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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 avril 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’adhésion de la France au protocole à la convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages.
PAR M. Didier QUENTIN
Député
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 270 (2013-2014), 67, 68 et T.A. 18 (2014-2015).
Assemblée nationale : 2348.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE LA CONVENTION D’ATHÈNES TELLE QU’AMENDÉE PAR LE PROTOCOLE DE 2002 7
A. UN CHAMP D’APPLICATION QUI RESTE LIMITÉ AU « TRANSPORT INTERNATIONAL » 7
B. DES RÉGIMES DE RESPONSABILITÉ VARIABLES SELON LES PRÉJUDICES ET LES CIRCONSTANCES 8
C. DES LIMITES DE RESPONSABILITÉ SIGNIFICATIVEMENT RELEVÉES ET PLUS FACILEMENT MODIFIABLES À L’AVENIR 9
D. UNE OBLIGATION D’ASSURANCE, ASSORTIE D’UN RÉGIME DE CONTRÔLE, ET UN DROIT DE RECOURS DIRECT CONTRE L’ASSUREUR 10
E. DES STIPULATIONS RELATIVES À LA JURIDICTION COMPÉTENTE, AINSI QU’À LA RECONNAISSANCE ET À L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS 10
II. L’ARTICULATION ENTRE LE PROTOCOLE DE 2002 ET D’AUTRES INSTRUMENTS PERTINENTS EN LA MATIÈRE 11
A. LA PRISE EN COMPTE DE LA CONVENTION « LLMC » SUR LA LIMITATION DE RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE CRÉANCES MARITIMES 11
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LES LIGNES DIRECTRICES DE L’ORGANISATION MARITIME INTERNATIONALE 11
C. L’ARTICULATION AVEC LE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE 12
1. Les règles applicables en matière de compétence juridictionnelle ainsi que de reconnaissance et d’exécution des jugements 12
2. Le règlement européen du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident 13
III. LES RAISONS D’ADHÉRER AU PROTOCOLE DE 2002 15
A. DES CONSIDÉRATIONS D’OPPORTUNITÉ 15
1. Se rallier à un dispositif désormais plus protecteur que la convention généraliste « LLMC » à laquelle la France est déjà partie 15
2. Contribuer à l’universalisation d’un texte qui doit devenir l’instrument juridique de référence 15
B. UNE ADHÉSION JURIDIQUEMENT IMPORTANTE 16
1. L’adhésion de l’Union européenne au protocole ne dispense pas la France de faire de même, bien au contraire 16
2. L’introduction de la plupart des stipulations du protocole dans le droit de l’Union européenne, par le règlement précité de 2009, ne rend pas non plus l’adhésion de la France inutile 17
TRAVAUX DE LA COMMISSION 19
ANNEXE N° 1 : AUDITIONS 21
ANNEXE N° 2 : TEXTE CONSOLIDÉ DE LA CONVENTION D'ATHÈNES DE 1974 RELATIVE AU TRANSPORT PAR MER DE PASSAGERS ET DE LEURS BAGAGES ET DU PROTOCOLE DE 2002 À CETTE CONVENTION 23
ANNEXE N°3 - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 41
La convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages a été conçue pour consolider et harmoniser deux conventions antérieures, dites de « Bruxelles », adoptées respectivement en 1961 et 1967. Elle est entrée en vigueur le 28 avril 1987.
Cette convention a déjà été révisée à deux reprises : d’abord par un protocole adopté en 1976, qui a remplacé en tant qu’unité de compte le franc-or par les droits de tirage spéciaux tels qu’ils sont définis par le Fonds monétaire international (FMI) (1) ; ensuite par un protocole de 1990 qui avait pour objet d’augmenter les limites d’indemnisation mais qui n’est jamais entré en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications.
Un autre protocole a été adopté à Londres le 1er novembre 2002 (2) à l’issue d’une conférence diplomatique organisée au siège de l’Organisation maritime internationale (OMI), afin d’améliorer le régime juridique de responsabilité des transporteurs et l’indemnisation des personnes voyageant par mer. Ce protocole comporte plusieurs avancées :
– un régime de responsabilité sans faute du transporteur dans certaines hypothèses ;
– des limites de responsabilité significativement relevées ;
– une obligation d’assurance pour le transporteur, avec un mécanisme de vérification ;
– un droit d’action directe pour les passagers à l’encontre de l’assureur.
Le projet de loi dont la Commission est saisie a pour objet d’autoriser l’adhésion de la France à ce protocole de 2002. Votre Rapporteur présentera successivement les principales stipulations de la convention d’Athènes ainsi modifiée et complétée par le protocole (ci-après dénommée « convention d’Athènes consolidée »), son articulation avec d’autres instruments pertinents dans ce domaine du droit maritime, et enfin les raisons qui justifient l’adhésion de la France au protocole.
I. LES PRINCIPALES STIPULATIONS DE LA CONVENTION D’ATHÈNES TELLE QU’AMENDÉE PAR LE PROTOCOLE DE 2002
Le protocole est constitué de 25 articles, dont 11 se substituent directement à des articles de la convention initiale ; 3 autres articles du protocole s’y ajoutent ; le reste se compose de définitions (article 1er du protocole) et de clauses finales n’appelant pas de commentaires particuliers. Un modèle de certificat d’assurance est par ailleurs annexé.
Conformément à l’article 15 du protocole, la convention d’Athènes et le protocole lui-même sont considérés et interprétés entre les parties comme formant un seul instrument. Il en résulte deux conséquences. D’une part, comme le souligne l’OMI (3), les Etats qui adhèrent au protocole de 2002 doivent dénoncer la convention de 1974 et ses protocoles de 1976 et de 1990, s’ils y sont déjà parties. Ce n’était pas le cas de la France jusqu’à présent. D’autre part, en adhérant au protocole de 2002, nous serons liés par l’ensemble formé par la convention d’Athènes de 1974 et les deux protocoles de 1976 et de 2002 qui la modifient et la complètent. C’est sur ce bloc que la Commission est appelée à se prononcer, et non sur le seul protocole de 2002.
Votre Rapporteur présentera donc la convention d’Athènes telle que modifiée et complétée par le protocole, sans se limiter à celui-ci (4).
La convention est relative au « transport international » par mer, défini de la manière suivante : « tout transport dont le lieu de départ et le lieu de destination sont, selon le contrat de transport, situés dans deux Etats différents ou dans un seul Etat si, selon le contrat de transport ou l’itinéraire prévu, il y a un port d’escale intermédiaire dans un autre Etat » (paragraphe 9, non modifié, de l’article 1er).
En cas de « transport international » ainsi défini, la convention s’applique lorsque le navire bat le pavillon d’un Etat partie, lorsque le contrat de transport a été conclu dans un Etat partie ou lorsque, selon le contrat de transport, le lieu de départ ou de destination se trouve dans un Etat partie (article 2, non modifié).
La convention telle qu’amendée par le protocole de 2002 prévoit désormais un régime de responsabilité sans faute en cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d’un passager causées par un « événement maritime » (ce terme désignant « le naufrage, le chavirement, l’abordage ou l’échouement du navire, une explosion ou un incendie à bord ou un défaut du navire (5) »). Le transporteur est alors responsable dans la limite de 250 000 unités de compte (6).
Le transporteur peut toutefois s’exonérer de sa responsabilité s’il apporte la preuve que « l’événement maritime » résulte d’un « acte de guerre, d’hostilités, d’une guerre civile, d’une insurrection ou d’un phénomène naturel exceptionnel, inévitable et irrésistible » ou s’il résulte en totalité du fait d’un tiers qui a délibérément agi ou omis d’agir dans l’intention de causer l’événement.
Si, et dans la mesure où, le préjudice du passager dépasse la limite de 250 000 unités de compte, c’est un régime de responsabilité pour faute présumée qui s’applique : au-delà de cette limite de 250 000 unités de compte, le transporteur est responsable sauf s’il prouve que l’évènement générateur du préjudice est survenu sans faute ou négligence de sa part.
En cas de préjudice résultant de la mort ou de lésions corporelles d’un passager non causées par un « événement maritime » (tel que précédemment défini), il est prévu un régime de responsabilité pour faute prouvée : le transporteur est responsable si le fait générateur du préjudice est imputable à sa faute ou à sa négligence, la charge de la preuve reposant sur le demandeur.
D’autres règles s’appliquent en cas de préjudice résultant de la perte de bagages ou de dommages les affectant.
S’agissant des bagages de cabine, la responsabilité du transporteur est présumée si le préjudice est causé par un « événement maritime » ; sinon, le transporteur est responsable si l’événement générateur du préjudice résulte de sa faute ou de sa négligence.
S’agissant des autres types de bagages, le transporteur est présumé responsable, sauf s’il prouve que l’événement générateur du préjudice est survenu sans faute ou négligence de sa part.
Par ailleurs, le transporteur n’est pas responsable en cas de perte ou de dommages concernant des « biens de valeur » (notamment espèces, titres négociables, or, argenterie, joaillerie, bijoux ou objets d’art) sauf s’ils ont été déposés auprès du transporteur qui a convenu de les garder en sûreté. Le transporteur est alors responsable jusqu’à un plafond de 3 375 unités de compte par passager et par transport.
Il faut également noter que l’article 6, non modifié, permet au tribunal saisi d’écarter ou d’atténuer la responsabilité du transporteur si ce dernier établit que le préjudice est dû directement ou indirectement à la faute ou à la négligence du passager (qu’il s’agisse de sa mort, de lésions corporelles ou de dommages affectant les bagages).
C. DES LIMITES DE RESPONSABILITÉ SIGNIFICATIVEMENT RELEVÉES ET PLUS FACILEMENT MODIFIABLES À L’AVENIR
L’une des principales avancées du protocole concerne les limites de responsabilité du transporteur. Elles sont toutes relevées, quel que soit le type de préjudice. Les modifications sont présentées dans le tableau ci-dessous.
Convention initiale de 1974 |
Protocole de 2002 | |
Mort ou lésions corporelles d’un passager |
46 666 unités de compte par passager pour un même événement |
400 000 unités de compte par passager pour un même événement |
Perte ou dommages survenus aux bagages de cabine |
833 unités de compte par passager et par transport |
2 250 unités de compte par passager et par transport |
Perte ou dommages survenus aux véhicules, y compris les bagages transportés dans un véhicule ou sur celui-ci |
3 333 unités de compte par véhicule et par transport |
12 700 unités de compte par véhicule et par transport |
Perte ou dommages survenus aux autres bagages |
1 200 unités de compte par passager et par transport |
3 375 unités de compte par passager et par transport |
Par ailleurs, une procédure d’amendement tacite est prévue afin de modifier les limites de responsabilité plus facilement, sans avoir à convoquer une conférence des Etats parties. Dans ce cas, des amendements peuvent être adoptés au sein du comité juridique de l’OMI par la majorité des deux tiers des Etats parties présents et votants, à condition qu’ils représentent au moins la moitié de l’ensemble des Etats parties. Tout amendement adopté dans ces conditions est réputé avoir été accepté à l’expiration d’un délai de dix-huit mois à compter de sa notification, sauf opposition d’un quart des Etats parties auprès du secrétaire général de l’OMI.
En cas de mort ou de lésions corporelles d’un passager, l’article 7 permet à tout Etat partie de fixer une limite de responsabilité plus élevée dans sa législation nationale, sous réserve de notifier cette limite (ou même l’absence de limite, le cas échéant) au secrétaire général de l’OMI.
D. UNE OBLIGATION D’ASSURANCE, ASSORTIE D’UN RÉGIME DE CONTRÔLE, ET UN DROIT DE RECOURS DIRECT CONTRE L’ASSUREUR
Le protocole de 2002 oblige tout transporteur dont le navire est autorisé à transporter plus de douze personnes et est immatriculé dans un Etat partie à souscrire une assurance ou une autre garantie financière, notamment le cautionnement d’une banque ou d’une institution financière similaire. L’assurance (ou une autre garantie financière) ne peut avoir une limite inférieure à 250 000 unités de compte par passager pour un même événement.
Afin de garantir l’efficacité de ce dispositif, l’Etat du pavillon doit délivrer ou viser un certificat attestant qu’une assurance ou une autre garantie financière est en cours de validité. Les Etats parties doivent interdire l’exploitation des navires battant leur pavillon qui ne seraient pas munis d’un tel certificat et s’assurer que tout navire faisant escale dans un de leurs ports en dispose. Comme votre Rapporteur a eu l’occasion de l’indiquer précédemment, un modèle de certificat est annexé au protocole. Les certificats délivrés par un Etat partie sont acceptés par tous les autres.
Pour faciliter l’indemnisation des victimes, le protocole permet de former directement la demande de réparation contre l’assureur ou la personne fournissant la garantie financière. Dans cette hypothèse, la limite de responsabilité de l’assureur est également fixée à 250 000 unités de compte.
E. DES STIPULATIONS RELATIVES À LA JURIDICTION COMPÉTENTE, AINSI QU’À LA RECONNAISSANCE ET À L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS
Le demandeur peut engager une action en justice devant une juridiction de l’un des Etats suivants pourvu qu’il soit partie à la convention : l’Etat de la résidence habituelle ou du principal établissement du défendeur ; l’Etat du lieu de départ ou de destination stipulé dans le contrat de transport ; l’Etat du domicile ou de la résidence habituelle du demandeur si le défendeur a un siège de son activité dans cet Etat et est soumis à la juridiction de celui-ci ; l’Etat du lieu de conclusion du contrat de transport (dans les mêmes conditions qu’au point précédent).
L’article 11 du protocole ajoute à la convention un article 17 bis aux termes duquel tout jugement définitif est reconnu dans les autres Etats parties sauf s’il a été obtenu frauduleusement ou si le défendeur n’a pas été averti dans des délais raisonnables et mis en mesure de préparer sa défense.
II. L’ARTICULATION ENTRE LE PROTOCOLE DE 2002 ET D’AUTRES INSTRUMENTS PERTINENTS EN LA MATIÈRE
Sur de nombreux points, on l’a vu, le protocole de 2002 comporte des avancées significatives par rapport à la convention d’Athènes initiale. Cela étant, pour apprécier pleinement la portée du protocole, il faut aussi considérer son articulation avec d’autres instruments pertinents dans ce domaine du droit maritime. Trois points méritent d’être cités en particulier.
A. LA PRISE EN COMPTE DE LA CONVENTION « LLMC » SUR LA LIMITATION DE RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE CRÉANCES MARITIMES
Conformément à l’article 19 de la convention d’Athènes consolidée, le transporteur demeure en droit de se prévaloir des limites de responsabilité établies par les « conventions internationales sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer ».
La convention sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes (ci-après dénommée « LLMC » suivant son acronyme anglo-saxon) (7), prévoit ainsi qu’en cas de créances résultant de la mort ou de lésions corporelles des passagers d’un navire, nées d’un même événement, la limite de la responsabilité du propriétaire du navire est fixée à un montant de 175 000 unités de compte multiplié par le nombre de passagers que le navire est autorisé à transporter conformément à son certificat.
Dans le cas où la limite de responsabilité prévue par la convention d’Athènes consolidée serait supérieure au plafond prévu par la convention « LLMC », dont le mode de calcul est différent, le transporteur pourra donc se prévaloir de ce dernier plafond.
Des négociations ont repris au sein du comité juridique de l’OMI trois ans après l’adoption du protocole afin de tenir compte des préoccupations exprimées par les compagnies d’assurance et les armateurs sur la capacité du marché à fournir des produits permettant de couvrir les transporteurs conformément aux exigences de la convention d’Athènes amendée.
Selon des éléments communiqués par le ministère des affaires étrangères, il s’agissait de prendre en compte les difficultés suivantes. D’une part, les risques excluant la responsabilité du transporteur tels qu’ils sont énumérés par la convention d’Athènes consolidée seraient trop généraux pour qu’un assureur puisse apporter une couverture dans les conditions prévues (aucun assureur, par exemple, n’acceptant de couvrir le risque biochimique ou le risque nucléaire). D’autre part, le fait que certains risques ne soient pas mentionnés, notamment celui de terrorisme, réduirait les cas où le transporteur pourrait s’exonérer de sa responsabilité. Le comité juridique de l’OMI a estimé que la question de la responsabilité du transporteur en cas d’action terroriste constituait un obstacle à l’entrée en vigueur du protocole.
Afin de remédier à ces difficultés, le comité juridique a adopté en 2006 des « lignes directrices pour l’application du protocole ». Les risques y sont plus précisément énumérés et il est recommandé aux Etats d’assortir leur adhésion d’une réserve tenant compte de la situation actuelle du marché de l’assurance. Selon le modèle adopté par l’OMI, l’Etat concerné se réserve le droit de, et s’engage à, limiter au plus petit des montants suivants la responsabilité du transporteur, l’obligation de souscrire une assurance et la responsabilité de l’assureur en cas de mort ou de lésions corporelles d’un passager causées par l’un des risques mentionnés dans les lignes directrices : 250 000 unités de compte par passager pour un même événement ou 340 millions d’unité de compte au total par navire pour un même événement. Selon les indications transmises par le ministère des affaires étrangères, le marché de l’assurance serait en mesure de satisfaire aux exigences de ces lignes directrices.
Comme l’Union européenne l’a fait lorsqu’elle a adhéré au protocole, les Etats membres doivent formuler à leur tour la réserve prévue par l’OMI. L’étude d’impact jointe au projet de loi indique ainsi que le dépôt de l’instrument d’adhésion de la France sera accompagné d’une telle réserve.
Deux points méritent d’être mentionnés : le premier est relatif aux règles applicables en matière de compétence juridictionnelle ainsi que de reconnaissance et d’exécution des jugements au sein de l’Union européenne ; le second concerne le règlement CE 392/2009 du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident.
1. Les règles applicables en matière de compétence juridictionnelle ainsi que de reconnaissance et d’exécution des jugements
Les règles énoncées par la convention d’Athènes consolidée en ce qui concerne la juridiction compétente (article 17) prévalent sur celles applicables en droit de l’Union européenne en matière de contrats conclus par les consommateurs (articles 16 et 17 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000) (8). Ce n’est pas le cas, en revanche, pour les règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution des jugements.
En effet, l’Union européenne (9) a fait usage de la possibilité offerte par le paragraphe 3 de l’article 17 bis, qui permet d’appliquer d’autres règles en la matière, sous réserve qu’elles ne soient pas moins favorables. L’UE a ainsi fait une déclaration aux termes de laquelle les décisions rendues par un tribunal d’un Etat membre sont reconnues et exécutées dans un autre Etat membre conformément aux règles de l’UE applicables en la matière. Par ailleurs, les décisions rendues par un tribunal d’un Etat tiers sont reconnues et exécutées dans les Etats membres conformément à la convention de Lugano du 16 septembre 1988 ou à celle du 30 octobre 2007, selon que l’Etat tiers est partie à la première ou la deuxième de ces deux conventions dites de Lugano.
2. Le règlement européen du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident
S’agissant du règlement (CE) n° 392/2009 du 23 avril 2009, directement applicable depuis le 31 décembre 2012, il faut d’abord préciser qu’il rend applicable dans le droit des Etats membres de l’Union européenne l’essentiel des règles prévues par la convention d’Athènes consolidée. Par ailleurs, comme l’étude d’impact le signale, ce règlement étend les dispositions de la convention au cabotage maritime national à bord de navires des classes A et B. Il comporte aussi d’autres dispositions favorables aux passagers qui ne sont pas prévues par la convention d’Athènes consolidée, notamment en ce qui concerne le versement d’avances ou l’information des passagers sur leurs droits.
III. LES RAISONS D’ADHÉRER AU PROTOCOLE DE 2002
Jusqu’à présent, la France n’avait pas choisi de ratifier la convention d’Athènes de 1974. A l’origine, elle était certes partie à la convention de Bruxelles de 1961, qui a précédé la convention d’Athènes, mais elle a dénoncé cette première convention en 1975 avant de ratifier la convention « LLMC » de 1976, qui est la convention généraliste dans ce domaine.
Si la France choisit maintenant de se rallier à la convention d’Athènes, telle qu’amendée par le protocole de 2002, c’est pour des considérations d’opportunité – sa révision ayant permis de réelles avancées qui en font l’instrument international de référence – mais aussi pour d’autres raisons juridiques que l’on présentera également.
1. Se rallier à un dispositif désormais plus protecteur que la convention généraliste « LLMC » à laquelle la France est déjà partie
Selon les réponses écrites du ministère des affaires étrangères, c’est parce que la convention d’Athènes de 1974 n’offrait pas de plus-value par rapport à la convention « LLMC », notamment en termes de limitation de responsabilité, que la France n’avait pas jugé opportun de la ratifier. C’est la convention « LLMC », modifiée par un protocole de 1996, qui a alors servi de fondement à la législation française en matière de créances maritimes (10).
La situation est différente depuis l’adoption du protocole de 2002. Les avancées qu’il permet de réaliser ont été détaillées dans la première partie du présent rapport. La convention d’Athènes telle qu’amendée par le protocole de 2002 présente désormais les spécificités suivantes par rapport à la convention « LLMC » : un régime de responsabilité objective du transporteur ; des limites plus élevées de responsabilité ; une obligation pour le transporteur de souscrire une assurance couvrant sa responsabilité ; la possibilité pour une victime de demander réparation directement auprès de l’assureur.
Le protocole de 2002, dont on a rappelé qu’il devait être considéré et interprété comme formant avec la convention d’Athènes un seul instrument juridique, conformément à son article 15, est entré en vigueur le 23 avril 2014, un an après sa ratification par dix Etats. L’adhésion de la France contribuera à l’universalisation nécessaire, mais encore incomplète, de ce texte qui constitue maintenant l’instrument juridique le plus avancé en la matière.
Le protocole reste en effet peu ratifié par rapport à d’autres conventions importantes qui ont été adoptées dans le cadre de l’OMI. A ce jour (11), le protocole ne compte que 25 Etats parties : l’Albanie, la Belgique, Belize, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, Malte, les Iles Marshall, le Monténégro, les Pays-Bas, la Norvège, la République des Palaos, le Panama, le Portugal, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, l’Espagne, la Suède, la Syrie et le Royaume-Uni. L’Union européenne a également adhéré au protocole, on l’a dit. Les 25 Etats parties représentent 42,83 % du tonnage brut de la flotte marchande mondiale.
A titre de comparaison, la convention d’Athènes initiale compte elle aussi 25 Etats parties, représentant 31,81 % du tonnage brut de la flotte marchande mondiale (12). Pour mémoire, l’OMI indique qu’un Etat ne peut être partie à la fois à la convention initiale et à son protocole de 2002.
Outre les considérations d’opportunité qui viennent d’être présentées, l’adhésion de la France est juridiquement importante pour d’autres raisons.
1. L’adhésion de l’Union européenne au protocole ne dispense pas la France de faire de même, bien au contraire
Conformément à deux décisions du Conseil de l’Union européenne du 12 décembre 2011 (décisions 2012/22/UE et 2012/23/UE) (13), l’Union a adhéré au protocole de 2002. Il s’agit toutefois d’un accord mixte, comportant des dispositions relevant de la compétence exclusive de l’UE et d’autres dispositions relevant de la compétence des Etats membres. Ces derniers, dont la France, doivent donc adhérer également au protocole compte tenu de leur obligation de coopération loyale. L’adhésion de la France au protocole répond ainsi à une exigence du droit de l’Union européenne.
2. L’introduction de la plupart des stipulations du protocole dans le droit de l’Union européenne, par le règlement précité de 2009, ne rend pas non plus l’adhésion de la France inutile
On l’a vu, la plupart des stipulations de la convention d’Athènes consolidée ont déjà été intégrées dans le droit de l’Union européenne par le règlement (CE) n° 392/2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident. Ces stipulations sont donc déjà applicables s’agissant de la France. Néanmoins, cela ne prive pas d’effet utile notre adhésion au protocole.
Selon les indications du ministère des affaires étrangères, c’est en effet une nécessité pour assurer la reconnaissance internationale des certificats d’assurance délivrés par la France. Ils peuvent déjà l’être sur la base du règlement européen précité, qui prévoit les mêmes garanties que la convention amendée par le protocole. Mais un Etat tiers, n’appartenant pas à l’Union européenne, n’est pas tenu de reconnaître ces certificats comme il aurait à le faire s’ils étaient délivrés sur le fondement du protocole par un Etat partie.
La commission examine, sur le rapport de M. Didier Quentin, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’adhésion de la France au protocole à la convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages (n° 2348), au cours de sa réunion du mercredi 27 avril 2016 à 9 heures 45.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci d’avoir réussi à rendre attractive votre présentation d’un texte qui est certes très aride, mais important compte tenu du sujet – la responsabilité des transporteurs.
M. Thierry Mariani. Je ne sais pas si vous aurez la réponse tout de suite, mais j’aimerais savoir si les conditions d’indemnisation pour les bagages sont plus avantageuses que dans le domaine du transport aérien.
M. le rapporteur. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir une réponse précise, une fois que nous aurons comparé le nombre de DTS prévu dans les deux cas.
Mme Chantal Guittet. Je suppose que les actes de piraterie sont inclus dans la catégorie des actes de terrorisme que vous avez évoquée. Existe-t-il un fonds d’indemnisation des victimes ?
M. le rapporteur. Ce n’est pas prévu par le protocole, mais ce serait sans doute un sujet à évoquer avec la Secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. On peut penser en effet qu’il reste des vides juridiques. S’agissant des actes de piraterie, vous vous souvenez certainement de l’opération qui a eu lieu au large de la Somalie quand François Fillon était Premier ministre.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 2348) sans modification.
Néant
TEXTE CONSOLIDÉ DE LA CONVENTION D'ATHÈNES DE 1974 RELATIVE AU TRANSPORT PAR MER DE PASSAGERS ET DE LEURS BAGAGES ET DU PROTOCOLE DE 2002 À CETTE CONVENTION
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’adhésion de la France au protocole à la convention d’Athènes de 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages (ensemble une annexe), adopté à Londres le 1er novembre 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2348)
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