______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2016.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
PAR M. Yves BLEIN
Député
——
Voir les numéros : 3600, 3675.
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 7
I. LA MODERNISATION DE LA DÉMOCRATIE SOCIALE AU CœUR DU PROJET DE LOI 11
A. NÉGOCIER L’ORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL AU PLUS PRÈS DE LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE (ARTICLE 2) 11
B. LA RÉVOLUTION DES ACCORDS MAJORITAIRES (ARTICLE 10) 13
1. Aller au bout de la réforme de 2008 13
2. Aménager de nouveaux chemins pour la négociation sociale dans les TPE et PME 14
C. RENFORCER LES ACCORDS COLLECTIFS 15
1. Les accords majoritaires en faveur de l’emploi (article 11) 15
2. La sécurisation des accords de groupe et des accords interentreprises (article 12) 16
3. Le renforcement et la restructuration des branches (articles 13 et 14) 16
II. LA SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS À L’HEURE DU NUMÉRIQUE 19
A. AMORCER LA REFONTE DES DROITS DES ACTIFS : LE COMPTE PERSONNEL D’ACTIVITÉ (ARTICLE 21) 19
1. Les premiers jalons du compte personnel d’activité 19
2. Le renforcement du compte personnel d’activité souhaité par votre rapporteur 21
B. ADAPTER LE DROIT DU TRAVAIL AU NUMÉRIQUE 23
1. La dématérialisation du bulletin de paie (article 24) 23
2. L’instauration d’un droit à la déconnexion (article 25) 24
3. La reconnaissance du télétravail dans la loi (article 26) 25
4. Poursuivre la régulation des plateformes en ligne (après l’article 27) 26
C. L’INSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : LA GÉNÉRALISATION DE LA GARANTIE JEUNES (ARTICLE 23) 27
1. Une expérimentation venant s’ajouter à des dispositifs nombreux 27
2. La position de votre rapporteur 28
III. FAVORISER L’EMPLOI DANS LES TPE ET LES PME ET RÉFORMER LES CONDITIONS DU LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE 31
A. FAVORISER L’EMPLOI DANS LES TPE-PME (ARTICLES 28 ET 29) 31
1. Le droit à l’information des TPE-PME (article 28) 31
2. La création d’accords type de branche pour les TPE-PME (article 29) 32
3. Provisions pour licenciements économiques (après l’article 29) 33
B. SÉCURISER LES CONDITIONS DU LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE (ARTICLE 30) 34
IV. DE NOUVEAUX OUTILS POUR PRÉSERVER L’EMPLOI 39
A. PRENDRE EN COMPTE LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS ÉCONOMIQUES 39
1. Portage salarial : l’aboutissement d’une clarification (article 38) 39
2. Emplois saisonniers : une nouvelle étape vers une sécurisation accrue (article 39) 40
3. Conforter les groupements d’employeurs (article 40) 41
B. PRÉSERVER L’EMPLOI FACE AUX DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES 42
1. Apporter davantage de souplesse aux transferts d’entreprise (article 41) 42
2. Améliorer les conditions d’élaboration des conventions de revitalisation (article 42) 43
C. POURSUIVRE LA LUTTE CONTRE LE DÉTACHEMENT ILLÉGAL (ARTICLES 45, 46 ET 47) 45
TRAVAUX DE LA COMMISSION 47
Avant l’article 2 71
Article 2 (titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail) : Durée du travail 73
Article 10 (art. L. 2232-12, L. 2232-13, L. 2231-7 à L. 2231-9, L. 2242-20, L. 2391-1 et L. 7111-9 du code du travail, art. L. 6524-4 du code des transports) : Généralisation des accords majoritaires d’entreprise 83
Après l’article 10 90
Article 11 (art. L. 2254-2 [nouveau], L. 2323-15 et L. 2325-35 du code du travail) : Accords de préservation ou de développement de l’emploi 93
Article 12 (art. L. 2122-4, L. 2232-32 à L. 2232-35, L. 2232-36 à L. 2239 [nouveaux], L. 2253-5 et L. 2253-6 [nouveaux] du code du travail) : Sécurisation des accords de groupe et des accords interentreprises 97
Article 13 (art. L. 2232-5-1 [nouveau], L. 2232-9 et L. 2261-32 du code du travail) : Missions des branches professionnelles 97
Article 14 (art. L. 2261-32, L. 2261-33 et L. 2261-34 [nouveaux] du code du travail) : Restructuration des branches professionnelles 100
Article 21 (art. L. 5151-1 à L. 5151-12 [nouveaux], L. 6323-1, L. 6323-2, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6323-7, L. 6323-11-1 [nouveau], L. 6323-24 à L. 6323-31 [nouveaux], L. 6111-6 du code du travail) : Création du compte personnel d’activité 101
Article 23 (art. L. 5131-3 à L. 5131-7 du code du travail) : Renforcement de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie 107
Après l’article 23 109
Article 24 (art. L. 3243-2 du code du travail) : Dématérialisation du bulletin de paie 111
Avant l’article 25 111
Article 25 (art. L. 2248-2 du code du travail) : Modalités d’exercice du droit à la déconnexion 112
Article 26 : Ouverture d’une concertation relative au travail à distance et à l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle 114
Après l’article 26 114
Article 28 (art. L. 5143-1 [nouveau] du code du travail) : Droit à l’information des employeurs des entreprises de moins de 300 salariés 115
Article 29 (art. L. 2232-10-1 [nouveau] du code du travail) : Accords types de branche 116
Après l’article 29 116
Avant l’article 30 117
Article 30 (art. L. 1233-3, L. 1233-3-1 [nouveau] et L. 1233-3-2 [nouveau] du code du travail) : Motif économique de licenciement 118
Après l’article 30 127
Avant l’article 38 128
Article 38 (art. L. 1254-9, L. 1255-11, L.1255-14 à L. 1255-16, L. 1255-17 et L. 1255-18 [nouveaux] et 5132-14 du code du travail, art. L. 5542-51 du code des transports, ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial) : Portage salarial 133
Article 39 (art. L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1244-1, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1251-6, L. 1251-11, L. 1251-37, L. 1251-60, L. 2412-2 à L. 2412-4, L. 2412-7 à L. 2412-9, L. 2412 13, L. 2421-8-1, L. 5135-7 et L. 6321-13 du code du travail) : Emploi saisonnier 134
Article 40 (art. L. 1253-24 du code du travail) : Groupement d’employeurs 135
Après l’article 40 135
Article 41 (art. L. 1233-24-2, L. 1233-57-19, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail) : Transferts d’entités économiques 136
Article 42 (art. L. 1233-85 et L. 1233-90-1 [nouveau] du code du travail) : Revitalisation des bassins d’emplois 136
Après l’article 42 137
Article 45 (art. L. 1262-4-1, L. 1262-4-4 [nouveau], L. 1264-1 et L. 1264-2 du code de travail) : Renforcement des obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à des prestataires établis à l’étranger 138
Article 46 (art. L. 1262-4-5 [nouveau] du code du travail) : Création d’une contribution visant à compenser les coûts administratifs liés à la création d’un système de déclaration dématérialisé 138
Article 47 (art. L. 1263-3, 1263-4-1 [nouveau], L. 1263-5 et L. 1263-6 du code du travail) : Application de la mesure administrative de suspension temporaire d’activité d’un prestataire étranger en cas d’absence de déclaration de détachement 138
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 139
Notre système économique est sujet à de multiples transformations, tant des modèles productifs, avec l’irruption du numérique, que dans les parcours professionnels, moins linéaires, moins marqués par l’hégémonie du salariat.
Dans ce contexte, l’adaptation du droit du travail est nécessaire : les entreprises ont besoin de davantage de souplesse ; les salariés ont besoin de plus de sécurisation. Ce projet de loi y concourt efficacement.
La commission des affaires économiques a été naturellement amenée à se saisir de ce texte tant les relations sociales internes à l’entreprise sont un sujet fondamental pour la compétitivité et le développement des entreprises.
Trois préoccupations ont guidé le travail du rapporteur : comment la modernisation du dialogue social va permettre de concourir à davantage d’efficacité économique ; comment les freins à l’embauche, dans un contexte de chômage de masse, peuvent être levés sans précariser les salariés ; comment, enfin, le projet de loi peut plus particulièrement aider les petites et moyennes entreprises, pour faciliter leur développement et donc la création d’emplois.
La saisine de la commission des affaires économiques a permis d’aborder ces différentes préoccupations.
— Au sein du titre Ier, relatif à la refondation du droit du travail pour donner plus de poids à la négociation collective, la saisine porte sur l’article 2, qui refonde l’architecture de la partie du code du travail relatif à la durée du travail en donnant, conformément aux recommandations du rapport Combrexelle, une plus grande place aux accords d’entreprises. Il s’agit, selon votre rapporteur, du cœur du projet.
— Au sein du titre II, votre commission est saisie des principaux articles du chapitre II, qui porte sur le renforcement de la légitimité des accords collectifs, et en particulier de l’article 10 qui va jusqu’au bout de la réforme de 2008 sur la représentativité syndicale en conditionnant la validité des accords à une majorité de 50%. Cet article introduit également la possibilité de surmonter certains blocages en recourant, à l’initiative des organisations syndicales exclusivement, au référendum.
— La quasi-totalité du titre III, et en particulier l’article relatif au compte personnel d’activité, fait également partie de la saisine : il porte sur la sécurisation des parcours et l’adaptation du modèle social à l’ère du numérique.
— En ce qui concerne les TPE-PME et la préservation de l’emploi, nous sommes saisis de la partie du titre IV, intitulé « favoriser l’emploi », qui porte sur la facilitation de la vie des TPE et des PME et sur la réforme des conditions du licenciement économique. La saisine porte également sur le chapitre III du titre IV, relatif à la préservation de l’emploi, avec des articles qui touchent notamment aux emplois saisonniers, sujet important pour cette commission, aux transferts d’entreprise dans le cadre d’un PSE et à la revitalisation des bassins d’emplois.
— Enfin, une partie du titre VI a retenu l’attention de la commission, sur la lutte contre le détachement illégal. Partant du constat que la fraude s’adapte encore et toujours aux multiples réglementations que cette majorité a mis en place depuis la proposition de loi « Savary » et, plus récemment, la loi « Macron », le texte porte de nouveaux dispositifs à même de lutter plus efficacement encore contre le détachement illégal.
L’examen de ces articles au sein de la commission des affaires sociales, saisie au fond, a amené votre rapporteur à défendre une cinquantaine d’amendements issus de la commission des affaires économiques.
À l’article 2 d’abord, votre rapporteur a proposé d’ouvrir la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de moduler le temps de travail sur 12 semaines et non sur 9 comme prévu dans le texte du Gouvernement. Je considère en effet que, dans une petite entreprise, le trimestre constitue la bonne mesure pour évaluer la charge de travail prévisible. La commission a également adopté un amendement important sur la négociation sociale dans les chambres d’agriculture.
En ce qui concerne la préoccupation de rénover utilement le dialogue social, la commission a adopté un amendement du rapporteur proposant de compléter le texte du Gouvernement en ouvrant la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de négocier des accords avec des salariés élus à cet effet mais qui ne seront pas forcément mandatés.
En ce qui concerne la nécessité de lever des freins à l’embauche, notamment à l’ère du numérique, la commission a adopté plusieurs amendements visant à rendre le CPA plus efficace : les actifs doivent, par exemple, pouvoir simuler leurs droits sociaux pour mieux calibrer leur orientation professionnelle, leurs besoins de formation, et in fine leur recherche d’emplois. En outre, dans les relations entre le CPA et les entreprises, il a fallu veiller à garantir le bon déploiement du CPA comme « coffre-fort numérique », permettant aux entreprises, avec accord du salarié, d’y déposer des bulletins de paie dématérialisés.
La commission a également souhaité donner une orientation plus concrète des dispositions du texte vers les TPE-PME, qui constituent le cœur de notre tissu productif. À l’article 28, qui donne le droit à tout employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés d’obtenir de l’administration, dans des délais raisonnables, une réponse personnalisée sur une question d’application du droit du travail, votre rapporteur a souhaité renforcer cet accès au droit par l’introduction d’une procédure semblable au rescrit fiscal, lorsque les questions portent sur des démarches ou des procédures. L’employeur, qui n’a pas l’ingénierie juridique suffisante pour saisir la complexité du droit du travail, pourra utiliser ce dispositif pour justifier de sa bonne foi en cas de contentieux.
Pour répondre aux préoccupations légitimes des petites entreprises confrontées au contentieux prudhommal, la commission a également adopté un amendement de votre rapporteur ouvrant la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de provisionner, dans la limite d’un mois de masse salariale, d’éventuelles indemnités même en l’absence de contentieux déclaré.
En outre, à l’article 30, qui porte notamment sur la caractérisation des difficultés économiques, la commission a adopté plusieurs amendements qui visent d’une part, à encourager le recours à une méthode de faisceau d’indices pour définir ces difficultés économiques, à l’encontre du caractère vague du dispositif actuellement proposé : plusieurs indicateurs économiques concomitamment et tendanciellement en baisse permettraient de caractériser les difficultés de l’entreprise. Le juge conserverait néanmoins une marge d’appréciation suffisante, et pourrait notamment mobiliser d’autres indicateurs que ceux mentionnés dans le présent dispositif.
Ensuite, il s’agit de tenir compte de la taille de l’entreprise pour déterminer la durée à partir de laquelle quand la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes caractérise des difficultés économiques. En effet, une très petite entreprise doit pouvoir réagir rapidement face à une dégradation de sa santé économique. Attendre au moins quatre trimestres pour pouvoir opérer des licenciements économiques, comme cela est prévu par les dispositions supplétives du présent article, est une condition disproportionnée pour ces TPE : le plus souvent, elles auront déjà dû cesser leur activité à l’issue de cette période. L’intérêt général commande donc de prévoir des dispositions plus souples pour les entreprises de moins de 10 salariés et celles de moins de 50 salariés, qui dérogent à une durée de droit commun fixée à trois trimestres.
La commission a enfin adopté plusieurs amendements sur le travail saisonnier visant à élargir le champ de la négociation collective prévue par le projet de loi aux modalités de compensation financière en cas de non reconduction du contrat de travail.
L’article 2 du projet de loi constitue probablement le cœur du projet de loi, du moins dans sa partie relative au dialogue social ; il met en œuvre les préconisations du rapport Combrexelle, remis au Premier ministre le 9 septembre 2015 et qui proposait d’articuler les normes autour de trois niveaux : en premier lieu, les règles qui relèvent de l’ordre public et qui s’imposent de manière absolue au niveau conventionnel ; en deuxième lieu, les règles renvoyées à la négociation collective ; et enfin, en dernier lieu, les dispositions supplétives, applicables à défaut d’accord. Il s’agit par ce biais de donner plus d’espace à la négociation collective.
Conformément au rapport précité, cet article propose de privilégier autant que faire se peut l’accord d’entreprise, pour redonner au niveau de la branche son rôle traditionnel de régulation sociale et économique. Il s’agit bien de mettre le dialogue social en pleine capacité de régulation, dans le respect d’un socle législatif de principes relevant de l’ordre public.
Sont ainsi réorganisées autour du triptyque ordre public/champ de la négociation collective/dispositions supplétives, l’ensemble des dispositions suivantes :
– celles qui concernent le travail effectif, les astreintes et le régime des équivalences ;
– celles relatives à la durée légale et aux heures supplémentaires ;
– les règles fixant les durées maximales du travail ;
– les conventions de forfait ;
– les mesures de répartition et d’aménagement des horaires et les règles relatives au travail de nuit ;
– les règles relatives au travail à temps partiel et au travail intermittent ;
– les dispositions sur le repos quotidien et les jours fériés ;
– et, enfin, les règles relatives aux congés payés.
Le projet de loi souhaite par ailleurs achever le processus, entamé avec la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, de renforcement du rôle de la négociation collective en entreprise, en accordant désormais un primat généralisé à cette dernière sur l’accord de branche, y compris pour fixer des règles moins favorables aux salariés, pour l’ensemble des règles applicables à la durée du travail, aux repos et aux congés payés.
On notera néanmoins que dans quelques domaines, le texte proposé maintient la primauté donnée à l’accord de branche : c’est le cas par exemple en matière de temps partiel, pour la fixation d’une durée minimale de travail inférieure au socle légal de 24 heures ou pour la détermination du taux de majoration des heures complémentaires.
Le troisième objectif du présent article est de mieux répondre aux besoins des entreprises – petites et grandes – en matière d’aménagement du temps de travail. Il s’agit, d’une part de l’allongement, jusqu’à trois ans, de la période de référence pour la mise en place d’un accord d’aménagement du temps de travail, et, d’autre part, d’un allongement de cette même période de référence à neuf semaines pour les entreprises de moins de 50 salariés, dans le cadre du dispositif spécifique d’aménagement du temps de travail par la voie unilatérale.
Sur ce dernier point, votre rapporteur a souhaité aller un peu plus loin en portant, toujours pour les entreprises de moins de 50 salariés, cette période à douze semaines, soit un trimestre. C’est en effet à l’échelle du trimestre que l’entreprise peut planifier son activité et donc adapter ses ressources humaines aux fluctuations attendues. La commission a adopté cet amendement.
Elle a également adopté un amendement de Mme Pascale Got et de nombreux députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen visant à faciliter le recours au contrat de travail intermittent (CDII), qui est un contrat à durée indéterminé qui s’adresse aux salariés qui occupent un « emploi permanent qui par nature comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées » et donc, notamment, un emploi saisonnier.
Grâce à ce contrat, les saisonniers ont l’assurance de retrouver chaque année le même le poste qui fait l’objet du contrat et bénéficient dans l’entreprise des mêmes droits que les salariés à temps plein. Le contrat est particulièrement avantageux si le saisonnier parvient à cumuler deux contrats intermittents pour la saison d’été et d’hiver. Pourtant, cette forme contractuelle n’a pas rencontré le succès attendu puisque, chaque année, il semble que peu de contrats de travail intermittent soient conclus en France.
Le rapport de M. François Nogué « Le tourisme, « filière d’avenir. Développer l’emploi dans le tourisme », paru en 2013, a identifié la condition d’existence d’un accord de branche ou d’entreprise ou d’établissement comme un obstacle important au recours du CDII. En effet, sur l’ensemble des branches professionnelles, seules une vingtaine ont actuellement prévu ce contrat. En l’absence d’accord de branche, la plupart des entreprises qui souhaiteraient y avoir recours se trouvent quant à elle dans l’impossibilité de conclure un accord d’entreprise en raison de leur petite taille car il s’agit souvent de PME et de TPE.
Afin d’encourager le recours aux contrats de travail intermittent, cet amendement permet à toutes les entreprises d’y avoir recours, même en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise, dès lors qu’elles ont à pourvoir des emplois saisonniers. Afin d’identifier ces emplois, il est renvoyé à l’article L. 1242-2 du code du travail.
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article ainsi modifié.
La place plus grande accordée aux accords d’entreprise suppose que la légitimité des accords collectifs soit renforcée, c’est une condition indispensable. C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit la généralisation des accords majoritaires d’entreprise.
La réforme de la représentativité syndicale de 2008 a profondément transformé les conditions de validité des accords collectifs : aujourd’hui, pour être valable, un accord doit être signé par les organisations syndicales ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel (DUP) ou, à défaut, des délégués du personnel.
Une seconde condition vient s’ajouter dans le système actuel, à savoir l’absence d’opposition majoritaire : les syndicats représentatifs non signataires de l’accord et ayant recueilli la majorité des suffrages aux élections professionnelles ont en effet la possibilité d’exercer un droit d’opposition.
L’article 10 remplace ce dispositif quelque peu complexe par une condition de validité unique, à savoir la signature de l’accord par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages aux élections professionnelles. Le droit d’opposition est dès lors, en toute logique, supprimé.
Est également prévue la possibilité de recourir, lorsque le dialogue social est bloqué, au référendum. Ce recours est strictement encadré puisqu’il ne peut intervenir qu’à l’initiative des organisations syndicales signataires du projet d’accord pour peu qu’elles représentent 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Votre rapporteur approuve cette possibilité dans laquelle il ne faut pas voir un contournement des organisations syndicales : démocratie directe et démocratie représentative ne sont nullement antinomiques mais bien complémentaires. Permettre aux salariés de se prononcer directement par référendum sur un projet d’accord est un moyen supplémentaire de les associer à la gestion de l’entreprise.
Tout en validant la philosophie générale de l’article, la commission des affaires économiques a adopté un amendement de M. Hervé Pellois et de nombreux députés socialistes visant à favoriser la négociation collective dans les chambres d’agriculture en sortant du cadre statutaire, peu propice à la négociation.
Dans un contexte où les négociations vont être indispensables pour organiser la régionalisation et la modernisation du réseau, il est essentiel de renforcer la légitimité des accords collectifs par le renforcement de la majorité dite d’engagement nécessaire pour conclure les accords.
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article ainsi modifié.
Afin d’aller plus loin dans le développement de la négociation collective, votre rapporteur a proposé un amendement visant à ouvrir de nouvelles possibilités de négociation pour les TPE et les PME.
Le projet de loi fait en effet le choix d’un renforcement important de la négociation collective dans les entreprises afin que s’élaborent au près du terrain les règles permettant le développement économique de notre pays. Pour que les effets de ce pari se fassent pleinement sentir, il est impératif que l’ensemble des entreprises puissent accéder à la négociation sociale, faute de quoi seules les plus importantes d’entre elles pourront bénéficier des assouplissements autorisés par le projet de loi.
Il faut donc, plus largement qu’aujourd’hui, autoriser les représentants du personnel, même non mandatés, à conclure des accords collectifs de travail. C’est ce qui est proposé par cet amendement, qui conditionne néanmoins la validité de l’accord à son approbation par une majorité des salariés.
Pour les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de représentants du personnel, est prévue la possibilité qu’un ou plusieurs salariés soient spécifiquement élus par leurs pairs pour négocier un accord avec l’employeur. Accord qui devra ensuite être approuvé par les salariés à la majorité des deux tiers. En l’absence de salarié candidat pour mener la négociation, l’employeur pourra soumettre un projet d’accord à l’approbation des salariés à la majorité des deux tiers.
Ces mesures n’ont pas pour objet de contourner la compétence syndicale de négociation des accords mais bien de faciliter l’implantation des syndicats dans les petites entreprises : c’est au contraire en conduisant des négociations que les salariés prendront conscience de leur intérêt à se tourner vers l’expertise dont sont dotés les syndicats.
Cet article crée un nouveau cadre juridique permettant aux entreprises de conclure, dans le cadre renouvelé de la négociation collective fixé par l’article 10, un accord destiné à préserver ou à développer l’emploi.
La nécessité de ce nouvel outil est apparue au vu de l’incapacité des outils déjà existants (on peut penser aux accords de maintien de l’emploi prévus par la loi n° 2013-504 relative à la sécurisation de l’emploi) à faire face à certaines situations de l’entreprise. En effet, les dispositifs existants s’adressent pour l’essentiel à des entreprises qui sont confrontées à des difficultés économiques ponctuelles. Or, une entreprise peut avoir besoin de flexibilité non pour faire face à un choc mais bien pour préparer un développement interne.
Se pose par ailleurs la question du lien entre l’accord négocié et le contrat de travail individuel du salarié : dans la plupart des dispositifs, la mise en œuvre des accords négociés par les partenaires sociaux dépend de l’adhésion individuelle des salariés, une multiplication de refus pouvant ainsi vider l’accord de son contenu.
Les accords de préservation et de maintien de l’emploi tentent de surmonter ces difficultés : leur champ potentiel est donc assez large et ils doivent permettre à une entreprise de développer sa compétitivité même en l’absence de difficultés économiques particulières. Par ailleurs, l’accord ainsi conclu, à la majorité des organisations salariales représentatives, c’est là un point essentiel, prime de plein droit sur les clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, ce qui constitue une innovation importante. Un garde-fou fondamental est néanmoins fixé : l’accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.
Il va de soi que le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail mais l’employeur a alors la possibilité de le licencier, sans que cela constitue un licenciement pour motif économique.
Consciente de la nécessité d’encadrer ces nouveaux accords, utiles et dérogatoires, la commission a adopté deux amendements de Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Lou Marcel, M. Daniel Goldberg, M. Philippe Kemel, Mme Catherine Troallic et Mme Marie-Hélène Fabre. Le premier dispose que les accords ne peuvent excéder une durée de 5 ans ; le second généralise la possibilité pour les organisations syndicales de se faire assister par un expert-comptable à toutes les entreprises et pas seulement dans celles disposant d’un comité d’entreprise.
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article ainsi modifié.
L’objectif de l’article 12 du projet de loi est de clarifier le régime juridique applicable aux accords de groupe et aux accords conclus entre plusieurs entreprises.
En effet, les accords de groupe, bien que consacrés par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, ont du mal à s’imposer dans le paysage de la négociation collective. Alors même que le groupe est parfois le niveau le plus pertinent pour la négociation.
L’article 12 renforce leur légitimité grâce à deux mesures : il permet à un accord de groupe d’engager l’ensemble des négociations pouvant actuellement être conduites au niveau de l’entreprise, y compris les négociations annuelles obligatoires d’entreprise (sur la rémunération, le temps de travail ou le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise). Il consacre ensuite la possibilité de faire primer l’accord de groupe sur les accords d’entreprise ou d’établissement, y compris si les stipulations du premier sont moins favorables que celles des deuxièmes.
Enfin, cet article consacre la possibilité d’accords interentreprises en créant dans le code une section entièrement consacrée à ce type d’accords et reprenant les principales caractéristiques des accords de groupe.
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
Si le cœur du projet de loi est bien la revalorisation du dialogue social au niveau de l’entreprise, le Gouvernement souhaite aussi, avec ce texte, renforcer la négociation au niveau de la branche. Ce renforcement a deux volets, complémentaires : l’accroissement des missions dévolues à la branche portées par l’article 13 et la restructuration des branches professionnelles, qui figure à l’article 14.
Dans son rapport M. Jean-Denis Combrexelle (1) recense quatre missions accomplies par les branches professionnelles :
– la définition de l’« ordre public conventionnel » applicable et opposable à l’ensemble des entreprises du secteur ;
– le rôle de « prestataire de services » vis-à-vis des entreprises, c’est-à-dire d’être en mesure de proposer des instruments facilement exploitables par les entreprises du secteur ;
– la définition des dispositions supplétives applicables en l’absence d’accords d’entreprise ;
– l’animation des négociations en matière de formation et d’emploi dans le secteur d’activité concerné, afin d’organiser une véritable gestion prévisionnelle des effectifs au niveau de la branche.
L’article 13 crée donc un nouvel article L. 2232-5-1 dans le code du travail, ainsi rédigé : « La négociation de branche vise à définir des garanties s’appliquant aux salariés employés par les entreprises d’un même secteur, d’un même métier ou d’une même forme d’activité et à réguler la concurrence entre les entreprises de ce champ ».
Il crée par ailleurs des commissions paritaires permanentes de négociation qui seront chargées de représenter la branche, « notamment dans l’appui des entreprises et vis-à-vis des pouvoirs publics ». Elles joueront surtout un rôle organisationnel en se réunissant une fois par an pour les négociations obligatoires et en définissant un « agenda social », c’est-à-dire un calendrier des négociations.
Comme cela a été indiqué, l’article 14 du projet de loi est complémentaire de l’article 13 : en effet, pour que le dialogue social au niveau des branches professionnelles soit efficace et opérationnel, les branches doivent faire preuve d’une activité conventionnelle dynamique et disposer de moyens à la hauteur de cette exigence.
Or, et le constat est partagé par tous les acteurs, sur les quelques 700 branches aujourd’hui recensées, un nombre significatif d’entre elles n’ont qu’une activité conventionnelle limitée voire inexistante. Le Gouvernement s’est donc fixé pour objectif de rationaliser d’ici trois ans le paysage conventionnel autour de 200 branches.
Pour atteindre cet objectif, le présent article, tout en donnant du temps aux branches qui souhaitent se rapprocher, renforce les compétences du ministre chargé du travail lorsque la négociation a échoué ou qu’elle n’a tout simplement pas eu lieu.
Sur proposition du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de ces deux articles sans modification.
La commission des affaires économiques s’est saisie depuis plusieurs années de la question de la numérisation de l’économie. Ainsi, les travaux de la commission ont notamment conduit à l’établissement d’un rapport d’information sur le développement de l’économie numérique française (2), présenté par Mmes Corinne Erhel et Laure de la Raudière en mai 2014, et ont conduit à l’établissement d’un rapport pour avis et de l’adoption de plusieurs amendements sur le projet de loi pour une République numérique.
En dernière date, en mars 2016, la commission des affaires économiques s’est intéressée à l’impact de la numérisation sur les formes du travail. Une table ronde réunissant plusieurs experts et chercheurs a permis de déceler la dilution des formes habituelles d’activité (salariat, travail indépendant, microentreprise, etc.) en contact avec le numérique, ainsi que les effets du numérique sur la composition des emplois.
Ces analyses concourent à montrer que la transition numérique conduit, d’une part, à bousculer les statuts et les parcours professionnels traditionnels – en confirmant, par exemple, la fin de l’hégémonie du salariat et de la monoactivité –, et ouvre, d’autre part, de nouveaux horizons à la façon de travailler, de produire, de consommer. En découle une nécessaire adaptation de notre système de protection sociale, et plus généralement de la philosophie des droits sociaux. Le titre III du présent projet de loi vise à engager ce mouvement d’adaptation.
a) Les dispositions du projet de loi
Si le numérique est donc porteur de nombreuses incertitudes sur l’évolution des relations de travail, sur la régulation des entreprises numériques, sur les risques associés à l’usage continu des outils numériques, force est de constater que l’innovation qui s’y attache ouvre également des potentialités, insoupçonnées encore il y a quelques années, pour rénover en profondeur la gestion par les personnes de leurs droits sociaux.
La mise en place d’un compte personnel d’activité (CPA) vise ainsi à opérer la transition vers des droits universels, portables et personnalisés, le tout sur un portail numérique unique, qui comprendra plusieurs services associés, comme la conservation de documents tels que le bulletin de paie dématérialisé ou l’information sur les droits sociaux de l’intéressé.
L’article 21 du projet de loi pose les premières pierres à cet édifice. En raison de la complexité technique – tant en matière de programmation et d’organisation du système d’information qu’en matière de gouvernance et de financement –, le CPA comprendra, à l’entrée en vigueur de l’article (le 1er janvier 2017), trois comptes :
— Le compte personnel de formation (CPF) ;
— Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) ;
— Le compte engagement citoyen (CEC).
Le CPA concerne tous les actifs, quel que soit leur statut (actifs occupant un emploi, personnes en situation de chômage, personnes accueillies dans un établissement et service d’aide par le travail), dans une logique d’universalité. Pour cette raison, une importante partie de l’article 21 est consacrée à l’extension du régime du CPF aux travailleurs indépendants, aux professions libérales et aux professions non salariées. Par conséquent, le CPA sera ouvert à l’âge de 16 ans et fermé lorsque la personne est admise à faire valoir ses droits à la retraite.
La gouvernance du CPA et de son système d’information relève de la Caisse des dépôts et consignations, en lien avec les autres administrations responsables des comptes y figurant, en particulier la Caisse nationale d’assurance vieillesse pour le C3P. En outre, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) aura un rôle consultatif pour assurer la protection et la confidentialité des données personnelles afférentes au CPA.
Le compte engagement citoyen mérite un examen particulier : il est créé par l’article 21 afin de recenser les activités bénévoles ou de volontariat du titulaire du compte. L’utilité de ce compte illustre un des intérêts du CPA : la fongibilité des droits. En effet, le temps citoyen capitalisé sur le CEC pourra être converti en temps de formation, par l’intermédiaire du CPF. L’interopérabilité des différents comptes qui composent le CPA constituera, à terme, la pierre angulaire de la personnalisation des droits sociaux, acquis et revendiqués dans le sens souhaité par la personne, en fonction de la spécificité de son parcours professionnel.
Pourront être recensées au sein du CEC les activités suivantes : temps de service civique ; temps de réserve militaire ou sanitaire ou de sécurité civile ; temps dévolu à l’activité de maître d’apprentissage ; temps bénévole associatif, à condition que cette activité comprenne l’exercice de responsabilités.
La mise en place du CPA a fait l’objet d’un long travail préparatoire, restituée par le rapport (3) d’une mission de France Stratégie présidée par Mme Selma Mahfouz. La mission a proposé trois scénarios d’organisation :
(i) le CPA orienté vers la formation et plus largement la capacité de l’individu à évoluer professionnellement ;
(ii) le CPA comme moyen de gérer plus librement et de façon plus flexible les différents temps, tout au long de la vie ;
(iii) le CPA comme moyen de mobiliser les droits et services permettant à chacun de concilier liberté et sécurité dans sa trajectoire.
À terme, une fois que l’architecture du CPA sera fonctionnelle, le deuxième scénario semble privilégié par le Gouvernement : l’objectif est d’y associer davantage de droits sociaux, comme le droit à l’indemnisation chômage, le compte épargne-temps ou encore les pensions de retraite.
Comme le préconise la mission de France Stratégie précitée, votre rapporteur a jugé plus opportun de prévoir la fermeture du CPA au-delà de la période d’activité de la personne concernée. Non seulement cette disposition sera pertinente lors de la montée en charge du dispositif – par exemple pour transformer certains droits acquis mais non utilisés en trimestres de pension complémentaires – mais elle permettra de tirer toutes les potentialités du compte engagement citoyen.
En effet, en cohérence avec l’insertion au sein du CPA du compte engagement citoyen, votre rapporteur a estimé légitime qu’une personne retraitée, effectuant des activités citoyennes ou associatives, puisse capitaliser le fruit de cette activité sur son CEC, et par exemple avoir accès à des formations qui amélioreront son engagement associatif : maîtrise des risques juridiques de la gestion d’une association, notions de comptabilité privée, etc.
Les amendements liés du rapporteur pour avis ont été adoptés, à l’exception de celui portant sur la possibilité d’utiliser le CPF pour bénéficier de formations à la gestion associative, en raison des modalités spécifiques de financement du CPF. Pour garantir la fongibilité des droits acquis au sein du CPA, une réflexion sur l’interopérabilité du CPF et du CPA sera nécessaire en vue de l’examen du projet de loi en séance.
En outre, votre rapporteur a proposé, avec succès, l’adoption d’un amendement visant à tirer le plus partie possible des potentialités du CPA. Pour qu’il soit un service suffisamment attractif, il convient d’en faire un tableau de bord des droits suffisamment interactif. L’amendement porte sur la mise en place, au sein du CPA, d’outils de simulation des droits sociaux, permettant d’opérer des choix professionnels en connaissance de cause, participe des dispositifs techniquement simples à mettre en place, et plébiscités par les usagers.
Enfin, votre rapporteur a permis l’adoption d’un amendement qui prévoie que les associations qui donnent droit à un abondement du CEC sont celles du champ défini à l’article 74 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Il permet de retenir, en plus de la qualification « d’intérêt général » (reconnue par un rescrit fiscal), un critère d’ancienneté de l’association de trois ans minimum.
En effet, la grande diversité et le grand nombre des associations dites « d’intérêt général » au sens de la jurisprudence fiscale rendait très délicate la constitution, puis la tenue actualisée, d’une liste d’associations telle qu’initialement prévue par le projet de loi.
Plusieurs autres amendements du rapporteur ont été adoptés en commission des affaires économiques.
En premier lieu, un amendement visait à garantir la capacité du CPA à servir de « coffre-fort numérique ». Une première pierre a été posée à cet édifice au travers de la communication – non encore automatique – des bulletins de paie dématérialisés. Votre rapporteur a jugé pertinent de prévoir que ce service pourra permettre la conservation de l’ensemble des documents utiles à l’utilisation du CPA (certificats de formation, diplômes, bulletins de paie, CV, bilans de compétences, etc.), dans un cadre suffisamment sécurisé pour garantir la confidentialité de ces données. À terme, l’enjeu est que le titulaire du CPA puisse y stocker l’ensemble de ses documents administratifs utiles à ses démarches en ligne (avis d’imposition, pièces d’identité numérisées, par exemple).
En outre, un amendement visait à inscrire, au titre de la faculté concédée aux employeurs d’attribuer des jours de congés payés afin de promouvoir l’engagement associatif, le droit aux avantages fiscaux du don et du mécénat. Une logique proche de ce dispositif existe en effet pour les congés de représentation pour le mécénat de compétences, et plus largement pour tout don effectué par une personne physique ou morale.
a) Le dispositif de l’article 24
Le rapport « Sciberras » (4) rappelle que depuis la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, les entreprises peuvent diffuser par voie électronique le bulletin de paie sous deux conditions : mettre en œuvre un mode de transmission sécurisé et obtenir l’accord du salarié. Toutefois, ce rapport rappelle le retard français en la matière : le taux de dématérialisation atteint en France 15 % contre 95 % en Allemagne ou encore 73 % en Grande-Bretagne.
L’ambition de l’article 24 est, d’une part, d’accélérer ce mouvement de dématérialisation et, d’autre part, d’assurer le lien entre le bulletin de paie dématérialisé et le CPA.
L’article 24 vise ainsi à faire de la remise du bulletin de paie sous forme électronique la modalité de droit commun : c’est seulement en cas d’opposition du salarié que le bulletin sera remis sous forme physique. Cependant, la dématérialisation reste une faculté pour l’employeur, qui n’est soumis à aucune obligation, sinon à organiser le transfert du bulletin électronique au sein du CPA du salarié si celui-ci le demande.
b) La position de votre rapporteur
Votre rapporteur rappelle que les freins à la dématérialisation résident aujourd’hui davantage dans l’inégalité d’accès des salariés à l’outil numérique et en particulier à internet ; des résistances culturelles peuvent également être mentionnées. Les entreprises, quant à elles, disposent de nombreux moyens pour mettre en œuvre la dématérialisation dans des conditions qui respectent le code du travail – en particulier en matière de sécurité (horodatage électronique, techniques de scellement, mise en place via un prestataire externe d’un espace sécurisé de conservation).
En outre, il a proposé un amendement ayant pour objet d’organiser la possibilité d’opposition du salarié à la remise sous forme électronique de son bulletin de paie. L’amendement prévoit que cette opposition est libre, expresse et réversible. Ce choix pourrait par exemple prendre la forme d’une clause optionnelle du contrat de travail, éventuellement réversible par voie d’avenant.
a) Le dispositif de l’article 25
La question du droit ou du devoir de déconnexion est apparue avec l’émergence du travail à distance permis par l’accès à internet, et en particulier à sa messagerie électronique professionnelle, depuis son téléphone portable, son ordinateur ou sa tablette.
La régulation de la « déconnexion » du salarié – souvent en charge de fonctions d’encadrement – est délicate en pratique. En effet, celle-ci ne relève pas uniquement de l’employeur, qui ne peut d’ailleurs commander à son employé d’être disponible à distance en dehors de ses horaires de travail (5), mais également des libres choix d’organisation des salariés. En effet, certains peuvent préférer gérer leur courrier électronique tard le soir ou le weekend, et avoir ainsi plus de flexibilité sur leur temps de travail hebdomadaire.
Toutefois, il n’est pas évident de savoir ce qui relève du choix individuel et ce qui relève de la pression tant des pairs (qui peuvent être réactifs en dehors de leur temps de travail) que du supérieur hiérarchique (qui peut lui-même, sans exiger de réponse prompte, signaler son accessibilité en dehors du temps de travail). Une donnée est cependant objectivable : le renforcement, observé statistiquement, d’une nouvelle forme de risque psychosocial lié à la surcharge informationnelle et émotionnelle d’une disponibilité ininterrompue du salarié.
Un important travail de réflexion a été mené sur ce sujet, parmi d’autres, par M. Bruno Mettling, dans son rapport (6) à la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Il relève notamment : « savoir se déconnecter est une compétence qui se construit également à un niveau individuel, mais qui a besoin d’être soutenu par l’entreprise ». Naturellement, la préconisation du rapport est donc d’asseoir la régulation du droit à la déconnexion au niveau conventionnel.
L’article 25 vise ainsi à intégrer l’encadrement du droit à la déconnexion au sein de la négociation annuelle obligatoire (NAO) au sein de l’entreprise, dans son volet relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et à la qualité de vie au travail.
La NAO portera donc sur les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion dans l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés.
L’article dispose, en outre, que si un accord n’est pas conclu avec les représentants syndicaux, l’employeur définit unilatéralement les conditions du droit à la déconnexion dans son entreprise ; ces modalités font l’objet d’une charte dès lors que l’entreprise comporte plus de 300 salariés. Des actions de sensibilisation et de formation sur le sujet sont notamment prévues par cette charte.
b) La position de votre rapporteur
Votre rapporteur reconnaît que le droit à la déconnexion figure parmi les nouveaux enjeux de régulation des relations de travail déclenchés par la numérisation de l’économie. Il a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement présenté par Mme Corinne Erhel, qui souligne l’importance d’assurer le « plein droit » du salarié à la déconnexion et qui prévoit également que ce droit vise à préserver l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Un autre amendement de Mme Corinne Erhel, également adopté, avance la date d’entrée en vigueur de l’article 25 du 1er janvier 2018 au 30 juin 2017.
Les réflexions du rapport Mettling précité ont également concerné le nécessaire encadrement du télétravail, dans un contexte où le recours au travail à distance s’est normalisé.
Comme ce rapport le précise, « le travail à distance a tardé à se développer en France : retard lié à une forte culture de la présence physique au travail, longtemps considérée comme une condition sine qua non de l’efficacité, du contrôle mais aussi du travail en équipe ». Toutefois, devant les nouvelles formes de travail à distance, cette barrière culturelle semble aujourd’hui franchie : le télétravail introduit de la souplesse dans le temps de travail pour le salarié, et permet à l’employeur de ne pas subir de perte de productivité. C’est davantage sur la construction d’une relation de travail saine, malgré la distance, que le télétravail est questionné.
L’article 26 prévoit alors qu’une concertation est engagée sur le développement du télétravail et du travail à distance avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, selon la formule consacrée, peuvent, si elles le souhaitent, ouvrir une négociation à ce sujet.
La commission des affaires économiques a adopté, avec avis favorable du rapporteur, un amendement de Mme Catherine Troallic, visant à inscrire dans le code du travail les préconisations du rapport Mettling en matière de télétravail. Il s’agit notamment de considérer que :
— le télétravail ne peut représenter l’intégralité du temps travaillé par un salarié. Cette précision permet de lutter contre le dévoiement du télétravail pour organiser en réalité l’externalisation des activités. Il permet aussi de garantir qu’un lien est maintenu entre le télétravailleur et l’entreprise ;
— les droits et avantages légaux et conventionnels dont bénéficie le télétravailleur ne peuvent être inférieurs à ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cette sécurité n’était pas mentionnée de manière explicite dans la section relative au télétravail de notre code du travail ;
— les négociations collectives d’entreprise doivent prévoir les conditions d’organisation du télétravail, les rassembler dans un document accessible aux salariés, qui pourront s’y référer pour formuler leurs demandes de télétravail.
Sous l’impulsion de Mme Audrey Linkenheld, un amendement de la commission des affaires économiques, portant article additionnel après l’article 27, a été adopté en commission des affaires économiques.
Il s’agit de prévoir un nouveau titre au sein du code du travail pour protéger les travailleurs effectuant des prestations de services par l’intermédiaire de plateformes en ligne. Souvent microentrepreneurs, sous statut de travailleur indépendant, ces travailleurs peuvent se retrouver dans une situation de dépendance économique à la plateforme, et leur relation contractuelle s’approcher d’une relation de subordination que qualifie habituellement le lien salarial. Ce « quasi-salariat » ne s’accompagne pourtant pas de la protection sociale due par l’employeur à son salarié.
Afin de corriger cette lacune du droit du travail, l’amendement de Mme Audrey Linkenheld a pour objet de définir la responsabilité sociale des plateformes afin que les travailleurs concernés bénéficient d’une assurance, d’un droit à la formation professionnelle, à la validation des acquis de l’expérience ainsi qu’à la possibilité de constituer un syndicat.
Votre rapporteur a émis un avis favorable, avec deux réserves qui justifieront l’approfondissement de la réflexion autour de ce sujet en vue de la séance :
— il faudrait circonscrire le risque que le recentrement du régime des travailleurs indépendants en relation avec une plateforme en ligne, qui s’approchera de fait du régime des salariés, n’ouvre la porte à un large contentieux. Il y a un effet un paradoxe à reprocher aux plateformes d’instaurer un quasi-salariat dans leurs relations avec les indépendants qui utilisent leurs services, et l’obligation de leur donner une protection sociale qui est la contrepartie usuelle d’un lien salarial ;
— en outre, une proratisation des droits des travailleurs concernés en fonction du temps de travail effectif réalisé à l’aide de la plateforme devrait être prévue, pour la formation professionnelle comme pour la VAE. En effet, ces indépendants ne sont pas présumés travailler à temps complet pour une plateforme unique ; il serait judicieux de prévoir qu’en contrepartie, la plateforme n’a d’obligations légales envers eux qu’à hauteur du temps passé sur cette dernière.
C. L’INSERTION DES JEUNES EN DIFFICULTÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : LA GÉNÉRALISATION DE LA GARANTIE JEUNES (ARTICLE 23)
1) Le champ de l’expérimentation
Le droit à l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans a été créé par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Plusieurs dispositifs coexistent pour mettre en œuvre ce droit, parmi lesquels figurent le contrat d’insertion à la vie sociale (CIVIS), le service civique, les emplois d’avenir ou les écoles de la deuxième chance. Toutefois, pour tenir compte de la difficulté d’insertion sur le marché du travail de jeunes en situation de grande vulnérabilité, une modalité particulière d’accompagnement a été créée, sous la forme d’une expérimentation, progressivement étendue à plusieurs départements : la garantie jeunes. Les personnes concernées sont les jeunes âgés de 16 à 25, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond du revenu de solidarité active (RSA).
La garantie jeunes a été créée en 2013 dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, et présente la particularité d’associer un accompagnement collectif et individuel intensif et la garantie d’une allocation pendant le temps de cet accompagnement.
La garantie jeunes est mise en œuvre par les missions locales. Le jeune encadré construit un parcours intensif d’accès à l’emploi et à la formation, généralement sur une période d’un an. Il est préparé à l’univers de l’entreprise et à la vie active au travers de formations spécifiques (rédaction de CV, interventions sur le thème du budget personnel), effectue des immersions régulières en entreprise (stages, apprentissage), et perçoit une aide financière d’environ 460 euros mensuels pour faciliter ses démarches d’accès à l’emploi. Cette aide est dégressive en fonction des revenus de ses activités.
2) La généralisation du dispositif et la réforme du parcours contractualisé d’accompagnement prévues par l’article 23
Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la garantie jeunes est venue s’ajouter aux mesures existantes, malgré un risque d’empilement des dispositifs au cours des années. De fait, l’ensemble des mesures d’accompagnement des jeunes a perdu en lisibilité : en parallèle de la généralisation de la garantie jeunes sur tout le territoire, l’article 23 prévoit donc une réforme de ces mesures.
En effet, un rapport récent de la Cour des comptes (7) établit que « le cumul de l’ensemble des dispositifs actuels et des initiatives engagées ne paraît ni efficace, ni soutenable pour les finances publiques. La généralisation de la garantie jeunes d’ici 2017 n’est en effet pas compatible, à enveloppe constante, avec le maintien de dispositifs plus anciens et un large recours aux contrats aidés au bénéfice des jeunes sans qualification ». Le graphique ci-dessous recense l’ensemble des initiatives publiques en direction des jeunes en situation de vulnérabilité.
Source : Cour des comptes, données 2013 (flux)
Dans ce contexte, l’article 23 supprime le CIVIS et y substitue un « parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie », dont la garantie jeunes constitue la modalité d’accompagnement la plus intensive. Les autres modalités de ce parcours ne sont pas définies par le projet de loi.
Votre rapporteur salue tant la généralisation de la garantie jeunes, bienvenue, que la nécessaire rationalisation de l’accompagnement des jeunes en difficultés.
Il a proposé un amendement de clarification juridique, visant à mieux réorganiser la section du code relative à ce nouveau parcours contractualisé d’accompagnement.
De même, votre rapporteur a proposé de prévoir que l’allocation qui accompagne la garantie jeunes soit dégressive dans le temps. Il s’agit d’éviter un effet d’aubaine identifié par la Cour des comptes dans son rapport, qui préconise, pour la garantie jeunes, une durée cible de six mois : « le maintien d’une dynamique d’accompagnement (…) conduit en effet logiquement à recommander une durée d’accompagnement de l’ordre du semestre, éventuellement renouvelable pour des besoins complémentaires. Une telle durée est de nature à éviter le risque de transformer la garantie jeunes en dispositif social à caractère « alimentaire », auquel les jeunes accéderaient principalement pour percevoir un revenu. Elle est aussi de nature à inciter les jeunes qui l’envisagent à entrer sans trop tarder en formation pour compléter leur parcours d’insertion ».
Sans être immédiatement dégressive, cette allocation pourrait le devenir au bout de six mois ou un an, dans des conditions fixées par décret, afin d’envoyer un signal au jeune sur la sortie prochaine du dispositif – et ce, sans coupure brutale de son revenu d’accompagnement.
III. FAVORISER L’EMPLOI DANS LES TPE ET LES PME ET RÉFORMER LES CONDITIONS DU LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE
Votre rapporteur a été particulièrement vigilant aux dispositions du présent projet de loi spécifiquement destinées aux TPE-PME, qui constituent, en France, le principal élément du tissu productif et le cœur des créations d’emplois. Il estime que le présent projet de loi s’inscrit dans la continuité des nombreux efforts fournis lors de l’actuelle législature en direction de ces entreprises, et constitue donc une avancée à saluer.
En outre, il a souhaité améliorer l’encadrement des conditions dans lesquelles s’effectuent les licenciements économiques, pour préserver l’assouplissement du dispositif souhaité par le Gouvernement, tout en garantissant que la stabilité et la sécurité juridiques qui y sont associées soient préservées.
Cet article dispose que tout employeur d’une entreprise de moins de trois cents salariés « a le droit d’obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu’il sollicite l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des accords et conventions collectives qui lui sont applicables ».
Plusieurs initiatives ont été lancées par le Gouvernement pour améliorer l’accessibilité du droit du travail pour les plus petites entreprises, qui ne disposent pas de l’ingénierie juridique suffisante pour maîtriser des dispositions souvent complexes et en évolution rapide. Depuis 2011, des « correspondants PME » ont ainsi été installés au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). En outre, comme le rappelle l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, des services de renseignement ont été déployés par les inspections du travail, pour améliorer le respect du droit du travail par les employeurs. Il s’agit en effet d’éviter des contrôles donnant lieu à des procès-verbaux qui auraient pu être évités si l’employeur, lorsqu’il est de bonne foi, ne connaissait pas l’étendue de ses obligations.
Le dispositif proposé par l’article 28 systématise ce « droit à l’information », qui porte tant sur les dispositions légales que conventionnelles. D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, ce dispositif accompagne la réforme de l’inspection du travail : des services d’information dédiés, disposant de moyens supplémentaires, auront comme mission d’assurer le respect de ce droit à l’information.
Votre rapporteur estime toutefois qu’en l’état, la portée normative du dispositif proposé est relative : le droit à une information précise et délivrée dans un délai raisonnable n’a pas le caractère d’un droit opposable, qui garantirait son respect par l’administration. Dans ce contexte, en tenant compte de la contrainte de moyens qui pèsent sur les DIRECCTE comme sur les inspections du travail, votre rapporteur a proposé un amendement visant à renforcer l’efficacité de l’accès au droit du travail pour les petites entreprises.
Votre rapporteur relève en particulier que la réalisation de démarches et procédures légales souvent complexes expose les petites entreprises à un risque juridique sensible en cas de contentieux. Il a donc proposé de reformuler le droit à l’information de la façon qui suit : il « peut porter sur les démarches et procédures légales à suivre face à une situation de fait. Si cette demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration peut être produit par l’entreprise en cas de contentieux pour attester de sa bonne foi ».
Sans créer de droit opposable ni de « rescrit social » à proprement parler, le dispositif proposé par l’amendement permet donc de reconnaître la bonne foi de l’employeur qui a suivi l’itinéraire procédural prescrit par l’administration pour faire face à une situation donnée (franchissement d’un seuil de salariés, licenciements économiques, etc.). En cas de contentieux, une telle démarche permet d’éviter de perdre des recours pour des seuls motifs de forme.
Cet article prévoit qu’un accord de branche étendu puisse contenir des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés, le cas échéant sous la forme d’un accord type. Votre rapporteur rappelle qu’un accord de branche étendu est un accord de branche ayant fait l’objet d’un arrêté d’extension de la part du ministre du travail, afin qu’il puisse s’appliquer à toutes les entreprises du secteur d’activité concerné. En ce sens, il se distingue de l’accord de branche « ordinaire » qui ne s’applique qu’aux entreprises adhérant à l’une des organisations patronales signataires de l’accord.
L’utilité de ce dispositif est de pallier le manque structurel de négociation collective dans les petites entreprises, qui ne disposent pas de délégué syndical, par exemple. Le constat de cette carence a été effectué par M. Jean-Denis Combrexelle dans son rapport précité : « plutôt que de s’intéresser en permanence au mode opératoire de la négociation et de la signature au sein des TPE, (…) la question posée est de savoir s’il ne faudrait pas aussi s’attacher au contenu des accords ». L’article 29 s’inspire alors de la proposition n° 28 de ce rapport : favoriser « l’édiction d’accords type d’entreprise par les branches dans leur rôle de prestation de services à l’égard des TPE ».
Plus spécifiquement, l’article 29 prévoit deux modalités d’application des stipulations prévues par les accords de branche étendus en direction des TPE-PME de moins de cinquante salariés :
— soit les stipulations spécifiques s’appliquent sans possibilité de modulation par l’employeur ;
— soit un accord type de branche est prévu, qui comprend des stipulations optionnelles, que l’employeur de la TPE-PME met en œuvre ou non de façon unilatérale.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article, sous réserve d’un amendement de précision juridique.
Votre rapporteur a pris acte du retrait du barème des indemnités prudhommales décidé par le Gouvernement : cette disposition suscitait des interrogations fortes dans de nombreuses organisations syndicales qu’il était nécessaire d’entendre. Le choix de laisser vivre le barème indicatif prévu par la loi Macron et d’en évaluer les résultats d’ici quelques années est une solution de sagesse.
Il semble néanmoins nécessaire de traiter la question des petites et moyennes entreprises pour qui la crainte, pas toujours fondée mais certainement réelle, d’une très lourde condamnation aux prudhommes en cas de licenciement peut certainement retarder une décision d’embauche.
C’est pourquoi votre rapporteur a proposé un dispositif, retenu par la commission des affaires économiques, autorisant les entreprises de moins de 50 salariés à déduire de leurs résultats, et donc de leur base fiscale, une provision pour risque lié à un contentieux prud’homal quand bien même aucune procédure n’est effectivement engagée.
L’objectif est d’aider ces entreprises, souvent fragiles, à constituer une réserve de précaution leur permettant de faire face à un contentieux prud’homal dont le résultat serait très pénalisant pour l’entreprise.
1) Le droit existant
L’article L. 1233-3 du code du travail dispose que « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ».
Cette rédaction, via le terme « notamment », a laissé la porte ouverte à une extension jurisprudentielle des critères qui fondent le motif économique du licenciement :
— la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ;
— la cessation d’activité de l’entreprise, lorsque cette dernière ne résulte pas d’une faute de l’employeur ou de sa légèreté.
Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), les difficultés économiques et la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise motivent le plus souvent la mise en œuvre d’un licenciement pour motif économique. En particulier, la caractérisation des difficultés économiques a fait l’objet d’une jurisprudence riche, intégrant de nombreux indicateurs économiques : baisse des commandes, dégradation importante de la trésorerie, perte de marché, diminution du chiffre d’affaires, résultats déficitaires, etc.
Le juge, dans son appréciation du caractère réel et sérieux des difficultés économiques, requiert souvent que plusieurs indicateurs économiques se dégradent de façon concomitante. En effet, la dégradation du chiffre d’affaires, par exemple, peut signifier l’amélioration de la profitabilité de l’entreprise, qui vient de céder une activité peu rentable. Plus généralement, le juge a une interprétation assez stricte des difficultés économiques comme de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, afin d’éviter le recours abusif aux licenciements économiques ayant pour seule finalité d’améliorer la rentabilité de l’entreprise, et indépendamment de tensions économiques réellement sensibles.
En outre, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, la Cour de cassation a estimé que le motif économique des licenciements doit être apprécié au regard du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Cela signifie que les difficultés économiques ne sont admises, pour l’entreprise concernée, que dans la mesure où les autres filiales du groupe ne sont pas florissantes.
2) Les dispositions de l’article 30
L’article 30 procède de deux mouvements : l’inscription, à droit constant, des critères jurisprudentiels qui qualifient le motif économique du licenciement ; l’assouplissement de la qualification des difficultés économiques, à rebours de la jurisprudence actuelle.
Concernant le premier mouvement, l’article 30 reconnaît expressément que le motif économique du licenciement peut procéder :
— de difficultés économiques ;
— de mutations technologiques ;
— d’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
— de la cessation d’activité de l’entreprise.
Pour rappel, les deux derniers critères ne relevaient que de la norme jurisprudentielle.
Concernant le second mouvement, l’article 30 prévoit :
— d’une part, que les difficultés économiques mentionnées ci-dessus sont « caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, soit par des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés » ;
— d’autre part, que « l’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient ».
En somme, les difficultés économiques peuvent désormais être reconnues à l’aide de critères alternatifs, et non plus cumulatifs ; la liste de ces critères n’est pas exhaustive, afin de respecter l’exigence constitutionnelle de préservation de la liberté d’entreprendre. En outre, le périmètre d’appréciation du motif économique du licenciement ne se mesure plus au niveau du secteur d’activité à l’échelle internationale, pour une entreprise appartenant à un groupe, mais au seul secteur d’activité des filiales nationales de ce groupe.
Enfin, l’article 30 prévoit qu’au niveau de la branche, un accord collectif peut réduire le nombre de trimestres successifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires qui caractérise des difficultés économiques. Les marges de cette négociation sont encadrées par un seuil plancher (deux trimestres consécutifs) et par des dispositions supplétives faisant office de seuil plafond (quatre trimestres consécutifs).
Votre rapporteur a reconnu la légitimité de cette réforme, et a proposé un amendement visant à mieux circonscrire la caractérisation des difficultés économiques. C’est en effet une appréciation délicate, qui tient tant à des facteurs propres à l’entreprise qu’à la conjoncture. La rédaction actuelle lui a semblé poser problème, dans la mesure où elle caractérise les difficultés économiques à partir de données économiques mal calibrées et hétérogènes (durée des difficultés, en trimestres ou en mois ; caractérisation des difficultés, en fonction d’une période de référence ou non ; niveau des difficultés, qui peuvent être importantes ou non), ce qui est paradoxalement source de davantage d’insécurité juridique que le droit actuel.
L’amendement proposé par votre rapporteur privilégie le recours à une méthode de faisceau d’indices : des indicateurs économiques tendanciellement et significativement en baisse permettent de caractériser les difficultés de l’entreprise ; un indicateur peut toutefois être suffisant en soi. Le juge conserve une marge d’appréciation suffisante, et pourra notamment mobiliser d’autres indicateurs que ceux mentionnés dans le présent dispositif.
En outre, la rédaction de votre rapporteur apporte une précision par rapport au dispositif proposé : elle tient compte de la taille de l’entreprise pour déterminer la durée à partir de laquelle la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes qualifie des difficultés économiques. En effet, une très petite entreprise doit pouvoir réagir rapidement face à une dégradation de sa santé économique. Attendre au moins quatre trimestres pour pouvoir opérer des licenciements économiques, comme cela est prévu par les dispositions supplétives du présent article, est une condition disproportionnée pour ces TPE : le plus souvent, elles auront déjà dû cesser leur activité à l’issue de cette période. L’intérêt général commande donc de prévoir des dispositions plus souples pour les entreprises de moins de 10 salariés et celles de moins de 50 salariés, qui dérogent à une durée de droit commun fixée à trois trimestres. Par conséquent, les dispositions supplétives prévues au présent article deviennent sans objet, et l’amendement proposé les supprime.
En dernier lieu, le recours à l’excédent brut d’exploitation (EBE), solde intermédiaire de gestion, se justifie dans la mesure où il reflète efficacement les performances économiques de l’entreprise, indépendamment des facteurs financiers ou des produits et charges exceptionnels. Il devrait constituer un indicateur pertinent de la santé financière d’une entreprise, et, à ce titre, permettre de caractériser les difficultés économiques.
En outre, deux amendements identiques soutenus, respectivement, par Mmes Audrey Linkenheld et Marie-Lou Marcel, ont été adoptés en commission des affaires économiques, avec un avis défavorable de votre rapporteur. L’objet de ces amendements est de revenir sur le périmètre d’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité pour une entreprise appartenant à un groupe.
Alors que le projet de loi prévoit de resserrer ce périmètre au niveau du secteur d’activité national – c’est-à-dire sans tenir compte de la santé économique des filiales étrangères du même groupe que l’entreprise qui rencontre des difficultés économiques –, ces amendements élargissent le champ au secteur d’activité européen (plus précisément, de l’espace économique européen). Il s’agit ainsi de prévenir les situations dans lesquelles seraient créées artificiellement des difficultés au niveau d’une entreprise dans un pays donné dans le seul but de justifier des licenciements pour motif économique. De surcroît, ces amendements rappellent que, dans un contexte de libre-circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, le périmètre européen semble être le plus pertinent.
Votre rapporteur avait argumenté en faveur d’un maintien de l’article en l’état, en mettant en avant deux observations :
— la détérioration de la situation économique des entreprises positionnées sur le marché français au regard du périmètre européen des groupes auxquels elles appartiennent se fait au détriment de la logique économique et opérationnelle qui prévaut au sein d’un groupe. En effet, l’existence de liens capitalistiques entre une entreprise française en difficulté et des activités similaires dans des filiales européennes plus florissantes ne signifie pas pour autant que le groupe aura la capacité financière suffisante pour venir en aide à sa filiale et ainsi éviter les suppressions de poste ;
— en outre, la logique de « perfusion » financière qui sous-tend l’élargissement du périmètre d’appréciation des difficultés économiques – la mère ou la filiale européenne devant intervenir pour améliorer la situation de l’entreprise concernée, en préservant l’ensemble des emplois – risque de conduire à une aggravation des difficultés de cette entreprise, qui n’aura pas pu procéder de façon autonome à la réorganisation nécessaire au rétablissement de sa santé économique. Pire, des ajustements trop différés sur la structure de l’entreprise peuvent menacer sa survie, et donc l’ensemble de ses emplois.
La commission des affaires économiques s’est également saisie du chapitre III du titre IV qui comprend six articles destinés à sécuriser différentes catégories d’acteurs ou de situations du monde de l’emploi.
Portage salarial, emplois saisonniers, groupements d’employeurs : il s’agit là de trois modalités d’emploi très particulières dont il convient d’accompagner le développement tout en garantissant les droits des salariés.
À mi-chemin entre le salariat et l’activité indépendante, le portage salarial est une forme d’emploi qui permet à un travailleur indépendant d’exercer son activité de manière indépendante tout en bénéficiant de la protection sociale du salarié. Cette modalité d’activité économique connaît un développement certain et il est très vite apparu nécessaire de lui donner un cadre réglementaire précis afin de favoriser son expansion tout en sécurisant les personnes y recourant.
Dans un premier temps, le législateur avait, dans la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, confié aux partenaires sociaux le soin de négocier un accord national interprofessionnel (ANI) pour organiser le portage salarial. Ce qui fut fait avec l’ANI du 24 juin 2010. Le Conseil constitutionnel a néanmoins estimé, dans une décision du 11 avril 2014 (8) que le législateur ne pouvait se dessaisir ainsi de sa compétence et qu’il lui revenait de fixer lui-même les règles. L’effet de cette inconstitutionnalité ayant été reporté au 1er janvier 2015, le législateur a autorisé, en vertu de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre par ordonnance « toute mesure législative visant à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial » (9).
Cette ordonnance n° 2015-380 fut publiée le 2 avril 2015 et un projet de loi de ratification de l’ordonnance a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 août 2015. Il ne s’agissait néanmoins pas d’une simple ratification de l’ordonnance puisque le projet de loi complétait le dispositif en prévoyant les sanctions pénales applicables en cas de non-respect des règles.
Il était donc nécessaire que ces nouvelles dispositions soient adoptées par le Parlement et c’est pour cela que le projet de loi de ratification a été repris à l’article 38 du texte aujourd’hui soumis à l’examen de l’Assemblée.
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
L’article 39 du projet de loi a particulièrement retenu l’attention de la commission dans la mesure où la problématique de l’emploi saisonnier est essentielle pour l’activité touristique. Cet article porte à la fois une sécurisation de la définition juridique des emplois saisonniers et, pour les partenaires sociaux, une obligation de négociation sur les modalités de reconduction du contrat de travail à caractère saisonnier.
L’article vise donc d’abord à introduire dans le code du travail la définition du caractère saisonnier des emplois, définition qui ne figure aujourd’hui que dans une circulaire du 30 octobre 1990 et qui a été reprise par la Cour de cassation. L’article L. 1242-2 du code du travail est donc complété afin de préciser qu’il s’agit des emplois « dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectif ». L’inscription de cette définition dans la loi permet en outre à la France de se conformer à la directive n° 2014/36/UE du 26 février 2014 relative aux conditions d’entrée et de séjour des travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers.
L’article traite ensuite de la question de la reconduction du contrat de travail saisonnier. L’article 1244-2 dispose déjà que « les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante. »
Mais, comme le précise le deuxième alinéa de l’article, cela est subordonné à la conclusion d’un accord collectif : « une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier lui propose, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l’année suivante. La convention ou l’accord en définit les conditions, notamment la période d’essai, et prévoit en particulier dans quel délai cette proposition est faite au salarié avant le début de la saison ainsi que le montant minimum de l’indemnité perçue par le salarié s’il n’a pas reçu de proposition de réemploi ».
Mais en pratique, cette reconduction semble très limitée : d’après les chiffres fournis par l’étude d’impact, parmi les vingt-six accords et conventions collectives faisant mention de la possibilité de recourir à des emplois saisonniers, seuls cinq prévoient la possibilité d’introduire une clause de reconduction dans le contrat de travail.
C’est pour combler ces insuffisances que l’article 39 invite les branches professionnelles dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé à engager, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, « des négociations relatives au contrat de travail à caractère saisonnier afin de définir les modalités de reconduction de ce contrat et de prise en compte de l’ancienneté du salarié » .
Et, en cas d’échec ces négociations, le Gouvernement est habilité, en application de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance, sur le même sujet, toute disposition relevant du domaine de la loi nécessaire pour les branches non-couvertes par un accord.
La commission des affaires économiques a adopté trois amendements sur cet article, avec un avis favorable de votre rapporteur : le premier, déposé par Mme Jeanine Dubié et MM. Joël Giraud et Thierry Robert, vise à compléter le champ des négociations entre les partenaires sociaux afin de prévoir un dispositif similaire à la prime de précarité pour les travailleurs saisonniers, qui n’y ont aujourd’hui pas droit. En toute logique, un amendement analogue a été adopté concernant le champ de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance.
La commission a enfin adopté un amendement de Mmes Marie-Noëlle Battistel, Béatrice Santais et Marie-Hélène Fabre visant à reconnaître le caractère précaire des travailleurs saisonniers et elle a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 39 ainsi modifié.
La commission des affaires économiques s’est également saisie de l’article 40 relatif aux groupements d’employeurs. Cet article permet à ces structures de bénéficier des mêmes aides à l’emploi que les entreprises adhérentes.
Les groupements d’employeurs, institués par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, permettent de répondre aux besoins de certaines petites ou moyennes entreprises : grâce à cette structure, elles ont en effet accès aux services de salariés qualifiés pour gérer telle ou telle mission ou peuvent recourir à une aide ponctuelle en cas de pic d’activité.
Du côté des salariés, ces groupements leur permettent d’avoir une plus grande stabilité d’emploi : ils n’ont en effet, pour l’aspect juridique et financier de la relation de travail, qu’un seul interlocuteur, le groupement qui peut leur proposer un contrat indéterminé au lieu de multiplier les contrats partiels ou à durée déterminée.
L’article 40 crée un nouvel article L. 1253-24 dans le code du travail, qui permet aux groupements d’employeurs de bénéficier « des aides à l’emploi dont auraient bénéficié ses entreprises adhérentes si elles avaient embauché directement les personnes mises à leur disposition ».
L’étude d’impact précise que les dispositifs d’aide à l’emploi devront être adaptés « en prévoyant, par exemple, des règles de proratisation de l’aide en fonction du temps de présence du salarié dans l’entreprise utilisatrice ».
Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
L’article 41 prévoit une dérogation à la règle du transfert des contrats de travail en cas de cession d’une entité économique. Son objet principal est de permettre, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), d’autoriser les licenciements économiques qui permettent à l’employeur cédant d’accepter une offre partielle de reprise.
Le droit existant se combine en effet à une interprétation jurisprudentielle assez stricte. L’article 1224-1 du code du travail pose la règle d’un maintien de l’ensemble des contrats de travail lorsqu’une entreprise est reprise par un nouvel employeur. C’est alors à ce dernier, une fois la reprise effective, d’engager les licenciements économiques qu’il estime nécessaire. La perspective d’un détournement de cette règle de maintien des contrats de travail par le biais de licenciements économiques préalables à la cession – le cessionnaire recherchant une rentabilité optimale de l’entreprise qu’il reprend – a justifié l’interprétation rigoureuse du juge.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé qu’étaient sans effet les licenciements économiques effectués par le cédant en vue d’une réorganisation de l’entreprise prévue décidée par le cessionnaire ; en quelque sorte, il s’agissait d’empêcher que ces licenciements deviennent une des conditions posées à la reprise. Puis, de façon plus systématique, la jurisprudence de la Cour de cassation a interdit tout licenciement économique effectué à l’occasion d’un transfert, partant du principe que le transfert d’une entreprise ne pouvait constituer en soi-seul un motif recevable de licenciement économique.
Toutefois, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi souligne que l’application de cette jurisprudence pose une difficulté : les offres de reprise partielle, supposant donc la reprise d’une partie seulement des emplois, sont largement découragées par la perspective, pour le cessionnaire, de devoir effectuer lui-même les licenciements économiques. La perte d’attractivité du transfert peut alors se traduire par la fermeture totale de l’entreprise, faute de repreneur, quand une partie au moins des emplois aurait pu être sauvegardée.
Le présent article vise donc à corriger cette situation, dans des cas bien délimités, c’est-à-dire d’autoriser le cédant à effectuer des licenciements économiques motivés par le transfert de l’entreprise. Ne sont toutefois concernées par ces dispositions que les entreprises de plus de 1 000 salariés ; le transfert doit avoir lieu dans le cadre d’un PSE ; enfin, le transfert doit expressément avoir pour objet d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements.
Ces conditions réunies, les licenciements économiques dans le cadre d’un transfert sont donc autorisés. Votre rapporteur estime que cette souplesse s’inscrit dans la continuité de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle – dite loi « Florange » –, issue d’une proposition de loi portée par la commission des affaires économiques. Cette loi a eu en effet pour objet de renforcer les obligations de recherche d’un repreneur : encore faut-il que ces recherches puissent, dans un contexte de difficultés économiques, aboutir.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
En application de l’article L. 1233-84 du code du travail, lorsque les entreprises de plus de 1 000 salariés procèdent « à un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées, [elles] sont tenues de contribuer à la création d’activités et au développement des emplois et d’atténuer les effets du licenciement envisagé sur les autres entreprises dans le ou les bassins d’emploi ». Cette disposition n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
Dans cette perspective, le code du travail prévoit actuellement qu’une convention entre l’entreprise et l’autorité administrative – habituellement le représentant de l’État dans le département –, détermine la nature ainsi que les modalités de financement et de mise en œuvre d’actions de revitalisation. La contribution financière ainsi prévue ne peut être inférieure à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé, avec une possibilité de modulation en fonction de la capacité contributive de l’entreprise. À noter que cette contribution est fixée forfaitairement au double du montant prévu ci-avant en l’absence de convention entre l’entreprise et l’autorité administrative – ce qui constitue une incitation forte à sa conclusion, tant pour l’entreprise que pour le représentant de l’État dans le département10.
Tout en responsabilisant les entreprises, les conventions de revitalisation ont donc pour objet de financer la création et le maintien d’emplois dans des bassins fragilisés par l’ampleur du plan de licenciements économiques.
Dans ce contexte, l’article 42 vise à adapter l’obligation conférée à certaines entreprises de revitaliser les bassins d’emploi. Il s’appuie sur trois dispositions :
— le délai pour conclure une convention entre l’entreprise concernée et l’autorité administrative est porté de six à huit mois ;
— la reconnaissance des démarches prises à l’initiative de l’entreprise en faveur de la revitalisation du bassin d’emplois, en dehors de ses obligations légales ;
— la possibilité de conclure une convention-cadre nationale lorsque les licenciements concernent au moins trois départements.
En effet, la Cour des comptes, dans un rapport consacré au bilan des conventions de revitalisation11, « met en évidence la difficulté des parties intéressées à parvenir à la conclusion de conventions dans les six mois suivants la notification du PSE à l’autorité administrative, ainsi que le prévoit le code du travail ». Sur l’échantillon retenu par la Cour, seule une entreprise a pu conclure la convention en moins de six mois, la durée moyenne de conclusion d’une convention avoisinant plutôt les 15 mois. La mise en place d’un délai de 8 mois semble donc découler de ces observations empiriques.
La reconnaissance des actions de l’entreprise visant à dynamiser le bassin d’emplois, en « anticipation » de la fermeture du site concerné, a un effet direct sur le contenu de la convention qu’elle signe avec le représentant de l’État dans le département. En particulier, ces actions peuvent permettre la réduction de la contribution financière que l’entreprise doit régler pour revitaliser le bassin d’emplois. Il peut s’agir par exemple des actions menées au titre de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, si elles touchent au territoire concerné, ou encore les actions qui peuvent contribuer à la création d’emplois sur le territoire.
En dernier lieu, la définition de « conventions-cadres » signées entre l’État et l’entreprise, lorsque le bassin d’emplois touché porte sur au moins trois départements, procède plus de la reconnaissance législative d’une pratique existante que d’un renforcement de l’intervention des pouvoirs publics. En effet, dès 2012, de telles conventions-cadre ont pu être signées pour orienter et coordonner l’action des représentants de l’État dans les départements concernés. En témoigne l’absence de contrainte normative associée à cette disposition : la convention-cadre n’est engagée que sur l’initiative d’une des parties – l’État ou l’entreprise – et ne sera donc pas systématique.
Sur proposition de votre rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.
La lutte contre le détachement illégal a constitué l’une des priorités de cette majorité : après la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est venue renforcer le dispositif réglementaire, en particulier en alourdissant les sanctions contre les entreprises contrevenant à la loi.
Faisant le constat que l’imagination de certaines entreprises semble sans limite lorsqu’il s’agit de contourner la réglementation en vigueur, le présent projet contient un titre entier visant à renforcer encore le dispositif. Sur les six articles contenus dans ce titre VI, la commission des affaires économiques s’est saisie des trois lui semblant les plus importants.
L’article 45 renforce les obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à des prestataires établis à l’étranger. Il crée d’abord une obligation de vigilance des maîtres d’ouvrage au regard de l’obligation de déclaration des salariés détachés des sous-traitants. Il crée l’obligation de transmission par voie dématérialisée de la déclaration de détachement subsidiaire à la charge du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre cocontractant. Enfin, il consacre au niveau législatif l’obligation préexistante de déclaration qui pèse sur les donneurs d’ordre co-contractants d’une entreprise non établie en France dont un salarié est victime d’un accident du travail et punit le manquement à cette obligation par une amende administrative.
L’article 46 crée une contribution, à la charge de l’employeur, visant à compenser les coûts administratifs engendrés par le détachement en France de salariés par des employeurs établis à l’étranger. Ces coûts résultent de la mise en place et du fonctionnement du système dématérialisé de déclaration et de contrôle, ainsi que du traitement des données issues de ce système. La contribution sera due pour tout détachement de salarié en France. Son montant sera fixé par décret dans la limite de 50 euros par salarié.
L’article 47, enfin, est relatif à la suspension de la prestation de services internationale pour absence de déclaration de détachement par le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre.
Sur proposition du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de ces trois articles sans modification.
Lors de ses réunions du 4 avril 2016, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Yves Blein, les articles du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600).
Mme la présidente Frédérique Massat. Notre commission procède aujourd’hui à l’examen pour avis du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. Nous avons le plaisir d’accueillir la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ce qui est peu courant dans notre commission. Mme la ministre participera à la discussion générale, mais elle ne sera pas présente lorsque nous examinerons les articles et les amendements. Comme vous le savez, il n’est pas de coutume que les ministres soient présents lors des examens pour avis.
Ce texte a fait l’objet de modifications substantielles. Comme d’autres, je pense que sa première version, qui a fait l’objet d’une négociation, aurait pu être un peu plus aboutie. Quoi qu’il en soit, nous disposons aujourd’hui d’un texte retravaillé.
Notre commission s’est saisie d’une grande partie du projet de loi : vingt-deux articles sur les cinquante-deux qu’il comporte. Nous avons 158 amendements à examiner aujourd’hui. Le texte sera ensuite examiné par la commission des affaires sociales, saisie au fond, à partir de demain, puis en séance publique au mois de mai.
Je vous remercie de votre présence, Madame la ministre. Ce texte est parfois interprété comme instaurant une inversion de la hiérarchie des normes. Pouvez-vous nous donner votre éclairage sur ce point ?
Je souhaiterais aussi avoir des précisions sur le compte personnel d’activité (CPA), élément très important et novateur de ce projet de loi, qui représente une avancée notable pour les salariés. Quels en sont les contours ? Quels en seront les effets concrets pour l’ensemble des salariés ?
Le service d’appui aux entreprises prévu à l’article 28 devra répondre à leurs préoccupations, surtout à celles des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME), qui se sentent parfois un peu délaissées et en marge de ce qui est réservé aux grandes entreprises. Que représentera ce service ? De quel appui les chefs d’entreprise pourront-ils réellement bénéficier ?
Vous avez dit à plusieurs reprises que l’article 30, qui porte sur le licenciement économique, serait amené à évoluer à l’occasion du travail parlementaire. Un certain nombre d’amendements ont été déposés sur ce point, notamment par des membres de notre commission. Avant de commencer l’examen du texte en commission, nous avons besoin de savoir comment vous envisagez de faire évoluer cet article. Je ne doute pas que nous aurons également des compléments à ce sujet en séance publique.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je me réjouis d’être devant vous aujourd’hui. Je ne doute pas que nous aurons une discussion constructive. J’ai eu l’occasion de m’exprimer la semaine dernière devant la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes.
Ainsi que vous l’avez indiqué, Madame la présidente, le délai supplémentaire que nous nous sommes donné pour poursuivre la concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux et des organisations de jeunesse a permis d’apporter des ajustements nécessaires à ce texte. Certaines de ces organisations, notamment les syndicats dits « réformistes » et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), ont salué les avancées que cette concertation a permises.
Ce texte porte la marque d’une double ambition : premièrement, réformer profondément notre droit du travail en donnant plus de place à la négociation collective, afin de développer l’emploi et d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, mais aussi de mieux protéger les salariés ; deuxièmement, revivifier notre modèle social grâce au CPA, qui apporte de nouvelles protections, en particulier pour les salariés et les actifs les plus fragiles.
Après la concertation que j’ai menée avec l’ensemble des partenaires sociaux au cours des derniers mois, j’aborde le débat parlementaire avec beaucoup d’enthousiasme. Car je sais que la représentation nationale va fortement s’impliquer dans l’examen de ce texte et dans la discussion des amendements, qui nous permettra d’entrer dans le vif du sujet. Je souhaite que ce travail d’enrichissement se poursuive, sans dénaturer, bien sûr, la philosophie du texte.
Disons-le d’emblée : des désaccords peuvent exister. Ils sont légitimes. Mais je crois que nous pouvons surmonter ou, du moins, atténuer certains d’entre eux. En tout cas, je suis certaine que nous saurons nous retrouver sur certains constats et que nous saurons ne pas nous en accommoder.
Il faut que nous fassions un diagnostic suffisamment lucide concernant notre pays. On a parfois parlé d’une « préférence française pour le chômage ». Le fait est là : nous restons invariablement confrontés à un chômage de masse depuis plus de trente ans et créons aujourd’hui moins d’emplois que nos voisins européens. Le monde du travail connaît chez nous une forte segmentation : les jeunes peinent à s’insérer sur le marché du travail – en quinze ans, l’âge moyen auquel ils signent leur premier contrat a duré indéterminée (CDI) est passé de 22 à 27 ans ; les salariés non qualifiés alternent trop souvent chômage et emploi de courte durée ; les seniors sortent de l’emploi de manière trop précoce.
D’autre part, nous sommes parfois incapables de répondre, par la négociation, à des pics d’activité ou à des pics de commandes. Dès lors, nous faisons massivement appel à des travailleurs détachés ou à des indépendants. C’est aussi cette réalité-là, celle d’une hyperfragmentation du monde du travail, que nous nous attachons à prendre en compte.
Face à ce diagnostic, permettez-moi de revenir sur la philosophie générale de ce texte. Je crois que c’est essentiel avant d’en évoquer les principales mesures.
Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité et la cohérence de l’action gouvernementale depuis le début du quinquennat. Depuis 2012, les lois successives que vous avez votées dans le domaine du travail poursuivent la même finalité : renforcer le dialogue social afin de le rendre véritablement stratégique, éliminer le formalisme qui éloigne des vrais enjeux et des attentes des salariés, conforter le rôle des partenaires sociaux pour sortir de la culture de l’affrontement et construire dans notre pays une vraie culture de la négociation. La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, puis la loi relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale du 5 mars 2014 et, enfin, la loi relative au dialogue social du 17 août dernier ont transcrit cette vision.
Je souhaite m’arrêter sur quelques-unes des mesures prises dans le cadre de ces différentes lois : l’association des comités d’entreprise aux orientations stratégiques des entreprises et la participation des salariés aux conseils d’administration de toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés ; la création de la base de données unique ; la rénovation des négociations et des consultations autour des enjeux les plus stratégiques ; la capacité à anticiper davantage pour éviter les licenciements – il s’agit, selon moi, d’un élément important introduit au cours de ce quinquennat ; le renforcement de l’activité partielle – nous avions beaucoup de retard en la matière et nous sommes désormais au même niveau que l’Allemagne, grâce au texte que vous avez voté ; un cadre entièrement refondu pour les procédures de licenciement collectif, avec un rôle déterminant donné à l’accord majoritaire.
Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui prolonge et amplifie ce mouvement, en s’inspirant des quarante-quatre propositions du rapport que M. Jean-Denis Combrexelle nous a remis, au Premier ministre et à moi-même, en septembre dernier. Il vise à donner une plus grande place à la négociation collective.
Cette confiance et cette place inédites accordées aux partenaires sociaux ainsi que ce choix de la régulation par le dialogue social sont, à mon sens, la voie la plus pertinente à la fois pour la compétitivité de notre économie et pour la pérennité de notre modèle social. C’est par le collectif que le salarié est le mieux défendu, et c’est par le collectif que l’entreprise peut trouver les marges de souplesse nécessaires à sa compétitivité, sans renoncer à rien sur le plan social. Telle est ma conviction.
Je résumerais la philosophie du texte par l’équation suivante : aucune souplesse ne sera possible sans négociation ; et, puisque les entreprises ont besoin de souplesse, la négociation débouchera sur des accords équitables et favorables à tous. Ces accords devront désormais recueillir l’assentiment des organisations représentant la majorité des salariés. C’est, selon moi, une avancée majeure. Je le dis avec force : à défaut d’accord, les protections seront exactement au même niveau qu’aujourd’hui. C’est là un point déterminant, qu’il me semble essentiel de rappeler.
Pour en venir à présent au contenu du texte, je voudrais m’arrêter sur quelques mesures.
Tout d’abord, ce projet de loi consacre de nouveaux droits pour les travailleurs, quel que soit leur statut.
Il lance véritablement le CPA qui, je le rappelle, instaure un droit universel à la formation. Cela fait trente ans que nous le disons : l’argent de la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous pouvons être fiers du CPA ; il s’agit d’un vrai projet de société. Chacun sera doté, je le souligne, de droits cumulables tout au long de son parcours, pour acquérir de nouvelles compétences, pour changer de métier ou pour créer son entreprise. Tout le monde pourra en bénéficier : les salariés, les demandeurs d’emploi, les indépendants, les artisans, les fonctionnaires.
Accessible à tous, le CPA donnera une nouvelle chance à ceux qui ont davantage besoin d’être aidés – cet aspect déterminant est le fruit des quinze jours supplémentaires que nous avons consacrés à la concertation. Les jeunes décrocheurs, par exemple, auront droit à une nouvelle chance : tous ceux qui sont sortis du système scolaire sans aucune qualification disposeront, sur leur CPA, du nombre d’heures nécessaires pour atteindre un premier niveau de qualification.
Les salariés sans qualification, qui sont les décrocheurs d’hier et d’avant-hier, verront leurs heures de formation significativement augmentées – elles passeront de 24 à 40 heures par an, le plafond étant lui-même relevé de 150 à 400 heures. Cela signifie que, tous les dix ans, ils pourront accéder à un niveau de qualification supérieur.
Pour les demandeurs d’emploi, nous avons fait cette année un effort exceptionnel avec le plan « 500 000 actions de formation supplémentaires ». Nous souhaitons que les partenaires sociaux pérennisent ce soutien en faveur des demandeurs d’emploi les moins qualifiés – c’est tout l’enjeu des négociations. Je rappelle que 60 % des demandeurs d’emploi ont un niveau inférieur au baccalauréat. Ce sont eux, nous le savons, qui restent durablement dans la spirale infernale des contrats courts et des périodes de chômage ; il est donc légitime que nous les formions beaucoup plus.
Dans le droit fil des objectifs de ce quinquennat, le CPA valorisera aussi l’engagement citoyen, grâce au compte engagement citoyen : un crédit d’heures de formation sera alloué en contrepartie d’activités reconnues pour leur utilité collective. Je pense, bien évidemment, à l’activité des maîtres d’apprentissage, au service civique, aux périodes de réserve, citoyenne ou militaire, et aux responsabilités associatives.
Avec le CPA, je le dis, nous posons véritablement les fondements d’un nouveau modèle. Il vise à sécuriser les parcours professionnels en misant sur la qualification, source de productivité, d’innovation et de réalisation professionnelle. Il permettra de rebondir après une rupture dans un parcours professionnel. Telles sont les réponses qu’il apporte.
Le projet de loi généralise également la garantie jeunes pour tous nos concitoyens de moins de 26 ans. La garantie jeunes, j’y insiste, n’est pas une allocation. Elle s’adresse à des jeunes qui sont en situation de grande précarité, qui n’ont pas d’emploi et ne suivent pas d’études ni de formation, et qui acceptent d’entrer dans un dispositif d’accompagnement intensif pendant un an, qui comprend notamment six semaines de travail collectif. Je mets actuellement les choses en ordre de marche pour que toutes les missions locales puissent proposer la garantie jeunes à partir du 1er janvier 2017.
Avec ce texte, nous créons aussi un « droit à la déconnexion », nous réformons la médecine du travail et nous renforçons encore la lutte contre le détachement illégal, point sur lequel vous avez déjà beaucoup travaillé lors de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. À cet égard, j’ai multiplié les contrôles. Actuellement, on peut suspendre une prestation de service international pour non-respect des horaires de travail ou des règles relatives au salaire, mais non pour absence de déclaration du détachement. Ce sera désormais possible avec la mesure que j’ai introduite dans le texte.
Ensuite, le projet de loi ouvre de nouvelles marges d’adaptation pour les entreprises et les salariés, par accord d’entreprise.
Le rapport Combrexelle a proposé une nouvelle architecture du code du travail afin de mieux distinguer ce qui relève de l’ordre public, ce qui relève du champ de l’accord – qu’il soit de branche ou d’entreprise – et les dispositions dites « supplétives », qui s’appliquent en l’absence d’accord. Car un code du travail plus lisible est, bien sûr, un code du travail plus efficace.
Le Gouvernement a fait le choix de récrire dès maintenant, selon cette nouvelle architecture, toute la partie du code qui traite du temps de travail, parce que c’est le quotidien des salariés. Nous avons fait le choix de la transparence en récrivant in extenso l’ensemble de cette partie, même lorsque les règles ne changent pas. Cette clarification a conduit à des critiques souvent infondées, car elles sont dirigées contre des règles qui existent depuis bien longtemps et qui ne sont aucunement modifiées par ce texte de loi. Tel est notamment le cas, je le précise, des règles issues de l’accord sur le temps partiel.
En outre, ce texte marque une nouvelle étape ambitieuse dans la rénovation de la démocratie sociale. C’est, à mes yeux, plus que nécessaire. À regarder les choses de façon sincère, si notre code du travail est volumineux, c’est bien parce qu’on a créé des dérogations, à la demande des organisations patronales notamment, afin de répondre à toutes les situations qui se présentaient sur le terrain. Selon moi, ce système est aujourd’hui à bout de souffle. En renforçant l’accord majoritaire, nous permettrons des adaptations, mais dans le cadre d’un compromis.
Ainsi, ce texte généralise les accords majoritaires au niveau de l’entreprise pour tous les accords concernant le chapitre réécrit du code du travail : pour être valides, ces accords devront être signés par des organisations syndicales qui ont rassemblé 50 % des suffrages. Ce sera la règle générale : elle a vocation à s’étendre, dès 2019, après une évaluation, à l’ensemble du champ de la négociation collective d’entreprise. De manière exceptionnelle, dans les cas où l’enjeu de l’accord le justifiera aux yeux des organisations syndicales qui l’auront signé, un « accord à 30 % » n’atteignant pas la majorité pourra être soumis à la consultation des salariés.
Ce texte clarifie aussi la place des accords, puisqu’ils pourront, avec l’accord du salarié, se substituer aux contrats de travail lorsqu’ils visent à préserver ou à développer l’emploi. Là encore, je le dis clairement, il s’agit de donner plus de poids aux compromis collectifs dès lors que l’accord est majoritaire. Et, bien évidemment, de tels accords ne pourront pas avoir pour effet de baisser la rémunération mensuelle des salariés. En cohérence avec l’ambition du texte, c’est un acte de confiance dans le dialogue social et dans le caractère majoritaire des accords.
Ce texte améliore également les moyens des acteurs du dialogue social, dans le prolongement des lois précédentes : nous augmentons de 20 % le crédit d’heures des délégués syndicaux, nous protégeons mieux les bourses du travail et nous rénovons les règles de négociation et de révision des accords afin de favoriser la loyauté et le dynamisme de ces accords. La question de la loyauté est, à mes yeux, essentielle. Si nous voulons imposer une culture du compromis, il ne suffit pas d’élargir le champ des négociations, il faut aussi qu’il y ait de la transparence et de la loyauté.
Enfin, le projet de loi comporte un volet ambitieux pour mieux accompagner les PME et les TPE, et favoriser l’emploi. Comme vous le savez, les PME et les TPE emploient environ 50 % des salariés, et ce sont elles, nous le savons, qui créeront des emplois dans notre pays. Leur dynamisme et leur vitalité ont encore été confirmés par le succès immédiat de l’aide « embauche PME » que nous avons lancée le 18 janvier dernier : 130 000 à 140 000 demandes ont été formulées à ce titre. Par ce texte de loi, nous entendons répondre pleinement aux besoins des PME et des TPE. Nous voulons mettre en place des cellules d’appui qui leur permettent d’obtenir des réponses rapides aux questions juridiques qu’elles se posent. Car il faut comprendre que leurs responsables ne disposent pas d’armées d’experts juridiques et qu’ils consacrent tout leur temps à faire vivre l’entreprise et à trouver de nouveaux marchés.
Le texte élargit aussi les sujets sur lesquels les salariés et élus mandatés peuvent négocier.
D’autre part, nous restructurons les branches professionnelles. Nous souhaitons réduire leur nombre de 700 à 200, car on ne peut pas renforcer le rôle des branches si l’on reste dans le champ conventionnel actuel. C’est un aspect essentiel, notamment pour des organisations patronales telles que l’Union professionnelle artisanale (UPA). Je rappelle que le niveau de la branche est un niveau protecteur.
Dans le même sens, nous créons des accords types de branche spécifiquement dédiés aux PME et aux TPE. Il s’agit d’une innovation très importante, qui donnera une nouvelle vigueur à la négociation de branche, ainsi que la souplesse nécessaire pour les PME, en créant un espace de négociation au niveau de la branche.
Nous clarifions la définition du licenciement pour motif économique. À cet égard, je crois qu’il faut entendre le besoin de prévisibilité et de clarté qui s’exprime distinctement du côté des entreprises, notamment des PME qui, je le répète, ne peuvent pas s’appuyer sur des armées d’experts juridiques, et pour qui la complexité de la rupture peut être un frein à l’embauche, au moins en CDI. Avec ce projet de loi, notre objectif est non pas de faciliter les licenciements – ce serait paradoxal pour la ministre de l’emploi que je suis –, mais de poser des règles claires et intelligibles, qui contribueront à sécuriser les entreprises dans leur besoin d’anticipation.
Ainsi, la précision du motif économique ne sera pas préjudiciable aux salariés, mais contribuera, au contraire, à lutter contre la précarité dans le monde du travail. D’une part, elle favorisera les recrutements en CDI car, on le sait, le taux élevé de recours aux contrats à durée déterminée (CDD) est en partie dû aux craintes du contentieux lié à la rupture des CDI. Je sais qu’il y a un débat sur ce point, mais il faut que nous traitions ce problème d’incertitude, réelle ou ressentie, qui freine l’embauche en CDI.
D’autre part, cette précision évitera des licenciements fondés à tort sur un motif personnel ou des ruptures conventionnelles parfois abusives, là où c’est un licenciement économique qui devrait être décidé. Comme vous le savez, un salarié est beaucoup mieux protégé dans le cadre d’un licenciement économique qu’en cas de rupture conventionnelle ou de licenciement pour motif personnel, car il a alors droit à un accompagnement, ce qui est essentiel. Dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, en particulier, les salariés licenciés perçoivent 92 % de leur rémunération et bénéficient d’un vrai accompagnement.
Le texte clarifie les conditions du licenciement économique en reprenant très largement la jurisprudence et en précisant les situations qui justifient de se séparer d’un salarié, par exemple la baisse importante des commandes sur plusieurs trimestres.
Il aligne notre droit sur celui de nos voisins européens pour les groupes implantés à l’international, afin de renforcer notre attractivité. En même temps, il permet de lutter contre les contournements en prévoyant que, lorsque les difficultés économiques ont été créées artificiellement à la seule fin de supprimer des emplois, le licenciement sera dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est essentiel d’entendre et de répondre aux difficultés des PME. Il faut prendre la responsabilité de bouger, car c’est un enjeu fort pour notre tissu économique. Sachez que j’examinerai avec la plus grande attention l’ensemble des propositions complémentaires qui s’inscriront dans cet état d’esprit. Nous pouvons améliorer les choses en différenciant mieux ce qui concerne les groupes et ce qui concerne les PME et les TPE.
Voilà ce que je souhaitais vous dire en introduction. Si je devais résumer notre philosophie, je dirais ceci : bien sûr, le Gouvernement aurait pu faire le choix de ne rien faire, dressant le constat que notre démocratie sociale est encore perfectible, que les acteurs en sont souvent trop faibles, qu’il faut attendre qu’elle soit mûre pour lui donner de nouveaux espaces. Mais c’est précisément le pari inverse que nous faisons, car nous sommes convaincus qu’il existe un cercle vertueux à tracer : il faut, dans un même mouvement, donner plus de moyens aux acteurs du dialogue social et une plus grande place à la négociation au plus près du terrain, pour mieux s’adapter. C’est la seule façon de faire bouger les lignes en profondeur dans notre pays. C’est aussi la seule façon de combiner intelligemment le développement de l’emploi, la compétitivité de nos entreprises et la sécurisation des parcours.
Je comprends qu’un texte aussi important suscite des questionnements et nécessite des débats. Ceux-ci doivent, bien sûr, se poursuivre. Sachez que je suis totalement disponible et à votre entière écoute pour que nous réussissions à lier la performance sociale et la performance économique dans notre pays. Telles sont, selon moi, les clés de l’amélioration de la compétitivité de notre économie.
M. Yves Blein, rapporteur pour avis. Merci pour la clarté de votre propos, Madame la ministre, ainsi que pour la conviction avec laquelle vous nous avez exposé les raisons pour lesquelles il était nécessaire, selon vous, d’aborder la question du code du travail. C’est un sujet délicat, on le sait, mais qui fait débat depuis longtemps. Les travaux conduits successivement par M. Robert Badinter et par M. Jean-Denis Combrexelle ont permis d’éclairer et de préparer la discussion.
Ce projet de loi est bienvenu, parce que notre modèle productif évolue, parce que le numérique a fait irruption dans les parcours professionnels, parce que le concept même de salariat évolue, avec l’auto-entrepreneuriat et la question des travailleurs indépendants. L’adaptation du droit du travail est devenue un enjeu. C’est une nécessité parce que les salariés ont besoin de plus de sécurisation – il faut les comprendre –, mais aussi parce que les entreprises ont besoin de davantage de souplesse. Ce projet de loi, contrairement à ce qui ressort des réactions qu’il semble provoquer – mais il est normal, somme toute, que la discussion soit vive et animée –, est plutôt un texte qui fait converger les points de vue et les intérêts des entreprises et des salariés. Au centre de cette conjonction d’intérêts, il y a la nécessité de renforcer le dialogue social, en vue d’aboutir, précisément, à des compromis acceptables par les uns et par les autres.
La commission des affaires économiques a été amenée, de manière évidente, à se saisir de ce texte. Trois questions principales ont guidé mon travail de rapporteur. Premièrement, comment la modernisation du dialogue social peut-elle concourir à davantage d’efficacité économique ? Selon moi, elle est en effet l’un des vecteurs importants de cette efficacité. Deuxièmement, comment, dans un contexte de chômage de masse, lever les freins à l’embauche sans précariser les salariés ? La recrudescence des CDD et le développement du statut d’auto-entrepreneur sont souvent le signe d’une fragilisation de la situation des salariés. Comment faire en sorte que ces salariés bénéficient de contrats permanents ? Enfin, troisièmement, comment le projet de loi peut-il mieux s’adresser aux PME ? C’est un point sur lequel la deuxième version du texte, celle que vous nous présentez aujourd’hui, a été critiquée. Il s’agit de faciliter le développement des PME et de leur permettre de créer des emplois. Car, vous l’avez dit, elles sont d’importantes pourvoyeuses d’emplois.
La saisine de la commission des affaires économiques a permis d’aborder ces différentes préoccupations.
Au sein du titre Ier, intitulé « Refonder le droit du travail pour donner plus de poids à la négociation collective », nous nous sommes saisis de l’article 2, qui refonde l’architecture de la partie du code du travail relative à la durée du travail en donnant une plus grande place aux accords d’entreprises, conformément aux recommandations du rapport Combrexelle. Il s’agit, selon moi, du cœur du projet de loi.
Au sein du titre II, nous nous sommes saisis des principaux articles du chapitre II, qui porte sur le renforcement de la légitimité des accords collectifs. Nous nous sommes saisis, en particulier, de l’article 10, qui va jusqu’au bout de la réforme de la représentativité syndicale entamée en 2008 en conditionnant la validité des accords à une majorité de 50 %. Vous avez rappelé, à juste titre, que ce texte s’inscrivait dans une construction législative et qu’il en était, d’une certaine manière, l’aboutissement. L’article 10 introduit en outre la possibilité de surmonter certains blocages en recourant au référendum, à l’initiative des organisations syndicales exclusivement.
La quasi-totalité du titre III, en particulier l’article relatif au CPA, fait également partie du champ de notre saisine. Ce titre porte sur la sécurisation des parcours et l’adaptation du modèle social à l’ère du numérique.
Au sein du titre IV, intitulé « Favoriser l’emploi », nous nous sommes saisis de la partie qui porte sur la facilitation de la vie des TPE-PME et sur la réforme des conditions du licenciement économique, ainsi que du chapitre III relatif à la préservation de l’emploi, lequel comporte des articles concernant notamment les emplois saisonniers – sujet important pour notre commission, que de nombreux collègues ont souhaité traiter –, les transferts d’entreprise dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et la revitalisation des bassins d’emploi.
Enfin, la partie du titre VI portant sur la lutte contre le détachement illégal a également retenu notre attention. Partant du constat que la fraude s’adapte encore et toujours aux multiples réglementations que cette majorité a mises en place depuis l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Gilles Savary et, plus récemment, de la loi Macron, le texte prévoit de nouveaux dispositifs permettant de lutter plus efficacement contre le détachement illégal.
L’examen de ces articles m’a amené à présenter une trentaine d’amendements. S’ils sont adoptés par notre commission, je les défendrai à partir de demain devant la commission des affaires sociales, saisie au fond.
À l’article 2, je proposerai d’ouvrir la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de moduler le temps de travail sur douze semaines, et non sur neuf ainsi que le prévoit le texte du Gouvernement. Je considère en effet que, dans une petite entreprise, le trimestre constitue la bonne mesure pour évaluer la charge de travail prévisible. C’est aussi la durée au terme de laquelle on peut faire des prévisions intermédiaires et évaluer la façon dont se déroule l’année, en particulier le cycle comptable de l’entreprise.
Souhaitant rénover utilement le dialogue social, je proposerai également de compléter le texte du Gouvernement en ouvrant la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de négocier des accords avec des salariés élus à cet effet, qui seront mandatés dans la mesure où ils le souhaitent.
Compte tenu de la nécessité de lever les freins à l’embauche, notamment à l’ère du numérique, j’ai déposé plusieurs amendements visant à rendre le CPA plus efficace. Ainsi, les actifs doivent pouvoir faire une simulation de leurs droits sociaux afin de mieux calibrer leur orientation professionnelle, leurs besoins de formation et, in fine, leur recherche d’emploi. En outre, il faut garantir le bon déploiement du CPA en tant que « coffre-fort numérique », en permettant aux entreprises, avec l’accord du salarié, d’y déposer des bulletins de paie dématérialisés.
J’ai également souhaité donner une orientation plus concrète aux dispositions du texte en faveur des TPE et des PME, lesquelles constituent le cœur de notre tissu productif. L’article 28 donne le droit à tout employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés d’obtenir de l’administration, dans des délais raisonnables, une réponse personnalisée sur une question d’application du droit du travail. J’ai souhaité renforcer cet accès au droit en introduisant une procédure semblable au rescrit fiscal lorsque les questions portent sur des démarches ou sur des procédures. L’employeur, qui ne dispose pas de l’ingénierie juridique suffisante pour saisir la complexité du droit du travail, ainsi que vous l’avez souligné, Madame la ministre, pourra utiliser ce dispositif pour justifier de sa bonne foi en cas de contentieux.
Pour répondre aux préoccupations légitimes des petites entreprises confrontées au contentieux prud’homal, j’ai également souhaité ouvrir la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de provisionner d’éventuelles indemnités, dans la limite d’un mois de masse salariale, même en l’absence de contentieux déclaré.
En outre, j’ai déposé plusieurs amendements à l’article 30, qui portent notamment sur la caractérisation des difficultés économiques. Ils visent, d’une part, à encourager le recours à une méthode de faisceau d’indices pour définir ces difficultés économiques, le dispositif proposé actuellement étant trop vague. Il s’agit, d’autre part, de tenir compte de la taille de l’entreprise pour déterminer la durée à partir de laquelle la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes caractérise des difficultés économiques. En effet, une très petite entreprise doit pouvoir réagir rapidement face à une dégradation de sa santé économique. Attendre au moins quatre trimestres pour pouvoir opérer des licenciements économiques, ainsi que le prévoient les dispositions supplétives de l’article 30, est une condition disproportionnée pour les TPE : le plus souvent, elles auront déjà dû cesser leur activité. L’intérêt général commande donc de prévoir des dispositions plus souples, qui dérogent à la durée de droit commun, pour les entreprises de moins de dix salariés et pour celles de moins de cinquante salariés.
Mme Sophie Errante. À la lecture du projet de loi et de son exposé des motifs, j’exprime le regret que nous n’ayons pas pu créer une commission spéciale. Elle aurait été largement justifiée pour traiter un tel projet.
Ainsi que nous pouvons le constater régulièrement, il existe, dans notre pays, une grande défiance à l’égard de l’entreprise, et c’est bien dommage. Celle-ci est encore beaucoup trop souvent considérée comme un lieu d’exploitation de l’homme par l’homme, dont l’objectif serait d’amasser un maximum de profits. C’est une image archaïque, et même coûteuse, dont il est difficile de se défaire, tant elle reste chevillée au corps dans notre pays.
Curieusement, il semble compliqué aujourd’hui de faire admettre l’idée que beaucoup de chefs d’entreprise sont avant tout animés par l’esprit d’entreprendre, avec le souci d’assurer une bonne organisation et la cohésion sociale au sein de l’entreprise. Un entrepreneur n’a aucun intérêt à ce qu’il y ait des conflits en interne, car cela freine sérieusement son développement et réduit ses chances de préparer son avenir.
Beaucoup d’entrepreneurs et de salariés attendent de nous un débat serein et en phase avec le réel. Évitons un débat teinté de sectarisme, de dogmatisme ou de clanisme. C’est là une condition essentielle si nous voulons être capables de préparer une loi en phase avec les réalités économiques et sociales actuelles, ainsi que vous l’avez très bien expliqué dans vos propos liminaires, Madame la ministre.
Ainsi que nous l’entendons très régulièrement sur le terrain, il faut arrêter de regarder le monde économique essentiellement à travers le prisme des très grandes entreprises. Celles-ci ne représentent que 2 % des entreprises dans notre pays ; que faisons-nous des 98 % qui restent ? Il convient de ne pas oublier les artisans, les PME, les TPE et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Elles connaissent leurs propres réalités, que nous devons bien comprendre. Ce sont elles qui créent le plus d’emplois, et c’est aussi en leur sein que les attentes sont les plus fortes. J’ai visité des centaines d’entreprises ; je ne parle donc pas uniquement de mon expérience personnelle de créateur d’entreprise, il y a un peu plus de quinze ans. Nous nous devons de valoriser ce qui se fait de bien, tout en sanctionnant plus durement les abus.
Il est quand même navrant que nous soyons si peu « facilitants » pour accompagner les envies d’entreprendre à quelque niveau que ce soit, pour laisser leur chance à ceux qui veulent se lancer et se révéler dans une activité. Bien évidemment, nous ne devons pas mettre de côté les abus : il y en a et il y en aura. Mais, plutôt que de faire la loi pour ceux qui trichent, faisons-la pour ceux qui respectent les règles. Soyons beaucoup plus intransigeants, peut-être, avec des contrôles sans préavis et des sanctions quand la malveillance est parfaitement identifiée et avérée – vous avez évoqué une avancée dans ce domaine.
Nous avons la possibilité de légiférer pour que notre pays puisse lutter contre le chômage et s’adapter aux changements de vie de nos concitoyens, ainsi qu’aux évolutions technologiques. Notre parcours de vie a beaucoup évolué depuis trente ans. Nous avons une responsabilité collective quant à certaines situations vécues aujourd’hui par nos jeunes et nos moins jeunes – nous l’entendons régulièrement. Nous avons poussé beaucoup de nos enfants vers des filières sans avenir malgré de bons diplômes ; nous avons méprisé les filières dites « courtes » et n’avons pas valorisé certains métiers qui se trouvent aujourd’hui, malheureusement, en situation de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Il est urgent de réformer notre système de formation et, là encore, vous apportez de réelles réponses, très attendues.
Il existe de très nombreux exemples d’entreprises qui ont réussi à moderniser le dialogue social et qui sont prêtes à promouvoir leur action. J’ai la preuve que l’innovation sociale est réellement possible. Nous sommes nombreux à pouvoir en témoigner.
Pour redonner de l’espoir au plus grand nombre, à ceux qui souhaitent changer de voie professionnelle ou reprendre des études et se former, à ceux qui n’ont rien depuis trop longtemps, nous devons avancer, car le pire serait de ne rien faire. Vous nous présentez justement un véritable texte de progrès, dont vous avez cité plusieurs avancées. Ma question principale tient à son délai réel d’application, car il y a urgence.
Je vous remercie, Madame la ministre, de l’énergie que vous déployez pour défendre ce texte, et j’espère que nous parviendrons à trouver dans nos instances le meilleur équilibre dans l’intérêt de nos concitoyens !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je m’étonne que sur ce texte, la commission des affaires économiques ne soit saisie que pour avis, tandis que la commission des affaires sociales l’est au fond : n’y aurait-il donc pas de lien entre travail et économie, et réciproquement ? De même, j’aurais préféré intituler le titre Ier de ce projet de loi « Refonder le droit de travailler et donner plus de poids à l’accord d’entreprise », plutôt qu’à l’accord collectif, pour placer l’entreprise au premier plan – comme vous l’avez d’ailleurs fait en parlant des TPE et des PME, Madame la ministre, car ce sont les véritables sources de travail et, in fine, d’emplois, ainsi que l’a parfaitement expliqué Mme Sophie Errante.
Selon vous, Madame la ministre, ce texte contribuera à mieux protéger les salariés, en particulier les actifs les plus fragiles. Hélas, chacun sait – le Président de la République lui-même s’est posé la question – que la surprotection de l’emploi constitue un frein à l’embauche.
Ce projet de loi nous est présenté en procédure accélérée : les priorités ne sont-elles pas inversées ? L’urgence n’est-elle pas en effet de redonner du travail aux six à sept millions de personnes qui n’en ont pas ou n’en ont que peu ? Ce n’est pas grâce à ce texte, qui continuera de surprotéger ceux qui ont du travail, que nous parviendrons à lutter contre la concurrence internationale. Il est vrai qu’il comporte certains éléments positifs, dont la faculté de bousculer les esprits. Pourtant, l’opposition de ceux, en particulier les jeunes, qui se lèvent contre ce texte en partant du principe qu’il signifierait la fin du travail est effarante. On confond emploi et travail : c’est le travail qui crée de l’emploi, ce qui ne vous a pas échappé puisque l’article 40 du projet de loi vise à renforcer la place des groupements d’employeurs de telle sorte qu’ils puissent toucher les aides auxquelles leurs entreprises adhérentes auraient été éligibles si elles avaient embauché directement les personnes mises à leur disposition. C’est en effet une mesure susceptible de favoriser la création de travail et de préserver l’emploi dans les groupements.
Pour le reste, je ne crois pas que ce texte libèrera les patrons de TPE et de PME puisque, comme vous l’avez vous-même rappelé, il n’existera aucune souplesse sans négociation – ce qui compliquera les choses dans ces petites entreprises, qui représentent une part importante de l’emploi en France, où les patrons doivent accomplir tout à la fois des tâches commerciales, administratives et techniques. Laissons-les au moins négocier l’organisation du temps de travail – un sujet qui représente plus d’une trentaine de pages du texte – avec leurs salariés dans le cadre d’accords d’entreprise. En l’état, je doute que le code du travail ne se trouve simplifié par l’adoption de ce projet de loi !
M. André Chassaigne. Comme vous le savez, nous rejetons ce projet de loi tant pour la philosophie qui le sous-tend que pour l’essentiel de son contenu. Certes, Madame la ministre, Monsieur le rapporteur, vous tenez des propos très édulcorés : « qu’en termes élégants ces choses-là sont dites » pour occulter le sens profond du texte… La véritable exégèse du texte a toutefois été faite par l’oratrice du groupe SRC : j’appelle à imprimer et à diffuser son discours, tant il formule les choses d’une manière différente.
Nous partageons l’idée selon laquelle il faut clarifier le code du travail pour l’adapter à la société actuelle et à l’ère du numérique, qui se sont déjà traduites par une certaine réorganisation du travail. Nous pensons toutefois que cela doit impérativement se faire dans un sens plus protecteur pour les salariés.
En dépit des ajustements apportés à la première mouture de ce projet de loi, la philosophie générale en demeure inchangée : il s’agit d’adapter les salariés aux exigences du marché du travail au lieu d’adapter le marché du travail aux besoins des travailleurs, en faisant de ces derniers une simple variable d’ajustement. Faut-il rappeler que la vocation initiale du code du travail depuis 1910 – et d’autres textes depuis 1841 – a toujours consisté à protéger les salariés ? Cet objectif ne saurait être remis en cause ; au contraire, il suppose d’apporter des améliorations à la protection des salariés.
Selon nous, ce projet de loi comporte de nombreuses mesures de régression pour la protection des travailleurs, qu’il s’agisse de la flexibilisation du temps de travail, de la facilitation des licenciements économiques ou des reculs en matière de santé au travail. Comment interpréter ces dispositions autrement que comme un retour en arrière ? Nos concitoyens l’ont bien compris, et cela explique la légitime levée de boucliers que l’on constate dans tout le pays. Elle est d’autant plus légitime que votre texte et vos propos s’appuient sur un postulat – jamais démontré – selon lequel il existerait un lien entre le code du travail et le niveau de chômage. Nombreux sont les exemples qui mettent en évidence l’absence d’un tel lien de causalité : je pense à l’instauration de la rupture conventionnelle en 2008, à la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013 ou encore, plus récemment, à la loi Macron d’août 2015. Notre droit du travail est déjà flexible et, pourtant, les effets de ces mesures sur l’emploi se font toujours attendre.
Ce projet de loi n’est pas qu’un non-sens économique ; il est aussi un non-sens historique, et même un véritable recul de civilisation, compte tenu de ce que vous appelez un « projet de société ». Comment prétendre qu’en déréglementant le droit du travail, ce texte stimulera l’emploi alors que chacun sait que la décision d’embaucher dépend d’abord des carnets de commande des entreprises ? Certes, la facilitation des licenciements correspond à une demande patronale ancienne à laquelle cette réforme entend répondre au détriment des salariés. Cependant, les contacts de terrain avec les PME obligent à atténuer considérablement la portée de cette exigence sans lien avec l’emploi. En accusant le code du travail d’être responsable de la crise de l’emploi, vous oubliez les vraies raisons du chômage, qui tiennent principalement aux politiques économiques d’austérité, à la baisse de l’investissement public et, surtout, à l’emprise des marchés financiers, comme l’illustre le cas de l’entreprise Flowserve qui a décidé de fermer un site entier dans ma circonscription en raison des exigences financières de ses dirigeants américains. S’y ajoute le poids des donneurs d’ordre sur les PME : discutez avec les patrons des PME, et ils vous diront quelles sont les causes réelles des difficultés qu’ils rencontrent !
Autre point de régression : l’inversion de la hiérarchie des normes. Alors que ce projet de loi prétend redonner du pouvoir aux travailleurs et de la souplesse aux entreprises, la réécriture du code du travail dessaisit la loi de son caractère protecteur et subordonne des pans entiers du contrat de travail à la conclusion d’accords d’entreprise qui prévaudront sur les conventions collectives de branche, y compris s’ils sont moins favorables pour les salariés – tel est le véritable nœud de votre texte. Nous connaissons déjà les conséquences d’une décentralisation de la négociation collective dans un contexte de chômage endémique : c’est la course au moins-disant social qui conduit à une précarisation généralisée. Comment penser que les syndicats pourront résister aux exigences du patronat, lequel exercera plus facilement qu’auparavant un chantage à l’emploi ? Ajoutons-y le référendum d’entreprise, que l’employeur pourra organiser pour court-circuiter les organisations syndicales et diviser les salariés.
Parallèlement, cet affaiblissement des protections affecte le contrat de travail, qui pourra être remis en cause à tout moment par des accords dits offensifs. Nul doute que dans ces conditions, les salariés les moins qualifiés, les femmes et les plus jeunes seront une fois de plus les plus exposés, en particulier dans les entreprises les moins compétitives.
Nous ne souhaitons pas préserver un statu quo inopérant, mais travailler à des dispositions modernes explorant de nouvelles formes de protection des travailleurs, et donc des droits nouveaux tenant compte de la diversité et des contraintes des entreprises. Or, tous ces objectifs sont, pour l’essentiel, absents de ce projet de loi. Voilà pourquoi les députés du Front de gauche combattront résolument ce texte avec l’espoir qu’à terme, nous aurons raison de la déraison.
Mme Pascale Got. Nul ne peut nier que la transformation des parcours professionnels et les nouvelles formes de précarité nous obligent à adopter de nouvelles solutions pour repenser la notion de stabilité dans un univers professionnel en mutation.
Je souhaite appeler votre attention sur le travail saisonnier, qui concerne les salariés agricoles, mais aussi ceux qui exercent dans le secteur du tourisme. Les travailleurs saisonniers sont particulièrement touchés par la précarité, car la structure même de leur travail leur impose soit un temps partiel, soit une alternance de périodes travaillées et non travaillées, à quoi s’ajoute la précarité du logement puisqu’ils se heurtent à des prix en forte hausse pendant la haute saison, et surtout la précarité sanitaire, compte tenu d’un manque de suivi médical. Ce projet de loi ne saurait ignorer ces travailleurs. Je suis persuadée qu’il existe des solutions permettant de stabiliser leur situation, et je défendrai avec plusieurs collègues des amendements à cette fin. La question de la saisonnalité, sur laquelle j’espère que nous pourrons progresser, concerne les femmes autant que les hommes, et toutes les générations. Elle constitue un pan entier de la vie économique et sociale de bien des territoires dépourvus de grandes industries, où le tourisme et l’agriculture ont une grande importance.
Mme Marie-Lou Marcel. L’avant-projet de loi a créé de nombreuses inquiétudes parmi les jeunes et les salariés. Loin des espoirs que pouvait susciter son titre, faisant référence à de nouvelles libertés et nouvelles protections pour les actifs, son contenu a été perçu comme une régression des droits des salariés. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer avec vous, Madame la ministre, certaines mesures telles que l’allongement du temps de travail des apprentis, qui n’est plus soumis à l’accord mais à l’avis de l’inspecteur du travail, et je me satisfais des avancées réalisées en la matière.
Après de nouvelles négociations, des modifications ont été apportées au texte ; le temps législatif est désormais venu. Ce projet de loi suscite encore bon nombre d’inquiétudes et d’autres avancées sont nécessaires. Aussi ai-je déposé une série d’amendements sur l’article 1er relatif à la refondation du code du travail, laquelle doit rester du ressort du législateur dans le respect du principe de laïcité, qui doit être la règle applicable à la manifestation des convictions. J’ai également déposé des amendements aux articles 2, 3, 10, 11, 14, 23 et 30 sur les dispositions relevant de la compétence de notre commission.
Le taux de majoration des heures supplémentaires ne peut être inférieur à celui qui est prévu par le code du travail. Il en va de même de la modulation du temps de travail sur trois ans, qui constitue le seuil de référence permettant le déclenchement des heures supplémentaires. De même, le renoncement des droits à congés payés par les salariés afin de les convertir en salaire n’est pas acceptable. En ce qui concerne les travailleurs de nuit, il convient d’en rester aux dispositions actuelles du code du travail qui, seules, permettent un suivi médical adapté aux conditions de travail.
D’autre part, pourquoi vouloir réduire le nombre de branches, dont on sait pourtant qu’elles constituent le meilleur niveau pour faire valoir les droits des salariés, comme vous venez vous-même de le rappeler, Madame la ministre ?
Concernant l’évaluation des difficultés économiques d’une entreprise, il est nécessaire de tenir compte de l’activité réelle du groupe tant en France qu’à l’étranger. J’ai également déposé des amendements concernant les TPE.
En somme, Madame la ministre, j’espère pouvoir compte sur votre écoute pour que ces questions donnent lieu à des avancées législatives qui, in fine, permettront l’acceptabilité du texte.
M. Daniel Goldberg. Malgré votre compétence et votre entrain, Madame la ministre, vous n’avez pas toujours la tâche facile pour défendre ce projet de loi. En effet, lorsque l’un de vos collègues a estimé que le code du travail constituait un « puissant répulsif de l’emploi », le débat ne semblait pas s’engager dans la bonne direction. Peut-être pourrons-nous donc nous interroger au fil du débat sur le caractère répulsif pour l’emploi du code du travail. Les règles du droit social qui ont forgé notre démocratie depuis une centaine d’années sont-elles les premières responsables du chômage ?
Autre question qui a émaillé le débat public avant même que le texte soit connu : celle des insiders – titulaires d’un contrat stable – et des outsiders – ou travailleurs précaires. On a prétendu que les titulaires d’un contrat à durée indéterminée sont protégés et favorisés même lorsque le salaire perçu est inférieur au salaire médian, c’est-à-dire 1 700 euros environ ; je ne crois naturellement pas qu’il faille aborder le débat de cette façon, et j’ai apprécié vos propos, Madame la ministre, sur la régulation par le dialogue social. J’ajoute que ce n’est pas du tout la voie qu’ont adoptée les pays étrangers dont on nous cite si souvent l’exemple, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, où l’on nous dit que la flexibilité du marché du travail ferait diminuer le chômage – ce qui n’est d’ailleurs pas le cas, vu les emplois qui y sont créés.
Pourquoi ne pas réfléchir plus avant à l’instauration d’un véritable ordre public conventionnel au niveau de la branche ? Vous avez plusieurs fois répété, Madame la ministre, qu’il n’y aurait ni inversion de la hiérarchie des normes, ni suppression du principe de faveur ; j’en trouve pourtant des traces dans le texte. De ce point de vue, il serait utile de créer un ordre public conventionnel dans le cadre de branches qui, même réformées, auraient suffisamment de poids pour éviter le dumping social entre entreprises et entre établissements d’une même entreprise.
M. Philippe Bies. Je regrette d’emblée le gâchis de l’entrée en matière de ce projet de loi, qui en marquera durablement les conditions d’examen. Quoi qu’il en soit, le texte qui nous est présenté est incontestablement plus équilibré que la version initiale, même s’il demeure largement perfectible. À titre d’exemple, la France, à croissance équivalente, crée moins d’emplois que la plupart de ses partenaires ; ce constat est à lier avec la situation actuelle de nos TPE, de nos PME et de nos PMI, qui constituent le principal gisement d’emplois. C’est à ces entreprises que doit s’adresser ce projet de loi davantage encore qu’il ne le fait ; vous l’avez évoqué, Madame la ministre, et je m’en réjouis.
D’autre part, ce texte a certainement constitué un révélateur, voire un déclencheur du malaise de la jeunesse de notre pays, qui en dépasse pourtant – et de loin – le contenu. Je me félicite que le Gouvernement ait entendu l’appel de la jeunesse et que les discussions puissent se poursuivre tout au long de la semaine.
Ce texte illustre plus que d’autres la difficulté de réformer la France. Certains souhaitent que rien ne change et voient dans ce projet de loi des choses qui n’y sont pas, ce qui est assez extraordinaire ; d’autres au contraire voudraient tout détruire. Nous, réformistes, voulons tenir compte de la réalité – ce qui n’est pas toujours aisé – pour réformer tout en préservant notre modèle social. C’est ce qui fait la particularité de l’action du Gouvernement, qu’il conviendra d’améliorer par les travaux parlementaires. C’est la voie la plus délicate, mais je crois pouvoir dire que c’est la meilleure, et pour cause : c’est la voie socialiste.
Mme la ministre. Nous sommes tous ici d’accord sur un point : les embauches dépendent des carnets de commandes. Je n’ai jamais dit que le code du travail était la cause du chômage en France. Au contraire, je viens d’expliquer que le code du travail s’est étoffé à force d’y ajouter des dérogations. Selon moi, ce système est à bout de souffle. Il faut déconcentrer la régulation tout en apportant des garanties. Qui se plaint aujourd’hui des accords de modulation du temps de travail conclus avec des organisations représentant au moins 30 % des salariés ? Demain, ce taux sera porté à 50 %. Autrement dit, les accords reposeront sur un consensus plus large. Voilà la nouvelle démocratie sociale que je souhaite promouvoir en France. Cette forme de régulation sociale, qui permet de mieux adapter les entreprises à leurs commandes et à leurs pics d’activité par la négociation et par la culture du compromis, permettra de faire avancer la France.
La notion de hiérarchie des normes prête souvent à confusion, entre slogans et réalité. À la question de savoir si la hiérarchie des normes, au sommet de laquelle se trouvent la Constitution et la loi, sera inversée, je réponds sans ambiguïté : non. La loi réserve au moins depuis 1982 un domaine propre à la négociation collective et aux partenaires sociaux. Cela ne signifie pas que l’accord prévaut sur la loi ; le législateur estime simplement que dans certains domaines, ce sont les acteurs eux-mêmes qui sont le plus à même de déterminer les règles dont ils souhaitent l’application sur le terrain. C’est précisément ce que nous faisons : le projet de loi que je défends accroît certes la place accordée à l’accord, mais ne le rend pas supérieur à la loi. Examinons donc la réalité des choses loin de tout slogan. Le projet de loi maintient des règles d’ordre public auxquelles aucun accord ne saurait déroger. En l’absence d’accord, c’est la loi qui détermine les règles supplétives qui s’appliquent. Autrement dit, sans accord, c’est le droit actuel qui s’applique.
Si la question porte sur le principe de faveur selon lequel une norme de niveau inférieur ne peut déroger à une norme de niveau supérieur que dans un sens plus favorable aux salariés, précisons d’emblée ce dont il s’agit : voici longtemps que la loi permet à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, y compris dans un sens moins favorable. C’est le cas de la loi de 1982, de la loi du 4 mai 2004 qui autorise les accords d’entreprise dans un sens moins favorable aux salariés sauf interdiction expresse, et de la loi du 20 août 2008 qui donne la primauté à l’accord d’entreprise dans plusieurs domaines relatifs au temps de travail comme le contingent d’heures supplémentaires, le repos compensateur de remplacement, les journées de solidarité ou encore le compte épargne-temps. En clair, il n’existe aujourd’hui que quatre domaines dans lesquels l’accord d’entreprise ne saurait être moins favorable que l’accord de branche : le salaire minimum, la classification, les garanties collectives et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Or, le projet de loi ne revient sur aucun de ces quatre domaines, désormais sanctuarisés. Autrement dit, il ne remet pas en cause le principe de faveur tel qu’il existe aujourd’hui.
Plus généralement, il me semble qu’il ne faut pas raisonner ainsi. Si le grand public peine à comprendre la réalité que recouvre un débat fait de slogans et d’expressions toutes faites, c’est parce qu’il est souvent difficile de déterminer si un accord est ou non favorable aux salariés. Comment déterminer, par exemple, si un accord sur l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires est plutôt défavorable aux salariés qui devront travailler davantage, ou s’il leur est plutôt favorable car il se traduira par la hausse de leur pouvoir d’achat ? C’est pourquoi il me semble inopportun de raisonner par principes lorsque ceux-ci ne s’accordent pas avec la diversité des cas.
Je préfère la logique suivante : dans un système qui peine à s’adapter, c’est le principe majoritaire de l’accord qui offre les meilleures garanties aux salariés. Faisons confiance aux acteurs de terrain pour conclure des accords et trouver des compromis au plus près de leurs attentes et selon un principe proche de la subsidiarité ; à défaut d’accord, le droit en vigueur s’applique. Je n’ai pas pour autant une vision béate ou naïve du dialogue social : je sais, parce que le ministère suit un grand nombre d’accords, que les blocages et les pressions existent. Cependant, le projet de loi prévoit une méthode et une logique de loyauté et de transparence ; de ce point de vue, la meilleure des garanties consiste à obtenir un accord avec des organisations représentatives à plus de 50 % et à élargir l’objet de la négociation.
Tel est l’esprit de cette loi. Songez que si 11 % des Français ont confiance dans le personnel politique, 18 % seulement font confiance aux organisations syndicales : quelle tristesse ! Si une telle situation existe, c’est parce que les organisations patronales refusent parfois de négocier avec les syndicats, que certaines organisations syndicales refusent tout accord pour leur substituer le culte de la loi, et que les pouvoirs publics réglementent trop le champ et la méthode de la négociation. Au contraire, nous avons pris le parti de faire respirer le processus en renforçant les moyens des organisations syndicales et la légitimité des accords, qui doivent reposer sur un consensus fort – à savoir la signature d’organisations représentatives à 50 %.
Le débat public concernant le compte personnel d’activité, que j’ai lancé le 22 janvier, sera clos ce soir. À la démocratie parlementaire, j’ai en effet souhaité ajouter la prise en compte de la démocratie sociale, puisque l’accord est largement repris dans le texte, mais aussi ce processus de démocratie participative afin d’impliquer de nombreuses associations, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, des organisations de jeunesse. J’invite les parlementaires à donner aux contributions à ce débat public une traduction dans leurs travaux.
S’agissant de l’article 30, Madame la présidente, il me semble qu’il faut replacer les salariés au cœur du débat sur les licenciements économiques. Si nous voulons sécuriser la notion de difficulté économique, c’est pour donner davantage de lisibilité face à la diversité des interprétations jurisprudentielles. L’absence de précision législative crée une incertitude juridique pour les entreprises et pour les salariés. La jurisprudence retient ou écarte parfois les mêmes critères. C’est pourquoi le projet de loi vise à fixer un cadre clair qui permettra en particulier aux PME de connaître précisément les principaux critères de difficultés économiques. J’ai entendu, Monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez distinguer en la matière selon la taille des entreprises, et j’y suis également favorable, comme je l’ai dit devant la commission des affaires sociales ; il vous appartiendra de trancher au cours du débat. En effet, les petites entreprises ne disposent pas d’un service des ressources humaines ou d’un service financier capables d’apprécier les risques jurisprudentiels.
En l’absence de définition et, par conséquent en cas de risque de contentieux, les entreprises ont tendance à adopter des pratiques désavantageuses pour les salariés, soit en recourant à l’intérim, soit en décidant des ruptures conventionnelles, lesquelles représentent 20 % des motifs de rupture dans les petites entreprises, contre moins de 7 % dans les entreprises de plus de 250 salariés. Or les ruptures conventionnelles sont beaucoup moins protectrices pour les salariés, en termes d’accès aux dispositifs d’accompagnement au retour à l’emploi comme en termes d’indemnisation. En cas de plan de sauvegarde de l’emploi justifié par un motif économique, les salariés des entreprises de plus de 1 000 employés bénéficient d’un congé de reclassement et du quasi maintien de leur rémunération nette pendant un an – un mécanisme dont nous pouvons être fiers – et les salariés des entreprises de moins de 1 000 employés peuvent bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle qui leur garantit près de 92 % de leur rémunération nette pendant douze mois.
Les mesures permettant d’éviter les manipulations financières sont un sujet essentiel. Les organisations syndicales s’inquiètent de ces manipulations, par lesquelles un groupe est créé afin de justifier des prétendues difficultés financières d’une filière ou d’un établissement. En nous inspirant de la jurisprudence récente, nous avons donc proposé avec le ministère de l’économie d’ajouter une disposition selon laquelle le licenciement notifié par une entreprise appartenant à un groupe est sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il est motivé par des difficultés économiques créées artificiellement par l’entreprise dominante. Ces mesures sont importantes ; nous reviendrons aux amendements sur ce sujet au fil du débat.
Je comprends toute la charge symbolique que revêt la question anxiogène du licenciement. Sachez que 5 % en moyenne des entrées à Pôle emploi ont lieu après un licenciement économique ; autrement dit, il existe aujourd’hui un phénomène de contournement de ce motif de licenciement au profit d’autres motifs.
J’en viens aux mesures concernant les TPE. En clarifiant les conditions de licenciement, nous fixons un cadre permettant aux TPE et aux PME de traduire tel nombre de trimestres de baisse d’activité en motif de licenciement économique. Avec les cellules d’information chargées des TPE et des PME, créées par l’article 28, nous avons souhaité doter l’administration du travail des capacités nécessaires pour répondre à toute question relative au code du travail. Sans doute faut-il améliorer le dispositif en lien avec ce que préconisent les chambres de commerce et d’industrie et certaines organisations patronales, étant entendu que l’objectif est de répondre rapidement aux questions concernant le code du travail.
Les accords-type de branche sont tout aussi essentiels. On peut ainsi imaginer un accord national fixant une fourchette de jours travaillés dans le cadre d’un forfait-jours ; reste à l’entreprise à décider du nombre précis de jours dans les limites ainsi établies.
Comme vous le savez, nous avons écarté le plafonnement des indemnités prud’homales au profit d’un barème indicatif, déjà prévu dans la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui sera fixé dans les prochains mois afin de répondre à un besoin de prévisibilité. Il permettra de favoriser la conciliation, qui est tout aussi nécessaire pour les salariés que pour les chefs d’entreprise, en clarifiant des procédures qui pouvaient être longues et incertaines.
En clair, la loi favorisera la négociation et la souplesse au sein des petites entreprises. Je rappelle que des organisations professionnelles telles que l’UPA demandent à juste titre la réaffirmation des accords de branche, qu’il est donc important de prévoir afin qu’ils soient déclinés par les salariés eux-mêmes.
Si nous avons soutenu le mandatement en dépit des difficultés, Monsieur le rapporteur, voire de l’incompatibilité culturelle qu’il suscite parfois en France, c’est parce que nous favorisons le compromis. Or, pour aboutir au compromis, chacun doit faire un pas vers l’autre. Certaines entreprises et organisations patronales se saisissent du mandatement. Il va de soi que la relation entre un employeur et un salarié est déséquilibrée, et le soutien d’une organisation syndicale constitue une forme de protection. C’est pourquoi nous privilégions le mandatement.
Avec ce projet de loi, nous avons refusé le modèle anglo-saxon du contrat de travail unilatéral, les contrats à zéro heure ou encore les mini-jobs à l’allemande ; au contraire, nous avons choisi une nouvelle forme de régulation sociale à laquelle je crois profondément. Le dialogue social en France est très formalisé, mais n’aboutit guère sur les enjeux essentiels.
D’autre part, les entreprises de moins de cinquante salariés auront la possibilité de moduler le temps de travail jusqu’à neuf semaines.
Le projet de loi, Monsieur André Chassaigne, ne facilite en rien le licenciement économique en créant de nouveaux motifs ; il ne fait que l’encadrer. Il est important de se placer du point de vue du salarié. Les données de Pôle emploi montrent qu’il se produit aujourd’hui des dévoiements de procédure, alors que le licenciement économique devrait s’imposer. De même, il est faux de prétendre que ce projet de loi permettra aux employeurs de demander des référendums d’entreprise : la consultation des salariés relève des organisations syndicales qui représentent plus de 30 % des salariés.
M. André Chassaigne. Cela revient au même !
Mme la ministre. Vous évoquez de prétendus reculs en matière de santé des travailleurs ; je ne saurais l’accepter. Sur vingt millions d’embauches annuelles, la médecine du travail ne réalise que trois millions de visites. Autrement dit, certains salariés exerçant des postes à risque ne subissent pas de visite médicale d’embauche.
M. André Chassaigne. Parce qu’il n’y a pas de postes !
Mme la ministre. Précisément, nous allons ouvrir des postes dans la médecine du travail, malgré le déficit d’attractivité de cette filière. Songez que pour 90 postes ouverts, à peine une cinquantaine de candidats se présentent ! Selon le rapport de M. Michel Issindou, nous pourrions passer de 5 000 médecins du travail à 2 500 en 2020. Quoi qu’il en soit, je constate que seule une fraction des embauches donne lieu à une visite médicale ; c’est pourquoi le projet de loi fixe le principe d’un suivi médical avec le médecin du travail pour les postes les plus exposés aux risques ou, pour les autres, sous la forme d’un entretien individuel avec un infirmier, un ergonome ou un psychothérapeute selon les cas, sous l’autorité du médecin du travail. L’objectif est que tous les salariés occupant un poste à risque subissent une visite médicale – un droit déjà existant mais nullement appliqué – et que tous les salariés puissent passer une première visite. En effet, peu nombreux sont les salariés qui ont passé une visite médicale d’embauche ; nous devons la rendre plus efficace et cibler les personnes qui en ont le plus besoin.
Ce projet de loi ne vise pas non plus à une flexibilisation tous azimuts du temps de travail mais à accorder plus de place à la négociation tout en apportant des garanties fortes aux salariés. Il ne constitue absolument pas un recul historique : c’est pour moi tout l’inverse. Je partage l’idée que le code du travail est le fruit des luttes sociales et que la santé et la sécurité au travail ne doivent pas être négociées au niveau de l’entreprise. Cette loi introduit une vraie rupture avec les modèles de pensée habituels en mettant en son cœur la négociation collective et en faisant confiance aux syndicats, aux salariés et aux chefs d’entreprise pour déterminer au mieux les règles applicables. Voilà l’enjeu : où est le retour au XIXe siècle ?
Pourquoi, Monsieur André Chassaigne, taire dans votre intervention que nous créons des droits nouveaux et, en particulier, un droit universel à la formation ? Je n’ai renié aucune de mes convictions. Pourquoi ne pas évoquer les abondements dont bénéficieront les salariés les moins qualifiés, les demandeurs d’emploi et le fait que ce droit sera ouvert à tous ceux de nos jeunes qui n’ont pas accès à un premier niveau de qualification ? Pourquoi taire la généralisation de la garantie jeunes et l’inscription dans la loi d’une obligation de publication des taux d’insertion des jeunes dans les différentes voies de formation ? N’avons-nous pas envers leurs parents un devoir de transparence si nous voulons éviter que leurs enfants aillent massivement dans certaines filières sans débouchés ? Ces mesures visent les personnes qui sont dans une spirale infernale, enchaînant contrats courts et périodes de chômage. La qualification est un droit essentiel car nous ne sommes pas tous égaux en la matière. Seuls les gens qui savent remplir un dossier de validation des acquis de l’expérience (VAE) ou de demande de formation voient leur formation payée. Les autres n’ont même pas toujours la possibilité de se dire qu’ils peuvent faire valoir leur droit à la qualification et à la formation. Ce projet de loi est un texte de progrès social, je le redis ici.
Vous m’avez interrogée, Madame Pascale Got, sur les travailleurs saisonniers. Ayant pris connaissance des différents travaux parlementaires en la matière, j’ai souhaité proposer une mesure concernant les groupements d’employeurs : nous savons qu’il faut les développer dans le domaine agricole, auquel appartiennent 92 % d’entre eux. Point important, il faut que nous puissions mieux travailler avec les maisons de service au public, notamment sur les forums emploi du travail saisonnier et sur la formation des travailleurs saisonniers. Se pose également la question de l’intermittence. Aujourd’hui, le projet de loi prévoit, d’une part, une définition de l’emploi à caractère saisonnier – pour sécuriser l’employeur mais aussi le salarié – et, d’autre part, la négociation sur la reconduction du contrat saisonnier. Je suis prête à ce que le débat parlementaire nourrisse encore davantage cette réflexion. La question des conditions de logement des saisonniers, qui se pose également, ne pourra être résolue dans le présent projet de loi mais le Premier ministre a pris des engagements en la matière dans le cadre du Conseil national de la montagne. Il est essentiel qu’avec Mme Emmanuelle Cosse, les préfets et les élus locaux, nous parvenions à améliorer la situation. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser des jeunes décéder dans des mobil homes ou des camping-cars aux abords de leur lieu de travail.
Mme Marie-Lou Marcel m’a interpellée concernant le 6° de l’article 1er du projet de loi et la restructuration des branches professionnelles.
Soyons clairs : le 6° de l’article 1er est une reprise du droit constant, et notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Je l’ai toujours dit : les parlementaires qui le souhaitent peuvent toujours modifier le droit constant en mettant davantage en valeur les restrictions qui existent. Dans le droit actuel, la laïcité s’applique à l’État et dans les services publics mais pas aux entreprises, à moins qu’elles n’aient une délégation de service public. Le 6°, tel que rédigé par le comité Badinter, rappelle que le salarié peut dans l’entreprise exprimer ses convictions – y compris religieuses – à condition de ne pas entraver le bon fonctionnement de celle-ci et de ne pas remettre en cause l’exercice d’une autre liberté. Cet alinéa, qui rappelle avant tout les restrictions applicables, peut très bien être réécrit différemment afin de mieux mettre en valeur ces dernières. Ce sujet ne pose aucun problème puisque cela fait près de trois mois que je travaille avec les partenaires sociaux sur un guide du fait religieux. Il arrive en effet que des questions se posent, non seulement aux employeurs mais aussi aux organisations syndicales, auxquelles il est difficile de répondre. Depuis les attentats, je travaille avec les partenaires sociaux sur ce sujet en abordant toutes les questions qui peuvent concrètement se poser dans l’entreprise autour du fait religieux. Si la rédaction actuelle de ce principe a suscité des débats, il ne faut pas les instrumentaliser en affirmant que ce projet de loi favorise le communautarisme religieux : cela est faux. Ce texte rappelle le droit constant mais peut néanmoins évoluer au gré du débat parlementaire.
Pourquoi restructurer les branches professionnelles ? C’est là un enjeu important depuis de nombreuses années dans notre pays. Il existe aujourd’hui plus de 700 branches dont certaines, que l’on qualifie parfois de « branches mortes », n’ont aucune activité conventionnelle depuis plus de quinze ans. D’autres couvrent un nombre très faible de salariés. À titre de comparaison, l’Allemagne a à peu près 150 branches. Nous avons plus que jamais besoin de branches fortes, solides et dynamiques afin d’éviter le dumping social, d’améliorer la qualité des normes conventionnelles – sachant qu’il est encore une vingtaine de branches dans lesquelles le salaire minimum est en deçà du SMIC, ce qui tasse toutes les classifications –, d’offrir une meilleure régulation en matière de concurrence, de créer des filières économiques, d’avoir une meilleure vision des mutations en matière d’emploi et donc de formation et de donner un socle conventionnel aux TPE et aux PME qui ne sont pas couvertes par des accords d’entreprise. Dans le cadre du plan « 500 000 formations », Mme Clotilde Valter et moi avons interrogé les branches sur les emplois qui seront offerts d’ici deux à cinq ans afin de former d’ores et déjà ces futurs salariés. Pour que l’accord de branche joue pleinement son rôle central, entre la loi et l’accord d’entreprise, nous avons souhaité accélérer la restructuration des branches, engagée par la loi du 5 mars 2014, pour ne plus en avoir que 200 d’ici à trois ans. Le projet de loi rénove les outils à la main du ministre du travail pour lui permettre de restructurer le paysage conventionnel. Nous pourrons décider de fusionner les branches territoriales, à faible effectif ou à faible dynamisme conventionnel mais aussi procéder à des fusions dans une logique de filière économique. Le projet de loi laisse cependant aux branches existantes le temps nécessaire pour négocier afin d’éviter le moins-disant social dans le cadre de la négociation de branche. Mon objectif n’est pas de les marier de force : nous travaillons par étapes. Afin d’inciter les branches à négocier, le projet de loi fixe deux échéances. À défaut de rapprochement, les branches territoriales et celles n’ayant pas négocié depuis plus de quinze ans devront fusionner d’ici à la fin de l’année 2016 ; celles de moins de 5 000 salariés et celles n’ayant pas négocié depuis plus de dix ans, dans un délai de trois ans.
Je crois avoir répondu dans mon introduction à M. Daniel Goldberg sur l’idée que le code du travail serait un « puissant répulsif de l’emploi », ainsi qu’à M. Philippe Bies s’agissant de la difficulté à réformer notre pays.
En conclusion, ce projet de loi a effectivement souffert d’un défaut de pédagogie. Il a fait l’objet d’une fuite dans la presse et nous n’avons pas eu le temps d’expliquer aux partenaires sociaux l’article relatif au licenciement économique – seule disposition du texte à n’avoir pas fait l’objet d’une concertation. Face à un tel blocage, il nous fallait prendre ces quinze jours supplémentaires pour procéder à des ajustements qui ne constituent pas pour moi un recul mais un compromis permettant d’aller de l’avant. Le texte, aujourd’hui équilibré, sera bien sûr enrichi. Mais il y a encore en effet des stigmates dans l’opinion publique. La discussion parlementaire doit donc nous permettre non pas de nous envoyer des slogans à la figure mais de débattre de la réalité de ce projet de loi.
Mme la présidente Frédérique Massat. Nous vous remercions, Madame la ministre. Nous vous laissons quitter la salle avant de poursuivre nos travaux.
*
* *
Mme la présidente Frédérique Massat. 176 amendements ont été déposés à la Commission des affaires économiques saisie pour avis, dont 7 ont été retirés et 11 déclarés irrecevables : l’amendement CE5 de M. Pellois, au titre de l’article 38 de la Constitution relatif aux ordonnances ; les amendements CE46 et CE48 de Mme Marcel ainsi que l’amendement CE95 de Mme Dumas, se situant hors du champ de la saisine de notre commission ; enfin, au titre de l’article 40 de la Constitution, les amendements CE52 de Mme Got, CE11 de Mme Bonneton, CE3 de M. Pupponi, CE114 de Mme Dubié, CE24 de Mme Erhel et CE140 et CE142 de Mme Marcel. Il nous reste donc 158 amendements à examiner.
La commission examine l’amendement CE12 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. L’article L. 2251-1 du code du travail dispose qu’une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. La loi, qui ne peut évidemment pas être fondée sur une approche casuistique, ne doit pas non plus freiner, encore moins empêcher, l’adaptation de nos entreprises à l’économie mondialisée afin que la surprotection de l’emploi ne nuise pas au travail. Il est aujourd’hui vital d’adapter nos efforts afin de permettre aux entreprises de prendre toutes les mesures nécessaires à l’ajustement des conditions de travail spécifiques à chaque entreprise.
L’idée est donc de permettre à une majorité de salariés, après accord, de décider de leur durée de travail, de privilégier l’emploi sur le salaire ou le salaire sur l’emploi. L’objectif de cet amendement est de donner la parole à l’ensemble des salariés d’une entreprise, qui maîtriseraient ainsi directement leurs conditions de travail en fonction de la spécificité de leur entreprise.
D’ailleurs, l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ». Le fonctionnement optimal de chaque entreprise avec ou sans salarié est utile à la société. En outre, l’article 4 du même texte dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
L’accord d’entreprise – qui, tel que je le conçois, suppose le vote obligatoire de tous les salariés pendant les heures de travail, les votes défavorables et blancs étant comptabilisés, les votes favorables devant obtenir plus de 50 % de l’effectif salarié – semble être un niveau parfaitement légitime, les salariés étant tout à fait capables d’apprécier l’intérêt de leur entreprise et donc d’assurer la sécurisation de leur emploi.
M. le rapporteur pour avis. Vous abordez un sujet essentiel qui est un des points d’équilibre du texte : le respect de la hiérarchie des normes, l’ordre public primant sur les conventions de branche, elles-mêmes supérieures aux accords d’entreprise et au droit supplétif applicable à défaut d’accord. Votre amendement inverse cette hiérarchie, plaçant à sommet l’accord d’entreprise qui pourrait, par exemple, prévoir des durées quotidiennes de travail supérieures à dix heures – ce que ne permettent pas les dispositions d’ordre public. Avis défavorable.
M. Jean-Charles Taugourdeau. La hiérarchie des normes actuelles fonctionne mal puisque six à sept millions de personnes sont sans emploi ou occupent un emploi précaire. Ainsi que l’a souligné Mme la ministre tout à l’heure, un véritable problème se pose aux TPE et aux PME. Il conviendrait donc de leur laisser plus de liberté. Le code du travail a pour objet de veiller aux bonnes conditions de travail du salarié, c’est-à-dire aux conditions de santé, de sécurité et d’hygiène. La ministre souhaite d’ailleurs que les inspecteurs du travail procèdent désormais davantage à l’accompagnement qu’au contrôle des entreprises. Une entreprise de moins de vingt salariés ne peut-elle pas décider elle-même de certaines spécificités, avec l’accord de ses salariés ? Les entreprises à activité saisonnière qui réalisent jusqu’à 12 % du chiffre d’affaires de l’année en quelques jours ne pouvant aujourd’hui respecter les dispositions du code du travail, elles y dérogent avec l’accord de leurs salariés, aux risques et périls de leurs dirigeants.
M. le rapporteur pour avis. Nous aurons l’occasion de revenir sur les souplesses que permettra la signature d’accords internes à l’entreprise sur certains sujets. Mais votre amendement vise à ce que les conventions et accords d’entreprise priment sur les dispositions légales en vigueur – qu’elles soient d’ordre public ou conventionnel – en ce qui concerne l’organisation du travail. Il ouvre la voie à toutes les dérogations possibles et imaginables. C’est pourquoi mon avis est défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 2
(titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail)
Durée du travail
La commission est saisie de l’amendement CE78 de M. André Chassaigne, tendant à supprimer l’article.
M. André Chassaigne. Sous couvert de simplification, cet article réécrit toute la partie du code du travail relative à la durée du travail, à l’aménagement des horaires, au repos et aux congés payés. Particulièrement dense, il est l’essence même de ce projet de loi puisqu’il met en place une architecture qui sera par la suite généralisée à tous les chapitres du code du travail. Contrairement à ce qui a pu être dit, cette réécriture consacre la primauté de l’accord d’entreprise en matière de temps de travail, ce qui implique une inversion de la hiérarchie des normes. N’importe quel accord d’entreprise, prétendant préserver ou favoriser l’emploi, s’imposerait au contrat de travail dont il pourrait notamment modifier la durée de travail à la hausse mais aussi le salaire horaire à la baisse. Qu’est-ce là sinon une inversion de la hiérarchie des normes ? Je propose donc la suppression de cet article.
M. le rapporteur pour avis. Ce serait déséquilibrer en profondeur le texte que de supprimer l’article 2 qui crée des espaces de dialogue et de construction d’accords dans l’entreprise. L’objectif n’est pas que les accords d’entreprise supplantent les accords de branche qui, eux-mêmes, se mettraient en porte-à-faux avec l’ordre public mais, bien au contraire, de conforter la logique qui veut que l’ordre public s’impose aux accords de branche, ces derniers étant supérieurs aux accords d’entreprise, les droits supplétifs venant en dernier. En revanche, cette hiérarchie des normes ne doit pas nous empêcher de donner la souplesse nécessaire aux entreprises ni de leur permettre de négocier des accords s’inscrivant dans les cadres tracés par les accords de branche. Telle est la philosophie de l’article 2 qu’il faut lire en lien avec la réforme de l’organisation structurelle des branches. Lorsque l’on réduit le nombre de branches de façon à ce qu’elles gagnent en efficacité et que le dialogue social soit renforcé à leur niveau, cela suppose en conséquence de donner aux entreprises une certaine souplesse leur permettant d’adapter les modes de travail à la réalité de leurs activités et de leur production. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à cet amendement de suppression.
M. Daniel Goldberg. Le débat ayant commencé par deux amendements, l’un de M. Jean-Charles Taugourdeau, l’autre de M. André Chassaigne, sous-tendant des points de vue assez différents, je souhaiterais revenir sur le fond du débat que nous avons eu tout à l’heure avec Mme la ministre. Je dois dire qu’une de mes difficultés a été d’examiner en une semaine, entre le 24 mars et la date limite de dépôt des amendements à la commission, le 31 mars, cet article 2 qui fait une cinquantaine de pages à lui seul dans le texte du projet de loi et qui emporte des conséquences très lourdes. J’ai souhaité étudier très précisément, dans la nouvelle architecture du code du travail, ce qui relève de l’ordre public, de la négociation collective et des mesures supplétives sur chacun des sujets, par rapport à l’état du droit actuel. Autant je ne voterai pas l’amendement de suppression d’André Chassaigne, autant je me permets de relever que le projet de loi va permettre à des accords locaux – d’entreprise voire d’établissement – de prendre le dessus sur des accords de branche. Cela est déjà permis, certes, depuis les lois Auroux de 1982 notamment, mais le projet de loi le prévoit dans un champ bien plus large qu’actuellement. Dans mon intervention liminaire, j’ai posé la question de savoir s’il serait possible d’instituer un ordre public conventionnel de branche afin d’éviter que des accords d’établissement ou d’entreprise fassent naître des risques de concurrence voire de dumping entre entreprises d’une même branche ou entre établissements d’une même entreprise.
M. André Chassaigne. Il est vrai que depuis une trentaine d’années, les gouvernements ont pu autoriser des accords collectifs dérogatoires, moins favorables que la loi pour les salariés, surtout en matière de temps de travail. Aujourd’hui, ce texte de loi opère un renversement complet de perspective car il est bien évident que les accords collectifs seront rendus prioritaires par rapport à la loi. Tout cela est présenté comme un cercle vertueux – le mot a été prononcé par la ministre. Mais faites attention : à force de caresser ce cercle, il deviendra vicieux. Je crois même qu’il l’est déjà dans le texte.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE65 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Je n’ai pas déposé d’autre amendement à l’article 2. Mais ayant lu ce dernier de la manière la plus pointilleuse possible, j’ai découvert ce superbe alinéa 92 qui prévoit qu’ « à titre exceptionnel dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, des dépassements de la durée de quarante-six heures peuvent être autorisés pendant des périodes déterminées dans des conditions déterminées par décret. » Entre la première et la seconde version du projet de loi, il me semble que cet alinéa aurait mérité quelque correction. Ne me voyant pas le voter compte tenu de ses multiples imprécisions, je propose de le supprimer.
M. le rapporteur pour avis. Ainsi que la ministre l’a expliqué tout à l’heure, le Gouvernement a simplement pris la précaution de réécrire en totalité certains chapitres et articles du code du travail. Cet alinéa est la stricte réécriture de l’actuel article L. 3121-36 du code.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Qui va décider des secteurs, des régions et des entreprises concernés par cet alinéa ? Il aurait mieux valu adopter mon amendement.
M. André Chassaigne. Cet alinéa précise que ces dépassements peuvent être autorisés à titre exceptionnel dans des conditions fixées par décret. Or, on sait très bien que les décrets évoluent en fonction des personnes qui sont aux manettes. Non seulement cet alinéa est dangereux dans sa rédaction mais, pour reprendre une expression auvergnate, il nous fait acheter un âne dans un sac. On ne sait ce qu’on retrouvera demain dans ce sac, selon que tel ou tel le portera et en définira le contenu.
M. Christophe Borgel. Comme l’a rappelé le rapporteur, il s’agit là de la rédaction actuelle du code du travail. Et le fait que ces dépassements ne puissent être prévus que par décret est précisément ce qui fonde leur caractère exceptionnel. On ne prend pas tous les matins des décrets. Ces dérogations doivent véritablement être justifiées et ne peuvent être accordées dans le cadre d’un accord d’entreprise ni de branche. Ce texte peut sembler flou à la lecture mais encore une fois, la disposition, qui reprend la rédaction actuelle du code du travail, aura un caractère tout à fait exceptionnel.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je comprends l’inquiétude de notre collègue Daniel Goldberg. Allez faire comprendre à un inspecteur du travail que vous lui demandez une dérogation exceptionnelle pour un événement exceptionnel : vous verrez qu’il prendra un certain temps à vous répondre, parfois après le moment exceptionnel où vous auriez eu besoin de la dérogation.
M. Daniel Goldberg. L’article L. 3121-36 du code du travail actuel dispose qu’à titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, des dérogations applicables à des périodes déterminées peuvent être apportées à la limite de quarante-six heures. Mais on nous demande ici de légiférer sur des dispositions supplétives qui s’appliqueront en l’absence d’accord et qui seront fixées par la suite par décret dans un cadre imprécis. Vous comprendrez que dans ces conditions, je maintienne mon amendement.
M. le rapporteur pour avis. On voit bien à quels éléments le projet de loi fait référence lorsqu’il vise « certains secteurs, certaines régions ou certaines entreprises » : la saisonnalité, par exemple, qui peut nécessiter des dérogations hebdomadaires temporaires à la durée légale du travail. On ne peut citer tous les cas dans la loi, sans quoi l’on tomberait dans une liste à la Prévert. C’est pourquoi le projet de loi, comme le droit en vigueur, renvoie au décret la possibilité d’accorder de telles dérogations.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle aborde l’amendement CE96 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. L’alinéa 109 prévoit que le taux de majoration des heures supplémentaires ne peut être inférieur à 10 %. Or, aujourd’hui, le code du travail prévoit une majoration de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % au-delà. Fixer le taux minimal à 10 % aurait un impact direct sur le revenu des salariés en les précarisant. Je rappelle qu’est visée dans l’intitulé du projet de loi la notion de protection des actifs – qui inclut selon moi la protection de leur pouvoir d’achat.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui va bien au-delà du droit existant. Le taux fixé à l’article L. 3121-22 du code du travail est effectivement de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les heures suivantes. Mais un accord collectif de branche ou d’entreprise peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut cependant être inférieur à 10 %. C’est précisément ce que prévoit le projet de loi : l’accord d’entreprise, ou, à défaut, l’accord de branche, fixera le taux de majoration des heures supplémentaires sans pouvoir descendre en dessous de 10 %. Si aucun accord n’est conclu, ce sont les taux légaux de 25 et de 50 % qui s’appliqueront. La seule différence entre le droit existant et le projet de loi, c’est donc que nous autorisons des accords d’entreprise à accorder des taux moins favorables que ceux prévus par les accords de branche.
Mme Marie-Lou Marcel. Il y a actuellement très peu d’accords de branche qui autorisent un taux de majoration des heures supplémentaires de 10 %. Le fait d’autoriser un accord d’entreprise à le faire revient donc à élargir cette possibilité, sachant que la négociation d’entreprise se fait entre employeur et salarié.
M. le rapporteur pour avis. C’est déjà possible.
Mme Marie-Lou Marcel. La loi en vigueur prévoit qu’un accord de branche peut autoriser une majoration de 10 % de la rémunération des heures supplémentaires.
M. Daniel Goldberg. La grande différence, c’est que dans le droit actuel, un accord de branche peut s’opposer à ce que la rémunération des heures supplémentaires soit majorée de 10 % par un accord d’entreprise. Le projet de loi prévoit, lui, qu’une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche, peut fixer un taux de 10 %. C’est pourquoi j’ai demandé tout à l’heure devant Mme la ministre que des accords de branche encadrent les dispositions pouvant être négociées au plus près de l’entreprise.
M. Christophe Borgel. Il est proposé de fixer un seuil de validation des accords plus élevé que dans le droit actuel et de conditionner la signature de ceux-ci à la présence d’organisations syndicales ou de salariés mandatés par ces dernières. Il ne me paraît pas évident que des organisations syndicales puissent négocier un accord d’entreprise plus défavorable aux salariés que ne l’est l’accord de branche même si je partage votre préoccupation, compte tenu du développement des accords d’entreprise, des pressions existantes et des conditions de négociation parfois défavorables aux salariés.
Alors on peut estimer que s’il y a un accord, il est en principe favorable aux salariés de l’entreprise, à ce moment donné.
Faisons le pari de la confiance dans la démocratie sociale – encadrée par des seuils de majorité, par le mandatement… L’une des grandes différences entre la première version du projet de loi qui a été connue du public et celle que nous examinons, c’est la disparition des discussions sans les organisations syndicales, des transformations à l’initiative du seul chef d’entreprise, des modifications du contrat de travail dans le cadre de la seule relation entre le dirigeant et le salarié. La logique du projet de loi est donc bien celle de la négociation sociale, avec des majorités à atteindre – c’est-à-dire avec la nécessité de convaincre.
L’idée que l’on doive décider a priori ce qui est favorable aux salariés, en verrouillant complètement les dispositions législatives, me paraît discutable.
La commission rejette l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE118 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Cet amendement tend à conserver la période de référence d’un an actuellement utilisée pour le décompte des heures supplémentaires. La période de trois ans prévue par le projet de loi serait préjudiciable à l’organisation du travail et de la vie des salariés ; elle engendrerait pour eux des charges supplémentaires.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette disposition répond à une attente des partenaires sociaux ; il faut préciser qu’elle concerne un nombre restreint d’entreprises, celles qui disposent d’une grande visibilité sur leur carnet de commandes : je pense notamment au secteur aéronautique, où la production peut être organisée sur plusieurs années.
Cet amendement leur permettra d’aménager au mieux le temps de travail et les heures supplémentaires, dans le cadre bien sûr d’une discussion avec les partenaires sociaux. Pour éviter tout abus, cette disposition est très encadrée, puisqu’il faudra pour la mettre en œuvre à la fois un accord de branche et un accord d’entreprise.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE119 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Il s’agit toujours de revenir à une période d’un an, au lieu de trois. Le titre du projet de loi évoque « de nouvelles protections » : cela doit concerner non seulement les entreprises, mais aussi les salariés.
M. le rapporteur pour avis. C’est bien pour protéger les salariés que ces dispositions ne peuvent être utilisées qu’après la signature non seulement d’un accord de branche, mais aussi d’un accord d’entreprise. Il y a donc une double garantie.
La commission rejette l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CE120 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Même logique que les amendements précédents.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable également. L’alinéa 145 est justement celui qui encadre strictement le dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Elle se penche alors sur l’amendement CE146 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à mieux prendre en considération la situation des petites et moyennes entreprises – c’est une préoccupation que nous sommes nombreux à partager. La possibilité d’aménager le temps de travail sur une période supérieure à la semaine même en l’absence d’accord d’entreprise était ouverte dans le texte initial du Gouvernement pour seize semaines ; elle est maintenant fixée à neuf semaines. Je propose de la porter à douze semaines, c’est-à-dire un trimestre. La visibilité sur le carnet de commandes est alors suffisante ; de plus, l’entreprise réalise tous les trois mois une situation intermédiaire de gestion afin de surveiller la bonne marche de l’entreprise.
La période de douze semaines me semble donc la plus adaptée : elle permettra aux entreprises de planifier au mieux leur activité ; elle est également appropriée pour les salariés.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE121 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Le projet de loi autorise un renoncement aux congés payés. Mais ceux-ci relèvent des politiques de santé publique : inciter des salariés à renoncer à leurs congés pour les convertir en augmentation de salaire – quand bien même ce serait leur choix – pourrait entraîner des problèmes de santé. En outre, cette disposition serait contraire à l’universalité des droits à congés payés.
Je propose donc la suppression de ces dispositions.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Encore une fois, le projet de loi ne fait que reprendre le droit actuel, qui offre aux salariés – après un accord formel avec leur employeur – la possibilité de renoncer à une partie de leurs jours de repos en contrepartie d’une majoration de leur salaire.
La commission rejette l’amendement.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE122 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Il est souhaitable de maintenir, pour les salariés non cadres au forfait jours qui convertissent des congés payés en heures de travail, une majoration conforme à la majoration applicable aux heures supplémentaires, c’est-à-dire 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le droit actuel prévoit une majoration minimale de 10 %. Votre amendement propose d’assimiler ces heures à des heures supplémentaires, mais ces heures travaillées ne constituent pas des heures supplémentaires. Elles se substituent simplement à des heures de congé.
Mme Marie-Lou Marcel. Je propose de calculer la rémunération de ces heures sur la même base.
M. le rapporteur pour avis. Mais il ne s’agit pas ici d’heures supplémentaires ; c’est un échange.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CE55 de Mme Audrey Linkenheld.
Elle examine ensuite l’amendement CE126 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. J’estime, je le redis, que les salariés au forfait ne doivent pas pouvoir renoncer à leurs jours de repos. En outre, la possibilité d’un tel renoncement créerait une rupture d’égalité entre ces salariés et les salariés non soumis au forfait. À terme, on peut d’ailleurs craindre que des salariés non soumis au forfait jours ne demandent à renoncer eux aussi à leurs propres congés payés.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. La règle actuelle est que le nombre de jours travaillés ne peut excéder 235 par an, et le projet de loi ne fait que reprendre le droit existant.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE128 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Les conditions de travail des salariés travaillant la nuit ne peuvent être déterminées uniquement par un décret en Conseil d’État. Cet amendement vise donc à intégrer dans la loi les actuelles dispositions du code du travail. Un suivi médical sérieux et effectif de ces salariés est indispensable.
M. le rapporteur pour avis. Ces dispositions figurent en effet dans le code du travail ; elles n’en sont pas moins de nature réglementaire. Il n’y a pas de raison de les hisser au niveau législatif.
M. Daniel Goldberg. J’entends votre objection, mais en n’écrivant rien dans la loi, nous nous en remettons sans autre forme de précision à la plume du Gouvernement – en qui j’ai naturellement la plus grande confiance, mais celle-ci n’exclut ni le contrôle, ni l’encadrement, sur ce sujet très sensible.
Je ne suis pas signataire de cet amendement, et je ne sais pas s’il faut intégrer l’ensemble de ces dispositions dans la loi, mais le projet actuel est absolument muet.
M. le rapporteur pour avis. Le projet de loi maintient le droit actuel. Il ne faut pas inscrire dans la loi des détails qui seraient par la suite source de contentieux, ou simplement de difficultés matérielles. Ainsi, l’amendement reprend la disposition selon laquelle « un travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail » ; or la pénurie de médecins du travail est aujourd’hui criante, disons-le franchement. Une telle disposition, inscrite dans la loi, interdirait à un décret d’ajuster ou d’aménager ces textes.
La loi dispose que « tout travailleur de nuit bénéficie d’une surveillance médicale particulière ». Les conditions d’application de ce principe sont déterminées par décret en Conseil d’État. Il revient ensuite au Gouvernement de choisir des dispositions adaptées à la réalité du terrain.
Mme Marie-Lou Marcel. À mon sens, le renvoi à un décret alors que le code du travail comporte aujourd’hui des dispositions précises est une régression.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement CE136 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. En matière de temps partiel, je considère qu’il est nécessaire de s’entourer d’importantes garanties. C’est pourquoi, dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, il me paraît indispensable d’aller au-delà de la simple information prévue et de prévoir un avis de l’inspection du travail.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Si l’avis n’est pas conforme, cela n’apporte rien. Le médecin, informé, est en mesure de réagir s’il le souhaite.
Mme Marie-Lou Marcel. Demander un avis, c’est signifier que l’on attend une expression de l’inspection du travail à la suite de l’information délivrée. Ce n’est pas la même chose.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine alors l’amendement CE137 de Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. Les heures complémentaires des salariés à temps partiel doivent être majorées, comme c’est le cas aujourd’hui, de 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà. Ces salariés sont fragiles, en termes tant de statut que de rémunération, et 80 % d’entre eux sont des femmes, souvent en situation précaire.
Une majoration de 10 % ne leur permettra pas de sortir de la précarité.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le projet de loi reprend le droit existant, que je vous propose de conserver.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle se saisit de l’amendement CE51 de Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got. Il existe aujourd’hui un contrat de travail intermittent, qui est un contrat à durée indéterminée destiné à pourvoir des emplois permanents mais où alternent, par nature, des périodes travaillées et non travaillées. Grâce à ce contrat, les saisonniers ont l’assurance de retrouver chaque année le même poste ; ils bénéficient dans l’entreprise des mêmes droits que les salariés à temps plein. Ce contrat leur est donc favorable.
Malheureusement, il est trop peu utilisé ; il implique en effet la conclusion d’un accord de branche ou d’entreprise. L’amendement vise donc à permettre à toutes les entreprises d’y avoir recours, même en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise, dès lors qu’elles doivent pourvoir des emplois saisonniers.
M. le rapporteur pour avis. Avis favorable. Nous reviendrons sur cette question du travail saisonnier, qui est un sujet important. Les branches concernées sont souvent peu structurées, et les accords qu’elles concluent ne correspondent pas toujours aux besoins des entreprises. Or ce contrat à durée indéterminée destiné aux travailleurs saisonniers est une bonne idée : il me paraît pertinent d’encourager les entreprises à l’utiliser davantage. Celles-ci ont vraiment besoin de stabiliser leurs effectifs, même saisonniers ; c’est vrai dans la viticulture ou dans le tourisme, par exemple. Quant aux salariés, un tel contrat pourrait leur donner des perspectives à long terme, et on sait ce qu’un CDI peut signifier dans les relations avec une banque, ou pour trouver un logement. Il serait dommage que les entreprises n’y aient pas recours.
M. André Chassaigne. Le sujet des saisonniers est ancien ; M. Anicet Le Pors lui avait consacré un rapport en 1999, dans lequel il proposait notamment une reconnaissance de l’ancienneté. Cela avait été l’objet d’un amendement que j’avais eu la chance de faire voter – c’était sous une majorité précédente, qui acceptait parfois quelques amendements.
M. Anicet Le Pors n’avait pas retenu l’idée d’un CDI ; il avait proposé plutôt une sorte de reconduction mécanique des contrats après deux, trois voire quatre années. Si ce contrat ne rencontre pas un succès fou, c’est sans doute aussi parce que le salarié risque de se voir refuser l’indemnisation chômage pendant les périodes où il ne travaille pas.
De plus, vous proposez un contournement de l’accord de branche ; or je défends justement leur primauté.
Je m’abstiendrai cet après-midi, mais j’étudierai de plus près cet amendement, qui nous a été distribué tardivement.
Mme la présidente Frédérique Massat. Je précise que si cet amendement n’a pas été imprimé avec le reste de la liasse, c’est parce qu’il avait d’abord été déclaré irrecevable par le président de la commission des finances. Mais il a bien été déposé dans les délais prévus.
M. André Chassaigne. Je ne vous faisais aucun reproche, madame la présidente.
Mme Pascale Got. Mon amendement s’appuie sur un autre rapport, celui de M. François Nogué, qui porte sur le développement de l’emploi touristique, ainsi que sur les meilleurs moyens d’apporter de plus longues perspectives aux salariés. Ce CDI ouvre de surcroît des droits à formation.
Avec deux CDI de ce type, un salarié retrouve, sous de nombreux aspects, les conditions de travail d’un autre salarié en CDI.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je comprends bien l’intention de Mme Pascale Got. Je veux souligner l’existence d’un dispositif inventé par votre majorité, mais en 1985 : les groupements d’employeurs. Ils permettent de déprécariser des travailleurs saisonniers en juxtaposant des périodes de travail dans différentes entreprises. Je suis moi-même président bénévole d’un groupement d’employeurs ; nous avons 70 CDI, et nous avons pu conclure de nouveaux contrats même dans les périodes de crise, en partageant des emplois qualifiés, en mettant bout à bout des emplois saisonniers. J’ajoute qu’un CDI dans un groupement d’employeurs vaut bien plus qu’un CDI dans une entreprise.
M. le rapporteur pour avis. Les groupements d’employeurs sont en effet très intéressants. Mais le mieux n’est pas l’ennemi du bien : la disposition que propose cet amendement – même si, M. André Chassaigne a raison, elle déroge à l’obligation d’un accord de branche – est bénéfique : elle donnera de la visibilité à des salariés saisonniers.
Mme Pascale Got. En effet, l’un n’empêche pas l’autre. De plus, il est difficile de mettre en place des groupements d’employeurs qui réuniraient des entreprises du tourisme littoral et du tourisme en montagne… La coordination est délicate. C’est pourquoi le CDI intermittent est utile pour des TPE ou PME.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Bien sûr, et je voterai votre amendement !
La commission adopte l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.
Article 10
(art. L. 2232-12, L. 2232-13, L. 2231-7 à L. 2231-9, L. 2242-20, L. 2391-1 et L. 7111-9 du code du travail, art. L. 6524-4 du code des transports)
Généralisation des accords majoritaires d’entreprise
La commission examine d’abord l’amendement CE138 de Mme Marie-Lou Marcel, tendant à supprimer l’article.
Mme Marie-Lou Marcel. Les dispositions figurant aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13 du code du travail sont satisfaisantes et il n’y a pas lieu de les modifier. On ne résoudra pas la crise du syndicalisme en durcissant les critères de représentativité des syndicats. Ces questions doivent faire l’objet d’une vraie concertation avec les organisations syndicales, afin d’en arriver à des propositions réellement consensuelles.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, évidemment. L’article 10 est au cœur du projet de loi ; il constitue l’aboutissement logique de la réforme de 2008 qui a modifié la représentativité syndicale. Il faut davantage de participation et de démocratie dans les entreprises, mais aussi dans les branches ; il faut améliorer le dialogue social, et rendre plus représentatives les organisations qui le structurent.
Les accords seront, avec ce projet de loi, réellement majoritaires. Il s’agit d’un réel progrès démocratique qu’il est impératif de conserver. C’est l’âme même de ce texte.
M. André Chassaigne. Je ne pense pas qu’il s’agisse là d’un progrès démocratique, loin de là. Des organisations représentant plus de 30 % des salariés pourront appeler à un référendum. La belle affaire ! Sous prétexte de démocratie directe dans l’entreprise, on va affaiblir la légitimité syndicale en ouvrant la possibilité de contourner les organisations majoritaires. C’est la porte ouverte à de nombreuses dérives… Un salarié en difficulté, angoissé même, n’est pas forcément en mesure d’émettre un vote objectif. Le pistolet sur la tempe, on peut aller contre ses propres intérêts !
M. Christophe Borgel. On connaît cette réalité de la pression qui s’exerce parfois sur les salariés d’une entreprise. Mais il faut comparer ce que propose le projet de loi à ce qui existe aujourd’hui, où la signature d’une organisation syndicale représentant 30 % des salariés suffit à valider un accord d’entreprise. À ceux de nos collègues qui craignent – et c’est un vrai danger, que l’on ne peut pas balayer d’un revers de main – des accords défavorables aux salariés, je fais remarquer qu’une organisation minoritaire, qui serait dans la main du chef d’entreprise, pouvait hier valider un accord ; demain, il faudra pour cela soit une organisation ayant recueilli plus de la moitié des suffrages, soit un référendum demandé par des organisations représentant 30 % des salariés.
Le seuil de 30 % ne permettra donc plus de valider l’accord, mais seulement de provoquer une consultation. On peut être en désaccord ; on peut défendre la position suivant laquelle il faut en rester aux accords de branche en toutes circonstances, ce qui n’est pas mon point de vue. Mais on ne peut pas dire que ce projet de loi est moins favorable aux salariés que l’actuel code du travail.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis très choqué par l’emploi de l’image du salarié sur lequel l’on pointe un pistolet sur la tempe. Ce sont des expressions qu’il faudrait rayer du vocabulaire si l’on veut débattre sereinement du monde du travail. On pourrait parler de salariés très inquiets du devenir de leurs entreprises… Mais je crois à l’intelligence collective, et si les salariés sont inquiets, le patron l’est sûrement aussi.
M. Daniel Goldberg. Il faudra, pour valider un accord majoritaire, la signature d’organisations syndicales représentant plus de 50 % des salariés : la règle de l’accord majoritaire, qui existe aujourd’hui dans la fonction publique, est ainsi étendue. C’est un progrès par rapport à notre droit actuel, où des accords peuvent être validés par des organisations représentant 30 % des salariés seulement : on encourage ainsi la discussion et la recherche d’un compromis dans l’entreprise.
Mais cet article ouvre également une possibilité de recours au référendum. Dans la première version du texte, le chef d’entreprise pouvait en décider seul ; désormais, il faut pour l’organiser une demande d’organisations syndicales de salariés représentant plus de 30 % des suffrages. C’est la suite du débat que nous avions l’an dernier sur le travail dominical : le principe, c’était « pas d’accord, pas d’ouverture ». Dans une grande enseigne, un référendum a été organisé pour pousser à la conclusion d’un accord… Aujourd’hui, si les organisations syndicales majoritaires s’opposent à un accord, il n’est simplement pas validé. Avec le projet de loi, un référendum peut valider un accord malgré l’opposition des organisations majoritaires. On imagine alors la pression qui pourra s’exercer sur les salariés – d’autant que ces dispositions ne s’appliqueront pas seulement aux accords de maintien de l’emploi, mais aussi aux accords de développement de l’emploi.
Il est donc délicat de placer le curseur au bon endroit. Si l’on pense, comme Mme la ministre a dit tout à l’heure, que ces référendums ne seront qu’exceptionnels, alors il faut se demander si l’accord majoritaire fonctionnera mieux que la règle actuelle : je rappelle que quelque 35 000 accords d’entreprise sont signés chaque année, y compris par des organisations dont on pense qu’elles y rechignent généralement.
M. André Chassaigne. Toute la question est de savoir quelle considération l’on a pour les organisations syndicales.
Aujourd’hui, la représentativité syndicale se fonde sur le vote des salariés aux élections professionnelles et, si un accord peut être réputé valide lorsqu’il a été signé par un syndicat ayant obtenu 30 % des voix, il ne faut pas oublier qu’il est rejeté si des syndicats ayant obtenu plus de la moitié des suffrages s’y opposent.
Or le texte propose que, désormais, un accord qui n’a été approuvé que par un syndicat représentant 30 % des salariés puisse être validé par la consultation directe des salariés, grâce à un référendum, et ce malgré l’opposition des syndicats majoritaires. C’est un coup assez grave porté aux organisations syndicales, qui risquent de s’en trouver durablement affaiblies. On a pourtant besoin de ces organisations syndicales, qui savent analyser les situations, formuler des propositions et relayer la parole de la majorité des salariés. Cet article ouvre donc, selon moi, la porte à de nombreuses dérives.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE79 de M. André Chassaigne, CE66, CE67, CE68 et CE69 de M. Daniel Goldberg.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’amendement de M. André Chassaigne. J’aimerais le convaincre que la participation des salariés n’est pas l’ennemie des organisations représentatives. C’est précisément par l’exercice de la démocratie sociale que l’on peut prendre goût à l’engagement syndical, et la pratique du dialogue social peut faire comprendre aux salariés qu’ils ont besoin des analyses, des conseils et de l’expertise de leurs délégués syndicaux. Encourager la participation par le référendum n’est donc en aucun cas un désaveu des partenaires sociaux.
M. Daniel Goldberg. L’amendement CE66 propose qu’une organisation syndicale ne puisse, de son seul fait, proposer un référendum, quand bien même elle aurait recueilli 30 % des suffrages. Pour que le référendum ait lieu, deux organisations au moins devront l’avoir proposé.
M. le rapporteur pour avis. Je ne vois pas en quoi deux organisations ayant recueilli chacune 15 % des voix se trouveraient plus légitimes qu’une seule organisation ayant obtenu plus de 30 % des voix pour demander un référendum. Avis défavorable.
M. Daniel Goldberg. Dans certaines entreprises, les représentants du personnel n’ont pas nécessairement une bonne appréhension des questions qui se posent aux salariés à l’échelle nationale. Puisqu’il s’agit par ce référendum de contourner le résultat des élections professionnelles, il me paraît utile qu’il y ait pluralité des organisations syndicales qui le proposent.
L’amendement CE67, quant à lui, vise à ce que les organisations syndicales susceptibles de demander un référendum destiné à contourner la règle de représentativité aient obtenu au moins 50 % des suffrages aux élections professionnelles. Cela signifie qu’une organisation ayant signé l’accord et une organisation qui reste dans l’expectative peuvent s’entendre pour s’en remettre aux salariés. En effet, les critiques suscitées par la mise en place du référendum se sont beaucoup focalisées sur le fait qu’une organisation ayant obtenu un score de 30 % aux élections professionnelles pouvait décider de s’en remettre au référendum, avec tous les risques de pressions susceptibles de s’exercer sur les représentants ou sur les salariés. L’amendement répond à cette critique, et permettrait sans doute que l’article 10 soit mieux accepté.
M. le rapporteur pour avis. Vous décrivez une situation où les organisations majoritaires et ayant, de ce fait, la capacité de signer un accord, renonceraient à cette prérogative au profit de l’organisation d’un référendum. Cela me laisse dubitatif, et je ne vois pas en quoi cela pourrait renforcer lesdites organisations. Avis défavorable.
M. André Chassaigne. Si je suis opposé au fait que le référendum soit inscrit dans la loi, cela n’empêche pas que, dans les faits, certaines organisations syndicales, même majoritaires, consultent déjà les salariés d’une entreprise. C’est même une pratique relativement courante.
M. Daniel Goldberg. Il arrive également que des organisations politiques majoritaires au niveau national sollicitent les Français par voie référendaire, sans que cela les prive pour autant du pouvoir de représentation que leur ont conféré les élections.
M. André Chassaigne. Elle ne tiennent d’ailleurs pas forcément compte du résultat !
M. Daniel Goldberg. Il serait en revanche inimaginable et inacceptable qu’une minorité puisse décider, au niveau local, par exemple, qu’un référendum se tienne pour statuer sur une question qui intéresse la collectivité.
M. Christophe Borgel. La comparaison que vient de faire M. Daniel Godberg avec les élus locaux me paraît osée, et il me semble plus productif de comparer ce que propose le texte de loi à ce qui existe déjà.
Aujourd’hui, une organisation syndicale ayant obtenu 30 % des voix peut signer un accord.
M. André Chassaigne. Sauf si des organisations ayant obtenu plus de 50 % des voix s’y opposent.
M. Christophe Borgel. Certes, mais cette précision est aujourd’hui sans objet puisqu’il faut désormais être majoritaire pour pouvoir valider un accord.
L’idée est de mettre en place les outils les plus à même de faire vivre le dialogue social et, en l’occurrence, les propositions faites me semblent aller dans un sens propice au développement des organisations syndicales, à qui est conféré un rôle qu’elles n’avaient pas jusqu’alors.
Une organisation ayant obtenu 30 % des voix ne pourra plus valider seule un accord, mais elle pourra décider d’une consultation des salariés, ce qui ne me paraît pas une si grave remise en cause de ce qui existe à l’heure actuelle.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Il me semblait que ce texte concernait les « nouvelles libertés » concédées aux entreprises, mais de quelles entreprises parle-t-on ? Dans la plupart d’entre elles, représentant 95 % de l’emploi en France, il n’y a pas d’organisations syndicales. D’où le fait que nous nous échinions à vous convaincre qu’il faut des accords d’entreprise. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que nos débats soient de nature à rapprocher les salariés des syndicats ; ils y trouveront plutôt la confirmation qu’il est difficile de s’y retrouver, a fortiori lorsque les positions des représentants locaux, régionaux et nationaux sont divergentes.
M. Daniel Goldberg. Le texte prévoit un protocole établissant les modalités d’organisation du référendum. Nous proposons, par l’amendement CE68, que ce protocole soit adopté six mois avant toute consultation.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable également. Un délai de six mois me semble démesuré pour établir un protocole concernant l’organisation d’un référendum à l’échelle d’une entreprise, surtout s’il faut tout recommencer, avec un nouveau délai de six mois, en cas d’échec.
M. Daniel Goldberg. Il s’agit que les entreprises fixent leur protocole avant d’être au pied du mur, face à l’échéance d’un référendum. Je pense qu’il serait préférable, y compris pour les chefs d’entreprise, que les conditions d’organisation du référendum soient négociées à froid. Par ailleurs, ce protocole sera négocié et valable une fois pour toutes.
L’amendement CE69, enfin, tend à ce qu’un accord ne soit valide que si la participation au référendum a regroupé 65 % des salariés, ce qui correspond au taux de participation moyen aux élections professionnelles. Cela me paraît un bon étiage, dans la mesure où la validation de l’accord aura des conséquences sur le contrat de travail des salariés.
M. le rapporteur pour avis. Aucun quorum n’est requis pour l’organisation de ces référendums, même s’il est souhaitable que les salariés se mobilisent fortement à l’occasion d’une consultation de ce type. Seule la règle majoritaire s’applique en l’occurrence. Avis défavorable.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je considère qu’un accord d’entreprise exige le vote obligatoire de tous les salariés et une comptabilisation des bulletins blancs, de façon à ce qu’un chef d’entreprise puisse prendre conscience, si ces derniers sont majoritaires, que son projet mérite d’être revu.
M. André Chassaigne. Je tenais à saluer l’exercice sportif de M. Daniel Goldberg, qui mériterait une médaille d’or en aviron, car il « rame » beaucoup pour tenter de rendre ce texte acceptable. Je préfère pour ma part son retrait radical, car je doute que, même amendé, il soit suffisamment digeste pour que nous puissions l’avaler.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE4 de M. Hervé Pellois.
M. Hervé Pellois. Le but de cet amendement est de renforcer la légitimité des accords collectifs dans les chambres d’agriculture.
En effet, même si la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a instauré une mesure de la représentativité syndicale, il n’existe pas de règles en matière de capacité à négocier, ni de conditions de validité des accords. Ainsi, actuellement, dans le réseau des chambres d’agriculture, une organisation syndicale non représentative peut être invitée à négocier et peut conclure un accord s’appliquant à tous les salariés. Dans un contexte où les négociations vont être indispensables pour organiser la régionalisation et la modernisation du réseau, il est essentiel de conforter la légitimité des accords collectifs. C’est ce que propose cet amendement en renforçant la majorité nécessaire pour conclure des accords.
La validité d’un accord d’établissement sera ainsi subordonnée désormais à la signature d’une organisation syndicale ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés. Si cette condition n’est pas satisfaite, une organisation ayant recueilli plus de 30 % des suffrages pourra indiquer qu’elle souhaite consulter les salariés par référendum.
Ce renforcement de la légitimité des accords collectifs est nécessaire et ne fait qu’aligner le régime des chambres d’agriculture sur ce qui est prévu par le projet de loi et les dispositions existantes.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à améliorer les conditions du dialogue social dans le réseau des chambres d’agriculture. Il s’agit d’un sujet sur lequel la loi d’avenir pour l’agriculture a déjà permis des avancées importantes en faveur des salariés, en particulier en tentant d’aboutir à une position d’équilibre au regard du statut particulier des salariés du réseau consulaire.
Dans un contexte où les négociations vont être indispensables pour organiser la régionalisation du réseau, je pense comme vous qu’il est essentiel de renforcer la légitimité des accords collectifs par le renforcement de la majorité dite « d’engagement », nécessaire pour conclure les accords. Je suis donc favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE71 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Aux termes de l’alinéa 37 de l’article 10, la commission de refondation instituée par l’article 1er du projet de loi doit remettre un rapport au Gouvernement, rapport dont il n’est pas mentionné qu’il doive être présenté au Parlement. Or il semble que les recommandations contenues dans ce rapport soient vouées, à terme, à avoir force de loi, puisqu’elles concerneront au 1er septembre 2019 la totalité des accords collectifs. Cela nécessite, selon moi, que ce rapport soit soumis au Parlement, et c’est l’objet de l’amendement.
M. le rapporteur pour avis. Sur le principe, je ne conteste pas votre proposition, mais sa rédaction mérite d’être revue. Je vois mal en effet comment le Parlement pourrait adopter les conclusions d’un rapport d’une commission d’experts.
Par ailleurs, cet article ne prévoyant pas de loi d’habilitation, on peut supposer que les conclusions de la commission exigeront, pour être mises en pratique, une traduction législative.
Je vous propose donc de retirer l’amendement, afin de le reformuler d’ici l’examen en séance.
M. Daniel Goldberg. En l’état, je ne pourrai voter un projet de loi instaurant une commission qui reformule le code du travail sans que ses travaux fassent l’objet d’une validation législative. Sans doute est-ce un oubli intervenu entre les deux rédactions du texte.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement de correction CE70 de M. Daniel Goldberg.
Puis elle en vient à l’amendement CE72 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Il s’agit de préciser qu’il ne peut y avoir d’élargissement systématique de la nouvelle règle de validité des accords d’entreprise portant sur la durée du travail, les repos et les congés à l’ensemble des accords collectifs, au plus tard au 1er septembre 2019, et ce sans évaluation préalable du dispositif. Un passage devant le Parlement me semble nécessaire.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le principe de validation des accords par une majorité de 50% étant posé, il n’y a pas lieu de reporter sine die son application à l’ensemble des accords collectifs.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE43 et CE44 de M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet. L’amendement CE43 est relatif à l’application des conventions collectives dans les territoires ultramarins. En effet, l’article 16 de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, dite « loi Perben », autorise la non-application des conventions collectives nationales sur les territoires ultramarins, dès lors qu’il n’y est pas mentionné explicitement le contraire.
L’intention du législateur était de laisser une plus grande place au dialogue social local, lequel, malheureusement est inexistant : ainsi, à La Réunion, depuis 1994, seules quelques conventions collectives ont été conclues dans les secteurs du commerce et de l’automobile, et une seule convention collective régionale est aujourd’hui d’application effective, celle du bâtiment.
Le présent amendement a donc vocation à supprimer une inégalité manifeste envers les salariés de nos territoires, en modifiant cet article de loi pour que les conventions collectives nationales s’appliquent. Ainsi, les prochaines conventions collectives s’appliqueraient aux outre-mer avec une mise à jour progressive, puisque elles se renégocient obligatoirement tous les ans pour les salaires, tous les trois ans pour l’égalité entre femmes et hommes, les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et l’apprentissage, tous les cinq ans enfin pour les classifications et l’épargne salariale.
Cet amendement prend en compte la situation des entreprises en ce sens que les conventions conclues avant le 1er janvier 2017 devront préciser si elles s’appliquent aux outre-mer. Il n’y aura donc pas de changement brutal.
Je rappelle qu’en 2014, lors d’une visite à La Réunion, M. Michel Sapin, alors ministre du travail, avait déclaré que la situation n’était pas satisfaisante et qu’il était parfois difficile de savoir quelles dispositions s’appliquaient ou non.
L’amendement CE44 est un amendement de repli, qui ouvre plus largement les possibilités de dérogation par des accords locaux en outre-mer et prévoit que les accords locaux déjà existants seront assimilés à des dérogations.
M. le rapporteur pour avis. La question de l’application des conventions collectives outre-mer est en effet un sujet complexe, les réponses pouvant varier selon la nature et le degré de syndicalisation dans les territoires concernés. Le Gouvernement nous a fait savoir qu’il entendait traiter ce sujet dans le cadre de la restructuration des branches. Je vous propose donc de retirer vos amendements pour les redéposer en séance, afin que le Gouvernement puisse y répondre.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l’amendement CE147 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le présent amendement propose que, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, différents canaux de négociation des accords d’entreprise soient ouverts.
Dans les entreprises employant moins de 50 salariés, dépourvues de délégué syndical, et dans lesquelles un procès-verbal a établi l’absence de représentants élus du personnel, les accords d’entreprise ou d’établissement pourront ainsi être négociés, conclus ou révisés par un ou plusieurs salariés élus à cet effet, ces salariés disposant de la capacité, s’ils le souhaitent, d’être mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau national ou interprofessionnel.
En l’absence de candidat à l’élection, ces accords d’entreprise ou d’établissement pourront être négociés, conclus et révisés par la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur, dans le respect des principes généraux du droit électoral.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Il s’agit d’un excellent amendement. Il est de nature à rassurer ceux qui expriment leur méfiance vis-à-vis des accords d’entreprise négociés en l’absence de responsables syndicaux, puisqu’il prévoit qu’il ne peuvent être adoptés qu’à la majorité des deux tiers des salariés, et non à la majorité simple comme dans les entreprises de cinquante salariés et plus. C’est donc l’assurance que les salariés ne seront pas piégés.
M. Daniel Goldberg. Cet amendement qui entend faciliter le dialogue dans les PME de moins de 50 salariés rejoint l’idée d’instaurer un chèque syndical, évoquée il y a quelque temps. Il propose, dans cette perspective, d’habiliter le délégué du personnel à négocier des accords d’entreprise dont la portée est considérable, puisqu’ils s’imposeront au contrat de travail signé précédemment entre le salarié et le chef d’entreprise.
Je sais les difficultés des petites entreprises, dans lesquelles la présence syndicale est faible, mais revenir sur le principe du mandatement revient à contourner la représentation syndicale. Je comprends qu’il s’agit d’éviter que les accords soient négociés entre le chef d’entreprise et un représentant extérieur à l’entreprise, mais il me semble qu’accepter qu’un représentant du personnel non mandaté, et qui n’a pas été élu pour cela, puisse négocier un accord d’entreprise s’éloigne de la philosophie du texte, telle que nous l’a exposée Mme la ministre en début de séance.
M. André Chassaigne. Vous ne pouvez pas ignorer les réalités du terrain. Que se passe-t-il dans les petites entreprises qui doivent se doter d’un comité d’entreprise car elles franchissent le seuil de 50 salariés ? Très souvent, les représentants du personnel au comité d’entreprise sont désignés, dans les faits, par le chef d’entreprise. Vouloir leur confier d’autres pouvoirs que la gestion du comité d’entreprise – mission qu’ils exercent avec beaucoup de bonne volonté et dans le souci de l’intérêt général –, en particulier la signature d’un accord collectif, me semble extrêmement dangereux et porteur de graves risques de dérive.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement doit être lu au regard de la majorité requise pour approuver l’accord. Dans une entreprise de douze salariés, l’accord, qui a été discuté par l’un d’entre eux qui a été désigné ou a bien voulu se proposer, doit encore être ratifié par huit salariés sur douze ! Il me semble que cette précaution garantit un niveau élevé d’adhésion à l’accord proposé et une protection suffisante.
Nous avons déjà eu cette discussion. L’objectif de ces dispositions est de favoriser la participation des salariés et l’« éducation » au dialogue social. Il s’agit de développer dans les PME une pratique du dialogue social qui peut encourager, par ricochet, la syndicalisation.
L’accord d’entreprise s’impose, en effet, au contrat de travail, mais on peut supposer qu’une telle majorité emporte l’approbation de la totalité des membres de l’entreprise.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je tiens à rassurer M. André Chassaigne. Cette disposition aura également pour effet d’encourager les patrons de petites entreprises à discuter avec leur personnel et à en faire une habitude, ce qui pourrait les inciter à passer le seuil des 50 salariés plus facilement – à titre personnel, je souhaiterais que ce seuil passe à 100 salariés. Je rappelle qu’il existe en France deux fois plus d’entreprises de 49 salariés que d’entreprises de 51 salariés… Le refus de franchir ce cap est souvent motivé par le saut dans l’inconnu que représente pour les chefs d’entreprise le dialogue social.
Je rappelle également que la relation humaine entre le patron et les salariés dans une PME est autrement plus forte que celle qui prévaut dans les entreprises où l’on arrache la chemise du directeur des ressources humaines…
La commission adopte l’amendement CE147.
Article 11
(art. L. 2254-2 [nouveau], L. 2323-15 et L. 2325-35 du code du travail)
Accords de préservation ou de développement de l’emploi
La commission examine les amendements identiques CE10 de Mme Michèle Bonneton et CE80 de M. André Chassaigne, tendant à supprimer l’article.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à supprimer l’article 11, qui rompt l’équilibre au profit de l’employeur, sans contrepartie suffisante pour les salariés.
M. André Chassaigne. En proposant la suppression de l’article, je rends service à certains de mes collègues socialistes…
Cet article introduit en effet dans le code du travail la possibilité pour les entreprises de recourir à des accords dits « offensifs », qui confortent l’inversion de la hiérarchie des normes en contrevenant notamment au principe de faveur. Ces accords, dont la signature n’est pas subordonnée à l’existence de difficultés économiques, pourront prévoir des dispositions moins favorables aux salariés en matière de rémunération et de temps de travail, qui s’imposeront à eux. J’insiste sur le fait qu’en cas de refus de la modification de son contrat de travail, le salarié sera licencié pour motif personnel.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’article 11 prévoit la mise en place de nouveaux accords en vue de préserver ou de développer l’emploi, sur le modèle des accords de maintien de l’emploi. À l’heure où notre pays connaît encore un chômage de masse, il serait malvenu de se priver d’un outil permettant d’éviter les licenciements.
Le dispositif proposé est certes imparfait, mais certains amendements visent, à bon escient, à l’encadrer plus précisément.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CE57 de Mme Audrey Linkenheld.
Mme Catherine Troallic. L’amendement vise à limiter à cinq ans la durée d’un accord de préservation ou de développement de l’emploi.
M. le rapporteur. Cet encadrement dans le temps me semble utile. J’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE73 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Si chacun comprend à quoi renvoie le maintien de l’emploi, le « développement » de l’emploi, invoqué pour justifier les accords offensifs prévus dans cet article, est une notion floue, à laquelle tout le monde adhère et qui n’engage pas à grand-chose. C’est pourquoi cet amendement tend à la préciser, en imposant dans l’accord la mention du nombre d’emplois créés ainsi qu’un calendrier. L’accord doit comporter des engagements précis de développement de l’emploi de la part de l’employeur, d’autant qu’il emporte des conséquences pour chacun des salariés sur la validité du contrat de travail qu’ils ont signé.
M. le rapporteur. Avis défavorable. L’exigence que vous proposez d’introduire risque fort de paralyser complètement le dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CE74 de M. Daniel Goldberg et CE139 de Mme Marie-Lou Marcel.
M. Daniel Goldberg. Lorsqu’un accord de préservation ou de développement de l’emploi est validé, se pose la question du licenciement du salarié qui le refuse.
L’alinéa 5 de l’article 11, que je propose de supprimer, précise que « ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique et repose sur une cause réelle et sérieuse ». Il est ensuite fait référence à la rupture du contrat de travail pour motif personnel.
Or, il me semble que nous sommes précisément dans un cas de licenciement économique. Le licenciement n’est pas lié à une quelconque faute du salarié qui constituerait une cause réelle et sérieuse. Chacun sait, en outre, que le licenciement pour motif économique et le licenciement pour motif personnel n’ont pas les mêmes conséquences.
Mme Marie-Lou Marcel. L’alinéa 3 de l’article 11 dispose que l’accord « ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié », tandis que l’alinéa 4 précise que le salarié « peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord ». Or, l’alinéa 5 indique que le licenciement consécutif au refus du salarié « ne constitue pas un licenciement pour motif économique ».
Mon amendement propose une rédaction de l’alinéa 5 plus cohérente avec les deux alinéas qui le précèdent.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable aux deux amendements.
Le premier, tel qu’il est rédigé, a pour conséquence de supprimer toute possibilité de licenciement. Quant au second, il aboutit au même résultat en gelant la situation. Il empêche l’employeur de prendre l’initiative d’une rupture du contrat de travail, quel qu’en soit le motif.
M. Jean-Charles Taugourdeau. L’accord d’entreprise doit avoir force de loi. Appliquons le principe de subsidiarité. Ne faisons pas à nos entreprises qui créent la richesse dans notre pays ce que nous reprochons souvent à l’Europe : laissons-les décider de leur avenir.
Mme Marie-Lou Marcel. L’alinéa 5 contredit les alinéas 3 et 4. Dès lors que le salarié « peut refuser la modification de son contrat de travail consécutive à l’application de l’accord », pourquoi son licenciement n’est-il pas considéré comme un licenciement pour motif économique ?
M. Daniel Goldberg. Il est tout de même curieux qu’un accord censé développer l’emploi puisse aboutir à un licenciement...
Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, vous plaidez pour une réglementation au plus près du terrain, mais, si on vous suivait, chaque ville pourrait édicter son propre code de la route !
Mon amendement n’empêche pas le licenciement : il supprime simplement l’exclusion du motif économique et la référence au motif personnel. Si l’entreprise choisit de se réorganiser aux termes d’un accord auquel le salarié ne souhaite pas se conformer, et si le chef d’entreprise considère que ce choix empêche la bonne marche de l’entreprise, le licenciement ne peut pas être fondé sur une faute du salarié.
M. André Chassaigne. Les députés du Front de gauche n’ont pas déposé d’amendements autres que de suppression, car ils se refusent à marchander le niveau de précarité, mais je voterai ces deux amendements.
Avez-vous pensé aux salariés des bassins d’emploi fragiles, sans perspectives d’emploi ? Avez-vous bien mesuré ce que cela représente pour des salariés d’être licenciés pour motif personnel ?
Mme Michèle Bonneton. Je m’associe aux arguments développés par mes collègues, et en ajoute un autre : cet article organise le dumping social sur notre territoire, puisque les conditions de travail pourront être différentes pour les salariés de deux entreprises produisant les mêmes objets. Il crée une distorsion de concurrence que ceux qui érigent la concurrence pure et parfaite en principe quasi sacro-saint ne peuvent pas accepter.
Le salarié qui refuse la modification de son contrat ne commet aucune faute. C’est l’entreprise qui modifie les règles du jeu en cours de route. C’est totalement inacceptable.
M. le rapporteur pour avis. Il est écrit dans le projet de loi : « lorsqu’un accord d’entreprise est conclu ». Or, pour signer un accord, il faut être deux. En outre, l’accord est conclu « en vue de la préservation ou le développement de l’emploi ».
M. André Chassaigne. C’est de l’habillage !
M. le rapporteur pour avis. Ce n’est pas de l’habillage, c’est le droit.
Lorsque les partenaires sociaux dans une entreprise signent un accord, celui-ci s’impose à l’ensemble des composantes, au patron comme aux salariés. Un salarié peut ne pas être satisfait des nouvelles conditions de travail qui en résultent. S’il refuse la modification et si l’employeur décide de rompre le contrat de travail, il n’y a pas matière à justifier un licenciement pour motif économique, puisque l’entreprise ne connaît pas de difficultés économiques.
Chaque salarié est libre de refuser la modification de son contrat de travail s’il considère qu’elle n’est pas adaptée.
Mme Marie-Lou Marcel. J’entends les explications du rapporteur, mais elles ne me convainquent guère. J’ai lu avec attention l’intitulé du projet de loi. Quelle « nouvelle protection » cet article apporte-t-il aux salariés ? Il me semble qu’en l’espèce il serait plus juste de parler de régression des droits des salariés.
M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, vous êtes certainement familier du cas de l’entreprise Bosch de Vénissieux, puisqu’elle est située dans votre circonscription. En 2004, 98 % des salariés ont voté en faveur de l’accord signé. Dix-huit salariés l’ont refusé et ont été licenciés. Il serait intéressant de savoir ce qu’ils sont devenus et de quel accompagnement ils ont bénéficié. Malgré les promesses, six ans plus tard, la direction a annoncé un plan social en totale contradiction avec l’accord qui avait été approuvé. Comment dans ce cas peut-on parler de confiance et encourager la mobilisation des salariés ?
M. Jean-Charles Taugourdeau. Le vote sur l’accord d’entreprise se déroule à bulletins secrets et non à main levée. Un salarié qui refuse le réaménagement de son poste n’a pas à démissionner : il est licencié, ce qui lui donne des droits à indemnités et au chômage. On ne peut pas mettre en péril une entreprise sous prétexte qu’une minorité refuse l’accord.
M. André Chassaigne. Les salariés en question n’ont pas droit à l’accompagnement prévu pour les licenciements économiques, puisque leur licenciement est considéré comme un licenciement pour motif personnel. C’est très différent.
La commission rejette successivement les deux amendements.
Puis elle étudie l’amendement CE56 de Mme Audrey Linkenheld.
M. Daniel Goldberg. Cet amendement permet aux organisations syndicales, dans les entreprises de moins de 50 salariés, de mandater un expert-comptable pour les accompagner dans la négociation.
M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement qui participe de l’accompagnement des salariés dans les négociations, particulièrement souhaitable dans les PME.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je soutiens cet amendement à la condition que la désignation d’un expert-comptable reste une faculté. La rédaction de l’amendement et celle de l’exposé sommaire me semblent contradictoires.
Mme la présidente Frédérique Massat. Seul le dispositif de l’amendement compte.
La commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE134 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Cet amendement impose un bilan annuel des accords de développement de l’emploi. Il prévoit qu’en cas de non-respect des objectifs en matière de création d’emplois, l’accord est caduc.
M. le rapporteur. Avis défavorable, car il fait écho à un précédent amendement que nous n’avons pas adopté.
M. Daniel Goldberg. Cela n’empêche pas de l’adopter séparément. Un bilan pourrait être réalisé même si l’accord ne comporte pas d’objectifs précis en termes de création d’emplois. Il pourrait même être un support pour le dialogue social dans l’entreprise. Je crois savoir, Monsieur le rapporteur, que vous avez participé au bilan d’un dispositif qui engage quelques deniers publics…
La commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.
Article 12
(art. L. 2122-4, L. 2232-32 à L. 2232-35, L. 2232-36 à L. 2239 [nouveaux], L. 2253-5 et L. 2253-6 [nouveaux] du code du travail)
Sécurisation des accords de groupe et des accords interentreprises
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.
Article 13
(art. L. 2232-5-1 [nouveau], L. 2232-9 et L. 2261-32 du code du travail)
Missions des branches professionnelles
La commission examine l’amendement CE75 de M. Daniel Goldberg.
M. Daniel Goldberg. Ayant interrogé Mme la ministre sur ce que l’on appelle l’ordre social conventionnel, j’ai relevé qu’elle souhaitait donner plus de poids aux branches.
Dans cette logique, cet amendement prévoit que la commission paritaire de négociation et d’interprétation peut se saisir de tout accord d’entreprise ou d’établissement de la branche et s’y opposer. Nous renforçons ainsi le respect de la hiérarchie des normes auquel, me semble-t-il, nous sommes tous favorables.
Une branche pourrait ainsi s’opposer à des mécanismes de dumping social en son sein entre des entreprises, voire entre des établissements d’une même entreprise. Il me paraît sain de conforter le rôle de la branche en la matière.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons de fond et de forme.
Les accords d’entreprise sont très largement encadrés par les accords de branche et par l’ordre public social. La « corde de rappel » que vous prévoyez me semble donc inutile.
En outre, cet amendement pose une difficulté matérielle : la France compte trois millions d’entreprises – plusieurs centaines de milliers d’entreprises de plus de dix salariés – susceptibles de signer des accords et deux cents branches susceptibles de s’en saisir. Il sera impossible pour une branche de supporter un tel volume de travail. Les conditions matérielles ne sont donc pas réunies, quand bien même le fond serait défendable.
Mme Michèle Bonneton. Le texte est pour le moins flou, quand il n’est pas contradictoire. Comment les accords d’entreprise peuvent-ils ne pas favoriser la concurrence entre les entreprises à l’intérieur d’une même branche ? L’amendement de M. Daniel Goldberg permet d’atténuer cette contradiction.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Heureusement que les entreprises d’une même branche peuvent se faire concurrence !
Monsieur Daniel Goldberg, vous dites que le respect de la hiérarchie des normes fait consensus ; c’est peut-être vrai entre membres du groupe socialiste, mais pas nécessairement avec nous...
Combien de salariés sont aujourd’hui syndiqués ? Je ne dis pas que les syndicats ne servent à rien, mais ils ne suscitent pas l’enthousiasme des salariés. L’inversion des normes pourrait avoir pour effet de les rendre plus attractifs, puisqu’ils seraient concentrés sur leur cœur de métier, qui est non pas d’organiser la vie dans l’entreprise mais de rendre meilleure la vie des salariés dans l’entreprise. Si nous atteignions un taux de syndicalisation de 50 %, nous aurions tout gagné.
Combien d’emplois avons-nous créé ou empêché de détruire alors que la France compte aujourd’hui six ou sept millions de chômeurs ou de personnes en situation de précarité ?
M. Daniel Goldberg. Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, je vous rejoins pour considérer que tous les acteurs de l’entreprise concourent à sa bonne marche et que les salariés sont intéressés au développement de l’entreprise. Nous pourrions cosigner ensemble une proposition de loi proposant que, comme en Allemagne, les conseils d’administration des grands groupes soit composé pour moitié de salariés.
Pour développer le dialogue social dans les entreprises, la France doit surmonter une culture du conflit de part et d’autre. C’est la raison pour laquelle il importe de trouver les champs de négociation appropriés.
Monsieur le rapporteur, s’agissant des difficultés matérielles que vous avez pointées, je précise que l’intervention de la branche n’est pas automatique pour chaque accord. Celle-ci peut décider de se saisir en cas de dumping social manifeste. J’ajoute que la composition de la commission est paritaire.
M. Jean-Charles Taugourdeau a raison, les entreprises se font concurrence, nous sommes dans une économie de marché, personne ne le conteste, pas même M. André Chassaigne. Ce que nous visons, c’est la concurrence par les conditions de travail des salariés. C’est sur ce point que la branche peut exercer son rôle de régulation.
Mme Michèle Bonneton. Je n’ai sans doute pas été assez explicite, mais je faisais évidemment référence à la concurrence par le dumping social. La concurrence par l’innovation, par exemple, me paraît tout à fait saine dans une économie de marché.
On peut même imaginer que la concurrence se développe entre deux établissements d’une même entreprise. Les branches doivent être mises en mesure de mettre de l’ordre dans cette grande incohérence.
M. le rapporteur pour avis. Madame Michèle Bonneton, votre argumentation est contradictoire. Vous affirmez qu’il serait bon que les branches mettent de l’ordre dans tout cela, mais les accords de branche ont précisément pour objectif de réguler les dispositions applicables aux entreprises. Si la branche pouvait revenir, six mois ou un an après sa signature, sur un accord d’entreprise ratifié par les trois quarts, voire la totalité des salariés, cela entraînerait une forte insécurité juridique pour les entreprises comme pour les salariés. Cette corde de rappel créerait une véritable usine à gaz.
Je confirme mon avis défavorable à cet amendement.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je précise que chaque fois que je me prononce en faveur de l’accord d’entreprise, c’est sous réserve du respect des règles d’hygiène et de sécurité. Les entreprises sont soumises à des pointes d’activité, qui exigent qu’elles puissent travailler plus, ce qui ne les empêche nullement de respecter la réglementation.
S’agissant de l’équité dans la concurrence en France, Madame Michèle Bonneton, sachez que certaines entreprises françaises faisant fabriquer 70 % de leur production à l’étranger bénéficient néanmoins du label « entreprise du patrimoine vivant » !
La commission rejette l’amendement CE75.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.
Article 14
(art. L. 2261-32, L. 2261-33 et L. 2261-34 [nouveaux] du code du travail)
Restructuration des branches professionnelles
La commission est saisie de l’amendement CE141 de Mme Marie-Lou Marcel, tendant à supprimer l’article.
Mme Marie-Lou Marcel. L’article 14 vise à réduire le nombre de branches, ce qui aurait pour conséquence une diminution du nombre d’accords de branche. Or certaines branches, en dépit du faible effectif des entreprises qu’elles comprennent et du nombre limité de salariés qu’elles couvrent, présentent des particularités qui nécessitent de tels accords. Les branches garantissent une régulation des conditions de travail des salariés au sein d’un même secteur d’activité et entre entreprises de toutes tailles. L’accord de branche, comme l’a souligné Mme la ministre, reste le meilleur niveau pour négocier et faire valoir les droits des salariés.
M. le rapporteur pour avis. Nous sommes tous convaincus que la branche est le meilleur niveau pour négocier des accords. S’il est prévu de réduire le nombre de branches, c’est parce que certains secteurs d’activité, trop étroits, ne concernent pas plus d’un millier de salariés, et que certaines branches professionnelles n’ont pas signé d’accord depuis dix ans. Le resserrement prévu à l’article 14 vise à rendre les branches plus actives et plus qualifiées. Il donnera non seulement de la visibilité aux branches, mais aussi de la force aux partenaires sociaux pour négocier des accords couvrant un grand nombre de salariés, susceptibles de se décliner ensuite dans des accords d’entreprise.
Avis défavorable donc.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 sans modification.
Article 21
(art. L. 5151-1 à L. 5151-12 [nouveaux], L. 6323-1, L. 6323-2, L. 6323-4, L. 6323-6, L. 6323-7, L. 6323-11-1 [nouveau], L. 6323-24 à L. 6323-31 [nouveaux], L. 6111-6 du code du travail)
Création du compte personnel d’activité
La commission est saisie de l’amendement CE150 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il y a une vie au-delà de la période d’activité professionnelle. Le compte personnel d’activité (CPA) n’a pas vocation à s’arrêter à la retraite. Il est légitime qu’une personne retraitée effectuant des activités citoyennes ou associatives, puisse capitaliser le fruit de cette activité sur son compte engagement citoyen (CEC). C’est la raison pour laquelle je propose dans cet amendement d’ajouter les personnes ayant fait valoir leurs droits à la retraite parmi les bénéficiaires du compte personnel d’activité.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE149 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Tirant les conséquences de l’adoption de l’amendement précédent, cet amendement précise que le CPA sera fermé à la date du décès de son titulaire.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle étudie, en discussion commune, l’amendement CE148 du rapporteur pour avis et les amendements CE81 et CE82 de M. André Chassaigne.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’énumérer les différents comptes qui constituent le compte personnel d’activité et, par cohérence, de renommer le compte engagement citoyen « compte d’engagement citoyen ».
M. André Chassaigne. Si j’avais disposé d’un peu plus de cinq minutes de temps de parole dans la discussion générale, j’aurais pu évoquer cet article 14…
Le compte personnel d’activité est séduisant sur le papier car il attache certains droits au salarié tout en n’étant pas contraignant pour les employeurs. Dans sa définition actuelle, il comprend uniquement le compte de formation qui a remplacé le droit individuel à la formation (DIF), le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen. Mon amendement vise à ajouter à cette liste le compte épargne-temps (CET), qui permet aux salariés d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération immédiate ou différé en contrepartie de périodes de congés ou de repos non prises. Cela permettrait de donner du corps à ce CPA que mon amendement CE82 prévoit d’étendre, à terme, à l’ensemble des droits qu’il est susceptible de porter.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à l’ajout du CET, non que je m’oppose à son principe mais parce que je considère que la mise en place du CPA est déjà suffisamment complexe. Il faut procéder étape par étape et la prudence impose de le faire d’abord fonctionner avec les trois comptes initialement prévus. Le moment venu, nous pourrons lui adjoindre le CET – et, pourquoi pas, comme le propose votre autre amendement, d’autres droits.
M. André Chassaigne. Autrement dit, vous êtes favorable à mon amendement CE82…
M. le rapporteur pour avis. Non, j’y suis également défavorable car l’on ne sait pas encore bien ce que seront ces nouveaux droits susceptibles d’être fondus dans le CPA.
M. André Chassaigne. Vos explications laborieuses montrent combien est grand le flou qui entoure le CPA, dont vous-même redoutez que la mise en place ne soit pas aisée.
La commission adopte l’amendement CE148.
En conséquence, les amendements CE81 et CE82 tombent.
La commission examine ensuite l’amendement CE157 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il convient de faire du CPA un tableau de bord des droits du salarié, suffisamment interactif pour que ce dernier puisse effectuer une simulation des droits sociaux, qui lui permette d’opérer des choix professionnels en connaissance de cause. Cela fait partie des dispositifs techniquement simples à mettre en place et plébiscités par les usagers.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE158 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de précaution, visant à s’assurer que les documents liés à l’utilisation du compte personnel d’activité feront l’objet d’un service de conservation sécurisé. L’une des ambitions du CPA est en effet d’offrir un service gratuit de coffre-fort numérique. À terme, le titulaire du compte pourra stocker dedans l’ensemble de ses documents administratifs utiles à ses démarches en ligne.
La commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement CE159 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de prévoir que ce service sécurisé de conservation garantit l’intégrité, la disponibilité et la confidentialité des documents stockés.
La commission adopte cet amendement.
Puis elle étudie l’amendement CE 152 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. La grande diversité et le grand nombre des associations dites d’intérêt général, au sens de la jurisprudence fiscale, rendent très délicate la constitution puis la tenue actualisée d’une liste d’associations comme le prévoit l’alinéa 39. Des centaines de milliers d’associations sont en effet potentiellement concernées.
Pour faire mention de ces associations, j’ai estimé plus pertinent de conserver le champ défini par l’article 74 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CE153 du rapporteur pour avis et l’amendement CE123 de Mme Michèle Bonneton.
M. le rapporteur pour avis. Le décret mentionné à l’alinéa 41 doit permettre la conversion du temps citoyen en temps de formation, selon une clef qui peut varier en fonction de la nature de l’activité citoyenne. La rédaction actuelle semble indiquer que le temps citoyen, au bout d’une période donnée, permettra l’acquisition d’un forfait de 20 heures de formation.
Les bénéficiaires du compte d’engagement citoyen pourraient souhaiter bénéficier de formations plus courtes, et donc mobiliser plus rapidement leurs points de CEC pour obtenir des heures de formation. Afin d’éviter l’ambiguïté de la rédaction actuelle, il est proposé que le décret fixe une clef de conversion du temps qui garantisse une formation.
Mme Michèle Bonneton. La création de ce compte d’engagement citoyen est tout à fait bienvenue. C’est une reconnaissance pour les personnes qui occupent des responsabilités au sein d’une association et qui y consacrent beaucoup de temps. Nous considérons toutefois que ce forfait de 20 heures est trop limité pour assurer une formation efficace. Nous proposons donc de l’étendre à 40 heures.
M. le rapporteur pour avis. Je vous invite à retirer votre amendement, Madame Michèle Bonneton. Il ne faut pas comprendre la référence au nombre d’heures comme un plafond, mais comme le volume d’heures de formation auquel a accès le salarié s’étant engagé tant d’heures dans une association. Mon amendement permet d’établir une clef de conversion claire entre heures d’engagement et heures de formation.
Mme Michèle Bonneton. Votre système présente certes quelque intérêt, mais reste entouré de flou : qui va dire que telle personne s’est engagée pour tant d’heures ? Et comment se fera la conversion entre nombre d’heures d’engagement et nombre d’heures prescriptibles ?
M. le rapporteur pour avis. L’alinéa 41 modifié par mon amendement serait ainsi rédigé « Un décret définit pour chacune des activités mentionnées la durée nécessaire à l’acquisition d’une heure inscriptible sur le compte personnel de formation. »
Mme Michèle Bonneton. Ce sera source d’incertitude, faute de prévoir comment le nombre d’heures d’engagement sera établi.
La commission adopte l’amendement CE153.
En conséquence, l’amendement CE123 tombe.
La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE154 du rapporteur pour avis et l’amendement CE124 de Mme Michèle Bonneton.
M. le rapporteur pour avis. Le dispositif prévu à l’alinéa 46 permet aux employeurs de concéder des jours de congés payés aux salariés pour l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. Il ne faudrait pas que le recours à cette faculté permette à l’employeur de se substituer à ses obligations en matière de congés de représentation, lesquels constituent bien une forme d’activité bénévole spécifique.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement propose de faire du dispositif proposé une obligation et non une simple possibilité, en remplaçant « a la faculté de » par « doit ». Cela suppose que l’on précise par décret les conditions d’exercice de ce droit.
Rappelons l’importance de l’engagement citoyen. Il permet de créer du lien social en faisant vivre des espaces de rencontre et de parole, plus que jamais nécessaires après les événements dramatiques que nous avons vécus. En outre, il contribue à développer l’activité économique de notre pays, ce dont nous avons grand besoin.
M. le rapporteur pour avis. Les entreprises sont déjà soumises à plusieurs obligations en matière de congés obligatoires de leurs salariés pour des activités personnelles. C’est notamment le cas du congé de représentation auquel je viens de faire référence. Votre amendement, qui ne prévoit aucune indemnisation pour l’employeur, contribuerait à créer une charge supplémentaire pour l’entreprise difficilement justifiable
M. André Chassaigne. N’oublions pas que l’amendement de Mme Michèle Bonneton prévoit qu’un décret vient définir les conditions d’exercice de ce droit.
La commission adopte l’amendement CE154.
En conséquence, l’amendement CE124 tombe.
La commission adopte l’amendement de coordination CE155 du rapporteur pour avis.
Puis elle examine l’amendement CE135 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit par cet amendement d’encourager – et non d’obliger – les employeurs à offrir effectivement des jours de congés payés, en reconnaissant que l’usage de cette faculté ouvre droit aux avantages fiscaux du don et du mécénat, donc à une déduction de 66 % des sommes correspondantes.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE156 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tire les conséquences de l’élargissement du bénéfice du compte personnel d’activité aux personnes retraitées.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE151 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a permis d’établir que constituent des actions de formation les formations destinées à permettre aux bénévoles associatifs et aux personnes en service civique du mouvement coopératif, associatif ou mutualiste d’acquérir les connaissances nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités associatives.
Dans le prolongement de la mise en place du compte d’engagement citoyen, il semble légitime que les personnes qui s’engagent dans des responsabilités associatives ou bénévoles puissent utiliser leurs points de CEC pour bénéficier de formations visant à encourager cet engagement.
Il s’agit donc de prévoir, dans des conditions fixées par décret, que ces formations seront bien accessibles via le compte personnel de formation.
La commission adopte l’amendement.
La commission examine enfin, en discussion commune, les amendements CE25 et CE28 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Pascale Got. L’amendement CE25 prévoit que tous les salariés en contrat saisonnier bénéficient des mêmes droits que les personnes à temps complet, sans préjudice des abondements complémentaires, comme c’est actuellement le cas pour les saisonniers en contrat de travail intermittent. Il corrige une inégalité du projet de loi : dans la rédaction actuelle de l’article 21, l’alimentation du compte personnel de formation est calculée à due proportion du temps de travail effectué. Il est inutile, selon nous, de pénaliser davantage les travailleurs saisonniers, qui sont souvent des personnes précaires.
Quant à l’amendement CE28, il s’agit d’un amendement de repli.
M. le rapporteur pour avis. La disposition que vous envisagez reviendrait à créer une rupture d’égalité entre salariés. Elle ferait bénéficier du même nombre d’heures de formation des salariés n’ayant pas la même charge de travail.
Je comprends bien le problème que vous voulez résoudre mais il me semble qu’il faudrait l’aborder autrement.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis d’accord avec les amendements de Madame Pascale Got. Un travailleur saisonnier n’est pas un salarié à temps partiel, c’est un salarié qui travaille le temps d’une saison dans une entreprise qui dépend d’une activité saisonnière. Pour pouvoir payer des salariés permanents tout au long de l’année, il lui faut réussir sa saison, grâce donc au travail de ces saisonniers. Il est normal que ceux-ci bénéficient des mêmes droits que les salariés permanents, au prorata du temps de travail effectué dans l’entreprise.
Mme Pascale Got. J’ajoute que ces dispositions sont cohérentes avec l’amendement sur le contrat de travail intermittent des saisonniers que nous avons adopté. Dès lors qu’ils bénéficient de droits équivalents aux salariés en contrat à durée indéterminée, il faut leur accorder des droits équivalents à ceux des salariés à temps complet pour le compte personnel de formation.
M. le rapporteur pour avis. J’appelle votre attention sur le fait que vos amendements visent à ce que les salariés saisonniers bénéficient des mêmes droits que ceux reconnus aux salariés à temps complet.
Mme la présidente Frédérique Massat. Je sais qu’il existe une volonté d’avancer sur ce sujet de la part du ministère. Je vous propose donc, Madame Pascale Got, de retirer ces amendements afin de les retravailler avec M. le rapporteur et le ministère en vue de les déposer en séance.
Mme Pascale Got. J’accepte de les retirer, madame la présidente.
Les amendements CE25 et CE28 sont retirés.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 modifié.
Article 23
(art. L. 5131-3 à L. 5131-7 du code du travail)
Renforcement de l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie
La commission est saisie de l’amendement CE160 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le présent article crée un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, qui vient se substituer au contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) et généralise la garantie jeunes.
C’est pourquoi, dans un souci de clarté juridique, il convient de mieux combiner les articles L. 5131-4 et L. 5131-5 du code du travail, de préciser que le parcours contractualisé engage bien le jeune et d’inclure dans l’article L. 5131-5 les dispositions encore utiles mais actuellement mal articulées de l’article L. 5131-6 et, par conséquent, d’abroger ce dernier.
En outre, cet amendement permet d’éviter un effet d’aubaine que la Cour des comptes a identifié dans un rapport récent, qui préconise une durée cible de six mois pour la garantie jeunes.
M. André Chassaigne. Quand j’ai lu l’article 23, ma première réaction a été de me dire que ses rédacteurs inventaient l’eau chaude, dans la mesure où la garantie jeunes existe déjà et est même généralisée dans certaines régions – la région Auvergne l’a ainsi généralisée dès 2016.
L’extension de la garantie jeunes vise une cible de 900 000 jeunes. Nous savons très bien qu’elle en concernera bien moins, du fait de critères liés aux revenus des familles, à la situation par rapport à l’emploi, à l’isolement. Nous savons aussi quelle charge cela impliquera pour les missions locales. Nous savons enfin quel problème de coût elle représente pour le Gouvernement.
Avec votre amendement, Monsieur le rapporteur, vous attiédissez l’eau chaude en prévoyant une dégressivité dans le temps de l’allocation, au prétexte que la Cour des comptes y a vu un effet d’aubaine. Aujourd’hui, la garantie jeunes, qui fait l’objet d’une contractualisation entre le jeune et la mission locale, ouvre droit à une allocation versée pour une durée d’un an. Pour tous ceux qui s’intéressent aux questions d’insertion, pour tous ceux qui sont mobilisés dans les missions locales, il est évident que cette durée d’un an est indispensable pour mettre en œuvre le parcours d’insertion du jeune.
Une telle disposition, motivée par le fait que l’argent n’est pas rendez-vous, aurait de graves conséquences. Sachez-le, Monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur pour avis. Monsieur André Chassaigne, vous vous méprenez sur mes intentions. Le texte prévoit déjà que l’allocation est dégressive.
M. André Chassaigne. C’est un retour en arrière !
M. le rapporteur pour avis. Dans son rapport, la Cour des comptes a en effet souligné que la garantie jeunes pouvait donner lieu à un effet d’aubaine. D’autres dispositifs permettent d’aider des jeunes en difficulté et il ne faudrait pas que cette garantie vienne s’y substituer. Elle doit rester dans l’esprit du contrat : l’accompagnement renforcé suppose des étapes au cours desquelles l’allocation peut évoluer.
M. André Chassaigne. Je le répète, ce serait une erreur d’introduire une dégressivité de cette allocation dans le temps.
Vous citez la Cour des comptes dans votre exposé sommaire : « Le maintien d’une dynamique d’accompagnement conduit en effet logiquement à recommander une durée d’accompagnement de l’ordre du semestre, éventuellement renouvelable pour des besoins complémentaires ». Or ce n’est pas le semestre mais l’année qui rend pertinent le parcours construit à travers la garantie jeunes afin que le jeune s’engage dans une formation et trouve éventuellement un emploi.
M. le rapporteur pour avis. Nous parlons bien de la même chose : un semestre éventuellement renouvelable.
M. André Chassaigne. C’est la Cour des comptes qui propose une telle solution, je veux qu’on en reste à un an !
M. le rapporteur pour avis. La Cour des comptes ne dit pas que des inepties.
Mme Michèle Bonneton. Elle fait des comptes !
M. le rapporteur pour avis. Il arrive que faire des comptes soit nécessaire.
Le dispositif tel qu’il fonctionne actuellement est fondé sur une période de six mois renouvelable. Pendant cette période, la situation du jeune est susceptible de changer. S’il trouve du travail, par exemple, il perd le bénéfice de la garantie.
La commission adopte l’amendement CE160.
Puis elle en vient à l’amendement CE174.
M. le rapporteur pour avis. Il s’inscrit dans la même logique que le précédent.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE161 du rapporteur pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 modifié.
La commission est saisie de l’amendement CE83 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Cet amendement tend à revaloriser la gratification des stagiaires.
M. le rapporteur pour avis. Il faut rappeler que le niveau de 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale pour déterminer la gratification d’un stagiaire n’est pas un niveau légal : c’est un seuil plancher, et les conventions collectives peuvent librement fixer un niveau de gratification meilleur. Je ne vois donc pas l’intérêt de préciser dans la loi que ce taux est porté à 22 %.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE14 de M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Dans le cadre de ce projet de loi visant à instituer de « nouvelles libertés », mon amendement se veut adapté aux nouvelles technologies. Je propose que l’article L. 5311-1 du code du travail soit complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« L’État peut autoriser, à titre expérimental et pour une durée maximale de trois ans, le service public de l’emploi à délivrer gratuitement un pass électronique individuel, appelé pass travail, à toute personne en recherche d’emploi.
« Ce pass permet :
« 1° La gestion par le ou les employeurs des heures travaillées ;
« 2° L’édition du bulletin de paie ;
« 3° La consultation de son compte par le salarié ;
« 4° Le virement automatique du salaire, par le ou les employeurs, sur le compte bancaire du salarié dès le soir même si le temps de travail n’excède pas une journée ;
« 5° L’embauche simultanée du salarié par plusieurs employeurs. »
Cet amendement, qui confère à l’État un droit à l’expérimentation afin de créer un pass travail favorisant la simplification de la gestion par l’employeur des heures travaillées par le salarié, vise plusieurs objectifs.
Tout d’abord, il tend à mettre fin aux contraintes de gestion pesant sur les employeurs, notamment les très petits employeurs La gestion des heures travaillées pèse lourd dans le budget des entreprises. Elle suppose l’embauche de professionnels spécialisés dans la gestion des rémunérations, l’édition des bulletins de paie, les opérations bancaires, etc.
Afin de simplifier la gestion des heures travaillées, tant pour les employeurs que pour les salariés et, de ce fait, relancer l’embauche, cet amendement propose la mise en place d’une carte ou pass travail qui fonctionnerait comme une carte Vitale sur un mode électronique et informatisé, ou totalement dématérialisée sur une application smartphone.
Il vise aussi à redéfinir la notion de travail fondée sur le nombre d’heures travaillées productrices de richesse. Cette carte électronique permettrait de gérer toutes les transactions concernant les heures travaillées par un salarié, et de ce fait, de créer des millions d’heures, non travaillées ou non déclarées à ce jour.
Laissez-moi vous faire une petite simulation qui vous permettra de comprendre l’échelle de grandeur des richesses perdues pour les Français et pour l’État. Si 3 millions de chômeurs réussissaient à valoriser une heure de travail par jour, cela créerait plus de 8 milliards d’euros de pouvoir d’achat et 8 milliards d’euros de cotisations salariales et patronales, en l’état actuel du coût du travail.
L’article 40 de la Constitution nous interdit de créer une dépense pour l’État en tant que législateurs parce que l’on assimile les dépenses que nous votons à des coûts de fonctionnement. Or celle-ci serait une dépense d’investissement permettant de bénéficier d’un fabuleux retour sur investissement. D’ailleurs, Madame la présidente, j’ai été assez surpris de constater que cet amendement ne s’est pas vu opposer l’article 40.
Ce dispositif permettrait aussi de faire une distinction plus nette entre heures travaillées productrices de richesse, heures travaillées consommatrices de richesse et heures assistées. Il participerait ainsi de la redéfinition de la notion de travail en ce sens que la carte favoriserait l’embauche de demandeurs d’emploi, même pour un très petit nombre d’heures de travail.
Il permettrait aussi de fonder cette simplification administrative sur la gestion informatisée des données.
La carte travail – qui pourra être dématérialisée en application pour smartphone – fonctionnerait de façon simple : tout employeur potentiel posséderait un lecteur de carte ou une application sur smartphone capable de lire le quick response code (QR code) de la carte ou sa mémoire. Grâce à sa carte nominative et personnelle, chaque salarié pourrait pointer avant de travailler, puis une fois le travail accompli. Ce pointage constituerait ainsi un acte de déclaration d’embauche automatisé, un virement automatique du salaire le jour même si le travail ne dépassait pas la journée, et un envoi le jour même des cotisations salariales et patronales vers tous les organismes publics et privés concernés.
En même temps, cela peut contribuer à faire sortir nombre de salariés de la précarité. Avec ce système, un salarié peut montrer à son banquier qu’il a fait 1 600 ou 2 000 heures dans l’année, en lui apportant un historique.
Mme la présidente Frédérique Massat. Si votre amendement n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, c’est parce que votre dispositif est proposé à titre expérimental – mot magique qui permet d’échapper au couperet.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, vous nous invitez à nous projeter loin dans le futur. Je comprends votre idée, mais la mettre en application, même à titre expérimental, nécessiterait de remplir beaucoup de conditions matérielles. Il faudrait notamment que chaque salarié dispose d’un smartphone. Un tel dispositif me paraît extrêmement prématuré, même si nous voyons bien l’avenir qu’il dessine.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le rapporteur, le futur que je vous propose d’atteindre va finir par être dépassé : cette idée, que je promeus depuis 2002, a intéressé plusieurs ministres de l’économie mais ils ne se sont jamais donné les moyens de la mettre en application. Les technologies le permettraient. Pour deux ou trois heures de travail, on n’embauche pas quelqu’un. Si vous allez aider pendant trois heures un ami qui tient un bar, tout le monde est content – il est content de pouvoir satisfaire ses clients ; vous apportez de la valeur ajoutée à l’établissement – mais votre prestation n’est valorisée pour personne.
La commission rejette l’amendement.
Article 24
(art. L. 3243-2 du code du travail)
Dématérialisation du bulletin de paie
La commission adopte successivement l’amendement de précision rédactionnelle CE164 et l’amendement de conséquence CE162 du rapporteur pour avis.
Puis, elle en vient à l’amendement CE163 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement organise les modalités selon lesquelles le salarié choisit ou non de disposer de son bulletin de paie sous forme électronique.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 modifié.
La commission examine l’amendement CE61 de Mme Audrey Linkenheld.
Mme Catherine Troallic. Cet amendement concerne les travailleurs qui utilisent une plateforme de mise en relation par voie électronique. Il prévoit d’ajouter un titre sur ces travailleurs dans le code du travail et d’y définir la responsabilité sociale des plateformes afin que les travailleurs bénéficient d’une assurance, d’un droit à la formation professionnelle, à la validation des acquis de l’expérience, à la grève, ainsi que la possibilité de constituer un syndicat.
M. le rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à cet amendement qui s’inscrit dans la continuité du rapport de M. Pascal Terrasse sur une meilleure régulation des plateformes numériques. En revanche, je pense que la rédaction mériterait d’être améliorée de façon à ce que l’on ne crée pas un faisceau d’indices qui pourraient faire glisser progressivement les travailleurs indépendants vers le salariat. En arriver là reviendrait à offrir un terrain de contestation infini à des travailleurs indépendants qui estimeraient relever du salariat – et devoir bénéficier de tous les droits liés à ce statut – compte tenu des attributs de leur contrat. L’amendement répond à une juste préoccupation mais nous devons aussi veiller à ne pas freiner le développement de plateformes utiles.
La commission adopte l’amendement.
Article 25
(art. L. 2248-2 du code du travail)
Modalités d’exercice du droit à la déconnexion
La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE19 de Mme Corinne Erhel, l’amendement CE165 du rapporteur pour avis.
Mme Corinne Erhel. L’amendement CE19 tend à enrichir les dispositions concernant le droit à la déconnexion du salarié, en précisant que ce droit doit lui permettre de gérer au mieux l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Cet équilibre fait déjà partie des points abordés lors de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail. Il me paraissait important de réaffirmer cet objectif dans le cadre spécifique du droit à la déconnexion.
L’amendement introduit également la notion de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion afin de renforcer son rôle central dans l’exercice de ce nouveau droit prévu par le texte.
M. Yves Blein, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à cet amendement, avec lequel nous ouvrons le chapitre du texte consacré à l’économie du numérique. Le droit à la déconnexion, largement abordé dans le rapport Mettling et lié aux nécessités de préservation de la vie personnelle, est tout à fait recevable.
Cela étant, madame Corinne Erhel, je vous propose d’apporter une légère modification rédactionnelle en intégrant mon amendement CE165, qui consiste à substituer aux mots : « dans l’utilisation des outils numériques » les mots : « des outils de communication à distance ». La dernière notion est un peu plus large que la précédente et elle reprend les termes, plus précis, de l’accord de branche négociée par la fédération Syntec en 2014.
Mme Corinne Erhel. Je suis d’accord avec cette rectification.
La commission adopte l’amendement CE19 ainsi rectifié.
En conséquence, l’amendement CE165 tombe.
La commission est saisie de l’amendement CE166 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser que les actions de formation portent sur un usage raisonnable des outils numériques de l’entreprise.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE21 de Mme Corinne Erhel.
Mme Corinne Erhel. De nombreuses réflexions ont été engagées, parfois sans réelle coordination, sur l’usage des messageries électroniques durant les jours non travaillés et en dehors des horaires classiques. Dans la continuité de ces initiatives, cet amendement propose la mise en place d’une expérimentation, coordonnée par la puissance publique, afin d’explorer le sujet au sein d’entreprises de tailles, de structures et de secteurs divers, et également dans l’administration. Un décret devrait définir le périmètre de cette expérimentation, notamment les structures publiques et privées concernées, la taille de l’échantillon, les populations cibles et les modalités d’évaluation. À l’issue de cette expérimentation, des lignes directrices pourraient être élaborées à l’usage des entreprises et des administrations, en prenant en compte leurs spécificités. Il s’agit de les aider à traiter ce sujet de plus en plus prégnant à l’heure où les technologies numériques bouleversent l’ensemble de nos organisations et de nos modèles.
M. le rapporteur pour avis. Je suis tout à fait favorable à une expérimentation qui ne peut que renforcer le contenu normatif du droit à la déconnexion.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle passe à l’amendement CE20 de Mme Corinne Erhel.
Mme Corinne Erhel. La reconnaissance du droit à la déconnexion est une mesure attendue et porteuse de progrès social. Cet amendement propose d’avancer la date de son entrée en vigueur, tout en respectant la négociation au sein des entreprises sur le sujet, notamment au sein des entreprises de plus de 300 salariés. Avancer la date permettrait de donner un signal et d’inciter les uns et les autres à s’intéresser le plus en amont possible à cette importante question.
M. le rapporteur pour avis. On peut effectivement penser qu’il suffira d’une année pour mettre en œuvre cette mesure, une fois que nous l’aurons adoptée. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 modifié.
Article 26
Ouverture d’une concertation relative au travail à distance et à l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE62 et CE64 de Mme Marie Le Vern.
Mme Catherine Troallic. L’amendement CE62 vise à régulariser le télétravail en précisant qu’il ne peut représenter l’intégralité du temps travaillé par un salarié. Il s’agit de lutter contre le dévoiement du télétravail consistant, en réalité, à organiser l’externalisation des activités, et de garantir qu’un lien est maintenu entre le télétravailleur et l’entreprise.
L’amendement précise aussi que le télétravailleur bénéficie des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cette sécurité n’était pas mentionnée de manière explicite dans la section relative au télétravail de notre code du travail.
M. le rapporteur pour avis. Dans la droite ligne de ce que je préconisais précédemment pour le droit à la déconnexion, je pense qu’il est bon de renforcer le contenu normatif du droit concernant le télétravail. Je suis favorable à l’amendement CE62.
J’appelle néanmoins votre attention sur la nécessité de ne pas voir la loi préempter tout ce qui pourrait faire partie du dialogue social entre le télétravailleur et ses employeurs ou prescripteurs.
La commission adopte l’amendement CE62.
En conséquence, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 ainsi rédigé et l’amendement CE64 tombe.
La commission est saisie de l’amendement CE22 de Mme Corinne Erhel.
Mme Corinne Erhel. Dans notre commission, nous avons souvent eu l’occasion de constater que le numérique, au sens large, bouleverse tous les modèles économiques et notamment ceux des entreprises, quelle que soit leur taille. Dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous avions adopté une disposition qui permettait d’affecter une personne à cette question au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC).
L’amendement CE22 tend à étendre cette disposition aux entreprises, notamment aux sociétés anonymes, de façon à essayer de développer encore plus les coopérations et les collaborations entre les grands groupes et les start-up. Il s’agit de susciter la réflexion sur la transformation numérique des modèles au sein de toutes les entreprises. Cette proposition est issue du rapport d’information sur l’économie numérique que nous avons produit, Mme Laure de La Raudière et moi-même.
M. le rapporteur pour avis. C’est une très bonne idée à laquelle je suis tout à fait favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE63 de Mme Marie Le Vern.
Mme Catherine Troallic. L’article L. 1222-9 du code du travail, issu de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, propose un cadre légal léger et peu incitatif, qui ne convient plus à la situation du marché de l’emploi quatre ans plus tard. Cet amendement propose, par conséquent, de modifier l’article L. 1222-10, relatif aux obligations de l’employeur vis-à-vis du télétravailleur de trois manières : en introduisant plus de souplesse dans les conditions de mise à disposition des moyens matériels et techniques du télétravailleur ; en distinguant les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement être contacté des plages horaires télétravaillées ; en s’assurant que le salarié ainsi que sa hiérarchie reçoivent les formations nécessaires au plein et sain exercice du télétravail.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement reprend des préconisations du rapport Mettling, qui sont, je crois, consensuelles pour les partenaires sociaux. J’y suis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 28
(art. L. 5143-1 [nouveau] du code du travail)
Droit à l’information des employeurs des entreprises de moins de 300 salariés
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE175 et CE169 du rapporteur pour avis.
Puis elle examine, en présentation commune, les amendements CE168 et CE167 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Avec ces amendements, il s’agit de faire droit à une demande que nous avons très fréquemment entendue lors de nos auditions à propos de l’insécurité juridique que ressentent les entreprises qui entament une procédure : elles craignent de ne pas être en totale conformité avec le droit.
L’amendement CE168 prévoit que si la demande de l’employeur est écrite, précise et complète, l’administration dispose d’un délai de trois mois pour prendre une position formelle sur l’appréciation de la situation. Cette prise de position serait opposable à l’administration en cas de contentieux. Ce dispositif serait une sorte de rescrit par lequel le chef d’entreprise pourrait s’assurer auprès de l’administration qu’il suit la bonne démarche en matière de droit social. Il se prémunirait ainsi contre le risque de voir le tribunal se prononcer sur la forme, pour non-respect de procédure, et ne pas examiner le fond.
Quant à l’amendement CE167, il constitue une version plus souple du précédent. L’idée est de laisser les deux options prospérer pour l’examen en commission des affaires sociales.
La commission adopte successivement les amendements CE168 et CE167.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 modifié.
Article 29
(art. L. 2232-10-1 [nouveau] du code du travail)
Accords types de branche
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE170 du rapporteur pour avis.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 29 modifié.
La commission est saisie de l’amendement CE145 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement a trait à une question longuement débattue, celle des plafonds d’indemnités de licenciement. Il tend à autoriser les entreprises de moins de cinquante salariés – qui n’ont pas forcément la capacité d’absorber un volume important d’indemnisations dues – de déduire de leurs résultats, et donc de leur base fiscale, une provision pour risque lié à un contentieux prud’homal, quand bien même aucune procédure n’est effectivement engagée. Elles pourraient passer ces provisions, de la même manière qu’elles peuvent le faire pour les indemnités retraite ou les congés payés. Pour que ces provisions ne soient pas utilisées pour détériorer le résultat dans le but d’éviter de payer l’impôt sur les sociétés, je propose que leur montant ne puisse pas excéder un mois de la masse salariale de l’entreprise.
La commission adopte l’amendement.
La commission discute de l’amendement CE89 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Nous avons découvert avec intérêt la nouvelle appellation du texte qui vise aujourd’hui à instituer « de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Je vous propose une mesure qui protégerait les actifs tout en sauvegardant les emplois et le tissu économique de notre pays : l’interdiction des licenciements économiques boursiers dont l’unique objectif est l’augmentation de la rentabilité financière de l’entreprise.
Il s’agit d’ajouter deux alinéas précisant qu’est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, d’une part, constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif, d’autre part, distribué des dividendes ou des stock-options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions.
La sauvegarde de l’emploi et le maintien d’un tissu industriel passent aussi par l’interdiction de ce type de licenciement.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. On ne peut pas considérer que la distribution de dividendes, de stock-options ou d’actions gratuites est forcément un gage de bonne santé d’une entreprise, même si je vois bien l’effet que de telles décisions peuvent avoir sur son cours de bourse. Le dividende est une forme de rémunération du capital qui n’est pas forcément corrélée aux licenciements. Dans certains cas, la suppression d’emploi peut avoir un effet sur le cours de bourse et donc sur la capitalisation de l’entreprise. Cependant, asseoir une interdiction de licencier sur cet effet-là ne servirait pas l’objectif recherché.
M. André Chassaigne. Votre réponse justifie le fait que de très nombreux groupes financiers recherchent des taux de rentabilité inaccessibles, de 15 % voire plus. À partir de là, n’importe quel groupe peut se permettre de procéder à des suppressions de site, à des licenciements massifs.
Le territoire que je représente ici, et plus particulièrement le bassin d’emplois de Thiers, qui n’est d’ailleurs pas très loin de votre terre d’élection, monsieur le rapporteur, vit actuellement l’annonce de la fermeture d’une entreprise qui emploie une centaine de salariés : Flowserve. Le groupe international se porte très bien, verse largement des dividendes, mais il va fermer un site sans qu’il puisse y avoir quelque réaction que ce soit parce que l’on considère que ce type de licenciements est tout à fait normal, légitime et, par-là, qu’un pays peut être mis sous la coupe des marchés financiers. Il n’y a pas une seule circonscription représentée à l’Assemblée nationale qui n’ait vécu ce type de suppression de site et de licenciements boursiers. Tant qu’on ne sortira pas de là, on ne pourra pas dire que l’on veut conduire une véritable politique industrielle dans notre pays.
M. le rapporteur pour avis. Je ne suis pas loin de partager votre analyse, monsieur André Chassaigne, mais il serait sans doute plus indiqué que vous déposiez, en loi de finances ou dans le cadre d’un texte qui le permette, des amendements qui interdisent la distribution de dividendes par des entreprises qui seraient en train de licencier. On ne peut pas interdire des licenciements au prétexte qu’ils pourraient servir à augmenter les dividendes et la capitalisation. Le lien entre l’un et l’autre n’existe pas en droit.
M. André Chassaigne. Il n’existe pas en droit à partir du moment où on se refuse à l’inscrire dans la loi !
La commission rejette l’amendement.
Article 30
(art. L. 1233-3, L. 1233-3-1 [nouveau] et L. 1233-3-2 [nouveau] du code du travail)
Motif économique de licenciement
La commission est saisie des amendements identiques CE13 de Mme Michèle Bonneton et CE85 de M. André Chassaigne.
Mme Michèle Bonneton. Nous demandons la suppression de cet article, qui indique dans quelles conditions peuvent avoir lieu des licenciements pour difficultés économiques. Des mutations technologiques peuvent être considérées comme des difficultés économiques, ce qui paraît discutable. Une entreprise peut aussi être considérée en difficulté économique si son chiffre d’affaires a baissé pendant un semestre par rapport à la même période de l’année précédente. Ce critère me paraît insuffisant pour au moins deux raisons : d’une part, on ne prend pas du tout en considération la filiale ou le groupe dont elle dépend ; d’autre part, le semestre est une période d’appréciation trop courte. L’Isère, mon département, compte notamment de grosses entreprises de microélectronique dont l’activité est en dents de scie. Il arrive très fréquemment qu’elles perdent de l’argent pendant un semestre et qu’elles en gagnent pendant le semestre suivant, voire pendant une période plus longue.
J’ajoute que la définition de tels critères enlève au juge toute capacité d’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise.
M. André Chassaigne. Cet article limite au seul périmètre national l’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe. En inscrivant ces réductions et ces limites dans la loi, l’objectif est de priver le juge de son pouvoir d’appréciation de la réalité et du sérieux des difficultés économiques.
Ainsi, s’agissant de l’usine dont je parlais précédemment, une entreprise de dimension mondiale, qui a plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, de sites, organise l’appauvrissement de celui qu’il veut supprimer par des artifices comptables, des mouvements financiers entre les entités du groupe ou en déplaçant certaines commandes de ce site vers l’étranger. Voilà la situation de l’entreprise Flowserve.
Une fois acquise cette limitation de l’appréciation au périmètre national, tout sera en réalité permis : les exemples sont multiples, où est invoquée ainsi une baisse d’activité sur un site. Cette restriction aura des conséquences extrêmement graves, empêchant désormais le juge d’apprécier le fait qu’une suppression de site ou des licenciements n’étaient pas justifiés.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’objet de l’article 30 est précisément de dissiper le flou et de réduire les écarts d’interprétation sur ce que sont les licenciements économiques. Nous débattrons ultérieurement de la question du périmètre. S’agissant des causes du licenciement économique, le droit actuel permet aux entreprises de les apprécier différemment, ce qui nuit à la sécurité juridique.
Au rebours de cette démarche, l’article 30 répertorie les causes du licenciement économique, en donnant à la justice les éléments objectifs sur lesquels se prononcer, en appréciant mieux sa vraie nature.
M. André Chassaigne. Le juge ne saura pourtant se prononcer que dans le cadre du périmètre fixé par la loi. Un groupe international pourra fermer une entité en France alors qu’il dégage des bénéfices à l’étranger. En réalité, nous sommes en train d’adapter le droit du travail au profit des grands groupes et au détriment des emplois de nos tissus industriels.
M. Philippe Kemel. Monsieur le rapporteur, l’article 30 évitera-t-il des situations telles que celle qu’a connue Metaleurop dans ma circonscription ? Par suite d’un appauvrissement du type de ceux décrits par notre collègue André Chassaigne, ce sont 800 emplois qui y ont été supprimés.
M. le rapporteur pour avis. Nous ne pourrons discuter du périmètre territorial de l’appréciation conduite par le juge que si l’article n’est pas supprimé par ces deux amendements.
M. Frédéric Barbier. Pour ma part, je suis favorable à sa suppression. Dans ma circonscription, l’entreprise Peugeot Scooter travaille très bien. Elle est détenue aujourd’hui à 49 % par Peugeot, groupe international qui a renoué avec les bénéfices, et le groupe indien Mahindra, qui figure parmi les premiers fabricants mondiaux de matériel agricole. Les 450 salariés de Peugeot Scooter se sont déjà retrouvés au chômage pendant 30 jours au total. L’absence de travail y est, à mon sens, organisée en catimini, car le produit que les salariés fabriquent se vend très bien partout à travers le monde. Mais les chaînes de production se développent surtout en Chine.
Sur ce point, l’article 30 n’apporte pas de garantie, bien au contraire.
Mme Michèle Bonneton. Je rejoins notre collègue Frédéric Barbier. Ce genre de disposition ne créera pas d’emplois ; tout au contraire, elle en favorisera la suppression. L’entreprise Schneider avait une usine dans ma circonscription. Elle a installé une entreprise concurrente dans un autre pays européen. En trois ans, le carnet de commandes du site français a été progressivement vidé ; au bout de quatre ans, c’était la fermeture. Les brevets ont été transférés à cet autre pays européen, où les salariés sont payés beaucoup moins cher.
M. le rapporteur pour avis. Monsieur Frédéric Barbier, ce que vous décrivez est, en fait, l’état du droit actuel. La loi que nous examinons fixera le droit de demain, car la démonstration est faite que le droit actuel ne règle pas ce problème. L’article 30 prévoit bien : « Ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ».
Demain, une entreprise qui videra intentionnellement les carnets de commandes d’un site industriel sera effectivement concernée par cette disposition. Nous avons donc intérêt à préciser les causes du licenciement économique, plutôt que de les laisser dans ce halo vague où les entreprises naviguent au gré de leurs intentions, louables ou non.
M. André Chassaigne. Je ne suis absolument pas d’accord. Cet ajout dont vous parlez ne figurait pas dans le texte d’origine. Il a été fait pour rendre plus acceptable l’idée d’une appréciation conduite dans un cadre purement national. C’est l’office du juge de conduire cette appréciation. Cet artifice n’apporte donc rien si le juge ne doit à l’avenir tenir compte que du périmètre national lorsqu’il vérifie la réalité du motif de licenciement.
L’entreprise dont je vous parle a vu sa fermeture annoncée il y a quinze jours. Sa production avait été progressivement transférée en Autriche depuis deux ans. L’agent commercial basé à Thiers ne travaillait déjà plus qu’à 30 % pour son site de rattachement, le reste des commandes était renvoyé à l’autre unité de production. Si, comme dans le texte proposé, l’on ne tient compte à l’avenir que du territoire national, cela laissera toute latitude pour déplacer les commandes dans d’autres pays, au nom de la rentabilité financière. Car certains actionnaires ne se contentent pas d’un retour sur investissement de 8 % ou 10 %, il leur en faut 15 % ou 20 % ! Il n’y a plus de limites !
M. le rapporteur pour avis. Je le redis, nous ne discutons pas, pour l’instant, du périmètre territorial, mais de la suppression totale de l’article.
Mme Marie-Lou Marcel. Pardon, l’article 30 mentionne les « entreprise implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient ». Il y est donc question du périmètre.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE171 rectifié du rapporteur pour avis, CE59 de Mme Audrey Linkenheld, CE86 de M. André Chassaigne, CE109 de Mme Jeanine Dubié et CE143 de Mme Marie-Lou Marcel.
M. le rapporteur pour avis. Les auditions préparatoires m’ont inspiré des précisions à apporter à l’alinéa 6 de l’article 30. Il me semble, d’abord, que le licenciement économique doit reposer sur un faisceau d’indices, et non sur un ou deux indices. C’est pourquoi je propose de faire référence à « des difficultés économiques, caractérisées par la baisse tendancielle significative d’au moins un indicateur économique, parmi lesquels figurent notamment la diminution des commandes, la baisse du chiffre d’affaires, les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou la dégradation de l’excédent brut d’exploitation ». Ces critères ne figurent pas tous dans la rédaction actuelle du texte.
Le deuxième alinéa de l’amendement CE171 rectifié ajouterait que « la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires est considérée comme tendancielle lorsqu’elle dure au moins un trimestre pour une entreprise de moins de dix salariés ; au moins deux trimestres consécutifs pour une entreprise de moins de cinquante salariés ; au moins trois trimestres consécutifs pour une entreprise de cinquante salariés et plus ». Ainsi, la taille des entreprises serait prise en compte. On peut penser qu’une entreprise comptant moins de dix salariés peinerait à résister à une baisse de commandes et de chiffre d’affaires durant trois trimestres consécutifs.
Mme Marie-Lou Marcel. Le projet de loi caractérise les difficultés économiques en quantifiant la durée de la baisse des commandes, du chiffre d’affaires ou des pertes d’exploitation. Ces critères mécaniques sont contraires au principe de cause réelle et sérieuse du licenciement et ne correspondent pas à la diversité des situations des entreprises. La définition proposée par l’amendement CE59 permet de mieux apprécier l’impact effectif des difficultés constatées par rapport à l’activité globale de l’entreprise.
M. le rapporteur pour avis. Je vous suggère de retirer cet amendement, car sa formulation va à l’encontre de ses intentions. En effet, en fermant la caractérisation des difficultés économiques par les mots « soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés », vous ouvrez totalement le champ à une appréciation extrêmement large des justifications possibles d’un licenciement économique, plutôt que d’en cerner les causes. Voilà une démarche à laquelle je ne puis souscrire. Avis défavorable.
M. André Chassaigne. Par l’amendement CE86, je reviens sur le danger terrible que représente la définition des difficultés économiques. Nous préférons supprimer la fin de l’alinéa 6 pour laisser au juge le soin de les apprécier par lui-même.
Par votre amendement CE171 rectifié, monsieur le rapporteur, vous justifiez par avance les licenciements. Vous soutenez qu’il faut au moins un indicateur des difficultés économiques : soit la diminution des commandes, soit la baisse du chiffre d’affaires, soit les pertes d’exploitation, soit la dégradation de la trésorerie, soit la dégradation de l’excédent brut d’exploitation. Or, dans la mesure où l’on reste dans le périmètre national, il est évident qu’un grand groupe pourra agir sur l’un quelconque de ces paramètres pour justifier des licenciements. Il n’aura qu’à s’appuyer sur la définition proposée pour préparer la fermeture d’un site, en organisant la dégradation de sa trésorerie et de son fonctionnement. C’est donc la porte ouverte à tout.
Mme Catherine Troallic. Monsieur le rapporteur, le projet de loi inclut déjà l’expression « soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Les arguments que vous avancez ne tiennent pas.
M. le rapporteur pour avis. C’est bien pourquoi je vous propose de vous rallier à mon amendement, qui réécrit cette partie du texte.
M. Philippe Bies. On veut rendre l’embauche en contrat à durée indéterminée plus facile, mais ne rendons pas le licenciement économique plus facile par des motifs que l’on a du mal à cerner, comme me le fait craindre l’étude d’impact. Quand on commence à indiquer des critères, nul ne sait où la loi doit s’arrêter pour laisser l’appréciation au juge. D’ici à la séance publique, nous devrons essayer d’avancer sur cette question. Pour l’instant, le compte n’y est pas.
Mme Jeanine Dubié. Le texte ne permet pas actuellement d’apprécier le caractère significatif des difficultés par rapport à l’activité de l’entreprise C’est pourquoi l’amendement CE109 tend à préciser que les difficultés économiques sont caractérisées « de manière significative ».
Mme Marie-Lou Marcel. Notre amendement CE143 a pour objet de préciser et d’adapter aux TPE et PME les dispositions contenues dans l’alinéa 6. Les TPE et PME sont plus fragiles que les entreprises plus grandes. Pour elles, le délai de quatre trimestres consécutifs pour opérer un licenciement est trop long et peut obérer la survie de l’entreprise. Nous proposons de le réduire, en prévoyant que, pour elles, « la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires durant deux trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente et des pertes d’exploitation durant un trimestre peuvent constituer un motif de licenciement économique ».
M. le rapporteur pour avis. Je propose de rectifier une deuxième fois mon amendement pour y intégrer l’adjectif « significatif ». L’alinéa 6 débuterait donc par la phrase : « À des difficultés économiques, caractérisées par la baisse tendancielle significative d’au moins un indicateur économique… ». Cela me permet de reprendre l’amendement de Mme Jeanine Dubié.
Quant aux préoccupations de Mme Marie-Lou Marcel, je puis dire que je les ai prises en compte dans l’approche graduelle, en fonction de la taille des entreprises, que j’ai exposée tout à l’heure. L’on peut espérer qu’une entreprise de moins de dix salariés puisse résister à une baisse de ressources ou à une baisse de chiffre d’affaires sur un trimestre ; au-delà, cela devient difficile pour elle.
La loi relative à l’économie sociale et solidaire, adoptée il y a un an et demi, concerne 165 000 associations qui sont employeuses. Dès que les subventions viennent à manquer dans leur budget, beaucoup d’entre elles ne peuvent tenir un trimestre sans adapter la voilure à la réalité de leur modèle économique. Les trois catégories que j’ai retenues – moins de dix salariés, moins de cinquante, cinquante salariés et au-delà – me semblent correspondre à la capacité des entreprises à s’adapter à la situation économique et à l’anticiper. J’ai compris que la taille des entreprises constitue un souci pour notre collègue Marie-Lou Marcel, qui porte une attention particulière aux TPE et PME.
Pour résumer, je propose donc d’apporter une deuxième rectification à mon amendement en donnant satisfaction à l’amendement de Mme Jeanine Dubié, mais de conserver sa deuxième partie qui prend en compte les soucis exprimés relativement à la taille des entreprises concernées.
La commission adopte l’amendement CE171 rectifié ainsi rectifié.
En conséquence, les amendements CE59, CE86, CE109 et CE143 tombent.
Puis la commission discute de l’amendement CE87 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. L’article 30 inscrit dans la loi la possibilité pour un employeur de licencier pour motif économique afin de permettre de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Bien que ce motif soit prévu par la jurisprudence de la Cour de cassation, les termes de « sauvegarde de la compétitivité » laissent de grandes marges de manœuvre aux employeurs pour supprimer des emplois en dehors de toute difficulté économique. Cette inscription dans la loi va permettre d’effectuer des licenciements plus facilement sans qu’il soit possible de vérifier si l’employeur a pris tous les moyens nécessaires pour éviter les suppressions d’emplois.
Comme je le disais en soutien de mes amendements précédents, les grandes entreprises pourront, si nous n’y prenons garde, user de multiples prétextes pour licencier pour motif économique, le juge n’ayant plus à rechercher en ce cas s’il y a des causes réelles et sérieuses à ces licenciements.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Votre raisonnement va à l’encontre de ce que souhaite le texte. Selon vous, la jurisprudence est trop ouverte : le projet de loi propose précisément de resserrer les critères pour mieux les identifier et guider le travail du juge. Voilà ce que vous voulez supprimer ! La jurisprudence actuelle est relativement large quant à l’appréciation des licenciements économiques. L’article propose de mieux en préciser le périmètre.
M. André Chassaigne. Une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité constitue-t-elle pour vous un critère suffisant et bien défini de licenciement ? En réalité, cela ne recouvre que la recherche d’un retour sur investissement de 15 % ou 20 % sur un site industriel qui a peut-être le malheur de n’en apporter que 10 %. Une atteinte à la compétitivité peut tout justifier. Je préfère encore des raisons appréciées par un juge.
On se couche devant les marchés financiers !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur André Chassaigne, vous parliez tout à l’heure de pistolet sur la tempe. Pour ma part, je préfère la sauvegarde de la compétitivité au suicide collectif.
Mme Michèle Bonneton. Mieux vaudrait, me semble-t-il, parler de sauvegarde de l’entreprise plutôt que de sauvegarde de la compétitivité. Cette sauvegarde, sur combien de temps faudrait-il l’apprécier ? La survie d’une entreprise, de bien mal nommés « plans de sauvegarde de l’emploi » « en plans de sauvegarde de l’emploi », peut s’étendre sur un an ou deux – avant sa fermeture. Mal définis, les critères rendront la situation encore plus floue.
On veut tout simplifier ? Je crois plutôt que chacun interprétera en différentes directions et fera son marché entre les diverses approches possibles. Je ne doute pas, naturellement, que l’on embauchera beaucoup d’inspecteurs du travail pour tout cela.
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’examen de l’amendement CE172 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Par cet amendement, j’ai voulu rappeler que les éléments essentiels du contrat de travail s’apprécient au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale à laquelle elle peut se trouver appartenir.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE88 de M. André Chassaigne, CE110 de Mme Jeanine Dubié, les amendements identiques CE60 de Mme Audrey Linkenheld et CE91 de Mme Marie-Lou Marcel, et les amendements CE26 de Mme Michèle Bonneton et CE144 de Mme Marie-Lou Marcel.
M. André Chassaigne. L’amendement CE88 est de repli. Il tend à faire en sorte que la situation économique d’une entreprise puisse être observée au regard de sa situation sur l’ensemble de son secteur d’activité, c’est-à-dire au niveau mondial, et non au seul niveau national.
Pour pouvoir licencier, un groupe international peut, par des artifices, mettre en difficulté l’un de ses sites, comme c’est trop souvent le cas. Pourquoi cet alinéa ? Eh bien, une jurisprudence de la Cour de cassation exige actuellement que les difficultés économiques pouvant justifier d’éventuels licenciements soient appréciées au regard de la situation du secteur d’activité du groupe au niveau mondial lorsque l’entreprise concernée appartient à un groupe. C’est devenu gênant, naturellement. Alors on supprime !
Mme Jeanine Dubié. Il importe de préciser qu’en cas d’appartenance de l’entreprise à un groupe, le niveau d’appréciation du motif économique – difficultés, mutations, sauvegarde de la compétitivité et autres – qui devrait être théoriquement celui du secteur d’activité du groupe, soit au minimum celui des filiales situées dans l’Union européenne et en Suisse. Tel est le sens de l’amendement CE110.
M. Philippe Kemel. Il s’agit de substituer, par l’amendement CE60, aux mots : « sur le territoire national », les mots : « dans l’espace économique européen ». C’est le minimum.
Mme Marie-Lou Marcel. L’amendement CE91 vise à substituer, à l’alinéa 11, la dimension européenne à la dimension nationale. Le texte prévoit que les difficultés économiques seront regardées au niveau national dans le secteur d’activité commun aux entreprises en difficulté. Or il est nécessaire de prendre en compte l’activité réelle du groupe tant en France qu’à l’étranger afin d’éviter des baisses d’activité volontaires d’entreprises visant à externaliser la production sur des filiales du groupe et à justifier ainsi des licenciements pour motif économique.
Mme Michèle Bonneton. Les entreprises ayant une dimension internationale recherchent forcément leur équilibre financier et économique au niveau international, et certaines d’entre elles pratiquent d’ailleurs le dumping social en faisant jouer les pays les uns contre les autres, y compris à l’intérieur de l’Union européenne. Ne tenir compte que de la situation française d’une entreprise ou d’un groupe implanté dans plusieurs pays n’a plus de sens à l’heure actuelle, d’autant que certaines s’organisent pour créer des difficultés dans un pays afin de justifier des licenciements, voire des fermetures. Pour cette raison, l’amendement CE26 vise, à l’alinéa 11, à substituer au mot « national » le mot « européen », étant précisé que l’Europe s’entend ici au sens de continent.
Mme Marie-Lou Marcel. L’amendement CE144 a un objet similaire à celui de l’amendement CE91, mais il va plus loin puisqu’il vise à insérer, après le mot « national », les mots « et international ».
M. le rapporteur pour avis. Plusieurs des amendements qui viennent d’être présentés visent à éviter les opérations consistant à créer artificiellement les conditions d’affaiblissement par un groupe de l’une de ses filiales. Si cette préoccupation est légitime, elle est déjà prise en compte par l’alinéa 12 : « Ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ».
D’autres amendements proposent que le périmètre du licenciement soit étendu à l’Europe ou au monde. Pour ma part, je préfère que l’on s’en tienne au texte en son état actuel, c’est-à-dire que le périmètre du licenciement économique soit défini en fonction de la nature de l’activité considérée au niveau local, et non en fonction des activités du groupe, qui peuvent être extrêmement diverses et se trouver dans des situations économiques très différentes – certaines peuvent être florissantes, d’autres en difficulté. Or la meilleure façon de préserver un ensemble économique, c’est de lui permettre d’évoluer, de gérer ses activités et son marché, de s’adapter à sa clientèle et de faire évoluer ses productions, ce qui lui impose d’apprécier la situation de chacune de ses filiales en fonction du pays où elle se trouve. De ce point de vue, le périmètre national est le plus adapté pour caractériser un licenciement économique.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Cette série d’amendements montre à quel point vous êtes éloignés des préoccupations des TPE et des PME. Manifestement, vous ne visez que les pratiques de certains grands groupes du CAC40, car vous n’avez pas fixé de seuils pour les dispositions proposées, ce qui fait qu’elles ont vocation à s’appliquer aux petites entreprises, donc à freiner la création d’emplois en France.
La commission rejette successivement les amendements CE88 et CE110.
Puis elle adopte les amendements identiques CE60 et CE91.
En conséquence, les amendements CE26 et CE144 tombent.
La commission en vient à l’amendement CE111 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à renforcer les dispositions législatives ayant pour objet de prévenir les abus qui pourraient découler de la restriction du pouvoir d’appréciation du juge et du périmètre pour les groupes.
M. le rapporteur pour avis. Le premier alinéa de cet amendement pose problème dans la mesure où le concept de « situation économique artificielle », peu clair, est porteur d’insécurité juridique.
En outre, le troisième alinéa me semble mal calibré : le juge n’intervient qu’en cas de contestation de son licenciement par le salarié, donc a posteriori : il n’a pas à statuer en urgence, ni à prendre de mesures conservatoires.
J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement CE131 de M. André Chassaigne n’a plus d’objet du fait de l’adoption de l’amendement CE171 2e rectification du rapporteur pour avis.
La commission examine l’amendement CE173 rectifié du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de la modification des conditions de durée qui permettent de caractériser des difficultés économiques. Il préserve le champ de la négociation collective, en prévoyant qu’elle peut déroger à la durée de droit commun de trois trimestres, prévue pour les entreprises de cinquante salariés ou plus, sous réserve d’un plancher légal d’un trimestre.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.
La commission est saisie de l’amendement CE176 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), qui sont des sociétés coopératives de production (SCOP), des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou des coopératives de droit commun dont les associés sont notamment des entrepreneurs salariés, sont régies par les dispositions du livre III de la septième partie du code du travail, ainsi que par les dispositions des lois particulières applicables à certaines catégories de sociétés coopératives. L’amendement CE176 vise à clarifier et à sécuriser le cadre juridique des CAE, en précisant explicitement dans la loi de 1947 qu’elles peuvent être constituées sous forme de SCOP, de SCIC ou de coopératives de toute autre forme dont les associés sont notamment entrepreneurs salariés.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE90 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Cet amendement prévoit le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, notamment en cas de licenciement économique boursier. L’entreprise se verra condamnée à rembourser le montant des exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l’ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d’emplois. Par ailleurs, l’entreprise perdra, le cas échéant, le bénéfice ou l’opportunité de bénéficier du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le juge pourra ordonner le remboursement de tout ou partie du montant dont aura bénéficié l’entreprise au titre du CIR et CICE.
M. le rapporteur pour avis. Le juge dispose déjà de plusieurs moyens visant à rétablir une situation équitable, notamment par la possibilité d’indemniser le salarié injustement licencié. Estimant préférable de lui laisser l’appréciation de la sanction qu’il souhaite prononcer, j’émets un avis défavorable à cet amendement.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Comme je le disais tout à l’heure, l’application d’une telle disposition aurait pour effet d’obliger une TPE ou une PME à rembourser des aides publiques si elle souhaite procéder à un licenciement économique.
M. André Chassaigne. Un licenciement sans cause réelle et sérieuse !
M. Jean-Charles Taugourdeau. Ce critère est laissé à l’appréciation des juges.
M. André Chassaigne. Le rapporteur semble ne pas faire la différence entre une mouche se posant sur une épaule et une patte d’éléphant ! En réalité, les quelques possibilités existant dans la loi n’ont rien à voir avec ce que je propose, à savoir la possibilité de sanctionner des licenciements effectués sans cause réelle et sérieuse.
La commission rejette l’amendement.
La commission discute de l’amendement CE77 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. L’article L. 1224‑1 du code du travail a pour objet de permettre à une entreprise en difficulté de céder des contrats de travail à une entreprise souhaitant reprendre son activité et son personnel. Or, à l’heure actuelle, nombre d’entreprises externalisent du personnel alors qu’elles se portent très bien, et le phénomène qui ne concernait initialement que les services généraux – le facility management – s’étend aujourd’hui au cœur de métier.
Je considère qu’il faut renforcer le dialogue social, et pour cela consulter le comité d’établissement, qui doit rendre un avis conforme après s’être assuré que l’on ne se trouve pas dans l’une des situations suivantes : risque de délocalisation éloignée de la région d’origine vers des pays de main-d’œuvre à bas coût ; perte de salaire, des avantages acquis ou convention collective moins avantageuse que celle de la filière à laquelle appartient le salarié ; transfert de services ou de personnels de groupes importants vers des sociétés qui n’ont pas l’expérience et les compétences requises ; crédibilité défaillante de l’entreprise ou du groupe pressenti pour accueillir le personnel ; absence de garanties apportées aux salariés concernant le montage financier quand le capital d’une nouvelle société a été créé pour l’occasion ; transfert non motivé par l’appartenance du salarié à sa filière industrielle et à son cœur de métier ; et choix infondé du transfert en raison d’une situation financière saine de l’entreprise qui ne fragilise pas la pérennité du groupe ou de la société.
M. le rapporteur pour avis. Si cet amendement me paraît procéder d’une intention louable, je ne pense pas qu’il soit réaliste de poser la condition d’un avis conforme du comité d’établissement au regard d’une si longue liste de conditions : cela revient quasiment à empêcher l’opération, donc à entraver la stratégie de l’entreprise.
Les critères proposés me semblent d’ailleurs insuffisamment précis. Ainsi, quand vous évoquez le choix infondé du transfert en raison d’une situation financière saine de l’entreprise, vous semblez ignorer que l’entreprise peut avoir intérêt à transférer une branche de son activité à une autre entreprise afin de permettre le développement de cette branche, sans que ses salariés s’en trouvent lésés, bien au contraire.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Un tel amendement pourrait se concevoir si un accord d’entreprise pouvait se substituer à l’avis conforme du comité d’établissement : cela permettrait de faire bénéficier les TPE et PME des dispositions que vous proposez.
M. Frédéric Barbier. Les sept situations prévues par l’amendement n’empêchent pas du tout une externalisation, mais constituent simplement des sécurités. Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler dans la loi qu’aucune entreprise n’est fondée à externaliser du personnel dans un pays à bas coût, ni à se défaire d’un savoir-faire constituant son cœur de métier. Si je me réfère au titre du projet de loi, je ne saurais dire si les dispositions que je propose constituent des protections pour les entreprises ou pour les salariés, tant les deux sont liées : pour une entreprise souhaitant externaliser, respecter des principes de bon sens a pour effet de la sécuriser, et de sécuriser du même coup son personnel.
Il est toujours choquant de voir un grand groupe externaliser des salariés qu’il emploie depuis quinze ou vingt ans, en les envoyant en quatre mois dans une structure spécialement montée pour les accueillir, et sans que l’on sache ce qu’ils vont devenir. Cela s’apparente à une forme de licenciement et de reprise par une autre société, c’est pourquoi j’estime que cette pratique doit être mieux encadrée – ce qui aura également pour effet de protéger l’entreprise elle-même.
M. André Chassaigne. Une fois n’est pas coutume, je crois que M. Jean-Charles Taugourdeau sera d’accord avec ce que je vais dire. Quand une grande entreprise externalise, cela a des conséquences négatives non seulement pour les salariés directement concernés, mais aussi pour les PME constituant l’environnement économique de l’entreprise. Ainsi, l’entreprise de Thiers dont je parlais fabrique des vannes de haute technologie, elle se procure des composants produits dans des PME situées à proximité, et peut également sous-traiter certaines tâches – je pense notamment à l’emballage et à l’expédition – à des PME ou des TPE intervenant sur son site même. Si elle externalise sa production dans un autre pays, cela aura des conséquences très lourdes dans tout le bassin d’emploi.
J’échange souvent avec les chefs d’entreprise du territoire que je représente, et tous me disent être les premières victimes de donneurs d’ordres à dimension internationale qui font pression pour qu’ils produisent moins cher, en agitant la menace d’externaliser leur production en Chine. Défendre l’emploi des salariés sur les sites industriels français, c’est aussi défendre le tissu des PME.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis tout à fait d’accord avec M. André Chassaigne sur l’importance de défendre les PME, c’est pourquoi je demande constamment à ce qu’on laisse tranquilles les petits entrepreneurs et à ce qu’on taxe moins les grosses entreprises.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE92 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. Cet amendement vise à ce que le salarié puisse faire valoir son droit de refus quand le comité d’établissement a donné un avis conforme, rendant l’externalisation possible. En ce cas, l’entreprise concernée doit examiner les raisons de son refus et trouver les conditions lui permettant d’accepter cette externalisation. Je rappelle que lors d’une telle opération, les contrats de travail en cours sont transférés automatiquement à l’entreprise d’accueil. Les salariés qui n’acceptent pas leur transfert sont considérés comme démissionnaires et n’ont pas d’autre choix que de quitter l’entreprise, alors qu’ils travaillaient parfois depuis quinze ou vingt ans au sein du même groupe.
La jurisprudence européenne a pourtant consacré le droit d’opposition du salarié au transfert de son contrat de travail, au nom des droits fondamentaux du travailleur. Elle laisse les États membres décider ce qu’ils veulent faire en droit interne, donne de fait la possibilité au salarié du choix de l’entreprise et établit le droit au refus.
En Allemagne, lorsqu’une partie de l’entreprise est transférée, par acte juridique, à un autre propriétaire, l’opposition d’un travailleur employé dans cette partie de l’entreprise fait obstacle au transfert de son contrat de travail au cessionnaire, ce qui entraîne l’ouverture d’une négociation afin de faire une autre proposition au salarié.
M. le rapporteur pour avis. Du fait de l’adoption de l’amendement précédent, on peut considérer que celui-ci n’a plus d’objet : si un salarié est en désaccord avec un projet d’externalisation, ses représentants au comité d’établissement ne donneront pas un avis conforme au transfert. J’émets donc un avis défavorable.
M. Frédéric Barbier. L’amendement qui vient d’être adopté a pour objet de permettre au comité d’établissement de rendre un avis sur l’externalisation, pas sur les conditions du transfert des contrats de travail – ce qui est conservé en termes d’ancienneté et de salaire, par exemple –, qui restent à négocier avec le salarié, ce qui justifie que celui-ci dispose d’un droit de refuser son transfert.
Je viens du deuxième territoire industriel de France, là où se trouvent Peugeot et General Electric. Il y est fréquemment question d’externalisation et, lorsque nous en débattons avec les industriels et les salariés, le modèle de l’Allemagne, où les salariés peuvent faire valoir leur droit au refus, est souvent invoqué.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Ne perdons pas de vue que c’est le monde économique privé qui nous fait vivre. Nous demandons-nous, à chaque fois que nous votons une loi, si tous les Français vont accepter de l’appliquer ? À mon sens, quand le comité d’établissement prend une décision, les salariés doivent s’y plier.
Dans les années 1960, lorsque le taux de chômage ne dépassait pas 3 % ou 4 %, un salarié qui n’était pas satisfait de son entreprise pouvait donner sa démission : dès le lendemain, il avait retrouvé un autre emploi ! Depuis cinquante ans, nous n’avons fait que complexifier les choses, ce qui fait que les salariés se cramponnent désormais à leur emploi de peur de le perdre. Aujourd’hui, nous devons voter des lois facilitant la création d’emplois afin de faciliter le turn over.
M. Frédéric Barbier. Ce que j’observe sur mon territoire, c’est que les grands groupes procèdent à des externalisations sans que cela donne lieu à négociation. De même que nous devons nous efforcer, quand nous votons des lois, de ne pas soumettre les entreprises à une trop grande instabilité juridique afin de ne pas compromettre leur visibilité sur l’avenir, nous devons permettre au salarié de se projeter dans l’avenir pour se construire. Cela justifie, quand le comité d’établissement rend un avis conforme, de permettre qu’une négociation s’engage sur les conditions de l’externalisation.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout cela part d’un bon sentiment, mais nous devons veiller à ne pas voter des lois ayant pour effet d’effrayer les petits entrepreneurs, car ce sont eux qui créent 95 % des emplois.
M. le rapporteur pour avis. Nous avons tous dit notre attachement à la hiérarchie des normes : c’est la règle de droit public qui s’impose en priorité, puis l’accord de branche, puis l’accord d’entreprise, enfin le contrat de travail. Votre proposition, monsieur Frédéric Barbier, a pour effet de faire passer le contrat de travail devant l’accord d’entreprise, ce qui n’est pas le sens de ce que nous avons été une majorité à défendre dans le cadre de ce projet de loi jusqu’à présent.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE93 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. Peugeot envisage actuellement d’externaliser ses services informatiques au sein du groupe de services IT Capgemini, en proposant aux salariés concernés de revenir au sein de l’entreprise-mère au bout de trois ans s’ils le souhaitent. L’amendement CE93 a pour objet de consacrer cette idée en l’inscrivant dans la loi.
M. le rapporteur pour avis. L’initiative à laquelle il est ici fait référence est sans doute fondée dans des configurations particulières, et je ne suis pas certain qu’il faille l’étendre à toutes les entreprises. Peugeot est un grand groupe, et je suis le premier à me réjouir que l’aide que lui a apportée l’État ait permis son redressement. Cela dit, étant moi aussi élu d’un territoire très industriel, je connais de nombreux exemples d’externalisations vertueuses ayant permis à des entreprises de retrouver du dynamisme, de prendre des marchés et de se développer à nouveau. Je ne suis pas certain que cela soit possible si on leur impose de reprendre au bout de trois ans les salariés qui ne se sentent pas bien dans la structure dans laquelle où ils ont été transférés. Une telle mesure convient sans doute à Peugeot et Capgemini, mais je ne pense pas qu’elle puisse être imposée sans risques à l’ensemble des entreprises. Je suis donc défavorable à l’amendement CE93.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Puisqu’il est ici question de PSA, n’oublions pas le trou d’air par lequel ce groupe est passé il y a deux ans. Certes, il distribue aujourd’hui des dividendes, mais il n’a dû son salut qu’à l’intervention de l’État ! Faute d’avoir pu bénéficier du même soutien, des milliers de petites entreprises ont aujourd’hui disparu. Je pourrais être d’accord avec votre amendement si, dans le même temps, vous en proposiez un autre ayant pour objet d’obliger les banques à financer les TPE et PME en difficulté.
M. Frédéric Barbier. J’ai l’impression que nous nous sommes mal compris. Les externalisations sont effectivement une bonne chose lorsqu’elles permettent à une entreprise d’extraire une partie de son effectif afin de le faire travailler au sein d’autres structures, lui donnant ainsi la possibilité d’acquérir une expérience supplémentaire, donc de devenir plus performant. Ce type d’externalisation ne peut se faire sous la contrainte : il doit s’agir d’un accord gagnant-gagnant pour l’entreprise et les salariés concernés, conclu dans le cadre d’une négociation et laissant aux salariés la possibilité de revenir en arrière dans le cas où l’externalisation ne leur conviendrait pas.
Dans les faits, je suis persuadé qu’il sera très peu fait usage de cette possibilité par les salariés. Il ne s’agit que de leur procurer un sentiment de sécurité afin de les inciter à franchir le cap de l’externalisation. Je rappelle que nous parlons de salariés ayant parfois travaillé vingt ou trente ans au sein d’un grand groupe et qui, du jour au lendemain, vont se retrouver dans une petite structure de 300 personnes. Il est normal qu’ils en conçoivent une certaine inquiétude, et cela justifie qu’on les rassure en leur permettant de revenir au sein de leur entreprise d’origine au bout de trois ans si la greffe n’a pas pris.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE115 de Mme Dominique Orliac.
Mme Jeanine Dubié. Le présent amendement reprend les principales dispositions de la proposition de loi du groupe RRDP dont la rapporteure était notre collègue Dominique Orliac et qui a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 10 mars dernier.
Il propose, tout d’abord, d’étendre la durée de la période légale de protection contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé de maternité, la faisant passer de quatre à dix semaines. L’extension de cette période de protection s’applique également au second parent, qui en bénéficie à compter de la naissance de l’enfant, ainsi qu’aux parents adoptants.
Il consiste, ensuite, à reporter le point de départ de cette période de protection à l’expiration des congés payés, quand ces derniers sont pris directement après le congé de maternité, conformément à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation de 2014.
L’amendement vise ainsi à sécuriser le parcours professionnel des parents après l’arrivée d’un enfant sans remettre en cause le caractère relatif de la protection.
M. le rapporteur pour avis. Avis favorable. Cette adoption permettra sans doute un aboutissement plus rapide du dispositif prévu dans la proposition de loi.
La commission adopte l’amendement.
Article 38
(art. L. 1254-9, L. 1255-11, L.1255-14 à L. 1255-16, L. 1255-17 et L. 1255-18 [nouveaux] et 5132-14 du code du travail, art. L. 5542-51 du code des transports, ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015 relative au portage salarial)
Portage salarial
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 38 sans modification.
Article 39
(art. L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1244-1, L. 1244-2, L. 1244-4, L. 1251-6, L. 1251-11, L. 1251-37, L. 1251-60, L. 2412-2 à L. 2412-4, L. 2412-7 à L. 2412-9, L. 2412 13, L. 2421-8-1, L. 5135-7 et L. 6321-13 du code du travail)
Emploi saisonnier
La commission est saisie de l’amendement CE112 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à compléter le champ des négociations entre les partenaires sociaux prévues à l’article 39 afin de prévoir un dispositif similaire à la prime de précarité pour les travailleurs saisonniers, qui n’y ont aujourd’hui pas droit.
Dans la rédaction actuelle du projet de loi, les négociations portent sur les modalités de reconduction du contrat de travail et la prise en compte de l’ancienneté. Il semble donc que les modalités d’indemnisation pour les cas de non-reconduction du contrat de travail en soient exclues. Les caractéristiques du travail saisonnier exigent de prévoir une compensation financière spécifique, afin de contrebalancer la précarité incontestable de ce contrat. Cet amendement propose de compléter l’alinéa relatif aux négociations en vue de préciser qu’elles doivent aussi porter sur les modalités de compensation financière en cas de non-reconduction du contrat de travail.
M. le rapporteur pour avis. Voilà une précision utile. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE25 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Plusieurs dispositions améliorent les conditions d’emploi des travailleurs saisonniers et il est important qu’elles soient effectivement mises en place. C’est pourquoi je propose de compléter l’alinéa 3 par les mots : « À défaut d’aboutir dans un délai d’un an, le législateur fixe les modalités de reconduction du contrat et de prise en compte de l’ancienneté des salariés saisonniers. »
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet amendement est incompatible avec l’alinéa 4 de l’article, qui prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances en cas d’échec des négociations.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Les saisonniers sont dans une situation difficile non en raison de leur emploi saisonnier mais parce qu’ils n’ont pas accès au crédit, les banques demandant un CDI. Un saisonnier qui a la capacité physique de travailler tout au long de l’année peut avoir remboursé à trente-trois ans un prêt bancaire sur quinze ans. Il ne connaît jamais de défaillance d’entreprise, car il en trouve toujours une qui fait des saisons. La précarité du saisonnier ne tient pas au code du travail mais au processus de Bâle 3 et au problème du financement des TPE-PME.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE27 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à reconnaitre le caractère précaire des travailleurs saisonniers. Le projet de loi n’évoque à aucun moment la précarité de ces travailleurs, soumis aux aléas des saisons plus ou moins longues selon l’activité et les années. Je propose donc d’ajouter à l’alinéa 4 les mots : « de nature à lutter contre le caractère précaire de l’emploi saisonnier ».
Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE113 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à intégrer dans le champ de l’ordonnance prévue à l’alinéa 4 en cas d’échec des négociations d’accord de branche, un dispositif similaire à la prime de précarité à laquelle les travailleurs saisonniers n’ont aujourd’hui pas droit. Il précise que l’ordonnance inclura les modalités de compensation financière en cas de non-reconduction du contrat de travail.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Les travailleurs saisonniers ne sont pas sous-rémunérés. Quand une convention collective existe dans l’entreprise, ils sont rémunérés au même titre que les autres salariés.
Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 39 modifié.
Article 40
(art. L. 1253-24 du code du travail)
Groupement d’employeurs
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 40 sans modification.
La commission est saisie de l’amendement CE53 de Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got. Cet amendement vise à ouvrir les groupements d’employeurs mixtes, composés de personnes de droit privé et de collectivités territoriales ou d’établissements publics, à la forme coopérative, alors qu’ils ne peuvent actuellement être constitués que sous la forme associative. Il convient de mettre en cohérence les différentes dispositions en matière de groupements d’employeurs et de favoriser le recours à ce dispositif.
M. le rapporteur pour avis. Je suis tout à fait favorable à l’objectif mais la rédaction de l’amendement risque de supprimer la forme associative des groupements d’employeurs sans l’élargir à la forme coopérative. Il conviendrait de le récrire d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Article 41
(art. L. 1233-24-2, L. 1233-57-19, L. 1233-61 et L. 1233-62 du code du travail)
Transferts d’entités économiques
La commission est saisie de l’amendement CE84 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Aux termes de l’article 41, dans le cadre d’une cession d’entreprise, celui qui cède pourra procéder à des licenciements sans transférer les contrats de travail en cours à l’entreprise d’accueil. Pour être clair, si mon amendement de suppression n’est pas voté, les amendements CE92 et CE93 de M. Barbier, examinés précédemment, seront caducs.
Cet article pourrait être justifié, dans certains bassins d’emplois, par le fait que la cession d’une entreprise est plus difficile lorsque le repreneur est obligé d’assumer des responsabilités en termes de contrats de travail ; c’est un des constats de l’application de la loi dite « Florange », qui ne donne pas les résultats attendus. Mais cet article 41 est dangereux, car il permettra tous les abus, la suppression d’emplois en masse pour faciliter des cessions, avec un tri des salariés en fonction des savoir-faire et des productions que le cédant ne voudrait pas voir développer par d’autres.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet article permet d’éviter la fermeture d’un site entier par la reprise partielle des emplois.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 41 sans modification.
Article 42
(art. L. 1233-85 et L. 1233-90-1 [nouveau] du code du travail)
Revitalisation des bassins d’emplois
La commission examine l’amendement CE116 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. La convention-cadre nationale de revitalisation doit être obligatoire et ne doit pas être laissée à l’initiative des parties.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. La souplesse du dispositif actuel vise à éviter les lourdeurs administratives inutiles. Cette convention-cadre n’a d’autre objet que de mieux coordonner les conventions locales signées entre le préfet et l’employeur concerné. Dans les situations où cette coordination ne se justifierait pas, il n’est pas opportun de l’imposer aux parties.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle passe à l’examen de l’amendement CE117 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Le délai actuellement prévu à l’article L. 1233-85 du code du travail est de six mois et il semble judicieux de le maintenir ainsi. Aucune raison ne motive un allongement du délai à huit mois.
M. le rapporteur pour avis. Défavorable. Le délai de six mois n’est jamais respecté dans les faits. Il s’agit simplement d’adapter la loi à la réalité.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 42 modifié.
La commission est saisie de l’amendement CE23 de Mme Corinne Erhel.
Mme Corinne Erhel. Des associations et des fondations d’ingénierie permettent à deux besoins de se rencontrer : celui des demandeurs d’emploi qui connaissent des difficultés professionnelles et celui des entreprises qui ont du mal à recruter, particulièrement dans les secteurs en tension. Des expériences concrètes ont montré qu’une compétence que les entreprises ont du mal à trouver sur le marché du travail peut se construire avec des profils de demandeurs d’emploi de longue durée. En parallèle, ces structures peuvent accompagner l’entreprise dans la redéfinition de son besoin de compétences. Ces acteurs sont détenteurs d’une expertise en matière de réinsertion par l’emploi qu’il est essentiel de reconnaître. Cet amendement vise donc à définir dans le code du travail l’existence de ces structures innovantes au plan social et économique.
M. le rapporteur pour avis. Avis tout à fait favorable. Le conseil que je donnerais, c’est d’aiguiller ces structures vers l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale, ce qui leur ouvrirait l’accès aux fonds équitables où est notamment dirigée une partie de la collecte des plans d’épargne entreprise.
La commission adopte l’amendement.
Article 45
(art. L. 1262-4-1, L. 1262-4-4 [nouveau], L. 1264-1 et L. 1264-2 du code de travail)
Renforcement des obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre lorsque ceux-ci ont recours à des prestataires établis à l’étranger
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sans modification.
Article 46
(art. L. 1262-4-5 [nouveau] du code du travail)
Création d’une contribution visant à compenser les coûts administratifs liés à la création d’un système de déclaration dématérialisé
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 46 sans modification.
Article 47
(art. L. 1263-3, 1263-4-1 [nouveau], L. 1263-5 et L. 1263-6 du code du travail)
Application de la mesure administrative de suspension temporaire d’activité d’un prestataire étranger en cas d’absence de déclaration de détachement
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 sans modification.
AUDITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *
– M. Pierre Gattaz, président
– M. Michel Guilbaud, directeur général
– M. Olivier Gainon, directeur de cabinet
– Mme Thaïma Samman, conseillère
– M. Antoine Foucher, directeur général adjoint en charge des affaires sociales
– Mme Ophélie Dujarric, directrice adjointe en charge de la direction des affaires publiques
Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)
– M. François Asselin, président
– M. Jean-Michel Pottier, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation
– M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général
– M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales
Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI)
– M. Alexandre Montay, délégué général
– M. Guillaume Lidon, chargé des relations institutionnelles
Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES)
– M. Sébastien Darrigrand, délégué général
– M. David Cluzeau, vice-président en charge des affaires sociales
– Mme Violaine Trosseille, responsable du pôle relations sociales
Union professionnelle artisanale (UPA)
– M. Jean-Pierre Crouzet, président
– M. Pierre Burban, secrétaire général
Conseil de la simplification pour les entreprises
– M. Laurent Grandguillaume, co-président
– Mme Françoise Holder, co-présidente
– M. Nicolas Conso, secrétariat général pour la modernisation de l’action publique
AUDITIONS CONJOINTES AVEC LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Confédération française démocratique du travail (CFDT) *
– Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe
– Mme Lucie Lourdelle, secrétaire confédérale
– Mme Caroline Werkoff, secrétaire confédérale
Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) *
– M. Bernard Sagez, secrétaire général
– M. Richard Bonne, directeur de cabinet
– Mme Élise Guillaume, responsable du service politique sociale
Force ouvrière (FO)
– M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général
– M. Didier Porte, secrétaire confédéral
– Mme Cristelle Gillard, directrice de cabinet
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *
– M. Pierre Gattaz, président
– M. Pierre Brajeux, président du MEDEF Hauts-de-Seine et président de Torann-France
– M. Michel Guilbaud, directeur général
– M. Olivier Gainon, directeur de cabinet
– M. Antoine Foucher, directeur général adjoint en charge des affaires sociales
– Mme Ophélie Dujarric, directrice adjointe en charge de la direction des affaires publiques
Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)
– M. François Asselin, président
– M. Jean-Michel Pottier, vice-président des affaires sociales
– M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales
– M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général
Fédération française du bâtiment (FFB) *
– M. Jacques Chanut, président
– Mme Laetitia Assali, directrice des affaires sociales
– M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles
Direction générale du travail (DGT)
– M. Yves Struillou, directeur général
– M. Jean-Henri Pyronnet, sous-directeur des relations individuelles et collectives du travail
– Mme Claire Scotton, adjointe au sous-directeur des relations individuelles et collectives du travail
– Mme Bénédicte Legrand-Jung, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail
– Mme Anne Thauvin, cheffe du bureau des relations individuelles du travail
– M. Aymeric Morin, chef du bureau des relations collectives du travail
– Mme Aurore Vitou, cheffe du bureau de la durée et des rémunérations du travail
– Mme Florence Renon, cheffe du bureau de la politique et des acteurs de prévention
Union nationale des missions locales (UNML)
– M. Serge Kroichvili, délégué général
Table ronde des avocats spécialisés
– Me Franck Morel, avocat associé au cabinet Barthélémy avocats Paris
– Me Emmanuelle Barbara, avocate spécialiste en droit du travail de la sécurité sociale et de la protection sociale, Managing Partner au cabinet August & Debouzy
– Me Michel Henry, avocat au cabinet SCP Michel Henry, et Me Matthieu Jantet-Hidalgo, avocat collaborateur
– Me Nicolas de Sevin, président d’AvoSial, avocat associé/partner, au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, et Me Marie Hélène Bensadoun, avocat associé au groupe social August & Debouzy
Table ronde des professeurs d’université
– M. Emmanuel Dockès, professeur agrégé de droit français spécialiste de droit du travail, à l’Université de Paris-Ouest-Nanterre-La-Défense
– M. Pascal Lokiec, agrégé des facultés de droit, professeur à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense
– Me Hélène Masse-Dessen, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation
– M. Jean-François Cesaro, agrégé des universités, professeur de droit à l’Université Panthéon Assas
Personnalités qualifiées
– M. Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale au Conseil d’État
– Mme Selma Mahfouz, présidente de la commission compte personnel d’activité (CPA), et Mme Hélène Garner, chef de projet à France Stratégie, rapporteure du rapport sur le CPA.
– M. Bruno Mettling, président-directeur général d’Orange Middle East and Africa, auteur du rapport à la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social « Transformation numérique et vie au travail » (septembre 2015), et M. François-Xavier Rey, Program Office Director
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
© Assemblée nationale