N° 3717
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mai 2016
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE, relative au maintien de la réglementation viticole,
PAR Mme Marie-Hélène FABRE
Députée
——
Voir les numéros : 3574 et 3671
SOMMAIRE
___
Pages
INTRODUCTION 5
I. UN SECTEUR TRÈS ENCADRÉ 7
A. LES SIGNES DE LA QUALITÉ ET DE L’ORIGINE, UNE HISTOIRE FRANÇAISE 7
B. UNE ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION SOUS VIGILANCE 7
II. LA POLITIQUE DE L’ORIGINE ET DE LA QUALITÉ AU SERVICE DU CONSOMMATEUR ET DE LA VALORISATION DES VINS 10
A. L’INFORMATION DU CONSOMMATEUR 10
1. La spécificité de l’étiquetage viticole 10
2. Des campagnes d’information et de promotion du vin limitées 11
B. LA VALORISATION DES VINS 12
1. Les vertus de la segmentation par les indications géographiques 12
2. Les activités économiques qui leur sont liées 14
III. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 14
A. L’ORIGINE 14
1. L’initiative de la Commission européenne et l’inquiétude suscitées par les textes préparatoires 14
2. En dépit du retrait du projet, la nécessité de maintenir la vigilance 16
B. LE CONTENU 16
TRAVAUX DE LA COMMISSION 19
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 31
Le vin est un produit agricole particulier tant sur le plan technique que culturel. Il a traversé les siècles et appartient au patrimoine français. Ce produit du terroir allie des caractéristiques culturelles fortes liées à la géographie et à l’histoire françaises.
Géographiquement, la viticulture couvre plus de la moitié de la surface du territoire métropolitain à travers 66 départements aux particularités géographiques qui, associées à des cépages, forment des terroirs mondialement reconnus.
Économiquement, les vins et spiritueux français sont les deuxièmes contributeurs à la balance commerciale française. Au plan mondial, la France est le premier pays exportateur de vins et spiritueux en valeur : les exportations représentent 11,1 Mds d’euros de chiffre d’affaires à l’export (1) dont 43 % par les vins tranquilles, 25 % par les effervescents et 32 % par les spiritueux.
Ce dynamisme n’a pas été altéré par les multiples réformes qui ont accompagné le secteur aujourd’hui encadré par les réglementations européenne et nationale : il a été progressivement amélioré et soutenu sous la surveillance étroite de la France. Il convient de maintenir les équilibres acquis sans sacrifier la spécificité vitivinicole qui relie étroitement aux terroirs, des pratiques œnologiques, des vins et des consommations. La simplification de la réglementation européenne rendue nécessaire par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ne doit pas altérer les équilibres et nuire à la segmentation du secteur, source de valeur ajoutée.
Ces exigences doivent être d’autant plus préservées que la segmentation des productions entre appellations d’origine protégées, indications géographiques protégées et vins sans indication géographique est au fondement de leur réputation et de leur valorisation. Les consommateurs sont également demandeurs de repères clairs pour déterminer leur consommation.
Le contrôle de l’origine des vins, les mentions valorisantes comme les labels font la spécificité des productions françaises et européennes. Celles-ci sont aujourd’hui confrontées à de nombreux défis : la concurrence des vins européens, la conquête de nouveaux marchés, les aléas climatiques et la préoccupation sanitaire. En outre, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership – TTIP – en anglais) (2) constituerait une véritable menace pour les produits agricoles si leur spécificité n’était pas reconnue dans les négociations et si les considérations économiques ruinaient les dispositifs de protection des indications géographiques et des signes de qualité.
En produisant un non paper concernant l’étiquetage et les mentions traditionnelles des produits vitivinicoles, la Commission européenne a engagé un travail d’actualisation des textes en vigueur qui doit retenir l’attention des parlementaires pour ne pas que le motif de simplification invoqué sacrifie les spécificités du secteur vitivinicole.
La France est à l’origine de la réglementation protectrice de l’origine et de la qualité des vins et spiritueux. Bien avant l’Union européenne, c’est la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, en ce qui concerne les vins, les vins mousseux et les eaux-de-vie, qui a défini le concept d’origine. À titre d’exemple, avant cette loi, un vin de Bordeaux désignait un vin provenant du du port de Bordeaux. À compter de 1905, un vin de Bordeaux devait avoir été produit dans le département de la Gironde. À ce stade, seule l’origine géographique était protégée, sans tenir compte de la qualité.
Il a fallu attendre le décret-loi du 30 juillet 1935 sur la défense du marché des vins et le régime économique de l’alcool pour que soient créées les appellations d’origine contrôlées (AOC), qui non seulement associent une appellation à une origine géographique (aire de production) mais également à des cépages, des rendements, et des procédés de culture et de vinification qui participent de la qualité des vins. Demeurent les appellations d’origine simples (AOS). Ce décret-loi crée également le Comité national des vins et des eaux de vie qui dispose de pouvoirs importants dans la création et la protection des AOC et qui deviendra l’Institut national des appellations d’origine (INAO) (3).
À côté des AOC, les AOS sont devenues vins de qualité simple (VDQS) puis, avec la réglementation communautaire, vins de qualité produits dans des régions déterminées (VQPRD).
Depuis le 1er août 2009 la réglementation communautaire simplifie la distinction entre les appellations d’origine protégées (AOP), qui sont, en France, les AOC et les indications géographiques protégées (IGP) connues en France sous la dénomination de vins de Pays.
L’architecture européenne du secteur vitivinicole résulte d’un équilibre entre partisans d’un contrôle de l’origine et de la qualité issu de la tradition française et partisans, comme l’Allemagne, d’une libéralisation des droits à produire, pour conquérir des marchés à l’exportation avec de grandes quantités de vins.
Le secteur n’a pas échappé à la création d’une organisation commune des marchés (OCM) qui regroupe les dispositions juridiques européennes régissant la production et le commerce des produits agricoles des pays membres de l’Union européenne. Les OCM agricoles ont, avec la mise en place de la politique agricole commune (PAC) en 1962 (4), progressivement remplacé les organisations nationales.
L’OCM a été modifiée à de multiples reprises pour s’adapter à l’évolution du marché du vin. Le site internet de la Commission européenne résume cette évolution :
« L'approche initiale, très libérale, ne prévoyait aucune limitation des plantations et très peu d’instruments de régulation du marché pour faire face aux fortes variations annuelles de production.
« L'OCM a ensuite combiné restrictions de la liberté de plantation et système d'écoulement de la production quasiment garanti, ce qui a engendré d'importants excédents structurels.
« De 1976 à 1978, elle est devenue très dirigiste, avec l’interdiction d'effectuer des plantations et l’obligation de distiller les excédents.
« Vers la fin des années 1980, les incitations financières à l'abandon des vignobles ont été renforcées.
« La réforme de l'OCM de 1999 (5) a mis l'accent sur la recherche d’un meilleur équilibre entre l’offre et la demande sur le marché de l'UE, en donnant aux producteurs la possibilité d'adapter la production à un marché exigeant plus de qualité et de renforcer la compétitivité à long terme du secteur, face à une concurrence internationale accrue suite aux accords du GATT (6). Cet objectif a été soutenu par le financement de la restructuration d'une grande partie des vignobles.
« Cette réforme s’est révélée insuffisante pour réduire les excédents de vin et des sommes considérables ont encore dû être dépensées pour les éliminer. Une nouvelle réforme du marché du vin était donc nécessaire. »
Lorsqu’une réforme du secteur vitivinicole est envisagée, la méthode de la Commission européenne est souvent identique : formuler des propositions très libérales, négocier et s’adapter ou reculer face aux risques dénoncés par les États membres. Les réformes successives vont également dans le sens d’un rapprochement des règles applicables au secteur vitivinicole de celles applicables aux autres produits agricoles. La France a été très mobilisée pour limiter la libéralisation du secteur.
Ainsi en juin 2006, la Commission européenne publiait une communication (7) afin d’ouvrir les discussions sur une réforme future de l’OCM. Elle y relevait que l’OCM comportait plusieurs limitations à la production (la limitation des droits de plantation, l’arrachage définitif, les programmes de restructuration et de reconversion) ainsi que des freins à la compétitivité (la distillation de crise utilisée comme mesure structurelle, les aides au stockage privé, la rigidité des procédures concernant les pratiques œnologiques, la confusion du consommateur face aux étiquettes, la superposition des réglementations nationales et régionales). Elle y présentait plusieurs options de réforme qui débouchaient sur la nécessité d’une réforme en profondeur de l’OCM du vin.
La réforme aboutit en 2008 (8) à donner aux États une plus grande liberté dans la mise en œuvre des mesures de soutien (enveloppe budgétaire nationale) et de gestion du potentiel viticole (politique d’arrachage, abolition des droits de plantation mais avec un régime transitoire possible jusqu’en 2018).
Elle ouvre la voie de l’horizontalité de la réglementation en rapprochant la gestion de ce secteur des règles applicables à n’importe quel produit agricole, la distinction entre les VQPRD et les vins de table est abandonnée pour la distinction AOP/IGP applicable à l’ensemble des produits agricoles. Sont développées les aides découplées et le financement du développement rural.
La dernière réforme du secteur, adoptée en 2013 (9) conserve les règles de 2008 en ce qui concerne l’étiquetage et les pratiques œnologiques et poursuit les programmes nationaux de soutien déjà en place : promotion des produits hors Union européenne, restructuration et reconversion des vignobles, vendange en vert, fonds de mutualisation, assurance récolte, investissements et distillation de sous-produits. En 2013, l’OCM vins est intégrée à l’OCM unique, à droit constant.
Le règlement de 2013 est, en revanche, complété par deux règlements de la Commission qui parachèvent le remplacement du régime des droits de plantation de l’Union européenne par un régime d’octroi d’autorisations de plantation de vigne. Ce régime est applicable depuis le 1er janvier 2016. Un règlement délégué n° 2015/560 du 7 avril 2015 complète les dispositions du règlement OCM unique sur les superficies et les conditions d’octroi des autorisations et un règlement d’exécution n° 2015-561 du 7 avril 2015 précise les procédures à suivre.
Afin que l’augmentation des surfaces de production ne conduise pas à une surcapacité d’offre, la croissance sera contrôlée entre 2016 et 2030. Ce régime d’octroi d’autorisations de plantation est un compromis pour lequel la France a négocié avec ténacité. Il résulte d’une longue négociation entre certains pays membres (14 États membres aux côtés de la France) et la Commission européenne, qui envisageait initialement d’abandonner purement et simplement les droits de plantation. La forte mobilisation des élus locaux, des parlementaires et des professionnels a permis d’aboutir à un régime équilibré d’autorisations de plantation.
En 2016, la croissance du potentiel de production est limitée à 1 % maximum du potentiel total de l’État membre par année. Cette croissance peut éventuellement être limitée par segment ou par région ou si elle présente le risque d’une dépréciation d’une IGP ou d’une AOP. Ainsi la France dispose-t-elle d’un potentiel de 8000 hectares supplémentaires pour 2016. Les contingents de surface à planter seront d’abord demandés collectivement par chaque région productrice puis délivrés par FranceAgriMer. Les demandes pourront ensuite être faites individuellement dans les régions productrices ou ailleurs, ce qui permettra de faire naître des vignobles dans des régions qui n’en comprennent pas aujourd’hui (Bretagne, Nord etc.).
La réforme des autorisations de plantation n’est qu’une première étape d’une réforme plus complète qui attend l’ensemble du secteur vitivinicole. La France doit rester vigilante sur les deux spécificités du secteur : la régulation des surfaces viticoles et les signes de la qualité et de l’origine.
II. LA POLITIQUE DE L’ORIGINE ET DE LA QUALITÉ AU SERVICE DU CONSOMMATEUR ET DE LA VALORISATION DES VINS
L’étiquetage des vins informe clairement les consommateurs sur ce qu’ils s’apprêtent à acheter et à consommer. Il comprend des éléments de nature à établir la traçabilité du produit, à protéger la santé du consommateur mais également à garantir une concurrence loyale entre producteurs, dans un secteur où l’origine géographique du produit en détermine le potentiel commercial.
L’étiquette d’un vin doit comporter huit mentions obligatoires. Les vins mousseux doivent faire également figurer une neuvième mention qui est la teneur en sucre (« brut », « sec », etc.). Cette mention est facultative pour les vins tranquilles. Les huit mentions obligatoires sont :
– la dénomination de vente réglementaire de la catégorie de vin (vin, vin mousseux, vin pétillant, appellation d’origine protégée ou contrôlée, vin de pays ou indication géographique protégée etc.) complétée de la dénomination, lorsque celle-ci est contrôlée ;
– le titre alcoométrique volumique acquis (TAVA), suivi de la mention « % vol. » ;
– la provenance (pays ou Union européenne) ;
– le volume nominal ;
– le nom de l’embouteilleur ainsi que son adresse, sauf lorsque l’embouteilleur est le producteur, le groupement de producteurs ou si l’entreprise est située dans la zone de production ;
– le numéro de lot ;
– les allergènes (par exemple : « contient des sulfites ») ;
– le message sanitaire destiné aux femmes enceintes.
D’autres mentions ne sont pas obligatoires mais elles sont néanmoins réglementées. Elles sont très souvent mentionnées sur l’étiquette car elles contribuent, elles aussi, à l’information du consommateur et à la valorisation du produit :
– la certification « vin biologique » ;
– la mention du millésime, exigeant qu’au moins 85% des raisins aient été récoltés pendant l’année considérée ;
– les cépages, qui peuvent être mentionnés si le produit est issu à 85 % au moins de cette variété et, en cas de mention de plusieurs cépages, de 100 % de ces variétés ;
– les mentions valorisantes relatives aux méthodes de production telles que « élevé en fûts de chêne », ou relatives aux exploitations telles que « Château », « Domaine » sont strictement réglementées. Par exemple, seules les AOC peuvent mentionner « Château », « Clos » ou « Cru ».
Les campagnes d’information et de promotion du vin sur le marché intérieur sont limitées.
En application du règlement (UE) n° 1144/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif à des actions d’information et de promotion concernant les produits agricoles réalisées sur le marché intérieur et dans les pays tiers et abrogeant le règlement (CE) n° 3/2008 du Conseil, pour être promu, le vin doit être associé à un autre produit agricole : « Les actions d’information et de promotion des vins de l’Union en vertu de la PAC représentent une des mesures phare des programmes d’aide disponibles dans le secteur viticole. Seuls les vins d’appellation d’origine ou d’indication géographique protégée, ainsi que les vins dont le cépage est indiqué, devraient pouvoir faire l’objet d’actions d’information et de promotion. En cas de programmes simples, il convient aussi que le programme en question couvre un autre produit agricole ou alimentaire. »
Ce même règlement prévoit que les campagnes d’information des consommateurs sur les vins doivent être limitées à la « consommation responsable » de cette boisson ainsi qu’à la valorisation des systèmes de qualité et du mode de production biologique. Dès lors, on comprend la nécessité des garanties de l’origine et de la qualité et l’importance de l’étiquetage dans la commercialisation des vins.
La réforme des signes de qualité européens a eu pour vertu de clarifier la distinction entre AOP et IGP mais également de permettre une valorisation des anciens vins de Pays aujourd’hui reconnus sous IGP.
Nous l’avons vu, la France a toujours développé une politique commerciale basée sur les indications géographiques. Elle figure aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, parmi les pays qui en comptent le plus.
La base de données E-Bacchus de la Commission européenne recense ainsi pour la France 75 IGP et 376 AOP. Elles s’accompagnent de 29 mentions traditionnelles (telles que « Château », « Cru classé » ou encore « Vendanges tardives »), qui décrivent les caractéristiques du produit.
Vins avec appellations d’origine protégée (AOP)
Source : E-Bacchus – Commission européenne
Vins avec indication géographique protégée (IGP)
Source : E-Bacchus – Commission européenne
La réglementation viticole actuelle intègre la spécificité de ce produit : le vin est le seul produit aussi réglementé : de la plantation à l’étiquetage.
L’étiquetage qui informe le consommateur de l’origine et du mode de production est un instrument de gestion des marchés par la segmentation et la valorisation des produits qui en découlent.
Il préserve également producteurs et consommateurs de l’usurpation de la réputation de zones de production mondialement reconnues et valorisées, fruit d’un travail contrôlé strictement et régulièrement.
La viticulture, qui génère 800 000 emplois directs et indirects en France, joue un rôle dans l’aménagement des paysages et dans la préservation de la dynamique rurale.
L’œnotourisme, en pleine expansion, attire des touristes étrangers et français dans nos régions : quelques dix millions de visiteurs par an, dont 39 % d’étrangers. On dénombre environ 10 000 caves en France.
Ce secteur fédère autour des viticulteurs, des interprofessions, des sites touristiques et de restauration, une offre touristique diverse, souvent haut de gamme, mais accessible à tous. Il s’agit d’un complément de revenu important pour les viticulteurs qui souhaitent s’y engager.
Mais l’œnotourisme a également une vertu initiatique et pédagogique. Il permet au consommateur d’apprendre à déguster un vin en améliorant sa culture du vignoble et sa connaissance du terroir et au viticulteur de partager son métier, qui est souvent une passion et le résultat d’une histoire familiale.
Le ministère des affaires étrangères a créé le portail « www.visitfrenchwine.com », le 9 février 2016. Ce portail vise à renforcer la promotion et l’attraction des zones de production. Tous les acteurs du secteur ont conscience que l’œnotourisme constitue une vitrine du patrimoine gastronomique français.
Compte tenu des conditions de négociation des dernières réformes du secteur vitivinicole, qui, sans la mobilisation des élus locaux, des parlementaires français et européens et des professionnels, auraient conduit à la suppression des droits de plantation, la vigilance demeure nécessaire.
La réforme des droits de plantation n’est que la première étape d’une révision complète du secteur, d’ailleurs nécessaire, et qui passera par une modification des règlements, encore en vigueur, d’application du texte de base que constitue l’OCM unique.
Les parlementaires ont eu connaissance de la production d’un non paper de la Commission européenne concernant l’étiquetage et les mentions traditionnelles des produits vitivinicoles. Ce document, que personne n’a eu entre les mains mais que le Commission a reconnu avoir produit, a été présenté comme un travail d’actualisation et de simplification des textes en vigueur, en cohérence avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le TFUE prévoit en effet une législation européenne de deux niveaux : un texte de base qui est, pour le secteur agricole, le règlement OCM unique précité et des actes d’application. Ces actes d’application sont eux-mêmes répartis entre actes délégués et actes d’exécution.
La Commission est habilitée à prendre des actes délégués concernant la délimitation des aires géographiques (article 109 de l’OCM), l’usage et la protection des mentions traditionnelles (article 114 de l’OCM), les règles d’étiquetage (article 122 de l’OCM). Concernant ces règles d’étiquetage, le règlement OCM a également prévu que la Commission puisse adopter des actes d’exécution (article 123 de l’OCM).
La démarche de la Commission est donc juridiquement fondée mais l’opportunité du moment choisi et la méthode du non paper sont critiquables. D’une part, il n’y a aucune urgence à prendre de tels actes dont la modification n’est pas souhaitée par les professionnels. D’autre part, la méthode du non paper, au statut flou, s’assimile à un « ballon d’essai », une piste de réflexion n’engageant officiellement pas la Commission (ce document n’est ni signé, ni daté) mais ayant vraisemblablement pour objectif de recueillir l’avis du monde vitivinicole et des représentations nationales.
Sur le fond il semblerait que la Commission fasse disparaitre l’interdiction faite aux vins sans indication géographique (VSIG) de faire référence à une origine géographique plus petite que l’État membre ainsi que les dispositions règlementant l’utilisation de bouteilles spécifiques réservées aux AOP (Clavelin, flûte alsacienne etc.). Ces intentions remettraient en question les équilibres des réformes passées qui conviennent tant aux producteurs d’AOP/IGP qu’aux VSIG. Aujourd’hui, les VISG ne peuvent utiliser que deux mentions : soit la mention de l’État membre lorsque les raisins sont récoltés et transformés en vin sur ce territoire, soit la mention de la Communauté européenne lorsqu’ils résultent de mélanges.
Nous l’avons vu, les indications géographiques, l’étiquetage et les mentions traditionnelles valorisent ensemble les vins. Ces éléments d’identification sont aujourd’hui liés et regroupés dans un seul règlement et la Commission envisagerait de les éclater dans différents règlements, notamment un règlement « normes de commercialisation » et un règlement « indications géographiques et appellations d’origine ».
Face à la mobilisation du secteur, au dépôt de résolutions à l’Assemblée nationale et au Sénat ainsi qu’à la mobilisation des parlementaires européens, le Commissaire européen à l’agriculture, M. Phil Hogan, a annoncé le 8 mars 2016, devant l’intergroupe vin du Parlement européen, le retrait des textes proposés par la Direction générale de l’agriculture. Il s’est engagé à ne pas remettre en cause les équilibres de la législation viticole européenne et a indiqué que la Commission allait revoir sa méthode de travail. Il a ajouté que la Commission poursuivrait ses réflexions sur la simplification de la législation, sans préciser le calendrier et la méthode.
La vigilance sur toute initiative de la Commission en ce domaine doit être maintenue. Votre rapporteure a en effet appris qu’en dépit des annonces du Commissaire européen, les services de la Commission avaient pris l’initiative de réunir, le 20 avril dernier, des groupes de travail sur deux projets de texte : un projet de règlement délégué et un projet de règlement d’exécution. Ces projets devraient s’inspirer du règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d’application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l’étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole, mais, à ce stade, votre rapporteure n’a pas la garantie que les dispositions auxquelles le secteur vitivinicole est attaché (étiquetage et mentions traditionnelles, notamment) seront maintenues.
Votre rapporteure demande au Commissaire européen de respecter ses engagements du 8 mars 2016.
La proposition de résolution vise à maintenir la réglementation vitivinicole en considérant qu’il s’agit d’un secteur particulier par rapport aux autres produits agricoles. Ce secteur a su évoluer au gré de multiples réformes mais celles-ci se sont faites dans une logique d’équilibre entre États membres, entre petits et gros producteurs, entre vins reconnus sous IGP / AOP et VISG.
Cet équilibre ne doit pas être rompu au nom de la simplification et de la dispersion des textes.
L’identification et la commercialisation des vins sont étroitement liés et l’étiquetage est la clef de voûte d’un système qui a la confiance des producteurs comme des consommateurs. Ceux-ci ne sauraient tolérer que la libéralisation des règles applicables à l’étiquetage conduise certains producteurs peu scrupuleux à profiter abusivement de la réputation d’une production répondant aux exigences d’un terroir et de modes de production spécifiques.
La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a examiné le 6 avril 2016 la proposition de résolution européenne initiale et effectué quatre modifications substantielles.
Un premier amendement a supprimé le troisième considérant qui relevait que « les actes délégués et d’exécution de la Commission européenne doivent être encadrés et strictement prévus par les textes ». La démarche de la Commission européenne s’appuyant sur le règlement de 2013, ce considérant était effectivement inutile.
Un deuxième amendement a supprimé le point 1 : « 1. Dénonce l’absence d’information transparente sur les initiatives de la Commission européenne sur ce sujet ». Si la démarche de la Commission européenne est exploratoire, votre rapporteure tient à ce que la Commission européenne agisse dans la transparence et, comme en a décidé le Commissaire européen, change de méthode. Pour cette raison, votre rapporteure vous proposera un amendement de rétablissement de ce point 1, légèrement modifié : « 1A. Demande à la Commission européenne de travailler dans la transparence sur ses initiatives en matière vitivinicole et de respecter ses engagements ».
Un troisième amendement a précisé, au point 3, avec justesse, que la réglementation visait à « éviter les détournements de notoriété ». Votre rapporteure salue cette précision.
Un quatrième amendement a complété ce même point 3 pour faire référence aux mentions traditionnelles, auxquelles votre rapporteure est également attachée.
Sans modifier radicalement le fond de sa propre résolution, outre l’amendement de rétablissement du point 1, votre rapporteure vous proposera trois autres amendements.
Un amendement portera sur le titre, afin de substituer au mot « viticole » le mot « vitivinicole », qui recouvre plus largement l’ensemble des produits de la vigne et est conforme non seulement au contenu de la proposition de résolution mais également à l’ensemble de la réglementation européenne.
Un amendement proposera de préciser le deuxième considérant en substituant aux mots : « règles d’identification et de commercialisation des productions viticoles afin de les rendre », les mots : « pratiques œnologiques, des règles de qualité, d’identification, de commercialisation et de contrôle des productions vitivinicoles afin de rendre ces règles », plus précis et exhaustifs.
Un quatrième et dernier amendement portera sur l’alinéa 14, l’actuel point 1. Il le complèterait pour que la recherche de la simplification n’introduise pas, in fine et paradoxalement, de la complexification.
Seul un consensus parlementaire exprimé au niveau national, conjointement avec nos collègues du Sénat qui ont adopté une proposition de résolution européenne similaire, le 26 avril dernier, montrera à nos producteurs, aux consommateurs et à la Commission européenne que nous ne laisserons pas faire des initiatives opaques, libérales et dangereuses pour nos productions. Tout comme lors des débats sur les droits de plantation, la France doit être en première ligne pour défendre le secteur vitivinicole.
Sous réserve des modifications énoncées ci-dessous, votre rapporteure vous propose d’adopter cette proposition de résolution.
Lors de sa réunion du 4 mai 2016, la commission a examiné la Proposition de résolution Européenne, relative au maintien de la réglementation viticole (n° 3671) sur le rapport de Mme Marie-Hélène Fabre.
Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en venons maintenant à l’examen de la proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole. Cette proposition de résolution, déposée par M. Bruno Le Roux et plusieurs de nos collègues du groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC), a été adoptée par la commission des affaires européennes le 6 avril dernier, M. Yves Daniel en étant le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Notre commission est saisie d’une proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole, déposée le 15 mars 2016 et adoptée par la commission des affaires européennes le 6 avril dernier. Elle fait suite, non à un document officiel des institutions européennes dont nous aurions pu nous saisir, comme c’est habituellement l’usage, mais à plusieurs initiatives de la Commission européenne qui ont alerté les professionnels du secteur, les élus locaux et européens, ainsi que nous, parlementaires français. Nos collègues sénateurs ont d’ailleurs adopté une proposition de résolution similaire le 26 avril dernier.
La filière vitivinicole a fait l’objet de nombreuses réformes récentes, qui ont abouti au régime actuel, inscrit dans l’organisation commune de marché (OCM) unique. Le régime des autorisations de plantation, qui a remplacé celui des droits de plantation au 1er janvier 2016, est nécessaire pour protéger la qualité des produits viticoles ; il est le résultat d’un équilibre acquis de haute lutte par les professionnels, les élus locaux et nationaux, au terme de plusieurs années de négociation.
La Commission européenne poursuit un processus de simplification de la politique agricole commune (PAC), certes louable, mais qui risque de disperser la réglementation applicable au secteur vitivinicole en de multiples textes – règlements délégués et règlements d’exécution – en application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Par ailleurs, cette simplification peut conduire à nier les particularités de la filière vitivinicole, en favorisant les vins sans indication géographique et en modifiant la réglementation applicable à la politique de qualité, aux mentions traditionnelles et à l’étiquetage. L’identification et la commercialisation des produits vitivinicoles pourraient s’en trouver bouleversées.
La Commission européenne a produit ce que l’on appelle un « non-paper » – il ne s’agit donc pas d’un document officiel dont l’Assemblée nationale pourrait se saisir – puisqu’il est ni daté, ni signé. L’objet de la présente proposition est de manifester notre vigilance à l’égard des intentions sous-jacentes de la Commission européenne et de nous opposer au manque de transparence de la méthode utilisée.
La Commission européenne a en effet fait circuler ce non-paper qui, au mieux, s’apparente à un ballon d’essai, et qui, au pire, traduit ses véritables intentions : sans nul doute, elle travaille à une modification des règles d’identification et de commercialisation des productions vitivinicoles. Cette hypothèse a été confirmée par le commissaire européen chargé de l’agriculture et du développement rural, M. Phil Hogan, qui, face à la mobilisation protestataire, a annoncé, le 8 mars dernier devant l’intergroupe « vin » du Parlement européen, le retrait des textes proposés par la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne. Il s’est engagé à ne pas remettre en cause les équilibres de la législation viticole européenne et a indiqué que la Commission allait revoir sa méthode de travail. Il a ajouté que la Commission poursuivrait ses réflexions sur la simplification de la législation, sans pour autant préciser le calendrier ni la méthode.
Nous avons pourtant appris il y a quelques jours que, en dépit de ces annonces, les services de la Commission européenne avaient pris l’initiative de réunir, le 20 avril dernier, des groupes de travail autour de deux projets de texte : un projet de règlement délégué et un projet de règlement d’exécution. Ces projets devraient s’inspirer du règlement de 2009 fixant certaines modalités d’application du règlement de 2008 du Conseil européen concernant les appellations d’origine protégées et indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l’étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole. À ce stade, nous n’avons pas la garantie que les dispositions auxquelles le secteur vitivinicole est attaché seront maintenues.
Cette attitude doit nous inciter à demeurer vigilants et ne pas nous fier aux annonces : nous demandons donc au commissaire Phil Hogan de respecter ses engagements pris le 8 mars 2016.
Tel est l’objet de cette proposition de résolution européenne que je vous propose d’adopter, assortie de quatre amendements.
L’amendement CE1 porte sur le titre et substitue au mot « viticole » le mot « vitivinicole », qui recouvre plus largement l’ensemble des produits de la vigne et est conforme non seulement au contenu de la proposition de résolution, mais également à l’ensemble de la réglementation européenne.
L’amendement CE2 consiste à préciser le deuxième considérant en substituant aux mots : « règles d’identification et de commercialisation des productions viticoles », les mots : « pratiques œnologiques, des règles de qualité, d’identification, de commercialisation et de contrôle des productions vitivinicoles », plus précis et exhaustifs.
L’amendement CE3 tend à rétablir le point 1, supprimé par la commission des affaires européennes, en le modifiant toutefois légèrement afin de tenir compte des très récentes informations venant de la Commission européenne. Si la démarche de la Commission est exploratoire, je tiens à ce que celle-ci agisse dans la transparence et, comme l’a annoncé le commissaire européen, change de méthode. La rédaction proposée est la suivante : « Demande à la Commission européenne de travailler dans la transparence sur ses initiatives en matière vitivinicole et de respecter ses engagements ».
Enfin, l’amendement CE4 vise à compléter l’alinéa 14 – l’actuel point 1 – afin que la recherche de simplification n’aboutisse pas paradoxalement, in fine, à une plus grande complexité.
Telle est la teneur des modifications que je souhaite apporter à cette proposition de résolution européenne, que je vous invite à adopter pour que la France parle d’une seule voix.
Mme Pascale Got. Nous sommes souvent intervenus, au sein de notre commission, pour protéger l’ensemble de la viticulture française dans le cadre de l’OCM, en particulier pour défendre les droits de plantation, nos appellations, nos territoires et nos indications géographiques protégées (IGP). Les membres de la commission ont d’ailleurs souvent été unanimes sur ces questions. Aujourd’hui encore, nous devons veiller à ce que ne rentre pas par la fenêtre ce que nous avons empêché d’entrer par la porte, notamment à l’occasion des réformes de 2008 et 2013.
En matière de réglementation européenne, la réglementation viticole fait figure d’exception, non seulement parce qu’elle fait en partie l’objet de textes particuliers par rapport aux autres secteurs agricoles, mais aussi parce que, dans le contexte actuel de crise agricole, elle apparaît globalement satisfaisante et protectrice, tant pour les viticulteurs que pour les consommateurs.
La protection du consommateur par l’étiquetage des produits permet actuellement de valoriser l’atout du vignoble français, qui repose sur les appellations d’origine contrôlée (AOC) et les indications géographiques (IG) : ici les deux sont liées.
Or, si la spécificité française est actuellement respectée, y compris par la PAC réformée, elle pourrait être menacée sous couvert d’une démarche de simplification européenne.
On sait à quel point les institutions européennes encourent, malheureusement, la défiance de nos concitoyens, et ce type d’annonce ne fait qu’aggraver cet état de fait ; c’est pourquoi une plus grande transparence est nécessaire. On peut d’ailleurs s’interroger sur la méthode employée : s’agit-il uniquement de simplification, ou d’une réforme plus substantielle ? Est-ce simplifier que de modifier les textes quelques années seulement après les réformes d’ampleur de 2008, 2009 et 2013 ?
La démarche de simplification ne doit ni bouleverser les équilibres, ni aboutir à une dispersion des dispositifs qui aggraverait l’opacité de la réglementation. Il faut privilégier la transparence des textes, notamment en conservant la possibilité d’une réflexion globale sur le secteur.
Si l’Europe ne peut naturellement s’abstraire des évolutions du marché mondial, il est contestable de proposer, comme semble le faire la Commission européenne, une libéralisation du secteur par la promotion des vins sans indication géographique (VSIG), qui relèvent du segment d’entrée de gamme.
Une telle orientation serait contraire à la structure même de notre vignoble français, et la présente proposition de résolution s’y oppose fermement. Il n’est pas question d’éluder le débat sur la capacité de la production nationale à s’adapter à un marché mondial en constante augmentation, mais on ne saurait opérer cette ouverture au détriment de la démarche de qualité que nos producteurs défendent depuis de nombreuses années.
Opposons dès maintenant notre stratégie parlementaire aux méthodes de la Commission européenne ; grâce à cette résolution, renforçons notre action sur le plan européen et manifestons notre présence dès le début des négociations. N’attendons pas d’être placés devant le fait accompli : contribuons à la démocratie européenne en faisant parler notre Assemblée d’une seule voix. Les propositions de résolution sont des outils dont nous, parlementaires, avons raison de nous saisir. Pour l’ensemble de ces raisons, je soutiens l’initiative du groupe Socialiste, républicain et citoyen.
Mme Catherine Vautrin. Je souhaite avant tout vous remercier, Madame la présidente, pour nous avoir réunis afin d’examiner cette proposition de résolution européenne, relative au maintien de la réglementation vitivinicole européenne. Nous savons tous que la profession viticole, acteur majeur de nos exportations, est régulièrement attaquée et menacée. Ce peut être le fait de tentatives législatives nationales : chacun se souvient des débats sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé, sur celui relatif à la biodiversité, ainsi que sur les lois de finances successives. Mais la réglementation européenne n’est pas en reste, comme nous le constatons aujourd’hui, et à cela s’ajoutent les initiatives transcontinentales, comme celles portant sur l’attribution des noms de domaine ou les dispositions du projet de traité transatlantique relatives à la protection des appellations contrôlées, qui constituent des enjeux majeurs.
C’est pourquoi nous ne devons jamais baisser la garde, sous peine de voir nos plus beaux fleurons attaqués, et je souhaite, Madame la rapporteure, vous remercier au nom de mon groupe pour votre initiative.
La Commission européenne veut imposer plusieurs textes visant à modifier non seulement les procédures d’enregistrement des appellations d’origine protégée (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) ainsi que les cahiers des charges, mais aussi l’étiquetage, les pratiques œnologiques et les contrôles. Ces premières annonces seront complétées par d’autres textes, promis pour les prochaines semaines, concernant d’autres sujets, le tout en contradiction avec les engagements pris par le commissaire Phil Hogan au mois de mars dernier.
Ces dispositions ont vocation à être adoptées d’ici à la fin de l’année, ce que les professionnels jugent difficilement réalisable.
Pour notre part, nous dénonçons, tout d’abord, l’absence de visibilité qui caractérise cette démarche : le train de mesures est « saucissonné » à dessein, pour que, une fois la négociation d’une partie entamée, il ne soit plus possible de reculer. Cette absence de lisibilité est encore aggravée par l’éclatement et l’éparpillement des dispositions dans plusieurs textes, au détriment d’une rédaction unique et claire.
Enfin, j’observe qu’aucune étude d’impact ni de prospective n’a été faite, notamment pour évaluer les améliorations possibles.
À travers le vote de cette proposition de résolution, nous devons viser trois objectifs majeurs.
Le premier est le maintien de l’interdiction faite aux vins sans indication géographique (VSIG) de mentionner une référence géographique plus petite que celle de l’État membre – ce qui était à l’étude.
Le deuxième est le maintien de l’entrée en vigueur des modifications aux cahiers des charges dès leur publication à l’échelon national.
Le troisième est la préservation d’une cohérence d’ensemble des dispositions relatives aux indications géographiques, à l’étiquetage et aux mentions traditionnelles.
Il s’agit là de véritables outils de transparence et de protection des consommateurs ; la méthode employée par la Commission européenne nous interpelle, et cette proposition de résolution permet de mieux protéger nos appellations.
Les députés du groupe Les Républicains voteront ce texte, afin de manifester leur désaccord sur la forme, à savoir le dédit du commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, et sur le fond, car les propositions de la Commission européenne mettraient en danger notre viticulture. Le ministre de l’agriculture et nos collègues de la majorité doivent faire pression sur le Gouvernement pour qu’il obtienne de la Commission qu’elle honore les engagements pris il y a quelques semaines.
Mme Brigitte Allain. Je vous remercie, Madame la rapporteure, de vous faire l’écho, à travers cette proposition de résolution européenne, des craintes des professionnels, entendues par les députés de tous bords politiques, et de réaffirmer la position de notre Assemblée.
Nous sommes, nombreux, en effet, à nous inquiéter de la révision prochaine de la réglementation vitivinicole européenne sous couvert de simplification, parallèlement à la poursuite des négociations sur le traité transatlantique. Nous en avions fait part au sein du groupe d’études sur la viticulture, présidé par Mme Catherine Quéré, qui est à l’origine de cette résolution, ainsi que la rapporteure, Mme Marie-Hélène Fabre, et d’autres collègues.
Je crains en effet que les plus « petites » appellations d’origine – petites en notoriété, mais non au regard des qualités des femmes et des hommes qui les font – ne soient abandonnées par les institutions européennes et conduites à renoncer aux mentions valorisantes, au profit de la protection et la mise en valeur des appellations les plus connues.
Ce serait une grave erreur : l’Europe est en effet le premier producteur mondial de vins. Le maintien d’un système spécifique au marché vitivinicole prend toute sa valeur à la lumière de cette donnée, notamment pour l’Italie, la France et l’Espagne, qui représentent 80 % de la production européenne totale.
La richesse du vignoble français procède non seulement de ces appellations, qui rayonnent dans le monde entier, mais aussi de la diversité de ses terroirs ainsi que du travail consciencieux de nos viticulteurs vignerons.
Je suis satisfaite des réformes successives de la réglementation qui ont permis, aux vins français, malgré un nivellement des outils de marché, de monter en gamme ces dernières années et de conserver une régulation des volumes ainsi que la gestion des plantations, notamment grâce au décret du 25 août 2015 relatif au volume complémentaire individuel pour les vins rouges tranquilles bénéficiant d’une appellation d’origine contrôlée, décret que j’ai soutenu.
Nous resterons toutefois très vigilants, car il s’agit de ne pas détricoter, à l’occasion d’une harmonisation des règles d’étiquetage, les outils qui ont fait notre renommée.
Vous avez bien voulu traduire ces demandes dans une proposition de résolution, et celle-ci a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes le 6 avril dernier ; reste maintenant à notre commission à faire de même, avant son éventuel examen en séance plénière. Bien entendu, notre groupe est favorable à l’adoption de ce texte tel que vos amendements proposent de l’améliorer.
Au-delà de ces aspects réglementaires, je souhaite évoquer deux évolutions majeures qui menacent le secteur et mettront prochainement en cause la qualité des vins européens ainsi que la solidité de la filière si nous n’y prenons pas garde.
Il s’agit, d’une part, du dérèglement climatique, qui entraine des changements de terroirs, des variations des degrés d’alcool, des modifications des cépages ainsi que de nouvelles maladies, et, d’autre part, de l’accaparement des terres et des vignobles par des multinationales spéculant sur des vins commerciaux, fabriqués pour l’exportation et le goût standard, et qui seraient fortement avantagés par la mise sur le marché de produits dépourvus d’indication géographique.
M. Thierry Benoit. Cette proposition de résolution nous invite à faire corps pour défendre une cause qui est cruciale pour nous Français : celle du vin et de la viticulture, et le groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) est en accord total avec la rapporteure.
Notre mobilisation porte sur quatre points essentiels.
Il s’agit tout d’abord de dénoncer l’absence d’information transparente sur les initiatives de la Commission européenne au sujet de la vitiviniculture.
Il faut également parer à la dispersion des dispositions applicables à ce secteur dans les divers textes européens en préparation.
L’attention de la Commission européenne doit, en outre, être appelée sur la nécessité du maintien d’une réglementation protectrice, et, en particulier, d’une distinction stricte entre les vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP) et ceux qui en sont dépourvus.
Enfin, la Commission européenne doit maintenir l’interdiction, pour les vins sans indication géographique, de mentionner une origine géographique plus petite que celle de l’État membre de l’Union européenne auquel le vignoble concerné appartient.
Nous devons rester vigilants puisqu’un projet d’acte délégué et un projet d’acte d’exécution concernent les procédures d’enregistrement d’AOP et d’IGP, donc un projet de modification des cahiers des charges. De même, un projet de règlement, dit « normes de commercialisation », portant sur l’étiquetage et les appellations d’origine risque de nier les spécificités agricoles, singulièrement françaises.
Au nom de mon groupe, je déplore le manque de visibilité et de transparence de ces projets législatifs, ainsi que le risque réel de complexification accrue des normes, alors que l’objectif annoncé est l’harmonisation et la simplification.
Les viticulteurs, comme tous les entrepreneurs, doivent bénéficier d’un environnement réglementaire stable et clair, non d’un empilement de textes et de dispositions nouvelles. Nous estimons qu’il n’est pas possible de dissocier l’étiquetage, les labels d’origine et les mentions traditionnelles, ce que laisseraient supposer les documents préparatoires de la Commission. Il est impératif que les règles d’étiquetage et la politique de labellisation soient régies par la même législation, faute de quoi les labels risqueraient d’être très vite menacés.
Cela constituerait, pour nous Français, la remise en cause d’un travail séculaire d’élaboration des appellations d’origine contrôlée. Alors que l’agriculture européenne traverse une crise structurelle sans précédent, il serait suicidaire que la Commission européenne brade tout cet héritage. Nous devons donc agir coûte que coûte pour garantir les indications géographiques, symboles de nos productions de qualité reconnues dans le monde entier.
Pour ces raisons, le groupe Union des démocrates et indépendants se joint aujourd’hui à l’ensemble des groupes pour soutenir, Madame la rapporteure, la présente proposition de résolution.
M. Alain Suguenot. Ce qui me surprend le plus, c’est le revirement de la Commission européenne, puisque le commissaire Phil Hogan s’était engagé devant le Parlement européen le 8 mars dernier, et que la Commission s’est réunie le 20 avril pour remettre sur le métier un projet de réforme qui était censé ne plus être d’actualité.
Mon prédécesseur a mentionné les quatre enjeux : l’absence de visibilité ; la dispersion des dispositions ; la multiplication des textes ; la menace, déjà évoquée en 2008, d’extension des vins de cépage, qui remettrait en cause la protection que constituent les appellations d’origine – on voit ressurgir le « serpent de mer » de la mention, pour les VSIG, de références géographiques plus petites que celles des États membres, alors que des garanties nous avaient été données au mois de mars dernier.
Cette proposition de résolution est donc absolument nécessaire, et je souligne également la qualité des amendements, particulièrement celle de l’amendement CE2, qui apporte d’utiles précisions ; je tiens donc à féliciter et à remercier la rapporteure pour son travail.
M. Antoine Herth. Je voudrais à mon tour, lever mon verre à cette proposition de résolution (Sourires), tout en demandant quelques précisions supplémentaires sur le deuxième considérant, faisant l’objet du neuvième alinéa : « … la Commission européenne travaille à une modification des règles afin de les rendre compatibles avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ».
M. Jean-Claude Mathis. La majorité des viticulteurs ont conscience de la nécessité de faire évoluer la réglementation vitivinicole, mais ils désirent préserver des règles particulières en rapport avec les spécificités de la production : le cycle long de la vie de la vigne, la difficulté de fixer un prix mondial, etc.
Dans la réglementation actuelle, l’étiquetage, l’indication géographique et les mentions traditionnelles sont liés ; or la Commission européenne proposerait de défaire cet ensemble. Il m’est revenu que le cas des mentions traditionnelles n’est pas encore tranché, mais qu’il pourrait, lui aussi, faire l’objet d’un règlement séparé, alors qu’elles sont fondamentales. Les appellations de type « Château », « Abbaye » ou « Clos » sont très valorisantes, et des pressions sont exercées à l’étranger pour les utiliser tous azimuts, le mot « Château » est d’ailleurs utilisé en Suisse et au Luxembourg, ainsi qu’aux États-Unis ou au Chili.
Certains des intéressés considèrent que la position restrictive est très fragile : serait-il envisageable que l’on puisse un jour refuser à un producteur d’appeler son vin « Château » même s’il dispose d’un château et que le vin est issu de sa propriété ?
M. Daniel Fasquelle. Bien qu’élu d’une région brassicole et non viticole, je soutiens cette proposition de résolution car, au-delà du vin, c’est le régime de protection des produits artisanaux qui est en cause et nous concerne tous ; chacun a à l’esprit l’affaire des couteaux de Laguiole, et les trop nombreuses marques françaises pillées ou détournées.
Je ne saisis pas bien, dans ce contexte, la notion de simplification : y a-t-il des pressions exercées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou des négociations du traité transatlantique ?
Il faut aussi tenir compte des attentes des consommateurs sur le plan mondial, auxquelles il faut savoir s’adapter. À cet égard, il existe parfois un décalage entre notre réglementation et les critères des marchés internationaux, ce qui peut être source de difficultés pour écouler nos produits. Comment trouver la voie au milieu de ces diverses exigences ? Surtout, quelles sont les motivations de la Commission européenne pour vouloir déstabiliser ce qui fonctionne bien aujourd’hui et garantit la très grande qualité des vins français et européens ? Il faut rappeler que l’Europe est la première région productrice de vin au monde et qu’elle entend le rester ?
Mme la rapporteure. La démarche de simplification de la Commission européenne peut paraître louable, mais nous souhaitons que le dispositif attaché à la viticulture ne soit pas concerné, alors que nous avons déjà subi les effets du règlement de 2008 et de la loi de 2013. Le régime de protection de nos productions viticoles doit être maintenu, car le traité transatlantique menace, et nous devons préserver nos « châteaux » et nos domaines.
Le traité de Lisbonne a modifié le régime des actes d’application, et de nouvelles architectures juridiques sont appelées à évoluer ; aujourd’hui la Commission est habilitée à adopter des actes délégués concernant la délimitation des aires géographiques et l’usage de la protection des mentions traditionnelles, l’étiquetage des vins sans appellation d’origine protégée ni indication géographique, et le règlement des organisations communes de marché (OCM) prévoit également la possibilité pour la Commission d’adopter des actes d’exécution.
La commission en vient ensuite à l’examen des amendements déposés sur l’article unique de la proposition de résolution.
La commission examine l’amendement CE2 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement précise de façon explicite la portée des modifications envisagées par la Commission européenne et rappelle les pratiques et les règles auxquelles les professionnels et les élus sont attachés.
Mme Brigitte Alain. Cet amendement est extrêmement important, car il est essentiel que nous conservions la possibilité de disposer de règles collectives de gestion des autorisations de plantation, qui augmentent de 1 % par an ; or nous ignorons aujourd’hui quelle sera la portée exacte de ces autorisations.
La commission adopte l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CE3 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. La commission des affaires européennes a supprimé le point 1, qui était ainsi rédigé : « Dénonce l’absence d’information transparente sur les initiatives de la Commission européenne sur ce sujet. » Si la démarche de la Commission européenne est certes exploratoire, votre rapporteure tient à ce que cette instance agisse dans la transparence et change de méthode. Je vous propose donc d’écrire : « Demande à la Commission européenne de travailler dans la transparence sur ses initiatives en matière vitivinicole et de respecter ses engagements. »
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE4 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Le prétexte de la simplification ne doit pas conduire, in fine, à rendre la réglementation plus complexe.
La commission adopte l’amendement.
La commission est ensuite saisie de l’amendement CE1 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement harmonise la rédaction de la proposition de résolution avec la terminologie en usage dans les textes européens, en substituant, dans son titre, le mot « vitivinicole » au mot « viticole ».
La commission adopte l’amendement.
Puis, à l’unanimité, elle adopte l’ensemble de la proposition de résolution européenne modifiée.
Mme la présidente Frédérique Massat. Je rappelle qu’en l’absence, dans les quinze jours, de demande d’inscription de la présente proposition de résolution européenne à l’ordre du jour de la séance publique, elle sera considérée comme adoptée.
Mme la rapporteure. Je souhaite, indépendamment de cette question de procédure, que vous en adressiez le texte au commissaire Phil Hogan et au ministre de l’agriculture.
Mme la présidente Frédérique Massat. Je m’y engage.
*
La Commission adopte la proposition de résolution européenne modifiée.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 38 à 44,
Vu le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil,
Vu le règlement (CE) n° 607/2009 de la Commission du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d’application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d’origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l’étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole,
Vu le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et (CE) n° 1493/1999,
Considérant que les réformes de 2008 et de 2013 ont été adoptées dans une logique d’équilibre et de préservation des particularités du secteur vitivinicole ;
Considérant que la Commission européenne travaille à une modification des pratiques œnologiques et des règles de qualité, d’identification, de commercialisation et de contrôle des productions vitivinicoles afin de rendre ces pratiques et ces règles compatibles avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Considérant la nécessité de maintenir la spécificité du secteur vitivinicole ;
Considérant la nécessité de protéger le secteur vitivinicole d’une libéralisation sans protection ;
Considérant la nécessité de protéger les appellations d’origine et les indications géographiques contre toute utilisation visant à profiter abusivement de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes ;
Considérant la nécessité de ne pas induire en erreur le consommateur ;
1 A (nouveau). Demande à la Commission européenne de travailler dans la transparence sur ses initiatives en matière vitivinicole et de respecter ses engagements ;
1. Demande à ce que le processus de simplification ne disperse pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole dans divers textes européens et n’introduise pas de complexification ;
2. Appelle la Commission européenne à maintenir la réglementation visant à éviter les détournements de notoriété, notamment la distinction stricte entre les vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée et les vins sans indication géographique, ainsi qu’à valoriser les mentions traditionnelles contribuant au rayonnement des produits viticoles de qualité ;
3. Demande à la Commission européenne de maintenir l’interdiction pour des vins sans indication géographique d’indiquer une origine géographique plus petite que celle de l’État membre.