N° 3734
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe),
PAR Mme Nicole AMELINE
Députée
——
ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Sénat : 173 et 454 (2015-2016)
Assemblée nationale : 3577
INTRODUCTION 5
I. LA LIAISON FIXE TRANSMANCHE ET SON CADRE JURIDIQUE 7
II. LE NOUVEAU RÈGLEMENT BINATIONAL 11
A. LE TRANSFERT DE LA FONCTION D’ORGANISME DE CONTRÔLE DE LA COMMISSION INTERGOUVERNEMENTALE (CIG) AUX RÉGULATEURS NATIONAUX 11
B. LES AUTORITÉS JURIDICTIONNELLES 13
C. L’ABROGATION DU RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2009 13
D. LES DISPOSITIONS FINALES 14
E. LE CADRE DE TARIFICATION APPLICABLE AUX TRANSPORTS FERROVIAIRES 14
CONCLUSION 17
ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 19
ANNEXE TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2012/34/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 21 NOVEMBRE 2012 21
ANNEXE TABLEAU COMPARATIF ENTRE LE RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2009 ET LE RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2015 23
EXAMEN EN COMMISSION 25
ANNEXE :TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27
Mesdames, Messieurs,
Notre commission est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe).
Ce texte crée un nouveau règlement binational régissant la liaison fixe transmanche, afin de transposer la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen pour ce qui concerne la liaison fixe transmanche.
La directive 2012/34/UE prévoit en premier lieu, à son article 55, que la régulation économique du marché ferroviaire est exercée par un unique organisme de contrôle par État membre. La régulation économique de la liaison fixe transmanche étant aujourd’hui exercée par une Commission intergouvernementale franco-britannique, le présent texte vise à transférer cette compétence aux organismes nationaux de chacun des deux pays.
En deuxième lieu, la directive 2012/34/UE, à son article 29, prévoit que les États membres mettent en place un cadre de tarification applicable à un gestionnaire d’infrastructure. Tel est l’objet de l’article 6 et de l’annexe du présent texte.
Le présent règlement binational vise donc à se substituer au précédent règlement binational du 23 juillet 2009 afin d’unifier le régime juridique applicable en matière de régulation économique des transports ferroviaires sur l’ensemble du réseau ferroviaire français. Le Royaume Uni ayant déjà procédé à la ratification de ce texte, sa ratification par la France le rendra immédiatement effectif.
Le traité de Cantorbéry, signé le 12 février 1986 par la France et le Royaume-Uni, autorise la construction et l’exploitation, par des sociétés privées concessionnaires, d’une liaison fixe transmanche, c’est-à-dire d’un tunnel ferroviaire reliant les deux pays et passant sous la Manche.
Le traité de Cantorbéry interdit tout financement et garantie publics, tandis que son article 10 confie à une commission intergouvernementale (CIG) la mission de « suivre au nom des deux Gouvernements et par délégation de ceux-ci l’ensemble des questions liées à la construction et à l’exploitation de la liaison fixe ».
À ce titre, la CIG élabore ou participe à l’élaboration de la réglementation applicable à la concession et peut aussi contribuer à l’adoption de règlements binationaux qui s’apparentent formellement à des accords bilatéraux entre les deux États. Le règlement binational actuellement en vigueur, et qui doit être abrogé par le présent texte, est celui de 2009.
Le 14 mars 1986, un contrat de concession quadripartite courant jusqu’en 2086 a été signé entre les gouvernements français et britannique, France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group Limited, instituant le groupe Eurotunnel. Ce contrat définit les droits et obligation d’Eurotunnel concernant la conception, le financement, la construction et l’exploitation du tunnel, ainsi que les engagements des États afin de faciliter le fonctionnement du lien fixe transmanche.
Le 6 mai 1994 a eu lieu l’inauguration du tunnel sous la Manche, après sept ans de travaux et pour un coût d’environ 15 milliards d’euros. Constitué en fait de trois tunnels reliés entre eux tous les 375 mètres, dont un tunnel de service situé entre les deux tunnels monovoies principaux, l’ouvrage mesure 50 kilomètres de long, dont une section sous-marine de 38 kilomètres qui en fait le plus long tunnel creusé sous la mer.
Le tunnel est emprunté par des trains de voyageurs (les « Eurostar »), des trains de marchandises, des trains d’autoroute ferroviaire qui transportent des véhicules de tourisme et leurs passagers et des trains d’autoroute ferroviaire réservés aux camions.
L’histoire du tunnel a été marquée par la restructuration du capital et la réduction de la dette d’Eurotunnel en 1997 ainsi que divers incidents et accidents d’exploitation tels que les incendies de 1996, 2006, 2008 et 2015. La France et le Royaume-Uni ont également dû faire face aux conséquences de la pression migratoire, d’abord en indemnisant Eurotunnel en 2007 pour avoir manqué à leur obligations de protéger le site de Coquelles des incursions de personnes rassemblées au centre de Sangatte, puis en renforçant les dispositifs de protection et de surveillance des infrastructures du tunnel.
Le trafic empruntant le tunnel a cependant été considérable. Depuis 1994, Eurotunnel a transporté plus de 330 millions de voyageurs, environ 290 millions de tonnes de marchandises et environ 4 millions de véhicules. Le chiffre d’affaires d’Eurotunnel pour 2015 s’élève à 1,222 milliards d’euros, soit une hausse de 5 % par rapport à 2014.
Le tunnel sous la manche est régi à la fois par des accords bilatéraux franco-britanniques et par les normes communautaires applicables au transport ferroviaire, notamment les trois paquets ferroviaires adoptés en 2001, 2004 et 2007, dont la transposition a été assurée à la fois par des dispositions législatives nationales et par l’adoption de règlements binationaux.
Les principales modifications résultant de la transposition des directives européennes ont porté sur :
- la définition des droits d’accès au réseau ferroviaire du tunnel, à la mise en œuvre des dispositions relatives aux capacités d’infrastructure ainsi qu’à la tarification de l’infrastructure ;
- l’installation de la Commission intergouvernementale comme autorité de sécurité pour le tunnel au sens des directives européennes ainsi que l’adoption de la règlementation relative aux certificats de sécurité ;
- la mise en place de dispositions relatives à l’interopérabilité conformément aux règles européennes ;
- la régulation des activités ferroviaires par des organismes de contrôle indépendants.
La directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, qui devait être transposée dans les droits nationaux avant le 6 juin 2015, apporte cependant de nouvelles modifications. Constituant une refonte du premier paquet ferroviaire de 2001, elle abroge trois directives sur l’accès aux infrastructures et la gouvernance ferroviaires1 qui étaient transposées dans le règlement binational de 2009, qui doit par conséquent être remplacé.
Elle complète également les règles relatives à l’accès aux infrastructures et à la gouvernance ferroviaire et renforce les principes de transparence et d’accès non discriminatoire aux infrastructures ferroviaires.
En France l’essentiel du travail de transposition a été réalisé par les textes suivants2 :
- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014
- L’ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 prise en application de l’article 38 de cette loi
- le décret n° 2015-1040 du 20 août 2015 relatif à l’accès aux réseaux ferroviaires
L’objet du présent texte est de transposer la directive 2012/34/UE dans le domaine de la liaison fixe transmanche, par l’adoption d’un nouveau règlement binational.
Les négociations avec le Royaume-Uni en vue de l’adoption du nouveau règlement binational ont débuté en mai 2014. Plusieurs versions du texte ont été échangées jusqu’à ce que la dernière soit validée par la CIG du 23 juillet 2014. Le texte a ensuite été transmis pour consultation aux concessionnaires le 28 juillet 2014, conformément à l’article 27.4 de l’accord de concession entre les deux États et les deux concessionnaires.
Visant à achever la transposition de la directive 2012/34/UE, le nouveau règlement binational intègre les changements suivants :
- l’existence d’un organisme de contrôle unique sur l’ensemble de chaque territoire national ;
- le renforcement de l’indépendance des organismes de contrôle et la coopération entre les organismes de contrôle nationaux ;
- l’élaboration d’un cadre de tarification applicable à un gestionnaire d’infrastructure.
A. LE TRANSFERT DE LA FONCTION D’ORGANISME DE CONTRÔLE DE LA COMMISSION INTERGOUVERNEMENTALE (CIG) AUX RÉGULATEURS NATIONAUX
L’article 1er transpose à la liaison fixe transmanche l’article 55 de la directive 2012/34/UE, qui exige un régulateur ferroviaire unique et totalement indépendant des États, en transférant expressément les fonctions de régulation de la Commission intergouvernementale (CIG) aux organismes de contrôle nationaux.
Ces derniers sont l’Autorité de Régulation des Activités ferroviaires et routières (Arafer) du côté français et l’Office of Rail and Road (ORR) du côté britannique.
L’Arafer est l’ancienne Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (Araf), régulateur ferroviaire français créé en décembre 2009. Elle est désormais devenue l’Arafer, dotée de compétence de régulation dans le secteur ferroviaire, sur le marché des transports par autocar, et dans le secteur des autoroutes concédées, depuis que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a libéralisé le transport régulier interurbain de voyageurs par autocar, lui a confié une compétence d’ensemble en matière de régulation des activités relatives aux services et aux infrastructures de transport terrestre.
L’Arafer est dotée d’un collège de 7 membres non révocables d’un mandat de 6 ans non renouvelable et d’une commission des sanctions composée de 3 membres issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 fixe son plafond d'emplois à 68 équivalents temps plein travaillé.
Elle dispose d’un budget de 11,1 millions d’euros pour 2016 et de l’autonomie financière. Ses ressources proviennent de prélèvements annuels sur :
- les redevances d’utilisation du réseau ferré national versées par les entreprises ferroviaires à SNCF Réseau – plafonné à 8,3 millions d’euros par la loi de finances pour 2016 ;
- les titres de transport vendus aux passagers des autocars pour les dessertes régulières interurbaines de moins de 100 kilomètres – plafonné à 1,1 millions d’euros par la loi de finances pour 2016 ;
- le chiffre d’affaires des concessionnaires d’autoroute – plafonnée à 2,6 millions d’euros par la loi de finances pour 2016.
Les compétences de l’Arafer ne sont pas susceptibles d’évoluer à court terme après la prise en charge de la fonction d’organisme de contrôle pour le tunnel sous la Manche. Il n’apparaît pas, à ce stade et au vu de celles-ci, de nécessité d’évolution à court et moyen termes du cadre de coopération établi entre l’Arafer et l’ORR.
L’ORR, régulateur britannique du ferroviaire, a été créé en 1994 sous le nom d’Office of the Rail Regulation lors de la libéralisation du rail au Royaume-Uni. Ses compétences ont été élargies en 2005 par l’ajout de compétences en matière de sécurité ferroviaire, puis de nouveau en 2015 par sa transformation en Office of Rail and Road, avec de nouvelles compétences en matière de supervision des activités de l’agence national routière (Highways England).
L’ORR est doté d’un effectif d’environ 300 personnes, de statuts divers (fonction publique, salariés de droit privé, personnels provenant de l’industrie ferroviaire). Il dispose d’un budget d’environ 30 millions de livres Sterling, financé par des taxes sur les opérateurs.
Dans le secteur ferroviaire, l’ORR a pour missions la promotion de l’amélioration de la performance des services ferroviaires (contrôle de la performance des gestionnaires d’infrastructure), la protection des intérêts des usagers du transport ferroviaire (fret et passagers), la promotion du rail (utilisation, développement du réseau, efficacité, modèle économique), la promotion de la concurrence quand ceci est dans l’intérêt des usagers.
L’ORR est doté de compétences en matière de régulation ferroviaire, mais également en matière de sécurité, qui sont en France du ressort de l’EPSF, l’autorité française de sécurité ferroviaire, et de l’Inspection du Travail. Il convient en outre de noter que l’ORR est également compétent sur les réseaux de métro et de tramway, ce qui n’est pas le cas de l’Arafer ni de l’EPSF en France.
L’article 2 impose à la CIG de communiquer aux deux régulateurs nationaux l’ensemble des informations et documents qu’elle a pu détenir dans l’exercice de son mandat de régulateur économique dans les meilleurs délais. Cet article prévoit également l’échange des informations nécessaires à leur fonctionnement entre les trois organismes.
L’article 3 vise à renforcer la sécurité juridique en réduisant la probabilité de divergences entre les deux régulateurs en cas de recours déposé devant l’un d’entre eux concernant la liaison fixe transmanche. Chaque recours doit être déposé devant les deux régulateurs, lesquels doivent coordonner leurs processus de décision, se consulter mutuellement et tenir la CIG informée. En cas de probabilité de décisions divergentes, toutes les parties intéressées, dont la CIG, doivent être consultées avant leur adoption.
L’Arafer et l’ORR ont ainsi conclu, dès le 16 mars 2015, un accord de coopération en matière de régulation économique de la liaison fixe transmanche qui fixe un cadre de coopération entre les deux régulateurs nationaux et crée un processus décisionnel coordonné en matière de contrôle des activités ferroviaires du tunnel sous la Manche. L’accord crée des organes de coopération afin d’assurer la coordination et la concertation visées et met en place des mécanismes de coopération dans le cadre des procédures de règlement des différends.
L’article 4 maintient explicitement la compétence de la CIG dans les domaines qui n’ont pas été transférés aux régulateurs nationaux, c’est-à-dire le suivi de « l’ensemble des questions liées à l’exploitation de la liaison fixe, au nom des Gouvernements de la France et du Royaume-Uni et par délégation de ceux-ci ».
Les dispositions transitoires de l’article 5 prévoient que les autorités juridictionnelles saisies d’un recours contre une décision prise par la CIG avant le transfert de sa compétence en matière de régulation aux régulateurs nationaux demeurent compétentes pour en connaître.
L’article 7 abroge le règlement binational du 23 juillet 2009. Conséquence de la directive 20112/34/UE, l’objet du règlement binational de 2015 n’est pas le même que celui du règlement binational de 2009 ici abrogé3. Les dispositions du règlement binational de 2009 qui ne sont pas reprises par le règlement de 2015 seront couvertes par les textes nationaux de transposition de la directive (voir le tableau récapitulatif en annexe).
L’article 8 prévoit que chaque Gouvernement notifie à l’autre l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur du présent règlement, qui prend effet à compter du jour de la réception de la dernière notification.
Le Royaume-Uni a notifié l’achèvement de la procédure de ratification le 25 septembre 2015.
L’article 6 renvoie à une annexe pour la définition du cadre de tarification mis en place pour la liaison fixe transmanche en application de l’article 29 de la directive 2012/34/UE.
Le cadre actuel de tarification repose sur deux éléments :
- la possibilité pour Eurotunnel, en application de l’accord de concession, de fixer librement ses tarifs, qui résulte de l’absence de financement public, à condition de n’introduire aucune discrimination entre les usagers, assortie de l’obligation générale de respecter le droit européen et de ne pas mettre les deux États en situation d’infraction ;
- la convention d’utilisation de 1987, passée entre les concessionnaires (France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group) et les usagers (la SNCF et le British Railways Board) qui définit le cadre tarifaire et juridique du réseau ferroviaire de la liaison fixe transmanche pour la durée de la concession et contient un cadre tarifaire, appliqué dans le document de référence du réseau publié chaque année par Eurotunnel.
En application du règlement binational de 2015, les politiques tarifaires seront déterminées par le cadre de tarification figurant dans son annexe et définies par la convention d’utilisation de 1987. Les tarifs qui en découlent sont publiés par Eurotunnel dans son document de référence du réseau.
Le cadre de tarification comporte 6 articles. L’article 1er définit le régime applicable à la détermination, par le gestionnaire de l’infrastructure de la liaison fixe transmanche, des redevances d’utilisation de l’infrastructure, conformément à l’article 29.1 de la directive 2012/34/UE. Conformément à l’article 2.9 de la même directive, les opérations de transport sous forme de service de navettes pour véhicules routiers ne sont pas couvertes par le cadre de tarification.
L’article 2 transpose l’article 29.1 de la directive 2012/34/UE en établissant la responsabilité du gestionnaire de l’infrastructure pour l’établissement et la mise en œuvre de la tarification applicable à l’infrastructure ferroviaire. Pour satisfaire l’article 8.4, de la même directive, il est également rappelé que la liaison fixe transmanche ne bénéficie d’aucun financement public, conformément au Traité de Cantorbéry.
L’article 4 traite des redevances d’accès et reprend les articles 26, 31, 32 et 33 de la directive 2012/34/UE. Selon cet article, les redevances sont au moins équivalentes au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire. Elles peuvent toutefois lui être supérieures en se fondant sur les coûts à long terme de la liaison fixe transmanche. Ces coûts à long terme comprennent les coûts relatifs au financement de l’investissement, y compris le coût de la dette et de son remboursement ainsi qu’une rémunération « raisonnable » du capital investi, et les coûts de fonctionnement, de maintenance et de renouvellement de ces investissements. Une redevance d'accès peut en outre être perçue au titre de la rareté des capacités pendant les périodes de saturation.
Le gestionnaire peut toutefois appliquer des réductions limitées dans le temps soit à des entreprises accordant elles-mêmes de telles réductions, soit afin de favoriser l’utilisation de sillons sous-utilisés, à la condition qu’elles soient accordées de façon non-discriminatoire à toutes les entreprises ferroviaires. Ces réductions doivent être décrites de façon détaillée dans le document de référence du réseau.
L’article 5 confie au gestionnaire de l’infrastructure la détermination du montant des redevances pour l’utilisation de la liaison fixe transmanche par les services ferroviaires, ainsi que la détermination des conditions de paiement, de remboursement ou de dispense lorsqu’une réservation de capacité annulée peut être réattribuée à une autre entreprise ferroviaire. Enfin, l’article 6 impose au gestionnaire de l’infrastructure d’élaborer une méthode d’imputation des coûts équitable, transparente, non discriminatoire et conforme aux principes établis dans le cadre de tarification.
Le présent texte, en transposant la directive 2012/34/UE, aboutit à l’unification du régime juridique applicable en matière de régulation économique des transports ferroviaires sur l’ensemble du réseau ferroviaire tel que défini à l’article L. 2122-1 du code des transports, tout en tenant compte des particularités propres à la liaison fixe transmanche.
Il importe par ailleurs de ne pas retarder davantage la ratification de cet accord, puisque la Commission intergouvernementale (CIG) demeure compétente pour la régulation économique du tunnel sous la Manche jusqu’à l’abrogation du règlement binational de 2009. Les décisions qu’elle prend en la matière se trouvent donc entachées d’une fragilité juridique. La France et le Royaume-Uni se sont en effet engagés, dans le cadre d’une procédure précontentieuse lancée par la Commission européenne en 2013, à transférer le rôle d’organisme de contrôle de la CIG aux deux régulateurs nationaux.
Le Royaume-Uni a notifié l’achèvement des procédures internes de ratifications le 25 septembre 2015. Il est donc temps que la France fasse de même.
ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE
Néant
ANNEXE
TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2012/34/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 21 NOVEMBRE 2012
Texte de transposition |
Texte transposé |
Sujet |
Loi n° 2014-872 |
Article 7 de la directive 2012/34/UE |
Indépendance juridique, décisionnelle et organisationnelle du gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau |
Article 8 de la directive 2012/34/UE |
Cadre d’élaboration de la stratégie indicative de développement de l’infrastructure ferroviaire | |
Article 30 de la directive 2012/34/UE |
Principaux paramètres du contrat État-gestionnaire d’infrastructure | |
Articles 55 et 56 de la directive 2012/34/UE |
Renforcement des moyens et l’indépendance de l’organisme de contrôle, l’Arafer | |
Ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 |
Article 6 de la directive 2012/34/UE |
Renforcement des règles de séparation comptable |
Chapitre IV et article 13 de la directive 2012/34/UE |
Définition des règles d’accès à l’infrastructure linéaire et aux installations de service | |
Articles 37 et 40 de la directive 2012/34/UE |
Coopération entre gestionnaires d’infrastructure | |
Articles 55, 56 et 57 de la directive 2012/34/UE |
Renforcement des moyens et de l’indépendance de l’Arafer et l’organisation de sa coopération avec les autres acteurs ferroviaires | |
Décret n° 2015-1040 du 20 août 2015 relatif à l’accès au réseau ferroviaire |
Articles 8, 10 et 13 et chapitre IV de la directive 2012/34/UE |
Dispositions applicables aux gestionnaires d’infrastructure et relatives aux conditions d’accès à l’infrastructure linéaire et aux services qui y sont délivrés |
Décret n° 2015-960 du 31 juillet 2015 relatif à la licence d’entreprise ferroviaire et portant diverses dispositions en matière de transport |
Chapitre III de la directive 2012/34/UE |
Modifications aux dispositions régissant la délivrance des licences d’entreprise ferroviaire |
Article 56 de la directive 2012/34/UE |
Finalisation du dispositif organisant la coopération entre l’Arafer, l’autorité nationale de sécurité et l’autorité responsable de la délivrance des licences | |
Décret n° 2015-1167 du 22 septembre 2015 relatif aux nouveaux services internationaux de transport ferroviaire de voyageurs |
Règlement d’exécution (UE) n° 869/2014 de la Commission du 11 août 2014 relatif à de nouveaux services de transport ferroviaire de voyageurs |
Mise en conformité du droit national avec le règlement d’exécution (UE) n° 869/2014 de la Commission du 11 août 2014 relatif à de nouveaux services de transport ferroviaire de voyageurs |
Décrets n° 2015-138 du 10 février 2015 relatifs aux missions et aux statuts de SNCF Mobilités et n° 2015-140 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Réseau |
Article 6 de la directive 2012/34/UE |
Modalités de mise en œuvre des règles de séparation comptable au sein de l’entreprise ferroviaire SNCF Mobilités et du gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau |
Décrets n° 2015-137 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des transports, n° 2015-140 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Réseau et n° 2015-139 du 10 février 2015 relatif à la confidentialité des données détenues par le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire et à la commission de déontologie du système de transport ferroviaire |
Article 7 de la directive 2012/34/UE |
Dispositions législatives organisant l’indépendance juridiques, décisionnelles et organisationnelles des fonctions essentielles des gestionnaires d’infrastructure |
ANNEXE
TABLEAU COMPARATIF ENTRE LE RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2009 ET LE RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2015
Règlement binational de 2009 |
Règlement binational de 2015 |
Champ couvert : services de transport internationaux de voyageurs, services de transports combinés internationaux de marchandises, service de fret internationaux par des entreprises ferroviaires |
Champ couvert : application de la directive 2012/34/UE pour ce qui concerne la mise en place d’un cadre de tarification (articles 29 de la directive) et d’un régulateur national unique (article 55 de la directive) |
Sujets traités : - Droit d’accès et exercice du droit d’accès au réseau - Gestion de l’infrastructure - Document de référence du réseau - Nature et contenu des accords entre le gestionnaire d’infrastructure et les opérateurs - Accords-cadres pour l’utilisation de l’infrastructure - Procédure d’attribution des sillons - Situation d’infrastructure saturée - Redevances d’utilisation de l’infrastructure - Organisme de contrôle (pouvoirs de régulation de la CIG) |
Sujets traités : - Transfert de la fonction d’organisme de contrôle de la CIG à l’Arafer et à l’ORR - Échanges d’informations entre ancien et nouveau régulateur - Coopération entre régulateurs nationaux - Fonctions de la CIG et relations avec les régulateurs économiques nationaux - Autorités juridictionnelles - Cadre de tarification - Abrogation du règlement binational de 2009 |
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 11 mai 2016 à 9h45.
Après l’exposé de la rapporteure, un débat a lieu.
M. Jacques Myard. Je suis assez frappé par le juridisme de cet accord. Un ancien accord international avait prévu que les États s’accordent entre eux sur les problèmes de tarifs. La directive, désormais, prévoit une compétence des régulateurs nationaux indépendants. Qu’est-ce qui empêchait que le système ancien puisse se maintenir ? Rien ! On aurait pu poursuivre sur la base d’un dialogue entre les deux autorités de régulation. Je suis convaincu qu’en conservant le système ancien, il y aurait eu un dialogue entre les autorités régulatrices nationales et l’entité internationale qui avait été créée : on aurait avancé dans les mêmes conditions. Donc pour moi, c’est du pur juridisme formalisme, un peu absurde de la part de la commission, une fois de plus.
M. Jean-Pierre Dufau. Pour rebondir sur ce que dit Jacques Myard, je dirais : “Qui peut le plus peut le moins”. Tout ce qui peut rapprocher la France du Royaume-Uni à l’heure actuelle me semble intéressant.
Mme Nicole Ameline, rapporteure. Je remercie Jacques Myard. La proposition de garder un système bilatéral dans le cadre d’une coopération européenne, plus simple, aurait pu être choisie. Cela n’a effectivement pas été l’esprit de la directive. Nous gardons quand même le système global, puisque la commission intergouvernementale va rester en place, et que les organismes nationaux vont, d’une certaine façon, travailler avec elle. Aujourd’hui nous devons toutefois appliquer cette directive car nous sommes tenus par le respect des textes, même si, on peut le reconnaître, il y a peut-être un excès de formalisme.
M. Christophe Prémat. Merci Madame la rapporteure. Je rebondis sur la complexité de ces régulations. On peut mettre en lien ce problème avec celui, certes différent, de Calais. Il était dû, justement, à des multiplications de sociétés. On oublie souvent en effet que la crise de Calais était aussi partie d’une grève de la filiale danoise. Une telle complexité conduit à renvoyer ensuite la responsabilité aux États. Pour cette raison, je ne sais pas si ce genre d’accord peut simplifier la situation. J’ai alerté plusieurs fois le ministre sur la nécessité de trouver un accord beaucoup plus global que celui portant simplement sur la régulation, englobant notamment les réfugiés, les questions de sécurité, etc. Sans pouvoir faire de l’anticipation, comment faire, avec la perspective du Brexit, pour éviter que ces filiales ne se multiplient et que l’on n’aboutisse à une quasi-absence de régulation ?
Mme Nicole Ameline, rapporteure. Je vous remercie beaucoup. Pardonnez-moi pour ma présentation qui a peut-être été un peu rapide et juridique. L’organigramme est tout de même assez clair et les compétences clairement définies. La commission intergouvernementale reste compétente pour tout ce qui n’est pas strictement économique. Le dialogue reste ouvert et des améliorations peuvent encore être envisagées pour d’autres sujets, telle la crise migratoire. L’ensemble du dispositif sera maintenu, ce qui à la fois nous rassure et est source de complexité. L’accord prévoit quand même des compétences déterminées pour les autorités de régulation nationale, et des axes de coopération entre elles. Nous espérons que la pratique va optimiser ce dispositif qui, à juste titre, vous a sans doute paru un peu compliqué.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 3577) sans modification.
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif au règlement concernant la liaison fixe transmanche (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d’un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe), signées à Paris le 18 et le 23 mars 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3577)
© Assemblée nationale