N° 3399 - Rapport de M. Luc Belot sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n°3318)




N
° 3399

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 janvier 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 3318) pour une République numérique,

PAR M. Luc BELOT

Député

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Voir les numéros : 3387, 3389, 3391.

SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 13

INTRODUCTION 19

I. LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR : UN LEVIER DE LA POLITIQUE DE MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION, DES ENJEUX ÉCONOMIQUES CONSIDÉRABLES 23

A. UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L’OUVERTURE DES DONNÉES PUBLIQUES 25

1. L’amélioration de l’accès aux documents administratifs (articles 1er, 2, 8, 10 et 11) 26

a. Les échanges d’information entre administrations 26

b. Le droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle 26

c. La mise à jour annuelle du répertoire des documents administratifs 27

2. L’élargissement des obligations de diffusion (articles 4 et 5) 27

3. L’ouverture à la réutilisation des informations publiques des données collectées dans le cadre d’un service public industriel ou commercial (article 6) 30

4. L’ouverture de l’accès à certaines données des délégataires de service public (DSP) et des conventions de subvention (articles 10 et 11) 30

5. Les autres dispositions en matière d’ouverture des données publiques 31

B. LA CRÉATION D’UN SERVICE PUBLIC DE LA DONNÉE, UNE AVANCÉE MAJEURE À CONSOLIDER (article 9) 33

1. La création d’un service public de la donnée, une idée séduisante… 33

2. … qui mérite d’être précisée au cours des débats parlementaires 34

3. Les modifications opérées par votre commission des Lois 34

C. LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE DU SAVOIR ET DE LA CONNAISSANCE 34

1. Une action volontariste en faveur de la diffusion et de la réutilisation libre des travaux et des données de la recherche publique (article 17) 35

2. Une simplification des procédures permettant des appariements de fichiers à des fins statistiques ou de recherche à partir du NIR (article 18) 39

II. LES DROITS DES CITOYENS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE 43

A. LA NEUTRALITÉ DU NET, UN IMPÉRATIF EUROPÉEN AU SERVICE DES USAGERS (article 19) 45

B. LA LOYAUTÉ DES PLATEFORMES, UNE INITIATIVE FRANÇAISE AU BÉNÉFICE DES CONSOMMATEURS (articles 22 à 25) 49

1. Une nouvelle catégorie d’intermédiaires du commerce électronique soumise à une obligation générale de loyauté vis-à-vis des consommateurs (article 22) 51

2. La création d’un dispositif d’autorégulation de la loyauté des principales plateformes en ligne (article 23) 53

3. L’amélioration de l’information du consommateur sur internet 54

C. L’AUTODÉTERMINATION INFORMATIONNELLE, UN PRINCIPE DIRECTEUR QUI DONNE SENS À DES DROITS RENOUVELÉS AU SERVICE DES INDIVIDUS 55

1. Le droit d’auto-héberger ses données (article 20) 55

2. La consécration d’un droit à décider et contrôler les usages de ses données personnelles (article 26) 56

3. La portabilité des données (article 21) 57

4. Une plus grande souveraineté des individus sur les réseaux numériques (articles 31 et 32) 59

a. La minorité de la personne 59

b. Le décès de la personne 60

D. LA CNIL, UN RÉGULATEUR CONFORTÉ ET PLUS CRÉDIBLE (articles 29, 30, 32 et 33) 62

1. Des missions élargies 62

2. Des procédures de sanction plus efficaces 64

E. DES DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE EN LIGNE 65

F. LE RENFORCEMENT DU PRINCIPE ET DE LA PORTÉE DU SECRET DES CORRESPONDANCES (article 34) 66

G. LA FACILITATION DE NOUVEAUX USAGES NUMÉRIQUES (articles 40 et 41) 67

1. Le recommandé électronique 68

2. Les paiements et dons par SMS 69

H. LES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO (article 42) 70

III. UNE SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE PLUS INCLUSIVE 71

A. DÉVELOPPER LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DES TERRITOIRES 72

1. Renforcer l’action des territoires dans le développement du numérique 73

a. Encourager l’élaboration d’une stratégie départementale en faveur des usages et des services numériques (article 35) 73

b. Assouplir les conditions d’association de syndicats mixtes pour réaliser le plan France-Très Haut Débit à l’horizon 2022 (article 36) 74

c. Les autres dispositions en matière de couverture numérique du territoire 75

2. Améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs sur le territoire 76

a. Permettre la réutilisation libre des cartes de couverture numérique des opérateurs mobiles (article 37) 76

b. Calculer les redevances des fréquences dues par les opérateurs en fonction de leur utilisation prévue et réalisée (article 38) 76

c. Garantir la qualité du service téléphonique sur l’ensemble du territoire (article 39) 78

B. AMÉLIORER L’ACCÈS DE TOUS LES CITOYENS AU NUMÉRIQUE 79

1. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un enjeu pour l’égalité des citoyens dans la société numérique (articles 43 et 44) 79

a. L’accessibilité des services numériques aux personnes handicapées, un principe inscrit dans notre droit qui peine à se traduire dans les faits 79

b. Le renforcement de l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet publics 81

i. La mise en accessibilité des services téléphoniques des administrations et des entreprises aux personnes sourdes et malentendantes 81

ii. L’accès à une offre de téléphonie incluant une prestation de traduction à un tarif abordable 81

iii. L’amélioration de l’accès des personnes handicapées aux sites internet publics 82

2. Le maintien de la connexion internet pour les personnes les plus démunies (article 45) 83

a. Internet, un service essentiel dans la vie quotidienne, nécessaire à l’exercice des libertés fondamentales 83

b. La protection de la connexion internet en cas d’impayés 85

CONTRIBUTION DE M. PHILIPPE GOSSELIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI (article 86, alinéa 7, du Règlement) 87

DISCUSSION GÉNÉRALE 91

EXAMEN DES ARTICLES 118

TITRE IER – LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR 119

Chapitre Ier – Économie de la donnée 119

Section 1 : Ouverture de l’accès aux données publiques 119

Avant l’article 1er 119

Article 1er : Échanges de données entre administrations publiques 122

Après l’article 1er 133

Article 1erbis (art. L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration) : Intégration du code source à la liste des documents administratifs 135

Article 1erter (art. L. 311–1 et L. 311–9 du code des relations entre le public et l’administration) : Ajout de la publication aux moyens d’accès aux documents administratifs 137

Article 2 (art. L.311–3–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle 139

Après l’article 2 143

Article 3 (art. L.312–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Mesure de coordination avec le nouveau dispositif sur l’occultation des mentions personnelles et des secrets protégés 144

Article 4 (art. L. 312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l’administration) : Élargissement du champ de diffusion des documents administratifs par l’administration 145

Article 4 bis (art. L. 541-10 du code de l’environnement) : Encouragement des démarches d’open data dans le domaine des déchets 180

Article 5 (art. L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration) : Entrée en vigueur des nouvelles obligations de diffusion – Soumission de la publication des documents au respect des droits de propriété littéraire et artistique 181

Article 6 (art. 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Principe de libre réutilisation des données pour les services publics industriels et commerciaux (SPIC) 182

Après l’article 6 190

Article 7 (art. 11–1 [nouveau] de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Rationalisation du régime de réutilisation des informations publiques 191

Après l’article 7 198

Article 7 bis (art. 15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public 200

Article 8 (art. 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. L. 342–1, L. 342–2, L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration) : Actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique – saisine de la CADA en cas de refus de diffusion d’un document administratif – création d’une procédure simplifiée de réponses aux demandes reçues par la CADA 202

Après l’article 8 206

Article 9 : Création d’un service public de la donnée de référence 208

Après l’article 9 213

Article 9 bis (art. 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Publication par le CSA dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes 215

Article 9 ter : Promotion du logiciel libre 217

Section 2 : Données d’intérêt général 219

Article 10 (art. 40–2 [nouveau] de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. L.1411–3–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Ouverture de données par défaut dans les contrats de délégation de service public (DSP) 219

Article 11 (art. 10 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Ouverture des données des conventions de subventions 228

Article 12 (art. 3 et 3–1 [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Accès de la statistique publique aux bases de données privées 230

Après l’article 12 234

Section 3 : Gouvernance 236

Article 13 (art. 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Composition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) 237

Après l’article 13 238

Article 14 (art. 15 bis : [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Création d’un collège unique CNIL–CADA pour traiter les sujets d’intérêt commun 240

Article 15 (art. 23 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Composition de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) 242

Article 16 (art. 23 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Création d’un collège unique CADA–CNIL pour traiter les sujets d’intérêt commun 243

Après l’article 16 244

Article 16 bis (art. 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal) : Création d’une auto–saisine de la CADA pour la poursuite des réutilisations frauduleuses 245

Article 16 ter : Demande d’un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique 246

Chapitre II – Économie du savoir 249

Avant l’article 17 249

Article 17 (art. L. 533-4 [nouveau] du code de la recherche) : Accès aux travaux de recherche financés par des fonds publics 249

Après l’article 17 276

Article 18 (art. 22, 25, 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Procédure d’accès à certaines données publiques à des fins statistiques par l’intermédiaire du numéro d’inscription au répertoire (NIR) 285

Après l’article 18 293

TITRE II – LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE 299

Chapitre Ier  – Environnement ouvert 299

Section 1 : Neutralité de l’internet 299

Article 19 (art. L. 32-1, L. 32-4, L. 33-1, L.36-8, L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) : Définition du principe de neutralité de l’internet 299

Article 20 (art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Auto-hébergement de ses données 313

Après l’article 20 319

Article 20 bis (nouveau) (art. L. 32-4 et L. 32.5 du code des postes et des communications électroniques) : Modernisation des pouvoirs d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes 321

Article 20 ter (nouveau) (art. L. 125 du code des postes et des communications électroniques) : Extension des compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques aux questions relatives à la neutralité de l’internet 327

Après l’article 20 ter 328

Article 20 quater (nouveau) (art. L. 2, L. 2-2, L. 33-2, L. 33-4, L. 34, L. 35-1 à L. 35-4, L. 44, L. 125, L. 131 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques) : Modification du nom de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques 329

Article 20 quinquies (nouveau) (art. L. 130 du code des postes et des communications électroniques) : Statut de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes 330

Article 20 sexies (nouveau) (art. 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) : Clarification des termes de l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique 332

Section 2 : Portabilité et récupération des données 333

Article 21 (art. L–121–120, L. 121–121, L. 121–122, L. 121–123, L. 121–124, L. 121-125 [nouveaux] du code de la consommation) : Récupération et portabilité des données 333

Section 3 : Loyauté des plateformes 354

Article 22 (art. L. 111-5-1 du code de la consommation) : Principe de loyauté vis-à-vis des consommateurs 354

Article 23 (art. L. 111-5-2 [nouveau] du code de la consommation) : Autorégulation des principaux opérateurs de plateforme en ligne 383

Après l’article 23 388

Avant l’article 24 388

Article 24 (art L. 111-5-3 [nouveau] et L. 111-6-1 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les avis en ligne 389

Après l’article 24 394

Article 25 (art. L. 121-83 du code de la consommation) : Information des consommateurs sur les débits de connexion 398

Après l’article 25 405

Chapitre II – Protection de la vie privée en ligne 409

Section 1 : Protection des données à caractère personnel 409

Avant l’article 26 409

Article 26 (art. 5 bis [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Droit à la libre disposition de ses données personnelles 412

Article 26 bis (art. 11 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL 420

Après l’article 26 bis 421

Article 26 ter (art. 31 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Publication dans un format ouvert et réutilisable de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration 421

Après l’article 26 ter 422

Article 27 (art. 32 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Information sur la durée de conservation des données personnelles 422

Article 28 (art. 43–1 [nouveau] de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 4 de l’ordonnance n° 2005–1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives) : Exercice en ligne des droits relatifs aux données personnelles 425

Article 29 (art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Élargissement des missions de la CNIL 427

Article 29 bis (art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Publicité des avis de la CNIL sur tout projet de décret 439

Après l’article 29 bis 441

Article 30 (art. 37-1 [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Certification par la CNIL de processus d’anonymisation des données à caractère personnel 441

Article 30 bis (art. L. 135 du code des postes et des communications électroniques et art. 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Coopération croisée entre la CNIL et l’ARCEP 445

Article 31 (art. 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Conservation des données personnelles après la mort de l’intéressé 447

Avant l’article 32 447

Article 32 (art. 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Droit à l’effacement accéléré des données personnelles pour les mineurs et devenir des données personnelles après le décès de la personne 448

Article 33 (art. 45 et 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Renforcement des procédures et pouvoirs de sanction de la CNIL 470

Après l’article 33 477

Article 33 bis (nouveau) (art. 49 bis [nouveau] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Coopération entre la CNIL et d’autres autorités de protection des données d’États non-membres de l’Union européenne 481

Après l’article 33 bis 482

Article 33 ter (nouveau) (art. 2-24 [nouveau] du code de procédure pénale) : Possibilité pour les associations de protection des données personnelles ou de la vie privée de se constituer partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques 486

Après l’article 33 ter 489

Article 33 quater (nouveau) (art. 226-1 du code pénal) : Répression pénale de la diffusion non désirée d’images ou vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique ») 491

Section 2 : Confidentialité des correspondances électroniques privées 494

Avant l’article 34 494

Article 34 (art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques) : Renforcement du secret des correspondances et interdiction des traitements automatisés d’analyse de leur contenu 494

Après l’article 34 509

TITRE III – L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE 511

Chapitre Ier  – Numérique et territoires 511

Section 1 : Compétences et organisation 511

Avant l’article 35 511

Article 35 (art. L. 1425-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Stratégie numérique des collectivités 515

Article 36 (art. L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales) : Regroupement de syndicats mixtes ouverts 520

Section 2 : Couverture numérique 531

Article 37 A (nouveau) (art. L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales) :  Éligibilité des dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée 531

Avant l’article 37 B 532

Article 37 B (nouveau) (art. L. 48 du code des postes et des communications électroniques) : Rétablissement de la servitude des réseaux déployés en façades et sur les murs d’immeubles 533

Article 37 C (nouveau) (art. 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Simplification de la mise en œuvre du droit à la fibre optique 534

Article 37 (art. L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques) : Mise à disposition du public des cartes de couverture du territoire des opérateurs mobiles 535

Article 37 bis (nouveau) (art. 52-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) : Établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par les zones blanches 543

Après l’article 37 bis 545

Article 38 (art. L. 2124-26 du code général des collectivités territoriales) : Principe de calcul des redevances d’usage des fréquences 546

Après l’article 38 551

Article 39 (art. L. 35, L. 35-7, L. 36-11 et L. 50 du code des postes et des communications électroniques) : Qualité du service téléphonique 552

Après l’article 39 561

Chapitre II – Facilitation des usages 562

Section 1 : Recommandé électronique 562

Article 40 A (nouveau) (art. L. 121-47 du code de la consommation et art. 145 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation) : Modalités de blocage des services téléphoniques surtaxés 562

Article 40 (art. L. 36-11 et L. 100 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques) : Encadrement des exigences applicables au recommandé électronique 564

Section 2 : Paiement par SMS 573

Article 41 (art. L. 311-4, L. 521-3, L. 521-3-1 [nouveau], L. 525-6 et L. 525-6-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Paiement ou don par SMS 573

Section 3 : Compétitions de jeux vidéo 585

Article 42 : Compétitions de jeux vidéo 585

Après l’article 42 596

Chapitre III – accès des publics fragiles au numérique 597

Section 1 : Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques 597

Article 43 (art. 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, art. L. 113-5 du code de la consommation et art. L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques) : Accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques 597

Section 2 : Accès des personnes handicapées aux sites internet publics 613

Article 44 (art. 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et art. L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation) : Renforcement du contrôle et des sanctions en matière d’accès des personnes handicapées aux sites internet publics 613

Après l’article 44 621

Section 3 : Maintien de la connexion à internet 622

Article 45 (art. L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et art. 6 et 6-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement) : Maintien temporaire de la connexion à internet en cas d’impayés 622

Après l’article 45 632

TITRE IV – DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER 633

Article 46 : Mentions expresses d’application des dispositions du projet de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises 633

Article 47 (art. L. 116-2 [nouveau] et L. 123-1 du code de la consommation, art. L. 545-1, L. 546-1 et L. 547-1 du code de la recherche, art. L. 552-8, L. 552-15, L. 553-2, L. 562-8, L. 562-16, L. 563-2, L. 574-1 et L. 574-5 du code des relations entre le public et l’administration et art. L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques) : Application des dispositions des codes modifiés par le présent projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna 635

Article 48 (art. 59 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. 41-1 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et art. 41 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Application des dispositions des lois modifiées par le présent projet de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna 636

Titre 637

TABLEAU COMPARATIF 639

PRÉSENTATION DES OBSERVATIONS SUR LES DOCUMENTS RENDANT COMPTE DE L’ÉTUDE D’IMPACT (article 86, alinéa 9, du Règlement) 851

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 853

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Lors de ses réunions des mercredi 13 et jeudi 14 janvier 2016, la commission des Lois a apporté au projet de loi pour une République numérique les principales modifications présentées ci-après.

• En matière d’ouverture des données publiques :

—  À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a consacré à l’article 1er un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public ;

––  Sur proposition de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 1erbis – complétant la liste des documents administratifs mentionnée dans le code des relations entre le public et l’administration par les « codes source » ;

––  À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 1erter – ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication ;

––  Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations aux nouvelles obligations de publication, votre Commission a adopté un amendement à l’article 4 de M. Philippe Gosselin, avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal ;

––  À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a précisé à l’article 9 que les données de référence constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ;

––  À l’initiative du Gouvernement et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 7 bis – consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public ;

––  Sur proposition de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 9 bis – visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dans un format ouvert et aisément réutilisable, du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes ;

––  À l’initiative de Mme Delphine Batho et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un article additionnel – article 9 ter – disposant que les administrations encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique ;

––  À l’article 10, la Commission a adopté plusieurs amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire, à s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration, à préciser que l’exemption de l’obligation de fournir les données essentielles en open data peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution, qu’elle peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations et qu’elle doit être fondée sur des motifs d’intérêt général ;

––  À l’initiative de M. Sergio Coronado et suivant l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel
– article 16 bis – reconnaissant à la Commission d’accès aux documents administratifs une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques ;

––  À l’initiative de Mme Delphine Batho et suivant l’avis favorable du Gouvernement mais défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un article additionnel – article 16 ter – demandant au Gouvernement, la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.

• En faveur du développement de l’économie du savoir et de la connaissance :

––  À l’initiative de M. Emeric Bréhier, rapporteur au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et après avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté trois amendements à l’article 17 relatif à l’open access en matière de recherche. Le premier, adopté après un avis de sagesse du Gouvernement, vise à s’assurer que les publications nées d’une recherche financée principalement sur fonds publics seront rendues gratuitement accessibles par voie numérique dans un format ouvert. Le deuxième permet aux chercheurs de mettre à disposition du public toutes les versions successives de leur manuscrit jusqu’à la version finale acceptée pour publication. Le troisième autorise le ministère de la recherche à fixer par arrêté un délai d’embargo inférieur à ceux de six et douze mois prévus pour certaines disciplines ;

––  À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements à l’article 18 relatif à l’utilisation du NIR à des fins statistiques ou de recherche précisant notamment que seul le service de la statistique publique aura connaissance du code non signifiant et pourra l’utiliser pour garantir davantage de sécurité ; que les opérations visant à chiffrer le NIR devront obéir au même régime de déclaration simplifiée ou d’autorisation simplifiée que le traitement de données auquel elles se rapportent afin de rendre le dispositif opérationnel ; que la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État est maintenue lorsque les chercheurs souhaitent réaliser des traitements comportant des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 et à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978.

• Pour assurer le respect de la neutralité de l’internet :

La commission des Lois a adopté plusieurs articles additionnels après l’article 19 visant à moderniser le statut de l’ARCEP et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques dont :

– l’article 20 bis, introduit à l’initiative de votre rapporteur avec le soutien du Gouvernement, qui adapte les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de l’ARCEP pour conforter l’effectivité de son contrôle et renforcer les garanties procédurales des personnes contrôlées ;

– l’article 20 ter, introduit à l’initiative de votre rapporteur à la suite d’un avis de sagesse du Gouvernement, qui étend les compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) aux questions relatives à la neutralité de l’internet tandis que l’article 20 quater, introduit à l’initiative de M. Lionel Tardy, renomme la CSSPPCE, « Commission parlementaire du numérique et des postes » ;

– l’article 20 quinquies, introduit à l’initiative de votre rapporteur malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui consacre dans la loi le fait que l’ARCEP est une autorité administrative indépendante et qu’elle respecte le principe de parité au sein de son collège.

• Pour garantir le droit à la portabilité des données :

––  À l’article 21, la Commission a adopté un amendement de la commission des Affaires économiques, clarifiant les conditions permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de pouvoir gratuitement continuer à bénéficier des services d’envoi et de réception des mails pendant une durée de six mois. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement. Elle a également adopté, avec le soutien de votre rapporteur, un amendement du Gouvernement, abaissant de douze à six mois le seuil réglementaire d’application du présent article.

• S’agissant de la régulation des plateformes en ligne et de l’information des consommateurs :

––  À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la Commission a précisé la définition des opérateurs de plateforme en ligne à l’article 22 ;

––  Au même article, à l’initiative de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement circonscrivant le champ des informations à donner au consommateur au titre de l’obligation générale de loyauté des opérateurs de plateforme en ligne et précisant les modalités de diffusion de ces informations dans les conditions générales d’utilisation ;

––  À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 23 pour assurer un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et intervention de la DGCCRF et autoriser, à titre expérimental, l’installation d’une plateforme d’échange citoyen et de recueil d’avis sur les pratiques des plateformes en ligne ;

––  À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a complété l’article 24 pour permettre aux consommateurs de connaître les motifs qui conduisent à la non publication de leur avis et aux entreprises de signaler, par l’intermédiaire d’une fonctionnalité gratuite en ligne, les avis abusifs qui sont de nature à gêner leur activité, sous réserve d’être expressément motivés ;

––  À l’initiative de Mme Marietta Karamanli, la commission des Lois a réécrit l’article 25 pour prévoir un renvoi complet à l’ensemble des explications précontractuelles prévues par l’article 4) 1) d) du règlement MUCE.

• S’agissant du droit à disposer librement de ses données personnelles :

––  À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la Commission a adopté un amendement modifiant l’insertion de l’article 26 au sein de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en le déplaçant à l’article premier de la loi « Informatique et libertés » ;

––  À l’article 32, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, prévoyant l’intransmissibilité des droits « Informatique et libertés » aux héritiers du défunt lorsque ce dernier n’a pas laissé de directive quant au devenir de ses données après sa mort. Toutefois, les héritiers pourront demander à tout responsable du traitement qu’il soit tenu compte du décès de la personne (maintien du droit existant) ; par ailleurs, ils ne pourront accéder à ses données que lorsqu’elles sont « nécessaires à la liquidation et au partage de la succession ».

• Pour renforcer le rôle de la CNIL en matière de protection des données personnelles :

––  À l’article 29, la Commission a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, offrant la faculté pour le président d’une assemblée de saisir la CNIL sur une proposition de loi et précisant, de manière plus générale, la procédure applicable aux avis de la CNIL sur tout texte ;

––  Sur proposition de M. Sergio Coronado et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a décidé de systématiser la publicité des avis rendus par la CNIL sur tout projet de loi (article 29), de décret ou d’arrêté (article 29 bis) ;

––  À l’initiative de M. Sergio Coronado, la Commission a adopté deux amendements portant article additionnel, l’un permettant à l’ARCEP et à la CNIL de se saisir mutuellement pour avis sur toute question relevant de leurs compétences respectives (article 30 bis), l’autre instaurant un mécanisme de coopération entre la CNIL et ses homologues d’un autre État non-membre de l’Union européenne (article 33 bis).

• Pour renforcer la protection de la vie privée en ligne :

––  Sur proposition de M. Sergio Coronado et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un nouvel article habilitant toute association de protection des données personnelles régulièrement déclarée depuis au moins deux ans à exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne résultant des traitements informatiques (article 33 ter) ;

––  Contre l’avis de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a décidé, au sein d’un nouvel article 33 quater, de renforcer la répression des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique »).

• Pour améliorer la couverture numérique du territoire :

––  À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a simplifié l’article 35 décrivant le volet « services et usages numériques » du SDTAN ;

––  À l’initiative de Mme Marianne Chapdelaine et des autres membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la Commission a réécrit l’article 36 pour encadrer plus étroitement la période pendant laquelle des syndicats mixtes ouverts peuvent être constitués avec d’autres syndicats mixtes ouverts, en fixant la limite de ce dispositif au 31 décembre 2019.

La commission des Lois a également adopté plusieurs articles additionnels dont :

– l’article 37 A, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rend les dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile sur la période 2015-2022 éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

– l’article 37 B, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rétablit la servitude de passage sur les façades et les murs d’immeubles au bénéfice de tous les opérateurs pour pouvoir accrocher les câbles de fibre optique en suivant le cheminement des câbles existants en façade ou poser de nouveaux systèmes d’accroche ;

– l’article 37 C, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui interdit au propriétaire d’un immeuble à usage mixte ou à la copropriété de s’opposer, sauf motif sérieux et légitime, à l’installation de la fibre optique dans les parties communes de l’immeuble lorsque les infrastructures d’accueil disponibles le permettent dès lors que l’occupant d’un logement a souhaité mettre en œuvre sont « droit à la fibre » ;

– l’article 37 bis, introduit à l’initiative de M. Patrice Martin-Lalande, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui autorise l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

• Concernant les compétitions de jeux vidéos :

––  À l’initiative de votre rapporteur, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Emeric Bréhier et contre l’avis du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article 42 permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, sans recourir à l’ordonnance.

• Pour améliorer l’accès des publics fragiles au numérique :

––  À l’article 43, sur proposition de la commission des Affaires économiques et de la commission des Affaires sociales et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a précisé la nature du « service de traduction simultanée écrite ou visuelle » pour l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, en particulier en matière de respect de la confidentialité des conversations, de qualité du service proposé ou de suivi de l’application de ces dispositions ;

––  À l’article 44, sur proposition de ces deux mêmes commissions, et avec le soutien de votre rapporteur et du Gouvernement, La Commission a enrichi les conditions de la mise en accessibilité des sites internet publics.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En 2004, le Parlement a adopté une loi pour la confiance dans l’économie numérique (1). À l’époque, 10 % de l’humanité, soit 500 millions de personnes, utilisaient internet au travail, à domicile ou dans des lieux publics, et le nombre des internautes s’accroissait au rythme de 120 à 140 millions par an dans le monde. Près de 160 millions d’ordinateurs étaient raccordés à internet. Les échanges inter-entreprises sous forme de commerce électronique (business to businessB to B) représentaient plus de 2000 milliards d’euros en 2002.

Dix ans après, internet est devenu incontournable dans le monde entier. Selon l’agence We Are Social, on dénombre un peu plus de 3 milliards d’internautes en 2015, soit 42 % de la population, dont 2 milliards sont inscrits sur les réseaux sociaux, soit 68 % des internautes. Le taux de pénétration d’internet dans le monde est variable mais croissant : 81 % en Amérique du Nord (86 % au Canada, 80 % aux États-Unis), 78 % en Europe de l’Ouest (83 % en France), 18 % en Afrique et 12 % en Asie du Sud. On décompte 8 nouveaux utilisateurs d’internet chaque seconde dans le monde et 822 240 nouveaux sites internet sont mis en ligne quotidiennement.

Selon les estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), en 2013, la valeur du commerce électronique d’entreprises à entreprises a dépassé 15 000 milliards de dollars dans le monde. Les transactions en ligne effectuées, par ordre d’importance, aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Chine représentaient plus des trois quarts de ce montant. Au cours des dix dernières années, le rôle du commerce électronique s’est fortement accru. Aux États-Unis, par exemple, la part de ce commerce dans le chiffre d’affaires total du secteur manufacturier est passée de 19 % en 2002 à 50 % en 2012. En 2013, le montant du commerce électronique d’entreprise à consommateur (business to consumerB to C) a été estimé à 1 200 milliards de dollars dans le monde. Même si ces transactions sont beaucoup plus modestes que les transactions d’entreprises à entreprises, elles augmentent rapidement.

Les Français sont des grands utilisateurs d’internet (83 % de la population). Ils sont désormais nombreux à utiliser internet sur plus d’un support. En janvier 2015, 34,6 millions de Français se sont connectés à internet depuis deux ou trois supports différents, ce qui représente 78 % de la population française globale. Selon les chiffres de la Fédération française de la vente à distance (FEVAD), le commerce en ligne se porte bien : il représente 56,8 milliards d’euros en 2014, soit plus que le secteur automobile. Le secteur a progressé de 11,5 % par rapport à l’an passé alors que le commerce traditionnel gagnait, lui, seulement 1,1 %. Les internautes sont d’ailleurs plus nombreux à réaliser des transactions depuis un mobile. Au premier trimestre 2015, ils étaient six millions de mobinautes. En dix ans, le secteur du commerce électronique aura créé plus de 112 000 emplois directs salariés selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), soit en moyenne plus de 10 000 créations d’emplois nettes par an.

Comme le montrent ces différents chiffres, la société française s’est donc considérablement transformée, sous l’influence d’internet, depuis dix ans. Il paraît désormais urgent d’établir un cadre juridique permettant de garantir la confiance des Français dans la société numérique.

Le présent projet de loi, déposé le 9 décembre 2015 sur le Bureau de l’Assemblée nationale et sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, comporte quatre parties. Il vise à construire une République numérique au service des citoyens.

La première partie concerne la circulation des données et du savoir. Y figurent des mesures relatives à l’économie de la donnée, avec en particulier l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée. Pionnière, avec le minitel, dans l’utilisation des services télématiques, la France a su prendre tôt le tournant du numérique : l’un des premiers sites internet officiel d’un ministère date de 1995 (2). Le mouvement n’a depuis cessé de s’amplifier, rendant plus accessible aux citoyens et aux entrepreneurs une information toujours plus étendue. Cependant, en dépit des progrès enregistrés, des lacunes persistent, la qualité, l’exhaustivité ou la facilité d’accès aux informations pertinentes n’étant pas toujours assurées. Le projet de loi, notamment par l’élargissement des obligations de diffusion des documents administratifs, permet de remédier à ces écueils.

Un chapitre de cette partie est également consacré à l’économie du savoir et de la connaissance. Il prévoit, notamment, la possibilité pour les chercheurs de publier librement les articles scientifiques dont ils sont les auteurs dans un délai de six à douze mois et la reconnaissance légale de la libre réutilisation des données de la recherche publique.

La deuxième partie concerne la protection des citoyens dans la société numérique. Elle comprend, d’une part, des dispositions garantissant un environnement numérique ouvert – neutralité de l’accès à internet, loyauté des plateformes, portabilité des données – et, d’autre part, des mesures en faveur de la protection de la vie privée en ligne, notamment la reconnaissance d’un droit « chapeau » à disposer librement de ses données personnelles, donnant sens à d’autres droits, par exemple dans la gestion des données en cas de décès ou en matière de confidentialité des correspondances privées.

La troisième partie est consacrée à l’accès de tous au numérique. Elle encourage l’action des territoires dans le développement du numérique, renforce les obligations des opérateurs en matière de couverture mobile, favorise de nouveaux usages comme le recommandé électronique et le paiement par SMS, facilite l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites internet et instaure un droit au maintien de la connexion pour les personnes les plus fragiles.

Une quatrième partie procède aux adaptations nécessaires pour l’application du projet de loi aux collectivités d’outre–mer.

Construire la confiance dans la République numérique est un objectif ambitieux. Les pouvoirs publics ont témoigné de leur engagement d’agir dans ce sens en rendant les modalités d’élaboration du présent projet de loi aussi transparentes et interactives que possible.

Une concertation a d’abord été menée par le Conseil national du numérique, entre octobre 2014 et février 2015, conduisant à plus de 4 000 contributions qui ont inspiré la stratégie numérique du Gouvernement présentée le 18 juin dernier. En parallèle, au sein même de notre Assemblée, une Commission ad hoc de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, coprésidée par M. Christian Paul, député, et Mme Christiane Féral-Schuhl, avocate et ancienne bâtonnière de Paris, et réunissant autant de députés que de personnalités qualifiées d’horizons divers (informaticiens, universitaires, juristes, journaliste…), a formulé 100 recommandations (3) tendant à constituer une doctrine pour le législateur en matière numérique.

Une consultation publique a été organisée du 26 septembre au 18 octobre 2015, afin que le projet de loi soit commenté en ligne et que des propositions de modifications puissent être suggérées. Ce processus a rassemblé des citoyens, des communautés, des associations, des entreprises et des organisations professionnelles, qui se sont mobilisées sur une ou plusieurs thématiques particulières. En l’espace de trois semaines, près de 21 000 participants ont publié 8 500 contributions. À l’issue de cet exercice, le Gouvernement a retenu cinq nouveaux articles « d’inspiration citoyenne » dans son projet et a intégré près de 90 modifications.

Enfin, plusieurs autorités administratives indépendantes et commissions directement concernées par les dispositions du projet de loi ont été saisies pour avis par le Gouvernement, en particulier l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil national du numérique (CNNum). Le Défenseur des droits à également rendu un avis sur plusieurs dispositions contenues dans ce texte.

Dans un même souci de transparence, certains de ces avis ont été rendus publics, à l’instar de celui de l’ARCEP (4), du CNNum (5) et du Défenseur des droits (6). L’avis de la CNIL (7) , quant à lui, a été publié à l’initiative du président de la commission des Lois de notre assemblée, M. Jean-Jacques Urvoas, qui a fait usage de la faculté que lui reconnaît à cet effet l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

L’Assemblée nationale dispose désormais des outils nécessaires pour fixer un cadre législatif propice aux ambitions avancées. L’intérêt que suscite ce projet de loi se traduit par une forte mobilisation : outre la commission des Lois, compétente au fond, les commissions des Affaires culturelles, des Affaires économiques et des Affaires sociales se sont saisies pour avis. La commission des Affaires européennes et la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont consacré au projet de loi un rapport d’information concluant sur un certain nombre de recommandations.

Le défi est considérable : répondre aux évolutions en cours du fait du numérique et de ses usages conditionne l’avenir de l’ensemble de notre société.

Les « données » représentent aujourd’hui un actif stratégique dans la transformation numérique de la société et de l’économie. L’ouverture et la diffusion des données de l’administration publique et de la recherche majoritairement financée par fonds publics offrent des opportunités considérables de création de valeurs et de nouveaux usages, dont la France doit se saisir.

C’est la raison pour laquelle le chapitre Ier de la première partie du projet de loi propose d’améliorer la circulation des données émanant des administrations publiques à travers la généralisation de la mise à disposition de tous des données publiques pour une libre réutilisation (A) et la création d’un service public de la donnée (B).

Le second chapitre de la première partie s’intéresse plus particulièrement à l’économie du savoir et de la connaissance (C). Il propose de favoriser la diffusion et la réutilisation des travaux et des données de la recherche lorsqu’elle est majoritairement financée par des fonds publics et de simplifier les procédures permettant des appariements de données à des fins statistiques ou de recherche publique à partir de données personnelles, telles que le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale.

LES GRANDS CONCEPTS

– « Données ouvertes » ou (« open data » en anglais) : mise à la disposition de tous de données (numériques) pour une libre utilisation. L’ouverture s’oppose en principe à toute restriction quant à la réutilisation : pas de droit d’auteur (copyright) ni de redevance, hormis, éventuellement, les frais de mise à disposition ; pas de DRM (gestion de droits), idéalement des formats ouverts. L’open data suppose à la fois une mise à disposition physique des fichiers de données (serveur web) et une licence ouverte fixant les droits de réutilisation. Il s’agit en principe de données adaptées aux traitements automatiques et non pas nécessairement de documents lisibles par l’homme.

– Accès aux documents administratifs / réutilisation des informations publiques : droit pour toute personne d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration, sous réserve de secrets protégés (défense nationale…). La réutilisation s’entend comme l’utilisation d’informations à des fins étrangères au but en vue duquel elles ont été produites.

– Libre accès aux travaux et aux données de la recherche (ou « open access » en anglais) : possibilité d’accéder librement aux travaux de la recherche et mise à disposition des données de la recherche pour permettre leur réutilisation libre. Ce libre accès s’oppose au modèle traditionnel de publication des travaux de recherche fondé sur le transfert des droits d’auteur du chercheur à l’éditeur qui fait payer un abonnement pour pouvoir accéder à la revue dans laquelle l’article est publié et qui peut limiter la réutilisation de l’article et des données issues de cette recherche. On distingue deux modèles de libre accès. Le premier, appelé la voie dorée (ou « open access gold » en anglais) permet la publication immédiate en accès libre et gratuit à tous, sous format numérique, des travaux de recherche. La voie dorée implique que l’auteur-chercheur ou l’institution à laquelle il appartient paie les « coûts de libération » de l’article à l’éditeur dès sa parution. Le second, appelé la « voie verte » (ou « open access green »), offre aux auteurs la possibilité de déposer leur article, dans une archive ouverte, pendant leur période de soumission à une revue, ou en période probatoire avant publication (« preprints »), ou encore une fois publiées (« postprints »), en respectant éventuellement un « délai d’embargo » imposé par l’éditeur dans le contrat signé avec l’auteur. Dans cette hypothèse, l’auteur négocie avec l’éditeur une licence pour autoriser le dépôt et, éventuellement, la mise à disposition de son article en ligne, sous certaines conditions (8).

– « Appariements de données » : l’appariement de données permet aux services de la statistique publique et aux chercheurs de croiser des données issues de corpus différents pour expliquer un même phénomène. C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit d’étudier les liens entre les revenus salariaux et les revenus de remplacement (chômage, indemnités journalières d’assurance maladie, retraites) pour mieux comprendre la récurrence du chômage.

LES ENJEUX

– Transparence démocratique : en octroyant à chacun la possibilité de consulter les données relatives à l’action de l’administration et les informations sur lesquelles elle fonde sa décision, l’open data est un outil essentiel pour améliorer le fonctionnement de notre démocratie, par la transparence, la concertation et l’ouverture à de nouveaux points de vue, et renforcer ainsi l’efficacité de l’action publique.

– Efficacité économique : la mise à disposition libre et gratuite des informations publiques permet une meilleure utilisation, grâce à la réduction des coûts de transaction, par les acteurs publics et privés, des ressources disponibles.

– Création de valeur : le libre accès aux documents administratifs ou aux travaux et données de la recherche publique ouvre la possibilité d’exploiter ces données à titre commercial et ainsi créer de la richesse au niveau national.

– Amélioration de la diffusion des connaissances et du savoir : la mise en accès ouvert de publications et la libre réutilisation des données de la recherche favorisent le partage des connaissances et des découvertes, anciennes et récentes, au sein de la communauté́ scientifique. Elle encourage les collaborations et l’interdisciplinarité́, limite la duplication des efforts de recherche, contribue à l’amélioration générale de la qualité́ des travaux. Elle ouvre également la voie à une meilleure prise en compte des attentes de la société́ civile, favorisant une recherche et une innovation responsables. Elle profite enfin aux entreprises qui cherchent à innover, en particulier aux petites et moyennes entreprises qui n’ont pas les capacités d’investir dans la recherche et développement.

Chacun connaît l’antienne selon laquelle « l’information est le pouvoir ». Cette philosophie a longtemps perduré dans l’administration française. Dans son avis relatif à l’ouverture des données publiques, le Conseil national du numérique (CNNum) a toutefois relevé que « l’ouverture des données publiques n’est [...] pas une fin en soi, mais un moyen de créer de nouveaux services pour les citoyens, d’améliorer le fonctionnement des administrations et de répondre à l’exigence démocratique de transparence de la puissance publique » (9).

Au niveau international, la France a participé activement à l’adoption de la « charte du G8 sur l’ouverture des données publiques » du 18 juin 2013, qui énonce un principe « d’ouverture par défaut » des données publiques, affirme le principe de gratuité de leur réutilisation et encourage l’utilisation de formats ouverts et non-propriétaires.

L’action de la France en matière d’open data est saluée internationalement. Notre pays a ainsi été classé en décembre 2014 à la 3e place mondiale pour l’open data, selon un classement établi par une association internationale indépendante (10), alors qu’il n’était qu’à la 16e position dans le précédent classement. Cette progression s’explique par la mise à disposition des bases LEGI (textes législatifs) par la direction de l’information légale et administrative (DILA), le passage en licence ouverte de certaines données de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la fourniture de l’ensemble des résultats électoraux en un point unique par le ministère de l’Intérieur ou encore la mise à disposition par La Poste de la base nationale officielle des codes postaux.

La France a par ailleurs adhéré au partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO ou Open Government Partnership), lancé en 2011 et qui compte actuellement 65 pays membres, ainsi que des organisations non gouvernementales et des représentants de la société civile.

Le PGO vise à promouvoir la transparence de l’action publique et la gouvernance ouverte, à améliorer la participation citoyenne à l’élaboration des politiques publiques, à renforcer l’intégrité publique et à combattre la corruption, grâce notamment aux nouvelles technologies et au numérique. La France a été choisie, en avril 2015, par ses partenaires membres du comité directeur pour présider l’organisation à partir de l’automne 2016, pour un an. Elle a présenté un plan d’action national (2015-2017), intitulé « Pour une action publique transparente et collaborative », dans lequel elle prend une série d’engagements à ce titre.

Les administrations au sens large (11) sont de fortes consommatrices de données publiques dans l’exercice de leurs missions de service public. L’article 1ercrée un régime dédié de droit d’accès aux documents administratifs à leur bénéfice. Il prévoit que les administrations communiquent les documents administratifs qu’elles détiennent aux administrations qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public. Ce faisant, il donne aux administrations, pour reprendre les termes employés par la CADA dans son avis sur le présent projet de loi, « un droit d’accès (…) aussi large que celui qui est ouvert à toute autre personne. » (12) Ce dispositif connaît une traduction opérationnelle : le programme « Dites-le nous une fois » est un levier de simplification, permettant de lutter contre la redondance de production des pièces justificatives des usagers.

À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements permettant de donner leur pleine mesure aux nouvelles dispositions introduites à l’article 1erdu présent projet de loi, en consacrant un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public.

De nombreuses décisions individuelles, telles que l’affectation des lycéens dans des filières d’enseignement supérieur via le logiciel « admission post –bac », font intervenir des algorithmes informatiques, dont les règles sont malaisées à comprendre pour un citoyen non spécialiste.

L’article 2 a été introduit suite à la proposition de plusieurs contributeurs individuels lors de la consultation ouverte aux internautes dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Il crée un droit d’accès aux règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations publiques et aux principales caractéristiques de leur mise en œuvre, quand ceux –ci débouchent sur des décisions individuelles. Cette nouvelle obligation de transparence permettra que s’engage à ce propos une discussion publique.

L’accès aux documents administratifs est souvent malaisé : les administrés peinent à identifier le document pertinent et le service qui le détient. Aux termes de l’article 17 de la loi n° 78 –753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal (dite « loi CADA »), les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques doivent tenir à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent.

Pourtant, l’identification des informations recherchées est souvent difficile en raison de leur caractère lacunaire et de leur qualité inégale, qui sont eux-mêmes liés à la tardiveté des mises à jour, à une certaine instabilité méthodologique ou à la grande technicité des données. L’I de l’article 8 consacre le principe d’une mise à jour annuelle du répertoire. Cela permettra a minima une actualisation plus régulière de son contenu, permettant d’inclure les informations publiques produites ou reçues par l’administration.

Démarche transversale par nature, l’open data s’accommode mal de l’organisation administrative traditionnelle dite « en silos », qui segmente les services en domaines d’activité disjoints. Les informations communiquées ou publiées peuvent être réutilisées mais l’administration n’a pas l’obligation de les publier, ni a fortiori, de les produire sous des formats ouverts. La stabilité du nombre des avis de la CADA (5 000 par an), alors que le contexte juridique est largement clarifié, montre que les administrations tardent à procéder à la communication des documents demandés, quand elles n’en réduisent pas la portée.

L’article 4 modifie la « loi CADA », partiellement codifiée au code des relations entre le public et l’administration, afin de favoriser la diffusion des données publiques.

La législation actuelle distingue trois cas, soumis chacun à des conditions de mise en œuvre différentes : la communication, la publication et la réutilisation. L’article 4 vise à uniformiser ces conditions, de sorte que tout document communicable puisse, sous réserve des exceptions légales, faire l’objet d’une publication et d’une libre réutilisation.

Surtout, il accroît fortement les obligations pesant sur les administrations en termes de publication afin de passer d’une logique de demande d’accès par les personnes privées à une logique d’offre par les administrations. Le I de l’article 4 crée un nouvel article L. 312 –1–1, dont le premier alinéa dispose que les administrations rendent publics en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable certains documents :

– les documents que les administrations sont amenées à communiquer actuellement dans le cadre de la procédure du droit d’accès ;

– les documents qui figurent dans le répertoire des informations produites ou reçues par les administrations ;

– les bases de données produites ou reçues par les administrations, quand elles ne font pas déjà l’objet d’une diffusion publique ainsi que les données qu’elles contiennent ;

– les données dont l’administration qui les détient estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental.

Le droit général d’accès aux documents administratifs connaît des exceptions résultant soit de la loi du 17 juillet 1978 elle-même, directement ou par renvoi, soit de régimes autonomes de communication. Outre un nombre de documents limitativement énumérés qui ne sont pas communicables, il résulte ainsi de son article 6 que l’atteinte que la communication de certaines informations porterait à des intérêts protégés par la loi exige d’en occulter les mentions, tandis que le caractère personnel d’autres informations en restreint l’accès aux seuls intéressés.

Les modifications apportées au cadre juridique actuel ne concernent pas les conditions de communicabilité des documents administratifs. Elles ne permettront donc pas la diffusion de documents portant atteinte à la protection de la vie privée ou au secret médical ainsi que de documents portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique ou faisant apparaître son comportement dès lors que la divulgation de ce dernier pourrait lui porter préjudice. Ces documents restent communicables aux seuls intéressés. En outre, la publication de documents comportant des données à caractère personnel est soumise à des conditions strictes afin de ne pas porter atteinte à la vie privée et au droit à la protection des personnes concernées. Elle ne peut intervenir qu’après anonymisation des données, sauf si une disposition législative ou réglementaire autorise une diffusion sans anonymisation préalable ou si la personne intéressée y a consenti.

Comme le dispose le vadémécum sur l’ouverture et le partage des données publiques établi par la mission Étalab (13) en septembre 2013, les données publiques sont véritablement à la disposition du public quand elles sont « librement accessibles et gratuitement réutilisables ». Votre rapporteur a déjà eu l’occasion de souligner, dans son rapport sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, que « de nombreuses études montrent que les effets de la gratuité de l’utilisation et de la réutilisation des informations publiques sont, à terme, extrêmement bénéfiques pour la société »(14).

Il estime, une nouvelle fois, que le projet de loi est en retrait par rapport aux conclusions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2013. Le Gouvernement avait alors précisé sa doctrine en matière d’exceptions au principe de gratuité en affirmant qu’« aucune redevance ne saurait être exigée sur les données résultant des missions de service public des administrations générales ». Il ajoutait par ailleurs que « les opérateurs dont la mission même est de produire des données doivent rechercher des modèles économiques leur permettant de faire face à un paysage économique en profonde reconstitution. Conformément aux conclusions du rapport Trojette (15), il leur demande d’engager, dans les meilleurs délais, avec l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et du ministère du Budget, une réflexion sur les évolutions de leurs modèles économiques. Il leur demande de rechercher des modèles stimulant l’innovation autour de leurs données, favorables aux entrepreneurs innovants, et soutenables à l’heure de l’économie numérique, de la production de nombreuses données par les citoyens eux-mêmes, et des stratégies de plateformes. »

La généralisation du principe de gratuité n’exclut pas cependant que soit facturée aux réutilisateurs la fourniture de services à valeur ajoutée.

Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300 –2 du code des relations entre le public et l’administration aux nouvelles obligations de publication, votre Commission a adopté un amendement de M. Philippe Gosselin à l’alinéa 2 de l’article 4 , avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal.

À l’alinéa 6, qui organise la publication des documents présentant un intérêt économique, social ou environnemental, la Commission a adopté un amendement défendu par Mme Delphine Batho – avec l’avis favorable de votre rapporteur – permettant de prendre également en compte les enjeux sanitaires.

Dans la rédaction actuelle de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, plusieurs types d’informations sont exclus du champ d’application du principe de la libre réutilisation, parmi lesquelles celles produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’une mission de service public industriel ou commercial (SPIC).

Les informations peuvent être communiquées dans le cadre commun du droit d’accès, avec les mêmes restrictions que celles s’appliquant aux autres administrations, mais celles qui sont détenues ou produites par les SPIC ne sont pas considérées comme des informations publiques en matière de réutilisation.

Les dérogations au principe de la libre réutilisation des données publiques doivent être limitées au maximum, eu égard aux fortes externalités positives générées par l’open data. Et ce, d’autant que les services rendus par les SPIC intéressent des domaines cruciaux pour l’économie, tels que les transports ou la distribution de l’eau.

C’est la raison pour laquelle l’article 4 de la loi n° 2015 –990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a prévu, par exemple, la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.

L’article 6 harmonise les règles relatives à la réutilisation des informations publiques produites ou reçues par des autorités chargées d’une mission de service public, que cette dernière soit de nature administrative, industrielle ou commerciale.

La commission des Lois a néanmoins précisé que les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300 –2 du code des relations entre le public et l’administration étaient tenues d’adopter, pour les informations mises à disposition sous forme électronique, un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine.

L’article 10 crée une obligation pour le délégataire d’une mission de service public de permettre à l’autorité délégante de publier en open data les données principales de son activité. Il est possible à l’autorité délégante de déroger, sous certaines conditions, à cette nouvelle obligation. L’article 11 crée une obligation de publication en open data des données essentielles des conventions de subvention lorsque ces dernières dépassent un seuil déterminé par voie réglementaire.

La commission des Lois a adopté deux amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à :

– définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire. Cette dernière devrait peser sur les données et bases de données indispensables à l’exécution du service public ;

– s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311 –5 et L. 311 –6 du code des relations entre le public et l’administration.

– préciser que l’exemption de l’obligation de fournir les données essentielles en open data peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution, peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations et doit être fondée sur des motifs d’intérêt général.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 1erbis – visant à compléter la liste des documents administratifs mentionnée dans le code des relations entre le public et l’administration par les « codes source ». Cet article additionnel permettra de lever le doute sur les codes source en général, qui sont bien des documents administratifs lorsqu’il existe un traitement automatisé d’usage courant permettant de les rendre exploitables, comme pour tous les autres documents administratifs. La navette parlementaire sera l’occasion de préciser le régime applicable aux cas spécifiques des codes source relatifs aux impôts.

À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 1erter – visant à ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Ces deux amendements ont recueilli un avis favorable du Gouvernement. Cet article prend la mesure de l’article 4 du présent projet de loi en ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Il s’agit d’une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel –  article 4 bisvisant à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Cet article s’inscrit pleinement dans l’objectif poursuivi par le titre Ier du projet de loi relatif à la circulation du savoir. Un meilleur accès à l’information sur les caractéristiques du gisement collecté et sur l’offre relative aux matières de substitution est de nature à favoriser la demande.

À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable émis par votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 7 bis – consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public. Il supprime notamment les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur la base du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, plus connu sous son acronyme « SIRENE », et du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).

Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 9 bis – visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes.

À l’initiative de Mme Delphine Batho, et avec le soutien de plusieurs groupes politiques qui avaient déposé des amendements similaires, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – article 9 ter –disposant que les services de l’État, les établissements publics, les entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique. Cet amendement a reçu un avis favorable du Gouvernement et du rapporteur.

À l’initiative de M. Sergio Coronado, et avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 16 bis – reconnaissant à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques.

À l’initiative de Mme Delphine Batho, avec l’avis favorable du Gouvernement et défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 16 ter – demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.

L’inertie à laquelle se heurte parfois l’exercice du droit d’accès aux documents administratifs, la qualité inégale de la gestion des portails publics d’information et les difficultés de réutilisation des données publiques disponibles sont de nature à décevoir les attentes citoyennes et économiques. De surcroît, la réutilisation des données publiques se heurte à certains obstacles : des difficultés techniques et méthodologiques, tenant en particulier au format des données, à l’absence de contextualisation, à la non harmonisation des processus de production qui interdit les rapprochements, à l’instabilité méthodologique et aux niveaux d’agrégation ou de précision retenus.

L’approche incitative et volontariste d’ouverture des données qui a pour l’instant prédominé se heurte à certaines limites qu’il convient aujourd’hui de dépasser.

Au regard des enjeux citoyens et de l’opportunité économique qui s’attachent à l’accessibilité de l’information publique, un nouvel élan doit être donné à la transparence administrative. L’article 9 introduit dans le droit français un nouveau service public, celui des « données de référence ».

Une donnée de référence est une donnée qui doit :

– faire l’objet – ou être susceptible de faire l’objet – d’utilisations fréquentes par un grand nombre d’acteurs publics et privés ;

– dont la qualité, en termes notamment de précision, de fréquence de mise à jour ou d’accessibilité est essentielle.

Cet article donne un rôle crucial au pouvoir réglementaire qui devra : fixer la liste des données de référence, déterminer les administrations responsables de leur production et les modalités de coordination entre les administrations, définir la qualité minimale que la publication des données doit respecter (précision, degré de détail, fréquence de mise à jour, accessibilité, format), préciser les modalités de participation des collectivités territoriales.

L’étude d’impact fournit quelques exemples de données de référence : le cadastre, la base d’adresse nationale collaborative, le référentiel à grande échelle, le registre des entreprises, dit « SIRENE », ainsi que le registre national des associations.

L’objectif du service public de la donnée est d’organiser la production, la qualité et la circulation des données de référence en garantissant un niveau de qualité minimale dans leur diffusion.

Votre rapporteur partage l’avis du Conseil d’État qui a estimé qu’en l’état de la rédaction, cet article était entaché d’incompétence négative dès lors :

– d’une part que la mission de ce service public, la nature des données de référence qui en relèveraient et ses modalités essentielles d’organisation ne sont pas suffisamment précisées ;

– d’autre part que les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les organismes privés chargés d’une mission de service public au titre de leur participation à ce nouveau service public et de son financement ne sont pas définies.

Il estime, comme nombre des personnes auditionnées, que la précision de cet article doit être renforcée, en particulier afin d’indiquer que ces données de référence doivent être mises à disposition de manière ouverte et gratuite.

À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur qui avait également déposé un amendement de réécriture globale, la commission des Lois a adopté un amendement visant à définir plus précisément les contours de la nouvelle mission de service public de la mise à disposition et de la publication des données de références. Cet amendement a complété au II la définition des données de références, concept nouveau dans notre système juridique. L’amendement a précisé qu’elles « constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ». Les conditions d’organisation de ce service public sont précisées au III de l’article.

Grâce au numérique, les données de la recherche se développent rapidement et leur diffusion joue un rôle toujours plus important dans toutes les disciplines. En y accédant librement, les chercheurs peuvent les explorer, les visualiser et les comparer pour effectuer leurs propres analyses, afin de valider ou d’infirmer les conclusions précédentes des autres chercheurs ou découvrir de nouveaux résultats.

La libre diffusion des travaux et des données de la recherche devient un puissant moteur de croissance économique. À titre d’exemple, les bénéfices économiques du projet international de séquençage du génome humain, qui repose sur une contribution internationale à une banque ouverte de données, ont été́ estimés par le gouvernement américain à 800 milliards de dollars, s’accompagnant d’une création de 310 000 emplois, pour 3,8 milliards investis.

Il est donc impératif de favoriser la diffusion et la réutilisation des travaux et des données de la recherche lorsqu’elle est majoritairement financée par des fonds publics et de simplifier les procédures permettant des appariements à des fins statistiques ou de recherche publique à partir de données personnelles, telles que le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale.

On estime que le nombre de données générées par la recherche augmente de 30 % chaque année. Dans le même temps, la perte de ces données est évaluée à 80 % en vingt ans (16).

La publication des travaux scientifiques des chercheurs et la réutilisation libre des données qui en sont issues deviennent donc un enjeu fondamental pour le chercheur lui-même – qui est évalué par ses pairs (17) – et pour la société tout entière compte tenu des progrès issus de la recherche scientifique.

Le monde de l’édition scientifique a beaucoup évolué avec le passage au numérique. Le marché s’est concentré au niveau mondial autour de quelques grands groupes éditoriaux qui proposent des bouquets de revues incontournables pour les chercheurs, tendant à évincer les éditeurs de taille et de bassin linguistique plus limités. Ainsi, les quatre premiers groupes d’édition (Elsevier, Springer/Macmillan Nature, Wiley, Thomson Reuters) éditent au plan mondial 24,8 % des titres mais publient 50,1 % des revues à fort impact. Or, ces grands groupes éditoriaux ont largement réorienté leurs publications vers le modèle du libre accès par « la voie dorée » (« open access gold » en anglais) afin de garantir leur revenu et rendre immédiatement accessibles les écrits scientifiques et les données associées par voie numérique. Seules les revues mondialement connues demeurent accessibles par la voie d’abonnement traditionnel, telles que Nature ou Sciences par exemple. Les chercheurs français et leurs instituts ou organismes de recherche, peu enclins à payer les coûts de libération des articles, privilégient pour leur part la « voie verte » (« open access green » en anglais) en déposant leurs écrits scientifiques sur des archives ouvertes dans l’attente ou en complément d’une publication traditionnelle malgré certaines difficultés à imposer des licences en ce sens aux grands éditeurs. En conséquence, la diffusion numérique des revues s’est accompagnée d’une forte hausse des prix des abonnements traditionnels, conduisant à une réorientation des budgets des organismes de recherche au profit de revues numériques, au passage d’un modèle de vente pérenne à celui d’abonnements à des flux sans possibilité́ de conservation de certaines publications pour les institutions académiques et à un certain déclin des éditeurs de moindre envergure.

L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de rechercher un équilibre plus juste entre les intérêts du monde de la recherche, attaché à une diffusion libre de la connaissance la plus rapide possible et à moindre frais, et ceux du secteur de l’édition, soucieux de disposer d’un temps d’exploitation économique exclusive de la publication (18).

Pour ce faire, l’article 17 du projet de loi propose d’introduire un nouvel article L. 533-4 au sein du chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche relatif à la valorisation des résultats de la recherche par les établissements et organismes de recherche.

Le I de ce nouvel article entend préserver le modèle de publication traditionnel et l’exclusivité de l’exploitation de l’œuvre par l’éditeur pendant une certaine durée, souvent appelée « durée d’embargo ». À l’issue de cette période, le chercheur dont la publication est née d’une activité de recherche financée pour moitié par des fonds publics (dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, subventions d’agences de financement nationales ou fonds de l’Union européenne) recouvrerait son droit d’auteur, et pourrait ainsi rendre public ses travaux et ses données de recherche sur internet afin d’en permettre le libre accès et la libre réutilisation.

Le principe est clair : dès lors que l’éditeur d’un écrit scientifique le met à disposition du public gratuitement sous une forme numérique, l’auteur-chercheur recouvre immédiatement son droit de le mettre lui-même à disposition du public gratuitement et sous une forme numérique, par exemple dans une archive ouverte (« open access green » en anglais) ou sur son propre site internet. À défaut, l’auteur-chercheur pourra le faire à l’expiration d’une durée d’embargo – qui est fixée à six mois pour les écrits dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et à douze mois dans celui des sciences humaines et sociales – afin de préserver la possibilité pour l’éditeur d’en tirer un avantage commercial. En conséquence, il est interdit au chercheur de recouvrer son droit d’auteur afin d’en tirer profit dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial de nature à concurrencer son éditeur.

Cette réforme est un grand pas en faveur de l’accès libre aux travaux de la recherche financée majoritairement par des fonds publics et s’inscrit dans la droite ligne des recommandations de la Commission européenne du 17 juillet 2012 (19) et des lignes directrices du programme-cadre de recherche européen Horizon 2020 (20). Il faut en effet rappeler qu’actuellement les durées d’embargo prévues dans les contrats signés par les chercheurs avec une grande partie des éditeurs nationaux et internationaux varient le plus souvent entre 12 et 24 mois, voire 48 mois pour certaines revues de sciences humaines et sociales. Il est en outre assez rare qu’un chercheur réussisse à négocier avec les éditeurs d’envergure nationale ou mondiale un libre accès immédiat à ses travaux de recherche ou une durée d’embargo inférieure à 12 mois.

Il faut souligner que la mise à disposition gratuite en ligne par l’auteur de son écrit scientifique au-delà de la durée d’embargo demeure toujours volontaire. De plus, le I de l’article L. 533-4 (nouveau) précise qu’avant de pouvoir mettre à disposition gratuite en ligne un écrit scientifique co-rédigé par plusieurs chercheurs, les coauteurs doivent se mettre d’accord à l’unanimité. Dans le cadre de la consultation publique lancée par le Gouvernement, certains prônaient l’introduction d’une obligation pour l’auteur ou les coauteurs de mettre en ligne, et à tout le moins de déposer dans une archive ouverte, leur publication à l’issue du délai d’embargo, à l’instar de ce qu’impose la législation américaine. Toutefois, votre rapporteur considère que cette proposition se heurte frontalement au droit d’auteur et au respect de la liberté d’expression.

À l’initiative de M. Emeric Bréhier, rapporteur au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et après avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté trois amendements :

– le premier vise à s’assurer que les publications nées d’une recherche financée principalement sur fonds publics rendues gratuitement accessibles le seront en format ouvert afin de promouvoir la diffusion de la connaissance et du savoir. Le format ouvert se comprend au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;

– le deuxième précise que les auteurs-chercheurs pourront mettre à disposition du public non seulement la version finale du manuscrit acceptée pour publication mais également toutes les versions successives de ce manuscrit jusqu’à cette version finale, c’est-à-dire qu’ils pourront mettre à disposition par voie numérique leurs « preprint » ;

– le dernier permet au ministère de la recherche de fixer par arrêté un délai d’embargo inférieur à ceux de six et douze mois prévus par le présent article, pour les disciplines ou familles de disciplines pour lesquelles un tel délai serait opportun, afin de mieux prendre en compte leurs spécificités éditoriales. Cet amendement a été adopté malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

Le II du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche consacre le droit de réutilisation libre des données rendues publiques issues d’une telle activité de recherche dès lors qu’elles ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière, comme le secret professionnel, le secret médical ou le secret des affaires.

Les données concernées doivent être issues d’une recherche financée majoritairement par des fonds publics et avoir été rendues publiques soit par le chercheur lui-même, soit par son établissement ou son organisme de recherche. Il s’agit ici de reconnaître que les données de la recherche sont d’intérêt public et que leur vocation même est de pouvoir circuler dès lors qu’elles ont été rendues publiques. Nul ne doit priver autrui de leur usage, pas même le chercheur qui les a collectées dès lors que ses travaux ont été rendus publics. Rappelons en effet que le droit d’auteur du chercheur ne porte que sur son « œuvre » et non sur les « données » au fondement de son raisonnement. C’est la raison pour laquelle le laboratoire de recherche pourra rendre ces données publiques même si le chercheur s’y oppose.

L’accès à ces données et leur réutilisation constituent un enjeu à la fois scientifique (reproductibilité de la recherche, recherches interdisciplinaires), économique (rationalisation des moyens consacrés à la recherche, opportunités pour l’économie de la connaissance et de l’innovation), social et de citoyenneté (vulgarisation scientifique, éducation…).

Le III du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche interdit à l’éditeur d’un écrit scientifique mentionné au I de limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.

La difficulté́ réside dans le fait que les éditeurs, en tant qu’operateurs du service de mise à disposition, tendent actuellement, dans les contrats de cession portant sur l’écrit, à demander des licences toujours plus étendues sur l’exploitation de ces données, ce qui n’est pas sans faire peser des risques sur leur libre circulation, essentielle au développement de la société du savoir et de la connaissance. Actuellement, le commerce de données de la recherche reste un secteur d’activité très peu développé. Il est limité à quelques services spécialisés proposés par les éditeurs sur leur plateforme numérique qui offrent des services d’analyse et de fouille de textes (« text data mining » en anglais) et de données (« data mining » en anglais) sur les corpus qu’ils ont déjà publiés eux-mêmes, lesquels peuvent être très étendus chez les grands éditeurs.

La réforme proposée par le Gouvernement permettra de surmonter cette difficulté puisque l’éditeur ne pourra plus restreindre la réutilisation des données afférentes à l’écrit scientifique qu’il a publié, dans le cadre du contrat d’édition passé avec l’auteur.

Le IV du nouvel article L. 533-4 du code de la recherche précise d’ailleurs que ces dispositions sont d’ordre public et que toute clause contraire est réputée non écrite. Un éditeur ne pourra donc pas s’en exonérer par voie contractuelle. La fouille des données rendues publiques ne connaîtra plus de limites. En revanche, la fouille de texte reste pour le moment sous le contrôle des éditeurs car elle met en cause le monopole du droit d’auteur et le droit sui generis des producteurs de bases de données, à défaut d’une révision de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

L’impact de cette réforme sur le monde de la recherche et la société de la connaissance est nécessairement positif puisque la plus grande diffusion des travaux et des données de la recherche financée majoritairement par fonds publics devrait conduire à un effet « rebond » important : plusieurs études montrent que plus l’accès gratuit est précoce, plus l’audience totale de la publication est importante.

Cette réforme permettra également une maîtrise accrue de la puissance publique sur les produits d’une activité́ de recherche qu’elle a elle-même financée.

Enfin, l’impact de cette réforme sur les éditeurs est ambivalent : il sera très progressif et sans doute assez faible sur les éditeurs d’envergure mondiale dans les domaines des sciences, des techniques et de la médecine ; en revanche, il est susceptible d’être plus important pour les éditeurs et directeurs de revues de sciences humaines et sociales, dont la part de marché et les ventes sont plus limitées, notamment pour des raisons linguistiques. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé, le 23 novembre 2014, la mise en place d’un plan d’accompagnement des revues françaises de sciences humaines et sociales à la transition au libre accès. L’objectif est de les conduire à mettre en accès libre l’intégralité de leurs numéros au plus tard dans un délai d’un an à compter de 2016 et de leur fournir une aide à la traduction en anglais des articles publiés ou de long résumés pour élargir leur diffusion au-delà des seuls francophones. Sur une base de 200 revues sélectionnées, le coût maximum d’accompagnement des éditeurs français serait de 4 millions d’euros par an, dont 500 000 euros en 2016).

L’appariement de sources de données provenant de disciplines différentes permis par l’article 18 du projet de loi poursuit un double objectif : autoriser des appariements jusqu’alors impossibles en France de nature à répondre à de nombreuses questions que se posent les chercheurs, d’une part, et les pouvoirs publics, d’autre part, et produire davantage d’information statistique de qualité tout en réduisant significativement la charge d’enquêtes auprès des ménages et des entreprises (21).

Actuellement, le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification (NIR), c’est-à-dire le numéro de sécurité sociale de chaque individu, constitue un des moyens les plus fiables de garantir un appariement exact entre deux fichiers, car il permet de connaître directement le sexe de l’individu ainsi que son année, son mois, son département et sa commune de naissance. Or, l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés précise que l’utilisation du NIR ne peut être mise en œuvre que si le traitement a été autorisé par un décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dès lors que ce traitement de données à caractère personnel est mis en œuvre pour le compte de l’État, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public.

Dans la pratique, cette exigence s’est souvent révélée insurmontable pour les organismes universitaires ou de recherche, puisque très rares sont ceux qui ont pu obtenir qu’un ministre prenne l’initiative de porter un décret en Conseil d’État pour permettre un appariement dans le cadre d’un projet de recherche. Seules des administrations appartenant au service de statistiques public ont pu, grâce à l’appui de leur ministre de tutelle, mettre en œuvre la procédure prévue par la loi. Les démarches sont toutefois très lourdes.

Afin de lever ces difficultés et d’améliorer la qualité de la recherche française en sciences humaines et l’évaluation des politiques publiques nationales, le présent article propose de créer deux nouveaux dispositifs d’appariement distincts, pour le service de statistiques public d’une part (I) et pour les organismes de recherche d’autre part (II).

Ainsi, le I de l’article 18 remplace la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État, après avis motivé et publié de la CNIL, par une procédure de déclaration préalable du traitement réalisé par les services de statistiques public sur la base du NIR auprès de la CNIL. Il complète, à cet effet, l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 par un I bis qui impose trois conditions cumulatives :

– les traitements doivent avoir exclusivement des finalités de statistiques publiques ;

– les traitements ne doivent comporter aucune des données personnelles mentionnées au I de l’article 8 (c’est-à-dire les données personnelles faisant apparaître directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale, les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle) ou à l’article 9 de la même loi (données relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté) ;

– les appariements sur la base du NIR seraient remplacés par des appariements sur la base d’une clé non signifiante après une opération cryptographique. La clé d’appariement, qui correspond à un code statistique non signifiant (CSNS), serait commune à toutes les sources statistiques mais permettrait de circonscrire le traitement de données concerné au sein du seul service de statistiques public.

La procédure de déclaration préalable sur la base de l’identifiant unique auprès de la CNIL serait celle de droit commun : elle comporterait l’engagement que le traitement satisfait aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 et donne lieu à l’établissement d’un récépissé. Les traitements relevant d’un même organisme et ayant des finalités identiques ou liées entre elles pourront faire l’objet d’une déclaration unique. Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, définira les modalités d’application de ce dispositif.

À l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a adopté deux amendements précisant que :

– seuls les services de la statistique publique auront connaissance du code non signifiant et pourront l’utiliser pour garantir davantage de sécurité ;

– les opérations visant à chiffrer le NIR devront obéir au même régime de déclaration simplifié que le traitement de données auquel elles se rapportent afin de rendre le dispositif opérationnel.

De même, le II de l’article 18 vise à remplacer la procédure d’autorisation du traitement de données par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, par une procédure d’autorisation par la CNIL elle-même, pour chaque projet de recherche scientifique ou historique nécessitant des appariements de données personnelles faisant apparaître le NIR ou qui requièrent une consultation de ce répertoire. Il est donc créé un nouveau 9° au I de l’article 25 de loi du 6 janvier 1978 qui précise le régime de cette procédure.

Comme pour la statistique publique, l’article présenté par le Gouvernement prévoyait que les données sensibles mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 restent exclues du champ du traitement informatisé des données demandé. Votre Commission a néanmoins estimé que, dans ce cas précis, la procédure d’autorisation du traitement par décret en Conseil d’État devait être maintenue afin de laisser la possibilité aux chercheurs de réaliser des traitements comportant des données sensibles mentionnées au I de l’article 8 et à l’article 9 de la loi du 6 janvier 1978 précitée. Elle a donc adopté un amendement présenté en ce sens par votre rapporteur avec l’avis favorable du Gouvernement.

Contrairement à ce qui est prévu pour la statistique publique, un code recherche dédié non signifiant (CRDNS) spécifique sera créé pour chaque projet de recherche, aboutissant à des NIR chiffrés différents pour chaque appariement à la suite d’une opération cryptographique analogue à celle opérée pour la statistique publique, c’est-à-dire par séparation des données identifiantes des données informatives. Le CRDNS ne pourra donc pas être utilisé en dehors du projet de recherche pour lequel il a été créé.

Il est précisé que l’opération cryptographique, et, le cas échéant, l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du CRDNS qui en est issu, sont assurés par une personne distincte de la personne responsable du traitement. Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, ces tiers de confiance seront des organismes offrant des garanties en matière de confidentialité et de sécurité définies par le décret d’application.

Dans leur avis sur le présent projet de loi, la CNIL et le Conseil d’État ont considéré que l’article 18 du projet de loi permettait une simplification des formalités préalables à la mise en œuvre d’un traitement de données sur la base d’un NIR crypté tout en garantissant un haut niveau de protection des données personnelles grâce à la mise en place d’un cadre de sécurité organisationnel et informatique strict.

À l’initiative de votre rapporteur, votre Commission a adopté deux autres amendements de précision :

– l’un prévoit de soumettre au même régime simplifié la procédure de chiffrement du NIR par le tiers de confiance, qui sinon serait resté soumise à la procédure d’autorisation par décret en Conseil d’État ;

– l’autre précise qu’il existe deux tiers de confiance à côté du responsable du traitement de données : le premier tiers de confiance n’a connaissance que des variables identifiantes et est chargé de les crypter pour obtenir un code spécifique non signifiant pour chaque projet de recherche (CRDNS) tandis que le deuxième tiers de confiance n’a connaissance que de données cryptées sans aucune information sur les identités et procède à l’appariement des données cryptées issues du CRDNS.

La confiance est un facteur-clé́ de la croissance de l’économie numérique : confiance des usagers et des citoyens dans les services qui leur sont proposés, confiance des entreprises dans les transactions et la sécurité́ juridique de leurs activités. La loi précitée du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique a défini un cadre général qui a permis un développement remarquable du numérique et des services de la société́ de l’information.

Le projet de loi s’inscrit dans cette continuité́ et, face aux nouveaux défis suscités par la seconde génération de l’internet, pose des jalons supplémentaires en faveur de la protection des citoyens dans la société́ numérique. Sont désormais garanties par la loi la neutralité de l’internet (A) et la loyauté des plateformes en ligne à l’égard des consommateurs (B). Par ailleurs, la protection des données à caractère personnel, à travers le principe de libre disposition de ses données (C) et le renforcement des pouvoirs de la CNIL (D) et de la protection de la vie privée en ligne (E), ainsi que le droit au respect du secret des correspondances (F) se trouvent renforcés. Enfin, le projet de loi facilite le recours à de nouveaux usages numériques (G), comme le recommandé électronique ou les paiements par SMS, et traite des compétitions de jeux vidéo (H).

LES GRANDS ENJEUX

– Donnée à caractère personnel : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.

– Neutralité du net : traitement égal et non discriminatoire du trafic dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’internet impliquant également la délivrance d’explications claires et compréhensibles des services rendus par les opérateurs aux usagers en application du règlement du 25 novembre 2015 dit « règlement marché unique des communications électroniques ».

– Loyauté des plateformes : obligation de transparence imposée aux opérateurs de plateforme en ligne qui exercent une activité consistant à référencer ou classer des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne par des tiers ou à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente ou de la fourniture d’un bien ou service, y compris non rémunérées.

– Portabilité des données : possibilité de récupérer et de transférer certaines de ses données stockées en ligne, ses courriels, ses listes de contacts, les données associées à son compte utilisateur tels que ses listes de lecture…

– Autodétermination informationnelle : la Cour constitutionnelle fédérale allemande a dégagé, en 1983, à partir des principes de dignité de l’homme et de droit au libre développement de sa personnalité, un droit à l’autodétermination informationnelle. Pour la Cour de Karlsruhe, « la Constitution [allemande] garantit en principe la capacité de l’individu à décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel » car s’il « ne sait pas prévoir avec suffisamment de certitude quelles informations le concernant sont connues du milieu social et à qui celles-ci pourraient être communiquées, sa liberté de faire des projets ou de décider sans être soumis à aucune pression est fortement limitée ».

– « Droit à l’oubli » pour les mineurs : permettre à toute personne de demander l’effacement accéléré de ses données dès lors qu’elles ont été collectées alors qu’elle était mineure.

– « Mort numérique » : permettre à toute personne de décider, par des directives écrites, le sort de ses données après son décès et l’identité de la personne qui sera chargée de les exécuter.

– Traitements automatisés d’analyse du contenu de la correspondance en ligne : outils automatiques de scan des courriers électroniques principalement destinés à proposer certains services à l’utilisateur (personnalisation et contextualisation de la publicité, protection contre des logiciels malveillants, assistance personnelle à la gestion des courriels…).

LES OUTILS

– L’articulation entre le niveau européen et le niveau national : le contenu du projet de loi devra évoluer au cours de la « navette » parlementaire afin de tenir compte de l’adoption prochaine du règlement général sur la protection des données ainsi que des textes que pourrait éventuellement proposer la Commission européenne à la suite des consultations lancées le 24 septembre 2015 sur le rôle économique des plateformes en ligne et sur le blocage géographique.

– Le renforcement des pouvoirs de l’ARCEP : le projet de loi étend ses prérogatives à l’égard des fournisseurs de communications électroniques et de services de communication au public en ligne afin d’assurer le respect du principe de la neutralité de l’internet ;

– le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF : le projet de loi étend le champ du contrôle opéré par la DGCCRF en matière de loyauté des plateformes en ligne et de fiabilité des avis en ligne.

– Le renforcement des pouvoirs de la CNIL : le projet de loi consolide le rôle consultatif de la CNIL sur tout projet de loi ou de décret comportant des dispositions relatives à la protection des données personnelles ou à leur traitement ; il élargit ses missions à la promotion des technologies protectrices de la vie privée et à la réflexion sur les problèmes éthiques et sociétaux soulevés par le numérique ; il renforce l’efficacité et la crédibilité des sanctions qu’elle peut prononcer.

– Les nouveaux usages : sur un plan plus sectoriel, le projet de loi encourage le recours à de nouvelles pratiques numériques dans la vie quotidienne des Français, en matière de dématérialisation des échanges (harmonisation et sécurisation du cadre juridique applicable au recommandé électronique) et de paiements par SMS (micropaiements et dons par SMS).

La neutralité de l’internet (« net neutrality ») est un principe selon lequel les réseaux de communications électroniques doivent transporter tous les flux d’information de manière neutre, c’est-à-dire indépendamment de leur nature, de leur contenu, de leur expéditeur ou de leur destinataire. Ce concept peut concerner tous les réseaux, mais il trouve particulièrement à s’appliquer sur les réseaux constituant l’internet.

Le débat sur la neutralité de l’internet porte sur la question de savoir quel contrôle les responsables de l’acheminement et de la gestion du trafic ont le droit d’exercer sur ce trafic pour des raisons à la fois techniques et économiques. Il s’agit d’examiner les pratiques des opérateurs de communications électroniques sur leurs réseaux, mais également leurs relations avec certains fournisseurs de contenus et d’applications (22). Peuvent-ils bloquer des services, ralentir certaines applications, donner la priorité à certaines catégories de contenus ? Doivent-ils au contraire s’en tenir strictement au respect du principe d’égalité de traitement, tel qu’imaginé par les concepteurs de l’internet ? Le débat porte en particulier sur la compatibilité de ce principe avec la croissance soutenue du trafic sur les réseaux, notamment mobiles, et avec la nécessité de financer les investissements qui en résultent. Des questions se posent, enfin, sur le rôle des fabricants de terminaux dans la préservation du principe de neutralité.

Sur les plans techniques et philosophiques, internet a été conçu comme un réseau ouvert, reposant sur une architecture décentralisée et le principe du « meilleur effort » : chaque opérateur doit faire « de son mieux » pour assurer la transmission de tous les paquets de données qui transitent par son réseau, sans garantie de résultat (obligation de moyen) mais en excluant toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise.

Lors de la révision du cadre réglementaire européen des communications électroniques en 2009, transposé en droit français par l’ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, des mesures concrètes ont été́ adoptées concernant la neutralité des réseaux : renforcement de la transparence et de l’information des consommateurs concernant les pratiques d’acheminement du trafic mises en œuvre par les opérateurs de communications électroniques (articles L. 121-83 et L. 121-83-1 du code de la consommation) ; possibilité́ pour les pouvoirs publics d’intervenir dans les relations entre les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de services de communication au public en ligne concernant les conditions d’acheminement du trafic (articles L. 32-4 et L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques) ; garantie du service et préservation de l’internet selon le principe du « meilleur effort » (articles L. 32-1 et L. 36-6 du même code).

Le règlement (UE) 2 015/2 120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’internet ouvert et modifiant la directive 2002-2022/CE (23) et le règlement (UE) n° 531/2 012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (24) consacrent désormais explicitement le principe de neutralité́ de l’internet et fixent les règles garantissant l’accès à un internet ouvert.

Afin de consolider l’approche harmonisée de la neutralité de l’internet retenue par le « règlement MUCE » d’application directe dans l’ordre juridique interne, l’article 19 du projet de loi aménage le code des postes et des communications électroniques en conséquence (25).

Le I de l’article 19 précise que, parmi les objectifs poursuivis par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et par son ministre de tutelle, dans le cadre de leurs attributions décrites au II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, figure désormais au 5° bis (nouveau) « la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 », c’est-à-dire au sens du règlement MUCE.

Le II étend les pouvoirs d’enquête administrative de l’ARCEP et du ministre chargé des communications électroniques, mentionnés à l’article 32-4 du même code, aux pratiques de « gestion » de trafic « notamment en vue d’assurer le respect de la neutralité de l’internet, définie au p du I de l’article L. 33-1 ».

Le III complète le I de l’article L. 33-1 du même code relatif aux obligations des exploitants de réseaux ouverts au public et des fournisseurs de services de communications électroniques, ci-après désignés sous le terme « opérateurs », afin de préciser qu’ils doivent désormais « garantir l’accès à un internet ouvert » au sens du règlement MUCE. La référence au règlement MUCE est également mentionnée, par coordination, au 3° de l’article L. 36-7 du même code qui explicite les textes législatifs et réglementaires au regard desquels l’ARCEP est chargée de contrôler les opérateurs (IV).

En conséquence, alors qu’en application du 5° du II de l’article L. 36-8 du même code, l’ARCEP peut d’ores et déjà être saisie des différends portant sur « les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communications en ligne », le V étend explicitement ce pouvoir de règlement des différends à l’examen de des pratiques de « gestion » de trafic en vue notamment d’assurer le respect de la neutralité de l’internet.

Le VI complète l’article L. 36-11 du même code afin de permettre à l’ARCEP de sanctionner les manquements des personnes fournissant des services de communication en ligne au public en cas de violation des dispositions du règlement MUCE relatives à l’accès à un internet ouvert. Sont désormais visés tous les opérateurs de sites internet qui assurent une « transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur » aux termes de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

L’objectif du 1° et du 2° du VI est de permettre à l’ARCEP de contraindre un tel opérateur (comme Youtube par exemple), si ce dernier ne se conforme pas à une décision de règlement d’un différend entre cet opérateur et un exploitant de réseau (comme Orange par exemple). Cette disposition est importante compte tenu du rôle des fournisseurs de services de communication au public en ligne dans l’acheminement des contenus sur les réseaux.

La question se posera avec une acuité particulière en cas de différend relatif à la fourniture de « services optimisés » au sens du point 5 de l’article 3 du règlement MUCE, généralement appelés « services gérés » ou « services spécialisés » en France. Cet article dispose que :

« Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet et les fournisseurs de contenus, d’applications et de services, sont libres de proposer des services autres que les services d’accès à l’internet qui sont optimisés pour des contenus, des applications ou des services spécifiques, ou une combinaison de ceux-ci, lorsque l’optimisation est nécessaire pour que les contenus, les applications ou les services satisfassent aux exigences correspondant à un niveau de qualité spécifique.

Les fournisseurs de communications électroniques au public, y compris les fournisseurs de services d’accès à l’internet, ne peuvent proposer ou faciliter ce type de services que si les capacités du réseau sont suffisantes pour les fournir en plus de tous services d’accès à l’internet fournis. Ces services ne sont pas utilisables comme services d’accès à l’internet ni proposés en remplacement de ces derniers, et ils ne sont pas proposés au détriment de la disponibilité ou de la qualité générale des services d’accès à l’internet pour les utilisateurs finals. »

En parallèle, le 3° du VI précise que les pouvoirs de sanction de l’ARCEP pourront désormais être mis en œuvre en cas de violation des dispositions du règlement MUCE, et en particulier en cas d’atteinte au principe d’un internet neutre et ouvert.

Le 4° du VI complète le pouvoir de mise en demeure de l’ARCEP prévu par le sixième alinéa du I de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électronique pour lui permettre d’intervenir de manière anticipée, lorsqu’il existe un risque caractérisé qu’un exploitant de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques ne respecte pas ses obligations légales à l’échéance initialement fixée. Cet alinéa devrait notamment permettre à l’ARCEP de mettre en demeure un opérateur dont les obligations s’inscrivent dans la durée et qui sont assorties d’échéances, avant le terme de ces échéances, lorsqu’elle constate qu’il prend du retard dans la mise en œuvre de ses obligations. Tel pourrait notamment être le cas à l’égard des opérateurs mobiles qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de couverture du territoire.

Enfin, le 5° du VI étend la possibilité pour l’ARCEP de notifier des griefs à un fournisseur de communication au public en ligne et de lui infliger in fine une sanction pécuniaire s’il ne se conforme pas à la décision de règlement des différends qu’elle aura prise.

En s’en tenant strictement à rappeler les dispositions du règlement MUCE dans le code des postes et des communications électroniques et en étendant les pouvoirs d’enquête, de règlement des différends et de sanction de l’ARCEP pour lui permettre de veiller au respect du principe de la neutralité de l’internet, le Gouvernement améliore la lisibilité du droit français compte tenu des impératifs européens et garantit la sécurité juridique des opérateurs dans l’exercice de leurs activités.

La commission des Lois s’est inscrite dans cette démarche en adoptant plusieurs articles additionnels après l’article 19 visant à moderniser le statut de l’ARCEP et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques pour tenir compte de ces évolutions :

– l’article 20 bis, introduit à l’initiative de votre rapporteur avec le soutien du Gouvernement, adapte les dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête de l’ARCEP pour conforter l’effectivité de son contrôle et renforcer les garanties procédurales des personnes contrôlées, en les alignant sur des dispositions similaires à celles qui sont déjà prévues pour l’Autorité de la concurrence ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

– l’article 20 ter, introduit à l’initiative de votre rapporteur à la suite d’un avis de sagesse du Gouvernement, étend les compétences de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE) aux questions relatives à la neutralité de l’internet tandis que l’article 20 quater, introduit à l’initiative de M. Lionel Tardy, renomme la CSSPPCE, « Commission parlementaire du numérique et des postes » ;

– l’article 20 quinquies, introduit à l’initiative de votre rapporteur malgré l’avis défavorable du Gouvernement, consacre dans la loi le fait que l’ARCEP est une autorité administrative indépendante et qu’elle respecte le principe de parité au sein de son collège.

Alors que, actuellement, la notion de plateformes en ligne n’existe pas juridiquement, on désigne souvent sous cette dénomination les opérateurs du numérique comme les moteurs de recherche, les places de marchés, les réseaux sociaux, les sites de partage, les sites collaboratifs, les magasins d’applications, les comparateurs de prix…

Le débat sur la loyauté des plateformes en ligne est né de la volonté de décliner le principe de neutralité d’internet consacré aux seuls opérateurs de communications électroniques (26), aux « plateformes », avec l’idée que certaines d’entre elles, à commencer par le moteur de recherche Google, jouent un rôle au moins aussi important que celui des opérateurs de communications électroniques dans l’accès des internautes aux contenus et services.

En France, nombreuses sont les institutions ayant contribué à alimenter ce débat comme le montrent notamment l’étude thématique du rapport annuel 2014 du Conseil d’État (27), deux rapports du Conseil national du numérique (mai 2014 (28) et juin 2015 (29)) ou encore le rapport de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (octobre 2015) (30). À ce stade, il existe des divergences d’opinions sur le contenu de la définition des plateformes ainsi que sur la nécessité ou non d’introduire une nouvelle forme de régulation de ces plateformes par rapport au droit existant pour appréhender leur pouvoir de marché vis-à-vis des entreprises comme des usagers.

Certaines initiatives parlementaires ont toutefois conduit à imposer des obligations de loyauté spécifiques aux comparateurs de prix d’une part et à certains sites de mise en relation des internautes d’autre part.

Ainsi, l’article 147 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », a introduit un nouvel article L. 111-5 au sein du code de la consommation imposant à « toute personne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations en ligne permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels (…) d’apporter une information loyale, claire et transparente, y compris sur ce qui relève de la publicité dont les modalités et le contenu sont fixés par décret ».

Poursuivant cette démarche, l’article 134 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a introduit deux autres articles au sein du code de la consommation afin d’imposer une obligation de loyauté aux sites mettant en relation « plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service » (article L. 111-5-1) et de sanctionner le non-respect de cette obligation (article L. 111-5-2). Les conditions d’application de cet article devaient être précisées par décret mais ce dernier n’a pas encore été publié.

Dans le cadre de la « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », la Commission européenne a, pour sa part, lancé deux consultations publiques le 24 septembre 2015, l’une sur le rôle économique des plateformes en ligne, l’autre sur le blocage géographique des sites internet. Elle entend ainsi aborder plusieurs questions telles que la définition des plateformes en ligne, leur responsabilité en ce qui concerne les contenus illicites hébergés en ligne par rapport à celle des hébergeurs et des éditeurs de communications publiques en ligne résultant de la directive « commerce électronique » du 8 juin 2000 (31), les moyens d’améliorer la libre circulation des données dans l’Union Européenne et de construire un nuage européen (« european cloud »). Elle vise également à étudier les possibilités et les éventuelles questions réglementaires soulevées par l’essor de l’économie collaborative.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose de poser des jalons pour lancer la discussion sur le champ de la régulation des plateformes, en commençant par définir explicitement la notion d’ « opérateurs de plateformes en ligne » dans le code de la consommation afin de renforcer les obligations de transparence et de loyauté de cette nouvelle catégorie d’intermédiaires du commerce électronique vis-à-vis des consommateurs.

L’article 22 du projet de loi propose de modifier l’article L. 111-5-1 du code de la consommation afin d’introduire explicitement dans la loi le concept d’« opérateurs de plateforme en ligne ».

Sont qualifiés comme tels, toute personne exerçant à titre professionnel des activités consistant à :

– classer ou référencer des contenus (photos, vidéos, fichiers…), biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers : sont visés les moteurs de recherche et les sites de référencement, c’est-à-dire les sites internet proposant une application permettant de trouver des ressources à partir d’une requête sous forme de mots ;

– ou à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service. Il peut s’agir aussi bien de plateformes mettant en relation des professionnels ou des non-professionnels (économie de partage ou collaborative comme AirBnB, Uber, BlaBlaCar…) ou encore des professionnels et des consommateurs sur des sites de vente en ligne, souvent appelées « places de marché » (Amazon, eBay, Booking.com…).

Cet article élargit le contenu de l’obligation générale de loyauté inscrite à l’article L. 111-5-1 du code de la consommation depuis la loi du 6 août 2005. Les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus de délivrer une « information loyale, claire et transparente » sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’ils proposent et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des « contenus, biens et services » auxquels ils permettent « d’accéder » et non plus seulement des « offres mises en ligne ».

Il est également précisé qu’ils doivent, dans ce cadre, faire apparaître clairement trois types d’informations : l’existence ou non d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées ; l’existence ou non d’une rémunération par les personnes référencées et, le cas échéant, l’impact de cette rémunération sur le classement des contenus, biens ou services proposés.

Votre rapporteur considère que la définition des opérateurs de plateformes en ligne retenue par l’article 22 manque de précision tandis que la nature des informations à transmettre au consommateur est assez vaste. C’est la raison pour laquelle il a proposé à votre Commission de réécrire largement l’article 22 pour préciser que :

– la qualification d’opérateur de plateforme en ligne ne remet pas en cause la summa divisio instaurée par l’article 6 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 précitée, entre la qualité d’hébergeur et celle d’éditeur de contenus en ligne ni le régime de responsabilité qui leur est associé, mais qu’elle s’y superpose ;

– l’activité de classement ou de référencement réalisée par les opérateurs de plateformes en ligne doit reposer sur l’utilisation d’un ou plusieurs algorithmes informatiques ;

– les comparateurs de prix font partie des opérateurs de plateforme en ligne si bien que l’article L. 111-5 du code de la consommation doit être abrogé car devenu obsolète ;

– l’obligation générale de loyauté qui pèse sur tous les opérateurs de plateformes en ligne doit être circonscrite afin de permettre au consommateur de visualiser clairement les résultats de sa requête selon qu’ils sont classés ou référencés favorablement par l’opérateur en contrepartie d’une relation commerciale ou capitalistique ou d’une rémunération directe avec la ou les personnes classées, référencées ou mises en relation. La Commission a donc supprimé l’obligation de préciser explicitement au consommateur l’existence de lien contractuel ou capitalistique avec les personnes référencées ou l’existence d’une rémunération directe avec ces personnes lorsqu’elles n’ont aucune influence sur le classement ou le référencement ;

– les informations à délivrer au consommateur à ce titre prendront la forme d’une description générique et intelligible à inclure dans les conditions générales d’utilisation des opérateurs de plateforme en ligne.

La mise en œuvre de cette disposition appellera des contrôles par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui pourra, le cas échéant, prononcer des amendes administratives en cas de non-respect des obligations mises à la charge des opérateurs de plateformes en ligne. L’article L. 111-6-1 du code de la consommation prévoit en effet que tout manquement aux articles L. 111-5 et L. 111-5-1 du même code est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 141-1-2.

Pour autant, au cours des auditions menées par votre rapporteur, certains ont mis en doute l’intérêt d’un dispositif de régulation des plateformes en ligne au niveau national au motif que les principaux acteurs du marché n’ont pas leur siège social sur notre territoire, ni même au sein de l’Union européenne, et qu’ils pourraient donc s’y soustraire. Toutefois, l’ensemble des opérateurs de plateformes en ligne auditionnés n’a pas remis en cause la légitimité du dispositif proposé par le Gouvernement. Ces opérateurs sont en effet extrêmement sensibles à ne pas se trouver en situation d’illégalité délibérée afin de préserver leur réputation. Ils pourront, le cas échéant, être conduits devant les tribunaux français s’ils dirigent leur activité vers la France ou causent un dommage à un consommateur sur le territoire national (32).

La décision de réguler ou non les plateformes en ligne les plus influentes est un choix politique dépassant la seule dimension économique dans la mesure où il s’agit d’éviter que l’internet ne soit accaparé par une poignée d’acteurs dont l’influence est majeure sur les choix opérés par les utilisateurs en raison de leur rôle d’intermédiation.

Sans vouloir aller jusqu’à instaurer un dispositif de régulation spécifique des plateformes en ligne, à l’instar de celui applicable aux opérateurs de communications électroniques par exemple, le Gouvernement entend dès à présent encourager les plateformes les plus influentes à aller plus loin que l’obligation générale de loyauté introduite à l’article 22 du projet de loi, en renforçant la transparence sur leurs conditions commerciales. Il s’agit de permettre aux consommateurs de mieux les appréhender et le cas échéant de mieux les comparer.

L’objectif de l’autorégulation prévue par l’article 23 est donc de viser les quelques dizaines de plateformes structurantes pour l’économie française dont la liste sera déterminée à partir d’un seuil de nombre de connexions défini par décret. Les opérateurs de plateformes en ligne de moindre envergure ne seront donc pas tenus par ces obligations mais pourront s’y soumettre volontairement.

Ce mécanisme d’autorégulation, introduit au nouvel article L. 111-5-2 du code de la consommation, invite les opérateurs des plateformes concernées à :

– élaborer et diffuser auprès des consommateurs des bonnes pratiques en matière de transparence et de loyauté ;

– définir des indicateurs permettant d’apprécier le respect de leurs obligations de clarté, de transparence et de loyauté ;

– de rendre périodiquement publics les résultats de l’évaluation de ces indicateurs.

Il faudra ensuite s’assurer de l’effectivité de ce mécanisme d’autorégulation des plateformes en ligne. C’est la raison pour laquelle de nouveaux pouvoirs sont conférés à la DGCCRF, principale autorité administrative compétente pour veiller au respect des obligations de loyauté des entreprises à l’égard des consommateurs.

Ces nouveaux pouvoirs recouvrent :

– le pouvoir de procéder à des enquêtes administratives auprès des plateformes en ligne et de tout organisme participant à l’évaluation de leurs pratiques dans les mêmes conditions que les enquêtes de concurrence qui lui sont déjà confiées par le code de commerce (demande d’informations, visites et saisies…) ;

– le pouvoir de publier une liste noire des plateformes ne respectant pas leurs obligations au titre des articles L. 111-5-1 et L. 111-5-2 du code de la consommation tels que régis par le présent projet de loi ;

– le pouvoir de publier par elle-même, ou par un organisme compétent désigné à cet effet, les résultats des indicateurs en recueillant directement auprès des plateformes les données nécessaires à cette évaluation.

Ce dispositif a été réécrit par la commission des Lois à l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, pour assurer un meilleur équilibre entre autorégulation des plateformes en ligne et intervention de la DGCCRF et parvenir à une information fiable et complète à destination des utilisateurs de ces plateformes. Il est en outre prévu, désormais, à titre expérimental, la possibilité pour le Conseil national du numérique – dont une des missions, fixée par le décret n° 2012-1400 du 13 décembre 2012, est d’organiser des concertations régulières, au niveau national et territorial, avec les élus, la société civile et le monde économique – de lancer une plateforme d’échange citoyen et de recueil d’avis sur les pratiques des plateformes en ligne. Si cette expérimentation fonctionne, elle pourrait être une étape intermédiaire et participative entre l’autorégulation et le contrôle administratif, et s’inscrire dans une logique de dialogue ouvert avec les plateformes comme avec l’autorité administrative sur les résultats de son action.

Suivant la même logique, le projet de loi fixe une obligation d’information loyale sur la qualité des avis publiés sur l’internet (article 24) et renforce l’information des consommateurs concernant les débits de connexion proposés dans les contrats par les opérateurs de communications électroniques (article 25).

La confiance des entreprises et des consommateurs étant la clé de voûte de l’économie numérique, l’article 24 du présent projet de loi introduit dans le code de la consommation un nouvel article L. 111-5-3 imposant à toute personne physique ou morale mettant en ligne des avis provenant de consommateurs d’indiquer, de manière explicite, si la publication de ces avis a fait l’objet d’un processus de vérification, qu’il soit interne ou externe. Si tel est le cas, la personne est tenue d’en préciser clairement les principales modalités et de mettre ces informations à disposition des consommateurs de manière préalable. L’objectif poursuivi est d’éviter les « mésusages » des avis en ligne, comme la publication de « faux avis » mettant en jeu de manière déloyale la réputation de telle ou telle entreprise. Ce dispositif permettra donc d’améliorer la fiabilité des informations délivrées au consommateur (33). Il faut d’ailleurs souligner le principal apport de la commission des Lois à cet article qui résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques. Ce dernier complète le dispositif proposé pour permettre aux consommateurs de connaître les motifs qui conduisent à la non publication de leur avis et aux entreprises de signaler, par l’intermédiaire d’une fonctionnalité gratuite en ligne, les avis abusifs qui sont de nature à gêner leur activité, sous réserve d’être expressément motivés.

Dans le même ordre d’idée, l’article 25 du présent projet de loi précise, dans le code des communications électroniques, que conformément aux dispositions du règlement « marché unique des communications électroniques » (34), les opérateurs de communications électroniques devront désormais délivrer « une explication claire et compréhensible en ce qui concerne les débits minimums, normalement disponible, maximums montants et descendants fournis lorsqu’il s’agit de services d’accès à internet fixe et une estimation des débits maximums montants et descendants fournis dans le cas de services d’accès à internet mobile, ainsi que l’incidence sur la disponibilité des services offerts d’un écart significatif par rapport au débit prévu au contrat ». Il s’agit de la reprise littérale de l’une des obligations d’information prévue par l’article 4 du règlement MUCE (35). Toutefois, sur proposition de Mme Marietta Karamanli et des membres du groupe socialiste, la commission des Lois a été encore plus précise en inscrivant à l’article L. 121-83 du code des postes et des communications électroniques un renvoi complet à l’ensemble des explications précontractuelles prévues par l’article 4) 1) d) du règlement MUCE.

Premier élément du droit à l’autodétermination informationnelle, l’article 20 du projet de loi permet à tout utilisateur d’internet d’héberger ses propres données, par les moyens qu’il entend, en utilisant le réseau fourni par son fournisseur d’accès.

L’objectif est de conforter le pouvoir de l’individu de décider lui-même des méthodes de gestion de ses données. L’article s’inscrit ainsi dans le prolongement de l’article 26 du présent projet de loi qui inscrit le principe de libre disposition de ses données personnelles dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

L’article 20 est justifié par le fait que certains fournisseurs d’accès à internet français ne permettent pas d’héberger, derrière leur box, un serveur personnel de données, soit pour des raisons tenant à la gestion du trafic internet (allocation d’adresses IP dynamiques, gestion optimale de la bande passante) soit pour des raisons de sécurité (blocage des ports internet pour éviter des cyber attaques).

Sans contraindre tous les opérateurs à libérer tous les ports internet de toutes les box, cet article autorise désormais tout utilisateur à demander à son fournisseur d’accès de débloquer, si nécessaire, les ports internet de sa box pour pouvoir y connecter son propre serveur de données afin de les gérer et les stocker par lui-même. En cas de refus de la part de l’opérateur, l’utilisateur pourra saisir le tribunal d’instance, la DGCCRF ou l’ARCEP pour faire valoir son nouveau droit (36).

Pour assurer la pleine effectivité des droits à opposition, accès et rectification affirmés par la loi n° 78 –17 du 6 janvier 1978 dite « Informatique et libertés », il importe d’introduire un droit à la libre disposition de ses données personnelles.

L’article 26 insère un nouvel article 5 bis dans la loi du 6 janvier 1978 et affirme que « toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions et limites fixées par les lois et règlements en vigueur ».

Le Conseil national du numérique, dans son avis sur le présent projet de loi, a souligné l’importance « d’outiller les individus dans l’exercice de ce droit afin que ce principe dépasse la seule déclaration de bonnes intentions ». Il est en effet indispensable d’accompagner cette consécration de mesures concrètes tendant à renforcer les droits des personnes, en renouvelant et en adaptant les prérogatives de l’individu dans la société numérique. Le projet de loi, à l’article 21 sur la portabilité des données, à l’article 27 sur l’information sur la durée de conservation des informations à caractère personnel et à l’article 32 sur l’effacement, donne des traductions concrètes à ce nouveau droit.

À l’initiative de votre rapporteur, soutenu par le Gouvernement, la commission des Lois a adopté un amendement modifiant l’insertion de cet article 26 au sein de la loi n° 78 –17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, en lui donnant la place symbolique qu’il mérite, à l’article premier de la loi « Informatique et Libertés ».

Par ailleurs, à l’initiative de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, avec l’avis favorable du rapporteur et défavorable du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 26 bis – visant à prévoir la présentation de données sexuées dans le rapport annuel de la CNIL prévu par la loi « Informatique et Libertés ».

Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel – article 26 ter – visant à imposer la publication « dans un format ouvert et réutilisable » de la liste des traitements automatisés ayant fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL.

Le droit à la portabilité des données consacré à l’article 21 est le corollaire indispensable de la reconnaissance du droit à la libre disposition de ses données personnelles reconnu à l’article 26. Il permet à une personne d’obtenir une copie exhaustive des données faisant l’objet d’un traitement dans un format électronique couramment utilisé et de pouvoir les réutiliser ultérieurement et librement, y compris dans un environnement technique différent. Cela implique notamment que la restitution des données se fasse dans des formats ouverts et standards – permettant d’être lues par tout type de machine – et de manière complète et non dégradée. Cette proposition figurait parmi les 70 recommandations du rapport du Conseil national du numérique (37) et de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (38).

Cette notion recouvre :

– d’une part, la protection des données personnelles, qui vise à renforcer la capacité pour les individus d’exercer une maîtrise effective de l’usage des informations identifiantes ;

– d’autre part, le droit de la consommation, qui vise à offrir des droits nouveaux au consommateur – personne physique ou morale –, et le droit de la concurrence, qui cherche à réduire la « viscosité » du marché.

L’article 21 dispose, d’une part, que tout fournisseur d’un service de courrier électronique comprenant la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique propose une fonctionnalité gratuite permettant au consommateur de transférer directement ses messages et sa liste de contacts vers un autre fournisseur, dans la limite de la capacité de stockage du nouveau service.

D’autre part, aux termes de cet article, tout fournisseur d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur, en prenant toutes les mesures nécessaires à cette fin, une fonctionnalité gratuite lui permettant de récupérer :

– tous les fichiers qu’il a mis en ligne ;

– toutes les données associées à son compte utilisateur dans un standard ouvert et aisément réutilisable, lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé.

Au cours de ses débats, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements modifiant l’article 21 présenté par :

– M. Sergio Coronado, précisant que la récupération des données peut se faire de manière partielle et intégrale. Il s’agit d’éviter une interprétation restrictive de ce droit, où l’utilisateur se verrait contraint de récupérer, un à un, l’ensemble de ses messages. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;

– la commission des Affaires économiques, visant à supprimer à l’alinéa 8 la mention du transfert « direct » des mails d’un fournisseur vers un autre. En effet, l’objet de la portabilité est d’accorder la possibilité aux utilisateurs d’exporter leurs mails dans un standard applicable – après un travail de configuration et d’agrégation –, puis de les importer sans difficulté dans le nouveau service. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et de votre rapporteur ;

– la commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 11 pour clarifier les conditions permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de pouvoir gratuitement continuer à bénéficier des services d’envoi et de réception des mails pendant une durée de six mois. Cette rédaction écarte la mention du changement de fournisseur, qui apparaît superflue, l’utilisateur n’ayant pas à justifier d’un changement de fournisseur pour désactiver ou résilier son service de messagerie électronique et bénéficier de la disposition proposée. Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur  et de sagesse du Gouvernement ;

– la commission des Affaires économiques, réécrivant l’alinéa 21 afin de ne pas appliquer la section relative à la récupération et à la portabilité des données de façon indiscriminée à toutes les relations contractuelles qui régissent les services de « business to business ». Cet amendement a reçu un avis favorable de votre rapporteur  et de sagesse du Gouvernement ;

– le Gouvernement, abaissant de douze à six mois le seuil réglementaire d’application du présent article 21 fixé au nombre de connexions, une échelle qui serait plus fiable et plus pertinente pour comparer le poids des différentes plateformes.

Renforcer l’autonomie de décision de l’individu sur les conditions et les modalités de communication et d’utilisation de ses données personnelles, c’est aussi lui permettre de décider du devenir de ses données. Cette question, laissée en grande partie sans réponse par le droit communautaire et le droit national existants, se pose avec une acuité particulière à deux moments de la vie de l’individu, lorsqu’il est un enfant d’une part, et au moment de sa disparition d’autre part. Les articles 31 et 32 du projet de loi tendent à restaurer la souveraineté de l’individu sur le devenir de ses données à ces deux moments.

En premier lieu, le I de l’article 32 consacre un droit à l’effacement accéléré au profit des personnes dont les données ont été collectées alors qu’elles étaient mineures au moment de la collecte. Ainsi que l’a relevé le Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi, il s’agit d’un droit à l’effacement des données particulièrement large, reconnu à « la personne, adulte ou non » et « sans motif » autre que la minorité (39).

Cette disposition s’inscrit dans le cadre de l’article 17 du projet de règlement communautaire sur la protection des données qui fait de la minorité un motif légitime d’effacement des données à caractère personnel, sous réserve que la mise en œuvre du traitement ne soit pas nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information, au respect d’une obligation légale ou à l’exercice d’une mission d’intérêt public, pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, à des fins d’archivage ou scientifiques, statistiques et historiques, ou à la constatation, l’exercice et la défense de droits en justice. Elle s’inscrit plus généralement dans le prolongement des préoccupations récentes sur le « droit à l’oubli » et le droit au déréférencement des moteurs de recherche tel qu’il a été récemment consacré par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt Google Spain c. AEPD (40).

Il s’agit là d’une réponse à l’exposition massive des mineurs sur les réseaux numériques, à un âge où ils ont rarement conscience des conséquences de leurs choix en matière de collecte et de gestion de leurs données personnelles et où il est difficile de connaître leur âge réel ou de s’assurer du consentement effectif de leurs parents. Ainsi, 96 % des 8-17 ans utiliseraient internet et, parmi eux, 48 % seraient connectés à un réseau social sans toujours maîtriser les paramètres de protection de leurs données (41).

Le I de l’article 32 exige du responsable de traitement qu’il agisse « dans les meilleurs délais ». À défaut d’exécution ou de réponse dans un délai d’un mois après sa demande, la personne pourra saisir la CNIL qui se prononcera dans un délai de quinze jours à compter de la date de la réception de la réclamation. Ce droit s’exercera à l’égard de tout responsable de traitement et de tout site internet sous les mêmes réserves que celles énoncées par le projet de règlement communautaire, y compris à l’égard des moteurs de recherche.

En second lieu, l’article 31 et le II de l’article 32 créent, pour la première fois dans notre législation, un cadre juridique réglant le sort des données à caractère personnel d’une personne au moment de sa disparition. Il vient combler le vide juridique actuel qui entoure le devenir de ces données au décès de la personne, lequel laisse les proches ou les ayants droit du défunt relativement démunis pour les gérer.

Le II de l’article 32 ouvre à toute personne la faculté de « définir des directives relatives à la conservation et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès », directives qui justifieront la conservation de ses données au-delà de la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles avaient été collectées et traitées (article 31). Ces directives définiront « la manière dont la personne entend que soient exercés après son décès les droits qu’elle détient en application de la [loi « Informatique et libertés »] ».

Par ces directives, la personne pourra désigner une personne chargée de les exécuter. Le même article prévoit que, à défaut, ces directives seront exécutées par les héritiers désignés selon l’ordre successoral spécifique suivant : « les descendants, le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir ». Cet ordre, qui ne reprend pas le droit commun des successions, tient compte de la nature particulière des données personnelles en cause et s’inspire du droit des successions anomales – qui régit la transmission d’un souvenir, d’un bien ou d’une sépulture de famille – et du droit de la propriété littéraire et artistique
– notamment la transmission du droit de divulgation de l’œuvre posthume.

Ces dispositions constituent un réel progrès par rapport au droit existant. En effet, en l’état du droit et hors les cas dans lesquels un contrat réglerait la question, les héritiers et proches du défunt peuvent seulement entreprendre des démarches de mise à jour des informations relatives au défunt afin que le responsable du traitement « prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence », conformément aux deux derniers alinéas de l’article 40 de la loi « Informatique et libertés ».

Dans d’autres cas particuliers, ils peuvent exercer le droit d’accès indirect reconnu par l’article 39 de la même loi à l’égard de certains traitements mis en œuvre par les administrations ou personnes privées chargées d’une mission de service public aux fins de constatation des infractions, de contrôle ou de recouvrement des impositions, par exemple le fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). De même, ils peuvent se faire communiquer les informations couvertes par le secret médical lorsqu’elles sont nécessaires à la connaissance des causes de la mort ou à la défense de la mémoire du défunt, ou lorsqu’elles leur permettraient de faire valoir leurs droits (article L. 1110-4 du code de la santé publique).

Par ailleurs, certains fournisseurs de services en ligne (Facebook, Google, Instagram, Linked In, Microsoft Outlook ou Twitter) proposent à leurs clients des fonctionnalités de paramétrage du devenir des données personnelles après leur mort ou, à défaut, des interfaces permettant à leurs proches de solliciter le verrouillage ou la suppression du compte. Mais ils le font sans encadrement juridique et dans des conditions ne permettant pas d’apporter une réponse homogène et complète aux questions soulevées par la disparition de la personne.

La commission des Lois a sensiblement modifié les dispositions de l’article 31 consacrées au devenir des données d’une personne au moment de sa disparition afin de préciser, d’une part, la portée du droit reconnu à chacun de définir des directives quant à leur conservation et à leur communication et, d’autre part, les modalités de transmission des droits « Informatique et libertés » à ses héritiers en l’absence de directive de sa part.

En premier lieu, elle a adopté un amendement de Mme Marietta Karamanli, soutenu par votre rapporteur et le Gouvernement, tendant à préciser que ces directives devront faire l’objet d’un consentement spécifique de la personne et ne pourront résulter de la seule approbation des conditions générales d’utilisation du service concerné.

En second lieu, à l’initiative du Gouvernement et avec l’accord de votre rapporteur, elle a supprimé la transmission à ses héritiers des droits « Informatique et libertés » de la personne décédée en l’absence de directive de sa part. En lieu et place de ce dispositif qui soulevait de nombreuses interrogations, elle a rétabli les dispositions actuelles de notre droit qui permettent aux héritiers de demander à tout responsable de traitement qu’il soit tenu compte du décès de la personne (verrouillage du compte, mise à jour des données) et restreint la possibilité pour ces derniers d’accéder aux données du défunt au seul cas où ses données personnelles seraient « nécessaires à la liquidation et au partage de la succession ».

Près de quarante ans après sa création, la CNIL s’est durablement installée dans le paysage des régulateurs des activités numériques, aux côtés de la CADA et de l’ARCEP avec lesquelles elle travaille étroitement. Cette autorité administrative indépendante a su s’adapter aux évolutions législatives et technologiques qui ont marqué le secteur qu’elle est chargée de réguler, en parvenant à mener de front ses missions d’information des usagers de traitements, de conseil, de contrôle et de sanction des responsables de traitements, et de suivi des mutations numériques.

Le projet de loi consolide sa place et conforte son rôle à l’égard des usagers et des responsables de traitements en lui confiant des missions complémentaires de celles qu’elle remplit déjà et en améliorant les conditions dans lesquelles elle sanctionne les manquements à la loi « Informatique et libertés ».

L’article 29 élargit les missions qui lui ont été confiées par le législateur à l’article 11 de la loi « Informatique et libertés » dans trois directions :

– de manière moins restrictive que ne le prévoit l’actuel a) du 4° de cet article, il rend obligatoire sa consultation non seulement sur « tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés » mais aussi sur « les dispositions de tout projet de loi ou de décret relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données » () ;

– au même 4°, il lui confie le soin de mener une « réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques », en associant des personnalités qualifiées et la société civile sous la forme de « débats publics » () ;

– au même 4°, il la charge de promouvoir « l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données » devenues un outil essentiel dans les mains de l’individu pour garantir la confidentialité et l’intégrité d’une information et assurer l’authenticité d’un message (même ).

À l’initiative de M. Sergio Coronado et avec un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a inscrit au bis de cet article la publicité systématique des avis rendus par la CNIL sur un projet de loi, là où aujourd’hui le président d’une commission permanente parlementaire doit en solliciter la publication. Dans le même esprit, la Commission, avec l’avis favorable de votre rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, a adopté un amendement de M. Coronado insérant un article 29 bis qui rend systématiquement publics les avis de la CNIL sur tout projet de décret ou d’arrêté lorsque cette dernière est consultée en vertu d’une disposition législative.

La commission des Lois a également adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable de votre rapporteur, opérant la synthèse des amendements déposés par plusieurs parlementaires de la majorité et de l’opposition, qui ouvre, au ter de l’article 29, la possibilité pour le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat de consulter la CNIL sur une proposition de loi « relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés ou comportant des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel ou au traitement de telles données ». Le même amendement a précisé la procédure applicable aux avis rendus par la CNIL sur un projet de loi ou de décret ou sur une proposition de loi, en prévoyant qu’elle disposerait d’un délai de six semaines pour rendre son avis, délai reconductible une fois.

En outre, l’article 30 conforte sa mission de conseil des responsables de traitements dans leur mise en conformité avec les obligations légales. Il lui permet de certifier la conformité à la loi « Informatique et libertés » des processus d’anonymisation des données personnelles (occultation, pseudonymisation, généralisation des données identifiantes…), en particulier dans la perspective de l’ouverture plus grande des données publiques prévue par l’article 4 du projet de loi. La sécurité, la fiabilité et la robustesse des techniques d’anonymisation des données personnelles contenues dans les données mises en ligne constituent en effet des enjeux essentiels, tant sont grands les risques de réidentification ultérieure de personnes par recoupements, corrélations ou inférences.

La commission des Lois a adopté un amendement du Gouvernement, avec l’avis favorable de votre rapporteur, précisant que cette mission de certification pouvait consister dans un travail d’homologation et de publication de référentiels ou de méthodologies générales servant de base à une certification par des tiers.

Enfin, la mise en œuvre des dispositions de l’article 32 relatives au droit à l’effacement accéléré des données d’une personne et au devenir de ses données après sa mort nécessitera l’intervention de la CNIL, déjà habituée à veiller au respect des droits « traditionnels » de la loi « Informatique et libertés ».

S’agissant des modalités d’exercice des compétences reconnues à la CNIL, la commission des Lois, avec l’avis favorable de votre rapporteur, a adopté deux amendements de M. Sergio Coronado créant deux nouveaux articles au sein du présent projet de loi :

– à l’article 30 bis, elle a institué une possibilité de coopération croisée entre la CNIL et l’ARCEP sur toute question relevant des compétences respectives de chacune de ces autorités ;

– à l’article 33 bis, elle a instauré un mécanisme de coopération entre la CNIL et son homologue d’un autre État non-membre de l’Union européenne, dès lors que cet État offre un niveau de protection adéquat des données à caractère personnel.

Afin de renforcer la crédibilité de la CNIL à l’égard des responsables de traitements, l’article 33 rénove les conditions dans lesquelles elle peut prononcer des sanctions en cas de manquement aux obligations qui s’imposent à eux.

Les procédures aujourd’hui prévues par l’article 45 de la loi « Informatique et libertés » présentent des lacunes qui grèvent leur efficacité et leur crédibilité, en raison de la longueur excessive du délai de mise en demeure, de la nécessité d’une mise en demeure préalable avant le prononcé, par la formation restreinte, d’une sanction pécuniaire, d’une injonction de cesser le traitement ou d’un retrait de l’autorisation, ou encore du caractère restrictif du référé judiciaire applicable en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés.

L’article 33 remédie à ces lacunes sur trois points :

– en cas de non-respect des obligations posées par la loi, il réduit le délai de mise en demeure fixé par le président de la CNIL de cinq jours en cas d’urgence aujourd’hui à vingt-quatre heures « [e]n cas d’extrême urgence » et permet à la formation restreinte de prononcer une sanction sans mise en demeure préalable « lorsque le manquement constaté ne peut faire l’objet d’une mise en conformité dans le cadre d’une mise en demeure » (1° du I) ;

– en cas d’atteinte grave et immédiate aux droits et libertés, il permet au président de la CNIL de demander à la juridiction compétente d’ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde de ces droits, et plus seulement les « mesures de sécurité » (2° du I) ;

– de manière générale, il renforce la publicité des sanctions en prévoyant que la formation restreinte pourra « ordonner que les personnes sanctionnées informent individuellement de [ces] sanction[s], à leur frais, chacune des personnes concernées » (II).

Sur proposition de votre rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, la commission des Lois a inséré un bis au sein de cet article qui clarifie les conditions dans lesquelles peut être mise en œuvre la procédure de sanctions en application du II de l’article 45 de la loi « Informatique et libertés ».

En complément des dispositions figurant déjà dans le projet de loi en la matière, la commission des Lois a inséré deux nouveaux articles tendant à renforcer la protection de la vie privée en ligne et des données à caractère personnel.

En premier lieu, sur proposition de M. Sergio Coronado et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a créé, à l’article 33 ter, une nouvelle habilitation d’association à exercer les droits reconnus à la partie civile. Cet article insère un article 2-24 au sein du code de procédure pénale permettant aux associations régulièrement déclarées depuis au moins deux ans à la date des faits et se proposant, par leurs statuts, de protéger les données personnelles ou la vie privée à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Cette disposition sera de nature à renforcer l’effectivité et l’efficacité de la poursuite des infractions à la législation relative aux données personnelles.

En second lieu, à l’initiative de M. Sergio Coronado mais contre l’avis de votre rapporteur et du Gouvernement, la Commission a souhaité renforcer, à l’article 33 quater, la répression pénale des faits de diffusion non désirée d’images ou de vidéos à caractère sexuel (« vengeance pornographique »). Inspiré des conclusions du rapport d’information de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée (42), cet article complète l’article 226-1 du code pénal afin de punir d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait « de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites ».

Il ne saurait y avoir, dans une République numérique, de garantie des droits sans respect du droit au secret des correspondances. Rattaché, par le Conseil constitutionnel, aux libertés constitutionnellement garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (43) et protégé par l’article 8 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), le droit au secret des correspondances protège la confidentialité des communications privées.

Le respect de ce droit a pris une importance particulière à l’ère numérique et le législateur le garantit non seulement à l’égard des éventuelles immixtions des autorités publiques (article L. 801-1 du code de la sécurité intérieure) mais aussi des activités des opérateurs de communications électroniques (article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques). Plusieurs dispositions du code pénal répriment les atteintes de toute forme portées à ce principe (articles 226-1 à 226-3, 226-15 et 432-9).

Il doit toutefois s’appliquer avec la même vigueur à l’ensemble des personnes qui fournissent des services par lesquels transitent des échanges de nature privée, quels que soient la nature de l’activité de ces personnes et le vecteur ou la technologie de communication utilisés. Or, s’il ne fait aucun doute que ce principe s’applique aux échanges par téléphone et par SMS, un débat juridique est né sur son application aux autres échanges sur les réseaux numériques, notamment les services de téléphonie sur IP, les réseaux sociaux ou les services de messagerie en ligne.

C’est la raison pour laquelle l’article 34 du projet de loi modifie la rédaction de l’actuel article L. 32-3 du code des postes des communications électroniques afin de renforcer l’effectivité de ce principe et d’en clarifier le champ d’application.

En premier lieu, il continue de l’appliquer aux opérateurs de télécommunications mais définit sa portée en précisant qu’il concerne le contenu des correspondances, l’identité des correspondants et, le cas échéant, l’en-tête du message ainsi que les pièces jointes (I).

En deuxième lieu, il étend ce principe aux « éditeurs de services de communication au public en ligne permettant aux utilisateurs de ces services d’échanger des correspondances » (II).

En troisième et dernier lieu, il interdit tout « traitement automatisé d’analyse du contenu de la correspondance en ligne », ce qui vise les services proposés par certains acteurs à des fins de publicité comportementale, de protection de l’usager de la messagerie ou d’amélioration de ses fonctionnalités (scan des courriers électroniques). Par dérogation, il autorise de tels traitements lorsqu’ils ont pour fonction « l’affichage, le tri, l’acheminement de ces correspondances, la fourniture d’un service bénéficiant uniquement à l’utilisateur ou la détection de contenus non sollicités ou de programmes informatiques malveillants » (III).

De l’avis de votre rapporteur, le recours à des outils automatiques de scan des courriels, destinés à proposer des services à l’utilisateur et à contextualiser ou personnaliser des messages publicitaires, n’est pas de même nature que l’ouverture, l’exploitation et la révélation de correspondances privées décidées et effectuées par une personne physique. C’est la raison pour laquelle il s’est interrogé sur la pertinence et la proportionnalité du dispositif d’interdiction posée par l’article 40, au regard notamment de deux critères. Il lui est apparu nécessaire de tenir compte, dans la réflexion, d’une part, du caractère gratuit des services de réception et de gestion des courriels mis à la disposition des personnes qui les utilisent et, d’autre part, des perspectives d’évolution des modalités d’information et de recueil du consentement de ces personnes.

Sur proposition de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et un avis de sagesse du Gouvernement, la commission des Lois a élargi le champ des personnes soumises au respect du secret des correspondances en vertu de l’article L. 32-3 précité. Outre les éditeurs de services de communication au public en ligne au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), sont visés par cet article les « fournisseurs de services de communication au public en ligne » au sens du 2 du I de l’article 6 de la LCEN et par l’intermédiaire desquels peuvent transiter ou être conservées des correspondances privées, c’est-à-dire les hébergeurs de sites internet.

Le projet de loi ne se borne pas à consolider les droits des individus à être protégés et à décider de manière autonome des conditions de collecte et de conservation de leurs données sur les réseaux numériques. Il ouvre à ces mêmes individus de nouvelles possibilités d’agir en leur permettant de tirer tous les bénéfices des nouvelles fonctionnalités offertes par le numérique, en particulier dans le domaine des échanges sécurisés dématérialisés et des micro-paiements multimédia.

L’article 40 vient utilement encadrer et sécuriser la lettre recommandée électronique alors que coexistent aujourd’hui trois types de recommandé – le recommandé traditionnel sous format papier, le recommandé intégralement électronique et le recommandé hybride, collecté sous forme électronique mais distribué sous format papier – dans un univers juridique lacunaire et peu harmonisé.

Dans le prolongement des dispositions adoptées par l’Union européenne en matière de sécurité des transactions électroniques avec le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 dit « e-IDAS » (44), cet article insère un nouvel article L. 100 dans le code des postes et des communications électroniques, qui tend à assurer au recommandé électronique les mêmes effets juridiques que ceux attachés au recommandé postal traditionnel (I).

À cette fin, il encadre ses modalités de distribution en exigeant qu’il soit délivré, d’une part, par un prestataire reconnu comme un prestataire de service de confiance qualifié pour les services d’envoi recommandé électronique au sens du droit communautaire () et, d’autre part, par l’intermédiaire d’un « procédé électronique permet[tant] de garantir l’identité du destinataire » qui devra « donner son accord exprès pour l’utilisation d’un tel procédé » ().

Par ailleurs, la responsabilité contractuelle et délictuelle du prestataire chargé de délivrer le recommandé électronique pourra être engagée en cas de retard dans la délivrance, de perte de la lettre ou d’avaries au cours de la prestation (II). Enfin, il est confié à l’ARCEP le soin de veiller au respect par tout prestataire de recommandé électronique des obligations législatives et réglementaires et de sanctionner les éventuels manquements à celles-ci, dans les conditions aujourd’hui prévues par l’article L. 36-11 du même code (III et IV).

Mieux sécurisé, le recommandé électronique pourra ainsi être davantage utilisé dans les relations entre les entreprises, les citoyens et les autorités publiques.

Avec l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté plusieurs amendements présentés par Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et M. Lionel Tardy, qui complètent ou précisent les conditions pour que l’envoi recommandé électronique bénéficie des mêmes effets juridiques que l’envoi recommandé postal, notamment en matière d’information claire, transparente et loyale des consommateurs sur les prestataires de services d’envoi de recommandé électronique.

L’article 41 vise, quant à lui, à faciliter certaines opérations de paiement ou don multimédia proposées par un opérateur de communications électroniques et imputées sur la facture de l’abonné (opérations dites de « facturation opérateur »).

De telles opérations existent déjà en partie, en vertu du 1° de l’article L. 311-4 du code monétaire et financier (45), mais ne sont admises que dans des conditions relativement restrictives, exigeant que l’opérateur apporte une valeur ajoutée au bien ou service proposé (systèmes d’accès, de recherche ou de distribution…) et que le bien ou service soit utilisé à l’aide de l’appareil numérique (portable, ordinateur….) ayant servi à son achat.

L’article 41, qui transpose dans notre droit certaines dispositions de la directive dite « services de paiement 2 » (46), insère dans ce même code deux nouveaux articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 afin d’élargir le champ des opérations susceptibles d’être proposées par l’opérateur à ses abonnés en matière de micro-paiements ou de dons par SMS :

– il vise « l’achat de contenu numérique et de services vocaux, quel que soit le dispositif utilisé pour l’achat ou la consommation du contenu numérique » : sont concernés les contenus numériques et les services vocaux ayant trait aux loisirs (téléchargements de vidéos, de musique ou de jeux…), à l’information (météo, actualités, résultats sportifs, cours de bourse…), aux renseignements téléphoniques ou à la participation à des émissions de radio ou de télévision ;

– il autorise la fourniture de services de don multimédia au profit d’organismes faisant appel public à la générosité, en particulier de dons par SMS, ce qui permettra aux associations caritatives de développer et de diversifier les supports de leur collecte de dons ;

– il permet l’achat multimédia de tickets électroniques.

Dans la mesure où elle déroge au cadre juridique applicable aux activités de prestataire de services de paiement, l’activité de paiement des opérateurs sera exemptée d’agrément mais continuera d’être soumise au régime de déclaration préalable auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et au contrôle de cette dernière. Par ailleurs, la valeur de chaque opération de paiement isolée ne pourra excéder 50 euros et le cumul mensuel de toutes les opérations 300 euros.

Le sport électronique – communément appelé e –sport – désigne la pratique du jeu vidéo sous une forme professionnalisée. La compétition la plus connue est la « coupe du monde League of Legends », qui a été regardée en direct par plus de 32 millions de personnes en 2015. Les tournois sont de mieux en mieux dotés, la compétition « The international Dota 2 » proposant par exemple 11 millions de dollars de gains. Les joueurs, appelés « gamers », peuvent jouer seuls ou en équipe dans ces événements organisés par des associations, des organisations professionnelles, et de plus en plus souvent par des éditeurs de jeux vidéo.

Le développement des compétitions de jeux vidéo est un phénomène mondial, particulièrement en Asie et en Amérique du Nord. Selon l’étude d’impact, en France, il y aurait environ 850 000 pratiquants réguliers, et on assiste à l’émergence d’une scène professionnelle avec près de 50 jeunes Français qui sont rétribués pour leur activité, que celle –ci soit liée aux gains lors des tournois, aux sponsors ou aux commentaires de parties diffusées en ligne.

Lors de la consultation publique sur le projet de loi, la proposition du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) visant à sécuriser l’organisation de ces compétitions en introduisant une exception à l’interdiction des loteries a recueilli un très grand succès auprès des internautes. Après examen de la proposition, le Gouvernement a décidé d’utiliser ce projet de loi pour répondre aux attentes des joueurs et des organisateurs. Le présent article a donc été ajouté. L’étude d’impact indique qu’une mission parlementaire devrait être très rapidement lancée pour proposer un cadre complet afin de développer ces activités et leur organisation, clarifier le statut des joueurs et soutenir le développement de ce secteur économique.

L’article 42 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier le code de la sécurité intérieure afin de définir, par dérogation à l’interdiction générale des loteries, le régime particulier applicable aux compétitions de jeux vidéo, tels que définis à l’article 220 terdecies II du code général des impôts (47), pour en faciliter l’organisation.

Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

À l’initiative de votre rapporteur, avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, M. Emeric Bréhier et contre l’avis du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale de cet article permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, sans recourir à l’ordonnance.

Aux termes de la nouvelle rédaction de l’article, un agrément peut être délivré par le ministre chargé de la jeunesse aux organisateurs de compétitions de jeux vidéo, notamment à dominante sportive, requérant la présence physique des joueurs, qui présentent des garanties visant à assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des compétitions, protéger les mineurs, prévenir les activités frauduleuses ou criminelles et les atteintes à la santé publique. Par ailleurs, cet article dispose qu’un arrêté du ministre chargé de la jeunesse fixe la liste des logiciels de loisirs pour lesquels les organisateurs de compétitions peuvent bénéficier de l’agrément.

La République numérique exige que chacun de ses citoyens puisse accéder non seulement aux technologies numériques mais aussi à leurs usages et aux services qu’elles proposent. À cet effet, le troisième volet du projet de loi, qui vise à garantir l’accès au numérique pour tous, s’attache à développer la couverture numérique des territoires, par le renforcement de l’action des territoires en matière de développement numérique ainsi que l’amélioration de la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs (A), et à améliorer l’accès de tous au numérique, notamment pour les personnes handicapées et celles qui rencontrent des difficultés financières (B).

UNE DIMENSION TERRITORIALE INDÉNIABLE

– Favoriser la mise en place d’une stratégie de développement des usages et services numériques au niveau départemental : actuellement de nombreuses collectivités territoriales encouragent le développement des usages et des services numériques sur leur territoire. L’objectif du projet de loi est d’assurer la cohérence de ces initiatives en étendant aux usages et services numériques la démarche des schémas territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN). Cette démarche suppose une coordination au niveau départemental ou supra-départemental entre tous les acteurs concernés (collectivités territoriales, opérateurs, représentants de l’État dans les départements ou la région concernés…) afin d’améliorer la cohérence et la pertinence des choix faits en matière de politique de développement des usages et des services numériques.

– Accélérer la réalisation du Plan France – Très Haut Débit à travers le regroupement de syndicats mixtes : le projet de loi autorise, à titre dérogatoire, le regroupement de syndicats mixtes ouverts ayant reçu, de la part des collectivités, la compétence pour développer un réseau de communications électroniques, afin de parvenir à l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, conformément au Plan France Très Haut Débit (PFTHD) lancé en 2013. La possibilité d’un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert – sans devoir être dissous – ne serait ouverte que pour la réalisation de cet objectif et pour une période limitée dans le temps, s’achevant le 31 décembre 2021.

– Améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs mobiles sur le territoire et développer de nouveaux services numériques : l’amélioration de la couverture mobile du territoire de même que le nouveau mode de calcul des redevances pour l’occupation et l’utilisation du domaine public hertzien par les opérateurs mobiles devrait permettre le développement de services numériques innovants. Par ailleurs, l’amélioration de l’entretien des abords des lignes de téléphonie fixe devrait renforcer la qualité du service rendu aux usagers.

LES ENJEUX DE L’ACCESSIBILITÉ

– Accessibilité des services publics, des services clients et des offres de communications électroniques aux personnes sourdes et malentendantes : mise en place d’une offre de traduction écrite, simultanée ou visuelle permettant aux personnes souffrant d’une déficience auditive de communiquer dans la vie quotidienne avec une personne entendante (transcription écrite, intervention d’interprètes en langue des signes française ou de codeurs en langage parlé complété).

– Accessibilité des sites internet publics aux personnes handicapées : adaptation de la configuration et de la présentation des sites internet des administrations de l’État, des collectivités territoriales et des délégataires d’une mission de service public selon des normes permettant la perception, l’utilisation et la compréhension des informations qu’ils contiennent aux personnes handicapées.

– Maintien temporaire de la connexion internet : interdiction faite à tout opérateur de couper l’accès à une connexion internet d’une personne qui n’a pas les moyens de payer sa facture si elle a demandé une aide financière de la collectivité et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande.

La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a accru les facultés d’intervention des collectivités territoriales en matière d’établissement de réseaux de communications électroniques en leur permettant d’établir et d’exploiter ces réseaux. Ces compétences nouvelles ont été codifiées à l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et renforcées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Macron ») et par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation du territoire de la République (NOTRe).

Les collectivités territoriales sont en effet de plus en plus sollicitées pour accompagner la transition numérique du territoire français dans le cadre de multiples projets : le déploiement opérationnel du très haut débit fixe (2015-2022), la couverture mobile du territoire (2016-2017), le déploiement du plan numérique éducatif (2016), la dématérialisation complète des documents d’urbanisme, des marchés publics et des demandes de subvention, des factures (2017), de la chaîne comptable et financière (2017-2019), la saisine électronique par les usagers, le principe du « silence vaut acceptation ! » (novembre 2016), le programme « France Connect » (2016), le programme « Dites-le nous une fois ! »…

Le présent projet de loi s’inscrit dans ce contexte et propose de renforcer l’action des territoires dans le développement du numérique en favorisant la cohérence des initiatives locales en matière d’usages et de services numériques dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique (SDTAN) (article 35), ainsi que la mutualisation des moyens à l’échelle supra-départementale pour parvenir à la réalisation du plan France Très Haut Débit à l’horizon 2022 (article 36).

Parallèlement, le présent projet de loi entend améliorer la qualité des services téléphoniques rendus par les opérateurs sur le territoire à travers la mise à disposition et la réutilisation libre des cartes de couverture numérique des opérateurs mobiles (article 37), la clarification des modalités de calcul des redevances des fréquences dues par ces opérateurs en fonction de leur utilisation prévue et réalisée (article 38) et l’instauration d’une obligation d’entretien et de renouvellement du réseau des lignes téléphoniques fixes sur l’ensemble du territoire national (article 39).

Les usages et services numériques proposés par les collectivités territoriales sont très variés. Ils peuvent, par exemple, porter sur l’ouverture massive des données publiques, la médiation via le numérique au service des citoyens, la promotion d’actions de formation au numérique ou de nouveaux modes d’apprentissage…

L’article 35 du présent projet de loi introduit un nouvel article L. 1425-3 au sein du code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités qui le souhaitent d’inclure, dans le SDTAN, une stratégie de développement des usages et des services numériques utilisant les infrastructures et réseaux de communications électroniques du territoire.

Ces schémas directeurs territoriaux n’auront qu’une valeur indicative et visent essentiellement à favoriser la cohérence des initiatives publiques et leur bonne articulation avec l’investissement privé, ainsi que la mise en place de ressources partagées et mutualisées, y compris en matière de médiation numérique, afin de doter l’ensemble des territoires d’un maillage équilibré de services numériques (48).

À l’initiative de Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, et suivant l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, votre Commission a adopté un amendement visant à simplifier la description du volet « services et usages numériques » du SDTAN pour la concentrer sur ses caractéristiques principales.

Dans un discours prononcé le 20 février 2013, le Président de la République a défini les premières orientations de la stratégie de croissance pour une ambition numérique visant à couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022. Il a ainsi lancé le plan France Très Haut Débit (PFTHD) qui succède au programme national très haut débit lancé en 2010.

Le PFTHD prévoit en effet un partage des investissements entre opérateurs privés et collectivités territoriales pour parvenir à la couverture totale du territoire en très haut débit d’ici 2022 :

– sur un territoire représentant 57 % de la population, les opérateurs s’engagent à déployer des réseaux privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l’État et les collectivités concernées ;

– sur le reste du territoire (43 % de la population), les collectivités territoriales sont nécessairement conduites à créer des réseaux d’initiative publique ouverts à tous les opérateurs, ce qui implique des investissements de très grande ampleur avec le soutien technique et financier de l’État. Il faut à cet égard souligner que la politique de financement menée par le PFTHD prévoit une prime aux réseaux d’initiative publique d’envergure pluri-départementale qui bénéficient d’une majoration de subvention de 10 % pour deux départements et de 15 % pour trois et plus.

Toutefois, de nombreuses collectivités territoriales se sont lancées dans le développement du très haut débit à travers des groupements d’une échelle départementale voire infra-départementale et sont désormais propriétaires des réseaux d’initiative publiques qu’elles ont financées. Or, il apparaît aujourd’hui nécessaire de réussir à commercialiser ces réseaux d’initiative publique à une plus grande échelle afin d’attirer les fournisseurs d’accès à internet pour qu’ils exploitent ces réseaux. Plusieurs solutions sont envisageables comme la création d’un syndicat mixte ouvert à l’échelle régionale, en Bretagne par exemple, ou encore la création de sociétés publiques locales chargées de commercialiser et d’exploiter les réseaux de communications électroniques de ses membres, comme il en existe en Auvergne ou en Aquitaine.

L’article 36 du présent projet de loi s’inscrit dans ce contexte en autorisant, à titre dérogatoire, le regroupement de syndicats mixtes ouverts ayant reçu, de la part des collectivités, la compétence pour développer un réseau de communications électroniques, afin de parvenir à l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici 2022, conformément au Plan France Très Haut Débit (PFTHD). La possibilité d’un syndicat mixte ouvert d’adhérer à un autre syndicat mixte ouvert – sans devoir être dissous – ne serait ouverte que pour la réalisation de cet objectif et pour une période limitée dans le temps, s’achevant le 31 décembre 2021(49). Toutefois, à l’initiative de Mme Marianne Chapdelaine et les autres membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen et suivant l’avis favorable de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de réécriture globale du présent article, sous-amendé par votre rapporteur, qui vise à encadrer plus étroitement la période pendant laquelle des syndicats mixtes ouverts peuvent être constitués avec d’autres syndicats mixtes ouverts, en fixant la limite de ce dispositif au 31 décembre 2019.

La commission des Lois a adopté plusieurs articles additionnels après l’article 37 du projet de loi pour encourager davantage la couverture numérique du territoire à travers :

– l’article 37 A, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rend les dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile sur la période 2015-2022 éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

– l’article 37 B, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui rétablit la servitude de passage sur les façades et les murs d’immeubles au bénéfice de tous les opérateurs pour pouvoir accrocher le câble de fibre optique en suivant le cheminement des câbles existants en façade ou poser de nouveaux systèmes d’accroche ;

– l’article 37 C, introduit à l’initiative du Gouvernement après avis favorable de votre rapporteur, qui interdit au propriétaire d’un immeuble à usage mixte ou à la copropriété de s’opposer, sauf motif sérieux et légitime, à l’installation de la fibre optique dans les parties communes de l’immeuble lorsque les infrastructures d’accueil disponibles le permettent dès lors que l’occupant d’un logement a souhaité mettre en œuvre son « droit à la fibre » ;

– l’article 37 bis, introduit à l’initiative de M. Patrice Martin-Lalande, suivant l’avis favorable de votre rapporteur et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, qui autorise l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches en terme de couverture mobile de deuxième génération, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Afin de favoriser la concurrence entre les opérateurs de téléphonie mobile pour déployer sur l’intégralité du territoire français des technologies mobiles les plus innovantes (3G, 4G, 4G+) et encourager la création de nouveaux services aux entreprises ou aux usagers à partir des données servant à établir les cartes de couverture mobile, l’article 37 du présent projet de loi impose à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de mettre à disposition du public, par voie électronique, sous un standard ouvert et réutilisable (en « open data » en anglais), sous réserve d’en mentionner la source, les données suivantes :

– les cartes numériques de couverture du territoire que les fournisseurs de services de communications électroniques sont déjà tenus de publier ;

– les données servant à les établir qui sont transmises préalablement à l’Autorité, lesquelles sont d’ores et déjà publiées pour l’essentiel par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) sur le site www.cartoradio.fr.

Dans son avis, le Conseil d’État a considéré que cette disposition impose « des obligations proportionnées » aux opérateurs de téléphonie mobile au regard des objectifs poursuivis(50).

Dans un arrêt du 29 décembre 2014 (51), le Conseil d’État a annulé un décret (52) qui prévoyait la multiplication par six du montant de la part fixe de la redevance du domaine public hertzien imposée aux opérateurs de téléphonie mobile visant à prendre en compte la levée des restrictions technologiques dans la bande 1 800 MHz initialement autorisée pour la fourniture du service mobile de deuxième génération (2G). Cette annulation était motivée par le fait que la méthode d’évaluation de la valeur économique des fréquences retenue ne tenait pas parfaitement compte des conditions d’utilisation des fréquences par l’opérateur concerné. En effet, l’évaluation des avantages procurés aux opérateurs retenait l’hypothèse que ces fréquences pourraient être exclusivement utilisées pour la fourniture de service mobile de quatrième génération (4G) alors que les fréquences en cause ne pouvaient, en fait, être utilisées, au moins pendant un temps, exclusivement avec la norme 4G, compte tenu de la nécessité pour l’opérateur de continuer d’acheminer sur cette bande de fréquences un volume notable de communications par le biais de la norme 2G, lui procurant des avantages moindres.

Selon le Gouvernement, « une lecture trop littérale de cet arrêt ne permettrait plus à l’État de fixer des redevances incitant les opérateurs mobiles à couvrir le plus vite possible le territoire avec les technologies les plus modernes ».

C’est la raison pour laquelle l’article 38 du présent projet de loi propose d’introduire un nouvel article au sein du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), numéroté L. 2125-10, précisant les modalités de calcul des redevances dues par les opérateurs mobiles pour l’occupation ou l’utilisation du spectre hertzien.

Le premier alinéa de ce nouvel article L. 2125-10 prévoit que la redevance due, par un opérateur de communications électroniques, pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public des fréquences radioélectriques, tient compte :

– d’une part, des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation eu égard à l’utilisation à laquelle ces fréquences sont destinées ;

– d’autre part, de l’objectif d’utilisation et de gestion efficaces des fréquences radioélectriques.

L’objectif poursuivi par le Gouvernement est que « le montant de la redevance contribue à une utilisation optimale du spectre » conformément à l’article 13 de la directive « Autorisation » (53).

Les deuxième et troisième alinéas de ce nouvel article L. 2125-10 prévoient par ailleurs que les fréquences radioélectriques qui n’ont pas été spécifiquement assignées à un utilisateur ne donnent pas lieu à redevances de même que celles autorisées à des fins exclusivement expérimentales. Il s’agit d’encourager les projets innovants de partage de fréquences (objets connectés, e-santé, villes intelligentes…), comme le préconise le rapport intitulé « Une gestion dynamique du spectre pour l’innovation et la croissance » remis par Madame Joëlle Tolédano en mars 2014 (54).

L’article 39 du présent projet de loi s’inspire de la proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement du réseau des lignes téléphoniques, déposée par notre collègue André Chassaigne le 16 décembre 2014, qui a été adoptée à l’unanimité le 7 mai 2015 en première lecture à l’Assemblée nationale (55).

L’objectif de cette proposition de loi était d’apporter des solutions à la dégradation du service téléphonique fixe consécutive au défaut d’entretien des abords des réseaux fixes de communications électroniques ouverts au public. Son premier chapitre visait à qualifier l’entretien des réseaux fixes et de leurs abords d’utilité publique. Sur cette base, le texte rétablissait la servitude d’élagage introduite en 1984 et rendait l’opérateur Orange (56) entièrement responsable de l’entretien des abords de son réseau, étant précisé que le propriétaire pouvait le faire, pour le compte de l’opérateur, après l’en avoir informé et avoir recueilli son accord. Le second chapitre renforçait quant à lui l’encadrement de l’opérateur chargé du service universel par deux obligations : dresser un état des lieux détaillé du réseau fixe et renforcer le régime de sanction applicable par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en cas de manquement de l’opérateur à ses obligations. Cette proposition de loi n’a pas encore été examinée par le Sénat.

Le projet de loi reprend une grande partie des dispositions de cette proposition de loi mais, par rapport à la version adoptée par l’Assemblée nationale, renverse le régime de responsabilité en imposant désormais aux propriétaires d’effectuer lui-même l’entretien des abords des réseaux, tout en permettant à l’opérateur de le faire à ses frais sur une base volontaire, et le lui impose si le propriétaire n’est pas connu. Il est confirmé que lorsque cet entretien n’est assuré par aucun d’entre eux, le maire peut s’en charger aux frais des opérateurs.

La technologie présente une certaine ambivalence au regard des conditions d’accès au numérique. Source d’innovations et porteuse de facilités d’apprentissage et d’usage, elle permet aux individus de gagner en autonomie et de s’investir dans des champs d’action et du savoir auxquels ils ne pouvaient, jusqu’alors, pas accéder aussi facilement (économie collaborative, création et partage de savoirs, recours des personnes handicapées à certaines technologies adaptées à leur handicap, comme les SMS, la visiophonie ou la synthèse et la reconnaissance vocales). Dans le même temps, elle crée de nouvelles exclusions et creuse des inégalités existantes au détriment des personnes qui n’en maîtrisent pas les codes ou ne disposent pas des moyens suffisants pour l’utiliser.

À l’ère numérique, la République doit permettre à chacun de nos concitoyens de pouvoir accéder, dans les meilleures conditions possibles, à internet, en tenant compte, le cas échéant, de leur handicap ou des difficultés financières qu’ils peuvent rencontrer. Tel est l’objet du chapitre III du titre III du projet de loi, consacré à l’accès des publics fragiles au numérique, qu’il s’agisse de l’accès aux services téléphoniques, aux sites internet publics ou à une connexion internet.

En premier lieu, le projet de loi renforce les conditions d’accessibilité de certains services numériques aux personnes handicapées.

Le principe d’égal accès des personnes handicapées à toutes les sphères de la Cité a été consacré par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, notamment en matière de scolarité, d’enseignement supérieur et professionnel, d’emploi, de cadre bâti, de transports et de nouvelles technologies.

L’article 47 de cette loi dispose ainsi que « [l]es services de communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées » et que « [l]’accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation ». À cet effet, un référentiel général d’accessibilité a été mis en place en 2009 afin d’harmoniser les conditions d’accessibilité que ces sites doivent respecter et des mesures d’encouragement des administrations ont été prises (labellisation, formations, chartes…).

En vertu de l’article 78 de la même loi, « [d]ans leurs relations avec les services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant ».

Les opérateurs de communications électroniques doivent également prendre diverses mesures en faveur des utilisateurs handicapés pour qu’ils bénéficient d’un accès équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs, et à un tarif abordable, aux prestations de service universel (téléphonie fixe, renseignements et annuaires…) depuis 2003 (57) et, depuis la transposition du troisième « paquet télécom » (58) en 2011, aux services de communications électroniques, y compris les services dédiés à la clientèle, les contrats, les factures, la documentation et les équipements (59), ainsi qu’aux services d’urgence, pour lesquels un centre national de relais spécifique – le 114 – a été créé en 2011 (60). Ces dispositions ont été complétées par l’expérimentation conduite par l’État, en 2014 et 2015, d’un centre relais généraliste destiné à traiter les communications interpersonnelles entre les personnes sourdes et malentendantes et les personnes entendantes.

Malgré tout, l’accessibilité des services téléphoniques et des sites internet publics aux personnes handicapées demeure insuffisante, comme ont pu le confirmer les auditions conduites par votre rapporteur sur ce sujet :

– s’agissant des services téléphoniques, l’expérimentation, l’année dernière, d’un centre relais généraliste a fait naître de nombreuses attentes de la part des personnes déficientes auditives qui souhaiteraient pouvoir communiquer avec un tiers dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre personne ; au surplus, toutes les administrations et entreprises ne se sont pas encore dotées de services téléphoniques d’accueil ou de relations clients accessibles aux personnes sourdes et malentendantes ;

– la mise en accessibilité des sites internet publics demeure, quant à elle, largement insuffisante puisque seuls 4 % des sites se seraient conformés aux règles posées par la loi, d’après une étude réalisée par l’association Braillenet en 2014 (61).

Les articles 43 et 44 du projet de loi tendent à réparer ces insuffisances, afin de garantir, dans un délai de deux à cinq ans, une meilleure intégration des personnes handicapées dans la société numérique et singulièrement des sourds et malentendants.

L’article 43 renforce les obligations de mise en accessibilité des services téléphoniques aux personnes sourdes et malentendantes.

Le I de l’article 43, qui modifie l’article 78 de la loi du 11 février 2005 précitée relatif à la traduction des informations orales ou sonores délivrées par les services publics aux personnes déficientes auditives, prévoit que l’accueil téléphonique des services publics gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, devra être rendu accessible aux personnes sourdes et malentendantes « par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle » ou, à défaut, « d’un service de communication au public en ligne, en respectant les mêmes conditions de traduction ».

À l’initiative de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé que le service de traduction mis en place par les services publics devrait respecter la confidentialité des conversations traduites ou transcrites.

Le II du même article, qui complète l’article L. 113-5 du code de la consommation aux termes duquel toute entreprise doit mettre en place un numéro de téléphone client non surtaxé pour la bonne exécution du contrat ou le traitement des réclamations, impose aux « entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret » de rendre ce numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes et ce, dans les mêmes conditions (mise à disposition d’un service de traduction ou, à défaut, d’un service de communication au public en ligne équivalent).

En vertu du III de l’article 43, qui modifie l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs de communications électroniques devront proposer « [u]n accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un tarif abordable, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle ».

À la différence des deux services téléphoniques précédents, qui ont trait à la relation de l’usager ou du client avec l’organisme concerné et doivent être rendus accessibles aux déficients auditifs gratuitement, l’offre de téléphonie visée par cette disposition concerne la communication interpersonnelle entre un sourd ou malentendant et une personne entendante et devra être proposée « à un tarif abordable », compte tenu du coût particulier généré par la mise en place d’un service de traduction à l’échelle d’un opérateur de télécommunications.

Sur proposition de la commission des Affaires économiques et avec un avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé, d’une part, que la notion de « tarif abordable » devrait s’entendre comme le « prix abordable » applicable au service universel des communications électroniques et, d’autre part, que le service proposé par les opérateurs devrait être conforme aux conditions de neutralité, de confidentialité et de protection des données personnelles posées par la loi. À l’initiative de la commission des Affaires sociales et avec l’approbation de votre rapporteur ainsi que celle du Gouvernement, elle a également ajouté que ce service de traduction devrait respecter certaines exigences de qualité définies par l’ARCEP.

Enfin, suivant toujours une proposition de la rapporteure de la commission des Affaires sociales et avec l’accord du rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a précisé les modalités de suivi de l’application de l’ensemble des dispositions de l’article 43.

Dans le prolongement de la démarche pragmatique et incitative déjà engagée en la matière, l’article 44 rénove les conditions de mise en accessibilité des sites internet publics à toutes les personnes handicapées afin d’instituer un véritable suivi des efforts entrepris par les administrations (valorisation des administrations exemplaires, stigmatisation des administrations en retard selon la logique du « name and shame ») et un meilleur accompagnement financier de leurs démarches.

D’une part, le I modifie la rédaction de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée dans trois directions :

– il étend le périmètre des personnes concernées aux « organismes délégataires d’une mission de service public » et ajoute l’obligation d’élaborer « un schéma pluriannuel de mise en accessibilité », de le rendre public et de le décliner « en plans d’action annuels » ;

– il assortit ces obligations d’un mécanisme de suivi renforcé, reposant sur l’obligation pour le site internet concerné de comporter, « sur chacune de ses pages, une mention visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’action de l’année en cours (…) et permettant aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité » ;

– il institue un mécanisme de contrôle plus effectif que celui prévu aujourd’hui – la seule inscription des sites non conformes sur une liste publique
– en sanctionnant d’une peine d’amende administrative de 5 000 euros maximum l’administration qui n’aura pas porté sur son site internet cette mention visible ou ce lien.

D’autre part, le II complète l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation afin d’élargir les compétences du Fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle au financement de la mise en accessibilité des sites internet publics aux personnes handicapées et, en conséquence, d’abonder ses ressources du produit des amendes administratives précédemment mentionnées.

À l’initiative de la commission des Affaires économiques, sur avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la commission des Lois a aménagé l’obligation pour tout site internet public de comporter une mention visible sur sa conformité aux règles d’accessibilité, en prévoyant que cette mention devra être portée non pas sur chacune de ses pages mais sur sa page d’accueil, de manière « clairement visible ». Sur proposition de la rapporteure de la commission des Affaires sociales et avec l’accord de votre rapporteur et du Gouvernement, elle a également rétabli les dispositions de l’actuel article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée afin de confier au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics.

En second lieu, l’article 45 tire les conséquences de l’importance prise par le numérique dans notre société en instaurant la possibilité d’un maintien temporaire de l’accès à internet à une personne en difficulté financière.

Nul ne peut contester qu’internet est devenu, au fil des ans, un service essentiel aussi bien pour effectuer une démarche administrative, rechercher un emploi, accéder à l’information ou communiquer. Entendu par votre rapporteur, le mouvement Agir pour la dignité Quart-Monde (ATD Quart-Monde) a fort opportunément souligné combien internet constituait un bien de première nécessité pour nombre de familles et que les coupures d’accès pouvaient gravement pénaliser non seulement les personnes à la recherche d’un emploi mais aussi – et surtout – les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants et dans leur orientation, démarches qui passent désormais principalement par la voie numérique.

C’est la raison pour laquelle l’accès à une connexion internet revêt le caractère d’un droit fondamental justifiant que les mesures prises concernant cet accès respectent les droits et libertés constitutionnellement et conventionnellement protégés.

Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il rattaché, en 2009, dans sa décision « HADOPI », l’accès à internet à la liberté de communication protégée par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 compte tenu de « l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions » (62). L’Union européenne tend aussi à considérer l’accès à internet comme un droit fondamental devant faire l’objet de protections particulières, comme en dispose l’article 1er du troisième « paquet télécom » (63), et certains pays européens l’ont même érigé en droit opposable et en composante du service universel, à l’instar de la Finlande.

Dans cet esprit, de nombreuses initiatives, internationales (64) ou parlementaires (65), ont vu le jour pour appeler à une meilleure protection de cet accès par les pouvoirs publics. Ces initiatives ont également été prolongées par la mise en place, en France, d’offres internet à des tarifs abordables au profit des ménages modestes, sous le label « tarif social internet » pour Orange ou d’autres formes comparables chez Numericable-SFR ou Bouygues Telecom. À cet égard, dans une décision du 11 juin 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a même considéré que les services d’abonnement à l’internet fixe – mais pas mobile – étaient inclus dans l’ensemble minimal des services universels définis par la directive dite « service universel » (66) et pouvaient faire l’objet, à ce titre, du tarif social et du mécanisme de compensation correspondant (67).

Tirant les conclusions de ces évolutions, l’article 45 vise à instaurer une aide au maintien de la connexion à internet.

Le I inscrit l’accès à internet parmi les services susceptibles de permettre le maintien temporaire du service le temps pour l’abonné de solliciter une aide de la collectivité lorsqu’il n’est plus en mesure de payer ses factures. En conséquence, les dispositions actuelles de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles relatives au maintien de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques seraient élargies à la fourniture d’un service d’accès à internet, le cas échéant restreint par l’opérateur « sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique » (connexion internet aux fins de consultation de sites et de la messagerie électronique).

Par cohérence, le II étend le champ des aides susceptibles d’être accordées par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) institué dans chaque département – aujourd’hui les dettes de loyer et de factures d’énergie, d’eau et de téléphone – aux dettes de factures d’accès à internet.

Le financement de cette mesure se fera sans changement du mode de financement des FSL tel qu’il est prévu par l’article 6-3 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, c’est-à-dire sans le concours obligatoire des opérateurs de communications électroniques. Lors de son audition par la commission des Lois, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a toutefois indiqué que le Gouvernement allait « identifier des départements pionniers qui permettront d’imaginer des schémas de financement dans lesquels l’État accompagnera l’introduction de ce droit au maintien à la connexion à internet, comme cela a été fait pour le gaz, pour l’eau et pour l’électricité » (68).

Sur proposition de la commission des Affaires économiques et avec l’avis favorable de votre rapporteur et du Gouvernement, la commission des Lois a inscrit au 3° du I de l’article 45 que, comme c’est le cas pour les autres services de base (électricité, chauffage, gaz, eau), le fournisseur d’accès au téléphone et à internet devra aviser par courrier le consommateur qui n’a pas procédé au paiement de sa facture du délai et des conditions dans lesquels la fourniture de ce service pourra être réduite ou suspendue.

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CONTRIBUTION DE M. PHILIPPE GOSSELIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI
(article 86, alinéa 7, du Règlement)

Pourrait-on dire, en paraphrasant un grand auteur, que le XXIe siècle sera numérique ou ne sera pas ? Sans aucun doute, tant le numérique a pris de la place dans la société, dans l’économie, dans nos vies. Incontournable, il est de plus en plus au cœur des activités quelles qu’elles soient. Au cœur aussi de questions essentielles sur les droits fondamentaux, la vie privée, le respect des données personnelles.

Il importe de répondre aux nouveaux besoins, de développer les outils adaptés à l’intention des particuliers, des usagers des services publics et des entreprises, tout autant sinon plus encore pour ces dernières. En la matière, les attentes sont grandes. Il s’agit d’accompagner, de créer aussi, de nouvelles formes d’activité autour de l’open data, en bon français – de l’ouverture des données –, cet extraordinaire gisement de matières premières dont la gratuité est en question et n’a pas fini d’être débattue au cours de nos travaux et après. Il est encore question de croissance et d’innovation, un domaine dans lequel le développement du numérique nourrit bien des espoirs, même s’il soulève aussi nombre de questions.

Annoncé en début de législature, puis reporté à de nombreuses reprises, le projet de loi « République Numérique » était très attendu. Il a été élaboré selon une procédure originale, j’en donne volontiers acte à la Ministre. On parlait, sous la précédente législature de « coproduction législative ». En l’espèce, on a adopté une approche citoyenne intéressante qui a permis un vaste débat même s’il est resté quand même entre les mains de spécialistes le plus souvent, fussent-ils issus de  plus larges viviers de tout notre pays.

Le titre du texte est ambitieux sans doute trop même. Il ne tient pas réellement ses promesses. On espère en tout cas ne pas vivre l’an I de la République numérique : la Constitution de l’An I, jamais appliquée, n’a pas laissé d’impérissables souvenirs…

Quant au contenu, le texte tente de « balayer » l’ensemble des sujets d’actualité et des questions les plus attendues. Balayer est sans doute le mot juste. Entre l’avant-projet et le texte lui-même présenté, quelques coups de balais ont été donnés ! Des éléments ont disparu … Sont donc envisagés, la circulation des données du savoir, l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée. Les missions de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) sont revues partiellement alors même qu’un rapprochement s’esquisse à moyen terme entre ces deux autorités. Cette perspective, conjuguée aux conclusions du rapport sénatorial sur les Autorités Administratives Indépendantes, ne peut que donner matière à réflexion. Le projet de loi intègre aussi des droits nouveaux, la neutralité de l’internet, l’accès au réseau, la loyauté des plateformes – autant de questions qui ont trait à la protection de la vie privée. Quant au «  numérique pour tous  », au-delà de la formule, qui rappelle d’autres slogans, il devra être confirmé.

Au total, en première approche, il y a de bonnes choses dans ce texte. Je salue d’ailleurs l’ouverture de la Ministre Axelle Lemaire et du Rapporteur Luc Belot. Les droits du consommateur, voire du citoyen, seront partiellement accrus avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs, le sort des données après le décès par exemple.

Mais les sujets de critique l’emportent sur les motifs de satisfaction.

Le premier problème est le calendrier. Le texte vient trop tard par rapport à la loi de Mme Clotilde Valter relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. D’un autre côté, il vient trop tôt : l’« arche de Noé », c’est-à-dire le projet de loi « Macron 2 », NOE, sur les Nouvelles Opportunités Économiques, va réserver au numérique une place importante. Le projet est pris d’une certaine façon entre l’enclume et le marteau.

Deuxièmement, viennent  ensuite les critiques du Conseil d’État. Certes, une partie d’entre elles tombent sans doute d’elle-même puisque le texte sur lequel elles portaient n’est pas exactement le même que celui qui a été présenté en Conseil des ministres et dont nous débattons en ce début d’année. J’en donne acte. Mais justement !

Il reste que le Conseil d’État «  déplore l’insuffisance de l’étude d’impact qui, sur plusieurs sujets, n’évalue pas les incidences des mesures prévues par le texte  ». Or l’objet même d’une telle étude n’est-il pas d’éclairer non seulement la représentation nationale, mais aussi les décideurs ? Le Conseil relève également le caractère insuffisamment normatif de certaines dispositions, ce qui nous rappelle certain rapport annuel sur la «  loi bavarde  », un problème auquel on sait le Président de la commission des lois particulièrement sensible. Le Conseil constate enfin le «  décalage entre le contenu du projet de loi et son titre  », je l’évoquais en introduction. Il va jusqu’à proposer un nouveau titre que nous pourrions reprendre par voie d’amendement : «  projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique  ». Évidemment, c’est plus modeste mais plus réaliste aussi !

Troisièmement, l’impression se dégage d’un village gaulois qui résiste, voire qui s’enferme dans une législation trop franco-française. Le règlement européen tant attendu sur le sujet est en cours de négociation et de finalisation. Nous n’avons cessé en commission des Lois d’y faire référence. Dans un sens, dans l’autre, de façon parfois contradictoire, le Gouvernement a utilisé ou écarté ce texte. Au cours de la précédente législature, alors membre de la commission des Affaires européennes, j’avais déposé, et fait adopter, un projet de résolution européenne sur la protection des données. C’était en février 2012. Le règlement attendu en 2016 était déjà en « gestation ». Quatre ans se sont écoulés et il n’est pas « né » avant l’examen du présent texte, pas plus que pour la séance publique. Autrement dit, l’encre qui aura servi à écrire le projet de loi numérique sera à peine sèche que la loi risque d’être déjà en décalage avec le règlement. Rappelons qu’un règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et d’application directe, à la différence d’une directive : il ne nécessite aucune transposition. Nous devrons donc l’appliquer tel quel en 2018. Mais quid des contradictions à ce moment et des lacunes d’ici là ?

Le projet sera rapidement promulgué puisqu’il fait l’objet d’une procédure accélérée. Quelle utilité à une telle procédure ? Court-circuiter le débat parlementaire ?  Espérons que non. Fâcheux cependant que celui-ci soit moins généreux que ne l’a été le débat public et citoyen, que j’approuve par ailleurs. 

Bref, nous risquons d’aboutir à des textes contradictoires entre le règlement et le présent projet. Le Conseil d’État le disait il y a quelques semaines déjà. Il sera «  difficile d’apprécier la parfaite adéquation [de certains articles] aux règles européennes en cours d’élaboration  ». La discussion de nombreux amendements en commission des Lois a bien mis en évidence, et à de nombreuses reprises, ces contradictions.

Cinquièmement, pour terminer, les réponses que le projet esquisse aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire ne sont ni assez concrètes ni assez précises. Or cet aspect est essentiel pour les territoires ruraux. Des départements ont une politique numérique très volontariste, mais tous les départements ruraux ne sont pas logés à la même enseigne et je doute que la République numérique aille jusqu’à ces districts, pour filer la métaphore révolutionnaire. D’autant qu’on ne constate pas de grandes avancées quant au financement du dispositif.

En conclusion, si ce texte, intéressant du fait des questions qu’il soulève, et parfois des réponses apportées, mérite quelques satisfecit, il n’est pas à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. Je ne suis pas sûr, loin s’en faut, et on le regrette déjà, qu’il devienne LA grande Constitution de la République numérique qui nous est présentée.

Il est vrai, du reste, que l’on a vu des républiques en chasser d’autres !

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 16 décembre 2015, la commission des Lois procède à l’audition de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, sur le projet de loi pour une République numérique (n° 3318).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le projet de loi pour une République numérique a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale la semaine dernière. Nous accueillons ce matin, pour nous le présenter, Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Nous examinerons les articles du projet de loi le 13 janvier prochain.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le projet de loi pour une République numérique a fait l’objet d’un long travail préparatoire, selon une méthode originale, et même inédite : il a d’abord, en effet, été alimenté par une consultation publique lancée par le Conseil national du numérique, ce qui a permis à un très grand nombre d’acteurs concernés par ce sujet de s’exprimer. Cette consultation a duré six mois, et des réunions publiques ont été organisées dans plusieurs régions. Le Conseil national du numérique a ensuite rendu un rapport, qui a été à l’origine de la stratégie numérique du Gouvernement. Le projet de loi a ensuite été rédigé puis soumis à l’ensemble de nos concitoyens grâce à une plateforme en ligne, en toute transparence. Cette étape a permis d’apporter au texte des modifications très substantielles — plus de quatre-vingt-dix changements ont été opérés, et cinq articles ont été ajoutés. C’est donc d’une véritable co-construction de la loi qu’il s’est agi. Le texte a été vraiment enrichi. Je forme le vœu que cette méthode soit reprise dans le futur.

Le projet de loi a ensuite été soumis pour avis à l’ensemble des autorités administratives qui devaient être saisies conformément à la loi. Il a enfin été envoyé au Conseil d’État, et présenté en Conseil des ministres le 9 décembre dernier.

Il se compose de trois titres, que l’on peut résumer de façon très rapide en un volet économique, un volet sociétal et un volet social. Mais je précise tout de suite que ces trois catégories se mêlent. Ainsi, il est bien difficile de traduire en français la notion de privacy : on peut parler de respect de la vie privée ou de contrôle des données personnelles. Or ces données ont aujourd’hui – le modèle de tous les géants de l’internet le montre – une immense valeur économique.

La donnée est au cœur de l’essor du numérique dans l’économie et dans la société : ce projet de loi veut donc construire le socle juridique de son traitement, dans un sens d’ouverture, de libre circulation et de rediffusion, notamment des données publiques, et cela dans un environnement qui conforte la confiance des utilisateurs. Il n’y a pas de numérique sans confiance.

Le titre Ier est consacré à la circulation et à la diffusion des savoirs, des connaissances et des données. Il porte notamment sur la politique de l’open data, c’est-à-dire de l’ouverture des données : les données publiques seront désormais ouvertes par défaut. Cela nécessitera un changement culturel au sein de l’administration : les données doivent non seulement être ouvertes pour garantir la transparence de l’action publique, donc pour renforcer la démocratie, mais aussi pour promouvoir l’innovation, puisque ces données peuvent être utilisées par les entreprises pour créer de nouveaux produits et proposer de nouveaux services. Nous créons aussi une nouvelle mission de service public : la mise à disposition et la publication des « données de référence » en vue de faciliter leur réutilisation – ces données de référence devant être publiées dans des formats déterminés à l’avance. Les administrations devront donc mettre en place de véritables stratégies d’utilisation de leurs données – qui n’étaient pas jusqu’ici utilisées au mieux.

Nous créons également une nouvelle catégorie juridique, les « données d’intérêt général ». En effet, certaines données ne sont ni purement publiques, au sens où elles seraient produites par des administrations, ni complètement personnelles, rattachées à des individus, ni entièrement privées ou commerciales, même si elles le sont peut-être au départ. Ces données, il est pourtant de l’intérêt de tous qu’elles soient partagées avec la puissance publique, dans la mesure où leur contrôle par les seules entreprises privées qui ont signé des contrats avec l’État – sous forme de convention, de délégation de service public… – ne permet pas qu’elles soient utilisées de façon optimale.

Concrètement, aujourd’hui, une collectivité locale n’a pas toujours accès à toutes les informations sur l’exploitation de son service public de l’eau : elle ne peut donc pas les utiliser pour définir ses politiques publiques. Cet outil nouveau sera très important, en particulier pour les collectivités territoriales qui doivent faire des choix en matière de transport, d’énergie…

D’autres dispositions portent sur la possibilité laissée aux chercheurs de publier leur recherche de manière libre et ouverte : à l’issue d’un délai d’embargo, l’exclusivité signée avec un éditeur commercial sera levée. C’est l’une des conditions de la diffusion et du rayonnement international de la recherche française : nous accédons là à une demande très forte des chercheurs. C’est l’esprit de la culture numérique, puisqu’il s’agit de partager les savoirs de façon aussi large que possible, afin, entre autres, d’assurer la diversité de l’expression de ces savoirs sur la toile.

Le titre II crée de nouveaux droits pour nos concitoyens, en se fondant sur la notion de confiance. Nous introduisons pour la première fois dans notre législation la notion de neutralité de l’internet : il s’agit de garantir un accès ouvert et non discriminatoire au réseau. Nous introduisons également le principe de libre disposition des données personnelles, ce qui constitue un renversement de la logique de la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 : celle-ci posait des principes en fonction du traitement réservé aux données personnelles, l’accès et la rectification se faisant auprès de tiers qui devaient être enregistrés auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Ici, nous remettons l’accent sur le particulier, l’individu, qui doit être souverain sur l’usage de ses données personnelles. L’actualité a pu, ces dernières années, faire douter de la réalité de la protection de la vie privée sur internet, avec une multiplication des fuites de données personnelles en raison de failles de sécurité et de cyberattaques, comme il y en a eu beaucoup après l’attaque contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Il faut donc rétablir la confiance : le renforcement du régime juridique des données personnelles y contribuera.

Le principe général de libre disposition des données personnelles se décline de plusieurs façons : portabilité des données, mort numérique, droit à l’oubli pour les mineurs…

Le titre III, enfin, concerne l’accès au numérique. Le Gouvernement a toujours considéré le numérique comme un objet politique : il n’y a pas de République numérique sans un numérique pour tous nos concitoyens, et particulièrement pour ceux qui sont en situation de handicap. C’est pourquoi plusieurs dispositions portent sur l’accessibilité des sites internet des administrations, sur les services après-vente en ligne des grandes entreprises, sur les services de téléphonie mobile.

D’autres dispositions portent sur un sujet qui concerne tout particulièrement les députés : le numérique dans les territoires. Chacun a conscience qu’il est urgent d’accélérer le déploiement du numérique, afin que les services publics, les particuliers, les entreprises puissent en disposer : le projet de loi prévoit des outils qui doivent permettre cette accélération. Ces outils doivent aussi permettre aux collectivités locales de se préoccuper non seulement des tuyaux, mais aussi du contenu et des usages, afin que nos politiques publiques soient autonomes en la matière. Nous voulons encourager l’e-médecine, l’e-éducation, l’e-gouvernance ou l’e-administration. Nous permettons donc aux collectivités locales d’étendre leurs schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) par un volet relatif aux usages.

M. Luc Belot, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, je reviens sur quelques-uns des sujets que vous venez d’aborder. Open data, open access, data mining, plateformes, neutralité du net… Voilà des termes qui ne sont pas fréquemment entendus au Parlement, alors qu’ils occupent largement les discussions économiques et les négociations internationales, voire l’actualité — ainsi, le principe de la sphère de sécurité (safe harbor) a été annulé par la Cour de justice de l’Union européenne il y a quelques semaines. Je pourrais en citer d’autres, qui apparaissent dans ce projet de loi : le e-sport, le droit à l’oubli pour les mineurs… Nous avions nous-mêmes, à l’occasion de l’audition du vice-président du Conseil d’État, évoqué le droit à l’autodétermination informationnelle dont le Conseil traitait dans son étude annuelle 2014. Mais nous abordons peu ces sujets et, à bien des égards, le monde numérique semble échapper aux réglementations, aux codes, aux lois.

Aussi l’enjeu de ce texte n’est-il rien moins que la confiance. Le Parlement a voté, en 2004, une loi pour la confiance dans l’économie numérique ; ce projet de loi doit établir la confiance dans la société numérique. Chaque citoyen, en France comme en Europe, doit pouvoir avoir confiance dans les acteurs numériques français, européens, mondiaux.

On parle souvent d’incapacité à réguler et à encadrer le monde numérique. Le fait est que le Parlement a souvent très mal légiféré. J’évoque régulièrement la loi anti-Amazon, qui visait à interdire à cette entreprise d’accorder à tous ses clients la gratuité de la livraison, afin d’assurer le respect de la réduction maximale de 5 % sur le prix d’un livre. La livraison gratuite s’est transformée en livraison à un centime, et cette loi – que nous avions pourtant passé du temps à écrire – a perdu toute portée, parce qu’elle ne visait qu’à réguler une seule plateforme. C’est certainement le travers dans lequel nous tombons le plus souvent : viser un seul acteur. Il me semble que c’est également le problème que présente la loi relative aux taxis et aux voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), qui me semble difficilement applicable.

Rien ne justifie que les pouvoirs publics renoncent à intervenir dans le monde numérique. Mais cette intervention doit être adaptée. Vous avez su, madame la secrétaire d’État, ne pas céder à la tentation d’un simple rattrapage fiscal pour des opérateurs mondiaux, le plus souvent américains, qui ne paient pas d’impôts : certains voudraient pour cette raison prévoir des règles supplémentaires, des obstacles, des blocages. Ce n’est pas l’esprit de ce texte, et c’est un point que je salue.

Cela n’enlève rien à la portée réelle du projet de loi. Vous travaillez sur la réalité des droits des citoyens, sur leur capacité à exister dans ce monde numérique, à disposer librement de leurs données personnelles au lieu de n’être que les jouets de grandes entreprises : c’est bien l’angle d’attaque le plus pertinent.

Je veux remercier ici tous ceux de nos collègues, nombreux, qui se sont investis dans le travail de préparation de ce texte et qui ont assisté aux auditions – nous avons commencé à entendre différents acteurs dès que le texte a été soumis au Conseil d’État, c’est-à-dire que ces auditions durent déjà depuis près de quatre semaines. Nous avons travaillé avec les commissions des Affaires sociales, des Affaires européennes, des Affaires économiques, des Affaires culturelles – avec cette dernière, nous avons établi un véritable partenariat, notamment sur les questions relatives aux universités et à la recherche, principalement l’open access et le data mining. Le lobby de l’édition peut être très puissant : il faut pouvoir entendre le point de vue des uns et des autres et conserver cette volonté de partir du citoyen et de ses droits. C’est ce qu’a su faire ce texte. La confiance se construit, elle ne se décrète pas : il faudra beaucoup expliquer, et beaucoup rassurer. Je ne doute pas que la commission des Lois saura répondre aux inquiétudes.

La semaine dernière, en séance publique, nous avons voté le projet de loi de transposition de la directive dite « ISP » – Informations du secteur public de 2013, qui porte notamment sur l’open data et la gratuité des données publiques. Nous devrons revenir sur ce sujet. J’invite notamment la Commission à se pencher sur l’article 106 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), dont bon nombre de collectivités locales n’ont pas encore perçu tout l’intérêt et toutes les conséquences. Nous devrons aussi traiter des plateformes, de la loyauté et de la portabilité, voire prévoir un encadrement.

Ce texte est donc très large. J’ai cité l’accessibilité et la recherche, je n’ai pas encore cité la mort numérique et la question patrimoniale ou pseudo-patrimoniale : que deviennent nos données après notre mort ? Les données personnelles font-elles partie de la succession ? Les auditions sur ce point ont été particulièrement riches.

Madame la secrétaire d’État, ce texte très attendu s’est longtemps appelé « loi numérique » : certains observateurs s’attendaient à un texte traitant aussi des écosystèmes numériques, des start-up, de leur financement, de leur fiscalité. Ce n’est pas le cas, et vous avez choisi un titre plus précis. Cette question du titre reviendra à coup sûr dans nos discussions, mais pouvez-vous expliquer les raisons de ce choix ?

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. On comprend bien la nécessité d’une application rapide de ses dispositions. Néanmoins, eu égard à l’ampleur des sujets traités, au grand nombre de codes modifiés, à la nécessaire précision de ce texte, écartez-vous totalement l’idée d’une deuxième lecture ?

S’agissant de l’open data, un débat s’est ouvert sur la gratuité des données publiques. Quelle est aujourd’hui votre position ? Nous avons évoqué en séance publique, lors des débats sur la transposition de la directive ISP, le modèle de freemium, où les données sont d’abord gratuites puis deviennent payantes en fonction de l’importance des données utilisées, de leur qualité ou de la fréquence de leur mise à jour, par exemple. Mme Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, avait pris, en séance, l’engagement que le Gouvernement retravaillerait sur ce sujet.

S’agissant de la loyauté des plateformes, vous avez choisi d’inscrire ce texte dans le cadre du droit de la consommation. J’y vois un avantage certain : le texte s’appliquera aux acteurs nationaux, mais aussi internationaux, notamment les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon. Mais cela limite aussi la portée du texte au business to consumer, le business to business étant finalement peu concerné, alors qu’il constitue un véritable enjeu, dans le domaine par exemple des moteurs de recherche et des classements que ceux-ci proposent.

Comment, enfin, ce projet de loi s’articule-t-il avec les textes européens en cours d’élaboration, et attendus dès le début de l’année prochaine ? Nous avons appris hier que le projet de règlement général sur la protection des données pourrait par exemple permettre d’interdire l’accès des réseaux sociaux aux enfants de moins de seize ans.

Mme la secrétaire d’État. Je commence par vous remercier, monsieur le rapporteur, de votre implication très forte dans la préparation de ce texte.

Vous m’interrogez sur son titre : loi pour une République numérique. Tout débat de nature politique sur ce titre sera naturellement le bienvenu. Vous faites référence à d’autres titres qui ont existé, notamment «  projet de loi relatif à l’ambition numérique de la France  ». Jamais dans notre histoire législative un texte n’aura fait l’objet d’une telle transparence : toutes les versions martyres qui ont circulé ont été connues du grand public et étroitement analysées par les journalistes, qui m’interrogent souvent sur les raisons qui ont conduit à introduire ou au contraire à supprimer telle ou telle mesure. Dans un cadre plus ordinaire, où les projets de loi ne sont connus que lorsqu’ils sont présentés en Conseil des ministres, ce ne serait pas possible. Il sera sûrement intéressant pour les chercheurs, plus tard, d’examiner la genèse de ce texte.

Ce texte ne comporte pas, c’est vrai, de chapitre relatif au financement des entreprises, et en particulier des jeunes entreprises innovantes. N’y voyez pas une absence de volonté politique : ce n’est absolument pas le cas ; nous faisons énormément pour favoriser les écosystèmes d’innovation, avec l’Initiative French Tech, avec des dispositifs de financement mis en place dans le cadre de la Banque publique d’investissement… Mais nous n’avons repéré aucune mesure législative qui permettrait d’aller plus loin, sauf peut-être dans le domaine fiscal, mais celui-ci relève de la loi de finances.

De nombreux pays ont choisi, pour renforcer leur attractivité économique, de se donner des titres : Israël s’est ainsi appelé la start-up nation, Londres a mis en avant la Tech City, et chacun connaît la Silicon Valley californienne. La France aurait sans doute du mal, culturellement, à se définir comme « la nation des start-up ». La France est une République ; elle peut devenir la République des start-up.

Mais la République numérique va bien au-delà : il faut prendre conscience de la profondeur des bouleversements sociaux, économiques et culturels qu’entraîne le numérique : il révolutionne nos façons de travailler, de produire, de consommer, d’apprendre, d’enseigner, de communiquer… Parfois, notre appareil institutionnel n’est plus en phase avec ces évolutions si rapides. Il faut donc adapter le logiciel républicain, tout en restant fidèle à nos valeurs. Ce texte parle de liberté, de fraternité et d’égalité : liberté d’accès au savoir et aux données, accès égal au réseau, solidarité entre les territoires.

Quant à la procédure accélérée, elle présentait notamment l’avantage de permettre l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale sans respecter totalement le délai prévu entre le passage en Conseil des ministres et le dépôt au Parlement. Nous avons ainsi gagné quelques jours. Cette procédure ouvre également, c’est exact, la possibilité de ne faire qu’une seule lecture dans chaque assemblée. Il va de soi qu’un tel choix serait fait en concertation avec les parlementaires, et que nous ne le ferons que si les lectures des députés et des sénateurs sont assez concordantes. Il ne s’agit bien sûr en aucune façon de brider le Parlement : j’ai justement beaucoup insisté sur la nécessité de la transparence et du débat public. Je suis tout à fait persuadée que le numérique doit cesser d’être réservé aux experts et aux techniciens : les enjeux sont si forts qu’il est indispensable que la représentation nationale se les approprie. Quelque décision que nous prenions, soyez assurés qu’elle le sera en concertation avec les parlementaires, notamment avec les présidents des commissions saisies au fond.

Vous m’interrogez également sur la gratuité de l’open data, c’est-à-dire des données produites par les administrations et ouvertes. Ce sont des questions qui peuvent paraître complexes : ces données, dont la production est financée par le contribuable, doivent-elles être vendues ou mises gratuitement à disposition ? Certains argueront qu’elles n’appartiennent pas aux administrations, mais à nos concitoyens, et devraient donc être gratuites. D’autres avanceront que des organismes comme l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ou l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) doivent justement, pour remplir leur mission de service public, se reposer sur un modèle économique et être rémunérés pour la mise à disposition des données qu’ils produisent : dès lors, il faudrait introduire un système de redevance. Cette question aurait en effet pu se poser dans le cadre de la discussion du projet de loi présenté par Mme Clotilde Valter, mais le Gouvernement a préféré, pour que le débat soit vraiment global, l’inscrire dans ce projet-ci. Le Gouvernement travaille notamment sur la possibilité d’établir un système de complémentarité, en étroite collaboration avec les organismes concernés, afin de ne pas leur imposer un schéma qui mettrait en péril leur existence.

La logique qui a aujourd’hui mes faveurs est celle que l’on appelle freemium : les données sont gratuites au début, pour des usages modestes ou restreints, puis deviennent payantes au fur et à mesure qu’on les utilise de façon plus importante, et notamment pour les grandes entreprises qui en font un usage intensif, pour du big data. Plus précisément, les données seraient gratuites si elles sont reversées de manière libre et ouverte à la communauté, notamment sur le portail du Gouvernement : c’est la licence Share Alike. En cas de refus, les données seraient payantes à partir d’un certain volume de données consommées. C’est la solution vers laquelle se dirige le Gouvernement, mais cela devra naturellement faire l’objet d’un débat avec les parlementaires.

Vous m’interrogez également sur la loyauté des plateformes, c’est-à-dire des services d’intermédiation proposés en ligne, souvent par de très grands acteurs de l’internet – réseaux sociaux, moteurs de recherche, places de marché… En apparence, il est très difficile de leur appliquer les droits traditionnels, ceux qui ont jusqu’ici régi la sphère économique en France et en Europe : droit de la concurrence, droit de la consommation, droit fiscal… Dans un monde par essence international, la question de l’application de la loi territoriale se pose. Le sentiment qui domine, de façon frappante, c’est que l’on ne peut rien faire : il existe un véritable lobby de l’impuissance publique, souvent à partir du constat que ces entreprises ne paient pas l’impôt sur les sociétés à la hauteur de ce qu’elles devraient payer.

Mais c’est faux, totalement faux ! La réalité, c’est que ces entreprises respectent la loi nationale sur bien des sujets, notamment dans le domaine du droit de la consommation. Mais les obligations qui s’imposent à elles sont aujourd’hui très légères, bien plus que celles qui s’imposent dans d’autres secteurs. Nous introduisons donc une obligation de loyauté des plateformes. Elles devront d’abord délivrer aux consommateurs une information claire, loyale et transparente.

L’obligation d’autorégulation doit également se traduire par la publication des « bonnes pratiques » : que font ces entreprises des données personnelles, comment les utilisent-elles ? Quel est le volume de ces données ? Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne savent presque rien de ces nouvelles pratiques commerciales, dont la régulation doit être faite à l’échelle européenne. Le Gouvernement français a été très actif sur ce chantier, avec le gouvernement allemand : c’est, je crois, notre volontarisme qui a permis d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour des travaux de la Commission européenne. Mais, pour réguler, il faut disposer d’informations et de données objectives sur les comportements de ces nouveaux acteurs. Comme l’ont fait les Allemands, comme sont en train de le faire les Britanniques et les Américains – qui ont créé une administration spécifique –, nous voulons désormais amasser ces informations. Pour cela, nous passons par l’autorégulation.

Enfin, l’obligation de loyauté concerne les avis en ligne – ceux que l’on peut consulter avant de réserver un hôtel ou un restaurant, comme avant d’acheter un lave-linge. On ne sait pas toujours si l’avis que nous lisons est authentique, ou s’il a été publié par le vendeur lui-même, voire par un robot. Nous proposons donc un processus qui doit permettre au consommateur d’évaluer l’authenticité de l’avis.

Vous m’interrogez enfin sur l’articulation de notre travail avec celui que mène le Gouvernement à Bruxelles. Elle est étroite. Deux textes européens pourraient concerner ce texte, à commencer par le règlement européen relatif aux données personnelles que nous avons déjà évoqué. Il se trouve que, sur ce texte, un accord a été trouvé hier entre le Conseil européen et le Parlement européen. Nous avons donc très bon espoir que ce texte soit adopté rapidement et promulgué au premier semestre de l’année 2016. Il faudra alors peut-être ajuster la loi française, au cours des discussions parlementaires. À aucun moment des dispositions que nous proposons ne heurtent l’esprit du règlement européen.

En ce qui concerne les plateformes, la Commission européenne travaille en ce moment sur leur rôle économique et nous sommes fortement engagés dans ce processus. Dans ce projet de loi, nous avons justement fait le choix de modifier le code de la consommation ; nous ne modifions pas le droit de la concurrence, qui est essentiellement européen et sur lequel travaille la Commission.

M. Bernard Gérard. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas entièrement convaincu par le titre du projet de loi, mais là n’est pas l’essentiel. Disons que je prends la République numérique comme un immense défi. C’est un défi qui concerne notre société, mais aussi l’Europe et le monde : il n’a pas de frontières.

Je suis pour ma part préoccupé par notre jeunesse, et j’ai déposé une proposition de loi relative au cyber-harcèlement ; elle a été cosignée par plus de quatre-vingts députés. Internet n’a pas été conçu pour les enfants, qui se trouvent seuls face à lui. Je regrette que ce projet de loi ne comporte aucune mesure sur cette question, et je proposerai des amendements pour le compléter. Lorsque des parents achètent un téléphone portable pour leurs enfants, rien ne les met en garde sur les risques de cet outil nouveau  –dont le téléphone n’est aujourd’hui que la septième fonction, bien après la photographie et l’accès à internet. À mon sens, lorsque l’on souscrit un abonnement, il faudrait une mise en garde, et les opérateurs de téléphonie devraient avoir l’obligation de fournir certaines applications.

Au-delà de ce qui est fait aujourd’hui, car l’éducation nationale prend des initiatives, c’est vrai, il faut agir contre le cyber-harcèlement. Nous devons protéger les enfants et leurs familles contre les risques d’internet.

M. Philippe Gosselin. On pourrait dire, en paraphrasant un certain grand auteur, que le XXIe siècle sera numérique ou ne sera pas.

Il s’agit ici de répondre à de nouveaux besoins, de développer des outils adaptés à l’intention des particuliers, des usagers des services publics et des entreprises – en la matière, les attentes sont grandes –, de créer de nouvelles formes d’activité autour de l’open data – je préfère quant à moi parler d’ouverture des données –, cet extraordinaire gisement de matières premières dont la gratuité est en question et devra être débattue au cours de nos futurs travaux. Il s’agit aussi de croissance et d’innovation, un domaine dans lequel le développement du numérique nourrit bien des espoirs, même s’il soulève aussi nombre de questions.

Annoncé en début de législature, puis reporté, le projet était très attendu. Il a été élaboré selon une procédure originale. On parlait sous la précédente législature de « coproduction législative » ; en l’espèce, on a adopté une approche citoyenne que je trouve sincèrement intéressante.

Le titre du texte est ambitieux, peut-être un peu trop – j’y reviendrai. On espère en tout cas ne pas vivre l’an I de la République numérique : la Constitution de l’an I, jamais appliquée, n’a pas laissé d’impérissables souvenirs…

Quant au contenu, le texte balaie l’ensemble des sujets d’actualité et des questions les plus attendues : la circulation des données du savoir, l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée, les missions de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) – un rapprochement s’esquisse à moyen terme et cette perspective, conjuguée aux conclusions du rapport sénatorial sur les autorités administratives indépendantes, ne peut que donner matière à réflexion –, les droits nouveaux, la neutralité de l’internet, l’accès au réseau, la loyauté des plateformes – autant de questions qui ont trait à la protection de la vie privée. Quant au «  numérique pour tous  », au-delà de la formule, qui rappelle d’autres slogans, il devra être confirmé.

Au total, en première approche, il y a de bonnes choses dans ce texte. Les droits du consommateur, voire du citoyen, sont accrus avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs, le sort des données après le décès. Mais les sujets de critique l’emportent sur les motifs de satisfaction.

Le premier problème est le calendrier. Le texte vient trop tard par rapport à la loi de Mme Clotilde Valter relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. D’un autre côté, l’« arche de Noé », c’est-à-dire le projet de loi « Macron 2 » sur les nouvelles opportunités économiques, va réserver au numérique une place importante. Bref, votre projet, madame la secrétaire d’État, est pris entre le marteau et l’enclume.

Viennent ensuite les critiques du Conseil d’État. Certes, une partie d’entre elles tombe sans doute d’elle-même puisque le texte sur lequel elles portaient n’est pas exactement le même que celui qui a été présenté en Conseil des ministres. Il reste que le Conseil d’État «  déplore l’insuffisance de l’étude d’impact qui, sur plusieurs sujets, n’évalue pas les incidences des mesures prévues par le texte  » ; or l’objet même d’une telle étude n’est-il pas d’éclairer non seulement la représentation nationale, mais aussi les décideurs ? Le Conseil relève également le caractère insuffisamment normatif de certaines dispositions, ce qui nous rappelle certain rapport annuel sur la «  loi bavarde  » – un problème auquel je sais le président de la commission des lois particulièrement sensible. Le Conseil constate enfin le «  décalage entre le contenu du projet de loi et son titre  » et va jusqu’à proposer un nouveau titre que nous pourrions reprendre par voie d’amendement : «  projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique  ». Évidemment, c’est moins « classe » ; par ailleurs, la notion de « citoyens » n’est pas sans rapport avec celle de « République » ; toujours est-il que cette proposition mérite l’attention.

Au-delà de ces problèmes auxquels il est sans doute possible de remédier, l’impression se dégage d’un village gaulois qui résiste, voire qui s’enferme dans une législation trop franco-française. Un règlement européen est en cours de négociation ; vous y avez fait référence, madame la secrétaire d’État. Certes, des rapprochements ont eu lieu au cours des derniers jours, en particulier hier, mais à petite vitesse. Au cours de la précédente législature, alors que je siégeais à la commission des Affaires européennes, j’avais déposé et fait adopter un projet de résolution européenne sur la protection des données ; c’était avant juin 2012, et le règlement dont nous parlons était déjà en gestation. Quatre ans se sont écoulés et je doute qu’il soit achevé avant l’examen du présent texte, prévu le 13 janvier en commission et du 19 au 21 en séance. Autrement dit, l’encre qui aura servi à l’écrire sera à peine sèche que votre loi sera déjà en décalage avec le règlement. Rappelons qu’un règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et d’application directe, à la différence d’une directive : il ne nécessite aucune transposition.

Votre projet sera rapidement promulgué puisqu’il fait l’objet d’une procédure d’urgence — ce que je dénonce, madame la secrétaire d’État. J’ai entendu vos arguments : il ne s’agit pas de tuer le débat parlementaire dans l’œuf. Je trouve néanmoins quelque peu fâcheux que celui-ci soit moins généreux que ne l’a été le débat public et citoyen, que j’approuve par ailleurs. Sans doute est-ce une manière de nous ramener à la condition moyenne qui est la nôtre sous la Ve République, mais je n’en suis pas d’accord.

Bref, nous risquons d’aboutir à deux textes contradictoires. Le Conseil d’État le disait il y a quelques semaines déjà, il sera «  difficile d’apprécier la parfaite adéquation [de certains articles] aux règles européennes en cours d’élaboration  ». Le dépôt de nos amendements pourrait être compliqué par cette concomitance.

Enfin, les réponses que le projet esquisse aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire ne sont ni assez concrètes ni assez précises. Or cet aspect est essentiel pour les territoires ruraux. Je vois que mon collègue Yves Goasdoué, de l’Orne, approuve : comme la Manche, son département a une politique numérique très volontariste, mais tous les départements ruraux ne sont pas logés à la même enseigne et je doute que la République numérique aille jusqu’à ces districts, pour filer la métaphore révolutionnaire. D’autant que je ne constate pas de grandes avancées quant au financement du dispositif – mais peut-être y aura-t-il des annonces à ce sujet.

Au total, si ce texte, intéressant du fait des questions qu’il soulève, mérite quelques satisfecit, il n’est pas tout à fait à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. Je ne suis pas sûr qu’il devienne une grande Constitution de la République numérique. Il est vrai que l’on a vu des républiques en chasser d’autres !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je tiens pour ma part à saluer le travail de titan accompli par Mme la secrétaire d’État. L’élaboration du texte, remarquable, s’est fondée sur une démarche véritablement citoyenne qui a permis à chacun de prendre part au processus législatif. En outre, contrairement à ce qui vient d’être dit, l’étude d’impact, qui ne compte pas moins de 147 pages, offre toutes les explications que l’on veut bien y trouver. J’en remercie le Gouvernement.

Merci également au rapporteur d’avoir organisé un marathon d’auditions qui nous a permis de formuler nos demandes et qui a beaucoup apporté au texte.

J’en viens à mes questions.

Je doute que le fonds de solidarité pour le logement (FSL), déjà fortement mis à contribution pour payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité des plus démunis, soit en mesure de financer leur accès à internet comme le prévoit le texte. Ne faudrait-il pas envisager une autre solution ?

L’open data est une ambition nécessaire, mais il faut entendre les inquiétudes de certains acteurs, s’agissant notamment des pertes de financement. Le débat devrait nous permettre d’obtenir des explications sur ce point.

La possibilité laissée aux services publics industriels et commerciaux (SPIC) de préserver une redevance ne risque-t-elle pas d’entraver la circulation des données et des savoirs ?

Aux termes du texte, les administrations vont bénéficier de longs délais avant l’entrée en vigueur de l’open data. Ne pourrait-on faire varier ces délais en fonction des situations ? Pourquoi ne pas fixer une règle générale d’entrée en vigueur différée qui pourrait être ramenée à un an, le délai étant porté à deux ans lorsque l’administration fait état de difficultés techniques rencontrées dans la mise en œuvre de la mesure ?

Les grandes entreprises peuvent facilement payer les données, à la différence des start-up qui en ont pourtant besoin pour se développer. Ne pourrait-on réserver la gratuité à certaines entreprises seulement ?

Comment le Gouvernement envisage-t-il de concilier la législation nationale avec celle qui est en cours d’élaboration au niveau européen ?

En ce qui concerne le handicap, nous avons reçu hier avec Mme Pochon des sourds et malentendants qui nous ont dit préférer le terme d’« interprétation » à celui de « traduction ». Il faudra également s’interroger sur les mesures destinées aux autres formes de handicap. On peut avoir un handicap et être mauvais lecteur.

Envisagez-vous de promouvoir les logiciels libres ?

J’en viens à la couverture réseau. Je pense moins aux territoires ruraux qu’aux outre-mer où l’on peut être privé de la 4G, de la 3G, voire de la 2G, et parfois du téléphone, par exemple en Guyane. Qu’est-il envisagé pour remédier à ce problème ?

Vous parlez de mieux utiliser le numérique. Mais ne faudrait-il pas faire en sorte que les conditions générales d’utilisation soient mieux et plus clairement rédigées, de manière à être compréhensibles par tous ? Souvent, pour ne pas avoir à lire un texte long et difficile écrit en petits caractères, on accepte les conditions générales d’utilisation (CGU) d’un clic, au risque de méconnaître ses droits.

En ce qui concerne la loyauté des plateformes, tout le monde y est favorable et elle a fait l’objet de concertations, mais cela suffira-t-il à la garantir ? Un sujet, vous le savez, me tient particulièrement à cœur : le droit à l’oubli physique pour les mineurs, c’est-à-dire l’écrasement physique des données. Nous devons y insister : ce droit doit être consacré.

En prison, un accès contrôlé à internet peut permettre aux détenus de préparer leur réinsertion. Ainsi, une prison centrale pour femmes que j’ai visitée propose une formation au secrétariat dans le cadre de laquelle un tel accès, naturellement régulé, peut être nécessaire.

Enfin, les jeunes sont nombreux à écouter de la musique sur leur smartphone et il leur arrive d’être bloqués par leur opérateur. N’y a-t-il pas, dans ce domaine aussi, quelque chose à faire ?

Mme Delphine Batho. Je salue l’arrivée devant notre Assemblée de ce projet de loi très attendu, dont la méthode d’élaboration est exemplaire par sa transparence et par la manière dont elle a mis la société civile à contribution.

Le texte comporte d’importantes avancées. J’approuve le choix de son titre ; je souhaite même que l’on aille jusqu’au bout de la logique qui y préside. Le projet, en effet, ne répond pas entièrement à cette question fondamentale : comment la souveraineté s’exerce-t-elle dans le cyberespace ? Telle est la question lancinante qu’ont posée les parlementaires de tous les groupes lors du débat préparatoire en séance publique. Entre-temps est intervenue la très importante décision, évoquée par le rapporteur, de la Cour de justice de l’Union européenne, qui dit clairement que les données des citoyens européens sont exploitées en toute illégalité aux États-Unis, ce qui révèle une défaillance de la régulation européenne et nationale.

Moi qui ai voté avec enthousiasme le projet de loi sur le renseignement, parce qu’il me paraît absolument normal que nos services aient les moyens de faire leur travail dans le cyberespace, je trouve paradoxal que les défenseurs des libertés ne s’émeuvent pas davantage de ce captage massif des données, exploitées notamment à des fins commerciales, sans que ne s’applique la moindre règle visant à protéger les droits des citoyens.

Les données sont la matière première ; elles sont en quelque sorte le capital de cette nouvelle économie du big data. Le problème est que les catégories juridiques de la loi de 1978 ne sont plus adaptées aux systèmes technologiques que nous connaissons aujourd’hui. En effet, cette loi prend en considération des données individuelles, même si elle intègre l’idée essentielle que celles-ci peuvent renseigner «  directement ou indirectement  » sur un individu ; or, actuellement, c’est à un réseau de données que nous sommes confrontés. De ce point de vue, l’article 26 du projet de loi, aux termes duquel tout citoyen a le droit de contrôler ses données, est problématique. Car, en laissant un tiers accéder à mes données, je lui offre aussi l’accès à celles de toutes les personnes figurant dans mon carnet d’adresses, avec qui j’ai eu un rendez-vous, qui ont posté des commentaires sur ma page Facebook, etc. On ne peut plus isoler les données personnelles les unes des autres.

Ce réseau de données solidaires rattachées aux personnes appelle une nouvelle approche juridique : les données ne peuvent plus être traitées que comme un bien commun. Dès lors, si l’on veut favoriser l’open data, le partage des données publiques et l’économie numérique, se pose la question du chiffrement lorsqu’il s’agit de gérer ce bien commun. Il faut, en effet, différents niveaux d’ouverture et de protection des informations qui se rattachent aux personnes. Les textes juridiques qui le permettront ne seront pas faciles à rédiger.

Je ne crois pas à l’autorégulation des plateformes. Il faudra, même si ce n’est pas au niveau européen, établir une règle de domiciliation juridique et fiscale à la source des données. On ne peut pas laisser exploiter les données des citoyens sans imposer la valeur ainsi créée et sans permettre d’en appeler à la justice en cas de défaillance.

M. François Vannson. Mon analyse de l’économie générale du texte est proche de celle de mon collègue Philippe Gosselin.

Je profite de l’occasion pour appeler une nouvelle fois votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’assurer une desserte équilibrée de nos territoires par le haut et le très haut débit. Nous légiférons et améliorons les textes concernant le numérique ; encore faut-il que nos territoires aient accès à l’ensemble des données disponibles.

Certes, l’article 35 va permettre aux collectivités de s’engager encore davantage pour la desserte haut et très haut débit de leurs territoires. Mais quand un département doit mobiliser pour cela une masse financière considérable, à l’image des Vosges qui lancent un programme de 60 millions d’euros pour que 85 % des Vosgiens bénéficient de cette desserte en 2018, il a bien besoin du soutien de l’État dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. De tels projets sont essentiels à l’aménagement du territoire.

Mme Élisabeth Pochon. Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous dire à mon tour combien j’apprécie le titre de votre projet de loi. La République numérique est peut-être un doux rêve, une utopie — que l’on espère raisonnable. Quoi qu’il en soit, j’ai envie d’y adhérer tant est bienfaisante, par les temps qui courent, l’idée que le numérique nous permet de renouer avec les valeurs de la République grâce à la liberté des échanges, l’égalité de tous les citoyens et, peut-être, la fraternité entre utilisateurs.

Je vous remercie de toutes les avancées que comporte le texte, et dont certaines me tiennent particulièrement à cœur. La première est la mise en ligne des données par les administrations, qui est très attendue par les associations œuvrant pour l’environnement ou dans le domaine économique et social, auxquelles elle épargnera d’incessantes recherches documentaires.

Ensuite, le droit à l’oubli renforcé pour les mineurs est essentiel à leur protection. Je sais, pour avoir très longtemps travaillé avec des jeunes, que leur engouement en cette matière n’a d’égale que leur naïveté, qui leur est préjudiciable aujourd’hui ou le sera après coup.

Une dernière chose. Je suis coprésidente, avec Mme Marianne Dubois, du groupe d’études sur la langue des signes ; mon parcours m’a sensibilisée à l’expérience des sourds et malentendants ; mon suppléant est sourd. Le numérique représente pour ces personnes une avancée extraordinaire ; ils s’en sont emparés, ils l’utilisent quotidiennement. Les revendications qu’ils expriment à ce sujet sont légitimes. Lors d’un débat sur la langue des signes que nous avons organisé récemment, il est apparu qu’ils attendaient beaucoup de la perspective d’un relais téléphonique, pour communiquer non pas entre eux, mais avec des entendants, lesquels veulent eux aussi converser avec les sourds de leur entourage. En somme, les sourds ne sont pas les seuls à s’intéresser à cette possibilité : pourquoi devraient-ils seuls payer un surcoût, même à un tarif abordable ? Madame la secrétaire d’État, je relaie auprès de vous cette demande de justice. Pouvez-vous y réfléchir et y travailler avec l’ensemble des opérateurs ?

Mme Cécile Untermaier. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de la méthode inédite à laquelle vous avez eu recours, fondée sur l’appel collaboratif aux citoyens. Comme vous, je crois opportun de s’appuyer ainsi sur l’intelligence collective. Il convient néanmoins de rester prudent et de s’assurer que la plateforme citoyenne préserve la liberté d’expression des internautes. J’étudie ces questions avec M. Dominique Raimbourg dans le cadre de nos travaux sur le Parlement ouvert ; nous avons été très heureux de vous entendre à ce sujet.

Quant au fond, je suis très sensible à l’ouverture des données publiques. Il s’agit d’une véritable révolution, au sens premier du terme : ce sera désormais à l’administration de mettre ces données en ligne spontanément et gratuitement, et non plus à l’usager de les chercher vainement, au point de devoir parfois saisir la CADA lorsqu’il n’obtient pas de réponse – même si l’administration a fait de gros efforts de communication depuis quelque temps. Espérons que la mesure sera efficace, ce qui suppose que l’administration soit dotée des outils nécessaires à la mise à disposition des données. S’agissant de l’accès des chercheurs aux données, je vous félicite : voilà un juste retour des choses, si l’on se souvient que c’est à des universitaires que nous devons l’invention d’internet.

L’idée que le citoyen doit être souverain dans l’usage qu’il fait de ses données personnelles est louable, mais ne doit pas rester un vœu pieux, même si ce n’est pas facile. Il faut y associer l’exigence de protection de l’enfant, sur laquelle mon collègue a insisté tout à l’heure. Nous devons réfléchir aux moyens de préserver les enfants des messages fallacieux que l’on peut trouver sur internet. Je dois avouer mon sentiment d’impuissance face à des attaques en ligne discriminatoires, médiocres, mais qui bénéficient d’une totale impunité. C’est donc un vaste chantier qui s’ouvre devant nous.

En travaillant sur le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, j’ai découvert à quel point celle-ci était présente sur internet. Ainsi, 90 % des médicaments proposés en ligne sont faux. Il y a là aussi un enjeu majeur en matière de consommation ; je ne doute pas que vous saurez en tenir compte, dans la mesure qui sera nécessaire.

S’agissant de l’accès au numérique, je souscris entièrement aux propos de Mme Élisabeth Pochon ; si elle dépose un amendement, je le signerai et je ne doute pas que vous y serez sensible, madame la secrétaire d’État.

Vous l’avez dit vous-même, l’accès au numérique est un objet politique. Nous le voyons bien dans les projets de loi qui nous arrivent. Dernièrement encore, à propos des règles applicables à l’élection présidentielle, nous avons renoncé à une diffusion par internet à cause de l’insuffisante couverture numérique des territoires, particulièrement ruraux. Le déploiement du numérique à l’intention des entreprises comme des particuliers est donc une urgence ; vous en avez d’ailleurs convenu.

Je profite de l’occasion pour vous dire combien il est difficile de mobiliser les opérateurs : malgré les fonds publics avancés, malgré la bonne volonté des élus, nous déplorons une grande inertie et une lenteur pour le moins paradoxale dans le domaine qui nous intéresse.

Je félicite le Gouvernement de son initiative et le rapporteur de son travail.

Mme Colette Capdevielle. Ce texte qui pose les fondements d’une République numérique se prête particulièrement à la méthode utilisée ; ce n’est pas le cas de tous, mais il faudra renouveler cette expérience très positive.

Monsieur Gosselin, la procédure d’urgence n’empêche pas le débat ; j’en veux pour preuve celui qui nous occupe aujourd’hui. Nous avons un mois pour continuer de travailler sur le texte et préparer nos amendements. Quant à l’étude d’impact, comme l’a rappelé Mme Chapdelaine, elle fait 147 pages ; j’y ai pour ma part trouvé les réponses aux questions que je me posais.

Ma première question concerne la démocratie participative. Madame la secrétaire d’État, êtes-vous prête à ouvrir le texte à tout ce qui favorise la participation citoyenne, l’exercice actif par les citoyens de leurs droits, l’expression démocratique, notamment le vote, par l’intermédiaire du vote par procuration ou de la diffusion de la propagande électorale ?

En ce qui concerne les publics fragiles, les plus exposés – cela a été dit – sont les mineurs. Or, aujourd’hui, ils savent contourner le contrôle parental ; j’ai récemment été saisie d’un dossier de ce type. D’un côté, il est essentiel que les mineurs aient accès au numérique, à des fins pédagogiques ou pour nourrir leurs échanges ; de l’autre, ils sont particulièrement vulnérables, parce qu’ils ne sont absolument pas protégés par le droit en vigueur. Ainsi, il leur est très facile d’accéder à des sites pornographiques ou pédopornographiques. Il faudra donc bien que le texte s’attelle à la protection des mineurs, qui est une nécessité impérative.

Le projet protège fort opportunément le secret des correspondances, mais il est un autre aspect de la vie privée auquel le numérique peut porter gravement atteinte et qui mérite lui aussi d’être préservé : le droit à l’image.

Enfin, j’aimerais que nous utilisions autant que possible la langue française ; vous y avez veillé en rédigeant le texte, j’espère que nous en ferons autant dans nos amendements. Efforçons-nous d’éviter les anglicismes et les mots anglais, puisque nous avons à notre disposition une langue merveilleuse qui nous fournit tous les mots dont nous pouvons avoir besoin. Vous venez vous-même, madame la secrétaire d’État, d’un pays où cet effort est systématique. Entendons-nous bien : j’adore la langue anglaise ! Mais ce n’est pas parce que nous parlons du numérique qu’il faut systématiquement y recourir.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je salue d’autant plus volontiers le processus d’élaboration de ce texte qu’une association de mon département, les Webs du Gévaudan, y a beaucoup participé ; son fondateur, M. Pierre Ygrié, est un grand spécialiste du numérique.

Madame la secrétaire d’État, vous déclariez récemment dans Le Midi libre que la France, l’Allemagne et l’Espagne ont plaidé pour que l’Union européenne se montre plus souple en matière d’aides d’État, afin de permettre aux régions rurales d’avoir accès à un internet plus rapide. Pourquoi la France ne peut-elle assumer directement la couverture numérique du territoire ? Pourquoi les opérateurs n’ont-ils pas d’obligation d’aménagement du territoire ? Ils pourraient y consacrer l’argent qu’ils gagnent dans ce secteur.

Vous souhaitez renforcer les missions de la CADA et de la CNIL, entre lesquelles vous suggérez même un rapprochement. Pourquoi ne pas aller jusqu’à la fusion entre ces deux autorités administratives indépendantes, sur le modèle de celle qui a donné naissance au Défenseur des droits ?

Votre texte apporte-t-il des réponses concrètes s’agissant des sites « anormaux », notamment pédopornographiques ?

Vous rétablissez la servitude d’élagage dont bénéficiait France Télécom, malgré l’inefficacité notoire du service après-vente d’Orange et de sa sous-traitance – et tant pis si je déplais à M. Stéphane Richard en m’en prenant directement à ses services !

Enfin, auteur de nombreux rapports sur le télétravail, je ne vois dans votre texte aucun dispositif particulier concernant cette pratique qui se heurte à bien des résistances, notamment de la part des centrales syndicales.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Ce projet de loi qui étend les droits des citoyens s’adresse à tous. En témoignent sa méthode d’élaboration comme son contenu, d’autant que le numérique se caractérise par sa transversalité : il touche à des domaines très divers, comme vous l’avez montré, madame la secrétaire d’État, ainsi que M. le rapporteur. Parmi eux, je retiendrai deux thèmes.

La délégation aux droits des femmes de notre Assemblée a adopté hier un rapport d’information sur les femmes et le numérique qui identifie quatre priorités et énumère dix-huit recommandations destinées à accroître l’égalité entre les femmes et les hommes. Comment faire du présent projet de loi un véritable levier de cette égalité – pour une égalité réelle, conformément au titre de la loi du 4 août 2014 ?

La plupart des collectivités territoriales ne bénéficient pas d’une structure qui leur permette de s’emparer facilement des outils du numérique. C’est donc une véritable révolution culturelle que vont devoir opérer bon nombre d’entre elles. En effet, le projet de loi étend l’accès sur internet aux documents administratifs de l’État, des collectivités territoriales et des personnes morales de droit public, ou de droit privé lorsqu’elles sont chargées d’une mission de service public. Selon l’exposé des motifs, «  cette avancée aura pour conséquence de limiter la communication sur demande des documents administratifs, qui seront rendus librement accessibles par internet  ». Beaucoup de collectivités souhaitent s’engager dans cette démarche, mais sont freinées dans leur élan par manque de compétence, ou par crainte des conséquences d’une appréciation erronée de ce qui est communicable et de ce qui ne l’est pas.

Ainsi, dans le cadre d’une délégation de service public, les données commerciales communiquées à la puissance publique par son délégataire sont-elles diffusables ou non ? La question est suffisamment complexe pour que l’article 10 lui soit entièrement consacré. Et si cet article fait obligation au délégataire de fournir les données «  dans un standard ouvert aisément réutilisable  » et de permettre l’exploitation de «  tout ou partie de ces données et bases de données  », il ne précise pas lesquelles, et autorise les collectivités à dispenser le délégataire de cette obligation.

À propos de ces questions difficiles, et d’autres qui pourraient se poser à l’avenir, comment accompagner les collectivités ? L’État a-t-il prévu de les faire bénéficier de son expertise en la matière ?

Les collectivités auraient également intérêt à recourir aux logiciels libres, qu’elles pourraient adapter à leurs besoins. Mais, dans ce cas comme précédemment, la mise en œuvre du principe théorique pose un problème : les collectivités ne disposent pas nécessairement dans leurs services de concepteurs-développeurs et de spécialistes des langages informatiques. Il importe donc de développer la formation en leur sein.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais d’abord faire part d’une préoccupation dont nous avons discuté la semaine dernière dans les couloirs de l’Assemblée.

Je veux parler de la difficulté qu’éprouvent certains territoires, dont les territoires ruraux d’Île-de-France – car, je le répète toujours, il y en a ! –, à trouver les moyens d’assurer une couverture numérique assez rapidement pour satisfaire aux exigences de développement et de préservation de l’emploi comme des services rendus aux citoyens. En effet, les collectivités se heurtent à des blocages innombrables et insupportables – y compris lorsque, comme la mienne, elles sont prêtes à aider à l’investissement, voire à adhérer aux syndicats départementaux. La réticence des grands opérateurs, pour ne pas dire leur résistance, est telle, sans compter les difficultés matérielles auxquelles ils sont peut-être confrontés, que l’on aboutit à des délais proprement inacceptables. Et cela ne vaut évidemment pas de la seule Île-de-France ; la partie urbaine de la Manche, par exemple, est concernée, me dit M. Gosselin.

J’espère qu’à défaut de résoudre le problème quant au fond, ce projet de loi marquera la volonté de l’État de démêler cet entrelacs incompréhensible, à l’image de ce que vous avez fait avec votre collègue Emmanuel Macron s’agissant de la couverture téléphonique. Je me souviens des déclarations de M. Macron après l’adoption de la loi qui porte son nom ; j’aimerais que la détermination soit aujourd’hui la même, de sorte que – disons-le crûment –, s’il faut tordre des bras, on aide les collectivités à le faire. Cela suppose des dispositions législatives ou réglementaires. Sont-elles envisagées ? Quelle est leur nature ? Dans quel délai pourra-t-on les mettre en œuvre ?

Je le répète, les territoires que je connais sont prêts à apporter leur contribution. Certains d’entre eux, dont le mien, ont entrepris de constituer des provisions financières à cette fin. C’est souvent une question de survie : chaque mois, une entreprise renonce à s’installer dans le sud des Yvelines parce que la couverture numérique y est insuffisante en dehors des zones d’activité dédiées. Comment ne pas s’atteler à ce problème à l’heure où l’on parle de pacte pour l’emploi, d’infrastructures, d’investissement ? Je sais que la tâche est difficile et que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) fait son possible pour la mener à bien, malgré la forte représentation de Télécom Paris en son sein, qui ne doit pas favoriser la souplesse.

En second lieu, l’inquiétude que j’exprimais ici même lors de l’examen de la loi sur le renseignement reste entière. L’État a conclu avec une société étrangère – l’entreprise Cisco – un contrat qui confie à celle-ci la sécurisation des données informatiques des collectivités locales. L’accord signé en février comporte deux volets : le premier permet à l’entreprise d’investir 100 millions de dollars pour apporter un financement aux start-up intervenant dans le domaine de la sécurisation ; le second vise à accompagner spécifiquement les collectivités territoriales dans cette démarche de sécurisation.

Monsieur le président de la commission des Lois, qui siégez également au sein de la délégation parlementaire au renseignement, il ne me paraît pas de bonne politique, dans la période actuelle, de laisser des opérateurs étrangers intervenir en ce domaine, sans avoir aucun moyen – du moins je le suppose – de sécuriser les données ainsi disponibles ou collectées et de vérifier qu’elles restent sous l’autorité de l’opérateur français. J’ai toute confiance dans nos amis anglo-saxons, cela va sans dire ; mais la célèbre phrase attribuée à un Premier ministre de la reine Victoria – «  L’Angleterre n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts  » – ne vaut pas que pour ce pays, et peut certainement s’appliquer aux grands opérateurs informatiques.

Il me semble que des sociétés françaises – par exemple Atos – auraient été parfaitement capables de se charger de cette tâche, moyennant peut-être quelques investissements. Je regrette que nous n’ayons pas fait des choix plus compatibles avec nos politiques industrielles et de services.

Sur ce sujet, avez-vous, madame la secrétaire d’État, des informations à nous donner, à l’intérieur ou hors du cadre de ce projet de loi ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Pour construire son texte et son propos, Mme la secrétaire d’État a commencé par interroger la société dans son entier : cette consultation de la population sur internet était une innovation majeure.

Nous retrouvons ici des mots que nous avions perdu l’habitude d’entendre : neutralité, transparence, protection, garanties, loyauté – autant de mots importants qui viennent s’ajouter à nos fondamentaux républicains, ceux que nous avons souvent chantés au cours de cette année dramatique. Je veux saluer cette approche d’un monde que l’on a tendance soit à diaboliser, soit à surinvestir : entre la crainte et l’hyperconfiance, c’est-à-dire l’insouciance, Mme la secrétaire d’État a trouvé une solution élégante et intéressante.

Nous retrouvons aussi de grandes institutions : la CADA, la CNIL, l’ARCEP, auxquelles s’ajoutent les SDTAN au niveau territorial.

Dans ma région, en Languedoc-Roussillon, nous avons lancé il y a cinq ans une grosse opération d’équipement destinée à développer l’accès à internet ; 52 millions d’euros ont été investis. C’était essentiel : la population des villages de campagne le demandait. Il n’en va pas de même en grande banlieue ou dans certains quartiers urbains : du fait de précédentes lois, les collectivités ne pouvaient intervenir dans les secteurs considérés comme concurrentiels. De sorte que nos campagnes sont mieux équipées, ou presque, que certains territoires urbains. Cela devrait nous inciter à repenser la répartition des rôles en matière d’équipement et à réfléchir à la manière dont l’Europe empêche l’intervention publique dans les secteurs prétendument concurrentiels – où, en réalité, la concurrence n’intervient pas non plus lorsque ces secteurs ne sont pas jugés suffisamment rentables. Ne réduisons donc pas au monde rural des questions qui se posent aussi en milieu urbain et dans certaines banlieues. Il existe des régions où les collectivités ont fait le travail ! Cela vaut pour internet plus que pour les mobiles, même si la situation est en train de changer.

Je tiens enfin à saluer la qualité et la finesse du travail qui a été mené vis-à-vis du monde scientifique. En la matière, le projet ouvre des portes, en ferme d’autres ; il joue la carte allemande en matière de protection des données scientifiques, et interroge en filigrane la manière dont celles-ci sont exploitées par les grands éditeurs, en fixant des délais au terme desquels elles peuvent être réutilisées par les chercheurs et les équipes qui les ont produites, ainsi que les résultats, les concepts et perspectives qui en découlent. C’est aussi de l’intérêt européen qu’il s’agit.

Les publications scientifiques sont massivement en anglais. Pourquoi y en a-t-il si peu en français ? N’aurions-nous pas intérêt, nous, Français, francophones, à ce que, au sein d’une communauté scientifique nationale, européenne et internationale, le savoir ne se diffuse pas en une seule langue ? Certes, l’anglais est le latin d’aujourd’hui. Il n’empêche que l’on ne pense pas de la même façon dans une langue et dans une autre – je m’adresse à Mme Lemaire, parfaitement bilingue et pleinement consciente de ces subtilités.

Merci pour la science, merci pour les mots ! Nous allons maintenant travailler à ce qui s’apparente à un big bang théorique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’avance de répondre brièvement étant donné les contraintes qui s’imposent à nous. Sur ce texte dont se sont saisies pour avis les commissions des Affaires culturelles, des Affaires économiques et des Affaires sociales, ainsi que la délégation aux droits des femmes, la séance vous laissera certainement tout loisir de répondre aux questions que vous n’auriez pas le temps de traiter aujourd’hui.

Mme la secrétaire d’État. Je partage bien sûr le souci, qu’ont exprimé plusieurs députés, de protéger les mineurs, notamment contre le cyber-harcèlement, mais la législation en vigueur couvre déjà l’immense majorité des situations. Ainsi, depuis la loi du 6 août 2012, l’article 222-33-2 du code pénal punit le cyber-harcèlement de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et, en vertu d’une disposition adoptée au mois de septembre 2013, les sanctions du cyber-harcèlement sont aggravées lorsque les victimes sont des personnes vulnérables, par exemple des mineurs.

Le projet de loi que je défends aujourd’hui tend pour sa part à introduire des dispositions relatives au droit à l’oubli pour les mineurs, une procédure accélérée devant faciliter le recours à la CNIL. En outre, les fournisseurs de services ont l’obligation légale de mettre en place le contrôle parental. Enfin, le ministère de l’éducation nationale a lancé un programme concernant le harcèlement scolaire, qui comporte un volet relatif au cyber-harcèlement.

Cependant, au-delà de cette réponse formelle, nous savons que les enfants sont bel et bien exposés à de grands risques sur internet. Il y a là, me semble-t-il, une question d’application effective de la loi. Pour qu’une situation de cyber-harcèlement soit reconnue, il faut effectuer, auprès des plateformes de réseaux sociaux ou des autorités policières et judiciaires, des démarches longues et complexes, se plier à des procédures qui sont inaccessibles à nombre de familles. Je suis tout à fait disposée à travailler avec vous sur ces sujets, mais cela concerne moins la loi que sa mise en œuvre. À cet égard, un dialogue beaucoup plus coopératif s’est engagé avec les géants de l’internet, notamment à la suite des attentats, pour faciliter le retrait des contenus illicites, non seulement ceux qui incitent à la haine et au terrorisme, mais aussi ceux qui présentent un caractère pédopornographique. Précisons aussi que l’administration peut désormais interdire des sites pédopornographiques sans intervention du juge judiciaire, de même que des sites faisant l’apologie du terrorisme.

Qu’en est-il de l’articulation des dispositions proposées et du droit européen ? Ne vous méprenez pas sur la démarche du Gouvernement, Monsieur Gosselin. Nous devons faire preuve d’une grande rigueur juridique : soit les questions évoquées sont hors du champ du règlement évoqué, comme celle de la mort numérique – le règlement renvoie la définition des procédures à la loi nationale –, soit les dispositions proposées respectent le texte européen, soit elles n’en constituent qu’une anticipation, sans y déroger. Le règlement européen ne doit entrer en vigueur qu’au cours du premier semestre de l’année 2016, mais, en réalité, les entreprises ont deux ans pour le mettre en œuvre ; il n’entrera donc dans la vie de nos concitoyens qu’en 2018 au plus tôt.

Le Gouvernement ne s’interdit pas de proposer, au cours des débats parlementaires, d’amender le texte national en fonction de l’évolution du texte européen. De même, la procédure accélérée ne sera peut-être pas utilisée, finalement, si les parlementaires en décident ainsi ; nous pourrons aviser en fonction de l’évolution des débats européens. Prenons un autre exemple : les sanctions infligées par la CNIL. Le règlement européen précise le niveau des sanctions, mais renvoie la définition des procédures à la loi nationale. En ce qui concerne la neutralité du net, un règlement européen a été adopté, mais nous nous contentons d’en intégrer les définitions au droit national, en ajoutant aux compétences de l’ARCEP, régulateur national, le contrôle du respect des dispositions concernées. Rien ne contrevient sur le fond aux textes européens ni n’en contredit l’esprit.

Le Conseil d’État a souligné l’insuffisance des études d’impact dans un avis qui, une fois n’est pas coutume, a été rendu public. Cependant, la partie relative à l’open data comporte des éléments précis et substantiels. Elle en détaille notamment l’impact juridique au regard de la jurisprudence de la CADA et les bénéfices socio-économiques attendus. Elle précise les modalités techniques de publication des documents. Elle présente différents éléments techniques qui permettent d’estimer la charge nouvelle qui en résultera pour les administrations — une charge sans doute limitée.

Le caractère très novateur de bien des principes intégrés dans ce texte rend cependant difficile une étude d’impact économique et financière. De même qu’il n’existe pas de « lobby du futur », nous ne disposons pas de boule de cristal pour prédire l’avenir. Nous l’écrivons pourtant, en édictant les principes de données d’intérêt général, de mission de service public, de loyauté des plateformes, en instaurant la portabilité des données d’usage et de consommation et non pas uniquement des données personnelles. Cela dit, en nombre de pages, cette étude d’impact n’est pas moins substantielle que celle d’autres lois. L’idée d’une étude d’impact insuffisante doit donc être maniée avec prudence.

Mme Chapdelaine a évoqué le financement du maintien de l’accès à la connexion à internet par le recours au fonds de solidarité logement. Le Gouvernement est très conscient de la nécessité d’accompagner les collectivités locales, notamment les départements, dans cette démarche. Nous le ferons en bonne coopération avec les opérateurs de télécommunications, concernés au premier chef. Avec le cabinet de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, nous allons donc identifier des départements pionniers qui permettront d’imaginer des schémas de financement dans lesquels l’État accompagnera l’introduction de ce droit au maintien à la connexion à internet, comme cela a été fait pour le gaz, pour l’eau et pour l’électricité.

Madame Batho, le Gouvernement a choisi de conférer aux données personnelles un caractère d’usage, et non un caractère propriétaire. Soumises au droit de la propriété, les données pourraient faire l’objet d’un commerce, être vendues et exploitées selon les règles du commerce. Le choix du Gouvernement ne remet nullement en cause le fait que toute exploitation des données nécessite un consentement explicite. Sur ce sujet, la législation française n’est pas insuffisamment protectrice ; les entreprises lui reprochent au contraire de l’être trop, comparée à d’autres en Europe, ou à celles des pays anglo-saxons. En réalité, la loi « Informatique et libertés » est la plus protectrice en Europe et dans le monde. Une harmonisation était nécessaire au niveau européen, mais nous avons veillé à ce qu’elle ne se fasse pas « par le bas ».

Mme Batho ne croit pas à l’autorégulation des plateformes, à laquelle est consacré un volet du projet de loi, mais celui-ci édicte également des contraintes nouvelles. Rappelons aussi que les géants de l’internet qui dirigent leurs activités vers le territoire français sont soumis au droit français de la concurrence, de même qu’ils sont soumis au droit français de la consommation, dès lors que les consommateurs ont leur domicile en France. Pour la même raison, ils doivent respecter nos règles de protection des données personnelles. Il faut donc abandonner l’idée selon laquelle il n’est pas possible d’agir en ce domaine.

Néanmoins, c’est très compliqué et très lent au niveau européen. Ce sont des jugements rendus sur le droit à l’oubli, puis sur le Safe harbor, non des décisions politiques qui ont enfin décidé la communauté des États européens à agir. C’est d’autant plus regrettable que le Gouvernement français a toujours demandé des avancées sur ces points. Le temps européen est un temps long, qui ne correspond pas assez à celui du numérique. Ne nous interdisons donc pas de légiférer dans ce domaine, dès lors que les mesures envisagées ne contreviennent pas aux objectifs visés par l’Union européenne.

La desserte des territoires, question évoquée par M. Vannson, est une priorité absolue du Gouvernement et du Président de la République. Chaque fois que je le vois, nous en parlons, et nous analysons les mesures financières, budgétaires, réglementaires qui ont été, qui sont et qui pourront être prises pour accélérer ce déploiement. Ainsi avons-nous doublé le budget consacré au déploiement des réseaux fixes dans les territoires par rapport à la législature précédente et réintroduit la question de la couverture mobile, en friche depuis de très nombreuses années. Dans le département des Vosges, le projet, d’un montant de 60 millions d’euros, dont vous parliez, monsieur Vannson, doit être soutenu à hauteur de 50 % par l’État. C’est là une contribution notoire.

En outre, nous passons actuellement en revue toutes les dispositions qui, en plus de celles proposées dans le projet de loi, permettraient d’aller plus vite et d’éviter de freiner les déploiements. Peut-être certaines donneront-elles lieu à des amendements lors de l’examen du texte.

J’espère avoir répondu à la question de Mme Cécile Untermaier. Cela dit, je demande aux plateformes de prévoir la possibilité de signaler un contenu illicite, par exemple un contenu pédopornograhique, d’un simple clic sur un onglet intégré à la page internet du réseau social concerné. Le signalement parviendrait directement aux forces de police, peut-être via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS). Voilà qui permettrait une application bien plus efficace de la loi. Nous en discutons actuellement.

Je suis très ouverte, madame Capdevielle, à toute proposition visant à renforcer la démocratie participative, pour peu qu’elle puisse trouver une traduction législative concrète.

Je suis sensible à la question de la langue française. L’usage de la langue reflète un rapport de force économique et culturel, et la délégation aux droits des femmes fait des recommandations très utiles à ce sujet. Elle préconise ainsi de donner des mots aux maux, notamment pour lutter contre le harcèlement des femmes en ligne. J’y suis naturellement très favorable.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous saluerez de ma part les Webs du Gévaudan. Les aides d’États sont effectivement soumises à un cadre juridique européen contraignant, y compris lorsqu’il s’agit d’assurer une égalité, ou du moins une forme d’équité, entre territoires ruraux et territoires urbains. Le Gouvernement français se bat pour que les règles édictées par la Commission européenne soient assouplies et permettent un ciblage des financements de l’État et des collectivités en faveur des zones qui en ont le plus besoin. Cela étant, les opérateurs doivent respecter des obligations de couverture, notamment lorsque des fréquences leur sont attribuées. Celles-ci appartiennent au domaine public, et, lorsque l’État les leur vend, ils prennent des engagements en termes de couverture du territoire. Ce fut le cas, tout récemment, lors de la vente de la bande des fréquences 700 mégahertz.

En ce qui concerne la fusion de la CADA et de la CNIL, nous prônons, dans un premier temps, un rapprochement, car la question des données personnelles et celle des données publiques se rapprochent, mais ne forçons pas le cours des choses. Une fusion, ce n’est pas anodin, et il ne faudrait pas que les objectifs, d’un côté, d’ouverture et de libre circulation, et, de l’autre, de respect de la vie privée, et donc de l’intimité, entrent en contradiction. Il faut donc avancer progressivement, mais le Gouvernement explore cette piste. Une mission a notamment été lancée, qui pourrait aboutir à des conclusions au cours de l’examen de ce texte.

Les servitudes d’élagage sont l’objet de la proposition de loi de M. André Chassaigne, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Intégrée au texte que je défends, elle renforce les obligations d’entretien du service universel, étant entendu qu’Orange en est le prestataire. Nous parlons là des vieilles lignes fixes, mais cela concerne encore beaucoup de nos concitoyens, en particulier les personnes âgées dans les zones rurales. Nous encourageons et incitons fortement les opérateurs à investir dans l’internet mobile, dans le très haut débit fixe et, demain, dans la 5G, mais il faut aussi penser à ceux qui n’ont pas accès à ces technologies.

Le télétravail, nous y travaillons, avec Mme Myriam El Khomri.

Madame Descamps-Crosnier, nous sommes très soucieux de l’accompagnement des collectivités locales dans la stratégie d’open data. La CADA évoluera en ce sens et jouera, au-delà de son rôle contentieux, un rôle d’accompagnement des acteurs locaux. Elle pourra ainsi rendre des avis.

Le Gouvernement est très favorable à l’utilisation des logiciels libres, qu’il promeut, mais il a décidé de ne pas forcer les administrations à y recourir, car nous sommes confrontés à un problème de ressources humaines : il faut être capable d’utiliser ces logiciels. Nous devons donc renforcer la filière de formation pour permettre un recours plus systématique aux logiciels libres.

Monsieur Poisson, je vous communiquerai par écrit des informations plus précises à propos de la couverture de votre circonscription, dans les Yvelines, mais notez d’ores et déjà que l’État, fait inédit, dresse désormais des constats de carence lorsque les opérateurs de téléphonie ne respectent pas leurs engagements dans les zones AMII (appels à manifestation d’intentions d’investissement), afin que les autorités publiques puissent intervenir à leur place.

Quant à vos préoccupations concernant la cyber-sécurité du territoire, l’entreprise Cisco s’est engagée à investir en France, mais non sous la forme d’un contrat signé avec l’État. Dans le cadre d’une politique d’attractivité économique du territoire, cette entreprise privée américaine très présente dans les écosystèmes d’innovation a pris l’engagement de soutenir des entreprises par des financements directs, notamment des start-up, de les suivre dans leur croissance et, éventuellement, de les acheter. Cet engagement unilatéral d’un investisseur étranger n’écarte en rien l’application du droit français en matière de propriété intellectuelle, de localisation des données, de secret industriel et commercial. Le Gouvernement se soucie de la question. Avec le Premier ministre, nous avons lancé une stratégie nationale en matière de cyber-sécurité, et la question de l’intelligence économique est au cœur de nos priorités. Je pourrai vous fournir plus d’informations si vous le souhaitez.

Vous avez raison, madame Le Dain, à propos des banlieues. Le Gouvernement agit pour la couverture des territoires ruraux, mais aussi pour celle des zones périurbaines définies comme zones AMII. Ainsi a-t-il durci le ton avec ces constats de carence pour permettre l’action de la puissance publique là où celle des opérateurs privés est insuffisante.

Merci beaucoup, madame Pochon, pour votre intervention concernant les personnes handicapées, en particulier les personnes sourdes et malentendantes. Votre témoignage conforte le Gouvernement dans l’idée qu’il est nécessaire d’avancer sur ce sujet. La solution choisie consiste justement en la généralisation du recours à un centre relais téléphonique. Nous n’avons effectivement pas trouvé de technologie alternative qui permette de satisfaire les besoins très concrets des personnes sourdes et malentendantes. Une obligation est donc imposée aux opérateurs, qui en redoutent le coût, mais, si vous considérez que d’autres outils pourraient favoriser l’accès des personnes handicapées aux outils numériques, je suis à votre entière disposition pour continuer ce dialogue.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous aurons davantage de temps pour approfondir ces questions, madame la secrétaire d’État, le 13 janvier prochain, lors de l’examen des articles du projet de loi. Le rapporteur en a déjà préparé une soixantaine, mais, par leurs contributions, les autres membres de la Commission prouveront également que nous ne manquons pas d’imagination.

EXAMEN DES ARTICLES

Lors de ses réunions des mercredi 13 et jeudi 14 janvier 2016, la commission des Lois procède à l’examen, sur le rapport de M. Luc Belot, après engagement de la procédure accélérée, des articles du projet de loi pour une République numérique (n° 3318).

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nous en venons à l’examen des articles du projet de loi pour une République numérique, qui a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier. Je rappelle que la discussion générale a eu lieu quand Mme la secrétaire d’État nous a présenté son texte, le 16 décembre.

Il ne s’agit pas d’un texte anodin, puisqu’il a été précédé d’une consultation publique ayant donné lieu à plus de 8 500 contributions déposées par plus de 20 000 participants. Plusieurs autorités administratives indépendantes ont donné leur avis, à savoir l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le Conseil national du numérique et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – j’ai d’ailleurs demandé, faisant usage des prérogatives qui sont les miennes en tant que président de commission, la publication de l’avis de la CNIL, qui n’était pas automatique, car il me semblait logique que cet élément soit versé au débat public.

Trois commissions de notre assemblée se sont saisies pour avis – j’en remercie les rapporteurs Émeric Bréhier, Hélène Geoffroy et Corinne Erhel. La commission des Affaires européennes a pour sa part désigné Marietta Karamanli pour être rapporteure, et la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, Catherine Coutelle, s’est investie à titre collectif et viendra elle aussi défendre ses amendements.

Le nombre des parties prenantes et celui des amendements – 601 ont été déposés – me conduisent à inviter chacun de vous à faire preuve de concision. À défaut, les délais – en principe plutôt larges – que j’ai prévus pour l’examen de ce texte risquent de ne pas suffire. Dans le même état d’esprit, la Conférence des Présidents qui s’est tenue hier a reporté, à ma demande, le délai de dépôt des amendements en séance de vendredi dix-sept heures à samedi treize heures. Enfin, je souhaite la bienvenue à nos collègues non-membres de la commission des Lois à la présente séance, mais je rappelle que seuls les membres de la commission voteront sur les amendements.

TITRE IER
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR

Chapitre Ier
Économie de la donnée

Section 1
Ouverture de l’accès aux données publiques

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL102 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement a pour objet, non pas d’imposer l’appellation « l’internet » quand d’autres, notamment celle de « réseau de communication publique en ligne », sont proposées dans la législation, mais d’utiliser le mot « internet » conformément à la logique de la langue française. Il ne s’agit pas d’un nom propre, mais d’un nom commun ou ayant vocation à devenir commun compte tenu de la nature de ce qu’il désigne, à savoir un bien commun universel. Je propose donc que le mot « internet » soit écrit sans majuscule et en étant précédé de l’article défini élidé, conformément à la position sur ce point des instances compétentes.

M. Luc Belot, rapporteur. Je remercie M. Martin-Lalande, qui a assisté à un très grand nombre d’auditions au cours des cinq semaines ayant précédé la suspension de nos travaux en décembre, ainsi que l’ensemble des députés qui se sont investis sur ce texte.

Pour ce qui est de son amendement, si je comprends la volonté de normaliser l’appellation de l’internet, il me semble qu’une telle mesure n’a pas vocation à figurer dans le présent texte, mais relève plutôt des prérogatives de l’Académie française. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande. Dans les différentes versions de ce projet de loi et son étude d’impact, émanant du Gouvernement, on a vu le mot « internet » écrit de différentes manières : « Internet », « l’Internet », « internet » et « l’internet ». Si le texte sur la République numérique ne nous fournit pas l’occasion de nous mettre d’accord sur ce point, il sera difficile de trouver une meilleure opportunité législative de le faire. Je maintiens donc mon amendement.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. L’objectif de cet amendement est louable, mais il introduit une définition de l’internet, ce qui n’est pas l’objet du projet de loi. S’il s’agit simplement de procéder à un lissage relevant de la terminologie cosmétique, cela doit être fait dans tous les cas concernés par le texte, et je suggère que ce travail d’harmonisation soit fait dans les semaines qui viennent, avant la séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL2 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet d’attribuer à l’éducation au numérique le label de « Grande cause nationale » pour l’année 2017. L’éducation au numérique constitue un moyen privilégié de donner à chacun une meilleure maîtrise du monde numérique, ce qui est l’objet même de ce texte. L’attribution de l’agrément « Grande cause nationale » permettrait à l’éducation au numérique de disposer de moyens et d’une exposition médiatique plus importants.

M. le rapporteur. Je suppose qu’il s’agit d’un amendement d’appel puisque, comme vous le savez, l’attribution du label « Grande cause nationale » relève des compétences du Premier ministre, et ne s’effectue qu’au terme d’une campagne d’intérêt public et d’un appel d’offres. En tout état de cause, je vous invite à retirer cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Le lancement par le Président de la République du plan numérique pour l’éducation a marqué la priorité donnée à l’enseignement du numérique à l’école. Ce plan a vocation à se renforcer au cours des années qui viennent avec l’enseignement du code informatique et la création de la grande école du numérique. Si je partage totalement l’objectif que vous poursuivez en voulant défendre ce label, il me paraît compliqué d’introduire dans la loi une proposition ne revêtant pas un caractère normatif.

M. Patrice Martin-Lalande. Au bénéfice de ce qui vient d’être dit par Mme la secrétaire d’État, je retire mon amendement, en espérant qu’il aura l’effet escompté.

L’amendement CL2 est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CL170 de Mme Delphine Batho.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Votre amendement fait apparaître un mot tabou, chère collègue, celui de « rapport » !

M. Philippe Gosselin. Tabou ou totem ? (Sourires.)

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à faire avancer une proposition en train de faire son chemin dans la société, à savoir l’idée d’instaurer un revenu de base universel, inséparable des questions que soulèvent la révolution numérique et les mutations que celle-ci entraîne, notamment en matière de travail.

Le Conseil national du numérique a récemment mené un travail de réflexion sur ce sujet. Dans la perspective du projet de loi sur lequel travaille actuellement la ministre Myriam El Khomri, il est envisagé de mettre à l’étude cette proposition dont le principe commence à être expérimenté dans un certain nombre de pays. Le présent amendement reprend la proposition du Conseil national du numérique sous la forme d’un rapport demandé au Gouvernement, afin de faire avancer le débat au sein de la représentation nationale.

M. le rapporteur. Je vous rejoins sur l’importance de développer une expertise sur ce thème, compte tenu de l’ampleur qu’il prend actuellement. En revanche, comme le président de notre commission, je ne suis pas très favorable aux demandes de rapport : il me semble que notre assemblée dispose de moyens d’action plus efficaces, notamment les missions d’information.

Par ailleurs, l’instauration d’un revenu de base ne me paraît pas être un sujet exclusivement lié au thème de la République numérique. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Sergio Coronado. Nous soutenons l’amendement de Mme Batho. Il est sain que, dans un débat parlementaire de cette importance, nous ne soyons pas totalement hermétiques aux préoccupations de la société – d’autant que l’idée du revenu de base a déjà connu des traductions législatives dans d’autres pays. Certes, il existe d’autres façons de mener la réflexion que celle consistant à rédiger un rapport, c’est pourquoi je veux demander à Mme la secrétaire d’État si elle serait disposée à ce que soit nommé un parlementaire en mission.

Mme la secrétaire d’État. Le revenu de base constitue effectivement un sujet très important, parfois considéré comme une réponse possible à ce que l’on appelle communément l’« ubérisation » de l’économie. Une proposition en ce sens a été faite récemment par le Conseil national du numérique dans un rapport, et des mesures législatives ont été introduites dans certains pays – c’est le cas en Finlande. La réflexion est engagée au sein du Gouvernement, notamment par la ministre du travail ; des députés y travaillent également, en particulier Christophe Sirugue, qui s’est vu confier la mission de réfléchir à l’efficacité et à la lisibilité de certaines dispositions, notamment celles relatives aux minima sociaux. Sans minimiser l’importance du sujet, je suggère de ne pas multiplier les instances de réflexion.

Mme Delphine Batho. Je veux préciser qu’à mon sens le revenu de base n’est pas une mesure ayant vocation à accompagner l’« ubérisation » de l’économie, ou plus exactement le « précariat », qui n’est autre chose qu’une nouvelle forme de prolétariat. Je salue ce qui a été dit par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État et me félicite de ce que la réflexion commence à s’engager. Je maintiens mon amendement, non parce que je tiens à ce qu’un rapport soit remis au Parlement, mais parce que je souhaite que s’engage un processus correspondant à la méthodologie recommandée par le Conseil national du numérique. La Commission rejette l’amendement.

Article 1er
Échanges de données entre administrations publiques

Le présent article a pour objet de faciliter la communication de données entre les administrations publiques.

Aux termes de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Pourtant, la culture administrative a longtemps été caractérisée par « le silence des agents publics, au nom de leur obligation de confidentialité, et le secret de principe des « papiers », avalisé par une jurisprudence constante du juge administratif, aux termes de laquelle la communication d’un document détenu par l’administration n’était un droit que si elle était expressément prévue par un texte » (69).

L’accès aux documents administratifs : exemples de droit comparé (70)

En Suède, il s’agit d’un droit constitutionnel depuis 1776 : « Tout citoyen suédois aura libre accès aux documents officiels ». Le champ d’application de ce droit est très large et aucune justification d’un intérêt pour agir ou d’un motif n’est requise ; la demande peut d’ailleurs être anonyme. La réponse de l’administration doit intervenir dans les 24 heures de sa saisine et les documents sont immédiatement consultables sur place.

Aux États–Unis, le Freedom of information Act (FOIA), adopté en 1966, donne largement accès aux documents produits par la présidence et les agences fédérales. Depuis 2003, l’accès à ces documents est réservé aux seuls citoyens américains.

Au Royaume–Uni, le Freedom of information Act, adopté en 2 000, concerne plus de 100 000 administrations publiques, nationales et locales. Le suivi de son application est confié à un commissaire à l’information dont les décisions s’imposent à l’administration, sous réserve de contestation devant le juge.

Certes, des dispositions spécifiques organisent depuis longtemps la communication de documents administratifs, à l’instar de l’article 58 de la loi municipale du 5 avril 1884, repris dans les codifications successives (71), qui ouvre à tout habitant ou contribuable local la faculté de demander communication sur place et de prendre copie, totale ou partielle, des « procès-verbaux du conseil municipal, des budgets et des comptes de la commune, des arrêtés municipaux ». Ces droits sont toutefois circonscrits quant au champ de leurs bénéficiaires et aux documents sur lesquels ils sont susceptibles de s’exercer.

Il a fallu attendre les années 1970, et l’adoption de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, pour que soit consacré le principe du droit d’accès aux documents administratifs.

Dorénavant la communication est de droit et seul le législateur peut en limiter la portée, la liberté d’accès aux documents administratifs relevant des « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » (72).La définition du périmètre du droit d’accès aux documents administratifs est une compétence purement nationale, et non européenne, à la différence du droit à réutilisation des informations publiques (73).

L’article L. 300–1 du code des relations entre le public et l’administration (74) consacre le droit pour toute personne d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration.

Sont considérés comme documents administratifs, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou privé chargées d’une telle mission. La notion de document est largement entendue (75). La loi en énumère une liste non limitative et ne pose aucune condition de forme matérielle, ce qui permet au demandeur d’accéder, notamment, à des bases de données informatiques.

Le droit de communication ne s’applique cependant qu’aux documents achevés, et non aux documents préparatoires (76). La loi n’a pas non plus pour effet de faire établir un document qui ne préexisterait pas à la demande.

L’article L. 311–5 du code des relations entre le public et l’administration prévoit plusieurs exceptions au droit à la communication. Ne sont ainsi pas communicables :

– les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, certains documents de la Cour des comptes ou de l’Autorité de la concurrence ;

– les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, à la monnaie et au crédit public, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou aux opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ou aux autres secrets protégés par la loi.

L’article L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (77), au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. On notera les interrogations soulevées par une décision récente du Conseil d’État qui a retenu une exception tirée de la « vie privée des entreprises » (CE, 17 avril 2013, n° 344924). La portée de cette exception est encore incertaine mais elle pourrait conduire, si elle était trop largement entendue, à une extension substantielle des informations soustraites à la communication.

La persistance de régimes particuliers d’accès aux documents administratifs (78)

Lorsqu’il a adopté la loi du 17 juillet 1978, le législateur n’a pas supprimé les régimes autonomes de communication préexistants. Il en a, au contraire, introduit de nouveaux depuis. Ces régimes sont de trois ordres :

– certains sont mentionnés dans la loi du 17 juillet 1978, avec laquelle ils doivent être articulés, et sont mis en œuvre, en tout ou en partie, sous le contrôle de la commission d’accès aux documents administratifs (79;

– d’autres sont pleinement autonomes et les difficultés rencontrées par les demandeurs dans l’exercice de leur droit sont alors directement invocables devant le juge administratif (80);

– enfin, en matière environnementale, le législateur français a conçu un droit d’accès renforcé pour tenir compte des exigences spécifiques de la convention dite d’Aarhus (81) et du droit européen (82) relatifs à l’accès aux informations environnementales.

Le terme d’ « administré » initialement présent dans la loi de 1978 a été remplacé par celui « de personne » par la loi du 11 juillet 1979, afin de désigner tous les types de personnes, y compris les personnes publiques. Le ministère de l’Intérieur, dans une réponse à une question écrite, a d’ailleurs observé que, dans plusieurs affaires, les juridictions administratives avaient examiné la recevabilité des recours formés par des autorités administratives à l’aune de l’article 7 de la loi du 17 juillet 1978 et les avaient rejetés pour défaut de saisine de la CADA (83). Il en concluait que « ces juridictions ont estimé que la loi de 1978 s’applique également à la communication de documents administratifs entre autorités administratives » (84).

Saisie de manière récurrente de demandes de communication émanant d’autorités publiques, la CADA a cependant estimé de manière constante que :

« La loi du 17 juillet 1978 garantit au seul profit des administrés un droit d’accès aux documents administratifs et n’avait pas vocation à régir les transmissions de documents entre les autorités administratives qui relevaient le cas échéant d’autres textes relatifs à ces autorités et à leur mission, pour l’application desquels la CADA n’avait pas reçu compétence aux fins d’émettre un avis. […]. La commission observe que la directive 2003/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, pour la transposition de laquelle les dispositions des articles L. 124–1 et suivants ont été introduites, garantit à tout « demandeur », défini comme « toute personne physique ou morale ». Cette directive n’exclut donc pas qu’une autorité administrative puisse avoir la qualité de demandeur et se prévaloir des dispositions nationales encadrant le droit d’accès à ces informations » (85).

Pour compenser, en partie, l’interprétation restrictive de la loi du 17 juillet 1978, l’ordonnance n° 2015–507 du 7 mai 2015 relative à l’adaptation du secret professionnel dans les échanges d’informations entre autorités administratives et à la suppression de la production de pièces justificatives a créé, au sein de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, un article16 A, depuis codifié aux articles L. 114–8 à L. 114–10 du code des relations entre le public et l’administration, encadrant les échanges de données entre administrations.

Ces articles restreignent les échanges de données entre administrations aux cas où ils sont strictement nécessaires pour traiter une demande présentée par le public ou une déclaration transmise par celui–ci en application d’un texte législatif ou réglementaire.

Ces échanges s’effectuent par ailleurs dans un cadre contraint, régi par un décret en Conseil d’État, qui détermine :

– les domaines et les procédures concernés par les échanges d’informations ;

– la liste des administrations auprès desquelles la demande de communication s’effectue en fonction du type d’informations ou de données ;

– les critères de sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des échanges ;

– les informations qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet de ces échanges entre administrations ;

– le délai de conservation des informations applicables à chaque système d’échanges.

2. La création d’un droit d’accès aux données publiques au profit des administrations publiques

Les administrations sont de fortes consommatrices de données publiques dans l’exercice de leurs missions de service public, c’est-à-dire au-delà de l’échange de données permettant de traiter la demande d’un administré prévu par le code des relations entre le public et l’administration.

S’agissant de la réutilisation, l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 dispose certes que « l’échange d’informations publiques entre les autorités mentionnées à l’article 1er, aux fins de l’exercice de leur mission de service public, ne constitue pas une réutilisation » (86). Dès lors, « aussi longtemps que l’information ne sort pas de la sphère du service public, le chapitre II [relatif à la réutilisation des informations publiques] n’a pas vocation à s’appliquer » (87). Mais lors de son audition par votre rapporteur, M. Antoine Fouilleron – qui a remis le 8 décembre 2015 un rapport sur les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations (88– a indiqué qu’il n’existe pas nécessairement de différence de tarification selon que le réutilisateur est une personne publique ou une personne privée. Le flux total n’est pas négligeable puisqu’il est estimé en 2014 à 20 millions d’euros bruts – montant qui inclut les données produites à façon. Pour plus de la moitié, les flux financiers font intervenir les échanges d’informations entre l’État et les organismes de sécurité sociale – synthèse de la déclaration annuelle des données sociales, répertoire national d’identification des assurés sociaux, etc.

Les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations

S’il ne saurait prétendre, de l’aveu même de l’auteur, à être exhaustif dans sa cartographie, le rapport de M. Antoine Fouilleron a permis un premier recensement des pratiques d’échange de données à titre onéreux entre les administrations.

Le rapport montre que les transactions liées aux échanges de données entre administrations publiques demeurent modestes en montant mais concentrées sur un nombre limité d’acteurs et en progression à périmètre constant. La mission a recensé trente « vendeurs » de données, pour un total d’environ 19,9 millions d’euros (2014).

Neuf dixièmes de ces échanges sont le fait de quatre principaux vendeurs de données : la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) (9,8 millions d’euros), l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN) (3 millions d’euros), l’institut de la statistique et des études économiques INSEE (2,3 millions d’euros) et la direction générale des finances publiques (DGFiP) (2,2 millions d’euros). Les administrations de sécurité sociale sont à l’origine de plus de la moitié des ventes à d’autres administrations alors que l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) collectent un peu plus du tiers des recettes.

À l’inverse, le panorama des acheteurs publics est plus fragmenté. Des 1000 administrations « acheteuses » (la mission relève entre 900 et 1400 acheteurs en fonction des années), seules trois ont un volume supérieur à un million d’euros - les autres se répartissant de manière hétérogène entre des montants de quelques dizaines d’euros à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Ainsi, la vente des données démographiques n’a rapporté que 263 euros à l’INSEE en 2012 et celle des bases de données cadastrales 135 euros à la DGFIP en 2014.

De même le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a acheté pour 20 euros de données à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) en 2011, 2012 et 2013, le chiffre 2014 restant inconnu.

La mission recommande l’inscription dans la loi du principe de gratuité des échanges, qui ne serait limité que par les règles de la concurrence et de l’accès à la commande publique ou pour certaines transmissions complexes. Cette loi devrait être accompagnée d’un schéma de neutralisation des flux financiers constatés et par une standardisation des modalités d’échange afin d’en lever les obstacles juridiques et sociologiques.

Les administrations publiques locales représentent 55 % des acheteurs publics de données à d’autres administrations mais pour des montants faibles (moins de 9 % du total des flux concernés).

Le rapport rappelle que les échanges de données entre administrations ne se limitent pas aux données publiques susceptibles d’être concernées par le droit de réutilisation ouvert par la loi CADA du 17 juillet 1978 mais recouvrent également les transmissions de données non communicables aux citoyens et dont les conditions de diffusion peuvent être protégées par la loi.

Le fondement juridique permet de douter de la régularité des pratiques tarifaires. En effet, le rapport souligne que, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation ne saurait être applicable. Dans les faits, la pratique en matière de tarification demeure déterminée à l’échelle de chaque administration et donc fortement hétérogène.

Le rapport insiste sur les effets sous optimaux des pratiques actuelles qui affectent l’efficience de l’action publique : retard dans la mise en œuvre de projets, renoncements à la donnée, stratégies de contournement de la tarification à même de menacer l’exercice des prérogatives de puissance publique.

Le rapport de M. Mohammed Adnène Trojette a montré, en 2013, que l’adoption par l’État d’une stratégie de plateforme, qui consisterait notamment à exonérer de redevances les administrations, serait de nature à supprimer les coûts de transaction et générerait de nombreuses externalités positives (89).

S’agissant du principe d’égalité consacré à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, la jurisprudence a établi de manière constante – sous réserve que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit – la possibilité pour le législateur de :

– régler de façon différente des situations différentes ;

– déroger à l’égalité pour des raisons d’intérêt général.

La réutilisation de données publiques comporte un fort enjeu économique en raison de leur potentiel commercial. À cet égard, la dichotomie opérée par la loi du 17 juillet 1978 entre les personnes échangeant des informations publiques aux fins de l’exercice de leurs missions de service public et celles y procédant à d’autres fins à vocation à être conservée.

La différence de traitement entre personnes privées et personnes publiques exerçant une mission de service public est justifiée par le meilleur accomplissement de leurs missions de service public.

Par ailleurs, lorsqu’une personne publique se livre à une activité participant à l’exercice de l’autorité publique et non à des activités économiques à caractère industriel et commercial, les règles du droit de la concurrence ne trouvent pas à s’appliquer. Au regard du droit de la concurrence, le statut de l’opérateur économique n’a pas en lui–même d’influence sur l’application ou non des règles en cause. Le droit de la concurrence s’applique tant aux entreprises privées qu’aux entreprises publiques ainsi qu’aux autorités publiques (90). Si les échanges d’informations publiques avaient lieu dans le cadre d’une activité économique, la transmission gratuite pourrait être qualifiée d’aide d’État.

c. La création d’un droit d’accès pour les personnes publiques

Le présent article crée un régime dédié de droit d’accès aux documents administratifs au bénéfice des administrations (91) dans l’exercice de leurs missions de service public. Il prévoit que les administrations communiquent les documents administratifs qu’elles détiennent aux administrations qui en font la demande pour l’accomplissement de leurs missions de service public. Cet article donne aux administrations, pour reprendre les termes employés par la CADA dans son avis sur le présent projet de loi, « un droit d’accès (…) aussi large que celui qui est ouvert à toute autre personne, puisqu’elles peuvent déjà se prévaloir des dispositions générales sur l’accès aux documents administratifs lorsqu’elles agissent à un autre titre qu’une mission de service public – par exemple en tant que candidate à l’attribution d’un marché public. » (92)

Ce droit s’exerce :

– sous réserve des dispositions prévues pour les documents protégés à l’article L. 311–5 du code des relations entre le public et l’administration (documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte à la défense nationale ou au déroulement des procédures engagées devant les juridictions) et à l’article L. 311–6 du même code, s’agissant des documents qui ne sont communicables qu’au seul intéressé ;

– dans le respect des dispositions de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La CADA, dans son avis précité sur le présent projet de loi, estime que seront également applicables les dispositions de l’article L. 311–2 du code des relations entre le public et l’administration (sur les documents inachevés ou présentant un caractère préparatoire) ainsi que les documents faisant l’objet d’une diffusion publique.

La CADA observe qu’elle s’estimera dorénavant compétente pour se prononcer dans les mêmes conditions que lorsqu’elle est saisie par un administré sur les refus de communication opposés à une administration (article L. 342–l du code des relations entre le public et l’administration).

Cet article n’abroge pas l’article L. 114–8 qui conserve toute sa pertinence. Tout d’abord, il convient de rappeler que le présent article n’accorde qu’un droit de communication, avec ses limites, entre administrations dans l’accomplissement de leur mission de service public. Les données ne sont pas les mêmes : dans le premier cas, il s’agira des données communicables à tout citoyen ; dans l’autre, il pourra s’agir le plus souvent de données à caractère personnel mais dont les administrations ont besoin pour le traitement de la démarche de l’usager et qu’elles sont d’ores et déjà habilitées à traiter.

Ce dispositif connaît une traduction opérationnelle : le programme « Dites-le nous une fois », levier de simplification, permettant de lutter contre la redondance de production des pièces justificatives des usagers. Il est notamment en cours de mise en œuvre pour les entreprises dans le cadre de "Marchés publics simplifiés" : cette application propose aux entreprises de candidater aux marchés publics avec leur seul numéro SIRET, le dispositif permettant ensuite d’obtenir les données d’identité directement dans la base SIRENE de l’INSEE, et les certificats de paiement des impôts et contributions sociales auprès de la direction générale des finances publiques (DGFIP) et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

3. Les modifications opérées par votre commission des Lois

À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements permettant de donner leur pleine mesure aux nouvelles dispositions introduites à l’article 1er du présent projet de loi, en consacrant un principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public.

Le « rapport Fouilleron » précité a en effet montré que les flux financiers liés aux échanges de données entre administrations publiques demeurent modestes en montant mais en progression à périmètre constant, avec un panorama fragmenté d’acheteurs publics, pour lesquels les coûts de transaction engendrés par l’achat de données rendent les opérations largement inefficientes.

En outre, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation défini par l’article 10 de la loi dite « CADA » ne devrait être applicable. L’étude minutieuse menée par M. Antoine Fouilleron a pourtant montré que c’est le cas. Votre rapporteur a donc déposé un amendement, adopté par votre commission des Lois, précisant que les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées gratuitement par toute administration mentionnée au même article L. 300–2 qui le souhaite à des fins d’accomplissement de missions de service public autres que celles pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL10 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme je le dis lors de l’examen de chaque texte, il convient d’éviter les « neutrons législatifs » comme celui-ci : tel que rédigé, cet article 1er serait l’un des seuls du texte à ne pas être codifié ou inséré dans une loi.

J’estime donc qu’il serait préférable de l’insérer dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Je sais que le Conseil d’État a rejeté cette idée, ce code étant selon lui réservé aux dispositions relatives aux relations entre le public et les administrations. Cette difficulté peut toutefois être contournée en précisant que le CRPA contient également des dispositions relatives aux relations entre les administrations.

M. le rapporteur. Si je partage votre intention de codifier les dispositions du projet de loi, de fait, le code des relations entre le public et l’administration, par son titre même et par son contenu, vise d’abord les relations entre le citoyen et les administrations.

Par ailleurs, je ne vois pas ce qui justifie l’appellation « neutron législatif » : le fait qu’une disposition législative ne soit pas codifiée ne lui retire en rien sa portée normative. Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL347 du rapporteur.

Elle étudie ensuite l’amendement CL537 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à instaurer la gratuité des échanges d’informations entre les administrations.

Le texte consacre le droit d’accès des personnes publiques et privées chargées d’une mission de service public. Cet amendement vient le compléter, notamment au regard des conclusions du rapport d’Antoine Fouilleron du 8 décembre 2015, qui montre que les transactions liées aux échanges de données entre administrations publiques prennent une place de plus en plus conséquente – elles ont représenté près de 20 millions d’euros en 2014.

Neuf dixièmes de ces échanges sont le fait de quatre principaux vendeurs de données : la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’Institut de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le panorama des acheteurs publics est, quant à lui, beaucoup plus fragmenté : la mission relève entre 900 et 1 400 acheteurs en fonction des années, pour des transactions d’un très faible montant – ainsi, la vente des données démographiques n’a rapporté que 263 euros à l’INSEE en 2012 et celle des bases de données cadastrales 135 euros à la DGFiP en 2014.

Le fondement juridique permet de douter de la régularité des pratiques tarifaires. En effet, dès lors que les échanges de données publiques entre administrations sont imputables à l’exercice d’une mission de service public, le régime juridique de la redevance de réutilisation ne saurait être applicable. Il convient de préciser, puisque cet article ne s’insère pas dans le CRPA, que ce nouveau « droit d’accès » est gratuit.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL405 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Notre proposition, essentielle pour que l’article 1er ait une réalité concrète dans la vie des administrations, consiste à préciser que la communication des documents entre les administrations doit s’effectuer « si possible par voie électronique, dans un standard ouvert et aisément réutilisable ». Il est en effet fréquent qu’un conflit de formats empêche la communication de se faire réellement.

M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif poursuivi par cet amendement et les arguments qui viennent d’être invoqués, mais je considère qu’il serait préférable d’adopter une mesure de coordination plus globale au niveau du CRPA. Je vous invite donc à retirer cet amendement afin que nous puissions le retravailler ensemble avant la séance publique.

M. Christian Paul. Je prends note de cette proposition et je retire l’amendement.

L’amendement CL405 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL538 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans un souci de cohérence, cet amendement vient compléter la création par l’article 1er du présent projet de loi d’un droit d’accès aux documents administratifs pour les administrations, en créant un régime de réutilisation gratuite des informations publiques pour les administrations.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

Après l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL222 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à préciser que les autorités administratives indépendantes (AAI) entrent bien dans le champ de l’article L. 300-2 du CRPA, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs. En effet, contrairement aux autorités publiques indépendantes, les AAI ne disposent pas nécessairement de la personnalité juridique – la question s’est posée au sujet de la CNIL. Il importe donc de s’assurer que cela est bien le cas.

Il s’agit par ailleurs d’une suggestion du Défenseur des droits dans son avis sur le présent projet de loi.

M. le rapporteur. Les documents des autorités administratives indépendantes devraient déjà être considérés comme des documents administratifs. Si cette précision permettait de lever un doute, je donnerais volontiers un avis favorable, mais il me semble que cet amendement est satisfait. Je vous en demande donc le retrait.

M. Sergio Coronado. En attendant de vérifier ce que vient de dire notre rapporteur, je lui accorde le bénéfice du doute et je retire mon amendement.

L’amendement CL222 est retiré.

La Commission se penche sur l’amendement CL223 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à étendre le champ de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui énumère les personnes concernées par la communication des documents administratifs, aux personnes de droit privé appartenant à des personnes publiques. En effet, à l’heure actuelle, les agents fonctionnaires de la Bibliothèque nationale de France délégués au sein de l’annexe que constitue BNF-Partenariats ne communiquent ni au public ni aux parlementaires les documents relatifs à la conclusion des contrats qui les concernent.

M. le rapporteur. Je vous rejoins complètement quant à l’intérêt démocratique que représente la publicité des documents appartenant au domaine privé de l’État, mais votre rédaction ne me paraît pas complètement satisfaisante. Je vous demande le retrait de cet amendement afin que nous puissions travailler ensemble à une nouvelle rédaction en vue de la séance.

Mme la secrétaire d’État. Je précise que les personnes de droit privé qui appartiennent à des personnes de droit public peuvent déjà être couvertes par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », dès lors qu’elles sont investies d’une mission de service public. Ce n’est pas la définition organique ou institutionnelle de l’entité qui importe ici, mais bien la mission poursuivie. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit retiré.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La notion d’« appartenance » à une personne publique me paraît dénuée de sens. Il faudra trouver une autre formulation.

L’amendement CL223 est retiré.

Article 1erbis
(art. L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration)

Intégration du code source à la liste des documents administratifs

Sur proposition de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel visant à compléter la liste des documents administratifs mentionnée à l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration (93) par les « codes source ».

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a, dans un récent avis du 8 janvier 2015, défini le « code source » comme « un ensemble de fichiers informatiques qui contient les instructions devant être exécutées par un micro-processeur » (94). L’accès aux codes source, qui font intervenir des algorithmes, est une question récurrente. Comme le relevait la sénatrice Corinne Bouchoux, « l’économiste Thomas Piketty, pour ses travaux sur la justice du système fiscal français, a été forcé de recréer lui-même un outil de simulation fiscale individuelle faute d’avoir pu avoir accès aux algorithmes du ministère des finances. » (95)

La CADA a estimé que « les fichiers informatiques constituant le code source sollicité, produits par la direction générale des finances publiques dans le cadre de sa mission de service public, revêtent le caractère de documents administratifs ».

En réponse à une demande qui lui a été adressée de communication du code source permettant de calculer l’impôt sur le revenu, le directeur général des finances publiques a indiqué qu’il se composait de nombreux fichiers nécessitant un lourd traitement pour être rendus exploitables, de sorte que le document sollicité devait être regardé comme inexistant, en l’absence de traitement automatisé d’usage courant susceptible d’en produire une version compréhensible. Cette affaire est aujourd’hui pendante devant le juge administratif.

L’article additionnel adopté par votre commission permettra de lever le doute sur les codes source en général, qui sont bien des documents administratifs lorsqu’il existe un traitement automatisé d’usage courant permettant de les rendre exploitables, comme pour tous les autres documents administratifs. La navette parlementaire sera l’occasion de préciser le régime applicable aux cas spécifiques des codes source relatifs aux impôts.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL224 de M. Sergio Coronado et CL534 du rapporteur.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à permettre la communication des codes sources, qui doivent être considérés comme des documents administratifs donc communicables. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA signale qu’« un autre apport de ces nouvelles dispositions pourrait consister à lever également, en faveur des intéressés, les obstacles à la communication du code source que peuvent présenter, dans certains cas, les dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6 ». Cet amendement serait cohérent avec la volonté de transparence sur les algorithmes affichée par le présent projet de loi.

M. le rapporteur. Mon amendement vise le même objectif, mais sa rédaction est légèrement différente : pour correspondre exactement à la définition consacrée par la CADA, je propose de parler uniquement de « code-source », et non de « codes source de logiciels ».

M. Sergio Coronado. Je m’y rallie.

Mme la secrétaire d’État. La question des codes-sources et de leur ouverture est un sujet important et récurrent. Comme vous le savez, la CADA a déjà considéré que ces codes entrent dans la catégorie des documents administratifs dès lors qu’ils ont été développés dans le cadre d’une mission de service public. En réalité, l’enjeu pour la communication de ces codes réside dans l’interprétation de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, relatif à l’interprétation des secrets et des protections prévus à cet article. Le Gouvernement est favorable à la fois à l’application de la jurisprudence de la CADA et à une interprétation au cas par cas, tant les situations peuvent être potentiellement complexes.

Cela dit, à l’issue d’un entretien approfondi, le ministre des Finances m’a convaincue que lorsqu’on parle des codes-sources, c’est de l’impôt sur le revenu qu’il est question le plus souvent. Je suis très heureuse de vous annoncer aujourd’hui que Michel Sapin est favorable à l’application de la jurisprudence de la CADA à l’impôt sur le revenu, et qu’il a demandé à son administration de communiquer aux demandeurs à très brève échéance le code de l’impôt sur le revenu pour la dernière année écoulée. Cela représente une avancée très importante pour la transparence de l’action publique et répondra aux attentes de nombreux chercheurs.

En dehors de la décision prise au sujet de l’impôt sur le revenu, le Gouvernement s’oppose à une approche globale qui consisterait à ouvrir la totalité des codes-sources. Je suis donc défavorable à l’amendement proposé.

M. Philippe Gosselin. Le caractère mesuré et raisonnable de la décision prise par le Gouvernement au sujet du code-source de l’impôt sur le revenu – justifié, sans doute, par la crainte de possibles abus de droit – pourrait nous faire oublier qu’il s’agit davantage d’une fermeture que d’une ouverture : quid des autres impôts, notamment de l’impôt sur les sociétés ? Il serait intéressant que le Gouvernement justifie sa position d’une manière plus approfondie en séance.

M. le rapporteur. L’avis rendu par la CADA le 8 janvier 2015 en faveur de la communicabilité du code-source en matière fiscale répond tout à fait à nos préoccupations en matière de transparence. J’ai eu, moi aussi, l’occasion d’échanger avec Michel Sapin à ce sujet, et je suis très favorable à ce que les nouvelles dispositions proposées entrent en vigueur après la campagne des impôts.

L’amendement CL224 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL534.

Article 1erter
(art. L. 311–1 et L. 311–9 du code des relations entre le public et l’administration)

Ajout de la publication aux moyens d’accès aux documents administratifs

À l’initiative de votre rapporteur et de M. Sergio Coronado, la commission des Lois a adopté, avec avis favorable du Gouvernement, un amendement portant article additionnel visant à ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication.

L’accès aux documents administratifs s’exerce aujourd’hui, au choix du demandeur :

– par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ;

– sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ;

 par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.

Il est proposé d’ajouter une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication. Il s’agit d’une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs. Cette mesure (96) qui est d’ailleurs nécessaire à la cohérence du projet de loi prévoit, à l’article 8, que la CADA est dorénavant compétente pour les cas de refus de publication. La tâche de l’administration en sera simplifiée car un document publié n’est plus communicable – puisqu’il est disponible de manière permanente en ligne.

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques CL507 du rapporteur et CL225 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. Aujourd’hui, l’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur, soit par une consultation gratuite sur place, soit – sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document – par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration aux frais du demandeur, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.

Cet amendement prend pleinement la mesure de l’article 4 du présent projet de loi en ajoutant une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs : la demande de publication, conformément à une recommandation du rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux sur l’accès aux documents administratifs.

En outre, il est nécessaire à la cohérence du projet de loi, dans la mesure où celui-ci prévoit à l’article 8 que la CADA est dorénavant compétente pour les cas de refus de publication.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement vise à simplifier le travail de toute l’administration : au-delà du droit de communication et de réutilisation, il vise à permettre à une personne d’obtenir la publication d’une information en ligne, qui pourrait constituer une alternative plus simple, plus rapide et moins coûteuse qu’une communication. L’amendement permet en fait d’évoluer d’un droit à la communication à un droit à la publication : dès lors que quelqu’un demanderait la communication d’un document, cela s’interpréterait comme le signe que ce document est digne d’intérêt et impliquerait sa mise en ligne systématique, plutôt que d’en rester à un système où l’administration répond à chaque demande de manière individuelle, ce qui lui prend énormément de temps.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à ces amendements qui créent une modalité supplémentaire de communication des documents administratifs lorsqu’une personne en fait la demande. Cela ouvre aux administrations une faculté nouvelle et pertinente, puisqu’elle favorise la dynamique de mise en ligne des documents administratifs, conformément à l’esprit du présent projet de loi.

La Commission adopte les amendements.

Article 2
(art. L.311–3–1 du code des relations entre le public et l’administration)

Droit d’accès aux règles de l’algorithme utilisé pour la prise d’une décision individuelle

Le présent article a été introduit suite à la proposition de plusieurs contributeurs individuels lors de la consultation ouverte aux internautes dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Il crée un droit d’accès aux règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations publiques et aux principales caractéristiques de leur mise en œuvre, quand ceux–ci débouchent sur des décisions individuelles.

1. L’émergence de nouveaux systèmes d’aide à la décision administrative

Comme le souligne l’étude d’impact, « la transformation numérique de l’administration et la profusion des données rendent de plus en plus fréquents les recours aux programmes informatiques, qui outillent le travail des agents publics et préparent les décisions des administrations. » De fait, de nombreuses décisions individuelles, telles que l’affectation des lycéens dans des filières d’enseignement supérieur via le logiciel « admission post–bac », font intervenir des algorithmes informatiques. Des traitements algorithmiques interviennent également lorsqu’il s’agit de déterminer le montant d’une aide obligatoire ou le produit d’une taxe, comme par exemple :

• Pour les personnes morales

– le calcul de la fiscalité des entreprises (impôt sur les sociétés, CVAE, etc.),

– les droits de douane,

– le montant des subventions agricoles (parfois avec des modèles régionaux).

• Pour les personnes physiques

– les modalités d’avancement des fonctionnaires,

– les décisions d’attribution des logements sociaux de certains bailleurs sociaux,

– le calcul des impôts locaux (taxe d’habitation).

La présomption d’infaillibilité et d’objectivité associée à ces dispositifs pourrait avoir tendance, si aucune discussion publique sur leurs modalités n’était entreprise, à déposséder les administrations des choix qu’elles doivent faire et à réduire leur libre arbitre, faisant de ces services non plus de simples mécanismes d’aide à la décision mais de véritables systèmes de décision automatique ou semi-automatique. Ces algorithmes affectent non seulement les droits des consommateurs mais aussi la relation de l’usager et du citoyen avec les pouvoirs publics alors qu’émerge une véritable « action publique algorithmique » destinée, par exemple, à anticiper certains comportements dans le domaine social (aide au diagnostic médical, prédiction des risques de maltraitance, anticipation des risques de décrochage scolaire, etc.) ou en matière de sécurité.

2. Un dispositif juridique en partie inadapté face à ces nouveaux usages

a. L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes

L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes et des droits des personnes à l’égard des traitements des données à caractère personnel est aujourd’hui régi par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés :

– à l’article 10, qui proscrit la prise de décision à l’égard d’une personne sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ;

– à l’article 39, qui accorde à toute personne physique justifiant de son identité le droit d’interroger le responsable d’un traitement de données à caractère personnel en vue d’obtenir les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous–tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui–ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé. Les informations communiquées à la personne ne doivent toutefois pas porter atteinte au droit d’auteur.

3. L’extension du droit d’accès aux documents administratifs pour s’adapter aux nouveaux usages

La section 1 du chapitre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est consacrée à l’étendue du droit à communication des documents administratifs (97).

L’article L. 311–3 de ce code dispose que toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. Le présent article complète ce dispositif en introduisant un nouvel article L. 311–3–1 indiquant que dès lors qu’une personne est l’objet d’une décision administrative individuelle ayant pour fondement un traitement algorithmique, elle peut demander à l’administration de lui communiquer les règles constituant cet algorithme, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre (98). Cet article ouvre un nouveau droit, en particulier pour les personnes morales, qui ne sont pas dans le champ de l’article 39 de la loi dite « Informatique et libertés ».

Cette communication est néanmoins soumise au respect des dispositions sur les secrets protégés prévues au 2° de l’article L. 311–5 (par exemple, secret de la défense nationale, secret relatif à la monnaie et au crédit public, secret relatif à la recherche des infractions fiscales et douanières).

Cette nouvelle obligation de transparence permettra une discussion publique sur les règles algorithmiques publiques ayant des conséquences importantes dans la vie de nos concitoyens, et renforcera la confiance dans ces outils des décisions publiques qui sont appelés à prendre une place croissante.

Votre rapporteur partage l’avis de la CADA qui alerte sur le fait que le présent article ne doit pas constituer un recul par rapport à sa doctrine sur l’accès aux codes sources et logiciels, qui sont des documents administratifs. Il convient que, « pour présenter un effet utile, [l’article 2 du présent projet de loi doit être compris] comme ouvrant aux personnes le droit d’obtenir de l’administration, en complément de la communication éventuelle du code source, dont la compréhension nécessite des compétences techniques en code informatique, des explications complémentaires, explicitant les règles de traitement mises en œuvre et les principales caractéristiques de celle–ci. » (99)

*

* *

La Commission examine l’amendement CL12 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme la CNIL l’indique dans son avis, le 5° de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « Informatique et libertés », édicte déjà le droit pour toute personne d’obtenir des informations lorsqu’une décision est prise à son égard par le biais d’un traitement automatisé. L’algorithme entrant visiblement dans cette catégorie, nous sommes proches du doublon, mais aussi et surtout de la contradiction entre cet article et l’article 2 du projet de loi. Afin d’éviter cela, je vous propose d’ajouter une référence explicite à l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978.

M. le rapporteur. Cet amendement me paraît satisfait, dans la mesure où les articles du CRPA et ceux de la loi dite « Informatique et libertés » se rejoignent sur un certain nombre de points – c’est pourquoi le présent projet de loi met en place une instance de dialogue entre les deux autorités administratives indépendantes. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL506 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CL4 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Je remercie M. le rapporteur d’avoir permis à un certain nombre de députés de suivre les auditions qu’il a menées. Cette mutualisation de l’information me semble une bonne façon de travailler.

Mon amendement a pour objet de rappeler le principe selon lequel aucune décision administrative ne peut être prise sur le seul fondement du traitement automatisé des données.

M. le rapporteur. L’encadrement législatif de l’utilisation des algorithmes et des droits des personnes à l’égard des traitements des données à caractère personnel est aujourd’hui régi, pour les personnes physiques, par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le présent article complète ce dispositif en introduisant un nouvel article L. 311-3-1 aux termes duquel, dès lors qu’une personne est l’objet d’une décision administrative individuelle ayant pour fondement un traitement algorithmique, elle peut demander à l’administration de lui communiquer les règles constituant cet algorithme, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre. Cet article ouvre un nouveau droit, en particulier pour les personnes morales, qui ne sont pas dans le champ de l’article 39 de la loi « Informatique et libertés ».

Je vous demande donc le retrait de cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

M. Patrice Martin-Lalande. Je n’ai pas bien saisi quel était l’inconvénient de mon amendement, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. La précision apportée n’apporte rien au nouveau droit créé par l’article 2.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL115 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Si l’administration ne fait pas systématiquement savoir aux intéressés que les décisions qui les concernent ont pour partie été prises sur le fondement d’un traitement algorithmique, le nouveau droit restera virtuel. C’est ce que l’amendement tend à éviter.

M. le rapporteur. De très nombreuses décisions individuelles font intervenir des traitements par algorithmes. Le droit d’accès étant désormais consacré, contraindre toute administration à mentionner cette précision me paraît bien lourd. Je ne suis pas très favorable à cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement juge intéressant cet amendement qui renforce l’effectivité du nouveau droit. Il conviendrait toutefois d’en approfondir la rédaction ; je vous propose donc de le retirer pour le présenter, retravaillé, lors de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL11 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sans même parler du fait qu’il n’est pas toujours productif de s’en remettre à une formule mathématique – par exemple pour trouver des terroristes, comme nous l’avons vu lors du débat sur la loi relative au renseignement –, il faut s’assurer que toute personne ayant fait usage du droit à communication est informée que la décision qui la concerne est fondée sur un traitement algorithmique ; faute de quoi, le nouveau droit resterait virtuel. C’est à quoi tend l’amendement.

M. le rapporteur. Si l’intéressé a fait usage du droit à communication, c’est qu’il sait avoir fait l’objet d’une décision de cette nature. La précision me paraît donc inutile.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement dont M. Martin-Lalande vient d’accepter la réécriture répondra pour partie à votre préoccupation. Je vous suggère d’attendre sa présentation en séance publique.

L’amendement CL11 est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CL226 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Ayant donc une chance sur deux que soit le Gouvernement soit le rapporteur se dise favorable à l’amendement, je me lance ! (Sourires.)

À la suite d’une décision du Président de la République, les avis rendus par le Conseil d’État sur les projets de loi sont désormais systématiquement publiés. Il en a été de même pour certaines propositions d’amendements gouvernementaux. L’information des parlementaires et la qualité de la loi en ont été considérablement améliorées. Pour plus de transparence encore, nous proposons par cet amendement d’inscrire dans la loi cette disposition qui marque un très grand progrès en matière d’information et de transparence.

M. le rapporteur. Seuls les avis du Conseil d’État sur les projets de loi sont rendus publics. Je vous suggère donc de retirer l’amendement et de le présenter en séance publique ainsi précisé.

Mme la secrétaire d’État. Il se trouve, monsieur le député, que je partage l’avis défavorable de votre rapporteur...

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL508 du rapporteur est retiré.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai cru comprendre que mon amendement CL103, qui visait à ce que tout projet ou proposition de loi fasse systématiquement l’objet d’une consultation publique en ligne avant son inscription à l’ordre du jour du Parlement, a été déclaré irrecevable pour des raisons financières. Je le déplore et j’aimerais que le débat puisse néanmoins avoir lieu sur une disposition qui permettrait d’associer plus étroitement les citoyens à l’élaboration des lois.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il nous faut examiner 601 amendements. Nous ne saurions en plus débattre de ceux qui ont été jugés irrecevables par le président de la commission des Finances, aux avis duquel je me tiens.

Article 3
(art. L.312–1 du code des relations entre le public et l’administration)

Mesure de coordination avec le nouveau dispositif sur l’occultation des mentions personnelles et des secrets protégés

Cet article supprime le deuxième alinéa de l’article L. 312–1 du code des relations entre le public et l’administration relatif à la publication de documents administratifs comportant des mentions personnelles ou des secrets protégés au profit d’un nouveau dispositif plus général introduit au II de l’article 4 du projet de loi.

*

* *

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4
(art. L. 312–1–1, L.311–1–2 du code des relations entre le public et l’administration)

Élargissement du champ de diffusion des documents administratifs
par l’administration

Le présent article élargit le champ de la publication des documents administratifs, par l’État et les personnes morales de droit public et privé chargées d’une mission de service public

Lors de la consultation publique dans le cadre de l’élaboration du projet de loi, cet articlea été le second article ayant recueilli le plus de votes, près de 2 500, parmi lesquels 91 % étaient favorables. Les 7 % d’avis mitigés émanaient de contributeurs souhaitant étendre plus encore les obligations de diffusion. Cet article a également reçu 116 propositions de modifications et 95 arguments, soit un niveau de participation parmi les plus élevés : ont contribué de nombreux citoyens, mais aussi des associations engagées sur ce thème, des organismes publics, ou des entreprises de l’économie de la donnée (100).

1. L’ouverture progressive des données publiques

L’ouverture des données publiques, communément appelée « open data », permet de garantir la transparence de l’action publique en octroyant à chacun la possibilité de consulter les données relatives à l’action de l’administration et les informations sur lesquelles elle fonde sa décision. Elle doit également ouvrir la possibilité d’exploiter ces données à titre commercial et ainsi créer de la richesse au niveau national.

Diffusion d’information et service public

La politique d’information publique mise en œuvre par l’État varie selon que la diffusion de l’information fait ou non partie des missions de service public des administrations :

– la diffusion d’information, mission principale ou mission associée à celle-ci : relèvent de cette catégorie la direction de l’information légale et administrative (Dila), l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee), ou l’institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ;

– la diffusion d’informations publiques, mission accessoire : entrent dans cette catégorie toutes les administrations auxquelles aucun texte n’impose de procéder à la publication des documents qu’elles détiennent. Il en va ainsi, par exemple, des services d’archives publiques, chargés de collecter, de conserver, de protéger et de communiquer, sur demande, les archives qu’elles détiennent mais qui assurent une publication de certaines archives numérisées sur leurs sites internet.

L’ouverture des données publiques a pris un certain essor depuis 1997 avec le discours de M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, prononcé à Hourtin le 25 août 1997, affirmant la nécessité que « les données publiques [deviennent] accessibles à tous gratuitement sur internet ».

Cette volonté s’est traduite par l’adoption, en janvier 1998, d’un ambitieux programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) qui prévoyait la diffusion gratuite des données publiques essentielles telles que « les grands textes de notre droit, l’information administrative du public, les principaux documents publics et les données culturelles essentielles ». Il a conduit notamment à la mise en ligne de toutes les annonces publiées au Bulletin officiel d’annonces des marchés publics (BOAMP), à la mise en ligne de tous les rapports publics de l’État avec la création d’une bibliothèque numérique des rapports publics ainsi que des décisions nominatives publiées au Journal officiel.

Une mission de réflexion a également été confiée au commissariat général au Plan, aboutissant à la publication du rapport de MM. Dieudonné Mandelkern et Bertrand du Marais sur la diffusion des données publiques et la révolution numérique (101). Ce rapport préconisait, en raison de la qualité de « bien public » ou « collectif » de l’information publique et des externalités positives dégagées par sa diffusion, l’application d’un principe de gratuité.

En mars 2006, MM. Maurice Levy et Jean-Pierre Jouyet ont remis au ministre de l’Économie un rapport sur l’économie de l’immatériel (102). Celui-ci a conduit à la création de l’agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE) en avril 2007.

Le 20 octobre 2008, le secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique a présenté le plan « France Numérique 2012 » (103), qui promeut la diffusion des contenus publics et patrimoniaux ainsi la réutilisation des informations publiques par les agents économiques afin de développer de nouveaux produits et services. Est également recommandée la mise en place d’un portail unique d’accès aux données publiques. Le conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010 a décidé de donner suite à cette recommandation. Le décret n° 2011-194 du 21 février 2011 crée par conséquent la mission « Étalab » chargée de concevoir ce portail unique interministériel et de coordonner l’action des administrations de l’État en matière de réutilisation des données publiques.

La mission Étalab

La mission Étalab est un service du Premier ministre chargé de l’ouverture des données publiques, du développement de la plateforme française « open data » et de la coordination, au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), de l’action des services de l’État et de ses établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques. Elle s’appuie sur un réseau de coordinateurs et de correspondants dans chaque ministère.

Chargée d’administrer le portail unique interministériel data.gouv.fr, Étalab en a assuré la refonte. La mission a également piloté la rédaction de la « Licence ouverte », qui permet au réutilisateur de :

– reproduire, copier, publier et transmettre l’information ;

– la diffuser et la redistribuer ;

– l’adapter, la modifier, procéder à des extractions, la transformer ;

– l’exploiter à titre commercial ;

sous réserve de la mention de sa « paternité » (source et date de mise à jour).

Au niveau national, Étalab endosse ainsi une fonction d’animation de l’écosystème de la réutilisation des données. Il conduit dans ce cadre des initiatives telles que le concours Dataconnexions qui, en récompensant des projets innovants reposant sur l’utilisation de données publiques, promeut des exemples concrets de réutilisations de ces données publiques.

En tant que membre associé de l’association Open Data France, Étalab s’associe par ailleurs aux initiatives d’open data lancées par les collectivités territoriales qui introduisent la démarche collaborative au niveau local.

La dimension collaborative de la politique d’ouverture de données se traduit également par un effort de développement des relations entre les administrations en charge de cette politique et les réutilisateurs de la société civile, notamment les start-ups ou les associations.

Le portail unique interministériel destiné à rassembler et à mettre en ligne l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public, nommé « data.gouv.fr », a été ouvert le 5 décembre 2011.

Une nouvelle version du site a été mise en ligne le 18 décembre 2013, offrant des fonctionnalités renouvelées aux utilisateurs. Le nombre de jeux de données mis en ligne a considérablement augmenté (il est aujourd’hui supérieur à 20 000).

Exemples de fichiers très téléchargés sur data.gouv.fr

Statistique générale

- Recensement de la population 2008

Information géographique

- Fonds de carte IGN France et Régions

- Correspondances stations/lignes sur le réseau ferré RATP

Transparence sur l’action de l’État

- Loi de finances initiale – budget général

- Liste des subventions versées par l’État aux associations

Information de sécurité

- Informations sur la localisation des accidents corporels de la circulation

- Avis de rappel de produits 2011

- Liste des 150 infractions les plus fréquentes dans les condamnations pénales

Santé et sécurité alimentaire et environnementale

- Dépenses de santé remboursées par l’assurance maladie par région (soins de ville, établissements de santé publics et privés, établissements médico-sociaux)

- Table de composition nutritionnelle des aliments

Efficacité et accessibilité des services publics

- Les réseaux de réussite scolaire (RRS)

- Indicateurs de résultat des lycées d’enseignement général et technologique

Information culturelle et patrimoniale

- Données complètes du contenu de la BNF

- Liste des événements culturels de l’année

Vie démocratique

- Élections présidentielles 2012 résultats

- Élections européennes 2009 résultats

Source : Vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques, septembre 2013

Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.

Si ce site a pour fonction première de rassembler les informations de l’État mises à la disposition du public, les collectivités territoriales comme les personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public peuvent également l’utiliser sur la base du volontariat pour y placer les informations qu’elles détiennent à la disposition du public.

Open data et collectivités territoriales (104)

Des démarches d’ouverture des données publiques sont mises en œuvre par un certain nombre de collectivités territoriales : Rennes (depuis 2010), Nantes (depuis 2011), Paris et la Saône-et-Loire font partie des précurseurs en la matière, mais le mouvement est loin d’être général.

L’assemblée des départements de France (ADF) et les autres associations d’élus locaux commencent également à s’intéresser au sujet, en lien avec le développement de l’e-administration.

Ces portails accueillent peu de données produites par les citoyens, en raison notamment d’inquiétudes sur la qualité et la pérennité des données produites et sur la difficulté à assumer un processus productif avec les intéressés. On notera toutefois que des contributeurs se sont emparés des données de voirie libérées par les collectivités territoriales pour enrichir leur fonds de carte (par exemple à Toulouse : l’accessibilité des lieux publics et privés aux personnes en situation de handicap) ou en complétant les zones peu cartographiées.

Des applications commerciales ont également été développées qui intègrent des données locales en open data, essentiellement en matière de tourisme ou encore d’offre immobilière ou d’économie sociale et solidaire (itinéraires pour les bicyclettes, les piétons, etc.). Si les licences semblent globalement converger, en revanche le contenu des données n’est pas encore normalisé, ce qui rend difficile le développement d’applications transversales.

Les problématiques de stockage des données et de gestion du catalogue sont importantes pour les petites collectivités. La mutualisation au travers de la mise à disposition de plateformes par les plus grandes d’entre elles, comme à Toulouse, leur permet de disposer d’espaces suffisants sans avoir à exposer des dépenses qu’elles ne seraient pas en mesure de financer. Il est toutefois important pour les collectivités de pouvoir disposer de plateformes mutualisées mais personnalisables pour afficher leur propre portail.

Une collaboration a par ailleurs été établie avec Étalab, qui recueille les données des collectivités locales. En revanche, les services déconcentrés de l’État semblent plus réticents.

La politique française d’ouverture des données publiques a été confortée au niveau européen par l’adoption de la directive n° 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public (dite « directive ISP »), modifiée en 2013. Cette directive a fixé un cadre minimum applicable à la réutilisation des informations du secteur public dans l’Union européenne.

Elle s’applique aux informations détenues par les organismes du secteur public, c’est-à-dire à l’État, aux collectivités territoriales, aux organismes de droit public et aux associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou organismes. La directive n’impose aucune obligation pour les États membres d’autoriser la réutilisation de documents. Elle ne fait que créer des règles minimales qui s’appliquent lorsque la réutilisation est autorisée.

Le Président de la République, M. François Hollande, a fait de l’ouverture et du partage des données publiques un axe important de la modernisation de l’action publique. Cette priorité s’est traduite par plusieurs décisions prises lors des comités interministériels (CIMAP) de 2013. Un vade-mecum sur l’ouverture et le partage des données publiques a été adopté le 17 septembre 2013 et adressé par le Premier ministre à tous les membres du Gouvernement, par voie de circulaire. Le 21 mai 2014, une communication en conseil des ministres a créé la fonction d’administrateur général des données, consacrée par le décret n° 2014-1050 du 16 septembre 2014. Autorisé à connaître des données détenues par l’administration de l’État et ses opérateurs, cet administrateur a pour missions :

– d’organiser une meilleure circulation des données dans l’économie comme au sein de l’administration, dans le respect de la vie privée et des différents secrets légaux ;

– de veiller à la production ou à l’acquisition de données essentielles ;

– de lancer des expérimentations pour éclairer la décision publique ;

– de diffuser outils, méthodes et culture de la donnée au sein des administrations et au service de leurs objectifs respectifs.

Les données de santé : un ensemble d’une exceptionnelle richesse

L’utilisation des données de santé est très encadrée, au regard du droit fondamental au respect de la vie privée qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

Les bases de données de santé médico-administratives, à vocation exhaustive, rassemblent des données personnelles anonymisées, mais pouvant présenter un caractère indirectement identifiant (105). Leur administration est assurée par différents organismes à des fins de gestion et de régulation du système de soins ou dans un but statistique.

L’article 47 de la loi sur la modernisation de notre système de santé, adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015, définit un nouveau cadre d’accès aux données à caractère personnel figurant dans les bases médico–administratives. Ces dernières comportent des informations à caractère personnel sur les usagers des services de santé, recueillies dans le cadre du soin. Ces bases sont très riches puisqu’elles concernent chaque année près de 1,2 milliard de feuilles de soins, 500 millions d’actes médicaux et 11 millions de séjours hospitaliers. Comme l’a noté le rapport de notre collègue Hélène Geoffroy : « l’exploitation des informations est cependant encore difficile : les différentes bases répondent à des régimes juridiques distincts et aucun système de gouvernance d’ensemble n’est aujourd’hui satisfaisant. La richesse de ces informations constitue pourtant un atout pour la France en matière d’innovation et de recherche de santé, comme pour mener les différentes vigilances sanitaires ou pour optimiser la dépense de santé. »

L’article 47 renforce le rôle de pilotage statistique de l’État, via le rôle confié au nouveau système national des donnés de santé (SNDS). Lorsque les données de santé ne sont pas totalement anonymisées, leur accès pour des recherches, études et évaluations d’intérêt public sera restreint et s’accompagnera de garanties renforcées destinées à protéger de manière effective la vie privée. Les données personnelles les plus sensibles ne sont accessibles en open data qu’après application de procédés d’anonymisation complets déclarés conformes par la CNIL (article L. 1461–2 du code de la santé publique et article 8 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).

Comme le dispose le vadémécum sur l’ouverture et le partage des données publiques établi par Etalab en septembre 2013, les données publiques sont véritablement à la disposition du public quand elles sont « librement accessibles et gratuitement réutilisables ».

L’ouverture des données génère de la valeur économique et sociale à travers quatre mécanismes principaux (106) :

– la réduction des coûts de transaction

L’open data permet une meilleure utilisation, par les acteurs publics et privés, des ressources disponibles. Toute transaction économique engendre des coûts liés à sa réalisation, en particulier les coûts de recherche d’information. En mettant à disposition librement et gratuitement les données publiques, les coûts de transaction sont réduits d’autant.

Ainsi, en Australie, les coûts de transaction induits par la vente et la distribution de données géographiques ont été évalués, avant leur mise à disposition libre et gratuite en 2002, entre 17 et 33 % des revenus de l’administration qui les commercialisait. Le gain annuel de cette ouverture a été évalué à 1,7 million de dollars par an pour la seule réduction des coûts de transaction (107).

– l’innovation

L’utilisation par les secteurs publics et privés des données libres, gratuites et ouvertes leur permet de créer de nouveaux produits.

De nombreuses études montrent que la baisse d’une redevance ou sa suppression entraîne mécaniquement une augmentation de la réutilisation des données concernées (108). Par exemple, le passage à la gratuité du référentiel à grande échelle de l’IGN pour les organismes chargés d’une mission de service public administratif a entraîné une multiplication par vingt des volumes de données téléchargées, soit un bénéfice social estimé à 114 millions d’euros par an, pour un manque à gagner de 6 millions d’euros par an environ. (109)

– la réduction de l’asymétrie d’information

Les données ouvertes permettent de réduire les asymétries d’information, c’est-à-dire les situations où un acteur possède une information plus complète que les autres acteurs participant à une transaction. Au niveau macroéconomique, la transparence est un outil de lutte contre la corruption. Au niveau microéconomique, il peut s’agir d’un élément permettant d’améliorer l’achat public.

– les économies d’échelle

La collaboration permise par l’open data – en particulier par les plateformes du type data.gouv.fr – entraînent des économies d’échelles. Ainsi, le fichier des accidents corporels de la circulation a fait l’objet de multiples améliorations par les réutilisateurs : nettoyage, correction des doublons, ajout des codes géographiques, ce qui a permis d’enclencher une dynamique d’amélioration continue de la qualité des données.

Pourtant, la mise à disposition des données publiques a d’abord été considérée dans une visée patrimoniale. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la commercialisation des données et services des grands producteurs de données, comme l’institut national de l’IGN ou le service hydrographique et océanique de la marine (SHOM), ainsi que celle des données culturelles, ont été largement encouragées. Il s’agissait notamment d’inciter les opérateurs de l’État au développement de ressources propres dans un contexte budgétaire contraint.

Cependant, contrairement à celle des actifs détenus par les acteurs privés du secteur marchand, la mise en valeur du patrimoine immatériel de l’État, et en particulier celle des données publiques, doit également conduire à une amélioration du service rendu aux usagers, au développement de la qualité du service public et à la mise en place d’une meilleure protection de ces actifs face aux détournements et aux utilisations indues.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Mohammed Adnène Trojette, auteur d’un rapport sur l’ouverture des données publiques (110), a mis en garde contre le risque que représenterait le choix d’une approche uniquement patrimoniale pour la gestion des données publiques, qui doit être envisagée à long terme et sur un plan interministériel.

Votre rapporteur a déjà eu l’occasion de souligner, dans son rapport sur le projet de loi de transposition de la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public (« Directive PSI »), que « de nombreuses études montrent que les effets de la gratuité de l’utilisation et de la réutilisation des informations publiques sont, à terme, extrêmement bénéfiques pour la société »(111).

Il estime, une nouvelle fois, que le projet de loi est en retrait par rapport aux conclusions du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre 2013. Le Gouvernement avait alors précisé sa doctrine en matière d’exceptions au principe de gratuité en affirmant qu’« aucune redevance ne saurait être exigée sur les données résultant des missions de service public des administrations générales ». Il ajoutait par ailleurs que « les opérateurs dont la mission même est de produire des données doivent rechercher des modèles économiques leur permettant de faire face à un paysage économique en profonde reconstitution. Conformément aux conclusions du rapport Trojette, il leur demande d’engager, dans les meilleurs délais, avec l’appui du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et du ministère du Budget, une réflexion sur les évolutions de leurs modèles économiques. Il leur demande de rechercher des modèles stimulant l’innovation autour de leurs données, favorables aux entrepreneurs innovants, et soutenables à l’heure de l’économie numérique, de la production de nombreuses données par les citoyens eux-mêmes, et des stratégies de plateformes. »

Votre rapporteur, comme le Conseil d’État (112) avant lui, s’inquiète du risque d’altération de la notion de service public autour de laquelle notre administration est construite si se développait la tendance à instituer des ressources annexes qui seraient demandées aux usagers en contrepartie de la mission naturelle des services. Il s’agit d’un choix politique, mais aucune redevance ne devrait pouvoir être établie par une administration dont la mission de service public comprend à titre principal la diffusion de données publiques. Le législateur devrait en revanche, si ces redevances étaient supprimées, faire preuve de la plus grande cohérence, en compensant pour ces administrations la perte des recettes par une augmentation de leur dotation budgétaire.

La généralisation du principe de gratuité n’exclut pas cependant que soit facturée aux réutilisateurs la fourniture de services à valeur ajoutée.

2. L’obligation de publication : une nouvelle avancée

a. L’obligation légale de publication est aujourd’hui l’exception, la règle étant la liberté

Aux termes de l’article L. 312–1 du code des relations entre le public et l’administration, les administrations peuvent rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent. Les différentes avancées évoquées infra en matière de publication des documents administratifs ont toutes été réalisées à la suite d’une impulsion politique, mais elles ne résultent pas d’obligations législatives. Ces dernières se limitent à :

– l’article 1er du code civil pour les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs. Pour ces documents, leur entrée en vigueur est conditionnée à leur publication ;

– l’article L. 312–2 du code des relations entre le public et l’administration. Il s’agit des instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ;

– l’article 2 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui organise un accès simple aux règles de droit. Reprenant les termes employés par le Conseil d’État (113), cet article rappelle que « la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller ».

Ainsi, comme l’a noté le rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux, « aucune obligation n’est faite aux administrations de publier un document qui leur serait pourtant fréquemment demandé. On peut regretter l’indisponibilité de la carte scolaire complète, qui n’est accessible que par un formulaire faisant correspondre l’adresse d’un domicile à un établissement. » (114)

b. L’élargissement des obligations de publication marque une nouvelle avancée dans la politique française de l’open data

Le I du présent article renverse la logique existante selon laquelle la liberté de publication est la règle, l’obligation l’exception. Il crée un nouvel article L. 312–1–1, dont le premier alinéa dispose que les administrations rendent publics en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable certains documents :

– les documents que les administrations sont amenées à communiquer actuellement dans le cadre de la procédure du droit d’accès ;

– les documents qui figurent dans le répertoire des informations produites ou reçues par les administrations ;

– les bases de données (115) produites ou reçues par les administrations, quand elles ne font pas déjà l’objet d’une diffusion publique ainsi que les données qu’elles contiennent ;

– les données dont l’administration qui les détient estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental.

Cet article répond à l’une des préconisations du rapport de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (116).

Concrètement, la publication se fera essentiellement sur la plateforme ouverte des données publiques, data.gouv.fr – qui accueille déjà près de 21 300 jeux de données, issus de 350 producteurs différents, dont les ministères, l’IGN, l’INSEE, Météo France et les collectivités territoriales. La diffusion pourra également être effectuée par une mise en ligne sur le site internet de l’administration concernée. S’agissant des données environnementales, une passerelle a été mise en place pour référencer automatiquement les données environnementales et géographiques concernées par les 34 thématiques de la directive européenne dite « Inspire » (117), qui encourage les différents systèmes d’information géographique de l’UE à converger vers les mêmes standards pour faciliter la circulation et l’interopérabilité des données.

Il faut noter que la CADA a estimé que le large champ d’application de cet article lui paraissait « pour partie excessif. En effet, si l’obligation de publier le contenu des bases de données paraît utile et proportionnée, ces dispositions prévoient aussi que les administrations devront en outre publier tous les documents communiqués, même ceux qui ne présentent qu’un intérêt limité, voire nul, pour le public ou ceux qui ne sont communicables qu’à l’intéressé au sens des dispositions de l’article L. 311–6. » Elle juge que ces dispositions vont engendrer pour les administrations « une charge de travail et des coûts disproportionnés au regard des objectifs poursuivis, notamment lorsque ces documents devront être rendus anonymes avant diffusion publique ou lorsque devront être occultées les mentions protégées par l’un des secrets visés à l’article L. 311–5 ».

Elle s’interroge par ailleurs « sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et [sur] l’opportunité d’introduire dans le texte de la loi la notion de péremption des informations diffusées, en l’articulant avec le droit des archives publiques. L’immense majorité des documents administratifs est en effet vouée à l’élimination à l’issue de leur durée d’utilité administrative ; de très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l’administration des archives ».

L’avis de l’ARCEP sur le présent projet appelle à la publication, en complément des données brutes, d’avertissements méthodologiques, précisant les modalités d’élaboration des données et les éventuelles réserves d’interprétation liées à ces modalités.

3. Les modalités d’application de l’élargissement de la diffusion

Même si le III du présent article prévoit qu’un décret en Conseil d’État pris après avis de la CADA définit les modalités d’application des nouvelles obligations de diffusion, le I et le II donnent un cadre précis qui doit régir la mise en œuvre de cet article.

a. La protection de la vie privée et des secrets protégés reste inchangée

Le II insère dans le code des relations entre le public et l’administration un nouvel article L. 312–1–2 régissant les dispositions relatives à l’anonymisation et aux occultations des secrets protégés des documents publiés.

Actuellement, le deuxième alinéa de l’article L. 312–1 prévoit que dans le cas d’une publication, volontaire, par l’administration, et sauf disposition législative contraire, les documents administratifs qui comportent des mentions entrant dans le champ de l’article L. 311–5 – documents non communicables pour protéger certains secrets – et L. 311–6 – documents communicables au seul intéressé – ou qui contiennent des données à caractère personnel, ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions ou de rendre impossible l’identification des personnes nommées. Cet alinéa a été supprimé par l’article 3 du projet de loi.

Le nouvel article L. 312–1–2 prévoit qu’avant toute diffusion – obligatoire ou volontaire –, sauf disposition législative ou réglementaire contraire, les documents :

– qui comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L. 311–5 et L. 311–6 font l’objet d’un traitement d’occultation ;

– qui comportent des données personnelles sont anonymisées, sauf si la personne concernée a consenti à leur publication.

Dans son avis sur le présent projet de loi (118), la CNIL a indiqué qu’elle estimait impératif la vérification préalable des processus d’anonymisation et que ces processus devaient répondre à des méthodologies précises, sous son contrôle (119). Elle appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que le projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé prévoit déjà, pour les traitements de données de santé, que la Commission a la possibilité d’homologuer et de publier des méthodologies générales ou des procédés d’anonymisation préalablement à la mise à disposition de ces données ou jeux de données.

b. Une exception pour les petites structures

Pour tenir compte des difficultés de mise en œuvre que les règles prévues par l’article 4 pourraient représenter pour les administrations dotées de moyens humains limités, une exclusion est prévue à l’alinéa 2 pour les personnes morales dont le nombre d’agents ou de salariés est inférieur à 250.

c. Une exception pour certains documents d’archives

En application de l’alinéa 11, ne sont pas concernés par l’obligation de publication les documents d’archives issus de deux types d’opérations qui visent, à l’expiration d’une période d’utilisation courante, à séparer :

– les documents à conserver des documents dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination (article L. 212–2 du code du patrimoine) ;

– les documents comportant des données à caractère personnel (120) à conserver et ceux dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination (article L. 213–3 du code du patrimoine).

d. Une obligation qui porte essentiellement sur les documents nativement numériques

L’alinéa 2 dispose que l’obligation de publication ne s’applique que pour les documents qui sont disponibles sous forme électronique. Cette disposition limite considérablement la charge de travail occasionnée par la nouvelle obligation de publication, qui, de fait, couvrira :

– l’ensemble du flux de nouveaux documents, ceux–ci étant tous nativement numériques ;

– pour le stock, les documents « nativement numériques » et les documents déjà numérisés.

Il ne s’agit donc pas d’une obligation générale de numérisation des documents que l’administration a en sa possession.

e. Un standard ouvert aisément réutilisable

En l’état du droit, la jurisprudence du Conseil d’État considère que la loi du 17 juillet 1978 n’oblige pas les administrations mentionnées à son article 1er à enregistrer les documents qu’elles doivent communiquer à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elles utilisent habituellement (121).

L’alinéa 2 dispose que les documents doivent être publiés dans un « standard ouvert ». Le débat sur l’utilisation du terme « standard » ou du terme « format » a déjà eu lieu lors de l’examen de la loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques.

Votre rapporteur marque une préférence pour le choix qui a été retenu dans le projet de loi, qui consiste à retenir le terme de « standard » ouvert. En effet, ce dernier a fait l’objet d’une définition par l’article 4 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (122).

Par ailleurs, comme le note l’étude d’impact, « les termes de standard ouvert sont consacrés dans le référentiel général d’interopérabilité (RGI), qui s’applique à l’ensemble des autorités administratives, en vertu de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret n° 2007–284 du 2 mars 2007. Les systèmes d’information doivent donc déjà être mis en conformité avec le RGI, qui prévoit notamment le recours à des standards ouverts. La notion de format « réutilisable » ne recouvre pas entièrement celle de format ouvert. En effet, du point de vue du RGI, le PDF est un standard ouvert, mais en pratique la réutilisation des données contenues dans un PDF est très difficile. Par contre, le même RGI recommande l’usage du format Open Document plutôt que le format concurrent proposé par Microsoft. »

f. L’exclusion des collectivités territoriales

L’article 106 de la loi n° 2015–991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a déjà renforcé les exigences de transparence des données des collectivités territoriales. Deux nouveaux articles L. 1112-23 du code général des collectivités territoriales et L. 1215–12 du code des communes de Nouvelle–Calédonie prévoient que les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels elles appartiennent rendent accessibles en ligne les informations publiques mentionnées à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, lorsque ces informations se rapportent à leur territoire et sont disponibles sous forme électronique. Ces informations publiques sont offertes à la réutilisation dans les conditions prévues au chapitre II du titre Ier de la même loi.

L’alinéa 7 du présent article exclut donc les collectivités territoriales, leurs établissements publics de coopération intercommunale et les communes de Nouvelle–Calédonie des obligations de publication introduites au présent article.

Votre rapporteur, s’il comprend la logique de stabilité de la norme qui a présidé à ce choix, regrette que des dispositions non identiques sur le même sujet soient éclatées dans plusieurs codes. Il estime que l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi serait mieux respecté si l’ensemble des dispositions relatives à la publication et à la réutilisation des données publiques étaient réunies au sein du code des relations entre le public et l’administration, et ce d’autant plus que le champ de l’obligation de publication n’est pas exactement le même. La CNIL, dans son avis précité, a souligné que « ces dispositions spéciales ne prévoient aucune condition particulière s’agissant de la diffusion d’informations publiques comportant des données à caractère personnel et renvoient s’agissant de la réutilisation de telles informations aux conditions actuellement prévues à l’article 13 de la loi CADA. Or, le présent projet de loi vise précisément à supprimer les conditions particulières de réutilisation, à l’exception du respect des dispositions de la loi « Informatique et Libertés » et à prévoir de nouvelles conditions de publication pour les documents comportant des données à caractère personnel ». La CNIL a demandé à ce que les dispositions spéciales applicables aux collectivités territoriales et aux EPCI à fiscalité propre soient mises en cohérence avec le présent projet de loi, afin d’assurer l’uniformisation du cadre juridique applicable à la diffusion et à la réutilisation de telles informations, tant sur le fond que sur les termes juridiques utilisés.

4. Les modifications apportées par votre commission des Lois

Au terme d’un débat relatif à la recherche du critère approprié permettant d’assujettir les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration aux nouvelles obligations de publication prévues par l’article 4, votre Commission a adopté un amendement à l’alinéa 2 de M. Philippe Gosselin, avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, renvoyant au décret la fixation du seuil optimal.

Elle a adopté un amendement à l’alinéa 5, à l’initiative du Gouvernement et avec le soutien de votre rapporteur qui proposait un dispositif similaire, visant à restreindre l’exception à l’obligation de publication prévue par le 3° de l’article 4 car la rédaction initiale ne concernait pas les bases de données faisant l’objet d’une diffusion publique par ailleurs.

À l’alinéa 6, qui organise la publication des documents présentant un intérêt économique, social ou environnemental, la Commission a adopté un amendement défendu par Mme Delphine Batho – avec l’avis favorable de votre rapporteur – permettant de prendre en compte également les enjeux sanitaires.

La Commission a en outre adopté plusieurs amendements rédactionnels, d’harmonisation et de coordination, présentés par M. Lionel Tardy, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques et par votre rapporteur.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL619 de la commission des Affaires économiques et CL317 rectifié de Mme Laure de La Raudière.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration dispose que certains documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret en matière commerciale et industrielle ne peuvent être communiqués qu’à l’intéressé. L’amendement précise que ce secret couvre les compétences spécifiques de l’entreprise.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement CL317 rectifié a le même objet mais une rédaction légèrement différente ; je le retire au bénéfice de celui de la commission des Affaires économiques, que j’ai co-signé.

Sur un autre plan, je comprends parfaitement, monsieur le président, votre manière de conduire nos débats, mais je ne peux m’empêcher de penser que la proposition de M. Martin-Lalande tendant à systématiser la méthode de la consultation publique qui a été employée pour ce texte aurait toute sa place dans un projet intitulé « Pour une République numérique » – bien davantage que beaucoup des articles qui y figurent.

L’amendement CL317 rectifié est retiré.

M. le rapporteur. Aux termes de l’article L. 311-6 du code précité, ne sont transmissibles qu’à l’intéressé les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle. La précision proposée par la commission des Affaires économiques étant superfétatoire, je préfère le maintien de la rédaction actuelle.

La Commission rejette l’amendement CL619.

Puis elle examine l’amendement CL620 de la commission des Affaires économiques

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement vise à étendre le champ d’application de l’ouverture des données publiques à celles qui sont susceptibles d’être aisément numérisées.

M. le rapporteur. Il me paraît difficile de déterminer quels critères – techniques ou financiers – déterminent le caractère aisément numérisable d’un document. Je demande donc le retrait de l’amendement, sur lequel j’exprimerai, sinon, un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CL529 du rapporteur, CL131 de M. Philippe Gosselin, CL227 de M. Sergio Coronado et CL304 de Mme Laure de La Raudière, ainsi que les amendements CL686 du Gouvernement et CL132 de M. Philippe Gosselin.

M. le rapporteur. Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet, a estimé que « la nature du seuil à partir duquel l’obligation [de publication des données] s’imposerait, lequel serait fixé par rapport à l’effectif de l’administration en cause, n’était pas pertinente au regard de l’objectif poursuivi par cette disposition ». De fait, de petites structures administratives peuvent produire des données très riches. En conséquence, je propose de supprimer le seuil relatif au nombre d’agents d’une administration, que le texte fixe à 250. Mais je constate que le Gouvernement a déposé cette nuit un amendement qui tend à abaisser le seuil à 50 agents.

M. Philippe Gosselin. L’obligation de publication des données est une très bonne chose, mais la faire dépendre de l’effectif de l’administration concernée est contestable – et contesté par le Conseil d’État. Le Gouvernement propose désormais d’abaisser ce seuil à 50 agents ; est-ce vraiment plus pertinent ? La sagesse consisterait à adopter l’amendement CL132, qui tend à fixer le seuil par décret au lieu de le graver dans le marbre de la loi. Nous y gagnerions en souplesse.

Mme Isabelle Attard. Outre qu’il suffit d’un clic pour mettre les données en ligne, conditionner l’obligation de publication à l’effectif des administrations considérées est d’autant moins pertinent que l’intérêt pour la transparence de la vie publique des données qu’elles peuvent mettre à la disposition du public est sans relation avec le nombre de leurs agents.

Mme la secrétaire d’État. Il faut en effet dissocier la taille d’une administration et la qualité des informations qu’elle produit. L’amendement CL686 va dans ce sens, en fixant à 50 agents ou salariés le seuil au-dessous duquel les personnes publiques sont exclues des nouvelles obligations de mise en ligne des données. L’ouverture des données publiques par défaut se fera progressivement, ce qui permettra aux plus petites administrations de s’adapter à leur nouvelle obligation. Opter pour un décret, comme le recommande M. Gosselin, c’est prendre le risque de retarder l’application de la disposition.

M. Philippe Gosselin. La nouvelle proposition du Gouvernement et les amendements de mes collègues traduisent une hésitation manifeste. Je continue de penser que mieux vaudrait fixer un seuil par décret.

M. le rapporteur. En fixant pour le moment à 50 agents le seuil au-delà duquel les administrations sont tenues de publier les données en ligne, l’amendement du Gouvernement ne modifie pas mon opinion sur le bien-fondé du critère lui-même. Mais renvoyer à un décret, comme le propose M. Gosselin, c’est prendre le risque que la barre soit placée largement plus haut. Le seuil de 50 agents me semble un juste équilibre ; je retire donc l’amendement CL529 et me rallie à l’amendement CL686.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement CL227, mais une remarque de méthode s’impose. Les membres de la commission préparent leurs observations en ayant connaissance des amendements du rapporteur ; ils apprennent ensuite que le ministre a déposé au dernier moment, dans la nuit, un amendement relatif à une question importante. Il serait bon que le rapporteur et le Gouvernement se présentent en Commission au terme d’une concertation suffisamment aboutie pour que le travail des commissaires en soit facilité.

M. Philippe Gosselin. Puis-je suggérer au Gouvernement de donner un avis favorable à l’amendement CL132 tendant à ce que le seuil soit fixé par décret, en annonçant d’emblée que le seuil retenu sera celui de 50 agents ou salariés ?

Mme Laure de La Raudière. Je me rallie à l’amendement de M. Gosselin.

Les amendements CL529, CL131, CL227 et CL304 sont retirés.

Mme la secrétaire d’État. La lisibilité et la sécurité de la loi imposent de maintenir l’amendement CL686. Les administrations doivent savoir dès maintenant si la nouvelle disposition leur est applicable, et vous n’ignorez rien du délai de rédaction et de mise en œuvre des décrets d’application des lois. Suivre cette voie retarderait l’ouverture des données publiques voulue par le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Je ne doute pas de la diligence du Gouvernement, et personne, d’évidence, ne sachant déterminer exactement quel seuil est le bon, il serait plus sage de s’en remettre à un décret. Cela permettra de juger à l’usage et de modifier plus aisément ce qui pourrait devoir l’être.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le recours au décret me paraît pertinent. Décidons-en, et faisons en sorte, avant la séance publique, que la disposition soit applicable immédiatement.

Mme Isabelle Attard. Cette suggestion est bienvenue. Aucune étude d’impact ne permet d’apprécier pourquoi il faut un seuil et en quoi il est préférable de le fixer à 50 agents plutôt qu’à 250, 75 ou 25. Le Gouvernement n’a avancé aucun argument qui permettrait de nous éclairer.

Mme la secrétaire d’État. L’abaissement du seuil qui vous est proposé par cette nouvelle rédaction répond au souhait d’une plus grande ouverture exprimé par la grande majorité des membres de votre commission. Dans le même temps, il faut répondre aux préoccupations des élus locaux et des petites collectivités qui redoutent les conséquences de cette obligation nouvelle en termes financiers et d’effectifs, et ne pas mésestimer les difficultés qu’auront les petites administrations au budget réduit à la mettre en œuvre – et, pour cette raison, continuer de fixer un seuil. Je crains que renvoyer la fixation du seuil à un décret n’ait pour effet d’obscurcir la disposition : le risque existe que l’on en vienne à définir des seuils différents en fonction des types d’administration. Il me semble donc raisonnable de fixer dans un premier temps le seuil à 50 agents, puis de faire le bilan de cette mesure. Ainsi donnera-t-on l’impulsion nécessaire sans pénaliser les plus petites administrations.

M. Patrice Martin-Lalande. Par l’amendement CL5, dont je déplore qu’il ait lui aussi été déclaré irrecevable, je proposais de retenir pour critère celui des moyens, tels qu’évalués par la CADA, dont les administrations disposent pour assurer cette mission.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’évolution technique fait que le maintien d’un seuil ne me paraît pas pertinent ; tenir compte des moyens le serait davantage. M. Gosselin propose un bon compromis, adoptons-le.

La Commission rejette l’amendement CL686.

Puis elle adopte l’amendement CL132.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL509 du rapporteur.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CL468 de Mme Anne-Yvonne Le Dain et CL530 du rapporteur.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Mon amendement tend à supprimer les mots « dans un standard ouvert aisément réutilisable ». Ainsi garantira-t-on que l’authenticité des documents originaux, tels que mis en ligne par l’administration, ne peut être altérée.

M. le rapporteur. Par « standard ouvert et aisément réutilisable », il faut entendre que le document peut être réutilisé par celui qui le consulte ; le document original demeure inchangé et inaltérable sur le site de l’administration qui l’a publié. Je suggère donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Quant à mon amendement CL530, il vise à ce que les informations mises à la disposition du public lui soient accessibles aisément, mais aussi gratuitement.

Mme la secrétaire d’État. Avant d’aborder ce débat important, je souhaite répondre à M. Coronado. En ma qualité d’ancien membre de votre commission, je suis sensible au fait que le Gouvernement ne devrait pas déposer d’amendements tardivement, et c’est la démarche qui me guide. Le Gouvernement a déposé onze amendements en tout, dont la plupart portent sur le très haut débit ; ils ont été déposés tard car des arbitrages financiers étaient nécessaires. Quant à l’amendement relatif au seuil au-delà duquel l’obligation est faite de publier les informations en ligne, il visait à répondre aux nombreux amendements à ce sujet des membres de votre commission.

J’en viens à l’amendement CL530. La loi relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques a affirmé le principe de la gratuité, avec des dérogations : les administrations peuvent établir une redevance de réutilisation lorsqu’elles sont tenues de couvrir par des recettes propres une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public. Lors des débats, le Gouvernement s’était engagé à mener une réflexion avec les principaux organismes concernés – l’INSEE et l’IGN par exemple – pour dégager de nouveaux modèles économiques, car si la gratuité est imposée de manière systématique, il en découlera de très importantes pertes de ressources pour ces organismes publics.

Depuis la promulgation de la loi, ce travail a été mené très activement, avec deux résultats principaux. Les bases de données de l’INSEE, notamment la base de données SIRENE sur les entreprises, vont être ouvertes gratuitement aux réutilisateurs. À l’instar de ce qu’ont fait les Britanniques, le Gouvernement s’est engagé à ce que l’État compense intégralement les recettes ainsi perdues par l’INSEE, soit plus de 10 millions d’euros. Pour la statistique publique, base actualisée plus de 10 000 fois par jour et principale source d’informations pour le secteur économique, la gratuité totale s’est imposée comme la meilleure solution. Des modèles innovants de financement de l’open data ont été mis au point pour l’IGN, qui souhaite que le référentiel à grande échelle soit utilisé sous une double licence : gratuité en cas de « repartage » à l’identique du résultat de l’exploitation des données examinées, ou redevance si le réutilisateur n’accepte pas cette clause. Il en ira de même pour les établissements publics industriels et commerciaux, qui doivent pouvoir continuer à percevoir des redevances pour la partie commerciale de leur mission.

L’amendement de votre rapporteur ne tient pas compte de ces progrès substantiels et ne chiffre pas la perte qu’induirait la gratuité totale. Le Gouvernement invite donc à son retrait, au bénéfice de l’amendement relatif à la gratuité de l’accès aux bases de données de l’INSEE.

M. le rapporteur. Chacun sait mon attachement à la gratuité de l’accès aux données publiques. Je me félicite donc que le Gouvernement ait avancé pour la base de données SIRENE et pour l’ensemble des données statistiques et je vous en remercie, madame la ministre. On est sur le bon chemin mais, vous l’avez compris, je souhaite que l’on aille plus vite et plus loin. Étant donné ce que vous nous avez dit, je ne doute pas que cela sera le cas. Je retire donc l’amendement.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ayant pris acte des assurances du rapporteur, je retire l’amendement CL468. Je demanderai ultérieurement que tout utilisateur de données publiques cite explicitement sources et auteurs. Enfin, j’apprécie la distinction subtile faite par la Mme la ministre entre ce qui relève du service public et ce qui relève des activités commerciales. Les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), qui élaborent des données de grande valeur scientifique, technique et morale, sont une force pour notre pays ; parce qu’ils doivent affronter une concurrence nationale et internationale, il ne faut pas, en leur demandant de donner accès à leur fonds, les mettre en difficulté. La prudence avec laquelle vous avez procédé me paraît légitime.

Les amendements sont retirés.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je profite de ce moment pour faire un point de méthode afin que tout le monde se souvienne des règles que nous avons adoptées. Autant nous sommes très compréhensifs à l’égard du Gouvernement quand il dépose, même tard, des amendements aux textes que nous étudions en commission – cinq amendements déposés cette nuit, ce n’est d’ailleurs pas beaucoup –, autant nous sommes hostiles aux amendements déposés entre nos travaux et l’examen en séance. Madame la ministre, j’appelle donc votre attention sur la doctrine de cette commission : si vous déposez des amendements entre l’examen en commission et la séance, ce qui revient à réduire à néant l’utilité de nos travaux, nous voterons contre.

M. Philippe Gosselin. Sévère mais juste !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est l’état d’urgence… (Sourires.) Mais la commission n’est souveraine que pour ses propres travaux !

Mme Laure de La Raudière. Merci de m’accueillir dans cette commission où je découvre cette règle avec intérêt. Est-ce à dire que le Gouvernement ne peut amender le texte de la commission, celui que nous examinons en séance ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Nos règles tiennent à un contrat implicite : en général, le Gouvernement s’entend avec sa majorité avant l’examen en commission. Si des amendements interviennent juste avant la séance, c’est une négation du travail du rapporteur qui s’exprime au nom de la commission. Nous souhaitons que cette règle, dont nous avons longuement débattu, continue à être appliquée comme c’est le cas depuis plusieurs mois. En ce début d’année, je voulais le rappeler au Gouvernement. Comme souvent, madame la ministre, les présents paient pour les autres : vous n’êtes pas particulièrement concernée.

M. Guy Geoffroy. Est-ce qu’elle va s’appliquer pour la révision constitutionnelle ?

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Oui, mais c’est, je le rappelle, le texte du Gouvernement qui sera examiné en séance et non celui de la commission.

M. Lionel Tardy. C’est une excellente règle, que devrait aussi appliquer la commission des Affaires économiques dont je suis membre.

La Commission examine l’amendement CL13 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Avant de défendre mon amendement, et puisque nous parlons d’un texte sur la République numérique, je voudrais signaler que les internautes se plaignent d’avoir du mal à suivre nos débats en ligne, certains d’entre eux allant jusqu’à proposer de réaffecter une partie du budget de la buvette au financement du serveur de streaming de l’Assemblée nationale. (Sourires.) J’ai fait le test : on ne peut pas suivre les débats concernant ce texte important sur le site de l’Assemblée.

Quant à mon amendement, il tend à harmoniser la rédaction de ce texte avec celle qui a été retenue dans la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, dite « loi Valter ». Pour l’open data, nous y avions retenu la formulation suivante : « standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. » Ce n’était pas ma rédaction préférée mais c’est celle que nous avons adoptée il y a à peine un mois dans l’hémicycle et qui figure dans la loi, promulguée le 28 décembre dernier. Dans le présent texte, nous avons une formulation différente car tronquée : il manque l’expression « lisible par une machine ». En harmonisant les deux rédactions, il s’agit d’affirmer que nous sommes bien dans le même cadre.

M. le rapporteur. C’est parfaitement juste. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CL13.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement de précision CL621 de la commission des Affaires économiques, puis les amendements rédactionnels CL375 et CL376 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL622 de la commission des Affaires économiques, CL685 du Gouvernement et CL510 du rapporteur.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Cet amendement vise deux objets. D’une part, il revient sur la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article L. 312-1-1 nouveau du code des relations entre le public et l’administration, qui autorise une interprétation extensive, sinon intégrale, des données détenues par les administrations et les personnes, publiques ou privées, chargées d’une mission de service public. D’autre part, en supprimant le mot « estimer » dans la rédaction actuelle de l’alinéa 6 du même article, il réduit l’importante marge de manœuvre laissée aux administrations dans la sélection des données pouvant être ouvertes car présentant un intérêt économique, social ou environnemental.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement vise à restreindre l’exception à l’obligation de publication prévue par l’alinéa 3. Cette exception s’appliquerait aux bases de données qui font l’objet par ailleurs d’une diffusion publique dans un standard ouvert aisément réutilisable, alors qu’elle concerne actuellement toutes les bases de données qui font l’objet d’une diffusion publique par ailleurs.

M. le rapporteur. Je retire mon amendement au profit de celui que vient de présenter Mme la ministre. Concernant l’amendement CL622, je suis d’accord avec l’appréciation de Mme la rapporteure pour avis sur la rédaction actuelle, mais la nouvelle proposition du Gouvernement me paraît plus juste. Pour ma part, j’avais le souci de pouvoir demander l’avis de l’administrateur général des données mais, si j’en juge par les discussions que j’ai pu avoir au cours des dernières heures, il semble que ce soit compliqué. Dans tous les cas, il est possible de saisir la CADA pour un refus de publication, et c’est l’un des éléments de nature à garantir l’objectivité des « estimations » des administrations. Cet amendement étant satisfait, je propose que l’on s’en tienne à celui du Gouvernement.

Les amendements CL510 et CL622 sont retirés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rédaction de l’amendement du Gouvernement pose un problème car il ne tient pas compte de l’amendement de M. Tardy que nous venons d’adopter. Pour être cohérent, il faut ajouter « c’est-à-dire lisible par une machine ».

La Commission adopte l’amendement CL685 ainsi rectifié avec l’accord du Gouvernement.

Puis elle examine les amendements identiques CL331 de M. Philippe Gosselin et CL632 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Gosselin. La rédaction trop générale de l’alinéa 6 risque de conduire à la diffusion de données sensibles. Cela étant, je suis assez rassuré par le débat que nous venons d’avoir et je vais retirer cet amendement qui me semble satisfait.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Je retire également le mien.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques CL147 de Mme Delphine Batho et CL151 de M. Patrice Martin-Lalande.

Mme Delphine Batho. Ces amendements qui tendent à réécrire l’alinéa 6 soulèvent le même genre de risque que les précédents qui proposaient de le supprimer et, pour ma part, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils seraient satisfaits. Mon amendement reprend d’ailleurs les termes utilisés par Mme Erhel dans son amendement CL622 à l’alinéa 5, qu’elle a également retiré. La rédaction actuelle de l’alinéa 6 est trop restrictive, laissant l’administration seule juge des documents communicables. Je propose de reprendre les termes de l’avant-projet de loi et de rédiger ainsi l’alinéa 6 : « 4° Les données dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ».

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit de remplacer l’appréciation subjective de l’administration par des considérations plus objectives : l’intérêt économique, social ou environnemental. Sinon, le texte aura une application limitée puisque la publication des données relèvera du bon vouloir des administrations.

M. le rapporteur. Mon argumentaire est le même que pour les deux amendements qui ont été retirés tout à l’heure. Il s’agit d’objectiver l’estimation. C’est la CADA, en tant qu’autorité, qui sera chargée de le faire et qui pourra être saisie d’un refus de publication. C’est suffisant pour remplir les conditions que vous souhaitez. Avis défavorable.

Mme la secrétaire d’État. Mme Batho a bien cerné la problématique, autant y répondre aussi directement : l’étude d’impact nous montre qu’il est irréaliste de vouloir imposer la publication de l’ensemble des informations qui présentent un intérêt économique, social ou environnemental car la charge serait extrêmement lourde pour les administrations. Tel que rédigé, le texte permet la saisine de la CADA, qui sera amenée à jouer un rôle de plus en plus important, y compris en amont pour conseiller les administrations qui s’interrogent sur la pertinence d’ouvrir ou non des documents. Cette procédure permet aussi un contrôle par le juge de l’erreur manifeste d’appréciation de l’administration, ce qui constitue une avancée très importante par rapport à l’état actuel du droit.

Mme Delphine Batho. Que la CADA estime, lorsqu’elle est saisie, de ce qui présente un intérêt économique, social ou environnemental, c’est une chose. Que le texte dise que c’est l’administration qui l’estime, c’en est une autre. Or c’est ce qui est écrit. Avec ce que nous proposons, une administration pourra refuser une publication et, si elle est saisie, la CADA se prononcera sur le point de savoir si les données présentent un intérêt économique, social ou environnemental. Mais dans sa rédaction actuelle, le texte dit autre chose : c’est l’administration qui décide de ce qui présente un intérêt. Faisons attention. La rédaction que je propose permet de répondre parfaitement aux conséquences pratiques que vous évoquez, tout en signifiant plus clairement que la CADA est le juge de paix ; le texte actuel permet à l’administration de faire ce qu’elle veut, ce qui peut avoir des conséquences absolument significatives notamment dans un domaine que je connais bien, celui de l’environnement.

Mme Isabelle Attard. Nous sommes plusieurs à avoir des amendements semblables à celui de Mme Batho, qui concerne bien l’alinéa 6 et non l’alinéa 4. Nous en avons débattu hier en commission des Affaires économiques, et nous avons indiqué clairement que nous ne voulons pas que l’administration, à la fois juge et partie, se retrouve à décider elle-même de l’intérêt de la mise à disposition de ces données. Au moins cinq amendements se réfèrent aux « données dont la publication présente un intérêt économique, social ou environnemental » et non plus au pouvoir d’estimer de l’administration.

M. Philippe Gosselin. J’ai retiré mon amendement CL331 mais, à la lumière de nos derniers échanges, j’ai l’impression que le problème n’est pas complètement résolu. Les amendements soutenus me semblent pertinents.

La Commission rejette les amendements identiques CL147 et CL151.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL104 de M. Lionel Tardy et CL228 de M. Sergio Coronado, ainsi que l’amendement CL81 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Lionel Tardy. Dans le même registre, je vous cite le quatrième critère de libération des données : « les données dont l’administration, qui les détient, estime que leur publication présente un intérêt économique, social ou environnemental ». Sachant que certaines administrations sont réticentes à fournir leurs données, il ne me paraît pas judicieux de les laisser apprécier cet intérêt économique. Plutôt que de les laisser être juge et partie, je propose une rédaction plus objective avec des critères qui pourront être développés dans le décret d’application prévu à cet article.

M. le rapporteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je persiste à penser que la rédaction est un peu compliquée et je bute moi-même sur le mot « estime » depuis plusieurs semaines. Une chose me rassure : la CADA peut être saisie afin de contribuer à rendre accessibles des données qui ne le seraient pas. Je souhaite m’en tenir à cette réalité et à la qualité du travail de la CADA. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements identiques CL104 et CL228.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Par mon amendement, je propose une solution pour remédier au problème du mot « estime » sur lequel vous butez, monsieur le rapporteur. Il s’agit de remplacer « qui les détient, estime » par « qui les détient ou tout autre tiers estiment ». Cette formulation permet de garder le verbe estimer mais en ouvrant le champ des acteurs possibles : davantage de données deviennent communicables dans le cadre des garanties prévues par le texte.

M. le rapporteur. Les tiers que vous souhaitez introduire sont les mêmes que ceux qui pourront saisir la CADA. Cette précision étant inutile, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais votre rédaction oblige à passer par la CADA !

M. le rapporteur. De toute façon ce sera le cas, y compris avec votre rédaction. Les tiers en question n’auront d’autre recours que de saisir la CADA si l’administration estime que les données ne peuvent pas être publiées.

La Commission rejette l’amendement CL81.

L’amendement CL591 du rapporteur est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL146 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je m’interrogeais sur l’absence du mot « sanitaire » dans la liste des critères d’intérêt et je propose de le rajouter.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement CL146.

L’amendement CL474 de Mme Anne-Yvonne Le Dain est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL511 du rapporteur.

M. le rapporteur. Nous en venons à un nouveau débat particulièrement important : la nécessaire cohérence entre ce texte et la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée cet été, dont l’article 106 concerne les enjeux d’open data pour les collectivités. Si nous estimons que des règles différentes doivent s’appliquer, il faut qu’elles soient extrêmement lisibles, compréhensibles. Or, au regard de nos auditions, il semble que les représentants des collectivités n’aient pas totalement intégré – et c’est un doux euphémisme – la portée de cet article 106 de la loi NOTRe. Dès le début des auditions, nous avons insisté sur ce point qui a fait l’objet de nombreux échanges. Mon amendement vise à supprimer l’alinéa 7 mais, compte tenu des complexités qui subsistent, je propose de le retirer afin d’y retravailler d’ici à la séance, en fonction des éléments de réponse de Mme la secrétaire d’État.

Mme la secrétaire d’État. Si le président de la commission m’y autorise, je veux bien retravailler le texte avec le rapporteur. (Sourires.) La question cruciale est la suivante : la politique d’ouverture des données publiques est-elle applicable de la même manière aux administrations de l’État et aux collectivités locales, sans que ne soient fixés des seuils pour ces dernières ? L’article 106 de la loi NOTRe rend applicable, sans aucun seuil, ces obligations d’ouverture des données publiques. Or, depuis l’adoption de ce texte, certains élus locaux nous alertent sur les difficultés de sa mise en œuvre. Il est vrai que bon nombre de collectivités n’ont pas encore pris la mesure de la portée de cette loi NOTRe. Je suis tentée d’accepter la proposition du rapporteur et de poursuivre ce travail notamment avec la ministre en charge de la décentralisation, Mme Marylise Lebranchu, et avec les représentants des collectivités locales, afin que cette question soit abordée avec les principaux concernés.

L’amendement CL511 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL332 de M. Philippe Gosselin.

M. le rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement qui, à mon avis, n’apporte pas de garantie supplémentaire par rapport au texte du Gouvernement. S’il était maintenu, j’émettrais un avis défavorable.

M. Philippe Gosselin. Je le maintiens, car je ne suis pas sûr que la rédaction actuelle offre les garanties nécessaires.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL377 et l’amendement de cohérence CL378 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CL6 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous proposons d’ajouter le mot « préalablement » après le mot « consenti » à l’alinéa 10. Il s’agit d’empêcher qu’un accord ne soit extorqué, si je puis dire, par une administration qui aurait mis en ligne certaines données sans avoir consulté les personnes concernées, afin de faire pression sur elles. Cet amendement met clairement au point la procédure à suivre.

M. le rapporteur. Dans la rédaction actuelle, les documents comportant des données à caractère personnel ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement rendant impossible l’identification des personnes concernées. Je pense que la précision que vous demandez n’est pas utile et je demande le retrait de votre amendement, à défaut de quoi j’appellerai à son rejet.

La Commission rejette l’amendement CL6.

Elle examine ensuite l’amendement CL229 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Dans son avis sur le présent projet de loi, la CADA note que l’article 4 maintient « un régime d’interdiction absolue de publication des données personnelles, alors que certaines de ces données, qui n’intéressent ni la vie privée ni la réputation des personnes concernées, ne sont pas exclues du droit à communication, et peuvent, par ailleurs, être utilement diffusées, ce qui est par exemple le cas des organigrammes administratifs ou des documents rendant compte des activités de nombreuses instances administratives qui, dès lors qu’ils mentionnent le nom des personnes qui y interviennent ou permettent de les identifier, comportent des données à caractère personnel ».

C’est pourquoi nous proposons de limiter les informations non communicables à celles qui portent atteinte à la protection de la vie privée ou de la réputation des personnes, afin de limiter les obstacles inutiles au droit de réutilisation.

M. le rapporteur. Je suis très partagé : d’un côté, je suis extrêmement sensible à l’équilibre qui a été trouvé en matière de vie privée ; d’un autre côté, je suis très réceptif aux arguments soulevés. Je penche pour un retrait de l’amendement, mais l’avis du Gouvernement m’éclairera peut-être davantage.

Mme la secrétaire d’État. L’objectif visé, qui correspond à une demande que la CADA a formulée dans son avis sur le projet de loi, est pertinent. La CADA souligne que le droit actuel impliquerait de disposer d’une base légale ad hoc pour la publication des organigrammes des administrations car ces tableaux comportent des données personnelles même si leur publication ne porte pas atteinte à la vie privée. Une distinction est potentiellement possible entre respect de la vie privée et respect des données personnelles.

Pour autant, à ce stade, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement, qui soulève des interrogations juridiques. Nous travaillons sur le sujet avec la CNIL, qui est particulièrement défavorable à ce genre de proposition, redoutant que la protection des données personnelles ne soit mise en cause. En l’état, il semble moins important d’améliorer le régime de publication que le régime de réutilisation de ces données. Nous pouvons continuer à avancer sur le sujet afin d’opérer une distinction entre vie privée et données personnelles.

Mme Isabelle Attard. Notre rédaction est plus précise afin de répondre, par exemple, au problème des organigrammes. On ne peut pas considérer que la vie privée et la réputation d’une personne sont menacées par la publication d’un organigramme où apparaissent son nom et sa photo, qui sont pourtant des données personnelles. Disposer d’un organigramme est fondamental pour qui – usager ou fonctionnaire – veut comprendre l’organisation d’une administration. Il est donc nécessaire d’affiner la rédaction de l’alinéa 10 dans le sens demandé par la CADA. Pourquoi devrions-nous attendre d’autres rédactions ou d’autres discussions alors qu’en étant précis dans ce texte nous pouvons accorder au public des informations nécessaires, dans la mesure où celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée ou à la réputation des personnes concernées ? Les informations sont d’ailleurs fournies par les personnes elles-mêmes. En l’absence de telles modifications, nous pourrions en arriver à des absurdités : la diffusion d’organigrammes avec des photos de personnes dont les noms seraient rayés au feutre.

Mme Delphine Batho. Je suis très réservée face à cette logique, car la réflexion n’est pas mûre. Il faut mesurer ce que l’on peut faire ne serait-ce qu’avec le prénom, le nom ou le visage d’une personne : certains algorithmes peuvent effectuer toute une série d’analyses qui posent des problèmes au regard des valeurs républicaines. Considérer que la protection des données personnelles se limite à la vie privée et à la question de la réputation des personnes serait un recul en matière de protection des droits et des libertés. Je comprends le raisonnement, mais nous devons être prudents, c’est pourquoi je soutiens plutôt l’argumentation de Mme la secrétaire d’État.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL379 et CL380 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques CL181 de M. Lionel Tardy et CL230 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Il y a un intérêt à prévoir le libre accès des citoyens à certaines archives publiques – je pense notamment aux documents généalogiques – y compris par le biais de licences. L’alinéa 11 permet pourtant aux administrations de ne pas publier les archives publiques issues des opérations de sélection. Mon amendement tend à remédier à sa rédaction générale trop restrictive qui pourrait nuire aux recherches historiques que j’ai évoquées. On comprend cette restriction pour les archives non numérisées mais pas pour les autres.

M. le rapporteur. Je suis plutôt séduit par l’idée, mais j’ai cru comprendre que cela posait quand même des difficultés d’application. Je suis donc très intéressé par l’avis du Gouvernement.

Mme la secrétaire d’État. Encore une fois, je crois qu’un objectif ambitieux se heurte à la réalité des territoires et des moyens des administrations locales. Prenons un exemple. Si nous adoptions vos amendements, les départements devraient mettre en ligne tous les documents nativement numériques qui étaient auparavant conservés par toutes les administrations ayant leur siège dans le département, et notamment tous les services déconcentrés de l’État. On voit bien qu’il est nécessaire de pouvoir sélectionner qualitativement les documents d’archives à diffuser en ligne. Ce n’est pas un obstacle à la présence massive des archives sur internet puisque plus de 400 millions de documents numérisés sont d’ores et déjà accessibles gratuitement en ligne : l’état civil, le recensement de la population, les registres militaires, etc. Il n’y a aucune mauvaise volonté de la part des administrations des archives concernées, mais un principe de réalité s’impose à elles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements dont il partage pourtant l’objectif.

M. le rapporteur. À la lumière de ces explications, je demande le retrait des amendements, sans quoi je plaiderai pour leur rejet.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine l’amendement CL421 de M. Bertrand Pancher.

M. Michel Zumkeller. Le code du patrimoine prévoit la possibilité d’opérer une sélection, parmi les archives publiques, entre les documents à conserver et ceux dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique. Par cet amendement, nous proposons de préciser que si, comme le prévoit l’alinéa 11, l’administration n’est pas tenue de publier les archives issues de ces opérations de sélection, cela ne doit pas pour autant remettre en cause le droit de les réutiliser. Il s’agit de bien différencier la publication de ces archives – qui n’est pas obligatoire – de leur réutilisation qui est possible même si les informations qu’elles contiennent ne sont pas publiées.

M. le rapporteur. L’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit effectivement que lorsque des archives sont communiquées, elles sont réutilisables. Mais l’alinéa 11 du présent article dispose que les administrations ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues d’opérations de sélection. Il n’est donc pas utile, à cet alinéa, de faire référence à l’article 10 de la loi précitée car il n’y a pas de réutilisation possible de ces archives. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL413 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous savons tous ici la place qu’ont prise les algorithmes dans la société numérique qui est la nôtre. Cette question a d’ailleurs beaucoup occupé notre commission à l’occasion de l’examen d’un autre texte législatif.

Nous proposons ici de rendre publiques en ligne, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, les règles définissant les traitements algorithmiques utilisés par les administrations françaises. Il nous paraît important que ce principe soit affirmé. On le sait aujourd’hui, les traitements algorithmiques sont multiples dans la vie quotidienne. On peut notamment citer ceux qu’utilise l’administration fiscale pour calculer les impôts des Français, ou l’éducation nationale pour les inscriptions dans les lycées et les universités. Il importe de ne pas laisser s’installer, sur ces sujets essentiels, une forme d’opacité technologique, et de ne pas sacrifier non plus la place de l’humain confronté à une gestion purement algorithmique. Ce serait une avancée de cette « loi pour une République numérique » que d’affirmer ce principe de publicité des algorithmes et des règles qui les définissent.

Nous reviendrons sur ce sujet, qui touche à de nombreux domaines de la vie publique, lorsque nous évoquerons la loyauté des plateformes – dont il conviendra aussi d’exiger ce que nous demandons ici aux administrations.

M. le rapporteur. La question des algorithmes est effectivement importante. Les arguments que vient de donner Christian Paul plaident très largement en faveur de ces publications et communications et de la manière dont elles sont utilisées.

Pour autant, la première partie de son amendement ne me semble pas utile. En outre, nous avons adopté à l’unanimité l’amendement CL132 de M. Gosselin qui supprime le seuil de 250 agents prévu au deuxième alinéa de l’article. Je propose donc à M. Paul de retirer son amendement et de le réécrire d’ici à la séance publique.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où la conjonction des articles 2 et 4 vise déjà à remplir l’objectif de transparence de l’action publique que vous poursuivez. Simplement, le projet de loi le limite aux cas où la communication d’un document, d’une décision prise, a été demandée par un individu – étant entendu que cette décision doit avoir été prise du fait d’un traitement algorithmique et concerner un particulier.

Si nous ne souhaitons pas aller plus loin, c’est que l’obligation que vous souhaitez imposer contraindrait à la publication de traitements qui n’ont pas vocation à être divulgués. Je citerai, par exemple, la fraude fiscale et la fraude sociale, qui débouchent sur des décisions individuelles. Autant, il importe que les personnes concernées comprennent l’origine de la décision, autant la révélation publique de la manière – totalement généralisée et non nuancée – dont cette décision a été prise ne nous paraît pas opportune. J’insiste sur le fait qu’en l’état actuel, la conjonction des deux articles précités renforce l’obligation de diffusion, telle qu’elle est prévue par le présent article. On peut considérer que la communication de l’algorithme ayant permis de prendre une décision individuelle est à la fois une immense avancée et un premier pas à saluer – d’ailleurs issu de la consultation publique.

M. Christian Paul. Je serais éventuellement tenté de me conformer au souhait du rapporteur, mais je n’entends pas si facilement les arguments du Gouvernement : l’amendement proposé n’appelle pas une telle réponse. Tout d’abord, nous ne visons pas la simple communication, à la demande d’un citoyen, de documents – eussent-ils un caractère informatique – mais la publicité autant que la publication de ces traitements algorithmiques, indépendamment d’ailleurs de la demande de tel ou tel individu. La conjonction des articles 2 et 4 ne me paraît pas répondre à cette nécessité de publicité.

D’autre part, l’amendement, tel qu’il est rédigé, laisse toute possibilité au Gouvernement, par voie réglementaire notamment, de prévenir les difficultés évoquées. Mme la secrétaire d’État a notamment cité la question de la fraude fiscale : nous pourrions en discuter afin de savoir s’il convient d’introduire une exception sur ce point-là. Mais la publicité des algorithmes est un principe d’intérêt général qui devrait devenir la règle dans la société de l’information. Les conséquences des traitements algorithmiques peuvent d’ores et déjà être extrêmement graves pour quantité de citoyens – non ceux qui se trouvent en situation de délinquance fiscale ou autre. Je souhaiterais donc qu’avec le rapporteur, nous puissions trouver une rédaction satisfaisante.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je trouve l’amendement de M. Paul très intéressant. Néanmoins, il pose un problème de seuil depuis que nous avons adopté l’excellent amendement CL132 de M. Gosselin. Le présent amendement mérite donc d’être réécrit et l’engagement du rapporteur me convient.

M. Christian Paul. Je serais ravi si le rapporteur acceptait néanmoins que nous votions cet amendement pour le retravailler ensuite, car je ne souhaiterais pas que l’excellent amendement de M. Gosselin nous conduise, pour des raisons de seuil d’effectifs, à ne pas retenir des propositions portant sur des questions de principe essentielles. J’entends cependant le propos du rapporteur et l’engagement de la responsable du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), et j’accepte donc de le retirer.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL381 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL15 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Dans son avis, la CADA s’interroge sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et sur l’opportunité d’introduire dans le texte de loi la notion de péremption des informations diffusées en l’articulant avec le droit des archives publiques. C’est là le premier élément permettant d’éviter que les diffusions se fassent une fois que le document n’a plus d’intérêt.

La CADA explique aussi que l’immense majorité des documents administratifs est vouée à l’élimination à l’issue de leur durée d’utilisation administrative. De très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l’administration des archives.

Comment concilier cette réalité administrative avec l’obligation ici créée ? Mon amendement d’appel vise à ce que nous nous saisissions du sujet. Par défaut, il prévoit la présence de précisions supplémentaires dans le décret d’application auquel renvoie le III de l’article.

M. le rapporteur. J’entends vos propos, car les délais sont effectivement définis à l’article 5. Si je suis sensible, moi aussi, à l’avis de la CADA, je ne suis pas sûr que la rédaction ici proposée résolve le problème. J’ai néanmoins bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CL512 du rapporteur est retiré.

La Commission aborde l’amendement CL80 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendement vise à instaurer un système de double licence pour les données. Il s’agit de reproduire, pour les données publiques communicables et leur utilisation, le système prévu pour l’open source. Concrètement, si une donnée est utilisée dans un système entièrement gratuit d’un bout à l’autre et si, in fine, la mise en forme de la donnée est elle-même utilisée dans un contexte gratuit, non commercial, il est proposé d’instituer une licence libre. Si, en revanche, la donnée est utilisée dans un système dans lequel à un moment intervient une prise en main commerciale, en milieu ou en bout de ligne, il est proposé d’instaurer par dérogation un système de licence payante. L’objectif est d’éviter un dispositif dans lequel il y aurait, d’un côté, l’internet des petits, des généreux, des ouverts, fonctionnant sur le mode de la licence libre, ouverte, où tout est accessible à tous ; et de l’autre, de grosses entreprises qui, elles, mettent en forme et réutilisent les données, souvent à des fins de marketing, de caractérisation et de criblage : elles ont un accès gratuit à des éléments qui leur permettent d’avoir une activité commerciale.

M. le rapporteur. Nous poursuivons ici la discussion que nous avons déjà eue – à la fois sur le texte précédent et tout à l’heure. Je suis plutôt favorable à la gratuité et au freemium. Nous avons d’ailleurs tenté d’instaurer un freemium lors de l’examen de la « loi Valter ». Aujourd’hui, je préfère maintenir notre attachement fort à la gratuité et aux avancées enregistrées par le Gouvernement concernant les données statistiques de l’INSEE. Je suis plus attaché à la gratuité – même si elle doit prendre plus de temps – qu’au freemium qui pourrait fermer un modèle.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je suis également attachée à la gratuité et j’apprécie toutes les avancées en ce sens que contient le projet de loi. Le problème qui se pose est celui des sociétés cherchant un bénéfice commercial – voire à maîtriser un marché ou à le monopoliser – en utilisant des données publiques qui, à l’origine, avaient vocation à être gratuites. La gratuité peut ainsi se retourner contre le projet qu’elle emportait. Une entreprise qui a déjà une position dominante sur un marché a les moyens, en utilisant la donnée publique et mise à disposition gratuitement, de renforcer sa position dominante – alors que l’objectif était de mettre en place un système ouvert. Le fait d’ouvrir un maximum de données peut paradoxalement conduire à refermer de nombreux marchés. Or, le dispositif de la licence double existe pour l’open source et fonctionne bien : pourquoi ne pas le répliquer ?

Mme Delphine Batho. À titre personnel, je soutiens l’amendement, bien que n’ayant pas le droit de vote dans cette commission. On ne peut débattre de l’ouverture des données sans poser le problème de la création de valeur par de grandes entreprises privées à partir de l’utilisation de données publiques partagées gratuitement. Cette question nous renvoie aussi au débat sur la fiscalité imposée aux grands géants de l’internet.

Mme la secrétaire d’État. Les arguments que vous avancez sont justes et je partage le constat que vous avez établi. Si le Gouvernement est réticent à l’adoption aussi rapide d’une mesure aussi forte, c’est qu’en pratique, imposer un modèle de licence plutôt qu’un autre – en l’occurrence le share alike ou licence de partage, qui est de nature contractuelle au départ – soulève des difficultés techniques, notamment pour vérifier la réalité du partage ou du reversement des données exploitées.

C’est pourquoi l’approche actuellement retenue par le Gouvernement concernant les organismes publics les plus concernés par les enjeux financiers que vous avez soulignés et par la question du positionnement économique sur les marchés, est celle du cas par cas, qui permet à notre avis de trouver le modèle le plus juste.

De mon point de vue personnel, la double licence ou, à défaut, le freemium, qui consiste à accorder la gratuité aux petits acteurs économiques et aux particuliers et à assujettir à une redevance les plus grosses entreprises, est le modèle à poursuivre : il est à la fois très sophistiqué et très innovant. Simplement, l’imposer par voie législative plutôt que de rechercher des arrangements contractuels ou les modèles économiques qui soient les plus viables pour ces organismes publics me paraît, sinon inapproprié, du moins fort prématuré.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous dites qu’il est un peu tôt pour mettre en place un tel modèle. Je l’entends bien, car j’ai moi-même eu du mal à rédiger cet amendement. Cela étant, nous n’avons guère de fenêtres de tir et nous ne remettrons pas l’ouvrage sur le métier avant plusieurs années. Or, dans l’intervalle, certaines entreprises en position dominante pourraient devenir monopolistiques. Je comprends votre intention, mais nous nous trouvons face à de grosses entreprises dont les motivations sont très différentes. N’y aurait-il pas moyen, d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique, de retravailler cet amendement pour trouver ensemble une formule qui permettrait de mettre un pied dans la porte et de concevoir l’architecture d’un dispositif sur le principe duquel nous sommes ici tous d’accord ? Si l’on n’instaure pas maintenant ce mécanisme, on ne le fera jamais.

Je suis prête à retirer mon amendement si vous êtes d’accord pour que nous retravaillions ensemble, d’ici à la séance publique, à cette architecture que vous décrivez et à laquelle je souscris.

M. le rapporteur. Je ne suis pas sûr que le modèle freemium empêche les entreprises de se mettre en position dominante sur le marché. Même si le système de freemium les conduit à apporter une participation financière, cela n’empêchera pas les plus grands de payer. Et toute la difficulté demeurera. C’est pourquoi le débat est récurrent entre les partisans de la non ouverture des données, ceux de l’ouverture des données et de la gratuité, ceux des redevances et ceux du freemium. De toute façon, les plus gros ont les moyens de payer. Quand Google a besoin de référentiels de grande échelle, il achète pour 4,5 millions d’euros à l’IGN ce dont il a besoin, mais on se trompe si l’on croit qu’il va racheter tous les ans la base de données de l’IGN, car il a trouvé de son côté d’autres solutions de mise à jour. Bref, le développement des géants de l’internet est sans limites, car ils peuvent y consacrer des moyens financiers considérables. Le freemium ne peut freiner une telle expansion : il peut certes apporter des ressources à l’émetteur de données, mais il ne peut en aucun cas contrecarrer les positions dominantes existantes.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je comprends votre argument concernant les positions dominantes, mais je ne puis accepter de vous entendre dire que, tout en étant conscients du problème, vous n’y pouvez rien, qu’il est à la fois trop tôt et trop tard pour agir puisque, de toute façon, les positions dominantes sont prises. Je ne dis pas que le système que je propose soit une arme absolue, mais l’amendement nous permet au moins de manifester notre intention.

M. le rapporteur. Mon propos n’est pas celui que vous me prêtez. Je dis simplement que le frein que vous voulez instituer me semble inefficace, et qu’il est préférable d’assurer la gratuité du système et de le rendre très simple d’accès pour les uns et les autres – sans envisager l’instauration d’une double licence ou d’un potentiel paiement. C’est ainsi que même les nouveaux entrants et les plus petits acteurs seront capables de se saisir des données et d’intervenir.

Nous avons réfléchi à l’instauration d’un freemium lors de l’examen du projet de loi présenté par Mme Valter. J’avais moi-même déposé un amendement de repli sur le freemium, qui a été rejeté. J’ai donc tenté, moi aussi, de transcrire ce dispositif dans la loi : je n’y parviens pas aujourd’hui et je ne pense pas que votre amendement nous permette d’avancer en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 4 bis
(art. L. 541-10 du code de l’environnement)

Encouragement des démarches d’open data dans le domaine des déchets

À l’initiative de votre rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel – ainsi qu’un sous–amendement rédactionnel soutenu par M. Lionel Tardy – visant à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Cet article s’inscrit pleinement dans l’objectif poursuivi par le titre Ier du projet de loi relatif à la circulation du savoir.

Le II de l’article L. 541–10 du code de l’environnement définit, en application du principe de responsabilité élargie du producteur, les obligations incombant aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication. Le présent article complète ces dispositions par l’encouragement des démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets.

Un meilleur accès à l’information sur les caractéristiques du gisement collecté et sur l’offre relative aux matières de substitution est de nature à favoriser la demande. Dans le respect du caractère confidentiel des données stratégiques sur les déchets, l’open data permettra d’améliorer la connaissance du gisement, de sa géolocalisation et de l’offre des matières de substitution, permettant une optimisation de la collecte et de la valorisation matière. Réciproquement, l’optimisation de la demande orientera l’écoconception des produits mis sur le marché. Le cahier des charges des éco-organismes devra indiquer les conditions d’ouvertures des données qu’ils détiennent.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL522 du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL595 de M. Lionel Tardy.

M. Luc Belot, rapporteur. Cet amendement vise à promouvoir l’open data des données relatives aux déchets concernés par une filière à responsabilité élargie du producteur. Il est possible que sa rédaction évolue d’ici à la séance publique.

M. Lionel Tardy. Il serait préférable de n’évoquer que les « conditions dans lesquelles sont encouragées les démarches d’ouverture des données relatives au domaine des déchets » et non « les conditions et limites », ne serait-ce que pour ne pas restreindre le mouvement dans le domaine des déchets. On avait d’ailleurs abouti à cette rédaction, l’année dernière, lors du débat sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », mais elle a été modifiée par la suite.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’adoption de ce sous-amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi sous-amendé.

Article 5
(art. L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration)

Entrée en vigueur des nouvelles obligations de diffusion – Soumission de la publication des documents au respect des droits de propriété littéraire et artistique

1. Une publication des documents administratifs sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique

Le I modifie l’article L. 311–4 du code des relations entre le public et l’administration pour préciser que les documents administratifs sont publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique – ce qui est le régime prévu actuellement pour la communication des informations publiques.

2. Une entrée en vigueur différée

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur en plusieurs étapes de l’élargissement des obligations de diffusion prévu à l’article 4 du projet de loi :

– le prévoit que dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, les administrations publient les documents qu’elles communiquent actuellement en application de la législation sur le droit d’accès ;

– le prévoit que dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, les administrations publient l’ensemble des documents figurant dans le répertoire des informations publiques ;

– le dispose que les administrations publient l’ensemble des documents qu’elles doivent diffuser dans un délai fixé par décret et au maximum de deux ans après la publication de la présente loi.

Cet article a fait l’objet d’un amendement de votre rapporteur de réécriture globale, dans un souci de simplification rédactionnelle, avec le soutien du Gouvernement.

Les étoiles de Tim Berners-Lee

Comme le rappelle le rapport de la sénatrice Corinne Bouchoux (123), en 2010, Tim Berners Lee, inventeur du web et très engagé pour l’open data, a exposé sa conception des différentes étapes conduisant à une ouverture parfaite des données en les matérialisant sous forme d’une notation de une à cinq étoiles.

* Ouverture du jeu de données sous n’importe quel format avec un droit de réutilisation ;

** Utilisation de format structuré (par exemple un fichier Excel) qui permet un traitement automatique de l’information ;

*** Utilisation d’un format ouvert (par exemple un fichier CSV ne nécessitant pas un logiciel propriétaire particulier pour son interprétation) ;

**** Le jeu de données est identifié par URL : les données du jeu deviennent référençables par d’autres jeux à l’aide de liens ;

***** Le jeu de données fait lui-même référence à d’autres jeux par liens.

Cette modélisation a été reprise par de nombreux écrits sur l’ouverture des données, et notamment dans le livre blanc sur l’open data présenté au Parlement britannique en juin 2012.

Il s’agit d’une démarche pragmatique laissant la place à une amélioration progressive, selon le principe qu’il vaut mieux ouvrir des données même de manière imparfaite que passer beaucoup de temps à tenter de les améliorer sans les ouvrir.

*

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL418 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6
(art. 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)

Principe de libre réutilisation des données pour les services publics industriels et commerciaux (SPIC)

Le présent article supprime le régime dérogatoire en matière de réutilisation des données des services publics industriels et commerciaux. Il adapte également la rédaction de l’article 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal pour tenir compte de l’entrée en vigueur du code des relations entre le public et l’administration et de l’adoption de la loi sur la gratuité et les modalités de réutilisation des informations publiques.

Comme indiqué dans le commentaire sur l’article 4 du projet de loi, l’ordonnance du 6 juin 2005 (124) prise pour la transposition de la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 (125) a supprimé le principe d’interdiction de réutilisation commerciale des documents administratifs posé par l’ancien article 10 de la loi du 17 juillet 1978 et créé le chapitre II reconnaissant explicitement le principe de libre réutilisation des informations publiques.

Le présent article modifie l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 qui définit le régime de la réutilisation des informations publiques. À l’exception de deux modifications qui sont décrites infra, il s’agit d’ajustements rédactionnels pour prendre en compte :

– l’entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2016, du code des relations entre le public et l’administration (126), qui a codifié à droit constant une partie de la loi du 17 juillet 1978 ;

– les modifications opérées par le présent projet de loi à d’autres articles, en particulier à l’article 4 – élargissement des obligations de publication. La nouvelle formulation permet ainsi d’affirmer que les informations publiques réutilisables sont celles qui ont été communiquées ou diffusées. Cela lève l’ambiguïté de la rédaction actuelle qui dispose seulement que les « informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite (…) » ;

– la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques. Un amendement de votre rapporteur avait en effet modifié l’article 10 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 afin de prévoir que les informations communiquées à des fins de réutilisation le sont sous forme électronique et, si possible, dans un standard ouvert. Lors de la navette, la rédaction a évolué afin de préciser que l’obligation de mise à disposition sous forme électronique et dans un standard ouvert ne vaut que pour les informations produites postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Cette précision permet d’écarter le risque que les administrations aient à convertir les documents qu’elles détiennent dans un autre format. L’ajout de la précision « si possible » résulte d’un sous-amendement du Gouvernement. Celui-ci a avancé qu’il convenait de ne pas imposer de charges trop lourdes aux administrations et notamment aux collectivités territoriales, et d’éviter de les contraindre à convertir leurs documents dans un format autre que celui qu’elles utilisent habituellement.

En l’état du droit, la jurisprudence du Conseil d’État considère que la loi du 17 juillet 1978 n’oblige pas les administrations mentionnées à son article 1er à enregistrer les documents qu’elles doivent communiquer à l’aide d’un autre logiciel ou sous un format différent de celui qu’elles utilisent habituellement (127).

Dans la rédaction actuelle de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, trois types d’informations sont exclues du champ d’application du principe de la libre réutilisation. Il s’agit de celles :

– dont la réutilisation ne constitue pas un droit, sauf si elles font l’objet d’une diffusion publique – c’est par exemple le cas des informations dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;

– sur lesquelles des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle ;

– produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’une mission de SPIC.

Les informations peuvent être communiquées dans le cadre commun du droit d’accès, avec les mêmes restrictions que celles s’appliquant aux autres administrations (128), mais les informations détenues ou produites par les SPIC ne sont pas considérées comme des informations publiques en matière de réutilisation.

Qui peut assurer un SPIC ?

Les SPIC peuvent être assurés par :

– des personnes publiques – État, collectivités territoriales et leurs groupements – qui les exploitent alors directement sous la forme d’une régie ;

– des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), placés sous la tutelle de l’État ou d’une collectivité territoriale. Il s’agit notamment pour les EPIC nationaux de la SNCF, de la RATP, des grands ports, du centre national des études spatiales (CNES), d’institutions culturelles telles que l’Opéra de Paris, la Comédie française ou la RMN–GP, d’institutions financières telles que BPI France et l’agence française de développement. Pour les EPIC locaux, on peut citer les offices publics de l’habitat, les établissements fonciers locaux, les établissements publics d’aménagement ou les offices de tourisme n’ayant pas la forme associative ;

– des personnes de droit privé gérant un service public dans le cadre d’une relation contractuelle avec une personne publique (marché de service public ou concession de service public) ou en application d’une disposition législative ou réglementaire. Ce dernier cas vise essentiellement d’anciens EPIC devenus des entreprises de droit privé, comme La Poste ou EDF.

Aujourd’hui, les EPIC sont donc libres de définir eux–mêmes les règles relatives à la réutilisation des données qu’ils ont produites ou reçues. De facto, plusieurs EPIC se sont lancés dans des politiques ambitieuses en matière de réutilisation des données publiques.

Ainsi, l’établissement public créé par le décret n° 2011–52 du 13 janvier 2011 relatif à l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées (RMN–GP), qui conduit une activité d’agence photographique chargée d’indexer, de valoriser et de diffuser les reproductions photographiques des collections, doit « donner accès à sa photothèque à toute personne qui lui en fait la demande, y compris pour une utilisation à des fins commerciales, dans des conditions notamment tarifaires qu’il fixe à l’avance dans le respect des principes de transparence et de non-discrimination (129)».

Le RMN–GP a ouvert le 14 octobre 2015 une plateforme « Images d’Art » regroupant :

– le nouveau site Images d’Art (www.art.rmngp.fr), qui offre au grand public la possibilité de découvrir, collectionner et partager ces images des musées français. Les utilisateurs peuvent effectuer gratuitement des usages non commerciaux des images ;

– une interface de programmation d’application, appelée « API » (130), destinée aux développeurs désirant réutiliser les images et les données pour offrir de nouveaux services. L’autorisation est donnée à titre gratuit pour les usages privés et pédagogiques.

Par ailleurs, la RMN–GP organise la diffusion commerciale (131) sur le site www.photo.rmn.fr qui comporte un système de commande en ligne. Le tarif est variable selon les usages. Ce site compte 22 000 clients actifs et 8 000 factures annuelles. Cette agence photo évolue sur un marché concurrentiel comprenant notamment : Bridgeman, Scala, AKG ou encore Corbis et Getty.

CHIFFRE D’AFFAIRES DE LA RMN–GP ENTRE 2011 ET 2015 (PRÉVISIONNEL)

Année

2011

2012

2013

2014

2015p

CA total (en k€)

4 116 000

3 956 000

4 210 000

3 982 000

3 990 000

CA lié à la commercialisation des fonds des musées nationaux

2 609 000

2 741 000

2 809 000

2 684 000

2 795 000

Source : RMN-GP

Les préconisations du rapport « Ouverture et partage des données publiques culturelles, pour une (r)évolution numérique dans le secteur culturel » (132)

Dans un rapport remis en décembre 2013, M. Camille Domange, chef du département des programmes numériques au secrétariat général du ministère de la culture, décrit le régime actuel d’accès aux données culturelles et évalue, sur la base d’exemples étrangers, les nouvelles modalités de réutilisation qui peuvent être envisagées ainsi que le cadre juridique et financier qui pourrait les accompagner.

Il fait le constat que le développement des usages numériques des données culturelles implique d’adapter les pratiques des établissements publics culturels. Dans les grandes institutions étrangères, les revenus tirés de la revente d’images ne constituent plus une source de financement significative. Le rapport souligne la méconnaissance de cette question par les acteurs de la culture ainsi que leur scepticisme quant à leur capacité à mettre en place un « écosystème de création et d’innovation » autour de ces données.

Alors que le droit d’auteur est souvent invoqué à l’appui des restrictions à la réutilisation de certaines données, en particulier les photographies des œuvres des collections nationales, le rapport souligne qu’une rationalisation du recours à des contrats de licence de réutilisation, en particulier à la licence Creative Commons, permettrait de surmonter ces difficultés dans le respect des droits de l’auteur de l’œuvre.

Le rapport appelle par ailleurs les organismes culturels français, dont certains continuent de mettre en œuvre des stratégies « protectionnistes » de mise à disposition des contenus, à repenser leur système de redevances de réutilisation. Il estime que la mise en place d’une offre de services complémentaires aux données publiques en libre accès permettrait aux musées de tirer au mieux profit de la révolution numérique dont ils sont aujourd’hui trop souvent les témoins passifs. Des exemples étrangers, le Rijksmuseum d’Amsterdam ou le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, démontrent qu’il est possible par ce biais de capter une nouvelle audience, sensible aux démarches collaboratives engagées grâce aux outils numériques, sans renoncer à sa vocation première qui est la promotion et la diffusion universelle des biens publics culturels.

Les dérogations au principe de la libre réutilisation des données publiques doivent être limitées au maximum, eu égard aux fortes externalités positives générées par l’open data. Et ce, d’autant que les services rendus par les SPIC intéressent des domaines cruciaux pour l’économie, tels que les transports ou la distribution de l’eau.

C’est la raison pour laquelle l’article 4 de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.

Accès aux données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité

Comme l’ont relevé l’Autorité de la concurrence, dans un avis du 27 février 2014, et la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, dans sa fiche sur l’ouverture de l’offre de transport par autocar, l’ouverture et la mise à disposition des données relatives aux transports est un facteur essentiel au développement de l’intermodalité comme à une concurrence saine entre les différents services de transport.

L’article L. 1115-1 du code des transports – article 4 de la loi n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – prévoit la diffusion des données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité.

L’article dispose également que les personnes tenues de fournir ces données sont les exploitants des services de transports et de mobilité et, le cas échéant, les autorités organisatrices de transport.

Les données concernées sont celles :

– relatives aux arrêts, aux horaires planifiés et en temps réel, aux tarifs, aux informations sur l’accessibilité aux personnes handicapées, aux informations relatives à la disponibilité des services et à leur capacité, ainsi qu’aux incidents constatés sur le réseau et dans la fourniture des services de transport ;

– issues de services de calculateurs d’itinéraires multimodaux gérés par ou pour le compte des autorités organisatrices de transport.

Pour remplir ces obligations, les exploitants de services de transport ou de mobilité pourront adopter des codes de conduite et des lignes directrices rendus publics déterminant les conditions de diffusion, de fourniture et d’actualisation des données. Ils devront notamment définir la manière dont la connexion entre systèmes d’informations permet de fournir les données de manière immédiate aux usagers et la manière dont la continuité de la fourniture des données est assurée en cas de changement des modalités de leur diffusion.

Le retire les données produites ou reçues par les administrations dans l’exercice d’un SPIC de la liste des informations non réutilisables au sens de la loi du 17 juillet 1978. Il harmonise ainsi les règles relatives à la réutilisation des informations publiques produites ou reçues par des autorités chargées d’une mission de service public, que cette dernière soit de nature administrative, industrielle ou commerciale.

Il faut noter que l’impact du 2° pourrait toutefois être limité par les dispositions relatives à la protection des secrets en matière industrielle et commerciale.

1. Les modifications opérées par votre commission des Lois

Outre un amendement de simplification rédactionnelle de votre rapporteur et un amendement de coordination porté par Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques, la Commission a adopté un amendement imposant aux administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300–2 du code des relations entre le public et l’administration de retenir, pour les informations mises à disposition sous forme électronique, un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine. Ce sujet avait fait l’objet de débats lors de l’examen de la loi n° 2015–1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. L’amendement porté par votre rapporteur, identique à celui adopté par la Commission, avait alors été sous–amendé par le Gouvernement afin de prévoir le caractère optionnel de l’obligation de fournir ces documents dans un standard ouvert et aisément réutilisable.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CL82 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement vise à lever l’une des restrictions à la communicabilité des données publiques. Ainsi, dans la première phrase du troisième alinéa de l’article – « Les informations publiques figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus » –, nous souhaitons supprimer tous les mots placés après « qui le souhaite ».

M. le rapporteur. Monsieur Martin-Lalande, je vous demande de retirer votre amendement ou j’émettrais un avis défavorable à son adoption. Aucune restriction n’existe, si bien que rien ne justifie la suppression de la fin de la phrase.

M. Patrice Martin-Lalande. N’étant pas l’auteur principal de cet amendement, je ne puis le retirer et le maintiens donc.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CL450 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL16 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Lors de la commission mixte paritaire examinant le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, porté par Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, j’avais exprimé la déception du groupe Les Républicains devant le choix de faire de la diffusion sous format réutilisable une simple possibilité. Cela représente en effet un frein sérieux à l’ouverture des données publiques, et je demande la suppression des mots « si possible » à la dernière phrase de l’alinéa 3.

M. le rapporteur. J’avais également soutenu cette idée, si bien que je ne peux émettre qu’un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL231 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Nous souhaitons préciser le sens des mots « aisément réutilisable ». Un document possédant cette qualité doit être lisible par une machine et exploitable par un système de traitement automatisé. Les données publiées au format PDF ne remplissent que la première condition, et mon amendement reprend une définition de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la réutilisation des informations du secteur public – Public Sector Information (PSI).

M. le rapporteur. J’entends vos arguments, mais une discussion en commission mixte paritaire avec le Sénat sur la transposition de la directive a tranché cette question, et je ne souhaite pas que l’on adopte une rédaction différente dans ce texte. Je vous demande donc de retirer votre amendement à l’adoption duquel j’émettrais un avis défavorable si vous le mainteniez.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie les amendements CL470, CL469 et CL471 rectifié de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il convient de préciser que toute utilisation de documents administratifs contenant des données publiques fasse explicitement référence à leur source, afin que l’on puisse retrouver les textes initiaux. Il s’agit de l’application du principe scientifique de réfutation, qui s’avère d’une importance fondamentale et qui valorise l’activité de notre administration.

M. le rapporteur. Je souscris à votre objectif et à vos arguments, mais l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dite « loi CADA », satisfait déjà votre préoccupation, puisque l’on y lit : « Sauf accord de l’administration, l’utilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé, que leur source et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. » Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je les retire, mais je réfléchirai d’ici à la séance publique à une éventuelle nouvelle rédaction, car une loi de cette importance doit répéter les éléments fondamentaux et ne pas se contenter de renvoyer à une loi antérieure que l’on révise en profondeur. Quant aux deux autres amendements, ils obéissent au même principe, si bien que je les retire également.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL451 du rapporteur.

Puis elle adopte, suivant l’avis favorable du rapporteur, l’amendement de coordination CL623 de la Commission des Affaires économiques.

Elle adopte enfin l’article 6 modifié.

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement CL422 de M. Bertrand Pancher.

Mme Maina Sage. Cet amendement vise à reprendre une proposition émise à l’occasion du débat sur le projet de loi défendu par Mme Clotilde Valter : celle d’inscrire le principe du freemium pour la réutilisation des données publiques. Il s’agit d’un dispositif intermédiaire entre le premium et le free, qui nous paraît opportun, équitable et juste. L’option d’une réactualisation annuelle offre une bonne solution.

M. le rapporteur. Le dispositif que vous proposez, et qui diffère de l’exposé sommaire de votre amendement que vous venez de nous présenter, est déjà largement satisfait par l’article 4 du projet de loi tel que nous l’avons amendé et dans lequel nous avons accru les obligations de diffusion des administrations. Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.

Mme Maina Sage. Mon amendement fixe une obligation de réactualisation annuelle gratuite, l’offre premium débutant pour une demande plus fréquente. Il ne me semble pas que le texte de l’article 4 aille aussi loin, si bien que je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Article 7
(art. 11–1 [nouveau] de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978

portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Rationalisation du régime de réutilisation des informations publiques

Le présent article comporte diverses mesures visant à rationaliser le régime de la réutilisation des informations publiques. Il adapte, pour les bases de données créées par les administrations faisant l’objet d’une diffusion publique, le régime de la propriété intellectuelle, afin de ne pas entraver la réutilisation des informations publiques contenues dans ces bases de données.

Le I du présent article adapte, pour les bases de données créées par les administrations faisant l’objet d’une diffusion publique, le régime de la propriété intellectuelle, afin de ne pas entraver la réutilisation des informations publiques contenues dans ces bases de données.

La loi n° 98–536 du 1er juillet 1998 – transposant dans le code de la propriété intellectuelle la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données – a introduit deux articles L. 342–1 et L. 342–2 dans le code de la propriété intellectuelle accordant des droits étendus au producteur de bases de données. Ce dernier peut en effet interdire :

– l’extraction, par transfert permanent ou temporaire, de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ;

– la réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme ;

– l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normale de la base de données.

Cet article pose aujourd’hui des problèmes d’articulation avec la politique française d’open data et nourrit un contentieux devant les juridictions administratives. Ainsi, la cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux a eu à connaître d’une affaire opposant la société NotreFamille.com et le conseil général du département de la Vienne à propos des conditions de réutilisation des informations contenues dans les documents d’archives publiques. La CAA a jugé que, dès lors qu’il est producteur d’une base de données, un service culturel peut interdire la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de cette base de données en faisant état des droits que lui confère l’article L. 342–1 du code de la propriété intellectuelle (133).

L’extension des obligations de publication prévue par l’article 4 du présent projet de loi, et singulièrement des « bases de données [que les administrations] produisent ou [que les administrations] reçoivent, ainsi que le contenu de ces bases » se trouverait limitée dans ses effets en l’état actuel du droit sui generis sur la protection des bases de données.

Le I insère donc un nouvel article 11–1 à la loi du 17 juillet 1978 qui prévoit que sous réserve de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers, le droit sui generis sur les protections des bases de données ne s’applique pas aux cas de réutilisations permis par l’article L. 312–1–1 du code des relations entre le public et l’administration (article 4 du projet de loi).

La CADA a affirmé à plusieurs reprises, et a réitéré sa doctrine dans son avis sur le projet de loi, que le droit sui generis que les administrations détiennent sur les bases de données ne pouvait s’opposer par lui–même à leur réutilisation – en effet, l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction actuelle, qui n’est pas modifiée par le projet de loi, exclut de la définition des informations publiques les informations contenues dans des documents sur lesquels des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle mais pas les informations contenues dans les documents sur lesquels seule une administration détient de tels droits, y compris, le cas échéant, en tant que producteur d’une base de données.

La CADA craint que cette disposition ne donne a contrario l’indication que d’autres droits de propriété intellectuelle détenus par les administrations pourraient désormais faire obstacle à la réutilisation de documents administratifs. La Commission propose donc d’adopter une rédaction générale, indiquant que les droits de propriété intellectuelle que l’administration détient sur un document, y compris le cas échéant sur une base de données en tant que producteur, ne peuvent par eux–mêmes s’opposer à la réutilisation des informations publiques que comporte ce document avec les dispositions du nouveau b) de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978.

Le III du présent article encadre plus strictement les types de licences utilisables par les administrations pour autoriser les réutilisations de données publiques à titre gratuit.

Aujourd’hui, l’article 16 de la loi du 17 juillet 1978 ne prévoit la délivrance d’une licence en vue de la réutilisation de données publiques que dans le cas où la réutilisation est soumise au paiement d’une redevance. Or, la licence joue un rôle pédagogique non négligeable. Elle permet d’encadrer contractuellement les règles relatives à la réutilisation des informations publiques et en particulier de préciser celles qui sont énoncées à l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 précitée : « sauf accord de l’administration, la réutilisation des données publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées ».

L’article 8 de la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public permettant la délivrance d’une licence indépendamment du paiement d’une redevance, l’article 4 de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations publiques a modifié la loi du 17 juillet 1978 en ce sens :

– la licence est possible mais facultative si la réutilisation des données publiques n’est pas soumise au paiement d’une redevance ;

– la licence est obligatoire si la réutilisation des données publiques est soumise au paiement d’une redevance.

De fait, et conformément à l’action n° 41 du plan « France numérique 2012 », des licences ont été élaborées par la mission Étalab et l’agence du patrimoine de l’État (APIE), afin de favoriser la réutilisation libre et gratuite des données publiques. Depuis novembre 2011, la licence ouverte s’impose aux administrations de l’État, à l’exception des cas de jeux de données spécifiques donnant lieu à des licences comportant des conditions particulières, élaborées par les administrations, soumises et validées par Étalab.

Ainsi, comme l’ont montré les sénateurs Gaëtan Gorce et François Pillet (134) dans un rapport déposé en avril 2014, l’ensemble des données mises à disposition sur le portail data.gouv.fr le sont sous le régime de la licence ouverte. Ce type de licence permet au réutilisateur, sous réserve du respect de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 précitée :

– de reproduire, copier, publier et transmettre l’information publique ;

– de diffuser et redistribuer l’information publique ;

– d’adapter, modifier l’information publique ;

– d’exploiter l’information publique à titre commercial.

Cette licence s’inscrit dans un contexte international en étant compatible avec les standards des licences open data développées à l’étranger et notamment celles du Gouvernement britannique (open Government licence) ainsi que les autres standards internationaux (ODC–BY, CC–BY 2.0).

Des licences standardisées

La licence ouverte de data.gouv.fr remplace les anciens standards (notamment les licences Apie, LIP, etc.). Elle n’impose que la mention de l’origine des données utilisées et de leur date de mise à jour. Elle est en outre compatible avec des licences ouvertes très utilisées comme l’Open Government Licence et la licence CC-BY.

Data.gouv.fr admet en outre l’Open Database Licence (ODbL), licence plus complexe qui introduit la notion de partage à l’identique : en cas de modifications (adaptations, corrections, améliorations) des données par l’utilisateur, celui-ci est tenu de les diffuser dans des conditions de licence identiques à celles de l’original.

De multiples licences existent au plan international. Depuis le début des années 2000, les licences Creative Commons (CC), inspirées de la licence GNU GPL relative au logiciel libre, ont pris une importance considérable :

ttp://www.senat.fr/rap/r13-589-1/r13-589-14.gif CC-Zero (pas de contrainte, pas de mention de paternité, sous réserve de compatibilités ;
 ttp://www.senat.fr/rap/r13-589-1/r13-589-15.gif CC-BY (pas de contrainte si ce n’est la mention de la paternité) ;
 ttp://www.senat.fr/rap/r13-589-1/r13-589-16.gifhttp://www.senat.fr/rap/r13-589-1/r13-589-17.gif CC-BY-SA (paternité et partage à l’identique, c’est-à-dire conservation de la licence lors des réutilisations).

Il faut enfin souligner que la réutilisation d’informations publiques ne donne lieu qu’à un très petit nombre de litiges, moins de cinq depuis 2005, alors même que la Commission d’accès aux documents administratifs rend près de 5 000 avis ou conseils par an (135).

Il est nécessaire de standardiser les licences pour les données ouvertes afin d’éviter la multiplication des conditions particulières en cas de réutilisation, qui serait un obstacle pour les réutilisateurs utilisant des jeux de données provenant de divers producteurs.

Le II du présent article complète l’article 16 de la loi du 17 juillet 1978 et impose dorénavant que lorsque les réutilisations à titre gratuit donnent lieu à l’établissement d’une licence, celle–ci doit figurer parmi la liste des licences fixée par décret. Toutefois, lorsqu’une administration souhaite recourir à une licence ne figurant pas sur cette liste, cette licence doit être préalablement homologuée par l’État – en pratique par Étalab.

*

* *

La Commission aborde l’amendement CL17 de M. Lionel Tardy. 

M. Lionel Tardy. Comme l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978 a été abrogé par la loi du 28 décembre 2015 dite « loi Valter », il est préférable de rétablir un article 11 plutôt que d’en créer un nouveau.

M. le rapporteur. Je vous remercie de cette excellente proposition, monsieur Tardy. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements CL18 de M. Lionel Tardy et CL423 de M. Bertrand Pancher.

M. Lionel Tardy. Comme le recommande l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), il convient de prévoir une rédaction plus générale pour l’alinéa 2 de l’article 7. Sa version actuelle pourrait en effet générer des obstacles à la réutilisation de documents administratifs, dont des bases de données, sur lesquels l’administration détient un droit de propriété intellectuelle.

Mme Maina Sage. Nous avons déposé un amendement qui propose d’inclure les collectivités territoriales dans le régime dérogatoire de l’article 7 pour les bases de données déjà en ligne et de clarifier la distinction entre le contenu du document et le contenant de l’information.

M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement CL18, je rejoins M. Tardy et la CADA sur l’opportunité d’une exclusion plus large des droits de propriété intellectuelle, mais celle que vous proposez s’avère trop étendue et pourrait mettre en péril certains brevets. Je vous propose de retirer ces amendements, afin que nous travaillions ensemble à une autre rédaction d’ici à la séance publique.

M. Lionel Tardy. D’accord.

M. le rapporteur. Quant à l’amendement CL423, il élargit le champ de l’exception aux droits sui generis sur les bases de données. J’ai déposé un amendement similaire, CL452, auquel je vous propose de vous rallier.

Mme Maina Sage. Je retire mon amendement.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CL232 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Le droit d’auteur des fonctionnaires ne doit pas s’opposer à la réutilisation des données, comme cela fut le cas pour la base Mérimée pour le patrimoine. Dès lors, cet amendement prévoit de s’appuyer l’article L. 131-3-1 du code de la propriété intellectuelle, qui porte sur le droit d’auteur des fonctionnaires, pour favoriser la réutilisation des données.

M. le rapporteur. Le sujet du droit d’auteur n’est pas simple, notamment pour les fonctionnaires ; comme pour les « communs », un travail d’ampleur est nécessaire pour examiner l’ensemble de ses implications. Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; dans le cas contraire, je ne soutiendrais pas son adoption.

Mme Isabelle Attard. Nos amendements portant sur le domaine commun informationnel ne touchent pas au droit d’auteur, monsieur le rapporteur. Je maintiens cet amendement. 

M. le rapporteur. J’ai lié ces deux sujets pour montrer qu’une réflexion approfondie était indispensable, mais j’ai bien compris que votre amendement ne concernait pas le droit d’auteur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL452 et CL495 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL20 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’idée d’une liste de licence de réutilisation fixée par voie réglementaire émane du Conseil national du numérique. J’avais proposé à Mme Valter d’introduire cette disposition dans son projet de loi, mais elle l’avait jugée inutile ; je souris donc de la voir intégrée dans ce texte. Son but est de limiter le nombre de licences pour garantir l’uniformité de la politique de réutilisation des données dans le pays. Cependant, la deuxième partie de l’alinéa 4 ouvrant la possibilité pour les administrations d’homologuer de nouvelles licences va à l’encontre de cet objectif ; il conviendrait plutôt que le décret fixant la liste des licences soit révisé annuellement, afin que les administrations puissent proposer de nouvelles licences ou adapter les existantes, leur nombre total devant être plafonné. Il faut éviter qu’il y ait autant de licences que d’administrations, le texte actuel n’évacuant pas ce risque.

M. le rapporteur. Une révision annuelle paraît disproportionnée au regard de la faiblesse du nombre de licences gratuites. On pourrait à la rigueur envisager une fréquence quinquennale. Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Lionel Tardy. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

La Commission examine les amendements identiques CL19 rectifié de M. Lionel Tardy et CL233 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. Cet amendement reprend l’avis de la CADA et propose de revenir à la suppression du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui se trouvait dans la précédente version du projet de loi. Il y a lieu de réintroduire cet abandon, sous peine de doublons avec plusieurs dispositions qui assurent déjà la protection de la vie privée. L’amendemement permettrait de favoriser la réutilisation de données qui ne contreviennent pas aux dispositions de la loi « CADA ».

Mme Isabelle Attard. Comme M. Tardy, nous souhaitons supprimer le premier alinéa de l’article 13 de la loi dite « Informatique et libertés », qui limite strictement la réutilisation des données publiques en cas de présence de données personnelles, même si celles-ci ne portent pas atteinte à la vie privée des individus. Cette modification, utile aux yeux de la CADA, n’affecterait pas la protection de la vie privée, assurée par l’article 9 du code civil et par l’article L. 311-6 du nouveau code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Notre droit prohibe en effet la communication de documents qui porterait atteinte à la protection de la vie privée ou à la réputation des personnes et donc la réutilisation des informations qu’ils comportent. Avec la suppression de cet alinéa, on autoriserait la libre réutilisation des informations publiques comportant des données à caractère personnel, à la condition qu’elle ne contrevienne à aucune de ces garanties.

M. le rapporteur. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a souligné que la suppression de cet alinéa affaiblirait la protection de la vie privée. Il n'y a pas lieu de revenir sur l’équilibre actuel, même si je comprends votre objectif. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de ces amendements s’ils n’étaient pas retirés.

Mme Delphine Batho. Il convient de veiller à la cohérence du texte, et cette position contredit le principe posé par l’article 26. La même loi ne peut pas affirmer que chaque personne décide de l’utilisation de ses données personnelles tout en contenant une disposition contraire à ce principe.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de ces amendements. Il ne faut pas confondre l’obligation d’anonymisation des données personnelles, qui s’accompagne de l’ouverture des données publiques, avec celle de protection de la vie privée. Or ces amendements présentent un risque pour les données personnelles, ce qu’a souligné le Conseil d’État. Veillons à maintenir l’équilibre entre l’accès aux données publiques et le respect des données personnelles.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement CL235 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Les redevances constituent une lourde barrière à l’accès aux informations d’intérêt général, alors qu’elles ne représentent qu’une part très faible des recettes des services publics qui les établissent – environ 3 % pour l’INSEE et 5 % pour l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).

Les modèles économiques mutent sous l’influence des start-up, et de nombreux rapports ont montré l’inconvénient de ces redevances. La libération des données et leur diffusion sont en effet une source d’externalités bien plus positives que le maintien des redevances. Des entreprises françaises pourraient utiliser ces données pour leur développement, que nous freinons en nous acharnant à maintenir sous perfusion un modèle dépassé. Ce système bloque ainsi la création d’emplois.

Notre amendement propose d’ouvrir les données gratuitement, dès lors qu’elles seront rediffusées dans un format ouvert et réutilisable sous licence type « partage à l’identique ». Cela permettrait à des acteurs non marchands qui se fondent sur le contributif et la libre réutilisation d’avoir accès à ces données, tout en les maintenant payantes pour les acteurs économiques importants. Les entités les plus puissantes sur l’internet ne publient d’ailleurs pas de données en open data.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion et, en cohérence, je me prononce contre l’adoption de cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. La majorité des données publiques produites par des organismes publics proviennent de l’INSEE, de l’IGN et des caisses de sécurité sociale. Nous avons déjà enregistré de réelles avancées pour l’INSEE et nous travaillons quotidiennement avec l’IGN pour définir des modèles de licences de partage voire, à défaut, de paiement de redevances. Nous devons étendre cet effort aux caisses sociales. Le Gouvernement souhaite poursuivre cette approche pragmatique, qui répond au cas par cas à la situation des entités publiques. Celles-ci ne sont pas maintenues sous perfusion par des rentes issues de la vente de leurs données publiques, ne serait-ce que parce que les revenus tirés de ces ventes s’avèrent très modestes.

Mme Isabelle Attard. Je ne dis pas que ces établissements soient sous perfusion, mais que l’on a tort de penser que le modèle économique sur lequel reposent leurs recettes subsistera de longues années. Nous devons accompagner un autre système de développement, celui de la mise à disposition des données, qui générera de nouvelles recettes pour notre pays. Nous ne répondons pas aux sollicitations de stimulation de ce secteur qui nous sont adressées dans nos circonscriptions ; nous avons déjà pris du retard et, si l’on peut comprendre la mise en œuvre d’une phase de transition de quelques semaines ou de quelques mois, nous manquerions une occasion importante pour notre société si nous attendions cinq ou six ans.

La Commission rejette l’amendement.

Article 7 bis
(art.
15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)
Gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public

À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable émis par votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement portant article additionnel consacrant la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public.

Cet article rend gratuites les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et les autres services statistiques ministériels (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) notamment). Il supprime les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur la base du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, plus connu sous son acronyme « SIRENE », et du répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP).

La suppression de ces redevances s’accompagnera d’une compensation budgétaire intégrale pour les administrations concernées. L’entrée en vigueur de la disposition est différée au 1er janvier 2017, afin de permettre la mise en œuvre de cette compensation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.

*

* *

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CL234 de M. Sergio Coronado, CL484 rectifié et CL689 du Gouvernement.

Mme Isabelle Attard. M. Antoine Fouilleron a remis à la fin de l’année dernière un rapport sur les échanges de données réalisés à titre onéreux entre les administrations, dans lequel il indiquait que ces transactions généraient une vingtaine de millions d’euros de recettes et ne cessaient de progresser. Il rappelait pourtant que le principe de gratuité des échanges de données entre les services de l’État devait prévaloir, et notre amendement propose de traduire ce principe dans la loi. Mais nous avons adopté tout à l’heure un amendement du rapporteur qui me paraît satisfaire cet objectif, je suis donc prête à retirer le mien.

M. le rapporteur. En effet, nous avons adopté l’amendement CL537 qui fixe le même cadre, si bien que je vous propose effectivement de retirer le vôtre, madame Attard.

Mme Isabelle Attard. D’accord.

Mme la secrétaire d’État. L’amendement CL484 rectifié se trouvant également satisfait par l’adoption du CL537, je le retire. Le Gouvernement souhaitait imposer la gratuité des échanges entre les administrations et les établissements publics administratifs (EPA), mais pas avec les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Nous ne pouvons pas inclure ces derniers dans le champ du texte, car la Commission européenne pourrait requalifier cette gratuité en aide d’État.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), c’est-à-dire les universités, se trouvent-ils bien inclus dans la catégorie des EPA, madame la ministre ?

Mme la secrétaire d’État. Oui, mais je souhaite que nous ayons une discussion en séance publique sur ce sujet important.

L’amendement CL689 vise à rendre gratuites les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et par les autres services statistiques ministériels. Il propose également de supprimer les redevances actuellement perçues par l’INSEE sur le système informatique du répertoire des entreprises, la base SIRENE, et sur le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Je salue l’ouverture de l’INSEE qui se montre très allant sur cette question. Grâce à sa coopération et à la volonté politique portée par M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, nous sommes en mesure d’aboutir à la gratuité des données élaborées par l’INSEE.

M. le rapporteur. Cette mesure constitue une avancée pour l’INSEE et pour les éléments statistiques. J’émets un avis très favorable à l’adoption de cet amendement.

Les amendements CL234 et CL484 rectifié sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CL689.

Article 8
(art. 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, art. L. 342–1, L. 342–2, L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration)

Actualisation annuelle du répertoire des principaux documents de chaque administration publique – saisine de la CADA en cas de refus de diffusion d’un document administratif – création d’une procédure simplifiée de réponses aux demandes reçues par la CADA

Aux termes de l’article 17 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, les administrations qui produisent ou détiennent des informations publiques doivent tenir à la disposition des usagers un répertoire des principaux documents dans lesquels ces informations figurent.

Les modalités de mise en œuvre de cette obligation sont fixées par l’article 36 du décret n° 2005–1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Cet article impose la mention, pour chacun des documents recensés, de son titre exact, son objet, la date de sa création, les conditions de sa réutilisation et, le cas échéant, la date et l’objet de ses mises à jour. Lorsque l’autorité administrative dispose d’un site internet, elle rend le répertoire accessible en ligne.

L’étude d’impact fait le constat de la relative ineffectivité de cette obligation. Les choix des administrations sont hétérogènes, certaines se contentant de répertorier les documents ayant fait l’objet d’une publication. Elle indique que tel est le cas ? notamment, du répertoire des ministères économiques et financiers (136). Le rapport précité de la sénatrice Corinne Bouchoux constate, par ailleurs, que « sur le site internet du ministère de la santé (sante.gouv.fr), certaines informations étaient périmées ou dataient de plusieurs années alors que des modifications substantielles étaient intervenues entre-temps. (…) Une telle situation, qui n’est pas propre à ce ministère, illustre une difficulté majeure de l’exercice de transparence administrative : celle-ci répond à un investissement très fort, mais trop souvent ponctuel. Or, il faut éviter que les administrations abandonnent leur démarche de publication, avec ce que cela comporte comme exigence de mise à jour, une fois publié le premier jeu de documents. » (137)

Le I du présent article se contente d’inscrire à l’article 17 de la loi du 17 juillet 1978 « Informatique et libertés » le principe d’une mise à jour annuelle du répertoire. Cela devra permettre une actualisation plus régulière du contenu du répertoire publié, permettant d’inclure les informations publiques produites ou reçues par l’administration. Mais cela ne remédie ni à l’hétérogénéité des doctrines de mise en ligne, ni à l’ineffectivité globale de cette obligation.

Autorité administrative indépendante, la CADA est chargée de veiller au respect du droit d’accès aux documents administratifs et aux dispositions relatives à la réutilisation des informations publiques. Sa saisine s’exerce dans le cadre d’un recours préalable obligatoire à la saisine d’un juge administratif, ce qui permet d’éviter le développement d’un contentieux autour du droit d’accès aux documents administratifs. Son intervention est alors purement consultative, la commission n’étant dotée d’aucun pouvoir décisionnel, contrairement à nombre d’autres autorités administratives indépendantes.

Saisie par l’administré dans les deux mois du refus de communication opposé par l’administration, la commission formule, dans le délai d’un mois, un avis sur la communicabilité du document, après avoir recueilli les observations de l’administration. En cas d’avis favorable, l’administration, qui n’est pas tenue par l’avis de la commission, doit informer celle–ci, dans un délai d’un mois, des suites qu’elle y a réservées.

La commission peut également être consultée par les administrations sur toute question relative à l’application du droit d’accès aux informations publiques et de réutilisation de celles-ci. Elle agit alors en qualité de conseil de l’administration.

Aux termes de l’article 22 de la loi du 17 juillet 1978, la CADA, lorsqu’elle est saisie par une administration, peut, à l’issue d’une procédure contradictoire, infliger une amende à l’auteur d’une infraction aux prescriptions en matière de réutilisation. Ainsi, par une décision du 16 décembre 2008, la CADA a condamné à une amende de 50 000 euros et à la publication de cette sanction sur tous les supports utilisés pour sa campagne de publicité une société qui avait utilisé à des fins publicitaires, pour mettre en avant les bénéfices nutritionnels supposés d’un nouveau produit alimentaire, des données dénaturées à partir d’une étude de l’agence française de sécurité sanitaire des aliments et présentées comme des recommandations officielles (138).

Au cours de la dernière décennie, la CADA a été formellement saisie, en moyenne, de quelques 5 000 demandes d’avis chaque année. Seuls un peu plus de 10 % des dossiers sur lesquels elle s’est prononcée ont fait l’objet d’un recours contentieux. L’analyse détaillée des jugements montre que les cas de divergences au fond, sur des questions de droit, n’excèdent pas quelques unités chaque année (139).

La CADA joue de surcroît un rôle d’accélérateur : l’administration qui a négligé de répondre fait souvent droit à la demande de communication dès lors que son auteur a saisi la commission (140). Elle amplifie en outre cet effet en joignant des éléments d’information sur l’interprétation de la loi lors de la notification de sa saisine à l’administration, ce qui permet de lever les incertitudes éventuelles de cette dernière. Enfin, afin de circonscrire, autant que possible, aux seules questions non encore tranchées, les demandes d’avis dont le nombre ne baisse pas, la commission a mis en place un dispositif de renseignement. 13 collaborateurs permanents traitent ainsi plus de 7 000 demandes de renseignements téléphoniques et plus de 6 000 demandes de renseignements écrits par an. Nombre de refus infondés sont ainsi évités.

L’actuel article L. 342–1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit la possibilité de saisir la CADA lorsqu’une personne se voit opposer :

– un refus de communication d’un document administratif ;

– un refus de consultation ou de communication des documents d’archives publiques ;

– une décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques.

Cette rédaction ne prévoit pas de saisine pour refus de publication d’un document administratif, ce qui paraît logique au vu du faible nombre de documents actuellement concernés (141). En revanche, l’article 4 du présent projet de loi étendant considérablement les obligations de diffusion de documents administratifs (142), il importe de prévoir, ce que fait le II du présent article, la possibilité de saisir la CADA en cas de refus de publication.

Le III du présent article crée parallèlement un droit de saisine de la CADA en cas de refus de publication d’un document administratif par les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants (143).

La CADA a été saisie, en 2013, de 5 486 dossiers, dont 5 306 demandes d’avis et 178 demandes de conseil. La nouvelle possibilité de saisine devrait engendrer une hausse des demandes d’avis. Celle–ci devrait toutefois être compensée par le fait que la généralisation de la publication des documents administratifs va entraîner une baisse sensible à moyen terme des demandes de communication – puisque la diffusion d’un document administratif éteint le droit à communication de ce dernier (144). Comme M. Serge Daël, ancien président de la CADA, l’a fait valoir, « la dématérialisation et la mise ligne sont à coup sûr les deux gisements permettant de concilier l’exigence démocratique de transparence et la maîtrise de la dépense publique, comme d’ailleurs de réconcilier le temps lent des procédures et le temps rapide inhérent à la communication moderne » (145).

La CADA estime, au regard de son expérience, que les personnes intéressées par un document administratif tendant à privilégier leur accès personnel à ce document par rapport à sa diffusion publique, les recours motivés par un refus de publication devraient rester limités par rapport à ceux qui sont dirigés contre un refus de communication.

Dans le cadre des recours administratifs obligatoires préalabablement à la saisine du juge administratif, la CADA est saisie d’un nombre constant de demandes d’avis.

La commission, qui comprend onze membres (146), délibère de manière collégiale. L’article L. 341–1 du code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les cas pour lesquels la CADA peut délibérer en formation restreinte. Comme l’a souligné le président de la CADA lors de son audition par votre rapporteur, un examen collégial n’est en effet pas toujours indispensable. Il a notamment cité comme exemples les cas où la commission :

– prend acte de ce qu’une demande a perdu tout objet ;

– se contente de réitérer une réponse relevant d’une doctrine bien établie.

Le IV du présent article franchit une étape supplémentaire en prévoyant qu’un décret fixe les cas pour lesquels la CADA peut déléguer à son président l’exercice de certaines de ses attributions. Cette dernière s’est félicitée de cette mesure, qui lui permettra de faire face à l’augmentation sensible des demandes de conseils portant sur l’anonymisation de documents avant diffusion, que l’on peut anticiper.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL236 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Comme l’ont recommandé les sénateurs Jean-Jacques Hyest et Corinne Bouchoux, les demandes d’avis portant sur des questions déjà tranchées par la CADA ou par la jurisprudence administrative devraient pouvoir faire l’objet de recours simplifiés en cas d’obstruction d’une administration. La CADA saisirait le juge des référés du tribunal administratif (TA) compétent, dès réception d’une demande d’avis répondant à l’une des exigences requises, ce qui permettrait au requérant de bénéficier d’une ordonnance sous 48 heures. 

M. le rapporteur. Le rapport de Mme Bouchoux et de M. Hyest envisageait la saisine du TA et non celle du tribunal de grande instance (TGI) comme vous le proposez dans votre amendement. J’ai demandé à la CADA son avis sur l’opportunité de lui donner la possibilité de saisir le TA, et la Commission s’est montrée très réservée sur cette idée. Elle estime qu’il n’entre pas dans ses fonctions d’être partie dans une affaire où elle a émis un avis et qu’elle ne pourra exercer cette faculté que dans de très rares occasions à moyens constants. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement concernant le TGI et je ferai de même en séance si vous déposez un amendement sur les TA.

Mme la secrétaire d’État. Je comprends l’objectif de vouloir disposer d’une décision rapide par le biais du référé, mais il reste loisible au juge administratif, saisi d’une affaire de refus de communication, de prescrire des mesures d’exécution par voie juridictionnelle. Il peut notamment prononcer une astreinte dans les conditions prévues par le code de la justice administrative. Cet amendement se trouve donc déjà satisfait.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La Commission étudie l’amendement CL414 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement vise à imposer à l’Assemblée nationale et au Sénat les mêmes obligations de transparence qu’au pouvoir exécutif en matière d’ouverture des documents et des données administratifs. Cette communication devra s’opérer dans des formats ouverts permettant les traitements automatisés. Les citoyens comprendraient mal que les assemblées parlementaires soient exonérées de ces contraintes, même si cela ne signifie pas qu’elles n’aient rien fait en la matière.

M. le rapporteur. La pratique de l’Assemblée nationale s’avère exemplaire en matière d’open data – la notice de mon rapport sur ce texte est d’ailleurs accessible sous le format de la licence ouverte Etalab –, et on a encouragé la réutilisation des données, notamment sur le site « data.gouv.fr ». En revanche, je ne souhaite pas que la loi fixe la politique d’open data de notre maison. J’émets donc un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

Mme la secrétaire d’État. Cette proposition est intéressante, car la politique d’ouverture des données publiques n’a pas concerné les assemblées parlementaires jusqu’à présent. Au moment où le Gouvernement mène des consultations publiques sur ses projets de loi et où les administrations de l’État et les collectivités locales s’engagent dans la même voie, il pourrait paraître anachronique que le Parlement n’emprunte pas le même chemin. En revanche, le Gouvernement ne souhaite pas imposer une telle décision à l’Assemblée nationale et au Sénat. La séparation des pouvoirs rend le Parlement souverain dans ce domaine, si bien que je m’en remets à la sagesse de votre Commission.

M. Christian Paul. Monsieur le rapporteur, si l’on appliquait votre raisonnement, on ne pourrait pas imposer à l’État ou aux collectivités locales d’ouvrir leurs données. Je comprends que cet amendement surprenne, mais je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir replacé dans un contexte général.

On ne peut pas invoquer la séparation des pouvoirs en l’espèce, puisque cette disposition est proposée par un amendement parlementaire qui ne répond pas à une injonction du Gouvernement. Je ne vois pas ce qui nous empêche de nous fixer des ambitions que nous souhaitons pour les autres, même si je ne méconnais absolument pas les efforts réalisés par l’Assemblée nationale en la matière. Nous générerions de l’incompréhension en refusant d’adopter cette position.

Mme Isabelle Attard. Je soutiens pleinement cet amendement : nos concitoyens nous reprochent suffisamment de ne pas faire ce que nous disons et nous invitent avec force à l’exemplarité. Or nous exigeons souvent cette dernière pour les autres sans toujours nous l’appliquer à nous-mêmes. En ne nous exposant pas à certaines critiques, nous effectuerions nos mandats dans de meilleures conditions – je ne reviendrai pas ici sur l’interdiction de l’alcool sur le lieu de travail. Si nous n’adoptions pas cette mesure, nous ne serions pas crédibles pour demander des efforts à nos administrations en matière d’ouverture des données publiques.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’agit d’un sujet compliqué : on comprend l’intérêt d’imposer aux assemblées parlementaires les obligations que la loi a élaborées au fil du temps, mais il me semble difficile de prévoir le contrôle de l’action du Parlement par une autorité administrative indépendante (AAI). L’Assemblée nationale est irréprochable en matière d’ouverture de ses données – notre Commission ayant montré la voie pour le suivi de ses travaux –, et ne se montre pas du tout opposée à cette pratique de communication. En revanche, une AAI ou le pouvoir exécutif ne peuvent pas contrôler le Parlement, car cela entamerait sa capacité d’agir ; c’est pourquoi le dispositif législatif ne s’applique pas aux assemblées parlementaires. Maintenir cet équilibre est de l’intérêt de nos compatriotes, car réduire une liberté revient toujours à limiter celle du citoyen.

Le Règlement de l’Assemblée nationale pourrait prévoir les conditions dans lesquelles le citoyen pourrait contester un refus qui serait opposé à une demande de communication de documents et de données publiques, ma position n’excluant absolument pas l’augmentation de l’accès aux travaux du Parlement.

M. le rapporteur. On peut difficilement me faire le procès de ne pas être en faveur de la transparence et de l’open data au vu des amendements que j’ai déposés sur ce texte et sur celui transposant la directive « PSI ». De même, je ne souhaite pas imposer aux autres des règles plus strictes qu’à nous-mêmes. Je défendrai toujours farouchement l’approfondissement de la diffusion en open data de nos travaux, de nos documents et de nos études ; pour autant, cette politique ne doit pas entrer dans le champ de la loi CADA – pour les raisons que vient d’exposer M. Le Bouillonnec – et doit rester du ressort des parlementaires, par le biais du Règlement des assemblées.

M. Christian Paul. On pourrait réécrire cet amendement pour émanciper l’Assemblée nationale du contrôle d’une AAI, car j’entends l’argument avancé par M. Le Bouillonnec. La loi devrait ainsi étendre au Parlement l’objectif de transparence qu’elle assigne à l’État et aux autres collectivités publiques, tout en prévoyant un mode de contrôle qui préserve les libertés parlementaires. Nous ferions œuvre utile en votant un tel amendement aux vertus pédagogiques et d’exemplarité.

La Commission rejette l’amendement.

Article 9
Création d’un service public de la donnée de référence

Le présent article crée une nouvelle mission de service public portant sur la mise à disposition et la publication de données de référence, en vue de favoriser leur réutilisation.

En dépit de leur profusion, la qualité des informations disponibles n’est pas toujours de mise : passée la première publication, certains documents ne sont pas mis à jour, d’autres, au contraire, évoluent de telle manière qu’il devient impossible de les comparer dans la durée, d’autres encore ne contiennent pas les informations pertinentes susceptibles de répondre vraiment à la préoccupation des usagers.

Comme le souligne l’étude d’impact, dans le cadre des projets relatifs à la mise en œuvre de la stratégie de « l’État plateforme » déployée par la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, plusieurs services utilisent des données considérées comme étant de référence. Les projets « marchés publics simplifiés » et « aides publiques simplifiées » s’appuient par exemple sur la base SIRENE produite par l’INSEE, le projet de système d’identification « France connect » s’appuyant lui sur le répertoire national des individus des personnes physiques. Or, ces deux référentiels reposent sur une logique de fichier statique, fonctionnant sur un modèle de copie de fichier. Pourtant, les différents projets évoqués nécessitent l’accès à la donnée en temps réel, et ne peuvent se permettre des indisponibilités des bases pouvant durer plusieurs heures.

Le rapport précité de la sénatrice Corinne Bouchoux a montré qu’il était également « difficile de croiser des jeux de données alimentés par plusieurs administrations dont les processus de production n’ont pas été harmonisés. Il se peut alors que les données mises à disposition ne respectent pas la même ventilation statistique, le même niveau d’agrégation ou suivent des options de présentation différentes. L’intérêt scientifique des données mises à disposition suppose également que leur structuration respecte quelques exigences méthodologiques comme l’exhaustivité des séries, la régularité de leur mise à jour ou l’application d’une méthodologie unique » (147).

Certaines entreprises effectuent pour le compte d’autres entreprises la structuration et le nettoyage des données. Elles insistent pour que les données brutes soient mises en ligne le plus rapidement possible, sans attendre que celles-ci soient retravaillées pour des raisons de cohérence ou de mise à niveau, afin d’éviter tout retard dans leur publication. Cette approche réserve toutefois la prestation aux seuls utilisateurs qui peuvent en acquitter le prix.

La diffusion de données à un niveau de qualité constant génère certains coûts. S’ajoutent dans le temps, aux coûts initiaux, des coûts de mise à jour des jeux de données, voire de retraitement en cas de discontinuité, en raison d’un changement méthodologique ou de l’utilisation d’un nouveau logiciel de traitement. Les Britanniques, dans le cadre du rapport d’un comité dit « Shakespeare », ont adopté une approche coût – utilité méthodique qui donne la priorité à l’ouverture des données en fonction des gains attendus et du coût de mise à niveau des données pour une exploitation efficace.

La « donnée » n’est pas un objet juridique non identifié dans la mesure où le décret n° 2014–1050 du 16 septembre 2014 a institué un administrateur général des données (148) mais le présent article introduit dans le droit français un nouveau concept, celui d’un service public des « données de référence », venant compléter le droit d’accès aux « documents administratifs » et la libre réutilisation des « informations publiques ». Il s’agit de l’une des propositions de la commission de réflexion sur les droits et les libertés à l’âge du numérique (149).

Aux termes du présent article, une donnée de référence est une donnée qui doit :

– faire l’objet – ou être susceptible de faire l’objet – d’utilisations fréquentes par un grand nombre d’acteurs publics et privés ;

– dont la qualité, en termes notamment de précision, de fréquence de mise à jour ou d’accessibilité est essentielle.

Cet article donne un rôle crucial au pouvoir réglementaire qui devra :

– fixer la liste des données de référence ;

– déterminer les administrations responsables de leur production et les modalités de coordination entre les administrations ;

– fixer la qualité minimale que la publication des données doit respecter : précision, degré de détail, fréquence de mise à jour, accessibilité, format ;

– préciser les modalités de participation des collectivités territoriales.

L’étude d’impact fournit quelques exemples de données de référence :

– le cadastre ;

– la base d’adresse nationale collaborative ;

– le référentiel à grande échelle ;

– le registre des entreprises, dit « SIRENE » ;

– le registre national des associations.

L’objectif du service public de la donnée est d’organiser la production, la qualité et la circulation des données de référence en garantissant un niveau de qualité minimale dans leur diffusion. Votre rapporteur partage l’avis du Conseil d’État qui a estimé qu’en l’état de la rédaction, cet article était entaché d’incompétence négative dès lors :

– d’une part que la mission de ce service public, la nature des données de référence qui en relèveraient et ses modalités essentielles d’organisation ne sont pas suffisamment précisées ;

– d’autre part que les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les organismes privés chargés d’une mission de service public au titre de leur participation à ce nouveau service public et de son financement ne sont pas définies.

Votre rapporteur, comme nombre des personnes auditionnées, estime en particulier que ces données de référence doivent être mises à disposition de manière ouverte et gratuite (150).

4. Les modifications opérées par votre commission des Lois

À l’initiative du Gouvernement, et avec l’avis favorable de votre rapporteur qui avait également déposé un amendement de réécriture globale, la commission des Lois a adopté un amendement visant à définir plus précisément les contours de la nouvelle mission de service public de la mise à disposition et de la publication des données de références. Elle a également adopté un sous–amendement de M. Tardy, avec l’avis favorable du Gouvernement et du rapporteur, visant à codifier l’article 9 du présent projet de loi à l’article L. 320–1 du code des relations entre le public et l’administration.

Cet amendement a précisé au II la définition des données de référence, concept nouveau dans notre système juridique. Outre qu’elles sont réutilisées fréquemment par des personnes publiques et privées autres que l’administration qui les détient et que leurs réutilisations nécessitent qu’elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité, notamment en termes de précision, de disponibilité ou de fréquence de mise à jour, l’amendement a précisé qu’elles « constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes ».

Cette formulation s’appuie notamment sur le concept de « données pivot » développé par le groupement français des industriels de l’information (GFII), c’est-à-dire celles qui constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes. Les conditions d’organisation de ce service public sont précisées au III de l’article.

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* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL21 de M. Lionel Tardy, CL592 rectifié du rapporteur, qui fait l’objet du sous-amendement CL596 de M. Lionel Tardy, et CL482 du Gouvernement, qui fait l’objet du sous-amendement CL597 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je propose de supprimer cet article. Quel est l’intérêt de créer la nouvelle catégorie des « données de référence » par rapport à celle déjà existante des documents administratifs ? La CNIL a répondu que cela ne présentait aucun avantage. Le seul effet de cette mesure sera de complexifier la loi CADA. Si des règles spécifiques doivent être appliquées, il serait préférable d’opérer une harmonisation législative avec les autres données plutôt que de renvoyer à un décret, le Conseil d’État ayant dénoncé une incompétence négative. Les amendements de rédaction déposés par M. le rapporteur et par le Gouvernement ne règlent pas le problème posé par cet article, qu’il convient de supprimer.

Mme la secrétaire d’État. Cet article est, au contraire, essentiel, monsieur Tardy, car la création de cette catégorie juridique permettra l’avènement d’une nouvelle mission de service public, celle de la donnée. Il s’agit d’une petite révolution culturelle pour les administrations qui seront tenues de s’interroger sur l’utilisation de leurs propres données. La CNIL s’en étonne, mais elle s’occupe des données personnelles alors que cet article concerne les données administratives, telles qu’entendues par la loi CADA, et, parmi elles, les données pivot que l’on identifie par l’utilisation intensive qu’en font les usagers extérieurs. Elles englobent les grands répertoires – la base SIRENE ou le registre national des associations tenu par le ministère de l’intérieur, la base Adresse nationale de l’IGN et de La Poste, le cadastre et le référentiel à grande échelle de l’IGN, qui réalise les cartes territoriales de notre pays. La mission de service public imposera un critère qualitatif dans le traitement et l’ouverture de ces données, le décret précisant le format, l’interopérabilité et le niveau de qualité exigé pour l’ouverture, l’utilisation et la réutilisation de ce type de données. On espère que cela enclenchera un mouvement vertueux pour l’ensemble des données publiées par les administrations.

M. le rapporteur. Je propose de retirer mon amendement pour soutenir celui du Gouvernement, que M. Tardy a opportunément sous-amendé, en repli, pour codifier l’article 9. J’émets un avis défavorable bien entendu à l’adoption de l’amendement de M. Tardy.

M. Lionel Tardy. Je retire mon amendement de suppression.

Les amendements CL21 et CL592 rectifié ainsi que le sous-amendement CL596 sont retirés.

Mme la secrétaire d’État. Nous n’avons pas été sourds aux remarques du Conseil d’État et de la CNIL et avons réécrit l’amendement CL482 pour mieux expliciter le concept de « données de référence ». La nouvelle mission de service public participe de notre volonté d’élaborer le cadre dans lequel évolueront la société et l’économie françaises de demain.

M. Lionel Tardy. Mon sous-amendement est de repli : il vise à éviter l’absence d’insertion dans un code d’articles de loi.

La Commission adopte le sous-amendement CL597, puis l’amendement CL482 ainsi sous-amendé.

L’article 9 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL22 de M. Lionel Tardy, CL279 de M. Patrice Martin-Lalande, CL624 de la Commission des Affaires économiques et CL91 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet tombent.

Après l’article 9

La Commission étudie, en discussion commune, les amendements CL425 rectifié et CL426 rectifié de M. Philippe Vigier.

Mme Maina Sage. Notre amendement vise à empêcher l’opposition du secret de la vie privée à la consultation et à la communication des diplômes ou titres ouvrant droit à l’exercice d’une profession médicale ou paramédicale. En 2014, l’Ordre national des médecins a recensé 22 568 médecins titulaires d’un diplôme étranger, soit une augmentation de plus de 60 % depuis 2007. Nous ne doutons pas de la qualité des médecins formés à l’étranger et qui exercent dans notre pays, mais certains exercices frauduleux de la médecine ont causé des scandales sanitaires et médicaux graves au cours de ces dernières années. Notre proposition permettra à chacun de vérifier à tout moment la réalité de ces diplômes.

M. le rapporteur. Le projet de loi relatif à la santé, définitivement adopté par notre assemblée, satisfait ces amendements.

Mme la secrétaire d’État. Après consultation du ministère de la santé, je vous confirme que l’article 53 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit bien l’exclusion du secret de la vie privée pour la consultation des diplômes médicaux ou paramédicaux. Votre objectif, madame Sage, est tout à fait compréhensible, mais il n’est pas nécessaire de modifier la loi CADA, qui porte sur les rapports entre le public et les administrations, puisque vos amendements ont trait aux relations entre le public et les médecins, qui exercent une profession libérale.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CL350 rectifié de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement concerne l’utilisation de données récoltées à partir de la connexion des dispositifs médicaux. Nous avions déjà débattu de ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, mais nous n’avions pas pu défendre cette proposition lors de la discussion relative au projet de loi de modernisation de notre système de santé, à cause de la règle dite « de l’entonnoir ». Je tente donc de l’insérer dans ce texte, car il contient une avancée importante pour la qualité des soins ; en effet, le recueil de données de santé, dont la liste sera limitative, peut grandement améliorer l’efficacité d’un traitement. L’adoption d’une disposition législative s’avère nécessaire après l’annulation, à l’initiative d’une association de patients, d’un décret par le Conseil d’État qui prévoyait la possibilité de suspendre la prise en charge de l’assurance maladie lorsque les dispositifs visant à traiter l’apnée du sommeil n’étaient pas observés.

Votre cabinet, madame la ministre, m’a informé que mon amendement présentait le risque de constituer un cavalier, car les tarifs pourraient être modulés en fonction du nombre de données connectées par les prestataires de santé. Je suis prêt à retirer mon amendement et à le retravailler avec vous, d’ici à la séance publique.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à l’introduction d’une telle mesure dans notre droit. L’application de la règle dite de l’entonnoir a empêché le projet de loi relatif à la santé de l’intégrer, ce qui s’avère d’autant plus regrettable que votre amendement constitue bien un cavalier, ce texte n’abordant pas ces questions et ne modifiant pas le code de la sécurité sociale. Nous pourrons l’insérer dans le PLFSS, même si le prochain ne sera pas discuté avant l’automne.

Mme la secrétaire d’État. Ce sujet est crucial pour les patients atteints de maladies chroniques comme le diabète ; grâce à l’utilisation massive des données du big data, la santé deviendra plus personnalisée, prédictive et préventive. Ce progrès nécessite le déploiement de dispositifs médicaux collectant des données relatives au quotidien des patients et une meilleure circulation de l’information entre les personnels traitants. Je suis donc favorable à l’objet de votre amendement, monsieur Bapt, mais ses implications financières l’exposent à la qualification de cavalier. Je vous suggère de renvoyer l’examen de cette mesure à la séance publique, afin que nous puissions l’étudier plus précisément, puis l’adopter si elle satisfaisait l’ensemble des ministères concernés.

M. Gérard Bapt. Je retire mon amendement en espérant que l’on puisse en adopter l’objet avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, car le suivi de l’observance améliore grandement le pronostic pour le patient, en permettant notamment de prévenir la survenue d’accidents secondaires. Madame la ministre, je suis tout à fait disposé à réécrire mon amendement d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

Article 9 bis
(art.
13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)
Publication par le CSA dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes

À l’initiative de M. Sergio Coronado, avec l’avis favorable de votre rapporteur et de sagesse du Gouvernement, la Commission a adopté un amendement visant à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans un format ouvert et aisément réutilisable du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes.

Aux termes de l’article 13 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA communique chaque mois aux présidents de chaque assemblée et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement, le relevé des temps d’intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d’information, les magazines et les autres émissions des programmes. Actuellement le CSA transmet souvent ces informations avec retard, et ne publie ces relevés qu’au format PDF, ce qui en réduit l’intérêt pour les réutilisateurs potentiels. C’est dommageable dans la mesure où ces données présentent un fort intérêt en matière de transparence de la vie publique.

Dans la même logique qu’un amendement présenté en décembre lors de l’examen de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, cet article impose la diffusion dans un format ouvert et aisément réutilisable des relevés des temps d’intervention par parti politique, communiqués mensuellement aux présidents des assemblées et responsables des partis politiques, à partir des comptages effectués par le CSA.

La diffusion dans un format ouvert et aisément réutilisable n’aura aucun coût, dès lors que les relevés sont déjà effectués.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL238 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Lors du débat sur la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, cet amendement avait été écarté au motif qu’il constituait un cavalier. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui nous semble être le cadre idoine.

L’amendement vise à supprimer un obstacle légal au droit de réutilisation libre. Il prévoit ainsi que les relevés des temps d’intervention par parti politique, communiqués mensuellement aux présidents des assemblées et responsables des partis politiques, à partir des comptages effectués par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), doivent être publiés dans un format ouvert et aisément réutilisable. Actuellement, le CSA ne transmet ces informations que très tardivement et ne publie ces relevés qu’en PDF (Portable Document Format), ce qui diminue leur intérêt.

M. Luc Belot, rapporteur. J’émets un avis favorable à cet amendement qui se borne à imposer un format ouvert et aisément réutilisable pour des données qui sont déjà communiquées. Je demande toutefois à ses auteurs de rectifier l’amendement pour préciser, comme nous y invite M. Tardy, que réutilisable signifie « lisible par une machine ».

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Le Gouvernement est moins favorable à cet amendement. L’adoption de ce projet de loi supprimera l’obstacle légal à la libre publication des données que vous soulignez, puisque le CSA, en tant qu’autorité administrative indépendante, est soumis à la loi. Ensuite, les données que vous mentionnez peuvent être considérées comme des données d’intérêt social, au sens de l’article 4 du texte. Enfin, cet amendement risque de donner lieu à une déclinaison infinie, obligeant, pour chaque secteur, à préciser la manière dont le texte doit être appliqué.

M. Sergio Coronado. Je maintiens l’amendement. Je ne comprends pas l’intervention de Mme la secrétaire d’État, car l’objet de cet amendement est très précis. Il ne s’agit pas d’étendre à l’infini l’obligation d’adopter ce format.

J’ajoute que, lors du débat précédent, la Commission avait repoussé l’amendement pour des raisons de forme et non de fond, convaincue de la nécessité d’une plus grande transparence et d’une meilleure information des responsables politiques.

J’accepte de rectifier l’amendement en ajoutant, après le mot « réutilisable », les mots « c’est-à-dire lisible par une machine ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Article 9 ter
Promotion du logiciel libre

À l’initiative de Mme Delphine Batho, et avec le soutien de plusieurs groupes politiques qui avaient déposé des amendements similaires, la commission des Lois a adopté un amendement portant article additionnel disposant que les services de l’État, les établissements publics, les entreprises du secteur public, les collectivités territoriales et leurs établissements publics encouragent l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système informatique. Cet amendement a reçu un avis favorable de la part du Gouvernement et du rapporteur.

Le logiciel libre se caractérise par la liberté :

– d’utiliser le logiciel, pour tout usage ;

– d’étudier son fonctionnement ;

– de le modifier ;

– de le redistribuer.

Le logiciel libre permet la mise en place de systèmes de mutualisation des développements et des pratiques. Des études ont montré que son développement et son utilisation permettent généralement à moyen terme d’obtenir des économies.

C’est la raison pour laquelle cet article promeut l’encouragement du logiciel libre par les administrations lors du développement, de l’achat ou de l’utilisation d’un système d’information.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL393 de Mme Delphine Batho et CL408 de Mme Isabelle Attard.

Mme Delphine Batho. L’amendement CL393 est un amendement de repli par rapport à l’amendement CL408 que je soutiens. Ils portent tous deux sur le développement des logiciels libres dans les administrations publiques et les entreprises du secteur public.

Mme Isabelle Attard. L’amendement CL408 rappelle que l’administration doit donner la priorité au logiciel libre, généralisant ainsi un principe que nous avons réussi à poser pour les établissements d’enseignement supérieur.

M. le rapporteur. Je préfère l’amendement de repli, car l’expression « donner la priorité » ne me semble pas très claire, à moins de l’inscrire dans le code des marchés publics, ce que je ne pourrais accepter. Je propose à Mme Attard de retirer son amendement.

Mme la secrétaire d’État. L’expression « donner la priorité » présente un risque de constitutionnalité, car elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre, en contraignant l’État à choisir un type de logiciel au détriment des autres. Je ne suis donc pas favorable à cette formulation.

En revanche, j’approuve l’amendement de Mme Batho qui incite à l’utilisation de logiciels libres et ouverts.

Je rappelle que le logiciel libre est une filière économique importante pour la France : elle représente un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros par an et 50 000 emplois, son taux de croissance en 2015 était de 9 % ; elle compte des champions français qui peuvent demain devenir des champions mondiaux ; enfin, elle contribue à développer une culture d’innovation technologique et d’usage.

Jusqu’à présent, le soutien au logiciel libre par les administrations publiques faisait l’objet d’une circulaire du 19 septembre 2012. Il me semble opportun de lui conférer une valeur législative.

Pour autant, il n’est pas souhaitable d’aller plus loin, car il ne faut pas méconnaître la réalité des entreprises qui fournissent des logiciels propriétaires — un marché de 50 milliards d’euros. En outre, sur le plan technique, ces logiciels répondent à des besoins que les logiciels libres ne peuvent pas toujours satisfaire – je pense à l’absence de communauté de développeurs dans certains secteurs, à l’impossibilité d’assurer la maintenance en continu, ou encore à certains logiciels métiers qui n’existent pas dans une version libre.

Mme Delphine Batho. J’ai déposé l’amendement CL393 sachant pertinemment que les autres n’avaient aucune chance d’être adoptés. Je connais l’argumentation de la direction des affaires juridiques de Bercy et je la conteste.

J’ai repris le terme « encourager » que nous avons adopté dans la loi d’avenir pour l’agriculture pour les circuits courts, dans le même souci de contourner les obstacles liés à la concurrence. L’adoption de l’amendement serait un début, mais cette rédaction n’est pas satisfaisante.

En approfondissant, j’ai découvert que la phrase « les logiciels libres sont utilisés en priorité » figure dans le code de l’éducation. Il est donc possible d’inscrire la notion de priorité dans la loi. Le débat mérite d’être poursuivi en séance. Dans cette perspective, il serait utile d’apporter des précisions sur le raisonnement juridique qui conduit à écarter la notion de priorité.

Mme Isabelle Attard. Je retire l’amendement CL408 au profit de celui de Mme Batho. Je souhaite toutefois faire quelques remarques.

Le logiciel libre ne fait pas référence à un type de logiciel, mais à un type de licence légale : il n’y a aucune différence technologique. Serait-il possible de rendre publique la note juridique qui justifie l’opposition du Gouvernement à la notion de priorité ? Je ne comprends pas en quoi le fait de donner la priorité empêche de faire appel à un autre logiciel si le logiciel libre répondant au besoin n’existe pas ; lors de la consultation innovante que vous avez organisée, madame la secrétaire d’État, la priorité donnée au logiciel libre a été la proposition la plus plébiscitée par les internautes ; Air France et Aéroports de Paris ont pu juger de la qualité de la maintenance de Microsoft pour un logiciel utilisé par les aiguilleurs du ciel ; sur ce sujet, beaucoup de préjugés et d’inexactitudes sont colportés par les lobbys.

M. Patrice Martin-Lalande. La valeur juridique du terme « encourage » est faible — c’est un euphémisme.

L’exemplarité de l’Assemblée nationale en matière d’ouverture des données a été discutée ce matin. Sous la précédente législature, notre institution s’était distinguée en adoptant le logiciel libre. Devrons-nous déposer un amendement pour imposer le logiciel libre lors de cette législature ?

L’amendement CL408 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL393.

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* *

Section 2
Données d’intérêt général

Article 10
(art. 40–2 [nouveau] de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, art. L.1411–3–1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Ouverture de données par défaut dans les contrats de délégation de service public (DSP)

Le présent article crée une obligation pour un délégataire de missions de service public de permettre à l’autorité délégante de publier en open data les données principales de l’activité dont il a la charge. Il est possible à l’autorité délégante de déroger, sous certaines conditions, à cette nouvelle obligation.

1. L’ouverture des données essentielles des contrats de DSP

Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service (151).

L’information sur ces DSP est aujourd’hui insuffisante. En effet, si l’article 38 de la loi n° 93–122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dispose que le délégataire produit chaque année avant le 1er juin à l’autorité délégante un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public, une analyse de la qualité de service et une annexe permettant d’apprécier les conditions d’exécution du service public, ce rapport n’est pas systématiquement mis en ligne par les collectivités territoriales (152).

En outre, comme le souligne l’étude d’impact, ce rapport ne concerne pas l’ensemble des données produites dans le cadre de l’exécution de la DSP. Ainsi, dans le domaine de l’eau, l’organisme chargé du service constitue des bases de données sur les consommations des ménages et des entreprises ainsi que sur les opérations d’entretien du réseau ou sur les fuites, mais ces données ne se retrouvant pas nécessairement dans le rapport précité.

Le présent article, comme le préconisait le rapport de la commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique (153), prévoit au nouvel article L. 40–2 de la loi du 29 janvier 1993 (I) pour les contrats de DSP passés par l’État, et au nouvel article L. 1411–3–1 du code général des collectivités territoriales (II) pour les collectivités locales, que le délégataire fournit à l’autorité publique les données et bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exécution du service public. Ces données peuvent être extraites et exploitées librement par l’autorité publique ou par un tiers qu’elle désigne, en vue de leur mise à disposition à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux.

Cet article prévoit, toutefois, que l’autorité publique peut exempter le délégataire de ces nouvelles obligations par une décision motivée et rendue publique. En outre, il ne s’applique qu’aux nouveaux contrats et à ceux reconduits postérieurement à la publication de la loi (III).

Il faut noter que le Conseil d’État a observé que cet article entrait directement en contradiction avec le projet d’ordonnance relative aux concessions qui ne donne plus à la notion de délégation de service public qu’un rôle résiduel. Le législateur devra donc être attentif à ce que les coordinations nécessaires soient effectuées en temps voulu.

2. Les modifications opérées par votre commission des Lois

Outre plusieurs modifications rédactionnelles proposées par votre rapporteur et par M. Lionel Tardy, la commission des Lois a adopté deux amendements de votre rapporteur, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement, visant à

– définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire. Cette dernière devrait peser sur les données et bases de données indispensables à l’exécution du service public ;

– s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par les articles L. 311–5 et L. 311–6 du code des relations entre le public et l’administration.

Par ailleurs, votre rapporteur a déposé un amendement, qui a été adopté avec l’avis favorable du Gouvernement, réécrivant les alinéas 3 et 6 sur la possibilité pour l’autorité délégante d’exempter le titulaire de l’obligation de fournir certaines données. Il convenait de préciser que cette exemption :

– peut être décidée lors de la passation du contrat et pendant toute la durée de son exécution ;

– peut être partielle et ne porter que sur une partie des obligations ;

– doit être fondée sur des motifs d’intérêt général.

*

* *

La Commission adopte l’amendement de cohérence rédactionnelle CL496 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL23 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement, comme les précédents, vise à harmoniser la rédaction avec celle de la loi de Mme Valter.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision rédactionnelle CL497 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL525 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise le champ de l’obligation de transmission à l’autorité délégante des données et bases de données collectées en indiquant que celle-ci se limite aux données indispensables à l’exécution du service public.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL152 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet de limiter les exceptions au principe d’ouverture des données publiques d’intérêt général dans le cadre d’une délégation de service public (DSP).

Dans sa rédaction actuelle, l’article 10 permet par deux moyens de contourner le principe d’ouverture des données qu’il institue.

L’alinéa 2 dispose que le délégataire doit autoriser la personne morale de droit public à extraire ou à exploiter librement les données cédées. Or, sans autorisation du délégataire, aucun recours ne semble prévu, ce qui pose la question de l’efficacité et de l’applicabilité de la mesure.

L’alinéa 3 prévoit que la personne morale est libre d’exempter le délégataire des obligations liées à l’ouverture et à la libre réutilisation de ses données.

L’amendement propose de supprimer la première de ces exceptions.

M. le rapporteur. La rédaction de l’article 10 me paraît juridiquement plus solide que celle que vous proposez. Je rappelle en outre que l’utilisation de l’indicatif dans un texte de loi vaut impératif.

En outre — je ferai valoir le même argument sur les amendements suivants —, l’amendement CL526 que j’ai déposé devrait vous donner satisfaction. Je vous suggère donc de retirer votre amendement au bénéfice de ces explications.

Mme la secrétaire d’État. Je suis plutôt favorable à cet amendement qui apporte une précision intéressante.

M. le rapporteur. L’essentiel se retrouve dans l’amendement CL526.

Mme la secrétaire d’État. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Patrice Martin-Lalande. Je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle passe ensuite à l’amendement CL527 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à encadrer l’utilisation des données par l’autorité délégante.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements identiques CL24 de M. Lionel Tardy, CL154 de M. Patrice Martin-Lalande et CL239 de M. Sergio Coronado.

M. Lionel Tardy. L’ouverture des données imposée aux délégataires de service public est logique. Toutefois, les exceptions le sont moins puisqu’elles n’obéissent à aucun critère objectif. Faute d’une définition de ces critères, l’amendement propose de supprimer les exemptions, qui sont susceptibles de rendre inopérante l’obligation qui est instituée.

M. Patrice Martin-Lalande. En écho à mon précédent amendement, l’amendement CL154 supprime la seconde exception.

Mme Isabelle Attard. Les arguments développés par M. Tardy me semblent pertinents. Nous risquons d’aboutir à une généralisation des exceptions permettant de se soustraire à l’obligation de publication des données par les délégataires.

Je comprends la logique du rapporteur qui vise à limiter les dégâts en imposant une décision publique pour justifier l’exemption, mais je ne suis pas sûre que cela suffise.

M. le rapporteur. Je vous demande de retirer ces amendements. La rédaction que je propose dans l’amendement CL526 me paraît plus adaptée car elle impose à l’autorité publique de fonder sa décision sur des motifs d’intérêt général. Je souscris aux inquiétudes de M. Tardy, mais nous devons être attentifs aux risques d’atteinte à la propriété intellectuelle ainsi qu’au secret industriel et commercial. L’amendement de la rapporteure pour avis, CL625, que je complète dans mon amendement, apporte des précisions utiles.

Mme la secrétaire d’État. Ces amendements concernent les données d’intérêt général. Désormais, les autorités délégantes ou concédantes ont la possibilité de demander la transmission des données liées à l’exécution du contrat, pas seulement de celles liées au contrat lui-même, comme c’est le cas aujourd’hui. Cet article a suscité beaucoup de discussions. Dans la rédaction initiale, seules des stipulations contraires dans le contrat permettaient de déroger à l’obligation de fourniture des données. Actuellement, le texte impose une décision motivée et rendue publique pour justifier l’exemption, permettant ainsi de se prémunir contre une éventuelle décision arbitraire.

Le rapporteur suggère d’aller plus loin, et prévoit que l’exemption peut être décidée dès la passation du contrat et qu’elle doit être fondée sur des motifs d’intérêt général — par exemple en cas d’atteinte à la concurrence ou lorsque les prix imposés aux utilisateurs risquent d’augmenter de manière disproportionnée en raison de la nouvelle obligation de transmettre des données.

Si la rédaction du rapporteur est adoptée, il est certain que les juristes intégreront dans les contrats types la question des données d’intérêt général. L’exemption rendue publique pour un motif d’intérêt général sera utilisée avec beaucoup de parcimonie.

Nous sommes dans une matière entièrement nouvelle, nous créons une nouvelle catégorie juridique de données. Après toutes les évolutions qu’a connues le texte, nous sommes allés aussi loin que possible, tout en laissant une marge de manœuvre aux co-contractants. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer vos amendements au profit de l’amendement CL526 du rapporteur qui reprend l’amendement de la rapporteure pour avis.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL526 du rapporteur et CL625 de la Commission des Affaires économiques.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Par souci de transparence, l’amendement CL625 vise à prévenir en amont, dès le cahier des charges, les candidats à la délégation de service public du choix du délégant d’exempter ou non le délégataire des obligations d’ouverture des données d’exploitation du service public.

Cette mention dans le cahier des charges, ex ante, n’ôte nullement la marge d’appréciation laissée au délégant pour effectuer ce choix, qui devra toujours être motivé, ex post, par une décision publique.

M. le rapporteur. Je salue l’excellent travail de la rapporteure pour avis. Je reprends dans mon amendement la précision qu’elle apporte, à savoir que l’exemption peut être décidée lors de la passation, et pas seulement à la signature, du contrat.

En prévoyant que cette exemption doit être fondée sur des motifs d’intérêt général, mon amendement est de nature à éviter les risques de dérive que les amendements de suppression pointaient. Le cadre ainsi défini donne les gages de transparence et d’efficacité nécessaires.

Mme la rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques. J’approuve la rédaction du rapporteur. Toutefois, je note que la mention du cahier des charges a disparu.

M. le rapporteur. Je vous propose d’adopter mon amendement et de réintroduire en séance publique la référence au cahier des charges, puisqu’elle apporte une précision par rapport à la passation du contrat.

La Commission adopte l’amendement CL526.

En conséquence, l’amendement CL625 tombe.

La Commission adopte les amendements de coordination rédactionnelle CL528 et CL498 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement CL240 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement prévoit d’ouvrir les données des partenariats public-privé (PPP), dans les mêmes conditions et délais que pour les délégations de service public. En effet, rien ne justifie de soustraire les PPP aux obligations qui pèsent sur les DSP.

M. le rapporteur. Je souscris aux objectifs que vous poursuivez. Votre amendement est toutefois satisfait par l’article 56 de l’ordonnance n° 2015-899 relative aux marchés publics qui dispose : « dans des conditions fixées par voie réglementaire, les acheteurs rendent public le choix de l’offre retenue et rendent accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable les données essentielles du marché public sous réserve des dispositions de l’article 44 ». Je vous demande donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL83 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et CL386 de Mme Bernadette Laclais.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Le projet de loi prévoit que le concessionnaire met à disposition de l’État ou de la collectivité les données récupérées dans l’exercice de sa mission. Je propose d’étendre cette obligation à tous les marchés publics.

Cette ouverture sera notamment utile pour les marchés relatifs aux déchets, dans lesquels les prestataires récupèrent des données géolocalisées relatives à l’utilisation du service qu’ils peuvent éventuellement valoriser ensuite.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. L’amendement prévoit d’appliquer l’obligation de transparence, dans un délai de trois ans, à toutes les DSP, y compris aux contrats conclus ou reconduits antérieurement à la promulgation de la loi.

M. le rapporteur. S’agissant de l’amendement CL83, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’article 56 de l’ordonnance de juillet 2015 couvre les cas que vous évoquez et apporte les garanties que vous demandez.

Quant à l’amendement CL386, j’en comprends les motivations. Toutefois, il comporte un sérieux risque d’inconstitutionnalité en raison de l’atteinte à la liberté contractuelle.

Je sollicite donc le retrait des deux amendements.

Mme la secrétaire d’État. En ce qui concerne l’amendement CL83, je comprends la volonté d’étendre l’obligation à l’ensemble des marchés publics. Cependant, à la différence des DSP qui permettent à l’entreprise de se rémunérer auprès des utilisateurs, les marchés publics sont financés à 100 % par l’autorité publique. Nous avons pu mesurer l’impact économique de l’échange de données dans le cas d’une DSP. En revanche, pour les marchés publics, il existe un risque réel d’augmentation des tarifs et des prix que les utilisateurs devraient supporter. Cette incertitude m’a amenée à demander une expertise sur ce sujet dont je ne suis pas en mesure aujourd’hui de vous livrer les conclusions. Je ne suis pas fermée par principe à l’idée que vous défendez — je souhaite que la notion de données d’intérêt général soit étendue —, mais l’extension à tous les marchés publics dès aujourd’hui présente un risque du point de vue économique.

Quant à l’amendement CL386, s’il est plein de bon sens, il se heurte à l’argument juridique de constitutionnalité. Un débat similaire a eu lieu à propos des concessions autoroutières, l’obstacle constitutionnel — une violation potentielle du droit de propriété — obligeant au final la ministre Ségolène Royal à opter pour une solution négociée plutôt que pour une obligation juridique des concessionnaires. L’applicabilité de la mesure aux contrats en cours apparaît donc très problématique. En revanche, nous pouvons travailler à une rédaction qui obligerait l’entreprise à ouvrir à l’autorité publique les bases de données tirées de l’exécution de son contrat au moment du renouvellement de ce dernier. Cette solution intermédiaire n’est sans doute pas entièrement satisfaisante, mais juridiquement plus sûre, et elle a le mérite de poser la question de l’applicabilité de la mesure aux contrats de concession souvent très longs. Mon avis est donc défavorable.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la secrétaire d’État, je comprends vos arguments ; certes, la disposition que je propose coûterait sans doute très cher, mais je soupçonne que la valeur générée par les données n’est tout simplement pas prise en compte dans le cadre des marchés publics. Notre amendement peut d’ailleurs être vu comme une incitation à le faire.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Je retire l’amendement CL386 pour le retravailler dans le sens indiqué par Mme la secrétaire d’État.

M. le rapporteur. L’article 56 de l’ordonnance relative aux marchés publics me semble donner toutes les garanties nécessaires. J’en transmettrai copie à tous les intéressés et, si vous y voyez des faiblesses que je n’aurais pas perçues, je m’engage à reprendre le débat, car je souscris à vos attentes.

L’amendement CL386 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CL83.

Puis elle adopte l’amendement de précision rédactionnelle CL499 du rapporteur.

Elle aborde ensuite l’amendement CL241 de M. Sergio Coronado.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit de fixer au 1er janvier 2019 la date à laquelle les documents des délégations de service public doivent être rendus publics, même pour des contrats très longs. Lorsqu’une délégation s’étend sur une durée de vingt ans — et il y en a de nombreuses —, faut-il attendre 2035 pour l’ouverture des données ? Je voudrais que notre Commission s’empare de ce sujet.

M. le rapporteur. Je reprendrai le même argument que précédemment, car cet amendement pose le même problème de constitutionnalité, même si je comprends la difficulté que représentent des contrats aussi longs.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

Mme Isabelle Attard. Nous maintenons cet amendement. Je rejoins l’argument de Mme Kosciusko-Morizet : ce genre d’exceptions encourage les administrations à recourir aux délégations de service public ou aux partenariats public-privé au lieu de s’occuper elles-mêmes de leurs affaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL472 de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les utilisateurs ultérieurs de données mises en ligne par l’administration doivent faire référence au fichier source d’où elles sont tirées et où elles restent disponibles longtemps après. Ce matin, nous avons travaillé sur la notion de « standard ouvert aisément réutilisable » ; je rectifie donc mon amendement pour ne maintenir que la partie qui précise : « Toute utilisation ultérieure des documents mis en ligne par l’administration devra fournir explicitement l’adresse où les documents originels sont disponibles. » Une bonne gestion des données publiques doit en assurer la traçabilité, pour que chacun puisse éventuellement réfuter non seulement l’usage, mais l’usage de l’usage de l’usage qui peut en être fait. En effet, le principe même de toute utilisation de données est de fabriquer des indicateurs ; or les indicateurs ne sont pas qu’algorithmiques, ils peuvent également être techniques, politiques et scientifiques, et aboutir à des considérations, des décisions et des choix ayant une incidence sur la vie de nos concitoyens.

M. le rapporteur. L’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 relative à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) précise : « Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. » Si vous estimez que cet article nécessite un complément, vous pouvez proposer un autre amendement en vue de la séance.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Très bien. Je tiens à proposer une formulation explicite.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 10 modifié.

Article 11
(art. 10 de la loi n° 2000–321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations)

Ouverture des données des conventions de subventions

Le présent article crée une obligation de publication en open data des données essentielles des conventions de subvention lorsque ces dernières dépassent un seuil déterminé par voie réglementaire.

L’article 9–1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de la loi définit les subventions comme des « contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. »

Toute subvention supérieure à un certain montant – aujourd’hui fixé à 23 000 euros (154) – donne lieu à une convention déterminant son objet, son montant, les modalités de son versement et les conditions de son utilisation.

La loi du 12 avril 2000 comporte un certain nombre de dispositions sur la transparence financière des subventions (155) mais leur publication n’est pas organisée, à l’exception de quelques domaines tels que l’agriculture.

La publication des aides de la politique agricole commune

En application du règlement européen (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, chaque État membre est tenu de publier un certain nombre d’informations relatives aux bénéficiaires des aides de la politique agricole commune (PAC), qu’elles relèvent du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) ou du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Les informations pouvant être consultées sont : la dénomination du bénéficiaire, la commune d’enregistrement et le code postal, les montants des paiements correspondant à chaque mesure financée par le FEAGA ou par le FEADER, le type et la description des mesures concernées par les paiements précités et la somme des montants perçus par le bénéficiaire au cours de l’exercice financier concerné.

La dénomination d’un bénéficiaire est anonymisée lorsque le montant total des aides perçues au cours de l’exercice financier concerné est inférieur ou égal à 1 250 euros. Lorsque le nombre de personnes physiques anonymisées au sein d’une même commune est strictement inférieur à 11, seul le numéro de département apparaît.

Pourtant, l’ouverture de ces informations représente un enjeu en matière de transparence de l’action administrative. C’est la raison pour laquelle le présent article modifie l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 pour :

– au modifier une erreur de référence ;

– au imposer que l’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un SPIC qui attribue une subvention d’un montant dépassant les 23 000 euros rende accessible, sous un standard ouvert aisément réutilisable, les données essentielles de la convention – celles–ci étant fixées par la voie réglementaire.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL25 de M. Lionel Tardy et CL500 du rapporteur.

M. Lionel Tardy. Je propose à nouveau une harmonisation avec la rédaction retenue dans la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, ainsi que dans d’autres textes.

M. le rapporteur. Je vous propose de vous rapprocher de mon amendement CL500.

L’amendement CL25 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL500.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CL26 de M. Lionel Tardy.

Puis elle étudie l’amendement CL626 de la Commission des Affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la Commission des Affaires économiques. Cet amendement de précision rédactionnelle cherche à éviter de créer involontairement une nouvelle forme de données : des données « essentielles ».

M. le rapporteur. Sauf erreur de ma part, l’article 56 de l’ordonnance de juillet 2015 prévoit déjà cette notion de « données essentielles » en matière d’open data des contrats publics. Par souci de coordination rédactionnelle, je vous propose donc de retirer votre amendement ; si vous voyez une faiblesse dans cet article, nous pourrons le reprendre.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Article 12
(art. 3 et 3–1 [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques)

Accès de la statistique publique aux bases de données privées

Le présent article permet à la statistique publique de se voir transmettre sous forme électronique des informations issues des bases de données des personnes enquêtées afin de lui permettre de réaliser les enquêtes statistiques obligatoires et de simplifier les processus actuels. Il accorde au ministre de l’économie la possibilité de prononcer une amende administrative en cas de refus de transmission de ces données.

La loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques définit le cadre juridique relatif à la statistique publique.

Les statistiques publiques sont aujourd’hui essentiellement produites à partir d’enquêtes, dont la liste est arrêtée chaque année par le ministre chargé de l’économie. Le cadre relatif à ces enquêtes statistiques ne paraît plus entièrement adapté à l’évolution des techniques numériques. Certes, la statistique publique dispose de prérogatives contraignantes lui permettant de se voir communiquer des données émanant de personnes privées, mais les enquêtes – en particulier celles de l’emploi et de l’indice des prix à la consommation – exigent un nombre important d’enquêteurs et le montant des amendes en cas de non-réponse est plafonné à 2 250 euros.

Le du présent article supprime le cadre actuel, défini à l’article 3 de la loi du 7 juin 1951, relatif à la cession à l’INSEE par des personnes privées d’informations d’ordre économique ou financier, à des fins exclusives d’établissement de statistiques. Un nouveau régime est créé par le au I de l’article 3–1 inséré dans la loi du 7 juin 1951.

Ce dispositif n’a pas pour objectif d’obtenir de nouvelles catégories d’information puisqu’il s’agit toujours de répondre aux besoins des enquêtes statistiques rendues obligatoires, mais de permettre à l’INSEE d’y accéder directement.

Comme le souligne l’étude d’impact, l’intérêt d’une telle mesure est évident pour l’enquête sur le calcul de l’inflation. Aujourd’hui, l’INSEE assoit ce calcul en grande partie sur des relevés de prix réalisés dans les différents points de vente par un réseau d’enquêteurs. Une partie de ces relevés (environ 20 %) pourrait être remplacée par les prix enregistrés lors du passage en caisse des clients de la grande distribution (« données de caisse »). Le calcul de l’inflation serait moins coûteux et plus précis.

Cette disposition a été expérimentée au cours des dernières années par l’INSEE. Elle est assortie au I de l’article 3–1de trois garanties :

– étude préalable de faisabilité et d’opportunité, faisant intervenir les personnes morales enquêtées (alinéa 5) ;

– non-communication des données recueillies (alinéa 6) ;

– strict encadrement de l’enregistrement des données nécessaires à la réalisation de l’enquête (alinéa 7).

Le II de l’article 3–1 [nouveau] de la loi du 7 juin 1951 renforce la procédure de sanction en cas de non-respect de l’obligation de communication des données. Le montant maximal de la sanction administrative sera de 25 000 euros, montant qui pourra être doublé en cas de récidive dans un délai de trois ans (alinéa 11).

Le ministre peut rendre publiques les sanctions qu’il prononce. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications aux frais des personnes sanctionnées.

Le réseau d’enquêteurs de l’INSEE compte aujourd’hui environ 750 personnes en équivalent temps plein (ETP), dont un peu plus d’une centaine sont dédiés à la collecte des prix à la consommation (le reste étant consacré à des enquêtes auprès des ménages). L’allégement du nombre de relevés pourrait représenter dans un premier temps, à l’horizon de 2019, environ une quinzaine d’ETP. À terme, le projet pourrait être élargi, en termes de produits concernés, mais également de types d’enseigne, et ainsi permettre un allégement supplémentaire.

*

* *

La Commission étudie l’amendement CL133 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’article 12 a pour objectif de faciliter la transmission des nombreuses informations demandées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) aux entreprises lors d’enquêtes statistiques obligatoires. L’idée de cet amendement est de rendre la loi beaucoup plus normative en remplaçant la faculté de décider du ministre par un présent de l’indicatif qui vaut impératif. Une fois les études de faisabilité effectuées, le ministre ne doit pas tergiverser, mais agir pour aller directement vers la dématérialisation.

M. le rapporteur. La rédaction actuelle me semble déjà parfaitement normative. Au moment de la consultation, ce point a fait l’objet de nombreux débats ; je vous propose d’en rester à l’équilibre trouvé dans la rédaction actuelle. En outre, il s’agit d’une mesure qui simplifie le travail de l’INSEE, le ministre sera donc plutôt enclin à autoriser cette procédure.

Mme la secrétaire d’État. Rappelons l’objectif poursuivi par l’article 12 du projet de loi : faire économiser de l’argent public par les services statistiques et alléger la charge de la réponse aux enquêtes obligatoires pour les entreprises. Il est donc important de conduire une étude de faisabilité et d’opportunité, mais également de laisser au ministre la possibilité de considérer la décision de recourir à des enquêtes par voie électronique comme une faculté. Cette souplesse répond bien à l’esprit de cet article qui cherche à simplifier les procédures nécessaires à la réalisation d’une enquête statistique plutôt que de les alourdir. Une décision systématique de la part du ministre ou de son administration aurait tendance à allonger les délais.

M. Philippe Gosselin. Dès lors que l’on considère la dématérialisation comme un réel progrès et un allègement du processus, c’est rester au milieu du gué que de ne pas en tirer toutes les conclusions  !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement CL134 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Nous partons du principe que la dématérialisation représente une avancée qui permet de faciliter de façon très concrète la vie des entreprises. Son intérêt n’est plus à démontrer. Nous proposons donc un calendrier effectif d’entrée en vigueur de la mesure, pour ne pas en rester à un simple effet d’affichage.

M. le rapporteur. C’est l’étude d’opportunité qui permettra aux entreprises d’éviter les charges disproportionnées. Quant au calendrier, il ne concerne pas l’entrée en vigueur de la mesure, mais la mise en œuvre de l’enquête. Il s’agit des enquêtes obligatoires qui sont encadrées par la loi du 7 juillet 1951. L’article 12 introduit seulement une nouvelle possibilité pour y procéder dès lors que leur opportunité sera prouvée. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme Karine Berger. Ayant été responsable de la collecte des données d’enquête visées par cet article, je sais que, la plupart du temps, ce sont les entreprises qui demandent à pouvoir continuer à les transmettre de façon non dématérialisée. L’administration publique — ou du moins l’INSEE — a depuis longtemps proposé de remplir les questionnaires en ligne, mais, pour des grosses PME, il est parfois plus pratique d’envoyer une version papier. L’article me semble très bien écrit, puisqu’il préserve cette possibilité.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL627 de la commission des Affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. Il s’agit d’imposer plus explicitement le régime du secret statistique aux données transmises par les personnes morales de droit privé dans le cadre d’une enquête statistique.

M. le rapporteur. J’y vois un amendement d’appel et de confirmation de l’applicabilité des règles relatives au secret statistique prévues par la loi de 1951 ; je pense que la secrétaire d’État en fera la même lecture.

Mme la secrétaire d’État. Le débat est essentiellement juridique puisque l’objectif de l’amendement est de renforcer le secret concernant les données collectées par voie électronique. Nous le partageons ; mais la rédaction proposée induirait l’effet inverse. En effet, vous renvoyez à la loi de 1951 qui concerne le secret statistique, mais cette loi introduit des exceptions, notamment la possibilité de transmettre les données à des chercheurs, en particulier pour rechercher un avis. Or le présent texte vise expressément à exclure toute possibilité d’exception. En réalité, l’article 12, en l’état, renforce plutôt le secret et la confidentialité — préoccupation largement exprimée par les entreprises —, qui pourraient au contraire être potentiellement amoindris par le renvoi à la loi de 1951. Pour cette raison, mon avis est défavorable.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. J’entends vos arguments. Le terme qui me posait problème dans la rédaction initiale, c’est « quiconque », d’où cet amendement de précision.

Mme la secrétaire d’État. Nous pouvons continuer à travailler pour parvenir à une formulation plus satisfaisante. Nous poursuivons le même objectif.

L’amendement est retiré.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL501 du rapporteur et CL628 de la commission des Affaires économiques.

Mme la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques. L’amendement CL628 est rédactionnel.

M. le rapporteur. Nous poursuivons le même objectif ; mon amendement CL501 me semble répondre à votre attente.

L’amendement CL628 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL501.

Puis elle en vient à l’amendement CL27 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. À première vue, l’article 12 peut donner l’impression d’une aspiration des données statistiques détenues par les entreprises privées au profit de la statistique publique. Ce n’est pas, me semble-t-il, l’esprit du projet de loi, mais encore faut-il prévoir toutes les garanties nécessaires. Par exemple, dans le texte présenté au Conseil d’État, les conditions d’enregistrement temporaire des données étaient encadrées ; dans le texte actuel, cet encadrement est renvoyé à un décret alors que le Conseil d’État n’a, sauf erreur, pas émis de réserve sur le caractère réglementaire de cette disposition. Étant donné l’importance de cet encadrement par rapport à la protection des données personnelles, je propose de l’introduire dans la loi.

M. le rapporteur. J’ai longuement hésité à propos de cet amendement. Demander un relevé à chaque création d’un enregistrement temporaire des données nécessaires à l’enquête, pour chaque opération courante, ne me semble pas possible, étant donné le nombre de ces enregistrements. Le renvoi au décret d’application, dans le cadre des dispositions générales sur le secret statistique, me paraît être la meilleure réponse. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

La Commission étudie l’amendement CL101 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le cœur de l’industrie du numérique, c’est la donnée personnelle que les grandes plateformes récupèrent, traitent, stockent et valorisent massivement. L’un des problèmes vient de la définition de ces données. Quand un individu donne accès à son carnet d’adresses, il fournit des informations sur lui-même, mais aussi sur d’autres, sans que ceux-ci en soient informés, et bien sûr sans qu’ils aient donné leur autorisation. Le statut juridique de ces données devrait être redéfini en prenant en compte cette particularité : ces données appartiennent à toutes les personnes qu’elles concernent et nul ne devrait donc pouvoir les accaparer ou en céder la jouissance. Le présent amendement a pour objet de demander que le Gouvernement établisse un rapport sur la possibilité d’accorder par défaut aux données numériques le statut juridique de biens communs souverains.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. En matière de rapports, vous connaissez l’adage : « Pas de rapports ! » Dura lex, sed Urvoas lex

M. le rapporteur. La patrimonialité des données représente un vrai sujet de débat, et Patrice Martin-Lalande a raison de le soulever. Nous aurons l’occasion d’y revenir, notamment en abordant l’article 26 qui consacre le droit à la libre disposition de ses données personnelles. Quand nous avions auditionné le Conseil d’État sur son rapport annuel, nous avons vu la complexité des enjeux. Pour toutes ces raisons, je suis opposé à cette demande de rapport. Par ailleurs, nous avons toute latitude de créer des missions d’information et pouvons donc mener ce travail sans l’inscrire dans la loi. Souhaitez-vous retirer votre amendement ?

M. Patrice Martin-Lalande. Certes, nous en avons la capacité ; mais en avons-nous la volonté ? Ce travail sera-t-il effectivement mené au sein de l’Assemblée nationale ? Je ne retire l’amendement que si l’on s’engage à le faire.

M. le rapporteur. Je propose que cette demande soit relayée par votre groupe au bureau de la Commission et arbitrée dans l’instance concernée.

M. Philippe Gosselin. L’amendement n’est pas polémique et soulève un réel problème. Qu’appelle-t-on exactement « données personnelles » ? Il ne s’agit pas de faire de la résistance franco-française : le règlement européen propose une approche très différente de celle des pays anglo-saxons. L’équivalent de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui gère les données personnelles aux États-Unis, la Federal Trade Commission, est un organisme à aspect commercial, donc non neutre. Le Gouvernement a-t-il l’intention, à très court terme, de travailler sur cette question ?

Mme la secrétaire d’État. Je me réjouis de l’intérêt que vous portez à ces enjeux dont vous vous êtes saisis très rapidement. La notion de bien commun souverain peut prêter à confusion puisqu’elle associe le concept de bien commun — on connaît le débat sur les biens communs informationnels — et celui de souveraineté sur les données personnelles, qu’il me semble important de distinguer. Comme le rapporteur, j’estime que ce texte de loi est une occasion de débattre de l’importance des données personnelles et de leur respect. L’article 26 pose ainsi la question de la patrimonialité des données personnelles. Le choix fait par le Gouvernement est celui de l’usage, c’est-à-dire d’une libre disposition ; en effet, si l’individu devient propriétaire de ses données, il peut les commercialiser. C’est également un débat que nous avons eu au niveau européen. Le règlement européen sur les données personnelles trouve un positionnement médian entre les deux écoles que vous avez mentionnées. Les questions que vous soulevez pourront être abordées dans le cadre du débat sur l’amendement relatif à la souveraineté numérique, qui peut impliquer, entre autres, des enjeux de maîtrise des données personnelles.

Mme Delphine Batho. Les amendements que j’ai déposés à l’article 26 et aux suivants renvoient à la reconnaissance de la notion de réseau indivisible de données. Désormais, les données ne sont plus isolables les unes des autres, et tous les droits et les libertés que nous affirmons restent virtuels si nous ne trouvons pas les outils juridiques qui correspondent aux réalités technologiques d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas du débat entre la conception patrimoniale des données et la conception française des libertés fondamentales, qui reste valable dans la notion de réseau indivisible de données. Il ne s’agit pas non plus de faire passer les données sous propriété de l’État, mais d’organiser un commun indivisible auquel toutes les règles que nous essayons d’instaurer puissent être applicables. Je me félicite de cette discussion et de la réponse de la secrétaire d’État. En séance, nous ne pourrons pas débattre de la République numérique sans approfondir cette question du statut des données. Même si nous ne disposons pas encore des solutions juridiques parfaites, l’enjeu est fondamental.

Mme Karine Berger. Je profite de ce débat pour poser une question ouverte à la secrétaire d’État. L’article 13 de la directive européenne sur les données personnelles reconnaît de fait que les données personnelles peuvent être un moyen de paiement, ou du moins d’échange, avec une série d’opérateurs. En effet, il affirme que les données peuvent être une contrepartie dans un contrat privé. Comment garderons-nous notre spécificité face à une définition qui, je le crains, ne va pas dans le sens que vous souhaitez retenir ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je me réjouis de l’ouverture de ce débat, qui doit avoir lieu plus largement en séance. C’est une question centrale qui donnerait toute leur solidité aux dispositions que nous retiendrons pour les données personnelles.

L’amendement est retiré.

Section 3
Gouvernance

Les quatre articles de la section 4 organisent une coordination renforcée entre les deux autorités administratives indépendantes que sont la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).

Article 13
(art. 13 de la loi
n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés)
Composition de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

Le présent article prévoit que le président de la CADA ou son représentant siège au collège de la CNIL.

La CNIL est une autorité administrative indépendante créée par la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés afin de protéger les données personnelles des individus. Elle a pour missions principales d’informer les responsables de traitements automatisés de données sur leurs obligations et d’autoriser certains traitements de données. Elle joue par ailleurs un rôle de conseil auprès des acteurs privés et publics en matière de protection des données personnelles.

Il existe certains recoupements – appelés à croître avec les nouvelles obligations de publication et l’élargissement des possibilités de réutilisation prévues par le présent projet de loi – entre les missions de la CNIL et celles de la CADA.

Ainsi :

– la CADA est amenée à se prononcer sur la publication ou la réutilisation de fichiers de grande taille comportant des données personnelles, telles que les données individuelles de santé ;

– la CNIL se prononce sur des traitements automatisés de données personnelles utilisant des informations issues de documents administratifs.

Il est donc important d’assurer une coordination plus étroite que celle prévue par l’actuelle convention entre les deux autorités administratives.

Le procède à une modification de référence à l’article 13 de la loi du 6 janvier 1978 (156).

Le modifie le même article 13 pour ajouter aux 17 membres actuels du collège de la CNIL le président de la CADA.

La composition actuelle de la CNIL

1° Deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat de manière à assurer une représentation pluraliste ;

2° Deux membres du Conseil économique, social et environnemental, élus par cette assemblée ;

3° Deux membres ou anciens membres du Conseil d’État, élus par l’assemblée générale du Conseil d’État ;

4° Deux membres ou anciens membres de la Cour de cassation, d’un grade au moins égal à celui de conseiller, élus par l’assemblée générale de la Cour de cassation ;

5° Deux membres ou anciens membres de la Cour des comptes, d’un grade au moins égal à celui de conseiller maître, élus par l’assemblée générale de la Cour des comptes ;

6° Trois personnalités qualifiées pour leur connaissance de l’informatique ou des questions touchant aux libertés individuelles, nommées par décret ;

7° Deux personnalités qualifiées pour leur connaissance de l’informatique, désignées respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat.

Elle comprend en outre, avec voix consultative, le Défenseur des droits ou son représentant.

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* *

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

Après l’article 13

La Commission est saisie de l’amendement CL92 de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cet amendent d’appel vise à soulever le problème auquel est confronté le personnel engagé dans la lutte contre la grande délinquance ou le terrorisme. Lors d’enquêtes en cours et parfois dans l’urgence, il se heurte à des communications protégées par des moyens de cryptage individuel. Ces dispositifs, qui se multiplient en réponse à des scandales de prise en main des données individuelles, ont leur utilité ; mais ils peuvent être détournés pour devenir une barrière pour les services de sécurité. Je ne propose pas un accès permanent à ces équipements — mon amendement ne s’inscrit donc pas dans la logique de la loi sur les services de renseignement —, mais la possibilité pour les services d’accéder rapidement aux données dont ils ont besoin. La formulation de mon amendement peut au besoin être modifiée ; le problème, lui, est bien réel. Il ne nous est d’ailleurs pas particulier, puisqu’un vif débat est actuellement engagé sur ce sujet entre les Américains et Apple.

M. le rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement d’appel. Le Premier ministre a pris position de manière très ferme sur ce sujet il y a quelques mois. Mais l’enjeu est complexe et je ne suis pas sûr que le texte sur la République numérique soit le vecteur législatif le plus opportun pour le traiter. Il faudrait également des précisions sur les appareils électroniques concernés. Mais je me doute que vous attendez surtout l’avis de la secrétaire d’État.

Mme la secrétaire d’État. Cet amendement a le mérite de prolonger un débat international en cours. Il ne s’agit pas de faire preuve de naïveté en ignorant le problème, mais je ne considère pas que la solution que vous proposez — une vulnérabilité par construction — soit la bonne. Vous cherchez à répondre à une préoccupation croissante de la justice et des forces de l’ordre face à des entreprises, souvent très puissantes, qui mettent en place des systèmes de cryptage pour protéger les données de leurs clients sans prévoir les conditions d’accès à ces données par les autorités, en dépit des dispositions législatives existantes, telles que les articles 230-1 et suivants du code de procédure pénale.

Je considère néanmoins que la solution proposée est inappropriée ; tout d’abord, elle sort du cadre de cette loi qui prône des principes de liberté et d’ouverture et qui n’entre pas dans le champ pénal. Le texte confère d’ailleurs une nouvelle mission à la CNIL : la promotion du chiffrement. L’actualité récente — l’inscription par les Pays-Bas dans leur législation du droit au chiffrement, ou encore le scandale de Juniper Networks — montre à quel point le fait d’introduire dans les appareils, à la demande des agences de renseignement, des backdoors, des failles délibérées permettant de déchiffrer des informations personnelles, produit un effet contraire : celui de nuire à l’ensemble de la collectivité, puisque les données personnelles ne sont plus du tout protégées. Même si les intentions — maintenir l’ordre et la sécurité publique — peuvent être louables, cette solution ouvre la porte à des acteurs qui poursuivent des intentions moins nobles, sans compter le dommage économique subi par les entreprises et par leurs clients dont ces failles peuvent atteindre la crédibilité. Vous avez raison d’alimenter ce débat, mais, de l’avis du Gouvernement, prévoir systématiquement des ouvertures dans les matériels — tablettes ou téléphones — ne constitue pas la bonne réponse au problème.

M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement est favorable à un retrait, mais la question qui se pose, à la suite d’une actualité brûlante et douloureuse, n’en est pas moins grave. Sur les ondes de France Inter, François Molins, procureur de la République de Paris, révélait récemment que des blocages complets l’empêchaient de progresser dans les enquêtes qu’il mène à la suite des attentats du 13 novembre. Nous ne pouvons pas, sur un tel sujet, choisir de ménager la chèvre et le chou. Il faudra aborder la question au fond, peut-être à l’occasion de la réforme de la procédure pénale. Pour l’heure, l’amendement de Nathalie Kosciusko-Morizet a du moins l’avantage d’attirer notre attention sur ce point.

M. Lionel Tardy. Je suis d’accord sur le constat, mais nous nous lançons, je le crains, dans une sorte de course à l’échalote. Texte après texte, nous dénonçons les méfaits d’internet : projet de loi sur la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), projet de loi sur le renseignement, projet de loi sur le terrorisme… Chaque fois, cela conduit à un cryptage plus poussé d’internet. Dans ce scénario à la Big Brother, ce pourrait être, de manière paradoxale, le cryptage général qui triomphe.

Mme Isabelle Attard. Les arguments de la secrétaire d’État sont tout à fait justes. Je voudrais revenir sur le principe des backdoors ou portes dérobées. Si on l’appliquait au domaine de la construction, cela voudrait dire qu’il faudrait prévoir dans chaque bâtiment une porte dérobée en cas de possible intervention des forces de l’ordre, laquelle porte pourrait être bien plus souvent empruntée par des personnes mal intentionnées. Le gouvernement néerlandais a donc eu raison de prendre récemment position en faveur du chiffrement.

J’ajoute que l’adoption de l’amendement serait une très mauvaise nouvelle pour les constructeurs informatiques français, dont il signerait la fin.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je voudrais remercier le rapporteur et la secrétaire d’État, qui n’éludent pas le problème. Cependant, même si ce n’est pas l’objet de la loi, je voudrais signaler que la liberté se protège.

Madame Attard, je m’inscris en faux contre votre argumentation. Dans une maison, des perquisitions sont possibles. Quand un espace de liberté est mal utilisé, il faut y mettre bon ordre, ce qui ne signifie pas qu’il faille y garantir un accès permanent aux autorités. Je souligne que le dispositif actuel n’est pas efficace et pose des problèmes en termes de délai. Certaines procédures n’aboutissent pas à temps ; d’autres n’aboutissent pas du tout.

L’amendement est retiré.

Article 14
(art. 15 bis [nouveau] de la loi
n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés)

Création d’un collège unique CNIL–CADA
pour traiter les sujets d’intérêt commun

Le présent article prévoit que la CNIL et la CADA peuvent se réunir dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.

Cet article s’inscrit dans la logique des articles 13 et 15 du présent projet de loi qui visent à instaurer une meilleure coordination entre les deux autorités administratives indépendantes (AAI). Il crée un article 15 bis dans la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permettant la réunion de la CNIL et de la CADA dans un collège unique, à l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.

D’aucuns ont pu être amenés à proposer une réforme plus radicale. Ainsi, dans leur rapport présenté en 2010 sur les autorités administratives indépendantes, les députés René Dosière et Christian Vanneste ont préconisé de créer une autorité unique en charge du traitement des données :

« Les rapporteurs se prononcent clairement pour un rapprochement de [la CADA et la CNIL]. Une telle fusion donnerait une plus grande visibilité, un poids plus important aux recommandations de la CADA, sachant que cette autorité pâtit de sa taille qui demeure réduite et d’une notoriété insuffisante. La CADA est en outre chargée de la réutilisation des informations publiques, domaine de compétence partagé avec la CNIL. Elle dispose d’un pouvoir de sanction depuis l’ordonnance du 6 juin 2005 contre les personnes qui réutilisent des informations publiques en méconnaissance des prescriptions du chapitre II de la loi du 17 juillet 1978 consacrant le droit de réutilisation. Il faudra bien sûr prévoir un mécanisme particulier lorsque la demande d’accès aux documents administratifs concernera les missions qui sont actuellement confiées à la CNIL. (157) »

Les présidents des deux AAI, auditionnés par votre rapporteur, se sont prononcés en faveur du présent article, estimant qu’il s’agissait d’une approche pragmatique, en vue d’un éventuel rapprochement futur.

Cette fusion pourrait intervenir après l’adoption du règlement européen sur la protection des données qui va redéfinir en partie le rôle des autorités de protection des données nationales (notamment dans leur articulation avec une possible autorité européenne).

Les avantages d’une telle fusion seraient doubles :

– d’une part la nouvelle institution pourrait mettre en place une régulation équilibrée des données et de la protection des droits fondamentaux qui y sont attachés (droit à la vie privée et droit à l’information). En effet, comme le montre le projet de loi, les sujets appelant la compétence de la CNIL et de la CADA sont de plus en plus nombreux : éthique, traitement massif de données, ouverture des données, ouverture des algorithmes ;

– d’autre part, les missions confiées par le projet de loi à la CADA nécessitent de nouveaux moyens, notamment en matière technique (informatique, format d’ouverture des données par exemple) et en termes de régulation (accompagnement des administrations, notamment les collectivités territoriales, pour l’ouverture des données, accompagnement des réutilisateurs). Ces compétences existent au sein de la CNIL (présence d’un service de l’expertise, expérience d’approches plus régulatoires comme la reconnaissance de labels ou de codes de bonne conduite) et pourraient utilement être mobilisées pour ces missions.

Les risques principaux sont celui d’un déséquilibre entre la CNIL (200 agents aujourd’hui) et la CADA (une dizaine d’agents) qui mettrait en danger la mission de droit à l’information défendue par cette dernière et celui d’une perte d’efficacité, au sein de la CNIL comme de la CADA, dont les modes de fonctionnement et les doctrines reposent sur une expérience de plusieurs dizaines d’années. Il convient de veiller à ne pas perturber la qualité de la réponse aux besoins des citoyens, des entreprises et des administrations concernées.

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* *

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Article 15
(art. 23 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)

Composition de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA)

Le présent article prévoit que le président de la CNIL ou son représentant siège au collège de la CADA.

Cet article est une disposition miroir par rapport à celle prévue à l’article 13 du présent projet de loi. Il modifie l’article 23 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal qui prévoit que siège à la CADA une personnalité qualifiée en matière de protection des données à caractère personnel, proposée par le président de la CNIL. Le présent article substitue à cette personnalité qualifiée le président de la CNIL ou son représentant, pour les mêmes raisons que celles évoquées à l’article 13.

La composition actuelle de la CADA

a) Un membre du Conseil d’État, d’un grade au moins égal à celui de conseiller, président, un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes en activité ou honoraire, désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes ;

b) Un député et un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ;

c) Un élu d’une collectivité territoriale, désigné par le président du Sénat ;

d) Un professeur de l’enseignement supérieur, en activité ou honoraire, proposé par le président de la commission ;

e) Une personnalité qualifiée en matière d’archives, proposée par le directeur des Archives de France ;

f) Une personnalité qualifiée en matière de protection des données à caractère personnel, proposée par le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

g) Une personnalité qualifiée en matière de concurrence et de prix, proposée par le président de l’Autorité de la concurrence ;

h) Une personnalité qualifiée en matière de diffusion publique d’informations.

La commission comprend en outre, avec voix consultative, le Défenseur des droits ou son représentant.

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La Commission adopte les amendements rédactionnels CL502 et CL503 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Article 16
(art. 23 bis de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions
d’ordre administratif, social et fiscal)
Création d’un collège unique CADA–CNIL
pour traiter les sujets d’intérêt commun

Le présent article prévoit que la CADA et la CNIL peuvent se réunir dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs deux présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie.

Il s’inscrit dans la logique des articles 13 et 15 du présent projet de loi qui visent à instaurer une meilleure coordination entre les deux autorités administratives indépendantes (AAI).

Il constitue la disposition miroir de l’article 14 qui insère un article 15 bis dans la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permettant la réunion de la CNIL et de la CADA dans un collège unique. Il introduit la même possibilité dans la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, qui régit le fonctionnement de la CADA, en y insérant à cet effet un nouvel article 23 bis.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL504 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

La Commission est saisie de l’amendement CL121 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je voudrais, par cet amendement, introduire une discussion sur notre souveraineté numérique, qui doit permettre de garantir aussi bien la sécurité des citoyens que la protection de leurs droits et libertés. Or la loi du 6 janvier 1978 signe notre abandon de souveraineté, dans son article 5, en restreignant son champ d’application aux données dont les moyens de traitement sont situés sur le territoire français. Je voudrais la modifier pour qu’il s’étende plutôt à « toutes les données à caractère personnel de citoyens français ». Ce dernier adjectif ne figurant pas dans le texte de l’amendement, permettez-moi de le rectifier oralement.

M. le rapporteur. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt remarqué sur la protection des données personnelles, arrêt dit de la « sphère de sécurité » ou arrêt safe harbour. Cette décision est proche de celle que nous défendions, lorsque tout le monde ne prenait pas encore en compte, au niveau européen, les enjeux liés au big data, contrairement aux architectes du safe harbour.

Vous ouvrez donc la discussion, mais une problématique territoriale apparaît d’emblée. Car nous ne pouvons agir qu’au niveau européen, voire qu’au niveau international. Le débat reste donc entier. Il ne peut trouver de solution d’application strictement territoriale.

Mme la secrétaire d’État. Votre amendement pose la question de la coordination du droit français avec le droit européen. Dans le deuxième alinéa de son article 3, le règlement européen sur la protection des données, qui devrait être définitivement adopté en mars 2016, prévoit précisément son applicabilité sur la base d’un critère territorial, et non sur la base de la nationalité. La loi européenne doit en effet s’appliquer là où les données personnelles sont recueillies et traitées, non là où les géants d’internet ont établi leur siège social.

M. Patrice Martin-Lalande. Je serais partisan du principe : « À marché local, serveur local ». Notre problème vient de ce que les serveurs sont établis outre-Atlantique : ils pourraient tout aussi bien être établis sur notre territoire, où nous pourrions nous assurer de la bonne application des règles européennes et françaises. Ce serait aussi un moyen de récupérer notre souveraineté.

Mme Delphine Batho. Je maintiens mon amendement. La CJUE a apporté la réponse inverse à celle que le Gouvernement préconise, puisqu’elle a rappelé que les autorités nationales ont toute légitimité pour intervenir. Permettez-moi de vous rappeler sa position : la CJUE considère « qu’aucune disposition de la directive n’empêche les autorités nationales de contrôler les transferts de données personnelles vers des pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de la Commission » ; elle « constate que la décision de la Commission du 26 juillet 2000 prive les autorités nationales de contrôle de leurs pouvoirs » ; elle « considère que la Commission n’avait pas la compétence de restreindre ainsi les pouvoirs des autorités nationales de contrôle ». La CJUE est donc d’avis que les parlementaires nationaux ne soient pas interdits de prendre des décisions sur le sujet.

M. le rapporteur. Certes, mais, entre-temps, en décembre dernier, le règlement européen sur la protection des données personnelles, qui traite explicitement de cette question, est entré en phase de finalisation. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CL122 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il s’agit de la suite logique de mon précédent amendement. Si l’on crée de la valeur avec les données des citoyens français, il est normal que la domiciliation fiscale et juridique des entreprises concernées soit établie en France. Il s’agit d’une question fondamentale.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 16 bis
(art. 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public
et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal)

Création d’une auto–saisine de la CADA pour la poursuite des réutilisations frauduleuses

À l’initiative de M. Sergio Coronado, et avec l’avis favorable du Gouvernement et de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement reconnaissant à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses d’informations publiques.

Aux termes de l’article 18 de la loi n° 78–753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal toute personne réutilisant frauduleusement des informations publiques est passible d’une amende prononcée par la CADA.

La CADA peut prononcer, au terme d’une procédure contradictoire, une amende, interdire à l’auteur d’une infraction la réutilisation d’informations publiques pendant une durée maximale de deux ans. Cette durée peut être portée à cinq ans en cas de récidive dans les cinq ans suivant le premier manquement. La CADA peut également ordonner la publication de la sanction aux frais de celui qui en est l’objet selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

La mise en œuvre de cette procédure suppose toutefois que la CADA soit saisie. Or, toutes les réutilisations frauduleuses ne lèsent pas nécessairement directement une administration ou un tiers en particulier. Le présent article prévoit donc au que le président de la CADA est habilité à saisir la commission, aux fins d’entamer une procédure de manquement. Il s’agit de la proposition n° 18 du rapport sénatorial de Mme Corinne Bouchoux précité.

Par ailleurs, la CADA ayant été intégrée dans le code des relations entre le public et l’administration, le et le procèdent à des coordinations de deux références au sein de l’article 18.

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La Commission en vient à l’amendement CL242 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. L’amendement vise à reconnaître à la CADA une capacité d’auto-saisine aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses, pour la procédure prévue à l’article 18 de la loi n° 78-753.

Selon l’article L. 342-1 du code des relations entre le public et l’administration, la CADA ne dispose pas de capacité d’auto-saisine. Cette disposition complique la poursuite de réutilisations frauduleuses, où il n’y a pas forcément de victimes — et donc de saisine —, alors même que la CADA est compétente pour sanctionner ces manquements. Il s’agit de la proposition n° 18 du rapport sénatorial de Corinne Bouchoux et Jean-Jacques Hyest sur la refondation du droit à l’information publique à l’heure du numérique.

Par ailleurs, la CADA ayant été intégrée dans le code des relations entre le public et l’administration, l’amendement procède à une modification de deux références de cet article 18.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Mme la secrétaire d’État. Le Gouvernement partage cet avis favorable. Il est utile de renforcer le pouvoir de la CADA en cas de non-respect des règles.

La Commission adopte l’amendement.

Article 16 ter
Demande d’un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique

À l’initiative de Mme Delphine Batho, avec l’avis favorable du Gouvernement et défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique.

La guerre contre le terrorisme, mais aussi l’urgente nécessité de protéger dans le cyberespace les droits et libertés des citoyens alors que la récente décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne dite du « Safe Harbor » (158) a prouvé que leurs données à caractère personnel étaient exploitées dans un cadre différent de celui qui avait été pensé originellement, appellent de la part de la représentation nationale une prise de conscience nouvelle sur les enjeux liés à l’exercice de la souveraineté de la France dans le domaine du numérique.

La création d’un organisme spécifiquement chargé de cette mission, sous la forme d’un établissement public doté d’une autonomie administrative et financière, directement rattaché au Premier Ministre paraît constituer une piste intéressante. En conséquence, cet article demande un rapport au Gouvernement sur la possibilité de créer un tel Commissariat à la souveraineté numérique chargé de la création d’un système d’exploitation souverain et de protocoles de chiffrement des données.

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La Commission est saisie de l’amendement CL129 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Ce matin, le président Jean-Jacques Urvoas a indiqué à la secrétaire d’État que le Gouvernement ne saurait déposer d’amendement nouveau entre la réunion de la Commission et le débat en séance publique. Je me heurte pour ma part à une autre difficulté. Initialement, j’avais en effet déposé un amendement qui a été déclaré irrecevable au motif qu’il proposait de donner au Gouvernement le pouvoir de créer par ordonnance un Commissariat à la souveraineté numérique. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel réserve au Gouvernement le recours à l’article 38 de notre Constitution, relatif au pouvoir de prendre des ordonnances. J’ai donc dû me rabattre sur une demande de rapport au Gouvernement, demandant que soit étudiée la création d’un tel commissariat.

Il me semble que cette question de la souveraineté numérique dépasse les clivages politiques. Nos débats sur le statut des données personnelles et sur les protocoles de chiffrement ont montré qu’il s’agit d’une question fondamentale. L’enjeu est de savoir comment garantir aux citoyens français leurs droits et libertés dans le cyberespace. Nous devons donc engager un travail de réflexion sur la création d’un tel commissariat et sur l’articulation des activités de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et de la CNIL. Je crois que cette proposition peut recueillir l’assentiment général.

M. le rapporteur. La jurisprudence interne à la Commission et défendue par le président Urvoas prohibe l’adoption de demandes de rapport au Gouvernement. Nous pouvons nous saisir nous-mêmes de ces sujets. Et celui-ci mériterait en effet un examen approfondi.

Mme la secrétaire d’État. L’absence du président Urvoas m’autorise-t-elle à déroger à la règle, pour me déclarer favorable à cet amendement ? Je suis en effet plutôt favorable à l’introduction d’un travail de ce type, bien que je sois par ailleurs peu portée sur le recours aux ordonnances. Je l’ai dit dès mon entrée en fonction : la question de la souveraineté numérique doit être abordée de manière interministérielle et transversale.

En revanche, je ne crois pas à la possibilité d’un système d’exploitation souverain, qui serait peu opérant. La technologie ne saurait être la réponse exclusive. Néanmoins, je soutiens l’idée qu’il convient d’entamer un sérieux travail de fond sur ces enjeux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Nous ne méconnaissons pas la pertinence de ces demandes de rapport. Mais nous adoptons pour ligne de conduite que nous devons alors nous saisir nous-mêmes de la question que doit traiter le rapport, ou qu’il revient au Gouvernement de mettre en jeu ses propres capacités. Lorsqu’il présidait notre commission, M. Warsmann avait dressé la liste des rapports effectivement déposés  : leur nombre était inacceptable. La pertinence du sujet justifierait que nous recourions à d’autres modes de réflexion.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Les règles ne valent que par leur exception. Étant donné l’importance de la question, je suis favorable à la rédaction de ce rapport.

M. Philippe Gosselin. Toute règle connaît en effet des exceptions. Notre collègue Delphine Batho met le doigt sur des questions essentielles, mais je ne veux pas d’un recours aux ordonnances, qui dessaisit le pouvoir législatif. Si nous voulons vraiment une République numérique, nous ne pouvons travailler dans cette direction : nous avons déjà dit que le projet de loi n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée par son titre. Sans souveraineté numérique, il n’y a plus de République du tout. Que le sujet n’ait pas été intégré dès le départ dans le projet de loi en constitue une grave lacune. Cet amendement justifierait donc une exception à la jurisprudence interne à la Commission, constamment rappelée par le président Urvoas. Sur la base de ce rapport, le débat pourrait prospérer.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement CL116, qui va dans le même sens, doit être examiné à la suite. La demande de rapport est en effet le seul moyen de faire avancer la question, puisque tout autre amendement serait irrecevable, soit au titre de l’article 38, soit au titre de l’article 40 de la constitution. Je partage les arguments de Delphine Batho. Face à un système asymétrique où Français et Européens dépendent d’entreprises placées dans l’orbite des États-Unis, il est urgent d’agir. Avancer dans la réflexion serait un premier pas.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis néanmoins gênée par le libellé de l’amendement. S’il s’agissait seulement d’un rapport à rendre dans les trois mois, j’y souscrirais. Mais il est question de créer une instance nouvelle, une nouvelle administration ! Si ce libellé est maintenu, je ne peux que mettre en garde contre la démarche. Réfléchissons à la souveraineté numérique, mais ne créons pas de nouvelle ligne Maginot numérique !

Mme Delphine Batho. Je tiens à remercier le Gouvernement pour l’esprit d’ouverture dont il a témoigné.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CL116 de M. Patrice Martin-Lalande est retiré.

Chapitre II
Économie du savoir

Avant l’article 17

La Commission est saisie de l’amendement CL388 de Mme Catherine Coutelle. 

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Cet amendement est issu d’un rapport d’information de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances. Il s’agit d’élargir le périmètre du service public de l’éducation à la formation aux technologies digitales et à la connaissance des données de la recherche. On note des insuffisances en ce domaine et les jeunes filles se dirigent peu vers les métiers du numérique.

M. le rapporteur. Ce sujet important relève, comme vous l’indiquez, du code de l’éducation. Les ministres Najat Vallaud-Belkacem et Axelle Lemaire ont pris la mesure des enjeux du numérique, qui devient une grande cause nationale. Je souscris aux objectifs que vous poursuivez, mais les nouveaux programmes d’éducation et la formation des enseignants satisfont déjà à vos attentes.

L’amendement est retiré.

Article 17
(art. L. 533-4 [nouveau] du code de la recherche)

Accès aux travaux de recherche financés par des fonds publics

Le présent article vise à faciliter l’accès aux publications issues de travaux de recherche financés majoritairement par des fonds publics et la réutilisation libre des données issues de ces travaux en recherchant un équilibre plus juste entre les intérêts du monde de la recherche et du secteur de l’édition à l’heure du numérique et de la société de la connaissance.

Pour ce faire, il est proposé d’introduire un nouvel article L. 533-4 au sein du chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche relatif à la valorisation des résultats de la recherche par les établissements et organismes de recherche.

Ce nouvel article ne remet pas en cause la protection actuellement accordée par le droit d’auteur et fait le choix de privilégier le modèle de diffusion traditionnel des œuvres des chercheurs (publications dans des revues soumises à abonnement), dans lequel l’auteur transfère tout ou partie de ses droits patrimoniaux à l’éditeur. Il en limite simplement les effets à une certaine période au-delà de laquelle l’auteur peut décider de mettre à disposition gratuitement sur internet le contenu de cette publication. Cet article prévoit également que la réutilisation des données de la recherche ainsi rendue publique ne peut faire l’objet d’aucune limitation de la part de l’éditeur.

Après avoir rappelé le régime juridique du droit d’auteur-chercheur (1) et son articulation avec différents modèles de diffusion des travaux de reche