N° 3562
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
SUR LE PROJET DE LOI habilitant le Gouvernement à légiférer pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs
à l’effort de construction et la distribution des emplois
de cette participation (n° 3512)
Par M. François PUPPONI,
Député.
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Voir le numéro : 3512.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LE RÉSEAU ACTION LOGEMENT : UNE ORGANISATION COMPLEXE ET RÉGULIÈREMENT CRITIQUÉE 7
A. UN RÉSEAU DE COLLECTEURS AUTONOMES 7
1. L’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) 7
2. Les comités interprofessionnels du logement (CIL) 8
3. Deux associations aux actions spécifiques : l’Association Foncière Logement (AFL) et l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) 9
B. LES COÛTS ET LES DÉFAILLANCES RÉSULTANT DE CETTE ORGANISATION 9
1. Les difficultés d’application de la convention quinquennale 9
2. La concurrence inutile entre les collecteurs 10
3. Des coûts de gestion très élevés 10
II. LA CRÉATION D’UN GROUPE INTÉGRÉ ET COHÉRENT 11
A. LA RÉFORME PERMETTRA DE DÉGAGER DE NOUVEAUX MOYENS POUR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS 11
1. Un groupe organisé en trois entités 11
2. De nouveaux moyens et un meilleur service rendu aux entreprises et aux salariés 12
a. Une source d’économies 12
b. Une plus grande équité dans l’accès des salariés aux services d’Action Logement 13
c. Une plus grande lisibilité et cohérence d’action 13
B. LES RÈGLES DE BONNE GOUVERNANCE DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉES 14
1. Des garde-fous pour assurer l’équité dans la distribution des aides 14
2. La question des nouvelles prises de participation 15
C. UNE ACCÉLÉRATION DE LA RÉFORME EST NÉCESSAIRE 15
EXAMEN EN COMMISSION 17
Article 1er : Habilitation pour créer trois nouvelles structures du groupe Action Logement 27
Article 2 : Habilitation pour modifier les objets de l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) et de l’Association Foncière Logement (AFL) 34
Depuis la loi du 11 juillet 1953, les entreprises sont dans l’obligation de participer aux dépenses consacrées au logement de leurs salariés. Cette contribution, née d’un système mis en place de manière volontaire par le patronat et les syndicats du Nord en 1943, puis généralisée et pérennisée par l’État en raison de la persistance de la pénurie de logements, est devenue un élément majeur de la politique du logement en France.
La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) est une contribution obligatoire pour les entreprises et les établissements publics industriels et commerciaux de plus de vingt salariés, dont le taux, initialement fixé à 1 %, s’élève, depuis 1992, à 0,45 % de leur masse salariale. Les entreprises ont le choix entre investir directement cette somme en faveur du logement de leurs salariés ou la verser à un collecteur agréé, un comité interprofessionnel du logement (CIL), qui se charge ensuite de l’investir dans la construction de logements ou de la distribuer en aides aux salariés des entreprises assujetties. Ces collecteurs, rassemblés au sein du réseau Action Logement, sont gérés de manière paritaire par des représentants des organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national. En 2015, les ressources d’Action Logement se sont élevées à environ 4 milliards d’euros.
Régulièrement critiquée, l’organisation du réseau Action Logement fait l’objet, depuis 2009, d’un effort de rationalisation et de simplification important. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MOLLE) puis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) ont constitué des étapes importantes dans la réorganisation du réseau. Une convention quinquennale, signée entre l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), tête de réseau nationale des collecteurs, encadre désormais la distribution des ressources de la PEEC. Ces efforts sont toutefois rapidement apparus comme insuffisants. L’organisation actuelle du réseau, fondée sur l’autonomie complète des collecteurs, nuit à la bonne utilisation des ressources de la PEEC et à l’application des engagements de la convention quinquennale.
En avril 2015, les partenaires sociaux ont donc proposé au Gouvernement, qui l’a accepté, une réforme radicale du réseau collectant et distribuant la PEEC. Cette réforme nécessite des modifications législatives et le Gouvernement, étant donné le caractère à la fois urgent et relativement technique de la réforme, a fait le choix de recourir aux ordonnances. Une habilitation a déjà été votée par le Parlement à l’été 2015 dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (loi dite « Rebsamen »), mais le Conseil constitutionnel, dans une décision du 13 août 2015, l’a censurée car elle constituait un « cavalier législatif ». Le présent projet de loi reprend donc le texte de cette habilitation.
Le réseau Action Logement, anciennement dénommé « 1 % Logement », est composé de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), de 20 comités interprofessionnels du logement (CIL) et de deux associations : l’association foncière logement (AFL) et l’association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL).
Depuis la loi ALUR, l’activité du réseau est contrôlée par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS), en lieu et place de l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction (ANPEEC).
L’UESL est la tête de réseau national des collecteurs. Il s’agit d’une société anonyme coopérative, soumise aux règles applicables aux unions d’économie sociale, dont les associés sont les collecteurs agréés de la PEEC et les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national (MEDEF, CGPME, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO). L’UESL est dirigée par un conseil d’administration composé à parité de représentants des employeurs et des salariés.
Depuis 1996, date de sa création, l’UESL joue un rôle de plus en plus important dans le pilotage de la PEEC. La loi ALUR du 24 mars 2014, qui a rétablit les relations contractuelles entre l’État et Action Logement, a ainsi confié à l’UESL la mission de négocier et de signer une convention quinquennale chargée de définir, dans le cadre de la loi, les enveloppes minimales et maximales consacrées à chaque emploi ou catégorie d’emplois de la PEEC.
Une telle convention a été signée le 2 décembre 2014 entre l’État et l’UESL et a fixé la répartition suivante pour les années 2015 à 2019 :
Répartition des emplois de la PEEC 2015-2019
(En milliards d’euros)
Catégorie d’emplois |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Prêts, subventions et dotations pour la construction de logements locatifs sociaux |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
Prêts à l’accession |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
Sécurisation locative et aides à la mobilité |
0,35 |
0,36 |
0,37 |
0,38 |
0,39 |
Prêts et dotations pour la construction de logements intermédiaires |
0,16 |
0,16 |
0,17 |
0,17 |
0,17 |
Foncière logement |
0,2 |
0,1 |
0,1 |
||
Contributions aux politiques nationales (ANRU, ANAH, FNAL et ANIL) |
1,3 |
1,1 |
1 |
0,87 |
0,68 |
Source : convention quinquennale 2015-2019 entre l’État et l’UESL-Action Logement
Les CIL sont aujourd’hui les pièces maîtresses de la collecte et de la distribution de la PEEC. Associations régies par la loi de 1901 et gérées de façon paritaire par les partenaires sociaux, les CIL ont pour objet statutaire exclusif la collecte et l’utilisation de la PEEC. Ils sont agréés par le ministre chargé du logement.
À la suite de l’enquête de la Cour des comptes de 2006 qui a dénoncé un réseau du 1 % Logement « pléthorique et mal piloté », les CIL se sont engagés dans un mouvement important de fusions. Le nombre de CIL est ainsi passé de 109 en 2008 à seulement 20 aujourd’hui. Ces regroupements n’empêchent toutefois pas plusieurs CIL d’être en concurrence sur un même territoire. Si certains collecteurs ont un rayon d’action qui correspond à peu près à une région administrative, nombre d’entre eux agissent à l’échelle de plusieurs régions, voire de l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, plus de la moitié de la collecte nette totale de la PEEC est réalisée par des collecteurs dont le siège est en région Île-de-France (1).
3. Deux associations aux actions spécifiques : l’Association Foncière Logement (AFL) et l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL)
L’AFL et l’APAGL sont deux opérateurs spécifiques du réseau Action Logement. Ces deux associations, dont les statuts sont approuvés par décret, sont également gérées de manière paritaire. L’AFL a pour mission de réaliser, grâce à des prêts de l’UESL, des programmes de logements locatifs libres contribuant à la mixité sociale dans les quartiers faisant l’objet d’une opération de rénovation urbaine de l’ANRU et des programmes de logements sociaux conventionnés dans les zones où l’offre est insuffisante.
L’APAGL, quant à elle, est la structure de pilotage national du dispositif de la garantie des risques locatifs (GRL), à laquelle a succédé, depuis le 1er janvier 2016, le nouveau dispositif de garantie locative baptisé « Visale ».
L’organisation du réseau Action Logement a régulièrement été critiquée par la Cour des comptes, qui lui a consacré quatre enquêtes (en 2006, 2009, 2010 et 2013), et par de nombreux acteurs du logement, qui lui reprochent ses coûts de gestion élevés et son inefficacité.
L’organisation du réseau Action Logement, fondée sur l’autonomie complète des 20 CIL, nuit à la bonne application des engagements de la convention quinquennale signée entre l’État et l’UESL. En application de l’article L. 313-19 du code de la construction et de l’habitation, l’UESL veille à l’application de cette convention en fixant aux CIL des objectifs de production par emploi et territoire.
Toutefois, le suivi de ces objectifs est particulièrement difficile en raison de l’autonomie de gestion de chaque CIL. La loi prévoit ainsi un système complexe de contrôle et de sanction des CIL par l’UESL, dans le cas où les objectifs ne sont pas remplis. Mais, outre le fait que la procédure contentieuse elle-même est longue et lourde à mettre en œuvre, ni l’UESL, ni l’État ne disposent véritablement d’informations suffisantes sur l’action de chaque collecteur pour exercer ce contrôle. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2013, indiquait que « ni l’UESL, ni les ministères ne disposent d’une cartographie des collectes et des financements de l’ensemble des CIL ».
Certains objectifs nationaux ne sont donc jamais atteints. La loi et la convention nationale entre l’État et l’UESL prévoient, par exemple, qu’un quart des attributions de logements pour lesquels les CIL disposent de contrats de réservation est réservé aux salariés et aux demandeurs d’emplois reconnus comme prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO). Or seulement 40 % de cet objectif est rempli (2), notamment parce que certains CIL ne jouent pas le jeu.
De même, dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU), Action Logement, par l’intermédiaire de l’AFL et des CIL, s’était vu accordé des contreparties à sa participation au financement du programme, censées favoriser la mixité sociale dans les quartiers populaires. L’AFL devait construire 15 000 logements locatifs libres sur des terrains qui lui étaient cédés tandis que les CIL se sont vus octroyer 30 000 réservations dans les logements sociaux reconstruits. Or seulement 8 000 logements ont été construits par l’AFL et 2 000 ont été attribués par les CIL. Ces deux structures, très mal coordonnées entre elles et avec les entreprises sociales pour l’habitat (ESH), ont été incapables de remplir leurs objectifs, malgré les directives nationales.
La réduction du nombre de collecteurs depuis 2009 n’a pas mis fin à la concurrence qui s’exercent entre eux sur un même territoire pour bénéficier des versements des entreprises assujetties. Cette concurrence, absurde pour une contribution obligatoire, génère des frais superflus de collecte et de démarchage qui pourraient être évitées et consacrés au financement de la construction de logements sociaux et intermédiaires.
Depuis sa première enquête en 2006, la Cour des comptes n’a cessé de dénoncer les coûts de gestion très élevés du réseau du 1 % Logement. Ces coûts, de l’ordre de 320 millions d’euros par an, sont dus au manque de mutualisation des moyens entre les différentes entités du réseau. Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, le regroupement des CIL opéré depuis 2009 ne semble pas avoir suscité de baisse du coût des collecteurs. Ainsi, selon l’enquête de la Cour publiée en 2013, « il apparaît que très souvent les nouvelles entités consistent en une juxtaposition des anciennes, avec le risque de doublons et de surcoûts correspondants ».
Dans la convention quinquennale signée entre l’État et l’UESL le 2 décembre 2014, le réseau Action Logement s’est engagé à réduire les coûts de fonctionnement de l’ensemble des CIL de 10 % sur la durée de la convention. Sans une réforme de son organisation, cet objectif paraît cependant difficile à atteindre.
Le présent projet de loi d’habilitation prévoit une réorganisation radicale du réseau Action Logement, qui n’a pas été imposée par l’État mais qui a été conçue par les partenaires sociaux eux-mêmes. Cette réforme poursuit les efforts de rationalisation entamés depuis 2009 et vise à rendre plus efficace, plus équitable et plus lisible la collecte et l’utilisation de la PEEC en opérant une fusion de toutes les entités actuelles du réseau.
Le présent projet de loi prévoit la création par ordonnance de trois nouvelles structures :
• une structure « faîtière » chargée du pilotage général et financier du groupe ;
• une structure, issue de la fusion de tous les CIL, chargée de la collecte et de la distribution des aides aux bailleurs sociaux et aux salariés ;
• un pôle immobilier regroupant l’ensemble des participations détenues par les CIL dans des entreprises sociales pour l’habitat (ESH) et dans d’autres filiales immobilières.
Ces entités seront déclinées au niveau régional et supervisées par des comités régionaux Action Logement (CRAL), composés de représentants des partenaires sociaux représentatifs au niveau national.
Le schéma ci-dessous présente la nouvelle organisation proposée :
Schéma 1 : Organisation du futur groupe Action Logement
Source : UESL-Action Logement
L’APAGL sera rattachée à la structure de collecte et de distribution des services tandis que l’AFL sera rattachée au pôle immobilier unique du groupe.
La fusion de tous les CIL au sein d’une structure unique chargée de la collecte et de la distribution de la PEEC permettra de mettre fin à la concurrence entre les collecteurs et aux dépenses inutiles de démarchage auprès des entreprises qu’elle génère. Elle devrait également permettre de réduire les frais de fonctionnement de la PEEC grâce à des économies d’échelle et une mutualisation des moyens.
Ces économies, couplées au maintien du niveau de ressources de la PEEC, auront donc pour conséquence d’accroître les capacités de production de logements financés par Action Logement afin d’atteindre l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an fixé par le Président de la République.
La mise en place d’une structure nationale a également pour objectif d’améliorer l’accès des salariés aux services proposés par Action Logement. L’organisation actuelle du réseau et son éclatement sont en effet sources d’inégalités entre les salariés, notamment entre ceux des PME et ceux des grandes entreprises.
La mise en œuvre d’un outil de distribution des aides et des services unique, appuyé par un système d’information national, devrait ainsi favoriser un accès égal à l’information et à certains services, quelle que soit la taille de l’entreprise employant les salariés et sa localisation géographique. Un tel système devrait également faciliter la mobilité inter-entreprises, alors que les aides à la mobilité actuelles, dépendantes des relations commerciales entre les CIL et les entreprises, sont majoritairement consacrées à la mobilité géographique intra-entreprise.
Enfin, la fusion des CIL permettra de mutualiser l’offre de produits et de services, y compris les réservations locatives, tout en accélérant la création d’outils dématérialisés.
La convention quinquennale signée entre l’État et l’UESL sera mieux appliquée grâce à la fusion de tous les collecteurs dans une structure nationale unique. Le respect des objectifs de dépenses en faveur de la construction de logements sociaux et intermédiaires, de même que le respect des objectifs en matière d’attribution, pourront ainsi être suivis en temps réel grâce à une comptabilité et un système d’information uniques.
Ce système d’information national (en regard des 20 systèmes différents existant actuellement) favorisera également une meilleure transparence dans les critères de distribution des prêts au secteur du logement social et une meilleure communication sur le niveau de péréquation entre territoires.
Enfin, le regroupement de toutes les participations des CIL dans des sociétés HLM au sein d’un pôle immobilier unique améliorera la cohérence d’action des 83 ESH contrôlées actuellement par Action Logement et limitera les phénomènes de surenchère foncière qui peuvent exister entre elles.
La création d’un tel groupe, dont une structure gérera à elle seule 4 milliards d’euros de ressources, tandis qu’une autre recueillera des participations dans 231 sociétés HLM (dont 83 participations majoritaires) inquiète une partie du mouvement HLM. Une telle concentration fait en effet peser deux risques : d’une part, une absence d’équité dans la distribution des aides destinées aux organismes HLM entre les ESH qui seront contrôlées par Action Logement et les autres organismes HLM et, d’autre part, la disparition progressive du tissu d’organismes HLM locaux face à un groupe immobilier à la position ultra-dominante.
Le présent projet de loi ne modifie pas les règles de distribution de la PEEC. Tous les bailleurs sociaux, qu’ils s’agissent d’offices publics de l’habitat, de sociétés anonymes d’HLM, de sociétés coopératives d’HLM ou de sociétés d’économie mixte (SEM) continueront d’avoir accès aux prêts et aux subventions d’Action Logement.
Toutefois, afin que la future organisation d’Action Logement ne créé pas d’iniquité dans la distribution de ces aides, le présent projet de loi prévoit que les ordonnances devront définir des règles, relatives à la gouvernance du groupe notamment, qui garantiront l’absence de discrimination entre les ESH détenus par Action Logement et les autres organismes HLM. Cette absence de discrimination sera contrôlée par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS).
Votre rapporteur tient à signaler que l’inscription de cette règle, de même que la nouvelle organisation d’Action Logement, constituent des progrès indéniables par rapport à la situation existante. Les CIL cumulent en effet aujourd’hui les fonctions de distributeurs des aides aux organismes HLM et d’actionnaires de certaines ESH alors que ces fonctions seront exercées par deux organismes différents dans la nouvelle architecture d’Action Logement.
Par ailleurs, à l’initiative de votre rapporteur, la commission des affaires économiques a ajouté deux nouveaux garde-fous, que les ordonnances devront précisées. Conformément à la convention conclue entre le mouvement HLM et Action Logement en novembre 2015, le texte de la commission prévoit ainsi la création d’un comité des partenaires, comprenant notamment l’Union sociale pour l’habitat (USH), afin que tous les acteurs du logement social puissent être associés à la définition des orientations et au suivi de la distribution des aides de la PEEC en faveur du logement social. À l’initiative de votre rapporteur, le texte de la commission précise également que les règles de gouvernance des trois futurs organismes d’Action Logement, définies par l’ordonnance, devront garantir l’absence de conflit d’intérêts au sein du réseau, notamment entre la structure chargée de distribuer les ressources de la PEEC et celle qui recueillera toutes les participations d’Action Logement dans les ESH. Un principe de non cumul des mandats pourrait, par exemple, être institué.
À l’occasion de cette réforme, une partie du mouvement HLM a exprimé son inquiétude quant à une trop forte concentration des ESH au sein d’un même groupe et quant à la possibilité que les ressources de la PEEC soient de plus en plus utilisées pour des dotations en fonds propres aux seules ESH du groupe.
Votre rapporteur tient tout d’abord à rappeler que les prises de participation des CIL dans des ESH sont déjà permises aujourd’hui au titre de la PEEC, en application de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation. Depuis la loi ALUR, cette catégorie d’emploi de la PEEC est encadrée par la convention quinquennale signée entre l’État et Action Logement, qui fixe des enveloppes minimales et maximales pour chaque dépense. Ainsi, la convention quinquennale 2015-2019 prévoit que les apports de capitaux et de fonds propres aux ESH du groupe ne pourront pas dépasser 90 millions d’euros en 2016 et 70 millions d’euros par an à partir de 2017. Cette enveloppe est en baisse de 40 % par rapport à la période 2012-2014 et ne représente que 5 % de l’enveloppe globale consacrée au financement du logement social.
Par ailleurs, la position dominante du futur pôle immobilier d’Action Logement ne sera que très relative : les CIL sont aujourd’hui actionnaires majoritaires dans 30 % des ESH en France (83 sur 277). En incluant tous les organismes HLM (OPH, ESH, coopératives et SEM), Action Logement gérera au total 15 % des logements sociaux en France (800 000 logements sur 5,3 millions).
Toutefois, afin d’éviter toute pratique abusive de dotations en fonds propres conduisant à des surenchères foncières ou à une déstabilisation du tissu local des ESH, le Gouvernement s’est engagé à ce que les nouvelles prises de participation du futur groupe Action Logement fassent l’objet d’un contrôle de l’État. Ce contrôle, dont les modalités seront définies dans l’ordonnance, pourrait par exemple consister en un droit de veto au cas par cas sur les nouvelles prises de participation attribué aux commissaires du Gouvernement siégeant au conseil d’administration du futur pôle immobilier d’Action Logement.
La mise en œuvre de la réforme de la collecte et de la distribution de la PEEC prévue par le présent projet de loi doit être la plus rapide possible. L’habilitation adoptée dans le cadre du projet de loi Rebsamen et censurée par le Conseil constitutionnel en août 2015 avait prévu un délai de publication des ordonnances d’un an. Sans la censure du Conseil constitutionnel, les ordonnances auraient donc dues être publiées d’ici le mois d’août 2016.
Or le présent projet de loi d’habilitation, tel que déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, prévoyait de nouveau un délai d’un an. Votre rapporteur considère qu’un tel délai est excessivement long pour une réforme annoncée dès le printemps 2015 et pour laquelle le recours aux ordonnances devait être un moyen d’accélérer sa réalisation. Un tel délai présente également le risque que la réforme ne soit pas entièrement achevée avant les échéances électorales de 2017.
À l’initiative de votre rapporteur, le texte de la commission prévoit donc un délai raccourci de publication des ordonnances de huit mois.
Au cours de sa séance du mercredi 9 mars 2016, la commission a procédé à l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (n° 3512), sur le rapport de M. François Pupponi, rapporteur.
Mme la présidente Frédérique Massat. Nous avons le plaisir d’accueillir notre nouvelle ministre du logement, Mme Emmanuelle Cosse, pour l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour simplifier et rationaliser l’organisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et la distribution des emplois de cette participation.
Le rapporteur, M. François Pupponi, a été désigné lors d’une précédente séance.
J’indique que vingt-quatre amendements ont été déposés. Parmi eux, un amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 38 de la Constitution relatif aux ordonnances, le CE2 de M. Bies, et deux amendements ont été retirés par leurs auteurs.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je commencerai, mesdames et messieurs les députés, par vous présenter mes excuses car Mme la présidente Frédérique Massat et moi avions prévu que je vienne m’exprimer devant vous dans le cadre d’une audition et cela n’a pas été possible jusqu’à présent.
Vous connaissez le texte qui vous est présenté aujourd’hui, puisqu’il a déjà été évoqué dans le cadre de la loi sur le dialogue social et l’emploi présentée par M. François Rebsamen. Il vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances pour simplifier et rationaliser l’organisation d’Action Logement, le réseau du « 1 % logement ».
Le réseau paritaire Action Logement a pour objectif de faciliter l’accès au logement des salariés pour favoriser l’emploi et la mobilité professionnelle. La PEEC est une contribution versée par les employeurs du secteur privé non agricole et affectée au financement d’actions dans le domaine du logement des salariés. Action Logement se consacre au financement du logement social et intermédiaire, de prêts accession offerts aux salariés, ainsi que d’aides à la mobilité. Action Logement finance également, depuis le 1er février 2016, la caution locative Visale destinée aux salariés jeunes ou précaires, y compris les ménages en intermédiation locative.
Je veux rappeler la contribution majeure d’Action Logement au financement du logement et aux politiques publiques du logement, notamment dans le cadre d’un accord-cadre passé entre l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL). Action Logement s’est ainsi engagé à une mobilisation exceptionnelle sur six ans de 3 milliards d’euros d’emprunt auprès du fonds d’épargne. Cela doit permettre d’accélérer la construction de logements sociaux destinés aux salariés et de contribuer à la réalisation de l’objectif national de production de logements.
La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a prévu que la nature et les règles d’utilisation des emplois de la PEEC soient fixées par convention entre l’État et l’UESL. Cela a été l’objet de la convention quinquennale signée le 2 décembre 2014, qui a notamment prévu de renforcer le lien entre l’emploi et le logement en soutenant la construction de logements abordables pour les salariés et en accompagnant ces derniers dans leurs projets d’acquisition et de rénovation.
En 2015, les emplois de la PEEC se sont élevés à 3,9 milliards d’euros, répartis de la manière suivante : 1,4 milliard au titre des financements destinés aux personnes morales, notamment les organismes HLM, 1,3 milliard dédié au financement des politiques publiques, notamment le programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) et le nouveau programme national pour le renouvellement urbain (NPNRU), 1 milliard au titre des financements destinés aux personnes physiques – ce sont notamment les prêts accession – et 200 millions accordés à l’Association foncière logement (AFL) pour le financement de logements destinés aux salariés dans les quartiers en rénovation urbaine.
L’organisation actuelle du réseau Action Logement fait cependant apparaître des faiblesses rédhibitoires, en dépit des efforts de rationalisation réalisés ces dernières années comme la forte réduction du nombre de comités interprofessionnels du logement (CIL), passés de 125 en 2009 à 20 en 2012. La principale faiblesse du système tient à la concurrence pratiquée entre les CIL pour récupérer la collecte de la PEEC ; cette collecte étant un versement obligatoire, la mise en concurrence n’induit aucune valeur ajoutée. C’est pourquoi les partenaires sociaux d’Action Logement ont décidé, lors de leur conseil d’administration du 9 avril 2015, de réorganiser Action Logement afin de supprimer la concurrence entre les CIL pour la collecte, de renforcer les services au profit des entreprises et des salariés, et de donner accès aux mêmes prestations aux grandes comme aux petites entreprises. Cette réforme structurelle a pour ambition non seulement d’améliorer le fonctionnement interne du réseau mais aussi de renforcer son efficacité et de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour la politique du logement.
Le projet de loi prévoit d’organiser le réseau Action Logement autour d’une structure « faîtière » qui pilotera l’ensemble du dispositif, avec pour mission essentielle de produire avec l’État les conventions quinquennales relatives aux emplois de la collecte et de veiller à leur mise en œuvre. Il y aura par ailleurs un pôle unique dit « services », chargé de collecter la PEEC et de distribuer les services, ainsi qu’un pôle immobilier qui portera les participations d’Action Logement détenues dans le capital des opérateurs immobiliers de son réseau.
Le pôle « services » remplacera les CIL et délivrera des aides et des services en garantissant l’équité de la distribution et de la prise en compte des besoins des territoires. Le pôle immobilier portera les participations actuellement détenues par les CIL dans les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) et autres sociétés immobilières ; ce pôle sera chargé de mettre en œuvre la politique immobilière déterminée par la structure « faîtière » en application des orientations définies avec l’État dans le cadre des conventions.
Cette réforme représente une avancée majeure, tant pour les salariés que pour les entreprises. En supprimant la concurrence des CIL et en centralisant la collecte, elle permettra d’assurer une plus grande transparence pour les entreprises, qui pourront mieux apprécier le niveau et la qualité des emplois et des services délivrés aux salariés. Nous attendons de cette réforme un accroissement de la qualité des services aux salariés ainsi qu’un impact positif sur le financement du logement social et intermédiaire. En effet, la création d’un organisme unique chargé de la distribution des prêts au logement social permettra une plus grande transparence dans les règles de distribution et facilitera les engagements pris en matière de répartition entre les territoires et les organismes. Enfin, l’optimisation des coûts de fonctionnement ainsi qu’une centralisation du cadrage financier et territorial offriront des marges de manœuvre plus importantes.
Nous devons cette amélioration d’ensemble à Action Logement et aux partenaires sociaux qui font vivre ce réseau, un acteur majeur du développement du logement social. C’est pourquoi cette réforme devra associer l’Union sociale pour l’habitat (USH), afin que cette modernisation joue au bénéfice de l’ensemble de la politique du logement social.
M. François Pupponi, rapporteur. La ministre vient d’expliquer l’intérêt de cette réforme qui est l’aboutissement d’un long processus. Nous avions déjà voté ce texte dans le cadre de la loi « Rebsamen », mais le Conseil constitutionnel l’a censuré ; c’est la raison pour laquelle le Gouvernement nous propose aujourd’hui le présent projet d’habilitation. On peut contester le principe du recours aux ordonnances sur un sujet aussi important, mais il y a urgence et tout le monde s’accorde à dire que la réforme est indispensable. Les acteurs d’Action Logement souhaitent une mise en œuvre rapide. Le choix d’une loi d’habilitation permettra d’accélérer le processus.
Je proposerai d’ailleurs, madame la ministre, un amendement visant à porter d’un an à huit mois le délai de publication des ordonnances, de façon, compte tenu du calendrier électoral de 2017, que la réforme entre en vigueur avant la fin de l’année 2016.
En raison de la relative indépendance des CIL, Action Logement a du mal à faire passer les grandes orientations signées avec l’État dans le cadre de la convention quinquennale. Ainsi, il avait été conclu dans cette convention que les différents CIL devaient affecter 25 % de leurs logements aux populations relevant du droit au logement opposable (DALO) ; or nous en sommes à peine à 10 %, soit 40 % de l’objectif, tout simplement parce que les CIL mènent leur politique propre, sans être tenus par la convention quinquennale. De même, dans le cadre du PNRU, Action Logement souhaitait construire 15 000 logements, par le biais de l’Association Foncière Logement (AFL), et devait en attribuer 30 000 ; sur les 15 000, à peine 7 000 ou 8 000 ont été construits, et sur les 30 000, seulement 2 000 ont été attribués… L’objectif de mixité sociale n’est pas atteint.
Le monde du logement social, en particulier l’USH, se demande si la création d’une structure unique dont les décisions s’appliqueront sur l’ensemble du territoire national ne mettra pas en péril les modes de financement du logement social. L’USH demande la transparence de la collecte de la PEEC. Le texte, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, est déjà de nature à les rassurer, mais je proposerai un amendement qui précise encore les choses. Il faut lever cette inquiétude au plus tôt : les acteurs du logement social nous ont fait part de leur crainte qu’Action Logement pourrait ne pas respecter le principe de l’équité dans la distribution des aides.
Il convient également de faire attention aux conflits d’intérêts, dans la mesure où c’est la même structure qui tout à la fois collectera et emploiera les fonds. Des amendements vont seront proposés à cette fin.
Dans la mesure où Action Logement va récupérer les participations des CIL dans certaines ESH, la question se pose également de savoir si cela doit se faire automatiquement ou après agrément. Ma position consiste à ne pas retarder la réforme et donc à favoriser le transfert automatique des titres. Enfin, quand Action Logement décidera, demain, d’entrer au capital ou d’augmenter sa part au capital de certaines structures, le fera-t-elle sans contrôle ou à la suite d’un agrément ?
Ce sont les questions posées. Il faut adopter rapidement cette réforme, avec un vote conforme au Sénat, afin qu’elle soit mise en œuvre avant la fin de 2016. La politique du logement de notre pays en a besoin.
M. Philippe Bies. Le « 1 % logement », créé en 1953 avec la mise en œuvre de la PEEC, est un exemple de compromis républicain dont il faudrait sans doute s’inspirer pour d’autres sujets.
Ce dispositif est improprement appelé « le 1 % logement » puisque, depuis 1992, la contribution a été fixée à 0,45 %. Quand la réforme sera parvenue à son terme, Action Logement gérera quelque 900 000 logements ; cela en fera un acteur de premier plan de la politique publique du logement social.
Nous arrivons au terme d’une réforme engagée il y a plusieurs années. Une étape essentielle a été franchie en 2009, avec la réduction très significative du nombre de CIL et la volonté de professionnaliser le plus possible leur fonctionnement. À l’évidence, cela n’a pas été suffisant et il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin, de rationaliser et de simplifier la collecte, d’accroître les capacités de production de logements – en particulier de logements locatifs sociaux – d’Action Logement, ce qui permettra de dégager des économies importantes de frais de gestion, qui devront servir au financement du logement social. Il faut améliorer la cohérence, la lisibilité, l’efficacité du dispositif et renforcer la gouvernance et la maîtrise des risques.
Après la censure de l’article 45 de la loi Rebsamen, cette réforme doit être conduite rapidement, mais l’urgence n’empêche pas le débat et il est possible d’améliorer ce projet d’habilitation. Même si ce n’est pas ce que préfèrent les parlementaires, le groupe socialiste est d’accord pour légiférer par ordonnances.
Nous souhaitons que le Gouvernement prenne en compte certaines préoccupations, que le rapporteur a rappelées, à commencer par une bonne coordination de ceux qui seront désormais les piliers de la politique du logement : l’État, les bailleurs, par le biais de l’USH, qui a signé une convention avec Action Logement en novembre 2015, et Action Logement lui-même. Cela passe par l’adoption de l’amendement du rapporteur, qui se substitue habilement à celui déclaré irrecevable. Une déclinaison territoriale de la réforme nous semble également très importante, afin de renforcer les partenariats locaux. Enfin, la souplesse revendiquée à juste titre ne doit pas empêcher le contrôle de l’utilisation de ces fonds publics. C’est l’objet de plusieurs autres amendements.
Action Logement contribue, au même titre que l’État, et peut-être même davantage, à un certain nombre de politiques publiques ; il est important d’en faire un outil efficace et moderne, ce qui suppose une parfaite transparence et le contrôle par le Parlement et l’État.
M. Lionel Tardy. Il faudra s’assurer que cette réforme ne se traduise pas par une hausse de la participation des employeurs ; c’est le sens de l’unique amendement qui sera présenté par notre groupe.
Lors de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, je m’étais exprimé en faveur d’une telle habilitation. Je m’étonne qu’elle ne nous ait pas été représentée plus tôt après que le Conseil constitutionnel l’a censurée l’été dernier en tant que cavalier législatif. Je précise que, si Action Logement va pouvoir sortir du marasme dans lequel il se trouvait, ce n’est pas grâce à l’État : celui-ci a au contraire régulièrement ponctionné sa cagnotte et menacé sa trésorerie ces dernières années. Je ne comprends pas cet acharnement. Il faut que le système, à bout de souffle, reparte sur de bonnes bases.
L’article 2 du projet de loi, en revanche, n’était pas prévu dans la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Je doute qu’élargir les missions de l’AFL et de l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) contribue à l’objectif de simplification affiché. L’intérêt d’une habilitation pour ces deux structures est d’ailleurs assez peu développé dans l’exposé des motifs comme dans l’étude d’impact. Il faudra donc s’assurer qu’il s’agit d’une réelle simplification ; j’espère pour cela que nous aurons une vue sur le contenu des ordonnances.
M. Michel Piron. Simplifier et rationaliser : qui pourrait être contre d’aussi belles intentions ? Que cela se fasse par ordonnances ne me cause aucun état d’âme : il est plus simple de simplifier et de rationaliser par ordonnances. Nous n’aurons donc aucune objection, pas plus sur la forme que sur le fond.
L’histoire est assez ancienne et je salue la belle continuité de l’action des gouvernements qui se sont succédé depuis l’effort très net impulsé dès 2009 pour réduire le nombre de CIL. Cette continuité, il faut bien le dire, vaut également pour les prélèvements sur Action Logement…
Il n’y a aucun doute que la suppression de la concurrence entre les différentes collectes va dans le sens d’une plus grande efficacité à moindre coût. C’est la conclusion normale de la démarche de concentration engagée. En revanche, la question de l’emploi de ces ressources n’est pas du même ordre. L’affectation territoriale du 0,45 %, dans le respect des principes d’origine de cette cotisation, à savoir le lien entre l’emploi et le logement, n’est pas des plus simples dans la mesure où, quelque part, elle relève également de considérations d’aménagement du territoire. Les critères retenus pour l’affectation territoriale devront pour le moins faire en sorte que le cercle de ceux qui choisissent soit suffisamment large, et non centralisé, voire « parisianisé » à l’excès, si l’on veut préserver un minimum de lien entre l’implantation des entreprises et les logements qu’elle appelle.
Le pilotage centralisé quant à lui sera incontestablement plus efficient, le rapporteur l’a souligné, alors que l’application des principes est actuellement très inégale.
Déjà sous la précédente législature, le « 1 % logement » avait été forcément sollicité en direction de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), et c’est nécessaire. Je comprends également les interrogations de l’USH sur le logement social, mais je rappelle que le 1 % a toujours eu pour vocation principale de financer le logement intermédiaire et l’accession sociale à la propriété ; c’était le cœur même de cette cotisation à l’origine, ne l’oublions pas. L’exercice de ponction sur ce 0,45 % a ses limites.
Enfin, j’approuve la proposition du rapporteur de ramener le délai à huit mois, ce qui vous permettra de mettre définitivement en place le nouveau dispositif dans le cadre de la présente législature.
Mme Jeanine Dubié. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission des affaires économiques.
Nous accueillons positivement ce projet de loi d’habilitation, qui s’inscrit dans la continuité de l’action de Mme Sylvia Pinel et va permettre au Gouvernement de parachever la réforme d’Action Logement. Nous partageons l’objectif d’une nouvelle organisation d’Action Logement qui donnera plus de cohérence à son action et répondra aux critiques récurrentes sur l’efficacité du dispositif.
Ce texte simplifie l’organisation d’Action Logement en créant une nouvelle structure, qui préserve le paritarisme et reste dans le champ de l’économie sociale et solidaire, chargée de piloter l’ensemble du dispositif, avec pour mission principale de conclure avec l’État les conventions quinquennales relatives aux emplois de la PEEC, de les décliner sur le plan territorial et de veiller à leur mise en œuvre.
La dernière convention quinquennale, signée le 2 décembre 2014, a pour objectif d’améliorer les conditions de logement des ménages, notamment des salariés du secteur privé, pour favoriser leur accès à l’emploi et aussi contribuer à leur redonner du pouvoir d’achat. Nous comptons d’ailleurs sur vous, madame la ministre, pour que ce chantier de réforme ne retarde pas la mise en œuvre de cette convention.
Cette structure sera subdivisée en deux pôles. Un premier pôle, regroupant les 20 organismes collecteurs, sera chargé de collecter la PEEC et de proposer des solutions en matière de logement aux salariés ; nous pensons que cette centralisation permettra non seulement de simplifier son fonctionnement, mais également de réduire les coûts de fonctionnement. Par ailleurs, l’unification des différents organismes collecteurs au sein d’une même structure devrait réduire les problèmes concurrentiels qui pouvaient être parfois constatés et ainsi permettre à l’ensemble des employés, qu’ils soient de petites ou grandes entreprises, d’accéder aux services d’Action Logement de manière équitable.
Dans l’étude du CREDOC de 2012 citée dans l’exposé des motifs du projet de loi, une enquête sur la perception des problèmes de logement des salariés par les entreprises montre d’ailleurs que la perception de ces problèmes est plus importante dans les grandes entreprises. Plusieurs raisons expliquent ces différences, notamment la localisation. Si les grandes entreprises sont plus souvent situées dans les zones urbaines, généralement plus touchées par les problèmes de logement, ce n’est probablement pas la seule explication : il existe aussi des difficultés d’accès au logement dans les zones rurales, et nous comptons sur votre vigilance pour prendre en compte les problématiques de logement dans les territoires ruraux.
Cette réforme prévoit également la création d’un pôle chargé de la gestion du patrimoine immobilier d’Action Logement, qui est pour le moins conséquent, avec 900 000 logements et 80 entreprises sociales de l’habitat.
Nous attendons que cette réforme redonne de la visibilité à Action Logement, avec l’ambition de répondre au mieux aux besoins des salariés. Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte.
M. Daniel Goldberg. Nos collègues ont souligné le rôle décisif d’Action Logement pour la construction, la rénovation et le renouvellement urbain ; je partage leur avis, d’autant plus qu’Action Logement a pour spécificité le logement des salariés. Le présent débat et le débat national sur le statut des salariés se recoupent.
Les ordonnances, normalement, servent à aller vite sur des sujets à la limite du réglementaire ; ici, il s’agit d’une refonte globale d’Action Logement, c’est-à-dire d’une ressource de plus de 3 milliards d’euros, introduite à l’origine par le biais d’un amendement présenté nuitamment dans le cadre du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi. J’aurais préféré que nous discutions du projet « en dur », comme on dit dans le jargon législatif, pour cette réforme d’ampleur que je souhaite accompagner par ailleurs ; cela aurait évité les incompréhensions et les doutes de certains acteurs et élus.
J’ai entendu ce qui a été dit sur la continuité de l’action des gouvernements successifs. Je note toutefois une discontinuité dans les rapports qu’entretient ce Gouvernement avec Action Logement, par rapport à ceux que vous aviez soutenus, chers collègues de l’actuelle opposition : car nous sommes pour notre part dans la contractualisation et nullement dans le prélèvement, pratique qui mettait en danger le modèle économique d’Action Logement.
Si l’urgence n’empêche pas le contrôle, je souhaite interroger Mme la ministre sur le contrôle que pourra exercer le Parlement sur la rédaction de l’ordonnance. Sans doute notre rapporteur pourrait-il être impliqué d’une manière ou d’une autre, plutôt que de découvrir l’ordonnance en lisant le Journal officiel.
Mme Pascale Got. Le niveau dispositif pourra-t-il redéfinir la répartition des aides au profit de certaines populations ? Je pense notamment aux saisonniers.
M. Jean-Luc Laurent. Je salue la présence dans cette commission de notre nouvelle ministre du logement, que j’ai plaisir à retrouver ; après avoir appréhendé les politiques du logement au niveau régional, nous le faisons à présent au niveau national. Lorsque j’étais vice-président chargé du logement et de l’action foncière en région, j’ai plaidé, dans le maelström de l’organisation du « 1 % logement », pour une politique territorialisée qui mette en adéquation les moyens et les besoins, et ce dans l’esprit d’Action Logement, qui doit tenir compte du lien entre le travail et l’habitat.
Je vois l’intérêt de la réforme que vous présentez, madame la ministre, avec la création d’un organisme unique, mais je m’interroge sur l’efficacité de cette nouvelle organisation. La création d’un tel mastodonte ne risque-t-elle pas d’entraîner une lourdeur excessive ? Quelles mesures sont prises pour qu’il n’en soit pas ainsi et pour que le système soit réactif ? Comment s’assurer par ailleurs d’une affectation des moyens en adéquation avec les besoins des territoires ? Les propositions présentées à cet effet par le rapporteur et les membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen me paraissent judicieuses. Il me semble qu’il faut aller plus loin dans la territorialisation, par le biais du conventionnement ou de la contractualisation.
Enfin, vous serait-il possible, comme l’ont fait vos prédécesseurs, de présenter les ordonnances devant notre commission avant leur adoption par le conseil des ministres ?
Mme Laure de La Raudière. Notre groupe soutiendra ce projet de loi, qui a priori va dans le bon sens, mais en vous écoutant, madame la ministre, je me pose une question : était-il réellement nécessaire ? La transparence, par open data, de l’action des CIL n’aurait-elle pas suffi à atteindre l’objectif d’une politique visible au niveau national ? On est peut-être en train de créer une usine à gaz et je me demande si, ce faisant, on ne s’éloigne pas du terrain, alors que l’objectif que vous recherchez pouvait être atteint de façon beaucoup plus simple.
Je ne suis pas une spécialiste du logement, mais force est de constater que nous en sommes à la cinquième ou sixième loi sur ce sujet depuis que nous avons été élus, et que cela ne marche toujours pas. La loi ALUR a été catastrophique. Dans le domaine du logement social, il faut revoir notre logiciel. Les textes que vous nous proposez ne conduisent à aucune mobilité dans le logement social. On passe à côté de l’essentiel.
Mme la ministre. J’appelle votre attention sur le fait que la réforme qui vous est présentée a été voulue par les partenaires d’Action Logement, organisme inédit de paritarisme qui depuis sa création a permis de mieux loger les salariés. Conscient de certaines carences et soucieux de remédier à ses difficultés de fonctionnement, cet organisme paritaire, devenu un acteur important de l’ANRU, a fait connaître sa volonté de se réformer au Gouvernement, lequel accompagne la réforme.
Si le nouveau fonctionnement entraîne des économies, nous souhaitons évidemment que les ressources ainsi dégagées aillent aux politiques du logement – ce n’est pas notre ministère qu’il vous faudra convaincre mais plutôt d’autres, ceux qui ont souvent des visées intéressées sur la PEEC collectée…
La déclinaison territoriale de ces politiques rénovées est impérative. C’est pourquoi les CIL doivent cesser de batailler pour emporter la collecte mais aussi pour les programmes, les ESH entrant parfois en concurrence pour le foncier. Il faut donc mettre un terme à une situation qui, outre qu’elle provoque une considérable perte de temps, contribue à l’illisibilité du dispositif. Pour autant, monsieur Michel Piron, ce n’est pas à Paris que sera décidée l’affectation des fonds dans les territoires. Une organisation territoriale existera bel et bien, et il faudra évidemment rester au plus près du terrain, comme l’est actuellement Action Logement dans les régions, pour les programmes de rénovation urbaine et dans ses relations avec les bailleurs sociaux – mais, malgré cela, aujourd’hui, les interventions d’Action Logement diffèrent selon les régions, notamment pour le financement du logement social.
Le Gouvernement juge nécessaire d’agir vite, et donc par voie d’ordonnances, parce que la réforme est déjà en marche. Il faudra en effet encore accélérer la cadence ; nous en reparlerons, monsieur le rapporteur, lors de l’examen des amendements.
Les parlementaires seront bel et bien associés à la rédaction des projets d’ordonnance. La concertation commencera avec vous avant même la présentation du projet de loi au Sénat, précisément parce que nous voulons aller vite et en toute transparence. Action Logement souhaite que ce travail ait lieu, et il en sera ainsi.
Nous rappelons avec insistance à Action Logement qu’agir au service des salariés, c’est aussi agir en faveur de ceux qui sont en passe de le devenir ou qui sont sans activité ; nous le faisons dans le cadre de la négociation sur l’extension de la garantie Visale à des chômeurs en mobilité. Il faut définir une politique particulière d’Action Logement pour les saisonniers, qui sont aussi des salariés et qui, en outre, exercent toujours leur activité dans des zones tendues – le littoral Atlantique, la montagne, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, etc.
M. le rapporteur. La réforme est indispensable et doit, bien sûr, être efficace : si la nouvelle structure unique centralisée ne remplit pas son office, les partenaires sociaux, puisque ce sont eux qui mettront la réforme en œuvre, auront manqué leur objectif. Le constat unanimement partagé aujourd’hui est qu’en dépit des importants efforts consentis en faveur du logement des salariés en France, la situation n’est pas satisfaisante, notamment parce que les CIL ont parfois un peu trop d’autonomie. En dépit des conventions quinquennales, un pilotage national, assorti d’objectifs à atteindre, ne parvient pas à s’exercer. Ce constat d’échec appelle une réforme.
La territorialisation aura lieu d’emblée, puisque la nouvelle structure récupérera les participations d’Action Logement dans les ESH locales. La question qui se posera pour l’avenir sera effectivement de savoir comment les moyens d’Action Logement seront utilisés et comment seront prises les décisions d’investissement ou d’aides à apporter aux acteurs du logement social. L’organisme devra donc définir des mécanismes garantissant que ces décisions seront prises au plus près du terrain et permettant une mise en œuvre intelligente. C’est également l’intérêt des ordonnances de mettre en place dès le départ des garanties pour assurer l’équité dans l’utilisation des aides d’Action Logement.
Les règles régissant l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) et les collecteurs agréés de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) sont définies par les articles L. 313-8 à L. 313-25 du code de la construction et de l’habitation.
L’article L. 313-18 dispose que l’UESL est une société anonyme coopérative dont les seuls associés sont :
– à titre obligatoire, chaque organisme collecteur agréé aux fins de collecter la PEEC ;
– sur sa demande, toute organisation interprofessionnelle et représentative au plan national de salariés ou d’entreprises assujetties au versement de la PEEC.
L’UESL dispose d’un conseil d’administration composé de cinq représentants des organisations d’employeurs associées et de cinq représentants des organisations de salariés associées. Trois commissaires du Gouvernement assistent aux séances du conseil d’administration.
L’article L. 313-19 confie à l’UESL la mission de conclure avec l’État la convention quinquennale définissant les règles d’utilisation de la PEEC et de veiller à son application par les collecteurs. À ce titre, l’UESL « fixe aux associés collecteurs des objectifs par emploi ou catégorie d’emploi pour la mise en œuvre de la convention ».
En application de l’article L. 313-20, l’UESL gère également trois fonds : un fonds d’intervention, un fonds d’interventions sociales et un fonds de garantie universelle des risques locatifs. Le fonds d’intervention, alimenté par des versements des collecteurs, contribue à la péréquation entre territoires et à la bonne exécution par l’UESL des politiques nationales et locales d’emploi des ressources issues de la PEEC.
Les collecteurs, chargés de recevoir la participation des entreprises et de distribuer les emplois de cette participation, sont obligatoirement agréés par le ministre chargé du logement. Ils sont aujourd’hui au nombre de 20 et dénommés comités interprofessionnels du logement (CIL). Il n’existe plus de chambre de commerce et d’industrie habilitée à collecter la PEEC. Les CIL ont le statut d’association à caractère professionnel ou interprofessionnel, régie par la loi de 1901. Le conseil d’administration de chaque CIL est composé à parité de représentants des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au plan national.
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, l’article 1er autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de simplifier et de rationnaliser la collecte et la distribution de la PEEC.
Les alinéas 2 à 4 précisent que l’ordonnance prévoira la création de trois organismes :
– un organisme paritaire chargé de définir les orientations générales et de piloter le dispositif ;
– un organisme unique chargé de collecter et de distribuer la PEEC, par substitution aux 20 collecteurs agréés associés de l’UESL ;
– un organisme unique chargé de recueillir l’ensemble des titres détenus par les collecteurs dans des organismes HLM ou dans des sociétés immobilières.
Les alinéas 5 et 7 prévoient que l’ordonnance définira la forme juridique et les règles de gouvernance de ces trois organismes. Ces règles devront assurer l’association des partenaires du dispositif, notamment l’Union sociale pour l’habitat (USH), à la définition des orientations du premier organisme et garantir l’absence de discrimination dans la distribution des emplois de la PEEC destinés à la construction de logements sociaux. L’alinéa 5 précise également que l’ordonnance prévoira les modalités d’organisation territoriale de ces trois organismes.
Afin de mettre en œuvre la nouvelle organisation de la collecte et de la distribution de la PEEC, l’alinéa 6 précise que l’ordonnance prévoira des dispositions transitoires garantissant le transfert des droits et des obligations des CIL vers les nouveaux organismes.
Enfin, les alinéas 8 et 9 disposent que l’ordonnance adaptera les missions de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à la nouvelle organisation d’Action Logement.
Votre rapporteur soutient pleinement l’objet de cette habilitation qui permettra de disposer de ressources supplémentaires pour la construction de logements sociaux et intermédiaires et de mieux appliquer la convention quinquennale signée entre l’État et l’UESL.
Outre des modifications rédactionnelles, votre rapporteur a proposé à la commission, qui l’a accepté, deux amendements afin :
– d’étendre les missions du comité des partenaires au suivi de la distribution des emplois de la PEEC consacrés au logement social ;
– de préciser que les règles de gouvernance, définies par l’ordonnance, devront garantir l’absence de conflit d’intérêts au sein du réseau, notamment entre la structure qui sera chargée de distribuer les ressources de la PEEC et celle qui recueillera toutes les participations d’Action Logement dans les entreprises sociales pour l’habitat (ESH).
*
* *
La commission examine l’amendement CE8 du rapporteur.
Mme la présidente Frédérique Massat. C’est un amendement rédactionnel.
Mme la ministre. Avis favorable.
M. Michel Piron. En quoi l’ajout du mot : « rendu » après le mot : « service » est-il rédactionnel ? Vouliez-vous dire que le service n’était pas garanti rendu ?
M. le rapporteur. C’est cela !
M. Michel Piron. C’est un rédactionnel puissant, en termes d’exigence… Cette explication me satisfait tout à fait : j’étais dans l’exégèse, non dans la philosophie !
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE1 de M. Damien Abad.
M. Lionel Tardy. Le projet modifie l’organisation de la collecte de la PEEC telle qu’elle est prévue à l’article L. 313‑1 du code de la construction et de l’habitation. Cet article établit que les employeurs de plus de vingt salariés doivent consacrer à la PEEC « des sommes représentant 0,45 % au moins du montant des rémunérations versées ». Afin d’éviter que le Gouvernement ne profite de la réforme pour augmenter le niveau de la participation des employeurs, l’amendement CE1 tend à préciser explicitement que les dispositions prises par ordonnance ne conduiront pas à augmenter le taux en vigueur.
M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : le projet de loi d’habilitation ne prévoyant pas de modifier les règles de calcul de la PEEC, elles ne pourront l’être dans l’ordonnance. Étant donné l’inexistence du risque que vous redoutez, je vous suggère de le retirer.
Mme la ministre. Même avis, pour la même raison. Non seulement le projet de loi d’habilitation ne donne pas la possibilité de modifier le taux de 0,45 %, mais le Gouvernement n’en a aucunement l’intention.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE5 de M. Philippe Bies.
M. Philippe Bies. Le projet de loi d’habilitation prévoit que la PEEC pourra être utilisée pour capitaliser certaines filiales du pôle immobilier d’Action Logement. Notre amendement vise à rendre ces transferts de fonds exceptionnels en les soumettant à l’autorisation du ministre compétent. Cet accord pourrait notamment valoir pour les bailleurs sociaux en difficulté, au sens de la Caisse de garantie du logement locatif social.
M. le rapporteur. La crainte exprimée souligne un risque réel. D’ailleurs, parce qu’il fallait être attentif, la convention signée entre l’État et l’UESL a encadré la pratique en limitant strictement ces apports. Mais soumettre la prise de participation à l’autorisation systématique du ministre concerné n’est peut-être pas la solution la plus adaptée ; aussi, je vous suggère de retirer votre amendement afin que nous puissions discuter sa rédaction avant la séance publique. Rappelons que nous sommes dans un projet de loi d’habilitation : il nous suffit de permettre au Gouvernement de prévoir quelque chose, sans qu’il soit besoin dès à présent d’arrêter une solution.
Mme la ministre. Comme l’a indiqué votre rapporteur, la possibilité d’apport de ressources existe déjà. Parce que l’inquiétude que vous avez exprimée est légitime, le risque induit a été pris en compte dans la convention quinquennale du 2 décembre 2014 entre l’État et l’UESL, qui limite à 70 millions d’euros pour 2016 – soit 5 % du financement annuel d’Action Logement consacrée au logement social – la dotation en fonds propres qui peut être versée aux filiales d’Action Logement ou à des organismes de logement social. Toutefois, votre amendement propose un encadrement excessif et trop rigide, d’autant que le projet d’habilitation comporte des dispositions visant à garantir l’absence de discrimination dans la distribution des emplois de la PEEC entre les bailleurs sociaux, quel que soit leur statut. Néanmoins, comprenant la demande d’un garde-fou pour empêcher une capitalisation excessive, je vous propose d’étudier avec vous la rédaction d’un amendement qui pourrait prévoir un contrôle par l’État, non sous la forme d’une autorisation systématique ou d’un veto par le ministre compétent, mais en permettant au ministère du logement de s’opposer au cas par cas à une capitalisation qui serait jugée inopportune. Cette faculté pourrait être exercée par les commissaires du Gouvernement siégeant au conseil d’administration du pôle immobilier.
M. Philippe Bies. Prenant acte de ces précisions et ne souhaitant pas nuire à l’efficacité du dispositif, je retire mon amendement, qui sera réécrit avant la séance publique.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE4 de M. Philippe Bies.
M. Philippe Bies. Rédigé dans le même esprit que le précédent et plus coercitif encore, cet amendement de précaution tend à susciter une discussion sur la manière dont Action Logement procédera en introduisant de nouveaux actionnaires au capital de certaines sociétés. L’ordonnance permettra ainsi d’améliorer le dispositif actuel et de lui faire gagner en transparence.
M. le rapporteur. Mon avis sera cette fois-ci très défavorable… Action Logement et les CIL ont des participations dans 230 ESH ; s’il fallait à chaque fois valider le transfert des parts, cela pendrait plusieurs années et la réforme dont nous ne cessons de souligner l’urgence serait mise à mal. La validation doit être automatique ; ensuite, localement et structure par structure, des discussions pourront avoir lieu pour déterminer si Action Logement doit ou non rester au capital de l’entreprise considérée. Je demande le retrait de cet amendement.
Mme la ministre. Avis également défavorable. Cet amendement entraverait une action efficace et rapide d’Action Logement. Or, il est de l’intérêt de tous les acteurs que nous sécurisions le fonctionnement du nouveau groupe en évitant toute possibilité de blocage qui empêcherait de constituer la structure immobilière.
M. Daniel Goldberg. L’amendement précédent tendait à définir si les transferts de participations en capital devaient être exceptionnels ou non, et comment les encadrer ; il s’agit cette fois de préciser les modalités de passage de l’ancien modèle au nouveau modèle unanimement approuvé. Pour un bailleur social, la capacité de construire n’est pas nécessairement liée à l’importance de son capital : de très grandes ESH ont un capital très restreint et d’autres, un capital bien plus important, en proportion, que leur production. Établir qu’Action Logement participe à la construction non par des dotations mais par une prise de participation en capital dans des ESH n’est pas anodin. J’entends l’argument du rapporteur et de la ministre, mais il nous faudra en particulier réfléchir, avant la présentation du texte en séance publique, au fait que les participations d’Action Logement au capital des ESH sont de deux types, et qu’au moment de la cession la situation différera selon qu’Action Logement contrôle entièrement un bailleur social ou qu’il a seulement une participation minoritaire dans son capital. Ces situations différentes appellent des appréciations différentes.
M. le rapporteur. Supprimer l’automaticité du transfert de participations mettrait la réforme à mal. Cela n’empêche pas que l’ordonnance puisse, dans un second temps, une fois le transfert achevé et selon les cas, favoriser le dialogue entre les actionnaires pour déterminer si Action Logement reste au capital et dans quelles conditions, singulièrement quand il détient une participation minoritaire.
M. Philippe Bies. Ayant pris acte des arguments du rapporteur, et Mme la ministre ayant garanti que nous serons associés à la rédaction des ordonnances, je retire l’amendement. Il a permis, comme je le souhaitais, d’engager une discussion dont la poursuite est nécessaire.
L’amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE9 et CE10 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie des amendements CL24 du rapporteur et CL6 de M. Philippe Bies, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.
M. le rapporteur. Les organismes HLM redoutent que la nouvelle entité unique aide ou n’aide pas les organismes selon qu’elle en sera actionnaire majoritaire, actionnaire minoritaire ou pas actionnaire du tout. C’est la raison pour laquelle je propose par l’amendement CE24 de créer un comité consultatif associant l’ensemble des partenaires à la définition des emplois de la PEEC et au suivi de leur distribution. De la sorte, toutes les dispositions seront prises dans l’ordonnance pour garantir transparence et équité, et chacun sera rassuré.
Mme la ministre. Ayant pris connaissance du texte lors de mon arrivée au ministère, j’ai rencontré Action Logement et l’Union sociale pour l’habitat (USH). Un dialogue permanent entre ces deux entités me semble nécessaire pour mener des politiques conjointes – c’est particulièrement utile pour préparer les conseils d’administration de l’ANRU. J’exprime donc un avis favorable à la création du comité consultatif.
M. Daniel Goldberg. Je remercie Mme la ministre de soutenir cet excellent amendement qui traduit une demande des acteurs concernés conforme à la convention qu’ils ont signée le 10 novembre 2015. L’inscription dans l’ordonnance de la création du comité consultatif et le rôle important qui lui est conféré lèveront les doutes. C’est très bien ainsi.
Mme Laure de la Raudière. Permettez-moi une remarque de forme : qu’un comité consultatif soit nécessaire est une évidence, mais cette création n’est pas du ressort de la loi. Je suis consternée par la dérive conduisant à inscrire dans des textes législatifs des dispositions qui sont tout au plus d’ordre réglementaire, au motif qu’il faut rassurer les acteurs concernés, alors même que la ministre a pris des engagements.
M. Michel Piron. De fait, l’intention est pure, au point qu’elle consacre dans les textes une convention déjà signée ! Cette propension à la redondance est regrettable, mais si c’est le prix à payer pour rassurer qui doit l’être…
M. Philippe Bies. Puis-je faire observer que le projet de loi d’habilitation est en lui-même la reprise d’éléments contenus dans la convention signée entre l’État et Action Logement ? Donc, peu importe…
Mme Laure de la Raudière. Mais non !
M. Philippe Bies.… puisque l’on rassure ainsi les partenaires, dont les élus locaux qui vont participer à la mise en œuvre de la politique du logement. L’adoption de l’amendement renforcerait la confiance entre l’État, Action Logement et l’USH. Enfin, je suis conscient que l’amendement CE6, rédigé dans le même esprit, tombera si celui du rapporteur est adopté. Il est défendu.
La commission adopte l’amendement CE24.
En conséquence, l’amendement CE6 tombe.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE11, CE12 et CE13 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE23 du même auteur.
M. le rapporteur. Cet amendement vise à ce que l’ordonnance précise comment l’absence de conflit d’intérêts sera garantie au sein de la nouvelle structure.
Mme la ministre. Il est en effet nécessaire de garantir l’équité de la distribution des ressources de la PEEC en prévenant les conflits d’intérêts, voire en les sanctionnant. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE14 du rapporteur.
La commission est saisie de l’amendement CE3 de M. Philippe Bies.
M. Philippe Bies. Mon amendement a été satisfait par l’adoption de l’amendement CE23.
L’amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE15, CE16 et CE17 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
Article 2
Habilitation pour modifier les objets de l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) et de l’Association Foncière Logement (AFL)
L’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), dont les statuts sont approuvés par décret, est chargée, en application de l’article L. 313-33 du code de la construction et de l’habitation, d’organiser le dispositif de garantie des risques locatifs (GRL). La GRL est un dispositif d’assurance contre les risques d’impayés de loyers proposé à tous les bailleurs privés par un réseau d’assureurs partenaires. Son objectif est de faciliter l’accès au logement des personnes en situation de précarité ne disposant pas de caution.
Depuis le 1er janvier 2016, la GRL a été remplacée par un nouveau dispositif de garantie locative baptisé « Visale », centré sur les salariés entrant dans un emploi. Les contrats GRL peuvent toutefois s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2016.
L’Association Foncière Logement (AFL) est chargée, quant à elle, grâce à des prêts de l’UESL issus des ressources de la PEEC, de contribuer à la mixité sociale des villes et des quartiers en réalisant :
– des programmes de logements locatifs libres dans les quartiers faisant l’objet d’opérations de rénovation urbaine ;
– et des programmes de logements locatifs sociaux dans les agglomérations se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements.
Ces deux associations sont dirigées par des conseils d’administration composés à parité de représentants des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national.
L’article 2 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi modifiant les objets de l’APAGL et de l’AFL afin d’élargir le champ et les modalités de leurs interventions.
D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, cette ordonnance devrait notamment rattacher l’APAGL à l’organisme unique de collecte et de distribution des aides de la PEEC et l’AFL au pôle immobilier regroupant toutes les participations d’Action Logement dans des sociétés HLM.
L’ordonnance devrait également conforter l’APAGL dans sa mission de mise en place du nouveau dispositif de garantie locative Visale.
Votre rapporteur soutient pleinement l’objet de cette habilitation. Il espère en particulier que le rattachement fonctionnel de l’AFL au nouveau pôle immobilier unique d’Action Logement permettra d’améliorer l’efficacité de son action dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
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La commission adopte l’article 2 sans modification.
Article 3
Délai d’habilitation
L’article 3 dispose que les ordonnances prévues aux articles 1er et 2 doivent être publiées dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi. Conformément à l’article 38 de la Constitution, l’habilitation accordée par le Parlement au Gouvernement n’est plus valable à l’expiration de ce délai.
Votre rapporteur considère qu’un tel délai est excessivement long pour un projet de réforme qui a été annoncé dès le printemps 2015 et pour lequel le recours aux ordonnances est un moyen d’accélérer sa réalisation. Votre rapporteur a donc proposé à la commission, qui l’a accepté, que le délai de publication des ordonnances soit raccourci à huit mois.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE20 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE22 du même auteur.
M. le rapporteur. L’amendement CE22 tend à ramener à huit mois le délai de publication des ordonnances. Le délai de douze mois prévu est excessivement long pour un projet de réforme annoncé au printemps 2015 et pour lequel le recours aux ordonnances vise à accélérer la mise en œuvre de la réforme. Si l’on ajoute à cela le délai nécessaire au dépôt d’un projet de loi de ratification, le risque est de retarder la réforme au-delà du 31 décembre 2016.
Mme la ministre. Nous aussi voulons aller vite, et nous avons même l’intention de publier l’ordonnance dès le début de l’automne. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 4
Délai de ratification
L’article 4 prévoit qu’un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances. Conformément à l’article 38 de la Constitution, les ordonnances entreront en vigueur dès leur publication mais deviendront caduques si un tel projet de loi de ratification n’est pas déposé dans ce délai.
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La commission adopte l’amendement de précision CE21 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
La commission examine l’amendement CE7 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement, rédactionnel, tend à rappeler la règle selon laquelle les ordonnances n’auront de valeur législative que lorsqu’elles auront été ratifiées par le Parlement.
Mme la ministre. Avis favorable.
L’amendement est adopté et le titre est ainsi modifié.
La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Cabinet de la ministre du logement et de l’habitat durable
M. Tristan Barrès, conseiller logement
Mme Marie Dutertre, conseillère parlementaire
Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)
Mme Clémentine Pesret, sous-directrice
Mme Chloé Lombard
Mme Charlotte Bourgois
Habitat réuni
M. Pierre Quercy, président
M. Pierre Almanzor, secrétaire général
Mme Sylvie Rabinovici, directrice générale d’IRP, entreprise sociale pour l’habitat (ESH) membre du groupement d’Habitat Réuni
Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) – Action Logement
M. Jacques Chanut, président
M. Jean-Baptiste Dolci, vice-président
M. Bruno Arbouet, directeur général
M. Bernard Coloos, directeur des affaires économiques, financières et internationales de la Fédération française du bâtiment
M. Roger Thune, directeur logement du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Union sociale pour l’habitat (USH)
M. Frédéric Paul, délégué général
Mme Marianne Louis, secrétaire générale
M. Laurent Ghekiere, directeur des affaires européennes, représentant auprès de l’Union européenne
Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement
1 () Extrait du rapport public annuel 2013 de la Cour des Comptes, « Le 1 % logement : une réforme à mi-parcours »
2 () Source : UESL-Action Logement