N° 3542 - Rapport de M. Patrick Bloche sur la proposition de loi , après engagement de la procédure accélérée,de MM. Bruno Le Roux et Patrick Bloche et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (3465)



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N° 3542

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mars 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias,

Par M. Patrick BLOCHE,

Député.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3465.

SOMMAIRE

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Pages

I. PROTÉGER L’INDÉPENDANCE DES JOURNALISTES À L’ÉGARD DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES GRÂCE À LA GÉNÉRALISATION DU DROIT D’OPPOSITION 13

A. RENFORCER DES PROTECTIONS HISTORIQUES INSUFFISANTES DANS UN RAPPORT DE FORCE DÉGRADÉ 13

B. GÉNÉRALISER À TOUS LES JOURNALISTES LE DROIT D’OPPOSITION AUX PRESSIONS FONDÉ SUR LEUR INTIME CONVICTION PROFESSIONNELLE 16

1. L’extension d’un droit reconnu aux seuls journalistes de l’audiovisuel public depuis 1983 16

2. Une protection forte et efficace, dans le plein respect des exigences déontologiques et de la relation d’autorité éditoriale nécessaire à la cohérence de la chaîne rédactionnelle 17

a. Des digues efficaces contre l’intrusion des intérêts économiques 17

b. Une intime conviction « professionnelle » formée dans le respect des chartes déontologiques dont devront se doter tous les médias 18

c. Un droit d’opposition qui préserve le respect de la chaîne hiérarchique au sein des rédactions 19

3. Une effectivité garantie par le juge du travail et contrôlée a posteriori pour l’audiovisuel par le CSA 20

a. Des dispositions immédiatement efficaces 20

b. Une attention particulière portée au respect de ce droit dans le cadre de la régulation spécifique de l’audiovisuel 21

II. GARANTIR L’HONNÊTETÉ ET ASSURER L’INDÉPENDANCE DE L’INFORMATION ET DES PROGRAMMES AUDIOVISUELS FACE AUX INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES 23

A. DONNER AUX MÉDIAS UNE OPPORTUNITÉ DE RENFORCER LEUR LIEN DE CONFIANCE AVEC LES CITOYENS GRÂCE À LA MISE EN PLACE DE COMITÉS D’ÉTHIQUE INDÉPENDANTS 23

B. CLARIFIER LES MISSIONS ET LES MOYENS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL POUR TENIR LES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES À DISTANCE DES PROGRAMMES 26

1. Des missions assignées au CSA éparses et incomplètes et des degrés inégaux de protection des principes dans les conventions conclues avec les éditeurs 26

2. La nécessaire affirmation des principes d’honnêteté et d’indépendance des programmes et le renforcement des moyens confiés au CSA pour en assurer le respect 30

III. PARACHEVER L’INDISPENSABLE TRANSPARENCE DE LA PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 35

II. EXAMEN DES ARTICLES 59

Article 1er (art. 2-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Droit d’opposition des journalistes 59

Après l’article 1er 68

Article 1er bis (art. L 7111-11 du code du travail) : Consultation annuelle du comité d’entreprise sur le respect du droit d’opposition des journalistes 68

Article 1er ter (art. 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Protection du secret des sources des journalistes 69

Après l’article 1er 74

TITRE IER – LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS 75

Article 2 (art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Pouvoirs de régulation du CSA en matière de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes 75

Article 3 (art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Adaptations des conventions conclues entre le CSA et les opérateurs autorisés à utiliser les fréquences hertziennes 80

Article 4 (art. 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Adaptation des conventions conclues entre le CSA et les opérateurs de services diffusés par câble, satellite et ADSL 81

Article 5 (art. 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Prise en compte des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance dans la reconduction simplifiée des autorisations d’émission 82

Article 6 (art. 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Prise en compte des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance dans l’appel aux candidatures pour l’exploitation d’un service de radio ou de télévision 84

Article 7 (art. 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Comités relatifs à l’honnêteté, l’indépendance, le pluralisme de l’information et des programmes 86

Article 8 (art. 18 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Rapport annuel du CSA 95

Article 9 (art. 40 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Limitation de la détention du capital des services audiovisuels par les personnes de nationalité étrangère 96

Article 10 (art. 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Droit d’opposition des journalistes de l’audiovisuel public 97

Après l’article 10 98

Article 10 bis (art. 42 et art. 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Élargissement de la saisine du CSA aux organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France 101

Après l’article 10 101

TITRE II – DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR DE LA PRESSE 102

Article 11 (art. 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse) : Transparence de l’actionnariat et des organes dirigeants des publications 102

Article 11 bis (art. 15 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse) : Suspension des aides publiques aux entreprises de presse en cas de violation des obligations de transparence et du droit d’opposition des journalistes 103

TITRE III – DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES 104

Article 12 : Délai de révision des conventions 104

Article 13 : Délai de mise en place des comités 105

Article 14 : Application sur l’ensemble du territoire de la République 106

TABLEAU COMPARATIF 107

ANNEXES 129

ANNEXE N° 1 : CHARTE D’ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES 129

ANNEXE N° 2 : DÉCLARATION DES DEVOIRS ET DES DROITS DES JOURNALISTES (MUNICH, 1971) 131

ANNEXE N° 3 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 133

ANNEXE N° 4 : CONTRIBUTIONS ÉCRITES ADRESSÉES AU RAPPORTEUR 137

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 2 mars 2016, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation a adopté la proposition de loi visant à renforcer la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias en y apportant les modifications suivantes.

Elle a d’abord précisé que le droit d’opposition élargi à tous les journalistes par l’article 1er comprend le droit pour ces derniers de refuser d’accepter tout acte contraire à leur intime conviction professionnelle dès lors que cette dernière est formée dans le respect des chartes déontologiques, dont elle a rendu l’adoption obligatoire dans toutes les entreprises de presse et de communication audiovisuelle à partir du 1er juillet 2017. Elle a en outre mieux garanti l’effectivité de ce droit en prévoyant, dans un nouvel article 1er ter, que les comités d’entreprise débattent chaque année de son application et en sanctionnant, dans un nouvel article 11 bis, sa violation par la suspension de tout ou partie des aides publiques dont bénéficient les entreprises de presse.

Elle a ensuite, dans un nouvel article 1er bis, très substantiellement réformé et renforcé le droit à la protection du secret des sources des journalistes, en reprenant la rédaction très protectrice qu’elle avait adoptée lors de l’examen pour avis, le 4 décembre 2013, du projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes n° 1127 déposé le 12 juin 2013.

À l’initiative du rapporteur, elle a en outre :

– clarifié les missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la garantie du respect du droit d’opposition des journalistes de l’audiovisuel ;

– reconnu le rôle des médiateurs mis en place dans certaines chaînes ou radios en leur permettant de saisir les comités relatifs au respect des principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information et des programmes ; les garanties d’indépendance des membres de ses comités, dont la désignation devra respecter la parité, ont parallèlement été renforcées ;

– élargi le champ des personnes qui peuvent demander au CSA de mettre en demeure les éditeurs de service de télévision ou de radio de respecter leurs obligations légales aux organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France.

Elle a enfin étendu les sanctions applicables aux entreprises de presse qui ne se conforment pas à leurs obligations de transparence, notamment sur leurs actionnaires, à la suspension des aides publiques qui leur sont versées.

INTRODUCTION

La libre communication des pensées et des opinions, « un des droits les plus précieux de l’homme » aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, appellent une vigilance de chaque instant non seulement contre les assauts de l’intolérance et de la haine, dont la tragique année 2015 nous a rappelé la virulence, mais aussi contre le risque d’uniformisation des pensées ou l’asservissement des discours à des intérêts particuliers, notamment économiques.

Pour prospérer, la liberté d’expression a d’abord besoin de la force du pluralisme des médias, gage de la possibilité de se former une opinion libre dans la diversité de l’expression des pensées. C’est sur ce fondement que le Conseil constitutionnel a estimé que l’exercice effectif de la liberté de communication, « l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés de la souveraineté nationale », nécessite que le Législateur s’assure du pluralisme réel des supports, que ces derniers soient des quotidiens d’information politique et générale (décision n° 84-181 du 11 octobre 1984), des moyens de communication audiovisuelle (décision n° 86-217 du 18 septembre 1986) ou des services de communication au public en ligne (décision n° 2009-580 du 10 juin 2009).

Le pluralisme repose sur une offre abondante et variée, qui justifie à la fois l’existence d’un dispositif de limitation des opérations de concentration, garanti par les lois n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse et n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, ainsi que celle d’un régime d’aides publiques importantes en faveur de la presse écrite, confrontée à de redoutables défis économiques.

Il passe aussi, dans le secteur de l’audiovisuel, où les ressources de diffusion sont rares, par une régulation spécifique et indépendante de l’État, permettant de veiller à ce que les principaux acteurs n’abusent pas de leur audience pour altérer l’accès des citoyens aux divers courants de pensée et d’opinion qui structurent le débat démocratique.

Cependant, le pluralisme ne suffit pas à garantir la liberté de communication. Former son opinion repose tout aussi décisivement sur la possibilité pour les citoyens d’accéder en confiance à une information indépendante, c’est-à-dire à une présentation des faits honnête et dégagée de l’emprise des intérêts particuliers. Sans cette promesse d’objectivité, comme l’écrivait Hannah Arendt dans son livre Vérité et politique en 1967, « les chances qu’a la vérité de fait de survivre à l’assaut du pouvoir sont très minces : elle est toujours en danger d’être mise hors du monde, par des manœuvres, non seulement pour un temps, mais, virtuellement, pour toujours [...] La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. Sans les journalistes, nous ne nous y retrouverions jamais dans un monde en changement perpétuel, et, au sens le plus littéral, nous ne saurions jamais où nous sommes. »

Or cette indispensable confiance est aujourd’hui singulièrement altérée dans notre pays. Le taux de confiance de nos concitoyens à l’égard des médias est, à 39 %, de dix points inférieur à la moyenne relevée dans vingt-sept pays industrialisés par le baromètre de confiance Edelman en janvier 2016. Cette défiance globale revêt deux traits particulièrement inquiétants. Notre pays accuse le plus fort écart entre le niveau de confiance accordé aux médias par le quart des foyers les plus favorisés et le reste de la population, passé de 4 à 16 points depuis 2010. Nos concitoyens portent en outre un regard très sévère sur l’exercice du métier de journaliste, seuls 27 % d’entre-deux les estimant indépendants des pressions politiques et de l’argent selon le plus récent le baromètre réalisé par TNS Sofres pour La Croix en février dernier.

Cette crise de confiance s’inscrit dans une révolution technologique globale. La concurrence effrénée entre les médias alimente en effet, avec sans cesse plus de force, une voracité consumériste de l’instantanéité et une pression brutale sur les coûts de production qui contreviennent de plus en plus manifestement aux exigences induites par la fourniture d’une information complète et de qualité.

Cet environnement fragile fait de la confiance l’une des clefs de la survie de nos médias traditionnels. Et il rend foudroyant et mortel le poison du soupçon, qui peut d’autant plus aisément s’insinuer en France que les grands médias y sont détenus non par des entreprises spécialisées mais par des grands groupes industriels et financiers dont le cœur de métier et, parfois, les préoccupations principales, apparaissent éloignées de la seule communication. Dans ce contexte, le simple soupçon d’une possible censure peut pousser des journalistes aux conditions d’emploi et de travail de plus en plus précaires, ou des sociétés de production contraintes de vendre leurs sujets pour survivre, à s’autocensurer en évitant précautionneusement toute investigation susceptible de heurter les intérêts protéiformes des actionnaires des médias.

Tout comme elle a rétabli l’indépendance de l’audiovisuel public, en particulier en retirant la nomination des présidents des sociétés nationales de programme aux autorités politiques mais aussi à l’égard du budget de l’État, la majorité estime urgent de conforter « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias », conformément à la mission que lui assigne l’article 34 de la Constitution, dans sa nouvelle rédaction issue, à l’initiative du groupe socialiste, républicain et citoyen, de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

À cette fin, la présente proposition de loi propose d’emprunter un chemin nouveau, qui n’est pas celui qu’a parcouru le Législateur à chaque fois qu’il a dû faire face à d’importantes menaces pesant sur le pluralisme à l’indépendance des médias.

À la différence des années 1980 avec l’emprise du groupe Hersant dans la presse écrite ou des années 1990 avec l’hégémonie de TF1 dans l’audiovisuel, l’enjeu est moins aujourd’hui de légiférer contre un danger avéré de monopole dans des médias, dont le nombre et les formes sont diversifiés et dont les difficultés économiques trahissent parfois le besoin d’attirer de nouveaux investisseurs. Cela ne veut pas dire pour autant que l’on doive relâcher l’attention face aux opérations de concentration qui se sont multipliées au cours des derniers mois, et qui s’insèrent dans les mouvements de consolidation des acteurs à l’échelle européenne ou mondiale et de convergence entre la maîtrise des contenus et celles des modes de diffusion.

L’urgence commande toutefois d’instiller sans tarder dans tous les médias, quelle que soit leur taille, de solides garanties d’indépendance leur donnant les moyens de renouer avec la confiance de leur public ; tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Son article 1er propose ainsi de donner aux journalistes, dont tant d’indices montrent que le rapport de force s’est considérablement dégradé par rapport aux éditeurs et aux actionnaires, de nouvelles armes pour résister aux pressions économiques. Refusant d’investir le champ de la déontologie, qui relève de l’éthique personnelle et de la négociation collective de la profession, il procure aux journalistes eux-mêmes les moyens de demeurer à l’abri de toute pression en étendant à chacun d’entre eux le droit d’opposition reconnu aujourd’hui aux seuls journalistes de l’audiovisuel public. Serait ainsi intégré à la loi fondatrice du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, le droit pour un journaliste de refuser de signer un article, une émission ou une contribution modifiés contre sa volonté et, de manière générale, de refuser tout acte contraire à son intime conviction professionnelle, évidemment formée dans le respect des règles déontologiques qui sont au cœur de l’exercice du métier de journaliste.

La proposition de loi offre ensuite l’opportunité aux médias audiovisuels de renforcer un lien de confiance fragilisé en généralisant, dans son article 7, la mise en place de comités chargés de contribuer à l’indépendance, au pluralisme et à l’indépendance de l’information et des programmes. Ces nouvelles instances, qui ont déjà émergé au sein de plusieurs médias, ont en effet manifestement besoin d’un cadre législatif unifiant qui garantisse leur indépendance et l’effectivité de leur action, sauf à risquer que leur mise en œuvre spontanée mais très imparfaite dans certains médias ne ruine aux yeux du public leur indispensable crédibilité.

Elle confie ensuite à l’autorité publique indépendante chargée de réguler le secteur audiovisuel la mission et les moyens de veiller au respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes. Soucieuse d’efficacité et respectueuse de la liberté des médias, la démarche retenue refuse toutefois d’ériger le Conseil supérieur de l’audiovisuel en juge quotidien et tatillon de l’éthique des rédactions. Le dispositif proposé préfère clarifier les compétences et les prérogatives du régulateur en matière de pluralisme et d’honnêteté de l’information, aujourd’hui éparses dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et très inégalement appliquées selon les conventions.

Surtout, en lui confiant explicitement la mission de veiller à l’indépendance non seulement de l’information mais de tous les programmes, le texte permet au CSA de s’assurer de l’absence d’interférences des intérêts économiques des actionnaires et des annonceurs sur les contenus diffusés. Elle lui confie en cohérence tous les moyens de sanctionner les manquements à ces principes comme d’en tirer les conséquences lors de l’attribution et du renouvellement des autorisations d’usage de fréquences.

En dernier lieu, il est proposé à l’article 11 de parachever l’indispensable mouvement de transparence de la presse en proposant de rendre publiques, chaque année ainsi qu’à chaque mouvement de capital, la composition de l’actionnariat et celle des organes dirigeants de l’ensemble des publications de presse écrite et en ligne.

L’indépendance de l’information, c’est d’abord la liberté des journalistes d’effectuer leur travail en conscience, sous la seule contrainte morale induite par les grands principes déontologiques du métier. Cette liberté exige qu’ils demeurent à l’abri des pressions, c’est-à-dire qu’ils aient les moyens de résister à la tutelle des intérêts politiques comme économiques.

Sur ce fondement, les journalistes se sont vus reconnaître, au rythme où s’est enracinée la République en France, de nombreux droits destinés à leur permettre de rechercher la vérité dans les meilleures conditions, d’analyser les faits et d’exposer différents points de vue afin de garantir aux lecteurs, aux téléspectateurs et aux auditeurs le droit à une information libre, plurielle et honnête.

En premier lieu, le Législateur a protégé les journalistes des entraves juridiques susceptibles de les empêcher indûment d’exercer leur travail.

La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse a ancré depuis près d’un siècle et demi la liberté d’expression en mettant en place un régime juridique stable définissant clairement la responsabilité pénale, circonvenant les délits de presse et assortissant les procédures relatives aux infractions de presse de plusieurs garanties spéciales.

À cet égard, cette loi décisive n’a laissé qu’un seul chantier encore inachevé. La protection efficace du secret des sources, corollaire nécessaire de la liberté d’expression et de la capacité des journalistes à jouer leur rôle de « chiens de garde » de la démocratie, demeure en effet trop imparfaitement garantie par les dispositions de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 issues de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, en particulier en raison de l’imprécision des motifs permettant d’y porter atteinte et de l’excessive marge d’interprétation laissée à l’autorité judiciaire. Pour remédier à cette situation, la Commission a très substantiellement réformé et renforcé le droit à la protection du secret des sources en reprenant la rédaction très protectrice qu’elle avait adoptée dans l’avis émis le 4 décembre 2013 sur le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes n° 1127 déposé le 12 juin 2013 (1).

En second lieu, il s’est avéré nécessaire d’étendre à tous les journalistes, quelles que soient leurs conditions d’emploi, le bénéfice d’un statut protecteur.

Tel a été l’objet de la loi « Brachard » du 29 mars 1935, qui a créé le statut de « journaliste professionnel », aujourd’hui codifié au premier alinéa de l’article L. 7111-3 du code du travail, défini comme « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques et dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Ce statut a été ensuite étendu par la loi « Cressard » n° 74-630 du 4 juillet 1974 codifiée à l’article L. 7112-1 du code du travail, aux journalistes pigistes. À cet effet, la loi a introduit la notion de « présomption de salariat », quels que soient le mode et le montant de la rémunération, dès lors que l’intéressé tire l’essentiel de ses ressources de cette activité. La loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle a complété cette lente construction en intégrant dans le champ des journalistes professionnels les journalistes travaillant dans toute entreprise de communication audiovisuelle. L’ensemble de ces acteurs bénéficie désormais des protections inscrites dans la convention collective nationale de travail des journalistes adoptée le 1er novembre 1976 puis refondue le 27 octobre 1987 et étendue par le décret du 2 février 1988.

En dernier lieu, deux dispositions législatives exorbitantes du droit commun, introduites par la loi « Brachart » et codifiées dans l’article L. 7112-5 du code du travail, forment l’armature de la protection juridique de l’indépendance des journalistes contre les abus et les dérives de leurs employeurs.

La clause de cession permet au journaliste de démissionner tout en bénéficiant de l’assurance chômage lorsque l’entreprise pour laquelle il travaille change d’actionnaires.

La clause de conscience applique le même dispositif dans les cas où le journaliste apporte la preuve d’un « changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal », même en l’absence de transformation de l’actionnariat, créant « pour la personne employée une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux ».

L’efficacité de ces clauses tient au régime avantageux des indemnités qui accompagnent leur usage. Leur montant est en effet soit fixé, pour les journalistes comptant moins de quinze années d’ancienneté, à un mois de salaire par année d’ancienneté (article L. 7112-3 du code du travail), soit déterminé, pour ceux employés depuis quinze ans et plus, souverainement et sans appel par une commission paritaire arbitrale des journalistes (article L. 7112-4).

Ces deux clauses sont cependant des armes de dernier recours, ne laissant aux journalistes soucieux de préserver leur liberté lorsqu’ils l’estiment menacée que le choix de se soumettre ou de se démettre, et ce encore dans les seules circonstances nécessairement particulières que forment les changements d’actionnaire ou les inflexions « notables » de la ligne éditoriale.

D’usage rare, elles apparaissent manifestement aujourd’hui insuffisantes face au net accroissement des difficultés et des pressions pesant sur l’exercice quotidien de leur métier.

Force est ainsi de constater une nette aggravation de la précarité de la profession dont de nombreux indices trahissent l’accélération. De manière révélatrice, la proportion de pigistes atteint désormais 20 % des journalistes professionnels – dont la définition exclut d’ailleurs ceux qui ne parviennent à tirer de cette activité au moins la moitié de leurs ressources –, contre moins de 10 % en 1975 et 15 % en 1990. On observe parallèlement un affaissement des rémunérations et une accentuation des inégalités dans leur répartition. Le revenu médian des journalistes en CDD a chuté de 20 % depuis 2010, pour atteindre 1 914 euros par mois en 2014, celui des pigistes s’est replié de près de 5 %, s’établissant à 1 961 euros par mois, tandis que celui des titulaires de CDI stagnait (+ 1 %) pour atteindre 3 469 euros, en dépit du vieillissement de leurs bénéficiaires dont l’âge moyen a progressé de trois ans.

Dans le même temps, les conditions de travail se sont manifestement globalement dégradées, rendant par exemple plus troublant que jamais l’écho aujourd’hui produit par la lecture d’un communiqué de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels datant du 4 février 1992 dénonçant le « discrédit dont les médias font l’objet dans l’opinion publique et les conditions de plus en plus scabreuses qui président à la collecte de l’information – âpreté de la concurrence, hantise de l’audimat, recherche du scoop à tout prix, poids de la publicité, vitesse accélérée de la transmission des nouvelles, réduction du temps nécessaire à leur vérification », vitesse fortement accrue avec l’épanouissement des nouvelles technologies de l’information.

Ce processus de subordination du métier de journaliste aux impératifs de vitesse, de productivité et de rentabilité, conjugué à la précarisation croissante des contrats et des rémunérations, font peser des risques importants non seulement sur leur liberté d’investigation, mais aussi sur leur capacité à respecter les précautions déontologiques les plus essentielles tout en faisant face aux intrusions directes ou indirectes des intérêts économiques de leurs employeurs et des annonceurs.

Même les protections collectives les plus efficaces, à l’image de la constitution de sociétés de rédacteurs ou de journalistes dont le nombre a connu une augmentation spectaculaire à partir de 2005, révélatrice d’un net changement de climat, éprouvent aujourd’hui d’évidentes difficultés à mener un combat équitable pour la protection des droits de leurs membres et pour la qualité de l’information lorsque leur est si souvent opposée la menace des plans sociaux voire la survie même de leurs entreprises.

Afin de rééquilibrer ce rapport de force dégradé, l’article 1er de la proposition de loi a pour objet d’accorder à tous les journalistes le droit d’opposition aux pressions créé par l’additif de l’avenant du 9 juillet 1983 relatif à l’audiovisuel public à l’article 5 de la convention collective nationale de travail des journalistes du 1er novembre 1976.

Ce droit avait été introduit au moment de la libéralisation de l’audiovisuel afin de protéger les journalistes des chaînes nationales face aux pressions émanant des autorités politiques. Vingt-cinq ans plus tard, afin de signifier l’importance qu’il leur accorde et d’en garantir la pérennité, le Législateur a inscrit dans la loi, à l’initiative de l’opposition d’alors, l’essentiel de ses dispositions lors de la réforme des sociétés nationales de programme mise en œuvre par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Le VI de l’article 44 la loi du 30 septembre 1986 dispose ainsi désormais que « tout journaliste d’une société nationale de programme a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d’émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle ».

On remarquera qu’à cette occasion, l’additif n’a pas été transcrit dans son intégralité. En effet, le choix a été fait tout d’abord de resserrer la rédaction de l’article sur ses dispositions les plus opératoires. N’ont ainsi pas été repris dans la loi ni le second alinéa de l’additif, aux termes duquel « le journaliste ne peut être contraint à accepter un acte professionnel ou à diffuser des informations qui seraient contraires à la réalité des faits », efficacement couvert par la prescription générale de toute contrainte obligeant le journaliste à accepter un « acte contraire à son intime conviction professionnelle », ni ses deux derniers alinéas, selon lesquels « un employeur ne peut exiger d’un journaliste un travail promotionnel ou ne peut utiliser son nom à des fins publicitaires sans l’accord de celui-ci » et « le journaliste ne saurait user de la notoriété acquise dans sa profession pour servir, hors de cette profession, la publicité d’un produit, d’une entreprise ou d’une marque », qui sont déjà protégés de manière générale et pour tous les journalistes par l’article 5 de la convention collective précitée.

Surtout le Parlement, soucieux de confier un droit sans interférer dans la définition de règles déontologiques qui relèvent des négociations professionnelles, n’a pas transcrit dans la loi le premier alinéa de l’additif, qui prévoit expressément que « les journalistes exerçant leur profession dans une des entreprises signataires tiennent pour règle de leur activité professionnelle la Charte des devoirs du journaliste publiée par le Syndicat national des journalistes en juillet 1918 et complétée le 15 janvier 1938 ».

Sous ces deux réserves, c’est cet acquis précieux et efficace que l’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet d’étendre à tous les journalistes, qu’ils travaillent dans la presse (écrite et en ligne) ou dans l’audiovisuel (privé comme public), en déplaçant sans les modifier les dispositions actuelles du VI de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 dans la loi du 29 juillet 1881, qui concerne l’ensemble de la presse.

Les protections induites par ces dispositions accordent aux journalistes les garanties nécessaires pour que, dans l’exercice de leurs fonctions, les intérêts de l’employeur ne puissent en aucune manière altérer l’information qu’ils délivrent.

Elles recouvrent en effet, d’un côté, des aspects précis de la démarche du journaliste, dont le dévoiement met naturellement en cause l’honnêteté de l’information, tels le respect de la protection des sources et le droit de refuser de signer un article ou une émission qui aurait été modifié sans son agrément.

Mais elles fournissent aussi, de l’autre, une protection à caractère général, susceptible de couvrir tous les champs où peuvent surgir les influences, en donnant au journaliste le droit de refuser « toute pression » et celui de ne pas être contraint d’accepter un « acte contraire à son intime conviction professionnelle ».

La référence à l’intime conviction, cette « preuve morale » fondatrice de notre droit introduite par la Constituante en 1791, offre en effet l’avantage considérable d’induire la constatation d’une forte intensité subjective des motivations de la personne qui l’invoque, sans préjuger du mode de preuve par lequel celle-ci est convaincue. Le texte de l’adresse aux jurés qui seul la définit, inchangé depuis la Révolution, désormais inscrit dans l’article 353 du Code de procédure pénale, lu avant tout délibéré et affiché dans toutes les salles des délibérations, dispose ainsi que « la loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leur devoir : avez-vous une intime conviction ? ».

Pour autant, il est précisé que cette intime conviction est « professionnelle », ce qui implique qu’elle doit trouver ses fondements dans l’accomplissement des démarches et le suivi des précautions fondamentales qui constituent l’exerce loyal et professionnel du métier de journaliste.

La Commission a précisé en cohérence que cette conviction doit être formée dans le respect de la charte déontologique dont devront se doter tous les média concernés à compter du 1er juillet 2017, grâce à la conduite de négociations engagées dès la promulgation de la loi issue de la présente proposition de loi.

Ces chartes seront nécessairement établies en référence aux grands principes déontologiques qui inspirent la profession, sans lesquels le journaliste ne peut légitimement former une intime conviction professionnelle. Cette acception est d’ailleurs conforme au raisonnement suivi par la Cour européenne des droits de l’Homme pour encadrer l’exercice de la liberté d’expression et de communication, par exemple dans son arrêt Stoll contre Suisse du 10 décembre 2007 dans lequel elle relève que « dans un monde dans lequel l’individu est confronté à un immense flux d’informations, circulant sur des supports traditionnels et électroniques et impliquant un nombre d’acteurs toujours croissant, le respect de la déontologie journalistique revêt une importance accrue ».

Par respect de la liberté d’informer, la présente proposition de loi ne vise pas à fixer dans la législation ces principes déontologiques, qui ont vocation à émerger des négociations collectives entre les journalistes et les éditeurs. Le Rapporteur regrette à cet égard que celles-ci n’aient pas permis à ce jour d’adosser la convention nationale collective des journalistes sur un texte juridiquement contraignant. En l’absence d’une telle définition, l’identification des principes déontologiques par les chartes adoptées par les entreprises ou, dans leur attente, par le juge dans son interprétation de l’intime conviction professionnelle, devra s’inspirer des grands textes reconnus par la profession, aux premiers rangs desquels figurent la charte d’éthique professionnelle des journalistes publiée en juillet 1918 à l’initiative du syndicat des journalistes et révisée en janvier 1938 puis en novembre 2011, ainsi que la déclaration des droits et devoirs des journalistes adoptée en 1971 à Munich par les représentants des fédérations de journalistes de la Communauté économique européenne, de la Suisse et de l’Autriche, ainsi que par les organisations internationales de journalistes.

On rappellera que la première charte (voir l’annexe 1), qui vise à « moraliser la profession et écarter les indignes »rassemble quelques principes simples, prévoyant en particulier que le journaliste doit « prendre la responsabilité de tous ses écrits », « garder le secret professionnel » et « ne pas confondre son rôle avec celui d’un policier », qu’il doit considérer la calomnie, les accusations sans preuves, la déformation des faits et le mensonge comme « les plus graves fautes professionnelles », ne jamais se faire passer pour un autre ni « user de moyens déloyaux pour obtenir une information », qu’il doit refuser d’être rémunéré par un service public ou par une entreprise privée qui pourrait profiter de sa qualité de journaliste, de ses influences et de ses relations, qu’il ne doit d’ailleurs jamais signer de son nom des publicités ni s’abriter derrière la liberté de la presse « dans une intention intéressée » et, qu’enfin, ses articles doivent être originaux et citer les confrères s’ils s’en inspirent.

La charte de 1971 (voir l’annexe 2) précise quant à elle dans son préambule que « le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain » et que « la responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics ». Elle définit ensuite dix devoirs et cinq droits fondamentaux des journalistes et de leurs employeurs, parmi lesquels le respect de la vérité et de la vie privée, l’impératif de ne publier que des informations « dont l’origine est connue » ou accompagnées de réserves, l’obligation de « rectifier toute information qui se révèle inexacte », de « ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement » et de refuser les pressions comme « les consignes, directes ou indirectes, des annonceurs ». Parmi les cinq droits coexistent la possibilité d’avoir un « libre accès à toutes les sources d’information » et celle d’enquêter « librement » sans se voir opposer le « secret des affaires publiques ou privées », sauf exception clairement justifiée.

Le nouveau droit d’opposition s’intégrerait efficacement dans l’architecture juridique du droit de la presse, en ne remettant nullement en cause l’autorité de l’employeur inhérente au lien de subordination qui l’unit au journaliste.

En effet, ce droit n’interfère en rien avec la ligne éditoriale. Tout journaliste disposant grâce aux clauses de cession et de conscience de la faculté de quitter sa publication lorsque sa ligne éditoriale heurte ses convictions personnelles, il est légitime de considérer que l’angle éditorial choisi par l’éditeur est compatible avec l’« intime conviction professionnelle » du journaliste qui demeure dans l’entreprise.

Dans une même logique, les directives découlant de la relation de subordination induite par le contrat de salariat ne sauraient entrer dans le champ des « pressions » qu’il est proposé d’interdire. De même, l’autorité du directeur de la rédaction, rendue notamment nécessaire par l’exercice de sa responsabilité pénale engagée, en application de l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, en cas de crime ou délit commis par voie de presse, n’est en rien altérée. Aucune disposition du nouveau droit ne pourrait en effet être interprétée comme exonérant le journaliste de son obligation de ne commettre aucune infraction pénale, interdite de manière générale par les dispositions inchangées de la loi de 1881, qui confie à cet effet au directeur de la publication la mission de s’assurer que le contenu publié, s’il est écrit ou s’il est préalablement enregistré, ne constitue pas une infraction pénale. Enfin, le refus de signer des œuvres altérées ne peut constituer un manquement professionnel, comme le garantit d’ailleurs déjà la jurisprudence, sur le fondement du droit de la propriété intellectuelle.

Ainsi, par exemple, la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 23 novembre 2001 a considéré qu’un journaliste pouvait refuser de signer un article modifié par le directeur de la publication sans encourir un licenciement, en estimant que « si au sein d’un organe de presse, les collaborateurs journalistes ne sont pas hors du champ d’application du pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise ou de ses délégataires, il ne peut être fait abstraction, pour apprécier la rectitude de l’usage de ce pouvoir, des droits consacrant l’indépendance des journalistes et de leurs droits au titre de la propriété intellectuelle ». De même, le directeur de la publication qui souhaite faire respecter la ligne éditoriale d’une publication doit toutefois respecter le droit moral que détient le journaliste sur son œuvre, la Cour d’appel de Paris ayant par exemple considéré, dans un arrêt du 9 mai 1989, que si le directeur de la publication exerçait « un contrôle sur les textes à publier au regard de l’orientation du journal et de l’objectif recherché par celui-ci, ces limites ne sauraient justifier des modifications de l’écrit original dénaturant le style de l’auteur et l’esprit de son œuvre ».

L’article 1er de la présente proposition de loi ne propose pas d’assortir le droit d’opposition qu’il généralise de sanctions pénales qui en sanctionneraient la violation. L’objet de ce droit est en effet d’assainir et de protéger les conditions d’exercice de l’activité de journaliste, qui doit s’exercer à l’abri des pressions de toute nature qui pourraient être exercées sur lui par exemple par les actionnaires ou par les annonceurs publicitaires de l’éditeur qui l’emploie. Sa vocation est donc de s’appliquer dans le cadre régulier de la relation de travail et, par conséquent, d’être protégé dans le cadre régulier du droit du travail, c’est-à-dire, en cas de litiges, dans un éventuel contentieux de nature disciplinaire ou prud’homal.

Il importe d’observer en effet que les facultés garanties au journaliste sont d’application immédiate. L’objet de l’article 1er est ainsi de lui permettre, immédiatement, de refuser de céder à une pression, d’accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle, ou de signer un article ou une émission modifiée contre son gré. L’acte premier est donc le refus d’agir du journaliste, qui ne dépend que de ce dernier et est immédiatement efficace.

La rupture du droit implique un second acte, émanant en particulier de l’employeur, sous la forme d’une sanction du journaliste liée à ce refus et matérialisée par exemple par un licenciement dès lors abusif. Il appartient donc logiquement au juge du travail, et seulement à lui, de garantir l’effectivité du droit en annulant les éventuelles sanctions subies par le journaliste en raison de l’exercice de son droit d’opposition.

Cependant, la force principale du nouveau droit est qu’il pose une règle de principe claire et compréhensible par tous, aisément invocable par les journalistes dans leurs relations de travail quotidiennes avec leurs employeurs, sous le contrôle vigilant du juge en cas de conflit professionnel. Cette clarté tranche avec la complexité des prérogatives dont ils peuvent se prévaloir notamment dans la durée beaucoup plus lente des contentieux au titre des droits d’auteur.

Il n’est ainsi pas indifférent de constater que le droit d’opposition reconnu aux journalistes de l’audiovisuel public depuis 1983, n’a fait l’objet depuis son introduction d’aucun contentieux, démontrant la capacité directement opératoire et efficacement dissuasive des dispositions qu’il comporte.

La Commission a par ailleurs renforcé l’effectivité de ce droit en prévoyant, dans un nouvel article 1erter, que les comités d’entreprise débattent chaque année de son application et en sanctionnant, dans un nouvel article 11 bis, sa violation par la suspension de tout ou partie des aides publiques dont bénéficient les entreprises de presse.

Les médias audiovisuels sont placés dans une situation différente des entreprises de presse, écrites ou en ligne. La rareté des fréquences à laquelle ils recourent et l’ampleur de leur audience imposent en effet qu’ils fassent l’objet d’une régulation particulière. Celle-ci est d’autant plus légitime qu’elle est désormais assumée par une autorité pleinement indépendante depuis que la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a garanti son émancipation de tout clivage politique en imposant le recueil d’un très fort consensus – matérialisé par l’avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages de la commission permanente concernée –, avant la nomination des six membres du collège autre que son président par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Le conseil supérieur de l’audiovisuel doit d’ores et déjà veiller à ce que les éditeurs de télévision et de radio respectent le pluralisme et l’honnêteté de l’information. D’évidence, la rupture des nouveaux droits proposés par l’article 1er constitue un manquement flagrant à ces deux principes décisifs, que l’autorité indépendante se devrait de sanctionner.

Dans la clarification des missions du CSA relatives à l’indépendance des médias énoncée par l’article 2 de la présente proposition de loi, il est ainsi logiquement proposé de préciser qu’il veille à ce que les éditeurs de services de télévision et de radio respectent notamment le nouveau droit d’opposition étendu à tous les journalistes, ainsi reconnu comme l’un des fondements décisifs de cette indépendance.

Pour autant, la Commission a souhaité lever toute ambiguïté sur la nature de ce contrôle, qui ne saurait en aucune manière placer le CSA en arbitre ou censeur ex ante des relations professionnelles particulières nouées entre un journaliste et la chaîne qui l’emploie. Le juge du droit d’opposition pour chaque journaliste, qu’il travaille dans le secteur de la presse ou dans celui de l’audiovisuel, ne peut être – comme il a été vu supra –, que le juge du travail. Toutefois, dans le cadre de sa régulation des grands principes gouvernant la communication audiovisuelle, il est nécessaire que l’autorité indépendante accorde dans l’exercice naturel de ses missions une attention particulière aux manquements à ces obligations particulièrement essentielles à l’indépendance de l’information.

C’est pourquoi la Commission a précisé, à l’initiative du Rapporteur, que les conventions conclues entre le conseil supérieur de l’audiovisuel et les éditeurs de service audiovisuel comportent des dispositions garantissant l’effectivité du droit d’opposition. L’autorité de régulation pourrait en cohérence sanctionner, a posteriori, les sociétés qui enfreindraient leurs obligations conventionnelles en exerçant ou en laissant exercer des pressions sur les journalistes tendant à faire prévaloir leurs intérêts ou ceux de leurs actionnaires et de leurs annonceurs sur l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes.

La conviction profonde du Rapporteur est qu’il appartient aux médias eux-mêmes, conformément à leur intérêt bien compris, de garantir à leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs la qualité et l’indépendance de l’information et des programmes qu’ils délivrent. Sans cet effort, ils courent le risque de rompre l’indispensable lien de confiance sans lequel la crédibilité même de leurs activités, et par conséquent la pérennité de leur audience, risquent d’être irrémédiablement compromises.

C’est pourquoi la présente proposition de loi ne se contente pas d’étendre le champ de la régulation de l’audiovisuel au contrôle de l’indépendance et de l’honnêteté de l’information, dont le respect du nouveau droit d’opposition sera l’une des garanties. Ce mouvement ne saurait en effet dispenser les éditeurs de service de télévision et de radio d’assurer, en leur sein, en toute indépendance, que les intérêts économiques de leurs actionnaires et de leurs annonceurs n’interfèrent pas avec leurs programmes.

De manière spontanée, des comités dits d’éthique professionnelle ont vu le jour au cours des dernières années. Un comité a d’abord été créé en novembre 2010 au sein du groupe Le Monde afin de veiller au respect de la charte d’éthique et de déontologie dont la publication s’est dotée, avant qu’un comité de suivi soit mis en place au sein du groupe France Télévisions en septembre 2011 sur le fondement d’une charte des antennes actualisée en juillet 2011. Ce mouvement s’est accéléré en 2015 en réponse aux nombreuses questions déontologiques soulevées par le traitement des attentats de janvier, avec la création de comités, pour le groupe NextRadio, à BFM et à RMC, puis, dans le groupe Canal +, pour la seule chaîne iTélé et enfin, s’agissant du groupe TF1, pour LCI.

Ces instances, aux statuts et aux prérogatives très variables, sont une réponse au double besoin de disposer d’instances de réflexion et de dialogue permettant à la direction et à la rédaction de débattre des questions éthiques auxquelles elles sont confrontées et de prouver l’indépendance de l’information délivrée aux citoyens grâce à l’intervention d’un regard neutre et objectif. La très forte résonance acquise par la démission des membres du comité d’éthique de la chaîne iTélé à l’automne 2015, a d’ailleurs constitué un exemple particulièrement révélateur de la pertinence aux yeux du public de ce type d’organe et des évidentes imperfections de leur concrétisation.

Ces comités n’ont cependant de sens et n’ont une chance de convaincre nos concitoyens que s’ils disposent de trois qualités incontournables.

D’abord, leurs membres doivent être à l’abri de tout soupçon de collusion avec les éditeurs, leurs actionnaires et leurs annonceurs. Sans cette qualité élémentaire, aucune crédibilité ne pourra être accordée à leurs activités et cette idée prometteuse sera irrémédiablement gâchée.

Ensuite, ces comités doivent pouvoir se saisir de toute question faisant naître un doute sur l’honnêteté ou l’indépendance de l’information, d’où qu’elle émane. Sans cette faculté, le risque sera considérable que ces instances soient perçues comme des organes factices permettant aux éditeurs, voire même aux journalistes, d’auto-justifier leurs choix éditoriaux en demeurant maîtres des sujets examinés par le comité.

Enfin, une telle démarche ne peut avoir de sens et de portée que si elle est accomplie dans tous les grands médias diffusant des émissions d’information, selon des règles et des principes homogènes, sauf à brouiller leur lisibilité et à faire peser sur les sociétés qui refuseraient de s’en doter, un soupçon abîmant leur crédibilité.

En l’absence de prescription fixée dans la loi, l’initiative de la création de tels comités revient aujourd’hui aux chaînes, qui en fixent les contours et les missions dans les conventions qu’elles négocient avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il en résulte des formes et des procédures disparates ne répondant qu’imparfaitement aux impératifs identifiés ci-dessus.

Si chacune des conventions signées avec iTélé, BFM et LCI prévoit bien que leur comité soit composé « de personnalités indépendantes de la société titulaires et des sociétés qui la contrôlent directement ou indirectement », ces prescriptions trop générales n’empêchent pas efficacement la nomination de membres dont les intérêts croiseraient ceux des actionnaires ou des annonceurs. En outre, les conventions d’iTélé et de BFM prévoient que le comité ne peut être consulté que par la direction. Seule la convention de LCI permet au comité de s’autosaisir ou d’être saisi par les représentants du personnel. Surtout, la nature et la portée des travaux de cet organe demeurent imprécises, les deux premières conventions se contentant de stipuler qu’il établit « un rapport annuel », sans aucune publicité, tandis que la dernière prévoit utilement la « communication du bilan annuel aux dirigeants, aux représentants du personnel et au conseil supérieur de l’audiovisuel ».

Pour mettre de l’ordre dans ces initiatives intéressantes mais désordonnées et tirer un plein parti de l’opportunité d’autorégulation qu’elles recèlent, l’article 7 de la présente proposition de loi a pour objet de généraliser la mise en place de comités auprès de toutes les sociétés éditrices d’un service de radio ou de télévision, y compris les sociétés nationales de programme. Ce comité pourrait bien sûr être commun aux divers services détenus par une même personne morale. Afin de concentrer leur création là où elle revêt un enjeu urgent et indispensable et de ne pas créer de contraintes là où elles sont inutiles, il est précisé que ne seraient concernés que les éditeurs de services « à vocation nationale » et qui diffusent « des émissions d’information politique et générale ».

En cohérence avec l’extension du champ de la régulation exposée infra et conformément aux défis aujourd’hui posés à l’information, ces comités auront pour mission de contribuer au respect des principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information, cette indépendance étant appréciée, grâce au renvoi implicite à la nouvelle rédaction proposée pour l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, notamment à l’égard des intérêts économiques des actionnaires des éditeurs et de leurs annonceurs. Le respect du nouveau droit d’opposition qu’il est proposé d’étendre à tous les journalistes, serait naturellement l’un des indices de cette indépendance.

L’indépendance de ces comités sera garantie par des dispositions particulièrement protectrices, inspirées de celles qui président aujourd’hui à la définition de la prise illégale d’intérêt par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public en application de l’article L. 432-12 du code pénal.

De manière nécessairement précautionneuse, ne pourraient ainsi être nommées dans ces comités que des personnes qui, pendant leurs fonctions et dans un délai de trois ans précédant leur nomination, n’ont « pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque » dans la société éditrice du service de radio ou de télévision concernée, chez l’un de ses actionnaires ou dans une des sociétés dans laquelle cet éditeur ou l’un de ses actionnaires détient une participation ou avec lequel il entretient une relation commerciale. La Commission a outre précisé que les membres s’engageront à ne pas se placer dans cette situation de conflit d’intérêt dans l’année qui suit la fin de leurs fonctions.

Pour garantir que les comités puissent examiner tous les faits susceptibles de constituer un manquement aux principes précités, il apparaît indispensable que toute personne, qu’il s’agisse de la direction, des salariés mais aussi de tous les téléspectateurs, auditeurs et citoyens, puisse attirer leur attention sur tout sujet. Toutefois, pour permettre un traitement plus souple des demandes manifestement infondées, la rédaction proposée fait une différence entre le comité lui-même, qui pourrait « s’autosaisir », et les autres personnes, qui auraient la faculté de le « consulter pour avis », selon des procédures moins lourdes que celles induites par une saisine formelle.

Les activités de ce comité seraient, elles aussi, très clairement encadrées. Il devrait bien sûr informer le Conseil supérieur de l’audiovisuel de tout manquement qu’il constate, cette information étant nécessaire à l’exercice par l’autorité indépendante de son pouvoir de régulation. De même, le comité devra naturellement établir un bilan annuel public.

Dans le respect de ces principes fondamentaux sans lesquels la crédibilité des comités ne serait pas garantie, la proposition de loi laisse toute latitude utile aux éditeurs et au CSA pour négocier dans les conventions qui les unissent la composition précise, en particulier le nombre de ses membres, bien évidemment dans le respect de la parité, et le fonctionnement (fréquence des réunions, modalités de réponse aux demandes d’avis, etc.) des comités, qui seraient ainsi adaptés notamment à la nature du service en cause et à l’importance de sa programmation et de son audience en matière d’information politique et générale.

En raison de la rareté des ressources qu’ils utilisent et de l’étendue de leur audience, les sociétés d’édition de services de communication audiovisuelle se sont vues imposer, dès la libéralisation de l’audiovisuel, des obligations visant à garantir la diffusion d’informations honnêtes, pluralistes et indépendantes, en particulier à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, sous le contrôle naturel de l’autorité de régulation.

Toutefois, les missions assignées à cette fin au Conseil supérieur de l’audiovisuel sont aujourd’hui éparses dans la loi du 30 septembre 1986 et les instruments d’action dont il dispose sont d’une efficacité inégale selon la nature du principe et même, parfois, selon les éditeurs concernés.

Le pouvoir général du CSA d’adresser des « recommandations » générales aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle ne s’étend ainsi qu’au respect du « caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ». L’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction actuelle, limite en effet le champ des recommandations publiées au Journal officiel que le régulateur peut adopter, aux obligations résultant du respect « des principes énoncés dans la présente loi ». Or seul le non respect du pluralisme figure, à l’article 1er de la loi, parmi les principes qui peuvent limiter l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle. Plus spécifiquement, l’article 13 de cette même loi dispose que le Conseil supérieur de l’audiovisuel « assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier [et donc pas seulement] pour les émissions d’information politique et générale », l’article 16 lui imposant même d’adopter des recommandations « pour la durée des campagnes électorales ».

Les manquements aux obligations « qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 », et par voie de conséquence aux obligations induites par les recommandations qui les mettent en œuvre, peuvent ensuite donner lieu à des mises en demeure décidées par le Conseil, de sa propre initiative ou sur demande des organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle, du Conseil national des langues et cultures régionales, des associations familiales et les associations de défense des droits des femmes ainsi que des associations ayant, dans leur objet social, la défense des intérêts des téléspectateurs. Si l’éditeur ne se conforme pas à ces mises en demeure, le CSA peut ensuite prononcer, pour un manquement du même type et selon sa gravité, une échelle de sanction passant par des amendes, fixées dans la limite de 3 % (5 % en cas de récidive) du chiffre d’affaires annuel et pouvant aller jusqu’au retrait de l’autorisation de diffuser.

L’impartialité et la protection contre tout risque d’arbitraire et d’aléatoire dans le déclenchement de ces sanctions ont été garanties par la loi précitée du 15 novembre 2013, qui a confié la responsabilité de l’engagement des poursuites, après saisine du directeur général du CSA, et celle de l’instruction préalable à un rapporteur indépendant, nommé par le vice-président du Conseil d’État après avis du CSA, parmi les membres des juridictions administratives.

Les principes d’honnêteté et d’indépendance relèvent quant à eux des procédures spécifiques que sont la délivrance et le renouvellement des autorisations de diffusion et la négociation des conventions signées entre le CSA et les éditeurs, en contrepartie de ces autorisations.

L’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit ainsi que le CSA délivre les autorisations de diffusion des télévisions et des radios et les renouvelle au regard de l’« impératif prioritaire que [forme notamment] la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels » et en tenant compte, « pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale », de la qualité des « dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ».

Cette délivrance est subordonnée à la conclusion d’une convention qui, en application de l’article 28, « doit notamment respecter les principes de l’honnêteté et du pluralisme de l’information », la reprise des « dispositions envisagées » en matière d’honnêteté et d’indépendance qui ont pu motiver la délivrance de la fréquence n’étant pas explicitement imposée par la loi. Comme pour les recommandations, la violation des engagements conventionnels des diffuseurs est passible de sanctions. Celles-ci sont toutefois définies dans la convention, et elles ne peuvent être supérieures à celles décrites supra.

Les missions et les prérogatives du CSA sont ainsi très inégales selon les principes concernés.

Le pluralisme fait ainsi l’objet de solides garanties, et l’autorité indépendante a su, sur ces fondements clairs, développer une action particulièrement précise et protectrice.

En revanche, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts des actionnaires ne figurent que parmi les critères qui motivent la délivrance des autorisations.

En conséquence, leur concrétisation dans les conventions signées entre le CSA et les éditeurs est très variable, dessinant un éventail très large d’obligations selon les chaînes, dont le tableau ci-après donne un aperçu pour les principaux services de télévision diffusés par voie hertzienne.

DISPOSITIONS DES CONVENTIONS SIGNÉES AVEC LES PRINCIPAUX ÉDITEURS DE SERVICE DE TÉLÉVISION RELATIVES AUX PRINCIPES DE PLURALISME, D’HONNÊTETÉ ET D’INDÉPENDANCE

Pluralisme

Honnêteté

Indépendance

Toutes les conventions :

– Obligation d’assurer le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion « notamment dans le cadre des recommandations formulées par le CSA ».

– Accès pluraliste des formations politiques à l’antenne « dans des conditions de programmes comparables ».

– Veille des journalistes, présentateurs, animateurs et collaborateurs d’antenne à « respecter une présentation honnête des questions prêtant à controverse et à assurer l’expression des différents points de vue ».

Toutes les conventions :

– Exigence d’honnêteté appliquée à tous les programmes.

– Exclusion de toute « confusion » entre information et divertissement.

– Emploi de journalistes professionnels pour les émissions d’information politique et générale.

– Vérification du « bien-fondé des sources de l’information » et présentation au conditionnel de l’information incertaine.

– Adéquation entre le contexte dans lequel l’image a été recueillie et le sujet qu’elle illustre.

– Reconstitution ou scénarisation de faits réels « présentée comme telle ».

– Sauf dans la caricature, aucun montage d’images ou de sons déformant « le sens initial des propos ou images recueillis » ou « abusant » le téléspectateur.

– Interdiction de recourir « à des procédés technologiques permettant de modifier le sens et le contenu des images » dans les émissions d’information, et signalement de leur usage dans les autres émissions « lorsque leur utilisation peut prêter à confusion ».

– Encadrement et restriction des recueils d’images et de sons « à l’insu des personnes filmées ou enregistrées ».

– Interdiction de présenter les recours aux procédés « de micro-trottoir ou de vote des téléspectateurs » comme « représentatif de l’opinion générale ou d’un groupe particulier » et d’abuser les téléspectateurs « sur la compétence ou l’autorité » des personnes sollicitées.

Toutes les conventions
sauf Canal + 
:

– Veille de la société à ce que « les émissions d’information politique et générale » (toutes les conventions sauf TF1 et M6) ou toutes « les émissions qu’elle programme » (TF1 et M6) soient choisies, conçues et réalisées « dans des conditions qui garantissent l’indépendance de l’information », « notamment à l’égard des intérêts économiques des actionnaires ».

– Dispositions « prises à cette fin » portées à la connaissance du CSA.

– Lorsque présentation à l’antenne, en dehors de la publicité, d’activités d’édition ou de distribution de services développées par une société avec laquelle l’éditeur « a des liens significatifs » (« capitalistiques » dans convention TF1), indication au public de la nature de ces liens et modération du ton et de l’importance accordés au sujet.

Conventions iTélé, BFM et LCI :

– Constitution d’un comité « composé de personnalités indépendantes de la société titulaires et des sociétés qui la contrôlent directement ou indirectement » afin de contribuer au respect du principe de pluralisme.

– Liste des membres annexée à la convention et information du CSA de toute modification.

– Établissement d’un rapport annuel.

– Consultation du comité « à tout moment par la direction ».

Convention LCI :

– « Saisine » du comité par la direction, « les représentants du personnel » et autosaisine.

– Communication du bilan annuel aux dirigeants, aux représentants du personnel et au CSA.

Conventions iTélé, BFM et LCI :

– Présence d’une direction exclusivement rattachée à la chaîne.

– Direction de la publication de la chaîne (et par conséquent responsabilité pénale éditoriale) assurée « en son nom » par le président de la société éditrice.

– Placement des journalistes et des rédacteurs en chefs « sous la responsabilité hiérarchique » exclusive de la direction avec interdiction de tout lien hiérarchique avec le groupe auquel appartient la société éditrice.

– Relations entre la chaîne et les autres sociétés du groupe « formalisées par des contrats, établis dans les conditions du marché validées, le cas échéant, par les commissaires aux comptes ».

Toutes les conventions
sauf TF1 et M6 :

Transmission à la demande du CSA du relevé des temps d’antenne des personnalités politiques, syndicales et professionnelles.

Toutefois cette obligation figure dans une recommandation générale du CSA et s’applique donc à l’ensemble des chaînes.

Convention M6 :

Interdiction d’établir entre les sociétés du groupe et celles de l’actionnaire principal ou les actionnaires de contrôle du groupe des « relations économiques et financières qui ne reposeraient pas sur les conditions économiques usuelles observées sur le marché » et qui auraient notamment pour conséquence de donner à ces sociétés « un avantage économique et financier qui ne serait pas objectivement justifié ».

On remarque ainsi que seuls les principes fondamentaux concernant l’honnêteté des programmes (absence de confusion entre l’information et le divertissement, emploi de journalistes professionnels, encadrement des procédés de modification et de montage des images et des sons et des procédés de caméra cachée, vérification des sources, etc.) sont parfaitement homogènes dans toutes les conventions.

En revanche, aucune obligation particulière d’indépendance à l’égard des actionnaires et des annonceurs n’apparaît dans la convention conclue avec Canal + tandis qu’elles s’étendent opportunément à la surveillance de tous les liens économiques et financiers entre les sociétés du groupe M6 et leurs actionnaires. Les chaînes d’information continues font quant à elles l’objet d’une vigilance particulière marquée, d’une part, par l’obligation de garantir une parfaite étanchéité entre l’équipe rédactionnelle de la chaîne et le groupe auquel cette dernière appartient et, d’autre part, par la mise en place de comités, aux modalités de saisine et de publicité des travaux d’ailleurs diverses, chargés de veiller au pluralisme de l’information.

Dans ce contexte confus, la proposition de loi vise à donner aux principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance la place que leur importance pour la qualité du débat démocratique exige, à élargir leur garantie à l’ensemble des programmes et à assurer leur concrétisation grâce à la clarification des prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

L’article 2 propose ainsi de compléter l’article 3-1 de la loi précité du 30 septembre 1986, qui définit les missions de l’autorité de régulation, en posant le principe que le CSA garantit « l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme » non seulement de l’information mais aussi « des programmes », les frontières entre la première et les seconds étant de plus en plus poreuses et rien ne justifiant qu’une quelconque émission des chaînes de télévision ou de radio puisse faire preuve de malhonnêteté, de dépendance à l’égard des intérêts des actionnaires ou annonceurs ou puisse avoir pour effet de rompre le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion. Il importe à cet égard de rappeler que l’indépendance de la publicité, qui fait naturellement partie des programmes, est d’ores et déjà garantie par les dispositions de l’article L. 121-1 du code de la consommation, qui proscrit l’ensemble des pratiques trompeuses qui caractérisent la publicité masquée.

L’article 2 propose en outre de préciser les contours de la notion d’indépendance, d’un côté en faisant référence au nouveau droit d’opposition étendu à tous les journalistes et, de l’autre en prévoyant que le Conseil « s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes ».

Pour assurer le respect de ces principes le CSA pourrait user, en premier lieu, de sa faculté générale d’adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations en application du dernier alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. Le Rapporteur propose toutefois que cette prérogative n’inclut pas le nouveau droit d’opposition afin de s’assurer que l’autorité indépendante ne soit contrainte d’arbitrer ex ante le fonctionnement quotidien des équipes éditoriales et qu’elle concentre son contrôle ex post sur la qualité du respect de ce droit par les éditeurs et les diffuseurs.

En cohérence, les articles 3 et 4 de la proposition de loi prévoient que les conventions signées entre le CSA et, respectivement, l’ensemble des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre (visés par l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986) et tous ceux distribués sur les autres réseaux de communications électroniques (visés par l’article 33-1) précisent les mesures concrètes mises en œuvre par ces derniers pour garantir le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance.

Compte tenu de l’importance et de l’urgence de renforcer l’indépendance des médias concernés, l’article 12 de la proposition de loi prévoit utilement que les conventions soient adaptées dans les six mois suivant la promulgation de la loi issue du présent texte.

Sur ces fondements, le CSA serait ainsi en mesure de signaler et de sanctionner, selon les modalités de droit commun décrites supra, tout manquement à ces engagements.

L’expérience montre que l’autorité de régulation a longtemps témoigné d’une certaine réticence à recourir à son pouvoir de sanction, perçu comme un instrument d’ultime recours dans ses relations quotidiennes avec les éditeurs et les diffuseurs. Cette situation semble toutefois changer, en application des nouvelles garanties d’impartialité, de professionnalisation et d’indépendance renforcée du collège à l’égard des autorités politiques induites par la loi du 15 novembre 2013. En témoignent notamment l’importante augmentation du nombre de mises en demeure adressées aux éditeurs, qui ont atteint 42 en 2014 et 21 pour la seule couverture des événements tragiques de janvier 2015, ainsi que l’abrogation de l’autorisation de diffusion accordée à la société Diversité TV pour l’exploitation de sa chaîne Numéro 23, le 14 octobre 2015.

Pour néanmoins tenir compte de la propension du CSA à rechercher, lorsqu’il l’estime opportun, des alternatives au prononcé de sanctions dont la loi lui a laissé la faculté d’apprécier la nécessité, la présente proposition de loi vise à introduire deux innovations complémentaires.

Tout d’abord, son article 8 propose que le CSA rende compte de son action en matière de surveillance du respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance en faisant état, dans le rapport qu’il remet annuellement au Parlement en application de l’article 18 de la loi du 30 septembre 1986, des manquements qu’il a constatés, des suites qu’il a données à ces manquements ainsi que des raisons pour lesquelles, le cas échéant, il ne les a pas sanctionnés. Cette solution est proche de celle retenue par l’Assemblée nationale dans l’article 11 bis du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, tel qu’elle l’a adopté en première lecture le 6 octobre 2015, pour s’assurer de l’efficacité du contrôle par le CSA du respect par les radios des quotas d’œuvres musicales d’expression française.

Ensuite, la proposition de loi confie plus particulièrement à l’autorité indépendante la mission de tenir compte de la qualité du respect de ces principes au moment du renouvellement des autorisations d’émission.

L’article 5 propose ainsi d’ajouter aux motifs existants qui empêchent la reconduction automatique des autorisations d’émettre délivrés aux services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne, le « non-respect » de ces principes.

La Commission, à l’initiative du Rapporteur, a précisé que les faits matérialisant cette constatation devront avoir été signalés par le CSA dans son rapport annuel.

En cohérence, l’article 6 propose que la délivrance des nouvelles autorisations prévues par l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 soit précédée d’un contrôle par le CSA du respect de ces principes dans le passé lorsque le candidat est arrivé au terme de son autorisation initiale.

Juger de la qualité de l’indépendance des médias à l’égard des intérêts économiques implique de pouvoir identifier ces intérêts en connaissant avec exactitude l’identité de leurs propriétaires. Cette exigence de transparence, aujourd’hui garantie pour les médias audiovisuels, est encore lacunaire pour les entreprises de presse écrite et en ligne.

Jusqu’en 2010, en effet, en application de l’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, seuls devaient être portés à la connaissance des lecteurs dans toute publication de presse et dans chaque numéro, outre le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction :

– les nom et prénom du propriétaire ou du principal copropriétaire, si l’entreprise éditrice n’est pas dotée de la personnalité morale ;

– et si l’entreprise éditrice est une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, sa forme et le nom de son représentant légal et de ses trois principaux associés.

L’article 66 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit a très opportunément complété le champ de ces informations obligatoires. D’une part, il a étendu la transparence à toute « publication de presse » c’est-à-dire tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers, y compris les sites internet de presse. D’autre part, il a élargi, dans un nouvel article 6 de la loi du 1er août 1986, les informations obligatoirement portées à la connaissance de ses lecteurs, dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’éditeur en acquiert lui-même la connaissance, ou lors de la prochaine parution de la publication, à :

– toute vente ou promesse de vente de droits sociaux ayant pour effet de transférer à l’entreprise qui réalise l’achat, au moins un tiers du capital social ou des droits de vote de l’entreprise éditrice ;

– tout transfert ou promesse de transfert de la propriété ou de l’exploitation d’un titre de presse.

Toutefois ces dispositions apparaissent aujourd’hui insuffisantes en particulier au regard de l’éparpillement de la propriété des entreprises de presse et du renforcement légitime de l’exigence démocratique de transparence.

L’article 11 de la présente proposition de loi propose donc de parachever ce mouvement en obligeant les publications à informer leurs lecteurs en cas de modification du statut de l’entreprise éditrice et pour tout changement des dirigeants ou des actionnaires de l’entreprise. En cohérence, il est parallèlement proposé que chaque année, l’entreprise soit tenue de porter à la connaissance du public toutes les informations relatives à la composition de son capital et de ses organes dirigeants, et de mentionner l’identité et la part d’actions de chacun des actionnaires, qu’il soit une personne physique ou morale.

Pour garantir l’effectivité de cette transparence, la Commission a précisé que la violation de ces dispositions décisives sera sanctionnée par la suspension de tout ou partie des aides publiques dont bénéficient les entreprises de presse.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (n °3465) lors de sa séance du mercredi 2 mars 2016.

M. Michel Ménard, président. Mes chers collègues, je suis heureux d’assurer aujourd’hui la présidence de notre Commission pour l’examen de la proposition de loi n° 3465 de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

Ce texte a été déposé le 2 février dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Le président Patrick Bloche, qui en est le premier cosignataire, a été désigné rapporteur par notre Commission le 3 février.

Cette proposition de loi, sur laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, sera examinée en séance publique mardi 8 mars.

Dans un délai relativement court, vous avez procédé, monsieur le rapporteur, à de très nombreuses auditions pour recueillir l’avis des professionnels concernés par les dispositions de ce texte novateur et créateur de droits pour les journalistes. Votre projet de rapport, communiqué lundi après-midi aux membres de la Commission, témoigne du travail approfondi qui a été réalisé.

Je vous laisse la parole pour nous présenter le texte, ainsi que vos propositions d’amendements.

M. le président Patrick Bloche, rapporteur. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de vous présenter, ce matin, mon rapport sur la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.

La liberté d’expression, nous le savons, est un combat permanent contre l’intolérance et la haine, mais aussi contre les risques, toujours présents, d’uniformisation des pensées et d’asservissement des discours aux intérêts particuliers.

C’est pourquoi cette liberté exige plus que le pluralisme des médias, gage de la possibilité offerte à nos concitoyens de se forger une opinion libre dans la diversité des courants de pensée. Elle requiert que nos compatriotes aient confiance dans l’information qui leur est fournie, c’est-à-dire qu’ils estiment pouvoir accéder en confiance à une présentation des faits honnête et dégagée de l’emprise des intérêts particuliers.

Or cette confiance est particulièrement abîmée dans notre pays. Seuls 39 % des Français disent faire confiance aux médias, de manière générale, soit dix points de moins que nos principaux voisins. Notre pays accuse le plus fort écart entre le niveau de confiance accordé par les foyers les plus favorisés et celui donné par le reste de la population, et cet écart se creuse chaque jour un peu plus. Pis encore, nos concitoyens portent un regard très sévère sur le métier de journaliste, seuls 27 % d’entre eux les estimant indépendants des pressions politiques et de l’argent.

Bien sûr, la révolution technologique, qui impose un rythme effréné à l’information et multiplie les pressions sur les coûts de production, n’a pas contribué à freiner cette dégradation.

Pour autant, quelques événements récents ont jeté le trouble sur la liberté réelle d’investigation dont disposent les journalistes, en particulier à l’égard de leurs actionnaires. Il faut admettre qu’en France, ce poison du soupçon est d’autant plus foudroyant que les grands médias ne sont pas détenus par des entreprises spécialisées. Beaucoup d’entre eux appartiennent, en effet, à des grands groupes industriels et financiers dont le cœur de métier, et donc, parfois, les préoccupations, sont éloignées du devoir d’informer en toute indépendance. Dans ce contexte, il suffit d’un simple soupçon de censure pour que de nombreux journalistes, aux conditions d’emploi de plus en plus précaires, ainsi que des sociétés de production, soient tentés de s’autocensurer, en évitant précautionneusement toute investigation susceptible de heurter les intérêts protéiformes des actionnaires.

Il est indispensable de restaurer ce lien de confiance, essentiel à la survie même de nos médias et à l’exercice de la démocratie. Pour ce faire, la présente proposition de loi emprunte un chemin original. À la différence des années 1980, avec l’empire Hersant, ou des années 1990, avec l’hégémonie de TF1, l’enjeu n’est pas de légiférer contre un danger avéré de monopole, d’autant que de nombreux médias ont besoin d’investisseurs. Il faudra, bien sûr, rester vigilant devant les mouvements de concentration que l’on observe, notamment de convergence entre la maîtrise des contenus et celle des modes de diffusion – je pense en particulier aux télécommunications. Mais l’urgence commande d’instiller, sans tarder, des gages d’indépendance dans tous les médias.

La présente proposition de loi le fait, d’abord en renforçant les protections accordées par la loi aux journalistes, qui sont les vrais dépositaires de l’indépendance de l’information. Je crois inutile de vous exposer les détails des indices qui témoignent de la nette dégradation de leur rapport de force au sein des médias, qu’il s’agisse de leur précarité contractuelle et salariale de plus en plus nette, marquée, par exemple, par la chute de 20 % depuis 2010 du revenu médian des journalistes en CDD, ou de leurs conditions de travail de moins en moins compatibles avec leur devoir de respecter les précautions déontologiques les plus essentielles.

Les deux grandes protections reconnues par la loi depuis 1935, la clause de cession et la clause de conscience, demeurent, certes, toujours aussi précieuses. Mais elles sont des armes de dernier recours, lorsque, face à de nouveaux actionnaires ou à une inflexion notable de la ligne éditoriale, les journalistes n’ont le choix que de se soumettre ou de se démettre. Il faut aller plus loin pour garantir que, dans l’exercice du métier de journaliste, les intérêts des actionnaires ou des annonceurs ne puissent altérer l’information qu’ils délivrent. À cette fin, l’article 1er propose de généraliser à tous les journalistes le droit d’opposition reconnu depuis 1983 aux journalistes de l’audiovisuel public dans l’avenant qui leur est propre, adossé à la convention nationale collective des journalistes. Témoignant de l’importance qu’elle accordait à ce droit, la précédente majorité, de concert avec l’opposition d’alors, l’a même consacré dans la loi lors de sa réforme de l’audiovisuel de 2009 en en transposant les dispositions, sans changements, dans l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Ce droit d’opposition est très protecteur. Il vise, en effet, des aspects précis de la démarche du journaliste, dont le dévoiement met manifestement en cause l’honnêteté de l’information, en lui permettant de s’opposer à toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de ne pas signer un article ou une émission modifiés contre son gré. Surtout, il fournit une protection générale couvrant tous les champs où peuvent surgir les intérêts, en précisant qu’il ne peut être contraint d’accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle.

Cette expression est souvent mal comprise, parce qu’elle n’est pas entendue dans son intégralité. Bien sûr, « l’intime conviction » renvoie à l’idée, fondatrice de notre droit, de « preuve morale », c’est-à-dire qu’elle implique de constater une forte intensité subjective des motivations de la personne, sans préjuger du mode de preuve par lequel celle-ci est convaincue. Mais il est écrit ici qu’il s’agit d’une intime conviction « professionnelle ». Les mots ont un sens, et cet ajout décisif signifie, sans ambiguïté possible, que la conviction du journaliste doit trouver ses fondements dans l’accomplissement et le suivi des précautions fondamentales qui constituent l’exercice loyal et professionnel du métier de journaliste.

Nous sommes nombreux à regretter que ces principes, pourtant clairement exposés, notamment dans la charte d’éthique professionnelle des journalistes de 1918, révisée en 1938 et en 2011, ou dans la Déclaration des devoirs et des droits de Munich de 1971, n’aient jamais trouvé une consécration juridique, demandée de longue date par les journalistes, par exemple grâce à leur annexion à la convention collective. Pour autant, il n’est pas dans le rôle du législateur de définir ce que doit être l’éthique des journalistes. En créant le droit d’opposition, notre conviction est que nous donnerons l’impulsion décisive aux éditeurs pour qu’ils se dotent tous de chartes déontologiques, ne serait-ce que dans leur intérêt bien compris de clarifier les préalables à la constitution légitime de cette intime conviction professionnelle, et nous examinerons cette question au cours de l’examen des amendements.

Ce droit d’opposition n’interfère, bien sûr, en rien avec la ligne éditoriale ou l’autorité du directeur de publication. Pour la première, l’existence même de la clause de conscience implique que l’intime conviction professionnelle du journaliste qui choisit de demeurer dans une entreprise ne s’oppose pas à l’angle éditorial choisi par l’éditeur. Un ordre, légitime dans toute relation salariale, n’est certainement pas une « pression ».

En tout état de cause, l’arbitre ultime du droit sera, comme il est naturel, le juge du travail. L’avantage du droit d’opposition est d’être immédiatement efficace : le journaliste peut refuser de céder aux pressions. Il faut un deuxième acte, une sanction, par exemple, de l’employeur, pour matérialiser son infraction. C’est là qu’interviendra le juge du travail, en vérifiant notamment l’existence des pressions et en s’assurant que l’intime conviction a bien été « professionnelle », et donc, précédée de démarches journalistiques complètes et de qualité.

Le deuxième grand axe de la proposition de loi concerne les médias audiovisuels, que la rareté des fréquences et l’ampleur des audiences ont placés, depuis 1982, dans le champ d’une régulation particulière, désormais assurée par une instance pleinement indépendante. L’ambition poursuivie est, là encore, une démarche de confiance et de clarté.

C’est ainsi par confiance dans les vertus de l’autorégulation qu’il est proposé, à l’article 7, de généraliser l’existence de comités d’éthique dans tous les services de télévision et de radio à vocation nationale qui diffusent des émissions d’information politique et générale. Ce type d’organe a, en effet, spontanément émergé au cours des récentes années, d’abord au Monde et à France Télévisions, avant que les questions déontologiques soulevées par les terribles attentats de 2015 ne fournissent un encouragement à leur multiplication dans les chaînes d’information continue. Mais, pour avoir une chance de convaincre nos concitoyens de leur utilité, ces comités doivent respecter quelques principes fondamentaux, que l’on ne retrouve malheureusement pas dans leur mise en œuvre actuelle.

D’abord, leurs membres doivent être à l’abri de tout soupçon de collusion avec les éditeurs, les actionnaires et les annonceurs. Cette nécessité explique le caractère très précautionneux des dispositions proposées par l’article 7, qui veillent à éviter tout conflit d’intérêt dans les trois années qui précèdent leur nomination. Ensuite, ces comités doivent pouvoir se saisir de toute question et rendre publics leurs avis, sauf à les transformer en organes factices permettant aux éditeurs, voire aux journalistes, d’autojustifier leurs choix éditoriaux en gardant la main sur les sujets examinés par les comités. Là encore, la loi offre directement toutes les garanties nécessaires, en prévoyant, d’une part, que le comité peut s’autosaisir ou être seulement consulté pour avis par la direction et par toute personne, et en précisant, d’autre part, qu’il établit un rapport annuel rendu public. Au-delà de ces grands principes essentiels, toute la place est laissée à la négociation entre les éditeurs et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), notamment pour déterminer le nombre des membres et l’organisation des travaux des comités.

J’en viens au rôle du CSA, qui est parfois mal interprété. La proposition de loi ne propose pas une révolution : garantir que l’information dispensée par les médias ne soit pas malhonnête, univoque ou dictée par les intérêts particuliers des propriétaires ou des annonceurs fait naturellement partie des missions de toute autorité de régulation. En cohérence, dès à présent, de nombreuses dispositions de la loi de 1986 veillent au respect des principes d’indépendance, d’honnêteté et de pluralisme. La difficulté est que ces dispositions sont éparses et que les pouvoirs du CSA sont inégaux selon les principes.

Le pluralisme, en particulier, est à la fois un critère de délivrance des autorisations d’émission et une disposition obligatoire des conventions, mais il peut, et même doit, selon l’article 13 de la loi de 1986, faire l’objet de recommandations générales adressées par le CSA aux éditeurs et publiées au Journal officiel. Les manquements aux obligations induites par ces recommandations, comme, d’ailleurs, à celles inscrites dans les conventions, font l’objet de mises en demeure et de sanctions, dont la loi du 15 novembre 2013 a restauré l’efficacité et dont l’expérience récente, par exemple pour la chaîne Numéro 23, a montré qu’elles n’étaient pas des tigres de papier.

L’honnêteté et l’indépendance de l’information, en revanche, ne figurent que parmi les nombreux critères de délivrance et de reconduction des autorisations d’émission et ne trouvent légalement leur concrétisation que dans les conventions, dont les dispositions sont, en conséquence, très inégalement protectrices selon les éditeurs. Ainsi, les chaînes d’information ont souscrit des engagements très précis pour garantir l’étanchéité entre le groupe auquel elles appartiennent et leurs rédactions et ont même consenti à la mise en place de comités d’éthique, aux prérogatives d’ailleurs variées. À l’autre bout du spectre, une convention avec une chaîne payante, mais diffusant de nombreux programmes en gratuit ne comporte aucune disposition relative à son indépendance à l’égard de ses actionnaires ou de ses annonceurs. C’est là où la loi a vocation à être unifiante.

La proposition de loi vise à mettre de l’ordre dans ce paysage parcellaire, en clarifiant les missions du CSA et, par conséquent, en lui donnant des moyens efficaces d’agir pour faire respecter ces trois principes absolument décisifs, non seulement pour l’information, mais pour l’ensemble des programmes, tant il est vrai que les frontières entre les deux sont de plus en plus poreuses et qu’on ne voit pas en quoi une émission pourrait avoir le droit d’être malhonnête, dépendante à l’égard des intérêts des actionnaires ou avoir pour effet de rompre la nécessité constitutionnelle du pluralisme.

En proposant d’intégrer ces derniers parmi les missions de l’autorité de régulation énumérées à l’article 3-1 de la loi de 1986, l’article 2 lui permettra d’agir, comme elle le fait pour ses autres missions, telles la diversité ou la parité, en émettant, lorsque c’est nécessaire, des recommandations générales, et surtout en s’assurant que les conventions signées avec les éditeurs comportent toutes des stipulations précises et homogènes pour garantir le respect de ces principes. Le CSA pourra, en cohérence, user de tous ses pouvoirs de sanction face aux manquements. Compte tenu de l’importance et de l’urgence de ces enjeux, il est proposé de fixer un délai de six mois pour adapter ces conventions. La gravité des entorses à ces principes décisifs justifie en outre qu’ils soient intégrés, par l’article 5, aux motifs qui empêchent la reconduction automatique des autorisations d’émettre délivrées aux services de télévision et de radio. Enfin, l’article 8 prévoit que le CSA devra naturellement rendre compte de son action dans le rapport annuel public qu’il remet, notamment, au Parlement.

Une question particulière a surgi sur l’articulation entre les missions, générales et légitimes, de régulation et le nouveau pouvoir d’opposition accordé aux journalistes, ainsi qu’avec les travaux des comités d’éthique.

Or sur ces deux sujets, les choses sont claires. La violation du droit d’opposition des journalistes est un symptôme particulièrement grave du non-respect des principes généraux d’honnêteté et d’indépendance de l’information. Le CSA ne peut pas ne pas en tenir compte dans son contrôle général, ex post, du respect par les éditeurs de leurs obligations légales. Il en va de même pour les faits constatés par les comités d’éthique : leur gravité implique qu’ils étayent naturellement le jugement porté par le CSA sur la manière dont l’éditeur respecte la loi, et donc, que celui-ci en soit immédiatement informé.

Pour autant, face aux craintes exprimées de voir le CSA se muer en juge quotidien du droit d’opposition exercé par chaque journaliste – alors même qu’il est établi que celui-ci ne peut être et ne sera que le juge du travail –, je proposerai de préciser que seules les conventions, négociées avec les éditeurs, et non les recommandations générales, pourront déterminer les mesures prises par ces derniers pour garantir le respect de ce droit.

En dernier lieu, la présente proposition de loi parachève un travail de transparence de la presse écrite et en ligne, que je devine consensuel, en obligeant les publications à porter à la connaissance de leurs lecteurs toutes les modifications du statut, des dirigeants et des actionnaires, et à publier un état annuel de la composition de son capital et de ses organes dirigeants.

Voilà mes chers collègues, les principaux enjeux de cette proposition de loi qui, j’en suis convaincu, formera une garantie importante de la liberté et de la crédibilité de nos médias.

Je souhaite vivement que les travaux que nous allons mener ce matin en commission et a fortiori la semaine prochaine, en séance publique, en présence du Gouvernement, permettent d’atteindre, de la manière la plus consensuelle possible, ces objectifs qui nous rassemblent puisqu’ils sont au cœur du pacte démocratique. Je souhaite également, en tant que rapporteur, contribuer à ce que chaque groupe puisse, à un moment de la discussion, trouver satisfaction dans la prise en compte de ses propositions.

M. Michel Ménard, vice-président. Merci, monsieur le rapporteur, pour ce beau plaidoyer en faveur de la liberté, de l’indépendance et du pluralisme des médias.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Stéphane Travert. Je tiens d’abord à saluer, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen, l’excellent travail mené par notre président Patrick Bloche sur cette proposition de loi.

Ce texte poursuit plusieurs objectifs : renforcer la liberté, préserver l’indépendance des journalistes et la pluralité des médias.

Les événements récents relatifs à la non-diffusion de documentaires sur Canal + ou encore les propos sans équivoque du dirigeant de M6 qui indiquait « ne pas supporter que l’on dise du mal de ses clients sur sa chaîne », ont pu inquiéter sur l’évolution de la démarche informative de certaines chaînes, corrélée à une forte concentration en marche depuis près de deux ans dans le secteur des médias.

Face à ce mouvement inédit, il nous est proposé aujourd’hui d’examiner une proposition de loi qui n’est ni punitive ni « anti-Bolloré », comme certains voudraient l’imaginer, mais qui vise à rappeler le rôle essentiel des journalistes au cœur du processus de fabrication de l’information et des programmes, et à leur garantir le droit de refuser toute pression pour modifier la forme ou le contenu d’un article, d’une émission ou d’une contribution.

Il n’est donc pas proposé ici de court-circuiter la chaîne des responsabilités au sein des rédactions, comme s’en inquiètent certains dans la presse écrite, mais de garantir à tous les journalistes un droit opposable, fondé sur l’intime conviction des professionnels du journalisme. Cette intime conviction reposera bien sûr sur les chartes des devoirs et des droits des journalistes – telle la charte de déontologie de Munich – signées dans les entreprises de presse.

En ce sens, l’article 1er de la proposition de loi étend à tous les journalistes, quel que soit le média dans lequel ils exercent, un droit d’opposition, réservé aujourd’hui aux seuls journalistes de l’audiovisuel public à l’article 44 de la loi de 1986. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen salue la proposition d’amendement du rapporteur, qui vise à reprendre l’intégralité de cet article de la loi de 1986 en ajoutant également que tout journaliste a le droit de refuser de divulguer ses sources. Il proposera un amendement visant à renforcer la dimension collective de ce droit de refus individuel, en permettant la consultation du comité d’entreprise chaque année sur le respect de ce nouvel article de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Je veux relever également un amendement de notre rapporteur, que nous jugeons intéressant, visant à créer un collège électoral spécifique aux journalistes professionnels au sein des comités d’entreprise.

L’article 2 de la proposition de loi définit le rôle joué par le CSA afin de garantir le triptyque que nous mettons au cœur de cette loi : honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information et des programmes. Il s’agit là d’une avancée certaine pour l’autorité de régulation puisque, aujourd’hui, elle n’émet des recommandations qu’au regard du respect du seul principe du pluralisme. Cet article étend donc la possibilité au CSA d’émettre des recommandations en matière d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes. Ces trois principes seront inscrits dans les conventions liant les chaînes de télévision au CSA et leur respect sera examiné au moment du renouvellement d’une convention ou de la délivrance d’une autorisation d’émettre. Il est également proposé que le CSA veille à ce que les intérêts économiques ne portent pas atteinte à ces principes.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen salue l’amendement de notre rapporteur, qui vise à clarifier le rôle du CSA et à ne pas créer un contrôle ex ante de la mise en œuvre de ces principes, évitant ainsi l’écueil de faire de l’autorité de régulation un arbitre entre les journalistes et la direction.

L’article 7 instaure un comité d’éthique au sein de chaque chaîne de radio ou de télévision. Si certaines sociétés ont d’ores et déjà instauré des comités d’éthique en leur sein, la loi vient définir ce qui est entendu par « personnalité indépendante », tout en laissant ensuite à la société le loisir de définir la composition et les modalités de son fonctionnement dans sa convention la liant au CSA. Je tiens à souligner que le groupe Socialiste, républicain et citoyen présentera, à l’initiative de notre collègue Émeric Bréhier, un amendement visant à prolonger d’un an après le mandat l’impossibilité de prendre part aux activités de la société par toute personne ayant été membre du comité d’éthique.

Ce comité veillera à la bonne mise en œuvre du triptyque « honnêteté, indépendance et pluralisme » et pourra s’autosaisir ou être consulté pour avis par un tiers. Il est à préciser que cette consultation « par toute personne », qui inquiète nombre de sociétés, n’est pas une saisine et n’engage pas, de fait, une procédure puisque le comité d’éthique sera chargé de se déclarer compétent ou pas sur la question éthique qui lui sera soumise.

Permettez-moi également de souligner que cette proposition de loi n’oubliera pas les médiateurs, d’ores et déjà présents dans un certain nombre de radios et de télévisions et qui jouent un rôle essentiel, le plus souvent entre le public et les journalistes de la chaîne ou de la radio. Aussi, je veux mettre en avant l’amendement proposé par notre rapporteur et ouvrant au médiateur, s’il existe, la possibilité de consulter le comité d’éthique.

Enfin, le secteur de la presse n’étant pas visé par les articles précédents puisque celui-ci ne dispose pas d’autorité de régulation, je souhaite évoquer l’article 11, qui tend à rendre plus transparente, aux yeux des lecteurs, la composition capitalistique des entreprises de presse, leur modification de statut ou le changement de dirigeant. Rendu obligatoire dans la loi « Warsmann » de simplification du droit du 17 mai 2011, les articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse obligent les entreprises éditrices à publier, dans chacun de leurs numéros, les noms des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de leur capital. Il est quotidiennement constaté que cette disposition est peu ou pas appliquée. Aussi, nous vous proposerons d’adopter un amendement visant à entraîner la suspension de tout ou partie des aides à la presse dont bénéficie la société en cas de manquement à cette obligation légale, ainsi qu’en cas de non-respect du droit d’opposition des journalistes étendu par l’article 1er de cette proposition de loi.

M. Christian Kert. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous étions de ceux qui pouvaient penser qu’il s’agissait bien en effet d’une loi « anti-Bolloré » en dépit de la conviction déployée par notre collègue Stéphane Travert pour nous faire douter…

Monsieur le rapporteur, nous ne remettons pas en cause la qualité de votre travail, qui est excellent. Nous nous sommes cependant interrogés sur la nécessité qu’il y avait pour vous à le conduire aussi rapidement, dans la mesure où il n’y avait pas, selon nous, urgence en la matière. En revanche, nous émettons un certain nombre de réserves sur votre proposition de loi. Nous ne pourrions en effet la voter… que si vous acceptiez de supprimer les deux articles principaux !

Au regard de tous les défis auxquels l’audiovisuel est confronté, nous avons le sentiment que ce texte appartient à une époque révolue. Pourquoi confier la mission d’assurer le pluralisme et l’indépendance de l’information à une instance de régulation ? Certes, on la dit indépendante, mais cependant cette indépendance est plus un devoir qu’un état de fait.

Votre texte suscite la révolte dès l’article 1er. Nous avons procédé nous aussi en effet, à l’audition de professionnels du secteur. Or tous nous ont fait part de leur inquiétude face à votre dispositif, dont certains sont allés jusqu’à penser qu’il témoignait d’une méconnaissance du fonctionnement des rédactions.

Je le répète, la révolte gronde dès l’article 1er, car, en généralisant le statut de journaliste de l’audiovisuel public à l’ensemble des journalistes, vous risquez de porter atteinte à l’équilibre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Reconnaître le droit pour tout journaliste de refuser toute pression et de pouvoir opposer son intime conviction professionnelle, c’est en effet recourir à une notion particulièrement subjective et difficilement définissable. Et inutile, car le journaliste est déjà protégé par le biais des clauses de conscience ainsi que par le code de la propriété intellectuelle.

Vous vous êtes livré à une analyse de cette notion ; mais pour nous, elle reste floue. Cette « intime conviction professionnelle » crée un droit, autorise éventuellement des excès et appelle des interprétations qui ne relèvent pas des autorités chargées d’appliquer la loi, sous peine de méconnaître les exigences de l’article 34 de la Constitution. Ce n’est pas au juge de fixer les conditions d’exercice d’une liberté. La liberté doit marquer l’indépendance de la pensée. C’est à la loi de fixer les contours exacts de ce nouveau droit que vous donnez. Il nous paraît impossible de caractériser ce que vous appelez une « intime conviction professionnelle » que vous promouvez pourtant en un droit individuel opposable au directeur de la publication. Il faudrait au moins que la loi précise en quoi cette intime conviction se distingue de la clause de conscience telle qu’encadrée par le code du travail et les chartes des journalistes. Car il existe des chartes, et je sais, monsieur le rapporteur, que vous y ferez référence au cours du débat.

En outre, vous ne prévoyez aucun mécanisme de sanction. Rien n’empêcherait donc, en l’état, un journaliste de se soustraire à un acte en arguant seulement de son intime conviction. Comment apporter la preuve d’un préjudice ? Comment un juge pourra-t-il s’immiscer dans une matière totalement subjective ? Le journaliste devra-t-il se dévoiler pour exposer et prouver ses convictions professionnelles ?

Enfin, cette expression d’« intime conviction professionnelle » porte atteinte à la notion de travail salarié – à un moment où elle est d’actualité –, parce qu’elle postule que l’employeur ne peut être un donneur d’ordre. Quelle atteinte à la liberté d’entreprendre ! Vous ne vous étonnerez donc pas que nous proposions la suppression de l’article 1er.

Or, si vous avez pu trouver quelques soutiens pour cet article, tel n’est pas le cas pour les autres. Les journalistes et leur organisation représentative, massivement, ne veulent en effet en aucune manière que le CSA soit le garant de leur indépendance. Seuls leurs pairs ou la justice trouvent grâce à leurs yeux.

Qu’est ce qui justifie qu’une administration, certes indépendante, mais dont le président, rappelons-le, est nommée par l’exécutif, puisse avoir ce droit de regard ? On peut vous faire le même reproche concernant le contrôle ex ante que lui confère ce même article et sur lequel vous avez peu insisté, monsieur le rapporteur. Le fait de pouvoir définir ex ante, au moment de la signature des conventions, les conditions garantissant l’impossibilité d’une immixtion des actionnaires dans les processus éditoriaux des chaînes, rompt totalement avec la mission de contrôle a posteriori du CSA. Mes collègues Franck Riester et Michel Herbillon mettront l’accent sur cette question, car il y a là un vrai risque d’ingérence s’agissant des lignes éditoriales et la déontologie, ce que peuvent difficilement admettre les professionnels.

Quant aux comités d’éthique dont vous proposez la généralisation, de nombreux médias en disposent déjà. Vous voulez les imposer par la loi, par le biais de l’article 7. Pourquoi pas, même si cela semble poser problème à certains éditeurs ? Mais pourquoi rigidifier leur composition, au point de se demander si l’on arrivera à trouver suffisamment de personnes qualifiées pour passer à travers les mailles du filet que vous tissez ? L’exigence pour ses membres de n’avoir aucun lien, dans un délai de trois ans avant sa nomination, avec la société éditrice du service de radio ou de télévision en cause me paraît très excessive. Il conviendrait également de limiter leur saisine et de faire en sorte que ces comités travaillent en bonne intelligence avec la direction de l’entreprise, ce qui n’est pas précisé.

Enfin, notre groupe regrette qu’en filigrane, cette proposition trahisse une méfiance vis-à-vis des éditeurs et des équipes dirigeantes de ces entreprises. Nous sommes conscients que produire de l’information n’est en rien anodin. Monsieur le rapporteur, si l’esprit qui a prévalu à l’écriture de cette proposition est tout à fait défendable – et nous nous connaissons suffisamment pour que je n’ignore rien des fondements de votre réflexion – nous craignons néanmoins que votre texte n’aboutisse à un résultat contraire à celui recherché. De peur de ne pas être dans les clous entre le CSA et le comité d’éthique, les rédactions, pressurées, risqueront de s’autocensurer et de ne plus traiter les sujets les plus sensibles. J’ai lu, dans votre rapport, que vous en appeliez – à juste titre – à la grande sagesse d’Hannah Arendt. Je mentionnerai quant à moi Montesquieu, qui nous rassemble tous ici, et qui disait que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Nous aurions aimé, monsieur le rapporteur, que votre proposition de loi soit nécessaire.

Mme Isabelle Attard. Le présent texte était nécessaire et, contrairement à certains de nos collègues, je comprends, dans le contexte actuel, l’urgence de légiférer sur l’indépendance de la presse et sur la protection des journalistes. Cette proposition de loi, parfois surnommée « anti-Bolloré », concerne aussi d’autres patrons de presse. Il reste que le fameux documentaire sur le Crédit Mutuel n’est pas le seul à avoir été censuré. D’autres censures, à Canal +, ont secoué l’univers des médias au cours des derniers mois. Il était temps de faire réapparaître ce texte, rédigé dès 2011 par vous-même, monsieur Bloche, dans le cadre du programme du Parti socialiste.

Cela étant, je suis aujourd’hui dans le même état d’esprit que lorsque nous avons examiné la loi « anti-Amazon ». Il y avait alors urgence à protéger les petits libraires, qui travaillent magnifiquement dans nos communes, mais qui, pour beaucoup, ferment boutique à cause des conditions de vente et de distribution d’Amazon. Nous avons adopté une proposition de loi qui était, certes, louable, mais qui n’a eu quasiment aucun effet. Nous avions expliqué en commission des Lois comment Amazon contournerait le problème.

Je crains que cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, je le répète, n’ait guère plus d’effets et ne nous permettent pas d’atteindre notre objectif. Nommer des amis pour être membres d’un comité éthique sera toujours possible, en effet. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le journaliste Jean-Baptiste Rivoire, qui vous interpellait récemment sur cette question dans l’émission « Arrêt sur images ». Vincent Bolloré pourra toujours demander à ses amis de faire partie des comités d’éthique dès lors qu’ils n’auront pas de lien direct avec lui, économiquement parlant.

Si j’insiste, depuis 2012, sur l’importance d’un documentaire tel que Les nouveaux chiens de garde, c’est précisément parce qu’il montre à quel point la concentration de la presse dans les mains de quelques personnes au sommet de la puissance économique, l’imbroglio entre politiques, empires de presse et empires financiers ne sont bons ni pour la pluralité de la presse, ni pour la liberté de pensée, ni pour la liberté des journalistes. Je regrette que nous n’allions pas aussi loin que ce que vous-même aviez prévu en 2011 pour lutter contre la concentration des pouvoirs.

Chers collègues, je n’ai rien contre les patrons de presse. J’estime simplement qu’ils ne peuvent pas tout contrôler. La règle des deux tiers, qui interdit qu’une même personne ne puisse contrôler des acteurs puissants à la fois à la télévision, à la radio, et dans la presse écrite ou en ligne, ne suffit plus, les faits le montrent. Dans ce contexte nous avons déjà, aujourd’hui, des problèmes de censure et même d’autocensure. Certains journalistes, en effet, craignant les répercussions, n’osent plus proposer certains sujets à leur rédaction. Il est donc extrêmement important de lutter contre la concentration des pouvoirs pour garantir la liberté de pensée et permettre à nos concitoyens d’avoir accès à toute l’information, quelle qu’elle soit, même si elle dérange, même si elle déplaît. Nos amendements vont dans ce sens.

Par ailleurs, nous sommes nombreux, sur tous les bancs – Michel Pouzol, Stéphane Travert, Marie-George Buffet, vous-même, Patrick Bloche – à avoir rédigé des amendements concernant la protection du secret des sources ou les lanceurs d’alerte. Nous en avions déjà débattu lors de l’examen du premier projet de loi sur la protection des sources, qui a été enterré, et que nous avons, avec Marie-George Buffet et certains de nos collègues, essayé de ranimer par le biais d’une nouvelle proposition de loi.

Nous irons plus loin également en ce qui concerne la constitution des comités d’éthique. Et nous reviendrons comme je le disais sur la concentration des pouvoirs, car c’est à nos yeux la question majeure, s’agissant de la pluralité de la presse.

En tout état de cause, je vous remercie d’avoir mis ce sujet rapidement sur la table, car en la matière, il y a effectivement urgence.

M. Michel Piron. La proposition de loi que nous examinons ce matin est présentée comme une réponse aux récents mouvements et aux concentrations qui agitent le monde des médias.

Face au « danger » que ferait courir la constitution d’un grand groupe de presse ou d’audiovisuel, l’Assemblée devrait légiférer. L’ambition serait presque noble si la réalité n’était tout autre et infiniment plus complexe. Sous couvert d’un nom de baptême un tant soit peu provocant, ce texte pose davantage de questions qu’il ne résout les problèmes dénoncés. Pis encore, cette proposition de loi témoigne d’une conception pour le moins désuète de la mission de régulation dans un paysage audiovisuel bouleversé par le développement de l’économie numérique et électronique.

Que dire tout d’abord du renforcement du rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel en matière « d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information et des programmes » et de l’installation sous son contrôle de comités éthiques ? C’est une nouvelle instance qui, en quelque sorte, veut décréter la vertu. Cela peut poser question…

Depuis longtemps, les députés du groupe Union des démocrates et indépendants émettent de sérieuses réserves sur l’indépendance du CSA en raison, notamment des modalités de nomination de ses membres. En effet, aucune exigence ni de compétences, ni de qualité, ni de légitimité ne leur est demandée. Aussi, permettez-nous de douter de l’impartialité de cette institution. Dès lors, face à l’idée de faire du CSA le nouveau juge de l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme de l’information et des programmes, vous comprendrez aisément que nous soyons sceptiques et même inquiets.

À de très rares exceptions, tout à fait condamnables, force est de constater que les rédactions françaises travaillent et éditent librement. Les rédactions de Libération, d’iTélé, de L’Express ou encore du Monde, pour n’en citer que quelques-unes, s’organisent et se sont déjà mobilisées afin que les organes de presse demeurent indépendants de leurs actionnaires respectifs.

Dans le même temps, les industriels et les dirigeants ont bien compris les risques relevés par Chateaubriand lorsqu’il écrivait que « plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera violente ; il faut donc vous résoudre à vivre avec elle ».

Par ailleurs, le temps du monopole de la presse et de l’audiovisuel est aujourd’hui largement révolu. Internet et les réseaux sociaux ne jouissent toujours d’aucun contrôle en matière d’indépendance ou de pluralisme. Or c’est principalement sur ces supports que la nouvelle génération s’informe.

Que dire enfin de l’extension à tous les journalistes du principe de l’indépendance rédactionnelle ? Il nous semble, là encore, qu’il faut faire confiance aux journalistes et ne pas légiférer à tout-va. Les journalistes bénéficient d’ores et déjà du recours à la clause de conscience en cas de désaccord avec la ligne éditoriale. Par ailleurs, le journaliste connaît et a priori adhère à la ligne éditoriale du journal ou de la chaîne lorsqu’il prend la décision de s’associer à la rédaction. Sauf à vouloir nier la légitimité même d’une ligne éditoriale plutôt que de créer de nouvelles règles et des structures ex nihilo, pourquoi ne pas faire confiance à ceux qui sont les premiers concernés ?

Les journalistes connaissent leur métier et en saisissent les enjeux. Albert Londres l’exprimait ainsi : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. [Leur] métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

Cela pourrait nous inspirer, s’agissant notamment de l’article 1er, non seulement une grande prudence, mais surtout une forte réticence.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union des démocrates et indépendants ne soutiendra pas cette proposition de loi.

Mme Gilda Hobert. L’examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias nous éclaire sur les objectifs qu’elle vise et qui revêtent un caractère urgent et obligatoire.

Liberté, indépendance, pluralisme… Ces mots, ces valeurs ont chacun leur importance et sont intimement liés. Il s’agit, en effet, de veiller à la liberté d’information dans le respect du pluralisme des opinions ; une liberté qui ne saurait s’exercer sans l’indépendance dans le traitement de l’information.

Pour cela, vous avez, monsieur le rapporteur, mené un grand nombre d’auditions, qui ont toutes abouti au même constat. La situation, que vous décrivez dans votre rapport, s’est aggravée : je pense à la précarité des journalistes et à la fragilité des rédactions due à une baisse d’effectifs. Je citerai pour exemple une révélation du Canard enchaîné d’aujourd’hui concernant le nouveau statut de « journalistes itinérants » qui auront un salaire deux fois moins élevé que celui des journalistes du Monde, et ce, depuis le rachat de Rue89 par le « trio » Bergé-Niel-Pigasse.

Votre rapport trace les droits, mais également les devoirs des journalistes, à travers de grands principes déontologiques : le respect du secret professionnel, des preuves nécessaires pour étayer chaque propos, ou la lutte contre la calomnie. Sans interférer dans la définition des règles déontologiques, vous rappelez leur importance, et par-là même toute la complexité de ce corps de métier, ainsi que la difficulté à garder une éthique.

L’article 1er est clair : tout journaliste, et non plus uniquement ceux de l’audiovisuel public, est libre, non pas d’écrire ce qu’il veut – cela est fixé par la ligne éditoriale et par le rédacteur en chef –, mais de refuser d’écrire ce qui serait contraire à son intime conviction professionnelle.

Pour ce faire, cette proposition de loi a pour vocation de renforcer le pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Outre ses missions de régulation, il pourra veiller à ce que les intérêts économiques des groupes ne portent pas atteinte aux principes que j’ai évoqués. Il sera également attentif au respect du pluralisme.

Le CSA, dont les missions sont définies par l’article 3-1 de la loi Léotard du 30 septembre 1986, devra donc garantir « l’honnêteté, l’indépendance, le pluralisme de l’information et des programmes ». Un CSA aux missions renforcées, mais qui devra, grâce à l’article 8 de la proposition, rendre compte de son action au Parlement. C’est une mesure indispensable, que je tiens à saluer. Il ne se substituera en rien, rappelons-le devant l’inquiétude de certains syndicats, aux relations professionnelles effectives entre le journaliste et la chaîne qui l’emploie, ou au juge du travail.

Néanmoins, et malgré cet objectif que je partage, qu’aurait, par exemple, pu faire le CSA face à la censure, sur Canal +, du documentaire sur le Crédit Mutuel ? Quel dispositif permettrait, selon vous, de lutter réellement contre la concentration des médias quand on sait que les grands groupes détiennent une part toujours plus importante de l’audiovisuel français ? Une concentration qui est préjudiciable pour le pluralisme auquel vous êtes attaché, monsieur le rapporteur, et qui devra être encore davantage l’objectif du CSA.

La question se pose, de fait, de l’efficacité des missions qui lui sont confiées. Je m’étais inquiétée, avec d’autres collègues, de l’affaire de la chaîne Numéro 23, comme de l’absence de sanctions sur le dérapage constaté dans les publicités. Comment pouvons-nous empêcher ces dérives de se renouveler, et encourager des initiatives destinées à limiter la concentration des médias ?

Je tiens à saluer à cet égard l’article 9, qui apporte une réponse concrète à la concentration grandissante. Il restaure, en effet, une interdiction plus solide de la détention de plus de 20 % du capital d’une société audiovisuelle par une personne de nationalité étrangère.

Comme vous le soulignez dans votre rapport, l’article 11, qui prévoit une modification de l’article 6 de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, impose aussi une transparence supplémentaire bienvenue sur les changements dans les équipes dirigeantes et sur l’actionnariat des entreprises de presse.

Liberté, indépendance, pluralisme… Pour que le vœu de la garantie de ces principes ne soit pas pieux, cette proposition de loi est indéniablement nécessaire. Cependant, pour la rendre plus efficace, il conviendrait de prévoir des sanctions en cas de non-respect de leurs obligations par les rédactions. L’article additionnel après l’article 11 proposé par mes collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen visant à suspendre les aides publiques à la presse en cas de violation par les éditeurs me paraît totalement justifié.

Enfin, en tant que cosignataires d’une proposition de loi sur la protection du secret des sources, nous soutiendrons les amendements qui vont dans ce sens.

Au total, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste sera favorable à cette proposition de loi.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le rapporteur, je commencerai en reprenant une phrase que vous avez prononcée : « la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse relèvent d’un combat permanent ». Ce combat doit être mené par les journalistes et les rédactions ainsi que par leurs organisations représentatives. Mais nous le savons tous ici, tout combat a besoin d’une loi à laquelle s’adosser. La loi ne règle pas tout mais elle est un point d’appui dans le combat pour la démocratie.

Cette proposition de loi me semble relever de l’urgence. Vous avez souligné les menaces que constituent la concentration des médias et la précarité grandissante de la profession de journaliste. J’en ajoute une autre, présente dans certains pays européens, je pense à la Pologne : l’arrivée au pouvoir de gouvernements dont l’idéologie commande une reprise en main des médias, avec parfois une violence assez impressionnante.

L’urgence de cette proposition de loi ne se discute pas. Nous devons la travailler ensemble, comme le veut la tradition de notre Commission, afin d’apporter aux journalistes la garantie de leur liberté et de leur indépendance.

L’article 1er propose d’étendre, dans la loi sur la liberté de la presse, à l’ensemble des journalistes la protection dont bénéficient les journalistes de l’audiovisuel public en vertu de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986. Cela me paraît très positif. Les journalistes ne pourront ainsi pas être contraints d’accepter des actes contraires à leur intime conviction professionnelle – vous avez insisté à juste tire sur ce caractère professionnel, monsieur le rapporteur.

Cet article s’inscrit dans la lignée de la Déclaration des droits et devoirs des journalistes, adoptée à Munich en 1971. Celle-ci précise que les « journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources de l’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique ». Elle prévoit que « le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de l’organe d’information auquel il collabore, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée dans cette ligne générale » et qu’il « ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience. »

La référence à la charte de Munich accentue mon regret que le texte soit muet sur la protection du secret des sources, sujet – l’actualité récente nous le rappelle – qu’il est urgent de traiter, avec par exemple le fait relevé par l’AFP, que le ministre de la défense aurait décidé d’ordonner une enquête pour compromission du secret de la défense nationale après la parution d’un article dans Le Monde sur l’implication de services spéciaux français en Libye.

Il me semble également nécessaire d’aller plus loin concernant la garantie de l’indépendance des rédactions. À cet égard, monsieur le rapporteur, la proposition de loi dont vous étiez l’auteur en 2010 constitue une source d’inspiration pour des amendements que nous avons déposés. Je proposerai également un amendement sur l’hyperconcentration, non pas pour limiter les investissements – la presse en a besoin – mais pour préserver l’indépendance des rédactions.

Enfin, je m’interroge sur le rôle confié au CSA. J’espère que le débat nous éclairera. Je suis dubitative sur la faculté donnée à cette instance de décider de ce qui relève de l’honnêteté. Sur cette question délicate, nous devons être à l’écoute des organisations représentatives de journalistes.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine participera dès lors à ce débat avec l’envie d’adopter mais aussi d’enrichir votre proposition de loi.

M. Jean-Pierre Allossery. Avec la multiplication des sources d’information et de leurs modes de diffusion, l’influence des médias est grandissante dans la société actuelle. Toutefois, votre rapport indique que le taux de confiance des citoyens à l’égard des médias n’est que de 39 %.

Après l’examen du projet de loi sur la liberté de création et le patrimoine, dans lequel la liberté de création et de programmation artistique était enfin reconnue, cette proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias contribue à combattre la censure.

Les différents articles, en particulier la protection des journalistes pour garantir leur indépendance dans leur mission d’informer, ou encore le renforcement des pouvoirs du CSA pour assurer le respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion, doivent permettre d’apporter la garantie de liberté et d’indépendance des médias.

Ce n’est pas aux actionnaires ou aux annonceurs de choisir les programmes. Il revient au législateur de proposer un ensemble d’outils pour veiller à ce que les intérêts économiques des actionnaires et annonceurs ne portent pas atteinte aux principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information et des programmes. C’est tout l’enjeu de ce texte, avec notamment la généralisation des comités d’éthique.

Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons que souligner l’importance de cette proposition de loi qui comporte des avancées législatives fortes. Dans un souci d’efficacité, il permettra de veiller à ce que l’accès des citoyens aux différents courants de pensée qui structurent le débat démocratique ne soit pas altéré. Il s’agit ainsi de permettre, favoriser et renforcer la liberté d’opinion de chacun.

M. Michel Herbillon. Un point nous rassemble, l’attachement à la liberté des journalistes ainsi qu’à l’indépendance et au pluralisme des médias. Mais comment, à partir d’un élément aussi consensuel, peut-on aboutir à un tel texte ?

Il faut toujours se méfier des lois de circonstance. À cet égard, les propos de M. Stéphane Travert résonnent comme un aveu. De votre côté, vous vous défendez de faire une loi uniquement « anti-Bolloré », ce qui signifie implicitement qu’elle est bien aussi une loi « anti-Bolloré ».

Christian Kert l’a dit, nos interrogations sont nombreuses sur cette proposition de loi, notamment sur le rôle prépondérant donné au CSA. Celui-ci n’est plus seulement le régulateur, il devient le garant de l’indépendance des journalistes. Or, compte tenu des conditions de nomination de son président, peut-on être sûr de l’indépendance du CSA lui-même ? L’intervention de Mme Buffet illustre les interrogations qui traversent tous les bancs quant au pouvoir donné au CSA. Nous sommes opposés à lui confier un tel rôle.

Votre texte favorise en outre la judiciarisation du métier de journaliste. Vous instaurez un nouveau droit adossé à la notion floue d’« intime conviction professionnelle ». Or, comme cela a été dit, les dispositifs déjà existants, comme la clause de conscience et la clause de cession, assurent déjà ce que vous annoncez viser.

Vous proposez ainsi une loi de la suspicion et de la méfiance, qui sera, au mieux, inutile, au pire, dangereuse.

La meilleure chose à faire serait, plutôt que de nous contraindre à voter contre ce texte, de vous inspirer d’une « jurisprudence » d’actualité en reportant l’examen de la proposition de loi afin de préparer utilement son retrait.

Mme Colette Langlade. On ne peut que se réjouir de débattre, après la loi du 15 novembre 2013, d’un nouveau texte qui conforte l’indépendance des médias comme le travail libre des journalistes. Ce texte poursuit les travaux de notre Commission depuis quatre ans afin de faire en sorte que des intérêts économiques ou politiques ne viennent pas compromettre l’accès des citoyens à une information libre et pluraliste.

L’article 1er étend à l’ensemble des journalistes la protection aujourd’hui prévue en faveur des journalistes de l’audiovisuel public. Il reconnaît le droit pour tous les journalistes de refuser de signer un article, une émission ou un contenu éditorial imposé par un intérêt particulier au nom de leur conscience professionnelle. Cette protection des journalistes est salutaire et nécessaire en ces temps de concentration des médias dans les mains de grands groupes industriels.

À cette protection s’ajoute un souci de transparence vis-à-vis du public. L’article 11 prévoit ainsi une information de celui-ci lors de tout changement dans la direction ou l’actionnariat de l’entreprise afin que les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs puissent décrypter la programmation du média en toute connaissance de cause. Pouvez-vous à cet égard m’indiquer quel accueil les sociétés éditrices de médias que vous avez auditionnées ont réservé aux dispositions de l’article 11 ?

M. Paul Salen. À l’heure où les industriels possédant des médias sont de plus en plus nombreux, on pourrait considérer que cette proposition de loi va dans le bon sens. Je note un point positif, l’extension à l’ensemble des journalistes de la protection offerte aux journalistes de l’audiovisuel public.

Parmi tous les autres points négatifs, j’en relève un seul : le texte n’aborde pas la dimension collective de l’équipe rédactionnelle. Comment expliquez-vous l’absence de reconnaissance de la personnalité juridique de la rédaction, disposition réclamée par de nombreuses voix, pour permettre à cette dernière notamment d’ester en justice ?

M. Michel Françaix. Concentration, pluralisme, régulation, liberté totale, liberté surveillée : face à cette complexité, pour certains collègues, le mieux serait de ne rien faire. Mais il me semble que ce n’est pas ainsi que nous devons aborder le sujet.

Il est possible de faire preuve de nuance. Ainsi ne suis-je pas hostile à la concentration si elle permet d’empêcher la disparition d’une entreprise, de la moderniser, de développer la concurrence ou de freiner des investisseurs étrangers. Il y a dix ans, j’y étais hostile, mais le monde bouge et nous sommes obligés de le suivre.

En matière de concentration toujours, lorsqu’une entreprise automobile connaît des difficultés, certains salariés sont mis au chômage technique en attendant de retrouver des clients mais la qualité de la production ne baisse pas. En revanche, pour les journaux, lorsque la concentration se traduit par une diminution du nombre de journalistes, la qualité du produit baisse.

La concentration peut être nécessaire ; le véritable danger vient du manque de pluralisme et d’indépendance. Le texte met précisément l’accent sur ces principes.

La presse est traitée différemment de l’audiovisuel parce que le CSA n’a pas d’équivalent. Face à cette différence au détriment des journalistes de presse, l’article 1er a tout son sens.

La presse écrite est financée de deux façons : soit par les aides à la presse – on dit que c’est politique et ça peut l’être parfois –, soit par des actionnaires
– qui sont souvent aussi des annonceurs, avec leur propre agenda. Il est important de trouver un juste milieu.

Dès lors à Monsieur Kert, je réponds ma conviction que Montesquieu aurait jugé cette loi nécessaire. Il nous dirait même de veiller à ce qu’à l’avenir, des lois inutiles ne viennent pas l’affaiblir.

Mme Dominique Nachury. Malgré le soin que vous avez apporté à sa rédaction et à sa présentation, le titre de la proposition de loi, qui affirme des principes de liberté et d’indépendance des médias que nous défendons tous, me semble un peu trompeur.

L’article 1er généralise le statut de protection spécifique pour tous les journalistes. Mais, si le journaliste exerce ce droit, quelle sera sa protection concrète ? Ne sera-t-il pas mis à l’écart ? Ce droit a-t-il déjà été exercé par les journalistes de l’audiovisuel public ? Existe-t-il une jurisprudence ?

L’article 2 et les suivants accroissent considérablement les pouvoirs du CSA, en en faisant le garant des principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information. Il devient juge de la neutralité des programmes diffusés par la chaîne. On peut s’inquiéter de cette forme de droit d’ingérence dans la ligne éditoriale.

Dans l’affaire du reportage non diffusé par Canal +, dans laquelle Vincent Bolloré dément être intervenu, le CSA, avec votre texte, s’en tiendrait-il aux déclarations ou disposerait-il d’un droit d’enquête ? Je crains en effet que le droit de regard du CSA ne produise aux yeux du public des effets inverses de ceux recherchés par la proposition de loi.

Enfin, l’article 7 rend obligatoires les comités d’éthique. N’y a-t-il pas un risque d’autocensure de la part des rédactions ? Qui aura le dernier mot, le directeur de la publication ou le comité d’éthique ? Les relations sociales ne vont-elles pas s’en trouver affectées – risque de chantage, saisie systématique du comité, accusations de censure etc. ? Ne risque-t-on pas d’aboutir à une information aseptisée ? Évitons cela aussi !

Mme Julie Sommaruga. Je me félicite de cette proposition de loi qui donne plus d’indépendance aux médias et qui s’inscrit dans la continuité de nos travaux en 2013 concernant l’indépendance du CSA et la nomination des présidents de l’audiovisuel public. Pouvez-vous nous exposer les garanties prévues par le texte pour que les dispositions soient réellement appliquées ?

M. Franck Riester. Nous n’avons pas de doutes sur la sincérité de vos convictions quant à la nécessité de défendre voire de renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. En revanche, nous sommes convaincus que l’objectif recherché ne sera pas atteint. Votre texte fait peser une menace sur le bon fonctionnement de la presse, voire sur la presse elle-même.

Vous souhaitez en finir avec le poison du soupçon mais peut-être devrions-nous commencer par ne pas l’alimenter. Essayons de ne pas toujours penser que les patrons de presse, les directeurs de publication, ou certains journalistes sont malhonnêtes, corrompus ou dépendants de telle ou telle puissance de l’argent. Essayons de ne pas faire des lois pour un ou deux exemples dont nous avons connaissance puisque, contrairement à ce qu’on entend, la liberté de la presse est totale dans ce pays. N’adoptons pas un texte qui viendrait parasiter le bon fonctionnement de la presse.

Comment justifier une telle urgence, sauf à reconnaître qu’il s’agit d’une loi de circonstance alors que tant d’autres sujets méritent notre attention de législateur ?

Les dispositifs légaux qui permettent de garantir la liberté et l’indépendance des journalistes existent, vous l’avez rappelé : clause de cession, clause de conscience, droit de la propriété intellectuelle. Vous indiquez dans votre rapport que le refus de signer des œuvres altérées ne peut constituer un manquement professionnel, comme le garantit le droit de la propriété intellectuelle. Les journalistes ont déjà les moyens d’être protégés et de garantir l’intégrité de leurs œuvres.

Le texte porte atteinte au fonctionnement des entreprises puisqu’il va le judiciariser. Vous reconnaissez dans votre rapport que le périmètre exact de la notion d’intime conviction professionnelle devra être précisé par le juge. Cette disposition risque de nourrir un contentieux permanent au sein des rédactions, de perturber leur fonctionnement normal et de favoriser l’autocensure.

Nous sommes plutôt favorables aux comités d’éthique – de nombreuses initiatives existent déjà dans les organes de presse. Pour autant, il nous semble important de ne pas mêler le CSA à cette question. Laissons les sociétés de journalistes et les directions d’entreprise créer ces comités. Le CSA exerce déjà de multiples tâches – on sait les conflits d’intérêts qui peuvent naître de son double rôle de tutelle de l’audiovisuel public et de régulateur du secteur de l’audiovisuel –, n’y ajoutons pas le rôle de censeur de la presse. Ce serait très grave pour le bon fonctionnement de la presse.

M. François de Mazières. Je ne reviens pas sur ce qui a été très bien dit par mes collègues.

« Forte régression, retour à l’ère des journalistes voix de la France, double muselière du CSA et du comité d’éthique » : les mots pour le moins forts du Syndicat national des journalistes (SNJ) expriment un désaccord total. Les journalistes refusent d’être jugés, non pas par leurs pairs, mais par une instance administrative composée de personnalités nommées par le pouvoir politique. Le SNJ avance une proposition inspirée de ce qui existe à France Télévisions et à Radio France : la rédaction d’une charte d’éthique professionnelle des journalistes dont une commission paritaire dresse le bilan deux fois par an, comme c’est le cas à France Télévisions. La solution du dialogue interne est également promue par la société des journalistes du groupe Canal +, qui préconise elle aussi l’autorégulation du secteur par l’instauration d’une charte au sein de chaque rédaction pour affirmer des principes d’indépendance et résoudre des questions éthiques posées à la profession. Que répondez-vous à ces suggestions ?

Il serait dangereux que les comités d’éthique ne soient que des alibis. Pour être efficaces, ils doivent être composés de personnes connaissant très bien les médias et surtout ayant le temps de suivre les programmes. C’est la raison pour laquelle nous proposerons des amendements pour assouplir les conditions de nomination, en privilégiant la désignation en interne plutôt que par le CSA.

M. le rapporteur. Ma réponse sera globale. L’examen des amendements sera l’occasion de revenir plus précisément sur chacun des sujets que vous avez abordés. Je remercie ceux qui ont pris part à ces échanges d’une grande richesse. Je relève d’ailleurs combien je suis surpris, et enchanté, d’être dépassé par la gauche par les propositions de M. de Mazières.

En tant que législateurs, nous devons toujours veiller à nous inscrire dans une filiation, à tout le moins une continuité. Cette proposition de loi n’est pas dictée par des circonstances particulières mais par la volonté de poursuivre le travail que nous avons engagé au travers de la loi du 15 novembre 2013. Nous avons souhaité rendre son indépendance totale à l’audiovisuel public notamment en restituant au CSA, très décrié ce matin, le pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public qu’il détenait avant que Nicolas Sarkozy ne se l’arroge.

Une autre forme d’indépendance a été conquise, non sans difficultés, dans le budget 2016, pour la première fois depuis sept ans : l’indépendance budgétaire de France Télévisions et des autres organismes de l’audiovisuel public à l’égard du budget de l’État. Cette indépendance vaut, j’en suis convaincu, celle qui s’attache à la nomination de leur président.

Je le rappelle, la loi de 2013 a permis d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel public mais aussi du CSA, dont la crédibilité avait été mise à mal par sa composition monocolore et l’acceptation enthousiaste à l’époque par ses membres de la suppression en 2009 de son pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public.

Cette loi comporte une disposition essentielle, qui change tout, et que nous avons mise en œuvre de manière consensuelle et responsable : chaque membre du collège du CSA – ils étaient neuf, ils seront bientôt sept – doit désormais voir sa candidature approuvée à une majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes du Parlement, ce qui suppose un consensus entre la majorité et l’opposition. Nous avons ainsi validé à l’unanimité la candidature de Mme Nathalie Sonnac en janvier 2015. Je réponds là à un certain nombre de critiques formulées sur l’impartialité du CSA et sa crédibilité, au vu des missions qui lui sont confiées par l’article 2 de la proposition de loi.

Quoi de plus normal donc pour cette majorité que de considérer que tous les médias doivent pouvoir bénéficier de l’indépendance et du renforcement du pluralisme et de l’honnêteté de l’information et des programmes ?

Je m’étonne des critiques sur l’article 1er, qui se borne pourtant à étendre à tous les journalistes une disposition déjà inscrite dans la loi. Pourquoi la notion d’intime conviction professionnelle serait-elle trop floue pour s’appliquer à tous les journalistes alors que, j’insiste, la majorité précédente, avec le soutien de l’opposition d’alors, ne s’était pas embarrassée de cet argument pour conférer en 2009 une valeur législative à la disposition conventionnelle, applicable aux journalistes de l’audiovisuel public depuis 1983 ? Je suis étonné que l’opposition d’aujourd’hui refuse de faire bénéficier l’ensemble des journalistes d’un droit qu’elle avait elle-même gravé dans le marbre de la loi pour les journalistes de l’audiovisuel public.

Pour répondre à Mme Nachury, cette disposition a été appliquée. Elle a fait la preuve de son caractère dissuasif – c’est aussi la vertu première de ce texte – et elle n’a donné lieu à aucun contentieux en plus de trente ans.

Je le précise d’emblée, l’intime conviction professionnelle ne peut se former légitimement que sur des fondements déontologiques. Vous avez été plusieurs à faire référence aux chartes d’éthique. Je souhaite en ce domaine aller plus loin avec vous. Ne me reprochez pas en parallèle, et de manière contradictoire, de ne pas annexer à cet article une échelle de sanctions. Comme je l’ai expliqué, il reviendra naturellement, pour tous les journalistes, au juge du travail de veiller au respect de ces dispositions si, d’aventure, des directions sanctionnaient les journalistes qui useraient de leur droit d’opposition. Il est de notre responsabilité que les dispositions que nous votons s’appliquent, sinon elles demeurent des pétitions de principe, et tel est bien le cas ici.

L’article 1er unifie le régime pour l’ensemble des journalistes en transférant des dispositions propres aux journalistes de l’audiovisuel public de la loi de 1986 dans la grande loi fondatrice de notre République et de notre démocratie qu’est la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en les rendant applicables à l’ensemble des journalistes.

Mais nous devons ensuite tenir compte de mécanismes de régulation de nature différente. Pour l’audiovisuel, du fait de la rareté des fréquences et de la nécessité d’assurer le pluralisme compte tenu de l’audience importante de chaque média, il existe une autorité de régulation, ce qui n’est pas le cas ni pour la presse écrite ni pour internet. Pour ces derniers, les modes de régulation sont la loi, d’une part, et le juge, d’autre part. Vous ne pouvez pas me faire le reproche de ne pas avoir créé une autorité de régulation pour la presse écrite. Je devine les réactions que cela aurait provoquées, à juste raison…

Nous prenons en compte deux modes de régulation qui sont de nature différente. À partir de cet article 1er fondateur, nous faisons en sorte que les dispositions soient, pour l’audiovisuel, appliquées par le CSA, notamment par le biais des conventions qui lient chaque chaîne de télévision et de radio à l’institution en contrepartie de l’attribution gratuite d’une fréquence, faut-il le rappeler.

Parallèlement, pour la presse écrite, il me faut mentionner l’article 11, dont Mme Langlade a souligné l’importance pour la transparence de la presse, et je l’en remercie. Toutefois, cet article n’est pas innovant, il ne fait que poursuivre l’excellent travail entrepris par le président de la commission des Lois d’alors, M. Jean-Luc Warsmann, en 2011. Pour la presse écrite et en ligne, un amendement très opportun du groupe socialiste viendra en cohérence boucler le dispositif en permettant de sanctionner les entreprises qui ne respecteraient pas la transparence parachevée par la proposition de loi ou le droit d’opposition de l’article 1er.

Il ne s’agit ainsi ni d’une loi punitive, ni d’une loi de circonstance mais d’une loi pédagogique et dissuasive – ce qui est souvent la fonction de la loi.

L’article 7 ne crée pas les comités d’éthique. Ceux-ci existent déjà, mais de manière parcellaire et sans toujours toutes les garanties indispensables d’indépendance. La loi, parce qu’elle vise l’intérêt général, se veut ici aussi unificatrice, comme elle a offert une même protection à tous les journalistes, mettant fin aux inégalités entre médias.

Un sujet n’est pas abordé dans la proposition de loi, un sujet complémentaire et essentiel, celui de la protection du secret des sources des journalistes. Nous avons déjà eu ce débat en commission lorsque nous avions, le 7 décembre 2013, sur le rapport de M. Michel Pouzol, très substantiellement renforcé le projet de loi déposé par le Gouvernement. Le texte tel que nous l’avions alors amendé, qui figure dans une proposition de loi déposée par Marie-Georges Buffet, nous sera proposé dans deux amendements. Il est nécessaire que ce débat ait lieu de nouveau. Je souhaite que la proposition de loi que nous examinons intègre in fine les dispositions tant attendues sur la protection du secret des sources. Je signale toutefois deux difficultés : l’existence d’initiatives parallèles sur lequel travaille notamment le Gouvernement et l’absence de ce dernier aujourd’hui pour en débattre avec nous. Elles me conduiront à être prudent ce matin et plus volontaire en séance.

Parler de méfiance et de soupçon à l’égard de cette proposition de loi, qui ne remet absolument pas en cause la responsabilité pénale de chaque directeur de publication ou la ligne éditoriale, me paraît très excessif. Notre responsabilité collective est plutôt de faire en sorte d’atténuer la méfiance et le soupçon des citoyens à l’égard du traitement de l’information, de son honnêteté, et de son indépendance.

Historiquement, les lois sur les médias n’ont jamais été consensuelles. J’ai ainsi le souvenir des débats sur la « loi Fillioud » de 1982 ou sur la loi du 5 mars 2009 sur laquelle j’avais, avec l’opposition d’alors, mené un long combat pendant trois semaines et demie dans l’hémicycle. Je prends acte de cette propension mais cela ne m’empêchera pas d’être le plus ouvert possible dans l’examen des amendements. Car, en réponse à M. Kert, il me semble légitime de citer à mon tour Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Face aux pouvoirs aujourd’hui très forts des éditeurs, il est indispensable de légiférer pour protéger l’indépendance de l’information.

Article 1er
(art. 2-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Droit d’opposition des journalistes

Le présent article a pour objet d’étendre à l’ensemble des journalistes le droit, aujourd’hui prévu au seul bénéfice des journalistes de l’audiovisuel public par le VI de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, de s’opposer à toute pression, de refuser de signer son œuvre modifiée contre sa volonté et de ne pouvoir être contraint à accepter tout acte contraire à son intime conviction professionnelle.

Le droit existant, la situation actuelle et les précisions apportées par la Commission sur ce droit d’opposition sont explicités dans le I de l’exposé général du présent rapport.

*

La Commission examine les amendements identiques AC21 de M. Christian Kert et AC50 de M. Michel Piron.

M. Christian Kert. En réponse à M. le rapporteur, nous établissons un distinguo entre les journalistes de la presse audiovisuelle, qui peuvent redouter une pression émanant en particulier du Gouvernement sur une émission, et ceux de la presse écrite pour laquelle il n’existe pas de loi imposant le pluralisme. Les menaces pesant sur les journalistes de presse sont d’une autre nature. Voilà pourquoi le texte que nous avions voté en 2009 était limité aux journalistes de l’audiovisuel public.

Vous souhaitez gommer toute différence entre la presse et l’audiovisuel mais vous devez tenir compte de leurs préoccupations et de leur organisation du travail respectives. Dans le secteur de la presse, les comités de rédaction permettent d’associer en permanence tous les journalistes à l’acte d’écrire et au choix des sujets. Ce n’est pas le cas dans l’audiovisuel où chaque journaliste apporte son propre sujet.

Par cet amendement, nous vous demandons donc de supprimer cet article qui ne correspond pas à notre conception puisque nous préférons l’éthique à l’intime conviction.

M. Michel Piron. L’essentiel a été dit mais je souhaite insister sur le droit à la ligne éditoriale. La ligne éditoriale du Figaro n’est, me semble-t-il, pas la même que celle de Libération... La meilleure garantie de l’information libre réside dans sa diversité, y compris celle des journaux d’opinion. À cet égard, je ne comprends pas, compte tenu des garanties dont disposent les journalistes dans la presse écrite, ce que le texte apporte. Il me semble au contraire qu’il peut remettre en cause l’idée même de presse d’opinion et de ligne éditoriale, ce qui me paraît pour le moins gênant.

M. Michel Herbillon. Nous sommes préoccupés par le caractère très subjectif de la notion d’intime conviction professionnelle sur laquelle vous fondez la création d’un droit nouveau. Cette notion, exigeante sur le plan éthique mais floue sur le plan juridique, viendrait soutenir un droit opposable au directeur de la publication. C’est pourquoi, en dépit de son objectif louable, cette disposition pose un problème très important.

M. le rapporteur. Je sais par avance que je ne pourrai hélas pas vous convaincre. Je vous avoue mon incompréhension devant votre refus d’étendre la protection contre les pressions à tous les journalistes. Certes, lorsqu’il a été institué en 1983, ce dispositif visait avant tout à protéger les journalistes de l’audiovisuel public des pressions politiques. Mais pourquoi ne pourrait-on pas l’utiliser aujourd’hui face au mouvement de concentration des médias pour mettre tous les journalistes à l’abri du mur de l’argent – n’ayons pas peur des mots ?

En outre, cette disposition existe depuis plus de trente et n’a donné lieu à aucun contentieux.

Je répète de surcroît que c’est vous, lorsque vous formiez la majorité qui, en 2009, avez décidé de conférer une valeur législative à ce qui n’était alors qu’une disposition conventionnelle, et je ne comprends pas pourquoi ce qui était bon pour les journalistes de l’audiovisuel public serait mauvais pour tous les autres…

J’ai entendu aussi invoquer l’argument de l’anticonstitutionnalité de la notion d’intime conviction professionnelle au motif de son caractère prétendument flou. Mais, je le rappelle avec insistance, cette intime conviction devra être « professionnelle », ce qui suppose évidemment qu’elle devra reposer sur des fondements déontologiques liés à l’accomplissement préalable par le journaliste des démarches inhérentes à l’exercice professionnel de son métier. Il appartiendra au juge du travail d’en assurer l’application, comme c’est sa mission.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. Michel Françaix. Qu’il n’y ait pas de confusion entre nous : nous n’avons jamais dit qu’il ne fallait pas qu’il y ait une presse d’opinion ou que le pluralisme recherché devait s’exercer dans le cadre d’un seul journal. Il s’agit de défendre un pluralisme s’exprimant dans l’ensemble de la presse. En revanche, nous constatons que le monde a évolué : il y a trente ans, les patrons de presse ne s’intéressaient qu’aux journaux et au journalisme, alors qu’actuellement – et c’est leur droit le plus strict – ils sont souvent des capitaines de vaisseaux comptant des activités n’ayant rien à voir avec la presse. Il est légitime de s’interroger sur les pressions qui peuvent s’exercer sur un journaliste qui aurait fait un travail d’investigation sur un actionnaire possédant 30 % du capital du groupe ou sur un annonceur représentant 20 % des recettes publicitaires du journal. Les pressions sont d’un autre ordre que celles qui pouvaient s’exercer il y a vingt ou vingt-cinq ans et c’est une raison de plus pour dire à quel point cet article 1er est nécessaire.

M. Franck Riester. Mais le problème réside dans la mise en œuvre de cette disposition qui, je le répète, va complexifier et rigidifier le fonctionnement des rédactions, et créer des situations complètement folles où, à chaque fois qu’un journaliste invoquera son intime conviction, il devra être sanctionné par sa hiérarchie pour pouvoir entrer dans le processus contentieux qui lui permettra de voir ses prétendus droits satisfaits. Il y a un vrai problème de fonctionnement. Nous allons assister à une judiciarisation qui va perturber le fonctionnement normal de rédactions, où il existe une hiérarchie : c’est le directeur de la publication qui, in fine, doit prendre la décision de publier ou non un article et qui, le cas échéant, en assume la responsabilité devant la justice.

Puisque notre rapporteur a fait l’éloge de la loi du 15 novembre 2013, je rappelle que Marcel Rogemont, le rapporteur de ce texte, a fait une évaluation très sévère de son application. Il a démontré que cette loi mettait en péril l’indépendance de l’audiovisuel public, ou en tout cas créait des conflits d’intérêts pour le CSA qui est à la fois régulateur et chargé de nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

La Commission rejette les amendements identiques.

Puis elle en vient à l’amendement AC22 de M. Christian Kert.

M. Frédéric Reiss. C’est un amendement de repli. La production d’information, qui s’effectue toujours dans le cadre d’un contrat, est un travail d’équipe : choix des sujets et de leur angle, présentation en conférence de rédaction, etc. Il y a des spécificités qui n’ont pas à respecter les dispositions propres à l’audiovisuel.

Évidemment, nous proposons de donner à tout journaliste le droit de refuser de signer un article qui aurait été modifié à son insu ou contre sa volonté. Comme l’a expliqué Christian Kert, nous proposons de remplacer « l’intime conviction professionnelle » par « l’éthique professionnelle ».

M. le rapporteur. C’est un amendement de repli mais il réécrit l’article en affaiblissant méthodiquement, pour ne pas dire consciencieusement, chacune de ses dispositions. Si je vous comprends bien, le journaliste ne pourrait s’opposer à ce qu’on imprime sa signature sur une œuvre modifiée sans son accord qu’en apportant la preuve que « son honneur », « sa réputation » ou « ses intérêts moraux » sont en jeu, ce qui n’est pas rien, convenez-en. Il lui serait permis de refuser « un acte contraire à l’éthique professionnelle », ce qui paraît bien le moins.

Je persiste, j’en suis désolé, à préférer une interprétation plus exigeante des libertés des journalistes et de leurs besoins pour accomplir leur mission d’information en toute indépendance. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC54 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement a pour objet de préciser le champ des journalistes qui bénéficieraient du droit d’opposition. Je vous propose de retenir la définition la plus large, celle qui figure à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et qui diffère de la notion de journaliste professionnel prévue dans le code du travail. La loi de 1881 n’exige pas que le journaliste professionnel tire au moins la moitié de ses revenus de rémunérations accordées par des entreprises de presse. Cette définition permet d’intégrer, par exemple, les journalistes d’investigation dont la majeure partie des ressources provient de la vente de livres, ou les directeurs de publication eux-mêmes. Ces derniers apprécieront sans doute de se voir confier une nouvelle arme contre les intrusions des intérêts particuliers des actionnaires ou des annonceurs.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AC55 du rapporteur, AC9 de Mme Isabelle Attard et AC45 de M. Lionel Tardy.

M. le rapporteur. Cet amendement, comme ceux d’Isabelle Attard et de Lionel Tardy que je félicite pour leur vigilance, répare une omission du texte original en rétablissant la rédaction exacte du droit d’opposition prévu par le VI de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication. Cet article prévoit que tout journaliste a le droit de refuser de divulguer ses sources. La réparation de cette omission ne préjuge pas du débat que nous pourrons avoir ultérieurement sur la protection des sources des journalistes.

Mme Isabelle Attard. Comme le souligne notre rapporteur, l’objectif de l’article 1er est de transférer la protection des journalistes face aux pressions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui ne concernait que l’audiovisuel, à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin d’englober toute la profession. Dans ce transfert, un morceau de phrase a été oublié, celui qui donne aux journalistes la possibilité de refuser de divulguer leurs sources. Cet amendement vise donc à corriger cette erreur.

M. Lionel Tardy. Cette proposition de loi pose un certain nombre de problèmes dans son principe et dans ses dispositions, comme l’ont indiqué mes collègues du groupe Les Républicains. J’y reviendrai en séance. Avec cet amendement, je souhaite déjà corriger un oubli : en reprenant la rédaction de l’article 44 de la loi de 1986, l’article 1er omet le passage sur le secret des sources. Les journalistes ont le droit de refuser de diffuser leurs sources. Après les errements du projet de loi sur le secret des sources, cet oubli est regrettable et il convient de le corriger. Je crois que tout le monde en est conscient, monsieur le rapporteur.

M. Christian Kert. Je suis assez favorable à ce qu’un journaliste puisse refuser de divulguer ses sources mais je me pose la question suivante : peut-il opposer ce droit à tous, y compris au directeur de la publication ? Ce dernier ne pourrait pas vérifier les sources de son journaliste qui, éventuellement, pourrait être tenté d’utiliser le texte dont nous discutons ? La formulation me paraît un peu courte et réductrice. Ne faudrait-il pas l’encadrer ?

M. le rapporteur. N’avez-vous pas signé la proposition de loi de Marie-George Buffet ?

M. Christian Kert. Dans ce cadre-là, je suis d’accord pour donner de nouvelles possibilités aux journalistes de la presse écrite. Mais, on est en train de vider les rédactions, les directions de publication de presse écrite de tout pouvoir et de toute compétence. N’est-il pas souhaitable d’encadrer la mesure et d’exclure son application aux dirigeants de la presse écrite ? Avec les nouvelles dispositions prévues par ce texte, la situation va devenir compliquée pour les directeurs de publication.

Mme Isabelle Attard. Il y a deux échelons différents, celui du journaliste et celui de la direction de la rédaction. Chaque journaliste, individuellement et quel que soit le secteur auquel il appartient, doit pouvoir protéger ses sources. Le directeur de la rédaction ou le rédacteur en chef ne doivent pas pouvoir lui imposer quoi que ce soit en la matière ; ils ont d’autres responsabilités et d’autres missions ; ils disposent d’autres moyens de contrôle que celui-ci.

M. Christian Kert. Je voulais tout de même rappeler à nos collègues que les directeurs de publication peuvent être poursuivis en justice pour ce qu’ils ont imprimé ; ils sont pénalement responsables. Ne faudrait-il pas prévoir une clause les concernant ? Nous pouvons réétudier la question et en débattre en séance. Je précise bien que je suis favorable à la protection du secret des sources des journalistes telle que prévue par la proposition de loi de notre excellente collègue Marie-George Buffet. Mais nous sommes dans un contexte différent : les journalistes vont pouvoir contester le travail qu’on leur demande ou la façon de le mener à bien, et ils vont refuser de donner leurs sources. Certains patrons de presse écrite vont se retrouver devant la justice sans avoir la capacité de répondre.

M. le rapporteur. Il y a une chose que je ne comprends toujours pas. M. Christian Kert, alors que vous étiez dans la majorité en 2009, vous avez donné force de loi à ces dispositions qui n’avaient qu’une portée conventionnelle. À l’époque, nous avons tous décidé qu’un journaliste du secteur audiovisuel public pouvait refuser de divulguer ses sources. Et aujourd’hui, vous vous posez des questions quand il s’agit d’étendre ce droit aux journalistes de la presse écrite, de la presse en ligne ou de médias privés. Pourquoi ces derniers ne pourraient-ils pas bénéficier du même droit ? Signalons que cela a un lien très étroit avec le débat que nous allons avoir tout à l’heure sur la protection des sources des journalistes. Je me permets de faire cet appel à la cohérence.

La Commission adopte les amendements identiques.

Puis elle en vient à l’amendement AC36 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. À la première phrase de l’alinéa 2, nous proposons de supprimer les mots « dont la forme ». Le fonctionnement d’une rédaction amène le directeur de la publication mais aussi les secrétaires de rédaction à mettre en page les contributions des journalistes. À notre avis, le droit de refus mis en place par cet article au profit des journalistes ne devrait concerner que des modifications de contenu. Nous pouvons être favorables à certaines dispositions, mais nous ne voudrions pas rigidifier et judiciariser le fonctionnement des entreprises de presse. Nous ne voulons pas aller dans une direction qui nous paraît néfaste.

M. le rapporteur. Je le répète avec insistance : la ligne éditoriale continuera à être fixée en toute indépendance ; la responsabilité du directeur de publication ne sera en rien modifiée par ces dispositions. La judiciarisation dont vous parlez n’est pas automatique. Elle ne pourra intervenir que si l’exercice du droit d’opposition par un journaliste, qui est l’acte premier et immédiatement efficace, entraîne ensuite une sanction de l’employeur et un conflit du travail.

Comme vient de l’exposer Michel Herbillon, le présent amendement propose de limiter le champ du droit des journalistes à refuser de signer leur œuvre, altérée contre leur volonté, aux seuls changements de fond. Votre intention pourrait être louable, mais en matière de presse écrite, et plus encore en matière d’image, la forme et le fond sont très difficiles à départager en pratique. Changer certaines images accompagnant un commentaire peut radicalement changer la perception de celui-ci. Je vous propose que nous épargnions aux journalistes, et a fortiori au juge du travail, ce fastidieux travail de partage en conservant une rédaction qui, en trente-trois ans d’existence, a eu le mérite de faire ses preuves. Avis défavorable

Mme Martine Martinel. J’ai un peu un sentiment d’impudence à intervenir après le rapporteur, mais il me semble que nos collègues soulèvent un débat archaïque entre la forme et le fond, qui a été tranché. La forme fait sens, et elle n’a rien à voir avec la mise en page.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC53 de M. Christian Kert.

M. Franck Riester. S’inscrivant dans la même ligne que nombre de nos amendements précédents, celui-ci tend à sortir de la notion d’intime conviction professionnelle, qui ne nous semble pas suffisamment précise, pour se référer plutôt à une charte de déontologie.

M. le rapporteur. Nous avons déjà eu le débat et je ne vais pas m’appesantir, d’autant que vous faites référence à des chartes d’éthique. J’attends avec presque de l’impatience la discussion sur l’amendement AC23. À défaut du retrait de votre amendement, j’émettrai un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC10 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous avons choisi de compléter cet article 1er en prévoyant une protection effective des journalistes qui seraient confrontés à des situations de pression. Pour ce faire, l’amendement a pris pour modèle la protection des lanceurs d’alerte votée dans la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique.

M. le rapporteur. Je veux rassurer Mme Attard : les journalistes confrontés à des pressions seront protégés par l’article 1er. Dès lors que nous adopterons le droit d’opposition, toute sanction disciplinaire liée à l’exercice de ce droit pourra être contestée devant le juge du travail qui ne manquera d’annuler toute décision prise en infraction avec la nouvelle loi. À cet égard, je relève l’innovation de votre dernier alinéa qui place la charge de la preuve dans les seules mains de l’employeur. Cela me paraît un peu excessif car, comme nous en avons débattu, il faudra bien aussi que le journaliste témoigne de l’accomplissement de toutes les diligences professionnelles fondamentales qui peuvent légitimement fonder en droit son intime conviction professionnelle. Je tiens à ce que la loi garde son équilibre. Si vous ne le retirez pas, je donnerai un avis défavorable à cet amendement.

Mme Isabelle Attard. Je maintiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AC5 de Mme Marie-George Buffet.

M. le rapporteur. Madame Buffet, pour la clarté et la cohérence de nos débats, puis-je vous proposer de garder cet amendement sous le coude, si je puis dire. Au lieu de compléter l’article 1er, vous pourriez le rectifier afin qu’il vise à devenir un article additionnel après l’article 1er et puisse ainsi être débattu avec les autres amendements sur la protection du secret des sources des journalistes. Comme son changement de place induit une légère modification de sa rédaction, il deviendrait l’amendement AC5 rectifié.

Mme Marie-George Buffet. Je suis d’accord, et je retire parallèlement mon amendement AC7.

L’amendement AC7 est retiré.

La Commission examine l’amendement AC23 de M. Christian Kert, qui fait l’objet du sous-amendement AC71 du rapporteur.

M. Christian Kert. Monsieur le rapporteur, comme vous n’avez pas l’air de vouloir évoluer sur l’intime conviction professionnelle, au moins jusqu’au débat en séance publique, nous proposons un dispositif qui permettrait d’encadrer cette notion. Le présent amendement propose de la fonder sur des principes déontologiques formalisés au sein d’une charte existante ou à négocier dans le cas où l’entreprise n’en posséderait pas. Un tel dispositif nous semble donner un fondement beaucoup plus collectif à cette responsabilité que ne l’est la notion d’intime conviction professionnelle. C’est en quelque sorte un appel à la responsabilité collective de l’entreprise.

M. le rapporteur. Malgré les propos parfois définitifs que vous avez tenus sur l’article 1er, je voudrais vous donner un signe de notre bonne volonté et de notre espoir d’avancer en commun : je propose ainsi de donner un avis favorable à votre amendement même si je propose de le modifier légèrement pour des raisons rédactionnelles par le biais d’un sous-amendement.

Votre amendement propose d’imposer que les contrats de travail des journalistes soient accompagnés de chartes déontologiques sur lesquelles devrait être fondée l’intime conviction professionnelle que nous venons d’adopter. L’idée est très intéressante, et je suis favorable à ce que l’ensemble des éditeurs se dotent rapidement de chartes déontologiques ou, mieux encore, acceptent l’annexion des chartes existantes à la convention nationale collective des journalistes. S’il est parfaitement implicite que l’intime conviction professionnelle des journalistes citée dans le droit d’opposition dont nous débattions doit être formée dans le respect des principes déontologiques, je veux bien que, pour rassurer tout le monde, nous le précisions explicitement.

Je suis donc favorable à votre amendement, mais pour que nous n’écrivions pas deux fois la même chose dans la loi, je vous propose de le modifier légèrement. Nous reprendrions ainsi dans le corps de l’article 1er la seconde phrase de son deuxième alinéa en prévoyant, comme vous le proposez, que l’intime conviction professionnelle soit assise sur la charte déontologique de l’entreprise concernée. Il n’est pas nécessaire de citer la ligne éditoriale de l’entreprise : la clause de conscience implique que le journaliste qui reste dans l’entreprise accepte cette ligne. Il ne faudrait pas donner l’impression de remettre en cause cette clause importante.

Pour le reste, comme vous le proposez, les négociations devraient immédiatement être lancées dans les entreprises sur la rédaction des chartes pour que celles-ci, comme le veut votre amendement, soient obligatoires à partir du 1er juillet 2017.

M. Michel Herbillon. J’avais demandé la parole et, ce qui est extraordinaire, c’est que le rapporteur a répondu à une question que je n’avais pas encore pu poser. (Sourires.)

M. Michel Ménard, président. Voyez son efficacité et sa pertinence !

M. Michel Herbillon. Et il y a répondu favorablement. Avant son intervention, je voulais l’inciter à faire un signe vis-à-vis de certains amendements de l’opposition. Jusqu’alors, nous n’avions que des rejets. Je veux saluer l’initiative du rapporteur et lui dire que nous donnons notre agrément à sa proposition.

M. Émeric Bréhier. Je suis très heureux de cet amendement du groupe Les Républicains et plus encore de la légère modification proposée par le rapporteur. Mais si nous devions adopter cet amendement – ce que je souhaite –, il ne serait pas inutile d’y revenir dans le cadre de la séance pour le compléter sur deux points essentiels : ces chartes déontologiques devront être corédigées par les journalistes et les directions ; elles devront s’appliquer à l’ensemble d’un groupe plutôt qu’à chacune de ses composantes.

Puisqu’elle a une valeur contractuelle et qu’elle engage les deux parties, la charte doit en effet être rédigée par les journalistes ou leurs représentants – la société des rédacteurs, par exemple – et la direction. Il ne peut s’agir seulement d’un document écrit par la seule direction.

Il me semble également important de bien délimiter l’étendue de l’entreprise à laquelle elle s’applique, à un moment où nous assistons à des phénomènes de concentration capitalistique. S’applique-t-elle au groupe de presse dans son ensemble ou à chacune des entités qui le composent ? Pour ma part, je plaide pour la première option plutôt que pour le saucissonnage : les logiques de groupes sont souvent extrêmement importantes, notamment dans les médias.

Nonobstant ces deux remarques qui appellent à un travail supplémentaire, peut-être d’ici à la séance, je suis favorable à l’amendement tel que sous-amendé par le rapporteur.

M. le rapporteur. Je remercie Émeric Bréhier de son utile contribution : ses deux réflexions sont tout à fait pertinentes. Je crois ici que nous faisons un travail exemplaire en adoptant un amendement du groupe Les Républicains que je me suis permis de sous-amender pour éviter les répétitions, sous la perspective de le compléter en séance à son initiative et/ou sans doute celle des membres du groupe socialiste et d’autres groupes. Je pense que nous construisons la loi de manière intelligente et, pour une fois, consensuelle. Je m’en réjouis et je donne rendez-vous à Émeric Bréhier en séance. Il a une semaine pour formaliser par écrit ses excellentes intentions avec le soutien d’ores et déjà actif du rapporteur.

La Commission adopte le sous-amendement AC71.

Elle adopte ensuite l’amendement AC23 sous-amendé.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement AC56 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement propose d’imposer la constitution d’un collège électoral spécifique aux journalistes dans les entreprises de presse dans lesquelles ces derniers sont au moins au nombre de vingt-cinq, par parallélisme à l’instauration obligatoire d’un collège de cadres dans les entreprises de droit commun où ceux-ci atteignent ce nombre.

Il est en effet indispensable de renforcer les garanties non seulement individuelles mais aussi collectives des journalistes, dans un rapport de force très dégradé. Leur représentation dans les comités d’entreprise, compte tenu de la nature particulière de leurs missions et de l’intérêt public qui s’y attache, doit ainsi être légitimement mieux garantie.

Toutefois, des interrogations subsistent sur le vecteur pertinent de cette innovation, qui pourrait aussi être utilement le projet de loi relatif à la réforme du droit du travail. Par le biais de cet amendement, j’ai voulu susciter vos réactions.

M. Michel Ménard, président. S’il n’y a pas de réaction, nous allons passer au vote.

M. le rapporteur. Ma tentative d’ouvrir le débat arrive peut-être un peu trop tôt, d’autant qu’il s’agit de droit du travail. Puisque je veux agir en responsabilité et que je désire que vous votiez en conscience, je vais retirer cet amendement pour vous donner le temps de la réflexion. Je le représenterai en séance.

L’amendement AC56 est retiré.

Article 1er bis
(art. L 7111-11 du code du travail)

Consultation annuelle du comité d’entreprise sur le respect du droit d’opposition des journalistes

La Commission a adopté, à l’initiative du Rapporteur, le présent article additionnel dont l’objet est de prévoir que le comité d’entreprise de toute entreprise de presse écrite et en ligne et de toute agence de presse est consulté chaque année sur le respect par cette dernière du droit d’opposition élargi à tous les journalistes par l’article 1er de la proposition de loi. Il est en effet apparu indispensable d’adosser ce droit sur des garanties collectives, opportunément confiées aux représentants des salariés, qui seraient ainsi conduits à évaluer et à débattre régulièrement de la qualité de son application.

*

La Commission examine l’amendement AC1 de M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Cet amendement propose que le comité d’entreprise de chaque société puisse présenter de manière transparente le nombre de recours effectués par des salariés de l’entreprise au titre du non-respect de l’article 1er. Ce faisant, les représentants du personnel seront collectivement informés de la mise en œuvre de ce droit opposable par les journalistes de la société dont ils sont salariés. Il s’agit ni plus ni moins que de constituer un maillage documentaire, nécessaire en vue d’une action devant le tribunal des prud’hommes si des manquements devaient être constatés.

M. le rapporteur. Cet excellent amendement répondra à une remarque qui est revenue fréquemment lors de nos auditions : vous créez un droit d’opposition intuitu personae pour tous les journalistes, quel que soit le média pour lequel ils travaillent, mais ils vont se retrouver un peu seuls à le faire respecter, sauf intervention éventuelle du juge en cas de contentieux. Je remercie donc Stéphane Travert et ses collègues d’avoir pris cette initiative. L’aspect dissuasif de la loi est renforcé grâce à l’implication du comité d’entreprise. Avis favorable à cet amendement qui apporte une très utile précision.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er ter
(art. 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Protection du secret des sources des journalistes

La Commission a adopté le présent article additionnel dont l’objet est de garantir une meilleure protection du secret des sources des journalistes, afin de leur offrir la possibilité d’exercer sans entrave leur mission fondamentale d’information du public.

Elle a à cette fin repris les dispositions de l’article 1er du projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes n° 1127 déposé le 12 juin 2013 telles qu’elles avaient été très substantiellement enrichies par les amendements adoptés par la Commission au cours de son examen pour avis du projet de loi, le 4 décembre 2013, sur le rapport de M. Michel Pouzol (avis n° 1599).

L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse serait ainsi modifié afin, tout d’abord, d’étendre expressément le bénéfice du droit à la protection du secret de ses sources aux collaborateurs de la rédaction et aux directeurs de publication.

Ensuite, il ne pourrait être porté atteinte au secret des sources que pour prévenir la Commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et lorsque cette information ne peut être obtenue d’aucune autre manière, sans qu’aucun journaliste, collaborateur ou directeur de publication ne puisse en aucun cas être obligé de révéler ces sources.

En outre, les atteintes au secret des sources seraient strictement subordonnées à la décision d’un juge, qui a vocation à être le juge des libertés et de la détention.

Enfin, les bénéficiaires du droit à la protection des sources ne pourraient être condamnés pour le délit de recel d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, d’une violation du secret professionnel ou d’une atteinte à la vie privée, lorsque les documents qu’ils détiennent contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général.

*

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement AC5 rectifié de Mme Marie-George Buffet, AC12 de Mme Isabelle Attard, AC49 de M. Michel Pouzol.

Mme Marie-George Buffet. Dans le cadre de cette proposition de loi visant à garantir la liberté, l’indépendance et le pluralisme dans les médias, il s’agit d’assurer aux journalistes une liberté première, la protection de leurs sources, afin qu’ils puissent mener leurs investigations en toute indépendance et donner à nos compatriotes les informations qu’ils ont à leur disposition.

Cet article ne reprend pas seulement la proposition de loi transpartisane que nous avions redéposée en juillet 2015, il est fidèle au projet de loi déposé par le Gouvernement en 2013 tel qu’il avait été modifié et adopté à l’unanimité par notre Commission après un débat qui avait été d’une très grande richesse. Il y a quelques jours, un Oscar a été remis à Spotlight, un film qui traite justement du travail d’investigation de journalistes. Depuis 2013, ce projet de loi s’est perdu dans les circuits, je ne sais où. Je pense que cette proposition de loi est l’occasion de marquer notre attachement, par un article complet, à la protection des sources. C’est vraiment très attendu par les journalistes, et l’adoption de cet article permettrait de donner un signe fort de respect de leur travail.

Mme Isabelle Attard. Je vais intervenir dans le même esprit que Marie-George Buffet et revenir sur la manière dont nous avions débattu du projet de loi de 2013 sur la protection des sources des journalistes. Il était plaisant de voir comment nous avions fait avancer ce débat, de manière constructive, en commission. Il a donc été d’autant plus frustrant d’être privés de son examen en séance par la suite, et de voir ce projet enterré.

Il s’agissait tout simplement de permettre aux journalistes d’exercer sans entrave leur mission fondamentale d’information du public, afin qu’ils soient en mesure de jouer leur rôle de « chiens de garde de la démocratie », pour reprendre une expression utilisée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ce texte, salué comme une grande amélioration par rapport au droit existant, a ensuite été travaillé en commission des Affaires culturelles puis en commission des Lois en décembre 2013. Cependant, il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour des débats en séance.

Comme Marie-George Buffet, nous souhaitons profiter de cette proposition de loi – le dernier véhicule législatif utilisable avant la fin de la législature – pour faire avancer le sujet. Et j’espère que nous pourrons le faire dès la commission, c’est-à-dire dès aujourd’hui, sans attendre la séance. Je ne vois pas comment le projet de loi sur le secret des sources pourrait revenir à l’ordre du jour avant juin 2017, alors que nous en avons débattu constructivement avant de l’adopter en commission. Il est assez dommageable pour le travail des parlementaires que ce texte ait été retiré de l’ordre du jour d’une façon aussi cavalière, alors que nous avions tant travaillé et tant fait progresser le débat. Ce n’est, ni sur la forme ni sur le fond, une manière d’apprécier le travail législatif.

M. Michel Pouzol. Mon amendement est cosigné par Marie-Anne Chapdelaine qui est responsable de ce texte devant la commission des Lois – je le précise car c’est un symbole important. Permettez-moi de le rectifier puisqu’il aurait dû parvenir à cette commission avec un III et un IV supplémentaires.

Le III précise qu’il « ne peut être porté atteinte au secret des sources au cours d’une enquête de police judiciaire ou d’une instruction que sur décision d’un juge. »

Quant au IV, il indique que la détention et le stockage, par une personne mentionnée au I du présent article, de documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée, ne peuvent constituer le délit de recel prévu à l’article 321-1 du code pénal, lorsque ces documents contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général.

Mon amendement AC49 est ainsi rectifié. Avec cet ajout, la rédaction est totalement conforme à celle de l’amendement de Mme Buffet. Les deux amendements manifestent la même volonté de reprendre la conclusion de nos travaux concernant le texte que nous avions adopté ici à l’unanimité.

Ce dispositif est effectivement très attendu par la profession, mais il fait aussi écho à la situation que vit notre pays : nous devons nous battre contre le terrorisme en donnant les outils nécessaires à nos services de sécurité et de renseignements ; dans le même temps, nous devons préserver l’un des fondements de notre démocratie et de notre liberté, en donnant aux journalistes les moyens de faire leur travail en toute indépendance et transparence. Cet amendement me semble donc particulièrement pertinent.

M. le rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier nos collègues qui ont pris l’initiative de déposer ces amendements : Marie-George Buffet, Michel Pouzol et Marie-Anne Chapdelaine, qui sont respectivement rapporteur pour avis pour notre Commission et rapporteure au fond pour la commission des Lois du projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes ; Isabelle Attard et Noël Mamère.

Pour compléter la présentation de ces amendements, je vais faire quelques rappels. Isabelle Attard et Noël Mamère ont repris la version de la commission des Lois. Marie-George Buffet et Michel Pouzol – grâce au complément qu’il vient d’apporter – ont déposé, dans les mêmes termes, le texte que nous avions adopté à l’unanimité en commission des Affaires culturelles, lors de l’examen du rapport pour avis de Michel Pouzol. Ce texte est d’ailleurs celui de la proposition de loi déposée par Marie-George Buffet et certains collègues, issus de différents groupes de notre Commission.

Chers collègues, je vous remercie d’autant plus de vos amendements que je considère que, face à la non-inscription à l’ordre du jour du projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, nous avons ainsi l’opportunité de reprendre l’initiative, comme l’a souligné Isabelle Attard. Et je vous le dis avec beaucoup de sincérité, cette proposition de loi sur l’indépendance des médias, qui tend à renforcer l’indépendance, l’honnêteté et le pluralisme de l’information et des programmes, aura d’autant plus de force et de portée qu’elle intégrera une dimension ayant trait à la protection du secret des sources des journalistes.

En ma qualité de rapporteur – et aussi de président de notre Commission –, je prends donc l’engagement devant vous que, dans ce que nous voterons en séance la semaine prochaine, il y aura inévitablement des dispositions sur la protection du secret des sources des journalistes.

Cela étant, je me trouve confronté à deux difficultés.

Premièrement, le Gouvernement n’est pas présent ce matin dans notre réunion de commission, tout simplement parce que nous discutons d’une proposition de loi, c’est-à-dire d’un texte d’initiative parlementaire. Or c’est un sujet sensible, qui a fait l’objet d’un projet de loi, conformément à l’un des soixante engagements pris par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle de 2012. Dans ces conditions, j’avoue avoir quelques difficultés à légiférer sans au moins entendre l’avis du Gouvernement.

Deuxièmement, et même si cela peut sembler paradoxal, nous avons en ce moment une surabondance de véhicules législatifs pour porter ces mesures : nos collègues de la commission des Lois, souffrant comme nous de la non-inscription à l’ordre du jour du projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, ont décidé d’utiliser le texte en discussion cet après-midi…

M. Michel Pouzol. L’amendement a été retiré !

M. le rapporteur. Vous m’enlevez alors cet argument. En l’occurrence, je pensais que nous étions confrontés à une difficulté particulière puisque j’avais appris hier qu’un amendement sur le secret des sources devait être examiné aujourd’hui en séance, dans le cadre de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. S’il a été retiré, le projet de loi est vierge.

Je vais ainsi vous résumer ma pensée. D’une part, je prends l’engagement que des dispositions sur la protection des sources seront inscrites le 8 mars dans la présente proposition de loi. D’autre part, en tant que rapporteur, devant prendre en compte l’avis du Gouvernement sur le fond, je suis amené à souhaiter ce matin le retrait de ces amendements en commission. Je sais que la ministre de la culture et de la communication devrait profiter de cette proposition de loi pour intervenir sur le sujet. Quant au Premier ministre, il s’est exprimé très clairement, en janvier lors de ses vœux à la presse. Nous adopterons donc ces dispositions en présence de la ministre, en séance publique la semaine prochaine.

Mme Marie-George Buffet. Je comprends, monsieur le rapporteur, mais notre Commission peut adopter ce matin ces amendements qui sont conformes à un texte que nous avons déjà voté. Au moment de la séance plénière du 8 mars, Mme la ministre aura l’occasion d’exprimer sa position et de présenter d’éventuels amendements gouvernementaux. Je maintiens mon amendement AC5 rectifié et je souhaite qu’il soit soumis au vote.

Mme Isabelle Attard. Je retire mes amendements AC12, AC14 et AC13 qui reprenaient les différents articles adoptés par la commission des Lois.

Je suis heureuse de la réaction de notre rapporteur à ces ajouts proposés par trois groupes différents de cette commission. Je suis heureuse que Marie-George Buffet maintienne son amendement ; c’est crucial. Sur la forme, nous avions été unanimes, et nous avions l’aval du Gouvernement en 2013, si je ne m’abuse. Si la ministre n’est pas là aujourd’hui, ce n’est pas de notre fait. Et si elle a des modifications à apporter, elle pourra le faire par le biais d’amendements gouvernementaux présentés en séance. En tout cas, notre travail parlementaire ne doit pas passer au second plan. Cette proposition de loi n’est pas un secret. Cher rapporteur, vous avez travaillé avec le Gouvernement pour avoir son aval sur ce texte. Si la ministre n’a pas trouvé le temps de s’exprimer sur un sujet aussi important que la protection du secret des sources des journalistes, tant pis. Nous avons un travail à faire et nous le faisons.

Mme Valérie Corre. Je comprends parfaitement la position de M. le rapporteur, et notre intérêt à débattre avec la ministre. Pour autant, pour être cohérents dans nos votes, il me semble nécessaire d’intégrer les mesures sur la protection des sources des journalistes dans cette proposition de loi. C’est pourquoi je voterai pour l’amendement de Mme Buffet.

M. Michel Pouzol. Merci à notre rapporteur pour ses remarques et son engagement à faire figurer la protection du secret des sources des journalistes dans cette proposition de loi sur le renforcement de la liberté, de l’indépendance et du pluralisme des médias. Le titre même de cette proposition de loi prouve, de manière évidente, que ces mesures y ont bien leur place. Certes, le Gouvernement n’est pas présent ce matin, mais ce véhicule législatif semble le plus adapté, et c’est ce qui explique le retrait des amendements qui devaient être présentés sur le texte examiné dans l’hémicycle cet après-midi.

Le débat sur ces mesures aura lieu la semaine prochaine. Il serait toutefois peu compréhensible que la Commission ne vote pas sur un texte qu’elle a déjà adopté et qui a fait l’objet d’un travail collectif de longue haleine. C’est pourquoi, comme Mme Buffet, je maintiens mon amendement.

M. Stéphane Travert. Je comprends bien les arguments du rapporteur et je pense que, de toute façon, la discussion avec le Gouvernement aura lieu en séance la semaine prochaine. Cela dit, notre Commission est souveraine et a déjà adopté de façon unanime ces dispositions sur le secret des sources. À l’heure où nous débattons de cette proposition de loi sur la liberté et l’indépendance des médias, il me semble important que l’ensemble des groupes présents envoie un signal fort aux journalistes, afin de soutenir la demande qu’ils formulent depuis longtemps. Notre Commission s’honorerait aujourd’hui de préparer la séance en votant ces amendements.

M. Franck Riester. En cohérence avec notre vote d’il y a quelques mois, nous voterons également ces amendements en commission.

M. Émeric Bréhier. Il me semble que la cohérence à laquelle nous appelle le rapporteur nous commande de voter l’amendement de M. Pouzol, comme nous l’avons déjà fait il y a quelques mois, quitte à nous affranchir pour cela de la position du Gouvernement qui, en tout état de cause, n’a pas à être présent en commission lors de l’examen d’une proposition de loi. Nous reprendrons évidemment nos échanges avec la ministre dans le cadre de la séance publique. Pour ma part, je souscris donc aux propos de Michel Pouzol et Stéphane Travert.

Mme Gilda Hobert. Comme cela a été rappelé, notre Commission est souveraine. Pour ma part, étant convaincue par le bien-fondé de ces amendements, je voterai pour.

La Commission adopte à l’unanimité les amendements identiques AC5 rectifié et AC49 rectifié.

Les amendements AC12, AC14 et AC13 sont retirés.

Après l’article 1er

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC6 de Mme Marie-George Buffet et AC11 de Mme Isabelle Attard.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement AC6, qui a pour objet de renforcer les droits des journalistes, vise à affirmer que ceux-ci doivent disposer du libre accès à toutes les sources d’information. Il s’inspire du travail effectué par notre président et rapporteur dans le cadre d’une proposition de loi déposée en 2010 par des membres de la commission des Affaires culturelles, et propose une rédaction fondée sur le respect de la « Charte des droits et devoirs des journalistes » adoptée à Munich en 1971.

Mme Isabelle Attard. L’objectif de la présente proposition de loi est de renforcer l’indépendance des médias. Les récentes affaires qui ont fait l’actualité ces dernières semaines ont rappelé l’importance de cloisonner clairement l’éditorial d’un côté, l’économique de l’autre, si l’on veut réellement garantir l’indépendance des rédactions et protéger les médias des pressions économiques et politiques. Cela ne peut se faire qu’au moyen d’une reconnaissance législative de ces rédactions, en posant le principe selon lequel toute agence de presse, publication de presse, entreprise audiovisuelle, multimédia ou électronique doit se doter soit d’une équipe rédactionnelle permanente et autonome, soit d’une association de journalistes. Je me joins donc à Marie-George Buffet pour espérer que le travail effectué par notre rapporteur en 2010 ne reste pas lettre morte.

M. le rapporteur. Ce n’est pas sans émotion que j’ai relu ces amendements qui, à la manière de la madeleine de Proust, m’ont rappelé des souvenirs datant de 2010. Cela dit, nous sommes en 2016, et les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen souhaitent désormais porter un autre dispositif législatif. J’invite donc Mme Buffet et Mme Attard à retirer leurs amendements, et émettrai à défaut un avis défavorable, compte tenu des dispositions que nous avons votées collectivement par ailleurs.

Mme Marie-George Buffet. Je maintiens mon amendement.

Mme Isabelle Attard. Je maintiens le mien également.

La Commission rejette successivement les amendements AC6 et AC11.

TITRE IER
LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Article 2
(art. 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Pouvoirs de régulation du CSA en matière de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes

Le présent article a pour objet de définir au sein des missions confiées au Conseil supérieur de l’audiovisuel par l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, celles tendant à garantir le pluralisme, l’honnêteté et l’indépendance de l’information et des programmes.

Le droit existant et la situation actuelle sont explicités en détail dans le B du II de l’exposé général du présent rapport. Il a ainsi été vu que les dispositions relatives à ces principes sont aujourd’hui éparses et inégalement protégées dans la loi précitée.

Le CSA n’a ainsi la faculté d’adresser, en application de l’article 3-1 de la loi, des recommandations générales aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle que pour veiller au respect du pluralisme, seul principe explicitement mentionné dans la loi du 30 septembre 1986, tant dans son article 1er où il figure parmi ceux qui, en cas de non-respect, peuvent limiter l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle que dans son article 13 qui en précise la portée.

En revanche, les principes d’honnêteté et d’indépendance ne sont garantis que dans le cadre de procédures particulières et présentent dès lors un degré de protection inégale selon les éditeurs.

L’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 dans un contexte où prédominait la problématique de la confusion entre intérêts industriels d’actionnaires détenteurs de marchés publics et intérêts éditoriaux, prévoit ainsi que le CSA doit tenir compte dans la délivrance des autorisations d’usage des fréquences, « pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale », de la qualité des « dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ».

Par ailleurs, cette délivrance est subordonnée à la conclusion d’une convention qui, en application de l’article 28, « doit notamment respecter les principes de l’honnêteté et du pluralisme de l’information », la reprise des « dispositions envisagées » évoquées supra en matière d’honnêteté et d’indépendance qui ont pu motiver la délivrance de la fréquence n’étant pas explicitement imposée par la loi.

Il en résulte un degré d’intensité très variable des stipulations conventionnelles destinées à garantir ces deux principes.

Les principes guidant l’honnêteté des programmes (absence de confusion entre l’information et le divertissement, emploi de journalistes professionnels, encadrement des procédés de modification et de montage des images et des sons et des procédés de « caméra cachée », vérification des sources, etc.) apparaissent il est vrai homogènes dans toutes les conventions signées avec les éditeurs de services nationaux de télévision.

Mais les règles relatives à leur indépendance, en particulier à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, sont pour leur part peu homogènes. Seules deux stipulations particulières apparaissent dans une majorité d’entre elles, mais pas dans toutes les chaînes nationales de télévision par exemple. La première prévoit que « lorsque la société présente à l’antenne, en dehors des écrans publicitaires, des activités d’édition ou de distribution de services de communication audiovisuelle, développées par une personne morale avec laquelle elle a des liens capitalistiques significatifs, elle s’attache, notamment par la modération du ton et la mesure dans l’importance accordée au sujet, à ce que cette présentation revête un caractère strictement informatif. À cette occasion, elle indique au public la nature de ces liens ». La seconde précise que « la société veille à ce que les émissions d’information politique et générale qu’elle diffuse soient réalisées dans des conditions qui garantissent l’indépendance de l’information, notamment à l’égard des intérêts économiques de ses actionnaires. Elle porte à la connaissance du Conseil les dispositions qu’elle met en œuvre à cette fin. ». De même, les bilans de l’application des conventions produits par le CSA ne font que rarement apparaître les dispositifs concrets mis en place par les éditeurs de services pour le respect de ces stipulations.

Seules les conventions conclues avec les chaînes d’information en continu (iTélé, BFM et LCI) comportent une protection renforcée de l’indépendance grâce en particulier à l’instauration de comités chargés du pluralisme et à la garantie d’une étanchéité entre la rédaction et le groupe propriétaire de la chaîne, avec en particulier la présence d’une direction exclusivement rattachée à la chaîne, l’assurance de la direction de la publication de la chaîne et par conséquent l’exercice de la responsabilité pénale éditoriale « en son nom » par le président de la société éditrice, le placement des journalistes et des rédacteurs en chefs « sous la responsabilité hiérarchique » exclusive de la direction et l’interdiction de tout lien hiérarchique entre la rédaction et le groupe auquel appartient la société éditrice. Elles prévoient même que les relations entre la chaîne et les autres sociétés du groupe sont « formalisées par des contrats, établis dans les conditions du marché validées, le cas échéant, par les commissaires aux comptes ».

Afin de clarifier cette situation, le présent article propose d’intégrer aux missions assignées à l’autorité de régulation dans l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 la garantie de l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme, étendu non seulement à l’information, mais également à l’ensemble des programmes. Il sera à cette occasion clairement précisé que le CSA doit veiller à ce que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes.

Sur ce fondement, le CSA pourra adopter toute recommandation pour en assurer le respect. Il disposera en outre d’une référence claire et homogène guidant l’adoption de toute précision conventionnelle utile avec les éditeurs et diffuseurs de services diffusés par voie hertzienne terrestre, conformément à l’article 3 de la présente proposition de loi, et ceux diffusés ou distribués sur les autres réseaux de communications électroniques, en application de l’article 4.

Le conseil pourra, en cohérence, user de ses facultés de mise en demeure afin de remédier à tout manquement à ces principes et exercer, le cas échéant, ses pouvoirs généraux de sanction.

La proposition de loi propose en outre de préciser que le CSA devra veiller au respect par les éditeurs de services des dispositions de l’article 2-1 de la loi du 29 juillet 1881 introduit par l’article 1er de la proposition de loi. La violation du droit d’opposition décrit supra figurera en effet parmi les indices les plus manifestes d’un manquement au principe d’indépendance. Afin de s’assurer que l’autorité indépendante ne sera pas contrainte d’arbitrer ex ante le fonctionnement quotidien des équipes éditoriales et qu’elle concentrera son contrôle ex post sur la qualité du respect de ce droit par les éditeurs, la Commission, sur proposition du Rapporteur, a cependant précisé que cette régulation ne pourra être exercée que dans le cadre conventionnel.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC24 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. Nous avons évoqué les raisons qui nous conduisent à être extrêmement inquiets à l’idée d’une modification fondamentale du rôle du CSA. Au cours des auditions que nous avons menées, toutes les rédactions entendues se sont clairement opposées à ce que le contrôle du CSA s’effectue non plus a posteriori, mais ex ante. Pourquoi instituer un tel droit de regard du CSA, alors que les journalistes ne veulent pas que le CSA soit le garant de leur indépendance ? Une telle proposition comporte un risque d’ingérence du CSA en matière de déontologie et de ligne éditoriale, c’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 2. J’ai entendu ce qu’a dit notre président et rapporteur sur l’intervention de nos commissions dans le choix des membres du CSA, mais il ne faut pas oublier que le président du CSA est nommé par l’exécutif, en l’occurrence par le Président de la République.

M. le rapporteur. Premièrement, l’article 2 ne crée pas ex nihilo des missions nouvelles pour le CSA, mais vise à compléter et renforcer des missions préexistantes éparses, et à rassembler des prérogatives appartenant déjà au CSA. Deuxièmement, j’ai pris en compte ce qui a été dit lors des auditions, notamment sur la nécessité d’éliminer tout risque de contrôle ex ante du CSA, ce qui m’a conduit à prendre l’initiative d’un amendement que nous examinerons très prochainement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC57 du rapporteur, qui fait l’objet de deux sous-amendements AC70 et AC69 de M. Christian Kert.

M. le rapporteur. Après avoir procédé aux auditions et avoir relu l’article 2, j’ai souhaité modifier la rédaction de cet article afin d’éliminer tout doute quant au fait que le Conseil supérieur de l’audiovisuel puisse exercer un contrôle ex ante – dont le président du CSA lui-même m’a exprimé au cours des auditions préparatoires qu’il ne lui apparaissait pas opportun. Je propose donc que la surveillance du respect du droit d’opposition des journalistes assurée par le CSA se fasse dans le seul cadre des conventions signées avec les éditeurs de services de télévision et de radio, et non dans celui du pouvoir d’émettre des recommandations générales.

M. Christian Kert. Les sous-amendements AC70 et AC69 visent à atténuer ce qui peut apparaître comme la recherche permanente de nouvelles responsabilités, et une pression toujours croissante sur le CSA. Le sous-amendement AC70 propose que le contrôle exercé par le CSA en matière d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme porte uniquement sur l’information, et non sur les programmes ; au cas où cette proposition ne serait pas retenue, le sous-amendement de repli AC69 aurait pour objet de limiter les programmes sur lesquels porte le contrôle du CSA aux seuls programmes d’information. À défaut, c’est l’intégralité de la programmation des chaînes qui serait concernée, ce qui nous paraît excessif.

M. le rapporteur. Je suis très défavorable à ces sous-amendements, car l’essentiel des problèmes rencontrés aujourd’hui ne concerne pas l’information en direct, notamment les chaînes d’information en continu. Mon audition de M. Olivier Ravanello, président de la Société des journalistes de Canal +/iTélé, a par exemple montré que le problème concernait bien l’ensemble des programmes, et je tiens à ce que l’article 2 porte sur ceux-ci sans aucune restriction. C’est indispensable à l’efficacité, notamment en matière de médias audiovisuels, et à la portée de cette proposition de loi.

M. Franck Riester. Votre amendement ne supprime pas le contrôle ex ante du CSA, monsieur le rapporteur : c’est en effet au niveau des conventions négociées par le CSA que celui-ci va pouvoir effectuer un contrôle ex ante.

M. le rapporteur. Il semble qu’il y ait un malentendu. Les conventions sont négociées entre chaque chaîne de télévision ou de radio et le CSA. Chaque convention sera spécifique et, comme elle intégrera les autres dispositions de cette proposition de loi sur l’indépendance, le pluralisme et l’honnêteté de l’information et des programmes, elle devra prévoir la garantie du droit d’opposition. Mon amendement précise, comme chacun le demande, que la protection de ce droit fera uniquement l’objet de dispositions dans les conventions, et non de recommandations générales du CSA : c’est donc bien a posteriori que le CSA vérifiera que les termes de la convention sont respectés.

M. Franck Riester. Je ne vois vraiment pas la différence entre votre rédaction et celle du texte initial.

M. le rapporteur. Si vous relisez attentivement les deux versions de l’article 2, vous constaterez que mon amendement a pour effet de supprimer tout contrôle ex ante du CSA.

La Commission rejette successivement les sous-amendements AC70 et AC69.

Elle adopte ensuite l’amendement AC57.

En conséquence, les amendements AC15, AC43, AC25 et AC26 tombent.

La Commission adopte ensuite l’amendement AC58, de coordination, du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3
(art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Adaptations des conventions conclues entre le CSA et les opérateurs autorisés à utiliser les fréquences hertziennes

Le présent article a pour objet de préciser que les conventions conclues entre le CSA et les éditeurs de services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre intègrent les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance des médias que l’article 2 de la présente proposition de loi vise à intégrer dans le champ de la régulation confiée à l’autorité indépendante délimité par l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication subordonne la délivrance des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique des éditeurs de services de radio ou de télévision à titre principal et, éventuellement de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) (l’ensemble des services existants est toutefois aujourd’hui distribuée sur des réseaux autres que la voie hertzienne terrestre comme le câble, le satellite, l’ADSL, la fibre, les 3G et 4G, etc.) ou d’autres services (à l’image des guides électroniques de programmes, dont là encore cependant aucun n’est diffusé aujourd’hui par voie hertzienne terrestre) à la conclusion d’une convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’éditeur concerné.

Ces conventions permettent notamment de répondre à la nécessité d’adapter les obligations de portée générale définies par la loi et les décrets pris sur son fondement à la situation particulière de chaque service compte tenu par exemple de l’étendue de sa zone de desserte ou de son poids dans le marché publicitaire.

Comme il résulte de la description du droit existant au B du II de l’exposé général du présent rapport, les conventions actuellement en vigueur avec les éditeurs comportent des dispositions inégalement protectrices de ces principes, en particulier s’agissant de la garantie de l’indépendance des programmes à l’égard des intérêts des actionnaires et de leurs annonceurs.

Il est dès lors proposé de prévoir que ces conventions comportent des stipulations permettant de garantir le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information, en veillant notamment à ce qu’ils ne méconnaissent pas le droit d’opposition introduit par l’article 1er de la présente proposition de loi.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AC27 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Cet amendement est défendu – malheureusement sans illusions.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 sans modification.

Article 4
(art. 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Adaptation des conventions conclues entre le CSA et les opérateurs de services diffusés par câble, satellite et ADSL

Le présent article a pour objet de préciser que les conventions conclues entre le CSA et les éditeurs de services diffusés par câble, satellite et ADSL intègrent les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance des médias que l’article 2 de la présente proposition de loi vise à intégrer dans le champ de la régulation confiée à l’autorité indépendante fixé par l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 33-1 de cette loi organise plusieurs régimes applicables aux services de communication audiovisuelle, qu’il s’agisse de radio, de télévision ou de média audiovisuel à la demande, distribués par les réseaux de communications électroniques n’utilisant pas de fréquences hertziennes attribuées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Son III prévoit ainsi que les chaînes étrangères et celles qui consistent en la reprise d’un service préalablement autorisé par voie hertzienne terrestre (sauf lorsque, pour les chaînes locales, cette reprise a pour effet de faire passer la population desservie à plus de 10 millions d’habitants) bénéficient d’un régime de liberté de reprise.

Son II soumet les services de médias audiovisuels à la demande ainsi que les services de radio et de télévision dont le budget annuel est, respectivement, inférieur à 75 000 et 150 000 euros, à un régime de déclaration préalable. Aujourd’hui, 83 services de télévision sont ainsi déclarés.

Son I impose en revanche à tous les autres services (qui atteignent le nombre de 165 pour la télévision, dont une vaste majorité consacrée au sport, au cinéma et à la musique) de conclure des conventions fixant les obligations particulières qui leur sont applicables ainsi que les sanctions qui en assurent le respect. Ces conventions portent notamment sur les modalités par lesquelles les éditeurs contribuent à la production d’œuvres audiovisuelles ou sur les proportions de programmes adaptés aux personnes sourdes ou malentendantes ou aux personnes aveugles ou malvoyantes.

S’agissant des seuls services de télévision comportant des émissions d’information politique et générale, l’article 28 dispose, depuis les modifications apportées par la loi du 1er août 2000, que la convention précise les mesures à mettre en œuvre pour « garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion » ainsi que « l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ».

Il est proposé de substituer à cette rédaction, et d’étendre à l’ensemble des services soumis à conventionnement, la fixation de stipulations conventionnelles précisant les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect de principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance introduits par l’article 2 de la présente proposition de loi. Ces dispositions pourraient être adaptées à la spécificité de chaque service, dans le respect des recommandations générales adoptées par le CSA en application du troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi de 1986.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AC28 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 sans modification.

Article 5
(art. 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Prise en compte des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance dans la reconduction simplifiée des autorisations d’émission

Le présent article a pour objet de permettre au CSA de prendre en compte le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes dans le choix d’autoriser la reconduction simplifiée des autorisations d’émission.

L’article 28-1 de la loi du 30 septembre 1986 organise un régime de reconduction simplifiée des autorisations délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aux éditeurs de services de radio et de télévision. L’autorisation initiale, dont la durée ne peut dépasser dix ans (à l’exception des services de radio en mode analogique, pour lesquels elle est limitée à cinq ans) peut ainsi être renouvelée, sans appel à candidature, dans la limite de deux fois et chaque fois pour une durée de cinq ans.

À cet effet, l’autorité publique indépendante doit publier, dix-huit mois avant l’expiration de l’autorisation d’un service de télévision par voie hertzienne terrestre et un an avant celle d’un service de radio, sa décision motivée de recourir ou non à cette procédure. À défaut d’accord entre le régulateur et l’éditeur sur une nouvelle convention au plus tard neuf mois pour un service de télévision et six mois pour un service de radio avant l’expiration de l’autorisation, l’autorisation initiale ne peut être reconduite hors appel à candidature.

Le CSA ne peut cependant pas recourir à la procédure de reconduction simplifiée dans les cinq cas suivants, énumérés au I de l’article 28-1 :

– si la destination de la fréquence du titulaire est modifiée par le Premier ministre en application de l’article 21 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– si le titulaire a fait l’objet d’une sanction, d’une astreinte liquidée ou d’une condamnation – sur le fondement de la loi du 30 septembre 1986, de celle du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou des articles 227-23 ou 227-24 du code pénal réprimant des faits de mise en péril des mineurs – qui justifie que son autorisation ne soit pas reconduite hors appel à candidature ;

– si sa situation financière fait obstacle à la poursuite de l’exploitation du service dans des conditions satisfaisantes ;

– si une reconduction hors appel à candidature est de nature à porter atteinte à l’impératif de pluralisme ;

– ou, s’il s’agit d’un service de radio, dans la mesure où il ne remplit plus les critères propres à la catégorie pour laquelle il est autorisé.

Compte tenu de la gravité que revêt toute infraction au pluralisme, à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes, il est proposé d’ajouter à ces motifs le « non-respect » de ces principes. En ne requérant pas l’existence d’une sanction préalable, cette modification assouplit le champ des cas dans lesquels le CSA peut refuser de mettre en œuvre la procédure de reconduction simplifiée. Toutefois, comme l’a précisé la Commission, ce non-respect devra être constaté sur plusieurs exercices dans le rapport annuel établi par l’autorité de régulation.

S’agissant des chaînes privées à vocation nationale de la télévision hertzienne terrestre, il importe de relever que le régime de reconduction simplifiée, qui doit précéder de dix-huit mois le terme de l’autorisation de ces services, sera susceptible d’intervenir au plus tard le 30 octobre 2018 pour les neuf chaînes dont l’autorisation est entrée en vigueur le 31 mars 2005 (D8, W9, TMC, NT1, NRJ 12, D17, Gulli, LCI et Paris Première), le 31 mars 2019 pour celles dont l’autorisation a débuté le 19 juillet 2005 (BFM TV, I télé, Planète +, Canal + Cinéma, Canal + Sport) et le 11 juin 2026 pour celles lancées le 12 décembre 2012 (HD1, L’équipe 21, 6 ter, RMC découverte, Chérie 25).

En revanche, les chaînes privées historiques – Canal +, M6 et TF1 – ont pour leur part déjà bénéficié de l’intégralité des facultés de reconduction simplifiée prévues par la loi.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AC39 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Défendu.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC59 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il importe juridiquement que le non-respect par l’éditeur de ses obligations soit constaté par un document public, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’exiger que le CSA ait par exemple adopté des mises en demeure, dont les procédures sont souvent lourdes et peuvent ne pas être adaptées aux manquements ici visés. Tel est l’objet de cet amendement, étant précisé que le rapport du CSA prévu à l’article 18 est celui que le Conseil nous présente chaque année.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6
(art. 29 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Prise en compte des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance dans l’appel aux candidatures pour l’exploitation d’un service de radio ou de télévision

Le présent article a pour objet d’intégrer le respect des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes dans les critères obligatoirement pris en compte par le CSA lorsqu’il délivre une autorisation d’usage des fréquences hertziennes aux éditeurs de service de télévision et de radio.

L’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le CSA accorde les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour l’édition de services de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre par la procédure de l’appel à candidature, en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification (ou la « diversité » pour la télévision numérique terrestre) des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Le CSA doit également apprécier l’intérêt des candidatures qui lui sont soumises en tenant compte d’autres critères parmi lesquels l’expérience du candidat dans les activités de communication, le financement et les perspectives d’exploitation du service ainsi que les participations détenues par le candidat dans le capital des régies publicitaires ou des entreprises éditrices de publications de presse.

Outre ces critères généraux, le législateur a défini des critères spécifiques à chaque média :

– pour la radio analogique, le CSA doit prendre également en compte dans la procédure d’appel à candidature, d’une part, le critère de la diversité musicale pour départager deux services à dominante musicale (13e alinéa de l’article 29) et, d’autre part, l’équilibre entre les cinq catégories de services de radio définis par le CSA (trois derniers alinéas de l’article 29) ;

– pour la radio numérique, le CSA doit tenir également compte de la cohérence des propositions formulées par les candidats en matière de regroupement technique et commercial avec d’autres services ; dans la limite de la disponibilité des ressources radioélectriques, il doit autoriser en priorité les services de radio préalablement autorisés en mode analogique sur la base de l’article 29, qui sont reçus dans la même zone géographique (2e alinéa du II de l’article 29-1) ;

– pour la télévision numérique terrestre (TNT), l’article 30-1 énumère de nombreux autres critères d’autorisation propres à ce média. En particulier, le CSA s’assure de la qualité des engagements du candidat en matière de couverture du territoire, de production et de diffusion des œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes. Il tient également compte de la cohérence des propositions du candidat en matière de regroupement technique et commercial avec d’autres services et de choix des distributeurs de services, ainsi que de la capacité du candidat à encourager le développement de la TNT.

En insérant parmi les critères généraux mentionnés à l’article 29, auxquels renvoient les articles 29-1 et 30-1 précités, le respect des principes qu’il propose d’introduire dans l’article 3-1, le présent article aurait pour effet de rendre applicable cette prescription à l’ensemble des procédures d’autorisation de services audiovisuels diffusés par voie hertzienne terrestre.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression AC40 de M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Cet amendement est défendu. Je profite d’avoir la parole pour souligner que, pour quelqu’un qui n’est demandeur de rien – comme notre rapporteur l’a dit –, le président du CSA obtient beaucoup !

M. le rapporteur. Soucieux de l’indépendance du CSA, j’éviterai soigneusement de m’exprimer en faveur ou en défaveur de son président et de ses propos, donc de commenter les propos de M. Kert. Avis défavorable.

M. Michel Herbillon. Depuis le début de cette mandature, nous n’avons pas observé une volonté farouche du CSA de voir ses pouvoirs et son périmètre réduits – mais peut-être cette impression n’est-elle pas partagée par tous les groupes de notre Commission.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement AC60, de coordination, du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Article 7
(art. 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Comités relatifs à l’honnêteté, l’indépendance,
le pluralisme de l’information et des programmes

Le présent article a pour objet de généraliser la présence de comités chargés de contribuer au respect des principes d’honnêteté, d’indépendance, et de pluralisme de l’information et des programmes dans l’ensemble des services de radio et de télévision à vocation nationale, publics et privés, diffusés par voie hertzienne dont la programmation comprend des émissions d’information politique et générale.

Le droit existant, la situation actuelle la portée de cet article et les modifications apportées par la Commission sont explicités dans le A du II de l’exposé général du présent rapport, qui précise notamment les trois principales garanties qu’il apparaît nécessaire de faire figurer dans la loi.

La première tient à l’indispensable indépendance des membres des comités. Compte tenu des caractéristiques protéiformes des intérêts des actionnaires et des annonceurs, il est proposé que ne puissent être nommées que des personnes qui, pendant leurs fonctions et dans un délai de trois ans précédant leur nomination, n’ont « pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque » dans la société éditrice du service de radio ou de télévision concernée, dans l’un de ses actionnaires ou dans une des sociétés dans laquelle cet éditeur ou l’un de ses actionnaires détient une participation ou avec lequel il entretient une relation commerciale. Cette définition, inspirée de celle prévue à l’article L. 432-12 du code pénal, intègre la perception, directe ou indirecte, de bénéfices ou d’avantages pécuniaires, matériels ou même familiaux ou moraux. La Commission a étendu le respect de cette absence de toute source de conflit d’intérêt à l’année qui suivra la cessation des fonctions des membres du comité.

La seconde exigence tient à l’étendue des faits qui devraient utilement pouvoir être examinés par le comité. Le présent article propose ainsi, d’un côté, que les comités puissent se « saisir » de leur propre initiative et, de l’autre, qu’ils puissent être « consultés pour avis », selon des procédures moins lourdes que celles induites par une saisine formelle, par la direction de la société ou par toute personne. La Commission a à cet égard reconnu le rôle précieux joué par les médiateurs dans les sociétés qui les ont mis en place en leur reconnaissant expressément la faculté de consulter pour avis le comité.

La troisième tient à l’efficacité de ses travaux. En cohérence avec l’extension du champ de la régulation exposée infra et conformément aux défis aujourd’hui posés à l’information, ces comités ont pour mission de contribuer au respect des principes d’honnêteté, d’indépendance et de pluralisme de l’information, cette indépendance étant appréciée, grâce au renvoi à la nouvelle rédaction proposée pour l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, notamment à l’égard des intérêts économiques des actionnaires des éditeurs et de leurs annonceurs. Le respect du nouveau droit d’opposition qu’il est proposé d’étendre à tous les journalistes serait naturellement l’un des indices de cette indépendance.

Les actions des comités se matérialiseront, d’une part, par l’information du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur tout manquement constaté, cette information étant indispensable à l’exercice par l’autorité indépendante de son pouvoir de régulation, et d’autre part par l’élaboration d’un bilan annuel rendu public. La Commission a précisé que la direction de la société éditrice sera informée concomitamment au CSA.

Une importante place est toutefois laissée aux conventions négociées entre l’éditeur de services et l’autorité de régulation ou, dans le cas des chaînes publiques, aux cahiers des charges approuvés par décret après avis du CSA conformément à l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986. Ces conventions détermineront ainsi l’opportunité offerte par la loi de mettre en place des comités communs à plusieurs filiales d’un même groupe et fixeront la composition, qui devra respecter, conformément à une modification apportée par la Commission, la parité, et les modalités précises de fonctionnement des comités.

*

La Commission examine l’amendement AC16 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement était lié à l’amendement AC15 à l’article 2, qui est tombé à la suite de l’adoption de l’amendement du rapporteur. De la même manière que demander au CSA de garantir l’honnêteté de l’information paraît disproportionné et décalé par rapport aux objectifs de la présente proposition de loi, ce ne doit pas être non plus l’objectif du nouveau comité créé à l’article 7. Comment le CSA pourrait-il, a priori, garantir l’honnêteté de l’information ? Faute de savoir ce qu’il y a dans la tête des journalistes, un tel principe ne peut se prouver qu’a posteriori, en cas de litige porté devant un juge.

Si confier au CSA le contrôle de l’indépendance et du pluralisme de l’information et des médias est essentiel, je ne vois pas ce qui justifie d’attribuer la tâche de garantir l’honnêteté de l’information à un conseil dont le président est nommé par le Président de la République, plutôt qu’à un comité vraiment indépendant, comme le réclame le Syndicat national des journalistes. Pour notre part, nous considérons que l’attribution de cette mission au CSA, gendarme de la liberté et de l’indépendance des médias, est plus que contestable. Le présent amendement propose par cohérence de supprimer la référence à l’honnêteté à la première phrase de l’alinéa 2.

M. le rapporteur. Je vais vous donner une nouvelle preuve de mon manque d’imagination législative, en rappelant que le CSA est déjà dépositaire d’une mission consistant à contrôler l’honnêteté de l’information. L’exercice de cette mission se fait sans aucune contestation, et c’est d’ailleurs dans ce domaine que l’on constate la plus grande homogénéité au regard des conventions liant les éditeurs au CSA. Je vous invite donc à retirer cet amendement, à moins de persister à vouloir priver le CSA d’une mission qu’il exerce actuellement sans que cela ne soulève de contestations.

Mme Isabelle Attard. Je maintiens mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC63 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise simplement à substituer le mot « institué » au mot « constitué » à la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 7.

M. Franck Riester. Quelle est la différence entre ces deux termes ?

M. le rapporteur. Une différence d’ordre légistique dont l’intérêt ne saurait vous échapper, monsieur Riester, vous qui avez déjà été rapporteur – étant précisé qu’il n’y a aucune intention cachée dans cette proposition.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AC64, rédactionnel, du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AC2 de M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Cet amendement a pour objet de créer un comité d’éthique auprès de chaque radio ou télévision locale diffusant par voie hertzienne terrestre des programmes d’information politique et générale, afin de garantir l’égalité de traitement des médias audiovisuels régulés par le CSA.

M. le rapporteur. Sans doute la discussion en séance nous conduira-t-elle à préciser le champ d’application de cet amendement. À défaut, ce champ est extrêmement large, et peut concerner des médias de très petite dimension – un terme qui n’a rien de péjoratif. En l’état actuel, je vous propose de rectifier l’amendement AC2 en remplaçant les mots « et locale » par les mots « ou locale », afin que l’on ne puisse penser que cette proposition ne concerne que les éditeurs ayant à la fois un service national et un service local.

M. Stéphane Travert. J’accepte volontiers cette rectification.

La Commission adopte l’amendement AC2 rectifié.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC29 de M. Christian Kert et AC62 du rapporteur.

M. Christian Kert. Le fait que le comité d’éthique puisse être consulté pour avis par toute personne nous paraît dangereux, c’est pourquoi nous estimons que sa saisine devrait être limitée. Nous proposons donc de rédiger ainsi la fin de la deuxième phrase de l’alinéa 2 de l’article 7 : « , être consulté pour avis par la direction de l’entreprise et les délégués du personnel ou être informé par toute personne ».

M. le rapporteur. Au cours des auditions, j’ai entendu plusieurs de nos interlocuteurs affirmer spontanément que le comité d’éthique pouvait être saisi par lui-même, par la direction de la société ou par toute autre personne. À chaque fois, j’ai dû rectifier cette lecture hâtive et erronée de l’article 7 : en réalité, le comité d’éthique ne peut que s’autosaisir, ou être consulté pour avis par toute personne. Nous devons nous féliciter de ce qui constitue un signe d’ouverture, en réponse au problème de la représentation des téléspectateurs, des auditeurs et des lecteurs qui se pose depuis des décennies, indépendamment des majorités qui se sont succédé. J’y reviendrai lorsque nous aborderons la question du médiateur mais, dans l’immédiat, je vous demande de ne pas modifier le texte de la proposition, conçu de manière à ce que les comités puissent être consultés par tous, ce qui me semble indispensable, sans qu’ils soient submergés de demandes intempestives et infondées, la consultation pour avis impliquant pour ces dernières le suivi de procédures moins lourdes qu’une saisine proprement dite. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement AC29.

M. Franck Riester. J’aimerais savoir quelle différence vous faites entre être saisi et être consulté, monsieur le rapporteur : en effet, le fait d’être consulté implique qu’un avis soit rendu – j’espère que vous n’invoquerez pas la légistique pour repousser ma demande d’explication d’un revers de main. (Sourires.)

M. le rapporteur. La saisine est une notion d’essence juridique et donc de portée extrêmement formelle : si le comité est saisi, il est obligé de donner suite par un travail approfondi.

M. Franck Riester. S’il est consulté, il doit également donner suite, en émettant un avis : seule la simple information du comité, que nous proposons, n’implique aucune action de sa part en retour.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement et je pense que nous poursuivons les mêmes objectifs. Cela dit, il me semble qu’instaurer trois types d’intervention différents – saisine, consultation pour avis et information – serait trop compliqué, et qu’il est préférable de laisser une certaine autonomie aux comités d’éthique, qui fixent leurs conditions de fonctionnement en concertation avec leurs directions et sous le contrôle final du CSA. Je ne doute pas que les comités sauront trouver, comme le font actuellement les médiateurs, des solutions efficaces pour que les demandes infondées qui leur sont adressées ne se traduisent pas par un engorgement nuisant à leur fonctionnement.

M. Michel Herbillon. Si nous poursuivons effectivement le même objectif consistant à faire en sorte d’éviter l’engorgement des comités, très franchement, notre amendement, qui prévoit l’autosaisine des comités, leur consultation réservée à la direction et aux délégués du personnel, et leur information par toute personne, me semble constituer une réponse plus claire au problème posé. Pour votre part, vous faites de la casuistique, monsieur le rapporteur, en refusant de considérer qu’une consultation du comité nécessite une réponse de sa part.

M. le rapporteur. Quitte à faire de la casuistique, je vous retourne vos arguments, monsieur Herbillon. D’abord, il m’est impossible de voter l’amendement AC29 en l’état, car tout salarié de l’entreprise doit à mes yeux pouvoir consulter le comité d’éthique pour avis. Par ailleurs, si le comité veut établir un rapport de confiance vis-à-vis de toute personne, il me semble qu’il peut difficilement faire moins que d’adresser un accusé de réception à chaque émetteur d’une information, ne serait-ce que pour l’informer du caractère infondé de sa demande – dès lors, je ne vois pas l’intérêt d’établir une distinction entre consultation et information.

La Commission rejette l’amendement AC29.

M. le rapporteur. L’amendement AC62 vise à prendre acte du rôle très précieux que jouent les médiateurs dans les chaînes qui les ont mis en place – je pense aux chaînes de l’audiovisuel public, ainsi qu’à TF1, et à la presse écrite –, un rôle salué notamment par le rapport de Marie Sirinelli dans son rapport de février 2014 sur la déontologie et l’autorégulation de l’information. Le champ de la consultation des comités serait ainsi étendu à ces maillons importants de la confiance entre les médias et les téléspectateurs et auditeurs.

La Commission adopte l’amendement AC62.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AC30 de M. Christian Kert et AC61 du rapporteur.

M. Michel Herbillon. L’amendement AC30 vise à ce que le comité d’éthique informe la direction de la société concernée des faits qu’elle pense contrevenir à ses principes, avant de saisir le CSA.

M. le rapporteur. L’amendement AC61 que j’ai déposé m’a été inspiré par les auditions auxquelles nous avons procédé, en l’occurrence par le souhait qu’ont émis plusieurs éditeurs d’être informés du fait que le comité d’éthique s’apprêtait à informer le CSA – de façon concomitante à cette démarche.

M. Franck Riester. La concomitance que vous évoquez n’apparaît pas dans la rédaction de votre amendement, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. Je l’admets, et vous propose donc de rectifier mon amendement AC61 en y faisant figurer cette notion de concomitance.

La Commission rejette l’amendement AC30.

Puis elle adopte l’amendement AC61 rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement AC31 de M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Le comité d’éthique n’a pas vocation à être jugé en fonction du nombre d’autosaisines qu’il aura réalisées annuellement. Pour assurer son bon fonctionnement et son efficacité au sein de l’entreprise, la discrétion de ses travaux est au contraire un préalable. À cette fin, nous proposons de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 7.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement qui propose de supprimer l’obligation faite au comité d’éthique de publier des rapports annuels publics. Sachant à quel point M. Riester est attaché au principe de transparence, je suis sûr qu’il acceptera de retirer son amendement qui me semble y être contraire.

M. Franck Riester. La transparence me semblant pouvoir être obtenue par d’autres moyens que la production de rapports annuels – je pense notamment à l’accès libre à l’information sur des sites internet –, je maintiens mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AC65, rédactionnel, du rapporteur.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements AC66 du rapporteur et AC32 de M. Christian Kert.

M. le rapporteur. L’amendement AC66 est rédactionnel.

M. Michel Herbillon. Le critère des trois ans risquant de rendre très difficile le fait même de composer un comité d’éthique, nous proposons de le réduire à un an.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de cette proposition, qui correspond à une demande formulée lors des auditions, mais je vous propose d’en rester au critère des trois ans dans le cadre de nos travaux en commission.

M. Franck Riester. Ce qui signifie que vous ne seriez pas opposé à discuter de cette proposition en séance publique, monsieur le rapporteur ?

M. le rapporteur. Vous m’avez compris, cher collègue.

M. Michel Herbillon. Pourquoi l’ouverture ne peut-elle se faire dès maintenant ?

M. le rapporteur. Parce que je préfère que nous nous donnions une semaine supplémentaire pour y réfléchir, et pour savoir ce qu’en pense le Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement AC66.

En conséquence, l’amendement AC32 tombe.

La Commission examine ensuite l’amendement AC46 de M. Émeric Bréhier.

M. Émeric Bréhier. Afin de prévenir toute forme de conflit d’intérêts, cet amendement propose que, durant l’année qui suit la fin de son mandat, le membre du comité d’éthique ne puisse en aucun cas prendre part aux activités ou avoir des liens capitalistiques avec la société éditrice dont il était membre du comité d’éthique. Cette disposition ne vise pas à réduire la capacité des membres des comités d’éthique à reprendre ou poursuivre une activité, mais à renforcer l’indépendance des comités d’éthique et la légitimité des décisions qu’ils prennent.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cette proposition qui constitue une nouvelle garantie d’indépendance. Peut-être même pourra-t-elle s’articuler avec les éventuelles modifications du délai des prescriptions fixée en amont de la nomination des membres autour du délai de trois ans dont il a été question précédemment.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC33 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. Nous proposons de laisser un peu de souplesse aux entreprises dans la nomination de leurs comités d’éthique et la définition de leur fonctionnement – au regard des critères inscrits dans la loi –, plutôt que de renforcer sans cesse les pouvoirs du CSA.

M. le rapporteur. J’ai un peu de mal à suivre M. Herbillon quand il exprime sa préoccupation de ne pas trop renforcer les prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel, tout en proposant que la définition par l’entreprise des modalités de fonctionnement de son comité d’éthique se fasse sur la base d’une recommandation du CSA. Le texte de la proposition de loi me paraît plus souple et plus respectueux de la liberté des éditeurs – à laquelle je suis également très attaché – puisqu’il confie la détermination de l’organisation et des modalités de fonctionnement des comités aux conventions négociées avec le CSA. Afin d’éviter ce qui m’apparaît comme une contradiction, je vous invite à retirer cet amendement, monsieur Herbillon.

M. Michel Herbillon. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AC4 de Mme Catherine Coutelle.

M. Stéphane Travert. Cet amendement tend à rendre paritaires les comités que nous venons de créer. Il s’agit de réaffirmer ici la politique volontariste que nous menons en matière de parité dans les instances professionnelles et lors des nominations, notamment depuis l’adoption de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC41 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. Par souci d’homothétie, nous proposons que les chaînes parlementaires soient dotées comme les autres d’un comité d’éthique.

M. le rapporteur. Le problème est le suivant : vous le savez, les chaînes parlementaires ne relèvent pas de la régulation du CSA. Or l’article 7 est consacré à un comité d’éthique étroitement lié à la convention entre l’éditeur et le CSA. Libre à vous, mes chers collègues, de déposer une proposition de loi qui charge le CSA de la régulation des chaînes parlementaires, mais ce serait étendre encore ses missions…

M. Michel Herbillon. Ce n’est pas l’objet de l’amendement.

M. le rapporteur. J’ai peur que cela en soit la conséquence implicite. Je rappelle s’il en était besoin à propos de La Chaîne parlementaire ce que j’ai également dit aux personnes que nous avons auditionnées : grâce au pluralisme de son conseil d’administration, l’impartialité de ses programmes est assurée dans le cadre de son indépendance éditoriale. D’ailleurs, c’est nous-mêmes qui garantissons ce pluralisme !

Avis défavorable.

M. Émeric Bréhier. J’entends les arguments – de légistique ou de casuistique, je ne sais – de notre rapporteur. Toutefois, la remarque de nos collègues, qui regrettent que des chaînes directement issues de la volonté des parlementaires ne soient pas dotées d’un comité d’éthique alors que les mêmes parlementaires en créent un pour les différents groupes audiovisuels, n’est pas sans fondement.

Certes, ces chaînes ne sont pas assujetties au contrôle du CSA mais rien n’empêche de déposer un autre amendement qui les dote de tels comités tout en tenant compte de cette objection, et je ne doute pas que nos collègues le feront d’ici à la séance.

Si nous imposons ces règles, c’est parce qu’elles nous paraissent de bon aloi, y compris eu égard à la protection des journalistes au sein des chaînes concernées. Or cette protection doit également s’appliquer aux chaînes parlementaires : en la matière, nul n’est à l’abri de turpitudes, pas même des siennes !

M. Franck Riester. Je suis tout à fait d’accord avec M. Herbillon, comme avec M. Bréhier lorsqu’il rappelle la nécessaire exemplarité des chaînes parlementaires au sein du paysage audiovisuel français.

Au demeurant, ce débat ne prouve-t-il pas qu’il n’appartient pas au CSA de veiller au respect de la déontologie, que ce soit au sein des organes de presse, des chaînes ou des antennes audiovisuelles ? Là ne doit pas être sa mission ; laissons-lui la régulation économique.

M. Michel Herbillon. En effet, la réponse de notre président et rapporteur illustre parfaitement ce que nous dénonçons : le fil rouge de cette loi, ce sont les pouvoirs accordés au CSA, et c’est excessif. Je le répète, je ne vois pas pourquoi, alors que nous souhaitons doter toutes les chaînes d’un comité d’éthique, nous ferions exception pour les chaînes parlementaires. Le fait que celles-ci ne soient pas régulées par le CSA – et nous ne proposons pas qu’elles le soient – ne les empêche nullement d’avoir leur comité d’éthique.

M. Émeric Bréhier. Chacun voit dans cette loi le fil rouge qu’il souhaite y voir. Pour moi, il s’agit de la protection des journalistes. Je vous renvoie aux amendements relatifs à la protection des sources que nous avons votés après l’article premier. Ce dont il s’agit dans ce texte, c’est bien de garantir l’indépendance et le pluralisme des médias.

Cela ne nous empêche pas, comme législateur, de juger qu’un comité d’éthique, dans le cadre spécifique des chaînes parlementaires, serait utile – ce que, pour ma part, je persiste à croire. Je sais bien que tout est affaire de casuistique, surtout avec notre collègue Herbillon, mais gardons-nous de toute confusion : le texte de loi vise à protéger les journalistes, dans leurs rapports avec leur employeur comme en protégeant leurs sources. Et la création d’un comité d’éthique pour les chaînes parlementaires ne remettrait pas en cause le fait que le CSA ait été chargé, avant même ce texte de loi, de veiller au respect des conventions signées avec les chaînes.

Mme Martine Martinel. Il me semble que Franck Riester a soumis les arguments d’Émeric Bréhier à une forme de manipulation. Il ne s’agit pas ici de faire le procès du CSA ; tel n’est pas l’objet de la proposition de loi. D’autre part, il n’est pas exact de dire que la compétence du CSA se limite à la régulation économique. Il y a là une confusion qui ne rend pas justice aux propos de notre rapporteur ni à la teneur du texte.

M. le rapporteur. La disposition qu’il est proposé de supprimer ne figure dans la proposition de loi que pour rappeler, s’il en était besoin, que les chaînes parlementaires ne sont pas régulées par le CSA. C’est logique dans un article qui, vous l’avez les uns et les autres rappelé, fait largement appel au CSA, notamment en ce qui concerne la mise en place et la composition des comités d’éthique.

Dans l’esprit d’ouverture qui, du moins je l’espère, m’a animé ce matin
– sans que cela ait suffi, hélas, pour vous convaincre sur tous les sujets –, et afin d’éviter toute ambiguïté, j’émets finalement un avis favorable à l’amendement. Ne laissons pas penser que les chaînes parlementaires bénéficieraient d’un statut particulier lié à l’adjectif qui les qualifie, et ne prenons pas le risque d’être interpellés à ce sujet. Nous ne sommes pas des parlementaires qui protégeons La Chaîne parlementaire. Pour autant, cela ne signifie en aucune manière que nous plaçons cette chaîne sous la régulation du CSA, ce qu’exclut l’article 45-2 de la loi de 1986. Ceux d’entre vous qui souhaiteraient que le CSA régule La Chaîne parlementaire – mais je doute que ce soit le cas – devront ainsi prendre une initiative législative explicite en ce sens.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8
(art. 18 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Rapport annuel du CSA

Le présent article a pour objet de prévoir que le Conseil supérieur de l’audiovisuel rende compte de son action au titre des principes de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes dans le rapport annuel qu’il présente au Parlement.

L’article 8 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel établit chaque année un rapport public qui rend compte de son activité et de l’application de la présente loi. Il peut y suggérer des modifications de la réglementation compte tenu des évolutions technologiques, économiques, sociales et culturelles des activités du secteur de l’audiovisuel. Ce rapport est adressé au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement avant la fin du premier trimestre, avant d’être présenté par le président du CSA, en audition publique, devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire.

Le champ du rapport a été complété à diverses reprises, à mesure que s’est étendu le champ de la régulation confiée à l’autorité indépendante, intégrant la description de l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique, la présentation des mesures prises en application des articles 39 à 41-4 qui visent à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme, la fourniture d’informations sur le sous-titrage et la langue des signes et la description du développement et des moyens de financement des services de télévision locale. Le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 6 octobre 2015 propose d’y faire figurer en outre le bilan de l’application des quotas de chansons francophones dans les radios.

Il apparaît, dans ce contexte, nécessaire que l’autorité indépendante puisse produire une information complète sur la manière dont elle s’acquitte des nouvelles missions qu’il est proposé de lui assigner. Afin que cette information soit exhaustive, il est prévu que le CSA précise, dans ce rapport annuel, l’ensemble des manquements qu’il aura constatés, des suites données à ces manquements ainsi que des raisons pour lesquelles il ne les aura pas, le cas échéant, sanctionnés.

*

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Article 9
(art. 40 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Limitation de la détention du capital des services audiovisuels par les personnes de nationalité étrangère

Le présent article a pour objet de garantir l’effectivité de l’interdiction opposée par la loi du 30 septembre 1986 à toute personne non ressortissante d’un État membre de l’Union européenne de détenir plus de 20 % du capital ou des droits de vote d’un service de radio et de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en langue française.

L’article 40 de la loi précitée pose ce principe depuis 1986, sans qu’aucune décision n’ait toutefois jamais été rendue au contentieux sur la question de son application. Il a notamment justifié que la France et la Principauté de Monaco aient conclu plusieurs accords internationaux afin de permettre à TMC, alors détenue à plus de 20 % par des capitaux monégasques, d’être autorisée à éditer un service de télévision au niveau local, puis au niveau national et que le CSA ait imposé aux candidats, lors des appels à candidatures, de justifier de leur nationalité en exigeant par exemple explicitement, parmi les pièces à fournir par un candidat à l’exploitation d’un service de radio, un « engagement sur l’honneur que la condition de nationalité prévue par l’article 40 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée est remplie ».

Cependant, dans sa décision Association Racif du 4 février 2015, le Conseil d’État a retenu une interprétation littérale des dispositions de la loi, qui proscrivent à toute personne de nationalité étrangère de « procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, la part du capital détenue par des étrangers à plus de 20 % du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation ». Il a en effet estimé qu’elles n’avaient pour objet que d’interdire à une personne de nationalité étrangère d’acquérir plus de 20 % du capital d’une société déjà titulaire d’une autorisation, et non pas d’interdire au Conseil supérieur de l’audiovisuel de délivrer une autorisation nouvelle à une société « déjà détenue à plus de 20 % par une personne de nationalité étrangère ». Il a en conséquence annulé la décision du 15 février 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait autorisé la société Médi 1 France, dont le capital est majoritairement détenu par le Royaume du Maroc, à exploiter un service de radio par voie hertzienne en mode numérique dénommé « Médi 1 France ».

Cette interprétation affaiblit fortement la portée du principe posé par l’article 40, qui peut dès lors être aisément contourné par les personnes étrangères qui décideraient de postuler à l’attribution d’une fréquence.

Il est donc proposé de restituer à cet article toute la portée que le Législateur souhaitait lui donner en 1986 en le complétant par un alinéa précisant qu’aucune autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française ne peut être accordée à une société dans laquelle plus de 20 % du capital social ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par des personnes de nationalité étrangère. Conformément aux engagements internationaux de la France, cette disposition ne serait évidemment pas opposable aux ressortissants de l’Union européenne.

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La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 10
(art. 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Droit d’opposition des journalistes de l’audiovisuel public

Le présent article a pour objet d’abroger, en cohérence avec l’élargissement du bénéfice de ces dispositions à l’ensemble des journalistes, qu’ils relèvent ou non du secteur de l’audiovisuel public, la mention spécifique du droit d’opposition aujourd’hui présente au VI de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986. Aucune modification n’est apportée aux protections auxquelles l’article 1er de la présente proposition de loi confère un caractère général, dont continueraient ainsi de jouir les journalistes des sociétés nationales de programme.

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La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Après l’article 10

La Commission aborde l’amendement AC20 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Vous le savez, monsieur le président et rapporteur : d’une manière générale, je tiens beaucoup à ce que toutes les catégories de professionnels et d’usagers soient associées aux décisions qui sont prises à leur sujet dans les comités ou conseils, et je profite de toute occasion qui m’est donnée de le demander. C’est nécessaire dans toutes les instances de décision, par exemple à la SNCF. Les premiers concernés sont toujours oubliés. Pourtant, n’est-ce pas pour les téléspectateurs que l’on crée des programmes audiovisuels, comme c’est pour les lecteurs de la presse que l’on écrit des journaux ?

Voilà pourquoi je propose ici qu’un représentant des usagers du service public de l’audiovisuel soit nommé parmi les membres du CSA.

M. le rapporteur. Cet amendement mériterait d’être retravaillé. J’en comprends évidemment l’esprit. Cette idée d’une représentation des usagers du service public n’est d’ailleurs pas nouvelle, même s’il faut tenir compte des personnalités qui siègent déjà au conseil d’administration des trois sociétés de l’audiovisuel public. Il me paraît difficile de résoudre le problème à ce stade et dans le cadre de la présente proposition de loi, d’autant que l’amendement ne précise pas si le représentant des usagers devra être choisi parmi les membres nommés par le président de l’Assemblée, par celui du Sénat, voire par le Président de la République.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, madame Attard, le cas échéant pour demander une réponse plus précise au Gouvernement mardi prochain. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Isabelle Attard. Je le retire pour le redéposer en séance. La rédaction était délibérément vague, pour plus de liberté dans le choix du représentant des usagers.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AC17 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Le monde médiatique doit absolument être coupé des pouvoirs publics pour être véritablement autonome. Mais lorsque de grandes entreprises transnationales, qu’elles s’occupent de distribution d’eau, de bâtiment et travaux publics ou d’armement, répondent à d’immenses marchés publics tout en détenant des médias importants, il y a confusion des genres. « Les Jours heureux », le programme du Conseil national de la Résistance, ne disait-il pas clairement qu’il fallait « assurer la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères » ?

Au nom du pluralisme des médias, la concentration de l’audiovisuel au profit d’entreprises qui bénéficient par ailleurs d’argent public doit donc être interdite. Il faut aussi veiller à ce que ces grandes entreprises ne puissent soigner leur image par le biais de leurs propres médias.

Voilà pourquoi il est ici proposé qu’une société qui détiendrait 10 % ou plus du capital d’une société de télévision ou d’une filiale soit exclue des procédures de soumission aux marchés publics au-delà d’un seuil fixé par décret.

Le même amendement avait été déposé en 2013, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. Le Gouvernement avait alors reporté l’examen de cette question à un « second temps législatif ». Ce moment tant attendu n’est-il pas venu ? Cela fait bien longtemps que ces problèmes de concentration des pouvoirs sont débattus. Dès 1984, Pierre Mauroy défendait une loi contre les pouvoirs de l’argent et les grands patrons de presse ; on parlait à l’époque d’Hersant, non de Bolloré, mais, en ce domaine, rien n’a changé. Saisissons donc cette occasion qui ne se représentera pas.

M. le rapporteur. Ici non plus, nous ne partons pas de rien. Les marchés publics auxquels les éditeurs souhaiteraient postuler et ceux dont ils bénéficient figurent déjà en bonne place dans la proposition de loi, parmi les « intérêts économiques » dont, aux termes de son article 2, le CSA devra veiller à ce qu’ils n’interfèrent pas dans l’information et les programmes.

Il est vrai que seuls sont actuellement concernés les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale. Mais l’indépendance de ces services « à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public », est l’un des critères dont le CSA doit dès à présent tenir compte dans l’attribution des fréquences, et les dispositions envisagées pour garantir cette indépendance sont intégrées aux conventions. D’ailleurs, on ne le sait pas assez, la loi permet d’ores et déjà au CSA de recueillir toutes les informations relatives aux marchés publics et aux délégations de service public des éditeurs sans que le secret des affaires puisse lui être opposé.

Puisqu’il existe déjà de telles dispositions sur lesquelles la proposition de loi peut s’appuyer, j’émettrai un avis défavorable à l’amendement, d’autant que son aspect systématique ne paraît pas conforme au droit européen relatif aux marchés publics.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AC18 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit toujours de la concentration des médias. Je veux parler de ce que vous, cher président et rapporteur, écriviez à ce sujet en 2011 dans le programme socialiste. Vous avez précisé il y a peu que l’arbitrage n’avait pas été favorable à votre préconisation et que vous aviez préféré ne pas y revenir dans la présente proposition de loi. Je le regrette vivement, car je persiste à penser que cette concentration est très préjudiciable au pluralisme des médias qui nous occupe aujourd’hui : les deux sujets sont étroitement liés, et la portée du problème est considérable.

L’amendement reprend une proposition du rapport qu’Alain Lancelot avait remis début 2006 au Premier ministre, sous la présidence de Jacques Chirac. C’est ce rapport qui fixait un seuil d’audience maximal de 37,5 % de l’audience totale et faisait du CSA le garant de la mesure de l’audience. Il est regrettable que ces préconisations soient restées lettre morte.

Nous proposons de sauvegarder le pluralisme en encadrant l’influence que peut posséder un opérateur sur la formation de l’opinion. Aux termes de l’amendement, toute acquisition externe ayant pour effet de porter la part d’audience d’un même groupe au-delà d’un seuil correspondant à 37,5 % de l’audience totale serait interdite.

M. le rapporteur. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était ! Et pourtant, après l’indépendance des rédactions, voici le retour du plafond d’audience de 37,5 %… Je l’avais effectivement proposé dans le programme socialiste pour 2012, m’inspirant – décidément, je suis un garçon peu imaginatif – des dispositions applicables outre-Rhin, où ce plafond est d’ailleurs mesuré par un observatoire indépendant : une telle mission ne saurait incomber au CSA. Quoi qu’il en soit, d’autres choix ont été faits ; surtout, nous n’avons disposé – et nous ne disposerons sans doute – d’aucun véhicule législatif permettant d’aborder ces questions de régulation de l’audiovisuel, notamment dans leur dimension économique ; sur ce point, il pourrait y avoir d’autres éléments en stock, si j’ose dire.

Je comprends le sens de votre démarche, à laquelle je suis évidemment sensible ; mais, étant donné l’objet de cette proposition de loi, je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Isabelle Attard. S’il ne doit pas y avoir à l’avenir d’autre véhicule législatif pour cette proposition, c’est une raison supplémentaire de la maintenir.

La Commission rejette l’amendement.

Article 10 bis
(art. 42 et art. 48-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Élargissement de la saisine du CSA aux organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France

La Commission a adopté, à l’initiative du Rapporteur, le présent article additionnel dont l’objet est de permettre, en cohérence avec la clarification et au renforcement des missions de l’autorité de régulation relatives à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information, aux organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France de demander au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’engager la procédure de mise en demeure des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et des opérateurs de réseaux satellitaires (article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) ou des sociétés nationales de programme (article 48-1) de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, en particulier les principes définis aux articles 1er et 3-1 de la loi précitée.

Ces associations s’ajouteraient aux actuels bénéficiaires de cette faculté de saisine, soit les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle, le Conseil national des langues et cultures régionales, les associations familiales, les associations de défense des droits des femmes ainsi que les associations ayant dans leur objet social la défense des intérêts des téléspectateurs.

*

La Commission aborde ensuite l’amendement AC67 du Rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise, en cohérence avec l’extension et la clarification des missions du CSA concernant l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme des médias, à ajouter les organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France au champ des organes et associations qui peuvent demander au CSA de mettre un éditeur en demeure de respecter ses obligations légales.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 10

La Commission est alors saisie de l’amendement AC19 de Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Il s’agit de la transparence dans le recrutement des dirigeants de l’audiovisuel public. C’est un sujet de préoccupation au-delà de cette enceinte, comme en attestent les vives polémiques suscitées par les récentes nominations à la tête de Radio France et de France Télévisions. Elles seraient bien moindres si le processus de recrutement était plus transparent.

L’amendement est délibérément rédigé en termes assez vagues, afin de laisser au CSA la marge de manœuvre nécessaire pour accroître la transparence tout en maintenant d’autres critères. On peut ainsi imaginer que la liste des candidats reste confidentielle, pour ne pas entraver les candidatures, mais que les auditions de ceux qui ont franchi l’étape de la première sélection soient au moins en partie publiques, notamment la présentation par les candidats de leur projet stratégique. Car c’est bien cet aspect qui a créé une difficulté lors de la nomination de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions. L’absence de transparence est un problème qui revient sans cesse dans les discussions.

Vous voulez renforcer les pouvoirs du CSA ; un surcroît de transparence permettrait de justifier les missions que vous lui confiez et d’apaiser les inquiétudes que suscite cette évolution.

M. le rapporteur. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, car il concerne le processus de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, parfaitement étranger au champ de la présente proposition de loi. Restons dans le cadre très précis qui est l’objet de la proposition, comme nous y invite très régulièrement le Conseil constitutionnel.

Mme Isabelle Attard. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR DE LA PRESSE

Article 11
(art. 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse)

Transparence de l’actionnariat et des organes dirigeants des publications

Le présent article a pour objet de prévoir que l’ensemble des publications de presse, écrites comme en ligne, porte à la connaissance de leurs lecteurs toute modification du statut de l’entreprise éditrice, tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise et, au moins une fois par an, toutes les informations relatives à la composition de son capital, de ses organes dirigeants et à l’identité et la part d’actions de chacun de ses actionnaires qu’il soit personne physique ou morale.

Le droit existant, la situation actuelle et la portée précise de cet article sont explicités dans le III de l’exposé général du présent rapport.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC35 de M. Christian Kert.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit d’aligner les dispositions relatives au secteur de la presse sur les mesures en vigueur dans l’audiovisuel, qui incluent l’information du CSA lorsqu’est franchi le seuil de 10 % de détention du capital.

M. le rapporteur. On parle de 10 % : peut-être ; pourquoi pas 5 % ? On peut en discuter. Je comprends la préoccupation qui sous-tend cet amendement et qui nous a été exposée en commission. Ma réflexion n’étant pas aboutie, je vous demande de bien vouloir le retirer, en vous promettant de faire preuve d’une grande ouverture lorsque vous le présenterez en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission aborde alors l’amendement AC34 de M. Christian Kert.

M. Franck Riester. Il s’agit de viser précisément le directeur de la publication, seul tenu de rendre des comptes à propos des contenus publiés, plutôt que les « organes dirigeants ».

M. le rapporteur. Je comprends votre intention, mais je crains que l’amendement ne limite la transparence lors du changement d’organes dirigeants de l’entreprise. Des éclaircissements sur le seul directeur de la publication ne suffiraient pas à la bonne information des lecteurs et internautes.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 sans modification.

Article 11 bis
(art. 15 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse)

Suspension des aides publiques aux entreprises de presse en cas de violation des obligations de transparence et du droit d’opposition des journalistes

La Commission a adopté le présent article additionnel dont l’objet est de sanctionner les violations par les entreprises de presse écrite et en ligne de leurs obligations de transparence ou du droit d’opposition élargi à tous les journalistes par l’article 1er de la proposition de loi par la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont elles bénéficient.

On rappellera que l’absence de respect des obligations légales de transparence, étendues notamment par l’article 11 de la présente proposition de loi à tout changement dans les organes dirigeant et dans l’actionnariat de ces entreprises, n’est aujourd’hui sanctionnée, en application de l’article 15 de la loi du 1er août 1986 précitée, que par une amende de 6 000 euros infligée aux dirigeants de l’entreprise. Il en résulte une application très défaillante et disparate sur le terrain.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC3 de M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Cet amendement tend à renforcer la loi dite Warsmann du 17 mai 2011. Je l’ai dit tout à l’heure, sa disposition visant à informer les lecteurs de la composition capitalistique des entreprises de presse n’est pas ou n’est guère respectée. Nous proposons donc d’introduire une disposition contraignante afin que ces informations figurent dans l’ours de la publication.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que les manquements des entreprises de presse à leurs obligations de transparence soient sanctionnés par la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont elles bénéficient. J’en comprends parfaitement l’objet : ces obligations, dont la violation n’est sanctionnée, en application de l’article 15 de la loi du 1er août 1986, que par une amende de 6 000 euros infligés aux dirigeants de l’entreprise, sont aujourd’hui très diversement respectées – pour ne pas dire qu’elles ne le sont souvent pas du tout. Les dispositions en question avaient effectivement été votées à l’initiative de Jean-Luc Warsmann.

Cette situation est inacceptable : l’indépendance des médias suppose, à titre de préalable indispensable, que les lecteurs ou internautes soient en mesure d’appréhender les intérêts de leurs propriétaires, donc d’en connaître l’identité.

Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Article 12
Délai de révision des conventions

Le présent article a pour objet de prévoir que les conventions des services de radio et de télévision préexistants sont adaptées, si les stipulations qu’elles contiennent ne permettent pas de garantir le respect des nouvelles dispositions introduites par la présente proposition de loi en matière de pluralisme, d’honnêteté et d’indépendance de l’information et des programmes, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi issue du présent texte. Ce délai, nécessairement bref compte tenu de l’importante décisive de ces principes, impliquera l’engagement immédiat de négociations entre le CSA et les éditeurs de services de communication audiovisuelle.

*

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AC68 du rapporteur, AC42 et AC37 de M. Christian Kert.

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

La Commission adopte l’amendement AC68.

En conséquence, l’amendement AC42 tombe.

M. Michel Herbillon. Parce que nous nous soucions de l’excellence du travail du CSA, nous estimons que celui-ci pourrait avoir besoin de plus de six mois pour renégocier l’ensemble des conventions avec les services de radio et de télévision. Voilà pourquoi notre amendement AC37 tend à lui laisser plutôt un an pour le faire.

M. le rapporteur. Restons-en à six mois ; ainsi, si cette proposition de loi est votée d’ici à l’été, les conventions pourront être adaptées avant la fin de l’année ; cela me paraît hautement souhaitable, car l’année prochaine sera une année sensible sur le front de l’information…

La Commission rejette l’amendement AC37.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13
Délai de mise en place des comités

Le présent article a pour objet de prévoir, en cohérence avec le délai fixé pour la révision des conventions par l’article 12 de la présente proposition de loi, que les comités prévus par l’article 7 soient mis en place dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi issue du présent texte.

*

La Commission aborde l’amendement AC38 de M. Christian Kert.

M. Michel Herbillon. Défendu.

M. le rapporteur. Même avis défavorable que précédemment, pour les mêmes raisons : il serait souhaitable que tout soit bouclé avant le 31 décembre 2016.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 sans modification.

Article 14
Application sur l’ensemble du territoire de la République

Le présent article a pour objet de rendre la proposition de loi applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

*

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias

Proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias

Proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias

 

Article 1er

Article 1er

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Après l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

     
 

« Art. 2-1. – Tout journaliste a le droit de refuser toute pression, de refuser de signer un article, une émission, partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle. »

« Art. 2 bis. – Tout journaliste au sens du 1° du II de l’article 2 a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer un article, une émission, partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de l’entreprise.

Amendements AC54, AC55, AC9, AC45 et AC23 et sous-amendement AC71

     
   

« Toute convention ou tout contrat de travail signé entre un journaliste professionnel et une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle implique l’adhésion à la charte déontologique de l’entreprise.

     
   

« Les entreprises de presse et audiovisuelles dénuées de charte déontologique engagent des négociations à compter de la promulgation de la loi n°     du       visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Le deuxième alinéa du présent article s’applique à compter du 1er juillet 2017. »

Amendement AC23 et sous-amendement AC71

     

Code du travail

 

Article 1erbis (nouveau)

   

La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la septième partie du code du travail est complétée par un article L. 7111-11 ainsi rédigé :

     
   

« Art. L. 7111-11. – Le comité d’entreprise de toute entreprise de presse, de publication quotidienne ou périodique, de toute agence de presse ainsi que de toute entreprise de communication au public par voie électronique ou de communication audiovisuelle est consulté chaque année sur le respect par celle-ci de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

Amendement AC1

     
   

Article 1er ter (nouveau)

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

 

L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :

     

Art. 2. – Le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public.

 

« Art. 2. – I. – Le secret des sources des journalistes est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi.

     

Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public.

 

« II. – A droit à la protection du secret de ses sources :

     

Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

 

« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’un éditeur d’ouvrages d’une ou de plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou d’une ou de plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;

     

Est considéré comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources.

 

« 2° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, dans l’exercice de sa profession, a un lien de subordination dans une des entreprises mentionnées au 1°, est amenée, par sa fonction au sein de la rédaction, à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations ;

     

Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité.

 

« 3° Le directeur de publication d’une des personnes mentionnées aux 1° et 2°.

     

Est considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public.

 

« III. – Constitue une atteinte au secret des sources d’une personne mentionnée au II le fait de chercher à découvrir ses sources au moyen d’investigations portant sur sa personne, sur les archives de son enquête ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec elle, peut détenir des renseignements permettant de découvrir ces sources.

     

Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

 

« Il ne peut être porté atteinte au secret des sources qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière.

     
   

« Toutefois, une personne mentionnée au II ne peut en aucun cas être obligée de révéler ses sources.

     
   

« IV. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources au cours d’une enquête de police judiciaire ou d’une instruction que sur décision d’un juge.

     
   

« V. – La détention et le stockage chez un hébergeur par une personne mentionnée au II du présent article de documents provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu à l’article 321-1 du code pénal lorsque ces documents contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime en raison de leur intérêt général. »

Amendements AC5 rect et AC49 rect

     
 

TITRE IER

TITRE IER

 

LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS

LIBERTÉ, INDÉPENDANCE ET PLURALISME DES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Article 2

Article 2

Art. 3-1. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi.

Après le deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

     
   

1° Après le deuxième alinéa de l’article 3–1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Amendement AC58

     

Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, conformément au principe de neutralité technologique ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes. Il veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services.

   
     
 

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel garantit l’honnêteté, l’indépendance, le pluralisme de l’information et des programmes, sous réserve des dispositions de l’article 1er. Il veille également au respect par les éditeurs de services de communication audiovisuelle des dispositions de l’article 2-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Par le biais des recommandations prises en application du présent article et des stipulations de nature conventionnelle, il s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes. »

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes, sous réserve de l’article1er. À cet effet, il veille notamment à ce que les conventions conclues en application de la présente loi avec les éditeurs de services de télévision et de radio garantissent le respect de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes. » ;

Amendement AC57

     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de communication audiovisuelle, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète la diversité de la société française et contribue notamment au rayonnement de la France d’outre-mer. Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l’effectivité de cette diversité dans tous les genres de programmes.

   
     

Il assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l’enfance et à la jeunesse.

   
     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé de la population.

   
     

En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

   
     

Le conseil peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française.

   
     

Art. 20-1 A. – Les sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44, ainsi que les services de télévision à caractère national et les services de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national, diffusés par voie hertzienne terrestre, contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets. Ces services fournissent au Conseil supérieur de l’audiovisuel des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes et permettant au conseil d’apprécier le respect des objectifs fixés au quatrième alinéa de l’article 3-1. Ces informations donnent lieu à une publication annuelle.

 

2° (nouveau) À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 20-1 A, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».

Amendement AC58

     

Le conseil fixe les conditions d’application du présent article, en concertation avec les services mentionnés au premier alinéa du présent article.

   
     
 

Article 3

Article 3

Art. 28. – La délivrance des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d’une convention passée entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel au nom de l’État et la personne qui demande l’autorisation.

Après le 17° de l’article 28 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

     

Dans le respect de l’honnêteté et du pluralisme de l’information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l’étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l’égalité de traitement entre les différents services et des conditions de concurrence propres à chacun d’eux, ainsi que du développement de la radio et de la télévision numériques de terre.

   
     

La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants :

   
     

…………………………………………

   
     

17° Les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations.

   
     
 

« La convention précise les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect de principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. ».

 
     

La convention mentionnée au premier alinéa définit également les prérogatives et notamment les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles. Ces pénalités ne peuvent être supérieures aux sanctions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article 42-1 de la présente loi ; elles sont notifiées au titulaire de l’autorisation qui peut, dans les deux mois, former un recours devant le Conseil d’État.

   
     

Pour l’application des dispositions du 2° bis du présent article, le Conseil supérieur de l’audiovisuel adaptera, dans les six mois à compter de la publication de la loi n° 94-88 du 1er février 1994 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les conventions déjà conclues avec les services de radio autorisés.

   
     

Sans préjudice des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27 et afin de faciliter le développement de la télévision numérique de terre, les conventions conclues avec les éditeurs de services autorisés en application de l’article 30-1 pourront être régulièrement révisées sur un ou plusieurs des points précédemment énumérés.

   
     

Toute modification de convention d’un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 ou d’un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3 susceptible de modifier de façon importante le marché en cause est précédée d’une étude d’impact, rendue publique.

   
     

S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés.

   
     
 

Article 4

Article 4

Art. 33-1. – I. – Les services de radio et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée soit d’un service fourni par une société mentionnée à l’article 44 pour l’exercice des missions visées à l’article 43-11, par la chaîne visée à l’article 45-2 ou par la chaîne culturelle européenne issue du traité signé le 2 octobre 1990 et diffusé par voie hertzienne terrestre, soit d’un service bénéficiaire d’une autorisation en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1, lorsque cette reprise n’a pas pour effet de faire passer la population de la zone desservie par un service de télévision à vocation locale à plus de dix millions d’habitants ne peuvent être diffusés par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’après qu’a été conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services.

Le huitième alinéa du I de l’article 33-1 de la même loi est ainsi rédigé :

(Sans modification)

     

………………………………………….

   
     

Pour les services de télévision dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, la convention précise les mesures à mettre en oeuvre pour garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion ainsi que l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public.

« La convention précise les mesures à mettre en œuvre pour garantir le respect de principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. »

 
     

………………………………………..

   
     
 

Article 5

Article 5

Art. 28-1. – I. – La durée des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30, 30-1 et 30-2 ne peut excéder dix ans. Toutefois, pour les services de radio en mode analogique, elle ne peut excéder cinq ans. Ces autorisations sont délivrées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans un délai de huit mois à compter de la date de clôture de réception des déclarations de candidatures des éditeurs ou des distributeurs de services.

Après le 5° du I de l’article 28-1 de la même loi, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

     

Les autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1 sont reconduites par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, hors appel aux candidatures, dans la limite de deux fois en sus de l’autorisation initiale, et chaque fois pour cinq ans, sauf :

   
     

1° Si l’État modifie la destination de la ou des fréquences considérées en application de l’article 21 ;

   
     

2° Si une sanction, une astreinte liquidée ou une condamnation dont le titulaire de l’autorisation a fait l’objet sur le fondement de la présente loi, ou une condamnation prononcée à son encontre, sur le fondement des articles 23, 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou des articles 227-23 ou 227-24 du code pénal est de nature à justifier que cette autorisation ne soit pas reconduite hors appel aux candidatures ;

   
     

3° Si la reconduction de l’autorisation hors appel aux candidatures est de nature à porter atteinte à l’impératif de pluralisme sur le plan national ou sur le plan régional et local ;

   
     

4° Si la situation financière du titulaire ne lui permet pas de poursuivre l’exploitation dans des conditions satisfaisantes ;

   
     

5° Pour les services de radio, si le service ne remplit plus les critères propres à la catégorie pour laquelle il est autorisé.

   
     
 

« 6° En cas de non-respect, sur plusieurs exercices, des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. »

« 6° En cas de non-respect, sur plusieurs exercices, des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1 constaté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le rapport public prévu à l’article 18. »

Amendement AC59

     

À compter du 1er janvier 2002, les autorisations prévues aux articles 30 et 30-1 ne sont reconduites, hors appel aux candidatures, qu’une seule fois pour une période maximale de cinq ans, sauf dans les cas mentionnés aux 1° à 5° du présent I.

   
     

……………………………………….....

   
     
 

Article 6

Article 6

Art. 29. – Sous réserve des dispositions de l’article 26 de la présente loi, l’usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les conditions prévues au présent article.

Après le 6° de l’article 29 de la même loi, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

La même loi est ainsi modifiée :

     
   

1° Après le 6° de l’article 29, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

     

…………………………………………

   
     

Le conseil accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.

   
     

Il tient également compte :

   
     

1° De l’expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ;

   
     

2° Du financement et des perspectives d’exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ;

   
     

3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d’une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d’une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ;

   
     

4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d’information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ;

   
     

5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ;

   
     

6° Pour les services dont les programmes musicaux constituent une proportion importante de la programmation, des dispositions envisagées en faveur de la diversité musicale au regard, notamment, de la variété des oeuvres, des interprètes, des nouveaux talents programmés et de leurs conditions de programmation.

   
     
 

« 7° S’il s’agit de la délivrance d’une nouvelle autorisation après que l’autorisation précédente est arrivée à son terme, du respect des principes mentionnés au troisième alinéa de l’article 3-1. »

(Alinéa sans modification)

     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion.

   
     

Le conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part.

   
     

Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale.

   
     

Art. 30. – Sous réserve des dispositions des articles 26 et 65 de la présente loi, l’usage des fréquences pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique est autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans les conditions prévues au présent article.

   
     

Pour les zones géographiques et les catégories de services qu’il a préalablement déterminées, le conseil publie une liste des fréquences disponibles, en tenant compte des besoins en ressource radioélectrique propres à assurer le développement de la télévision en mode numérique et de la nécessité de développer en particulier les services de télévision à vocation locale ainsi qu’un appel aux candidatures. Il fixe le délai dans lequel les candidatures doivent être déposées.

   
     

La déclaration de candidature est présentée par une société commerciale, y compris une société d’économie mixte locale ou une société coopérative d’intérêt collectif, ou par une association mentionnée au troisième alinéa de l’article 29, ou par un établissement public de coopération culturelle. Cette déclaration indique notamment l’objet et les caractéristiques générales du service, les caractéristiques techniques d’émission, les prévisions de dépenses et de recettes, l’origine et le montant des financements prévus ainsi que la composition du capital, des organes dirigeants et des actifs de cette société ainsi que de la société qui la contrôle au sens du 2° de l’article 41-3. Si la déclaration est présentée par une association, elle indique en outre la liste de ses dirigeants et adhérents. Toute déclaration de candidature est accompagnée des éléments constitutifs d’une convention comportant des propositions sur un ou plusieurs des points mentionnés à l’article 28.

   
     

À l’issue du délai prévu au deuxième alinéa, le Conseil supérieur de l’audiovisuel arrête la liste des candidats dont le dossier est recevable. Après audition publique de ces derniers, le conseil accorde l’autorisation en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires mentionnés au sixième alinéa de l’article 29.

   
     

Il tient également compte des critères figurant aux 1° à 5° de l’article 29.

 

2° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 30, après la référence : « 5° » est insérée la référence : « et au 7° ».

Amendement AC60

     
 

Article 7

Article 7

 

L’article 30-8 de la même loi est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

     

Art. 30-8. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel présente, un an après la promulgation de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, un rapport au Président de la République, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat sur le développement de la diffusion des services de télévision en haute définition et des services de télévision mobile personnelle et sur les modalités de mise en œuvre des dispositions afférentes.

« Art. 30-8. – Un comité relatif à l’honnêteté, l’indépendance, le pluralisme de l’information et des programmes composé de personnalités indépendantes est constitué auprès de la société éditrice d’un service de radio ou de télévision à vocation nationale qui diffuse par voie hertzienne terrestre des émissions d’information politique et générale. Chargé de contribuer au respect des principes énoncés au troisième alinéa de l’article 3-1, il peut se saisir de sa propre initiative ou être consulté pour avis à tout moment par la direction de la société ou par toute personne. Il informe le Conseil supérieur de l’audiovisuel de tout fait susceptible de contrevenir à ces principes. Il rend public son bilan annuel.

« Art. 30-8. – Un comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes composé de personnalités indépendantes est institué auprès de toute société éditrice d’un service de radio ou de télévision à vocation nationale ou locale qui diffuse par voie hertzienne terrestre des émissions d’information politique et générale. Chargé de contribuer au respect des principes énoncés au troisième alinéa de l’article 3-1, il peut se saisir à sa propre initiative ou être consulté pour avis à tout moment par la direction de la société, par le médiateur lorsqu’il existe ou par toute personne. Il informe le Conseil supérieur de l’audiovisuel de tout fait susceptible de contrevenir à ces principes. Cette information est transmise concomitamment à la direction de la société. Il rend public son bilan annuel.

Amendements AC61 rect, AC62, AC63 et AC64 et AC2 rect

     
 

« Est regardée comme indépendante au sens de l’alinéa précédent, une personne qui, pendant ses fonctions et dans un délai de trois ans avant sa nomination, n’a pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans la société éditrice du service de radio ou de télévision en cause, dans l’un de ses actionnaires ou dans une des sociétés dans laquelle cet éditeur ou l’un de ses actionnaires détient une participation ou avec lequel il entretient une relation commerciale.

« Est regardée comme indépendante au sens du premier alinéa du présent article, toute personne qui, pendant l’exercice de ses fonctions au sein du comité ainsi qu’au cours des trois années précédant sa prise de fonction, n’a pas pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans la société éditrice du service de radio ou de télévision en cause, dans l’un de ses actionnaires ou dans une des sociétés dans laquelle cet éditeur ou l’un de ses actionnaires détient une participation ou avec lequel il entretient une relation commerciale.

Amendements AC65 et 66

     
   

« Tout membre du comité d’éthique s’engage, à l’issue de ses fonctions et pour une durée de douze mois, à ne pas accepter un emploi ou un mandat électif, directement ou indirectement, pour la société éditrice du service de radio ou de télévision en cause, chez l’un de ses actionnaires ou dans une des sociétés dans laquelle cet éditeur ou l’un de ses actionnaires détient une participation ou avec lequel il entretient une relation commerciale.

Amendement AC46

     
 

« La composition et les modalités de fonctionnement de ces comités sont fixées par la convention conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel avec les éditeurs privés de services de radio ou de télévision ou par le cahier des charges des sociétés nationales de programme. Lorsqu’une personne morale contrôle plusieurs services de radio et de télévision, ces comités peuvent être communs à tout ou partie de ces services.

« La composition, respectant une représentation équilibrée entre les sexes, et les modalités de fonctionnement de ces comités sont fixées par la convention conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel avec les éditeurs privés de services de radio ou de télévision ou par le cahier des charges des sociétés nationales de programme. Lorsqu’une personne morale contrôle plusieurs services de radio et de télévision, ces comités peuvent être communs à tout ou partie de ces services.

Amendement AC4

     
 

« Le présent article n’est pas applicable à la chaîne de télévision parlementaire et civique mentionnée à l’article 45-2 de la présente loi. ».

Alinéa supprimé

Amendement AC41

     
 

Article 8

Article 8

Art. 18. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel établit chaque année un rapport public qui rend compte de son activité, de l’application de la présente loi de l’impact, notamment économique, de ses décisions d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique délivrées en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 30-6, du respect de leurs obligations par les sociétés et l’établissement public mentionnés aux articles 44 et 49 de la présente loi. Ce rapport est adressé au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement avant la fin du premier trimestre. Dans ce rapport, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut suggérer les modifications de nature législative et réglementaire que lui paraît appeler l’évolution technologique, économique, sociale et culturelle des activités du secteur de l’audiovisuel. Il peut également formuler des observations sur la répartition du produit de la redevance et de la publicité entre les organismes du secteur public.

Après le troisième alinéa de l’article 18 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

     

Le rapport visé au premier alinéa fait état du volume d’émissions télévisées sous-titrées ainsi que de celles traduites en langue des signes. Les informations données par ce rapport doivent permettre de mieux apprécier le coût de ce sous-titrage et de la traduction en langue des signes pour les sociétés nationales de programmes, les chaînes de télévision publiques et tous autres organismes publics qui développent ces procédés.

   
     

Ce rapport comporte une présentation des mesures prises en application des articles 39 à 41-4 visant à limiter la concentration et à prévenir les atteintes au pluralisme. Il comporte notamment un état détaillé présentant la situation des entreprises audiovisuelles concernées à l’égard des limites fixées par ces mêmes articles.

   
     
 

« Ce rapport rend également compte du respect par les éditeurs de services des dispositions du troisième alinéa de l’article 3-1, des mesures prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour mettre fin aux manquements constatés ainsi que des raisons pour lesquelles il n’a, le cas échéant, pas pris de telles mesures. »

 
     

Le rapport mentionné au premier alinéa fait le point sur le développement et les moyens de financement des services de télévision à vocation locale. Il établit également un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelle nationales des États membres de l’Union européenne.

   
     

Tout membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être entendu par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

   
     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par le Gouvernement, par le président de l’Assemblée nationale, par le président du Sénat ou par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de demandes d’avis ou d’études pour l’ensemble des activités relevant de sa compétence.

   
     

Dans le mois suivant sa publication, le rapport mentionné au premier alinéa est présenté chaque année par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel en audition publique devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. Chaque commission peut adopter un avis sur l’application de la loi, qui est adressé au Conseil supérieur de l’audiovisuel et rendu public. Cet avis peut comporter des suggestions au Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la bonne application de la loi ou l’évaluation de ses effets.

   
     
 

Article 9

Article 9

 

L’article 40 de la même loi est ainsi modifié :

(Sans modification)

     
 

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
     
 

« Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, l’autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française ne peut être accordée à une société dans laquelle plus de 20 % du capital social ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par des personnes de nationalité étrangère » ;

 
     

Art. 40– Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France, aucune personne de nationalité étrangère ne peut procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, la part du capital détenue par des étrangers à plus de 20 % du capital social ou des droits de vote dans les assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française.

2° Au premier alinéa, les mots : « Sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France » sont remplacés par les mots : « Sous la même réserve » et les mots : « d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française » par les mots : « d’une telle autorisation ».

 
     

Est considérée comme personne de nationalité étrangère, pour l’application du présent article, toute personne physique de nationalité étrangère, toute société dont la majorité du capital social n’est pas détenue, directement ou indirectement, par des personnes physiques ou morales de nationalité française et toute association dont les dirigeants sont de nationalité étrangère.

   
     

Le présent article n’est pas applicable aux éditeurs de services dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 80 % au moins par des radiodiffuseurs publics appartenant à des États du Conseil de l’Europe et dont la part du capital et des droits de vote détenue par une des sociétés mentionnées à l’article 44 est au moins égale à 20 %.

   
     
 

Article 10

Article 10

Art. 44. – I. – ………………

 

(Sans modification)

     

………………………………………….

   
     

VI. – Tout journaliste d’une société nationale de programme a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d’émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle.

Le VI de l’article 44 de la même loi est abrogé.

 
     
   

Article 10 bis

   

La même loi est ainsi modifiée :

     

Art. 42. – Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1.

   
     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel rend publiques ces mises en demeure.

   
     

Les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle, le Conseil national des langues et cultures régionales , les associations familiales et les associations de défense des droits des femmes ainsi que les associations ayant dans leur objet social la défense des intérêts des téléspectateurs peuvent demander au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’engager la procédure de mise en demeure prévue au premier alinéa du présent article.

 

1° Au dernier alinéa de l’article 42, après le mot : « audiovisuelle, », sont insérés les mots : « les organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France, » ;

     

Art. 48–1. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre en demeure les sociétés mentionnées à l’article 44 de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, et par les principes définis aux articles 1er et 3-1.

   
     

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel rend publiques ces mises en demeure.

   
     

Les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle ainsi que le Conseil national des langues et cultures régionales , les associations familiales reconnues par l’Union nationale des associations familiales et les associations de défense des droits des femmes peuvent saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel de demandes tendant à ce qu’il engage la procédure prévue au premier alinéa du présent article.

 

2° Au dernier alinéa de l’article 48-1, après le mot : « audiovisuelle, » , sont insérés les mots : « les organisations de défense de la liberté de l’information reconnues d’utilité publique en France, ».

Amendement AC67

     
 

TITRE II

TITRE II

 

DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR DE LA PRESSE

DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR DE LA PRESSE

Loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse

Article 11

Article 11

Art. 6. – Toute entreprise éditrice doit porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne, dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle elle en acquiert elle-même la connaissance, ou lors de la prochaine parution de la publication :

L’article 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est modifié comme suit :

(Sans modification)

     

1° Toute cession ou promesse de cession de droits sociaux ayant pour effet de donner à un cessionnaire au moins un tiers du capital social ou des droits de vote ;

   
     

2° Tout transfert ou promesse de transfert de la propriété ou de l’exploitation d’un titre de publication de presse ou d’un service de presse en ligne.

   
     

Cette obligation incombe à l’entreprise cédante.

1° Le quatrième alinéa est rédigé comme suit : « L’obligation d’information portant sur les opérations décrites au 1° et 2° ci-dessus incombe à la partie cédante. » ;

 
     
 

2° L’article est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

 
     
 

« 3° Toute modification du statut de l’entreprise éditrice ;

 
     
 

« 4° Tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise.

 
     
 

« Chaque année, l’entreprise éditrice doit porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne toutes les informations relatives à la composition de son capital et de ses organes dirigeants. Elle mentionne l’identité et la part d’actions de chacun des actionnaires, qu’il soit personne physique ou morale. »

 
     
   

Article 11 bis (nouveau)

   

Après l’article 15 de la même loi, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :

     
   

« Art. 15-1. – La violation par une entreprise éditrice, au sens de l’article 2, des articles 5 et 6 de la présente loi, ainsi que de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, entraîne la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont elle bénéficie. »

Amendement AC3

     
 

TITRE III

TITRE III

 

DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

 

Article 12

Article 12

 

Pour l’application des articles 3 et 4, le Conseil supérieur de l’audiovisuel adapte en tant que de besoin, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les conventions déjà conclues avec les services de radio et de télévision.

Pour l’application des articles 3 et 4, les conventions conclues entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et les éditeurs de services de radio et de télévision font l’objet d’un avenant en tant que de besoin, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Amendement AC68

     
 

Article 13

Article 13

 

Les comités mentionnés à l’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont mis en place dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

(Sans modification)

     
 

Article 14

Article 14

 

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

(Sans modification)

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
CHARTE D’ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES

Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelé dans la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution française, guide le journaliste dans l’exercice de sa mission. Cette responsabilité vis-à-vis du citoyen prime sur toute autre.

Ces principes et les règles éthiques ci-après engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilité au sein de la chaîne éditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce.

Cependant, la responsabilité du journaliste ne peut être confondue avec celle de l’éditeur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations.

Le journalisme consiste à rechercher, vérifier, situer dans son contexte, hiérarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualité ; il ne peut se confondre avec la communication. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. Il ne peut y avoir de respect des règles déontologiques sans mise en œuvre des conditions d’exercice qu’elles nécessitent.

La notion d’urgence dans la diffusion d’une information ou d’exclusivité ne doit pas l’emporter sur le sérieux de l’enquête et la vérification des sources.

La sécurité matérielle et morale est la base de l’indépendance du journaliste. Elle doit être assurée, quel que soit le contrat de travail qui le lie à l’entreprise.

L’exercice du métier à la pige bénéficie des mêmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisés.

Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire à sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et règles de cette charte.

Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquête, investigations, prise d’images et de sons, etc.) librement, a accès à toutes les sources d’information concernant les faits qui conditionnent la vie publique et voit la protection du secret de ses sources garantie.

C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :

– Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, mêmes anonymes ;

– Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;

– Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non-vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ;

– Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent ;

– Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révélerait inexacte ;

– N’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi ;

– Défend la liberté d’expression, d’opinion, de l’information, du commentaire et de la critique ;

– Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ;

– Ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ;

– N’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;

– Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ;

– Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat ;

– Ne sollicite pas la place d’un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures ;

– Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations ;

– Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge.

ANNEXE N° 2 :
DÉCLARATION DES DEVOIRS ET DES DROITS DES JOURNALISTES (MUNICH, 1971)

Préambule

Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain.

Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes.

La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.

La mission d’information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici.

Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l’exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l’indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l’objet de la déclaration des droits qui suit.

Déclaration des devoirs

Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :

1. respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ;

2. défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ;

3. publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ;

4. ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ;

5. s’obliger à respecter la vie privée des personnes ;

6. rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;

7. garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ;

8. s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ;

9. ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;

10. refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.

Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.

Déclaration des droits

Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.

Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale.

Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience.

L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise.

Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.

En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.

ANNEXE N° 3 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Groupe Canal + – M. Jean-Christophe Thiery, président, M. Maxime Saada, directeur général, M. Gérald Brice Viret, directeur général des antennes, Mme Christine Nguyen Duc Long, directrice juridique édition, et Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures

Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) (2)  M. Laurent Mauriac, secrétaire général, et Mme Gabrielle Boeri-Charles, directrice

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – M. Olivier Schrameck, président, Mme Leïla Derouich, directrice de cabinet, et Mme Anissa Zeghlache, directrice adjointe de cabinet

Syndicat national des journalistes (SNJ) – Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale, et M. Emmanuel Poupard, secrétaire général

Société des journalistes (SDJ) du groupe Canal + iTélé – M. Olivier Ravanello, président

Observatoire de la déontologie de l’information – M. Patrick Eveno, président, et M. Pierre Ganz, vice-président

Syndicat national des journalistes Confédération générale du travail (CGT) – M. Jean Tortrat, secrétaire général adjoint, et M. Patrick Kamenka, membre du bureau national

Syndicat des radios généralistes privées (SRGP) – M. Christopher Baldelli, président du directoire de RTL, et M. Denis Olivennes, président-directeur général d’Europe 1

NextRadio TV – M. Alain Weill, président-directeur général, M. Guillaume Dubois, directeur général de BFM TV, et M. Jean-Christophe Adler, conseil

Reporters sans frontières (RSF) – M. Christophe Deloire, secrétaire général, et M. Paul Coppin, responsable des activités juridiques

Groupe TF1 – M. Nonce Paolini, président-directeur général, M. Jean-Michel Counillon, secrétaire général, et Mme Nathalie Lasnon, directrice des affaires réglementaires et concurrence

Groupe M6 – M. Nicolas de Tavernost, président du directoire, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires

Union syndicale des journalistes – Confédération française démocratique du travail – Journalistes (CFDT-Journalistes) – M. Christophe Pauly, secrétaire national, pôle médias – service juridique, F3C CFDT, M. Jean-François Cullafroz, représentant le secrétaire général, et M. Laurent Calixte, vice-président de la Confédération générale des cadres – Journalistes (CGC Journalistes)

France Télévisions – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale, M. Michel Field, directeur exécutif en charge de l’Information, M. Stéphane Sitbon Gomez, directeur de cabinet, et Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics

Union des annonceurs (UDA) (3) – M. Pierre-Jean Bozo, directeur général, et Mme Laura Boulet, directrice des affaires publiques et juridiques

Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) – M. Jean Viansson Ponté, président, et Mme Haude d’Harcourt, conseillère chargée des relations avec les pouvoirs publics

Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) – M. Francis Morel, président et président du groupe Les Échos, et M. Denis Bouchez, directeur

Cercle des Médiateurs de la presse – Mme Marie Laure Augry, médiatrice des rédactions de France 3 et président du Cercle des médiateurs, M. Nicolas Jacobs, médiateur des rédactions de France 2, M. Frank Nouchi, médiateur du Monde, Mme Françoise Marie Morel, médiatrice de TF1, et M. Bruno Denaes, médiateur de Radio France

Syndicat des agences de presse audiovisuelles – Fédération française des agences de Presse (SATEV/FFAP) – M. Christian Gerin, président du groupe 17 juin Média et président du SATEV, et Mme Florence Braka, directrice générale de la FFAP et déléguée générale du SATEV

Radio France (4) – Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, M. Frédéric Schlesinger, directeur délégué aux antennes, M. Olivier Zegna-Rata, directeur des relations institutionnelles et internationales, M. Michel Polacco, secrétaire général de l’information, M. Bruno Denaes, médiateur des antennes, et Mme Marie Lhermelin, chargée des relations institutionnelles

Table ronde des directeurs de l’information de cinq grands médias français :

– BFM TV – M. Hervé Beroud, directeur de l’information

– RTL – M. Jacques Esnous, vice-président du directoire, directeur de l’information

– Groupe M6 – M. Stéphane Gendarme, directeur de l’information

– Europe 1 – M. Fabien Namias, directeur général, directeur de l’information

– Groupe TF1 – Mme Catherine Nayl, directrice générale adjointe de l’information

ANNEXE N° 4 :
CONTRIBUTIONS ÉCRITES ADRESSÉES AU RAPPORTEUR

Ø Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)Mme Pascale Marie, directrice générale

Ø Groupe l’ÉquipeM. Cyril Linette, directeur général

Ø Société civile des auteurs multimédia (SCAM) – M. Hervé Rony, directeur général

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1 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r1599.asp.

2 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

3 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

4 () Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.