d’hébergeur et d’éditeur, ne fait pas l’unanimité au niveau européen. En Europe, nous en sommes seulement à la phase de consultation sur le sujet, et nous ne savons pas si ce statut verra le jour ni si le travail entrepris aboutira à une directive ou à un règlement.
Je comprends et je partage la volonté du Gouvernement mais, sur un marché unique du numérique européen, la logique voudrait que nos ambitions soient portées au niveau européen dans le cadre des consultations en cours. Le Conseil d’État a dénoncé une mauvaise fabrication de la loi : nous devons cesser de légiférer en permanence en France sur des sujets qui doivent être traités au niveau européen.
M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de créer un « nouveau statut alternatif » à celui des éditeurs et des hébergeurs. J’ai moi-même déposé un amendement destiné à bien intégrer la réalité des « plateformes ». Je défendrai également un amendement CL560 qui explicite clairement l’applicabilité géographique des dispositions du code de la consommation relatives aux obligations précontractuelles des professionnels.
Je propose que nous maintenions l’article 22, et que nous travaillions sa rédaction dans le sens que vous avez évoqué. Je demande le retrait de ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. On ne peut pas me reprocher mon manque d’engagement européen en matière numérique – en tant que députée j’avais même signé un rapport d’information sur la stratégie numérique de l’Union européenne.
Monsieur Tardy, je suis dans l’obligation de vous contredire : la réglementation européenne que vous évoquez est bien loin d’être en vigueur. La Commission européenne vient tout juste de lancer une consultation publique en la matière, ce qui signifie qu’un « livre » pourrait être rédigé d’ici à un an ou plus. Quelle que soit sa couleur, il ne sortirait qu’un an plus tard. Ensuite seulement, la Commission inscrira éventuellement à l’ordre du jour de ses travaux la rédaction d’un texte législatif, qui devrait à nouveau durer un an à l’issue duquel les négociations s’ouvriront. Nous en avons pour des années !
Pour ma part, je ne pense pas que nous devons, dans ce délai, rester indifférents au rôle joué par les plateformes dans la vie de nos concitoyens. J’ajoute que ces dispositions n’entrent pas en contradiction avec le droit européen en vigueur. Nous avons en effet expliqué aux commissaires européens, qui l’ont je crois compris, que nous avons choisi de nous situer sur le terrain du droit de la consommation, et non sur celui de la concurrence qui n’est pas sans soulever un certain nombre de questions – par exemple en matière d’abus de position dominante. Nous restons strictement dans le champ du code de la consommation, ce qui ne remet aucunement en cause la directive européenne sur le commerce électronique.
Nous répondons tout simplement à une nécessité juridique : dès lors que nous créons une obligation d’information du consommateur, nous devons préciser à qui elle s’applique. Je vous indique que la notion de plateforme a également commencé à être définie par les instances européennes dans une directive récente relative à la cybersécurité, dite directive NIS, pour Network and Information Security. Les consommateurs ne doivent pas être lésés. Le Gouvernement considère qu’attendre une information loyale et transparente de la part des grands acteurs économiques constitue une exigence minimale.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l’amendement CL36 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet article reprend une disposition votée dans la loi dite « loi Macron » dont le décret d’application n’est pas encore publié – alors même que la loi en question est déjà remise sur le métier. Il recoupe l’article L. 111-5 du code de la consommation, issu de la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, dite « loi Hamon », qui ne traite que des comparateurs en ligne. Je propose la suppression de ce doublon.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis plutôt défavorable. L’article L. 111-5 du code de la consommation que vous citez encadre des activités de nature différente qui s’attachent spécifiquement aux sites de fourniture d’informations en ligne permettant la comparaison des prix. L’article L. 111-5-1 vise l’information relative aux services d’intermédiation proposés par des plateformes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il me semble qu’il n’y a pas de risque de confusion ni d’excès de réglementation.
Vous soulignez en revanche à juste titre que ce dispositif précise un article introduit, sans suffisamment de concertation et de négociation avec les parlementaires, dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL554 du rapporteur et CL649 de la commission des Affaires économiques.
L’amendement CL554 fait l’objet d’un sous-amendement CL598 de M. Lionel Tardy.
M. le rapporteur. L’amendement CL554 vise à clarifier la définition d’opérateur de plateforme en ligne.
Le I précise tout d’abord que la qualification d’opérateur de plateforme en ligne ne remet pas en cause ni la summa divisio instaurée par la LCEN entre la qualité d’hébergeur et celle d’éditeur de contenus en ligne ni le régime de responsabilité qui leur est associé, mais qu’elle s’y superpose dans un cadre strict lié à la protection des consommateurs.
Le I indique ensuite que l’activité de classement ou de référencement des opérateurs de plateformes en ligne doit reposer sur l’utilisation d’un ou plusieurs algorithmes informatiques.
Le II supprime la référence à l’article 19 de la LCEN puisqu’il est déjà rappelé au I que l’ensemble des dispositions de la LCEN s’applique aux opérateurs de plateformes en ligne.
M. Lionel Tardy. L’article 22 s’applique à toutes les plateformes, y compris celles qui ne font que mettre en relation des particuliers. Il est de bon ton de vouloir réguler l’économie de partage qui est pourtant au cœur de l’internet mais, en agissant ainsi, on régulerait surtout les relations entre les utilisateurs non professionnels. Pour quelles raisons ? D’où vient cette demande de régulation ? Quelle est son opportunité ? Arrêtons de raisonner à la française en produisant toujours plus de réglementation ! Blablacar, succès français, rend un véritable service concurrentiel à nos concitoyens : pourquoi vouloir lui imposer des contraintes ? Autant je peux comprendre l’application de nouvelles dispositions du code de la consommation lorsqu’une plateforme propose un service payant, autant je ne comprends pas cette démarche s’agissant de sites dits de partage.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. La définition des opérateurs de plateforme en ligne proposée couvre un champ extrêmement large allant des GAFA – les géants du net que sont Google, Apple, Facebook, et Amazon – aux opérateurs de mise en relation téléphonique. Des obligations générales s’appliquent aux opérateurs quelle que soit leur taille.
La rédaction proposée, issue de la consultation de la Commission européenne sur la régulation des plateformes en ligne qui servira de base aux discussions européennes ultérieures, vise à restreindre ce champ. Elle permet une articulation nécessaire avec les travaux menés au niveau européen.
M. le rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement parce je reste attaché à l’idée que les mêmes règles doivent s’appliquer aux professionnels et aux particuliers. Il faut que tous bénéficient des mêmes garanties de loyauté. Monsieur Tardy, je ne partage pas vos inquiétudes sur ce que nous imposerions à ces plateformes.
Madame la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, la définition que vous retenez n’est pas « issue de la consultation de la Commission européenne » ; elle a seulement été proposée par la Commission. Il n’y a aujourd’hui aucun accord sur ce sujet au niveau européen, vous allez donc sans doute un peu vite. Cela dit, je comprends parfaitement l’esprit de votre amendement, et j’aimerais que l’éventuelle réforme de la directive sur le commerce électronique permette de le satisfaire, mais nous n’en sommes pas là. Je vous propose de le retirer.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement soutenu par M. le rapporteur, qui répond à certaines des préoccupations qui se sont exprimées sur la nécessaire articulation entre le projet de loi et la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique.
Je ne crois pas que nous imposions une contrainte nouvelle aux entreprises du numérique en introduisant une obligation de loyauté et en appliquant un principe de transparence. Les entreprises sont déjà très nombreuses à avoir compris que ce qui est parfois présenté comme une contrainte est, en fait, une condition de la confiance qu’elles cherchent toutes à inspirer aux utilisateurs et aux clients. Je ne comprends pas le raisonnement qui veut en l’espèce distinguer les activités marchandes et non marchandes – en pratique, il est d’ailleurs très complexe de différencier ce qui relève de l’économie collaborative de l’économie dite « des services à la demande ». Je ne suis en conséquence pas favorable au sous-amendement soutenu par M. Lionel Tardy.
J’ai la même position sur l’amendement de la commission des Affaires économiques. Madame Corinne Erhel, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction nouvelle proposée par le rapporteur, qui opère déjà une clarification.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je retire l’amendement mais j’appelle votre attention sur la nécessité d’être vigilant sur le périmètre dans lequel s’applique la disposition que nous nous apprêtons à adopter.
L’amendement CL649 est retiré.
Mme Laure de La Raudière. Les discussions entre les rapporteurs et la secrétaire d’État montrent bien la difficulté que nous avons à légiférer correctement sur le sujet.
Madame la secrétaire d’État, nos approches s’opposent lorsque vous considérez que de nombreuses entreprises considèrent les obligations de loyauté comme des facteurs positifs pour leur développement. Vous fabriquez une règle applicable à tous comme si chaque entreprise n’était pas capable de savoir ce qui est bon pour elle.
En septembre dernier, lors d’une table ronde de la commission des Affaires économiques, les présidents et fondateurs des pépites de l’économie numérique française, comme Blablacar, Withings, ou Leetchi, auxquels nous demandions ce que nous pouvions faire pour les aider à développer leur activité en France nous ont donné une réponse unanime : « Ne faites surtout rien par la loi ! »
La Commission rejette le sous-amendement.
Puis elle adopte l’amendement CL554 du rapporteur.
En conséquence, l’amendement CL37 de M. Lionel Tardy tombe.
La Commission est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CL555 du rapporteur, CL310 de Mme Laure de La Raudière, CL334 de M. Philippe Gosselin, et CL651 de la commission des Affaires économiques.
M. le rapporteur. La rédaction de cet amendement a fait l’objet de nombreuses discussions avec tous ceux qui se sont investis sur ce texte. Elle me semble de nature à mettre fin aux inquiétudes qui se sont exprimées tout en respectant les objectifs poursuivis par l’alinéa 4. Elle supprime en particulier le mot « notamment » dans la description des informations à délivrer.
Cet amendement vise à préciser que l’obligation générale de loyauté qui pèse sur tous les opérateurs de plateformes en ligne doit essentiellement permettre au consommateur de visualiser clairement les résultats de sa requête selon qu’ils sont classés ou référencés favorablement par l’opérateur en contrepartie d’une relation commerciale ou capitalistique avec la ou les personnes classées, référencées ou mises en relation.
Il supprime l’obligation de préciser explicitement qu’il n’existe aucun lien contractuel ou capitalistique avec les personnes référencées ni aucune rémunération. Il précise que seules les relations contractuelles avec des personnes morales doivent être mentionnées si elles influencent le classement ou le référencement. Il indique que les informations à délivrer au consommateur à ce titre prendront la forme d’une description générique et intelligible à inclure dans les conditions générales d’utilisation (CGU) de la plateforme en ligne.
Mme Laure de La Raudière. Sous réserve d’analyse, je retire mon amendement qui vise le même objectif que celui du rapporteur.
Mme la secrétaire d’État. Nous entendons souvent dire qu’il faudrait surtout ne rien faire. Les dispositions dont nous discutons traitent de la protection des consommateurs. Dans le monde numérique, où l’on confie ses données personnelles et où l’on utilise des moyens de paiement en ligne, on peut légitimement considérer que l’incertitude et les risques pris sont plus grands lorsque l’on accepte une offre liée à un produit innovant que dans un supermarché et dans le monde réel. Ajoutons que les critères de classement de l’information obtenue avant de procéder à un acte de mise en relation contractuelle sont beaucoup plus opaques dans l’univers numérique. Il est en conséquence nécessaire d’apporter des assurances minimales aux consommateurs. Nous nous trouvons dans un champ totalement neuf dans lequel le droit de la consommation est beaucoup moins présent que dans les secteurs plus traditionnels. Si nous demandions à nos concitoyens s’ils ont pris connaissance de la totalité des conditions générales d’utilisation des grandes plateformes numériques, en général présentés sur trente pages dans diverses langues étrangères, nous constaterions que la plupart d’entre eux ont signé aveuglément en donnant leur consentement aux CGU.
Les obligations que nous mettons en place sont finalement assez légères. Je ne souhaite pas que l’on caricature la portée de l’article 22 qui vise à protéger les consommateurs en rétablissant un équilibre minimal entre nos concitoyens et des acteurs économiques de poids.
Il me semble que l’amendement du rapporteur restreint très inutilement la portée de l’article 22. Il est même en contradiction avec la disposition prévue à l’alinéa 4 puisque ce sont finalement les plateformes elles-mêmes qui pourront décider des relations commerciales ou capitalistiques qu’elles voudront porter à la connaissance des consommateurs. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 vise simplement à informer du lien contractuel existant par exemple entre Google et Uber lorsque cette dernière application apparaît sur les cartographies de Google Maps. J’estime que le consommateur doit au moins savoir qu’il existe un lien en termes de rémunération entre les deux entreprises : c’est du bon sens !
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Le fait que le projet de loi ne lie pas l’obligation de mentionner un lien contractuel ou capitalistique à son impact sur le référencement soulève un problème, puisque cette obligation pourrait, de ce fait, concerner l’ensemble des contenus. Ainsi ce lien devrait être mentionné, par exemple, pour chaque morceau de musique en vente sur une plateforme musicale, ce qui rendrait de facto l’information illisible. Je rejoins donc la position du rapporteur : nous devons être attentifs au champ d’application de la disposition, qu’il s’agisse de la définition de la plateforme ou de la nature des obligations, qui doivent être suffisamment solides juridiquement. Or, en l’espèce, on ne sait pas où commence et où finit la relation contractuelle.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Est-ce à dire que vous retirez l’amendement CL651 ?
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je veux bien me rallier à l’amendement du rapporteur ; je retire donc l’amendement CL651.
M. Philippe Gosselin. L’amendement CL555 du rapporteur me paraît satisfaire, pour l’essentiel, mon amendement CL334. De ce fait, je le retire.
M. Lionel Tardy. Il semble qu’il y ait, sur ce point, un désaccord entre le rapporteur et la secrétaire d’État. Enfin une bonne nouvelle, serai-je tenté de dire ! Car, si je reste opposé à l’article 22, j’estime que, dans son amendement, le rapporteur propose une solution de repli satisfaisante, dans la mesure où il règle les trois problèmes que j’ai soulevés dans mes propres amendements : seule la présence de relations contractuelles doit être mentionnée, et non leur absence ; seules les personnes morales doivent être concernées ; enfin, ces mentions doivent être incluses dans les conditions générales d’utilisation afin de ne pas détériorer l’affichage, sachant que, sur une plateforme musicale, par exemple, chaque contenu proposé fait forcément l’objet d’une relation contractuelle. J’ajoute – et c’est un point important – que la mention ne doit être obligatoire que lorsque les relations contractuelles ont une influence sur le classement. Encore une fois, je salue l’esprit de synthèse du rapporteur, dont je l’invite à faire preuve lors de l’examen d’autres amendements.
Mme Karine Berger. L’amendement de notre rapporteur me laisse perplexe sur un point : la mention d’un lien contractuel ne serait obligatoire que si ce lien est de nature à modifier le classement des contenus. Or, sauf erreur de ma part, les mécanismes de classement sont particulièrement obscurs et sont gardés secrets par les plateformes. Dès lors, une telle précision ne risque-t-elle pas de vider l’amendement de sa substance ? Je suis en effet convaincue que les plateformes n’auront aucun mal à démontrer que ces liens ne les ont pas conduites à modifier le classement des contenus.
M. le rapporteur. Mme Berger a parfaitement raison. Je propose donc de rectifier l’amendement en substituant, dans sa première phrase, au mot : « modifier » le mot : « influencer », qui est le terme approprié ; c’est d’ailleurs celui qu’avaient retenu Mme Erhel, M. Gosselin et Mme de la Raudière dans leurs amendements.
Mme la secrétaire d’État. Le rapporteur souhaite limiter la portée de l’article 22 aux relations contractuelles qui ont une influence sur le classement des contenus. Or, et je rejoins Mme Berger sur ce point, seules les plateformes seront juges, et ce dans l’opacité la plus totale, de l’influence d’un lien contractuel sur le classement. Cette précision vide donc l’article de sa substance. Je vais illustrer ma démonstration par un exemple concret. Les consommateurs qui achètent de la musique, y compris celle qu’ils écoutent en streaming, sur la plateforme musicale d’Apple ne savent pas forcément que cette entreprise perçoit une commission de 30 % sur chaque vente, contrairement à Deezer – une entreprise française – ou Spotify, qui, obligés de passer par la plateforme d’Apple pour se faire distribuer, sont tenus de lui payer une commission. En l’espèce, le lien capitalistique qui existe entre la plateforme d’Apple et les vendeurs et producteurs de musique n’a pas forcément d’influence sur le classement. Pourtant, on peut considérer que les consommateurs sont en droit d’en connaître l’existence.
J’insiste sur le fait que l’article 22 tend à imposer une obligation de loyauté. Il ne s’agit pas de contraindre à l’excès les entreprises, mais d’assurer une transparence de bon aloi dans un monde dominé par des géants qui laissent peu de place aux plus petits.
Les amendements CL310, CL334 et CL651 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL555 rectifié.
En conséquence, les amendements CL138, CL139 et CL108 de M. Lionel Tardy tombent.
La Commission examine l’amendement CL476 de Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un amendement d’appel, en vue du débat en séance publique. Il vise en effet à imposer aux opérateurs l’obligation de rappeler aux consommateurs les principes de protection des droits visés au code de la propriété intellectuelle et les régimes de responsabilité. Concrètement, une plateforme musicale serait tenue de rappeler que les contenus qui y sont mis en ligne pourraient faire l’objet d’une protection des droits de la propriété intellectuelle. On sait que les plateformes ne sont pas responsables de la mise en ligne de contenus illicites et qu’un recours des ayants droit est nécessaire pour que ceux-ci soient retirés. Quoi qu’il en soit, il me semble que nous pouvons au moins leur demander de rappeler aux consommateurs que le droit de la propriété intellectuelle s’applique aux contenus qu’elles mettent à leur disposition.
M. le rapporteur. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, je vais laisser Mme la secrétaire d’État répondre. Néanmoins, je crois qu’il ne faut pas imposer trop de contraintes aux opérateurs et aux plateformes ; on pourrait leur demander de faire de la pédagogie sur bon nombre d’autres sujets. Je rappelle que les conditions générales d’utilisation comportent déjà un certain nombre d’éléments de cet ordre. Peut-être est-ce suffisant, compte tenu des obligations que nous imposons déjà à ces plateformes.
Mme la secrétaire d’État. J’ai rappelé à plusieurs reprises que l’article 22 se situe sur le terrain de la problématique économique, en particulier du droit des consommateurs. Le droit, y compris celui de la propriété intellectuelle, s’applique déjà en l’état actuel des choses. S’il fallait ajouter des mentions supplémentaires relatives aux contenus illicites – je pense, par exemple, aux contenus pédopornographiques –, à la contrefaçon ou aux droits d’auteur, on risquerait de surcharger le consommateur d’informations. Cela ne me paraît pas nécessaire. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
Mme Karine Berger. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion du texte en séance publique, car il serait regrettable que la protection des droits des consommateurs ne s’accompagne pas d’une protection des droits économiques de manière générale. De fait, sur les plateformes de biens culturels, il n’est rappelé nulle part que la mise en ligne d’un contenu peut se faire en violation de la loi ; nous devons trouver un moyen de le signaler. Mais, à ce stade, je retire l’amendement, et je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL652 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement a pour objet d’étendre les obligations de loyauté, de clarté et de transparence que les plateformes ont envers les consommateurs aux relations que celles-ci entretiennent avec les professionnels qui utilisent leurs services et qui sont parfois les premières victimes de l’opacité de leurs pratiques de classement et de référencement.
M. le rapporteur. Ce sujet doit être traité au niveau européen, car cet amendement est contraire au droit en vigueur. Je vous demande donc, madame la rapporteure pour avis, de bien vouloir le retirer.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. J’ai en effet précisé que le gouvernement français avait choisi de se placer sur le terrain du droit de la consommation pour ne pas empiéter sur le droit européen, notamment celui de la concurrence qui s’applique aux relations entre professionnels. Pour la portabilité, par exemple, nous décidons de limiter la portée de la disposition aux relations avec le consommateur final ; la même logique doit s’appliquer ici. D’un côté, on explique au Gouvernement qu’il ne faut pas trop étendre les obligations ; de l’autre, on est prêt à les étendre aux relations entre professionnels. Il convient, me semble-t-il, de s’en tenir au droit de la consommation.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je vais retirer l’amendement, mais j’indique tout de même qu’un déréférencement peut avoir un impact considérable sur une petite entreprise : l’absence de loyauté peut avoir pour conséquence de ruiner le modèle économique d’une start-up, par exemple. Ses effets peuvent être encore plus graves pour certains professionnels que pour les consommateurs. Nous ne pouvons donc pas faire l’impasse sur un tel sujet, qui est pourtant absent du projet de loi.
Mme la secrétaire d’État. Je partage votre constat, mais nous voulons coller au droit européen. Or, la disposition que vous proposez serait contraire à la directive « Commerce électronique », à la différence des articles relatifs à la portabilité et à l’obligation de loyauté incombant aux plateformes. Néanmoins, je comprends votre raisonnement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL578 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL9 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Lionel Tardy. Cet amendement a pour objet de rationaliser et de simplifier l’information précontractuelle en soumettant l’ensemble des plateformes en ligne au sens large, y compris les sites des comparateurs, au même article traitant de l’obligation d’information loyale, claire et transparente. Il s’agit de dissiper la confusion pouvant naître du fait que les sites comparateurs se verraient soumis à une obligation identique figurant dans deux articles distincts et déclinée dans deux décrets d’application.
M. le rapporteur. Cet amendement a été satisfait par l’adoption de votre amendement CL36, monsieur Tardy.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Retirez-vous l’amendement, monsieur Tardy ?
M. Lionel Tardy. Je ne me permettrai pas de retirer un amendement dont je ne suis pas le premier signataire…
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 22 modifié.
Article 23
(art. L. 111-5-2 [nouveau] du code de la consommation)
Autorégulation des principaux opérateurs de plateforme en ligne
Le présent article propose d’instituer, au nouvel article L. 111-5-2 du code de la consommation, un mécanisme d’autorégulation des principales plateformes en ligne afin de permettre à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de mieux contrôler leur activité au regard des obligations de loyauté et de transparence (224).
L’objectif est de contrebalancer le pouvoir de marché des plateformes en ligne les plus influentes, lequel est renforcé par des effets de réseau très importants. Cette concentration se retrouve aussi bien du côté des consommateurs (par exemple le moteur de recherche de Google dispose d’une part de marché supérieure à 90 % en Europe) que du côté des professionnels (annonceurs, etc.) ayant des relations commerciales avec les plateformes (par exemple, dans le domaine de la réservation hôtelière, différentes études suggèrent que les trois quarts des hôtels en France seraient référencés sur le site Booking.com, les réservations par cette agence en ligne représentant 30 % de leur chiffre d’affaires).
La décision de réguler ou non les plateformes les plus influentes est un choix politique dépassant la seule dimension économique : il s’agit d’éviter que l’internet – considéré comme un « bien commun » – ne soit accaparé par une poignée d’acteurs exerçant une influence majeure sur les choix opérés par les utilisateurs en raison de leur rôle d’intermédiation.
L’objectif de l’autorégulation prévue par le présent article se concentre donc sur les quelques dizaines de plateformes structurantes pour l’économie française.
1. La réforme proposée
Le I de l’article L. 111-5-2 (nouveau) du code de la consommation précise que seuls seront concernés par ce mécanisme d’autorégulation les opérateurs de plateformes en ligne dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret. Les opérateurs de moindre envergure ne sont pas tenus à ces obligations mais peuvent s’y soumettre volontairement.
Ce mécanisme d’autorégulation suppose que les opérateurs des plateformes concernées :
– élaborent et diffusent auprès des consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer leurs obligations de transparence et de loyauté ;
– définissent des indicateurs permettant d’apprécier le respect de leurs obligations de clarté, de transparence et de loyauté ;
– rendent périodiquement publics les résultats de l’évaluation de ces indicateurs.
Il appartiendra aux opérateurs de déterminer la périodicité de publication des indicateurs qui sera a minima annuelle. Elle devra néanmoins correspondre aux informations que l’indicateur désigne et pourra le cas échéant être beaucoup plus courte si nécessaire.
Selon le Gouvernement, la détermination du seuil de connexion et l’élaboration des indicateurs et des bonnes pratiques devraient être réalisés dans le cadre d’une concertation avec les différents opérateurs mais aussi les associations de consommateurs ou d’utilisateurs et des personnalités qualifiées, sous couvert de l’administration.
Il est précisé que ces informations doivent être communiquées à « l’autorité administrative compétente ». Dans ce cadre, l’action de contrôle s’inscrit prioritairement dans la politique globale déjà mise en œuvre par la DGCCRF qui dispose d’un corps de contrôle d’une trentaine d’enquêteurs spécialisés en matière de commerce électronique, capables d’expertiser à tout moment les pratiques commerciales trompeuses visibles sur internet. Elle a d’ailleurs contrôlé plus de 10 300 sites internet en 2014. Les autres services des ministères économiques pourront également apporter leur analyse au regard de leur connaissance technique et économique des secteurs concernés.
Pour assurer l’effectivité de ce mécanisme d’autorégulation des plateformes en ligne, le II de l’article L. 111-5-2 confère de nouveaux pouvoirs à l’autorité administrative compétente :
– procéder à des enquêtes administratives auprès des plateformes en ligne et de tout organisme participant à l’évaluation de leurs pratiques dans les mêmes conditions que les enquêtes de concurrence déjà confiées à la DGCCRF (demande d’informations, visites et saisies…) ;
– publier une liste noire des plateformes ne respectant pas leurs obligations au titre des articles L. 111-5-1 et L. 111-5-2 du code de la consommation ;
– publier par elle-même, ou par un organisme compétent désigné à cet effet, les résultats des indicateurs en recueillant directement auprès des plateformes les données nécessaires à cette évaluation.
Les modalités d’application du II sont renvoyées à un décret.
2. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, votre Commission a entièrement réécrit le présent article et l’a renuméroté dans le code de la consommation (article L. 111-5-1).
Cet article prévoit désormais que les opérateurs de plateformes en ligne, dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret, élaborent et diffusent auprès des consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté mentionnées à l’article L. 111-5 du même code.
L’autorité administrative compétente, c’est-à-dire la DGCCRF, peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues au premier alinéa du II de l’article L. 141-1 du même code afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateformes en ligne mentionnées au premier alinéa du présent article. Il est précisé qu’elle peut, à cette fin :
– recueillir auprès de ces opérateurs les informations utiles à l’exercice de cette mission ;
– diffuser périodiquement les résultats de ces évaluations et de ces comparaisons ;
– rendre publique la liste des plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations au titre de l’article L. 111-5.
Cette nouvelle rédaction assure ainsi un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et l’intervention de l’autorité administrative compétente pour établir une information fiable et complète à destination des utilisateurs de ces plateformes.
Cet article prévoit en outre, à titre expérimental, la possibilité pour le Conseil national du numérique – dont une des missions, fixée par le décret n° 2012-1400 du 13 décembre 2012, est d’organiser des concertations régulières, au niveau national et territorial, avec les élus, la société civile et le monde économique – de lancer une plateforme d’échange citoyen et de recueil d’avis sur les pratiques des plateformes en ligne. Si cette expérimentation fonctionne, elle pourrait être une étape intermédiaire et participative entre l’autorégulation et le contrôle administratif, et s’inscrire dans une logique de dialogue ouvert avec les plateformes comme avec l’autorité administrative sur les résultats de son action.
Tout en simplifiant les contraintes imposées aux plateformes et en clarifiant la mission confiée à la DGCCRF, cette rédaction préserve les orientations principales de la disposition initiale.
Le mécanisme d’autorégulation proposé relève d’une démarche proche de celle de la certification ou de la notation, en faisant primer l’effet de réputation sur la menace de sanction pour orienter le comportement des plateformes en ligne, lesquelles restent a priori maîtresses de la définition des bonnes pratiques retenues.
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* *
La Commission examine les amendements identiques CL38 de M. Lionel Tardy et CL306 de Mme Laure de La Raudière.
M. Lionel Tardy. Même si l’article 23 tend à mettre en place une forme d’autorégulation, ce qui est préférable, il soulève le même problème que les précédents : le Gouvernement anticipe sur une réflexion qui doit être menée au plan européen, prenant ainsi le risque de multiplier les régulations. Il convient donc de supprimer cet article.
Mme Laure de La Raudière. J’ajoute que l’étude d’impact est très floue sur ce sujet.
M. le rapporteur. Plutôt que de supprimer l’article 23, je préfère que nous travaillions à améliorer sa rédaction – et, à cet égard, l’amendement CL653 de la commission des Affaires économiques me paraît particulièrement pertinent.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable. Alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis mettent en place des autorités administratives indépendantes, commerciales ou liées à des fédérations de consommateurs, afin de mieux comprendre les comportements commerciaux des grandes plateformes numériques et leur rôle dans l’économie numérique, sur lequel nous disposons de très peu d’informations et de travaux scientifiques, il serait dommage que la France prenne du retard dans ce domaine. Il ne s’agit pas d’imposer de nouvelles contraintes à ces entreprises mais de créer, à l’instar de ce qui se fait pour les marchés financiers, une place qui permette de mieux appréhender les problématiques économiques soulevées par la position de ces acteurs sur les marchés.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l’amendement CL653 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement a un double objet : il vise, d’une part, à clarifier les obligations des plateformes ainsi que l’intervention de la DGCCRF et, d’autre part, à offrir, à titre expérimental, la possibilité de mettre en place une plateforme d’échanges citoyens sur les pratiques des plateformes en ligne. Il me semble qu’en matière d’autorégulation, cette méthode est la plus efficace : son caractère « viral » incitera les plateformes à être particulièrement vigilantes.
M. le rapporteur. Je suis particulièrement satisfait par la rédaction proposée par la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Avis favorable, donc.
Mme la secrétaire d’État. Je suis fort intéressée par la démarche consistant à proposer une notation des plateformes dans le cadre d’une collaboration avec les internautes. Néanmoins, le fait de confier une telle mission au Conseil national du numérique est potentiellement problématique d’un point de vue juridique, dans la mesure où ce conseil n’a pas été créé par la loi mais par un simple décret. Je suggérerai donc à Mme la rapporteure pour avis de retirer l’amendement, afin que nous continuions à travailler sur le sujet. Mais, encore une fois, la piste proposée me paraît très intéressante.
Mme Laure de La Raudière. Madame la secrétaire d’État, quelles sont les entreprises concernées par l’article 23 ? Sont-ce les mêmes que celles qui sont visées à l’article 22 ? Sont-elles une dizaine ? une cinquantaine ? Il est important que nous sachions à qui le Gouvernement souhaite imposer toutes ces règles. Or, encore une fois, l’étude d’impact est muette sur ce point.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Puisque l’adoption de l’amendement CL653 ferait tomber plusieurs autres amendements, je vais, avant de le mettre aux voix, demander à ceux de leurs auteurs qui le souhaitent de nous exposer leurs arguments.
M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. L’amendement CL618 de la commission des Affaires culturelles a pour objet d’étendre l’autorégulation encouragée par l’article 23 à la lutte contre les contenus illicites. Les obligations proposées dans cet amendement me paraissent proportionnées à la capacité de diffusion des plateformes et à l’impact des contenus qu’elles diffusent sur le nombre croissant de leurs utilisateurs. Ces plateformes ont acquis, dans cette période de transition, un pouvoir énorme ; il n’est pas illogique que leurs responsabilités soient légèrement renforcées dans ce domaine. Nous ne pouvons plus nous contenter du régime juridique du seul hébergeur pour ces acteurs qui en sont désormais très éloignés.
La Commission adopte l’amendement CL653.
En conséquence, les amendements CL109 et CL110 de M. Lionel Tardy, CL579 du rapporteur, CL253 de M. Sergio Coronado, CL618 de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, ainsi que les amendements CL556, CL580, CL581, CL582 et CL557 tombent.
L’article 23 est ainsi rédigé.
La Commission examine l’amendement CL367 de M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Cet amendement s’inspire des mêmes préoccupations que celles évoquées par Mme Berger à propos de l’amendement CL476. Il s’agit, en l’espèce, de la lutte contre la contrefaçon. Celle-ci est un problème ancien, puisqu’on en trouve trace dans la Rome antique, mais elle connaît aujourd’hui, notamment parce qu’elle est parfois le fait de la mafia internationale, une explosion telle qu’elle tue les investissements, la propriété industrielle, la propriété intellectuelle, et qu’elle appauvrit nos entreprises et les États. Nous proposons donc d’instaurer un devoir de vigilance des acteurs d’Internet dans ce domaine, à l’instar de ce qui existe en matière de lutte contre la provocation à la commission d’actes de terrorisme, contre l’incitation à la haine raciale ou les activités illégales de jeux d’argent. Il ne s’agit pas d’entrer dans le détail des mesures techniques qui pourraient être mises en œuvre à cette fin, mais plutôt d’établir une obligation de moyen technologiquement neutre. Une telle disposition compléterait la réglementation européenne et enverrait un véritable signal en matière de lutte contre la contrefaçon. Je rappelle que ce fléau frappe un grand nombre d’entreprises, non seulement du secteur du luxe, mais aussi des secteurs du médicament, de la santé, ou des jouets, notamment.
M. le rapporteur. On ne peut que souscrire à l’esprit de l’amendement tel qu’il vient d’être présenté par notre collègue, mais je ne pense pas que nous puissions aller plus loin que les dispositions de l’article 15 de la directive « Commerce électronique ». Je vous propose donc d’inclure ces éléments dans les bonnes pratiques mentionnées à l’article 23 du projet de loi, sachant que certaines dispositions de la LCEN traitent déjà de ce sujet. Je vous suggérerai donc de retirer votre amendement.
M. Philippe Gosselin. Je maintiens l’amendement, à ce stade. Nous verrons, lors de la discussion en séance publique, comment nous pouvons valoriser ce devoir de vigilance dans le cadre des bonnes pratiques qu’a évoquées le rapporteur.
Mme la secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CL111 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Afin d’améliorer la lisibilité du projet de loi, il est proposé, par cet amendement, de regrouper les articles 24 et 25 sous une même section 4, intitulée : « Information des consommateurs », étant donné que ces deux articles ne sont pas relatifs à la loyauté des plateformes. Tel était, du reste, le cas dans le texte tel que rédigé avant son passage au Conseil d’État.
M. le rapporteur. Peut-être vaudrait-il mieux intituler la section 3 : « Loyauté des plateformes et information des consommateurs ». Cette modification peut être envisagée lors de l’examen du texte en séance publique.
L’amendement est retiré.
Article 24
(art L. 111-5-3 [nouveau] et L. 111-6-1 du code de la consommation)
Information des consommateurs sur les avis en ligne
Le présent article introduit dans le code de la consommation un nouvel article L. 111-5-3 imposant à tout site internet mettant en ligne des avis provenant de consommateurs d’indiquer, de manière explicite, à ces consommateurs si la publication de ces avis a fait l’objet d’un processus de vérification, qu’il soit interne ou externe. Si tel est le cas, le site est tenu d’en préciser clairement les principales modalités et de mettre ces informations à disposition des consommateurs de manière préalable.
Comme l’indique l’étude d’impact, le succès du commerce électronique repose sur deux postulats complémentaires : la sécurité de ce secteur assurée par les professionnels et la confiance accordée par les utilisateurs en corollaire. Dans le cadre de ce dernier postulat, la question des avis en ligne tient une place de plus en plus prépondérante.
En décembre 2014, l’étude de l’IFOP sur l’impact de l’e-réputation sur le processus d’achat montre que l’internet est devenu un vecteur d’information incontournable pour les consommateurs. 88 % des consommateurs consultent les avis en ligne avant de procéder à l’achat sur internet ou en magasin et 85 % d’entre eux indiquent avoir été dissuadés de faire un achat suite à la lecture d’avis négatifs sur des blogs, forums ou sites des consommateurs. Parallèlement, 75 % des Français estiment que certains de ces avis sont faux.
La question de la fiabilité des avis en ligne revêt donc un enjeu clair tant pour le consommateur que pour les entreprises présentes sur internet.
En France, il existe, depuis juillet 2013, une norme AFNOR portant sur les processus de collecte, modération et restitution des avis en ligne des utilisateurs (consommateurs ou professionnels) (225) mais celle-ci est d’application volontaire. Elle repose notamment sur la publication de la preuve d’achat. Selon l’étude d’impact, 43 organisations ont participé à l’élaboration de la norme. Au 30 août 2015, 15 entreprises sont certifiées par l’AFNOR sur le fondement de cette norme : 12 d’entre elles sur la base de l’intégralité du processus de contrôle (collecte, modération et restitution) et 3 uniquement sur la partie modération des avis.
Toutefois, le respect de ce dispositif par les professionnels volontaires ne leur permet pas pour autant d’alléguer sur la vérification des avis déposés sur leur site puisque la norme ne fait que certifier un processus. En outre, certains opérateurs, tel Tripadvisor, considèrent que tous les avis des consommateurs sont intéressants, y compris ceux qui n’auraient pas procédé par eux-mêmes à l’achat en ligne (cas des avis de plusieurs consommateurs ayant participé à une même activité dont l’achat n’aurait été réglé que par l’un d’entre eux). Dans ces conditions, ces opérateurs ne peuvent être certifiés par l’AFNOR.
1. La réforme proposée
Le présent article entend remédier à ces difficultés en permettant aux consommateurs de disposer d’une information loyale, claire et transparente sur la vérification des avis de nature à augmenter le degré de confiance qu’ils sont susceptibles d’accorder au site de commerce en ligne qu’ils consultent.
Ainsi, le premier alinéa de l’article L. 111-5-3 nouveau du code de la consommation impose à toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal (plateforme Tripadvisor par exemple) ou accessoire (site de la FNAC par exemple), à « collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs », de « délivrer à ces consommateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de vérification des avis mis en ligne ».
Le deuxième alinéa du même article ajoute que la personne doit préciser si les avis qu’elle a mis en ligne font ou non l’objet d’une vérification et, si tel est le cas, indiquer les caractéristiques principales de la vérification mise en œuvre. Il peut s’agir de préciser qu’elle respecte la norme AFNOR ou qu’elle a instauré un autre mécanisme de vérification des avis, soit en interne soit par l’intermédiaire d’un prestataire externe.
Le troisième alinéa du même article renvoie la définition des modalités et du contenu des informations que les professionnels devront faire figurer à un décret simple.
Comme la plupart des personnes auditionnées par votre rapporteur, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a salué l’introduction d’un dispositif de vérification des avis mis en ligne, eu égard aux nombreuses plaintes dont elle est saisie de la part des professionnels, le plus souvent artisans et professions libérales, qui mettent en avant le caractère dénigrant, injurieux ou obsolètes de certains avis. La CNIL considère que pour éviter les mésusages de ces avis et préserver les droits des personnes concernées, celles-ci devraient disposer d’un moyen d’exercer en ligne les droits qui leur sont reconnus par les articles 38 à 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (opposition, accès, rectification). Elle recommande d’afficher systématiquement la date de ces avis et les éventuelles mises à jour et estimerait utile d’être saisie pour avis du décret d’application mentionné au troisième alinéa.
Le dernier alinéa du présent article précise qu’en cas de manquement aux obligations mentionnées aux nouveaux articles L. 111-5-2 et L. 111-5-3 du code de la consommation, les opérateurs concernés sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2 du même code.
2. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a tout d’abord adopté un amendement de précision pour substituer au terme de « vérification » le terme de « contrôle ». En effet, le terme « vérification » pouvait laisser entendre la nécessité de produire une « preuve » matérielle à l’appui du contrôle réalisé par les sites d’avis en ligne, telle une facture par exemple. L’amendement permet de lever cette ambiguïté afin de ne pas limiter le champ des personnes susceptibles de poster un avis (par exemple, tous les invités d’un repas qui n’aurait été payé que par un seul consommateur) tout en imposant aux sites d’avis en ligne d’informer le consommateur sur les contrôles qu’ils mettent en œuvre pour vérifier l’authenticité de ces avis.
À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, votre Commission a ensuite adopté un amendement complétant la réforme proposée pour permettre :
– aux consommateurs de connaître les motifs qui conduisent à la non publication de l’avis qu’ils auraient déposé ;
– aux entreprises visées par les avis en ligne de signaler, par l’intermédiaire d’une fonctionnalité gratuite en ligne, les avis abusifs qui sont de nature à gêner leur activité, sous réserve d’être expressément motivés.
Enfin, à l’initiative de votre rapporteur et de MM. Philippe Gosselin et Lionel Tardy, la commission des Lois a adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement prévoyant de consulter la CNIL avant de prendre le décret d’application du présent article, dans la mesure où ces informations sont susceptibles de couvrir des données personnelles.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL112 rectifié de M. Lionel Tardy.
Lionel Tardy. Par cet amendement, je propose qu’un seuil de connexions soit défini par décret, à l’instar de ce qui a été fait pour les deux précédents.
M. le rapporteur. Non seulement je goûte peu les seuils, de manière générale, mais il s’agit ici uniquement d’informer le consommateur sur la procédure de vérification des avis en ligne. Si une petite plateforme ne procède à aucune vérification, elle devra simplement en informer le consommateur. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis que le rapporteur.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL655 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement, déposé par Mme Dubié, a pour objet de remplacer le mot : « consommateurs » par le mot : « utilisateurs », car on peut souhaiter consulter des avis en ligne sans être forcément consommateur.
M. le rapporteur. Il n’est pas juridiquement possible d’étendre la régulation des plateformes à tous les utilisateurs « B to B », en raison de la directive « Commerce électronique ». Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également. La notion de consommateurs, dont la définition juridique est reprise dans l’article préliminaire du code de la consommation, se confond avec celle d’utilisateurs, puisqu’il s’agit de « personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles ». En tout état de cause, elle est plus large et correspond mieux à l’ambition du texte.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL558 du rapporteur, CL656 de la commission des Affaires économiques, CL583 rectifié du rapporteur et CL657 de la commission des Affaires économiques.
M. le rapporteur. La notion de vérification pourrait laisser croire que les sites d’avis en ligne doivent pouvoir produire une preuve matérielle, telle qu’une facture, à l’appui du contrôle qu’ils n’ont pu réaliser – le débat concerne surtout les avis sur les hôtels et les restaurants. Certains sites d’avis en ligne ne demandent pas de tels documents afin de ne pas limiter le champ des personnes susceptibles de poster un avis. De fait, si je vous invite à déjeuner à la buvette, c’est moi qui paierai et qui recevrai donc la facture, mais chacun d’entre vous peut avoir un avis sur le repas.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement CL656 vise à ajouter à l’information sur la vérification des avis la possibilité d’informer les consommateurs sur leurs éventuelles modalités d’authentification.
M. le rapporteur. L’amendement CL583 rectifié est rédactionnel.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement CL657 est un amendement de conséquence.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable aux amendements du rapporteur, ainsi qu’à son invitation… Ces amendements satisfont les deux autres, dont je demanderai donc le retrait.
Les amendements CL656 et CL657 sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements CL558 et CL583 rectifié.
La Commission examine l’amendement CL658 de la commission des affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Dans un objectif de transparence, l’amendement tend d’une part à ce que les consommateurs puissent connaître les motifs qui ont conduit au rejet de l’avis qu’ils ont déposé, d’autre part à ce que les entreprises visées par les avis en ligne puissent signaler les avis abusifs.
M. le rapporteur. Avis favorable à cette excellente proposition.
Mme la secrétaire d’État. L’objectif de l’amendement diffère et va au-delà de l’obligation initiale fixée par l’article. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL41 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Le texte est suffisamment explicite pour que l’on se passe d’un décret d’application.
M. le rapporteur. Je ne vois que des avantages à fixer par décret les modalités et le contenu de ces informations que les sites d’avis en ligne devront mettre à disposition des consommateurs. Nous y gagnerons en clarté.
M. Lionel Tardy. Mais c’est inutile.
Mme la secrétaire d’État. Je précise qu’il est aussi prévu de consulter le Conseil national de la consommation – qui réunit des représentants des consommateurs et des professionnels – pour définir les éléments caractéristiques de cette procédure et fixer les conditions de la présentation. La demande émane plutôt des entreprises, qui veulent savoir exactement quelles informations seront exigées. Avis, pour cette raison, défavorable.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CL559 du rapporteur et les amendements identiques CL 42 de M. Lionel Tardy et CL323 de M. Philippe Gosselin.
M. le rapporteur. Parce que les informations communiquées sont susceptibles de couvrir des données à caractère personnel, l’amendement CL559 propose de consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avant de prendre le décret précédemment évoqué.
Mme la secrétaire d’État. Sagesse.
M. Lionel Tardy. L’amendement CL42 a le même objet, mais il trépassera si l’amendement du rapporteur est maintenu et adopté.
M. Philippe Gosselin. Il en sera de même pour l’amendement CL323, identique.
La Commission adopte l’amendement CL559.
En conséquence, les amendements CL42 et CL323 tombent.
La Commission adopte l’article 24 modifié.
La Commission examine l’amendement CL477 de Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. L’amendement tente de concilier la politique culturelle de la France et sa politique numérique. L’ère numérique permettant une diffusion extraordinaire des biens et des services culturels, l’ensemble des politiques de mise en valeur de ces biens doivent être repensées. Je pense bien sûr à l’accès aux œuvres en français, en rappelant que la « loi Toubon » du 1er février 1994 avait à cette fin instauré des quotas de diffusion. Dans le même esprit, l’amendement vise à ce que les opérateurs de plateformes respectent les objectifs d’accès à la culture francophone dans les services qu’ils mettent en ligne. L’amendement ne fixe pas de quotas, renvoyant pour cela à un décret d’application, mais inscrit dans la loi le principe que l’objectif d’accès à la culture francophone s’impose aux fournisseurs de biens et de services numériques.
M. le rapporteur. Je suis aussi réservé que je l’étais précédemment sur la méthode. En outre, de nombreuses associations de consommateurs jouent ce rôle. Je suggère d’intégrer cette proposition dans la liste des bonnes pratiques prévue à l’article 23, et de s’en tenir à cela.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est attaché à la défense et à la promotion de la diversité culturelle, mais force est de constater le décalage entre certaines obligations légales relatives aux quotas de diffusion d’œuvres musicales francophones sur les chaînes de radio et l’offre des plateformes vidéo ou de streaming. Dix ans après l’adoption de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco, et alors que ce sont désormais des robots qui proposent des choix aux utilisateurs, il est temps d’envisager la question en des termes différents, mais il sera préférable de le faire au niveau européen, puisque s’engage cette année la renégociation de la directive relative aux services de medias audiovisuels. Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui ne peut couvrir ce spectre.
M. Philippe Gosselin. Mme Berger a raison d’introduire ce sujet d’importance capitale. Permettez-moi de souligner, madame la ministre, que ce dont il s’agit est de défendre la culture francophone, que je n’ai pas spécialement envie de voir perdue dans la défense générique de la diversité culturelle. Chacun est conscient que la culture n’est pas un bien comme les autres. La francophonie est le bien que nous avons en partage avec de nombreux autres pays. À la loi Lang de 1981 a succédé la loi Toubon de 1994 ; toutes deux défendaient la francophonie sous ses différents aspects. Se limiter, comme le suggère le rapporteur, à renvoyer pareil sujet à une liste de bonnes pratiques est très réducteur au regard des enjeux. Les bonnes pratiques sont certes nécessaires et peut-être pourrons-nous en étoffer la liste dans cet esprit. Mais, la question est autrement plus vaste, et même si l’on ne porte pas la francophonie en étendard comme le font les Québécois, on ne peut sous-estimer la force de ces robots qui, par des pratiques commerciales déloyales, écartent purement et simplement la culture francophone de certains sites. Je soutiendrai vigoureusement l’amendement et je souhaite vivement que l’on débatte de cette question en séance publique.
M. Christian Paul. Les parlementaires et le Gouvernement partagent l’objectif qui motive l’amendement – une politique culturelle puissante et habile permettant de soutenir la création et l’ensemble de la chaîne de diffusion – mais je ne suis que modérément convaincu par la forme de la proposition. Notre rêve commun est que l’exception culturelle à la française devienne une exception culturelle européenne partagée. Mme la ministre l’a dit, l’ère numérique nous impose d’inventer des réponses nouvelles ; mais objectifs chiffrés et quotas sous de nouvelles formes paraissent difficilement transposables et seraient une perte de temps pour ceux qui cherchent à dessiner une politique culturelle efficace. Pour soutenir la création, il existe deux moyens. Le premier est d’aider les créateurs et les ayants-droit dans leur bras de fer avec les plateformes ; nous avons perdu beaucoup de temps en nous focalisant sur la traque d’usages qui étaient pourtant acceptables au lieu de nous concentrer sur l’analyse de la manière dont les plateformes captent la valeur. Le second moyen est d’inventer de nouvelles formes de rémunération des artistes, et à ce sujet la France a perdu de longues années. Depuis l’adoption de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, et de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI, les artistes et les ayants-droits et la création française en général ont probablement perdu plusieurs milliards d’euros. Nous nous sommes suffisamment égarés sur de fausses pistes pour ne pas poursuivre dans cette voie.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL560 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement tend à compléter l’article L. 111-7 du code de la consommation en précisant que sont soumises aux obligations du présent chapitre les personnes physiques ou morales exerçant à titre professionnel établies sur le territoire français ou sur le territoire de l’Union européenne, ou celles qui, sans être établies sur le territoire français ou sur le territoire de l’Union européenne, dirigent par tout moyen leur activité vers le territoire français ou causent un dommage à un consommateur sur le territoire français.
Mme la secrétaire d’État. Cette proposition n’apparaît pas nécessaire puisque l’article 6 du règlement européen Rome I attribue compétence à loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, si le professionnel y exerce ou dirige ses activités. Pour que l’amendement soit compatible avec ce règlement, il conviendrait donc de le préciser en ces termes. J’en suggère donc le retrait, au moins pour l’instant.
M. le rapporteur. Je le retire, et le préciserai de la sorte avant de le présenter en séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission examine les amendements CL429 de M. Michel Zumkeller, CL430 de M. Bertrand Pancher et CL431 de M. Michel Zumkeller, qui font l’objet d’une présentation commune.
Mme Maina Sage. En 2013, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions déjà appelé l’attention du Gouvernement sur la pratique commerciale déloyale – dite « IP tracking » – qui consiste à collecter les données personnelles d’un utilisateur lors d’une connexion aux seules fins de faire varier ensuite artificiellement les prix d’une prestation ou d’un service ; cela vaut notamment pour les achats de billets de train et d’avion en ligne, ce que l’amendement CL429 tend à interdire. De même, l’amendement CL431 propose d’interdire l’utilisation de l’IP tracking pour géo-localiser l’internaute afin de lui proposer des publicités ciblées. L’amendement CL430 a un objet légèrement différent : il propose d’interdire la modulation des tarifs de vente selon l’heure à laquelle un internaute effectue son achat.
M. le rapporteur. Ces pratiques scandaleuses ont souvent été constatées par les consommateurs. Le plus difficile est de prouver qu’il y a eu IP tracking ; c’est le rôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Notre droit permettant de sanctionner les pratiques commerciales trompeuses, je demande le retrait des amendements.
Mme Maina Sage. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, le Gouvernement, par la voix de M. Benoît Hamon, alors ministre, avait demandé le retrait de notre amendement à ce sujet, expliquant que l’IP tracking n’était qu’une hypothèse et indiquant qu’une étude conjointe de la CNIL et de la DGCCRF ferait la lumière. Elle a été conduite. En concluant qu’« aucune technique observée ne prend en compte l’adresse IP des internautes comme élément déterminant », ses auteurs démontrent en creux l’utilisation de cette technique, dont nous réaffirmons qu’elle doit être interdite par la loi.
Mme la secrétaire d’État. Toute consciente que je sois de la situation que vous décrivez, je suis défavorable à l’amendement. En effet, l’article L.121-1 du code de la consommation établit les critères de la pratique commerciale trompeuse, au nombre desquels le fait d’appliquer des tarifs différents à des consommateurs qui se trouvent dans une situation identique. D’ailleurs, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a fixé à 300 000 euros la sanction de tels agissements, l’amende pouvant être portée à 10 % du chiffre d’affaires du professionnel concerné ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité trompeuse ou de la pratique constituant le délit. Le problème est donc l’application effective de notre droit, sans qu’il soit nécessaire de compléter la liste des pratiques commerciales réputées trompeuses fixée par une directive européenne que nous ne pouvons modifier sans contrevenir au droit communautaire.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements CL429, CL430 et CL431.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL475 de Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. Je souhaite par cet amendement inviter le Gouvernement à engager une réflexion sur le traitement juridique des liens hypertexte. Aujourd’hui, en raison d’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un lien hypertexte renvoyant à une œuvre protégée par le droit d’auteur n’est pas soumis aux mêmes obligations que le site qui héberge le bien protégé par les droits de la propriété intellectuelle. Or, considérons les mécanismes de référencement de Google : ils reposent justement sur les liens hypertexte, et ce sont bel et bien des œuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle sur le site où elles sont publiées et auquel renvoie le lien hypertexte qui permettent à Google de dégager une valeur ajoutée particulière. Autrement dit, certains opérateurs économiques d’internet bénéficient de la valeur de certains biens et services culturels protégés par le droit de la propriété intellectuelle sans jamais rémunérer leur utilisation. L’amendement, en posant la question de savoir qui a la responsabilité de la captation de valeur par le biais des liens hypertexte, vise à renverser la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est une question juridique et économique de première importance.
M. le rapporteur. Le Gouvernement ayant été explicitement interpellé, je laisse Mme la ministre répondre.
Mme la secrétaire d’État. Plusieurs pays européens – l’Allemagne pour ce qui concerne les liens hypertexte vers les articles de presse, l’Espagne, l’Italie… – ont tenté de s’attaquer à ce problème complexe, avec un succès, à chaque fois, très mitigé, car les organes de presse, qui visent aussi un bon référencement sur les moteurs de recherche, entretiennent des relations très ambiguës avec les plateformes concernées. C’est au niveau européen, lors de la révision de la directive relative au droit d’auteur qui s’engage cette année, que la question devra être posée. Dans ce cadre, le Gouvernement dira quelle suite doit être donnée aux conclusions du rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique relative à l’articulation entre la directive sur le commerce électronique, qui fixe le régime de responsabilité des hébergeurs, et la directive relative au droit d’auteur. Il est prématuré d’apporter à cette question une réponse juridique au niveau national.
Mme Karine Berger. Je retire l’amendement, que je reprendrai en séance publique pour ouvrir le débat, et j’espère que la position du Gouvernement sera connue lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
L’amendement CL475 est retiré.
Article 25
(art. L. 121-83 du code de la consommation)
Information des consommateurs sur les débits de connexion
Le présent article complète l’article L. 121-83 du code de la consommation relatif aux contrats de services de communications électroniques par des obligations relatives à l’information contractuelle des consommateurs sur les débits fixes et mobiles. Selon l’exposé des motifs, il permet une mise en cohérence avec le règlement européen « marché unique des communications électroniques » (226) (MUCE) et améliore ainsi la lisibilité du droit français.
1. Les obligations d’information des fournisseurs de services de communications électroniques à l’égard des consommateurs
En application de l’article L. 121-83 du code de la consommation, tout contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur de services de communications électroniques (téléphonie fixe, mobile, internet…) doit comporter au moins les informations suivantes « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible :
a) L’identité et l’adresse du fournisseur ;
b) Les services offerts, leur niveau de qualité et le délai nécessaire pour en assurer la prestation ;
c) Le détail des tarifs pratiqués, notamment les frais de résiliation et les frais de portabilité des numéros et autres identifiants, les moyens par lesquels des informations actualisées sur l’ensemble des tarifs applicables et des frais de maintenance peuvent être obtenues et les modes de paiement proposés ainsi que leurs conditions ;
d) Les compensations et formules de remboursement applicables si le niveau de qualité des services prévus dans le contrat n’est pas atteint ;
e) La durée du contrat, les conditions de renouvellement et d’interruption des services et du contrat ;
f) Les modes de règlement amiable des différends notamment la possibilité de recourir à un médiateur ;
g) Les procédures mises en place par le fournisseur pour mesurer et orienter le trafic de manière à éviter de saturer ou sursaturer une ligne du réseau et sur leurs conséquences en matière de qualité du service ;
h) Les services après-vente fournis, ainsi que les modalités permettant de contacter ces services ;
i) Les restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation, ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis ;
j) Les possibilités qui s’offrent à l’abonné de faire figurer ou non ses données à caractère personnel dans un annuaire et les données concernées ;
k) Toute utilisation ou durée minimale requise pour pouvoir bénéficier de promotions ;
l) Le type de mesure qu’est susceptible de prendre le fournisseur afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité ou de faire face à des menaces et à des situations de vulnérabilité ;
m) Les droits conférés au consommateur dans le cadre du service universel, lorsque le fournisseur est chargé de ce service. »
Il en résulte qu’aucune obligation d’information spécifique ne pèse actuellement sur les fournisseurs de services d’accès à internet pour indiquer dans leur contrat le niveau des débits minimums, normaux ou maximums offerts au consommateur ni même pour expliquer clairement ce que recouvrent ces notions.
Il faut toutefois souligner que depuis le 13 décembre 2013, les fournisseurs d’accès à internet doivent communiquer sur le débit IP et non plus sur le débit ATM (trop éloigné de la réalité) et indiquer dans leurs publicités les débits réels constatés en affichant la mention « Débit descendant atteignable en général entre x Mb/s et y Mb/s ». Depuis le 1er juillet 2014, ils doivent aussi préciser, avant la souscription du contrat, le débit réel dont bénéficiera le client en fonction des caractéristiques de sa ligne avec la mention « Votre débit descendant sera compris entre x et y Mb/s » (227).
En pratique, la jurisprudence vérifie le respect, par les fournisseurs d’accès à internet, de leurs engagements contractuels et commerciaux en matière de débit à travers le prisme « du niveau de qualité des services prévus dans le contrat ».
2. Une nouvelle obligation d’information sur les débits de connexion dans les contrats prévue par le règlement MUCE
Le règlement MUCE du 25 novembre 2015 précise qu’ « afin d’exercer leurs droits d’accéder aux informations et aux contenus et de les diffuser, et d’utiliser et de fournir des applications et des services de leur choix, les utilisateurs finals devraient être libres de convenir avec les fournisseurs de services d’accès à l’internet des tarifs du service d’accès à l’internet pour des volumes de données et des débits déterminés (…) » (considérant n° 7).
Il est ajouté que « les fournisseurs de services d’accès à l’internet devraient par conséquent informer les utilisateurs finals dans le contrat du débit qu’ils sont en mesure de fournir de façon réaliste. Par débit normalement disponible, on entend le débit qu’un utilisateur final pourrait s’attendre à recevoir la plupart du temps lorsqu’il accède au service. Les fournisseurs de services d’accès à l’internet devraient également informer les consommateurs des voies de recours disponibles conformément au droit national en cas de non-respect des performances. Tout écart important et permanent ou récurrent, lorsqu’il est établi par un mécanisme de contrôle agréé par l’autorité réglementaire nationale, entre les performances réelles du service et les performances indiquées dans le contrat, devrait être considéré comme une performance non conforme aux fins de la détermination des voies de recours ouvertes au consommateur conformément au droit national. La méthode de calcul devrait être définie dans les orientations de l’organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) et faire l’objet d’un réexamen et d’une mise à jour, si nécessaire, pour prendre en compte l’évolution des technologies et des infrastructures. Les autorités réglementaires nationales devraient faire respecter les règles du présent règlement sur les mesures de transparence garantissant l’accès à un internet ouvert » (considérant n° 18).
C’est la raison pour laquelle, à l’article 3 du même règlement, le paragraphe 2 énonce que : « Les accords entre les fournisseurs de services d’accès à l’internet et les utilisateurs finals sur les conditions commerciales et techniques et les caractéristiques des services d’accès à l’internet, telles que les prix, les volumes de données ou le débit (228), et toutes pratiques commerciales mises en œuvre par les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne limitent pas l’exercice par les utilisateurs finals des droits énoncés au paragraphe 1 [droit à un internet ouvert] ».
L’article 4 du règlement précise l’étendue de cette nouvelle obligation en indiquant les mesures de transparence à respecter sur les débits. Ainsi, les fournisseurs doivent veiller à ce que tout contrat incluant des services d’accès à l’internet contienne une « explication claire et compréhensible » :
– « en ce qui concerne la manière dont les éventuelles limitations de volume, le débit et d’autres paramètres de qualité de service peuvent avoir une incidence concrète sur les services d’accès à l’internet, et en particulier sur l’utilisation de contenus, d’applications et de services » ;
– « pour les réseaux fixes, en ce qui concerne le débit minimal, normalement disponible, maximal et annoncé pour le téléchargement descendant et ascendant des services d’accès à l’internet ou, dans le cas des réseaux mobiles, le débit maximal estimé et annoncé pour le téléchargement descendant et ascendant des services d’accès à l’internet, ainsi que la manière dont des écarts significatifs par rapport aux débits annoncés de téléchargement descendant et ascendant peuvent avoir une incidence sur l’exercice des droits des utilisateurs finals » ;
– « des voies de recours ouvertes au consommateur conformément au droit national en cas d’écart permanent ou récurrent entre les performances réelles des services d’accès à l’internet en matière de débit ou d’autres paramètres de qualité de service et les performances indiquées par le fournisseur d’accès ».
L’article 4 ajoute que « tout écart significatif, permanent ou récurrent, entre les performances réelles des services d’accès à l’internet en matière de débit ou d’autres paramètres de qualité de service et les performances indiquées par le fournisseur de services d’accès à l’internet est, lorsque les faits pertinents sont établis par un mécanisme de surveillance agréé par l’autorité réglementaire nationale, réputé constituer une performance non conforme aux fins du déclenchement des voies de recours ouvertes au consommateur conformément au droit national ».
Cet article précise enfin que « ces exigences n’empêchent pas les États membres de maintenir ou d’instaurer des exigences supplémentaires en matière de surveillance, d’information et de transparence, y compris celles qui concernent le contenu, la forme et la méthode de publication des informations ».
3. La « transcription » de cette obligation dans le code de la consommation
Bien que le règlement MUCE soit d’application directe dans l’ordre interne, le présent article propose d’inscrire certaines des nouvelles obligations d’informations contractuelles qu’il impose aux fournisseurs d’accès à internet à l’article L. 121-83 du code de la consommation afin d’améliorer la lisibilité de la loi française.
a. L’instauration d’une information contractuelle sur les débits
Le 1° du I du présent article ajoute un nouveau b) bis) à l’article L. 121-83 précité afin que le contrat de services de communication électronique proposé au consommateur comporte « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », « une explication claire et compréhensible en ce qui concerne les débits minimums, normalement disponibles, maximum montants et descendants fournis lorsqu’il s’agit de services d’accès à internet fixe et une estimation des débits maximums montants et descendants fournis dans le cas de services d’accès à internet mobile, ainsi que l’incidence sur la disponibilité des services offerts d’un écart significatif par rapport au débit prévu au contrat ».
Les opérateurs de communications électroniques estiment que cette disposition est inutile car le règlement européen est d’application directe et que l’exigence de fournir une « explication claire et compréhensible » sur les débits au sens du règlement est déjà satisfaite, soit dans les conditions générales d’abonnement, soit dans les fiches d’informations standardisées (FIS) délivrées aux consommateurs. Ceux-ci peuvent en effet consulter la FIS de l’offre souhaitée sur le site de l’opérateur ou demander au personnel commercial de l’opérateur (en boutique ou au téléphone) une version papier de la fiche. Ces fiches ont toutes une structure commune permettant ainsi de comparer rapidement les différentes offres.
Votre rapporteur observe toutefois que le règlement MUCE impose désormais que cette « explication claire et compréhensible » figure dans le contrat lui-même et non dans d’autres documents commerciaux ou à vocation informative.
b. L’extension de l’obligation d’information contractuelle du fournisseur sur l’impact des mesures de gestion de trafic et de limitations de débits
Le 2° du I complète le g) de l’article L. 121-83 relatif à l’information contractuelle que doit le fournisseur sur les procédures qu’il met en place pour mesurer et orienter le trafic de manière à éviter de saturer ou sursaturer une ligne du réseau et sur leurs conséquences en matière de qualité du service.
En premier lieu, il impose désormais au fournisseur d’accès à internet de préciser les conséquences de ses procédures de gestion de trafic en matière de « protection de la vie privée et des données à caractère personnel », conformément à l’obligation prévue dans les mêmes termes à l’article 4, paragraphe 1, a) du règlement MUCE.
En second lieu, il lui impose d’indiquer clairement « l’impact des limitations de volume, de débits ou d’autres paramètres sur la qualité de l’accès à internet, en particulier l’utilisation de contenus, d’applications et de services, y compris ceux bénéficiant d’une qualité optimisée », conformément à l’obligation prévue dans les mêmes termes à l’article 4, paragraphe 1, b) du règlement MUCE.
Enfin, le II du présent article dispose que ces obligations sont applicables aux contrats conclus ou reconduits postérieurement à la promulgation de la loi, ce qui signifie qu’elles ne concerneront pas les contrats en cours.
4. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de Mme Marietta Karamanli et des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyens et suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a adopté un amendement de réécriture globale du dispositif du présent article afin d’inscrire à l’article L. 121-83 du code des postes et des communications électroniques un renvoi complet à l’ensemble des explications précontractuelles prévues par l’article 4) 1) d) du règlement MUCE (229) .
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La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL561 du rapporteur, CL659 de la commission des Affaires économiques, CL 390 de Mme Marietta Karamanli et CL391 de Mme Bernadette Laclais.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. L’amendement CL561 du rapporteur tendant à la suppression de l’article, les amendements suivants tomberont s’il est adopté. Après qu’il l’aura défendu, je donnerai donc, par courtoisie, la parole à leurs auteurs.
M. le rapporteur. Je propose en effet la suppression d’un article inutile en ce qu’il se limite à reprendre certaines des obligations nouvelles qui s’imposent aux opérateurs de communications électroniques en vertu du règlement « marché unique des communications électroniques » du 25 novembre 2015, qui est d’application directe. À supposer que l’article demeure, je donnerai un avis favorable à l’amendement CL390, qui reprend, à l’alinéa 3, les termes exacts du règlement européen.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Par l’amendement CL659, nous proposons de préciser l’obligation contractuelle des opérateurs.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’amendement CL390 a été défendu par le rapporteur. Quant à l’amendement CL391, il précise le début de l’alinéa 3, par cohérence avec l’amendement CL659 de la commission des Affaires économiques. Mais nous voterons l’amendement de suppression de l’article s’il est maintenu.
Mme la secrétaire d’État. J’exprime un avis favorable à l’amendement CL390 et je demande le retrait des amendements CL561 et CL659 ; l’amendement CL391 tombera si l’amendement CL390 est adopté. Je ne mésestime pas, madame Ehrel, l’importance d’informer clairement les consommateurs, mais nous pouvons nous en tenir au texte du règlement européen du 25 novembre 2015, qui est d’application immédiate et qui définit minutieusement les obligations d’information en matière de débit.
M. le rapporteur. Je retire l’amendement CL561 au bénéfice de l’amendement CL390.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je retire l’amendement CL659.
Les amendements CL561 et CL659 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL390.
En conséquence, l’amendement CL391 tombe.
La Commission adopte l’article 25 modifié.
La Commission examine l’amendement CL157 de M. Bernard Gérard.
M. Philippe Gosselin. La fibre optique étant devenue un produit d’appel, il arrive que les opérateurs se livrent à une communication commerciale abusive qui s’apparente parfois à une tromperie. L’amendement tend, en renforçant l’information des consommateurs, à moraliser des publicités qui doivent faire état des performances réelles des réseaux considérés dans leur globalité et non, seulement, d’une partie de ces réseaux.
M. le rapporteur. Nous en revenons donc au débat récurrent sur la « vraie » et la « fausse » fibre optique. Il est fait allusion aux annonces considérées comme mensongères faites par un certain câblo-opérateur national. Le cadre est celui des pratiques commerciales déloyales. Or, j’ai constaté que ce fournisseur établit explicitement dans ses dernières publicités que le réseau auquel il propose l’accès est un réseau de fibre optique à terminaison coaxiale ; il n’est donc pas indispensable de spécifier dans la loi ce qui relève du contrôle de la DGCCRF. Aussi, j’invite au retrait de l’amendement.
M. Philippe Gosselin. N’a-t-on pas parfois avantage à aider la vertu ? Accepteriez-vous que cette proposition figure dans la liste des bonnes pratiques de l’article 23 ?
M. le rapporteur. Cela peut se concevoir, mais il me semble que le câblo-opérateur concerné l’applique déjà.
Mme la secrétaire d’État. Un débat parlementaire peut être utile sur ce sujet.
Le Gouvernement travaillait à la rédaction d’un arrêté pour définir précisément ce que contient la terminologie « fibre » – doit-on parler de fibre jusqu’au logement ou jusqu’à l’immeuble ? Le Conseil national de la consommation a donné un avis sur cet arrêté.
Il me semble que la rédaction que vous proposez limite de façon importante l’utilisation du mot « fibre ». Par exemple, le terme ne pourrait plus être utilisé dans des documents commerciaux, notamment les conditions générales de vente qui ne sont pas des documents publicitaires.
Je suggère donc que nous retravaillions ensemble cet amendement parce que je suis favorable à l’introduction dans la loi d’une rédaction précise et lisible pour les consommateurs, sans pour autant exclure la fibre optique à terminaison coaxiale, terminologie employée par l’ARCEP.
M. Philippe Gosselin. J’avoue être plus sensible aux arguments de Mme la secrétaire d’État qui a bien traduit ma pensée qu’à ceux de M. le rapporteur.
M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. Traduisez-vous cette pensée en retirant l’amendement ?
M. Philippe Gosselin. Non.
La Commission rejette l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CL85 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet de protéger les lanceurs d’alerte de sécurité.
Certaines personnes, lorsqu’elles découvrent une faille sur un site web, avertissent le responsable de ce site afin de permettre la résolution du problème et la protection des données mises en danger. Elles jouent ainsi un rôle utile de lanceurs d’alerte.
Or, selon le code pénal, tout accès non autorisé à un système peut être considéré comme frauduleux. Le simple fait de vérifier l’existence d’une faille constitue un accès non autorisé, donc une infraction.
Le risque est désormais de dissuader ceux qui découvrent des failles de les signaler aux responsables informatiques, par peur de poursuites judiciaires. Sans lanceurs d’alerte, les sites mal protégés resteraient alors plus longtemps vulnérables face à des internautes mal intentionnés.
Il est souhaitable d’établir un cadre juridique exonérant de responsabilité les lanceurs d’alerte, personnes détectant et signalant les failles de sécurité informatique sans intention de nuire, par exemple en s’inspirant de l’article 221-5-3 du code pénal qui prévoit pour les assassinats que : « Toute personne qui a tenté de commettre les crimes d’assassinat ou d’empoisonnement est exempte de peine si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la mort de la victime et d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices ».
M. le rapporteur. Il est toujours compliqué de donner le statut de lanceur d’alerte à des hackers. Je vous propose d’attendre les conclusions du Conseil d’État qui travaille actuellement sur le statut de lanceur d’alerte, plutôt que de prévoir seulement celui des hackers.
Mme la secrétaire d’État. Cette discussion renvoie à celle que nous avons eue hier avec Mme Attard qui faisait référence au cas de Bluetooth, lequel a été condamné alors que les données auxquelles il a accédé n’étaient pas sécurisées et qu’il n’avait entrepris aucune démarche offensive pour y accéder. Ce qu’il avait fait n’était pas en soi répréhensible.
Vous limitez l’amendement à la question du lanceur d’alerte qui dénonce des failles de sécurité. D’autres pays ont introduit des protections spécifiques pour ces cas de figure. Je pense aux Pays-Bas. C’est une piste intéressante dans la mesure où les lanceurs d’alerte sont de bonne foi. Or, tel qu’il est rédigé, l’amendement accorde le bénéficie de l’exemption de responsabilité, donc de l’exemption de peine, y compris à des hackers qui se seraient introduits dans un système de traitement automatisé de données en ayant altéré le contenu de ce système et le dommage causé étant irréparable. Peut-être faudrait-il affiner la rédaction de cet amendement. J’ai demandé son avis à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) qui estime que la piste est intéressante.
Le Conseil d’État s’est penché sur la question des lanceurs d’alerte. Nous attendons ses conclusions qui devraient être publiées très rapidement. Je suggère que cette réflexion continue, soit à l’Assemblée nationale, soit au Sénat. Vous aurez noté tout l’intérêt du Gouvernement sur ce sujet.
M. Patrice Martin-Lalande. Il me semble utile d’introduire dans la loi une disposition nécessairement temporaire en attendant une rédaction plus satisfaisante à l’issue des travaux du Conseil d’État. C’est pourquoi je maintiens l’amendement.
M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. En matière pénale, l’exemption de peine n’intervient qu’après la reconnaissance de culpabilité. Elle n’empêche ni la poursuite, ni le jugement, ni la reconnaissance de culpabilité.
Je ne suis donc pas certain que la formulation que vous avez retenue corresponde à l’objectif que vous recherchez, à savoir protéger les lanceurs d’alerte. C’est au Conseil d’État de fixer les conditions de la protection des lanceurs d’alerte.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, je comprends bien vos objections juridiques. Certes, l’amendement ne peut pas être voté en l’état. Pour autant, le groupe socialiste partage son objectif. Il s’agit d’un problème auquel il faudra remédier. Peut-être une solution rapide peut-elle être trouvée avec le Gouvernement.
Mme Isabelle Attard. Tous ici, nous pouvons nous comporter comme des lanceurs d’alerte pour tester la véracité des conditions d’utilisation d’une plateforme, en y mettant de fausses informations. Nous pouvons ainsi vérifier, comme le font les journalistes, si nos données sont bien protégées. J’espère que nous sommes nombreux à le faire, ce qui nous permettra d’avoir de vrais débats en séance et de résoudre rapidement ce problème.
Je regrette que le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes ait été reporté et que nous ayons restreint la catégorie des lanceurs d’alerte à quelques professions – je ne sais pas ce que nous aurions fait si l’affaire Snowden s’était produite dans notre pays.
M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, l’exemption de peine suppose effectivement qu’il y ait reconnaissance de culpabilité. Cela dit, nous aurions intérêt à adopter cet amendement, ce qui permettrait de prendre acte de la préoccupation de l’Assemblée nationale et de le modifier lorsque le Conseil d’État aura trouvé une solution juridiquement satisfaisante.
La Commission rejette l’amendement.
M. Jean-Yves le Bouillonnec, président. Chacun s’accorde à reconnaître que ce problème doit être résolu. Pour autant, si nous ne le réglons pas de bonne manière, les effets risquent d’être catastrophiques. Dès lors que vous ouvrez des champs de dispense de peine, il faut vérifier que la mesure est équitable par rapport à d’autres délits qui n’en prévoient pas. C’est pour cela que le problème est compliqué. Il est indispensable que le Conseil d’État donne au Gouvernement de la matière susceptible de nous faire avancer dans la pertinence, y compris constitutionnelle.
La Commission en vient à l’amendement CL387 de M. Jean-Michel Villaumé.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il s’agit d’un problème que nos collègues ont évoqué à plusieurs reprises, celui des courriels ou lettres-chaînes qui prennent de l’ampleur et dont le contenu est préjudiciable aux uns et aux autres.
M. le rapporteur. Vous avez raison de poser le problème. On parle souvent de ces canulars informatiques, ou hoax, qui circulent. Si je souscris à votre objectif, la rédaction de l’amendement pose problème. En effet, l’article 27 de la loi de 1881 – cela me fait sourire que l’on y fasse référence s’agissant d’hoax – ne s’appliquerait que lorsqu’une dimension virale en aggraverait l’ampleur. Je propose de réécrire votre amendement d’ici à l’examen du texte en séance publique, pour ne pas amoindrir la portée de l’article 27 de la loi de 1881.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je le retire.
L’amendement est retiré.
Chapitre II
Protection de la vie privée en ligne
Section 1
Protection des données à caractère personnel
La Commission est saisie de l’amendement CL479 de Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. Je précise tout de suite qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
Il m’était impossible de ne pas parler de l’assiette fiscale dans le cadre de l’économie numérique. Cet amendement, bien connu de tous les groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, propose une taxation de la publicité en ligne.
Il a été adopté pour la première fois au Sénat, sous l’impulsion de M. Marini. Il a été déposé par des députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen en 2013, déposé également par des députés du groupe Union des démocrates et indépendants en 2014, puis déposé à nouveau par des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en 2015.
Aujourd’hui se pose le problème de la définition de l’assiette fiscale des prélèvements sur l’ensemble de l’économie numérique. L’OCDE mène des travaux très approfondis dans le cadre du programme beaucoup plus ambitieux base erosion and profit shirting (BEPS) de lutte contre l’optimisation fiscale agressive. Le groupe socialiste est parvenu à avancer sur ces questions dans le cadre de la dernière loi de finances.
Mais nous n’avançons pas en ce qui concerne la partie numérique. Il n’existe pas d’assiette fiscale permettant une participation juste de l’ensemble des acteurs économiques du numérique au financement de nos biens communs et au devoir de contribution fiscale.
Le présent amendement vise à rappeler que l’économie numérique est basée sur la donnée personnelle qui justifie la publicité en ligne. Par conséquent, l’assiette de la publicité en ligne peut directement être rattachée à la valeur particulière que constituent les données personnelles. C’est pourquoi cet amendement a été repris à de si nombreuses reprises. Il est indispensable de poser la question de l’assiette fiscale des opérateurs numériques en France et en Europe lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique.
M. le rapporteur. Je remercie Mme Berger d’aborder la question sous cet angle. Bien souvent, quand ils parlent du numérique, les uns et les autres essaient en effet de se faire plaisir à peu de frais en essayant de « surfiscaliser », de contrôler, d’interdire les grands opérateurs.
J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je suis assez favorable à ce qu’un débat soit engagé, y compris dans l’hémicycle. Toutefois, je ne pense pas que nous disposerons des éléments fiscaux permettant de parvenir à une solution d’ici à l’examen en séance publique.
Cela dit, comme ces amendements ont été soutenus par presque tous les groupes politiques de notre assemblée et que le groupe socialiste est parvenu à des avancées, il est opportun de mener un vrai travail en amont du projet de loi de finances pour 2017. Je rappelle qu’il s’agit d’un cadre européen et international et que M. Michel Sapin s’est rendu il y a quelques mois en Australie pour évoquer ces questions. Nul doute que nous pourrons avancer, même si, pour le moment, nous le faisons trop lentement.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement a le mérite de poser une question cruciale, celle de la redevabilité de l’impôt par de grands acteurs du numérique qui ne sont pas domiciliés sur le territoire français.
Le Gouvernement partage totalement le souci d’assurer une neutralité de la taxation des dépenses de publicité, en particulier entre les différents supports. Toutefois, il me paraît difficile d’être favorable à la taxation de la publicité en ligne, d’abord parce que celle-ci est aussi une alternative de financement pour les entreprises, et en particulier pour les médias auxquels vous êtes très sensibilisée, ensuite parce que ce secteur se développe très rapidement et qu’il ne saurait être question de le freiner. De plus, le Conseil national du numérique a rappelé les effets contre-productifs d’une telle mesure. Nos entreprises seraient très certainement défavorisées par rapport à des concurrents étrangers domiciliés hors du territoire puisque, dans les faits, cette taxe serait répercutée intégralement sur des annonceurs établis en France.
Pour autant, vous avez raison, il faut absolument définir de nouveaux critères de territorialité qui soient adaptés à cette économie du numérique. Le Gouvernement français est persuadé qu’il faut avancer sur ce sujet au niveau européen, voire international. Nous sommes très proactifs dans différentes instances que vous connaissez. Il me semble que les travaux avancent – certes trop lentement – ainsi que la prise de conscience des gouvernants, et non des moindres. Je connais votre engagement sur ce sujet. C’est dans le cadre de la loi de finances, et certainement celle pour 2017, que nous pourrons poursuivre notre réflexion.
Mme Karine Berger. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL254 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. La question de savoir si l’adresse IP est une donnée personnelle a suscité une jurisprudence parfois contradictoire. Cet amendement propose d’inclure expressément l’adresse IP qui serait définie comme « toute adresse ou tout numéro identifiant l’équipement terminal de connexion à un réseau de communication », dans le champ des données à caractère personnel. La disposition proposée permettrait ainsi de faire figurer l’adresse IP dans le faisceau d’indices permettant d’identifier l’internaute.
M. le rapporteur. La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’adresse IP était une donnée à caractère personnel parce qu’elle permettait au fournisseur d’accès de retrouver la personne qui l’utilise. Pour autant, le projet de règlement européen relatif à la protection des données à caractère personnel actuellement en cours de finalisation apporte un éclairage dans son considérant 24 en affirmant que les numéros d’identification, les données de localisation, l’identifiant en ligne ou d’autres éléments spécifiques ne devraient pas être considérés en soi comme des données à caractère personnel s’ils n’identifient pas ou ne rendent pas identifiables une personne physique.
Il semble donc que cette question doit être traitée au niveau européen.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. La question est traitée par le règlement européen qui considère qu’une adresse IP peut être une donnée personnelle lorsqu’elle permet d’identifier les personnes mais pas lorsque cette adresse est associée à une entreprise ou, a fortiori, à une machine. Je vous renvoie au texte du règlement pour avoir des précisions juridiques. Il est inutile de l’intégrer à ce stade dans la loi française.
M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL43 de M. Lionel Tardy et CL255 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. Suivant l’avis de la CNIL, le présent amendement vise à prendre en compte le fait que la responsabilité d’un traitement de données personnelles n’est pas toujours le fait d’une seule personne. Or, si une telle mission est confiée à un prestataire, celui-ci n’est jamais responsable. Il s’agit donc d’envisager une possible coresponsabilité.
M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à reconnaître la possibilité d’une coresponsabilité dans les traitements de données.
Cette possibilité, admise par la directive 95/46, n’a pas été transposée explicitement dans notre droit. Elle peut toutefois être plus conforme à la réalité, et refléter l’implication de différents acteurs dans la mise en œuvre d’un même traitement.
Cet amendement répond à une préconisation exprimée à plusieurs reprises par la CNIL.
M. le rapporteur. Je suis d’accord avec vous ainsi qu’avec la CNIL. Toutefois, la rédaction de l’amendement n’est pas de nature à apporter toutes les garanties. S’il y a coresponsabilité, il peut y avoir aussi dilution de la responsabilité.
Je propose de retirer ces amendements et de travailler à une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte en séance publique.
M. Lionel Tardy. Je maintiens cet amendement car nous n’aurons pas le temps de réfléchir à une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle.
Mme la secrétaire d’État. Nous sommes typiquement face à la difficulté de coordonner le droit européen et le droit national sur un sujet traité par le règlement européen sur les données personnelles et dont le principe que vous proposez est acquis dans le texte de ce règlement.
Le Gouvernement n’est pas fermé à la modification de la disposition proposée une fois que le règlement sera définitivement adopté. Mais à ce stade, la mesure me paraît prématurée. Aussi, le Gouvernement demande-t-il le retrait de ces amendements.
La Commission rejette successivement les amendements.
Article 26
(art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Droit à la libre disposition de ses données personnelles
Le présent article consacre le droit à la libre disposition de ses données personnelles, c’est-à-dire le droit pour un individu de contrôler les usages qui sont faits de ses données à caractère personnel.
a. Le droit à la vie privée
Aux termes de l’article 9 du code civil « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Mais comme l’a indiqué Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL, « notre époque se caractérise par une imprégnation des données personnelles dans toutes les activités publiques, professionnelles ou privées. L’individu est de plus en plus pris dans un maillage extrêmement fin d’informations personnelles relayées par des objets de plus en plus communicants : téléphone portable, bracelets électroniques divers, dispositifs électriques, équipements de vidéosurveillance, etc. Cette « datification » (…) du monde (…) illustre (…) l’entrée dans un numérique ambiant » dans lequel « la dichotomie qui existait encore il y a quelques années entre les univers physique et virtuel (…) a disparu ». Cette imprégnation « change le rapport qui existait entre vie privée et données personnelles. Jusqu’à une période récente, les protections de ces deux sphères se superposaient. Sous l’effet des nouveaux comportements et usages, la frontière entre la vie privée et la vie publique commence à se détendre pour donner naissance à une zone un peu grise dans laquelle les personnes veulent exposer leur vie privée et se servent des données personnelles pour avoir une vie publique » et, tout en demandant une protection, « recherchent avant tout une maîtrise » (230).
La commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique a montré que pour certains, il existerait même une forme de « paradoxe de la vie privée » selon lequel, dans l’environnement numérique, propice à la théâtralisation et à la publicisation de soi, les individus mettraient eux–mêmes en danger leur vie privée en échange de services ou d’avantages, sans toutefois vouloir renoncer à un haut niveau de protection et de maîtrise sur leurs données personnelles.
Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée s’est transformé : d’un droit individuel à être « laissé en paix » et protégé des intrusions d’autrui, il s’est transformé en une négociation collective destinée à maîtriser la projection de soi dans les interactions sociales avec autrui (231).
b. La protection des données à caractère personnel
Les principes généraux posés par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, demeurent fondés et pertinents car ils ont été adaptés aux évolutions décrites infra. Ainsi, lors de la transposition en droit interne de la directive 95/46/CE précitée (232), le législateur a modifié le champ des informations protégées par la loi dite « Informatique et libertés » en substituant à la notion d’« informations nominatives » celle, plus large, de « données à caractère personnel » afin de tenir compte du développement des mesures d’identification indirecte.
La directive 95/46/CE donne des définitions des principaux concepts relatifs la protection de la vie privée :
– « donnée à caractère personnel » : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Est réputée identifiable au sens de la directive « une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ». La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré l’adresse IP (233) comme une donnée à caractère personnel dans la mesure où elle permet aux fournisseurs d’accès de retrouver la personne qui l’utilise (234). De même, les pseudonymes, servant à l’identification de l’utilisateur d’un service, correspondent à des données à caractère personnel qui permettent de le distinguer et de le traiter de manière personnalisée. Certes, toutes les données ainsi collectées ne présentent pas le même degré d’identification directe des personnes auxquelles elles se rapportent. Dans certains cas, elles peuvent être directement identifiantes ou le devenir après un traitement particulier. Ainsi, même lorsqu’elles sont censées être anonymisées, certaines données collectées peuvent parfois être rendues de nouveau identifiantes grâce au progrès des techniques de désanonymisation ou parce que d’autres données auxiliaires sont devenues disponibles (par exemple dans le cadre de l’open data) (235). Par ailleurs, comme cela a été évoqué par le président de la CADA lors de son audition par votre rapporteur, les données personnelles, imbriquées les unes aux autres, ne renseignent plus seulement sur un individu mais sur un réseau de personnes liées à celui-ci ;
– « traitement de données à caractère personnel » : toute opération effectuée ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquée à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;
– « responsable du traitement » : la personne physique ou morale ou l’autorité publique, qui détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel.
La décision dite « Sphère de sécurité » ou « safe harbor »
Par un arrêt du 6 octobre 2015, la CJUE a invalidé la décision 2000/520 de la Commission européenne. Cette décision, reconnaissant que dans le cas où un pays assure un niveau de protection adéquat les données à caractère personnel peuvent être transférées sans garanties supplémentaires, régissait les transferts de données à caractère personnel collectées dans l’UE vers les États–Unis selon le principe simplifié du « safe harbor ».
Cette décision fait suite à une question préjudicielle posée par la Haute Cour de Justice d’Irlande suite à la plainte présentée par un jeune Autrichien, client de Facebook. Toute personne résidant sur le territoire de l’UE et désirant utiliser Facebook est tenue de conclure un contrat avec Facebook Ireland, filiale de Facebook inc., établie aux États-Unis. Des données à caractère personnel des utilisateurs de Facebook résidant sur le territoire de l’UE sont alors transférées vers des serveurs situés sur le territoire américain où elles font l’objet de traitement.
La plainte s’inscrivait dans le cadre des révélations de l’affaire dite « Snowden » qui avait mis en lumière les programmes de surveillance de masse organisés par les différentes agences de renseignement américain, en lien avec des entreprises américaines. Le plaignant contestait donc la légalité de « la sphère de sécurité » dont le fondement repose sur l’adéquation du niveau de protection.
La CJUE a considéré que la décision de la Commission européenne consacrait la primauté des exigences relatives à la sécurité nationale américaine et au respect des lois des États-Unis sur les principes de la sphère de sécurité. Cette dérogation générale et sans limitation rendait possible des ingérences dans les droits fondamentaux des personnes dont les données à caractère personnel sont transférées vers les États-Unis. Elle a donc invalidé la décision de la Commission européenne.
Dans le cadre de la révision de cette directive, l’article 4 de la proposition de règlement général sur la protection des données, dans sa version adoptée par le Parlement européen le 12 mars 2014, propose de définir les données à caractère personnel comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable (…) qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, par exemple à un nom, à un numéro d’identification, à des données de localisation, à un identifiant unique ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à l’identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle, sociale ou de genre de cette personne » (236).
c. La question de la patrimonialité des données
Le rapport du Conseil d’État sur « le numérique et les droits fondamentaux » a montré que la monétisation économique croissante dont font aujourd’hui l’objet les données personnelles a parfois pu conduire à considérer que la protection de la vie privée à l’ère numérique serait mieux assurée par la reconnaissance d’un droit de propriété de l’individu sur ses données, permettant de mieux concilier l’exigence de protection avec le souhait de nombreuses personnes de valoriser leurs informations personnelles, en échange d’une rémunération ou d’un service (237). Cette reconnaissance de la patrimonialité des données fragiliserait toutefois considérablement le cadre juridique qui régit aujourd’hui les conditions d’utilisation des données personnelles. Comme l’a indiqué Mme Isabelle Falque-Pierrotin lors de son audition précitée du 26 novembre 2014, une telle logique ferait perdre « des leviers d’action considérables sur lesdites données : étant propriétaire de ses données, l’individu pourrait les vendre, notamment à des acteurs étrangers. Or la grande supériorité intellectuelle du droit à la protection des données personnelles réside dans le fait qu’il reconnaît le droit d’un individu même si les données sont traitées par d’autres ».
Par ailleurs, les principes actuels de la loi dite « Informatique et libertés » permettent déjà une certaine valorisation économique des données, en autorisant, sous certaines conditions, leur recueil, leur exploitation et leur conservation en échange de la délivrance de services ou de facilités (238).
Surtout, comme l’a montré Mme Falque-Pierrotin lors de son audition par votre rapporteur, un droit de propriété individuel sur les données ne permettrait pas de rééquilibrer la relation asymétrique qui existe aujourd’hui entre les éditeurs de services numériques et les internautes, marquée par la faible valeur accordée aux données d’un seul individu, à l’exception de quelques personnes publiques très médiatisées. Il serait donc pour le moins paradoxal d’accorder un droit de propriété à des individus pris isolément alors que c’est la masse des données de plusieurs centaines d’individus qui constitue une valeur économique aux yeux des responsables de traitements.
d. Les réflexions autour du principe d’autodétermination informationnelle
En lieu et place d’une privatisation de ses données personnelles, la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique et le Conseil d’État ont recommandé de procéder à une plus grande autonomisation de l’individu, en lui permettant non plus seulement de bénéficier de droits à la protection mais aussi d’être maître de son épanouissement dans l’univers numérique (239)(240).
La Cour constitutionnelle fédérale allemande a dégagé, en 1983, à partir des principes de dignité de l’homme et de droit au libre développement de sa personnalité, un droit à l’autodétermination informationnelle de l’individu. Pour la Cour de Karlsruhe, « la Constitution [allemande] garantit en principe la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel » car s’il « ne sait pas prévoir avec suffisamment de certitude quelles informations le concernant sont connues du milieu social et à qui celles-ci pourraient être communiquées, sa liberté de faire des projets ou de décider sans être soumis à aucune pression est fortement limitée ». Pour elle, « l’autodétermination est une condition élémentaire fonctionnelle dans une société démocratique libre, basée sur la capacité des citoyens d’agir et de coopérer » (241).
D’après le Conseil d’État, une telle consécration présenterait quatre avantages (242) :
– elle donnerait sens à tous les autres droits relatifs à la protection des données à caractère personnel qui ne constitue pas un but en soi ;
– alors que le droit à la protection des données peut être perçu comme un concept défensif, le droit à l’autodétermination lui donne un contenu positif à la fois plus efficace et plus conforme à la logique personnaliste et non patrimoniale qui a toujours prévalu dans l’UE en matière de protection des données ;
– elle soulignerait que la législation relative à la protection des données protège non seulement l’individu mais aussi les intérêts collectivement défendus par la société tout entière ;
– elle apparaîtrait « d’une grande ambition, au regard de la perte générale de maîtrise par les individus de leurs données », dans un contexte où la donnée personnelle est de plus en plus traitée comme une marchandise.
2. La consécration d’un droit à la libre disposition de ses données personnelles
a. La consécration du droit à la libre disposition de ses données personnelles
Pour assurer la pleine effectivité des droits à opposition, accès et rectification affirmés par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il importe d’introduire un droit à la libre disposition de ses données personnelles.
À cet effet, le présent article insère un nouvel article 5 bis dans la loi du 6 janvier 1978 et affirme que « toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions et limites fixées par les lois et règlements en vigueur ».
Le Conseil national du numérique, dans son avis sur le présent projet de loi, a salué cet article, indiquant que « dans la société numérique qui se dessine, l’individu [devait] conserver la libre disposition de ses données. (…) Très remarqué, l’arrêt de la CJUE invalidant l’accord safe harbor a mis en lumière l’imbrication très forte des questions de protection des données et de souveraineté ». En estimant que les données ne pouvaient être considérées comme « des objets de propriété », le Conseil national du numérique réaffirme l’importance d’une approche personnaliste de la protection des données, émanations d’une personne et non biens susceptibles d’appropriation.
b. Les réflexions autour de l’effectivité de ce droit
L’avis du Conseil national du numérique a souligné l’importance « d’outiller les individus dans l’exercice de ce droit afin que ce principe dépasse la seule déclaration de bonnes intentions ». Il est en effet indispensable d’accompagner cette consécration de mesures concrètes tendant à renforcer les droits des personnes, en renouvelant et en adaptant les prérogatives de l’individu dans la société numérique, ainsi que l’a suggéré Mme Isabelle Falque-Pierrotin, par « une quatrième génération de droits, positifs et non pas réactifs » (243).
La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique a formulé plusieurs propositions tendant à renforcer l’effectivité des droits aujourd’hui reconnus à l’individu (244).
Elle a en particulier mis en exergue l’importance du droit à être informé des caractéristiques du traitement de données, condition essentielle à l’expression d’un consentement éclairé et à l’autodétermination informationnelle de l’individu dans un univers numérique marqué par la complexité croissante des technologies utilisées et des terminologies employées pour les décrire. À cet égard, les articles 13 bis et 14 de la proposition de règlement général sur la protection des données, dans sa rédaction adoptée par le Parlement européen le 12 mars 2014, ouvrent des pistes intéressantes, en définissant des « politiques d’information normalisées » et en établissant une liste des éléments à fournir à la personne (identité et coordonnées du responsable du traitement, finalité du traitement, informations sur la sécurité et le traitement des données collectées, éléments relatifs à la durée de leur conservation, possibilité de faire valoir certains droits à l’égard du traitement, destinataires des données, etc.).
Le principe d’effectivité doit également s’appliquer au consentement qui ne doit pas être seulement une fiction mais permettre à l’individu de choisir librement de donner ou de retirer son accord pour le traitement de ses données. À cette fin, la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique a suggéré que la personne concernée :
– dispose d’une véritable solution de rechange et puisse choisir librement d’accorder ou non son consentement à la collecte et au traitement de ses données, grâce à la mise à disposition d’une offre réellement neutre (services non personnalisés par exemple) ;
– puisse révoquer à tout moment son accord en faisant valoir un droit au retrait du consentement : cette proposition nécessitera toutefois de réfléchir plus concrètement aux conséquences qu’aura la rétractation ou la révocation du consentement sur la délivrance du service en cours et l’effacement des données déjà collectées.
Par ailleurs, cette Commission s’est interrogée sur l’adéquation des droits traditionnels d’opposition, de rectification et d’effacement à l’émergence des moteurs de recherche qui permettent aujourd’hui de rassembler et de conserver l’ensemble des informations se rapportant à un individu, sur une durée presque illimitée, sans faire le tri entre celles qui mériteraient toujours d’être référencées et celles qui ne devraient plus l’être (245).
Le projet de loi, à l’article 27 relatif à l’information sur la durée de conservation des informations à caractère personnel (246) et à l’article 32 sur l’effacement (247), donne des traductions concrètes au nouveau droit proclamé à l’article 5 bis de la loi dite « Informatique et libertés ».
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement inscrivant à l’article premier de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le droit à la libre disposition de ses données consacré par l’article 26 du projet de loi.
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La Commission examine l’amendement CL536 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’article 26 consacre le droit à la libre disposition de ses données personnelles, c’est-à-dire le droit pour un individu de contrôler les usages qui sont faits de ses données à caractère personnel. Il s’agit d’une avancée importante. Il convient de lui donner la place symbolique qu’elle mérite à l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978 dite informatique et libertés.
Mme la secrétaire d’État. Vous m’en voyez ravie !
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 26 modifié.
Article 26 bis
(art. 11 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL
À l’initiative de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, avec l’avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel visant à prévoir la présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL prévu par la loi « Informatique et Libertés ».
Aux termes de l’article 11 de cette loi, la CNIL « présente chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l’exécution de sa mission. »
En lien avec les dispositions prévues par l’article 32 du présent projet de loi, relatif au droit à l’effacement de données à caractère personnel lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte (« droit à l’oubli ») et à l’institution d’une procédure accélérée spécifique avec des délais réduits et une intervention plus rapide de la CNIL dans ce cas, le présent article prévoit ainsi la présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL.
Il s’agit notamment de connaître et de suivre dans le temps la proportion de femmes et de jeunes filles parmi l’ensemble des personnes ayant demandé l’effacement de données à caractère personnel en application des dispositions prévues par cet article du projet de loi.
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La Commission est saisie de l’amendement CL399 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Colette Capdevielle. Défendu.
M. le rapporteur. Favorable.
Mme la secrétaire d’État. Sagesse.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine ensuite l’amendement CL256 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 29 de la loi dite informatique et libertés, afin de rendre obligatoire l’inscription, dans les décrets autorisant les traitements de données, de la durée de conservation des données et des modalités de traçabilité des consultations du traitement.
M. le rapporteur. Ce sujet relève du domaine harmonisé du règlement européen sur la protection des données personnelles qui vient d’être adopté.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Article 26 ter
(art. 31 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Publication dans un format ouvert et réutilisable de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration
À l’initiative de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel visant à imposer la publication « dans un format ouvert et réutilisable » de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration.
Aux termes de l’article 31 de la loi « Informatique et Libertés » la CNIL met à la disposition du public la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration. Toutefois, il n’est pas prévu qu’elle le fasse dans un format ouvert et réutilisable. Un tel « fichier des fichiers » serait particulièrement utile : sa mise en place a été recommandée par le Conseil d’État dans son rapport sur « le Numérique et les droits fondamentaux » (proposition n° 9).
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La Commission examine l’amendement CL257 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Si la CNIL doit mettre à la disposition du public la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration, il n’est pas prévu pour l’instant qu’elle le fasse dans un format ouvert et réutilisable. Un tel fichier des fichiers serait pourtant d’une grande utilité pour les citoyens et les acteurs du monde numérique.
Par ailleurs, cet amendement reprend une recommandation du Conseil d’État dans son rapport sur le numérique et les droits fondamentaux.
M. le rapporteur. J’apprécie que ce débat soit à nouveau sur la table et je vous remercie de votre vigilance. Je suis donc favorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Sagesse.
La Commission adopte l’amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CL259 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement, en cohérence avec l’article 27 du présent projet de loi, vise à ce que la CNIL rende publique la durée de conservation des informations traitées. La CNIL dispose déjà de cette information, conformément à l’article 30 de la loi « informatique et libertés ». Cela permettra l’information constante du public.
M. le rapporteur. Je m’interroge sur la compatibilité de votre amendement avec le règlement général sur la protection des données personnelles, notamment sur l’article 31. Peut-être le Gouvernement va-t-il pouvoir nous éclairer.
Mme la secrétaire d’État. Pas vraiment ! J’ai la même interrogation, monsieur le rapporteur. Il me semble que cette proposition n’est pas compatible avec le règlement en cours de discussion. Dans l’immédiat, je demande à Mme Attard de retirer l’amendement, quitte à ce que nous le réexaminions une fois le règlement définitivement adopté.
Mme Isabelle Attard. Il s’agit de rendre publique la durée de conservation.
La Commission rejette l’amendement.
Article 27
(art. 32 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Information sur la durée de conservation des données personnelles
Le présent article ajoute la durée de conservation des données personnelles à la liste des informations pour lesquelles le droit d’information, d’opposition, d’accès et de rectification s’applique.
L’article 32 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés fixe la liste des obligations en matière d’information des personnes auprès desquelles des informations personnelles sont recueillies qui s’imposent aux responsables de traitement.
Cette liste est complétée par la mention de la durée de conservation des catégories de données traitées.
La CNIL, dans son avis sur le présent projet de loi, a indiqué que « les durées de conservation sont très diverses, tantôt exprimées en mois ou années, tantôt liées à des prescriptions ou encore à l’exécution d’un contrat, d’une mission de service public ou d’une obligation légale. La délivrance d’une information complète peut s’avérer délicate pour le professionnel et trompeuse pour la personne. » (248) En effet, la personne concernée n’a pas toujours conscience, notamment en cas de contact épisodique avec le responsable de traitement, de la durée effective de conservation de ses données. À titre indicatif, dans le domaine du commerce en ligne, certaines durées de conservation sont renouvelées à chaque acte d’achat, sans que la personne en ait toujours conscience. La CNIL propose donc que soit envisagée une information périodique, à l’instar de ce qui existe déjà, dans le droit de la consommation, en matière de contrats à tacite reconduction.
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La Commission est saisie de l’amendement CL136 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement prévoit que le responsable du traitement informe la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant des éléments motivant la durée de conservation des données traitées. Cela permet de vérifier la proportionnalité de la durée de conservation avec les objectifs et donc de pouvoir éventuellement poursuivre plus facilement les conservations abusives ou disproportionnées par rapport à l’objectif.
M. le rapporteur. Je crains que l’on alourdisse les besoins, la communication et le fonctionnement des entreprises qui seraient concernées par l’amendement. Je sais, par ailleurs, qu’il s’agit d’un point sur lequel vous êtes vigilant. L’article 32 de la loi de 1978 et l’article 27 du projet de loi sur la conservation des données personnelles permettent déjà un encadrement assez optimal. Je propose de ne pas en rajouter auprès des entreprises.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour la même raison que précédemment.
Je rappelle quelle est la méthode de stratégie de négociation du Gouvernement français au niveau européen. Nous avançons dans la loi française lorsqu’il existe des marges de manœuvre. Sur ce sujet précis, le texte du règlement européen est fermé. Il n’est pas prévu d’aller au-delà des exigences prévues par les textes européens. Il me semble important de s’en tenir à la même tactique sur tous les sujets.
M. Patrice Martin-Lalande. Les arguments de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État m’ont convaincu. Aussi, je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL258 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. L’article 27 permet une meilleure information sur les durées de conservation. Il semble nécessaire de le compléter.
L’amendement prévoit notamment l’information sur les coordonnées du service auprès duquel les droits d’accès, de rectification et de suppression peuvent s’exercer, et des modalités d’exercice de ces droits par voie électronique. Il prévoit aussi que les responsables du traitement qui disposent d’un site internet doivent diffuser l’information en ligne. Il accroît également les informations que doivent fournir les services de communication en ligne, à tout moment.
M. le rapporteur. Il me semble que le I de votre amendement est déjà satisfait par l’article 28 du projet de loi sur l’exercice en ligne des droits ouverts par la loi dite informatique et libertés.
Le II de votre amendement va au-delà des exigences prévues par le règlement européen.
Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Même avis, même si nous partageons totalement l’objectif de renforcer l’information à l’égard des utilisateurs sous-tendus par cet amendement.
Sur ce sujet comme sur d’autres, le texte européen prévoit une harmonisation maximale. Il n’est donc pas possible d’aller au-delà du règlement, contrairement à la portabilité ou le droit à l’oubli pour lesquels les États membres ont des marges de manœuvre. Il faut être très rigoureux dans la démarche de coordination vis-à-vis du travail communautaire.
Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement, tout en précisant que, dans la plupart des cas, aller au-delà de ce que demande parfois l’Union européenne est plutôt intéressant.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 27 sans modification.
Article 28
(art. 43–1 [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 4 de l’ordonnance n° 2005–1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives)
Exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles
Le présent article impose que, dès lors que le responsable du traitement considéré dispose d’un site internet, le droit d’information, d’opposition, d’accès et de rectification puisse être exercé par voie électronique.
Le chapitre V de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés énumère les droits des personnes dont les données personnelles font l’objet d’un traitement :
– à l’article 32 s’agissant de l’information relative à la finalité du traitement auquel les données sont destinées ;
– à l’article 38 s’agissant du droit d’opposition, pour motifs légitimes, à ce que des données personnelles fassent l’objet d’un traitement ;
– à l’article 39 s’agissant de l’obtention des informations sur le traitement lui–même ou sur les transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d’un État non-membre de la Communauté européenne ;
– à l’article 40 s’agissant du droit de rectification des données.
2. L’exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles
L’étude d’impact indique que si la plupart des responsables de traitement permettent d’exercer les droits évoqués supra directement via un formulaire en ligne ou via contact par courriel, cette pratique n’est toujours pas systématique.
En conséquence, le I insère dans la loi du 6 janvier 1978 un article 43–1 indiquant que, sauf dans les cas où un traitement intéresse la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique, lorsque le responsable de traitement dispose d’un site internet, il permet à toute personne d’exercer ses droits par voie électronique.
Il dispose également que lorsque le responsable du traitement est une autorité administrative, l’exercice en ligne des droits s’opère selon les modalités fixées par l’ordonnance n° 2005–1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives.
Le II complète l’article 4 de l’ordonnance du 8 décembre 2005 qui permet d’écarter l’exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles pour des motifs d’ordre public, de défense et de sécurité nationale, de nécessité de comparution personnelle de l’usager ou de bonne administration, notamment pour éviter les demandes abusives.
La CNIL, dans son avis précité, a rappelé que dans certaines hypothèses, l’éditeur d’un site internet n’est pas nécessairement le responsable du traitement des données collectées à l’occasion de la visite d’un internaute. En outre, la seule existence d’un site n’est pas toujours une condition nécessaire pour pouvoir exercer ses droits par voie électronique. Pour ces raisons, la Commission a préconisé que les droits des personnes puissent être exercés par voie électronique dès lors que les données en cause sont communicables par la même voie.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Outre un amendement rédactionnel de M. Lionel Tardy, la Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement permettant de prendre en compte l’avis de la CNIL sur le présent projet de loi, qui avait mis l’accent sur le nécessaire parallélisme entre les procédés de collecte des données et les procédés d’opposition. Si le responsable de traitement a collecté les données par le biais de communications électroniques, il est légitime que les personnes puissent à leur tour faire valoir leurs droits par les mêmes voies électroniques.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL44 de M. Lionel Tardy et CL535 du rapporteur.
M. Lionel Tardy. L’amendement CL44 vise à tenir compte de la remarque pertinente que la CNIL a formulée concernant cet alinéa : d’une part, le responsable du traitement et l’éditeur du site internet ne sont pas forcément la même personne et, d’autre part, ce n’est pas parce qu’un site existe que les droits pourront être exercés effectivement par voie électronique. Afin de rendre cette bonne idée opérationnelle, cet amendement tend à ce que l’exercice des droits par voie électronique se fasse lorsque les données sont également communicables par cette même voie.
M. le rapporteur. Je propose à M. Tardy de retirer son amendement au profit de l’amendement CL535 qui vise également à tenir compte de l’avis de la CNIL en substituant à l’alinéa 2 les mots « a collecté les données à caractère personnel par voie électronique » aux mots « dispose d’un site internet ». Mme Dumont a d’ailleurs déposé un amendement identique à celui-ci.
L’amendement CL44 est retiré.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable à l’amendement CL535, qui permet d’exercer les droits des citoyens de manière plus effective.
La Commission adopte l’amendement CL535.
Puis elle se saisit de l’amendement CL135 de M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Il ne suffit pas d’énoncer les droits en matière de traitement des données à caractère personnel – le droit de rectification, par exemple – pour que leur exercice soit simple ; en réalité, il est souvent très complexe et les internautes ne s’y retrouvent pas. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, l’amendement CL135 vise à préciser que ces droits s’exercent « de manière explicite et simple » car, aujourd’hui, tout est fait pour noyer le poisson.
M. le rapporteur. Je souscris volontiers à votre objectif, monsieur Gosselin, mais qui jugera du caractère « explicite et simple » de l’exercice des droits en question ? Mieux vaudrait sans doute remplacer les mots « il permet à toute personne d’exercer » par les mots « il informe clairement les personnes qu’elles peuvent exercer ».
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable : l’objectif de l’amendement est louable, mais je ne suis pas certaine que l’adjectif « explicite » soit juridiquement très… explicite.
M. Philippe Gosselin. Soit ; je maintiens l’amendement, quitte à le reformuler avant le débat en séance, puisque le rapporteur et le Gouvernement en partagent l’esprit.
La Commission rejette l’amendement CL135.
Elle passe à l’amendement CL45 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à corriger une erreur de référence, la notion d’autorité administrative étant codifiée dans le code des relations entre le public et l’administration, et non plus dans l’ordonnance du 8 décembre 2005.
Suivant l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement, la Commission adopte l’amendement CL45.
Puis elle adopte l’article 28 modifié.
Article 29
(art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Élargissement des missions de la CNIL
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) remplit aujourd’hui quatre missions principales, énumérées à l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés » :
– elle est investie d’une mission générale d’information et de sensibilisation auprès de « toutes les personnes concernées et [de] tous les responsables de traitements [sur] leurs droits et obligations » (1°) ;
– elle veille à la mise en conformité des traitements de données à caractère personnel à la loi « Informatique et libertés », en se prononçant sur les plus sensibles d’entre eux, en recensant les autres et en contrôlant leur mise en œuvre (2°) ;
– elle conseille les responsables de traitements en matière d’établissement de règles professionnelles relatives à la protection des données personnelles, notamment par la délivrance d’avis ou de labels (3°) ;
– elle suit l’évolution des technologies de l’information et se prononce « sur les conséquences qui en résultent pour l’exercice des droits et libertés mentionnés à l’article 1er » aux termes duquel « [l]’informatique (…) ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (4°).
Au titre de cette dernière mission, la CNIL est « consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ». Elle peut proposer des évolutions législatives ou réglementaires afin d’adapter la protection des libertés à l’évolution des procédés et techniques informatiques. Elle peut également apporter son concours à d’autres autorités administratives indépendantes en matière de protection des données. Elle peut, enfin, participer à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans ce domaine.
Le présent article élargit significativement les modalités selon lesquelles la CNIL remplit cette mission de veille technologique et d’évaluation des conséquences du numérique sur l’exercice des droits et libertés :
– il élargit les modalités de sa consultation aux dispositions d’un projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou à leur traitement ;
– il lui confie le soin de mener une réflexion sur les questions éthiques et sociétales soulevées par l’évolution des technologies numériques ;
– il la charge de promouvoir l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée.
1. La consultation sur un projet de loi ou de décret comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou à leur traitement
Le a) du 1° du présent article élargit et clarifie les modalités de consultation de la CNIL sur les textes de nature réglementaire ou législative en lien avec les traitements de données à caractère personnel.
Le a) du 4° de l’article 11 précité prévoit aujourd’hui que la CNIL « est consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ». Selon la CNIL, cette disposition pourrait être utilement clarifiée dans la mesure où sa rédaction a pu parfois conduire à des interprétations divergentes, la création d’un fichier par la loi n’étant pas toujours regardée comme relevant de la « protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » (249).
La nouvelle rédaction proposée par le présent texte prévoit que la CNIL sera consultée non seulement « sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » mais également « sur les dispositions de tout projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données », ce qui lui permettra de formuler un avis sur un projet de loi ou de décret qui, sans avoir pour objet principal ou exclusif la protection des personnes à l’égard de tels traitements, comprend notamment des dispositions visant cet objectif.
2. La réflexion sur les questions éthiques et sociétales soulevées par l’évolution des technologies numériques
Le 2° du présent article enrichit les conditions dans lesquelles la CNIL « se tient informée de l’évolution des technologies de l’information », conformément au 4° de l’article 11 précité. Pour ce faire, il insère un e) au sein de ce 4° disposant que la CNIL « conduit une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques, en impliquant des personnalités qualifiées et en organisant des débats publics ».
Les travaux de la CNIL comportent déjà une importante dimension de réflexion et de prospection, ainsi qu’en témoigne le contenu des rapports annuels qu’elle rend publics, dans lesquels elle aborde systématiquement depuis 2011 des « sujets de réflexion » et, depuis de nombreuses années, des questions relatives à l’anticipation et l’innovation.
La CNIL a mis en place en son sein, en 2011, une direction de la prospective puis a créé, en 2012, un Comité de la prospective chargé d’une mission de veille et de réflexion prospective et composé, dans une démarche pluridisciplinaire, de deux membres de la CNIL et de six personnalités extérieures. Ce Comité a déjà publié plusieurs travaux, deux cahiers consacrés respectivement à la vie privée à l’horizon 2020 et au corps en tant que nouvel objet connecté ainsi que diverses études et enquêtes.
L’article 29 du projet de loi franchit une nouvelle étape en confiant à la CNIL le soin de mener une réflexion sur les problèmes d’ordre éthique et les questions sociétales soulevés par les évolutions numériques.
Cette étape est d’autant plus nécessaire que les technologies numériques touchent tous les domaines de la vie en société et font naître des interrogations de principe quant à leur impact sur les valeurs protégées socialement ainsi que les droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement garantis. Elle s’inscrit dans le cadre des valeurs protégées par l’article 1er de la loi « Informatique et libertés », lequel rappelle que « [l]’informatique doit être au service de chaque citoyen », que « [s]on développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale » et qu’« [e]lle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».
La Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique instituée par notre assemblée afin de réfléchir sur ce sujet relevait elle-aussi les « nombreuses mutations, à la fois techniques, économiques, sociales et culturelles » de la révolution numérique, engendrées par « une "mise en données" ou "datification" du monde permise par la progression exponentielle des moyens de captation, de stockage, de reproduction et d’analyse des données, l’explosion du volume des données qui transitent par eux (…) et l’essor de l’internet des objets et de l’intelligence artificielle » (250).
Le Gouvernement a fait le choix d’asseoir cette réflexion sur une instance existante et n’a pas souhaité créer de nouvelle structure, à l’instar de ce qui existe en matière de bioéthique avec le Conseil consultatif national d’éthique. Ce choix paraît raisonnable dans le contexte budgétaire actuel, qui conduit à éviter la création de nouveaux organismes et à privilégier l’adossement de nouvelles missions à des entités existantes.
Cohérent avec les missions dévolues à la CNIL et les démarches déjà entreprises par cette dernière dans ce domaine, ce choix permettra de garantir l’indépendance et l’impartialité de l’enceinte de réflexion qui sera chargée de conduire cette mission, grâce au statut d’autorité administrative indépendante dont dispose la CNIL, à l’ancienneté de cette institution et à la légitimité qu’elle a acquise avec le temps sur ces sujets.
Le texte prévoit qu’elle devra veiller à l’implication dans la réflexion de personnalités qualifiées et organiser des débats publics afin d’associer à cette démarche la société civile.
3. La promotion de l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée
Le même 2° ajoute à la liste des missions confiées à la CNIL au 4° de l’article 11 précité un f) consacré à la promotion de « l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données ».
Cette disposition, destinée à renforcer les capacités d’agir de l’individu sur les réseaux, est l’une des traductions du principe d’autodétermination informationnelle inscrit par l’article 26 du présent texte à l’article 5 bis de la loi « Informatique et libertés » (251).
Parmi les technologies protectrices de la vie privée, il est possible de distinguer, d’une part, les technologies intégrant l’exigence de protection de la vie privée dès leur conception (privacy by design) et, d’autre part, celles qui intégrent cette même exigence dans leurs paramètres par défaut (privacy by default).
Ces technologies poursuivent deux objectifs, soit limiter la collecte des données personnelles, soit renforcer la maîtrise de l’individu sur ses données. Les techniques tendant à limiter la collecte de données personnelles sont fondées sur le principe de « minimisation des données », qui impose au responsable du traitement de définir clairement les finalités d’un traitement et de circonscrire strictement le champ des données nécessaires à la réalisation de cette finalité. Les techniques visant à renforcer le contrôle des individus sur leurs données tendent à mettre chacun dans la situation de maîtriser son exposition sur les réseaux numériques et d’apprécier les conséquences de ses choix. Parmi celles-ci, certaines techniques se bornent à renforcer la transparence sur le traitement des données personnelles d’un individu comme :
– Cookieviz, outil développé par la CNIL, qui permet à l’individu de visualiser les cookies transmettant ses informations à des tiers ;
– Lightbeam, service de visualisation interactive des sites tiers avec lesquels l’internaute communique généralement sans le savoir ;
– Panopticlick, outil qui démontre à l’internaute que les paramètres de configuration de son navigateur permettent de le suivre sans recourir à des cookies ;
– ou ToS;DR (252), qui a pour objet de proposer aux internautes une vision synthétique des conditions générales d’utilisation des grands services web.
D’autres techniques offrent aux individus la possibilité de signaler des choix – comme Do Not Track qui permet à l’internaute de signaler aux applications qu’il ne souhaite pas être suivi – ou de gérer eux-mêmes les cookies en refusant leur installation ou en procédant à leur effacement. Enfin, d’autres outils offrent aux individus la possibilité d’héberger leurs données personnelles où ils le souhaitent, de décider librement de leur utilisation et de leur diffusion à des tiers et de choisir avec quelles autres données elles peuvent s’interconnecter.
Le présent 2° s’inscrit en cohérence avec la proposition de règlement communautaire sur la protection des données en cours d’adoption, qui tend à obliger les responsables de traitements à prendre en compte les exigences du règlement dès la conception du traitement de données (253).Votre rapporteur observe que, dans le même esprit, le Gouvernement a lancé, le 6 octobre 2015, un appel à projets destiné à soutenir les technologies protectrices de la vie privée, susceptible de mobiliser une enveloppe de dix millions d’euros du programme des investissements d’avenir.
À la suite de la consultation publique sur le projet de loi et notamment de la demande formulée sur la plateforme par l’association La Quadrature du Net, le présent 2° prévoit, plus particulièrement, la promotion des technologies de chiffrement des données (254) qui ont pour finalités de garantir la confidentialité et l’intégrité d’une information et d’assurer l’authenticité d’un message.
Les technologies de chiffrement correspondent à la partie des moyens de cryptologie destinés à transformer une donnée en un élément (cryptogramme) inintelligible pour qui ne connaît pas la clé de chiffrement nécessaire au rétablissement de la donnée dans sa forme intelligible. La CNIL distingue deux familles cryptographiques permettant de chiffrer des données : la cryptographie symétrique d’une part, où la même clé sert à chiffrer et à déchiffrer, et la cryptographie asymétrique d’autre part, où la clé servant à chiffrer (clé publique) est différente de la clé servant à déchiffrer (clé privée) (255). Existent notamment :
– des outils de chiffrement des communications stricto sensu, destinés à protéger le contenu des informations (exigence de confidentialité) ou l’identité des personnes auxquelles elles se rapportent (exigence d’anonymat) ;
– le calcul sécurisé multi-parties, qui permet à plusieurs entités d’effectuer un calcul sur leurs données sans qu’aucune ne divulgue ses propres données ;
– ou le chiffrement homomorphe, qui permet de réaliser des calculs sur des données chiffrées sans procéder à leur déchiffrement.
La mission confiée à la CNIL est destinée à encourager les acteurs du numérique à développer et utiliser les technologies susceptibles de renforcer la confidentialité des informations et des échanges qui transitent par les réseaux. De telles technologies, libres d’utilisation, sont toutefois susceptibles d’être employées à des fins contraires à l’ordre public et de rendre plus compliquée l’action des pouvoirs publics dans la lutte contre certaines activités illégales. Elles doivent donc respecter le cadre relatif à l’utilisation et à la fourniture des moyens et prestations de cryptologie fixé par les articles 30 et 31 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et le décret n° 2007-663 du 2 mai 2007 (256). Il faut également souligner que l’article 132-79 du code pénal aggrave les peines encourues pour un crime ou un délit lorsque son auteur a utilisé un moyen de cryptologie pour préparer ou commettre l’infraction ou pour en faciliter la préparation ou la commission.
Par cette disposition, le Gouvernement fait le choix de ne pas rendre obligatoire le chiffrement, notamment celui des courriels par les prestataires de services de messagerie électronique, et de privilégier une approche différente, fondée sur la sensibilisation des acteurs du numérique, davantage conforme aux exigences des autorités publiques en matière de réquisition par exemple. Cette démarche est déjà en partie à l’œuvre puisque, ainsi que l’a indiqué le Gouvernement en réponse à la consultation publique sur le projet de loi, à l’initiative de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), les opérateurs Bouygues Telecom, Free, La Poste, Numericable-SFR et Orange ont signé, le 16 octobre 2015, une charte les engageant à activer les fonctions de chiffrement sur leurs serveurs de messagerie de manière à protéger les courriels véhiculés entre ces serveurs (257) .
Votre rapporteur fait enfin observer que cette disposition reprend la recommandation n° 51 de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique instituée par notre assemblée pour définir une doctrine sur les questions numériques (258). Plus généralement, il se félicite que le présent article traduise dans notre droit des propositions formulées par certaines instances qui ont eu à se prononcer, par le passé, sur l’adaptation de notre législation au numérique, comme le Conseil d’État (259) ou la CNIL elle-même (260), contribuant ainsi à enrichir et à consolider le rôle confié il y a près de quarante ans à cette dernière.
4. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Votre Commission a approuvé l’élargissement des missions de la CNIL mis en œuvre par le présent article.
À l’initiative de M. Sergio Coronado, elle a précisé, au b) du 1°, que les avis de la CNIL sur tout projet de loi seraient systématiquement rendus publics alors que, dans le droit actuel, une telle publicité n’est possible qu’« [à] la demande du président de l’une des commissions permanentes » (261) de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Au terme d’une discussion sur plusieurs amendements déposés par votre rapporteur ainsi que des parlementaires de la majorité et de l’opposition, elle a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur sous réserve de plusieurs sous-amendements, visant à permettre aux présidents des assemblées parlementaires de saisir la CNIL pour avis sur une proposition de loi et à fixer la procédure de remise des avis de cette autorité sur tout projet de loi ou de décret et sur toute proposition de loi.
Par parallélisme avec le champ des projets de loi ou de décret déjà soumis à sa consultation sur le fondement de l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978, le 1° bis du présent article prévoit que toute proposition de loi « relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données » pourra être transmise à la CNIL par le président d’une assemblée, sauf si l’auteur s’y oppose.
Cette disposition contribuera à l’enrichissement de la procédure législative, dans le même esprit que celui qui a conduit le constituant en 2008 à inscrire, au dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution, la faculté pour le président de chaque assemblée de consulter le Conseil d’État sur les propositions de loi avant leur examen par cette assemblée. La part croissante des lois qui sont issues de propositions de loi justifie que l’intervention de la CNIL ne se limite plus aux seuls projets de loi mais s’applique également aux textes d’initiative parlementaire, lesquels peuvent comporter des dispositions intéressant la protection des données personnelles ou le traitement de telles données.
À l’instar de la procédure applicable à la saisine du Conseil d’État sur une proposition de loi, la consultation de la CNIL constituerait une simple faculté offerte aux présidents des assemblées parlementaires à laquelle pourrait s’opposer l’auteur du texte. De même, l’avis de la CNIL serait adressé au président de l’assemblée qui l’a saisie, qui le communiquerait à l’auteur de la proposition, conformément à ce qui est déjà prévu pour les avis du Conseil d’État sur une proposition de loi par le dernier alinéa de l’article 4 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaire.
En outre, le même amendement du Gouvernement a défini, de manière générale, la procédure applicable à la remise des avis de la CNIL sur tout projet de loi ou de décret et sur toute proposition de loi. Elle disposerait d’un délai de six semaines à compter de la saisine pour rendre son avis, ce délai étant reconductible une fois par décision de son président. À défaut de délibération dans les délais, son avis serait réputé favorable.
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* *
La Commission se saisit de l’amendement CL48 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je suis très favorable à la saisine de la CNIL concernant toute disposition relative à la protection des données personnelles, car son avis manque cruellement sur certains textes où il était pourtant attendu. Cela étant, la formulation proposée est lacunaire : toute disposition relative aux traitements automatisés fait déjà l’objet d’une saisine. L’amendement vise à clarifier le texte en ajoutant cette mention.
M. le rapporteur. Je propose le retrait de cet amendement car il est déjà satisfait par l’article 11 de la loi de 1978 qui prévoit que la CNIL « est consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » et, comme le prévoit le présent article, « sur les dispositions de tout projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données ».
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement CL48.
Elle aborde ensuite les amendements identiques CL49 de M. Lionel Tardy et CL260 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. En l’état, l’avis de la CNIL sur un projet de loi n’est rendu public que sur décision du président de la commission saisie au fond, comme le président Urvoas l’a par exemple souhaité pour ce projet de loi. Ce qui vaut pour celui-ci doit valoir pour les autres : pour quelle raison un président de commission pourrait-il s’opposer à la publication de l’avis de la CNIL qui, dans bien des cas, contribue à éclairer les parlementaires ? Dans un souci de transparence, l’amendement CL49 vise à supprimer ce filtre qui n’a plus lieu d’être puisque d’autres avis, en particulier celui du Conseil d’État, sont systématiquement rendus publics.
M. Sergio Coronado. L’amendement CL260 est défendu.
M. le rapporteur. Avis favorable : vous connaissez mon attachement à la transparence et à l’ouverture des informations.
Mme la secrétaire d’État. Avis de sagesse.
La Commission adopte les amendements identiques.
Puis elle examine l’amendement CL688 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements CL693 du rapporteur, CL692 rectifié de M. Lionel Tardy et CL694 rectifié du rapporteur, des sous-amendements identiques CL695 du rapporteur et CL697 de M. Lionel Tardy, ainsi que des sous-amendements CL698 de M. Lionel Tardy, CL696 du rapporteur et CL699 de M. Sergio Coronado.
L’amendement CL688 du Gouvernement est examiné en discussion commune avec l’amendement CL518 du rapporteur et les amendements identiques CL47 de M. Lionel Tardy, CL324 de M. Philippe Gosselin et CL394 de Mme Marie-Anne Chapdelaine.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vous propose de commencer par examiner l’amendement CL688 du Gouvernement et les sous-amendements dont il fait l’objet, suite à quoi nous examinerons les autres amendements en discussion commune.
Mme la secrétaire d’État. Dans le même esprit que l’amendement précédent, l’amendement CL688 vise à permettre la saisine de la CNIL sur les propositions de loi – et non plus seulement les projets de loi – lorsqu’elles ont un impact sur la protection des données personnelles.
M. le rapporteur. On ne peut que souscrire à l’esprit de cet amendement. Le sous-amendement de précision CL693 vise à élargir le champ de la saisine à toute proposition de loi « relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés », le sous-amendement CL694 rectifié est rédactionnel, et le sous-amendement CL695 vise à supprimer l’alinéa 5 de l’amendement car la CNIL étant une autorité administrative indépendante, il n’est pas possible de prévoir que le Premier ministre décide que son avis sera rendu dans un délai de soixante-douze heures et ce même par décision motivée, sauf motif impérieux à définir et à circonscrire précisément, ce qui n’est pas le cas. Quant au sous-amendement CL696, il est rédactionnel. Enfin, je retire l’amendement CL518 pour me rallier à celui du Gouvernement.
L’amendement CL518 est retiré.
M. Lionel Tardy. Sans doute le Gouvernement n’était-il pas aussi alerte qu’il aurait dû l’être en déposant cet amendement ce matin. Je suis naturellement favorable à la saisine pour avis de la CNIL sur les propositions de loi, et j’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, mais à l’exception du premier alinéa, la formulation de l’amendement du Gouvernement me semble surprenante. La CNIL disposerait d’un délai de six semaines pour rendre son avis : soit. En revanche, ce délai pourrait être réduit sur demande du Premier ministre, ce qui ne laisse pas d’étonner s’agissant de textes d’origine parlementaire.
Si j’en crois son exposé des motifs, le Gouvernement a repris le dispositif prévu pour la saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Or, sauf erreur de ma part, cet organisme n’est pas une autorité administrative indépendante et, de surcroît, la réduction du délai ne peut lui être demandée que pour les projets de loi, et non les propositions de loi.
Enfin, les avis de la CNIL ne sont ni favorables ni défavorables : la CNIL rappelle systématiquement que certaines précautions doivent être prises lors de l’application du texte et formule des recommandations. Se borner à considérer que son avis est favorable à défaut de délibération dans les délais représenterait un manque pour l’auteur de la proposition de loi concernée. Telles sont les raisons qui justifient le dépôt de mes sous-amendements CL692 rectifié, CL697 et CL698.
M. Sergio Coronado. Le sous-amendement de cohérence CL699 fait écho à l’amendement que nous venons d’adopter à l’unanimité concernant la publicité des avis de la CNIL.
M. Jean-Yves Le Bouillonnnec, président. Venons-en à l’examen des amendements identiques CL47, CL324 et CL394.
M. Lionel Tardy. L’amendement CL47 vise à rétablir une possibilité qui figurait dans la version initiale du projet de loi et qui a disparu depuis : il s’agit de permettre aux présidents des assemblées de saisir la CNIL concernant des propositions de loi qui touchent à leurs domaines de compétence.
M. Philippe Gosselin. L’amendement CL324 a le même objet, car je me suis étonné que cette mesure pourtant intéressante soit exclue du texte. Je précise que la saisine ne pourrait être faite que si l’auteur de la proposition de loi concernée ne s’y oppose pas, afin que les parlementaires puissent faire vivre leurs propositions comme ils l’entendent – sachant qu’une non-saisine aurait plutôt tendance à affaiblir leurs textes. Quoi qu’il en soit, cet amendement s’inscrit dans l’objectif de transparence et de publicité que nous partageons tous.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je retire l’amendement CL394, qui était inspiré par un souci de transparence et par le fait que l’avis de la CNIL peut servir fort utilement à faire vivre une proposition de loi.
L’amendement CL394 est retiré.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je me permets, en qualité de président de la Commission, d’exprimer un point de vue : la loi ne saurait enjoindre au président de l’Assemblée nationale de solliciter l’avis de tel ou tel. Quand bien même il ne s’agirait que de lui en donner la faculté, il n’aurait pas besoin de cette autorisation pour le faire. En règle générale, les mesures d’injonction aux parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions – a fortiori s’il s’agit du président de l’Assemblée – sont à envisager avec la plus grande précaution.
Cela dit, j’interroge maintenant le Gouvernement concernant son avis sur ces différents amendements et sous-amendements.
Mme la secrétaire d’État. L’amendement CL688 ne constitue en aucun cas une injonction au Parlement, qui est souverain. Il s’agit simplement de lui octroyer une faculté permettant le cas échéant d’ouvrir un débat. Il va de soi, néanmoins, qu’il appartient aux parlementaires d’accepter ou non cette proposition.
En l’état, le Gouvernement est favorable aux quatre sous-amendements du rapporteur. Il est également favorable au sous-amendement CL692 rectifié de M. Tardy, sous réserve qu’il soit compatible avec les sous-amendements du rapporteur, et au sous-amendement CL697 qui est identique à l’un d’entre eux. En revanche, il est défavorable au sous-amendement CL698. Enfin, le sous-amendement CL699 de M. Coronado est satisfait par un amendement qui vient d’être adopté sur la publicité des avis de la CNIL.
Le sous-amendement CL699 est retiré.
La Commission adopte le sous-amendement CL693.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte le sous-amendement CL692 rectifié.
En conséquence, le sous-amendement CL694 rectifié tombe.
Ensuite, la Commission adopte les sous-amendements CL695 et CL697.
Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette le sous-amendement CL698.
Elle adopte le sous-amendement CL696.
Ensuite, elle adopte l’amendement CL688 ainsi sous-amendé.
En conséquence, les amendements CL47 et CL324 tombent.
La Commission passe à l’amendement CL50 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Il n’est pas inutile que la CNIL mène une réflexion sur les technologies numériques, comme elle l’a fait récemment sur les drones, mais cette réflexion doit comprendre une dimension prospective concernant les évolutions futures de ces technologies, comme le font l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, ou encore la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Je pense en particulier aux divers objets connectés qui, en 2020, devraient atteindre un nombre compris entre 26 et 50 milliards dans le monde. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le rapporteur. En dépit de ma passion pour les objets connectés, j’estime que cet amendement est déjà satisfait ; en outre, une réflexion rétrospective serait au moins aussi utile qu’une réflexion prospective. Je propose donc le retrait de cet amendement.
L’amendement CL50 est retiré.
La Commission examine l’amendement CL51 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Gardons-nous de rédiger des textes trop bavards : la CNIL est libre d’organiser ou non des débats publics sans qu’il y ait besoin de l’inscrire dans la loi. Cela ne doit pas non plus être l’un de ses rôles principaux.
M. le rapporteur. On peut considérer que les mots « et en organisant des débats publics » vont sans dire, mais je préfère les conserver. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Le numérique repose sur une culture de la multitude, et vous savez combien je suis favorable au débat public. Il serait regrettable d’exclure cette notion du texte.
La Commission rejette l’amendement CL51.
Puis elle adopte l’article 29 modifié.
Article 29 bis
(art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Publicité des avis de la CNIL sur tout projet de décret
Dans le prolongement des dispositions adoptées à l’article 29 en matière de publicité des avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur tout projet de loi, à l’initiative de M. Sergio Coronado et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a adopté un amendement rendant également systématiquement publics les avis que cette autorité rend sur tout projet de décret ou d’arrêté pris en application d’une loi.
Cette disposition permettra, en particulier, la publication des avis rendus par la CNIL sur les projets de décrets ou d’arrêtés qui lui sont soumis par le Gouvernement en application d’une disposition législative, même si ladite disposition ne le prévoit pas. En effet, dans le droit actuel, si le législateur n’a pas expressément prévu une telle publicité, l’avis rendu par la CNIL ne peut être publié, même s’il s’agit d’une simple omission de celui-ci au moment de l’adoption de la disposition prévoyant le décret ou l’arrêté.
Cette règle s’appliquera sans préjudice des articles 26 et 27 de la loi « Informatique et libertés » qui prévoit déjà la publicité des avis rendus par la CNIL préalablement à la création par l’État des fichiers de souveraineté.
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La Commission passe à l’examen de l’amendement CL261 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à nouveau à accroître la publicité des avis de la CNIL. Les articles 26 et 27 de la loi « Informatique et libertés » prévoient que les fichiers de police font forcément l’objet d’un avis public de la CNIL, mais cette obligation de publicité n’existe pas forcément lorsqu’il s’agit de décrets ou d’arrêtés pris après avis de la CNIL au titre d’autres lois. C’est le cas, par exemple, des décrets prévus à l’article 18 du présent projet de loi, en vertu duquel l’avis de la CNIL sera public et même « motivé ». Dès lors, cet amendement vise à ce que le silence de la loi ne soit plus interprété comme remettant en cause la publicité de l’avis de la CNIL sur un décret.
M. le rapporteur. Je suis favorable à cet objectif. Toutefois, il me semble que ce n’est pas au II de l’article 31 de la loi de 1978 que doit s’insérer cette proposition, mais plutôt au a) du 4° de l’article 11 de cette même loi, qui est de portée plus générale.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à étendre les cas dans lesquels l’avis de la CNIL sur un projet de décret ou d’arrêté est rendu public. Le Gouvernement est favorable à toute mesure allant dans le sens d’une plus grande transparence. Même si le législateur pourrait être amené à prévoir certaines dérogations, et compte tenu de la réserve formulée par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis de sagesse, comme il l’a fait concernant la publication des avis de la CNIL sur les projets de loi.
M. le rapporteur. Je propose de remplacer les mots « Le II de l’article 31 » par « Le a) du 4° de l’article 11 ».
Mme Isabelle Attard. Très bien.
Mme la secrétaire d’État. Dans ces conditions, le Gouvernement est favorable à l’amendement ainsi rectifié.
La Commission adopte l’amendement CL261 rectifié.
La Commission se saisit de l’amendement CL262 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement renforce les obligations des responsables de traitements en matière de sécurité des données personnelles et impose au responsable du traitement des données d’en informer la CNIL, et éventuellement l’utilisateur, en cas de violation du traitement – sauf s’il s’agit d’un fichier de police.
Le fait de ne viser que les violations des traitements permet de ne pas viser les autres atteintes telles que la conservation d’une donnée au-delà de la durée maximale autorisée, par exemple.
M. le rapporteur. Des obligations similaires sont d’ores et déjà imposées aux fournisseurs de services de communications électroniques à l’article 34 bis de la loi « Informatique et libertés ». S’agissant des responsables de traitements, les articles 31 et 32 du projet de règlement communautaire sur la protection des données prévoient déjà des dispositions du même ordre qui sont plus précises que celles qui sont proposées dans cet amendement et, de surcroît, qui seront d’application directe. Il ne me semble donc pas possible d’aller au-delà de ces dispositions qui satisfont vos préoccupations, madame Attard.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
L’amendement CL262 est retiré.
Article 30
(art. 37-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Certification par la CNIL de processus d’anonymisation
des données à caractère personnel
Le présent article complète la section 1 du chapitre V de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », relative aux obligations incombant aux responsables de traitements, par un nouvel article 37-1 qui porte sur la certification par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de processus d’anonymisation des données personnelles, notamment en vue de la réutilisation d’informations publiques mises en ligne.
1. Le texte du projet de loi initial
Le premier alinéa du nouvel article 37-1 dispose que la CNIL « peut certifier la conformité à la [loi « Informatique et libertés »] de processus d’anonymisation des données à caractère personnel, notamment en vue de la réutilisation d’informations publiques mises en ligne dans les conditions prévues par le chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ».
Le principe de la certification consiste pour un tiers à attester, après vérification, de la conformité d’un produit, d’un service ou d’un processus à certaines caractéristiques préalablement définies et à prévoir les modalités de contrôle de cette conformité à l’aide d’un référentiel par des organismes certificateurs indépendants des intéressés et habilités, sous le contrôle de l’État, par des instances d’accréditation (en France, par exemple, le Comité français d’accréditation).
Bien connue d’autres secteurs (certification comptable, certification des établissements de santé, certification environnementale…), la certification est introduite dans le domaine de la protection des données par les articles 39 et 39 bis de la proposition de règlement communautaire sur la protection des données. Ces articles autorisent la délivrance d’une certification par « un organisme de certification disposant d’un niveau d’expertise approprié en matière de protection des données » préalablement agréé sur la base d’un référentiel approuvé par l’autorité de contrôle compétente ; la certification pourrait également être délivrée par l’autorité de contrôle compétente elle-même sur la base d’un référentiel approuvé par le comité européen de la protection des données.
Les principales techniques d’anonymisation aujourd’hui utilisées consistent dans l’occultation de certains champs de données directement identifiantes (262), l’utilisation de pseudonymes robustes (263) ou la généralisation des données afin qu’elles ne soient plus spécifiques à une personne mais communes à un nombre suffisamment important d’individus (264).
La certification de ces processus revêt une importance particulière à l’heure du big data où certaines données, a priori anonymes, peuvent devenir des données personnelles à partir d’une granularité suffisamment fine du jeu de données anonymisées mis en open data. La certification devrait donc tenir compte de la résistance éventuelle de l’anonymisation contre des tentatives de réidentification, ce qui implique de prendre en considération à la fois la sécurité intrinsèque de la technique d’anonymisation – la confidentialité des outils de codage utilisés – mais aussi la possibilité d’établir des liens entre les données anonymisées par recoupements ultérieurs. Le G29, instance qui regroupe les autorités européennes de protection des données, a élaboré en 2014 un guide d’évaluation des techniques d’anonymisation prenant en compte trois critères (265) : la possibilité d’isoler un individu (critère de l’individualisation), la possibilité de relier entre eux des ensembles de données distincts concernant un même individu (critère de la corrélation) et la possibilité de déduire de l’information sur un individu (critère de l’inférence).
Une telle certification est d’autant plus nécessaire qu’avec le présent projet de loi, la France s’apprête à donner un nouvel élan à sa politique d’ouverture des données publiques, lesquelles peuvent comporter des informations se rattachant à des individus. En effet, le I de l’article 4 renverse la logique actuelle consistant à laisser aux administrations la liberté de décider de mettre en ligne ou non les documents qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et rend la mise en ligne de ces documents par principe obligatoire sous deux réserves. D’une part, les documents qui ne peuvent être communiqués qu’à l’intéressé en application de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration ne pourront être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement afin d’occulter les mentions personnelles, sauf si une disposition législative ou réglementaire contraire le permet. D’autre part, les documents comportant des données à caractère personnel ne pourront être publiés qu’après avoir fait l’objet d’une anonymisation « afin de rendre impossible l’identification des personnes concernées », sauf si une disposition législative ou réglementaire autorise leur publication sans anonymisation préalable ou si la personne intéressée y a consenti (266).
Les conditions dans lesquelles il est procédé à cette anonymisation sont donc particulièrement importantes et doivent garantir les droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. À cet effet, il importe de mettre à la disposition des responsables de traitements des techniques d’anonymisation sécurisées, fiables et robustes. Tel était également la recommandation formulée par la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique créée par notre assemblée (267).
Par ailleurs, en application du second alinéa du nouvel article 37-1, l’ensemble des services et des formations de l’institution, en particulier la formation restreinte, devra prendre en compte, dans son appréciation du comportement du responsable du traitement, le fait que le projet avait fait ou non l’objet d’une demande de certification et, le cas échéant, les réserves que la CNIL avait émises dans le cadre de la certification.
Dans son avis sur le projet de loi, la CNIL souligne que « [c]ette certification doit pouvoir reposer sur des méthodologies de référence publiées, précisant le processus d’anonymisation en fonction, notamment, de la nature et de la sensibilité des données destinées à être réutilisées » (268). Elle rappelle qu’en matière d’ouverture des données de santé, la CNIL devrait également se voir confier par le législateur une mission similaire – mais pas identique – d’homologation de méthodologies d’anonymisation des données de santé comportant des données personnelles.
Cette mission figurait au V de l’article 47 du projet de loi relatif à la santé adopté par le Sénat en première lecture. Cet article, qui définit le cadre d’ouverture des données à caractère personnel figurant dans les bases dites « médico-administratives », prévoyait que « [l]es jeux de données issues des traitements comportant des données de santé à caractère personnel (…) ne peuvent être mis à la disposition du public qu’après avoir fait l’objet d’une anonymisation complète et irréversible des données à caractère personnel qu’ils contiennent, rendant impossible l’identification, directe ou indirecte, des personnes concernées ». Il confiait à la CNIL le soin d’« homologuer et [de] publier des méthodologies générales ou des procédés d’anonymisation auxquels le responsable du traitement se conforme préalablement à la mise à disposition de ces données ou jeux de données ».
Cette disposition a toutefois été supprimée du projet de loi relatif à la santé lors de la nouvelle lecture de ce texte par l’Assemblée nationale à l’initiative du Gouvernement, lequel a souhaité « traiter cette question de portée générale dans le projet de loi pour une République numérique » (269).
Dans l’esprit du Gouvernement, saisie d’une demande de certification, la CNIL devra examiner la conformité d’un projet qui lui sera soumis au regard de l’ensemble des règles applicables à l’anonymisation. Elle le fera selon une procédure proche de celle qui s’applique déjà à la délivrance des labels prévue par le c) du 3° de l’article 11 de la loi « Informatique et libertés », en définissant des référentiels de certification qui régleront les modalités de mise en œuvre de la procédure de certification.
2. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Avec l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement tendant à préciser la nature de la mission de certification confiée à la CNIL par le présent article afin de tenir compte des observations formulées par cette dernière dans son avis.
Aux termes du premier alinéa de la nouvelle rédaction de l’article 37-1 précité, la CNIL pourra « certifier ou homologuer et publier des référentiels ou des méthodologies générales aux fins de certification de la conformité à la présente loi de processus d’anonymisation des données à caractère personnel », notamment en vue de la réutilisation des informations publiques mises en ligne.
En pratique, la CNIL devrait donc examiner la conformité d’un projet qui lui serait soumis au regard de l’ensemble des règles applicables à l’anonymisation. Elle le ferait selon une procédure proche de celle qui s’applique déjà à la délivrance des labels prévue par le c) du 3° de l’article 11 de la loi « Informatique et libertés », en définissant des référentiels de certification qui régleront les modalités de mise en œuvre de la procédure de certification.
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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL520 du rapporteur, CL325 de M. Philippe Gosselin, CL660 de la commission des Affaires économiques et CL701 du Gouvernement.
M. Luc Belot, rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.
M. Philippe Gosselin. Mon amendement vise à harmoniser les termes du présent projet de loi avec ceux du projet de loi relatif à la santé. Est-il satisfait par l’amendement du Gouvernement ?
M. le rapporteur. Vous proposez de substituer une procédure d’homologation à la procédure de certification envisagée. L’amendement du Gouvernement prévoit les deux, ce qui me paraît optimal.
Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Notre amendement visait à supprimer la procédure de certification au profit d’une procédure d’avis. Je me rallie à l’amendement du Gouvernement.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. L’amendement du Gouvernement tend à permettre à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) de certifier ou de faire certifier la conformité de processus d’anonymisation des données à caractère personnel avec la réglementation. Selon moi, il faut laisser les deux possibilités ouvertes, et non remplacer l’une par l’autre : cela donne une plus grande souplesse.
Les amendements CL520, CL325 et CL660 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL701.
Puis elle adopte l’article 30 modifié.
Article 30 bis
(art. L. 135 du code des postes et des communications électroniques
et art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Coopération croisée entre la CNIL et l’ARCEP
À l’initiative de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement instituant un mécanisme de coopération croisée entre la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) :
– en vertu du dernier alinéa introduit par le présent article à l’article L. 135 du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP pourrait ainsi saisir pour avis la CNIL « de toute question relevant de sa compétence » ;
– par parallélisme, en application du dernier alinéa inséré par le présent article à l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la CNIL pourrait faire de même à l’égard de l’ARCEP.
Ces dispositions tirent les conséquences du croisement croissant des problématiques traitées par chacune de ces autorités de contrôle et de protection, en particulier eu égard au nombre d’enjeux portant sur le respect de la vie privée dans le secteur des communications électroniques contrôlé par l’ARCEP.
Elles s’inscrivent dans le prolongement des mécanismes existants et similaires d’« interrégulation » (270) institués, par exemple, entre l’Autorité de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour lespratiques anticoncurrentielles dans les secteurs de la radio et de la télévision, ou entre l’Autorité de la concurrence et l’ARCEP, s’agissant des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dans le secteur des communications électroniques et dans le secteur postal.
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La Commission est saisie de l’amendement CL661 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement prévoit que la CNIL puisse saisir pour avis l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et réciproquement, un nombre croissant de sujets relevant de la compétence des deux régulateurs.
M. le rapporteur. Ces deux autorités peuvent déjà coopérer en pratique, mais il n’est pas inutile de le préciser dans la loi. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Article 31
(art. 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Conservation des données personnelles après la mort de l’intéressé
Le présent article complète l’article 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », afin de permettre à toute personne d’autoriser, par des directives, la conservation de ses données personnelles au-delà de la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées et traitées et qui devrait conduire à leur suppression à sa mort.
En l’état actuel du droit fixé par l’article 36 précité, les données à caractère personnel ne peuvent être conservées au-delà de cette durée « qu’en vue d’être traitées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques » ou, à défaut, « soit avec l’accord exprès de la personne concernée », soit avec l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), soit enfin parce qu’elles relèvent de traitements nécessaires à la recherche dans le domaine de la santé ou justifiés par l’intérêt public.
En cohérence avec les dispositions introduites par l’article 32 du projet de loi en matière de « mort numérique », le présent article prévoit donc que les données à caractère personnel pourront être conservées au-delà de cette durée « en vertu de directives de la personne concernée ».
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La Commission adopte l’amendement CL155 du rapporteur tendant à corriger une erreur de référence.
Puis elle adopte l’article 31 modifié.
La Commission examine l’amendement CL53 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. La CNIL aurait trouvé plus logique que les dispositions relatives au droit à l’oubli pour les mineurs figurent à l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, lequel a trait au droit de rectification, plutôt qu’à l’article 40 de la même loi, qui porte sur le droit d’opposition. Selon moi, il n’est pas gênant qu’elles figurent à l’article 40, mais peut-être faut-il prévoir un lien entre ces deux articles, ainsi que l’a recommandé la CNIL ? Tel est le sens de mon amendement, qui vise à compléter le premier alinéa de l’article 38 comme suit : « La circonstance que la donnée traitée porte sur une personne mineure au moment des faits constitue un motif légitime au sens du présent alinéa, sauf si la personne mineure était une personnalité publique. »
M. le rapporteur. Votre amendement tend à inscrire le droit à l’oubli pour les mineurs au sein de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, ainsi que l’a en effet proposé la CNIL. Cependant, le choix opéré par le Gouvernement me semble plus conforme à nos engagements européens, notamment aux dispositions de l’article 17 de la proposition de règlement communautaire relatif à la protection des données. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Article 32
(art. 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Droit à l’effacement accéléré des données personnelles pour les mineurs
et devenir des données personnelles après le décès de la personne
Le présent article complète l’article 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », relatif au droit à la rectification des données personnelles contenues dans un traitement, par de nouvelles dispositions régissant le sort des données personnelles dans deux situations spécifiques demeurées jusque-là relativement ignorées par le législateur :
– d’une part, il instaure, au profit des mineurs, un droit à l’effacement accéléré de ses données ;
– d’autre part, il précise le devenir des données personnelles au décès de la personne à laquelle elles se rapportent.
Le présent article règle, en premier lieu, le sort des données personnelles traitées et collectées à un moment où la personne concernée était mineure et ne disposait pas de la pleine capacité de ses moyens pour apprécier les conséquences de son exposition sur les réseaux numériques.
a. L’insuffisante prise en compte des mineurs par la loi « Informatique et libertés »
La loi « Informatique et libertés » reconnaît à toutes les personnes, sans considération d’âge, certains droits à l’égard des traitements de données à caractère personnel les concernant :
– droit à l’information sur l’utilisation des données collectées, sauf pour les traitements intéressant la sûreté de l’État ou la sécurité publique (article 32) ;
– droit d’opposition « pour des motifs légitimes », y compris face à l’utilisation des données à des fins de prospection, sauf si le traitement répond à une obligation légale (article 38) ;
– droit d’accès au traitement afin de s’informer sur ses finalités, le type de données enregistrées, l’origine et les destinataires des données, et les éventuels transferts de ces informations vers des pays n’appartenant pas à l’Union européenne (articles 39 et 41 à 43) ;
– droits à la rectification, au complément, à la mise à jour, au verrouillage ou à l’effacement des données inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite (article 40).
Toute personne bénéficie de ces droits ; les mineurs, en raison de leur incapacité juridique, ne peuvent toutefois les exercer seuls mais par l’intermédiaire de leur représentant légal. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a développé une doctrine de protection de ce public particulier contre la collecte et le traitement de leurs données en exigeant, dès 1983, le consentement préalable de leurs parents lors du recueil de données auprès des enfants dans les établissements scolaires. Malgré tout, le recueil du consentement parental en cas de collecte des données personnelles d’un enfant demeure difficile à garantir et l’information claire et adaptée à l’âge de l’enfant techniquement complexe à assurer.
Or, les jeunes de 8 à 17 ans sont aujourd’hui massivement présents sur internet (voir l’encadré ci-après), notamment sur les réseaux sociaux, à un âge où ils ne sont pas toujours conscients des risques auxquels ils s’exposent en matière de vie privée. Cette présence résulte généralement d’une exposition volontaire de soi, un « désir d’extimité » (271) qui les pousse à livrer sur internet de nombreuses données à caractère personnel les concernant directement ou se rapportant à leurs proches. Elle s’explique aussi par l’essor de la publicité ciblée, contextuelle et comportementale, assise sur le maximum de données personnelles collectées. Surtout, cette surexposition des jeunes n’est pas homogène selon les tranches d’âge étudiées. Ainsi, selon le baromètre Calysto de janvier 2012 « Enfants et internet », 66 % des enfants âgés de 11 à 13 ans répondaient ne protéger aucune donnée personnelle sur les réseaux sociaux, contre 50 % de leurs aînés âgés de 13 à 15 ans et 22 % des 15-17 ans.
L’exposition des mineurs sur internet
96 % des 8-17 ans et 93 % des 13 ans et moins utilisent internet. 48 % des 8-17 ans sont connectés à un réseau social, dans l’immense majorité Facebook :
– 60 % d’entre eux s’y connectent quotidiennement ;
– 20 % des 8-13 ans disposent d’un profil sur Facebook, avec l’accord de leurs parents pour 97 % d’entre eux (nota bene : l’âge minimum fixé par Facebook pour ouvrir un compte est normalement de 13 ans) ;
– 92 % d’entre eux déclarent avoir ouvert un profil sous leur identité réelle ;
– 71 % des 8-17 ans estiment savoir utiliser et changer les paramètres de confidentialité ; toutefois, ce chiffre baisse à 51 % chez les moins de 13 ans, contre 81 % chez les plus de 13 ans.
Source : Étude menée en France, du 10 au 17 juin 2011, par TNS Sofres auprès d’un échantillon de 1 200 enfants représentatif de la population française âgée de 8 à 17 ans pour l’UNAF, Action Innocence et la CNIL (méthode des quotas et stratification par région et catégorie d’agglomération).
b. L’émergence de préoccupations relatives au droit à l’oubli et au droit au déréférencement
La revendication d’un « droit à l’oubli », qui n’est pas spécifique aux mineurs, a émergé ces dernières années face au développement des technologies numériques, capables, à l’inverse des supports matériels et analogiques, de traiter, stocker et partager de manière quasi-illimitée dans le temps et l’espace une grande quantité de données personnelles.
La question du « droit à l’oubli » concerne, tout d’abord, les informations se rapportant à des personnes contenues sur des sites internet. La CNIL, par deux délibérations du 22 novembre 2005, a ainsi considéré que « la diffusion ou la collecte de données à caractère personnel à partir d’un site web » constituaient des traitements automatisés de données soumis aux dispositions de la loi « Informatique et libertés », et à l’égard desquels peuvent s’exercer les droits d’opposition, de rectification ou d’effacement (272). Le juge en a décidé ainsi à propos d’un site référençant des notaires (273), d’un site luttant contre les dérives sectaires (274), d’un site de notation des professeurs (275) ou d’un forum de discussion (276) (277).
Cette question a acquis une importance particulière avec la naissance des moteurs de recherche qui permettent à quiconque d’accéder, sur simple requête, aux informations se rapportant à une personne disséminées sur les réseaux, quelles que soient leur pertinence et leur nature.
La place prise par ces moteurs de recherche conduit à s’interroger sur l’effectivité du droit actuel. En principe, le respect des exigences de finalité, de loyauté, d’exactitude et de mise à jour des données et l’obligation faite au responsable du traitement de ne pas conserver des données personnelles au-delà de la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées et traitées, conjuguée au droit de réclamer l’effacement des données périmées, devraient permettre la mise en œuvre effective d’un tel droit. Tel n’est toutefois pas toujours le cas.
Or, comme le faisait observer dès 2009 M. Alex Türk, alors président de la CNIL, il serait « inacceptable et dangereux que l’information mise en ligne sur une personne ait vocation à demeurer fixe et intangible, alors que la nature humaine implique, précisément, que les individus changent, se contredisent, bref, évoluent tout naturellement » et qu’« [i]l en va, pour tous, de la protection de la liberté d’expression et de la liberté de pensée, mais aussi du droit de changer d’avis, de religion, d’opinions politiques, la possibilité de commettre des erreurs de jeunesse, puis de changer de vie » (278).
Dans cet esprit, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, en 2014, dans un arrêt Google Spain c. AEPD, sur l’application des droits d’accès et d’opposition aux activités des moteurs de recherche (279). Elle a reconnu, sous certaines conditions, le droit pour toute personne de demander le déréférencement sur la liste des résultats des moteurs de recherche d’informations la concernant lorsqu’elles sont devenues inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou excessives au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou conservées. Pour ce faire, elle invite à opérer une juste conciliation entre l’intérêt économique du moteur de recherche, le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles de l’intéressé et d’autres libertés fondamentales, notamment la liberté d’expression et le droit à l’information des tiers (voir l’encadré ci-après). La CJUE n’a en revanche pas consacré de droit général à l’oubli, qui aurait impliqué non seulement un droit au déréférencement de l’information inappropriée mais également un droit au retrait de la publication de l’information du site dont elle émane, dont le maintien peut lui se justifier pour la bonne information du public.
L’arrêt Google Spain c. AEPD de la CJUE du 13 mai 2014
Pour la CJUE, « un traitement de données à caractère personnel (…) réalisé par l’exploitant d’un moteur de recherche (…) est susceptible d’affecter significativement les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel lorsque la recherche à l’aide de ce moteur est effectuée à partir du nom d’une personne physique, dès lors que ledit traitement permet à tout internaute d’obtenir par la liste de résultats un aperçu structuré des informations relatives à cette personne trouvables sur Internet, qui touchent potentiellement à une multitude d’aspects de sa vie privée et qui, sans ledit moteur de recherche, n’auraient pas ou seulement que très difficilement pu être interconnectées, et ainsi d’établir un profil plus ou moins détaillé de celle-ci ». Au surplus, « l’effet de l’ingérence dans lesdits droits de la personne concernée se trouve démultiplié en raison du rôle important que jouent Internet et les moteurs de recherche dans la société moderne, lesquels confèrent aux informations contenues dans une telle liste de résultats un caractère ubiquitaire ».
Elle considère que l’ingérence dans la vie privée de l’internaute concerné « ne saurait être justifiée par le seul intérêt économique de l’exploitant d’un tel moteur dans ce traitement » mais que, « dans la mesure où la suppression de liens de la liste de résultats pourrait, en fonction de l’information en cause, avoir des répercussions sur l’intérêt légitime des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à celle-ci, il y a lieu de rechercher (…) un juste équilibre notamment entre cet intérêt et les droits fondamentaux de cette personne au titre des articles 7 et 8 de la Charte [des droits fondamentaux de l’Union européenne] ».
Elle ajoute que « [s]i, certes, les droits de la personne concernée protégés par ces articles prévalent également, en règle générale, sur ledit intérêt des internautes, cet équilibre peut toutefois dépendre, dans des cas particuliers, de la nature de l’information en question et de sa sensibilité pour la vie privée de la personne concernée ainsi que de l’intérêt du public à disposer de cette information, lequel peut varier, notamment, en fonction du rôle joué par cette personne dans la vie publique ».
c. L’instauration par le présent article d’un droit à l’effacement accéléré pour les mineurs
Le présent article s’inscrit dans le prolongement de ces préoccupations en instaurant un droit à l’oubli renforcé pour les mineurs.
Dans un rapport de 2012 consacré aux enfants dans le monde numérique, le Défenseur des droits rappelait les raisons justifiant selon lui la mise en place d’un droit à l’oubli effectif concernant les enfants, en particulier « [l]’intense exposition aux espaces numériques conjuguée à la capacité limitée de l’enfant à se préserver des risques pour sa vie privée et celle des autres face aux écrans [qui] mettent en péril la possibilité pour l’enfant, et plus tard l’adulte, d’adapter sa vie numérique à l’évolution de sa personnalité ». Il soulignait que « le droit à l’oubli numérique garantit la maîtrise de l’adulte, futur enfant qui sera confronté à des employeurs, des collègues de travail, sur l’information qu’il met en ligne aujourd’hui et sera consultable demain » (280).
Plusieurs initiatives ont déjà été prises en faveur d’une plus grande protection des droits des enfants dans le traitement de leurs données, notamment la Charte du droit à l’oubli dans les sites collaboratifs et les moteurs de recherche du 13 octobre 2010 qui n’a toutefois été signée ni par la CNIL, ni par Google, ni par Facebook.
En mars 2010, le Sénat adoptait la proposition de loi des sénateurs Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, auteurs d’un rapport d’information sur la vie privée à l’heure des mémoires numériques (281), qui, sans se référer aux mineurs, visait plus généralement à donner une plus grande effectivité au droit à l’oubli numérique. Pour ce faire, elle tendait à faciliter l’exercice du droit d’opposition mentionné par l’article 38 de la loi « Informatique et libertés » en permettant d’exercer ce droit non seulement gratuitement mais également, après identification, par voie électronique comme le prévoit l’article 28 du projet de loi (282), alors que les responsables de traitement prévoient aujourd’hui généralement la seule transmission par courrier postal (283).
La proposition de règlement communautaire relative à la protection des données en cours d’adoption (284) comporte plusieurs dispositions relatives à la protection des enfants dans le traitement de leurs données (285). Elle fixe à 16 ans l’âge en-dessous duquel le recueil du consentement préalable du responsable de l’autorité parentale est nécessaire à la licéité du traitement des données personnelles relatives à un enfant, les États membres disposant cependant de la faculté d’abaisser cet âge à 13 ans. Son article 17 tend à consacrer un « droit à l’effacement et à l’"oubli numérique" » :
– il imposerait au responsable du traitement d’effacer les données à caractère personnel dans les meilleurs délais, notamment lorsque la personne concernée est un enfant (la minorité constituerait en soi un motif légitime d’effacement) ;
– il préciserait les motifs légitimant cet effacement : lorsque les données ne sont plus nécessaires à la réalisation des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées, lorsque la personne a retiré son consentement ou s’oppose au traitement de ces données et qu’il n’existe plus aucun autre motif légal ou impérieux à ce traitement, lorsque les données ont fait l’objet d’un traitement illicite ou lorsqu’elles doivent être effacées pour respecter une obligation légale ;
– il s’appliquerait y compris dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information, c’est-à-dire à l’égard de tout service rendu normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de service ;
– en revanche, son application devrait être exclue en raison de certaines exigences limitativement énumérées, en particulier l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, le respect d’une obligation légale ou l’exécution d’une mission d’intérêt public ou encore lorsque le traitement serait nécessaire à la constatation, à l’exercice ou à la défense de droits en justice.
Sans attendre l’entrée en vigueur de cet article et afin de permettre son application immédiate en droit français, les 1° et 2° du présent article, qui insèrent un II au sein de l’article 40 de la loi « Informatique et libertés », instaurent un droit à l’effacement des données d’un mineur.
Le premier alinéa de ce nouveau II prévoit que, « [s]ur demande de la personne concernée, le responsable du traitement est tenu d’effacer dans les meilleurs délais les données à caractère personnel qui ont été collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte ».
Le champ de cette disposition, qui vise les informations personnelles « collectées dans le cadre de l’offre de services de la société de l’information », correspond au champ de l’article 17 du projet de règlement sur la protection des données et vise, notamment, les réseaux sociaux, les plateformes d’échanges en ligne, les moteurs de recherche, les services d’annuaires et de référencement, les fonctionnalités d’hyperliens ou la presse en ligne.
Aux termes du deuxième alinéa du même II, à défaut de réponse satisfaisante de la part du responsable du traitement « dans un délai d’un mois après la demande » (non-exécution de la demande ou absence de réponse), la personne pourra saisir la CNIL qui devra se prononcer dans un délai de quinze jours suivant la date de réception de cette réclamation.
En pratique, la CNIL procédera à l’instruction de ces réclamations et statuera dessus en mettant en œuvre ses pouvoirs usuels d’instruction et de sanction tels qu’ils sont prévus par les chapitres VI et VII de la loi « Informatique et libertés » et, s’agissant plus particulièrement de ses pouvoirs de sanctions, tels qu’ils sont modifiés par le présent projet de loi (286).
Le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, et leurs corolaires, les droits reconnus à toute personne à l’égard des traitements informatiques (information, opposition, effacement, rectification…), doivent être conciliés avec d’autres libertés fondamentales et d’autres exigences. Aussi les troisième à avant-dernier alinéas du même II prévoient-ils que le droit à l’effacement accéléré au profit des mineurs ne s’applique pas lorsque le traitement de données à caractère personnel est nécessaire à l’une des cinq finalités mentionnées par l’article 17 de la proposition de règlement :
– l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information reconnu par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (1°) ;
– le respect d’une obligation légale « qui requiert le traitement des données ou pour exercer une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement » (2°) ;
– « pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique » (3°) ;
– « [à] des fins d’archivage dans l’intérêt public ou à des fins scientifiques, statistiques ou historiques » (4°) ;
– « [à] la constatation, à l’exercice ou à la défense de droits en justice » (5°).
Votre rapporteur se félicite de l’introduction de cette disposition dans notre droit qui participe à une meilleure prise en compte de « l’intérêt supérieur de l’enfant » au sens de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant. Elle présente un intérêt non seulement pour la préservation de l’intimité du mineur mais aussi pour la protection de la vie privée de son entourage et de ses proches.
Le vecteur privilégié pour introduire ce droit à l’oubli renforcé au profit du mineur, le droit à l’effacement, permettra d’exiger la suppression définitive de ses données personnelles à l’égard non seulement du responsable du traitement initial – à l’origine de la collecte de ses données – mais aussi des autres responsables de traitements – comme les sites ayant repris, dupliqué ou indexé ses données, y compris donc les moteurs de recherche.
Attaché à ce que le présent article puisse s’appliquer rapidement en droit français sans attendre la mise en œuvre, dans deux ans environ, de la proposition de règlement général sur la protection des données, votre rapporteur veillera, au cours de la « navette parlementaire », à ce qu’il s’articule parfaitement avec l’article 17 du règlement européen sur la protection des données lorsqu’il entrera en vigueur, ce qui devrait être le cas au cours du premier semestre 2016.
2. Le devenir des données personnelles après le décès de la personne
Le présent article règle, en second lieu, le sort des données personnelles lorsque la personne à laquelle elles se rapportent disparaît. Le législateur national dispose, en la matière, d’une importante marge d’appréciation dans la mesure où le projet de règlement européen sur la protection des données prévoit que s’« il n’y a pas lieu d’appliquer les principes de protection des données aux données concernant des personnes décédées », le « droit national d’un État membre peut prévoir des règles relatives au traitement des données à caractère personnel concernant des personnes décédées » (287).
a. Le traitement de la « mort numérique » par le droit en vigueur
La philosophie française – et européenne – qui sous-tend le droit de la protection des données à caractère personnel est personnaliste : elle reconnaît des droits à l’individu mais ne protège pas la donnée personnelle en tant qu’objet économique ou bien faisant l’objet d’un droit de propriété.
Les droits susceptibles d’être mis en cause par un traitement de données à caractère personnel – principalement le droit au respect de la vie privée et à la protection des données et le droit à l’image – et les droits de la personne face au traitement de ses données – droits d’accès, de modification et de suppression… – sont des droits personnels et inaliénables. Ne revêtant pas un caractère patrimonial, ils ne sont pas soumis aux règles de la dévolution successorale et sont donc intransmissibles aux héritiers. Ils s’éteignent avec la disparition de la personne.
Hors les cas dans lesquels un contrat viendrait régler le devenir des données personnelles à la mort de la personne, ses héritiers ne peuvent pas avoir accès à ses données ou les faire supprimer par le responsable du traitement. La loi « Informatique et libertés » est, en effet, relativement silencieuse sur cette question.
Les deux derniers alinéas de l’article 40 de cette loi leur permettent seulement d’entreprendre des démarches de mise à jour des informations sur le défunt, tendant par exemple à l’enregistrement de son décès ou au verrouillage du compte abritant ses données afin d’éviter qu’il soit consultable par quiconque. Ainsi, « [l]es héritiers d’une personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que les données à caractère personnel la concernant faisant l’objet d’un traitement n’ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu’il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence ». Même si elle ne l’interdit pas, cette disposition ne mentionne pas explicitement la possibilité de demander la clôture du compte du défunt.
Les héritiers peuvent aussi entreprendre certaines démarches en vertu de dispositions ponctuelles :
– le droit d’accès indirect reconnu par l’article 39 de la même loi à l’égard des traitements mentionnés par l’article 42 de ladite loi (« traitements mis en œuvre par les administrations publiques et les personnes privées chargées d’une mission de service public qui ont pour mission de prévenir, rechercher ou constater des infractions, ou de contrôler ou recouvrer des impositions ») : a ainsi été reconnu un droit d’accès des héritiers aux données d’identification des comptes bancaires au fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) (288), le Conseil d’État ayant considéré, en 2011, qu’ils « devraient être regardés, en leur qualité d’ayants droit héritant des soldes des comptes bancaires (…), comme des personnes concernées au sens de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978, et bénéficiaient, sur ce fondement, de la possibilité d’accès qu’il prévoit » (289) ;
– aux termes du dernier alinéa de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, « [l]e secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».
Hors ces cas, les héritiers et les proches du défunt ne peuvent en principe pas accéder aux données du défunt ni faire supprimer son compte. Toutefois, dans le relatif silence de la loi, certains fournisseurs de services de communication au public en ligne ont mis en place des fonctionnalités de paramétrage du devenir des données personnelles après la mort de l’intéressé (voir l’encadré ci-après). Mais ces fonctionnalités demeurent méconnues, soumises à des stipulations contractuelles fluctuantes et ne garantissent pas un traitement global et homogène de la question de la mort numérique. En pratique, il est souvent difficile pour les responsables de tels services de faire la différence entre un profil inactif en raison de l’inactivité de son titulaire et un profil inactif en raison de son décès.
La gestion de la « mort numérique » par les fournisseurs
de services de communication au public en ligne
Facebook, après avoir proposé un statut mémorial destiné à maintenir l’existence du profil de la personne décédée, accessible aux seuls amis du défunt et dont certaines fonctionnalités ont été désactivées, a développé une fonctionnalité de contact légataire (Legacy contact) permettant à un contact de confiance d’accéder au compte de l’utilisateur décédé afin de transformer son profil en mémorial virtuel et récupérer des photos ou publications, écrire une publication, répondre à de nouvelles invitations ou changer la photographie de profil ou de couverture. En revanche, le contact légataire ne peut pas se connecter au compte classique du défunt, supprimer ou modifier des publications passées, lire des messages privés ou supprimer un ami.
Google propose un gestionnaire de compte inactif (Inactive account manager) permettant de décider du sort des données liées à son compte Google et aux services liés à l’issue d’un délai d’expiration du compte inactif (fermeture du compte ou transmission des données à un ou plusieurs proches). Sans nouvelle de l’utilisateur et après un délai imparti, le compte et les services associés sont rendus accessibles au proche préalablement choisi ou détruits.
Instagram permet de signaler le compte d’une personne décédée afin de le transformer en compte de commémoration. Les membres de la famille proche peuvent également demander le retrait du compte du défunt, sous réserve de fournir une preuve du lien avec le défunt et de son décès.
Linked In permet de solliciter la fermeture du compte d’une personne décédée et la suppression de son profil sous réserve de fournir le nom du membre concerné, l’URL de son profil, la nature de la relation qui unit le demandeur à ce membre, l’adresse électronique du membre, la date de son décès, le lien vers l’annonce de son décès et l’entreprise dans laquelle celui-ci a travaillé le plus récemment.
Microsoft Outlook a mis en place un service spécifique pour les parents proches de la personne défunte. En cas de décès (ou d’invalidité d’un membre de la famille), il autorise la remise du contenu Outlook.com (notamment tout le courrier électronique avec les pièces jointes, le carnet d’adresses et les listes de contacts) au parent proche du détenteur du compte décédé ou invalide ou la clôture du compte Outlook.com, « après un bref processus de vérification ». Le contenu du compte est expédié sur un DVD de données, accompagné d’instructions détaillées. En revanche, le service Parent proche ne permet ni la communication du mot de passe du compte, ni sa modification, ni le transfert de la propriété du compte au parent proche.
Twitter met à disposition un formulaire permettant au proche d’un défunt de solliciter la fermeture de son compte, à condition d’envoyer par courriel, télécopie ou voie postale la preuve du décès de la personne et des liens l’unissant au proche. Le compte sera fermé et une copie des publications de la personne sera remise à ses proches ; en revanche, le mot de passe n’est pas fourni et aucun accès au compte n’est possible.
Source : CNIL, fiche pratique « Mort numérique : peut-on demander l’effacement des informations d’une personne décédée ? ».
En conséquence, le droit actuel ne répond qu’imparfaitement aux questions qui se font jour au décès d’une personne et qui sont soumises à la CNIL, laquelle se retrouve souvent démunie pour y répondre dans un contexte délicat et douloureux. « Dans quelles conditions les héritiers peuvent-ils récupérer les données du défunt ? Si rien n’est prévu dans les conditions générales d’utilisation des sites, quels sont les héritiers qui pourront demander la mise à jour ou la suppression des données ? Comment résoudre les conflits entre des héritiers qui n’ont pas toujours la même perception de la volonté post-mortem du défunt (…) » (290) ?
b. La possibilité de définir des directives relatives à la conservation et à la communication de ses données personnelles après son décès
C’est à ces questions que le 4° du présent article entend répondre en complétant par un III les dispositions actuelles de l’article 40 de la loi « Informatique et libertés » afin de définir pour la première fois un cadre juridique applicable aux données personnelles des personnes décédées.
Ce nouveau III permet à toute personne de « définir des directives relatives à la conservation et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès » ; elle pourra les modifier et les révoquer à tout moment.
Ces directives doivent avoir pour objet de déterminer « la manière dont la personne entend que soient exercés après son décès les droits qu’elle détient en application de la présente loi », c’est-à-dire les droits actuellement reconnus aux personnes à l’égard des traitements de données personnelles définis par la section 2 du chapitre V de la loi « Informatique et libertés » : droit d’opposition, droit d’accès, droit de rectification…
Il est précisé que ces directives seront exécutées sans préjudice de la loi applicable aux archives et des droits des tiers. Elles ne pourront donc faire obstacle à l’application du régime sur les archives publiques lorsqu’elles comportent des données personnelles et, si ces directives prévoient la communication de données personnelles relatives à des tiers, les dispositions de la loi « Informatique et libertés » protégeant ces données s’appliqueront de plein droit.
Sur la forme, la personne pourra définir deux sortes de directives, chacune correspondant à un champ de données personnelles et à des modalités particulières d’enregistrement :
– les « directives générales concernent l’ensemble des données à caractère personnel de leur auteur » et seront enregistrées auprès d’un « tiers de confiance numérique » certifié par la CNIL et répondant à des « exigences de confidentialité et d’impartialité fixées par décret en Conseil d’État » ;
– les « directives particulières concernent les traitements de données à caractère personnel qu’elles désignent » et seront logiquement enregistrées auprès des responsables de traitements concernés.
Entendu par votre rapporteur, le Conseil supérieur du notariat a indiqué que les notaires pourraient être les tiers de confiance numérique auprès desquels pourront être enregistrées les directives générales des personnes, dans la mesure où leur profession est d’ores et déjà soumise à des règles strictes de confidentialité, d’impartialité et de déontologie. Cela n’est toutefois pas exclusif du développement d’autres tiers de confiance numériques. Il a également appelé son attention sur la nécessité, à terme, de remédier à la probable dissémination – dans leur nombre et leur contenu – des directives, par exemple par la création d’un registre centralisé permettant d’informer les tiers intéressés de leur existence mais sans révéler leur contenu. Il lui a indiqué qu’existait déjà un registre semblable, le fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).
Ainsi que l’a fait observer la CNIL dans son avis sur le projet de loi, le présent article « répond à un besoin de clarifier le devenir des données personnelles des personnes décédées » et « constitue le prolongement naturel du droit de disposer librement de ses données » (291) consacré à l’article 26 du projet. Votre rapporteur la rejoint dans ce constat et considère qu’eu égard à l’importance conférée à ces directives, elles devront faire l’objet d’un consentement spécifique de la part de la personne intéressée et ne sauraient résulter des seules conditions d’utilisation des services concernés.
c. La désignation de la personne chargée de les exécuter
Le même 4° précise les conditions dans lesquelles ces directives seront exécutées :
– soit l’intéressé décide de désigner une personne chargée de l’exécution des directives qu’il a édictées : « celle-ci a alors qualité, lorsque la personne est décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés » ;
– soit il n’a pas désigné de personne chargée de leur exécution, et le texte prévoit alors l’ordre dans lequel sont désignées les personnes qui se voient reconnaître cette qualité : « les descendants, le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir ».
Suivant les propositions formulées en ce sens par le Conseil supérieur du notariat dans sa contribution à la plateforme de consultation sur le projet de loi (292), le Gouvernement s’est inspiré des dispositions régissant la succession anomale, par exemple en cas de transmission d’un souvenir, d’un bien ou d’une sépulture de famille ou de certains attributs du droit moral de l’auteur après sa mort, en particulier le droit de divulgation de l’œuvre posthume (voir l’encadré ci-après).
Les successions anomales
En droit des successions, compte tenu de leur nature ou de leur origine, certains biens peuvent faire l’objet d’une succession dite « anomale » par laquelle une personne succède à des biens qu’elle-même, ses ascendants ou son conjoint ont gratuitement remis au défunt. Il existe dans notre droit de nombreuses hypothèses de succession anomale, prévues à la fois par certains articles du code civil, comme le droit de retour des père et mère donateurs (article 738-2 du code civil) ou en cas de concours entre conjoint survivant et collatéraux privilégiés du défunt (article 757-3 du même code), mais aussi par la jurisprudence qui tient compte du caractère particulier des souvenirs de famille ayant une valeur essentiellement morale ou des sépultures de famille, afin de les soustraire aux règles habituelles de la dévolution successorale et des partages.
Le caractère dérogatoire de la succession anomale par rapport aux règles de droit commun de la succession s’applique également en matière de propriété littéraire et artistique. Des règles particulières de dévolution sont prévues en matière de transmission de certains attributs du droit moral de l’auteur, règles dont s’est inspiré le Gouvernement pour régler les conditions de désignation de la personne chargée d’exécuter les directives du défunt. Il existe en effet une analogie possible entre le droit moral de l’auteur et les droits de la personne à l’égard d’un traitement de données à caractère personnel. Comme les seconds, le droit moral de l’auteur est certes attaché à sa personne mais doit continuer à être exercé après sa disparition car la personnalité de l’auteur perdure, après son décès, dans l’œuvre qui, elle, continue à exister.
Ainsi qu’en dispose l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, « perpétuel, inaliénable et imprescriptible », le droit d’auteur est « transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur » et son « exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ». Les articles L. 121-1 et L. 121-2 du même code prévoient des modalités distinctes de transmission post mortem des principaux attributs du droit d’auteur :
– d’un côté, les droits au respect et à la paternité de l’œuvre obéissent aux règles de dévolution successorale de droit commun, qui s’appliquent également au droit d’exploitation, droit de nature patrimoniale (deux derniers alinéas de l’article L. 121-1), sous réserve du droit d’usufruit spécial sur le monopole d’exploitation de l’œuvre ouvert au conjoint survivant en application de l’article 123-6 du même code ;
– de l’autre, le droit de divulgation de l’œuvre posthume est exercé, « leur vie durant, par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur » et, « à leur défaut ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, (…) dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir » (deuxième alinéa de l’article L. 121-2).
Le présent 4°, dans sa rédaction initiale, prévoit également que si aucune directive n’a été donnée du vivant de la personne ou si aucune mention contraire ne figure dans les directives générales ou particulières, les héritiers – dans l’ordre prévu à défaut d’avoir désigné une personne chargée d’exécuter ses directives lorsqu’il en a édictées – pourront exercer l’ensemble des droits à l’égard des traitements comportant les données personnelles, à l’instar des droits d’opposition, d’accès, de rectification et d’effacement prévus par les articles 38 à 43 de la loi « Informatique et libertés ».
La transmission des droits « Informatique et libertés » aux héritiers d’un défunt lorsque ce dernier n’a laissé aucune directive ou n’a pas exprimé de volonté contraire dans ses directives, telle qu’elle est prévue par cette disposition, sera d’application particulièrement large. Les auditions conduites par votre rapporteur sur ce sujet ont fait apparaître les aspects positifs et négatifs d’une telle disposition.
D’une part, cette transmission permettra aux héritiers d’accéder aux données personnelles du défunt afin de faire respecter les volontés exprimées oralement de son vivant et de résoudre les difficultés ou blocages qui peuvent se présenter au moment de la succession.
D’autre part, insuffisamment encadrée, elle pourrait conduire, dans certaines hypothèses, à révéler aux proches de la personne décédée des informations à caractère personnel ou professionnel qu’elle avait souhaité tenir secrètes et ainsi à méconnaître la volonté exprimée de son vivant par le défunt.
La CNIL estime ainsi dans son avis sur le projet de loi que « la faculté pour un héritier d’accéder aux données du défunt devrait être assortie de conditions strictes et de garanties pour préserver la mémoire du défunt et les droits des tiers », en envisageant de « prévoir l’accès aux données contenues dans des traitements lorsqu’un tel accès est nécessaire pour identifier l’actif successoral d’une personne, ou lorsque l’impossibilité d’accès cause un préjudice réel, direct et certain aux héritiers » (293).
d. Une obligation générale d’information et d’orientation de l’utilisateur
Enfin, le présent 4° pose, à la charge de tout site internet (« tout prestataire d’un service de communication au public en ligne »), une obligation générale d’information de l’utilisateur sur le sort de ses données après sa mort. Ce site devra, en outre, lui permettre de choisir de les communiquer ou non à un tiers qu’il a désigné (dernier alinéa).
Par cohérence, le 3° du présent article, dans sa rédaction initiale, supprime les deux derniers alinéas de l’actuel article 40 de la loi « Informatique et libertés » relatifs aux démarches susceptibles d’être entreprises par les héritiers en matière de mise à jour et de verrouillage des données du défunt.
Votre rapporteur souligne que l’introduction de ces dispositions dans la loi « Informatique et libertés » vient utilement répondre au vide juridique actuel qui caractérise le sort des données personnelles à la mort d’une personne. Telles qu’elles sont rédigées, ces dispositions participent au principe de libre disposition des données personnelles reconnu par l’article 26 du projet de loi, qui prévoit que « [t]oute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant », en lui permettant de décider, de son vivant, du devenir de ses données et de définir des consignes qui seront appliquées après sa disparition.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Votre Commission a adopté sans réserve les dispositions du présent article relatives au droit à l’effacement accéléré des données à caractère personnel collectées lorsque la personne concernée était mineure.
En revanche, elle a sensiblement précisé la portée des dispositions de cet article qui concernent le devenir des données d’une personne après son décès.
D’une part, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, elle a adopté un amendement de Mme Marietta Karamanli spécifiant que les directives générales ou particulières devraient faire l’objet d’un consentement spécifique de la personne concernée et ne sauraient résulter de la seule approbation des conditions générales d’utilisation du service qui les propose.
D’autre part, elle a strictement encadré les modalités d’accès des héritiers aux données du défunt en l’absence de directive de la personne. Dans le prolongement des préoccupations formulées par la CNIL dans son avis et avec le souci partagé par votre rapporteur et plusieurs parlementaires de tenir compte du caractère personnel des droits « Informatique et libertés », la Commission a adopté deux amendements du Gouvernement.
Le premier, qui a supprimé le 3° du présent article, a rétabli, à l’inverse, les deux derniers alinéas de l’actuel article 40 de la loi « Informatique et libertés », lesquels permettent aux héritiers d’une personne décédée, « si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que les données à caractère personnel la concernant faisant l’objet d’un traitement n’ont pas été actualisées », d’« exiger du responsable de ce traitement qu’il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence » (enregistrement du décès, verrouillage du compte).
Le second a posé expressément l’intransmissibilité des droits « Informatique et libertés » après le décès de leur titulaire lorsque ce dernier n’a pas laissé de directive particulière quant aux modalités de conservation et de communication de ses données à sa disparition. Par dérogation à ce principe, il a prévu que les héritiers pourraient seulement, après le décès de la personne concernée, « avoir accès aux données contenues dans les traitements de données à caractère personnel de la personne décédée lorsque celles-ci sont nécessaires à la liquidation et au partage de la succession ». Enfin, il est prévu que lorsqu’un notaire serait chargé de la liquidation et du partage de cette succession, il pourrait demander l’accès à ces informations à condition de joindre à sa demande un mandat l’autorisant à agir au nom des ayants droit.
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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL164, CL166 et CL167 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l’amendement CL153 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement vise à préciser que le représentant légal du mineur concerné peut également saisir la CNIL en cas de non-exécution de la demande d’effacement des données personnelles.
M. le rapporteur. Les expressions « la personne concernée » et « toute personne physique » figurent déjà dans les articles de la loi du 6 janvier 1978 qui portent sur les droits en matière de traitements des données, sans que cela pose de difficulté.
D’autre part, l’article 388-1-1 du code civil dispose que « l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ». Votre amendement est donc satisfait, et je vous invite à le retirer.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement tient le même raisonnement : l’intervention des représentants légaux résulte du droit commun, qui s’applique en l’espèce. Si nous apportions la précision que vous proposez, cela pourrait laisser penser que le mineur peut agir seul, alors qu’il doit être représenté. Elle n’est donc pas utile, voire fait courir un risque juridique.
M. Patrice Martin-Lalande. Je retire l’amendement. Néanmoins, j’appelle l’attention de notre commission sur le fait que l’internet est probablement le domaine dans lequel les mineurs sont le plus exposés à des risques.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Votre observation est pertinente.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL168 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL326 de M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin. L’article 32 prévoit que les dispositions relatives au droit à l’oubli pour les mineurs ne s’appliquent pas lorsque le traitement de données à caractère personnel est nécessaire « pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information ». Afin de mieux protéger les mineurs, il me semble plus sage d’en rester aux exceptions prévues à l’article 67 de la loi du 6 janvier 1978, à savoir l’expression littéraire et artistique, d’une part, et l’exercice de l’activité de journaliste, d’autre part.
M. le rapporteur. Depuis l’arrêt « Google Spain » de la Cour de justice de l’Union européenne notamment, nous sommes tous attachés à ce que toute demande tendant à l’effacement de données personnelles soit examinée au regard des exigences en matière de liberté d’expression. Sur tous les bancs de cette assemblée, je le crois, nous serons très vigilants sur ce point.
En outre, le périmètre des exceptions au droit à l’oubli pour les mineurs est précisément défini par l’article 17 du projet de règlement européen relatif à la protection des données. Parmi ces exceptions figure « l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information ». Cette rédaction est plus large et permet de mieux répondre à l’objectif recherché. Je propose que nous nous en tenions à cette rédaction et vous invite à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL169 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL54 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Avec cet article 32 portant sur le droit à l’oubli pour les mineurs, le projet de loi prend une fois de plus les devants par rapport à un texte européen, en l’espèce le projet de règlement communautaire relatif à la protection des données. Cela me semble moins gênant que dans le cas des plateformes, pour deux raisons : d’une part, à la différence des articles 20 et 21 que nous avons examinés précédemment, l’article 32 ne me semble pas s’éloigner excessivement du projet de règlement ; d’autre part, ces dispositions n’auront pas d’incidence économique sur les acteurs concernés dans la mesure où elles sont déjà mises en œuvre.
Cela étant, l’article 32 précise les cas où le droit à l’oubli pour les mineurs ne peut s’appliquer. Le traitement des données pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique fait partie de la liste. Or le projet de loi relatif à la santé qui est actuellement soumis au Conseil constitutionnel traite justement des données de santé à caractère personnel dans son article 193. Il serait utile de faire un lien entre ces dispositions afin d’éviter, une fois de plus, le « saucissonnage » auquel le Gouvernement aime tant se livrer !
M. le rapporteur. Ainsi que nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, nous ne pouvons pas ajouter d’exceptions à la liste prévue à l’article 17 du projet de règlement européen. D’autre part, l’objet de l’article 193 du projet de loi relatif à la santé est non pas de régir les conditions de mise en œuvre des traitements de données de santé, mais d’encadrer l’ouverture de ces données en prévoyant d’importantes garanties pour le respect de la vie privée, notamment l’anonymisation préalable des bases de données. Je souhaite donc le retrait de votre amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable à cet amendement. À l’heure actuelle, le Gouvernement est bien davantage tenu par la rédaction du projet de règlement européen relatif à la protection des données, qui doit entrer en vigueur dans quelques mois tout au plus, que par une éventuelle législation non encore écrite. Votre raisonnement peut donc être contredit, monsieur Tardy.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte les amendements rédactionnels identiques CL165 du rapporteur et CL349 de M. Sergio Coronado.
Elle en vient à l’amendement CL432 de M. Bertrand Pancher.
Mme Maina Sage. Cet amendement rédactionnel vise à spécifier que les motifs mentionnés à l’alinéa 10 – fins scientifiques, statistiques et historiques – sont non pas cumulatifs, mais alternatifs.
M. le rapporteur. Je vous remercie de votre lecture attentive du texte. Avis favorable à cette précision.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL55 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Ainsi que l’a recommandé la CNIL, il s’agit de faire le lien entre l’alinéa 10 et l’article 36 de la loi du 6 janvier 1978, qui traite du régime des archives et des données historiques.
M. le rapporteur. Cette précision ne me paraît pas utile, dans la mesure où les traitements dont il est question sont bien connus de la loi du 6 janvier 1978 sans qu’il soit nécessaire de renvoyer à un article spécifique de cette loi.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL687 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. S’agissant du devenir des données personnelles après le décès de la personne, le projet de loi prévoit deux hypothèses : soit le défunt a défini des directives définissant le sort des données à son décès, et celles-ci peuvent alors être transmises aux personnes désignées expressément par les directives ; soit, en l’absence de directives, les données font l’objet d’une transmission aux héritiers dans un ordre déterminé par le projet de loi.
Cette transmission automatique peut paraître souhaitable pour faciliter, par exemple, le règlement de la succession, mais elle est contraire au caractère personnel des données, qui ont vocation à s’éteindre en même temps que l’intéressé.
De même, il convient de mieux tenir compte de la nature juridique des droits visés par l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978 : il s’agit de droits personnels, qui, en principe, s’éteignent eux aussi avec le décès de la personne qui en est titulaire.
Conformément à la délibération de la CNIL du 19 novembre 2015, les amendements déposés par le Gouvernement – le présent amendement, ainsi que le CL690 qui sera examiné ultérieurement – tendent à encadrer l’accès aux données et l’exercice de ces droits par les héritiers.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CL56 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à améliorer la lisibilité de l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978, qui est considérablement étoffé par le présent projet de loi.
M. le rapporteur. Comme bien souvent, vous avez procédé à une lecture fine du texte, monsieur Tardy. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL433 de M. Bertrand Pancher.
Mme Maina Sage. Cet amendement tend à préciser que les données à caractère personnel dont une personne peut définir les modalités de conservation et de communication après son décès sont uniquement celles qui ont été mises en ligne par ladite personne.
M. le rapporteur. L’objet même de l’article 32 est de viser l’ensemble des données à caractère personnel se rapportant à un individu, qu’il les ait lui-même mises en ligne ou non. Votre amendement apporterait une restriction par rapport à la rédaction actuelle. Je vous invite à le retirer.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL171, CL172 et CL173 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL389 de Mme Marietta Karamanli.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Aux termes de cet amendement, les directives particulières concernant les traitements de données à caractère personnel après le décès de la personne devront faire l’objet d’un consentement spécifique, qui ne résulte pas simplement de la « fatigue du clic ».
M. le rapporteur. Je partage cette préoccupation. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements de précision CL174 et CL175 du rapporteur, ainsi que son amendement rédactionnel CL176.
En conséquence, l’amendement CL434 de M. Bertrand Pancher tombe.
La Commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL177, CL179 et CL178 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CL435 de M. Bertrand Pancher, l’amendement CL690 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL691 de M. Lionel Tardy, les amendements CL327 de M. Philippe Gosselin, CL57 de M. Lionel Tardy et CL567 du rapporteur.
Mme Maina Sage. L’amendement CL435 vise à supprimer l’alinéa 22, qui pose problème à notre sens dans la mesure où il permet aux héritiers d’exercer les droits mentionnés à l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978 même si la personne décédée n’avait donné aucune directive quant au traitement de ses données personnelles après son décès. La CNIL a d’ailleurs exprimé sa réserve à ce sujet en rappelant qu’il fallait soumettre l’accès des héritiers aux données à des conditions strictes.
Mme la secrétaire d’État. Conformément à l’avis rendu par la CNIL au sujet de la « mort numérique », le Gouvernement souhaite restreindre la portée de l’article 32 en limitant les droits des héritiers. Ainsi l’amendement CL690 prévoit que, en l’absence de directives définies par le défunt, les héritiers peuvent avoir accès à ses données personnelles pour les seuls besoins de la succession.
M. Lionel Tardy. Concernant la « mort numérique », l’article 32 est très détaillé pour le cas où le défunt a laissé des directives, mais beaucoup moins pour celui où de telles directives font défaut. Dans la rédaction initiale, en l’absence de directives, les héritiers avaient presque tous les droits – accès aux données, opposition, effacement, rectification –, alors même que tel n’était pas forcément le souhait de la personne décédée. La CNIL a d’ailleurs estimé que ces dispositions pouvaient poser problème au regard du droit positif, notamment européen.
Si nous adoptions l’amendement du Gouvernement, ce serait l’inverse : en l’absence de directives, les héritiers n’auraient plus aucun droit, sauf lorsque cela serait nécessaire pour la succession.
Il faut trouver un juste milieu. Tel est le sens tant de mon sous-amendement CL691 que de mon amendement CL57 : je propose de revenir à la rédaction de la loi du 6 janvier 1978, laquelle prévoit que les héritiers peuvent demander l’effacement des données sur présentation d’un justificatif d’identité. Ce dispositif fonctionne plutôt bien, notamment pour ce qui est des réseaux sociaux.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. J’appelle l’attention du Gouvernement sur la dernière phrase de l’amendement CL690 : « Lorsqu’un notaire a été désigné dans ce cadre, celui-ci peut demander l’accès à ces informations s’il joint à sa demande un mandat l’autorisant à agir au nom des ayants droit. » En effet, un notaire n’a pas à justifier qu’il représente les héritiers, puisque c’est à lui qu’il revient d’attester la qualité d’héritier.
Mme la secrétaire d’État. Ce point, que je vous remercie de nous avoir signalé, sera examiné par les services juridiques compétents. Au besoin, nous reviendrons dessus en séance publique.
M. Philippe Gosselin. La « mort numérique » est un sujet important. La nouveauté, ce sont les directives anticipées, que l’on retrouve d’ailleurs dans la proposition de loi de nos collègues Jean Leonetti et Alain Claeys concernant la fin de vie. Reste que, actuellement, tout le monde ne rédige pas de directives anticipées, et que tout le monde ne le fera pas non plus à l’avenir. En outre, il est particulièrement compliqué d’entrer dans le détail des directives anticipées, de la vie numérique, du devenir des données après la mort.
L’amendement du Gouvernement prévoit que, en l’absence de directives, l’on s’en tienne aux nécessités de la succession. Cette approche me paraît trop étroite. Il faut aller au-delà : les héritiers doivent pouvoir exiger des responsables du traitement des données qu’ils prennent en considération le décès et procèdent à des mises à jour, ainsi que je le propose par mon amendement CL327. La CNIL s’est interrogée, elle aussi, sur ces questions.
M. le rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.
Mme Maina Sage. Je retire également le mien. Il convient de trouver une voie médiane.
M. le rapporteur. Le sous-amendement CL691, l’amendement CL57 et l’essentiel de l’amendement CL327 sont satisfaits : l’amendement CL687 que nous avons adopté précédemment a rétabli les dispositions en question à l’article 40 de la loi du 6 janvier 1978. Le seul point qui n’est pas traité est celui de la clôture des comptes, abordé par l’amendement CL327. Je propose que nous revenions dessus en séance publique, monsieur Gosselin.
M. Philippe Gosselin. Compte tenu de ces explications, je retire mon amendement et en déposerai un autre sur ce dernier point lors de la réunion qui sera organisée au titre de l’article 88 du Règlement.
Les amendements CL435, CL327, CL57, CL567 et le sous-amendement CL691 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL690 du Gouvernement.
Puis elle adopte l’article 32 modifié.
Article 33
(art. 45 et 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Renforcement des procédures et pouvoirs de sanction de la CNIL
Le présent article modifie les articles 45 et 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », relatifs aux sanctions susceptibles d’être prononcées par la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), seule habilitée à sanctionner un responsable de traitement.
a. Trois procédures de sanctions…
L’article 45 précité prévoit aujourd’hui trois procédures de sanctions graduées selon la gravité du manquement.
Si le responsable du traitement ne respecte pas les obligations découlant de la loi « Informatique et libertés » (I de l’article 45), il s’expose, à l’issue d’une procédure contradictoire, à un avertissement de la formation restreinte de la CNIL et à une mise en demeure de son président de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’il fixe, délai qui peut être ramené à cinq jours en cas d’urgence. À défaut de mise en conformité du responsable du traitement, la formation restreinte peut prononcer à son encontre, après une procédure contradictoire, une sanction pécuniaire (sauf lorsque le traitement est mis en œuvre par l’État) et une injonction de cesser le traitement lorsqu’il s’agit d’un traitement soumis à déclaration préalable ou un retrait de l’autorisation lorsqu’il s’agit d’un traitement soumis à l’autorisation préalable de la CNIL.
« Lorsque la mise en œuvre d’un traitement ou l’exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l’article 1er » (II du même article), la formation restreinte peut engager une procédure d’urgence et, après une procédure contradictoire, décider d’interrompre la mise en œuvre du traitement pendant un délai maximal de trois mois (sauf pour les fichiers sensibles de l’État), de prononcer un avertissement, de verrouiller certaines données personnelles pendant un délai maximal de trois mois (sauf pour les fichiers sensibles de l’État) et d’informer le Premier ministre afin qu’il prenne les mesures nécessaires pour faire cesser les manquements lorsqu’il s’agit de fichiers sensibles de l’État.
Enfin, « [e]n cas d’atteinte grave et immédiate aux [mêmes] droits et libertés » (III du même article), le président de la CNIL peut demander, par référé, « à la juridiction compétente d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, toute mesure de sécurité nécessaire à la sauvegarde de ces droits et libertés ».
L’article 46 précise les conditions dans lesquelles ces sanctions sont prononcées par la formation restreinte de la CNIL qui est soumise aux stipulations relatives au procès équitable de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (voir l’encadré ci-après).
Les premier et dernier alinéas de l’article 46 précité définissent la procédure applicable devant la formation restreinte. Le président de la CNIL désigne un rapporteur parmi les membres n’appartenant pas à la formation restreinte, chargé des fonctions d’instruction du manquement. Le rapporteur peut s’exprimer oralement devant la formation restreinte mais ne prend pas part à ses délibérations. Son rapport est notifié au responsable du traitement qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. La formation restreinte peut procéder à l’audition de toute personne utile à son information. Ses décisions, qui doivent être motivées et notifiées au responsable du traitement, sont susceptibles de recours devant le Conseil d’État.
Un régime particulier de publicité des sanctions est prévu au deuxième alinéa de cet article. « La formation restreinte peut rendre publiques les sanctions qu’elle prononce » et « ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne aux frais des personnes sanctionnées ». De même, le président de la CNIL peut demander au bureau de cette institution de rendre publique la mise en demeure qu’il a prononcée à l’égard d’un responsable de traitement. Enfin, lorsque le responsable du traitement s’est conformé à la mise en demeure qui lui a été adressée, la clôture de la procédure de sanction décidée par le président de la CNIL « fait l’objet de la même mesure de publicité que celle, le cas échéant, de la mise en demeure ».
La jurisprudence du Conseil d’État relative à
la procédure devant la formation restreinte de la CNIL
Le Conseil d’État considère que la formation restreinte de la CNIL constitue un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1). « Lorsqu’elle est saisie d’agissements pouvant donner lieu à l’exercice de son pouvoir de sanction, [la formation restreinte] doit être regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (2).
Il juge que la procédure devant la formation restreinte est conforme aux exigences d’impartialité et d’indépendance en raison de la séparation des fonctions, d’une part, d’instruction – confiées à un rapporteur désigné parmi les membres de la CNIL n’appartenant pas à la formation restreinte et ne prenant pas part à ses délibérations – et de poursuite – qui peuvent être exercées par le président de la CNIL lorsqu’elle saisit la formation restreinte de manquements – et, d’autre part, de sanction – exercées par la formation restreinte (3).
Enfin, il analyse la décision de publicité comme une sanction complémentaire mais juge qu’« aucune disposition non plus qu’aucun principe n’impose qu’elle fasse l’objet d’une motivation spécifique, distincte de la motivation d’ensemble de la sanction principale qu’elle complète » (4).
(1) CE référé, 19 février 2008, n° 311974.
(2) CE, 10e et 9e sous-sections réunies, 12 mars 2014 n° 353193.
(3) Id.
(4) CE, 10e et 9e sous-sections réunies, 12 mars 2014, n° 354629.
b. …qui manquent d’efficacité et de crédibilité
Ces dispositions présentent plusieurs lacunes :
– la longueur du délai de mise en demeure – cinq jours – en cas d’inobservation des obligations légales en matière de protection des données paraît excessive au regard des situations d’extrême urgence qui peuvent se présenter et de l’immédiateté des conséquences des manquements sur les personnes ;
– la procédure actuelle n’autorise pas la formation restreinte à prononcer une sanction pécuniaire et une injonction de cesser le traitement ou un retrait de l’autorisation sans mise en demeure préalable de la part du président de la CNIL : un traitement illégal qui n’entraînerait pas une violation des droits et libertés mentionnés à l’article 1er de la loi peut donc continuer à être mis en œuvre le temps de cette mise en demeure. En revanche, la formation restreinte peut, sans mise en demeure préalable, prononcer un avertissement, mais cette sanction peut alors être insuffisante au regard de la gravité de la faute qui a pu être commise par le responsable du traitement ou du préjudice qu’il a pu causer ;
– dans la procédure applicable aux atteintes graves et immédiates aux droits et libertés, le référé judiciaire ne permet d’ordonner que les mesures « de sécurité » nécessaires à la sauvegarde de ces droits et libertés : cela présuppose que le manquement résulte nécessairement de failles de sécurité, ce qui n’est pas toujours le cas ; de plus, le référé ne permet pas de demander d’autres mesures de nature à faire cesser le manquement grave, comme la suspension du traitement ;
– alors que la CNIL peut rendre publiques les sanctions décidées par sa formation restreinte ou la mise en demeure prononcée par son président, la personne directement concernée par le manquement du responsable de traitement n’est, quant à elle, étrangement pas informée.
2. L’amélioration des procédures de sanctions
C’est à l’ensemble de ces lacunes que le présent article entend répondre en rationalisant et clarifiant les procédures de sanctions prévues aux I et III de l’article 46 précité en cas respectivement d’inobservation des obligations légales et d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés. Il tend ainsi à renforcer l’efficacité et la crédibilité de ces sanctions à l’égard de responsables de traitements parfois puissants et réticents à se conformer aux règles en matière de protection de la vie privée.
a. La réforme de la procédure de sanction en cas de non-respect des obligations légales
Tout d’abord, le 1° du I modifie la procédure de sanctions applicables au responsable d’un traitement qui n’a pas respecté les obligations légales :
– il fait, par principe, de la mise en demeure du président de la CNIL le préalable nécessaire au prononcé d’une autre sanction par la formation restreinte, y compris l’avertissement qui, bien que revêtant le caractère d’une sanction, peut aujourd’hui être prononcé sans cette mise en demeure préalable ;
– il réduit le délai dans lequel le responsable du traitement doit faire cesser son manquement en cas d’extrême urgence.
Ainsi, dans l’hypothèse où le responsable du traitement ne respecterait pas les obligations découlant de la loi « Informatique et libertés », le président de la CNIL pourrait le mettre en demeure de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’il fixe comme c’est le cas actuellement, mais ce délai pourrait être ramené, « [e]n cas d’extrême urgence », à vingt-quatre heures, contre cinq jours aujourd’hui « [e]n cas d’urgence ». À défaut de mise en conformité du responsable du traitement, la formation restreinte aurait alors la possibilité de prononcer, à l’issue d’une procédure contradictoire, un avertissement, sanction de premier ressort aujourd’hui, une sanction pécuniaire et une injonction de cesser le traitement dans les conditions du droit actuel.
Par dérogation, le même 1° autorise la formation restreinte à prononcer l’une de ces trois sanctions sans mise en demeure préalable « lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure ». Cette disposition vise plus particulièrement le prononcé, sans mise en demeure préalable, d’une sanction pécuniaire. La suppression de l’exigence de mise en demeure préalable avant le prononcé d’une telle sanction paraît proportionnée et justifiée par l’impossibilité de réparer le manquement au travers d’une mise en conformité et participe à une meilleure personnalisation de la sanction. Cette hypothèse peut se présenter lorsque le manquement, qui a cessé et n’appelle plus de correction, a causé un réel préjudice à des tiers, ou en présence d’une situation urgente dans laquelle le droit actuel ne permet pas le prononcé d’une sanction pécuniaire.
b. L’élargissement du champ du référé judiciaire en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés
Le 2° du même I élargit le champ du référé judiciaire en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés.
Il permet au président de la CNIL de demander à la juridiction compétente d’ordonner, le cas échéant sous astreinte, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des droits et libertés, sans préciser la nature de ces mesures qui pourront tendre aussi bien à restaurer la sécurité du traitement qu’à suspendre sa mise en œuvre.
c. Le renforcement de la publicité des sanctions
Le II du présent article, né de la consultation citoyenne, complète le deuxième alinéa de l’article 46 précité relatif à la publicité des sanctions. Il prévoit que la formation restreinte puisse « ordonner que les personnes sanctionnées informent individuellement de [ces] sanction[s], à leur frais, chacune des personnes concernées ».
Votre rapporteur se félicite que les dispositions du présent article, tout en permettant une meilleure réactivité et une plus grande efficacité de la part de la formation restreinte de la CNIL statuant sur les manquements de responsables de traitements, ne modifient pas l’équilibre global des sanctions susceptibles d’être prononcées à leur égard, lesquelles demeurent graduées et proportionnées à la gravité desdits manquements. Elles préservent une possibilité pour les organismes concernés de faire valoir leurs observations, d’être représentés ou assistés par un avocat et de contester les sanctions prononcées à leur égard.
Auditionnée par votre rapporteur, la CNIL est également apparue satisfaite des évolutions contenues dans cet article.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
La Commission a approuvé la modernisation des procédures de sanctions aux obligations de la loi « Informatique et libertés » telle qu’elle est prévue par le présent article.
À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, elle a adopté un amendement tendant à la clarification des conditions dans lesquelles est mise en œuvre la procédure de sanctions en application du II de l’article 45 de la loi « Informatique et libertés ». En vertu de ce II, « lorsque la mise en œuvre d’un traitement ou l’exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l’article 1er, la formation restreinte peut, après une procédure contradictoire, engager une procédure d’urgence, définie par décret en Conseil d’État » pour prononcer un certain nombre de sanctions : interruption de la mise en œuvre du traitement, avertissement, verrouillage de certaines données, information du Premier ministre.
Dans son avis sur le présent projet de loi, la CNIL avait indiqué que la rédaction de ce II « fait peser sur la formation restreinte la charge d’engager la procédure d’urgence, ce qui pourrait laisser supposer une forme de pré-jugement, alors que la CEDH exige une séparation des fonctions d’instruction et de jugement. Il conviendrait donc de prévoir la saisine de la formation restreinte par le président. Ensuite, la formulation actuelle, qui prévoit que la formation peut « après une procédure contradictoire, engager une procédure d’urgence » laisse supposer que la formation restreinte devrait suivre une procédure contradictoire, en urgence, à la fois avant d’engager une procédure de sanction puis dans le cadre de celle-ci, avant le prononcé de la décision. La procédure d’urgence serait ainsi plus longue et plus complexe que la procédure ordinaire ».
En conséquence, le 1° bis du I du présent article, sans modifier ni le champ ni la portée de cette procédure, en clarifie les conditions d’application pratique dans le sens souhaité par la CNIL en prévoyant :
– en premier lieu, que la formation restreinte sera saisie par le président de la commission, conformément au principe de séparation des fonctions d’instruction et de poursuite d’une part, et de jugement d’autre part ;
– en second lieu, que la procédure contradictoire s’appliquera avant le prononcé de la décision de la formation restreinte, et non avant l’engagement de la procédure de sanctions.
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL59 et CL58 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je comprends bien l’intérêt pour la CNIL de disposer d’une procédure d’urgence. En revanche, parler d’« extrême urgence » ne me paraît pas utile. Je pense également qu’il faudrait définir ce que l’on entend par « urgence ».
M. le rapporteur. Le législateur utilise couramment cette notion d’« extrême urgence », ou des notions voisines, par exemple en matière de contrôle des activités de renseignement, où des dérogations sont prévues en cas d’« urgence absolue », ou en matière d’expropriation.
Il convient, je crois, de laisser la CNIL apprécier ce qui relève, ou non, de l’extrême urgence. Je propose le retrait des amendements.
Mme la secrétaire d’État. Je confirme que ces notions sont bien connues, notamment du droit administratif. Il existe une jurisprudence sur ce sujet et notamment sur le champ d’application de cette notion. Le qualificatif « extrême » a été ajouté à la demande des entreprises elles-mêmes, soucieuses de s’assurer que ces délais raccourcis ne seraient pas utilisés de façon exagérée.
La Commission rejette successivement ces deux amendements.
Puis elle adopte l’amendement de précision CL513 du rapporteur.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL60 de M. Lionel Tardy et CL328 de M. Philippe Gosselin, ainsi que les amendements CL516 du rapporteur et CL264 de M. Sergio Coronado.
M. Lionel Tardy. Mon amendement reprend la rédaction pertinente suggérée par la CNIL dans son avis.
Quitte à modifier le I de l’article 45, autant modifier également le II, principalement pour respecter la séparation des fonctions d’instruction et de jugement exigée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cela ne me semble pas être le cas à l’heure actuelle, puisque la formation restreinte engage la procédure d’urgence et prononce les sanctions. Nous avons déjà effectué des modifications similaires pour d’autres autorités administratives indépendantes.
M. Philippe Gosselin. Les arguments de la CNIL sont en effet convaincants, et permettent d’éviter toute ambiguïté.
M. le rapporteur. Je partage entièrement les objectifs de ces amendements identiques. Toutefois, je vous propose de vous rallier à mon amendement CL516, pour des raisons rédactionnelles. Cet amendement procède, de surcroît, à une coordination rendue nécessaire par le 1° du I de l’article 33 du projet de loi.
Quant à l’amendement suivant, CL264, sa rédaction omet l’exigence du contradictoire avant le prononcé des sanctions. Je préfère donc, pour cette raison également, le CL516.
Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement CL264 pour me rallier à l’amendement du rapporteur.
Les amendements CL60, CL328 et CL264 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CL516.
Puis elle adopte l’amendement de coordination CL180 du rapporteur
Elle adopte ensuite l’article 33 modifié.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL478 de Mme Karine Berger, CL265 de M. Sergio Coronado, CL87 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et CL454 de M. Philippe Gosselin.
Mme Karine Berger. Je propose de confier à la CNIL la mission de protéger l’ensemble des données privées et de renforcer ses pouvoirs de régulation.
Il faut également lui donner, dans l’esprit des travaux européens, des moyens de sanction. Le projet de règlement européen prévoit que les autorités régulatrices pourront infliger des sanctions pécuniaires très lourdes. L’amendement tend donc à augmenter les possibilités pour la CNIL d’infliger des sanctions pécuniaires.
C’est la seule solution pour affronter ce que l’on appelle les « GAFA » – Google, Apple, Facebook, Amazon – face auxquels les États ont bien du mal à peser. La capitalisation boursière d’Apple s’élève à 600 ou 700 milliards de dollars, celle de Google à 500 milliards : ce sont aujourd’hui des puissances financières équivalentes voire supérieures, à celles de bien des États. Si nous voulons que les régulateurs puissent s’imposer, il faut que les sanctions pécuniaires encourues soient proportionnelles à la force de ceux qui pourraient, dans le futur, commettre des actions illicites.
Mme Isabelle Attard. Dans le même esprit, l’amendement CL265 vise à permettre à la CNIL d’infliger des amendes qui soient à la hauteur du chiffre d’affaires des GAFA, et de toutes les entreprises qui aujourd’hui maîtrisent, contrôlent voire verrouillent le marché. C’est la seule solution pour que nous soyons crédibles. Cet amendement propose donc des augmentations sensibles des plafonds d’amendes.
Le compromis adopté par le Parlement européen prévoit une amende maximale de 100 millions d’euros, dans la limite de 5 % du chiffre d’affaires ; cela se justifie par le poids de certains acteurs du monde numérique, qui fondent parfois leur modèle économique sur la gestion des données. Toutefois, ce nouveau montant ne devrait pas entrer en vigueur avant deux ans et demi, comme l’a noté la CNIL.
M. Patrice Martin-Lalande. Nous poursuivons le même but. Il ne faut pas se contenter de prononcer des sanctions ; il faut modifier les comportements. Or les sanctions qui existent actuellement ont peu de chances d’émouvoir les GAFA.
Mon amendement vise donc à anticiper la fixation d’amendes pécuniaires à la hauteur de la situation, telles qu’elles sont prévues par le règlement européen.
Ceux qui ne respectent pas les droits reconnus aux internautes par la loi doivent être sanctionnés, et ces sanctions doivent être suffisantes et effectives. C’est l’un des ressorts de la confiance dans l’économie numérique, et dans le numérique en général.
M. Philippe Gosselin. Le ridicule ne tue pas – mais quand même. Des sanctions maximales de 150 000 euros quand on s’adresse à des entreprises comme les GAFA, dont la puissance économique dépasse très largement l’addition de nombreux États, ce n’est franchement pas sérieux.
Bien sûr, il n’y a pas que la sanction pécuniaire : la publicité donnée à une sanction peut par exemple avoir des effets réels, dissuasifs.
Les sommes actuelles n’en sont pas moins dérisoires. Augmentons-les. Nous avons aujourd’hui une idée raisonnable de ce que sera à l’avenir la législation européenne, mais elle ne s’appliquera qu’à partir de 2018. Il faut agir dès aujourd’hui.
Nous pourrions également introduire la notion de récidive, ce que le règlement européen ne fait pas. Je suis contre le « village gaulois » et l’isolement, mais il faut aussi savoir utiliser nos procédures nationales quand elles sont pertinentes.
M. le rapporteur. Ces sommes seront bientôt inscrites dans le droit, et il ne me paraît pas utile d’anticiper l’application du règlement.
Votre amendement, madame Attard, propose d’ailleurs des sommes en retrait par rapport à ce que prévoit le règlement européen. Je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitiez.
Parmi ces amendements, c’est certainement celui de Mme Berger qui est le plus proche de l’esprit du règlement européen. Mais il ne reprend pas l’ensemble des motifs d’imposition de sanctions pécuniaires mentionnés à l’article 79 du règlement européen.
Je souhaite pour ma part que nous attendions l’application de ce règlement, et vous propose de retirer ces amendements.
Mme la secrétaire d’État. La logique suivie par le Gouvernement est de n’anticiper sur l’application du règlement que si celui-ci prévoit pour les États une marge de manœuvre. Or ce n’est pas le cas ici. Je comprends bien le raisonnement des auteurs de ces amendements : faut-il encore pendant deux ans prononcer des sanctions de 150 000 euros en cas de non-respect de la législation sur les données personnelles ?
Mais les amendements proposés ne suivent pas à la lettre le règlement européen. Il nous faudrait donc de toute façon en corriger la rédaction, notamment pour les sanctions les plus graves. Celles-ci concernent en outre des manquements évalués à l’échelle du marché unique européen.
Je suis donc relativement perplexe. Je vous demande de retirer ces amendements. Nous pourrions travailler ensemble à une rédaction acceptable pour tous.
Mme Karine Berger. Je retire mon amendement, et serai ravie de travailler avec le Gouvernement sur ce sujet.
Mme Isabelle Attard. Je suis prête également à retirer notre amendement si quelque chose de solide nous est présenté ; mais je ne veux pas m’entendre dire en séance que l’on ne fera rien avant deux ans et demi ! Il me paraît important de marquer le coup maintenant, face à des gens qui se gavent toujours plus chaque mois. Chaque jour de délai est un jour perdu dans ce bras de fer avec des gens qui ne comprennent pas qu’ils doivent faire un effort de transparence et d’éthique. La loi doit le leur imposer maintenant, et non dans deux ans et demi.
Je ne retirerai donc l’amendement que si des assurances nous sont données sur ce point.
M. Philippe Gosselin. Je commence par apporter une précision. Le règlement européen prévoit trois niveaux de sanction différents. Nous parlons ici de la partie visible de l’iceberg ; mais la formation restreinte de la CNIL a aussi à traiter de cas qui sont bien, bien loin des montants en jeu avec les GAFA, et pour lesquels 30 000 à 40 000 euros d’amende sont une sanction parfaitement appropriée.
Madame la secrétaire d’État, vous vous proposez de retravailler ce sujet : faut-il entendre là un engagement du Gouvernement à déposer un amendement qui, dès maintenant et pour une période transitoire, augmentera les sanctions actuellement prévues ? Monsieur le rapporteur s’engage-t-il à présenter un dispositif de ce type ?
Il y a tant de sujets à reprendre d’ici à samedi que je ne vois pas comment nous allons tous les traiter ! Je veux bien retirer mon amendement, mais je ne veux pas lâcher la proie pour l’ombre.
M. Patrice Martin-Lalande. Les homologues européens de la CNIL ont-ils la même volonté de voir renforcer les sanctions applicables ? S’il y avait une volonté partagée des autorités de régulation, mais aussi des gouvernements, ne peut-on pas imaginer une évolution parallèle dans les autres pays européens, ce qui permettrait de prendre en considération l’ensemble du marché unique pour le calcul des sanctions dès avant 2018 ?
Je partage le point de vue de mes collègues : je ne retirerai cet amendement, déposé notamment avec Mme Kosciusko-Morizet, que si j’ai l’engagement du Gouvernement ou du rapporteur, voire des deux ensemble, qu’un amendement soit déposé pour répondre au souhait exprimé sur tous les bancs cet après-midi.
M. le rapporteur. Je souhaite que ce travail soit mené, mais je ne prendrai pas l’engagement de déposer un tel amendement en vue de la séance publique. Je souligne que le texte européen n’est pas encore traduit officiellement.
M. Patrice Martin-Lalande. Bercy ne l’a pas encore traduit ?
Mme la secrétaire d’État. Nous parlons d’un texte adopté le 16 décembre, et qui compte tout de même 191 pages dans lesquelles la moindre virgule est importante. Les processus internes de traduction sont donc très longs.
Je ne peux pas m’engager à ce stade à déposer un amendement dans le sens que vous souhaitez, notamment parce qu’une consultation de la Chancellerie, qui a négocié cet accord, serait nécessaire. Je peux en revanche m’engager à approfondir le travail sur le sujet. Vous connaissez mon attachement à cette question. En Espagne, le plafond de sanction est aujourd’hui d’un million d’euros : c’est déjà supérieur à nos 150 000 euros !
Une question de droit communautaire se pose toutefois : est-il possible à ce stade de modifier le droit français en introduisant une étape vers le niveau de sanction maximal tel qu’il sera défini par le règlement européen, alors que celui-ci est tout près d’être adopté définitivement ?
Je m’interroge également sur l’introduction d’un seuil de sanction en fonction du chiffre d’affaires. En l’absence de texte européen qui nous l’impose, il y a en effet un risque que cette mesure soit censurée par le Conseil constitutionnel.
Nous marchons sur des œufs : si je m’engage à tenter d’avancer, je ne peux pas vous promettre de disposer d’ici à la séance publique d’une rédaction définitive. Ces amendements soulèvent une question importante. Le sujet aura peut-être mûri lorsque le texte arrivera au Sénat – ne serait-ce que parce que la traduction officielle sera alors disponible.
Je vous tiendrai informés du résultat de nos recherches sur la situation dans les différents pays européens, et des solutions trouvées par le Gouvernement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je constate en tout cas qu’il existe un large consensus au sein de la commission.
L’amendement CL478 est retiré.
La Commission rejette successivement les amendements CL265, CL87 et CL454.
Article 33 bis (nouveau)
(art. 49 bis [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Coopération entre la CNIL et d’autres autorités de protection des données d’États non-membres de l’Union européenne
Le présent article est issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur sous réserve de plusieurs sous-amendements rédactionnels.
Il instaure, au sein d’un nouvel article 49 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (dite « Informatique et libertés »), un nouveau mécanisme de coopération entre la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et son homologue d’un autre État non-membre de l’Union européenne, dès lors que cet État offre un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel.
L’article 49 de la loi « Informatique et libertés », adopté en 2004 lors de la transposition de l’article 28 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 (294), prévoit un mécanisme identique de coopération entre la CNIL et l’autorité d’un État membre de l’Union européenne exerçant des compétences analogues aux siennes. Il dispose ainsi que la CNIL peut, à la demande de cette autorité, procéder à des vérifications dans les mêmes conditions, selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions que celles prévues par la loi « Informatique et libertés », sauf si le traitement en cause est un traitement dit « de souveraineté » (295).
Le présent article transpose l’intégralité de ces dispositions aux cas dans lesquels l’autorité exerçant des compétences analogues à celles de la CNIL appartiendrait à un État non-membre de l’Union européenne. Toutefois, compte tenu des différences de législation qui peuvent exister en matière de protection des données avec les pays extra-européens, il soumet cette coopération à plusieurs conditions :
– en premier lieu, l’État concerné devra disposer d’une législation relative aux traitements de données personnelles comparable à celle qui s’applique au sein de l’Union européenne en offrant « un niveau de protection adéquat », par référence à la notion utilisée par les articles du projet de règlement communautaire sur la protection des données qui portent sur le transfert de données personnelles vers des pays tiers ;
– en second lieu, la CNIL devra avoir préalablement conclu une convention organisant ses relations avec l’autorité concernée, cette convention devant faire l’objet d’une publication au Journal officiel.
Ainsi prévue, cette coopération internationale répondra utilement aux enjeux transfrontaliers soulevés par l’activité de nombreux responsables de traitements de données à caractère personnel au-delà de la coopération déjà très avancée des autorités de protection européennes au sein du « groupe de l’article 29 » (G29).
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La Commission examine l’amendement CL266 de M. Sergio Coronado, faisant l’objet des sous-amendements CL633, CL634, CL635 et CL636 du rapporteur.
M. le rapporteur. Sous réserve de l’adoption de mes quatre sous-amendements, qui sont essentiellement rédactionnels, je suis favorable à cet amendement.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement considère que ces sujets sont déjà traités par le règlement européen, qui vise notamment à améliorer la coordination entre les régulateurs nationaux et le futur régulateur européen.
M. le rapporteur. Il s’agit ici d’un mécanisme de coopération avec les Etats qui ne font pas partie de l’Union européenne.
Mme la secrétaire d’État. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La Commission adopte successivement les sous-amendements CL633, CL634, CL635 et CL636, puis l’amendement CL266 modifié.
La Commission se saisit de l’amendement CL268 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, les agents de l’Autorité de la concurrence sont habilités à communiquer à la CNIL toute infraction à la loi « Informatique et libertés » dont ils auraient connaissance.
Il s’agit de donner un pouvoir similaire aux agents de l’ARCEP.
M. le rapporteur. Une disposition similaire existe également pour les agents de la DGCCRF. Toutefois, sur le plan formel, votre amendement tend à inscrire cette disposition dans la partie du code des postes et des communications électroniques relative à la régulation des activités postales. Il serait plus opportun de le faire au sein de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II de ce code, relative aux missions de l’ARCEP à l’égard des opérateurs de communications électroniques.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. Je regrette un risque de confusion entre deux autorités administratives indépendantes, qui ne poursuivent absolument pas les mêmes missions – l’une régule le réseau des télécommunications, et l’autre doit s’assurer du respect de la vie privée et des données personnelles. Chaque agent doit à mon sens rester concentré sur ses propres missions, qui sont déjà suffisamment vastes.
Le Gouvernement n’est donc pas favorable à une telle disposition.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CL89 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement, déposé par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Lionel Tardy, votre serviteur et quelques autres de nos collègues, a pour objet de créer une action collective ayant vocation à faire cesser les violations de la législation sur les données personnelles subies par une multitude de personnes.
L’objectif est de permettre des représentations et actions en justice collectives. Le mécanisme de création de valeur à partir des données est collectif – la donnée individuelle, prise isolément, n’a pas de valeur. Dès lors, seules une représentation et des actions collectives peuvent pallier le déséquilibre actuel des forces entre consommateurs et opérateurs.
C’est pour apporter une réponse à des situations dans lesquelles une multitude de personnes sont concernées par un litige de faible enjeu pour chacune que la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé la procédure d’action de groupe.
On pourrait penser à assouplir les conditions de l’action de groupe dans le domaine de la protection des données personnelles, en l’étendant aux préjudices moraux ainsi qu’aux personnes n’ayant pas la qualité de consommateur à l’égard de l’acteur qui a utilisé leurs données personnelles. Cette voie risquerait cependant de se heurter à la difficile évaluation des préjudices moraux liés à l’utilisation des données personnelles ; c’est d’ailleurs cette difficulté qui a conduit le Parlement à restreindre l’action de groupe aux préjudices patrimoniaux dans la loi du 17 mars 2014. Il paraît donc plus pertinent de créer une voie d’action spécifique, qui serait qualifiée d’action collective pour la distinguer de l’action de groupe, dont l’objet serait de faire cesser la violation de la législation sur les données personnelles et non de réparer les préjudices individuels qu’elle a causés. La loi devrait définir les personnes habilitées à exercer cette action collective, la juridiction compétente et les prérogatives de celle-ci.
Une action collective, distincte de l’action de groupe, est destinée à faire cesser les violations de la législation sur les données personnelles. Cette action est exercée devant le tribunal de grande instance par les associations agréées de protection de consommateurs ou de défense de la vie privée et des données personnelles agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation.
M. le rapporteur. Vous souhaitez, par cet amendement, instituer une action de groupe en matière de violation de la législation sur les données personnelles. En réalité, votre amendement, qui modifie le code pénal, a un objet quelque peu différent.
Votre amendement tend à autoriser les associations de défense des intérêts des consommateurs représentatives et agréées à déposer plainte aux fins de poursuite pénale des infractions d’atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques. D’autre part, il vise à autoriser ces mêmes associations à agir sur le plan civil aux fins de réparation des préjudices subis par un groupe de personnes et résultant de ces mêmes infractions.
Votre amendement soulève, en conséquence, de nombreuses interrogations, dans la mesure où il mêle plusieurs questions distinctes et ne permet pas la création d’une action de groupe en matière de protection des données personnelles dans des conditions juridiques satisfaisantes.
D’autres amendements proposent l’instauration d’une action de groupe en matière de protection des données personnelles, mais tous posent des problèmes de rédaction, et n’atteignent donc pas leur but. J’émettrai donc un avis défavorable à tous ces amendements. Je crois que certains souhaitent travailler à de nouvelles propositions d’ici à la séance ; nous verrons ce qu’il en sera. Mais je signale que ces sujets seront traités plus globalement dans le cadre du projet de loi de réforme de la justice, déposé par le Gouvernement le 31 juillet 2015, connu sous le nom de « Justice du XXIe siècle ».
Mme la secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement rejoint celui du rapporteur.
L’amendement ne précise ni la nature du préjudice subi, ni le cadre procédural de l’action, ni les modalités de la réparation. En outre, il contribue, au détriment de la sécurité juridique, à ce que M. Tardy appelle le « saucissonnage » de la législation. En effet, les actions collectives sont déjà prévues dans le code de la consommation, elles le seront bientôt en matière de lutte contre les discriminations ainsi que dans la loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle. Ce texte, adopté par le Sénat en première lecture, comporte un dispositif de recours collectif de portée générale pour la réparation des préjudices individuels subis par des personnes physiques.
Dans l’attente d’une rédaction plus affinée sur le plan juridique, visant les préjudices moraux liés à l’atteinte à la vie privée et recueillant un large assentiment des parlementaires, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement.
M. Patrice Martin-Lalande. J’entends vos remarques sur les difficultés soulevées par la rédaction.
Toutefois, nous sommes tous d’accord sur la nécessité de sanctions, financières – nous en avons débattu – mais aussi juridiques, pour garantir l’effectivité des droits que nous affirmons et veiller à leur respect. Sans la mise en place de tels outils, parmi lesquels la possibilité donnée de faire valoir ces droits en justice, l’affirmation de ces derniers restera virtuelle.
Nous nous heurtons à la difficulté suivante : le préjudice n’est pas patrimonial mais moral. Les données d’un internaute ne valent presque rien, seule la masse des données présente un intérêt économique pour les grands opérateurs. On ne peut donc pas compter sur des voies de recours individuel car la disproportion considérable entre le préjudice subi et la possibilité de réparation ne permettrait pas de donner satisfaction à l’internaute lésé.
Madame la ministre, peut-on envisager d’améliorer la rédaction dans le sens que vous indiquez ? Nous sommes prêts à y travailler.
Pour défendre les droits qui sont affirmés, il est nécessaire de les rendre applicables et de garantir leur respect. Cet amendement apporte une réponse, parmi d’autres, à cette exigence.
Mme la secrétaire d’État. Les dispositions contenues dans le projet de loi sur la justice au XXIe siècle répondent aux préoccupations que vous exprimez. Je vous invite à les examiner avant d’envisager une rédaction spécifique.
La porte n’est pas totalement fermée, mais il serait malvenu de ma part de m’engager à travailler sur ce sujet aujourd’hui.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je confirme que le texte adopté par le Sénat, que nous examinerons probablement en mars, comporte des dispositions qui instituent un dispositif très élargi sur l’action collective.
La Commission rejette l’amendement CL89.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL263 de M. Sergio Coronado.
Mme Isabelle Attard. Nous proposons d’instaurer une action de groupe en matière de protection des données, procédure particulièrement pertinente car une atteinte aux données peut concerner un nombre très important de personnes.
Cet amendement est directement inspiré du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, dont il pallie l’absence de dispositions permettant d’exercer l’action de groupe dans ce domaine.
M. le rapporteur. Mon avis est identique sur tous les amendements portant sur l’action de groupe, y compris ceux dont la rédaction est très inspirée du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CL392 rectifié de Mme Delphine Batho.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’amendement tend à supprimer la restriction aux seuls préjudices matériels pour l’action de groupe, prévue à l’article L. 423-1 du code de la consommation.
M. le rapporteur. Même avis que précédemment.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je retire l’amendement au bénéfice de vos explications sur le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, en espérant qu’il sera examiné très bientôt.
L’amendement est retiré.
Article 33 ter (nouveau)
(art. 2-24 [nouveau] du code de procédure pénale)
Possibilité pour les associations de protection des données personnelles
ou de la vie privée de se constituer partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques
Le présent article est issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement sous réserve d’un sous-amendement rédactionnel.
Il insère un nouvel article 2-24 au sein du code de procédure pénale, habilitant les associations régulièrement déclarées depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par leurs statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal.
De nombreuses dispositions, figurant soit aux articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale (voir l’encadré ci-après), soit dans des textes épars (par exemple, l’article L. 421-1 du code de la consommation pour les associations de consommateurs relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs), habilitent déjà des associations à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions qui se rapportent directement à leur objet statutaire.
Les associations autorisées à exercer l’action civile
en application du code de procédure pénale
– les associations de lutte contre le racisme et d’assistance des victimes d’une discrimination fondée sur une origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse (article 2-1) ;
– les associations de lutte contre les violences sexuelles, le harcèlement sexuel ou les violences exercées sur un membre de la famille (article 2-2) ;
– les associations de défense ou d’assistance de l’enfant en danger et victime de toutes formes de maltraitance (article 2-3) ;
– les associations combattant les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre ou de défense des intérêts moraux et de l’honneur de la Résistance ou des déportés (articles 2-4 et 2-5) ;
– les associations de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs ou l’orientation ou l’identité sexuelle (article 2-6) ;
– les associations de défense ou d’assistance des personnes malades, handicapées ou âgées (article 2-8) ;
– les associations d’assistance des victimes d’infractions (article 2-9) ;
– les associations de lutte contre l’exclusion sociale ou culturelle des personnes en état de grande pauvreté ou en raison de leur situation de famille (article 2-10) ;
– les associations de défense des intérêts moraux et de l’honneur des anciens combattants et victimes de guerre et des morts pour la France (article 2-11) ;
– les associations de lutte contre la délinquance routière et de défense ou d’assistance des victimes de cette délinquance (article 2-12) ;
– les associations de défense et de protection des animaux (article 2-13) ;
– les associations de défense de la langue française (article 2-14) ;
– les associations de défense des victimes d’un accident survenu dans les transports collectifs ou dans un lieu ou local ouvert au public ou dans une propriété privée à usage d’habitation ou à usage professionnel et regroupant plusieurs de ces victimes (article 2-15) ;
– les associations de lutte contre la toxicomanie ou le trafic de stupéfiants (article 2-16) ;
– les associations de défense et d’assistance de l’individu ou de défense des droits et libertés individuels et collectifs (article 2-17) ;
– les associations de défense ou d’assistance des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (article 2-18) ;
– les associations départementales des maires (article 2-19) ;
– les associations de défense des intérêts moraux et matériels des locataires, propriétaires et bailleurs d’immeubles collectifs à usage d’habitation (article 2-20) ;
– les associations d’étude et de protection du patrimoine archéologique (article 2-21) ;
– tout syndicat professionnel ou de salariés de la branche concernée (article 2-21-1) ;
– les associations de lutte contre la traite des êtres humains et l’esclavage (article 2-22) ;
– les associations de lutte contre la corruption (article 2-23).
Comme le fait déjà le code de procédure pénale dans les cas précédemment mentionnés, le présent article conditionne l’habilitation donnée à ces associations à exercer les droits reconnus à la partie civile. Elles devront avoir été régulièrement déclarées depuis au moins deux ans à la date des faits et s’être fixées pour mission, dans leurs statuts, de protéger les données à caractère personnel ou la vie privée des individus.
Par ailleurs, lorsque l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes.
Enfin, elles ne seront habilitées à exercer l’action civile qu’à l’égard des infractions afférentes au traitement de données à caractère personnel ou à l’usage de données à caractère personnel traitées, réprimées par la section V du chapitre VI du titre II du livre deuxième du code pénal, consacrée aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques :
– la violation des formalités préalables aux traitements de données à caractère personnel (articles 226-16 et 226-16-1 A) ;
– le traitement de données à caractère personnel incluant parmi les données sur lesquelles il porte le numéro d’inscription des personnes au répertoire nationale d’identification des personnes physiques (article 226-16-1) ;
– le manquement à l’obligation de préserver la sécurité des données à caractère personnel (articles 226-17 et 226-17-1) ;
– la collecte illicite de données à caractère personnel (article 226-18) et la mise en mémoire informatisée de certaines données en raison de leur contenu (articles 226-19 et 226-23) ;
– la violation des droits des personnes auxquelles se rapportent les données à caractère personnel (articles 226-18-1 et 226-19-1) ;
– la conservation illicite de données à caractère personnel (article 226-20) ;
– le détournement de données à caractère personnel (article 226-21) ;
– la divulgation de données à caractère personnel (articles 226-22) ;
– le transfert de données à caractère personnel vers un État non-membre de l’Union européenne (article 226-22-1).
Le présent article permettra de renforcer l’effectivité et l’efficacité de la poursuite des infractions à la législation relative aux données personnelles. L’exercice de l’action civile aura notamment pour effet de permettre à l’association agréée d’enclencher la mise en mouvement de l’action publique en cas de constitution de partie civile et de mettre en œuvre les droits à l’information et à la participation reconnus à la partie civile tout au long de la procédure.
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* *
La Commission en vient à l’amendement CL267 de M. Sergio Coronado, faisant l’objet du sous-amendement CL642 du rapporteur.
Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à habiliter les associations de défense des données personnelles et de la vie privée, déclarées depuis au moins deux ans, à exercer les droits de la partie civile pour les délits prévus par la loi « Informatique et libertés ». Cette disposition serait particulièrement utile dans les cas où les personnes visées par une mesure restrictive de liberté ne peuvent être représentées à l’audience.
M. le rapporteur. Le sous-amendement propose d’insérer cette disposition non pas dans la loi « Informatique et libertés » mais dans le code de procédure pénale, qui prévoit déjà de telles habilitations pour certaines associations.
Mme Isabelle Attard. J’accepte cette modification.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur l’amendement lui-même, mais je suis plus réticente à l’idée de compléter le code de procédure pénale, faute d’une expertise juridique plus approfondie.
M. le rapporteur. Il est plus cohérent d’insérer cette disposition dans le code de procédure pénale qui en comporte d’autres de même nature.
La Commission adopte successivement le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.
La Commission aborde l’amendement CL402 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Colette Capdevielle. Cet amendement vise à compléter l’article 21 de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, afin de faire explicitement référence aux cyberviolences faites aux femmes. Je rappelle qu’une adolescente sur quatre déclare avoir été victime de ces violences.
M. le rapporteur. Je suis partagé.
Nous connaissons tous les interventions des forces de police et de gendarmerie pour des violences intrafamiliales et le temps qu’elles y consacrent. Je suis évidemment sensible à ce sujet.
Pour autant, je ne suis pas sûr qu’il soit pertinent de circonscrire cette précision aux seules violences faites aux femmes. Je crains que la rédaction que vous proposez n’ait pour conséquence de restreindre la portée de la disposition actuelle, qui me paraît vous donner satisfaction. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. J’approuve l’objectif visé, mais je souscris à l’argumentation du rapporteur, tout en reconnaissant la spécificité de certaines cyberviolences que l’actualité nous rappelle malheureusement tous les jours.
Mme Colette Capdevielle. Je partage votre analyse. Je retire donc l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CL384 de Mme Catherine Coutelle.
Mme Colette Capdevielle. Cet amendement vise à introduire une nouvelle section dans le projet de loi, relative à la répression de la diffusion d’images à caractère sexuel sans le consentement de la personne.
M. le rapporteur. Cet amendement, ainsi que l’amendement CL383, portent sur ce qu’il est convenu d’appeler la « vengeance pornographique » (revenge porn). Ce phénomène tend à s’amplifier sur les réseaux sociaux, parfois même sur des sites dédiés, ce qui est assez inquiétant.
Je vous invite à retirer ces amendements et à les retravailler directement avec la Chancellerie afin de parvenir à une rédaction – je sais que vous y êtes sensible – pertinente et efficace.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements tendent à accroître les sanctions dans les cas de vengeance pornographique, consistant en la diffusion d’images intimes par l’ancien conjoint ou partenaire de la victime. Pour combattre ce phénomène, qui tend à se développer et provoque de grandes souffrances, il est en effet nécessaire d’instaurer des sanctions dissuasives.
Toutefois, je rejoins le rapporteur, la rédaction de ces amendements soulève des difficultés juridiques. Ils demandent un examen très approfondi avec le ministère compétent, en l’occurrence le ministère de la justice qui est désireux d’avancer sur ce sujet.
Toute modification du code pénal exige un travail très rigoureux. Je vous demande donc de retirer les amendements dans l’attente d’une réécriture ultérieure.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le travail de réécriture proposé par la ministre et le rapporteur peut-il aboutir avant la séance, ou faudra-t-il attendre un texte ultérieur, ce qui serait une forme d’envoi ad patres ?
Mme Colette Capdevielle. Je retire l’amendement mais je n’en ferai pas de même pour le suivant, malgré l’avis de la ministre et du rapporteur.
L’amendement est retiré.
Article 33 quater (nouveau)
(art. 226-1 du code pénal)
Répression pénale de la diffusion non désirée d’images ou vidéos
à caractère sexuel (« vengeance pornographique »)
Le présent article est issu de l’adoption par la Commission d’un amendement de M. Sergio Coronado, contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement. Il complète les dispositions de l’article 226-1 du code pénal afin d’apporter une réponse pénale aux cas – de plus en plus nombreux – de personnes qui transmettent ou diffusent, sur tout support, des images ou vidéos intimes se rapportant à une autre personne qui n’a pas donné son consentement.
Sont principalement visés par cet article les faits dits de « vengeance pornographique » (phénomène qualifié de revenge porn aux États-Unis et au Royaume-Uni), consistant pour l’ancien partenaire d’une personne de diffuser des photos ou des vidéos intimes de cette dernière qui avaient été prises avant la rupture, sans que cette personne ait donné son consentement à une telle diffusion. La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée a, dans son rapport d’information sur le présent projet de loi, relevé l’insuffisance de la réponse pénale apportée à ces faits au regard de leur gravité et de leurs répercussions sur les victimes. Selon la Délégation, les victimes seraient majoritairement des femmes et leurs auteurs leurs anciens compagnons. L’ampleur de ce phénomène demeure cependant difficile à quantifier en l’état des outils statistiques disponibles (296).
Le 2° de l’article 226-1 du code pénal punit, en l’état actuel du droit, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, par tout moyen, de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ». Le dernier alinéa de cet article dispose que lorsque ces actes « ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
Selon la Délégation aux droits des femmes, cette rédaction constituerait un obstacle à la poursuite effective et efficace des faits de « vengeance pornographique » :
– d’une part, la condition tenant à la présence sur l’image de la personne dans un lieu privé pourrait exclure la poursuite des faits de fixation, d’enregistrement ou de transmission de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu public, comme une plage ;
– d’autre part, l’absence de consentement de la victime, élément constitutif de l’infraction, soulèverait des difficultés d’interprétation dans l’hypothèse où la victime aurait donné son accord pour la fixation ou l’enregistrement de son image mais pas pour sa transmission : certains magistrats considéreraient que le fait d’avoir consenti à la prise de l’image valait consentement à sa diffusion.
Tirant les conséquences de ce constat, le présent article crée une nouvelle infraction délictuelle en complétant l’article 226-1 précité par un nouvel alinéa aux termes duquel serait puni des mêmes peines – un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – le fait « de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites ».
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* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL383 rectifié de Mme Catherine Coutelle et CL269 de M. Sergio Coronado.
M. le rapporteur. Le travail avec la Chancellerie ne pourra aboutir avant le terme du délai de dépôt des amendements. Il me semble que, sur un sujet aussi important, nous ne pouvons pas nous permettre d’adopter une rédaction qui ne serait pas optimale.
M. Sergio Coronado. La « revanche pornographique », qui consiste à utiliser des images et des sons à des fins punitives, est un phénomène « genré », qui concerne beaucoup d’adolescentes et dont certains sites font un commerce explicite. Nous avons raison de nous préoccuper de ce phénomène que le rapport pour avis de la délégation aux droits des femmes analyse longuement. Nous ne pouvons pas renvoyer à plus tard, sans calendrier de surcroît, sa prise en compte.
Je me félicite que Mme Coutelle ait déposé un amendement avec le soutien du groupe socialiste. Il me semble cependant que la formulation de notre amendement est plus large que celle de ce dernier, car elle sanctionne la transmission ou la diffusion, sans le consentement de la personne, d’images à caractère sexuel par des moyens qui ne sont pas nécessairement numériques. En effet, ce phénomène n’est pas limité aux réseaux sociaux et aux supports numériques. Notre rédaction permet de s’y attaquer dans sa globalité.
M. le rapporteur. Sans revenir sur l’avis que j’ai exprimé précédemment, si nous devions malgré tout adopter un amendement, je recommande de choisir l’amendement CL269, dont la rédaction est plus satisfaisante.
Mme la secrétaire d’État. Je maintiens l’avis que j’ai exprimé sur l’amendement précédent, tout en partageant le point de vue du rapporteur sur la rédaction plus satisfaisante de l’amendement CL269.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Alors que ce débat est sans cesse repoussé, il est temps d’agir, d’autant que ce sujet n’est pas traité dans le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle.
Afin d’apporter une réponse à ce problème dont chacun reconnaît l’acuité, le groupe socialiste n’a pas l’intention de retirer son amendement, à moins de le faire au profit de l’amendement CL269.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Sans engagement de la part de la ministre et du rapporteur sur un calendrier, je voterai ces amendements car ce problème ne peut pas être renvoyé sans délai.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je me permets de relayer à nouveau l’insatisfaction des juristes de voir de nouvelles sanctions pénales intégrées dans des dispositifs variés sans respecter la hiérarchie des sanctions. Avez-vous examiné le niveau de sanctions auquel correspond la sanction que vous envisagez ?
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Nous pourrons remédier à ce problème en séance.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Les suggestions du président peuvent parfois être utiles…
Mme Colette Capdevielle. La volonté d’avancer sur ce sujet, manifeste sur tous les bancs, nous permettra de trouver une solution. Nous retirons l’amendement CL383 au profit de celui présenté par M. Coronado.
L’amendement CL383 rectifié est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL269.
Section 2
Confidentialité des correspondances électroniques privées
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement de précision CL662 de la commission des Affaires économiques portant sur l’intitulé de la section 2.
Article 34
(art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques)
Renforcement du secret des correspondances et
interdiction des traitements automatisés d’analyse de leur contenu
Le présent article, qui modifie substantiellement le contenu et la portée de l’article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques relatif au principe du secret des correspondances, tend à renforcer le respect de ce principe par tous les opérateurs numériques et, à cette fin, interdit, sauf exceptions, le recours à un traitement automatisé d’analyse du contenu de ces correspondances.
De nombreux échanges à caractère personnel transitent par les réseaux numériques et les multiples services en ligne (prestataires de messagerie électronique, réseaux sociaux…). Même si internet tend de plus en plus à relativiser la frontière traditionnelle entre la communication publique et la correspondance privée, cette distinction demeure fondamentale dans notre droit. Prévue au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la communication au public par voie électronique consiste dans « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée » et qui s’adressent au public en général ou à des catégories de public, c’est-à-dire un ensemble d’individus.
Aucune définition législative n’a été donnée, à ce jour, à la notion de correspondance privée, eu égard au caractère mixte de la plupart des services en ligne et de certains échanges électroniques, qui ont pour partie le caractère d’une communication publique et pour partie le caractère d’une correspondance privée. Seule une circulaire du 17 février 1988 a précisé qu’il y avait « correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne, physique ou morale, déterminée et individualisée » (297). Pour le reste, c’est la jurisprudence qui a défini les contours de la correspondance privée, qui touche généralement au contenu des conversations écrites ou orales. S’agissant d’un réseau social, sur lequel peuvent s’échanger des correspondances à caractère privé, le juge examine le public auquel est destinée la conversation et considère qu’il « peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur » (298).
Le droit au respect du secret des correspondances est rattaché, par le Conseil constitutionnel, aux libertés constitutionnellement garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux côtés de la liberté d’aller et de venir, de l’inviolabilité du domicile privé et du respect de la vie privée (299). Le Conseil constitutionnel l’a récemment rappelé lorsqu’il a examiné la conformité à la Constitution de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement (300) , qui a inscrit à l’article L. 801-1 du code de la sécurité intérieure le principe selon lequel « [l]e respect de la vie privée, dans toutes ses composantes, notamment le secret des correspondances, la protection des données personnelles et l’inviolabilité du domicile, est garanti par la loi » et « [l]’autorité publique ne peut y porter atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans les limites fixées par celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité » (301) .
Ce droit est expressément protégé par l’article 8 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aussi bien pour les correspondances écrites que orales à l’égard, par exemple, des écoutes téléphoniques (302) ou de la sonorisation (303) qui doivent être strictement justifiées et encadrées par une législation précise et claire.
b. L’obligation de respecter le secret des correspondances à la charge des opérateurs de communications électroniques
Le code des postes et des communications électroniques impose le respect du secret des correspondances aux prestataires de services postaux (b et b bis de l’article L. 3-2 (304)) ainsi qu’aux opérateurs de communications électroniques (article L. 32-3), c’est-à-dire les exploitants de réseaux ouverts au public et les fournisseurs de services de communications électroniques au public (305).
Introduit par le législateur en 1990 (306), l’article L. 32-3 prévoit aujourd’hui que « [l]es opérateurs, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances ». De plus, le 6° du II de l’article L. 32-1 dispose que « le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées en vue d’atteindre (…) [le] respect par les opérateurs de communications électroniques de la protection des données à caractère personnel, du secret des correspondances et du principe de neutralité vis-à-vis du contenu des messages transmis ».
Si l’obligation de respecter le secret des correspondances imposée aux opérateurs par le code des postes et des communications électroniques s’applique, sans ambiguïté, aux échanges par téléphone et par SMS, un débat juridique est né sur son application aux autres échanges sur les réseaux numériques, comme les services de téléphonie sur IP (comme Skype), les réseaux sociaux ou les services de messagerie en ligne. Certains de ces services font en effet valoir que ces dispositions ne leur seraient pas applicables.
c. Le cadre pénal
De nombreuses dispositions du code pénal répriment, directement ou indirectement, la violation du secret des correspondances :
– « le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (…) en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel » est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (1° de l’article 226-1) ;
– est puni des mêmes peines « le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 » (premier alinéa de l’article 226-2) ;
– est également puni des mêmes peines « le fait, commis de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l’installation d’appareils de nature à permettre la réalisation de telles interceptions » (second alinéa de l’article 226-15) : cet article couvre toutes les communications transitant par internet, comme la messagerie électronique ;
– encourt cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende la personne qui fabrique, importe, détient, expose, offre, loue ou vend des appareils ou dispositifs techniques facilitant la réalisation de l’infraction prévue au second alinéa de l’article 226-15 ou à l’article 226-1 et « figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, lorsque ces faits sont commis, y compris par négligence, en l’absence d’autorisation ministérielle dont les conditions d’octroi sont fixées par ce même décret ou sans respecter les conditions fixées par cette autorisation », ou la personne qui réalise une publicité en faveur d’un appareil ou d’un dispositif technique susceptible de permettre la réalisation de l’une de ces infractions « lorsque cette publicité constitue une incitation à commettre cette infraction » (article 226-3) ;
– aux termes de l’article 432-9, sont punis de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende « [l]e fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l’ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances » (premier alinéa) et « le fait, par [cette même] personne (…) ou un agent d’un exploitant de réseaux ouverts au public de communications électroniques ou d’un fournisseur de services de télécommunications, agissant dans l’exercice de ses fonctions, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l’interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l’utilisation ou la divulgation de leur contenu » (second alinéa).
2. L’extension et le renforcement de l’obligation de respecter le secret des correspondances
a. L’extension du principe à tous les acteurs qui fournissent des services permettant l’échange de correspondances électroniques privées
Le I du nouvel article L. 32-3 reprend les dispositions de l’actuel article L. 32-3 en prévoyant que les opérateurs, et les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances. Cet article a vocation à s’appliquer aux mêmes opérateurs que ceux actuellement visés par cette obligation, c’est-à-dire, conformément au 15° de l’article L. 32 précité, les exploitants de réseaux ouverts au public et les fournisseurs de services de communications électroniques au public.
Le II étend cette obligation aux services au public en ligne susceptibles d’être le support de correspondances privées afin, selon l’étude d’impact du présent projet de loi, « de garantir l’application de la règle du secret des correspondances à toutes les correspondances privées, quel que soit le vecteur ou la technologie de communication utilisé ».
À cette fin, le premier alinéa vise les « éditeurs de services de communication au public en ligne permettant aux utilisateurs de ces services d’échanger des correspondances, ainsi que les membres de leur personnel ».
Comme le fait observer l’ARCEP dans son avis, si l’extension de cette obligation à tous les acteurs qui fournissent des services permettant l’échange de correspondances électroniques privées constitue une utile clarification du droit existant, « il apparaît en revanche qu’une partie des services en ligne permettant l’échange de communications ayant le caractère de correspondance privée est susceptible de relever de la catégorie des services de communications électroniques », en particulier les « services de courrier électronique qui, au regard notamment du cadre communautaire, semblent [déjà] pouvoir être considérés comme des services de communications électroniques » (307) (voir l’encadré ci-après).
Les dispositions de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique excluent en principe du champ de la communication au public en ligne toute communication ayant le caractère d’une correspondance privée (308), ce qui peut paraître contradictoire avec le premier alinéa du présent II. Toutefois, cet alinéa, qui sert avant tout à désigner des personnes et non l’activité à laquelle s’applique le secret des correspondances, permet de prendre acte du caractère mixte de nombreux services en ligne, qui traitent à la fois de communications au public et de correspondances privées.
Le champ des services de communications électroniques
au sens du droit communautaire
Les services de téléphonie vocale et de courrier électronique paraissent d’ores et déjà pouvoir être considérés comme des services de communications électroniques au sens du droit communautaire, soumis au respect du secret des correspondances.
Ainsi la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, dite directive « cadre », précise-t-elle que « [l]a définition du « service de la société de l’information », qui figure à l’article 1er de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 (…), se rapporte à une large gamme d’activités économiques se déroulant en ligne », que « la plupart de ces activités ne sont pas couvertes par le champ d’application de la présente directive, car elles ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques » mais que « les services de téléphonie vocale et de transmission de courrier électronique sont couverts par la présente directive » (1).
(1) Considérant 10.
Dans un même souci de clarification et de définition précise du champ de l’obligation, les I et II précisent le périmètre du secret protégé qui couvre à la fois le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants et, s’il en existe, l’en-tête du message ainsi que les pièces jointes à la correspondance.
Par ailleurs, en vertu du III, les opérateurs et les éditeurs précédemment mentionnés devront porter à la connaissance de leurs personnels la nature, le contenu et la portée de l’obligation auxquels ils sont soumis.
Comme le remarque la CNIL dans son avis, la modification législative du champ de l’obligation de respecter le secret des correspondances « est de nature à permettre aux opérateurs économiques assurant la fourniture d’un service de messagerie ou le stockage des données correspondantes de mesurer l’étendue de leur responsabilité » (309).
b. L’interdiction de traitements automatisés d’analyse du contenu des correspondances
Le second alinéa du II franchit une étape supplémentaire dans la protection du secret des correspondances en interdisant la mise en œuvre de traitements automatisés du contenu des correspondances privées et, le cas échéant, de leur intitulé ainsi que des pièces jointes. Cette disposition vise principalement la technique dite de « scan » des courriers électroniques réalisée par certains services, par exemple Gmail, notamment à des fins de traitement automatique des courriers électroniques malveillants ou inappropriés ou de suggestion de publicités personnalisées (voir l’encadré ci-après).
En conséquence, il fait de tels traitements des atteintes au secret des correspondances susceptibles d’être réprimées par le code pénal :
– d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende si le traitement est mis en œuvre dans les conditions prévues au 1° de l’article 226-1, au premier alinéa de l’article 226-2 ou au second alinéa de l’article 226-15 de ce code ;
– d’une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende si le traitement est réalisé dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 432-9 de ce code ;
– d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende en cas de fabrication, d’importation, de détention, d’exposition, d’offre, de location ou de vente d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation de telles opérations ou en cas de publicité en faveur de tels appareils ou dispositifs lorsqu’il s’agit d’une incitation à commettre une atteinte au secret des correspondances, conformément à l’article 226-3 de ce code.
La publicité personnalisée
Le présent encadré est constitué de captures d’écran d’une boîte de messagerie Gmail classique, consultée à l’onglet « Promotions », en haut duquel il est proposé à l’utilisateur plusieurs annonces publicitaires sur lesquelles il peut cliquer. Ainsi que le précise l’information délivrée à l’utilisateur (i), ces annonces lui sont présentées en fonction des courriers électroniques présents dans sa boîte de réception et des informations de son compte Google.
L’utilisateur peut cliquer sur le lien « Contrôler les annonces comme celle-ci » afin de paramétrer et contrôler leur affichage.
Par dérogation à ce principe, il autorise de tels traitements à condition qu’ils aient l’une des trois finalités suivantes :
– « l’affichage, le tri ou l’acheminement de ces correspondances », afin de permettre notamment la redirection automatique de certains mails ou de leur classement dans les répertoires idoines ;
– « la fourniture d’un service bénéficiant uniquement à l’utilisateur » : cette exception permet d’autoriser certains services attendus par l’utilisateur en dehors d’un service de messagerie classique, par exemple la création d’un lien automatique entre certains courriers et son agenda ou des services d’assistance personnelle grâce à la mise en place d’outils d’intelligence artificielle, sous la forme d’applications fondées sur l’apprentissage automatique (machine learning), qui permettent de détecter des données manquantes ou aberrantes et des fraudes, ou d’émettre des pré-réponses automatiques aux courriels (310) ;
– « la détection de contenus non sollicités ou de programmes informatiques malveillants », par exemple à caractère violent ou pornographique aux fins de protection des plus jeunes, ou de « pourriels » (spam), de virus ou de chevaux de Troie.
Pour justifier cette mesure, le Gouvernement fait valoir que l’analyse des correspondances par des automates correspond à une interception ou à une prise de connaissance du contenu des courriers électroniques, effectuée volontairement et de manière généralisée. Il s’agit également, selon lui, d’une utilisation des correspondances privées à des fins autres que celles rendues obligatoires par la loi (second alinéa de l’article 432-9 du code pénal). Il considère au surplus que la condition de « mauvaise foi » posée par l’article 226-15 du même code ne saurait servir à écarter la responsabilité des fournisseurs de services de messagerie électronique exploitant les correspondances de leurs utilisateurs, d’autant plus qu’avec les progrès de l’intelligence artificielle, il paraît de plus en plus difficile de distinguer un traitement par un automate d’une prise de connaissance par une personne déterminée.
Votre rapporteur n’ignore pas les conditions opaques dans lesquelles certains fournisseurs de services procèdent à l’analyse automatique des courriers électroniques. Il s’interroge toutefois sur la pertinence et la proportionnalité du dispositif proposé par le Gouvernement au travers de cet article.
Le recours à des outils automatiques de scan des courriels destinés à contextualiser ou à personnaliser des messages publicitaires n’est pas de même nature que l’ouverture, l’exploitation et la révélation de correspondances privées décidées et effectuées par une personne physique de manière ciblée et à des fins malveillantes.
De plus, la gratuité des services de réception et de gestion des courriels a pour nécessaire contrepartie la collecte et le traitement de données à caractère personnel dans les conditions fixées par la loi « Informatique et libertés ». Cette contrepartie constitue la base d’un modèle économique ancien sur lequel se sont fondés de nombreux opérateurs économiques et qui devrait être préservé à condition d’informer de manière complète et claire les utilisateurs.
Bien sûr, tout utilisateur de services de messagerie électronique ayant recours à de tels traitements devrait être davantage informé afin de connaître précisément les conditions dans lesquelles ses correspondances pourront être analysées et à quelles fins. Son consentement libre et éclairé devrait être recueilli préalablement à la mise en œuvre de ces traitements. De même, il devrait pouvoir décider facilement et à tout moment de l’arrêt de ces traitements. Tel est, pour votre rapporteur, l’équilibre à respecter afin de concilier les exigences qui s’attachent au respect des droits et libertés et à la confiance dans la société numérique d’une part, et les besoins des opérateurs économiques qui proposent des services gratuits à leurs utilisateurs.
À cet égard, votre rapporteur observe avec intérêt la mise en place, le 21 septembre 2015, d’un groupe de travail au sein du Conseil national de la consommation sur le traitement et la protection des données personnelles et, en particulier, le renforcement de l’information précontractuelle face à la densification des conditions générales d’utilisation (CGU) et à la mise en place de services gratuits mais comprenant des contreparties non pécuniaires.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
En premier lieu, la commission des Lois a adopté un amendement de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, tendant à préciser le champ des personnes soumises au secret des correspondances en application du nouvel article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques.
Alors que le projet de loi initial visait les éditeurs de services de communication au public en ligne au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), la nouvelle rédaction retenue au II de l’article L. 32-3 précité mentionne les « fournisseurs et les éditeurs de services de communication au public en ligne » par l’intermédiaire desquels pourraient transiter ou être conservées des correspondances privées.
En second lieu, à l’initiative de votre rapporteur et de M. Lionel Tardy, et par cohérence avec le champ des informations protégées par le principe du secret des correspondances mentionnées au I de l’article L. 32-3 précité, la commission des Lois a adopté deux amendements identiques tendant à inclure, au second alinéa du II de cet article, l’identité des correspondants dans la liste des informations ne pouvant faire l’objet d’un traitement automatisé d’analyse de la correspondance en ligne, au même titre que le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants, l’intitulé du message et les documents joints à la correspondance.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL61 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à préciser la notion d’opérateur.
M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait, puisque cette notion est clairement définie au 15° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CL62 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à inclure les données de connexion dans le champ du secret des correspondances. Ces données, qui correspondent à la date, l’heure, ou l’adresse IP, peuvent paraître anecdotiques mais, analysées ou combinées avec d’autres, elles peuvent parfois en dire autant, voire plus, que les données de contenu.
Sans les données de connexion, le secret des correspondances ne serait pas complet. Cet amendement reprend une idée formulée par plusieurs internautes lors de la contribution citoyenne. Je considère que les nouveaux et futurs usages vont rendre la distinction entre données techniques et données de contenu de plus en plus floue. Refuser cet amendement serait se mettre des œillères.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Nul ne conteste que la valeur informative des données de connexion sur la vie privée des individus se soit renforcée sous l’effet des dernières évolutions technologiques. Ces données demeurent, malgré tout, distinctes des données de contenu. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur cette distinction et d’intégrer les métadonnées dans le champ des correspondances.
Mme la secrétaire d’État. Les données de connexion sont purement techniques. Les opérateurs de communications électroniques doivent pouvoir traiter les informations techniques pour procéder à l’acheminement des correspondances, et interdire l’accès aux données de connexion nuirait gravement à l’efficacité de ce processus. En outre, le personnel des opérateurs est soumis au secret professionnel, ce qui est de nature à garantir le respect de la vie privée.
Je comprends le raisonnement qui sous-tend l’amendement, mais il se heurte à la réalité pratique du métier des opérateurs.
La Commission rejette l’amendement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vous informe que le texte adopté par la commission jusqu’à l’article 33 est en ligne dans une version provisoire. Je remercie les services de la commission pour ce travail.
La Commission en vient à l’amendement CL663 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement précise les personnes morales concernées par l’article en renvoyant à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).
M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser la notion d’éditeur de services de communication au public en ligne. J’y suis défavorable pour deux raisons : d’une part, il ne me semble pas nécessaire, car cette notion est strictement équivalente à la notion de « personne qui édite un service de communication au public en ligne », visée au deuxième alinéa du II de l’article 6 de la LCEN ; d’autre part, je donne la préférence à l’amendement CL278 rectifié de M. Coronado tendant à préciser que le secret des correspondances a vocation à s’appliquer aussi bien aux éditeurs de sites internet qu’aux hébergeurs au sens du 2 du I du même article de la LCEN.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je maintiens l’amendement car l’article 6 de la LCEN fait bien référence aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne.
M. le rapporteur. L’adoption de cet amendement ferait tomber celui de M. Coronado, qui présente l’intérêt de viser les éditeurs et les hébergeurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Je vais donc demander à M. Coronado de nous présenter par avance son amendement CL278 rectifié.
M. Sergio Coronado. L’article 21 du présent projet de loi fait mention des « fournisseurs de service de communication au public en ligne », alors que son article 34 n’évoque que les éditeurs. Mon amendement vise donc à élargir le champ des entreprises concernées par le respect du secret des correspondances.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Êtes-vous convaincue par les modifications proposées par M. Coronado, madame la rapporteure pour avis ?
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Non, car les fournisseurs de service de communication au public en ligne, par définition, ne traitent pas des correspondances privées.
M. le rapporteur. L’amendement de la commission des Affaires économiques, qui apporte des précisions juridiques, ne suscite pas de ma part une opposition absolue. Si j’y suis défavorable, c’est que son adoption ferait tomber l’amendement de M. Coronado auquel je tiens.
La Commission rejette l’amendement CL663.
Puis elle adopte l’amendement CL278 rectifié de M. Sergio Coronado.
Elle examine ensuite l’amendement CL664 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. La rédaction actuelle de l’article 34 privilégie une interdiction générale des pratiques de traitement automatisé des contenus en l’assortissant de quelques exceptions. Ce faisant, elle pose le problème du juste champ de ces exceptions. Ce qui importe, c’est de trouver le bon équilibre entre la protection des données personnelles et la préservation des possibilités d’innovations au service des utilisateurs.
L’élargissement du champ des exceptions est toujours une solution envisageable. Je préfère pour ma part renverser la construction de l’alinéa 4 de cet article et circonscrire le champ de l’interdiction aux pratiques pouvant être jugées indésirables par l’utilisateur, comme la collecte des données personnelles ou le ciblage publicitaire.
M. le rapporteur. Je vous propose de vous rallier à la rédaction de mon amendement CL645, qui viendra en discussion dans quelques instants et qui complète l’alinéa 4 par les mots suivants : « ou lorsque l’utilisateur a été clairement informé de l’existence, des modalités et des finalités du traitement et y a expressément consenti ». Cela permet de répondre aux inquiétudes de tous ceux qui ont déposé des amendements modifiant la rédaction de cet alinéa.
Je ne m’interdis pas de travailler plus finement, d’ici à la séance, aux modalités de ce consentement exprès afin qu’il puisse faire l’objet d’une révision annuelle.
Mme la secrétaire d’État. On touche là une question fondamentale. Dans le prolongement du principe du secret des correspondances postales, l’article 34 réaffirme le principe du secret des correspondances électroniques.
Vous proposez, madame la rapporteure pour avis, de supprimer ce principe général que le Gouvernement a assorti de quelques exceptions, notamment lorsque des services innovants sont proposés exclusivement au détenteur du compte, pour introduire un dispositif selon lequel le recueil du consentement exprès et l’information donnée à l’utilisateur du compte suffisent pour faire exception au principe de confidentialité des courriers électroniques, ce qui permet concrètement d’utiliser le contenu des correspondances en vue de publicités ciblées. Nous considérons que cette modification viderait de sa substance l’objectif poursuivi par l’article 34.
Vous défendez votre amendement en mettant en avant un éventuel impact sur le modèle économique des entreprises privées qui utilisent les données des correspondances privées comme source d’information pour l’affichage des publicités. Or ces entreprises utilisent très généralement d’autres sources de données et sont les premières à reconnaître que leur modèle économique repose principalement sur les mots-clefs des moteurs de recherche, et non sur le contenu des courriers électroniques.
Aux États-Unis, à la suite d’une action de groupe, Google a cessé d’utiliser le contenu des courriels comme source de données pour cibler la publicité dans Gmail for Education et Google Apps. De grands services concurrents, comme Outlook, mettent même en avant, à titre d’argument commercial, le fait qu’ils n’utilisent pas le contenu des correspondances. Il s’agit de rassurer les consommateurs sur le fondement de la confiance.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je suis prête à retirer l’amendement mais je le retravaillerai dans la perspective de l’examen en séance. Il y a une petite incompréhension sur son objet exact, me semble-t-il.
La rédaction actuelle me fait douter : ne risque-t-elle pas de freiner le développement de services innovants ?
Par ailleurs, je précise que, selon mon amendement, le traitement automatisé de l’analyse à des fins publicitaires n’est possible que sur consentement exprès.
Mme la secrétaire d’État. Je partage votre objectif : il ne faut en aucun cas brider l’innovation. Par définition, on ne peut connaître les technologies de demain.
La question de l’expression du consentement par l’opt-in ou l’opt-out reste ouverte. Nous aurons un débat intéressant en séance sur ce sujet, et le Gouvernement sera prêt à examiner toute nouvelle proposition de rédaction.
L’amendement CL664 est retiré.
La Commission adopte ensuite les deux amendements de coordination identiques CL514 du rapporteur et CL63 de M. Lionel Tardy.
Puis elle en vient à l’amendement CL645 du rapporteur.
Mme la secrétaire d’État. Je souhaite le retrait de cet amendement.
M. le rapporteur. Si je le retire, c’est afin de le retravailler en vue de la séance : non pour en changer le fond, mais pour ajouter une précision concernant la révision annuelle du consentement exprès.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL64 de Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’obligation pour les opérateurs d’informer leur personnel de leurs devoirs en matière de secret des correspondances me semble superflue. Les entreprises savent qu’elles doivent le faire puisque leur responsabilité peut être engagée.
Mieux vaut rétablir un alinéa présent dans une version antérieure du projet de loi, qui prévoyait que les opérateurs et éditeurs prenaient les garanties nécessaires et le compléter par quelques précisions, une fois encore suggérées par des internautes sur le site de la consultation citoyenne.
M. le rapporteur. Opérateurs et éditeurs sont déjà soumis à des obligations générales de préservation de l’intégrité et de la sécurité des données qui transitent par leur intermédiaire. Le principe même du respect du secret des correspondances implique que les personnes auxquelles il s’applique prennent toutes les dispositions nécessaires pour le garantir. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CL65 de Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à lever une contradiction pointée par l’ARCEP dans son avis. L’article 34 s’applique aux éditeurs de services de communication au public en ligne ; or, selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), la communication au public en ligne exclut toute communication ayant le caractère d’une correspondance privée.
M. le rapporteur. Revenir sur la communication au public en ligne pose deux types de difficulté.
La première concerne la forme : votre amendement modifie la définition donnée par la LCEN de la notion de communication au public par voie électronique et non celle de communication au public en ligne, qui en constitue une sous-catégorie.
La deuxième concerne le fond : cet amendement n’apparaît pas nécessaire car il risque de modifier l’équilibre trouvé dans les définitions posées par la LCEN, qui ont prouvé leur robustesse et leur pertinence plus de dix ans après son adoption.
Mme la secrétaire d’État. Il apparaît assez inapproprié de modifier la frontière entre le domaine de la correspondance privée et celui de la communication publique, distinction déterminante pour définir le cadre juridique applicable aux activités en cause. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 34 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL86 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendement a trait au délai de prescription des délits de presse sur l’internet. Le droit prévoit actuellement un délai de trois mois qui correspond aux caractéristiques de la presse papier : il est difficile de se procurer un magazine ou un journal trois mois après sa publication. Sur l’internet, en revanche, un article reste disponible pendant très longtemps et sa diffusion peut même aller grandissant bien après la prescription du délit. Nous proposons donc d’étendre le délai de prescription de trois mois à un an.
M. le rapporteur. Je mesure mal l’impact de cette extension, il me semble que le délai de trois mois suffit. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur ce point ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. J’insiste sur le fait que le problème est lié à la question du référencement. Quand un article est publié dans la presse papier, il a un écho de moins en moins important à mesure que le tirage du journal s’épuise. En ligne, la diffusion d’un article est liée à son référencement qui lui donne de l’ampleur bien après le délai de prescription, même s’il n’a eu qu’un faible écho au moment de sa publication. En outre, à moins d’obtenir un déréférencement – ce qui n’est pas chose facile –, le contenu reste pour l’éternité.
M. le rapporteur. Au regard de ces éléments, j’émets finalement un avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement n’est pas anodin : ses conséquences sont potentiellement très lourdes puisqu’il propose de revenir sur l’équilibre délicat qui a été trouvé en 1881 dans un texte fondateur, la loi sur la liberté de la presse, sur laquelle le Gouvernement n’a pas l’intention de revenir.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’internet n’existait pas !
Mme la secrétaire d’État. Il me semble que la problématique que vous soulevez, madame Kosciusko-Morizet, relève moins de modifications législatives affectant le délai de prescription, destiné à protéger la liberté de la presse, que de la capacité des plaignants à se tourner vers la justice pour faire reconnaître leurs droits. Aborder la question sous l’angle du référencement paraît plus juste. Cela correspond mieux à la réalité des situations vécues par les victimes.
Le Gouvernement ne souhaite pas traiter les publications en ligne de manière différente en modifiant la loi de 1881 sur la liberté de la presse, loi fondatrice dont il convient de respecter l’équilibre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Si j’ai pu partager bon nombre de vos argumentations, madame la secrétaire d’État, je n’adhère pas à votre appel au respect des équilibres de la loi de 1881 et à votre conclusion qu’il ne faut rien y changer.
Il importe de prendre en compte les spécificités de l’internet. Les articles diffamatoires peuvent connaître leur plus grande diffusion après une période de latence, ce qui ne pouvait être le cas à la fin du XIXe siècle. Ce n’est pas mon amendement qui rompt l’équilibre sur lequel repose la loi de 1881, mais l’émergence de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques.
J’ai évoqué le référencement pour souligner les problèmes auxquels une victime peut être confrontée. Ce n’est toutefois pas le référenceur qui est en cause, mais la personne ayant commis le délit de diffamation. C’est bien elle que l’on doit pouvoir poursuivre, et pour cela il faut étendre au-delà de trois mois le délai de prescription.
Mme Colette Capdevielle. L’adoption de cet amendement aurait des conséquences extrêmement lourdes sur la prescription dans notre code de procédure pénale. Le législateur a toujours voulu, en matière de loi sur la presse, encadrer les délais pour des raisons bien précises, notamment pour éviter tout abus.
L’extension du délai de prescription tel qu’il est proposé conduirait à instaurer deux régimes de prescription des délits de presse – l’un pour la presse en ligne, l’autre pour la presse sur papier –, ce qui serait très périlleux pour les droits et libertés.
Je rappelle, pour finir, qu’Alain Tourret et Georges Fenech ont mené au sein de notre commission des lois des travaux sur la prescription. Cette question doit être abordée dans le cadre plus général de la révision des prescriptions en matière pénale.
La Commission rejette l’amendement CL86.
TITRE III
L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Numérique et territoires
Section 1
Compétences et organisation
La Commission examine les amendements identiques CL488 de M. Lionel Tardy et CL665 de la commission des Affaires économiques.
M. Lionel Tardy. Les commissions permanentes envoient des représentants pour siéger au sein de la CSSPPCE. Il nous paraîtrait logique de lui associer comme membres de droit les parlementaires désignés pour siéger à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ainsi qu’au Conseil national du numérique.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je préciserai simplement que la commission des Affaires économiques a adopté l’amendement CL665 à l’initiative de Mme Jeanine Dubié.
M. le rapporteur. La lecture de ces amendements m’a d’abord rendu dubitatif : j’ai pu craindre que l’investissement fort demandé aux parlementaires siégeant à la CNIL et au Conseil national du numérique ne leur permette pas de se consacrer pleinement à la Commission parlementaire du numérique et des postes. Après avoir échangé avec plusieurs députés concernés, notamment Jean Launay qui a largement contribué à faire revivre cette commission, j’estime que toutes les garanties sont rassemblées. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Il me semble que cet amendement relève de l’organisation interne du Parlement. Je crains également que le cercle des parlementaires concernés par le numérique ne se restreigne si l’on fait appel aux mêmes personnes pour siéger dans une multiplicité d’instances, ce qui me paraîtrait dommage tant le numérique revêt une dimension transversale.
M. Lionel Tardy. Cette commission parlementaire pourra bien sûr comporter d’autres parlementaires que ceux qui siègent à la CNIL et au Conseil national du numérique.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques CL490 de M. Lionel Tardy et CL666 de la commission des Affaires économiques.
M. Lionel Tardy. Dans le prolongement du changement de dénomination, il s’agit d’étendre la compétence de la Commission parlementaire du numérique et des postes à toutes les formes de distribution de proximité dans le domaine du commerce électronique. Cela implique d’introduire trois modifications. Elle pourra : entendre les entreprises dont l’État est au capital via l’Agence des participations de l’État (APE) sur leurs stratégies liées au numérique ; assurer un lien avec les instances européennes et internationales ; être saisie par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour toute mission d’information de nature à éclairer les travaux des deux assemblées alors qu’aujourd’hui elle ne peut être saisie que par les présidents de commission, ce qui ne permet pas d’englober les missions d’information.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Rien ne s’oppose à l’heure actuelle aux propositions que vous formulez, sans qu’il soit nécessaire de les inscrire dans la loi. Je vous demanderai de bien vouloir retirer ces amendements, ou je me prononcerai pour leur rejet.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CL489 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Les missions de l’ARCEP s’étendent sans cesse, il ne serait donc pas inutile de revoir ses liens avec la Commission parlementaire du numérique et des postes. Il est ainsi proposé d’inscrire parmi ses compétences qu’elle procède une fois par an à l’audition du président de l’autorité, qu’elle auditionne pour avis les candidats au collège de l’autorité, en complément de l’audition que mène la commission des Affaires économiques. Il est prévu par ailleurs d’élargir l’évaluation du collège et des services de l’ARCEP en incluant des sujets qui dépassent les missions de service public stricto sensu. La dimension prospective de l’ARCEP en serait ainsi renforcée.
M. le rapporteur. L’audition du président de l’ARCEP par cette commission est déjà possible, mais on pourrait à la rigueur le préciser dans la loi. Les parlementaires ont déjà l’occasion de se prononcer sur sa nomination, qui ne peut intervenir que s’ils ne s’y opposent pas à la majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes des deux assemblées, tandis que les autres membres sont nommés par décret. Il n’y a pas lieu de créer un nouveau dispositif d’avis sur la nomination des autres membres. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CL292 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a consacré l’aménagement numérique comme une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivité territoriale. L’objectif des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) est de favoriser la coordination et la mutualisation des actions sur l’ensemble du territoire. Cet amendement propose d’instaurer un schéma régional unique de l’aménagement du territoire afin de ne pas multiplier les documents stratégiques à l’échelle régionale. Il n’en demeure pas moins que les départements et les collectivités territoriales infra-régionales pourront toujours continuer d’intervenir dans la mise en œuvre des actions au titre de leurs compétences.
M. le rapporteur. C’est toute la difficulté des discussions sur les SDTAN, que nous rencontrerons également lorsque nous en viendrons aux syndicats mixtes ouverts (SMO). D’une région à l’autre, la réalité change. Certaines organisations fonctionnent très bien localement, d’autres à grande échelle, et d’autres fonctionnent mal dans les deux cas. Je crains que la précision apportée par notre collègue Capdevielle ne vienne rompre un équilibre qui avait fait l’objet de nombreuses discussions, notamment dans le cadre de la loi NOTRe. Cet équilibre est peut-être imparfait mais je souhaiterais que nous le conservions : c’est le moins imparfait.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Belle expression, qui correspond bien à la situation !
Mme la secrétaire d’État. Je partage l’avis du rapporteur, sachant que l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit déjà un schéma directeur unique pour un territoire donné. Ajouter que ce schéma est unique lorsqu’il est de portée régionale tout en maintenant la première phrase de l’alinéa 2 – « Un schéma directeur territorial d’aménagement numérique recouvre le territoire d’un ou plusieurs départements ou d’une région » – pose potentiellement un problème de cohérence. De plus, cet article a suscité des débats assez nourris dans le cadre de l’examen de la loi NOTRe qui a été adoptée récemment. Il est inutile de rouvrir ces débats ; il est plus approprié de retirer cet amendement.
L’amendement CL292 est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CL291 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. Dans le même esprit, il paraît logique d’associer systématiquement à l’élaboration du SDTAN toutes les collectivités compétentes en matière d’aménagement numérique, notamment les différents établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Depuis l’adoption de la loi NOTRe, les intercommunalités jouent un rôle majeur dans ce domaine, que ce soit pour l’accès ou les usages.
M. le rapporteur. Le président me suggère de parler de déséquilibre parfait plutôt que d’équilibre imparfait. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je propose qu’on en reste à la démarche volontaire : chaque acteur – opérateur, représentant de l’État, collectivité ou groupement – doit pouvoir décider s’il souhaite ou non y participer sans qu’on le lui impose.
Mme la secrétaire d’État. J’ai le même avis défavorable que le rapporteur.
La Commission rejette l’amendement CL291.
Puis elle en vient à l’amendement CL293 de Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle. Cet amendement rédactionnel n’avait de sens qu’en cas d’adoption de l’amendement précédent. Je le retire donc.
L’amendement CL293 est retiré.
Article 35
(art. L. 1425-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Stratégie numérique des collectivités
Le présent article introduit la possibilité pour les conseils départementaux et régionaux d’établir une stratégie de développement des usages et services numériques, constituant un nouveau volet du schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN).
Comme dans le cas des infrastructures numériques, couvertes par les SDTAN, une stratégie locale permettrait d’éviter le chevauchement des initiatives dans des domaines où les effets d’échelle plaident pour la mutualisation des moyens. Une approche souple est également nécessaire. En effet, le développement des services numériques n’est pas une compétence exclusive des collectivités territoriales, mais relève également de l’initiative privée et de l’État. C’est pourquoi le présent article propose que l’établissement d’une telle stratégie demeure facultatif et que son élaboration donne lieu, le cas échéant, à une concertation large.
1. Le schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN)
Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique ont été définis par la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique modifiée par l’article 102 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
Aux termes de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, les SDTAN recensent les infrastructures et réseaux de communications électroniques existants, identifient les zones qu’ils desservent et présentent une stratégie de développement de ces réseaux, concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile, y compris satellitaire, permettant d’assurer la couverture du territoire concerné. Ces schémas, qui ont une valeur indicative, visent à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l’investissement privé.
Un schéma directeur correspond à un territoire sur lequel il est unique. Ce territoire doit recouvrir un ou plusieurs départements ou une région. Il a pour objectif de permettre aux différents acteurs, notamment aux collectivités, de définir une stratégie concertée de déploiement des réseaux sur le territoire concerné. Il peut être établi à l’initiative des départements ou de la région ou d’un syndicat mixte ou syndicat de communes, existant ou créé à cet effet, dont le périmètre recouvre l’intégralité du territoire couvert par le schéma.
L’élaboration d’un schéma directeur constitue un préalable à l’intervention d’une collectivité territoriale en faveur du déploiement du très haut débit (THD) sur son territoire. Elle conduit à examiner différentes questions : quel est le niveau de services dont bénéficient aujourd’hui les citoyens, les entreprises et les acteurs publics sur le territoire ? Quels sont leurs besoins (par exemple à horizon de 5, 10 et 15 ans) ? Dans quelle mesure les déploiements réalisés ou envisagés par les opérateurs privés sont-ils susceptibles de répondre à ces besoins ? Quelle intervention publique pourrait être pertinente pour favoriser le déploiement du THD (fixe et mobile) sur le territoire ?
Les personnes publiques qui entendent élaborer le schéma directeur en informent les collectivités territoriales ou groupements de collectivités concernés ainsi que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) qui rend cette information publique.
Les opérateurs de communications électroniques, le représentant de l’État dans les départements ou la région concernés, les autorités concédantes de la distribution publique d’électricité, de gaz et d’eau ainsi que les autres collectivités territoriales ou groupements de collectivités sont associés, à leur demande, à l’élaboration du schéma directeur.
Lorsque le territoire de la région ne comporte qu’un seul SDTAN élaboré par le conseil régional, ce schéma directeur peut être intégré au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) prévu à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales depuis la « loi NOTRe ».
Lorsque le territoire de la région est couvert par plusieurs SDTAN, la région, les départements, les communes ou leurs groupements concernés les intègrent conjointement au sein d’une stratégie commune d’aménagement numérique du territoire. Cette stratégie peut elle-même être insérée dans le SRADDET.
La démarche des SDTAN a connu un grand succès et, au 15 octobre 2014, seuls cinq départements français n’étaient pas couverts par un tel schéma directeur (311).
2. La réforme proposée étend le champ du SDTAN au développement des usages et services numériques
Le présent article introduit un nouvel article L. 1425-3 au sein du code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités qui le souhaitent d’inclure dans le SDTAN une stratégie de développement des « usages et des services numériques » utilisant les infrastructures et réseaux de communications électroniques du territoire.
Les usages et services numériques proposés par les collectivités territoriales sont très variés et peuvent par exemple porter sur l’ouverture massive des données publiques, la médiation via le numérique au service des citoyens, la promotion d’actions de formation au numérique ou de nouveaux modes d’apprentissage à travers le numérique, mais également le soutien aux projets basés sur l’« innovation ouverte » ou à l’incubation de nouvelles entreprises utilisant le numérique...
L’objectif est d’améliorer la cohérence et la pertinence des choix faits en matière de développement des usages et des services numériques dans les territoires, de manière souple. C’est la raison pour laquelle la mise en place de la stratégie de développement des usages et services numériques est une faculté à la disposition des collectivités territoriales. Ces dernières demeurent libres de mettre en œuvre ou non ce schéma directeur et d’y affecter ou non les moyens nécessaires.
Il est précisé que ces schémas directeurs territoriaux n’auront qu’une simple valeur indicative et visent essentiellement à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l’investissement privé, ainsi que la mise en place de ressources partagées et mutualisées, y compris en matière de médiation numérique, afin de doter l’ensemble des territoires d’un maillage équilibré de services numériques.
L’introduction, au sein du SDTAN, d’une stratégie de développement des usages et des services numériques des collectivités est avant tout un outil pour accompagner l’implication croissante des collectivités dans ces domaines.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, votre Commission a adopté un amendement visant à simplifier la description du volet « services et usages numériques » du SDTAN, pour la concentrer sur ses caractéristiques principales. Facultatif et à valeur indicative, ce volet peut en effet déjà naître de l’initiative spontanée des acteurs publics territoriaux, qui peuvent l’agrémenter des propositions d’action publique de leur choix et mieux adaptées à la spécificité de chaque territoire.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL66 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Le développement du numérique passe évidemment par les collectivités territoriales, comme nous le constatons tous dans nos circonscriptions. Mais cet article donne l’impression que le Gouvernement a voulu absolument y faire référence de manière très artificielle. Comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis, il n’a aucune valeur normative. Rien n’empêche les collectivités – je pense notamment aux départements – de prévoir une stratégie de développement des usages et des services, en plus de leur mission concernant les infrastructures. D’ailleurs, la plupart d’entre elles le font déjà. La stratégie n’est évoquée ici qu’à titre indicatif, comme une possibilité. Il s’agit d’un article d’affichage et j’en demande la suppression.
M. le rapporteur. Je propose à notre collègue Tardy de retirer son amendement au profit de mon amendement CL562 rectifié, qui tend à compléter l’article L. 1425-2 du CGCT en y insérant la phrase suivante : « Ils peuvent également comporter une stratégie de développement des usages et services numériques. » Mon amendement prévoit aussi la possibilité pour les départements et les régions de créer des instances de médiation destinées à familiariser la population à l’usage de ces services et technologies numériques.
Mme la secrétaire d’État. S’il fallait retravailler la rédaction concernant ces schémas directeurs, je serais plus favorable à l’amendement CL667 de la commission des Affaires économiques dont la rédaction condensée va à l’essentiel. Il importe beaucoup au Gouvernement que soit mentionnée la médiation numérique comme partie intégrante des services proposés dans les schémas directeurs.
L’amendement CL66 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL562 rectifié du rapporteur et l’amendement CL282 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. le rapporteur. Compte tenu des propos que vient de tenir la ministre, je propose de retirer mon amendement, qui avait pourtant l’avantage de s’insérer dans un article existant du CGCT, au profit de celui de la commission des Affaires économiques, qui crée, comme la version originale du projet, un article L. 1425-3 nouveau.
L’amendement CL562 rectifié est retiré.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Retirez-vous également votre amendement au profit de celui de la commission des Affaires économiques, monsieur Martin-Lalande ?
M. Patrice Martin-Lalande. Je cherche d’abord à savoir quelle est la différence entre les deux.
M. le rapporteur. Ils ne s’insèrent pas au même endroit du code.
M. Patrice Martin-Lalande. Cela ne me crée pas d’état d’âme… En revanche, je remarque que l’amendement de la commission des Affaires économiques n’oblige pas les conseils départementaux ou régionaux à établir une stratégie de développement des usages et services numériques sur leur territoire : ils « peuvent » le faire. Il ne sert rigoureusement à rien d’inscrire des possibilités dans la loi puisque, par définition, ce qui n’est pas interdit est permis. Quant à mon amendement, il indique que les conseils départementaux ou régionaux « établissent » cette stratégie. Si nous voulons développer l’égalité d’accès à internet, ce qui est le but général de notre projet de loi, il faut que les usages soient aussi accessibles que possible partout sur le territoire. Il me semble indispensable qu’une stratégie de développement des usages accompagne la stratégie de développement des réseaux. Les élus du coin ne doivent pas le faire seulement si ça leur chante. Et si ce n’est pas obligatoire, inutile de l’inscrire dans la loi.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Madame Erhel, accepteriez-vous de modifier votre amendement dans le sens demandé par M. Martin-Lalande, c’est-à-dire de remplacer « peuvent établir » par « établissent » ?
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je n’y suis pas opposée si le rapporteur et le Gouvernement en sont d’accord.
M. le rapporteur. Je reconnais bien là le volontarisme de M. Martin-Lalande mais je lui ferai la même réponse qu’à Mme Capdevielle il y a quelques minutes : je tiens à ce que la démarche soit volontaire. Je ne souhaite donc pas que le verbe soit changé dans l’amendement de Mme Erhel.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Dans ce cas, maintenez-vous votre amendement, monsieur Martin-Lalande ?
M. Patrice Martin-Lalande. Je le maintiens d’autant plus qu’il précise que ces schémas doivent être développés en cohérence avec les SDTAN mais sans y être intégrés. Le SDTAN a été fait pour les réseaux, avec des partenaires dont certains n’ont rien à voir avec le problème – beaucoup plus large – des usages. On ne peut pas en faire une sous-section du SDTAN. En outre, l’amendement défendu par Mme Erhel indique que le volet « services numériques » du SDTAN a une valeur indicative, ce qui est superfétatoire. Autant souligner toutes les faiblesses de la stratégie de prévision.
Mme la secrétaire d’État. Je suis défavorable à l’amendement de M. Martin-Lalande car il me semble très compliqué d’imposer aux collectivités locales des obligations concernant les usages qui ne relèvent pas de leur compétence exclusive et qui ne font pas forcément l’objet de financements d’État dédiés. Il faut continuer à faire preuve d’une certaine souplesse et encourager les pratiques vertueuses : nombre de territoires ont déjà dans leurs schémas d’aménagement un volet consacré aux services. Je ne suis pas favorable non plus à une dissociation et à une multiplication des schémas. Au contraire, je pense que les schémas d’aménagement – qui concernaient traditionnellement les réseaux, les tuyaux et les infrastructures – doivent désormais intégrer systématiquement une dimension d’innovation relative aux usages et aux services. Je plaide donc pour un schéma unique comportant un volet relatif aux usages, et je tiens à son caractère facultatif.
M. Patrice Martin-Lalande. Qu’à l’occasion de déclarations gouvernementales ou parlementaires on donne un coup de chapeau aux collectivités qui se préoccupent déjà des usages, fort bien. Mais si on garde le verbe « peuvent », un tel article n’a rien à faire dans la loi puisque c’est déjà possible.
La Commission rejette l’amendement CL282.
Puis elle adopte l’amendement CL667.
En conséquence, les amendements CL294 de Mme Colette Capdevielle, CL7 de M. Patrice Martin-Lalande et CL295 de Mme Colette Capdevielle tombent.
La Commission adopte l’article 35 modifié.
Article 36
(art. L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales)
Regroupement de syndicats mixtes ouverts
Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le présent article autorise le regroupement de syndicats mixtes ouverts ayant reçu, de la part des collectivités, la compétence pour développer un réseau de communications électroniques, afin de parvenir à l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, conformément au Plan France Très Haut Débit (PFTHD) lancé en 2013.
La possibilité d’un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert est permise, dans ce cadre, pour une période limitée dans le temps, s’achevant le 31 décembre 2021.
1. Le droit en vigueur
a. La compétence des collectivités territoriales en matière de réseaux et de services locaux de communications électroniques
L’article 102 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a modifié l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la compétence des collectivités en matière de réseaux et de services locaux de communications électroniques afin d’assurer une continuité et une accessibilité maximale des services au public en s’attaquant à la fracture numérique, c’est-à-dire les inégalités dans l’accès et l’usage des technologies de l’information et de la communication (notamment internet).
L’article 102 de la loi NOTRe a notamment consacré la compétence partagée des collectivités territoriales et de leurs groupements pour l’établissement et l’exploitation sur leur territoire d’infrastructures et de réseaux de communications électroniques. Il prévoit aussi, pour assurer cet établissement ou cette exploitation, l’acquisition de droits d’usage ou d’infrastructures ou de réseaux existants. Il est précisé que les collectivités et leurs groupements peuvent mettre les infrastructures ou réseaux ainsi établis ou acquis à la disposition d’opérateurs ou d’utilisateurs de réseaux indépendants. Ces interventions doivent néanmoins se faire dans le respect des principes de cohérence des réseaux d’initiative publique (« RIP »), d’égalité et de libre concurrence.
Cet article a également précisé qu’une collectivité ou un groupement peut « déléguer » à un syndicat mixte « incluant au moins une région ou un département » tout ou partie de la compétence relative à un ou plusieurs réseaux de communications. La délégation au profit du syndicat mixte permet d’éviter toute concurrence entre acteurs publics, source potentielle de gaspillage de moyens, et renforce ainsi la cohérence des interventions publiques en matière de numérique. L’exigence que le syndicat mixte réunisse au moins une région ou un département répond à la nécessité d’atteindre une taille critique étant donné l’ampleur des investissements à réaliser.
L’article 102 de la loi NOTRe a par ailleurs modifié les conditions dans lesquelles les collectivités ou leurs groupements peuvent fournir des services de communications électroniques. Cela n’est possible qu’en cas d’insuffisance de l’initiative privée pour satisfaire les besoins des utilisateurs finals, celle-ci étant désormais constatée par « un appel public à manifestation d’intentions [des opérateurs privés] déclaré infructueux » par l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste (ARCEP). Dans cette hypothèse, les collectivités ou leurs groupements peuvent créer un « réseau d’initiative publique » (RIP) en recourant à différents types de contrats publics : marché public de travaux suivi d’un contrat d’affermage, délégation de service public de type concessive ou contrat de partenariat public-privé (PPP).
b. L’intérêt de transférer ou de déléguer la compétence en matière de réseaux et de services locaux de communications électroniques à un syndicat mixte ouvert
Les syndicats mixtes ont été créés par le décret-loi du 30 octobre 1935 dont l’article 1er disposait que « les départements, communes, chambres de commerce et établissements publics peuvent se regrouper sous forme de syndicats pour l’exploitation, par voie de concession, de services publics représentant un intérêt pour chacune des personnes morales en cause ».
Le décret n° 55-606 du 20 mai 1955 a autorisé la coopération entre collectivités territoriales de niveau différent et élargi le champ de leur intervention. Ce décret est le texte fondateur distinguant les syndicats mixtes fermés des syndicats mixtes ouverts.
Un syndicat mixte fermé associe exclusivement des communes et des EPCI ou uniquement des EPCI.
À l’inverse, en application de l’article L. 5721-2 du CGCT, un syndicat mixte ouvert regroupe des collectivités territoriales (communes, départements, régions) et des EPCI ou des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales et d’autres personnes morales de droit public comme des chambres de commerce et d’industrie, des chambres d’agriculture, des chambres de métiers et d’autres établissements publics. Cette forme de syndicat a donc pour principal mérite de favoriser des levées de fonds conséquentes en faisant participer davantage d’acteurs.
La création d’un syndicat mixte ouvert n’est possible qu’à l’unanimité de ses membres.
Le fonctionnement des syndicats mixtes ouverts est très souple et dépend principalement de leurs statuts. Les syndicats mixtes ouverts sont des établissements publics locaux sans fiscalité propre. Leurs ressources sont constituées de participations des membres adhérents déterminées suivant une clé de répartition librement arrêtée. C’est la loi des parties qui s’applique.
Quelques précisions ont été apportées par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité :
– le choix des délégués des communes ou des syndicats au comité des syndicats mixtes peut se porter sur tout citoyen réunissant les conditions requises pour faire partie d’un conseil municipal. Les délégués des EPCI à fiscalité propre sont soit des membres du conseil de l’EPCI, soit des conseillers municipaux de ses communes membres ;
– la répartition des sièges au sein du comité des syndicats mixtes ouverts est fixée par les statuts ;
– les présidents des syndicats mixtes sont élus par le comité syndical ou, si les statuts le prévoient, par le bureau ;
– les modifications statutaires sont décidées à la majorité des deux tiers des membres qui composent le comité syndical, en l’absence de dispositions spécifiques dans les statuts.
L’objet des syndicats mixtes ouverts est la réalisation d’œuvres ou services présentant une utilité pour chacune de ses personnes morales. En pratique, les syndicats mixtes ouverts couvrent surtout de grands projets dans les domaines du tourisme, des loisirs, de la gestion de l’environnement, de l’eau, des transports, du traitement des eaux usées, et des réseaux et services locaux de communications électroniques.
Il faut ainsi souligner la création de nombreux syndicats mixtes ouverts « numérique », depuis le lancement du plan France Très Haut Débit (voir infra). Ils ont généralement pour objet de concevoir, construire, exploiter, commercialiser des infrastructures de réseaux et des services locaux de communications électroniques et activités connexes à l’attention des administrés, et de développer des usages numériques sur leur territoire. Il faut toutefois préciser qu’un certain nombre de ces syndicats mixtes ouverts sont d’envergure infra-départementale car ils ont été créés avant l’entrée en vigueur de l’article 102 de la loi NOTRe précité, qui impose désormais que le syndicat auquel cette compétence est déléguée comprenne au moins un département ou une région.
Les syndicats mixtes ouverts sont titulaires des compétences que leurs membres leur transfèrent. Ils ont donc vocation à se substituer à leurs adhérents dans les champs de compétences transférées. Le transfert de compétences à un syndicat mixte ouvert entraîne de plein droit la mise à disposition des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice dans les conditions prévues par les articles L. 1321-1 (trois premiers alinéas), L. 1321-2 (deux premiers alinéas) et les articles L. 1321-4 et L. 1321-5 du CGCT. L’ensemble des droits et obligations attachés aux biens, équipements et services publics à la date du transfert est transféré au syndicat mixte ouvert. L’affectation des personnels est décidée dans les mêmes conditions.
L’adhésion d’un syndicat mixte à un autre syndicat mixte est autorisée en application des dispositions des articles L. 5711-4 et L. 5721-2 du CGCT pour des compétences limitativement énumérées, c’est-à-dire en matière de gestion de l’eau et des cours d’eau, d’alimentation en eau potable, d’assainissement collectif ou non collectif, de collecte ou de traitement des déchets ménagers et assimilés, de distribution d’électricité ou de gaz naturel ou de réseaux et services locaux de communications électroniques.
Le troisième alinéa de l’article L. 5721-2 du CGCT précise toutefois que : « Lorsque le syndicat mixte qui adhère à un autre syndicat mixte lui transfère la totalité des compétences qu’il exerce, l’adhésion du syndicat mixte entraîne sa dissolution dans les conditions prévues aux troisième à neuvième alinéas de l’article L. 5711-4 ».
Il s’ensuit que l’adhésion d’un syndicat mixte ouvert à un autre syndicat mixte ouvert entraîne la dissolution du premier et implique que :
– les membres du syndicat mixte dissous deviennent de plein droit membres du syndicat mixte qui subsiste. Sauf disposition statutaire contraire, il leur est attribué au sein du comité syndical un nombre de sièges identique à celui dont disposait le syndicat mixte dissous ;
– l’ensemble des biens, droits et obligations du syndicat mixte dissous sont transférés au syndicat mixte auquel il adhère. Celui-ci est substitué de plein droit, pour l’exercice de ses compétences, au syndicat mixte dissous dans toutes ses délibérations et tous ses actes ;
– les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties. Les cocontractants sont informés de la substitution de personne morale par le syndicat mixte qui subsiste. La substitution n’entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant ;
– le transfert est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts ou honoraires ;
– l’ensemble des personnels du syndicat mixte dissous est réputé relever du syndicat mixte auquel il adhère dans les conditions de statut et d’emploi qui sont les siennes.
2. Le dispositif proposé : la possibilité de créer un « syndicat de syndicats » pour mettre en œuvre le plan France Très Haut Débit
a. Le plan France Très Haut Débit
Dans un discours prononcé le 20 février 2013, le Président de la République a défini les premières orientations de la stratégie de croissance pour une ambition numérique visant à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022. A ainsi été lancé le plan France Très Haut Débit (PFTHD) qui succède au programme national très haut débit initié en 2010.
Le PFTHD est marqué par l’intervention de quatre principaux acteurs et représente un investissement total de 20 milliards d’euros d’ici 2022 pour développer l’accès au très haut débit pour tous :
– l’État : l’accès territorial à internet est présenté comme une des priorités du quinquennat 2012-2017, raison pour laquelle l’État entend consacrer 3,2 milliards d’euros d’ici 2020 à la modernisation du réseau national des communications électroniques par l’intermédiaire du Fonds national pour la société numérique (FSN) ;
– les collectivités territoriales : la production d’infrastructures en réseaux n’existe qu’au travers et pour leurs territoires mais nécessite de surcroît l’engagement des collectivités territoriales pour trouver les fonds nécessaires afin d’inciter les opérateurs privés à participer à leur réseau d’initiative publique. Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN), régulièrement mis à jour, constituent la pierre angulaire de la planification locale des infrastructures en réseaux ;
– les opérateurs privés (Orange, Bouygues Télécom, SFR, Free) : ce sont eux, en pratique, qui installent et qui financent, partiellement ou totalement, les travaux de modernisation et de montée en débit d’un réseau ;
– l’ARCEP : concomitamment au dépôt du dossier complet auprès de la Caisse des dépôts et consignation pour créer un réseau d’initiative publique, et au plus tôt six mois avant celui-ci, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales doit communiquer à l’ARCEP les informations permettant d’identifier le périmètre de leurs projets. Les opérateurs disposent alors d’un délai de deux mois à compter de cette publication pour faire part à la collectivité territoriale ou au groupement de leurs propres projets de déploiement sur le territoire concerné par le projet de réseau d’initiative publique. Afin de faciliter la mise en œuvre de cette procédure de consultation publique, l’ARCEP publie la liste de ces projets sur son site internet.
Le PFTHD prévoit en effet un partage des investissements entre opérateurs privés et collectivités territoriales :
– sur un territoire représentant 57 % de la population, les opérateurs s’engagent à déployer des réseaux privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l’État et les collectivités concernées (en général les agglomérations). Sur ces territoires, les opérateurs déploient des réseaux de fibre jusqu’à l’abonné (dits « FttH » pour « Fiber to the Home »). Ces zones sont dites « conventionnées ». En tout, environ six milliards d’euros devraient être investis par les opérateurs d’ici 2020 pour installer des réseaux sur le territoire français ;
– sur le reste du territoire, qui représente 43 % de la population, les collectivités territoriales sont nécessairement conduites à créer des réseaux d’initiative publique ouverts à tous les opérateurs, avec le soutien technique et financier de l’État. Ces réseaux reposent sur un « mix » technologique associant la fibre jusqu’à l’abonné, la montée en débit, le satellite et le réseau mobile. Dans ces zones dites « non conventionnées », le déploiement de réseaux publics par les collectivités territoriales devrait représenter un investissement de 13 à 14 milliards d’euros. Les recettes d’exploitation et le cofinancement des opérateurs privés financeront la moitié de cet investissement. Le besoin de subvention publique est donc de l’ordre de 6,5 milliards d’euros. Sur cette somme, le Plan France Très Haut Débit prévoit un double soutien financier pour les projets des collectivités. D’une part, l’État apporte une subvention de 3,2 milliards d’euros par l’intermédiaire du FSN. D’autre part, les collectivités ont accès à des prêts à taux préférentiel par la mobilisation de l’épargne réglementée.
Il faut à cet égard souligner que la politique de financement menée par le PFTHD est volontariste et prévoit une prime aux réseaux d’initiative publique d’envergure pluri-départementale qui bénéficient d’une majoration de subvention de 10 % pour deux départements et de 15 % pour trois et plus.
b. La réforme proposée
Le présent article introduit une dérogation au troisième alinéa de l’article L. 5721-2 en autorisant un syndicat mixte ouvert, exerçant soit par transfert soit par délégation, tout ou partie de la compétence relative à un ou plusieurs réseaux de communications électroniques, à adhérer à un autre syndicat mixte ouvert sans avoir à subir une dissolution.
Il est précisé que lorsque le syndicat mixte ouvert exerce sa compétence par délégation, l’adhésion à un autre syndicat mixte ouvert n’est possible que si ce dernier comprend au moins une région ou un département, par cohérence avec la réforme introduite par la loi NOTRe (voir supra).
Pour ce faire, le présent article propose de compléter l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales qui vise spécifiquement la compétence en matière de réseaux et de services locaux de communications électronique.
Cette disposition vise principalement à permettre à des syndicats mixtes ouverts auxquels cette compétence a été déléguée, mais qui ont été créés avant l’entrée en vigueur de la loi NOTRe, de pouvoir réaliser a posteriori l’intérêt d’un regroupement à l’échelle supra-départementale et de bénéficier en conséquence de la majoration de subvention proposée par le PFTHD.
En pratique, il s’agit par exemple de permettre à des projets infra-départementaux de mettre en commun, dans un syndicat mixte ouvert supra-départemental ou régional, la commercialisation des réseaux départementaux dont ils assurent le déploiement et l’exploitation, afin de rendre plus attractifs, pour les fournisseurs d’accès à internet, les réseaux déployés par les collectivités et contribuer ainsi à atteindre les objectifs du PFTHD.
C’est la raison pour laquelle le dernier alinéa précise que cette possibilité n’est ouverte aux syndicats mixtes ouverts que jusqu’au 31 décembre 2021, date à laquelle ce plan est censé avoir été mis en œuvre.
Consultée sur le sujet, l’Association des régions de France est très circonspecte sur le dispositif proposé dans la mesure où le droit existant autorise déjà des syndicats mixtes ouverts infra-départementaux à changer d’envergure en fusionnant au sein d’un syndicat mixte ouvert comportant au moins un département ou une région, ce qui permet de rationnaliser la prise de décision et l’exercice des compétences déléguées au sein d’un seul et même syndicat mixte. À l’inverse, le dispositif proposé aurait à terme pour conséquence un empilement institutionnel pérenne et la persistance de dispositifs peu lisibles.
En outre, il est toujours possible à un syndicat mixte d’envergure infra-départementale de créer une société publique locale chargée de commercialiser et d’exploiter, à plus grande échelle, les réseaux et services locaux de communications électroniques.
En effet, l’article 1531-1 du code général des collectivités territoriales autorise les collectivités territoriales et leurs groupements à créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toute autre activité d’intérêt général.
Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres. Ces sociétés revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce et sont composées, par dérogation à l’article L. 225-1 du même code, d’au moins deux actionnaires.
Selon les informations transmises à votre rapporteur, les syndicats mixtes ouverts d’envergure infra-départementale souvent attachés à conserver la propriété des infrastructures de réseaux de communications électroniques qu’ils ont financés, ne sont pas prêts à fusionner dans un syndicat mixte ouvert pluri-départemental voire régional. En revanche, ayant bien compris l’intérêt de mutualiser les coûts fixes et d’attirer davantage les opérateurs pour installer le très haut débit, certains d’entre eux ont d’ores et déjà créé des sociétés publiques locales de plus grande envergure dédiées à la commercialisation voire à l’exploitation de leurs infrastructures de réseaux de communications électroniques, comme par exemple en Aveyron, en Aquitaine ou encore en Bourgogne. Or, ce type de montage est éligible aux subventions majorées délivrées par le PFTHD.
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de Mme Marianne Chapdelaine et les autres membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de réécriture globale du présent article, sous-amendé par votre rapporteur, qui vise à encadrer plus étroitement la période pendant laquelle des syndicats mixtes ouverts peuvent être constitués avec d’autres syndicats mixtes ouverts, en fixant la limite de ce dispositif au 31 décembre 2019 au lieu du 31 décembre 2021.
En effet, les dispositions de l’article 36 ne doivent pas conduire à complexifier durablement le cadre institutionnel actuel des compétences et ne doivent constituer qu’une mesure transitoire facilitant la mise en place de grands projets d’implantation des réseaux de communications électroniques à très haut débit sur l’ensemble du territoire.
De plus, le fait d’encadrer dans une période de temps plus courte cette souplesse permet d’inciter à ce que les projets se mettent rapidement en place, sans perte de temps longue dans la structuration institutionnelle du porteur de projet. Cette nouvelle rédaction s’accorde donc parfaitement avec la stratégie d’accélération du PFTHD.
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La Commission est saisie de l’amendement CL563 du rapporteur.
M. le rapporteur. Qu’il s’agisse des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) ou des syndicats mixtes ouverts (SMO), les réalités diffèrent selon les départements, les régions, la culture, les habitudes et modes de fonctionnement.
J’avais déposé un amendement de suppression de cet article 36, car je m’inquiétais d’une possible dilution de la capacité de décision des élus locaux en raison de la création de « SMO de SMO ». Cet article permet en effet, à titre transitoire, qu’un SMO soit composé d’autres SMO pour exercer des compétences en matière de réseaux de communications électroniques. Nous avons déjà des structures qui sont liées aux conseils municipaux, puis aux organismes intercommunaux, aux syndicats mixtes. Rajouter un syndicat mixte risque d’éloigner du processus de décision les élus locaux qui sont pourtant les plus demandeurs d’efficacité, de transparence et de compréhension des décisions prises.
Au fil des auditions, j’ai évoqué la possibilité de travailler avec des structures existantes, sans créer ces « SMO de SMO ». Le recours à une société publique locale (SPL) peut permettre au syndicat mixte de conserver le pouvoir de décision et d’orientation tout en ayant une force de frappe plus importante dans la négociation avec les opérateurs sur les tarifs et les zones prioritaires. Compte tenu des discussions que nous avons déjà eues, je vais cependant retirer cet amendement.
L’amendement CL563 est retiré.
La Commission examine l’amendement CL385 de M. Gwenegan Bui, qui fait l’objet du sous-amendement CL594 du rapporteur.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cet amendement vise à éviter que des regroupements inopinés ne provoquent des dispersions et un éloignement des centres de décision.
M. le rapporteur. Pour le compléter, mon sous-amendement propose de fixer la date butoir au 31 décembre 2019 dans le CGCT.
Mme la secrétaire d’État. Il me semble qu’il y a un malentendu initial concernant cet article 36, qui n’est pas contraignant : il offre une nouvelle faculté aux collectivités locales. Celles-ci pourront créer des SMO de SMO, alors que cette possibilité d’adhésion d’un syndicat à un autre n’est possible que pour les syndicats mixtes fermés.
J’avoue une certaine incompréhension face aux objections qui ont été soulevées, notamment en Bretagne, alors que ce territoire est probablement le meilleur élève en termes de couverture numérique. Les élus bretons sont partis très tôt, comprenant toute l’ampleur de la doctrine « big is beautiful » et donc la nécessité de se regrouper. Cinq départements se sont regroupés, qui ont offert un marché aux opérateurs et bénéficié d’effets d’échelle sur les travaux d’aménagements. Ce n’est pas le cas partout et d’autres régions réclament la possibilité de créer les structures les plus souples possibles. Les SPL, auxquelles peuvent éventuellement adhérer les SMO en tant qu’actionnaires, sont des structures juridiques complexes qui ne règlent pas la question de l’existant.
Pour ma part, je vois plusieurs avantages à la création de ces « SMO de SMO ». Tout d’abord, cela permet de distinguer les travaux d’infrastructures de l’exploitation commerciale subséquente des réseaux par des opérateurs. Le « SMO de SMO » peut également être utile dans cette deuxième phase, car il permet de créer un plus grand marché, donc un rapport de force plus équilibré en faveur des collectivités locales qui négocient avec les acteurs économiques. En outre, les départements qui se regroupent peuvent bénéficier de l’incitation financière donnée par l’État dans le cadre du plan « France très haut débit ». Un « SMO de SMO » peut consister en un regroupement de départements, sans atteindre le niveau régional. Enfin, il ne s’agit en aucun cas de démultiplier le nombre d’instances interlocutrices en charge de ces dossiers. Au contraire, le regroupement tend à rationaliser et à faire en sorte qu’il y ait un interlocuteur unique face aux opérateurs de télécommunication.
Tel est l’objectif de cette nouvelle faculté créée, qui répond à un besoin fortement exprimé par certains territoires, et qui n’exclut aucunement les choix éventuellement faits par d’autres. Cet article doit être maintenu en l’état dans la loi. J’émets donc un avis défavorable au sous-amendement et à l’amendement.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. En fait, nous souhaitons qu’un nouveau syndicat mixte puisse regrouper à terme tous ces « SMO de SMO », et qu’il soit doté d’une gouvernance unique, plus proche des élus. Cela nous semble aller dans le sens des nouvelles compétences accordées aux régions. L’idée est bien de n’avoir plus qu’un SMO.
M. le rapporteur. Tel qu’évoqué, le sujet est très lié aux inquiétudes concernant les capacités de financement car, tout le monde l’a compris, les structures ne représentent pas le seul enjeu. L’accompagnement du plan « France très haut débit » et les avantages associés à la taille critique laissent entendre aux acteurs qu’ils doivent en passer par ces « SMO de SMO ». En tout cas, c’est une source d’inquiétude qui est apparue au cours des auditions. Je continue à penser que la solution de la SPL, déjà existante, était certainement efficace. Il n’était pas forcément nécessaire de rédiger un nouvel article dans ce texte. Dans tous les cas, je suis plutôt favorable à l’adoption de l’amendement sous-amendé.
Mme la secrétaire d’État. Il n’a jamais été question que l’incitation financière proposée par l’État – 10 % à 15 % de financement public supplémentaires – ne soit accordée que dans le cadre d’un « SMO de SMO ». Il suffit de faire valoir un regroupement de départements, quelle que soit la structure juridique adoptée. Je le répète, cet article n’exclut absolument pas la possibilité de créer une SPL, et certains territoires ont d’ailleurs fait ce choix. En l’occurrence, il faut faire preuve d’une grande souplesse, coller aux besoins et aux réalités locales. Il se trouve que le « SMO de SMO » correspond à l’un de ces besoins. Il serait très regrettable d’écarter cette option, comme le fait l’amendement.
M. Patrice Martin-Lalande. J’interviens pour défendre cet article 36 qui offre une solution sans l’imposer. Pour avoir été président d’un SMO que j’ai créé en Loir-et-Cher, je pense que nous avons besoin d’un échelon supplémentaire, sans éloigner pour autant les pouvoirs de décision sur le réseau qui s’exercent au niveau du SMO départemental avec les EPCI, le conseil départemental et d’autres. Ce qui peut être mutualisé au-delà du département, notamment la commercialisation, doit pouvoir être pris en charge par une structure, SMO ou autre. La SPL – que nous n’excluons pas – pose des problèmes financiers et juridiques qui ne sont pas faciles à surmonter. Or, dans les zones rurales notamment, la création d’un « SMO de SMO » peut permettre d’atteindre la taille critique et d’intéresser les opérateurs. Franchement, je crois qu’il est important de conserver tel quel cet article, auquel les associations sont d’ailleurs favorables.
La Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.
En conséquence, l’article 36 est ainsi rédigé.
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Section 2
Couverture numérique
Article 37 A (nouveau)
(art. L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales)
Éligibilité des dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Le présent article additionnel, introduit à l’initiative du Gouvernement, a été adopté par la commission des Lois après avis favorable de votre rapporteur. Il vise à rétablir l’éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des dépenses d’investissement des collectivités territoriales en matière d’extension de la couverture mobile.
Depuis le premier programme de résorption des zones blanches de 2003, les investissements des collectivités pour la création d’infrastructures passives (points hauts) étaient éligibles aux attributions du FCTVA. Ce dispositif a toutefois pris fin au 31 décembre 2014.
Dans le cadre du comité interministériel aux ruralités de mars 2015, puis de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », le Gouvernement s’est engagé dans une relance de la couverture mobile par une résorption des zones blanches 2G, une extension du programme de couverture à la 3G et un dispositif d’amélioration de la couverture mobile hors centre-bourg.
En cohérence avec cette reprise des programmes de couverture du territoire par les réseaux mobiles, le présent article vise à soutenir les dépenses d’investissement des collectivités territoriales en faveur de l’extension de la couverture mobile. Le coût budgétaire de cette mesure est évalué par le Gouvernement dans une fourchette de 5 à 10 millions d’euros pour 2016.
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La Commission est saisie de l’amendement CL524 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à compléter le rétablissement de l’éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des dépenses d’investissement des collectivités territoriales en matière d’infrastructures numériques, en prenant en compte les réseaux mobiles, c’est-à-dire les pylônes de téléphonie qui pourraient être installés pour la couverture des zones blanches. Lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2015, la téléphonie avait été exclue et le ministère de l’économie a accepté de la réintégrer. C’est donc une très bonne nouvelle pour les collectivités qui souhaitent investir, en particulier dans les zones rurales et dans les zones périurbaines qui sont des zones blanches.
M. le rapporteur. Je suis extrêmement sensible au fait que l’on puisse redonner un coup d’accélérateur au déploiement du très haut débit (THD). C’est plus qu’urgent. Je ne peux qu’être favorable à cet article additionnel proposé par le Gouvernement et aux explications données par Mme la secrétaire d’État. Le coût budgétaire de cette mesure a-t-il été évalué ?
Mme la secrétaire d’État. Pour l’année 2016, la mesure devrait coûter entre 5 et 10 millions d’euros. Je précise que cette mesure est rétroactive au 1er janvier 2015, date à partir de laquelle l’éligibilité avait été supprimée.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Les collectivités se réjouiront de ce cadeau de Noël, devenu rare par les temps qui courent…
La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.
La Commission examine l’amendement CL668 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement, défendu par M. Fabrice Verdier en commission des Affaires économiques, vise à assurer la bonne mutualisation du déploiement du réseau THD. L’idée est de parvenir à une couverture complète des communes, grâce à un investissement plus rapide.
M. le rapporteur. Pour les opérateurs, les centres-bourgs ou les centres-villes sont bien plus intéressants financièrement parce que, du fait de la densité de population, l’investissement relatif est plus faible. En outre, les abonnés potentiels y ont bien souvent un pouvoir d’achat plus élevé que ceux des zones excentrées. L’idée est donc de retenir les communes entières pour éviter la relégation de certains quartiers ou certaines zones des communes moyennes ou rurales. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement vise à éviter ce qu’on appelle l’écrémage, c’est-à-dire un comportement opportuniste de l’opérateur de télécommunication, consistant à ne couvrir que les parties les plus rentables d’une commune et posant donc un problème flagrant d’égalité entre les citoyens. Cet amendement est conforme aux objectifs très ambitieux que s’est fixés le Gouvernement en matière de couverture numérique du territoire en THD. Cela étant, sa rédaction suppose une très forte expertise technique et nous sommes en train de le soumettre à l’examen de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), afin de nous assurer que l’objectif recherché ne créera pas d’effets indésirables. C’est la raison pour laquelle, en dépit du soutien très fort du Gouvernement à cet amendement sur le fond, je demande son retrait. Mais je vous assure que le Gouvernement souhaite aboutir à un texte présenté en séance publique sur le sujet.
L’amendement est retiré.
Article 37 B (nouveau)
(art. L. 48 du code des postes et des communications électroniques)
Rétablissement de la servitude des réseaux déployés en façades
et sur les murs d’immeubles
Le présent article additionnel, introduit à l’initiative du Gouvernement, a été adopté par la commission des Lois suivant l’avis favorable de votre rapporteur. Il vise à rétablir au bénéfice de tous les opérateurs de communications électroniques la servitude de passage sur les façades et les murs qui avait été octroyée à France Télécom avant 1996.
Il faut en effet rappeler que jusqu’en juillet 1996, les réseaux de communication électronique ont pu bénéficier de prérogatives de puissance publique, ce qui a permis le déploiement des réseaux à l’échelle nationale avec des facilités d’accès sur les domaines privés et les façades. France Télécom, en tant qu’exploitant public, pouvait ainsi « établir des supports, soit à l’extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit même sur les toits ou terrasses des bâtiments, à la condition qu’on y puisse accéder par l’extérieur » en application de l’ancien article L. 48 du code des postes, télégraphes et téléphones. Cette servitude s’étendait aux « murs et façades ne donnant pas sur la voie publique, à condition qu’on puisse y accéder par l’extérieur ou par les parties communes, lorsque ces installations (étaient) réalisées en vue de la distribution des lignes de télécommunications nécessaires pour le raccordement individuel ou collectif des occupants de l’immeuble ou des immeubles voisins ».
La loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 a introduit, au bénéfice de l’ensemble des opérateurs de réseaux ouverts au public, la notion de droits de passage sur le domaine public et de servitudes sur le domaine privé. Toutefois, la pose de réseaux de communications électroniques en façade a été supprimée.
Or, dans le cadre du Plan France très haut débit, le déploiement aérien représente une part importante des déploiements des réseaux de fibre optique. Afin d’accompagner au mieux les porteurs de projet et les opérateurs, un groupe de travail « déploiement sur appuis aérien » a été créé par la Mission Très Haut Débit en 2014 pour traiter notamment les sujets d’ordre opérationnel. Il est apparu que la rédaction de l’article L. 48 du code des postes et des communications électroniques laissait douter de la possibilité pour un opérateur de pouvoir accrocher le câble de fibre optique en suivant le cheminement des câbles existants en façade, et donc de bénéficier des servitudes des réseaux existants.
Sans la possibilité d’utiliser de façon simple et opérationnelle la servitude des réseaux existants déployés en façade le long des maisons individuelles et des immeubles, l’opérateur qui souhaite déployer son câble de fibre optique doit donc obtenir l’accord formel de tous les propriétaires des maisons et immeubles concernés, ce qui est extrêmement long, fastidieux et coûteux. De l’avis de l’ensemble des opérateurs et porteurs de projets, cela représente une véritable entrave au déploiement généralisé des boucles locales permettant d’amener la fibre optique jusqu’à domicile (FttH - Fiber to the Home en anglais).
Le présent article additionnel permet de lever cette difficulté. Il autorise également la pose de systèmes d’accroches sur les façades et les murs d’immeubles pour faire passer les nouveaux câbles de fibre optique déployés par les opérateurs.
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La Commission aborde l’amendement CL483 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Toujours dans le but d’accélérer la couverture numérique des territoires, cet amendement tend à clarifier la possibilité pour un opérateur d’installer la fibre optique sur les murs et façades d’immeubles en suivant le cheminement des câbles existants et de bénéficier ainsi des servitudes des réseaux correspondants. Il s’agit par exemple des goulettes qui apparaissent sur les façades des immeubles. Il est nécessaire de modifier certaines dispositions du code des postes et des communications électroniques relatives aux servitudes de passage sur le domaine privé délivrées par le maire au nom de l’État. C’est en quelque sorte un amendement de simplification réglementaire qui va faciliter le travail des opérateurs, et donc un déploiement plus rapide de la fibre optique, afin d’apporter le THD aux logements.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Article 37 C (nouveau)
(art. 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis)
Simplification de la mise en œuvre du droit à la fibre optique
Le présent article additionnel, introduit à l’initiative du Gouvernement, a été adopté par la commission des Lois suivant l’avis favorable de votre rapporteur. Il permet de lever des obstacles opérationnels à l’installation de la fibre optique dans des immeubles comportant plusieurs logements ou à usage mixte en interdisant au propriétaire ou à la copropriété de s’opposer, sauf motif sérieux et légitime, à l’installation de telles lignes dans les parties communes de l’immeuble lorsque les infrastructures d’accueil disponibles le permettent dès lors que l’occupant d’un logement a souhaité mettre en œuvre sont « droit à la fibre » dans les conditions de l’article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l’installation d’antennes réceptrices de radiodiffusion.
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La Commission est saisie de l’amendement CL505 du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. Voici un autre cadeau de Noël ! Cet amendement crée en effet un droit à la fibre optique, à l’instar de ce qui existe en Espagne – ce n’est d’ailleurs pas le fait du hasard si ce pays connaît aujourd’hui le développement le plus rapide dans ce domaine. Des obstacles réglementaires au développement de la fibre dans les immeubles persistaient en France puisque les opérateurs devaient recueillir, selon des procédures complexes, le consentement du syndicat de copropriété.
Cet amendement tend à renforcer les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis en facilitant le raccordement par un opérateur. Si le raccordement n’est pas coûteux, l’accord du syndicat de copropriété n’est plus nécessaire.
M. le rapporteur. Avis très favorable.
M. Lionel Tardy. Je souhaiterais modérer l’enthousiasme que provoque cet amendement. En effet, la mention : « sous réserve que ce dernier dispose des infrastructures d’accueil adaptées », signifie qu’une très large partie du patrimoine immobilier ne sera pas couverte, notamment dans les zones urbaines, et que ce sont surtout les logements neufs qui sont concernés.
La Commission adopte l’amendement.
Article 37
(art. L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques)
Mise à disposition du public des cartes de couverture du territoire des opérateurs mobiles
Le présent article vise au renforcement de la transparence des informations relatives à la couverture du territoire en services de communications électroniques communiquées par les opérateurs en imposant à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de rendre publics en open data les données servant notamment à établir les cartes de couverture.
1. Les obligations de qualité et de disponibilité du réseau et des services imposées aux opérateurs de communications électroniques
La directive n° 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, dite directive « service universel », prévoit, dans son article 22, les dispositions suivantes en matière de qualité de service applicable à toute entreprise offrant des services de communications électroniques :
« Les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales soient en mesure, après avoir pris en compte l’opinion des parties intéressées, d’exiger des entreprises offrant des services de communications électroniques accessibles au public la publication d’informations comparables, adéquates et actualisées sur la qualité de leurs services à l’attention des utilisateurs finals. Ces informations sont fournies également, sur demande, à l’autorité réglementaire nationale avant leur publication.
Les autorités réglementaires peuvent préciser, entre autres, les indicateurs relatifs à la qualité du service à mesurer, ainsi que le contenu, la forme et la méthode de publication des informations, afin de garantir que les utilisateurs finals auront accès à des informations complètes, comparables et faciles à exploiter ».
Ces dispositions ont été transposées en droit français à l’article D. 98-4 du code des postes et des communications électroniques par le décret n° 2005-862 du 26 juillet 2005 :
« L’opérateur met en œuvre les équipements et les procédures nécessaires, afin que les objectifs de qualité de service demeurent au niveau prévu par les normes en vigueur en particulier au sein de l’UIT et de l’ETSI, notamment pour ce qui concerne les taux de disponibilité et les taux d’erreur de bout en bout.
L’opérateur mesure la valeur des indicateurs de qualité de service définis par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les conditions prévues par l’article L. 36-6. L’Autorité peut demander la certification des méthodes de mesure de la qualité de service. Les modalités de mise à disposition du public du résultat de ces mesures sont fixées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les mêmes conditions. »
La publication par les opérateurs de la mesure d’indicateurs de qualité de service vise à permettre aux utilisateurs finals de disposer d’informations simples, individuelles, comparables, actualisées qui traduisent la perception de l’utilisateur sur la qualité du service fourni par les opérateurs de services de communications électroniques.
Conformément à ces dispositions et à la suite des travaux préparatoires effectués avec les opérateurs et leur fédération depuis 2006, l’ARCEP a privilégié la mise en œuvre d’indicateurs et de méthodes normalisées qui sont issues de documents d’organismes de normalisation, comme le guide ETSI 202 057 (312) établi à la suite des recommandations de l’Union internationale des télécommunications (UIT).
Ces travaux lui ont d’abord permis de définir la liste des indicateurs de qualité de « service fixe » (téléphone, internet, télévision) ainsi que leurs modalités de mise à disposition et de publication par les opérateurs dans sa décision n° 2008-1362 du 4 décembre 2008 (313). Cette obligation de publication d’indicateurs de qualité et de service s’applique au fournisseur de service fixe, que ce service soit offert par ce fournisseur par le biais de son propre réseau fixe ou par celui du réseau fixe d’un autre opérateur et ce, quels que soient la technologie ou le réseau de boucle locale supportant ce service. L’obligation de publication d’indicateurs de qualité de service fixe s’applique aux offres résidentielles (i.e. non professionnelles) des seuls opérateurs ayant plus de 100 000 abonnés sur une même configuration d’accès fixe. Depuis octobre 2010, l’ARCEP publie un bilan des mesures de qualité de service fixe publiées trimestriellement par les opérateurs.
De plus, en application des dispositions des directives européennes transposées par l’ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011, l’évaluation de la qualité de service de « l’accès à internet » entre désormais dans ses missions. Les indicateurs sur la qualité de service de l’accès à l’internet ont abouti à l’homologation, par le ministre chargé des communications électroniques, de la décision n° 2013-0004 de l’ARCEP en date du 29 janvier 2013 relative à la mesure et à la publication d’indicateurs de la qualité des services fixes d’accès à l’internet et de téléphonie.
Par la même décision, l’ARCEP a révisé la liste des indicateurs de qualité de service fixe afin d’harmoniser les conditions de production, de suivi et de publication des indicateurs téléphoniques avec celles des indicateurs du service d’accès à l’internet dont la méthodologie et les questions liées au choix de l’infrastructure de mesure sont proches. La périodicité de publication des indicateurs liés aux appels téléphoniques est par ailleurs devenue semestrielle.
Ces indicateurs de qualité de services couvrent notamment :
– la qualité de l’accès (délais de raccordement, taux de panne, délais de réparation, délais d’attente au service client, etc.) ;
– la qualité des appels téléphoniques (qualité de la parole, défaillance des appels, durée d’établissement d’appel).
Concernant les services mobiles, l’ARCEP mène régulièrement des enquêtes ayant pour objectif d’apprécier, sur une base comparative, la qualité des services offerts aux utilisateurs par les opérateurs de réseaux mobiles. L’enquête vise, au travers de mesures techniques réalisées sur le terrain, à refléter de manière parfaitement comparable la qualité des services mobiles proposés par les opérateurs.
L’ambition d’une telle approche n’est pas de fournir des prédictions certaines quant au service offert à l’utilisateur, mais plutôt de permettre une estimation fiable des usages attendus des réseaux mobiles dans des circonstances données. C’est dans cette optique que sont définies les notions de « qualité de service » et de « couverture » des réseaux mobiles.
La qualité vise à fournir une information agrégée sur les performances des services mobiles offerts via les réseaux mobiles, au niveau national ou pour des zones présentant une cohérence géographique (par exemple, les agglomérations de plus de 400 000 habitants prises dans leur ensemble). La mesure de la qualité nécessite le choix d’indicateurs pertinents visant à représenter les usages courants des consommateurs comme par exemple la capacité de l’opérateur à maintenir sans coupure un appel pour le service voix, ou encore le débit moyen accessible à un utilisateur pour les services de données.
La couverture vise à caractériser la disponibilité des services offerts via les réseaux mobiles avec une granularité géographique fine, en se rapportant à un niveau de service fixé. La définition de la couverture mobile nécessite donc le choix d’une configuration de référence pour la production d’informations géo-localisées, objectives et comparables. Elle fait appel à des indicateurs objectifs (taux de réussite d’appels ou de connexion au réseau…) et à des conditions bien identifiées (à l’extérieur des bâtiments, en usage piéton, dans le TGV, sur l’autoroute…).
Les opérateurs sont tenus de transmettre, au moins une fois par an, à l’ARCEP, leur « carte de couverture », aux termes de leurs licences et de l’article D. 98-6-2 du code des postes et des communications électroniques. Il s’agit de cartes géographiques représentant la couverture mobile de chaque opérateur. Celles-ci reposent sur des modélisations informatiques complexes, fondées sur des algorithmes de simulation numérique, permettant de rendre compte avec une granularité géographique fine de la couverture mobile. Ces cartes de couverture, indiquant les zones où des services 2G, 3G et 4G sont disponibles, sont publiées sur les sites internet respectifs des opérateurs et sur le site de l’ARCEP.
Malgré l’ampleur des moyens déployés pour la modélisation de la couverture, la fiabilité des cartes produites ne peut être parfaite, compte tenu de la complexité de la prédication de la couverture. C’est la raison pour laquelle, en application des autorisations d’utilisation de fréquences, les opérateurs de réseaux mobiles doivent, chaque année, prendre en charge la réalisation d’une enquête de vérification de leur couverture sur le terrain qui permet d’apprécier la couverture des territoires par l’opérateur, notamment dans les centres-bourgs et sur les axes routiers. Cette enquête est réalisée par un prestataire indépendant des opérateurs mobiles.
En outre, certaines entreprises proposent des applications aux usagers leur permettant de procéder à des relevés sur le terrain et établissent des cartes à partir de ces relevés (314) qui permettent de renforcer l’information des usagers.
Or, selon l’étude d’impact du projet de loi, ces dispositifs ne sont pas totalement satisfaisants car ils ne permettent pas toujours au régulateur de garantir la comparabilité des résultats des mesures de couverture et de qualité de service qui sont réalisées à sa demande par des prestataires choisis par les opérateurs mobiles.
2. La mise à disposition du public des cartes de couverture du territoire des opérateurs mobiles par l’ARCEP
Le présent article complète l’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques relatif aux missions de l’ARCEP pour lui confier celle de mettre à disposition du public, par voie électronique, sous un standard ouvert et réutilisable (en « open data » en anglais), sous réserve d’en mentionner la source, les données suivantes :
– les cartes numériques de couverture du territoire que les fournisseurs de services de communications électroniques sont déjà tenus de publier ;
– les données servant à les établir qui sont transmises préalablement à l’Autorité.
Il s’agit d’une nouvelle contrainte pour l’ARCEP mais celle-ci dispose déjà des outils permettant de publier en « open data » sur son site internet certaines des informations transmises par les opérateurs (315).
Selon l’étude d’impact, cette mesure « permettra à des tiers d’exploiter ces informations et contribuera in fine à accroître la transparence pour les consommateurs et à garantir les conditions d’une saine concurrence ».
Toutefois, cette analyse est contestée par les opérateurs concernés (Orange, SFR/Numéricable, Bouygues Télécom et Iliad/Free) qui considèrent que la mise à disposition du public des cartes de couverture, et plus encore des données permettant l’établissement de ces cartes, soulève trois types de difficultés :
– une difficulté juridique : dans la mesure où l’ingénierie des réseaux (emplacement, choix technologique, ingénierie radio…) relève de la stratégie propre de chaque opérateur, elle serait susceptible d’être protégée par un droit de propriété intellectuelle. Sa divulgation au public porterait en tout état de cause une atteinte au secret des affaires de chaque opérateur ;
– une difficulté économique : l’ingénierie des réseaux permettant d’assurer la couverture mobile du territoire est créatrice de valeur pour l’opérateur et sa divulgation pourrait poser de graves distorsions de concurrence. Ces données pourraient en outre être utilisées par des tiers à d’autres fins que l’amélioration de la connaissance ;
– une difficulté liée à son incidence sur la sécurité et les intérêts fondamentaux de la nation, renforcée par le contexte de l’état d’urgence actuel, dans la mesure où certaines de ces données concernent des infrastructures d’importance vitale (cœur de réseaux…), qui font l’objet d’une protection particulière. Or, la divulgation des coordonnées géographiques de ces infrastructures pourrait créer de nouveaux risques.
Votre rapporteur considère néanmoins que ces arguments méritent d’être largement relativisés.
D’une part, les cartes de couverture numérique sont d’ores et déjà publiées sur le site internet de chaque opérateur et transmises à l’ARCEP qui les publie également sur son site internet. Il en est de même de certaines « données servant à les établir », comme les emplacements des antennes, qui sont aujourd’hui publiées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) sur le site www.cartoradio.fr. Il en résulte que l’atteinte au secret des affaires des opérateurs mobiles ou à un éventuel droit de propriété intellectuelle tenant à l’ingénierie de leur réseau du fait du présent article ne semble pas établie.
D’autre part, les données sous-jacentes à l’établissement des cartes de couverture (emplacements des antennes, puissance, direction…) peuvent certes être considérées comme sensibles sur un plan industriel par les opérateurs mobiles, mais le présent article a précisément pour objet de renforcer la concurrence au bénéfice du consommateur et leur permettre, ainsi qu’à d’autres entreprises, de développer de nouveaux services à partir de ces données. Or, votre rapporteur est persuadé que le principe du libre accès et de la libre réutilisation de telles données est un outil essentiel pour dynamiser la croissance économique et la création de valeur. Il considère, en tout état de cause, qu’à partir du moment où tous les opérateurs sont soumis à la même obligation, il n’y a pas de risque de distorsion de concurrence.
Enfin, selon l’ARCEP, les données qu’elle mettra à la disposition du public, sous un standard ouvert aisément réutilisable, ne concerneront en aucun cas des données relatives à des infrastructures d’importance vitale susceptibles de mettre en jeu la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la Nation.
Dans son avis, le Conseil d’État a pour sa part considéré que cette disposition impose « des obligations proportionnées » aux opérateurs de téléphonie mobile au regard des objectifs poursuivis.
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La Commission étudie l’amendement CL647 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet article vise à renforcer le degré de transparence quant à la couverture fournie. Sans remettre en cause l’objectif, que nous partageons, le présent amendement propose d’en sécuriser la mise en œuvre juridique en faisant en sorte qu’il ne soit pas contraire au principe du secret des affaires.
C’est pourquoi il propose en premier lieu que les cartes de couverture, qui sont la propriété des opérateurs, ne soient pas publiées en open data, ce qui reviendrait à les exproprier, mais accessibles via le site de l’ARCEP dans le cadre de son observatoire sur la couverture et la qualité des services mobiles.
La mise à disposition des cartes au sein d’un dispositif permettant de comparer la couverture entre les différents opérateurs enrichira l’observatoire. Comme l’a souligné l’ARCEP dans son avis sur ce projet de loi rendu le 12 novembre 2015, ce dispositif apparaît pertinent, car il permettra aux utilisateurs particuliers et aux collectivités territoriales de s’assurer que les cartes de couverture correspondent au mieux à la réalité et à leur expérience.
En second lieu, il est proposé d’exclure les données servant à l’établissement de la couverture, car les communiquer reviendrait à rendre publiques les règles d’ingénierie, c’est-à-dire le savoir-faire technique de chacun des opérateurs, ce qui ne manquerait pas de dissuader les intéressés de poursuivre la mise en œuvre du dispositif.
M. le rapporteur. Je vais m’exprimer sur l’ensemble des amendements déposés sur le présent article. Nous avons tous largement débattu les uns et les autres de ce sujet – souvent évoqué au cours des auditions – tant avec l’ARCEP qu’avec les opérateurs et la Fédération française des télécoms. Cela vaut, monsieur Martin-Lalande, pour les arguments que vous avancez ; l’examen attentif de ces amendements me conduit à souhaiter leur retrait, y compris des miens qui sont au nombre de cinq, car aucune des rédactions n’est satisfaisante. En contrepartie, je m’engage à proposer, pour la séance publique, une nouvelle rédaction de cet alinéa tenant compte de toutes les préoccupations exprimées.
Mme la secrétaire d’État. Je suis également favorable au retrait des amendements, malgré l’importance de cet article qui concerne l’open data en matière de couverture mobile, c’est-à-dire la fourniture du meilleur service à nos concitoyens où qu’ils se trouvent. L’argument du secret des affaires est d’une pertinence très relative : certains d’entre vous connaissent Cartoradio, outil mis à disposition par l’Agence nationale des fréquences (ANFR), qui localise toutes les antennes installées sur le territoire national.
L’article 37 ne crée pas de nouvelles obligations à la charge des opérateurs, qui sont d’ores et déjà tenus de transmettre ce type d’information à l’ARCEP. Il crée, en revanche, une charge nouvelle pour le régulateur, qui sera tenu de mettre à disposition les données relatives à la localisation ou celles ayant servi au choix de cette localisation. À la demande du Gouvernement, l’ARCEP s’est saisie de la question afin de déterminer, au-delà des cartes elles-mêmes, quels types de publications et pour quelles données pourront être pertinents.
Pour ces raisons, le retrait des amendements est bienvenu dans l’attente d’une nouvelle rédaction, proposée par le rapporteur et non par le Gouvernement — ce que j’ai bien entendu.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Monsieur Martin-Lalande, monsieur Tardy, acceptez-vous de retirer vos amendements dans les conditions proposées par le rapporteur ?
M. Lionel Tardy. J’accepte de retirer mon amendement CL113, mais je souhaiterais obtenir des précisions sur les divers délais de réécriture annoncés au cours de nos débats par le rapporteur, qui doit rédiger à nouveau la moitié du texte avant samedi midi prochain ! Je ne veux ni que nous soyons contraints de faire du travail bâclé, ni que nous soyons frustrés de n’avoir pas pu redéposer nos amendements. Or je ne vois pas, monsieur le rapporteur, comment vous pourriez être prêt pour la séance publique.
M. le rapporteur. Votre sollicitude me touche, aussi vous fais-je part de la solution que j’envisage de proposer : il s’agirait de préciser, à la fin de l’alinéa 2, que l’ARCEP fixe la liste des données servant à établir les cartes numériques des territoires que les fournisseurs lui transmettent préalablement. Il me semble que cette rédaction répondrait à vos attentes ainsi qu’aux inquiétudes manifestées par les opérateurs et la Fédération française des télécoms notamment.
M. Patrice Martin-Lalande. Si vous n’envisagez de modifier que la fin du deuxième alinéa, je retire l’amendement CL465 et maintiens l’amendement CL467.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je veux bien retirer l’amendement CL669 sur la foi des propos du rapporteur, mais je demeurerai attentive au périmètre des données concernées.
La Commission rejette l’amendement CL467.
Les amendements CL584, CL565, CL585, CL564 et CL586 du rapporteur, CL465 de M. Patrice Martin-Lalande, CL669 de la commission des Affaires économiques et CL113 de M. Lionel Tardy sont retirés.
La Commission adopte l’article 37 sans modification.
Article 37 bis (nouveau)
(art. 52-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)
Établissement d’une liste complémentaire des communes
concernées par les zones blanches
Le présent article additionnel a été introduit à l’initiative de M. Patrice Martin-Lalande, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Il autorise l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches en terme de couverture mobile de deuxième génération, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Les évolutions techniques intervenues durant les dix dernières années ont profondément modifié les besoins et attentes en services de communications électroniques exprimés par nos concitoyens. En matière de téléphonie, la demande en couverture mobile de qualité s’est ainsi substituée à l’utilisation des cabines téléphoniques, composante historique du service universel, comme le souligne le rapport parlementaire du sénateur Pierre Camani et du député Fabrice Verdier sur « le service universel des communications électroniques » (octobre 2014). Leur utilisation résiduelle a conduit les parlementaires à préconiser la sortie de cette composante du dispositif de service universel ainsi que l’allègement des obligations de service universel relatives à l’annuaire imprimé, au profit de nouveaux besoins plus pressants exprimés par nos concitoyens, tel les services de téléphonie mobile.
Or, malgré des progrès continus en matière de couverture du territoire par les réseaux mobiles, l’absence de service de téléphonie mobile dans certains territoires constitue un motif de frustration important pour nos concitoyens.
Les autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques délivrées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) aux opérateurs mobiles prévoient des obligations importantes, renforcées au fil des années, qui ont conduit à une couverture importante de la population et du territoire par les réseaux mobiles.
Néanmoins, selon un recensement réalisé récemment par le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), 170 communes ne sont toujours pas couvertes par les réseaux mobiles et ne sont pas concernées par les programmes de couverture des zones blanches existants.
En outre, certaines communes n’ont pas réussi à démontrer qu’elles entraient dans les critères de cette liste dans les délais impartis compte tenu des modes de concertation diversement mis en œuvre. Le présent article additionnel leur offre ainsi une seconde chance.
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La Commission examine l’amendement CL280 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Les délais impartis et les modes de concertation mis en œuvre n’ont pas permis d’identifier toutes les communes répondant aux critères d’inscription sur la liste des bénéficiaires des schémas de couverture par la téléphonie mobile. La première liste arrêtée montre ainsi une très grande hétérogénéité du nombre de communes identifiées par département. Cet amendement donne une deuxième chance aux communes n’ayant pas bénéficié du premier tirage.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Mon avis est en revanche défavorable. Vous aurez compris, monsieur Martin-Lalande, que nous poursuivons le même objectif de couverture des zones blanches, et les annonces faites par le Premier ministre l’an passé sont toujours d’actualité.
Le Gouvernement est d’ailleurs au rendez-vous puisque, après un premier arrêté publié le 5 novembre dernier concernant 170 communes situées en zone blanche à couvrir, une nouvelle campagne a été menée, précisément à l’attention des communes qui n’avaient pas pu se signaler à temps. Un prochain arrêté intéressera au moins 90 communes, et je m’engage à ce que si, au terme de ces deux campagnes qui auront concerné près de 1 200 communes au total, il subsistait quelques cas en souffrance, il soit possible de répondre aux attentes des communes en question.
Il faut faire preuve de souplesse et prendre en compte les plus petites communes qui, le plus souvent, sont situées dans des zones blanches. L’information doit donc circuler, mais, pour cela, il n’est pas besoin de modifier la loi, qui satisfait cet objectif que nous avons en commun.
M. Patrice Martin-Lalande. Il est si doux d’entendre les propos de Mme la ministre que je souhaite les entendre une deuxième fois en séance publique afin de lui fournir une autre occasion de nous ravir…
La Commission adopte l’amendement.
La Commission examine l’amendement CL283 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. La couverture par la téléphonie mobile n’est pas à la hauteur de l’évolution des usages, les consommateurs que nous sommes le savent tous. L’État dispose de nombreux leviers pour l’améliorer : la redéfinition des obligations à l’occasion de renouvellement d’attributions de licences, la fiscalité, les obligations générales pesant sur les opérateurs, les incitations à la mutualisation, etc. La multiplication des émetteurs pour les seules zones blanches ne constitue pas nécessairement la meilleure solution pour améliorer l’ensemble de la couverture, et ne résoudra qu’une partie des problèmes constatés.
L’État doit aussi assumer sa mission de péréquation nationale, en particulier à l’égard des territoires ruraux et de montagne. Outre les aides à l’investissement, il doit veiller à ne pas créer de nouvelles charges de fonctionnement permanentes pour les collectivités, surtout pour les plus fragiles qui se trouvent souvent dans les zones les moins bien desservies. Les aides et les redevances des opérateurs devraient compenser les coûts.
Cet amendement prévoit donc que, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport – chose que le président de notre président de commission affectionne tout particulièrement (Sourires) – sur l’amélioration globale de la couverture mobile, comportant un volet relatif aux aides nationales apportées aux collectivités.
M. le rapporteur. Je rappelle que l’ARCEP publie chaque semestre sur son site internet un état des lieux de la couverture mobile accessible ainsi que le suivi des obligations de déploiement de chaque opérateur ; ceci me semble satisfaire votre amendement, que je vous suggère donc de retirer.
L’amendement est retiré.
Article 38
(art. L. 2124-26 du code général des collectivités territoriales)
Principe de calcul des redevances d’usage des fréquences
Le présent article complète les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques dans le but de préciser les éléments à prendre en compte dans le calcul des redevances dues par un opérateur de communications électroniques pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public hertzien.
Les fréquences radioélectriques constituent une ressource rare et relèvent du domaine public. Bien qu’instantanément renouvelables, elles ne sont disponibles qu’en quantité limitée à un moment donné et ne peuvent être attribuées et utilisées, avec plus ou moins d’intensité, que par un nombre restreint d’utilisateurs.
Le spectre réglementé est constitué des fréquences allant de 9 kHz à 300 GHz : à l’instar des terrains qui peuvent être constructibles ou non, toutes les fréquences ne sont pas aujourd’hui utilisables. Ces fréquences « utiles » ne sont pas équivalentes, interchangeables, car elles n’ont notamment pas les mêmes qualités de propagation et donc de couverture géographique. Plus les fréquences sont élevées dans le spectre hertzien, moins la portée des ondes est étendue mais plus la bande passante qu’elles offrent est élevée.
Alors que les usages du numérique, et en particulier les transferts de données et d’images par des réseaux sans fil, se généralisent à la quasi-totalité de l’activité économique et qu’ils sont en forte croissance, les modalités de calcul des redevances domaniales d’usage des fréquences deviennent un enjeu essentiel.
1. Le droit en vigueur
L’article 22 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée dispose que « l’utilisation, par les titulaires d’autorisation, de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d’occupation privatif du domaine public de l’État ».
Cette disposition est codifiée à la fois à l’article L. 41-1 du code des postes et des communications électroniques et à l’article L. 2124-26 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).
La qualification de domaine public du spectre permet l’application aux fréquences des principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité, ainsi que la perception de redevances pour occupation du domaine public en plus de la subordination de son utilisation à une autorisation administrative.
L’article L. 2125-1 du CG3P dispose que : « toute occupation ou utilisation du domaine public [...] donne lieu au paiement d’une redevance ». Tel n’est pourtant pas toujours le cas. Ainsi, les fréquences qui relèvent du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et qui sont destinées à des usages de communication audiovisuelle ne donnent pas lieu à la perception de redevances mais à des contreparties non financières.
En ce qui concerne l’usage de fréquences radioélectriques en vue de la fourniture d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, la directive du 7 mars 2002, dite directive « Autorisation » (316), précise, en son article 13, intitulé « Redevances pour les droits d’utilisation et les droits de mettre en place des ressources », que : « Les États membres peuvent permettre à l’autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d’utilisation des radiofréquences (…) afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les États membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l’usage auquel elles sont destinées (...) ».
C’est la raison pour laquelle l’article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit que le Premier ministre peut fixer, par décret, le montant des redevances exigées des opérateurs de téléphonie mobile pour l’exploitation des fréquences qu’ils ont été autorisés à utiliser par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Il est précisé à l’article L. 2125-3 du CG3P que « la redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation ».
Deux redevances domaniales sont dues par les utilisateurs des fréquences assignées par l’ARCEP : la « redevance domaniale de mise à disposition » et la « redevance due par les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre de deuxième ou troisième génération ouvert au public », requalifiée en « redevance due par les opérateurs exploitant un réseau mobile terrestre ouvert au public ».
Les redevances d’occupation du domaine public hertzien sont régies par le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 plusieurs fois modifié. S’agissant de redevances domaniales, leur montant correspond aux avantages procurés par l’occupation. Ceci étant dit, la valeur de mise à disposition du spectre, telle qu’elle ressort des textes applicables, diffère notablement selon les bandes de fréquences et peut varier de 1 à 100 pour une même largeur de bande.
En outre, se pose la question de savoir dans quelles conditions l’autorité gestionnaire du domaine public hertzien (317) peut, avant même le terme d’une autorisation délivrée, modifier les conditions pécuniaires auxquelles est subordonnée l’occupation du domaine.
Sur ce point, l’article 14 de la directive « Autorisation » précitée est très clair : « Les États membres veillent à ce que les droits, les conditions et les procédures applicables aux autorisations générales, aux droits d’utilisation ou aux droits de mettre en place des ressources ne puissent être modifiés que dans des cas objectivement justifiés et dans des proportions raisonnables, compte tenu, le cas échéant, des conditions particulières applicables aux droits d’utilisation de radiofréquences cessibles. Il est fait part en bonne et due forme de l’intention de procéder à de telles modifications et les parties intéressées, dont les utilisateurs et les consommateurs, se voient accorder un délai suffisant pour exprimer leur point de vue sur les modifications proposées, délai qui sera d’au moins quatre semaines, sauf circonstances exceptionnelles. »
Dans un arrêt du 29 décembre 2014, le Conseil d’État a considéré que « si l’autorité gestionnaire du domaine public peut, avant même le terme d’une autorisation délivrée, modifier les conditions pécuniaires auxquelles est subordonnée l’occupation du domaine, elle ne peut toutefois légalement exercer cette prérogative qu’à raison de circonstances nouvelles intervenues ou portées à sa connaissance postérieurement à la délivrance de l’autorisation ». En outre, la modification du montant de la redevance « ne saurait être fixée à un niveau qui serait manifestement disproportionné par rapport à l’avantage que les opérateurs en retirent ». Il en déduit que, conformément aux dispositions de la directive « Autorisation », « une éventuelle augmentation, limitée à des proportions raisonnables, [tient] compte du surcroît d’avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation, déterminé en ayant recours à une méthode d’évaluation objectivement justifiée, transparente et non discriminatoire ».
Or, en l’espèce, le Conseil d’État a annulé un décret (318) qui prévoyait la multiplication par six du montant de la part fixe de la redevance visant à prendre en compte la levée des restrictions technologiques dans la bande 1 800 MHz initialement autorisée pour la fourniture du service mobile de deuxième génération (2G) au motif que la méthode retenue d’évaluation de la valeur économique des fréquences en cause ne tenait pas parfaitement compte des conditions d’utilisation des fréquences par l’opérateur concerné. En effet, l’évaluation des avantages procurés aux opérateurs retenait l’hypothèse que ces fréquences pourraient être exclusivement utilisées pour la fourniture de service mobile de quatrième génération (4G) alors qu’elles ne pouvaient, en fait, être utilisées, au moins pendant un temps, exclusivement avec la norme 4G, compte tenu de la nécessité pour l’opérateur de continuer d’acheminer sur cette bande de fréquences un volume notable de communications par le biais de la norme 2 G, lui procurant des avantages moindres.
Selon l’étude d’impact du présent article : « Une lecture trop littérale de cet arrêt ne permettrait plus à l’État de fixer des redevances incitant les opérateurs mobiles à couvrir le plus vite possible le territoire avec les technologies les plus modernes. Aussi, pour tirer les conséquences de cet arrêt, il est nécessaire de compléter le CG3P afin de permettre au Gouvernement de fixer des montants de redevances qui favorisent la couverture du territoire, le déploiement des technologies les plus efficaces et garantissent ainsi la bonne utilisation des ressources rares que sont les fréquences radioélectriques. »
1. La réforme proposée
Le présent article propose d’introduire des dispositions financières particulières applicables aux services de communications électroniques utilisant le domaine public hertzien, à travers une nouvelle section au sein du chapitre V du titre II du livre Ier de la deuxième partie du CG3P comprenant un nouvel article, numéroté L. 2125-10.
Le premier alinéa de ce nouvel article prévoit que la redevance due, par un opérateur de communications électroniques, pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public des fréquences radioélectriques, tient compte :
– d’une part, des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation eu égard à l’utilisation à laquelle ces fréquences sont destinées ;
– d’autre part, de l’objectif d’utilisation et de gestion efficaces des fréquences radioélectriques.
L’objectif poursuivi par le Gouvernement est que « le montant de la redevance contribue à une utilisation optimale du spectre » conformément à l’article 13 de la directive « Autorisation ».
Votre rapporteur ne peut qu’observer que ces critères sont relativement larges et qu’il appartiendra au juge, le cas échéant, de vérifier qu’in fine le niveau des redevances est fondé à titre principal sur la valeur intrinsèque du patrimoine hertzien et des avantages réellement procurés au titulaire de l’occupation du domaine public hertzien.
Les deuxième et troisième alinéas de ce nouvel article prévoient par ailleurs que les fréquences radioélectriques qui n’ont pas été spécifiquement assignées à un utilisateur ne donnent pas lieu à redevances de même que celles autorisées à des fins exclusivement expérimentales.
Selon l’étude d’impact, il s’agit ici d’encourager les projets innovants de partage de fréquences, comme le préconise le rapport intitulé « Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance » remis au Gouvernement par la professeure Joëlle Tolédano en mars 2014 (319). Celui-ci proposait en effet « de prévoir une exception au caractère payant des utilisations du domaine public dans deux cas : pour l’ensemble des utilisations collectives du domaine public hertzien ainsi que pour toutes les utilisations (y compris privatives) qui n’ont d’autres fins qu’expérimentales. L’affirmation législative de la gratuité des usages partagés du spectre serait certainement une incitation à l’innovation ».
Votre rapporteur soutient cette démarche de gratuité en faveur d’une utilisation partagée du spectre hertzien pour surmonter la contrainte liée à la rareté des fréquences et encourager les expérimentations tendant à favoriser la création ou le développement de services innovants (objets connectés, villes intelligentes, e-santé…).
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL587 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL670 de la commission des Affaires économiques.
M. Lionel Tardy. J’ai retiré l’amendement CL67 au profit de celui-ci, dont je suis cosignataire. Si l’alinéa 3 de l’article dispose que l’utilisation de fréquences non assignées ne donne pas lieu à redevance, l’alinéa suivant prévoit en revanche que l’utilisation de fréquences à des fins expérimentales peut ne pas donner lieu au paiement d’une redevance. Il conviendrait pourtant, là aussi, d’encourager l’innovation en éliminant systématiquement les redevances. Tel est l’objet de l’amendement.
M. le rapporteur. Je suis assez sensible à ces arguments ; je mesure cependant mal les conséquences que pourrait avoir la mesure proposée, bien qu’elles me semblent faibles, et je souhaiterais recueillir l’avis et des informations complémentaires du Gouvernement.
Mme la secrétaire d’État. L’article 38 précise que l’utilisation des fréquences radioélectriques autorisées à des fins exclusivement expérimentales peut ne pas donner lieu à l’acquittement d’une redevance. Cette disposition accorde une plus grande flexibilité à l’ARCEP lorsque le montant des redevances n’est pas déjà fixé par décret. En revanche, les fréquences hertziennes demeurant une dépendance du domaine public, et la durée des expérimentations étant susceptible de variations, il ne me semble pas souhaitable de les exonérer systématiquement de redevance d’occupation du domaine public. De fait, la loi ne doit pas avoir pour effet d’empêcher la valorisation du spectre ; j’ai beau être favorable aux expérimentations – j’ai d’ailleurs chargé l’ANFR d’ouvrir plusieurs chantiers dans ce domaine –, je reste défavorable à une règle générale d’exonération.
M. Lionel Tardy. Encore une fois, il ne s’agit que d’expériences qui n’ont pas vocation à perdurer ; c’est la notion d’expérimentation qu’il convient de valoriser.
M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 38 modifié.
La Commission étudie l’amendement CL281 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement vise à permettre la modulation des redevances d’occupation du domaine public routier dues par les opérateurs en fonction de critères d’efficacité de l’utilisation et de la gestion dudit domaine. De fait, les redevances actuellement perçues sont très faibles, et le domaine public routier est limité. Les intérêts des collectivités ne doivent pas être ignorés.
M. le rapporteur. J’avoue mon incapacité à apprécier la portée budgétaire de la mesure proposée : ni les recherches que nous avons menées, ni les auditions auxquelles nous avons procédé ne nous ont permis de nous forger une opinion. Mais peut-être le Gouvernement dispose-t-il de plus d’information que je n’en pu en obtenir ?
Mme la secrétaire d’État. Je ne considère pas qu’il existe un vide juridique, puisque le code des postes et des communications électroniques comporte des dispositions en la matière. En l’occurrence, la priorité actuelle est au déploiement des réseaux et au triplement du débit sur le territoire : ouvrir avec les opérateurs un nouveau débat relatif aux redevances qu’ils paient pour l’occupation du domaine public, non pas hertzien cette fois, mais routier, ne paraît pas opportun. Ce projet de loi accroît déjà fortement les exigences qui pèsent sur eux, par exemple en créant certaines obligations à l’égard des personnes handicapées, pour le maintien de la connexion à internet – j’aurais aussi pu évoquer la taxe sur la redevance télévisuelle – ou pour l’investissement dans les réseaux. J’émets donc un avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Article 39
(art. L. 35, L. 35-7, L. 36-11 et L. 50 du code des postes et des communications électroniques)
Qualité du service téléphonique
Le présent article s’inspire de la proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, déposée par notre collègue André Chassaigne le 16 décembre 2014 et adoptée à l’unanimité le 7 mai 2015 en première lecture par l’Assemblée nationale (320).
Cette proposition de loi visait à apporter des solutions à la dégradation du service téléphonique fixe consécutive au défaut d’entretien des abords des réseaux fixes de communications électroniques ouverts au public. Le premier chapitre qualifiait l’entretien des réseaux fixes et de leurs abords d’utilité publique. Sur cette base, le texte rétablissait la servitude d’élagage introduite en 1984 et rendait l’opérateur entièrement responsable de l’entretien des abords de son réseau, le propriétaire pouvant cependant s’en charger pour le compte de l’opérateur, après l’en avoir informé et avoir recueilli son accord. Le second chapitre soumettait quant à lui l’opérateur chargé du service universel à deux obligations : dresser un état des lieux détaillé du réseau fixe et renforcer le régime de sanction applicable par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en cas de manquement de l’opérateur à ses obligations.
Le présent article, pour sa part, impose aux propriétaires d’entretenir les abords des réseaux, tout en permettant à l’opérateur de le faire à ses frais sur une base volontaire. Lorsque cet entretien n’est assuré par aucun d’entre eux, le maire peut s’en charger aux frais des opérateurs.
Le principal opérateur concerné est Orange, qui fournit la composante téléphonie fixe du service universel dans les conditions prévues par l’arrêté du 31 octobre 2013. Son réseau fixe de communications électroniques ouvert au public comporte 15,2 millions de poteaux pour 32,5 millions de lignes téléphoniques.
1. L’état des lieux : une forte dégradation du réseau de téléphonie fixe depuis de nombreuses années
Comme l’a illustré dans son rapport notre collègue André Chassaigne (321), les réseaux électriques et téléphoniques aériens ont été fortement endommagés à l’occasion des chutes de neige de l’hiver 1980-1981, de la succession de tempêtes en 1999, 2004, 2009 et 2010, de l’épisode neigeux du mois de novembre 2013 et des périodes de fort vent du début de l’année 2014, avec des conséquences graves pour les usagers.
Au-delà des dégradations liées à des épisodes climatiques imprévisibles, force est de s’interroger sur le manque d’entretien préventif des réseaux et la dégradation générale du service universel.
Sur le plan préventif, il semble évident qu’un meilleur entretien des abords des réseaux de communications électroniques permettrait de limiter les dégâts en cas de tempête ou de fort vent. Un élagage régulier éviterait que des chutes de branches endommagent le réseau, tandis qu’une meilleure surveillance du réseau et de ses abords permettrait de déterminer quels arbres abattre, ou quelle zone débroussailler, afin de maintenir le réseau dans un état satisfaisant.
S’agissant de la dégradation du service universel, l’ARCEP a constaté que certains indicateurs de qualité de service présentés par la société Orange, prestataire du service universel pour la composante de raccordement et de service téléphonique, n’étaient pas conformes aux objectifs qui s’imposent à elle. L’Autorité a donc décidé l’ouverture d’une enquête aux fins de recueillir auprès d’Orange l’ensemble des informations et documents relatifs au respect de ces prescriptions, le 27 mai 2014.
Prenant conscience de certaines insuffisances, Orange s’est engagée à respecter un plan d’amélioration de la qualité des services offerts sur ses réseaux fixes le 28 novembre 2014 consistant à :
– accorder des moyens supplémentaires à ses unités d’intervention, notamment afin de résoudre le stock des défaillances en instance ;
– anticiper les dégradations futures de la qualité de service ;
– renforcer l’information des collectivités territoriales, notamment sur les évolutions de son réseau, et intensifier la collaboration avec celles-ci sur les détections et le traitement des dysfonctionnements, particulièrement en cas de crise (tempêtes, inondations…).
Selon le rapport de M. Chassaigne, le budget consacré aux opérations de maintenance préventive des réseaux devrait fortement augmenter – 300 millions d’euros sur trois ans – tandis que seront mis en place deux pôles dédiés centralisant des informations améliorées sur l’état du réseau. De plus, un plan de maintenance des poteaux a été lancé, qui conduit à une expertise de l’ensemble du parc sur huit ans et à environ 15 000 remplacements de poteaux chaque mois.
2. La proposition de loi du 7 mai 2015 : une première initiative salutaire attribuant la responsabilité de l’entretien des abords du réseau téléphonique à l’opérateur Orange
La dégradation du réseau téléphonique et du service universel a conduit les populations et les élus à se mobiliser : pétitions de protestation, courriers de réclamation, réunions avec les dirigeants de France Télécom, courriers aux ministres, questions écrites des parlementaires…
Finalement, une proposition de loi a été élaborée sur un mode participatif, à travers une démarche citoyenne, avec les élus et les habitants du Livradois-Forez à l’initiative de notre collègue M. André Chassaigne. Déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2014 puis soumise à l’avis du Conseil d’État, elle a été adoptée à l’unanimité le 7 mai 2015.
Cette proposition de loi comprend deux chapitres et cinq articles.
Le premier chapitre, consacré à l’entretien des abords des réseaux de communications électroniques ouverts au public assurant des services fixes, est constitué de deux articles.
Le premier article (article 2), qui complète l’article L. 35 du code des postes et des communications électroniques, qualifie d’utilité publique l’entretien des réseaux assurant des services fixes de communications électroniques ouverts au public et de leurs abords, en vue de garantir la permanence, la qualité et la disponibilité des réseaux et du service.
Le deuxième article (article 3) procède au rétablissement de la servitude d’élagage, en rendant l’opérateur prioritairement responsable des opérations d’entretien des abords sauf accord volontaire du propriétaire et crée un pouvoir de substitution du maire, agent de l’État, en cas de défaillance de l’opérateur s’agissant de l’entretien.
Le A de cet article modifie l’article L. 47 du code des postes et des communications électroniques relatif à l’occupation du domaine public routier en vue d’inclure les abords lorsque sont évoqués les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des réseaux.
Le B modifie l’article L. 48 du même code relatif aux « servitudes instituées en vue de permettre l’installation et l’exploitation des équipements de réseaux » pour inclure la question de l’entretien des abords. Cet article a également été complété afin d’inciter davantage à la contractualisation des « obligations d’entretien », en prévoyant la possibilité pour l’exploitant et le propriétaire de conclure une convention à ce sujet.
Le C procède au rétablissement de l’article L. 50 du même code relatif à la servitude d’élagage et crée un pouvoir de substitution du maire en tant qu’agent de l’État pour procéder aux travaux en cas de défaillance de l’opérateur, à ses frais.
Le premier alinéa du nouvel article L. 50 prévoit que l’exploitant d’un réseau assurant des services fixes de communication électroniques ouvert au public peut intervenir, à ses frais, dans le cadre des opérations d’installation ou d’entretien des équipements du réseau et de leurs abords, afin de procéder à la coupe d’arbres ou d’arbustes et de leurs branches, de faciliter la pose des équipements ou de prévenir leur endommagement et l’interruption du service. S’agissant des propriétés privées, ces coupes ne pourront s’effectuer que dans le cadre du régime en vigueur pour la servitude de passage définie à l’article L. 48 – accord amiable, convention ou autorisation du président du tribunal de grande instance. S’agissant du domaine public, elles s’effectueront selon des modalités définies par la convention d’occupation du domaine public non routier prévue par l’article L. 46 ou par la permission de voirie prévue par l’article L. 47 pour le domaine public routier.
Au titre du deuxième alinéa du nouvel article L. 50, les propriétaires des terrains, le fermier ou leurs représentants, pourront effectuer, pour le compte de l’opérateur concerné, les travaux d’entretien des abords – débroussaillage, coupe d’herbe, élagage et abattage – après en avoir informé l’opérateur et avoir recueilli son accord. Cette disposition, qui confirme que les opérations d’entretien des abords sont mises à la charge de l’opérateur, vise à garantir à ce dernier le moyen de contrôler la mise en œuvre des travaux d’entretien, et de les effectuer lui-même s’il estime qu’il sera plus à même de le faire en vue de prévenir les dommages susceptibles d’être causés aux éléments de son réseau. Il est également précisé que ce régime juridique vaut tant pour les propriétés riveraines du domaine public sur lequel seraient implantés des éléments du réseau, que pour les propriétés privées que de tels éléments traverseraient. La procédure reposant sur l’accord du propriétaire du réseau, les droits de ce dernier sont préservés.
Le troisième alinéa du nouvel article L. 50 dispose, enfin, que le maire, agissant au nom de l’État, pourra se substituer à l’opérateur défaillant si ce dernier n’entretient pas les abords des équipements du réseau dans des conditions permettant de prévenir leur endommagement ou l’interruption du service. Dans ce cas, le maire ne pourra intervenir qu’après une mise en demeure restée infructueuse durant un délai d’un mois, et après information du propriétaire du terrain concerné. Le maire sera alors habilité à faire procéder, aux frais de l’exploitant, aux opérations d’entretien nécessaires, et ce dans le respect des règles encadrant normalement l’activité des exploitants.
Le second chapitre de la proposition de loi comprend également deux articles destinés à améliorer l’information des usagers et à prévoir d’éventuelles sanctions en cas de manquement de la part de l’opérateur Orange.
Le troisième article de la proposition de loi (article 8) procède à l’insertion d’un nouvel article L. 35-7 dans le CPCE, composé de deux alinéas :
– le premier alinéa prévoit la remise à l’ARCEP par l’opérateur, au plus tard trois mois avant l’échéance de la période pour laquelle ce dernier a été chargé de la prestation de service universel relative au raccordement à un réseau fixe, d’un rapport présentant un état des lieux détaillé de son réseau fixe. Dans les zones où les indicateurs de qualité prévus par le cahier des charges ne sont pas satisfaisants, une analyse de l’état du réseau à l’échelle de l’arrondissement est fournie ;
– le second alinéa prévoit que les collectivités territoriales pourront obtenir, à leur demande, tout ou partie de ce rapport, sous réserve que la divulgation des informations qu’il contient ne porte pas atteinte au secret des affaires, au secret commercial ou au secret statistique.
Le quatrième article de la proposition de loi (article 8 bis) :
– introduit un nouveau régime de sanction en modifiant l’article L. 36-11 du CPCE à l’encontre d’un opérateur en charge d’une prestation de service universel qui se montrerait défaillant. Cette sanction ne pourra excéder 5 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 10 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 €, porté à 375 000 € en cas de nouvelle violation de la même obligation. Ce régime est inspiré des dispositifs prévus aux alinéas 6 et 7 de l’article L. 36-11, ce dernier prévoyant une sanction spécifique pour les opérateurs défaillants en matière de couverture mobile ;
– confère désormais au maire la possibilité de saisir l’ARCEP en vue du déclenchement d’une procédure de sanction. Cette disposition est cohérente avec la création d’un pouvoir de substitution en cas de défaillance de l’opérateur en matière d’entretien, et d’autre part avec la création d’une sanction traitant spécifiquement des défaillances en matière de fourniture du service universel.
La réforme proposée : une répartition de la responsabilité de l’entretien des abords pesant prioritairement sur les propriétaires des terrains concernés
Le présent article reprend une grande partie des dispositions précitées de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 7 mai 2015, en :
– qualifiant l’entretien des réseaux fixes de communications électroniques et de leurs abords d’utilité publique (alinéas 1 à 2 complétant l’article L. 35 du code des postes et des communications électroniques) ;
– renforçant les obligations de l’opérateur chargé du service universel qui doit dresser un état des lieux détaillé de son réseau fixe avant l’expiration de sa désignation en tant qu’opérateur de service universel (alinéas 3 à 5 rétablissant l’article L. 35-7 du même code) ;
– rendant passible ce même opérateur de sanctions renforcées en cas de manquement à ses obligations (alinéas 7 à 10 modifiant l’article L. 36-11 du même code) ;
– modifiant les articles L. 47 et L. 48 du même code, pour inclure les abords lorsque sont évoqués les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des réseaux (alinéas 10 à 12), et pour étendre la servitude instituée en vue de permettre l’installation et l’exploitation des équipements de réseaux à la question de l’entretien des abords, tout en incitant davantage à la contractualisation d’« obligations d’entretien » entre l’exploitant et le propriétaire (alinéas 13 à 20).
En revanche, par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale, le présent article propose une répartition différente des responsabilités entre les opérateurs exploitant des réseaux et les propriétaires de terrains en matière d’entretien des abords desdits réseaux à travers le rétablissement de l’article L. 50 du code des postes et des communications électroniques.
Le I de l’article L. 50 impose aux propriétaires d’effectuer, à leurs frais, les opérations d’entretien des abords des réseaux sur leurs terrains telles que « le débroussaillage, la coupe d’herbe, l’élagage et l’abattage ».
Cette disposition prend donc le contrepied de la disposition adoptée par l’Assemblée nationale qui prévoyait que les opérations d’entretien des abords seraient prioritairement mises à la charge de l’opérateur.
Il est également précisé que ce régime juridique vaut tant pour les propriétés riveraines du domaine public sur lequel seraient implantés des éléments du réseau, que pour les propriétés privées que de tels éléments traverseraient, afin de prévenir l’endommagement des équipements du réseau et l’interruption du service. À cette fin, l’opérateur est tenu de proposer au propriétaire l’établissement d’une convention qui vise à garantir à ce dernier le moyen de contrôler la mise en œuvre des travaux d’entretien. S’agissant du domaine public, ces opérations d’entretien s’effectueront selon des modalités définies par la convention d’occupation du domaine public non routier prévue par l’article L. 46 ou par la permission de voirie prévue par l’article L. 47 pour le domaine public routier.
Le I de l’article 50 prévoit deux dérogations à ce principe, dans lesquelles ces opérations d’entretien sont alors réalisées par l’opérateur :
– soit lorsque le propriétaire du terrain n’est pas identifié ;
– soit lorsque le propriétaire du terrain et l’opérateur en ont convenu ainsi par convention, notamment lorsque les coûts exposés par ces opérations sont particulièrement élevés.
Le II de l’article 50 précise qu’en cas de défaillance du propriétaire, ces opérations doivent être assurées par l’opérateur aux frais du propriétaire du terrain. L’exécution des travaux doit être précédée d’une notification aux intéressés ainsi qu’au maire de la commune sur le territoire de laquelle la propriété est située. Ils ne pourront s’effectuer que dans le cadre du régime en vigueur pour la servitude de passage définie à l’article L. 48 du même code, c’est-à-dire sur autorisation du président du tribunal de grande instance, faute d’accord amiable ou de convention avec le propriétaire.
Enfin, le III de l’article 50 crée un pouvoir de substitution du maire, agent de l’État, en cas de défaillance du propriétaire puis de l’opérateur, après mise en demeure de l’exploitant restée infructueuse durant un délai d’un mois et après information du propriétaire concerné, dans le respect des règles régissant les interventions des exploitants.
Le contrôle du respect des obligations des propriétaires terriens relèvera donc de prime abord de la responsabilité de l’opérateur (lorsqu’une panne est détectée ou signalée à l’opérateur, il lui appartient d’en détecter la source). Toutefois, le maire est doté d’un nouveau levier d’action lorsque la panne est liée à un défaut d’entretien des abords de la ligne.
Selon le Gouvernement, le dispositif proposé est nécessaire afin d’éviter une totale déresponsabilisation des propriétaires de terrains et permet de mettre en place une chaîne de responsabilité vertueuse et incitative entre opérateurs et propriétaires.
Outre l’adoption de quatre amendements rédactionnels, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement présenté par M. Patrice Martin-Lalande prévoyant la remise du rapport sur l’état des lieux du réseau fixe de l’opérateur en charge du service universel au ministre chargé des communications électroniques, ainsi qu’un amendement présenté par Mme Corinne Erhel, rapporteure au nom de la commission des Affaires économiques, permettant l’intervention de l’exploitant prévue par convention en cas de difficulté technique ou pratique des opérations d’entretien, qui, mal réalisées, pourraient autrement endommager le réseau.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL286 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet d’allonger le délai dans lequel le rapport présentant un état des lieux détaillé du réseau fixe est remis par l’attributaire de la délégation. Trois mois sont trop courts pour trouver un successeur et tirer parti des résultats de ce travail ; un délai d’un an permettrait d’opérer ce choix dans de meilleures conditions.
M. le rapporteur. Avis défavorable ; l’opérateur historique connaissant l’état de son réseau fixe, un délai de trois mois n’apparaît donc pas trop long.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable également. Les obligations pesant sur le prestataire du service universel durent trois ans : demander de rendre compte au bout de deux ans empêcherait la prise en compte de la dernière année, susceptible d’être propice à des améliorations portant sur l’état du réseau.
La Commission rejette l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CL287 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Le ministre chargé des communications électroniques est responsable des appels à candidatures : il doit donc disposer de tous les éléments d’appréciation relatifs à la mise en œuvre effective durant la période précédente.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Favorable également.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL284 M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Dans le cas du ferroviaire, un audit indépendant avait montré que la politique de maintenance conduisait à une dégradation inéluctable du service entraînant à moyen terme une fermeture de nombreuses lignes.
Compte tenu de l’importance des communications électroniques, un tel risque ne saurait être encouru si des problèmes persistaient ou si des doutes subsistaient. L’infrastructure support du service universel délivré aujourd’hui par le réseau cuivre d’Orange a vocation à être utilisée par les réseaux d’initiative publique dans les zones rurales et de montagne, notamment pour l’augmentation du débit.
En conséquence, cet amendement propose l’audition, à l’initiative du ministre, des responsables des infrastructures et des réseaux.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement est redondant avec l’article 32, alinéa 4, du code des postes et des communications électroniques, qui confère d’ores et déjà un pouvoir d’enquête administrative à l’ARCEP ainsi qu’aux agents du ministère. Réaliser en plus des audits semble donc inutile. L’ARCEP, par exemple, a mené deux enquêtes en 2014 sur la qualité des prestations de service universel fournies par Orange ; celle-ci n’étant pas conforme aux objectifs déterminés par l’arrêté de désignation, l’opérateur a dû s’engager à apporter des améliorations.
Nous partageons le même objectif que les auteurs de l’amendement, mais il est préférable de s’appuyer sur le volet du projet de loi qui renouvelle le dispositif de service universel. Il faut certes mettre la téléphonie mobile, les usages connectés et les innovations à la portée du plus grand nombre, mais beaucoup de personnes âgées, notamment en zone rurale, ne bénéficient pas même d’un service de téléphonie fixe de qualité.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL69 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Le groupe Les Républicains s’était montré plutôt favorable à la proposition de loi de M. Chassaigne relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques. Il faut toutefois être conscient que les dispositions de ce texte seront coûteuses et lourdes à appliquer, même si elles veulent résoudre des problèmes réels.
La seule difficulté réside dans la création d’une nouvelle sanction susceptible d’être prononcée par l’ARCEP. Je conçois que le manquement à l’obligation de service universel soit considéré comme grave, mais la multiplication des sanctions est source d’obscurcissement. Une sanction portant sur le chiffre d’affaires modulable peut déjà être prise par l’ARCEP : pourquoi ne pas s’en tenir à l’arsenal existant ?
M. le rapporteur. Par cohérence, je considère que ces deux alinéas doivent être maintenus afin de prévoir l’ensemble des cas de manquement à l’obligation de service universel. Mon avis est donc défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Je rappelle que la proposition de loi présentée par André Chassaigne a été adoptée à l’unanimité, donc aussi par les membres du groupe Les Républicains. Il serait dommage de revenir sur ce dispositif de sanction spécifique, qui permet de renforcer les obligations pesant sur le prestataire du service universel en matière de téléphonie fixe.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels ou de précision CL568, CL588, CL589 et CL590 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL566 du rapporteur et CL671 de la commission des affaires économiques.
M. le rapporteur. Mon amendement vise à étendre les cas dans lesquels les travaux d’entretien des abords pourront être réalisés par l’opérateur.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Nous proposons également d’ajouter le cas où les opérations d’entretien peuvent présenter des « difficultés techniques ou pratiques de nature à porter atteinte à la sécurité ou à l’intégrité des réseaux ».
M. le rapporteur. Cette rédaction étant meilleure, je retire mon amendement.
Mme la secrétaire d’État. Ces amendements induisent une limitation du champ d’application de la proposition de loi de M. Chassaigne relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, dont les dispositions, introduites à l’article 39 du projet de loi, complètent la liste des situations dans lesquelles l’exploitant peut réaliser des travaux d’entretien du terrain dans le cadre d’une convention passée avec le propriétaire.
La précision semblant difficile à caractériser en pratique, je m’en remets à la sagesse de la commission.
L’amendement CL566 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL671.
Puis elle adopte l’article 39 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL285 de M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice Martin-Lalande. Je propose d’ajouter à l’appel à candidatures l’appréciation des moyens que les candidats au service universel vont employer pour maintenir le réseau.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. De manière classique, en droit, semblable disposition relève du niveau réglementaire, et non législatif. Elle renvoie en réalité à un décret d’application.
Mais il ne sera pas nécessaire d’attendre la rédaction d’un tel décret pour définir les modalités précises d’organisation de la procédure de sélection du prestataire de service universel. En effet, il se trouve que la désignation d’Orange prendra fin en octobre 2016, et le Gouvernement intégrera à l’appel à candidatures les éléments relatifs à la maintenance des infrastructures dont découlera le cahier des charges qui doit être annexé à l’arrêté de désignation.
M. Patrice Martin-Lalande. J’accepte de retirer mon amendement, sous le bénéfice de ce qui vient d’être dit et qui sera consigné dans le compte rendu.
L’amendement est retiré.
Chapitre II
Facilitation des usages
Section 1
Recommandé électronique
Article 40 A (nouveau)
(art. L. 121-47 du code de la consommation et
art. 145 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation)
Modalités de blocage des services téléphoniques surtaxés
Cet article, issu de l’adoption par votre Commission d’un amendement de votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement, vise à préciser les conditions de mise en œuvre de l’option de blocage des services téléphoniques à valeur ajoutée (numéros surtaxés).
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a renforcé, aux articles L. 121-42 à L. 121-49 du code de la consommation, la transparence dans le recours à des numéros à valeur ajoutée, en contraignant les professionnels les proposant à informer les consommateurs et en permettant à ces derniers de limiter leur utilisation.
L’article L. 121-47 de ce code, dont l’application a été reportée par l’article 145 de la loi relative à la consommation au plus tard deux ans après la promulgation de celle-ci, dispose ainsi que « [t]out fournisseur d’un service téléphonique au public (…) propose au consommateur une option gratuite permettant de bloquer les communications à destination de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée ». Il est précisé que ces « tranches de numéros sont définies par un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et de l’économie numérique, pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui tient compte du plafond de tarification et du format de ces numéros ».
Toutefois, la rédaction de cet article en ce qui concerne la détermination du critère de définition des tranches concernées par le blocage soulève des difficultés, en raison du choix fait par le législateur de faire référence au plafond de tarification, associé au format du numéro surtaxé, et non au tarif lui-même, choisi par l’éditeur du service et pouvant varier de la gratuité au plafond du tarif. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que l’arrêté qu’il projetait de prendre pour définir les tranches de numéros susceptibles d’être bloqués aurait donc imposé de bloquer à la fois des numéros surtaxés et des numéros gratuits, conduisant à rendre inaccessibles aux consommateurs ayant activé l’option de blocage de nombreux numéros courts gratuits et utiles (services clients, services publics).
En conséquence, le I du présent article modifie la rédaction de l’article L. 121-47 précité, afin de prévoir que l’option gratuite de blocage devra permettre de « bloquer les communications à destination des numéros surtaxés de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée », et non les communications à destination de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée.
Le II modifie l’article 145 de la loi relative à la consommation afin de prévoir que l’article L. 121-47 précité, appelé à entrer en application en mars 2016, entrera en vigueur dans les six mois suivant la publication de l’arrêté fixant les tranches de numéros.
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La Commission examine l’amendement CL523 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’article L. 121-47 du code de la consommation, créé par la loi de 2014 relative à la consommation, prévoit une option gratuite permettant de bloquer certains numéros à valeur ajoutée. Mais sa rédaction actuelle définit le plafond de tarification et non le tarif lui-même, lequel peut varier de la gratuité jusqu’au niveau du plafond. De nombreux numéros courts gratuits et utiles pourraient ainsi devenir inaccessibles aux consommateurs ayant choisi d’activer l’option de blocage.
La Commission consultative des communications électroniques a suggéré de modifier la loi afin de résoudre ce problème. Tel est le sens de mon amendement.
Mme la secrétaire d’État. Avis très favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Article 40
(art. L. 36-11 et L. 100 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques)
Encadrement des exigences applicables au recommandé électronique
Le présent article détermine les conditions de recours au recommandé électronique afin de lui faire bénéficier des mêmes effets juridiques que le traditionnel recommandé postal.
1. Le droit en vigueur
Trois types de recommandé existent à l’heure actuelle : le recommandé « traditionnel » sous format papier, le recommandé électronique, en principe intégralement dématérialisé et, enfin, le recommandé hybride, collecté sous forme électronique mais distribué sous forme papier.
Deux régimes juridiques fixent, en l’état du droit existant, les conditions d’utilisation de lettres présentant certaines caractéristiques du recommandé électronique.
D’une part, pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat, l’article 1369-8 du code civil dispose qu’« [u]ne lettre recommandée (…) peut être envoyée par courrier électronique à condition que ce courrier soit acheminé par un tiers selon un procédé permettant d’identifier le tiers, de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si la lettre a été remise ou non au destinataire ». La distribution du recommandé peut être faite par voie électronique mais à condition, lorsque le destinataire n’est pas un professionnel, d’« avoir demandé l’envoi par ce moyen ou en avoir accepté l’usage au cours d’échanges antérieurs ». L’expéditeur peut demander que son contenu soit imprimé sur papier pour être distribué au destinataire. Il prévoit que « [l]orsque l’apposition de la date d’expédition ou de réception résulte d’un procédé électronique, la fiabilité de celui-ci est présumée, jusqu’à preuve contraire, s’il satisfait à des exigences ». Cet article n’introduit donc pas d’équivalence entre le recommandé électronique et le recommandé papier mais précise seulement les conditions dans lesquelles un contrat peut être exécuté ou conclu au moyen d’un recommandé électronique.
Le décret n° 2011-144 du 2 février 2011 est venu préciser les caractéristiques de ce recommandé électronique en reprenant les principales dispositions relatives au dépôt et à la distribution des recommandés postaux et en définissant les obligations pesant sur l’opérateur chargé d’acheminer la lettre recommandée par voie électronique. Il fixe les conditions dans lesquelles le tiers chargé de l’acheminement du recommandé est identifié et l’expéditeur désigné (article 1er) ainsi que les modalités de preuve du dépôt du recommandé (article 2) et de son envoi accepté par le destinataire (article 3). Le décret, qui ne décrit cependant pas les conditions dans lesquelles l’identité du destinataire est garantie, doit être révisé pour être mis en conformité avec le cadre communautaire qui entrera en vigueur en juillet 2016.
Selon le Gouvernement, il existe aujourd’hui une multitude de prestataires proposant des offres de courriers sécurisés dénommés « recommandés électroniques » : La Poste, avec son offre « Lettre recommandée tout électronique » (LRTE), qui s’appuie sur des certificats électroniques émis par le tiers de confiance de La Poste, Certinomis, ou sur des identités numériques émises après vérification de la pièce d’identité en face-à-face, SFR avec la solution eVelop, Lettrerecommandee.com, Opentrust, Legalbox, Clearbus, Letreco, Asterion, Youpostit, Beepost LRE…
Parmi eux, trois grandes catégories d’acteurs peuvent être distinguées :
– des prestataires dits « tiers de confiance », qui s’appuient sur des modalités sécurisées de remise du recommandé après vérification de l’identité du destinataire en face-à-face ou à l’aide d’un certificat de niveau de sécurité équivalent ;
– des sites internet qui promeuvent l’usage d’une lettre recommandée sécurisée « 100 % conforme à la loi », mais qui s’exonèrent de toute responsabilité, dans leurs conditions générales de vente, en cas de non-remise de la lettre recommandée électronique au bon destinataire ;
– des prestataires de lettres recommandées hybrides, qui sont collectées sous forme électronique par des opérateurs spécialisés en dématérialisation et bureautique d’entreprise, chargés de leur impression et de leur mise sous pli, puis remises dans le circuit de distribution physique de La Poste pour une délivrance en main propre par le facteur ou en bureau de poste.
De surcroît, les éventuelles contestations sur la fiabilité du recommandé électronique ne peuvent aujourd’hui être réglées de manière satisfaisante, faute de cadre juridique précisant l’autorité de contrôle et les modalités de ce contrôle, contrairement au recommandé papier qui est soumis au régime de traitement des réclamations des usagers prévues par le code des postes et des communications électroniques (322).
Enfin, dans la mesure où la plupart de ces opérateurs ne sont ni déclarés, ni autorisés à fournir des recommandés électroniques, il est difficile de connaître la fréquence du recours à ce dispositif. En revanche, les volumes et les chiffres d’affaires relatifs aux recommandés papier, hybride ou électronique du groupe La Poste, prestataire contrôlé par l’ARCEP, sont connus. Ils révèlent que si le recommandé électronique peine aujourd’hui à prendre son essor, du fait de son absence de valeur légale pour tout type d’usage, en revanche, le recommandé papier est très utilisé, en raison du grand nombre de textes législatifs et réglementaires qui y font référence. Le recommandé hybride est en pleine croissance, grâce à sa facilité d’usage – son dépôt se fait sous forme électronique sans déplacement de l’usager au bureau de poste – et à sa pleine valeur probante – sa distribution physique s’opère par le facteur, selon les normes de qualité de service adéquates et sous le contrôle de l’ARCEP.
D’autre part, l’article L. 112-15 du code des relations entre le public et l’administration fixe les conditions d’utilisation d’un téléservice dans les rapports entre un usager et son administration. Il prévoit que « [l]orsqu’une personne doit adresser un document à l’administration par lettre recommandée, cette formalité peut être accomplie par l’utilisation d’un téléservice (…) ou d’un procédé électronique, accepté par cette administration, permettant de désigner l’expéditeur et d’établir si le document lui a été remis ». Par ailleurs, « [l]orsque l’administration doit notifier un document à une personne par lettre recommandée, cette formalité peut être accomplie par l’utilisation d’un procédé électronique permettant de désigner l’expéditeur, de garantir l’identité du destinataire et d’établir si le document a été remis », mais « [l]’accord exprès de l’intéressé doit être préalablement recueilli ».
Le cadre juridique aujourd’hui applicable aux recommandés électroniques n’est donc pas parfaitement harmonisé et demeure relativement lacunaire quant aux obligations pesant sur les prestataires impliqués et au mode de résolution des éventuels litiges. Ce manque d’unité juridique et de sécurité des transmissions effectuées par de tels procédés nuit probablement à la généralisation de la dématérialisation des démarches des personnes.
2. La sécurisation du recommandé électronique proposée par le présent article
L’Union européenne s’est dotée, avec l’adoption du règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 dit « e-IDAS » (323), d’un cadre juridique plus intégré et exigeant en matière de sécurité des transactions électroniques afin de promouvoir le développement d’un marché de la confiance numérique. D’un champ d’application plus large que la directive de 1993 sur la signature électronique qu’il remplace, il définit les services de confiance comme des services payés comprenant la création, la vérification, la validation, le traitement et la conservation des signatures électroniques, des cachets électroniques, de l’horodatage électronique, des services d’envois recommandés électroniques et de l’authentification des sites internet.
Le présent article, qui s’inscrit dans le respect et le prolongement du règlement « e-IDAS » précité, a fait l’objet d’importantes modifications par rapport à la version qui avait été soumise à consultation publique, notamment afin de tenir compte de l’« avis très réservé » formulé par l’ARCEP (324) sur sa première rédaction. Il tend à harmoniser et sécuriser le cadre juridique applicable au recommandé électronique afin d’encourager son utilisation dans les relations entre les entreprises, les citoyens et les autorités publiques.
À cette fin, le I complète le livre III du code des postes et des communications électroniques par un titre intitulé « Autres services » comprenant un nouvel article L. 100 consacré au recommandé électronique. L’insertion de cette disposition à la fin du code des postes et des communications électroniques s’explique principalement par la nature juridique particulière du recommandé électronique. Service entièrement dématérialisé, il n’est ni un envoi postal relevant de la régulation des services postaux (livre I), ni un service de communications électroniques, même si son acheminement repose sur les réseaux de communications électroniques (livre II). Il constitue, pour le Conseil d’État, un service de communication au public en ligne au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (325).
a. Assurer au recommandé électronique les mêmes effets juridiques que le recommandé postal traditionnel
Le premier alinéa du I prévoit que « le recommandé électronique bénéficie des mêmes effets juridiques que l’envoi recommandé [postal] mentionné à l’article L. 1 » du même code sous réserve de remplir les deux conditions suivantes :
– d’une part, il doit être distribué par un prestataire reconnu comme un prestataire de service de confiance qualifié pour les services d’envoi recommandé électronique au sens du droit communautaire (voir l’encadré ci-après) (1°) ;
– d’autre part, il doit être délivré par l’intermédiaire d’un procédé électronique permettant de garantir l’identité du destinataire, lequel, à la différence du recommandé postal traditionnel, « doit donner son accord exprès pour l’utilisation d’un tel procédé » (2°).
Cette disposition sera sans incidence sur l’application de l’article L. 112-15 du code des relations entre le public et l’administration qui fixe les conditions de recours à un téléservice dans les relations entre un usager et son administration.
L’alignement de la valeur juridique d’un recommandé électronique sur celle du recommandé postal traditionnel auquel cet article procède est conforme à l’article 43 du règlement « e-IDAS ». Les dispositions de cet article prévoient en effet, d’une part, que « [l]’effet juridique et la recevabilité des données envoyées et reçues à l’aide d’un service d’envoi recommandé électronique comme preuves en justice ne peuvent être refusés au seul motif que ce service se présente sous une forme électronique ou qu’il ne satisfait pas aux exigences du service d’envoi recommandé électronique qualifié ». D’autre part, « [l]es données envoyées et reçues au moyen d’un service d’envoi recommandé électronique qualifié bénéficient d’une présomption quant à l’intégrité des données, à l’envoi de ces données par l’expéditeur identifié et à leur réception par le destinataire identifié, et à l’exactitude de la date et de l’heure de l’envoi et de la réception indiquées par le service d’envoi recommandé électronique qualifié ».
La notion de service de confiance qualifié pour
les services d’envoi recommandé électronique
L’article 44 du règlement « e-IDAS » définit précisément les exigences qui s’attachent aux services d’envoi recommandé électronique qualifiés :
« a) ils sont fournis par un ou plusieurs prestataires de services de confiance qualifiés ;
« b) ils garantissent l’identification de l’expéditeur avec un degré de confiance élevé ;
« c) ils garantissent l’identification du destinataire avant la fourniture des données ;
« d) l’envoi et la réception de données sont sécurisés par une signature électronique avancée ou par un cachet électronique avancé d’un prestataire de services de confiance qualifié, de manière à exclure toute possibilité de modification indétectable des données ;
« e) toute modification des données nécessaire pour l’envoi ou la réception de celles-ci est clairement signalée à l’expéditeur et au destinataire des données ;
« f) la date et l’heure d’envoi, de réception et toute modification des données sont indiquées par un horodatage électronique qualifié.
« Dans le cas où les données sont transférées entre deux prestataires de services de confiance qualifiés ou plus, les exigences fixées aux points a) à f) s’appliquent à tous les prestataires de services de confiance qualifiés ».
Les exigences applicables aux prestataires de services de confiance qualifiés sont définies à l’article 24 du règlement « e-IDAS ».
Le dernier alinéa du I du nouvel article L. 100 confie au pouvoir réglementaire le soin de prendre un décret en Conseil d’État précisant les conditions et les formalités d’application des 1° et 2° précités dans le respect des exigences posées par le règlement « e-IDAS », s’agissant notamment des caractéristiques obligatoires que devra remplir le recommandé électronique (remise d’une preuve de dépôt et de distribution, avis de réception, délai de mise en instance …).
b. L’engagement de la responsabilité contractuelle et délictuelle du prestataire en cas de retard, de perte ou d’avarie
Le II du même article soumet les prestataires de services d’envoi de recommandé électronique au droit commun de la responsabilité tel qu’il est fixé par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil en cas de retard dans la délivrance, de perte du recommandé ou d’avaries survenant lors de la prestation :
– en vertu des articles 1134 et suivants, la responsabilité contractuelle de droit commun s’appliquera si le requérant est lié par un contrat au prestataire, ce qui concerne la situation de l’expéditeur ;
– en vertu des articles 1382 et suivants, la responsabilité délictuelle jouera pour réparer le préjudice subi par un requérant qui n’a pas contracté avec le prestataire, ce qui concerne la position du destinataire ou d’un tiers.
Un décret en Conseil d’État adaptera ce régime général de la responsabilité aux caractéristiques et aux tarifs des envois, en établissant par exemple des plafonds d’indemnisation.
c. La mission de contrôle et de sanction de l’ARCEP
Le III du nouvel article L. 100 confie à l’ARCEP le soin de veiller au respect par les prestataires de services d’envoi de recommandé électronique des obligations législatives et réglementaires s’imposant à eux en vertu du présent article et de sanctionner les éventuels manquements à celles-ci.
Aux termes du 1° de l’article L. 5-2 du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP est déjà compétente pour veiller au respect par le prestataire du service universel et par tout prestataire postal des obligations législatives et réglementaires auxquels ils sont soumis et sanctionner les manquements qu’elle constate. Le présent article étend donc sa compétence au domaine du recommandé électronique qui, en tant que service entièrement dématérialisé, ne constitue pas un envoi postal (326) et ne relève pas, pour cette raison, de la régulation des services postaux.
Dans la mesure où le recommandé électronique transite par les réseaux de communications électroniques pour être correctement acheminé, sans toutefois constituer, par lui-même, un service de communications électroniques, le Gouvernement a prévu d’appliquer aux prestataires qui ne se conforment pas à leurs obligations les mêmes sanctions que celles qui s’appliquent aux exploitants de réseaux et aux fournisseurs de services de communications électroniques en vertu de l’article L. 36-11 du même code. Cet article confie à l’ARCEP des pouvoirs de divers ordres à l’égard de ces opérateurs, qui peuvent être exercés soit d’office, soit à la demande du ministre des communications électroniques, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée :
– l’ARCEP peut les mettre en demeure de se conformer à leurs obligations dans un délai déterminé, le cas échéant assortie d’obligations de mise en conformité à des étapes intermédiaires (I) ;
– en l’absence de mise en conformité, la formation restreinte de l’ARCEP peut prononcer des sanctions de suspension des services ou attributions de fréquence ou des sanctions pécuniaires (II et III) ;
– en cas d’atteinte grave et immédiate aux règles s’imposant aux opérateurs, l’ARCEP peut, sans mise en demeure préalable, prononcer des mesures conservatoires (IV) ;
– lorsqu’un manquement constaté est susceptible d’entraîner un préjudice grave pour un opérateur ou l’ensemble du marché, le président de l’ARCEP peut saisir en référé le Conseil d’État afin d’« ordonner à la personne responsable de se conformer aux règles et décisions applicables et de supprimer les effets du manquement », le juge pouvant prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance (VII).
Ces mises en demeure et sanctions ainsi que les modalités de leur mise en œuvre (instruction du dossier, notification des griefs à la personne en cause, procédure contradictoire, audition de toute personne utile…) s’appliqueront donc aux prestataires de recommandé électronique.
Par coordination avec les précédentes dispositions, le IV du présent article ajoute les prestataires de recommandé électronique à la liste des personnes soumises aux pouvoirs de sanction confiés par l’article L. 36-11 précité à l’ARCEP, qui ne visent actuellement que les « exploitants de réseau et [les] fournisseurs de services de communications électroniques ».
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
Avec l’avis favorable de votre rapporteur et un avis favorable ou de sagesse, selon les cas, du Gouvernement, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements de la commission des Affaires économiques et de M. Lionel Tardy tendant à compléter ou préciser les conditions mentionnées par le I de l’article L. 100 précité pour que l’envoi recommandé électronique bénéficie des mêmes effets juridiques que l’envoi recommandé postal :
– le prestataire de services d’envoi de recommandé électronique devra garantir une information « claire, transparente et loyale [des] consommateurs » sur les critères lui permettant d’être considéré comme un prestataire de confiance qualifié pour le service qu’il propose au sens du règlement « e-IDAS » (1° bis) ;
– au 2°, il a été précisé que le procédé électronique utilisé devrait non seulement garantir l’identité du destinataire mais aussi permettre « d’identifier le prestataire, de désigner l’expéditeur (…) et d’établir si la lettre a été remise ou non au destinataire » ;
– le procédé devrait aussi permettre « d’adresser un avis de réception à l’expéditeur par voie électronique ou par tout autre dispositif lui permettant de le conserver » (3°).
*
* *
La Commission adopte l’amendement de précision CL201 du rapporteur.
Puis elle aborde l’amendement CL672 de la commission des Afaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement de précision, adopté à l’initiative de Mme Dubié, vise à écarter les prestataires qui revendiqueraient indûment la capacité juridique de délivrer des recommandés électroniques.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la ministre. Même avis.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite les amendements CL70, CL71 et CL72 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Alerté par des entreprises, je suis depuis plusieurs années le dossier du recommandé électronique. Les réponses à mes questions écrites successives montrent que son usage est possible, mais continue de se heurter à bien des obstacles. Le présent article ne me paraît donc pas inutile – moyennant quelques modifications.
Ainsi, mes amendements CL70 et CL71 transfèrent dans le présent texte la disposition actuellement contenue dans le code civil, afin d’éviter des doublons. Il s’agit notamment, dans le premier de ces deux amendements, de préciser que le recommandé électronique doit permettre non seulement de garantir l’identité du destinataire, mais aussi d’identifier le prestataire, de désigner l’expéditeur et d’établir si la lettre a été remise ou non au destinataire.
Quant à l’amendement CL72, il supprime la précision selon laquelle le décret devra se conformer au règlement européen n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, dit règlement « e-IDAS » : cela « coule de source », en effet, comme pour toute disposition législative ou réglementaire française.
M. le rapporteur. Avis favorable aux deux premiers amendements, mais défavorable au troisième : la référence au règlement « e-IDAS » dans le dispositif de l’article 40 permet de clarifier les conditions de sa mise en œuvre. Elle concourt ainsi à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, en indiquant l’interprétation qu’il convient de donner aux notions juridiques utilisées.
Mme la secrétaire d’État. Le règlement « e-IDAS » est d’application directe et les exigences de l’amendement CL70 figurent déjà dans son article 44 : vous reprochez parfois au Gouvernement, monsieur Tardy, de faire du zèle lorsqu’il s’agit de transposer des textes européens, mais ici, la disposition que vous appelez de vos vœux est déjà applicable ! Si toutefois vous tenez à la faire figurer expressément dans le texte, je m’en remets à la sagesse de la Commission – sur cet amendement comme sur l’amendement CL71.
Sur l’amendement CL72, j’ajouterai à l’argument du rapporteur que, cette fois, la mention du règlement européen est nécessaire car c’est ce règlement, en son article 17, qui fonde l’intervention de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) comme autorité de contrôle vérifiant le service de confiance fourni par les prestataires.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
La Commission adopte successivement les amendements CL70 et CL71.
L’amendement CL72 est retiré.
La Commission adopte ensuite successivement les amendements de précision ou de coordination CL200, CL199 et CL198 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CL73 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement tend à réécrire l’article 1369-8 du code civil en n’en conservant que la possibilité explicite de conclure, d’exécuter, mais aussi de résilier un contrat par le biais d’une lettre recommandée électronique.
L’insertion de la possibilité de résiliation est importante : certains professionnels semblent continuer de penser que seule la résiliation d’un contrat prévue à l’article L. 113-15-2 du code des assurances peut se faire par recommandé électronique.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 40 modifié.
Article 41
(art. L. 311-4, L. 521-3, L. 521-3-1 [nouveau], L. 525-6 et
L. 525-6-1 [nouveau] du code monétaire et financier)
Paiement ou don par SMS
L’article 41 règle les conditions dans lesquelles les clients d’opérateurs de communications électroniques peuvent procéder à certains achats ou dons par un moyen de paiement multimédia, en particulier par SMS, en les imputant directement sur la facture de leur abonnement (« facturation opérateur »).
a. L’essor des paiements par internet et mobile
Ces dernières années, le commerce électronique (e-commerce), caractérisé par des transactions commerciales réalisées à partir d’internet, a connu de nombreux bouleversements avec la possibilité de réaliser ces transactions directement à partir d’un appareil mobile (téléphone, PDA, tablette…), sans rechercher un accès à l’internet fixe (m-commerce). Parallèlement à l’essor de l’e-commerce, des innovations juridiques et technologiques ont bouleversé le secteur des paiements.
Sur le plan juridique, le cadre communautaire a mis fin au monopole des banques sur le marché des paiements et créé de nouvelles catégories d’acteurs soumis à agrément, les établissements de paiement.
Sur le plan technologique, de nouveaux instruments de paiement sont apparus en plus des quatre principaux moyens scripturaux (carte, prélèvement, virement et chèque). Les canaux utilisés pour effectuer ces paiements se sont en outre diversifiés. Outre les paiements par internet (e-paiements) (327), sont apparus les paiements mobiles (m-paiements), pour lesquels les données et l’ordre de paiement sont émis, transmis ou confirmés par le biais d’un téléphone ou d’un appareil mobile aux fins d’achats en ligne ou non, de services, de produits numériques ou de biens matériels.
Ces paiements mobiles peuvent être réalisés soit à proximité du lieu de vente, soit à distance. Les paiements mobiles de proximité se font en général directement au point de vente au travers d’un protocole particulier (comme la communication en champ proche, ou Near Field Communication) et grâce à des téléphones spécialement équipés et pouvant être reconnus lorsqu’ils sont placés devant une borne de lecture présente au point de vente (magasin, transports publics, parkings…). À la différence des premiers, les paiements mobiles à distance s’opèrent par le biais d’internet ou de services SMS majorés et facturés au payeur par l’intermédiaire de l’opérateur de réseau internet ou de téléphonie mobile (voir l’encadré ci-après) :
– les solutions de paiement par internet, soit sur la facture d’accès à internet (« Internet + box »), soit sur la facture du mobile (« Internet + mobile » ou MPME (328)), permettent de facturer des services et contenus numériques distribués depuis un site mobile ou un site internet quel que soit le terminal utilisé par le client pour le consulter (téléphone mobile, ordinateur, tablette…) ;
– les solutions de paiement par SMS sur facture mobile (« SMS + »), à l’acte ou à l’abonnement, couvrent de nombreux usages allant du téléchargement de contenus (musique, jeux, vidéos…) au don à des associations caritatives, en passant par l’achat de code internet pour le déblocage de jeux en ligne, l’achat de services communautaires (discussion en ligne et services de mise en relation entre utilisateurs) ou d’information (météo, actualités, sport…) et le stationnement en voirie.
Les services « SMS + » et « Internet + » en pratique
Les offres « SMS + »
La personne peut procéder à des achats unitaires ou réguliers en envoyant un mot clé par SMS à un numéro court, l’envoi de ce premier SMS pouvant être gratuit ou payant :
– dans le cadre d’un achat unitaire (« SMS + à l’acte »), l’éditeur livre généralement le service ou le contenu commandé en renvoyant au client un SMS contenant du texte ou un lien cliquable qui renvoie vers un site internet mobile ou un MMS ; la personne retrouvera le récapitulatif de ses achats sur sa facture mensuelle mobile ;
– dans le cadre d’achats réguliers (« SMS + par abonnement »), l’abonnement de la personne au service est initié par son inscription auprès de l’éditeur du service par SMS ou depuis un site internet. Une fois le client abonné, l’éditeur peut lui envoyer des alertes SMS lui notifiant la livraison du service (le SMS peut contenir un texte ou un lien cliquable vers un site internet), chacun de ces SMS étant facturé. La personne retrouvera le récapitulatif de ses abonnements sur sa facture mensuelle mobile. Son opérateur est tenu de lui envoyer à chaque renouvellement d’abonnement un message lui rappelant l’existence et la poursuite de l’abonnement et le prévenant qu’il a la possibilité d’arrêter cet abonnement en envoyant « STOP » au numéro court du service auquel il est abonné.
Les offres « Internet + »
La personne qui souhaite se procurer un contenu ou un service payant ou acheter des crédits en ligne choisit la facture sur laquelle elle souhaite voir la somme correspondant à son achat débitée :
– si elle a choisi le paiement sur la facture internet (« Internet + box »), elle est automatiquement dirigée vers la page de son opérateur grâce à son adresse IP afin de valider et confirmer son achat ; certains opérateurs exigent en plus une authentification par identifiant et mot de passe ;
– si elle a choisi le paiement sur la facture du mobile (« Internet + mobile »), elle reçoit un code de sécurité sur son téléphone portable et saisit ce code dans la page de confirmation d’achat afin de valider la transaction.
Source : site internet de l’Association française du multimédia mobile.
b. La réglementation de l’activité de paiement des opérateurs de communications électroniques
Le présent article tend à préciser les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des paiements ou dons mobiles à distance par l’intermédiaire d’un opérateur de communications électroniques, en particulier les paiements ou dons par SMS.
Dès lors qu’ils interviennent dans la délivrance de services de paiements ou de monnaie électronique, ces opérateurs sont soumis aux dispositions du code monétaire et financier qui régit l’activité des prestataires de paiements. Ces dispositions sont principalement issues de la transposition dans notre droit, en 2009 et 2013, de plusieurs directives, en particulier la directive n° 2007/64/CE du 13 novembre 2007 (329) sur les services de paiements, dite « services de paiement 1 », et la directive n° 2009/110/CE du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements (330).
Constituent des services de paiement au sens du II de l’article L. 314-1 du même code, l’exécution d’opérations de virements et de prélèvements, la transmission de fonds, les services permettant de verser ou de retirer des espèces ainsi que la gestion d’un compte de paiement. Substitut électronique des pièces et billets de banque qui, stocké sur un support électronique (carte à puce, mémoire d’ordinateur…), est généralement destiné à réaliser des paiements de montant limité, la monnaie électronique est, selon le premier alinéa de l’article L. 315-1 dudit code, « une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, (…) émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement ».
Trois catégories de prestataires de paiements peuvent être distinguées :
– les établissements de paiement, qui ne peuvent fournir que des services de paiement ;
– les établissements de monnaie électronique, qui peuvent émettre et gérer de la monnaie électronique et fournir des services de paiement : l’émission de monnaie électronique consiste dans la création d’unités de monnaie électronique directement et immédiatement utilisables en contrepartie de la collecte de fonds, par le stockage de la monnaie sur un instrument de paiement prépayé ou sur un serveur de l’émetteur ;
– les établissements de crédit (banques traditionnelles), qui peuvent effectuer des opérations de banque, émettre et gérer de la monnaie électronique et fournir des services de paiement.
En principe, afin de préserver la stabilité du système financier, toute activité bancaire tendant à fournir des services de paiement ou à émettre et gérer de la monnaie électronique nécessite la délivrance d’un agrément par une autorité indépendante de contrôle, en France l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Par dérogation, deux principales catégories d’acteurs sont, en l’état actuel du droit, exemptées d’agrément, compte tenu de la nature particulière des activités de paiement qu’elles exercent, et peuvent donc fournir des services de paiement sans avoir la qualité de prestataire de services de paiement.
Tel est le cas, en premier lieu, des établissements qui gèrent des instruments utilisables uniquement dans un réseau limité ou pour l’achat d’un éventail restreint de biens ou de services, conformément au I de l’article L. 521-3 et au premier alinéa de l’article L. 525-5 du même code. Il s’agit par exemple des cartes-cadeaux émises par des réseaux commerciaux qui ne sont acceptées que dans les enseignes de ce réseau, d’autres types de cartes de paiement (cartes d’essence, cartes de transport en commun…) ou certaines activités exercées sur internet par des plateformes de mise en relation et d’encaissement pour compte de tiers intervenant sur des biens ou services limités, par exemple dans le domaine du covoiturage.
Il s’agit, en second lieu, des établissements effectuant des opérations de paiement « exécutées au moyen d’un appareil de télécommunication ou d’un autre dispositif numérique ou informatique, lorsque l’opérateur du système de télécommunication numérique ou informatique n’agit pas en seule qualité d’intermédiaire », conformément au 1° de l’article L. 311-4 et à l’article 525-6 du même code. D’après les travaux préparatoires de cette disposition, pour que cette condition soit remplie, il faut que l’opérateur apporte une valeur ajoutée au service proposé, par exemple « sous la forme de systèmes d’accès, de recherche ou de distribution – mais à condition que le bien ou le service en question ne puisse être utilisé qu’à l’aide d’un appareil numérique, comme un téléphone portable ou un ordinateur ». Cette exemption « couvre par exemple l’achat d’une sonnerie de téléphone portable ou d’un article de journal consultable sous un format spécifique sur un téléphone ou un ordinateur ; en revanche, elle ne concernerait pas l’achat par téléphone portable d’une canette de soda dans un distributeur, par le biais d’un dispositif prépayé, que l’on pourrait imaginer dans le cadre des technologies nouvelles telles que le NFC (Near Field Communication) » (331).
En vertu des articles L. 521-3 et L. 525-6 du même code, ces établissements doivent cependant, avant de commencer leur activité, la déclarer auprès de l’ACPR qui dispose d’un délai pour l’examiner et, le cas échéant, notifier au déclarant qu’il ne remplit pas les conditions pour pouvoir bénéficier d’une exemption d’agrément. Cette exemption peut leur être retirée si les conditions requises ne sont plus respectées, auquel cas les entreprises doivent déposer une demande d’agrément.
2. La transposition de la directive « services de paiement 2 »
Le présent article transpose dans notre droit certaines dispositions de la directive dite « services de paiement 2 » (332), définitivement adoptée en 2015 et qui tient compte des nouveaux types de services de paiement en ligne apparus depuis la première directive de 2007 ainsi que des évolutions technologiques et des nouveaux usages qui se sont développés sur le marché des paiements, en particulier les paiements mobiles.
Aux termes du l) de l’article 3 de la nouvelle directive, l’exemption doit s’appliquer « aux opérations de paiement proposées par un fournisseur de réseaux ou de services de communications électroniques en plus de services de communications électroniques pour un abonné au réseau ou au service (…) effectuées pour l’achat de contenu numérique et de services vocaux, quel que soit le dispositif utilisé pour l’achat ou la consommation du contenu numérique et imputées sur la facture correspondante (…) ou (…) exécutées depuis ou au moyen d’un dispositif électronique et imputées sur la facture correspondante dans le cadre d’activités caritatives ou pour l’achat de billets ».
Cette exemption ne serait possible qu’à condition que la valeur de chaque opération de paiement prise isolément ne dépasse pas 50 euros et que la valeur cumulée des opérations de paiement pour un même abonné ne dépasse pas 300 euros par mois ; lorsqu’un abonné préfinance son compte auprès du fournisseur de réseau ou de services de communications électroniques, la valeur cumulée des opérations de paiement ne devrait pas non plus dépasser 300 euros par mois.
Dans ces conditions, les 1° et 2° du I insèrent deux nouveaux articles au sein du code monétaire et financier, les articles L. 521-3-1 s’agissant des services de paiement et L. 525-6-1 s’agissant de l’émission et de la gestion de monnaie électronique, afin de modifier le champ de l’exemption d’agrément dont bénéficient ces opérateurs dans le sens préconisé par le droit communautaire :
– d’une part, il leur permet de facturer directement à leurs abonnés un plus large éventail d’opérations de paiement correspondant à l’achat de contenus numériques ;
– d’autre part, il leur permet de leur facturer directement de nouvelles opérations de paiement pour faire des dons à des associations caritatives et acheter des tickets électroniques.
Le présent article modifie, en premier lieu, le périmètre des opérations de paiement auxquelles les opérateurs sont autorisés à procéder aujourd’hui pour le compte de leurs abonnés dans le cadre de la vente de contenus numériques de faible valeur et de services vocaux comme les sonneries et les services « premium SMS ».
En l’état actuel du droit, le 1° de l’article L. 311-4 du code monétaire et financier vise « [l]a réalisation d’opérations de paiement exécutées au moyen d’un appareil de télécommunication ou d’un autre dispositif numérique ou informatique, lorsque l’opérateur du système de télécommunication numérique ou informatique n’agit pas en seule qualité d’intermédiaire », « [c]ette condition [étant] remplie lorsque les biens ou les services achetés sont livrés et doivent être utilisés au moyen de cet appareil de télécommunication, ou de ce dispositif numérique ou informatique ».
Le dispositif proposé aux 1° des I des nouveaux articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 précités vise, de manière moins restrictive mais plus précise, toute opération de paiement imputée sur la facture correspondante et effectuée pour l’achat de contenu numérique et de services vocaux, « quel que soit le dispositif utilisé pour l’achat ou la consommation de ces contenus numériques ».
Cette nouvelle rédaction est conforme au l) précité de l’article 3 de la directive « services de paiement 2 », qui permet la mise en œuvre de la « facturation opérateur » pour un large éventail de contenus numériques et de services vocaux, indépendamment du support utilisé pour leur achat ou leur consommation.
Sont ici visés les contenus numériques de faible valeur et les services vocaux ayant trait aux loisirs (téléchargements de vidéos, de musique ou de jeux), à l’information (météo, actualités, résultats sportifs, cours de bourse), aux renseignements téléphoniques ou à la participation à des émissions de radio ou de télévision.
b. La collecte de dons
Le présent article autorise, en deuxième lieu, les opérateurs de communications électroniques à fournir des services de don par SMS à leurs abonnés au profit d’organismes caritatifs.
À cet effet, il élargit le champ de l’exemption d’agrément dont bénéficient ces opérateurs aux « opérations de paiement exécutées depuis un dispositif électronique ou au moyen de celui-ci et imputées sur la facture correspondante dans le cadre de la collecte de dons par les organismes faisant appel public à la générosité conformément aux dispositions de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique (…) » (2° des I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1).
Les organismes qui pourront recevoir ces dons sont ceux visés par la loi n° 91-772 du 7 août 1991 précitée, qui encadre les conditions dans lesquelles les organismes qui soutiennent « une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement » peuvent faire appel à la générosité du public. Elle exige d’eux que, préalablement à l’appel aux dons, ils déposent une déclaration en préfecture et, postérieurement à l’appel, qu’ils établissent un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public.
Les opérateurs de communications électroniques pouvaient déjà collecter des promesses de dons pour le compte d’une association de bienfaisance mais à condition d’avoir recours à un intermédiaire prestataire de services de paiement ou de mettre eux-mêmes en place des établissements de paiement ou de monnaie électronique, soumis à l’agrément de l’ACPR.
La directive « services de paiement 2 » prévoyant désormais, au l) précité de son article 3, une exemption d’agrément concernant la collecte de dons pour le compte d’une association de bienfaisance, il y a lieu d’adapter notre droit interne à cette nouvelle règle. En effet, pour le législateur européen, « [a]fin d’atténuer la charge qui pèse sur les entités recueillant des dons en faveur d’organismes caritatifs, les opérations de paiement relatives à ces dons [devaient] également être exclues » de la procédure traditionnelle d’agrément, les États membres conservant la faculté, conformément au droit national, de limiter l’exclusion aux dons en faveur d’organismes caritatifs agréés (333).
Comme l’a indiqué, au cours de son audition par votre rapporteur, France générosités, syndicat professionnel des associations et fondations faisant appel à la générosité du public, les associations caritatives cherchent à contrebalancer la baisse du nombre de donateurs en France, tout juste compensée par l’augmentation de la valeur des dons. Pour ce faire, elles développent et diversifient les supports de collecte de dons afin d’atteindre de nouveaux donateurs, notamment en cas d’urgence humanitaire. Autoriser les opérateurs de communications électroniques à recueillir des dons pour le compte d’associations constitue donc un vecteur intéressant, déjà exploré avec succès par une quinzaine de pays de l’Union européenne – parmi eux le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne ou la Suisse.
Le don par SMS a fait l’objet d’une expérimentation entre la Croix-Rouge française et trois opérateurs (Bouygues Telecom, Orange et SFR) à partir de juin 2013 (voir l’encadré ci-après). La période d’expérimentation a notamment couvert la crise humanitaire provoquée par le typhon Haiyan aux Philippines à la fin de l’année 2013 : au cours de la campagne d’urgence menée à cette occasion, les trois quarts des donateurs ont eu recours au SMS. Selon France générosités, plus de 214 000 donateurs ont participé à cette expérimentation, 30 % d’entre eux ayant effectué plusieurs dons
L’expérimentation du don par SMS par la Croix-Rouge française
Les abonnés des opérateurs investis dans l’expérimentation (Bouygues Telecom, Orange et SFR) ont été invités à envoyer leurs dons au numéro court 92200 attribué à la Croix-Rouge française, en écrivant « DON » ou « DON2 » pour un don de 2 euros, « DON5 » pour un don de 5 euros et « DON10 » pour un don de 10 euros. Les dons ont été plafonnés à 40 euros par mois et 80 euros cumulés sur l’ensemble de la campagne de collecte.
Tous les titulaires d’un abonnement mobile auprès de l’un de ces opérateurs pouvaient participer à la campagne, à l’exception de ceux qui s’étaient opposé aux achats de contenus sur facture. Les donateurs étaient susceptibles de recevoir des relances ou des sollicitations de la part de la Croix-Rouge française, auxquelles ils pouvaient s’opposer en envoyant gratuitement « STOP » au même numéro court.
Les promesses de dons étaient reportées sur la facture mensuelle mobile du donateur suivant l’envoi de la promesse de don par SMS. Le coût d’envoi du SMS n’était pas facturé au donateur. Tout don permettait au donateur d’obtenir un reçu fiscal.
Source : conditions générales d’utilisation du service promesse de dons par SMS au profit de la Croix-Rouge française sur le site internet de la Croix-Rouge française.
En pratique, les organismes concernés pourront réserver un numéro court auprès de l’Association française du multimédia mobile (AFMM). Les organismes communiqueront sur leur numéro court afin que les personnes intéressées envoient un SMS à ce numéro pour soutenir l’organisme. Leur don sera directement prélevé sur leur facture téléphonique : il figurera sur celle-ci mais ne sera pas soumis à la TVA. Le donateur recevra un SMS de confirmation à la suite de son don, comportant un lien URL le renvoyant vers un formulaire à remplir s’il souhaite recevoir un reçu fiscal. En conséquence, les coordonnées personnelles du donateur ne seront pas connues de l’organisme destinataire du don sauf s’il remplit ce formulaire. Ses coordonnées bancaires ne seront connues que de l’opérateur de téléphonie.
c. L’achat de tickets électroniques
Le présent article autorise, en dernier lieu, les mêmes opérateurs de communications électroniques à fournir des « opérations de paiement exécutées depuis un dispositif électronique ou au moyen de celui-ci et imputées sur la facture correspondante pour l’achat de tickets électroniques » (3° des I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1).
Comme les deux précédentes, cette disposition est la stricte transposition dans notre droit du l) de l’article 3 de la directive « services de paiement 2 ». Pour le législateur européen, « [u]ne référence claire aux opérations de paiement effectuées pour l’achat de billets électroniques [devait] être introduite afin de prendre en compte une innovation en matière de paiement par laquelle, notamment, les clients peuvent réserver, payer, obtenir et valider des billets électroniques n’importe où et n’importe quand au moyen de téléphones mobiles ou d’autres dispositifs. Les billets électroniques permettent et facilitent la livraison de services pour lesquels les consommateurs pourraient, à défaut, acheter des billets sur support papier, et concernent les transports, les loisirs, le parking et l’accès à des monuments/manifestations, mais pas les biens physiques. Les coûts de production et de distribution liés aux canaux traditionnels de délivrance de billets papier s’en trouvent réduits et le consommateur dispose ainsi de moyens nouveaux et simples de se procurer des billets » (334).
d. Des opérations plafonnées en valeur et une activité contrôlée par l’ACPR
En toute hypothèse, la valeur de chaque opération de paiement isolée (dons inclus) ne devra pas excéder 50 euros et le cumul mensuel de toutes les opérations de paiement 300 euros, y compris « lorsqu’un abonné préfinance son compte auprès du fournisseur de réseaux ou de services de communications électroniques » (deux derniers alinéas du I des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1).
Par ailleurs, le présent article soumet l’activité des opérateurs de communications électroniques au contrôle de l’ACPR. Il reprend les mêmes dispositions que celles qui figurent aux articles L. 521-3 et L. 525-6 du même code pour les établissements et opérations aujourd’hui exemptés d’agrément (II des mêmes articles) :
– l’ACPR devra être destinataire d’une déclaration du fournisseur de réseaux ou de services de communications électroniques avant de commencer son activité de paiement : elle disposera d’un délai fixé par décret en Conseil d’État « à compter de la réception de toutes les informations nécessaires pour notifier au déclarant que les conditions mentionnées au I ne sont pas remplies » ;
– l’opérateur devra transmettre chaque année à l’ACPR un rapport justifiant du respect de ces conditions ;
– s’il prévoit de lui-même de ne plus les remplir, il devra déposer une demande d’agrément auprès de l’ACPR ; si c’est l’ACPR qui constate que l’opérateur ne remplit plus ces conditions, ce dernier disposera « d’un délai de trois mois pour prendre les mesures nécessaires pour respecter ces conditions ou pour déposer une demande d’agrément » ;
– en toute hypothèse, l’opérateur devra respecter ces mêmes conditions tant que l’ACPR ne se sera pas prononcée sur l’octroi ou non de l’agrément.
Deux dispositions du droit existant ne sont cependant pas reprises par le présent article.
Il s’agit, tout d’abord, de celle qui prévoit que « le silence gardé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vaut approbation du respect des conditions susmentionnées ». Cette précision n’est plus utile depuis la modification, en 2013, de l’article 21 de la loi n° 2000-321 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié à l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, aux termes duquel « [l]e silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation ».
Il s’agit, ensuite, de celle qui prévoit la transmission par l’ACPR à la Banque de France des rapports annuels des opérateurs. Selon le Gouvernement, cette indication est couverte par l’article L. 141-4 du même code, lequel confie à la Banque de France une mission de surveillance de la sécurité des moyens de paiement, ce qui lui permet d’exercer ce rôle auprès des exemptés.
Par cohérence avec les précédentes dispositions, les 3° et 4° du présent article procèdent à diverses coordinations au sein du code monétaire et financier :
– le 3° abroge le 1° de l’article L. 311-4 du même code qui traite aujourd’hui des opérations de paiement exécutées au moyen d’un appareil de télécommunication ou d’un autre dispositif numérique ou informatique, opérations qui seront désormais régies par les articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 précités ;
– le 4° supprime, en conséquence, les références au 1° de l’article L. 311-4 dans deux articles de ce code.
e. Les conditions d’entrée en vigueur du présent article
Le II, introduit à l’initiative du Conseil d’État, reporte l’entrée en vigueur du présent article afin de la coordonner avec l’entrée en vigueur de la directive « services de paiement 2 », qui est en instance de publication.
L’article 116 de cette directive prévoit qu’elle entrera en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication et son article 115 ménage aux États membres un délai de transposition de deux ans à compter de cette date d’entrée en vigueur.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL197, CL196 et CL195 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL337 de M. Sergio Coronado.
M. Sergio Coronado. Aux termes de l’alinéa 7 de cet article, « la valeur de chaque opération de paiement isolée et la valeur mensuelle cumulée des opérations de paiement pour un même abonné ne peuvent pas excéder respectivement les montants de 50 et 300 euros ». La détermination de ces montants ne relevant pas de la loi, je propose qu’ils soient fixés par arrêté.
M. le rapporteur. Il s’agit ici de transposer la directive dite « services de paiement 2 ». La précision est importante, dans la mesure où elle a un effet direct sur la régulation du système financier et permet la bonne transposition dans notre droit de ladite directive. Avis défavorable, donc.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL194 et CL193 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l’amendement CL75 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je souhaite que nous développions la règle du « silence vaut accord » au-delà de deux mois, qui, malheureusement, est plutôt l’exception. Pour éviter d’allonger encore la liste des 2 400 exceptions à ce principe, je propose ici que le législateur, au lieu de renvoyer à un décret en Conseil d’État, fixe lui-même le délai à deux mois.
M. le rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait par l’article L. 231-1 du code des relations entre le public et l’administration, auquel vous vous êtes souvent dit attaché. Le principe selon lequel le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation devrait s’appliquer de plein droit à la procédure devant l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Lionel Tardy. Je le maintiens.
Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Elle aborde l’amendement CL74 de M. Lionel Tardy, qui fait l’objet du sous-amendement CL654 du rapporteur.
M. Lionel Tardy. Dans la rédaction actuelle du texte, on a l’impression que, lorsque l’on demande à devenir opérateur de paiements par SMS, deux délais s’appliquent selon que toutes les pièces ont été communiquées ou non. Mieux vaudrait préciser que, comme il est d’usage dans ce genre de cas, le délai court à compter de la réception du dossier complet. Tel est le sens de l’amendement CL74.
M. le rapporteur. Avis favorable. Mon sous-amendement est de conséquence.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La Commission adopte successivement le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.
L’amendement CL192 du rapporteur est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL191, CL190, CL188 et CL189 du rapporteur.
L’amendement CL338 de M. Sergio Coronado est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL187 et CL186 du rapporteur.
L’amendement CL185 du rapporteur est retiré.
Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL184 et CL183, l’amendement de précision et de coordination CL277 et l’amendement de coordination CL182 du rapporteur.
Enfin, la Commission adopte l’article 41 modifié.
Section 3
Compétitions de jeux vidéo
Article 42
Compétitions de jeux vidéo
Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le code de la sécurité intérieure afin de définir le régime particulier applicable aux compétitions de jeux vidéo, en vue de développer et d’encadrer cette activité.
Le sport électronique – qualifié communément de e–sport – désigne la pratique du jeu vidéo sous une forme professionnalisée. Les joueurs, souvent appelés « gamers », peuvent jouer seuls ou en équipe dans ces événements organisés par des associations, des organisations professionnelles, et de plus en plus souvent par des éditeurs de jeux vidéo.
1. Les compétitions de jeux vidéo, un phénomène mondial et médiatisé, des enjeux économiques importants
Le développement des compétitions de jeux vidéo est un phénomène mondial, particulièrement en Asie et en Amérique du Nord. Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, ce sont près de 15 millions de joueurs qui pratiquent le e–sport. En France, il y aurait environ 850 000 pratiquants réguliers, et on assiste à l’émergence d’une scène professionnelle : près de 50 jeunes Français sont rétribués pour leur activité, que celle–ci soit liée aux gains lors des tournois, aux sponsors ou aux commentaires de parties diffusées en ligne.
La Paris Game Week, plus important salon français, accueille une dizaine de compétitions d’e–sport, auxquelles participent certains joueurs professionnels.
Les compétitions les plus connues sont la « coupe du Monde FIFA 2016 », la « coupe du monde League of Legends », l’ « open de France Counter Strike ». À l’automne 2014, près de 27 millions de personnes ont assisté en direct à un tournoi de League of Legends, et en 2015, plus de 32 millions. Les tournois sont de mieux en mieux dotés, la compétition The international Dota 2 proposant par exemple 11 millions de gains (« cash prize »).
Selon M. Mathieu Dallon, créateur de l’Electronic Sports World Cup, que votre rapporteur a auditionné, « 300 joueurs professionnels gagnent plus de 100 000 dollars par an, une dizaine d’entre eux dépassent le million de dollars » (335). La majorité des trente premiers joueurs viennent de Chine, un pays très avancé en matière de sport électronique (336).
Il existe deux grandes catégories de jeux vidéo se prêtant particulièrement bien aux compétitions d’e–sport (337) :
– les jeux dits « MOBA », acronyme anglais de « Multiplayer only battle arena », soit « arène de bataille en ligne multijoueur » (338). Un MOBA se caractérise de la manière suivante : vue de dessus, contrôle d’une seule unité, le « héros », déplacements à la souris, travail d’équipe pour détruire un bâtiment ennemi crucial. Cette appellation a été introduite par l’éditeur de League of Legends mais elle est rejetée par certains membres de la communauté des gamers qui préfèrent parler de « DotA–like », du nom du premier grand succès du genre ou encore de « RTS », acronyme anglais de Real-time strategy (jeu de stratégie en temps réel) (339). Les MOBA sont apparus véritablement avec le jeu Aeon of the Strife, une carte amateur développée pour Starcraft en 1998 puis portée et sophistiquée sur Warcraft III sous le nom de Defense of the Ancients (DotA) en 2003 (340).
Sur les dix tournois de jeux vidéo les mieux dotés, neuf concernent des MOBA, avec un record de 10 millions de dollars de prix pour l’édition 2014 de The International, compétition sur Dota 2 organisée par la société qui en possède désormais les droits, Valve (341) ;
– les jeux dits « FPS », acronyme anglais de « first person shooter », c’est-à-dire les jeux de tirs, qui sont très « télégéniques » et également très populaires (342).
Les audiences toujours plus importantes générées par l’e–sport attirent sponsors et annonceurs, qui trouvent là un public nouveau.
Le rachat en 2014 par Amazon de Twitch, une plateforme diffusant en streaming et pour l’essentiel en direct des parties de jeux vidéo et des compétitions d’e–sport, pour un montant d’un milliard de dollars, montre l’importance économique prise par ces compétitions de jeux vidéo.
Selon l’étude d’impact, les revenus directs de l’e–sport pourraient être estimés à 765 millions de dollars en 2018, en forte croissance (+ 41 %). Les acteurs économiques qui en bénéficieraient seraient au premier chef les organisateurs de compétitions, les éditeurs de jeux et les diffuseurs.
Twitch expliqué à mes grands–parents
Un article du journal Le Monde intitulé « La plateforme de vidéos Twitch expliquée à mes grands-parents » (343) adopte une approche pédagogique pour expliquer l’intérêt d’une telle entreprise :
« Mais c’est quoi l’intérêt de regarder quelqu’un d’autre jouer ?
– C’est la critique habituellement adressée de l’extérieur à Twitch, et pourtant, pour un amateur de jeux vidéo, les avantages ne manquent pas. Tout d’abord, il y a le plaisir du direct, avec son lot d’adrénaline et de suspense, quand il s’agit d’une compétition internationale de jeux vidéo (on parle alors d’e–sport), on encore une tentative pour battre un record du monde sur un jeu (il s’agit alors d’un « speedrun »). Il permet également de découvrir les techniques et les astuces des meilleurs, et ainsi de s’améliorer soi–même dans ses jeux préférés. Ou encore, tout bêtement, de voir en action des jeux que l’on hésiterait à acheter, et parfois d’en découvrir certains auxquels on n’aurait même pas imaginé donner une chance. (…)
– Enfin, Twitch c’est également une communauté, avec ses champions connus et appréciés des amateurs, ses commentateurs phares, ses trublions, ses expériences loufoques… bref, une sorte de télévision alternative, pour une sous–culture qui n’en finit plus de s’étendre et d’innover. »
Les loteries, ou jeux d’argent et de hasard, font l’objet d’une importante législation depuis le XIXe siècle.
En premier lieu, le code civil, considérant que les jeux d’argent faisant appel au hasard ne sont pas des conventions licites, prévoit dans son article 1965 que « la loi n’accorde aucune action pour une dette du jeu ou pour le paiement d’un pari ». Il s’agit d’un exemple d’obligation « sans cause ou sur une fausse cause », qui n’a aucun effet en droit (article 1131 du même code). Il excepte toutefois de cette interdiction les jeux « qui tiennent à l’adresse et à l’exercice du corps » (article 1966 du même code (344)), sauf si la somme paraît excessive.
En France sont considérés comme jeux d’argent les jeux qui présentent les trois caractéristiques suivantes : une offre au public, un sacrifice financier, une espérance de gain. Ces conditions sont cumulatives.
L’article 1er de la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne précise que « les jeux d’argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l’objet d’un encadrement strict au regard des enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs. » Les jeux d’argent sont soumis à quatre objectifs :
– prévenir le jeu excessif en protégeant les joueurs des risques d’addiction ;
– protéger les mineurs en s’assurant du respect de l’interdiction des jeux qui leur est faite ;
– assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;
– prévenir les activités frauduleuses et criminelles ainsi que le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
La loi du 12 mai 2010 a autorisé trois jeux d’argent en ligne : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker et a chargé l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) de les réguler. Ces jeux participent aux recettes de l’État avec un régime fiscal spécifique.
Le code de la sécurité intérieure, créé par l’ordonnance n° 2012–351 du 12 mai 2012, pose à l’article L. 322–1 le principe de prohibition générale des loteries. Il reprend des dispositions issues notamment de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et de la loi n° 83–628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. La notion de loterie est précisée par l’article L. 322–2 de ce code :
« Sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d’immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles ont été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et, d’une manière générale, toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants. » Or, comme l’a constaté l’ARJEL lors de son audition par votre rapporteur, les compétitions de jeux vidéo comportent toutes une part de hasard, même infime. En effet, les participants sont liés entre eux par un contrat de jeu, lequel, en vertu de l’article 1964 du code civil, est un contrat aléatoire.
La loi n° 2014–344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit un article L. 332–2–1 dans le code de sécurité intérieure, qui a étendu l’interdiction pesant sur les loteries à tous les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire des joueurs (345). Ces jeux sont connus sous le nom « jeux d’adresse pure ou d’habileté ».
Les loteries prenant la forme de compétitions de jeux vidéo – en ligne ou « en dur » – sont donc interdites en droit français. La pratique pourrait faire douter de la réalité de cette prohibition, certaines compétitions s’étant déroulées sur le territoire français en bénéficiant d’une forte médiatisation. La contribution écrite de l’ARJEL remise lors de son audition par votre rapporteur mentionne une simple « tolérance de la part des autorités administratives et judiciaires ».
En outre, beaucoup de joueurs de e–sport ont ouvert une auto–entreprise pour recevoir et déclarer l’argent, mais celles–ci sont limitées à 32 900 euros, somme relativement faible compte–tenu de l’explosion des gains.
Il existe d’incontestables points communs avec le sport : l’entrainement, le spectacle, le divertissement, la performance, l’existence de supporters, l’économie – sponsors, fan-clubs, agents.
La qualification de « compétitions de e-sport » entraînerait leur exclusion du champ d’application des règles relatives aux jeux d’argent, les catégories de « sport » et de « jeux d’argent » étant exclusives l’une de l’autre. Les organisateurs de compétitions physiques de jeux vidéo pourraient alors se prévaloir des dispositions de l’article L. 331–2 du code du sport, aux termes duquel :
« Toute compétition, rencontre, démonstration ou manifestation publique de quelque nature que ce soit, dans une discipline sportive, qui n’est pas organisée ou autorisée par une fédération sportive agréée fait l’objet d’une déclaration à l’autorité administrative un mois au moins avant la date de la manifestation prévue. L’autorité administrative peut, par arrêté motivé, interdire la tenue de cette manifestation lorsqu’elle présente des risques d’atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou à la santé des participants ».
La question de l’effort physique reste cependant centrale.
La délivrance de l’agrément relève de la compétence discrétionnaire du ministre des sports, qui a à plusieurs reprises procédé à des refus d’agrément pour les motifs suivants :
– l’activité proposée par la fédération ne présente pas le caractère d’une discipline sportive au sens du code du sport (article L. 131-1).
Pour rechercher si une activité présente le caractère de discipline sportive, le juge administratif utilise la méthode du faisceau d’indices, en prenant en compte « la recherche de la performance physique, l’organisation régulière de compétitions et le caractère bien défini des règles applicables à la pratique de cette activité ». Ainsi, le juge a estimé qu’une activité pratiquée à titre principal comme une activité de loisir ne tend pas à la recherche de la performance physique (CE, 13 avril 2005, fédération de paintball sportif ; CE, 26 juillet 2006, fédération française de Bridge ; CE, 9 novembre 2011, fédération française de Darts). C’est ainsi que l’agrément a été refusé en 2007 à la fédération française de jeux vidéo en réseau (FFJVR) au motif que ses activités revêtaient un caractère ludique n’entrant donc pas dans le champ du code du sport ;
– le demandeur n’est pas une union d’associations sportives (article L. 131-3 du code du sport) qui regroupe les associations qui y sont affiliées ainsi que des licenciés dans le but d’organiser et développer la pratique sportive ;
– le demandeur ne justifie pas de trois ans d’existence (article R. 131-3 du code du sport) ;
– la fédération ne peut se prévaloir que d’un très faible nombre de licences délivrées, elle ne possède pas la capacité nécessaire lui permettant de garantir à terme, en toute sécurité, sa viabilité administrative et financière et d’exécuter de manière satisfaisante des missions de service public ;
– la fédération ne justifie pas d’être en mesure d’offrir à ses membres les structures administratives et l’encadrement technique que requiert la pratique de la discipline (article R. 131-3 du code du sport).
Lors de la consultation publique sur le projet de loi, la proposition du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) visant à sécuriser l’organisation de ces compétitions en introduisant une exception à l’interdiction des loteries a recueilli un très grand succès auprès des internautes. Après examen de la proposition, le Gouvernement a décidé d’utiliser ce projet de loi pour répondre aux attentes des joueurs et des organisateurs. Le présent article a donc été ajouté, l’étude d’impact indiquant qu’une mission parlementaire devrait être très rapidement lancée pour proposer un cadre complet destiné à développer ces activités et leur organisation, clarifier le statut des joueurs et soutenir le développement de ce secteur économique.
Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le code de la sécurité intérieure afin de définir, par dérogation aux articles L. 322–1 et L. 322–2–1, le régime particulier applicable aux compétitions de jeux vidéo, tels que définis au II de l’article 220 terdecies du code général des impôts, pour en faciliter l’organisation.
Le II de l’article 220 terdecies du code général des impôts, qui définit un régime de crédit d’impôt en faveur des entreprises créant des jeux vidéo, dispose qu’ « est considéré comme un jeu vidéo tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non ».
Votre rapporteur juge ambiguë la formulation du présent article. Tous les jeux vidéo répondant à la définition très large de l’article 220 terdecies échapperaient–ils au principe de prohibition des loteries ou seuls ceux qui sont susceptibles, voire qui donnent lieu, à un crédit d’impôt (346) ?
Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
4. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de votre rapporteur, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Emeric Bréhier, et contre l’avis du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, sans recourir à l’ordonnance.
Aux termes du I de la nouvelle rédaction, un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la jeunesse aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo, notamment à dominante sportive, requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à :
1° assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions ;
2° protéger les mineurs ;
3° prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ;
4° prévenir les atteintes à la santé publique.
Par ailleurs, le II dispose qu’un arrêté du ministre chargé de la jeunesse fixe la liste des logiciels de loisirs, sur un support physique ou en ligne, s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées, pour lesquels les organisateurs de compétitions peuvent bénéficier de l’agrément prévu au I du présent article.
Ces logiciels de loisirs font prédominer, dans l’issue de la compétition, les combinaisons de l’intelligence et de l’habileté des joueurs, en mettant à leur disposition des commandes et des interactions se traduisant sous formes d’images animées, sonorisées ou non, et visant à la recherche de la performance physique virtuelle ou intellectuelle.
L’arrêté fixe également, pour chaque logiciel de loisir, l’âge minimal requis des joueurs pour participer à la compétition.
Les compétitions pour lesquelles les organisateurs bénéficient de l’agrément prévu au I du présent article ne sont pas soumises aux articles L. 322-1 à L. 322-2-1 du code de la sécurité intérieure. Il en est de même des phases de qualifications de ces compétitions se déroulant en ligne, dès lors qu’aucun sacrifice financier de nature à accroître l’espérance de gain du joueur ou de son équipe n’est exigé par l’organisateur (III de l’article).
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL382 de M. Emeric Bréhier et CL593, deuxième rectification, du rapporteur.
M. le rapporteur. Mon amendement CL593, deuxième rectification, va dans le même sens que celui de M. Bréhier. Peut-être devrons-nous cependant rediscuter en séance du maintien du mot « sport » ?
Mme la secrétaire d’État. L’article 42 habilite le Gouvernement à légiférer sur les compétitions de jeux vidéo. Cette question a émergé lors de la consultation publique dont le projet de loi a fait l’objet, et si le recours à une ordonnance a été ainsi prévu, c’est faute d’avoir disposé d’un délai suffisant pour examiner toutes les implications juridiques de la régulation du secteur. En d’autres termes, le but n’était pas de légiférer par ordonnance, mais bien de gagner du temps et de permettre aux parlementaires d’avancer sur ce point.
Par ailleurs, la régulation n’est pas la contrainte : il s’agit au contraire de soutenir un secteur industriel en pleine effervescence, ainsi que les joueurs eux-mêmes, en encadrant leurs activités.
J’apprécie la rédaction à laquelle Emeric Bréhier est parvenu. Toutefois, une mission parlementaire a été créée afin de parvenir à une définition juridique du champ d’application de la régulation, mais aussi d’envisager toutes les questions subsidiaires, dont celle du statut des joueurs. Il me paraît dommage d’en rester à cette définition au lieu d’attendre les conclusions de cette mission, menée par un sénateur et un député.
Pour ces raisons, le retrait des amendements me semble souhaitable, étant entendu que le Gouvernement accorde une attention toute particulière aux propositions qui y sont formulées et veillera à ce qu’elles soient bien examinées par les parlementaires en question.
M. Lionel Tardy. En effet, le sujet n’est pas mûr. L’article actuel n’est pas parfait, mais la rédaction proposée ne me paraît pas satisfaisante, même si j’approuve l’intention d’éviter une ordonnance.
L’agrément du ministre des sports est douteux et, en tout état de cause, ne favoriserait pas la simplification. Par ailleurs, est-il pertinent dans le cas, qui ne doit pas être négligé, des jeux d’argent ? La définition ici proposée des jeux vidéo est floue et rien n’empêchera un opérateur de jeux d’argent de scénariser du casino en ligne, du poker en ligne ou du loto en ligne.
Sans verser dans l’excès de régulation, rappelons l’existence de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne : comment le texte proposé s’articulerait-il avec elle ?
Ces questions restant en suspens, il paraît nécessaire de retravailler les amendements.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Monsieur Tardy, l’agrément du ministre des sports est habituel et même obligatoire dès lors qu’une compétition est organisée. C’est une règle générale.
M. Emeric Bréhier. J’entends vos objections, madame la secrétaire d’État. Mais lorsque mes collègues rapporteurs et moi-même avons commencé l’examen du présent texte de loi, avant même que celui-ci n’ait d’existence juridique, la mission à laquelle vous faites référence n’avait pas encore été créée. Le secteur l’attendait d’ailleurs depuis plusieurs mois, comme vous-même. Dans ce contexte, l’amendement ne semblait pas inopportun.
Je préférerais que vous répétiez vos remarques dans l’hémicycle. Ce serait un signe pour le secteur, un secteur à fort potentiel économique – raison pour laquelle nous avons décidé il y a deux ans, dans le cadre de la loi de finances, d’étendre le crédit d’impôt dont il peut bénéficier – et à l’origine de nouveaux loisirs et de compétitions que leur dominante, ou du moins certaines caractéristiques – vous voyez que je m’exprime avec précaution –, apparentent aux compétitions sportives. Ainsi, l’une des dernières compétitions finales du célèbre jeu League of Legends a réuni 40 000 personnes dans un stade et trois millions de téléspectateurs en direct : de quoi faire rêver bien des organisateurs de compétitions officiellement sportives au sens du Conseil d’État. On ne parle pas ici de jeunes – ou de moins jeunes, d’ailleurs – qui joueraient sur leur canapé !
Quant aux risques évoqués par notre collègue Tardy, qui reprend mot pour mot les commentaires de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), notre amendement y fait droit.
Le seul sujet possible de discussion – ce sera peut-être l’objet de la mission – me paraît être le choix du ministère chargé de l’agrément, au-delà de la remarque tout à fait juste du président Le Bouillonnec.
À ma rédaction, je préfère celle du rapporteur, qui parle de compétitions « notamment à dominante sportive ». Cette nuance devrait apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées – puisqu’il faut bien entendre toutes les plaintes, qu’elles viennent des secteurs concernés ou des ministères !
M. le rapporteur. Je ne saurais mieux dire.
Je vous entends, madame la secrétaire d’État ; mais la mission devrait auditionner sensiblement les mêmes personnes qu’Emeric Bréhier et moi-même, et ses conclusions seront certainement proches des nôtres.
Je souhaite que nous nous accordions ce soir sur la rédaction que je propose. Elle pourra ensuite évoluer au fil de nos travaux, mais elle me semble fournir un bon point de départ pour cette première lecture. Cela permettra à la fois de reconnaître le travail parlementaire accompli et d’adresser un message au monde du jeu vidéo.
Monsieur Tardy, c’est du ministère chargé de la jeunesse qu’il est ici question, non de celui des sports. Ce point fait partie des éléments en débat, eu égard non seulement à l’agrément mais aussi au financement des fédérations.
La rédaction proposée est de nature à apaiser vos inquiétudes concernant les jeux d’argent : les « combinaisons de l’intelligence et [de] l’habileté » ici visées n’existent pas dans le poker, quand bien même on le scénariserait pour tenter de le faire passer pour un jeu vidéo.
Je serais pour ma part très inquiet que l’ARJEL en vienne à gérer le secteur : elle est chargée de s’attaquer au blanchiment d’argent, à l’exil fiscal, à la fraude, bien loin du type de promotion du jeu vidéo que nous appelons de nos vœux et qui suppose notamment de faciliter les compétitions.
L’amendement CL382 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CL593, deuxième rectification.
Puis elle adopte l’article 42 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CL403 de Mme Catherine Coutelle.
M. Ibrahim Aboubacar. Cet amendement vise à exclure du bénéfice du crédit d’impôt pour dépenses de création de jeux vidéo (CIJV) les jeux comportant des représentations dégradantes pour les femmes.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est naturellement sensible à l’enjeu de la représentation de la femme dans les jeux vidéo, mais il n’apparaît pas nécessaire de prévoir un nouveau cas d’exclusion.
En effet, dans le dispositif actuel – adopté récemment au terme de longues discussions en interne –, les jeux vidéo comportant des représentations dégradantes des femmes ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt, puisque ceux qui contiennent des séquences pornographiques ou de très grande violence en sont exclus de plein droit.
Les jeux vidéo destinés à un public adulte qui peuvent prétendre au crédit d’impôt sont soumis à une réglementation spécifique, très stricte : ils doivent contribuer significativement au développement et à la diversité de la création française et européenne en la matière, et se voient appliquer des critères précis de contextualisation de la violence qui s’apprécient au regard des problématiques politiques, sociales et culturelles traitées. En d’autres termes, l’appréciation de la violence s’inscrit dans un cadre qui peut inclure l’enjeu de représentation de la femme, puisqu’elle bannit la mise en valeur de toute forme de violence à leur égard.
Mme Marie-Anne Chapdelaine. Est-ce à dire que l’amendement est superflu car déjà satisfait ?
Mme la secrétaire d’État. En effet, les critères dont doivent tenir compte les instances décisionnaires en matière d’application du crédit d’impôt intègrent déjà de manière très pointue la caractérisation de la violence.
L’amendement va sans doute plus loin, puisqu’il concerne les représentations dégradantes. Mais le Gouvernement ne souhaite pas intégrer au dispositif cette exclusion spécifique, considérant qu’il appartient à ces instances de contextualiser ces images, conformément aux textes en vigueur, renégociés tout récemment.
L’amendement est retiré.
Chapitre III
accès des publics fragiles au numérique
Section 1
Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques
Article 43
(art. 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits
et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,
art. L. 113-5 du code de la consommation et art. L. 33-1 du code des postes
et des communications électroniques)
Accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques
Le présent article instaure une obligation de mise en accessibilité des services téléphoniques des services publics, des « services clients » de certaines entreprises et des services de communications électroniques fournis par les opérateurs aux personnes sourdes et malentendantes.
1. L’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services de la société de l’information dans le droit actuel
Notre droit comporte déjà plusieurs dispositions tendant à garantir l’égal accès des personnes sourdes et malentendantes aux services de la société de l’information.
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a instauré le principe d’égal accès des personnes handicapées à toute la Cité, en particulier en matière de scolarité, d’enseignement supérieur et professionnel, d’emploi, de cadre bâti, de transports et de nouvelles technologies.
L’article 78 de cette loi prévoit que, « [d]ans leurs relations avec les services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant ». Il ajoute que « [l]e dispositif de communication adapté peut notamment prévoir la transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété ».
L’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit que les opérateurs chargés du service universel des communications électroniques adoptent des mesures particulières en faveur des utilisateurs finaux handicapés afin d’assurer un accès à l’ensemble des prestations de service universel (téléphonie fixe, renseignements et annuaires…) équivalent à l’accès dont bénéficient les autres utilisateurs finaux. Ces mesures sont précisées par l’article R. 20-30-4 du même code.
Lors de la transposition en droit interne du troisième « paquet télécom » (347), le législateur a prévu que les opérateurs de communications électroniques devaient assurer l’« accès des utilisateurs finals handicapés à des services de communications électroniques à un tarif abordable et aux services d’urgence, équivalent à celui dont bénéficie la majorité des utilisateurs finals » (348).
Un certain nombre d’obligations concrètes sont imposées aux opérateurs de communications par l’article D. 98-13 du même code dans la souscription d’un abonnement (factures, services clients, boutiques…) :
– l’opérateur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour fournir aux utilisateurs handicapés, « à un tarif abordable, des produits et des services adaptés leur permettant de bénéficier d’un accès à tout ou partie des services de communications électroniques qu’il fournit équivalent à celui dont bénéficie la majorité » des autres utilisateurs ;
– il doit également rendre accessibles ses services dédiés à la clientèle aux utilisateurs handicapés par tout moyen adapté à leur handicap ;
– les contrats, les factures et la documentation relative aux produits et services qu’il propose et les informations qu’ils comportent doivent être mises à disposition des utilisateurs handicapés « par des moyens ou sur des supports adaptés à leur handicap » et l’opérateur doit mettre en place une signalétique destinée à ses clients indiquant les terminaux et services les mieux adaptés à chaque catégorie de handicap ;
– l’opérateur doit également mettre à la disposition des utilisateurs handicapés des terminaux adaptés à leur handicap disponibles sur le marché et tenir compte des besoins spécifiques des personnes handicapées dans la conception des équipements associés à ses offres d’accès à l’internet fixe ;
– il doit publier tous les ans avant le 30 juin « un rapport de l’avancement des actions qu’il a engagées pour l’adaptation et l’amélioration de l’accessibilité de ses offres de communications électroniques aux personnes handicapées en matière de terminaux et de services, et ce pour les différentes catégories de handicaps », rapport qui est également transmis à l’ARCEP.
Un centre national de relais spécifiquement dédié aux appels d’urgence, le 114, est chargé, depuis le 14 septembre 2011, de réceptionner et d’orienter les demandes des personnes sourdes et malentendantes afin qu’elles puissent accéder en permanence aux numéros d’appel d’urgence, dans les conditions prévues par les articles D. 98-8 à D. 98-8-6 du même code. Ce centre est cofinancé par les ministères de la santé et de l’intérieur et sa gestion a été confiée au centre hospitalier universitaire de Grenoble. Il assure l’orientation des appels d’urgence des personnes déficientes auditives vers les services publics ayant pour mission la sauvegarde des vies humaines (service d’aide médicale urgente – 15), les interventions de police et gendarmerie (17) et la lutte contre les incendies et le secours à la personne (18).
Faisant suite aux mesures adoptées dans le cadre du plan 2010-2012 en faveur des personnes sourdes et malentendantes (349), le ministère de la santé a expérimenté, entre juin 2014 et mai 2015, un centre relais généraliste destiné à améliorer l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques de communication interpersonnelle.
Disponible du lundi au vendredi de 8h30 à 19h en continu, hors jours fériés, la plateforme a été ouverte à un panel de 493 personnes représentatives, comprenant des personnes sourdes signant en langue des signes française (LSF), des personnes sourdes pratiquant le langage parlé complété (LPC), des personnes sourdes ou malentendantes oralistes, des personnes aphasiques communiquant par écrit ou oral ou s’exprimant par le biais de pictogrammes, des personnes sourdaveugles et des personnes entendantes.
Interrogé sur le bilan de cette expérimentation par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué qu’elle avait permis en moyenne à sept panélistes sur dix d’entrer en relation avec une personne ou un service qu’ils n’auraient pas pu contacter par un autre canal de communication (SMS, mail, messagerie instantanée, etc.). Le centre relais téléphonique a été très majoritairement utilisé pour contacter des services privés ou publics. Sur la durée totale de l’expérimentation, 116 des 493 panélistes inscrits, soit 23,5 %, n’ont pas essayé une seule fois de passer un appel à travers le centre relais.
Les nouvelles technologies mettent à la disposition de ces personnes d’autres dispositifs pour joindre les services publics ou certaines entreprises, ou communiquer entre elles ou avec des personnes entendantes.
Il peut d’abord s’agir des SMS, particulièrement adaptés aux personnes sourdes qui maîtrisent l’écrit et utilisent peu la LSF ou la LPC, mais qui représentent près de 90 % des personnes sourdes ou malentendantes.
Il existe également des technologies fondées sur la visiophonie, avec des logiciels comme Skype ou des écrans adaptés facilitant la communication en LSF sans intermédiaire entre deux personnes signantes.
Enfin, des projets innovants émergent mettant le numérique au service de l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes. Sans être exhaustif, peuvent être cités (350) :
– la synthèse et la reconnaissance vocales, avec par exemple la solution proposée par la start-up RogerVoice qui permet un dialogue entre une personne sourde et une personne entendante par l’intermédiaire d’un mobile, d’un ordinateur ou d’une tablette grâce à la traduction de la personne parlante en texte sur l’ordinateur de la personne sourde et inversement, ou la solution Pedius qui propose des services de traduction similaires et illimités pour trente euros par an : cette technologie demeure cependant perfectible pour les personnes ayant des difficultés d’élocution ;
– les avatars signants, notamment utilisés par la SNCF, permettent d’améliorer l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes aux messages délivrés de manière automatisée, grâce à l’utilisation d’un personnage de synthèse signant – et non d’une vidéo par un signeur humain (annonces dans les gares ou aéroports, guides virtuels dans les musées….) : cette solution ne permet toutefois pas, en l’état actuel de la technologie, la prise en charge de traductions en direct ;
– la traduction en direct de la langue des signes en langue parlée et vice-versa, à l’instar du dispositif Kinect développé par Microsoft Research Asia à l’étranger, qui permet l’affichage de la personne qui signe d’un côté d’un écran avec une traduction écrite et orale effectuée simultanément et, inversement, la traduction des paroles de la personne parlante en langue des signes et communiquées à travers un avatar sur l’autre partie de l’écran.
2. Le renforcement de l’accessibilité des services téléphoniques aux personnes sourdes et malentendantes
Le présent article s’inscrit dans le prolongement de ces dispositions et de ces initiatives en traitant spécifiquement de l’accessibilité des principaux services téléphoniques utilisés par les personnes sourdes et malentendantes. À cette fin, il améliore les conditions d’accès de ces personnes aux services téléphoniques des organismes chargés d’une mission de service public et des entreprises d’une certaine taille ainsi que des services téléphoniques de communication interpersonnelle proposés par les opérateurs de communications électroniques.
Il vise à répondre aux demandes formulées par de nombreuses personnes souffrant d’un handicap auditif plus ou moins important, allant des malentendants légers aux personnes atteintes d’une surdité totale. Selon une étude publiée en 2010 à l’initiative de l’ARCEP, sur les 5 millions de personnes sourdes et malentendantes en France (351), si une majorité d’entre elles n’aurait pas besoin de recourir à des services de communication spécifiques, 500 000 personnes en éprouveraient la nécessité. Parmi elles, 417 000 maîtriseraient suffisamment un mode de communication pour pouvoir dialoguer avec un opérateur, à raison de 332 000 utilisateurs maîtrisant l’écriture et la lecture, 76 000 la LSF et 10 000 le LPC (352).
De prime abord, il convient de préciser que le présent article ne généralise pas l’expérimentation du centre relais généraliste récemment menée. Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le Gouvernement a répondu qu’une telle généralisation n’était pas souhaitable pour des raisons tenant à la fois à son fonctionnement et à son financement. L’expérimentation a été financée sur fonds publics pour un montant de 2 millions d’euros sur une durée d’un an et à destination d’un panel de 493 personnes. D’après l’étude précitée réalisée à l’initiative de l’ARCEP, avec comme hypothèses de départ la limitation, les trois premières années, du nombre d’utilisateurs, puis un rattrapage et le lancement d’un plan intensif de formation, les coûts d’une telle expérimentation étaient estimés la première année à 2,6 millions d’euros, et, la dixième année, à 83,7 millions d’euros. Au total, le Gouvernement estime dans l’étude d’impact du projet de loi que la solution qu’il a privilégiée au travers de cet article « constitue une voie équilibrée, prenant en compte l’impossibilité pour l’État d’assumer financièrement l’entièreté du dispositif, et la nécessité de ne pas faire reposer toute la charge, financière notamment, sur le seul secteur économique des communications électroniques. L’obligation se trouve ainsi partagée entre les administrations, les entreprises de manière générale et les opérateurs de communications électroniques ».
a. L’accès aux accueils téléphoniques des personnes publiques et aux services clients des entreprises
En premier lieu, le I du présent article complète l’article 78 de la loi du 11 février 2005 précitée relatif à la traduction systématique de toute information orale ou sonore au bénéfice des personnes déficientes auditives dans leurs relations avec les services publics.
Il prévoit que l’accueil téléphonique des services publics gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, devra être rendu gratuitement accessible aux personnes sourdes et malentendantes « par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle » ou, à défaut, par la mise en place « d’un service de communication au public en ligne, en respectant les mêmes conditions de traduction ».
En pratique, ce service de traduction consistera soit dans une transcription écrite, soit dans l’intervention d’un interprète en LSF ou d’un codeur en LPC, ainsi que le prévoit l’actuel deuxième alinéa de l’article 78 précité.
En deuxième lieu, le II du présent article complète l’article L. 113-5 du code de la consommation qui encadre les conditions de la mise à disposition des consommateurs d’un numéro de téléphone non surtaxé destiné à la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou au traitement d’une réclamation.
Il oblige les entreprises d’une certaine taille – dont le chiffre d’affaires sera supérieur à un seuil défini par décret – à rendre ce numéro également accessible aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle ou, à défaut, d’un service de communication au public en ligne. Il précise que le service de traduction écrite simultanée et visuelle devra comprendre « une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété », c’est-à-dire l’un des trois modes de communication principalement maîtrisés par ces personnes (texte, LSF ou LPC).
Auditionnée par votre rapporteur, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a indiqué qu’elle sera compétente pour assurer le contrôle de l’application du présent II dans le cadre des enquêtes qu’elle conduit sur la vente à distance et les services après-vente. Elle veillera également à ce que cette obligation ne conduise pas des acteurs économiques à amoindrir le service après-vente disponible pour l’ensemble des consommateurs. À cet égard, elle a estimé que la définition du seuil à partir duquel cette obligation s’appliquera sera déterminante afin de s’assurer que les principaux opérateurs économiques seront concernés tout en maîtrisant l’impact pour les entreprises, notamment les plus petites.
Pour le Conseil d’État, l’application de cette obligation aux seules entreprises d’une certaine taille, déterminées en fonction d’un seuil fixé uniquement en fonction de leur chiffre d’affaires, est « en rapport avec l’objet de la loi » (353). Interrogé sur ses intentions par votre rapporteur, le Gouvernement a indiqué qu’il envisageait de fixer ce seuil à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires afin de viser les grandes entreprises et celles de taille intermédiaire.
Au cours des auditions qu’il a conduites, votre rapporteur a constaté que certaines des entreprises visées par cette disposition s’étaient déjà en partie conformées à cette exigence d’accessibilité, à l’instar de Free et Free Mobile qui ont rendu accessible aux déficients auditifs leur service de relations clients dès 2011 à travers un plateau dédié au sein de leurs centres d’appels proposant un support spécifique en LSF sous la forme de conversations instantanées, webcam ou chat avec des conseillers spécialisés. Tel est également le cas d’Orange. Numericable-SFR a aussi indiqué à votre rapporteur avoir mis en place, en partenariat avec DEAFI, un service client accessible aux personnes sourdes et malentendantes.
En toute hypothèse, les entreprises disposant d’un service client qui ne seraient pas visées par la présente disposition pourront être contactées par les personnes sourdes et malentendantes à travers l’offre de téléphonie que devront leur proposer les opérateurs de communications électroniques à des fins de communication interpersonnelle en application du présent article.
En troisième lieu, le III du présent article renforce les obligations des opérateurs de communications électroniques qui doivent déjà, aux termes du o) de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, assurer l’accès des personnes handicapées à des services de communications électroniques à un tarif abordable et aux services d’urgence, équivalent à celui dont bénéficie la majorité des personnes. Pour ce faire, il insère à cet article un nouvel o bis) exigeant d’eux qu’ils permettent un « accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un tarif abordable, d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle ».
À la différence des services d’accueil et de réclamation des administrations et des entreprises d’une certaine taille, cette offre ne sera pas gratuite en raison du coût important de la minute de traduction mais sera à la charge conjointe des opérateurs de communications électroniques, qui devront la proposer « à un tarif abordable », et des abonnés déficients auditifs qui en bénéficieront.
De ces trois nouvelles obligations, la fourniture d’un accès à une offre de téléphonie destinée à la communication interpersonnelle incluant une prestation de traduction à un tarif abordable est celle qui a suscité le plus de réserves de la part de l’ensemble des opérateurs de communications électroniques auditionnés par votre rapporteur.
Ces derniers considèrent en effet que cette obligation soulève des difficultés opérationnelles liées à un problème de recrutement en nombre suffisant des personnes compétentes pour assurer ce service. Ils l’estiment également disproportionnée eu égard au nombre réduit de personnes susceptibles d’être concernées et au coût généré par son application. Pour la société Iliad, les résultats de l’expérimentation d’un centre relais téléphonique ont révélé que, parmi les panélistes, tous volontaires, un quart n’avait passé aucun appel, la moitié n’avait utilisé qu’occasionnellement le service et près de 70 % avaient consommé moins de 50 % du forfait d’une heure qui leur avait été accordé.
Nombre d’entre eux souhaiteraient que soient plutôt encouragées la recherche et l’innovation afin de mettre en œuvre, d’ici deux ans, des plateformes de traductions automatisées remplissant les mêmes services à des prix plus acceptables, à l’instar de l’initiative de la start-up RogerVoice ou de la solution Pedius (354). Certains opérateurs, comme Orange, ont également proposé à votre rapporteur de mettre en place un forfait adapté aux personnes sourdes et malentendantes, comprenant un volume de données (data) et de SMS illimité, à un prix raisonnable, leur permettant d’accéder dans les meilleures conditions à ces plateformes ou à tout autre service facilitant leur communication avec des tiers.
Auditionnées par votre rapporteur, plusieurs associations représentant des personnes handicapées ont souligné la nécessité et l’intérêt de ces nouvelles obligations dans la vie quotidienne des personnes sourdes et malentendantes et pour leur participation à la vie de la Cité. Elles ont également fait valoir que les opérateurs de communications électroniques pouvaient retirer un intérêt économique et commercial à proposer aux personnes déficientes auditives une offre de téléphonie adaptée grâce à l’augmentation globale du nombre de leurs abonnés et des communications qui transitent par leurs réseaux. Elles ont estimé, enfin, que le développement de plateformes automatisées ne permettait pas de répondre à tous les besoins des personnes sourdes et malentendantes, qui demeurent attachées à l’intervention d’un transcripteur ou d’un traducteur humain, gage d’une communication de qualité et fidèle.
Dans son avis sur le projet de loi, l’ARCEP appelle à « veiller à ce que les conditions de mise en œuvre assurent la proportionnalité de l’obligation reposant sur les opérateurs de communications électroniques. En particulier, compte tenu des coûts de mise en place de telles solutions, il est important que les décrets d’application offrent la possibilité pour les services publics, les entreprises et les opérateurs de communications électroniques de mutualiser leurs solutions ou de recourir à des prestataires externes. Il semble par ailleurs nécessaire que la nouvelle obligation pesant sur les opérateurs de communications électroniques soit dans un premier temps applicable uniquement aux principaux opérateurs présents sur les marchés résidentiels » (355).
La mise en œuvre de ces trois nouvelles obligations d’accessibilité des services téléphoniques supposera, de la part des organismes, entreprises et opérateurs auxquelles elles s’imposeront, soit de se doter, en interne, d’interprètes, soit de recourir à des centres relais téléphoniques. Dans son étude d’impact du projet de loi, le Gouvernement estime, à titre d’exemple, qu’« une entreprise de relais téléphonique facture ses services, sur la base d’un forfait annuel illimité, entre 70 € pour une commune de moins de 2 000 habitants, un médecin, un boulanger et 15 000 € voire 20 000 € pour une grande entreprise ou un conseil départemental ». Toutefois, ces acteurs pourront se regrouper afin de mutualiser les coûts et s’adresser à un même prestataire.
Une étude de 2010 (356) estimait le nombre d’utilisateurs susceptibles de bénéficier de services relais de traduction et évaluait les conditions matérielles et financières dans lesquelles ces services pourraient être mis en œuvre :
– les services relais devraient arriver à maturité en douze ans pour la LSF, quatorze ans pour le texte et seize ans pour le LPC ;
– le nombre d’utilisateurs devrait atteindre 91 000 en dix ans, à raison de 54 000 pour le texte, 34 000 pour la LSF et 3 000 pour le LPC ;
– le volume de minutes d’appel devrait être de l’ordre de 43 millions, à raison de 37 millions pour les appels personnels et 6 millions pour les appels professionnels ;
– les coûts de mise en œuvre, non-récurrents (357), et les coûts de fonctionnement, récurrents (358), cumulés sur dix ans, étaient estimés à 370 millions d’euros.
S’appuyant sur ces estimations, le Gouvernement considère, dans l’étude d’impact du présent projet de loi, que le coût du service « passerait de 6,7 € par minute en année 1 à 3,1 € par minute en année 10 ».
Dans son rapport remis en 2014 sur l’expérimentation d’un centre relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes, Mme Corinne Erhel soulignait que « la mise en place de centres relais téléphoniques pose un défi humain de taille » au regard de la rareté des professionnels de la relation avec les personnes sourdes, des formations existantes et des candidats à cette profession (359). À titre indicatif, l’annuaire des interprètes en LSF compte à ce jour 379 inscrits (360). Le même rapport évaluait le nombre de codeurs en LPC à 240 personnes et à un niveau « très faible » le nombre de transcripteurs en sténotypie et vélotypie. Par ailleurs, selon l’étude précitée publiée en 2010 à l’initiative de l’ARCEP, « le rythme de formation actuel permettrait de disposer d’environ 780 codeurs LPC, 590 interprètes LSF, 350 sténotypistes et 45 vélotypistes d’ici 10 ans » (361). Enfin, l’estimation du nombre d’emplois nécessaires au fonctionnement de ces centres relais doit tenir compte de l’organisation particulière du temps de travail de ces personnes, qui, selon la nature et l’intensité des conversations qu’elles doivent suivre, supportent des contraintes spécifiques.
Dans ces conditions, cette mesure devra nécessairement faire l’objet d’une application progressive. Tel est l’objet du IV du présent article qui reporte l’entrée en vigueur de ces nouvelles obligations au plus tard cinq ans après la promulgation de la loi qui sera issue du présent texte, sauf celles qui s’appliquent aux services clients téléphoniques mis à disposition des consommateurs par les entreprises (article L. 113-5 du code de la consommation) qui s’appliqueront dans un délai de deux ans à compter de cette promulgation.
La différenciation opérée dans l’application dans le temps de ces obligations ne paraît pas soulever de difficultés, le Conseil d’État ayant admis « que le calendrier de mise en accessibilité des services téléphoniques soit différencié entre les trois catégories d’acteurs concernés » dans la mesure où « ce calendrier [prend] bien en compte, de manière homogène, les moyens techniques et financiers des organismes concernés ainsi que leur effectif » (362).
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative des commissions des Affaires sociales et des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a renforcé les conditions de mise en œuvre de ces nouvelles obligations d’accessibilité.
En premier lieu, pour l’ensemble des services téléphoniques visés par le présent article, elle a adopté quatre amendements de la rapporteure de la commission des Affaires sociales, Mme Hélène Geoffroy, remplaçant l’expression ambiguë de « service de traduction écrite simultanée et visuelle » par celle, plus claire, de « service de traduction simultanée écrite et visuelle » afin de prévoir que la traduction visuelle devra être simultanée au même titre que la traduction écrite.
En deuxième lieu, à l’initiative de la rapporteure de la commission des Affaires économiques, Mme Corinne Erhel, votre Commission a précisé que le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mis en place par les services publics devraient garantir « le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites » afin de préserver le secret des échanges téléphoniques entre les agents publics et les personnes sourdes ou malentendantes (3° du I).
En troisième lieu, en matière d’accès des personnes sourdes et malentendantes à une offre de téléphonie aux fins de communication interpersonnelle, la commission des Lois a apporté plusieurs compléments au dispositif initial du III :
– d’une part, elle a adopté un amendement présenté par la rapporteure de la commission des Affaires économiques relatif à la notion de « tarif abordable », en précisant que cette notion devrait correspondre à celle de « prix abordable » applicable au service universel des communications électroniques, conformément à l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques ;
– d’autre part, elle a adopté un amendement de la rapporteure de la commission des Affaires sociales visant à s’assurer que le service de traduction écrite ou visuelle respecte certains critères de qualité définis par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ainsi qu’un amendement de la rapporteure de la commission des Affaires économiques tendant à garantir que le service sera conforme aux exigences de neutralité, de confidentialité et de protection des données à caractère personnel posées par la loi.
En dernier lieu, au IV, afin de renforcer les conditions d’application du présent article, il a été précisé, à l’initiative de la commission des Affaires sociales, que le décret qui déterminera la date exacte de son entrée en vigueur devra également fixer « les modalités de suivi de l’application des dispositions » qu’il comporte.
*
* *
La Commission aborde l’amendement CL603 de la commission des Affaires sociales.
Mme Hélène Geoffroy, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’article 43 porte sur la possibilité pour les personnes sourdes et malentendantes d’accéder aux services téléphoniques et à des offres commerciales émanant des opérateurs de communications électroniques. Tout le monde est visé, le service public comme les entreprises – du moins à partir d’un certain seuil.
Le présent amendement, comme nos amendements CL606, CL607 et CL608, concerne le service de traduction mis à la disposition des personnes déficientes auditives. Il convient de préciser que le service de traduction mis à la disposition des personnes sourdes et malentendantes doit être simultané quel que soit son support, à l’écrit comme à l’oral. En effet, il est apparu au cours des auditions auxquelles nous avons procédé que l’écrit pouvait poser des problèmes d’interprétation. Nous proposons de clarifier en ce sens la rédaction de la disposition visée dans le projet de loi comme dans la rédaction actuelle de la loi du 11 février 2005 sur le handicap.
M. le rapporteur. Avis favorable, ainsi qu’aux amendements suivants.
Mme la secrétaire d’État. Même avis.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL202 et CL203 du rapporteur.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CL606 de la commission des Affaires sociales.
Elle adopte également l’amendement rédactionnel CL204 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL673 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement a pour objet de garantir la confidentialité des conversations téléphoniques entre agents publics et personnes sourdes et malentendantes.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL205 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL674 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’un amendement de précision juridique.
M. le rapporteur. Je ne crois pas que cette précision soit utile. Les services devront déjà mettre à disposition un service de traduction écrite et simultanée comprenant une transcription écrite ou bien l’intervention d’un interprète ou d’un codeur en langage parlé complété. Par ailleurs, l’ajout d’un décret pourrait laisser penser que des aménagements aux règles posées seraient possibles, alors que tel n’est pas le cas.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL607 de la commission des Affaires sociales.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL206 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CL76 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. L’alinéa 4 évoque « ces appels », sans qu’on sache à quels appels il est fait référence. Je propose d’écrire plutôt : « les appels de ces personnes ».
M. le rapporteur. M. Tardy est toujours aussi vigilant… Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL207 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CL140 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet amendement, comme l’amendement CL141 qui suivra, concerne l’accessibilité pour toutes les communications téléphoniques. La troisième partie de cet article semble faire des centres relais téléphoniques (CRT) la solution ultime. Or les CRT ont répondu aux besoins à une époque où aucune autre solution ne permettait une communication interpersonnelle téléphonique entre une personne sourde ou malentendante et une personne entendante, mais ils sont coûteux et le personnel long à former. Cela se répercutera sur les délais et le coût de l’accessibilité souhaitée dans les communications quotidiennes de ces personnes. Dans la mesure où des solutions innovantes existent, notamment via les smartphones, en passant par la langue des signes ou la lecture labiale, il convient de soutenir dès à présent le développement de ce marché et ne pas attendre cinq ans pour offrir une solution qui sera coûteuse et inadaptée. C’est pourquoi je propose de porter le délai prévu de cinq à trois ans.
M. le rapporteur. C’est un discours que nous avons également entendu de la part des opérateurs. Si je suis convaincu de leur bonne volonté et de leur engagement, je propose néanmoins de maintenir pour l’instant la rédaction du texte et de regarder comment les choses évoluent. Peut-être pourrons-nous, si elles évoluent dans le bon sens, retirer ces dispositions d’ici le vote définitif du texte ? Je serai le premier à le proposer sitôt que les services en question existeront.
Mme la secrétaire d’État. Jusqu’à preuve du contraire, rien ne remplace le centre relais téléphonique. Certes, certains services innovants existent, mais ils ne sont pas généralisés et ne répondent pas à l’ensemble des besoins des personnes en situation de handicap. En particulier, ils ne garantissent pas leur autonomie, puisque les trois modes de communication demandés, à savoir la transcription de texte, l’interprétation en langue des signes française et le langage parlé complété, ne peuvent être couvertes par les technologies auxquelles il est fait référence. Alors que la France est en retard par rapport à ses voisins et que les demandes des associations sont fortes et légitimes, je ne pense pas qu’il faille limiter le service proposé par les opérateurs à des services de vocalisation du texte et de transcription de la voix. Si les discussions que nous avons depuis hier matin étaient retranscrites à l’aide seulement de la technologie speech to text, c’est-à-dire en SMS ou en mode vocal tel que Siri, les nuances de l’expression orale ne pourraient être communiquées adéquatement aux personnes sourdes et malentendantes.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CL675 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’un amendement d’appel. Je souhaite rendre parfaitement claire la notion de « tarif abordable » car, d’après les auditions que j’ai conduites, certains acteurs n’en ont pas bien compris la portée. Il conviendrait de préciser que l’on se réfère au service universel.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL602 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Les associations ont été très sensibles au fait que soit inscrite dans le texte la notion de tarif abordable pour les communications personnelles des personnes sourdes et malentendantes. La rédaction actuelle prévoit cependant une exigence d’accessibilité financière mais aucune dimension qualitative. Cet amendement vise donc à garantir un niveau homogène de qualité, notamment en termes de succès des appels émis et reçus. Ainsi, nous proposons d’écrire, après les mots « tarif abordable », « et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».
M. le rapporteur. Avis favorable. Je vous remercie de votre vigilance et de la cohérence de vos amendements.
Mme la secrétaire d’État. Il me semble que l’amendement est satisfait dans la mesure où plusieurs références sont faites aux pouvoirs de l’ARCEP dans le code des postes et des communications électroniques : fixation de critères minimaux de qualité de service à l’article L. 36-6, contrôle de la qualité de service délivrée par les opérateurs à l’article L. 33-12, contrôle des conditions de permanence, de qualité, de disponibilité, de sécurité et d’intégrité du réseau et du service à l’article L. 33-1. Cela concerne certes la qualité générale du service et non la situation particulière qui vous intéresse ici ; c’est pourquoi le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Les associations attendent cette possibilité de traduction généralisée depuis près de dix ans.
La Commission adopte l’amendement.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement CL608 de la commission des Affaires sociales.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL208 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CL676 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise à élargir la confidentialité des échanges téléphoniques, quelle que soit la cible.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL601 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques renvoie à un décret le soin de préciser les modalités d’application des règles prévues pour les opérateurs. Cet amendement vise à inclure dans ce décret les nouvelles règles liées à l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes, afin d’en assurer une bonne déclinaison.
M. le rapporteur. C’est une précision utile. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, considérant qu’il est satisfait, car la modification nécessaire pour inclure cette rubrique dans le décret d’application est effectuée par l’article 19 du projet de loi, qui ajoute un p au dernier alinéa de l’article L. 33-1 précité.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Je n’ai pas la même appréciation que Mme la secrétaire d’État, mais je retire l’amendement. Je le redéposerai en séance si un examen plus approfondi ne m’a toujours pas convaincue.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL209 du rapporteur.
L’amendement CL141 de M. Lionel Tardy est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL210 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CL600 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Afin de ne pas reproduire pour l’accessibilité numérique le retard pris en matière d’accessibilité civique, nous demandons que le décret prévu à cet article précise les modalités de suivi de son application, par exemple avec la création d’un comité de suivi dédié, composé à parité d’associations et de représentants des ministères concernés du handicap et du numérique.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’article 43 modifié.
Section 2
Accès des personnes handicapées
aux sites internet publics
Article 44
(art. 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits
et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
et art. L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation)
Renforcement du contrôle et des sanctions en matière d’accès
des personnes handicapées aux sites internet publics
Le présent article tend à améliorer les conditions d’accès des personnes handicapées aux sites internet publics en renforçant le contrôle du respect des obligations pesant sur les organismes concernés ainsi que les sanctions susceptibles d’être prononcées à leur égard.
1. Les conditions actuelles de mise en œuvre de l’obligation de mise en accessibilité des sites internet publics sont peu opérantes
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé des obligations en matière d’accessibilité de certains services à ces personnes. Ses dispositions s’appliquent au handicap défini comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou [de] plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (363).
L’article 47 de cette loi dispose que « [l]es services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées » et que « [l]’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation ».
Les recommandations internationales qui font autorité dans le domaine de l’accessibilité des sites en ligne sont applicables de plein droit. Il s’agit des règles d’accessibilité pour les contenus web (WCAG), recommandations émanant du consortium de normalisation de l’internet (world wide web consortium) et issues des travaux de l’initiative sur l’accessibilité de l’internet (web accessibility initiative) (364).
Le décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l’article 47 précité a instauré un référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RG2A) auquel devaient se conformer l’État dans un délai de deux ans, et les collectivités territoriales dans un délai de trois ans, ainsi que les établissements publics qui en dépendent. Ce référentiel fixe les « règles techniques, sémantiques, organisationnelles et d’ergonomie que doivent respecter leurs services de communication publique en ligne afin d’assurer aux personnes handicapées la réception et la compréhension de tout type d’information diffusée sous forme numérique, de leur permettre d’utiliser ces services et, le cas échéant, d’interagir avec ces derniers », quels que soient leur handicap et les technologies utilisées.
La nouvelle version de ce référentiel, approuvée par arrêté du 29 avril 2015 (365), prévoit que les outils d’accessibilité doivent être rendus suffisamment perceptibles (équivalents textuels à des contenus non textuels, facilitation de la perception visuelle et auditive du contenu…), aisément utilisables (accessibilité des fonctionnalités au clavier, orientation de l’utilisateur dans la navigation…), compréhensibles (contenu textuel lisible et compréhensible, correction des erreurs de saisie…) et robustes (optimisation de la compatibilité avec les technologies actuelles et futures).
Parallèlement à la mise à jour de ce référentiel, le Gouvernement a lancé le label « e-accessible » récompensant les employeurs publics s’engageant sur la voie de l’accessibilité. Adossé au RG2A, il peut toutefois être obtenu sans respecter l’ensemble des critères de ce référentiel grâce à cinq niveaux différents : les trois premiers attestent d’une démarche en cours et d’une organisation interne déployée autour de l’accessibilité, le quatrième correspond à une mise en conformité légale et le cinquième à une mise en conformité allant au-delà des exigences légales.
Malgré tout, le contrôle de l’application de ces exigences revêt, en l’état actuel du droit, un caractère essentiellement déclaratif et les sanctions applicables une dimension symbolique.
Ainsi qu’en disposent les articles 4 et 5 du décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 précité, c’est à l’autorité administrative concernée de déclarer la conformité de ses services de communication publique en ligne au référentiel. À défaut, « le ministre chargé des personnes handicapées, ou le préfet en ce qui concerne les services déconcentrés, les collectivités territoriales ou les établissements publics qui en dépendent, met en demeure l’autorité administrative compétente de se mettre en conformité avec le référentiel précité dans un délai qui ne peut excéder six mois ». Cette dernière doit indiquer les mesures qu’elle entend adopter à cet effet dans un délai d’un mois. À défaut de mise en conformité dans le délai de la mise en demeure, l’administration concernée est sanctionnée par l’inscription de ses services sur une liste rendue publique par voie électronique.
Par ailleurs, les personnels intervenant sur les sites internet concernés doivent recevoir, au titre de la formation continue, « un enseignement théorique et pratique sur l’accessibilité des services de communication publique en ligne aux personnes handicapées et sur la conformité aux règles et standards nationaux et internationaux en cette matière » (366).
Enfin, une charte a été signée avec les écoles de formation au numérique afin d’intégrer dans les cursus des métiers du numérique des modules spécifiques liés à l’accessibilité numérique.
Au total, ce dispositif, qui ne comporte ni mesures d’accompagnement, ni véritables sanctions, n’a pas permis de rendre parfaitement et uniformément accessibles les sites internet des administrations centrales, déconcentrées et décentralisées aux personnes handicapées. Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, « à ce jour, à peine 4 % des sites se sont conformés à cette règle ». Ce chiffre ressort de l’analyse de la mise en conformité de près de 600 sites internet de ministères, conseils régionaux et départementaux, préfectures, communautés d’agglomérations et mairies, réalisée par l’association Braillenet dans une étude publiée le 27 mai 2014 (367).
De plus, il a vocation à être adapté aux exigences prochainement posées par l’Union européenne qui examine une proposition de directive relative à l’accessibilité des sites web d’organismes du secteur public.
Le I du présent article, qui modifie la rédaction de l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée, vise à appliquer à l’ensemble du secteur public des obligations étendues et précisées de mise en accessibilité des sites internet aux personnes handicapées.
Il étend l’obligation d’accessibilité des services de communication publique en ligne, aujourd’hui applicable à l’État et aux collectivités territoriales ainsi qu’aux établissements publics qui en dépendent, aux « organismes délégataires d’une mission de service public » (premier alinéa du I de l’article 47).
Cet ajout fait suite aux propositions formulées dans le cadre de la consultation publique sur le présent projet de loi visant à élargir le champ des personnes morales concernées (368). Il est cohérent avec le champ d’application de la proposition de directive relative à l’accessibilité des sites web d’organismes du secteur public, qui devrait concerner les sites web appartenant à des organismes du secteur public et aux autres entités remplissant des missions publiques.
Il laisse inchangées les précisions relatives à l’accessibilité qui figurent déjà à cet article : « accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation » et application des recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet (deuxième alinéa du même I).
Il impose aux organismes concernés d’élaborer un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication publique en ligne, lequel devra être rendu public et décliné en plans d’action annuels (dernier alinéa du même I). Ce schéma devra définir un programme et les modalités de mise en accessibilité des sites et identifier les progiciels mis à la disposition de leurs utilisateurs.
Le I du présent article renforce les modalités de contrôle et les sanctions des manquements à la règle de mise en accessibilité des sites internet publics.
Alors qu’aujourd’hui, l’autorité administrative concernée doit simplement attester que son service de communication publique en ligne est conforme au référentiel général d’accessibilité (369), la nouvelle rédaction de l’article 47 précité prévoit que ce service devra désormais comporter obligatoirement, et « sur chacune de ses pages », une mention visible précisant sa conformité ou non-conformité aux règles relatives à l’accessibilité, par exemple par l’affichage d’un macaron (II de l’article 47). Cette disposition apportera une plus grande visibilité et davantage de publicité à l’état d’avancement de l’administration ou de l’organisme concerné dans sa mise en conformité avec la loi.
Par ailleurs, les organismes concernés devront informer, par un renvoi sur une page dédiée de leur site internet, de l’état d’avancement de leur schéma pluriannuel et du plan d’action de l’année en cours, « permettant aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité » (même II). Cette précision a été introduite par le Gouvernement à l’initiative de contributeurs à la consultation publique sur le projet de loi qui souhaitaient que cette page dédiée puisse donner accès au schéma pluriannuel de mise en accessibilité et comporter les mêmes précisions que celles de la page d’aide à destination des utilisateurs prévue par le RG2A (précisions sur le niveau d’accessibilité du site, indication des coordonnées du Défenseur des droits et des coordonnées d’un contact chargé de la prise en compte des signalements des manquements, précisions sur les parties du site qui font l’objet d’une dérogation justifiée) (370).
Avec ces dispositions, les organismes concernés seront invités à s’inscrire dans une démarche proactive de mise en conformité progressive avec la loi, sous le regard vigilant du public qui pourra suivre l’état de la mise en œuvre de leurs engagements et, le cas échéant, indiquer toute inobservation des règles.
En outre, le présent texte accroît les sanctions susceptibles d’être prononcées à l’égard d’un organisme qui ne se conforme pas à ces obligations. Il ne s’agit pas de sanctionner l’absence de mise en conformité avec les règles générales d’accessibilité mais le non-respect par l’organisme de l’obligation d’afficher une mention visible précisant la conformité ou la non-conformité de son site aux règles d’accessibilité et un lien renvoyant à une page indiquant l’état de mise en œuvre de son schéma pluriannuel de mise en accessibilité et permettant aux usagers de signaler d’éventuels manquements.
La sanction actuelle – la seule inscription des services de communication publique en ligne non conformes sur une liste rendue publique – est remplacée par une sanction administrative dont le montant sera fixé par décret en Conseil d’État mais qui ne pourra excéder 5 000 euros. Cette sanction sera prononcée chaque année dès lors que le manquement perdurera (III du même article).
L’instauration de cette sanction administrative tendra à renforcer la rapidité et l’effectivité de la mise en conformité aux obligations légales. Le montant choisi, 5 000 euros, est aligné sur le plafond de l’amende administrative susceptible d’être prononcée en cas d’absence de dépôt du schéma directeur d’accessibilité - agenda d’accessibilité programmée en matière d’accessibilité physique du bâti ouvert au public (371).
Comme c’est le cas dans le droit en vigueur, un décret en Conseil d’État fixera les règles relatives à l’accessibilité et la nature des adaptations nécessaires, notamment par référence au RG2A établi par la direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de communication. Il précisera également les délais de mise en conformité des sites existants qui ne pourront excéder trois ans ainsi que les conditions de mise en œuvre et de recouvrement des sanctions (IV du même article).
Le choix fait par le Gouvernement de sanctionner non pas l’absence de conformité aux normes de l’accessibilité numérique mais l’absence d’affichage sur le site internet de certaines mentions obligatoires a interpellé plusieurs personnes et associations entendues par votre rapporteur ainsi que des contributeurs à la consultation publique. Votre rapporteur, conscient des limites que présente ce dispositif, estime cependant plus réaliste et efficace d’inscrire la mise en accessibilité dans une démarche incitative et pragmatique, et pas seulement répressive, permettant aux nombreux organismes concernés, de taille variable, de satisfaire aux obligations posées par la loi, dans le prolongement des initiatives déjà prises en la matière (référentiel général d’accessibilité, label « e-accessible »…).
Le II du présent article permet au Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle de participer au financement des actions destinées à garantir l’accessibilité des sites internet publics aux personnes handicapées (1°).
Ce fonds, créé par l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, est régi par l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation modifié en conséquence par le présent II. Dédié au financement des actions accompagnant la mise en accessibilité de la société, il soutient les établissements recevant du public qui, en raison de la fragilité de leur situation financière, ne parviennent pas à engager des mesures de mise en accessibilité. Il est piloté par un conseil de gestion paritaire composé, d’une part, de représentants de l’État et des collectivités territoriales, et, d’autre part, de représentants des personnes handicapées et d’acteurs de la vie économique. Sa gestion technique est assurée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
En contrepartie de l’élargissement de ses compétences, le Fonds verra ses ressources abondées par le produit des sanctions administratives prononcées en cas de défaut de mise en conformité d’un site internet public à l’obligation de comporter une mention visible sur son état d’accessibilité ainsi qu’un renvoi vers une page indiquant l’état d’avancement du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et permettant le signalement de manquements (372) (2°). Ses ressources sont aujourd’hui constituées du produit des sanctions pécuniaires prévues en cas de non-respect de la mise en œuvre, d’une part, des agendas d’accessibilité programmée par les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public (373) et, d’autre part, des schémas directeurs d’accessibilité et agendas d’accessibilité programmée par les réseaux de transport public (374).
En définitive, votre rapporteur observe que ces différentes dispositions dessinent un mécanisme original combinant une extension des exigences relatives à la mise en accessibilité, un meilleur encouragement et accompagnement des organismes concernés et un renforcement de l’efficacité et du caractère dissuasif des règles de contrôle, de sanction et de suivi de ces dispositions.
5. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative des rapporteures de la commission des Affaires sociales et de la commission des Affaires économiques, la commission des Lois a adopté deux amendements à la rédaction initiale de cet article :
– avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, l’obligation pour tous les sites internet publics de comporter, sur chacune de ses pages, une mention visible précisant sa conformité ou sa non-conformité aux règles en matière d’accessibilité a été remplacée par l’obligation pour ces sites de ne faire figurer cette mention que sur leur page d’accueil mais de manière « clairement visible » ;
– avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, il a été ajouté que le décret en Conseil d’État prévu au présent article devrait préciser les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics, reprenant la rédaction aujourd’hui en vigueur à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée : cette précision permettra de renforcer l’adéquation de la formation des personnels intervenant sur ces sites aux besoins d’accessibilité.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL77 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Si les sites internet publics doivent montrer l’exemple en matière d’accessibilité, en revanche je reproche au Gouvernement son goût pour les schémas et les plans d’action. La mise en accessibilité se fera selon des schémas pluriannuels, déclinés en plans d’action annuels, le tout rendu public et fort compréhensible, on l’imagine. Soyons sérieux, évitons les nouveaux outils qui ne feront que compliquer et ralentir la procédure ; mieux vaut prévoir des indicateurs concrets et lisibles de l’avancement de la mise en conformité par rapport aux délais qui seront fixés par décret : combien de temps reste-t-il avant que ce site soit accessible ? Quelles étapes ont été franchies et lesquelles restent à franchir ?
M. le rapporteur. La mise en accessibilité doit reposer sur une démarche progressive, pragmatique, incitative. C’est la philosophie de l’article. J’émets un avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État. Défavorable. Au-delà de l’objectif de transparence et de l’importance du suivi, la définition du contenu des schémas pluriannuels telle que nous la proposons est à la fois plus large et plus précise que celle de l’amendement. Elle inclut un état des lieux de l’accessibilité, les prochaines étapes prévues, un tableau de suivi de l’avancement des actions. C’est une approche qui se veut pragmatique mais aussi incitative, en interne, pour les administrations concernées.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL677 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit de faire figurer de manière très visible la mention de l’accessibilité sur la page d’accueil des sites.
M. le rapporteur. Favorable. La mention sur chacune des pages serait excessive, sans être forcément plus efficace.
Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL211 et CL212 du rapporteur, ainsi que ses amendements de précision CL515, CL213 et CL214.
Puis elle examine l’amendement CL599 de la commission des Affaires sociales.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Dix ans après son inscription dans la loi, l’accessibilité des sites internet publics n’est toujours pas effective, et c’est l’objet de cet article 44 d’y remédier. Dans le processus de mise en conformité, notre attention a été appelée sur la nécessité de recourir à des professionnels compétents pour garantir la conformité des sites aux standards nationaux et internationaux, ainsi que le respect de règles techniques, sémantiques, organisationnelles, voire d’ergonomie. Cet amendement rétablit donc la rédaction actuelle de l’article 47 de la loi de 2005 en prévoyant que « le décret énonce en outre les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne ».
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme la secrétaire d’État. Vous avez raison d’insister sur la formation. J’ai d’ailleurs signé avec ma collègue Ségolène Neuville une charte avec un certain nombre d’écoles publiques et privées pour que la question de l’accessibilité soit intégrée dans les formations initiales, en particulier celles dispensées aux développeurs et codeurs. Vous rétablissez cette précision quant aux modalités de formation des enseignants dans le décret d’application, et c’est heureux. Je précise que sera créée une commission, qui réunira les administrations concernées et les associations, pour définir précisément les modalités de formation des enseignants.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL215 et CL216 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement rédactionnel CL78 de M. Lionel Tardy.
M. le rapporteur. Je propose à M. Tardy de retirer son amendement au profit de mon amendement CL217, qui vise le même objectif tout en étant plus simple.
L’amendement CL78 est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL217 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 44 modifié.
La Commission examine l’amendement CL678 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement déposé par Mme Linkenheld vise à étendre les dispositions de l’article 44 aux sites internet les plus consultés.
M. le rapporteur. Je propose d’en rester à la rédaction actuelle. Les sites publics montreront l’exemple et nous verrons bien, à la faveur de cette première étape, comment les choses évoluent.
L’amendement est retiré.
L’amendement CL679 de la commission des Affaires économiques est également retiré.
Section 3
Maintien de la connexion à internet
Article 45
(art. L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et art. 6 et 6-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement)
Maintien temporaire de la connexion à internet en cas d’impayés
Le présent article a pour objet de tirer les conséquences de l’importance prise par internet dans notre société notamment pour effectuer une démarche administrative, rechercher un emploi, accéder à une information ou pouvoir communiquer librement. À cette fin, il instaure la possibilité de maintenir temporairement l’accès à internet à une personne en difficulté en lui ouvrant le bénéfice des dispositions existantes en matière de maintien de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques en cas d’impayés.
L’accès à internet a fait l’objet, ces dernières années, d’une reconnaissance particulière en France et au plan international, en raison de l’importance qu’a prise dans notre vie quotidienne ce vecteur de communication et du rôle essentiel qu’il joue dans l’exercice des droits et libertés de chacun.
Dès 2009, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution du pouvoir confié à une autorité administrative indépendante, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), de suspendre l’accès à internet à l’encontre d’une personne n’ayant pas veillé à ce que cet accès ne soit pas utilisé pour diffuser ou recevoir des contenus violant les droits des auteurs. Il a, à cette occasion, reconnu « qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour participer à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions », la libre communication des pensées et des opinions « implique la liberté d’accéder à ces services » (375).
Sans en faire un droit fondamental, de caractère général et absolu, le Conseil constitutionnel a donc rattaché l’accès à internet à la liberté de communication et a reconnu une obligation négative incombant à l’État, celle de ne pas couper cet accès, seule l’autorité judiciaire étant habilitée, sous certaines conditions, à en ordonner la coupure.
En Europe, le troisième « paquet télécom », adopté par l’Union européenne en 2009, tend à considérer l’accès à internet comme un droit fondamental, les mesures prises concernant cet accès devant respecter les libertés et droits fondamentaux des personnes garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les principes généraux du droit communautaire (376). Certains pays européens ont consacré un véritable droit opposable à l’accès à internet, à l’instar de la Finlande qui impose même un accès à l’internet haut débit en exigeant une connexion minimale de 1 Mbit/s. Dans ce pays, l’accès suffisant à internet est devenu en 2009 un service universel au même titre que le téléphone ou la poste, le prix de l’abonnement devant également être raisonnable. En Estonie, la loi prévoit, depuis 2000, un accès gratuit à l’information publique via internet dans les bibliothèques publiques ; le service universel doit comprendre un service internet universellement accessible à tous les abonnés, quelle que soit leur localisation géographique, à un prix uniforme.
D’autres initiatives défendent la reconnaissance d’un véritable droit d’accès à internet. Notre assemblée elle-même s’est engagée sur cette voie :
– dans un rapport d’information de juin 2011, MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère préconisaient de prolonger le droit d’accès reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision « HADOPI » par des mesures positives, notamment la protection des personnes en difficulté risquant de perdre leur connexion à internet pour des raisons financières (377) ;
– dans une déclaration commune avec la Chambre des députés italienne, cosignée le 28 septembre 2015, les présidents respectifs des deux assemblées, M. Claude Bartolone et Mme Laura Boldrini, ont rappelé que « le droit d’accès à internet constitue aujourd’hui un droit fondamental qui facilite l’exercice d’autres droits fondamentaux, en particulier la liberté d’expression, le droit à informer et à être informé, la liberté d’entreprendre et d’innover, la liberté d’association » (378) ;
– dans sa recommandation n° 79, la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique instituée par notre Assemblée a appelé de ses vœux la reconnaissance, aux plans national et européen, du droit d’accès à internet et la protection effective de ce droit au travers d’« interventions publiques adéquates pour surmonter toute forme de fracture numérique – culturelle, infrastructurelle, économique – en ce qui concerne l’accessibilité » (379).
Au plan international, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Franck La Rue, estimait, en 2011, que « bien que l’accès à internet ne soit pas encore un droit de l’Homme en tant que tel, (…) les États ont pour obligation positive de promouvoir ou de faciliter l’exercice de la liberté d’expression et de fournir les moyens nécessaires à l’exercice de ce droit, notamment internet » (380).
En France, ainsi que le souligne le Conseil d’État dans son étude annuelle 2014 sur Le numérique et les droits fondamentaux, « [l]e débat se prolonge aujourd’hui sur l’existence d’obligations positives des pouvoirs publics à l’égard de catégories de personnes qui en sont dépourvues, en raison d’une privation de liberté, d’une incapacité physique ou d’un manque de moyens matériels » (381). À défaut de disposition instaurant spécifiquement un droit d’accès à internet, de nombreuses initiatives ont été prises afin d’améliorer l’égalité dans les conditions de cet accès et de lutter contre les fractures numériques.
Parmi celles-ci peut être citée la mise en place de tarifs sociaux pour l’accès à internet au bénéfice des ménages modestes. La Cour de justice de l’Union européenne a considéré, dans une décision du 11 juin 2015, que, si la directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 dite « service universel » (382) modifiée en 2009 (383) n’établissait pas une obligation de tarification sociale pour les communications et abonnements internet mobiles, en revanche, des tarifs abordables devaient être offerts à certaines catégories de consommateurs pour les abonnements de téléphonie et d’internet fixes (384), dont les coûts nets devraient être financés par des contributions financières imposées à tous les opérateurs.
En France, la fourniture de tarifs sociaux pour l’accès à internet fixe ne s’opère pas par le mécanisme de service universel mais sur la base d’une convention entre l’État et les opérateurs de communications électroniques ; en conséquence, elle n’est pas prise en charge par le fonds de service universel des communications électroniques chargé de financer les coûts supportés par ces opérateurs au titre de leurs obligations de service universel. En pratique, il s’agit d’un label « tarif social internet » délivré aux opérateurs dont le contrat respecte les conditions suivantes :
– inclure un accès illimité à internet et à la téléphonie fixe pour moins de 23 euros TTC ;
– être disponible pour les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) socle ;
– être sans engagement de durée, sans caution ni frais d’activation (hors frais éventuels dus à la construction d’une nouvelle ligne téléphonique) (385).
Seule l’offre d’Orange a été labellisée à ce jour (voir l’encadré ci-après) et ne comptait, selon le Gouvernement, que 500 abonnés en 2014.
L’offre sociale internet proposée par Orange
Seul Orange propose, à ce jour, une offre pour l’accès à internet labellisée « tarif social internet ». Cette offre comprend la ligne ADSL ou VDSL ainsi que les appels illimités vers les fixes de France métropolitaine et des départements d’outre-mer mais pas la télévision. Elle est facturée 23 euros par mois, location de la livebox incluse ou 20 euros par mois si l’abonné achète ou dispose déjà de la livebox. Pour bénéficier de ce forfait, il est nécessaire de présenter à Orange, lors de la souscription, l’original de l’attestation de paiement du RSA éditée par la Caisse d’allocations familiales ou la Mutualité sociale agricole datant de moins de deux mois.
D’autres opérateurs, qui ne disposent pas d’offres labellisées « tarif social internet », proposent des tarifs d’abonnement à internet équivalents ou plus intéressants que l’offre sociale, comme :
– Numericable-SFR et son abonnement « Internet seul », facturé entre 15,90 et 20,90 euros par mois ;
– Bouygues Telecom et son offre « Bbox » à 19,99 euros par mois.
Sources : sites internet d’Orange, Numericable-SFR et Bouygues Telecom.
Au cours de son audition par votre rapporteur, Numericable-SFR a indiqué avoir mis en place avec les bailleurs sociaux de logements d’habitation à loyer modéré (HLM) un dispositif contractuel permettant la fourniture aux occupants de ces logements d’une offre sociale groupée (accès à l’internet haut débit de 5 Mbit/s, service de téléphonie par internet incluant seulement les appels entrants et service de télévision par internet n’incluant que les chaînes de la TNT), pour quatre euros par mois.
Par ailleurs, l’association Emmaüs Connect a développé ces dernières années un programme « Connexions solidaires » en partenariat avec le même opérateur afin de permettre aux personnes éloignées du numérique « d’acquérir un "bagage numérique minimum" leur permettant d’accéder de manière régulière et durable aux outils numériques tout en développant des compétences essentielles à leurs parcours d’insertion » (386). Afin de garantir un accès juste et durable aux communications électroniques, ce programme tend à faciliter l’équipement des ménages en terminaux et à faire bénéficier les clients de conseils pour réduire leur facture. Emmaüs Connect a également mis en place un système de médiation amiable avec les opérateurs Orange, Numericable-SFR et Bouygues Telecom afin de résoudre les impayés ou litiges avec les opérateurs susceptibles d’entraîner la coupure de l’accès à internet des personnes fragiles.
Le présent article constitue une nouvelle étape dans la protection des ménages modestes contre d’éventuelles coupures d’internet en raison d’impayés en instaurant à leur bénéfice une aide au maintien de leur connexion.
a. Le maintien temporaire de la connexion le temps de solliciter une aide de la collectivité en cas d’impayés
L’accès à internet est inscrit au nombre des services susceptibles d’être maintenus temporairement le temps de solliciter une aide de la collectivité par l’intermédiaire du Fonds de solidarité pour le logement (FSL).
Le I modifie l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles qui prévoit la possibilité pour « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, [d’avoir] droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement » dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
Le 1° ajoute à la liste des services mentionnés au premier alinéa de cet article la fourniture d’un accès à internet.
En conséquence, le 2° adapte la rédaction du deuxième alinéa de cet article relatif aux conditions dans lesquelles est provisoirement maintenu l’accès à ces services le temps qu’il soit statué sur la demande d’aide formulée par la personne concernée. Comme c’est le cas aujourd’hui pour l’énergie, l’eau et le téléphone, les personnes rencontrant des difficultés financières pour s’acquitter de leurs factures d’internet pourront faire une demande d’aide auprès du FSL, demande qui aura pour conséquence de maintenir temporairement leur connexion à internet « jusqu’à ce qu’il [aura] été statué sur la demande d’aide ». En revanche, à défaut de demande faite au FSL en cas d’impayé, l’opérateur sera en droit de résilier l’abonnement et de couper l’accès à internet.
À l’instar de ce qui existe pour le téléphone, où seul un service téléphonique restreint est maintenu pour recevoir des appels et passer des communications locales vers des numéros gratuits ou d’urgence, le maintien de la connexion à internet pourra être limité aux fonctionnalités essentielles proposées dans l’abonnement souscrit par le client concerné. Aussi le 2° prévoit-il que « [l]e débit du service d’accès à internet maintenu peut être restreint par l’opérateur sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique ».
L’accès fonctionnel à internet est défini à l’article R. 20-30-1 du code des postes et des communications électroniques comme la possibilité « d’émettre et de recevoir des communications téléphoniques, des communications par télécopie et des communications de données à un débit suffisant pour permettre un accès à internet ; le débit suffisant correspond à celui normalement offert par une ligne téléphonique ». Concrètement, les débits pourront être bridés afin d’empêcher l’accès à des services exigeants en bande passante, de type vidéos en ligne, tout en permettant les usages de base, comme l’accès aux sites publics. Dans le cas d’une offre groupée, les opérateurs se fonderont, pour brider ou non les services de téléphonie et d’internet, sur la technologie utilisée (fibre, cuivre) ainsi que sur les coûts que la mise en œuvre du bridage leur occasionnerait. La présente disposition ne décrit donc que les conditions minimales à respecter en cas de bridage mais ne l’impose pas. Du reste, aujourd’hui, le service est souvent maintenu en l’état, sauf en cas d’impayés importants.
b. L’extension des aides accordées par le Fonds de solidarité pour le logement au titre des dettes de factures internet
Le II élargit les compétences d’intervention du FSL institué, dans chaque département, par l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée. En l’état actuel du droit, le fonds peut verser diverses aides soit directement aux bénéficiaires, soit par l’intermédiaire de fonds locaux de solidarité pour le logement ou d’associations dont l’un des objets est l’insertion ou le logement de personnes défavorisées (voir l’encadré ci-après).
Le 1° complète le troisième alinéa de cet article afin d’étendre le champ des aides susceptibles d’être accordées par le FSL non seulement « au titre des dettes de loyer et de factures d’énergie, d’eau et de téléphone » comme c’est le cas aujourd’hui mais aussi au titre des dettes de factures d’accès à internet.
Les aides susceptibles d’être accordées par
le Fonds de solidarité pour le logement (FSL)
En premier lieu, le FSL peut accorder des aides financières (cautionnements, prêts ou avances remboursables, garanties ou subventions) :
– aux locataires d’un logement, aux personnes entrant dans un logement locatif, aux sous-locataires et aux résidents des foyers-logements « éprouvant des difficultés particulières » lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’assumer le paiement des loyers, des charges, et des frais d’assurance locative, des charges liées à la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques ainsi que des dettes liées aux impayés de loyers et de facture d’eau, d’énergie et de téléphone, lorsque leur apurement conditionne l’accès à un nouveau logement (deuxième et troisième alinéas de l’article 6 précité de la loi du 31 mars 1990) ;
– aux propriétaires-occupants « éprouvant des difficultés particulières » lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’assumer le paiement de leurs charges collectives si leur logement fait l’objet d’un plan de sauvegarde, le remboursement d’emprunts contractés pour l’acquisition de leur logement, le paiement de leurs charges collectives ou le remboursement d’emprunts contractés pour l’acquisition de leur logement si celui-ci est situé dans le périmètre d’une opération d’amélioration de l’habitat (quatrième à sixième alinéas du même article 6).
En deuxième lieu, le fonds peut prendre des mesures d’accompagnement social individuelles ou collectives lorsqu’elles sont nécessaires à l’installation ou au maintien dans un logement des personnes et des familles bénéficiant du plan local, qu’elles soient locataires, sous-locataires, propriétaires de leur logement ou à la recherche d’un logement. Il peut également accorder des garanties financières aux associations qui mettent un logement à la disposition des personnes « éprouvant des difficultés particulières » ou qui leur accordent une garantie (septième alinéa du même article 6).
En dernier lieu, il peut aider à financer les suppléments de dépense de gestion des associations, des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, des autres organismes à but non lucratif et des unions d’économie sociale qui louent ou sous-louent des logements à des personnes « éprouvant des difficultés particulières » ou qui en assurent la gestion immobilière pour le compte de propriétaires (dernier alinéa du même article 6).
S’appliqueront de plein droit les dispositions de l’actuel article 6-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, qui encadre les critères susceptibles d’être pris en compte pour l’octroi de ces aides – seulement « le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et l’importance et la nature des difficultés qu’elles rencontrent » – et ne soumet ces aides à aucune condition préalable (387).
Aujourd’hui et à titre d’exemple, le FSL de l’Essonne accorde jusqu’à 350 euros d’aide par an et par ménage pour l’énergie et 150 euros pour le paiement des factures téléphoniques et les impayés d’eau (388). En Gironde, l’aide au paiement des impayés téléphoniques prend la forme d’abandons de créances variant entre 70 et 121 euros par an et par ménage. Concernant les impayés d’eau, le montant maximum de l’aide pour une personne est de 150 euros, renouvelable une fois dans l’année. En matière d’énergie, le plafond de l’aide est de 250 euros pour un ménage d’une personne, renouvelable une fois dans l’année (389).
Le 2° prévoit l’application du dernier alinéa de cet article, relatif aux modalités d’urgence prévues pour l’octroi et le paiement des aides « dès lors qu’elles conditionnent la signature d’un bail, qu’elles évitent des coupures d’eau, d’énergie ou de services téléphoniques ou qu’elles concernent des personnes et familles assignées aux fins de résiliation de bail », à l’hypothèse dans laquelle la délivrance de ces aides permettrait d’éviter des coupures d’accès à internet.
En l’absence de dispositions spécifiques dans le présent article, le financement de ces nouvelles aides s’effectuera dans les conditions actuellement fixées par l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, qui prévoit que les FSL sont obligatoirement financés par convention passée entre les départements et les représentants de chaque fournisseur d’énergie ou d’eau livrant des consommateurs domestiques. Les autres collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les associations de lutte contre l’exclusion, les caisses d’allocations familiales, les caisses de mutualité sociale agricole, les opérateurs de services téléphoniques ou encore les bailleurs publics ou privés peuvent également participer à leur financement.
Le présent article ne prévoit pas, en particulier, le concours obligatoire des opérateurs de communications électroniques pour le financement des FSL. Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, les conseils départementaux devront soit négocier avec les opérateurs leur participation volontaire au financement de ces aides (contribution au FSL ou abandon de créances), soit solliciter d’autres contributeurs publics pour qu’ils apportent une participation supplémentaire au FSL, soit abonder les fonds du département.
Au cours de son audition par la commission des Lois le 16 décembre 2015, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a indiqué que le Gouvernement était conscient de la nécessité d’accompagner les collectivités locales, notamment les départements, dans cette démarche, en bonne coopération avec les opérateurs de communications électroniques. Elle a précisé que, conjointement avec Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, elle allait identifier des départements pionniers afin d’imaginer des schémas de financement dans lesquels l’État accompagnera l’introduction de ce droit au maintien de la connexion à internet.
Tous les opérateurs français de communications entendus par votre rapporteur à l’exception d’Orange, opérateur historique qui ne s’acquitte pas des frais de dégroupage du cuivre (390), se sont inquiétés des coûts induits par le maintien temporaire de la connexion à internet et de son impact sur leur activité économique. En effet, alors qu’en l’état actuel du droit, ces opérateurs peuvent couper rapidement l’abonnement internet d’un abonné qui ne paie pas ses factures, ils devront, si cette disposition est adoptée, attendre que le FSL ait statué sur l’éventuelle demande d’aide de l’abonné. Dans l’hypothèse où ils auraient déjà coupé le service d’accès à internet avant que l’abonné ait formulé une demande d’aide auprès du FSL, ils devraient en conséquence procéder à la réouverture de la ligne et supporter les frais de dégroupage afférents à la fermeture puis à la réactivation de cette ligne.
Sur le plan économique, il apparaît toutefois que si la mise en œuvre de la demande d’aide au FSL et le temps imparti à ce dernier pour statuer étaient encadrés dans le temps par le pouvoir réglementaire, le présent article aurait un impact financier relativement limité sur l’activité des opérateurs. Du reste, aujourd’hui, ces opérateurs ne coupent pas l’accès à internet de leurs abonnés dès le premier impayé mais attendent généralement entre 90 et 120 jours pour le faire, ou deux factures impayées consécutivement, soit deux mois, dans le cas d’Iliad. De surcroît, selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la commission d’examen des demandes formulées auprès du FSL dispose d’un délai de deux mois pour rendre son avis.
Sur le plan juridique, ainsi que l’a indiqué le Conseil d’État dans son avis, « le maintien de l’accès à l’internet qui se rattache au principe constitutionnel de la liberté de communication [constitue] un motif d’intérêt général permettant de porter atteinte à des principes constitutionnels tels que la liberté d’entreprendre et au droit de propriété ». Au surplus, « le maintien de la connexion par le fournisseur d’accès à l’internet durant deux mois [n’entraîne] pas (…) le transfert du coût correspondant à ce fournisseur et ne [peut] donc méconnaître le principe d’égalité devant les charges publiques » (391). C’est d’ailleurs ce qu’a jugé en 2015 le Conseil constitutionnel en matière de maintien de la distribution d’eau (392). Par conséquent, le maintien temporaire de la connexion ne contraindra pas les opérateurs à reporter sur l’ensemble des usagers le surcoût résultant du non-paiement des factures par certains abonnés. Rien ne fera donc obstacle à ce que les opérateurs recouvrent les créances qu’ils détiennent à l’encontre de l’abonné débiteur, le cas échéant aidé par le FSL.
Votre rapporteur considère que la mesure proposée par le présent article constitue une nécessité compte tenu du rôle joué par internet dans la vie de nos concitoyens. Même si les opérateurs ont déjà mis en place des offres sociales améliorant l’accès de toute la population à cette technologie devenue un besoin fondamental, il lui paraît nécessaire d’aller plus loin en consacrant un droit au maintien temporaire de la connexion pour les ménages les plus modestes.
Au cours de son audition, le mouvement Agir tous pour la dignité Quart-Monde (ATD Quart-Monde) a souligné combien internet était devenu, ces dernières années, un service essentiel. Elle a notamment fait remarquer que les restrictions posées à son accès en cas d’impayés pouvaient considérablement fragiliser des personnes et des familles déjà en voie d’exclusion, en particulier dans la recherche d’un emploi, dans les relations médicales (prise de rendez-vous, consultation d’analyses…) ou pour le suivi de la scolarité des enfants (consultation des notes, choix d’orientation…).
3. Les modifications opérées par votre commission des Lois
À l’initiative de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a précisé au 3° du I du présent article que, comme pour les autres services de base (électricité, chauffage, gaz, eau), le fournisseur d’accès au téléphone et à internet devra aviser par courrier le consommateur qui n’a pas procédé au paiement de sa facture du délai et des conditions dans lesquels la fourniture de ce service pourra être réduite ou suspendue ou faire l’objet d’une résiliation du contrat.
*
* *
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL680 rectifié et l’amendement de coordination CL681 de la commission des Affaires économiques.
Elle en vient à l’amendement CL682 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement prévoit les modalités d’information des opérateurs par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL).
M. le rapporteur. Nous alourdissons déjà considérablement la charge du FSL avec cette nouvelle prise en charge. Par ailleurs, ce n’est pas une modalité prévue pour la fourniture d’eau, d’électricité ou de gaz, et elle impliquerait probablement la transmission de données à caractère personnel. Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme la secrétaire d’État. Même avis. Nous touchons ici à l’échange d’informations sur la situation financière des abonnés, un sujet potentiellement sensible qui demande à être expertisé juridiquement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement de précision CL272 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 45 modifié.
La Commission examine l’amendement CL684 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement, adopté à l’initiative de M. Coronado, vise à compléter le texte par la mention d’un « terminal nécessaire », afin qu’une saisie ne prive la personne de tout accès à l’internet.
M. le rapporteur. Cela concerne deux types d’appareils. Pour la box, la précision est inutile puisque l’appareil ne peut être saisi. Ne peuvent en effet être saisis que les biens appartenant au débiteur, or la box est presque toujours louée ; un seul opérateur continue d’en proposer l’achat. L’ordinateur peut, quant à lui, être saisi, mais la Cour de cassation a jugé que l’ordinateur utilisé pour la recherche d’un emploi devait être considéré comme insaisissable ; dans d’autres décisions de premier degré, l’ordinateur relève des « objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle ». Notre arsenal juridique paraît donc suffisant.
Mme la secrétaire d’État. Avis également défavorable. Cet amendement pose potentiellement un problème de constitutionnalité dans la mesure où le terminal d’accès à internet n’est pas toujours la propriété de l’abonné mais un accessoire du contrat d’abonnement. En outre, l’article 45 prévoit, en cas de demande d’aide prévue par le code de l’action sociale et des familles dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement, qu’un service téléphonique et le service d’accès à internet soient maintenus jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’aide. L’article satisfait donc déjà l’objectif de garantie de la continuité de l’accès à l’internet.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CL683 de la commission des Affaires économiques.
Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement adopté à l’initiative de Mme de La Raudière, portant sur le surinvestissement, vise à permettre des investissements et des déploiements plus rapides.
M. le rapporteur. Favorable.
Mme la secrétaire d’État. Cet amendement permettrait à des entreprises qui n’investissent pas à l’heure actuelle dans la construction en pleine propriété d’infrastructures mais co-investissent dans les réseaux dits FTTH – Fiber to the Home, c’est-à-dire « fibre optique jusqu’au domicile » – d’être éligibles à la déduction exceptionnelle créée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, récemment élargie par la loi de finances pour 2016. En investissant dans la propriété des réseaux, les co-investisseurs ne prennent pas des risques équivalents à ceux que prennent les maîtres d’œuvre. L’existence de ce dispositif est en outre connue de l’ensemble des acteurs, et les co-financeurs devraient pouvoir négocier un droit d’usage plus intéressant auprès des investisseurs propriétaires des équipements en répercussion de l’avantage fiscal procuré par le suramortissement. C’est pourquoi le dispositif tel qu’il a été conçu bénéficie aux seuls opérateurs investissant en pleine propriété dans les réseaux de fibre optique. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER
Article 46
Mentions expresses d’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises
Conformément au principe dit de « spécialité législative », le présent article comporte les mentions expresses d’application des dispositions du présent texte à quatre territoires ultra-marins : la Nouvelle-Calédonie (I), la Polynésie française (II), les îles Wallis et Futuna (III) et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) (IV). En vertu de ce principe, les lois et règlements ne sont applicables, en effet, dans ces territoires, que sur mention expresse.
La Polynésie française et les îles Wallis et Futuna sont soumises à ce principe en vertu du troisième alinéa de l’article 74 de la Constitution et, respectivement, de l’article 7 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française et de l’article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.
Même si l’article 77 de la Constitution ne comporte pas de dispositions similaires pour la Nouvelle-Calédonie, ce territoire est soumis à ce principe en application de l’article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Enfin, le même principe s’applique aux TAAF – quoique de manière plus relative en raison d’un plus grand nombre d’exceptions – en vertu du dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution et de l’article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.
Le titre Ier relatif à la circulation des données et du savoir (articles 1er à 18) sera pour l’essentiel applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les TAAF. Par exception, ne seront pas applicables :
– à l’ensemble de ces collectivités le II de l’article 10, lequel modifie des dispositions du code général des collectivités territoriales qui ne sont pas applicables à ces collectivités ;
– aux seules Nouvelle-Calédonie et Polynésie française l’article 12, relatif aux enquêtes statistiques pour lesquelles ces deux collectivités sont compétentes.
S’agissant du chapitre Ier du titre II relatif à l’environnement ouvert (articles 19 à 25), les dispositions relatives à la portabilité et à la récupération des données (article 21), à la loyauté des plateformes (articles 22 et 23) et à l’information des consommateurs (article 24) seront uniquement applicables dans les îles Wallis et Futuna, seule collectivité où les dispositions du code de la consommation s’appliquent. Toutefois, l’article 25 ne leur sera pas applicable dans la mesure où il modifie l’article L. 121-83 du code de la consommation qui n’est lui-même pas applicable dans cette collectivité en vertu de l’article L. 123-1 de ce code.
En matière de protection de la vie privée en ligne, thème du chapitre II du même titre (articles 26 à 34), les dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel (articles 26 à 33) seront applicables dans l’ensemble des collectivités. En revanche, celles relatives à la confidentialité des correspondances privées (article 34) ne seront rendues applicables que dans les îles Wallis et Futuna dans la mesure où ces dispositions relèvent de la compétence des collectivités en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Dans le titre III, le chapitre Ier, consacré au numérique et aux territoires (articles 35 à 39 relatifs à la compétence, à l’organisation et à la couverture numérique), et le chapitre II, relatif à la « facilitation des usages » (article 40 relatif au recommandé électronique, article 42 relatif aux jeux vidéo), ne s’appliqueront à aucune de ces quatre collectivités, à l’exception des dispositions relatives au paiement par SMS (article 41) qui seront applicables à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna.
Enfin, dans ce même titre, le chapitre III consacré à l’accès des publics fragiles au numérique (articles 43 à 45) ne sera pas applicable à ces quatre collectivités soit parce que les dispositions concernées n’y sont pas applicables, soit parce que ces collectivités sont compétentes en la matière. Par exception, s’appliqueront :
– à l’ensemble de ces territoires les dispositions de l’article 43 (I et IV) relatives à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et portant sur l’accessibilité des personnes handicapées aux services téléphoniques ;
– aux seules TAAF le I de l’article 44 qui précise les conditions d’accessibilité aux personnes handicapées des sites internet publics ainsi que les modalités de contrôle du respect de celles-ci.
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* *
La Commission adopte successivement les amendements de coordination CL273 et CL275 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 46 modifié.
Article 47
(art. L. 116-2 [nouveau] et L. 123-1 du code de la consommation, art. L. 545-1, L. 546-1
et L. 547-1 du code de la recherche, art. L. 552-8, L. 552-15, L. 553-2, L. 562-8, L. 562-16,
L. 563-2, L. 574-1 et L. 574-5 du code des relations entre le public et l’administration
et art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques)
Application des dispositions des codes modifiés par le présent projet de loi
à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna
Par cohérence avec les I à III de l’article 46, le présent article actualise certaines dispositions des codes modifiés par le projet de loi afin de rendre applicables à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna les dispositions nouvellement introduites ou modifiées par ce dernier :
– le I modifie l’article L. 123-1 du code de la consommation (1°) et insère un nouvel article L. 116-2 au sein de ce code (2°) afin de rendre applicables aux îles Wallis et Futuna les articles 21 à 24 relatifs à la portabilité et à la récupération des données ainsi qu’à la loyauté des plateformes ;
– le II modifie les articles L. 546-1, L. 547-1 et L. 545-1 du code de la recherche afin de rendre applicables respectivement à la Polynésie française (1°), à la Nouvelle-Calédonie (2°) et aux îles Wallis et Futuna (3°) les dispositions de l’article 17 du projet de loi relatives à l’accès aux travaux de recherche financée par des fonds publics ;
– le III actualise la rédaction des articles L. 552-8, L. 552-15, L. 553-2, L. 562-8, L. 562-16, L. 563-2, L. 574-1 et L. 574-5 du code des relations entre le public et l’administration afin d’appliquer à la Polynésie française (1° à 6°), à la Nouvelle-Calédonie (7° à 12°) et aux îles Wallis et Futuna (13° à 17°) les dispositions des articles 2 à 5 et 8 relatifs à l’ouverture de l’accès aux données publiques ;
– le IV complète l’article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques afin de rendre applicable aux îles Wallis et Futuna l’article 34 du projet de loi qui renforce le respect du principe du secret des correspondances.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL274 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 47 modifié.
Article 48
(art. 59 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal,
art. 41-1 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et art. 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)
Application des dispositions des lois modifiées par le présent projet de loi
à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna
Par cohérence avec les I à III de l’article 46, le présent article actualise certaines dispositions des lois modifiées par le projet de loi afin de rendre applicables à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna les dispositions nouvellement introduites ou modifiées par ce dernier :
– le I prévoit les adaptations nécessaires pour l’application à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française des modifications apportées par l’article 7 à la loi « CADA » afin de rationaliser le régime de réutilisation des informations publiques, la loi « CADA » étant déjà applicable à ces deux collectivités ainsi qu’à Wallis et Futuna ;
– le II rend applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna le nouvel article 40-2 inséré dans la loi de 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et portant ouverture de données par défaut dans les contrats de délégation de service public (I et III de l’article 10 du projet de loi) ;
– le III précise les adaptations nécessaires à l’application à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna des dispositions de l’article 11 du projet de loi relatives à l’ouverture des données des conventions de subventions.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL276 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 48 modifié.
La Commission examine l’amendement CL79 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Ce projet de loi ne concernant pas seulement les institutions et services de l’État, et la République étant par ailleurs déjà, de par la Constitution, « indivisible, laïque, démocratique et sociale », ne cédons pas à la mode des titres de pur affichage et restons-en au contenu du projet. Comme le Conseil d’État, je souhaite que nous nous en tenions au titre « Projet de loi relatif aux droits des citoyens dans la société numérique ».
M. le rapporteur. Avis défavorable. J’ai été nommé ces derniers mois rapporteur de plusieurs textes dont le contenu était assez éloigné de la réalité. J’ai ainsi rapporté un texte sur la gratuité des données publiques qui maintenait la redevance, et un autre sur la dématérialisation du Journal Officiel dans lequel les sénateurs ont maintenu la version papier. Or le présent projet, à la fois dans la version transmise par le Gouvernement et dans celle que nous adoptons ce soir, traduit parfaitement l’idée de République numérique : on y trouve une ambition pour l’ensemble de ces domaines, de nouveaux droits pour les citoyens, des droits accrus pour les usagers.
Comme ce sera ma dernière prise de parole, j’en profite pour remercier le président, l’ensemble des services de la commission des Lois, nos collègues assidus pour le débat de grande qualité qu’ils ont animé, ainsi que les quelques journalistes et personnes diverses qui continuent de nous regarder en streaming sur le site de l’Assemblée et commentent nos travaux sur les réseaux sociaux.
Mme la secrétaire d’État. Je remercie également l’ensemble de celles et ceux qui ont participé à la bonne conduite de ces travaux. Nos débats ont été menés dans un esprit tout à fait républicain, et je trouve piquante l’idée qu’un texte de loi concernant l’intérêt général et voté par des députés représentant le peuple souverain ne pourrait porter un titre évoquant la République, alors même qu’un parti politique peut s’approprier cette terminologie !
La République, c’est la liberté, l’égalité, la fraternité. Ces trois éléments se retrouvent dans les trois titres du projet : la liberté avec la circulation des données et la liberté d’innover ; l’égalité avec de nouveaux droits offerts à tous ; la fraternité, qui comporte des obligations de solidarité, que traduisent, par exemple, les dispositions sur le maintien provisoire de la connexion à l’internet.
Nous sommes sur la voie d’une actualisation du logiciel républicain à l’heure du numérique. L’ambition portée par le Gouvernement est élevée, mais le caractère transversal et global de cette ambition me conforte dans l’idée que nous ne devons pas réviser nos objectifs à la baisse. C’est bien de République qu’il s’agit.
La Commission rejette l’amendement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Avant de procéder au vote sur l’ensemble du texte, je vous informe que nos travaux ont duré dix-sept heures quinze et que nous avons examiné 609 amendements. Le texte de la commission est déjà en ligne, en format PDF, jusqu’à l’article 33 inclus, et le sera ce soir intégralement. Le texte pastillé et amendable sera en ligne demain matin. Enfin, le délai de dépôt des amendements pour la séance publique, qui avait déjà été reporté de vendredi 17 heures à samedi 13 heures, est repoussé jusqu’à samedi 17 heures.
Je remercie à mon tour tous ceux qui ont participé à ce travail : notre rapporteur, les rapporteurs pour avis des autres commissions, nos collègues, les services de la commission et de l’Assemblée, ainsi que Mme la secrétaire d’État et ses équipes.
La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
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* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi (n° 3318) pour une République numérique, après engagement de la procédure accélérée, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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PRÉSENTATION DES OBSERVATIONS SUR LES DOCUMENTS RENDANT COMPTE DE L’ÉTUDE D’IMPACT
(article 86, alinéa 9, du Règlement)
En application de l’article 86, alinéa 9, du Règlement de l’Assemblée nationale, les rapports faits sur un projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée « comportent en annexe un document présentant les observations qui ont été recueillies sur les documents qui rendent compte de l’étude d’impact joints au projet de loi ».
Quatre contributions ont été reçues mais seules deux portent au moins en partie sur l’étude d’impact jointe au projet de loi, répondant en cela aux prescriptions de l’article 86, alinéa 9, précité.
La première contribution déplore l’absence d’éléments relatifs à la consultation des personnes visées par l’article 12 du projet de loi, relatif à l’accès de la statistique publique aux bases de données privées. Elle regrette, par ailleurs, l’imprécision de la notion d’« informations présentes dans les bases de données » détenues par les personnes morales de droit privé sollicitées pour des enquêtes, ainsi que l’absence d’articulation de cet article avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle.
La seconde s’étonne de l’absence d’évaluation des coûts de mise en conformité des sites internet publics aux nouvelles obligations instaurées par l’article 44 du projet de loi.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR
MINISTÈRES, ADMINISTRATIONS ET ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
• Cabinet de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique
— M. Alexandre Tisserand, directeur adjoint de cabinet
— M. Christophe Ravier, adjoint à la cheffe du service de l’économie numérique à la direction générale des entreprises
— Mme Claire Ponty, conseillère parlementaire
• Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC)
— M. Henri Verdier, directeur interministériel
— M. Perica Sucevic, conseiller juridique
— Mme Laure Lucchesi, cheffe de la mission Etalab
• Délégation interministérielle à l’intelligence économique (DIIE)
— M. Jean-Baptiste Carpentier, délégué interministériel
• Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)
— M. Francesco Gaeta, secrétaire général adjoint
— M. Philippe Lucas, chef du secteur ITEC (Industrie, Télécoms, Numérique, Environnement, climat, Compétitivité)
— M. Siegfried Martin-Diaz, adjoint au secteur ITEC en charge des Télécoms et de la société de l’information
— M. Guillaume Fuchs, adjoint au chef du secteur relations avec le Parlement national
— Mme Émilie Brunet, adjointe au secteur Espace judiciaire européen, chargée de la protection des données personnelles
— M. Joris Dumazer, adjoint au conseiller juridique
• Ministère de l’Intérieur
-- M. Jean-Julien Xavier-Rolai, conseiller juridique
–– Mme Cécile Dimier, chef du bureau des établissements de jeux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques - DLPAJ
• Ministère de l’économie - Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
— Mme Nathalie Homobono, directrice générale
— M. Vincent Designolle, directeur de cabinet
• Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE)
— M. Jean-Luc Tavernier, directeur général
— M. Thierry Aouizerate, adjoint au chef du département Insee info service, direction de la diffusion et de l’action régionale
— Mme Valérie Albouy, directrice de cabinet
• Institut national de l’information géographique et forestière (IGN)
— M. Daniel Bursaux, directeur général
— M. Claude Pénicand, directeur de la stratégie, de l’international et de la valorisation
• Établissement public de La Réunion des musées nationaux et du Grand Palais (RMN-GP)
— Mme Valérie Vesque-Jeancard, directrice générale déléguée
— M. Renaud de Marolles, sous-directeur, en charge des affaires juridiques
— Mme Dominique Gillot, sénatrice du Val d’Oise, présidente
• Météo France
— M. François Bolard, secrétaire général
AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
• Autorité de la concurrence
— M. Bruno Lasserre, président
— M. David Viros, chef de cabinet
• Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)
— M. Sébastien Soriano, président
— M. Benoît Loutrel, directeur général
— M. Roman Delassus, conseiller du président
• Autorité de régulation des jeux en ligne – ARJEL
— M. Charles Coppolani, président
— Mme Marie-Ange Santarelli, conseillère auprès du président
— M. Philippe Brandt, directeur général délégué aux contrôles et aux systèmes d’information
— M. Frédéric Guerchoun, directeur juridique
— M. Clément Martin-Saint-Léon, directeur des marchés, de la consommation et de la prospective
— M. Corentin Segalen, conseiller auprès du directeur juridique
• Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
— M. Édouard Fernandez-Bollo, secrétaire général
— Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur
• Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)
— M. Marc Dandelot, président
• Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) (393)
— Mme Isabelle Falque-Pierrotin, présidente
— Mme Tiphaine Inglebert, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires
• Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
— M. Olivier Schrameck, président
— M. Nicolas Curien, conseiller
— Mme Nathalie Sonnac, conseillère
— Mme Anissa Zeghlache, directrice adjointe de cabinet
PERSONNALITÉS QUALIFIÉES
• M. Mohammed Adnène Trojette, conseiller référendaire de la Cour des comptes, sur le principe de gratuité d’usage des données publiques
• M. Antoine Fouilleron, auditeur à la Cour des comptes, sur la gouvernance des données dans l’administration publique
• Mme Corinne Bouchoux, sénatrice et rapporteure de la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques
• M. Bernard Stiegler, philosophe, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation
ORGANISMES CONSULTATIFS
• Conseil national du numérique (CNNum)
— M. Benoît Thieulin, président
— M. Yann Bonnet, secrétaire général
— M. François Levin, rapporteur
— Mme Camille Hartmann, rapporteure
— M. Charly Berthet, rapporteur
• Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative (COEPIA)
–– M. Bernard Pêcheur, président
–– M. Eric Gristi, secrétaire adjoint
— M. Olivier Garnier, secrétaire
• Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH)
— Mme Dominique Gillot, sénatrice du Val d’Oise, présidente
• Conseil national du handicap
— M. Paul Joly, président
• Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)
— M. Pascal Beauvais, membre, professeur à l’université de Paris Ouest-Nanterre
— M. Hervé Henrion-Stoffel, conseiller juridique, magistrat
• Conseil supérieur du notariat
— Me Didier Froger, directeur général adjoint
— Me Didier Coiffard, notaire, premier vice-président, en charge des affaires internationales, du développement et des affaires juridiques
— Mme Christine Mandelli, administrateur, chargée des relations avec les institutions
ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES
• Fédération française des télécoms
— M. Yves Le Mouel, directeur général
— M. Anthony Colombani (Bouygues Telecom)
— M. Pascal Pouillet (groupe Numericable-SFR)
— M. Laurentino Lavezzi (Orange)
• Syndicat national du Jeu Vidéo
-- M. Guillaume de Fondaumière, président
-- M. Julien Villedieu, délégué général
• Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL)
-- M. Jean-Claude Ghinozzi, président
-- M. Alban de Louvencourt, conseil
-- M. Emmanuel Martin, délégué général
• Syndicat national de l’Édition (SNE)
-- Mme Christine de Mazières, déléguée générale
–– M. François Gèze, président-directeur général de éditions La Découverte
• Groupe français de l’industrie de l’information (GFII)
— M. Charles Huot, président
— M. Alain Couillault, délégué général
— M. Jean-Frank Cavanagh, vice-président, chargé des relations institutionnelles
• Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)
— Mme Marie-Laure Franck, responsable des affaires juridiques et sociales
• Société civile des auteurs multimédia (SCAM)
— M. Nicolas Mazars, responsable juridique de l’audiovisuel et de l’action professionnelle
• Syntec numérique
— M. Laurent Baudart, délégué général
— M. Rémi Ferrand, délégué aux affaires publiques
— Mme Charlotte Baylac de La Codre, chargée de mission affaires publiques
• Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD)
— M. François Momboisse, président
— M. Marc Lolivier, délégué général
— Mme Marine Pouyat, chargée des affaires juridiques et environnementales
• CINOV-IT
–– M. Alain Prallong, président
— Mme Marie Prat, présidente d’honneur
— Mme Armony Altinier, administratrice
OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES
• Bouygues Telecom
— M. Didier Casas, secrétaire général
— M. Anthony Colombani, chargé de mission
• Groupe Numéricable -SFR
— M. Jérôme Yomtov, secrétaire général
— M. Pascal Pouillet, directeur des Affaires publiques, de la santé et de l’environnement
— M. Thomas Puijalon, responsable des Affaires publiques au sein de la direction des Affaires publiques, de la santé et de l’environnement
• Iliad-Free
— M. Maxime Lombardini, directeur général
— Mme Ombeline Bartin responsable des relations institutionnelles
• Orange
— M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques
–– Mme Florence Chinaud, directrice des relations institutionnelles
— M. Pierre Petillault, directeur de la coordination
PLATEFORMES EN LIGNE
• Blablacar
— Mme Fabienne Weibel, directrice des affaires publiques
— M. Frédéric Altenbourger, directeur juridique
— M. Alban de Louvencourt, conseil, directeur associé chez Lysios Public Affairs
• Collectif SavoirsCom1
— M. Silvère Mercier, co-fondateur
— M. Lionel Maurel, animateur
— Mme Rayna Stamboliyska, membre, consultante sur les questions d’open access et d’open data
— M. Thibault Guiroy en charge des relations avec les autorités de police
— Mme Alexandra Laferrière, directrice des relations institutionnelles
• Heetch
— M. Teddy Pellerin, co-fondateur
• Parlement et citoyens
— M. Cyril Lage, co-fondateur de Démocratie ouverte
• Tripadvisor
— Mme Véronique Corduant, director Public Policy EU
— Mme Audrey Herblin-Stoop, chargée des affaires publiques
• Wikimédia France
–– Mme Nathalie Martin, directrice exécutive
–– Mme Myriam Bérard, chargée de projet relations publiques & propriété intellectuelle
AUTRES ENTREPRISES
• Arcturus Group (394)
— Mme Morgane Martin, chargée des relations institutionnelles
• Allianz
— Mme Virginie Fauvel, directrice Digital and Market Management
— Mme Somalina Pa, rapporteure générale au Conseil national du numérique (CNNum)
• Électricité Réseau Distribution France
— M. Philippe Monloubou, président
— M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques
— M. Christian Buchel, directeur général adjoint, en charge du numérique, de l’Europe et du développement international
• Groupe TF1
— Mme Nathalie Lasnon, adjointe du secrétaire général
— M. Antony Level, directeur juridique numérique
• Les petites affiches
— M. Bruno Verge, président
— M. Pierre-Yves Romain, secrétaire général
–– M. Raphaël Zarader, consultant de la société Rivington
• Mobivia Groupe
— Mme Bénédicte Barbry, chargée des relations extérieures
• Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM)
— M. Jean-Noël Tronc, directeur général
— M. David El Sayegh, secrétaire général
— M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles
ASSOCIATIONS
• Association de l’économie numérique (ACSEL)
— M. Grégoire Ducret, délégué général
— M. Éric Barbry, directeur de la commission juridique
— M. Nicolas Herbreteau, administrateur
• UFC – Que choisir
— Mme Karine de Crescenzo, responsable des relations institutionnelles
— M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles
• Consommation, logement et cadre de vie (CLCV)
— M. Olivier Gayraud, juriste consommation
• Regards citoyens
— M. Tangui Morlier, administrateur
— M. Benjamin Ooghe-Tabanou, administrateur
— M. David Gayou, administrateur
— M. François Massot, administrateur
— M. Charly Berthet, rapporteur au Conseil national du numérique (CNNum)
• ATD-Quart Monde
— Mme Marie Aleth Grard, vice-présidente, membre du CESE
— M. Denis Rochette, chargé des relations avec le Parlement
• France Générosités
— Mme Julie Nédélec, déléguée générale
— Mme Françoise Sampermans, présidente
— Mme Nolwenne Poupon, responsable communication et études
• Fédération nationale des sourds de France
–– Mme Anne Madec, membre de la commission centre-relais téléphonique
–– M. Stéphane Amosse, membre de la commission centre-relais téléphonique
• APRIL (395)
— M. Frédéric Couchet, délégué général
— Mme Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques
• Association Opendata France
— M. Bertrand Serp, président
• Association Quadrature du net
— M. Philippe Aigrain, président
— Mme Adrienne Charmet, coordinatrice
• Association des sites Internet communautaires (ASIC)
— M. Giuseppe de Martino, président
— M. Francis Donnat, secrétaire général adjoint
• Association des éditeurs de logiciels et solutions internet (AFDEL)
— M. Loïc Rivière, délégué général
— Mme Diane Dufoix, responsable senior des affaires publiques
— Mme Clara Brenot, responsable des affaires publiques
• Association des éditeurs de la recherche et de l’enseignement supérieur (AEDRES)
— M. Nicolas Delargillière, vice-président, responsable administratif des Presses universitaires du Septentrion
— Mme Emmanuelle Corne, vice-présidente, directrice des Éditions de la Maison des sciences de l’homme
— M. Dominique Roux, pole numérique de l’université de Caen et Presses universitaires de Caen
• Association des régions de France (ARF)
— M. Gwenegan Bui, député du Finistère
• France Urbaine
— M. Akim Oural, conseiller communautaire délégué au numérique de la Métropole Européenne de Lille
— Mme Céline Colucci, déléguée générale des interconnectés
— M. Jean Deysson, chargé de mission France urbaine
— M. David Constans-Martigny, chargé de mission
1 () Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
2 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport d’information sur « l’accès aux documents administratifs et aux données publiques », n° 589, juin 2014.
3 () Assemblée nationale, rapport n° 3119, « Numérique et Libertés : un nouvel âge démocratique », 13 octobre 2015, p.197 et s., http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r3119.pdf.
4 () Avis n° 2015-1316 de l’ARCEP en date du 12 novembre 2015 relatif au projet de loi pour une République numérique.
5 () Avis n° 2015-3 du CNNum relatif au projet de loi pour une République numérique.
6 () Avis du Défenseur des droits n° 15-29.
7 () Délibération n° 2015-414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
8 () Les licences « Creative Commons » sont fondées sur le droit d’auteur. Alors que le régime du droit d’auteur classique permet de garder l’exclusivité sur la totalité des droits d’auteur (« tous droits réservés »), ces licences encouragent à n’en conserver qu’une partie (http://creativecommons.fr/licences/).
9 () Conseil national du numérique (CNNum), avis n° 12 relatif à « l’ouverture des données publiques », juin 2012.
10 () Open Knowledge Foundation (OKFN).
11 () Ces administrations sont celles énumérées à l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration : l’État, les collectivités territoriales et les autres personnes de droit public ou privé chargées d’une mission de service public.
12 () CADA, avis n° 20155079, 20 novembre 2015.
13 () La mission Étalab, qui fait partie du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, pilote, sous l’autorité du Premier ministre, la politique d’ouverture et de partage des données publiques.
14 () Rapport n° 3090 déposé le 29 septembre 2015, loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015. Pour un exemple, voir M. G. Sawyer et M. M. De Vries, « A study on the Economics benefits of a free and open data policy for sentinel satellite data », décembre 2012.
15 () Rapport sur l’ouverture des données publiques remis au Gouvernement le 5 novembre 2013 par M. Mohammed Trojette, magistrat à la Cour des comptes.
16 () Source : réponse du Gouvernement à un questionnaire, sur les bases des évaluations de hypotheses.org, plateforme de carnets de recherche en Sciences humaines et sociales.
17 () L’évaluation par les pairs désigne l’activité collective des chercheurs qui jugent de façon critique les travaux d’autres chercheurs (leurs « pairs »). Ces évaluations peuvent porter sur une recherche précise soumise pour publication dans une revue scientifique ou destinée à être présentée à une conférence. Elles peuvent aussi couvrir l’ensemble des travaux du chercheur ou du groupe de chercheurs évalués, notamment lors du recrutement d’un candidat à un poste ou lors de l’évaluation de projets de recherche par des institutions publiques (comme le CNRS) ou privées (comme une fondation). Pour les revues scientifiques, l’évaluation par les pairs est menée par des comités de lecture qui décident si le compte rendu d’un travail de recherche soumis pour publication est acceptable ou non.
18 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 17 dans le présent rapport.
19 () Commission européenne, Recommandation relative à l’accès aux informations scientifiques et à leur conservation, https://ec.europa.eu/research/science-society/document_library/pdf_06/recommendation-access-and-preservation-scientific-information_fr.pdf
20 () Lignes directrices pour le libre accès aux publications scientifiques et aux données de recherche dans Horizon 2020, http://openaccess.inist.fr/IMG/pdf/14086_lignes_directrices_la_horizon_2020_tr_fr_version-oct2014.pdf.
21 () Sources : réponse du Gouvernement à un questionnaire, sur les bases des évaluations de hypotheses.org, plateforme de carnets de recherche en Sciences humaines et sociales.
22 () De manière très schématique, trois catégories d’acteurs coexistent dans le fonctionnement de l’internet : des « opérateurs de communications électroniques », qui déploient et exploitent les réseaux et forment le maillage mondial ; des « fournisseurs de contenus et d’applications » (FCA), qui proposent leurs contenus et applications sur le réseau ; des « utilisateurs » résidentiels et professionnels, généralement appelés internautes, qui sont des personnes physiques ou morales qui accèdent au réseau pour leurs propres besoins, par l’intermédiaire de terminaux. Les deux dernières catégories constituent les utilisateurs de l’internet. Une même personne peut appartenir aux deux catégories : un internaute peut en effet avoir des activités de FCA, lorsqu’il édite et émet des contenus sur le réseau, et de consommateur de contenus.
23 () Directive sur le service universel et les droits de l’utilisateur concernant les réseaux de communication et les services.
24 () Dit règlement « Marché unique des communications électroniques », ou MUCE.
25 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 19 dans le présent rapport.
26 () En application du règlement n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive n° 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (règlement « MUCE »).
27 () Conseil d’État, rapport annuel 2014, Le numérique et les droits fondamentaux, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000541.pdf.
28 () Conseil national du numérique, Neutralité des plateformes, Réunir les conditions d’un environnement numérique ouvert et soutenable, mai 2014, http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2014/06/CNNum_Rapport_Neutralite_des_plateformes.pdf.
29 () Conseil national du numérique, Ambition numérique, Pour une politique française et européenne de la transition numérique, juin 2015, https://contribuez.cnnumerique.fr/sites/default/files/media/CNNum--rapport-ambition-numerique.pdf.
30 () Assemblée nationale, rapport n° 3119, « Numérique et Libertés : un nouvel âge démocratique », 13 octobre 2015, p.197 et s., http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r3119.pdf.
31 () Directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
32 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 22 dans le présent rapport.
33 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 24 dans le présent rapport.
34 () Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, dit « règlement marché unique des communications électroniques » (MUCE).
35 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 25 dans le présent rapport.
36 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 20 dans le présent rapport.
37 () Conseil national du numérique, rapport « Ambition numérique », juin 2015.
38 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
39 () Avis du défenseur des droits n° 15-29 du 17 décembre 2015.
40 () CJUE, 13 mai 2014, Google Spain c. Agencia Española de Protección de Datos, n° C-131/12.
41 () Source : Étude menée en France, du 10 au 17 juin 2011, par TNS Sofres auprès d’un échantillon de 1 200 enfants représentatif de la population française âgée de 8 à 17 ans pour l’UNAF, Action Innocence et la CNIL (méthode des quotas et stratification par région et catégorie d’agglomération).
42 () Pour plus de précisions, voir le rapport d’information (n° 3348, XIVe législature) de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes présenté par Mme Catherine Coutelle sur le projet de loi pour une République numérique, décembre 2015, pp. 91-102.
43 () Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, considérant 4 ; décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, considérant 2.
44 () Règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
45 () Sont permises les « opérations de paiement exécutées au moyen d’un appareil de télécommunication ou d’un autre dispositif numérique ou informatique, lorsque l’opérateur du système de télécommunication numérique ou informatique n’agit pas en seule qualité d’intermédiaire », c’est-à-dire « lorsque les biens ou les services achetés sont livrés et (…) utilisés au moyen de cet appareil de télécommunication, ou de ce dispositif numérique ou informatique ».
46 () Directive 2015/2366/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement n°1093/2010 et abrogeant la directive 2007/64/CE.
47 () Le II de l’article 220 terdecies du code général des impôts dispose qu’« Est considéré comme un jeu vidéo tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non ».
48 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 35 dans le présent rapport.
49 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 36 dans le présent rapport.
50 () Pour plus de détail, voir le commentaire de l’article 37 dans le présent rapport.
51 () Conseil d’État, 29 décembre 2014, Société Bouygues Télécom, pourvoi n° 368773.
52 () Décret n° 2013-238 du 22 mars 2013 modifiant le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d’utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences délivrées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui portait de 571 € à 3 231 € par kHz duplex alloué la part fixe de la redevance due au titre de l’usage d’une fréquence libérée de toute restriction.
53 () Directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»).
54 () Joëlle Tolédano, économiste, membre du conseil d’administration de l’Agence nationale des fréquences, professeure des universités et ancien membre du collège de l’ARCEP (2005-2011), s’est vue confier une mission visant à « identifier les leviers organisationnels, institutionnels, législatifs et réglementaires permettant la mise en œuvre d’une politique du spectre plus ouverte et plus simple, susceptible de favoriser l’innovation et la croissance » par Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture. Elle a remis son rapport en mars 2014, intitulé : « Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance », http://www.anfr.fr/fileadmin/mediatheque/documents/organisation/rapport-gestion-dynamique-spectre-2014-06-30.pdf
55 () Voir le dossier législatif sur le site http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0514.asp.
56 () En effet, le principal opérateur concerné est Orange, qui fournit la composante téléphonie fixe du service universel dans les conditions prévues par l’arrêté du 31 octobre 2013. Son réseau fixe de communications électroniques ouvert au public comporte 15,2 millions de poteaux pour 32,5 millions de lignes téléphoniques.
57 () 4° de l’article L. 35-11 et article R. 20-30-4 du code des postes et des communications électroniques.
58 () Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques.
59 () o) de l’article L. 33-1 et article D. 98-13 du même code.
60 () Même o) et articles D. 98-8 à 98-8-6 du même code.
61 () Association Braillenet, Ce que les sites Web publics nous disent de leur accessibilité, 27 mai 2014.
62 () Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, considérant 12.
63 () Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 précitée.
64 () Comme celle, en 2011, de M. Franck La Rue, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
65 () Comme celle, en 2011, de MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère dans leur rapport d’information sur les droits de l’individu dans la révolution numérique ou celle, en 2015, de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique instituée par notre assemblée.
66 () Directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »).
67 () CJUE, 11 juin 2015, Base Company NV et Mobistar c. Belgique, n° C-1/14.
68 () Compte rendu n° 26 de la réunion de la commission des Lois du mercredi 16 décembre 2015.
69 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport d’information sur « l’accès aux documents administratifs et aux données publiques », n° 589, juin 2014.
70 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
71 () Actuellement aux articles L. 2121–26, L. 2313–1, L. 3121–17 et L. 4312–1 du code général des collectivités territoriales.
72 () CE, 29 avril 2002, M. Gabriel X, Lebon p. 157. Par une décision du 23 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a rattaché les règles relatives à l’accès aux documents administratifs aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration (décision n° 2014-5 LOM, 23 octobre 2014).
73 () Voir commentaire sur l’article 4.
74 () Ancien article 1er de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978.
75 () Constituent de tels documents les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions.
76 () Article L. 311–2 du code des relations entre le public et l’administration.
77 () Le régime de ces données a été revu en profondeur par l’ordonnance n° 2005–650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques pour être harmonisé avec celui prévu, en matière de données personnelles faisant l’objet de traitements automatisés, par l’autre texte fondateur de 1978, la loi n° 78–17 du 7 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
78 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
79 () L’article 21 de la loi de 1978 liste plus d’une vingtaine de textes organisant la communication de certains documents administratifs. C’est ainsi, par exemple, que le code électoral ouvre l’accès aux listes électorales, que le code de la route encadre l’accès à des informations personnelles relatives aux permis de conduire, ou encore que le code de la santé publique organise l’accès aux informations médicales personnelles.
80 () Par exemple, l’article L. 111 du livre des procédures fiscales prévoit que la liste des personnes assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, ainsi que des personnes non assujetties, est tenue à la disposition des contribuables du département.
81 () Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement négociée dans le cadre des Nations–Unies, approuvée en 1998 à Aarhus, et ratifiée par la France le 8 juillet 2002.
82 () Directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil.
83 () TA de Versailles, 4 juillet 1980, Commune de Longuesse et CAA de Nancy, 2 février 2009, n° 07NC00604.
84 () Ministère de l’Intérieur, réponse écrite, JO Sénat – p. 2207, 25 septembre 2014.
85 () CADA, avis n° 20123064, 13 septembre 2012.
86 () La réutilisation s’entend comme l’utilisation d’informations à des fins étrangères au but en vue duquel elles ont été produites.
87 () A. Lallet, Répertoire de contentieux administratif, chapitre 6 « Réutilisation des informations publiques », avril 2015.
88 () M. Antoine Fouilleron, rapport au Premier ministre, « Les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations », décembre 2015.
89 () M. Mohammed Adnène Trojette, rapport au Premier ministre, « Ouverture des données publiques, les exceptions au principe de gratuité sont-elles toutes légitimes ?», juillet 2013.
90 () Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes a pu considérer dans un arrêt Höffner et Elser du 23 avril 1994 que « la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de fonctionnement ». Dans un autre arrêt (CJCE, 16 novembre 1995, FFSA) elle a précisé que « le seul fait que la personne morale en cause ne poursuive pas un but lucratif n’enlève pas à l’activité qu’elle exerce sa nature économique […] dès lors qu’elle peut donner lieu à des comportements que les règles de concurrence visent à réprimer ».
91 () Ces administrations sont celles énumérées à l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration : l’État, les collectivités territoriales et les autres personnes de droit public ou privé chargées d’une mission de service public.
92 () CADA, avis n° 20155079, 20 novembre 2015.
93 () Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions.
94 () CADA, avis DGFIP, n° 20145478, 8 janvier 2015.
95 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
96 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op.cit.
97 () Le commentaire sur l’article 1er du présent projet de loi a présenté les différentes étapes de la consécration du droit d’accès aux documents administratifs.
98 () À cet égard, l’étude d’impact considère parmi les principales caractéristiques les éléments suivants : fonctionnement du traitement, règles et bases de calcul utilisés, paramètres mis en œuvre.
99 () CADA, op. cit.
100 () Dossier de presse sur le présent projet de loi.
101 () MM. Dieudonné Mandelkern et Bertrand du Marais, Diffusion des données publiques et révolution numérique, Commissariat général au Plan, La Documentation française, décembre 1999.
102 () MM. Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, L’économie de l’immatériel : la croissance de demain, décembre 2006.
103 () France numérique 2012 – Plan de développement de l’économie numérique, La Documentation française, octobre 2008.
104 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
105 () Par exemple, le système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram), dans sa version d’origine, recouvre les données individuelles issues des feuilles de soins traitées par les caisses et organismes d’assurance maladie obligatoire, c’est-à-dire les données relatives aux actes remboursés par la sécurité sociale. Dans sa version complète, le Sniiram fournit depuis 2009 des informations individuelles sur les patients (âge, sexe, bénéfice de la CMU, diagnostic de l’affection de longue durée - ALD -, commune et département de résidence, date de décès), sur la consommation de soins en ville et en établissement (date, descriptif et lieu d’exécution des soins), sur l’offre de soins (spécialité du prescripteur, statut conventionnel du praticien ou statut juridique de l’établissement...), sur les pathologies traitées (de manière indirecte, dès lors qu’il existe un codage associé à certaines consommations associées). Il ne donne pas d’informations, en revanche, sur les facteurs de risques en santé (tabagisme, tension, indice de masse corporelle...), sur la prise en charge en établissement médico-social ou encore sur l’environnement social des patients. Géré par la caisse nationale d’assurance maladie (Cnamts), il est effectivement utilisé depuis 2003. Le Sniiram fait l’objet d’une restitution à plusieurs niveaux et plusieurs entrepôts de données coexistent au sein de la base. 15 bases de données thématiques totalement agrégées, qui ne permettent donc pas la réidentification, sont librement accessibles. L’accès aux données de consommation individuelles exhaustives et indirectement identifiantes, les données de consommation inter-régimes (DCIR), est très restreint. Un échantillon généraliste de bénéficiaires (EGB), obtenu à partir de ces données exhaustives à l’échelle du centième de la population, est ouvert à un plus grand nombre d’organismes, à la condition toutefois que leur accès ait été spécifiquement autorisé. La Cnam peut enfin procéder à des extractions précises sur demande.
106 () Étude d’impact du projet de loi.
107 () M. Graham Vikery, Review of recent studies on PSI re–use and related market developments, 2008.
108 () Ibid.
109 () M. Mohammed Adnène Trojette, op. cit.
110 () M. Mohammed Adnène Trojette, op. cit.
111 () Rapport n° 3090, déposé le 29 septembre 2015. Pour un exemple, voir M. G. Sawyer et M. M. De Vries, « A study on the Economics benefits of a free and open data policy for sentinel satellite data », décembre 2012.
112 () Conseil d’État, Études et documents de 1988, cité par M. Mohammed Adnène Trojette, rapport op. cit.
113 () CE, 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la cour de Paris, Lebon p. 491
114 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
115 () La CADA estime que le droit d’accès porte non seulement sur des documents stricto sensu mais également sur des bases de données. Elle a précisé que ces données présentent un caractère achevé dès lors qu’elles sont entrées dans la base et qu’elles sont donc immédiatement communicables de plein droit, sous réserve des exceptions prévues par la loi. En 2006, elle a donné un avis favorable à la communication, par voie électronique, des données brutes du recensement des actes graves de violence survenus à l’école et à ses abords, pour chacun des collèges et lycées publics. Elle a invité le ministère de l’éducation nationale à compléter la communication de la base de données par celle du dictionnaire des codes qui permet de comprendre les données. Enfin, elle a recommandé au ministre, qui craignait « que des erreurs ne soient commises, soit dans l’exploitation technique de ces données brutes pour en obtenir des statistiques, soit dans l’interprétation qu’il convient donner, (...) de procéder lui-même au traitement des données demandées, (...) et d’indiquer au demandeur les précautions à prendre pour leur interprétation ».
116 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
117 () Directive 2007/2/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne (INSPIRE).
118 () CNIL, Délibération n° 2015–414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
119 () Trois techniques d’anonymisation peuvent être utilisées : la pseudonymisation, qui consiste à remplacer l’identifiant initial par un autre identifiant arbitraire soit de manière réversible (table de correspondance secrète, algorithme de chiffrement), soit de manière irréversible (hachage simple, hachage avec clé secrète, double hachage avec clé secrète) ; le masquage, qui consiste à dégrader l’identifiant initial en en supprimant certaines données ou en ajoutant d’autres ; l’agrégation, d’usage courant en statistique, qui consiste à rassembler plusieurs données de même type afin de produire une donnée agrégée.
120 () Données à caractère personnel collectées dans le cadre des traitements régis par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
121 () CE, 17 février 2010, n° 289389.
122 () « Tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre. »
123 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
124 () Ordonnance n° 2005–650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.
125 () Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public.
126 () Ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l’administration.
127 () CE, 17 février 2010, n° 289389.
128 () CADA, SNCF, avis n° 20141034, 10 avril 2014 : « La commission rappelle qu’une fois signés, les contrats passés, par une personne morale chargée d’une mission de service public, telle qu’un établissement public à caractère industriel et commercial comme la SNCF, et qui ont un lien suffisamment direct avec cette mission de service public sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d’accès institué par la loi du 17 juillet 1978. »
129 () Article 2 du décret n° 2011–52 du 13 janvier 2011 relatif à l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées.
130 () Acronyme anglais de « Application programming interface ».
131 () Les principaux usages sont : le livre – 43 % ; les expositions – 16 % ; la presse – 14 % ; les éditions commerciales – 11 % ; la communication – 7 % ; l’audiovisuel internet – 5 %.
132 () Cet encadré reprend les éléments du rapport n° 589 de Mme Corinne Bouchoux précité.
133 () CAA de Bordeaux, 26 février 2015, n° 13BX00856 : « 9. Considérant qu’(…) un service culturel producteur d’une base de données peut interdire la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de cette base de données en faisant état des droits que lui confère l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle (…); 11. Considérant en deuxième lieu que le département de la Vienne a créé un ensemble de fichiers numériques permettant le stockage permanent d’archives et l’accès à celles-ci par l’intermédiaire du site internet des archives départementales, particulièrement en ce qui concerne les registres d’état civil et les registres paroissiaux des communes du département de la fin du 17e siècle jusqu’au 19e siècle, ainsi que les listes nominatives des recensements de la population de la Vienne et les registres matricules des militaires pour une partie du 19e siècle ; que les informations contenues dans les documents originaux ont été classées et structurées de façon à permettre notamment, à partir du nom d’une commune ou d’une paroisse en ce qui concerne l’état civil, d’un patronyme ou d’une profession en ce qui concerne les recensements, d’accéder à l’un des documents archivés et numérisés ; que cet ensemble présente ainsi le caractère d’une base de données ; que l’investissement financier, matériel et technique réalisé par le département de la Vienne permet de le qualifier de producteur de base de données ; qu’en cette qualité, il tire de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle précité le droit d’interdire l’extraction de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de cette base de données, ou sa réutilisation ; que la possibilité pour le producteur de base de subordonner la réutilisation d’informations publiques au versement de redevances, prévue par l’article 15 précité de la loi du 17 juillet 1978, ne saurait être le corollaire d’une obligation d’autoriser l’extraction ; qu’ainsi, par le second alinéa de la délibération litigieuse, le département de la Vienne pouvait légalement interdire l’extraction, sous forme de fichiers numériques complets, de tout ou partie du contenu de la base de données dont il est propriétaire et leur réutilisation par la mise à disposition du public. »
134 () Sénat, M. Gaëtan Gorce et M. François Pillet, rapport d’information n° 469 sur « l’open data et la protection de la vie privée », avril 2014.
135 () Audition par le rapporteur du président de la commission d’accès aux documents administratifs, M. Marc Dandelot, 17 septembre 2015.
136 () http://www.economie.gouv.fr/cedef/repertoire-des-informations-publiques
137 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
138 () CADA, sanction n° 20083162, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, 16 décembre 2008.
139 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
140 () Comme le note le rapport précité de la sénatrice Corinne Bouchoux : « Il est certes difficile de faire la distinction entre les cas dans lesquels la communication tardive serait intervenue quand bien même la commission n’aurait pas été saisie, et les transmissions de documents que sa saisine a accélérées, voire déclenchées. Pour autant, l’examen des avis dits "sans objet" rendus en 2012, qui correspondent à 31,4 % des saisines, montre que 12,8 % d’entre eux résultent de désistements et 54,2 % de demandes satisfaites avant qu’elle ait rendu son avis. »
141 () Seuls font actuellement l’objet d’une publication obligatoire les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives.
142 () Voir le commentaire de l’article 4.
143 () Voir le commentaire de l’article 4.
144 () Article L. 311–2 du code des relations entre le public et l’administration.
145 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
146 () Voir le commentaire de l’article 16.
147 () Sénat, Mme Corinne Bouchoux, rapport n° 589, op. cit.
148 () Cet administrateur général est chargé, sans préjudice des missions de l’INSEE, de coordonner l’action des administrations en matière d’inventaire, de gouvernance, de production, de circulation et d’exploitation des données par les administrations. Il a également pour mission d’améliorer l’exploitation de ces données et leur circulation, dans le respect de la protection des données personnelles et des secrets protégés par la loi, notamment le secret de la défense nationale.
149 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, « Numérique et libertés : un nouvel âge démocratique », rapport n° 3119, octobre 2015.
150 () Contribution du groupement français de l’industrie de l’information. : « Un format ouvert spécifique à chaque type de donnée devrait obligatoirement être utilisé, tout en laissant la possibilité de publier également selon certains formats propriétaires très usités. Ces formats ouverts devraient être documentés et stables, toute modification de format devant être précédée de procédures de concertation éliminant tout imprévu pour les réutilisateurs. Les formats de diffusion devraient s’appuyer, autant que possible, sur les normes internationales en vigueur dans les différents métiers, en particulier les normes ISO ou du W3C.Ces données, de par leur importance, devraient être ouvertes et mises à disposition gratuitement. Les lots de données devraient être exhaustifs par rapport au domaine décrit. »
151 () Article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
152 () L’article 106 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », qui prévoit le principe d’ouverture des données par défaut, n’impose pas la publicité pour les informations produites ou reçues dans l’exercice d’une mission de service public industriel ou commercial.
153 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
154 () Article 1er du décret n° 2001–495 du 6 juin 2001 pris pour l’application de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques.
155 () Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention sont communicables à toute personne qui en fait la demande.
156 () Il modifie la référence au nombre de membres de la CNIL, pour tenir compte de l’ajout du président de la CADA.
157 () Assemblée nationale, MM. René Dosière et Christian Vanneste, rapport d’information sur « les autorités administratives indépendantes », présenté au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), n° 2295, octobre 2010.
158 () CJUE, C-362/14, 6 octobre 2015. Pour un commentaire complet de cet arrêt, voir le commentaire sur l’article 26 du présent projet de loi.
159 () Loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique.
160 () Loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
161 () En effet, les œuvres des enseignants-chercheurs ne sont soumises, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique de sorte qu’ils demeurent titulaires de leur droit d’auteur (article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle).
162 () Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.
163 () Lettre de mission du 10 septembre 2014 de M. Jean-Claude Juncker, adressée à M. Andrus Ansip, commissaire européen en charge du numérique.
164 () Projet de rapport de Mme Julia Reda, rapporteure au nom de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (2014/2256(INI)), http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-546.580+02+DOC+PDF+V0//FR&language=FR.
165 () Selon le Conseil supérieur de la propriété intellectuelle et artistiques qui a créé une mission spécifique sur l’avenir de la directive 2001/29/CE, « les réactions à la perspective d’une révision de la directive 2001/29/CE sont très majoritairement négatives », http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Propriete-litteraire-et-artistique/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique/Travaux/Missions/Mission-du-CSPLA-relative-a-l-avenir-de-la-directive-2001-29-Societe-de-l-information.
166 () La directive 96/9/CE du 11 mars 1996 sur la protection des bases de données, transposée par la loi du 1er juillet 1998, a mis en place une double protection pour les bases de données : une protection par le droit d’auteur et une protection par un droit sui generis, c’est-à-dire un droit spécifique au producteur de base de données. Le droit d’auteur protège la forme, le droit sui generis le contenu de la base de données. Alors que pour le droit d’auteur la condition requise était l’originalité, pour le droit du producteur de la base de données, la condition requise pour bénéficier de la protection est un investissement substantiel dans la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de cette base. Si cette condition de l’investissement substantiel est remplie, le producteur de la base de données bénéficie alors d’une protection étendue pour le contenu de celle-ci. Le producteur peut ainsi interdire l’extraction du contenu de la base, à condition que cette extraction soit qualitativement ou quantitativement substantielle. Il peut également interdire la réutilisation du contenu de la base de données. Le producteur peut également interdire l’utilisation excessive de sa base de données (articles L. 342-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle).
167 () Dans un communiqué de presse du 9 décembre 2015, la Commission européenne a d’ailleurs indiqué son « intention de travailler sur les exceptions au droit d’auteur. Les exceptions permettent, dans certaines circonstances, d’utiliser des œuvres protégées sans autorisation préalable des titulaires de droits. La Commission révisera les règles de l’Union afin de permettre aux chercheurs d’utiliser plus facilement les techniques de fouille data mining et de text mining pour analyser de grandes séries de données. L’éducation constitue une autre priorité », http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6261_fr.htm.
168 () Réponse du Premier ministre sur le projet de rapport d’évaluation de la directive 2001/29 réalisé par Mme Julia Reda, au nom de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, PM/SGAE/JUR, 19 janvier 2015.
169 () L’évaluation par les pairs désigne l’activité collective des chercheurs qui jugent de façon critique les travaux d’autres chercheurs (leurs « pairs »). Ces évaluations peuvent porter sur une recherche précise soumise pour publication dans une revue scientifique ou destinée à être présentée à une conférence mais elles peuvent aussi couvrir l’ensemble des travaux du chercheur ou du groupe de chercheurs évalués, notamment lors du recrutement d’un candidat à un poste ou lors de l’évaluation de projets de recherche par des institutions publiques (comme le CNRS) ou privées (comme une fondation). Pour les revues scientifiques, l’évaluation par les pairs est menée par des comités de lecture qui décident si le compte rendu d’un travail de recherche soumis pour publication est acceptable ou non.
170 () Les licences « Creative Commons » sont fondées sur le droit d’auteur. Alors que le régime du droit d’auteur classique permet de garder l’exclusivité sur la totalité des droits d’auteur (« tous droits réservés »), ces licences encouragent à n’en conserver qu’une partie (http://creativecommons.fr/licences/).
171 () Protocole d’échange des données OAI-PMH « The Open Archives Initiative Protocol for Metadata Harvesting ».
172 () CNRS, « L’édition de sciences à l’heure numérique. Dynamique en cours (2015) », http://www.cnrs.fr/dist/z-outils/documents/Distinfo2/Distetude2.pdf
173 () Les éditeurs prédateurs, ou « rogues journals », ont pollué le système mondial de l’édition scientifique en profitant de l’« open access gold » pour faire la publicité de pseudo-revues scientifiques tout en accroissant la pression sur les chercheurs pour qu’ils publient un maximum d’articles.
174 () https://ec.europa.eu/research/science-society/document_library/pdf_06/recommendation-access-and-preservation-scientific-information_fr.pdf
175 () Lignes directrices pour le libre accès aux publications scientifiques et aux données de recherche dans Horizon 2020,http://openaccess.inist.fr/IMG/pdf/14086_lignes_directrices_la_horizon_2020_tr_fr_version-oct2014.pdf.
176 () Source : réponse du Gouvernement à un questionnaire, sur la base des évaluations de hypotheses.org, plateforme de carnets de recherche en Sciences humaines et sociales.
177 () Philip M. Davis, “Public accessibility of biomedical articles from PubMed Central reduces journal readership retrospective cohort analysis”, Avril 2013: http://www.fasebj.org/content/early/2013/04/03/fj.13-229922.full.pdf+html.
178 () Rapport de l’Institut des politiques publique IPP n°11, juillet 2015 « Les revues de sciences humaines et sociales en France : libre accès et audience », http://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2015/07/revues-shs-rapport-IPP-juillet2015.pdf.
179 () Identifying benefits arising from the curation and open sharing of research data produced by UK Higher Education and research Institutes, 2008, page 72, http://repository.jisc.ac.uk/279/2/JISC_data_sharing_finalreport.pdf.
180 () C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit d’étudier les liens entre les revenus salariaux et les revenus de remplacement (chômage, indemnités journalières d’assurance maladie, retraites), entre la trajectoire scolaire et la trajectoire professionnelle ultérieure d’un individu, entre les épisodes de chômage et les trajectoires professionnelles pour mieux comprendre la récurrence du chômage.
181 () En application de l’article 1er de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, le service statistique public est constitué de l’Insee et des services statistiques ministériels. Il est coordonné par l’Insee. La liste des services statistiques ministériels figure en annexe au décret n° 2009-250 du 3 mars 2009 relatif à l’Autorité de la statistique publique.
182 () Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, dit « règlement marché unique des communications électroniques » (MUCE).
183 () De manière très schématique, trois catégories d’acteurs coexistent dans le fonctionnement de l’internet : des « opérateurs de communications électroniques », qui déploient et exploitent les réseaux et forment le maillage mondial ; des « fournisseurs de contenus et d’applications » (FCA), qui proposent leurs contenus et applications sur le réseau ; des « utilisateurs » résidentiels et professionnels, généralement appelés internautes, personnes physiques ou morales qui accèdent au réseau pour leurs propres besoins, par l’intermédiaire de terminaux. Les deux dernières catégories constituent les utilisateurs de l’internet. Une même personne peut appartenir aux deux catégories : un internaute peut en effet avoir des activités de FCA, lorsqu’il édite et émet des contenus sur le réseau, et de consommateur de contenus.
184 () Ce paquet inclut une directive « cadre » n° 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques et quatre directives qui réglementent des aspects spécifiques des communications électroniques, ainsi que deux règlements : la directive 2002/20/CE dite « autorisation » ; la directive 2002/19/CE dite « accès » ; la directive n° 2002/22/CE dite « service universel » ; la directive n° 2002/58/CE dite « vie privée et communications électroniques » ; le règlement (CE) n° 1211/2009 instaurant un organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ; le règlement (UE) n° 531/2012 relatif à l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile.
185 () Selon l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ». Concrètement, cela regroupe la plupart des sites internet n’offrant pas un service de correspondance privée ou de communication audiovisuelle.
186 () ARCEP, « Neutralité de l’internet et des réseaux – propositions et recommandations », septembre 2010, http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/net-neutralite-orientations-sept2010.pdf.
187 () ARCEP, « Rapport au Parlement et au Gouvernement sur la neutralité de l’internet », septembre 2012, http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-parlement-net-neutralite-sept2012.pdf.
188 () « Voice over IP » (VoIP), est une technique qui permet de communiquer par la voix ou via des flux multimédia (audio ou vidéo) sur des réseaux compatibles IP, qu’il s’agisse de réseaux privés ou d’Internet, filaire (câble/ADSL/optique) ou non (satellite, Wi-Fi, GSM, UMTS ou LTE). Les opérateurs les plus connus sont Viber ou Skype.
189 () « Peer to peer » est un modèle de réseau informatique proche du modèle client-serveur mais où chaque client est aussi un serveur. Le « pair-à-pair » ou « poste-à-poste » peut être centralisé (les connexions passant par un serveur central intermédiaire) ou décentralisé (les connexions se faisant directement). Il peut servir au partage de fichiers en pair à pair, au calcul distribué ou à la communication.
190 () Une enquête diligentée par l’Office des régulateurs européens des communications électroniques en 2012 avait mis en évidence les pratiques de certains fournisseurs d’accès consistant à réduire la vitesse du partage de fichiers de pair à pair ou de la lecture vidéo en transit. L’étude avait ainsi révélé que 18 % des opérateurs bridaient le trafic d’échanges de fichiers en P2P. Sous couvert de réaliser des économies en bande passante en limitant la quantité de données envoyées par les utilisateurs sur les réseaux P2P ou de décongestionner le réseau aux heures de pointe, le filtrage, la dégradation, voire le blocage, du trafic des échanges par les fournisseurs d’accès étaient également liés à une volonté de la part de certains opérateurs de favoriser leurs propres plateformes payantes (mais légales) de diffusion de contenus, encouragés en cela par les industries culturelles. L’exemple de Comcast aux États-Unis qui avait bloqué, en 2008, les contenus utilisant le protocole d’échanges de pair à pair « BitTorrent », sans lien avec les périodes de congestion, ni la taille des fichiers et sans transparence avec ses clients, révèle les tensions qui poussent, par ailleurs, les opérateurs à exiger des autres acteurs, à savoir les fournisseurs de services de communication au public en ligne ou les intermédiaires techniques (type opérateurs de transit), une participation financière destinée à couvrir le coût des infrastructures en contrepartie d’une communication de bonne qualité.
191 () Celles-ci sont détaillées dans le document établi par l’ARCEP et consultable sur le lien suivant : http://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/actualites/Synthese_disp_telecoms_loi_Macron.pdf
192 () Désormais, l’ARCEP se réunit en deux formations distinctes. La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction, composée de quatre membres de l’Autorité, dont le président, adopte les décisions se rattachant à l’exercice des fonctions de poursuite et d’instruction. Il s’agit des décisions prises sur le fondement des articles L. 5-3 et L. 36-11 concernant en particulier l’ouverture d’une procédure, la désignation des rapporteurs chargés de l’instruction, la mise en demeure de la personne en cause de se conformer à ses obligations et la notification des griefs en cas de méconnaissance de la mise en demeure. La formation restreinte, composée des trois membres le plus récemment nommés, à l’exception du président, adopte les décisions de sanction ou de non-lieu à sanctionner.
193 () Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « Loi Léotard ».
194 () Conseil d’État, 10 juillet 1995, Société TF1, pourvoi n° 141726.
195 () Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, dit « règlement marché unique des communications électroniques » (MUCE).
196 () Conseil constitutionnel, Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996.
197 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-436 DC du 10 juin 2004.
198 () Conseil national du numérique, rapport « Ambition numérique », juin 2015.
199 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
200 () Article L. 121–125 [nouveau] : « La présente section ne s’applique pas aux fournisseurs d’un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion au cours des douze derniers mois est inférieur à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et du numérique ».
201 () À l’exclusion donc de services tels que Skype ou Facebook Messenger. Les courriers électroniques, y compris dans leur classification, sont tous d’un format aisément portable, et utilisent en général des formats partagés. Les messageries telles que Skype mêlent de leur côté divers éléments, enregistrés sous des formats multiples. Rendre obligatoire la portabilité des conversations sur ces messageries présenterait de ce fait des obstacles techniques pour passer d’un format à un autre. De plus, les logiciels de ces messageries sont souvent protégés par le droit de la propriété intellectuelle, et la portabilité des conversations poserait des problèmes juridiques.
202 () L’étude d’impact interprète la migration directe comme « ne se limitant pas à des fonctions d’exportation vers ou d’importation depuis le disque dur ».
203 () Ibid.
204 () http://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-le-marche-du-cloud-computing-39790256.htm
205 () INSEE Première, La timide émergence du cloud computing dans les sociétés en 2014, n° 1545, avril 2015. http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1545/ip1545.pdf
206 () Article L. 111-5 du code de la consommation, issu de l’article 147 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ».
207 () Article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ».
208 () Directive n° 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»).
209 () Directive n° 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques »).
210 () CJUE, aff. 236/08, Google c. Louis Vuitton Malletier SA et autres 23 mars 2010.
211 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-436 DC du 10 juin 2004.
212 () Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
213 () Il s’agit : 1° Des dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne dans le domaine de l’assurance, prévues aux articles L. 361-1 à L. 364-1 du code des assurances ; 2° Des dispositions relatives à la publicité et au démarchage des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, prévues à l’article L. 214-12 du code monétaire et financier ; 3° Des dispositions relatives aux pratiques anticoncurrentielles et à la concentration économique, prévues aux titres II et III du livre IV du code de commerce ; 4° Des dispositions relatives à l’interdiction ou à l’autorisation de la publicité non sollicitée envoyée par courrier électronique ; 5° Des dispositions du code général des impôts ; 6° Des droits protégés par le code de la propriété intellectuelle.
214 () CJUE, 5 juill. 2012, aff. C-49/11, Content Services Ltd c. Bundesarbeitskammer.
215 () Il s’agit, pour des sites de vente en ligne, de réserver à d’autres vendeurs indépendants, voire à des particuliers, des espaces de vente en leur faisant profiter des fonctionnalités de leurs plateformes d’e-commerce et de leur potentiel de trafic, sous condition du versement d’une commission sur les ventes réalisées.
216 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral-Schul, op. cit. p. 197 et suivantes.
217 () En application du règlement n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (règlement « MUCE »).
218 ()http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000541.pdf.
219 ()Conseil national du numérique, Neutralité des plateformes, Réunir les conditions d’un environnement numérique ouvert et soutenable, mai 2014, http://www.cnnumerique.fr/wp-content/uploads/2014/06/CNNum_Rapport_Neutralite_des_plateformes.pdf.
220 () Conseil national du numérique, Ambition numérique, Pour une politique française et européenne de la transition numérique, juin 2015, https://contribuez.cnnumerique.fr/sites/default/files/media/CNNum--rapport-ambition-numerique.pdf.
221 () Google était poursuivi depuis 2012 par dix-neuf entreprises devant la Commission européenne pour abus de position dominante pour avoir promu les résultats de Google Maps ou de Google Shopping sur son moteur de recherche alors qu’il n’assurait pas la même exposition à leurs concurrents. Le 5 février 2014, la Commission européenne a finalement accepté les engagements de Google pour un affichage comparable de ses concurrents dans la recherche en ligne spécialisée sur son moteur de recherche. Voir le communiqué de presse de la Commission européenne : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-116_fr.htm.
222 () Dans ce cas, il est bien précisé qu’il existe un « lien commercial » entre Google et le site référencé, dont la nature est détaillée dans une fenêtre sur laquelle le consommateur peut cliquer et qui indique : « D’après les termes de votre requête, nous pensons que vous recherchez un produit. Si vous cliquez dans cette zone, les résultats de fournisseurs pouvant répondre à votre demande s’affichent. Il est possible que certains d’entre eux rémunèrent Google. Les frais de port ne sont pas inclus dans les prix. Des frais de port supplémentaires peuvent s’appliquer. La TVA et les frais applicables sont inclus dans les prix affichés. »
223 () CJUE, 7 décembre 2010, aff. C-585/08, Peter Pammer c. Reederei Karl Schlüter GmbH & Co. KG et C-144/09, Hotel Alpenhof GesmbH c. Oliver Heller.
224 () Voir le débat sur la loyauté des plateformes exposé sous le commentaire de l’article 19.
225 () Il s’agit de la norme NF Z74-501.
226 () Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, dit « règlement marché unique des communications électroniques » (MUCE).
227 () À titre d’exemple, les conditions générales d’abonnement du contrat « Orange Découverte » précisent à l’article 5 : « Le Service comprend à minima le Service d’accès à Internet jusqu’à 15 Mb/s (Accès à internet ADSL avec un débit descendant atteignable en général de 1 à 15 Mb/s et un débit montant atteignable en général inférieur à 1 Mbit/s avec modem compatible et avec un débit descendant minimum garanti de 512 kb/s. Débit variable en fonction de la longueur de la ligne) et jusqu’à 50 Mb/s en VDSL2 (Accès à internet VDSL2 avec un débit descendant atteignable en général de 1 à 15 Mb/s, pouvant atteindre jusque 50Mb/s pour certaines des lignes les plus courtes (moins de 1km) et un débit montant atteignable en général inférieur à 1 Mbit/s avec modem compatible et avec un débit descendant minimum garanti de 512kb/s. Débit variable en fonction de la longueur de la ligne) ».
228 () Surligné par nos soins.
229 () Règlement (UE) n° 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive n° 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union.
230 () Audition du mercredi 26 novembre 2014 par la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, Assemblée nationale, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
231 () Ibid.
232 () Par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
233 () L’adresse IP (acronyme anglais désignant l’ « internet protocol ») est un numéro d’identification attribué de façon permanente ou provisoire à chaque appareil connecté à un réseau informatique utilisant l’IP.
234 () CJUE, 29 janvier 2008, Promusicae c. Telefónica, n° C-275/06 et CJUE, 24 novembre 2011, Scarlet c. SABAM, n° C-70/10.
235 () Il a par exemple été démontré qu’un petit nombre de métadonnées – en l’espèce quatre positions géographiques – suffisaient à identifier de manière unique, dans 95 % des cas, l’identité d’un individu utilisant un réseau de téléphonie mobile (Yves-Alexandre de Montjoye, César A. Hidalgo, Michel Verleysen et Vincent D. Blondel, « Unique in the crowd : the privacy bounds of human mobility », Nature, 25 mai 2013).
236 () Résolution législative du Parlement européen du 12 mars 2014 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (COM(2012)0011 – C7-0025/2012 – 2012/0011(COD)).
237 () Conseil d’État, Étude annuelle, « Le numérique et les droits fondamentaux », 2014.
238 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
239 () Ibid.
240 () Conseil d’État, Étude annuelle, op. cit.
241 () Traduction en français de l’arrêt du 15 décembre 1983 de la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne de Y. Poullet et A. Rouvroy, « Le droit à l’autodétermination informationnelle et la valeur du développement personnel. Une réévaluation de l’importance de la vie privée pour la démocratie. », in État de droit et virtualité, K. Benyekhlef et P. Trudel (dir.), Montréal : Thémis, 2009.
242 () Conseil d’État, Étude annuelle, op. cit.
243 () Audition du mercredi 26 novembre 2014 par la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, Assemblée nationale, rapport d’information n° 3119, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
244 () Assemblée nationale, Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, M. Christian Paul et Mme Christiane Féral–Schuhl, op. cit.
245 () Voir le commentaire sur l’article 32.
246 () Voir le commentaire sur l’article 27.
247 () Voir le commentaire sur l’article 32
248 () CNIL, op. cit.
249 () Propositions de la CNIL sur les évolutions de la loi informatique et libertés dans le cadre du projet de loi numérique, p. 6
250 () Rapport (n° 3119, XIVe législature) de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique présenté par M. Christian Paul et Mme Christiane Féral-Schuhl, octobre 2015, p. 103.
251 () Voir supra, le commentaire de l’article 26.
252 () Terms of Service ; Didn’t Read.
253 () Voir l’article 23 de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
254 () L’article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique « entend par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète. Ces moyens de cryptologie ont principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d’assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité. »
255 () CNIL, La sécurité des données personnelles, Les guides de la CNIL, 2010, pp. 40-42.
256 () Décret n° 2007-663 du 2 mai 2007 pris pour l’application des articles 30, 31 et 36 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et relatif aux moyens et aux prestations de cryptologie.
257 () Voir notamment les réponses du Gouvernement à la « proposition d’Inès de rendre obligatoire le chiffrement des courriels » et à celle de la Quadrature du Net d’affirmer et d’encourager le droit au chiffrement.
258 () Rapport (n° 3119, XIVe législature) précité, p. 121.
259 () Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, Les rapports du Conseil d’État, La documentation française, septembre 2014, pp. 274-276 et pp. 287-288.
260 () Propositions de la CNIL sur les évolutions de la loi informatique et libertés dans le cadre du projet de loi numérique, pp. 5-6.
261 () En application de la seconde phrase du a) du 4° de l’article 11 de la loi « Informatique et libertés ».
262 () Le masquage consiste à dégrader l’identifiant initial en lui soustrayant certaines données ou en lui en ajoutant d’autres.
263 () La pseudonymisation consiste à remplacer l’identifiant initial par un autre identifiant arbitraire de manière réversible (table de correspondance secrète, algorithme de chiffrement) ou irréversible (hachage simple, hachage avec clef secrète…).
264 () L’agrégation consiste à rassembler plusieurs données de même type afin de produire une donnée agrégée.
265 () Avis du G29 du 16 avril 2014 sur les techniques d’anonymisation.
266 () Pour plus de précisions, voir supra le commentaire de l’article 4.
267 () Rapport (n° 3119, XIVe législature) précité, p. 117.
268 () Délibération n° 2015-414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
269 () Le projet de loi relatif à la santé a été adopté définitivement par le Parlement le 17 décembre 2015.
270 () Notion développée par Mme Marie-Anne Frison-Roche, in Marie-Anne Frison-Roche, dir., Les risques de régulation, l’hypothèse de l’interrégulation, Presses de Sciences-Po/Dalloz, coll. Droit et économie de la régulation, tome 3, p. 69-80.
271 () Serge Tisseron, L’intimité surexposée, Hachette Littérature, 2002.
272 () Délibération n° 2005-284 du 22 novembre 2005 décidant la dispense de déclaration des sites web diffusant ou collectant des données à caractère personnel mis en œuvre par des particuliers dans le cadre d’une activité exclusivement personnelle et délibération n° 2005-285 du 22 novembre 2005 portant recommandation sur la mise en œuvre par des particuliers de sites web diffusant ou collectant des données à caractère personnel dans le cadre d’une activité exclusivement personnelle.
273 () CA de Bourges, 11 avril 2007, Ligue européenne de défense des victimes de notaires c. ministère public.
274 () TGI de Villefranche-sur-Saône, 18 février 2003, Ministère public c. X, confirmé par CA de Lyon, 25 février 2004.
275 () CA de Paris, 25 juin 2008, Note2be c. SNES.
276 () TGI de Paris, réf., 14 avril 2008, X c. Google France.
277 () Voir le rapport (n° 330, session ordinaire de 2009-2010) présenté par M. Christian Cointat au nom de la commission des Lois du Sénat sur la proposition de loi de M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, février 2010, pp. 59-60.
278 () CNIL, 30e rapport d’activité 2009, p. 29.
279 () CJUE, 13 mai 2014, Google Spain c. Agencia Española de Protección de Datos (AEPD), n° C-131/12.
280 () Défenseur des droits, Enfants et écrans : grandir dans le monde numérique, Rapport 2012 consacré aux droits de l’enfant, pp. 96-97.
281 () Rapport d´information (n° 441, session ordinaire de 2008-2009) fait au nom de la commission des Lois du Sénat par le groupe de travail relatif au respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques, présenté par M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier, mai 2009.
282 () Voir supra, le commentaire de l’article 28.
283 () Proposition de loi n° 41, adoptée par le Sénat, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique. Ce texte n’a pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
284 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (orientation générale du 11 juin 2015).
285 () On peut également citer l’article 8 qui régit les conditions particulières de licéité des traitements de données personnelles relatives à un enfant.
286 () Voir infra, le commentaire de l’article 33.
287 () Considérant 23 bis bis de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (orientation générale du 11 juin 2015).
288 () CNIL, Rapport d’activité 2012, pp. 47-48.
289 () CE 10e et 9e sous-sections réunies, 29 juin 2011, n° 339147.
290 () CNIL, Rapport d’activité 2013, pp. 73-74.
291 () Délibération n° 2015-414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
292 () Voir la contribution du Conseil supérieur du notariat sur le site internet de la consultation publique.
293 () Délibération n° 2015-414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
294 () Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
295 () Au sens des I (traitements de données à caractère personnel qui intéressent la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique ou qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté) et II (traitements qui portent sur des données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci) de l’article 26 de la loi « Informatique et libertés ».
296 () Pour plus de précisions, voir le rapport d’information (n° 3348, XIVe législature) de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes présenté par Mme Catherine Coutelle sur le projet de loi pour une République numérique, décembre 2015, pp. 91-102.
297 () Circulaire prise en application de l’article 43 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, concernant le régime déclaratif applicable à certains services de communication audiovisuelle.
298 () Cour d’appel de Rouen, chambre sociale, 15 novembre 2011, Mylène E. c. Vaubadis.
299 () Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, considérant 4.
300 () Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, considérant 2.
301 () Le principe du secret des correspondances figure également, depuis 1991, à l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure mais seulement pour les « correspondances émises par la voie des communications électroniques ».
302 () CEDH, 6 septembre 1978, Klass c. Allemagne, n° 5029/71, § 41.
303 () CEDH, 31 mai 2005, Vetter c. France, n° 59842/00, § 20.
304 () Toute prestation de services postaux doit « [g]arantir la confidentialité des envois de correspondance et l’intégrité de leur contenu » (b) et « le secret des correspondances » (b bis).
305 () Au sens du 15° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques.
306 () L’article 32-3 disposait alors, dans sa rédaction résultant de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, que « [l]’exploitant public, les personnes autorisées à établir un réseau ouvert au public et les fournisseurs de services de télécommunications, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances ».
307 () Avis n° 2015-1316 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 12 novembre 2015 relatif au projet de loi pour une République numérique.
308 () L’avant-dernier alinéa du IV de l’article 1er de cette loi définit en effet ces services comme « toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ».
309 () Délibération n° 2015-414 du 19 novembre 2015 portant avis sur un projet de loi pour une République numérique.
310 () Google propose, dans le cadre de son service de messagerie intelligente Inbox, une fonctionnalité baptisée Smart Reply : chaque message entrant sur l’application est analysé par un algorithme pour en comprendre la teneur et, si une réponse est souhaitée, trois réponses sont proposées à l’utilisateur qui peut en valider une.
311 () Voir la carte des SDTAN sur le site de l’ARCEP, http://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/dossiers/collectivites/SDTAN/Carte_SDTAN_au_15_octobre_2014.pdf.
312 () “ Speech Processing, Transmission and Quality Aspects (STQ) ; User related QoS parameter definitions and measurements”
313 () ARCEP, décision n° 2008-1362 du 4 décembre 2008 relative à la publication des mesures d’indicateurs de qualité de service fixe par les opérateurs.
314 () On peut citer à titre d’exemples Sensorly, OpenSignalMaps, RootMetrics, etc. Les utilisateurs individuels peuvent télécharger et installer les applications que ces sociétés proposent, et choisir d’effectuer leurs mesures de manière automatique ou volontaire. L’utilisateur peut également accéder à des cartes reflétant des informations obtenues par les différentes mesures de l’ensemble des utilisateurs.
315 () Voir la page consacrée aux données en « open data » sur le site de l’ARCEP : http://www.arcep.fr/index.php?id=12823.
316 () Directive n° 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation »).
317 () Au sein de l’État, le gestionnaire du domaine public hertzien est un affectataire de bandes de fréquences, c’est-à-dire un département ministériel (ou un établissement qui le représente) ou une autorité administrative indépendante ayant accès à une ou plusieurs bandes de fréquences pour des services spécifiques et pour son propre usage dans le cas d’un département ministériel ou en vue de l’attribution de fréquences à des tiers dans le cas d’une autorité administrative indépendante (ARCEP et CSA).
318 () Décret n° 2013-238 du 22 mars 2013 modifiant le décret n° 2007-1532 du 24 octobre 2007 relatif aux redevances d’utilisation des fréquences radioélectriques dues par les titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences délivrées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui portait de 571 € à 3 231 € par kHz duplex alloué la part fixe de la redevance due au titre de l’usage d’une fréquence libérée de toute restriction.
319 () Joëlle Tolédano, économiste, membre du conseil d’administration de l’Agence nationale des fréquences, professeure des universités et ancien membre du collège de l’ARCEP (2005-2011), s’est vue confier une mission visant à « identifier les leviers organisationnels, institutionnels, législatifs et réglementaires permettant la mise en œuvre d’une politique du spectre plus ouverte et plus simple, susceptible de favoriser l’innovation et la croissance » par Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture. Elle a remis son rapport en mars 2014, intitulé : « Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance », http://www.anfr.fr/fileadmin/mediatheque/documents/organisation/rapport-gestion-dynamique-spectre-2014-06-30.pdf
320 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0514.asp.
321 () Rapport n° 2718 de M. André Chassaigne sur la proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques (n° 2467), http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r2718.asp.
322 () L’article L. 3-2 de ce code dispose que « [t]oute prestation de services postaux est soumise aux règles suivantes : (…) e) mettre en place des procédures simples, transparentes et gratuites de traitement des réclamations et respecter les intérêts des usagers au regard des obligations fixées à l’article L. 7 ». L’article L. 5-7-1 du même code prévoit que « [l]’autorité de régulation des communications électroniques et des postes traite les réclamations des usagers des services postaux qui n’ont pu être satisfaites dans le cadre des procédures mises en place par les prestataires de service postaux autorisés ».
323 () Règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive n° 1999/93/CE.
324 () Avis n° 2015-1316 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 12 novembre 2015 relatif au projet de loi pour une République numérique.
325 () Avis n° 390741 du 3 décembre 2015 du Conseil d’État sur le projet de loi pour une République numérique.
326 () Au sens de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, « [c]onstitue un envoi postal tout objet destiné à être remis à l’adresse indiquée par l’expéditeur sur l’objet lui-même ou sur son conditionnement, y compris sous forme de coordonnées géographiques codées, et présenté dans la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé. Sont notamment considérés comme des envois postaux les livres, les catalogues, les journaux, les périodiques et les colis postaux contenant des marchandises avec ou sans valeur commerciale ».
327 () Réalisés soit par une opération de paiement par carte à distance, soit par un virement ou prélèvement effectué par le biais d’un service bancaire en ligne (le payeur passe par un portail bancaire en ligne pour s’authentifier), soit par un prestataire d’e-paiements auprès duquel le consommateur a ouvert un compte individuel (le compte est alimenté par un mode de paiement traditionnel).
328 () Micropaiement mobile & enablers.
329 () Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE.
330 () Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE.
331 () Rapport (n° 469, XIVe législature) fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (n° 232) par M. Christophe Caresche, décembre 2012, p 56.
332 () Directive 2015/2366/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement n°1093/2010 et abrogeant la directive 2007/64/CE.
333 () Considérant 16 de la directive 2015/2366/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 précitée.
334 () Considérant 16 précité.
335 () Le Monde, Morgane Tual, « Paris Game Week : cinq questions sur l’e–sport », 28 octobre 2015.
336 () Ibid.
337 () Les jeux de stratégie, tel que Civilization, impliquent des parties longues et sont donc moins adaptés aux compétitions d’e–sport, dans lesquelles la plupart des manches se jouent « entre 15 et 40 minutes ». Ibid.
338 () Les principaux MOBA sont: Dota / Dota 2, League of Legends (LoL), Smite, Heroes of the Storm, Heroes of Newerth, Vainglory.
339 () Le Monde, William Audureau, « Que sont les MOBA, ces jeux vidéo compétitifs qui captivent des dizaines de millions de joueurs ? », 1er juin 2015.
340 () Le journaliste William Audureau a montré que « dans l’histoire du jeu vidéo DotA a connu une trajectoire atypique. Création paracommerciale, il a été enrichi pendant plusieurs années par la communauté, à travers les outils de développement fournis par Blizzard, le créateur de Warcraft III, et les idées soumises par les joueurs sur les forums de ce sous–mode. Jusqu’à finir, par un étonnant retournement de situation, par prendre plus d’importance que Warcraft III lui–même »
341 () Ibid.
342 () Les principaux FPS sont : Doom, Quake, Counter-Strike, Call of Duty, Unreal Tournament, Halo, Painkiller, Battlefield, CrossFire, Alliance of Valiant Arms, Special Force II et Overwatch.
343 () Le Monde, William Audureau, « La plateforme de vidéos Twitch expliquée à mes grands–parents », 26 août 2014.
344 () Article 1966 du code civil : « Les jeux propres à exercer au fait des armes, les courses à pied ou à cheval, les courses de chariot, le jeu de paume et autres jeux de même nature qui tiennent à l’adresse et à l’exercice du corps, sont exceptés de la disposition précédente. »
345 () Le droit français prohibait déjà les jeux d’habileté et d’adresse, catégorie sous laquelle les compétitions de jeux vidéo pouvaient être rangées avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014. Cette interdiction résultait alors des dispositions de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition, qui fut modifiée par une loi du 18 avril 1924 afin de tenir en échec une jurisprudence favorable aux personnes proposant des jeux dans lesquels l’habileté et les combinaisons de l’intelligence prédominaient sur le hasard pour l’obtention du gain. Cette modification a permis de sanctionner les jeux dont l’issue repose, « même partiellement », sur le hasard. La Cour de cassation a ainsi pu condamner l’organisateur d’un concours de mots croisés à solutions multiples, alors que la désignation du vainqueur reposait avant tout sur l’intelligence des joueurs (Crim. 29 janv. 1958, Bull. crim. n° 101). Les dispositions pertinentes de la loi du 21 mai 1836 ont été codifiées à droit constant dans le code de la sécurité intérieure, aux articles L. 322-1 et L. 322-2. Il ne s’est donc agi, comme l’a relevé l’ARJEL lors de son audition par votre rapporteur ; « que de dissiper toute ambiguïté sur l’étendue de la prohibition, afin de tenir en échec les manœuvres d’opérateurs soutenant que les jeux de pure adresse ou d’habileté – jeux dont l’existence est juridiquement exclue par l’article 1964 du code civil – échappaient au principe général de prohibition des loteries afin notamment de pouvoir offrir leurs services dans le cadre peu contraignant du droit commun des contrats. »
346 () Comme l’a noté l’ARJEL dans la contribution écrite qu’elle a remise à votre rapporteur lors de son audition : « L’article 220 terdecies institue un crédit d’impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo. Le dispositif, assez complexe, a été complété par un volet règlementaire dans le code du cinéma et de l’image animée (CCIA, art. D. 331-9 et suivants) et commenté par l’administration fiscale (BOI-IS-RICI-10-50-20151104). Sont éligibles au crédit d’impôt les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et respectant la législation sociale et qui, d’une part, assurent la réalisation artistique et technique d’un jeu vidéo et, d’autre part, initient et engagent les dépenses nécessaires à la création de ce jeu vidéo. Les jeux vidéo dont s’agit doivent naturellement répondre à la définition énoncée au II de l’article 220 terdecies. Les jeux vidéo comportant des séquences à caractère pornographique ou de très grande violence susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des joueurs sont exclus. Le jeu doit occasionner un développement supérieur ou égal à 100 000 € et avoir été réalisé principalement avec le concours d’auteurs et de collaborateurs de création qui sont, soit de nationalité française, soit ressortissants de l’Union européenne ou d’un État de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion. Les jeux doivent, de surcroît, contribuer au développement de la création française et européenne ainsi qu’à sa diversité en se distinguant par leur qualité, l’originalité ou le caractère innovant de leur concept et le niveau des dépenses artistiques. Deux agréments, l’un provisoire, l’autre définitif, sont délivrés aux entreprises bénéficiaires par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture. Les jeux vidéo ouvrant droit à un crédit d’impôt présentent donc des traits spécifiques. Il est peu probable, en tout cas, que les jeux d’argent traditionnels proposés en ligne remplissent toutes les conditions évoquées. Par suite, une dérogation à l’interdiction des loteries au profit finalement des seuls jeux vidéo agréés par le CNC aboutirait à en restreindre significativement l’étendue au profit des seules entreprises pouvant justifier de cet agrément. »
347 () Directive européenne 2009/136/CE du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.
348 () o) de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques.
349 () Mesure n° 47 du plan d’action.
350 () L’expérimentation d’un centre relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes : enjeux et avenir, Rapport remis le 16 juillet 2014 et établi par Mme Corinne Erhel, p. 65-69.
351 () L’expérimentation d’un centre relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes : enjeux et avenir, op. cit., p. 9.
352 () Évaluation des besoins des personnes sourdes ou malentendantes en matière d’accessibilité des services téléphoniques, Étude du 1er mars 2010 réalisée par Advention Business Partners pour l’ARCEP, l’AGEFIPH et le FIPHFP.
353 () Avis n° 390741 du 3 décembre 2015 du Conseil d’État sur le projet de loi pour une République numérique.
354 () Voir supra, le c du 1 du présent commentaire.
355 () Avis n° 2015-1316 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 12 novembre 2015 relatif au projet de loi pour une République numérique.
356 () Évaluation des besoins des personnes sourdes ou malentendantes en matière d’accessibilité des services téléphoniques, op. cit.
357 () Installation de la plateforme technique avec l’achat des serveurs et logiciels ; mise en place du service relais avec la formation des opérateurs, l’équipement et l’aménagement des cabines.
358 () Fonctionnement de la plateforme avec les abonnements internet, l’exploitation de la plateforme, la maintenance et la recherche et développement ; fonctionnement du service relais avec les salaires des opérateurs et les frais administratifs et immobiliers.
359 () L’expérimentation d’un centre relais téléphonique pour les personnes sourdes ou malentendantes : enjeux et avenir, op. cit., pp. 42-49.
360 () Consulter l’annuaire.
361 () Évaluation des besoins des personnes sourdes ou malentendantes en matière d’accessibilité des services téléphoniques, op. cit.
362 () Avis n° 390741 du 3 décembre 2015 du Conseil d’État sur le projet de loi pour une République numérique.
363 () Article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.
364 () Web Content Accessibility Guidelines (WCAG 2.0).
365 () Il est consultable ici.
366 () Article 6 du décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 pris en application de l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et créant un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.
367 () Association Braillenet, Ce que les sites Web publics nous disent de leur accessibilité, 27 mai 2014.
368 () Voir la contribution de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes sur le site internet de la consultation publique.
369 () Article 4 du décret n° 2009-546 du 14 mai 2009 précité.
370 () Voir la contribution de Souhard Pascal et la contribution de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes sur le site internet de la consultation publique.
371 () II de l’article L. 1112-2-4 du code des transports.
372 () En application du III de l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée dans sa rédaction résultant du présent article.
373 () Sanctions pécuniaires mentionnées aux articles L. 111-7-10 et L. 111-7-11 du code de la construction et de l’habitation.
374 () Sanctions pécuniaires mentionnées à l’article L. 1112-2-4 du code des transports.
375 () Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, considérant 12.
376 () Voir l’article 1er de la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques.
377 () Voir l’orientation n° 50 du rapport d’information (n° 3560, XIIIe législature) déposé en application de l’article 145 du Règlement par la mission d’information commune sur les droits de l’individu dans la révolution numérique et présenté par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère, juin 2011, pp. 282-283.
378 () Voir la déclaration commune du 28 septembre 2015 de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique de l’Assemblée nationale française et de la Commission sur les droits et devoirs sur internet de la Chambre des députés italienne, § 3.
379 () Rapport (n° 3119, XIVe législature) précité, p. 176.
380 () Rapport du Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, 10 août 2011.
381 () Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, op. cit., p. 92.
382 () Directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »).
383 () Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.
384 () CJUE, 11 juin 2015, Base Company NV et Mobistar NV c. Belgique, n° C-1/14.
385 () Source : site internet du ministère de l’économie et des finances.
386 () Source : site internet de Connexions solidaires.
387 () L’octroi d’une aide ne peut être subordonné à « aucune condition de résidence préalable dans le département » ; il ne peut être subordonné ni à une contribution financière au fonds ou à une participation aux frais de dossier ou d’instruction de la part d’une collectivité territoriale, ni à une contribution financière au fonds ou à un abandon de créance ou à une participation aux frais de dossier ou d’instruction de la part du bailleur, du distributeur d’eau ou d’énergie ou de l’opérateur de services téléphoniques, ni à une participation aux frais de dossier ou d’instruction de la part des personnes ou familles.
388 () Voir le règlement intérieur du Fonds de solidarité pour le logement de l’Essonne.
389 () Voir le règlement intérieur du Fonds de solidarité pour le logement de la Gironde.
390 () Ils s’élèvent à 9 euros mensuels pour le dégroupage de la boucle locale ainsi que, en cas de fermeture de la ligne pour impayé, à 20 euros et, pour sa réactivation, 56 euros.
391 () Avis n° 390741 du 3 décembre 2015 du Conseil d’État sur le projet de loi pour une République numérique.
392 () Décision n° 2015-470 QPC du 29 mai 2015, Société SAUR SAS, considérants 14 à 16.
393 () Ces représentants d’intérêt ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
394 () Ces représentants d’intérêt ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
395 () Ces représentants d’intérêt ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.