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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2016.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption
et à la modernisation de la vie économique (n° 3623)
PAR M. Dominique POTIER
Député
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Voir le numéro : 3623.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 7
I. RESTITUER DE LA TRÉSORERIE AUX ENTREPRISES 9
II. METTRE LA TRANSPARENCE AU SERVICE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES 11
A. AMÉLIORER LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES PRODUCTEURS DE LAIT 11
1. Des quotas laitiers aux contrats laitiers 11
2. La cessibilité marchande des contrats laitiers 12
B. RÉÉQUILIBRER LE POUVOIR DE NÉGOCIATION COMMERCIALE DES AGRICULTEURS 15
1. L’absence de transparence dans la répartition de la valeur ajoutée dans la filière agroalimentaire 15
2. Le rôle de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires 15
III. STIMULER LA CRÉATION D’ENTREPRISES ARTISANALES EN MAINTENANT UN HAUT NIVEAU DE QUALIFICATION 17
TRAVAUX DE LA COMMISSION 19
Article 25 (article L. 131-59 du code monétaire et financier) : Réduction de la durée de validité du chèque d’un an à six mois 45
Article additionnel après l’article 25 (articles L. 731-1, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-4 et L. 733-1 du code de la consommation) : Amélioration de la procédure de surendettement 50
Article additionnel après l’article 25 (article L. 141-4 du code monétaire et financier) : Compétence de l’observatoire de la sécurité des cartes de paiement 51
Article additionnel avant l’article 30 (article L. 143-7-3 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Limitation de l’acquisition de foncier agricole 51
Article additionnel avant l’article 30 (article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime) : Ajout d’un cas de déclenchement du contrôle des structures foncières agricoles 52
Avant l’article 30 57
Article additionnel avant l’article 30 (article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime) : Ajout d’une référence aux indicateurs publics des coûts de production et des prix des produits agricoles ou alimentaires dans les contrats agricoles 60
Avant l’article 30 62
Article 30 (article L. 631-24-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction de la cessibilité marchande des contrats laitiers 65
Après l’article 30 72
Article additionnel après l’article 30 : Demande de rapport au Gouvernement 73
Article 31 (article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime) : Renforcement de l’obligation légale de dépôt de leurs comptes annuels par les sociétés agroalimentaires 74
Après l’article 31 79
Article additionnel après l’article 31 (article L. 441-7 du code de commerce) : Mention du nom du rédacteur ou du négociateur dans chaque écrit 87
Article additionnel après l’article 31 (article L. 441-7 du code de commerce) : Introduction de la possibilité de conclure des conventions écrites pluriannuelles 89
Article additionnel après l’article 31 (article L. 442-6 du code de commerce) : Limitation de l’assiette du calcul des contributions des fournisseurs aux centrales européennes de distribution au chiffre d’affaires réalisé hors du territoire français 97
Article additionnel après l’article 31 (article L. 442-6 du code de commerce) : Augmentation à 5 millions d’euros du plafond de l’amende civile pouvant être infligée en cas de pratique restrictive de concurrence 99
Article additionnel après l’article 31 (article L. 112-12 du code de la consommation) : Généralisation de l’expérimentation de l’étiquetage de l’origine des produits carnés et laitiers 100
Article additionnel après l’article 31 (article 60-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics) : Intégration d’une clause de révision des prix de prix des marchés publics de fourniture de denrées alimentaires 105
Article 36 (articles L. 441-6, L. 443-1 et L. 465-2 du code de commerce, article L. 141-1-2 du code de la consommation et article 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière) : Renforcement des sanctions en cas de manquement aux règles relatives aux délais de paiement et modalités de cumul des amendes administratives 106
Article 38 : (article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans) Stage de préparation à l’installation des artisans 116
Article 43 : (articles 16, 17, 17-1 et 21 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat et loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d’accès à la profession de coiffeur) Qualifications des artisans 123
Article 44 : Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles et à rendre applicables dans certaines collectivités d’outre-mer les dispositions liées à cette transposition 136
Article additionnel après l’article 44 (article L. 225-18 du code du commerce) : Possibilité, pour l’assemblée générale d’une société anonyme, de désigner un administrateur chargé de l’innovation et de la transformation numérique 141
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 143
Pour assurer la transparence de la vie économique, l’intervention de l’État est nécessaire car le marché ne se régule pas seul. La garantie, apportée par les pouvoirs publics, d’une transparence des échanges entre acteurs économiques constitue la contrepartie indispensable du libéralisme.
C’est ce principe qui paraît avoir guidé la rédaction des articles de ce projet de loi dont la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis.
Pour toutes les entreprises, le projet de loi prévoit de renforcer les sanctions en cas de retards de paiement. Cette mesure, qui complète des dispositifs déjà adoptés plus tôt au cours de cette législature, vise à garantir un strict respect des règles du jeu en matière de délais de paiement par l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, et à rétablir des échanges équitables entre elles. Trop d’entreprises de taille intermédiaire et de petites et moyennes entreprises doivent aujourd’hui subir, du fait de leur dépendance à de grands groupes, des retards de paiement excessifs qui pèsent lourdement sur leur trésorerie. La réduction de la durée de validité des chèques, qui doit, quant à elle, permettre de renforcer la prévisibilité de l’encaissement d’un moyen de paiement encore très largement utilisé en France, poursuit le même objectif.
Transparence pour les entreprises agricoles également. Faute de transparence et en dépit de la généralisation de la contractualisation, l’organisation économique de la filière agricole n’a conduit ni à garantir aux producteurs agricoles des prix de productions leur permettant de dégager une marge satisfaisante, ni de mieux répartir le partage de la valeur ajoutée avec les transformateurs et les distributeurs.
Pour l’artisanat, le projet de loi vise à introduire plus de fluidité dans le parcours de création de ces entreprises. C’est ce qui justifie la recherche d’un assouplissement des conditions de réalisation du stage de préparation à l’installation, et le recentrage des qualifications requises sur celles qui sont nécessaires pour la protection de la santé et de la sécurité du consommateur. À cet égard, votre rapporteur considère qu’il n’y a pas lieu d’opposer la vieille à la nouvelle économie, ou les insiders aux outsiders, mais qu’il convient de dresser des passerelles entre les uns et les autres, de favoriser l’entreprenariat populaire dans sa diversité, et de se concentrer sur la dénonciation des véritables privilèges, ceux des « artisans » d’une mondialisation sans foi ni loi qui appauvrit le plus grand nombre et piétine les droits humains.
L’ensemble de ces mesures visent à favoriser l’émergence d’une économie qui soit à la fois saine, robuste, agile et responsable, et à prolonger les efforts de lutte contre le chômage. Votre rapporteur souhaite que les débats à l’Assemblée nationale permettent d’enrichir ce texte, qui constitue d’ores et déjà un effort remarquable pour renforcer la transparence de notre vie économique.
La situation du crédit aux entreprises s’est nettement améliorée au cours des deux dernières années. Les concours bancaires aux entreprises avaient augmenté de 4,5 % en rythme annuel à la fin novembre 2015. De manière générale, le financement des entreprises françaises, nerf de la guerre, connaît une nette embellie.
La situation est toutefois plus contrastée si l’on opère une distinction par taille d’entreprises et par type de financement. Les TPE et PME continuent de souffrir, en particulier, de difficultés importantes pour financer leurs besoins de trésorerie.
Ces besoins de trésorerie sont aggravés notamment par les retards de paiement auxquels les grandes entreprises exposent leurs fournisseurs. Si les délais de paiement des entreprises en France ont diminué d’une journée au cours de l’année 2014, atteignant ainsi leur plus bas niveau depuis quinze ans, ceux des PME ont diminué d’une journée et demie, quand ceux des ETI sont demeurés stables et ceux des grandes entreprises ont augmenté d’une journée. Les grandes entreprises sont, en réalité, les seules à avoir bénéficié d’un allégement de leur solde commercial, et les PME continuent de supporter une trop grande part du solde du crédit interentreprises.
Les retards de paiement constituent une perte de trésorerie très importante pour les PME et les ETI. Les simulations réalisées par la Banque de France indiquent qu’un strict respect de la loi permettrait de reverser 16 Mds d’€ aux PME et 4 Mds d’€ aux ETI. Les retards de paiement ont, de plus, des effets macroéconomiques importants : ils accroissent la défiance et réduisent la visibilité des entreprises sur leurs perspectives économiques. Les entreprises victimes de retards de paiement peuvent être amenées à reporter les paiements dus à leurs propres fournisseurs, entraînant des comportements de retards de paiement en chaîne.
C’est pourquoi l’article 36 du projet de loi propose d’alourdir le montant maximal des amendes administratives en cas de retards de paiement, en le portant à 2 M€, et d’assouplir les conditions de cumul de ces amendes en cas de retards de paiement répétés. Le renforcement du caractère dissuasif de ces sanctions serait complété par une publication systématique des amendes prononcées par l’administration.
L’article 25 du projet de loi, qui réduit la durée de validité des chèques de douze à six mois, peut être considéré comme poursuivant le même objectif. Il vise à lever l’incertitude que font peser sur les entreprises, mais aussi les particuliers, les délais parfois tardifs d’encaissement des chèques. Cette mesure a été proposée dans le cadre de la Stratégie nationale sur les moyens de paiement, publiée en octobre 2015, qui est le résultat d’une concertation dont le pilotage a été confié par les ministres chargés des Finances et des comptes publics et de l’économie, de l’industrie et du numérique, à M. Emmanuel Constans, président du comité consultatif du secteur financier.
Pendant 31 ans, de 1984 au 1er avril 2015 l’Union européenne a régulé la production laitière européenne par des droits à produire (quotas laitiers). Le but de ces quotas était de limiter l’offre de lait au niveau européen afin de garantir un niveau de revenu aux agriculteurs. Les producteurs de lait se sont vus garantir un prix pour leurs productions (supérieur aux cours mondiaux), indépendamment de la demande. À l’objectif de maîtrise de la production prévue par les textes européens s’est ajoutée la volonté politique et professionnelle française d’opter pour un système de limitation des volumes de production axé sur la conservation du lien aux territoires : les quotas ont été fixés au niveau départemental.
La forte augmentation de la demande de produits laitiers observée ces dernières années et la volonté de rapprocher les prix européens des cours mondiaux ont conduit à la libéralisation du marché. Afin de préparer les éleveurs et le marché à la fin des quotas, le « paquet lait » (1) est entré en vigueur le 3 octobre 2012. Il a donné la possibilité aux États membres de mettre en place des contrats obligatoires pour aider producteurs et transformateurs à planifier leurs volumes de production et à mieux structurer les filières, grâce aux organisations de producteurs.
Obligatoire en France dès le 1er janvier 2011 en application de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche (article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime), la contractualisation a eu pour ambition de répondre, à la fois, à l’objectif de stabilisation du revenu des producteurs en assurant un débouché à leurs productions et à l’objectif de sécurisation et de pérennisation des approvisionnements des entreprises de transformation laitière. Six ans plus tard et avec la fin des quotas laitiers, force est de constater que la contractualisation n’a permis ni de garantir des prix aux producteurs, ni de leur donner de la visibilité. Il est encore nécessaire que la valeur ajoutée tirée des produits laitiers soit mieux partagée.
Selon le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de décembre 2015 (2) sur la Mise en œuvre de la contractualisation dans la filière laitière française, 91 % des producteurs ont signé un contrat avec une entreprise de collecte. La négociation des contrats individuels passe souvent par des organisations de producteurs qui ont un rôle de gestion des volumes de production.
La contractualisation a renforcé les liens entre producteurs et industriels ainsi que la négociation collective des volumes par les organisations de producteurs dont le rôle s’est vu renforcé.
En dépit de l’octroi d’une augmentation des quotas nationaux de l’ordre de 1 % par an ces dernières années suivant la mise en place d’une stratégie de soft-landing ou d’atterrissage en douceur, le 1er avril 2015, le secteur laitier européen a été bouleversé. Dès 2014, les éleveurs européens ont anticipé la fin des quotas en augmentant fortement leur production. La hausse de la production laitière européenne se poursuit encore aujourd’hui : elle est modérée en France (+ 1,5 % en janvier 2016 par rapport à l’année précédente), mais importante chez la plupart des autres producteurs européens (+ 5,6 % en Allemagne, + 7,3 % au Danemark, + 7,9 % en Pologne, + 15,5 % aux Pays-Bas, + 17,2 % en Belgique et + 19,5 % en Irlande à la même date).
Les éleveurs augmentent leur production pour compenser l’impact sur leurs revenus de la baisse des prix du lait, mais de ce fait ils accroissent la chute des prix. Selon FranceAgriMer, le prix des 1 000 litres de lait payés aux producteurs français en novembre 2015 s’est établi à 299 €, en baisse de 38,2 € par rapport à l’année précédente, particulièrement favorable.
L’effet de ces difficultés est d’accélérer la disparition de l’élevage et de ralentir les installations de jeunes agriculteurs. Les exploitations des tiers sont plus grandes et tendent à se concentrer géographiquement. Cette évolution pénalise la valeur ajoutée, l’emploi et la contribution à la biodiversité propres aux systèmes de polyculture-élevage.
La cessibilité des contrats laitiers s’applique pour chacun des cocontractants : la laiterie et le producteur. Toutefois, un avis de la commission interprofessionnelle des pratiques contractuelles (CIPC) (3) de 2012 a précisé que la cessibilité ne pouvait être envisagée que sous réserve qu’il n’y ait ni modification substantielle du contrat, ni modification de son économie générale. Dans ce cas, un accord du cocontractant est nécessaire. Le rapport du CGAAER précité relève que l’accord du cocontractant n’est, dans les faits, requis que de la laiterie puisque lorsque c’est le producteur qui souhaite céder son contrat, il y a changement du lieu de collecte et, de ce fait, modification substantielle du contrat. Les laiteries n’hésitent quant à elles pas à céder des points de collecte à d’autres entreprises (par simple entente entre elles), sans que l’accord du producteur soit requis. Même s’il en avait le pouvoir juridique, le faible pouvoir de négociation de ce dernier et sa dépendance économique ne lui permettraient pas de dénoncer ce changement dans les modalités du contrat.
Depuis la fin des quotas laitiers, un marché de gré à gré de cession marchande de contrats laitiers s’est discrètement mis en place, jusqu’à retrouver ce type d’offre sur des sites internet de petites annonces. Des organisations de producteurs de grands groupes laitiers (organisation de producteurs Lactalis grand ouest – OPLGO (4), auditionnées par votre rapporteur) autorisent et encouragent cette cessibilité marchande des contrats dans le périmètre géographique qu’elles couvrent. Les laiteries s’engagent à produire un avenant au contrat initial et laissent les producteurs s’accorder sur un prix. Ces contrats sont aussi divisibles en parts de plusieurs milliers de litres.
Plusieurs effets pervers découlent de cette « commercialisation » des contrats laitiers.
Pour le producteur cédant, la cession de volumes de production lui évite également d’avoir à payer d’éventuelles pénalités infligées par la laiterie collectrice pour dépassement de volume de production. Le prix de la cession à la tonne qui oscille, d’après la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) entre 150 € et 250 €, correspond d’ailleurs au montant de la pénalité de dépassement. Un producteur en fin de parcours professionnel peut être d’autant plus incité à céder contre rémunération son droit à produire.
L’acteur le plus pénalisé par la cessibilité marchande des contrats est le producteur acquéreur. L’achat d’un contrat lui permet d’augmenter son volume de production sans nécessairement reprendre des outils de production (bâtiments, matériels, cheptels) mais elle implique des coûts supplémentaires, non justifiés. Compte tenu des prix pratiqués, la reprise d’un contrat de 300 000 litres peut osciller entre 45 000 € et 75 000 €.
Les pays d’Europe du Nord avaient fait le choix de la cessibilité marchande des contrats laitiers mais le renchérissement des coûts induits les a conduits à regretter ce choix.
Le rôle des organisations des producteurs dans les orientations de la production et surtout dans la redistribution de volumes de production à des jeunes producteurs reconnus comme prioritaires est réduit. Le risque de la création d’un marché national des contrats laitiers est de déprécier les contrats de production de zones en déprise laitière au profit de zones dynamiques et, ce faisant, de bouleverser l’équilibre territorial de la géographique laitière.
La laiterie qui, nous l’avons vu, autorise la cession, y trouve un intérêt certain puisque la concentration des productions réduit le nombre de points de collecte et donc son coût. Selon le rapport du CGAAER précité, « Les ˮindustrielsˮ cherchent à assumer le rôle de ˮrégulation privéeˮ qui leur est désormais attribué » avec un coût de restructuration à la charge des producteurs. Ce phénomène transfère le pouvoir de régulation de l’organisation de producteurs à la laiterie. Les contrats laitiers étant individuels, ils peuvent être cédés d’un producteur à un autre sans que la quantité de référence gérée par l’organisation de producteurs soit modifiée.
Sans interdiction de la cessibilité marchande des contrats laitiers, la filière encourt le risque d’une accélération des restructurations au détriment des jeunes agriculteurs. La compétitivité de l’ensemble des exploitations par le renchérissement des coûts de production accentuera les difficultés de la filière, en particulier celles des territoires en déprise laitière.
En droit, la contractualisation ne concerne pas le secteur coopératif, qui collecte 55 % des volumes de production français. Les sociétés coopératives laitières fonctionnent à partir de la relation particulière qu’entretiennent les producteurs qui sont des associés coopérateurs. La coopérative appartenant au producteur, celui-ci dispose d’une double qualité : il est associé et apporteur de production à la coopérative. À ce titre, il ne pourrait pas, à proprement parler, exister de cession d’un contrat à titre marchand. L’article L. 521-1-1 emploie d’ailleurs le mot « relation » entre l’associé coopérateur et la coopérative agricole pour qualifier le contrat. Les relations précitées sont d’un effet équivalent à celui du contrat, comme le rappelle l’avis du Haut Conseil de la coopération agricole (5). Seule pourrait donc intervenir la cession de parts de capital social de la coopérative auxquelles correspond un volume de production. Cette cession serait sous le contrôle du conseil d’administration, mandataire social de la coopérative. Lors de son audition par votre rapporteur, la fédération nationale des coopératives laitières (FNCL) a indiqué que ce type de cession n’existait pas du fait de l’absence de contrats et de la nécessaire autorisation du conseil d’administration de la coopérative. Le rapport du CGAAER précité précise : « La plupart des coopératives rencontrées ont introduit une disposition spécifique dans leur règlement intérieur, pour s’opposer à cette valorisation d’un élément du fonds agricole, considérant qu’un adhérent ˮne peut partir avec un morceau des débouchés de la coopérativeˮ. Toutefois, soumises à une forte pression, certaines considèrent qu’il s’agit d’une relation privée entre le cédant et le repreneur/cessionnaire et se proposent d’acter et/ou de formaliser la transmission en se cantonnant dans ce cas dans un rôle d’enregistrement de l’opération sous réserve de validation par le conseil d’administration. »
1. L’absence de transparence dans la répartition de la valeur ajoutée dans la filière agroalimentaire
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la France compte environ 500 000 exploitations agricoles. On compte près de 3 000 entreprises de l’industrie agroalimentaire de plus de 20 salariés, soit un tiers des entreprises de l’industrie agroalimentaire qui réalisent 93 % du chiffre d’affaires total du secteur. Quatre grands acheteurs de la distribution représentent quant à eux plus de 90 % du marché : Casino-ITM entreprises, Intermarché les Mousquetaires (25,9 %), Auchan-Système U (25,1 %), Carrefour/Cora (21,6 %) et Leclerc (19,9 %) (6). Les déséquilibres commerciaux trouvent leur source dans la dispersion des producteurs face à la puissance des entreprises de transformation ainsi qu’à celle des distributeurs. Certes, les organisations de producteurs et l’organisation propre aux coopératives sont de nature à renforcer le poids des producteurs agricoles mais, parallèlement, le mouvement de concentration des entreprises de l’aval (transformation et commercialisation) est une constante du paysage économique français.
Entendu par votre rapporteur, le président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, M. Philippe Chalmin, a présenté l’analyse de l’ « euro alimentaire » qui mesure comment les dépenses alimentaires d’un consommateur en France se répartissent entre les différentes branches de l’économie (agriculture, industries agroalimentaires, commerces, transports, services etc.). Il a indiqué que, sur 100 €, seulement 18,3 € proviennent de la production agricole (aliments non transformés et matière première pour les industries alimentaires) auxquels s’ajoutent 14,3 € d’importations alimentaires, soit environ un tiers de la dépense du consommateur. L’essentiel de la valeur de la consommation est créé en aval de la filière par le commerce, la transformation et le transport des produits. La valeur ajoutée des produits alimentaires consommés par les Français échappe ainsi aux producteurs agricoles.
En outre, les prix alimentaires connaissent une stagnation voire une déflation qui bénéficie aux consommateurs mais qui accentue la pression sur les entreprises agricoles, moins résilientes que les autres entreprises. Ce sont les mécanismes de diffusion des prix d’un acteur à l’autre et de transparence des marges qui sont défaillants.
Créé par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires remet chaque année au Parlement un rapport qui est un document de suivi de la conjoncture agricole et agroalimentaire et de description de la répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
Ses travaux sont principalement réalisés par l’établissement FranceAgriMer à partir de ses propres données, de celles des services statistiques ou des organisations professionnelles. L’observatoire analyse les coûts de production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution, la formation des prix ainsi que les marges de chaque acteur qui, sous couvert de la confidentialité des données, collabore avec l’observatoire.
L’absence de transparence sur les comptes et les marges des entreprises a des conséquences sur le pouvoir de négociation des différents maillons de la filière, et notamment des producteurs agricoles qui pâtissent de la dissymétrie d’information sur les marges des entreprises qui assurent un débouché à leurs productions. L’observatoire contribue à diminuer cette opacité et, compte tenu de la finesse et de l’objectivité de ses analyses, il a gagné la confiance des acteurs du secteur agroalimentaire.
Le secteur de l’artisanat concentre, au 1er janvier 2013, près d’1,1 million d’entreprises et près de 2,8 millions d’actifs. Au sein du secteur marchand, il représente une part de 7,4 % en termes de chiffre d’affaires, de 10,1 % en termes de valeur ajoutée et de 30,6 % en termes de nombre d’établissements. En 2013, 173 235 entreprises artisanales ont été créées, à parts à peu près égales entre des entreprises classiques (89 266) et des entreprises sous statut d’auto-entrepreneur (83 969) (7).
Les activités exercées sous statut d’artisan couvrent un spectre extrêmement large, qui va de la fabrication de produits alimentaires aux services de transports, en passant par l’artisanat d’art. Au total, l’artisanat rassemble plus de 510 activités différentes. La plupart des entreprises artisanales sont toutefois concentrées dans le secteur de la construction (40 %), de l’industrie (17 %), notamment dans les activités de fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac, ainsi que dans le commerce et la réparation d’automobiles et motocycles (15 %).
Aussi constituent-elles un gisement d’innovation et de création d’entreprises crucial pour l’avenir de notre croissance et de nos emplois. L’artisanat est l’un des cœurs du tissu de production et de services de notre pays.
Pourtant, son dynamisme apparaît, dans certaines analyses, aujourd’hui freiné par des facteurs réglementaires, qui limitent le nombre de création d’entreprises auquel il pourrait donner lieu.
En effet, l’exercice de certaines activités artisanales est aujourd’hui encadré par des exigences de formation et de qualification très larges, qui sont un préalable à la création d’une activité.
Depuis la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat, tout artisan désirant s’installer doit réaliser un stage de préparation à l’installation (SPI), qui constitue une condition préalable à l’immatriculation au répertoire des métiers ou à l’inscription au registre des entreprises. Cette formation apparaît comme un atout essentiel pour les futurs chefs d’entreprise, qui bénéficient ainsi d’une formation de base à la gestion indispensable au lancement et à l’exercice de leur activité, autant qu’une garantie, pour la société, que les créations d’entreprises artisanales s’effectuent dans les meilleures conditions.
C’est la raison pour laquelle la loi du 18 juin 2014 a supprimé la dispense de SPI pour les créateurs d’entreprise artisanale ayant opté pour le régime de la micro-entreprise. Pleinement justifiée, cette suppression a toutefois entraîné un effet non voulu : elle a entraîné une très forte augmentation des demandes de SPI, au point que les chambres de métiers et de l’artisanat, dont c’est le rôle, ont des difficultés à les organiser dans des délais satisfaisants. Il en résulte que certains projets de création d’entreprises sont différés.
De plus, certaines professions artisanales nécessitent une qualification fixée par la loi, récemment renforcée par la loi du 18 juin 2014 qui a retenu une qualification par métier, quand une qualification par activité, plus souple en termes d’obligations de qualification, prévalait jusqu’alors. Ce choix a conduit à soumettre un grand nombre d’activités à des obligations de qualification spécifiques. Si la plupart de ces exigences de qualification sont pleinement justifiées par la technicité des activités concernées et la nécessité de garantir un haut niveau de l’offre au consommateur, il n’en reste pas moins que certaines peuvent apparaître excessives et pourraient constituer un frein à la création d’entreprises.
Ce constat a motivé la décision du Gouvernement de proposer un assouplissement des conditions de réalisation du SPI en autorisant qu’il soit suivi jusqu’à trente jours après l’immatriculation ou l’inscription de l’entreprise, et de créer un nouveau cas de dispense du SPI pour les chefs d’entreprise ayant bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise. C’est l’objet de l’article 38 du projet de loi. Son article 43 prévoit, quant à lui, un recentrage des obligations de qualification pour l’accès aux professions artisanales réglementées sur celles qui sont strictement nécessaires à la protection de la sécurité et de la santé du consommateur. L’objectif est de stimuler la création d’entreprises artisanales. Si votre rapporteur partage l’objectif de ces dispositions, il considère également que le SPI devrait demeurer un préalable à l’installation des artisans, même si ceux-ci ne devraient pas être retardés dans leurs projets en raison de difficultés d’organisation du SPI. S’agissant des qualifications artisanales, il estime que l’assouplissement de certaines exigences de qualification devrait s’accompagner d’une concertation suffisante avec les organisations professionnelles concernées et de l’ouverture de nouvelles modalités de validation des acquis de l’expérience.
L’article 44, qui procède à la transposition en droit français des modifications apportées au système de reconnaissance des qualifications professionnelles entre États membres de l’Union européenne par une directive de 2013, vise à ouvrir la voie à une installation plus aisée des professionnels au sein de l’espace européen, à travers l’ouverture d’un accès partiel à certaines professions et la diminution des obligations d’expérience professionnelle préalable. Les mesures qu’il contient doivent également concourir à stimuler la création d’entreprises en France.
Lors de ses réunions du mardi 17 mai 2016, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Dominique Potier, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 3623).
Mme la présidente Frédérique Massat. Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique fait l’objet d’une autre saisine pour avis de la part de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire ; la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République étant, pour sa part, saisie au fond. Ces trois commissions se partagent l’examen du texte dans le cadre d’une délégation formelle, qui n’est pas prévue par les textes, au titre de laquelle les amendements que nous aurons adoptés seront repris dans le texte adopté par la commission des lois.
Le présent projet de loi vise à instaurer davantage de transparence dans le processus d’élaboration des décisions publiques et dans la vie économique, notamment dans le secteur agricole. Il contient également des mesures sur la transparence de la régulation financière. Sur les cinquante-sept articles qui le composent, la commission des affaires économiques en examinera sept, la commission des finances, dix-huit, et la commission des lois, trente-deux.
Nous sommes saisis de l’article 25, sur la durée de validité du chèque ; des articles 30 et 31, qui concernent les mesures relatives à l’amélioration de la situation financière des exploitations agricoles ; de l’article 36, sur les délais de paiement ; de l’article 38 modifiant les règles applicables au stage de préparation à l’installation des artisans ; des articles 43 et 44, sur les exigences en matière de qualification professionnelle.
Certains des articles dont nous sommes saisis concernent le domaine de compétence du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, qui se trouve parmi nous.
M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je reviendrai sur la philosophie des articles qui concernent mon domaine de compétence, après quoi je souhaite que nous ayons la discussion la plus ouverte possible.
Plusieurs dispositions du texte relèvent de la démarche sur les nouvelles opportunités économiques que nous avons entreprise à l’automne dernier puis conduite pendant plusieurs mois avec des organisations professionnelles, des organisations syndicales, des experts, des intellectuels et des entrepreneurs.
Nous commençons à pratiquer une grammaire de la production qui ne suit pas les règles de l’économie de rattrapage dans le cadre de laquelle nous avons construit notre droit du travail, nos régulations classiques. Au sein de l’économie de l’innovation accélérée absolue dans laquelle nous nous trouvons, les cycles sont beaucoup plus rapides et les entreprises et les différents acteurs doivent pouvoir s’y adapter beaucoup plus facilement – c’est tout le débat qui vient d’avoir lieu avec le projet de loi sur le travail.
Le potentiel de création d’activités est très fort pour les très hautes qualifications – les plus adaptées à un cycle d’innovation important et qui se trouvent libérées des tâches les plus répétitives, grâce en particulier aux logiciels et à la modernisation de l’appareil productif –, mais aussi pour les qualifications beaucoup plus modestes. Or, les rigidités de l’économie française rendent difficile d’aller assez vite et assez fort dans les phases d’innovation et de forte création. Parfois même, elles constituent des barrières à la création d’emplois faiblement qualifiés.
Aussi les dispositions qui vous sont soumises visent-elles précisément à aider notre tissu économique à s’adapter, cela autour de trois axes.
D’abord, il faut faciliter le développement des activités et des emplois pour les travailleurs peu qualifiés, en particulier les travailleurs indépendants. Nous avons là un potentiel d’emplois très fort, que ce soit dans le secteur industriel, dans les services ou dans l’artisanat. Or, depuis vingt ans, nous avons pris des dispositions législatives et réglementaires fondées sur les principes, que nous entendons préserver et défendre parce que nous les considérons comme intangibles, de la sécurité et la santé du travailleur et du consommateur, mais qui ont dans le même temps créé des contraintes qui rendent plus difficile la création d’activité dans certains secteurs et sans que cela soit, pour le coup, forcément justifié.
Avec les articles 43 et 44, nous proposons, par conséquent, d’établir les principes d’un nouveau dispositif en matière de qualifications professionnelles et de définition des métiers. En ce qui concerne les qualifications, il s’agit, tout en maintenant les principes évoqués de sécurité et de santé, de ne pas créer de barrières excessives ou, en tout cas, de permettre la valorisation des acquis de l’expérience (VAE). Je pense ainsi à l’accord auquel nous sommes parvenus dans le secteur de la coiffure après des mois d’échanges, et qui va conduire à une vraie modernisation puisque les conditions pour ouvrir un salon seront soit d’être titulaire d’un brevet professionnel, ce qui était la seule possibilité jusqu’à aujourd’hui, soit, désormais, d’être titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et de justifier d’une expérience à valoriser. La situation était si ubuesque qu’elle ne permettait pas à une coiffeuse ou à un coiffeur justifiant de quinze ans d’expérience de reprendre un salon parce qu’elle ou il n’avait qu’un CAP.
Pour ce qui est des métiers, question particulièrement difficile, nous avons progressivement – notamment, il faut bien l’admettre, à cause de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi dite « ACTPE ») – multiplié les tâches nécessitant des qualifications et donc créé des rigidités à l’entrée.
En examinant les amendements, vous allez donc vous interroger sur le fait de savoir si, pour être coiffeur, carrossier ou artisan boulanger, il faut bel et bien justifier de tel niveau de qualification, alors que nous vivons dans un monde où, pour ouvrir une pizzeria ou devenir restaurateur, aucune qualification préalable n’est requise. Tout ce qui relève du registre du commerce ne fait l’objet d’aucune qualification préalable. Ne reconnaît-on pas pour autant la valeur de ces métiers, n’est-on pas à même de distinguer la qualité des prestations offertes ?
Nous avons décidé dans le passé, dans le secteur de l’artisanat et des métiers, de façon non homogène avec les dispositions en vigueur dans le commerce, d’établir une barrière en termes de qualification. Si elle se justifie par le respect des principes de santé et de sécurité, elle doit néanmoins rester proportionnée. Or de nombreuses activités annexes rattachées à des métiers restent, par ce seul fait, relativement fermées. L’onglerie, par exemple, s’est beaucoup développée ces dernières années, souvent en contravention avec les dispositions en vigueur : cette activité relève-t-elle du secteur esthétique ou non ? Les salons consacrés à la coiffure africaine relèvent-ils des conditions aujourd’hui requises ? Les laveurs de voitures ne peuvent ouvrir leur activité, car dans les textes et la pratique de plusieurs chambres des métiers, on leur demande d’avoir un CAP de carrossier – laver des voitures est considéré comme une activité annexe de la carrosserie. Il s’agit donc de déterminer quelles activités peuvent être détachées des métiers principaux pour stimuler l’entreprenariat.
La réalité du terrain, vous la connaissez mieux que moi : des activités sont créées dans de nombreux endroits en contravention même du droit en vigueur. En 2015, un tiers des crédits accordés par l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), a concerné des concitoyens n’ayant pas le niveau prérequis pour exercer l’activité dans laquelle ils entendaient se lancer. L’objectif du texte est, par conséquent, d’aider à l’entreprenariat pour des métiers faiblement qualifiés, ce qui n’enlève rien à la reconnaissance accordée à d’autres secteurs en termes de sécurité et de santé – principes, j’y insiste, que le texte réaffirme.
La création d’entreprise est un élément d’émancipation économique et sociale. C’est très important pour ceux de nos concitoyens qui, n’étant pas faits pour les études académiques ou n’ayant pas fait ce choix, s’orientent vers les voies professionnelles – jusqu’à présent insuffisamment reconnues. Pour ces derniers, l’entreprenariat peut être une voie d’entrée dans la vie économique plus facile que le salariat ; trouver un client peut être plus facile que trouver un employeur. Certains préfèrent le risque entrepreneurial à la subordination qu’implique le salariat. Il ne faut donc pas les priver de cette option qui n’est pas exclusive des autres, et pour cela renforcer l’homogénéité entre ce qui relève du commerce et ce qui relève de l’artisanat et des métiers.
Le deuxième axe consiste à faciliter la création et le développement d’entreprises. L’objectif est de faciliter le parcours de croissance. Nous proposons, par exemple, de supprimer l’obligation d’ouvrir un compte bancaire professionnel pour les microentreprises, qui peut constituer un obstacle à l’entreprenariat. Nous proposons également de revenir sur l’obligation de réaliser un stage préalable à l’installation pour les métiers artisanaux. Dans certains territoires, on met trop de temps à délivrer l’attestation de validation du stage – qui est, pour plusieurs métiers, une obligation récente. Or nous avons souvent affaire à des personnes dans des situations fragiles et qui ont besoin de travailler. Devoir attendre parfois plusieurs mois au lieu de cinq jours constitue une rigidité exorbitante, surtout compte tenu des qualifications qu’apporte ce stage. Nous proposons donc de réduire ce délai.
Le texte vise également à faciliter la croissance de l’entreprise, en lissant les effets de seuil qui peuvent se révéler très préjudiciables aux autoentrepreneurs, mais aussi en ouvrant un droit d’option à ceux qui n’ont pas initialement choisi le régime de la microentreprise mais dont ils pensent qu’il pourrait leur être profitable pour éviter cette défiance permanente entre ces deux catégories – il s’agit de proposer à des artisans, ou autres, qui sont au régime réel, d’opter chaque année pour le régime de la microentreprise dans le cas où ils y trouveraient avantage. Les analyses réalisées par le ministère des finances montrent que 10 à 12 % des artisans qui sont au régime réel auraient intérêt à adopter le régime de la microentreprise. Ce dernier, dont certains entrepreneurs veulent la disparition, permet de démarrer plus facilement et plus rapidement.
Nous proposons, par ailleurs, pour la transformation d’une entreprise individuelle en société, la suppression de nombreuses obligations coûteuses et peu utiles.
Enfin, le troisième axe est la modernisation du régime de financement des startups, des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Il s’agit d’améliorer le dispositif juridique en matière de délais de paiement – élément essentiel de développement de l’économie. Ces délais sont, depuis 2008, beaucoup plus encadrés. Nous avons amélioré ce dispositif grâce à la loi relative à la consommation et à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Nous proposons de durcir encore davantage les règles, car le non-respect des délais de paiement pénalise en premier lieu les plus faibles ou les acteurs dont la croissance est la plus dynamique, qui ont besoin d’un fonds de roulement important ou qui sont fragiles dans leur cycle parce qu’en train d’investir. De surcroît, le respect des délais relève de ce que j’appellerais l’ordre public économique : la loi du plus fort ne saurait prévaloir. Nous entendons, par conséquent, relever le plafond de l’amende administrative en la matière.
Nous proposons, en outre, de favoriser l’orientation à long terme des investissements des régimes de retraite supplémentaire en aménageant ces derniers et en donnant aux entreprises de l’économie sociale et solidaire l’accès aux ressources du livret de développement durable.
Vous le voyez, l’esprit du texte est de faciliter la création, le développement et le financement d’entreprises dans une économie dont les cycles sont beaucoup plus rapides. Il est donc indispensable d’offrir la palette d’instruments qui permettra à nos entreprises, à nos entrepreneurs et à nos concitoyens de répondre aux défis de l’économie contemporaine.
M. Dominique Potier, rapporteur pour avis. Le premier objectif du présent projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, projet de loi dit « Sapin II », est non seulement de hisser la France au niveau des meilleurs standards européens, mais aussi d’en faire une pionnière dans la lutte pour une économie saine. En effet, l’établissement de limites et d’une certaine transparence constitue la contrepartie du libéralisme – système que nous avons désormais adopté. Il s’agit de construire une économie robuste autant qu’agile, une économie responsable. Tel est notre dessein commun.
J’observe, notamment pour ce qui concerne l’agriculture, que nos différences sont minimes. Ensemble, nous souhaitons revenir sur les rapports léonins introduits par la loi de modernisation de l’économie (LME), rétablir la capacité pour les producteurs d’être entendus dans les négociations, obliger les plus puissants à se montrer transparents dans la constitution des prix et éviter que ne soient commercialisés des contrats qui n’ont pas à l’être. Bref, il est question d’« assainir » la loi LME, à défaut de la réformer radicalement, ce qui nécessiterait des travaux dépassant largement le cadre du projet de loi Sapin II.
La partie concernant M. Emmanuel Macron porte sur la modernisation des petites entreprises – domaine en pleine mutation, en plein bouillonnement. Je suis très attaché au travail comme « lieu » de première intégration, d’apprentissage de la citoyenneté. Il nous faut repenser le chômage comme un désœuvrement, comme une privation de l’œuvre, elle-même émancipatrice par nature pourvu que l’écosystème le permette.
Permettre à des personnes exclues du monde du travail de l’intégrer doit être notre priorité. De multiples politiques publiques tentent avec plus ou moins de succès, plus ou moins de violence, de répondre à cet enjeu. Je souhaite vraiment que les propositions ici faites ne soient pas caricaturées, mais soient entendues dans ce qu’elles ont de juste, quitte à ce qu’elles soient, le cas échéant, modérées afin que nous parvenions au consensus le plus large.
Nous devons donner à chaque génération sa chance d’innover, d’entrer dans la vie active, et ce ne doit pas être forcément au prix d’un retour sur des conquêtes populaires : je pense à la reconnaissance du statut des artisans, à la fierté de nos jeunes apprentis lorsqu’ils obtiennent un diplôme qualifiant qui leur permet d’être reconnus dans la société.
C’est cet équilibre que nous entendons trouver. Plutôt que d’opposer la vieille économie à la nouvelle, les insiders aux outsiders – ce qui relèverait du poncif –, je préfère des formules qui préservent les uns et les autres. Je suis sûr que nous pouvons promouvoir les jeunes entrepreneurs, toujours fragiles, qui prennent des risques et qui, dans nos villes et nos campagnes, inventent en partie le tissu économique du futur. Plutôt que d’opposer entre elles toutes ces personnes issues des milieux populaires, qu’elles soient artisans ou en train de construire des entreprises d’un nouveau type, nous devons consolider l’écosystème économique auquel nous sommes si attachés et nous concentrer sur la dénonciation des authentiques privilégiés que cible le projet de loi Sapin II : ceux qui, appartenant au monde de la finance internationale, trichent, ceux qui méprisent les droits de l’homme et du citoyen, ceux qui fabriquent une mondialisation sans foi ni loi.
Nous devons, en matière d’entreprenariat populaire, trouver des terrains d’entente, organiser des transitions plutôt que des fractures.
Mme Sophie Errante. Je m’attarderai surtout sur les articles 38 et 43. Il paraît très compliqué, une fois qu’on a entamé son activité, qu’on est immatriculé, de revenir en arrière pour aller passer un stage. Pour autant, il me semble difficile de supprimer complètement le stage de préparation à l’installation, même s’il ne donne pas satisfaction dans sa configuration actuelle.
Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, la possibilité de revoir les régimes de dérogations. Quel élargissement proposez-vous ? Une concertation serait la bienvenue, car nous souhaitons une mise en cohérence des dispositifs proposés avec ceux, notamment, de la loi dite « Pinel ». Le rapporteur a raison de considérer que nous devons éviter de tout remettre à plat.
S’agissant de l’article 43, on a noté l’absence des représentants des professions dans la procédure d’élaboration du décret.
Vous vous êtes engagé sur la validation des acquis de l’expérience. Vous avez évoqué le cas de la coiffure ; les députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen souhaitent que ce dispositif soit étendu à tous les secteurs. Les parcours ne sont, en effet, plus linéaires mais multiples et nécessitent que la VAE soit accessible non seulement aux titulaires du baccalauréat mais aussi à ceux qui ne le sont pas. Il faut permettre à certains de réaliser de petits travaux ou de travailler dans le secteur des services, où la demande est forte. Il n’en reste pas moins que nous devons garantir aux utilisateurs transparence et professionnalisme en matière de sécurité et de santé, certes, mais également dans le rendu du travail fourni.
Mme Catherine Vautrin. Je salue la bonne initiative consistant à saisir notre commission d’articles portant sur des sujets importants comme la situation financière des exploitations agricoles, les délais de paiement ou l’entreprenariat individuel. Les amendements que nous avons déposés visent d’ailleurs davantage à modifier et à ajuster les dispositions proposées plutôt qu’à les supprimer, ce qui montre que nous allons plutôt dans le même sens.
Permettez-moi, avant d’aborder les articles dont nous sommes saisis, Monsieur le ministre, une petite incise sur l’article 16 relatif à la commande publique. De la commande publique à la question des délais de paiement, il n’y a qu’un pas. Or l’État doit montrer l’exemple, car nombre de nos entreprises sont souvent victimes, de sa part, de délais de paiement que je qualifierais d’outranciers.
Une fois pour toutes, nous devons nous dire que le rapport Hagelsteen et la loi LME, c’était il y a huit ou neuf ans : le monde bouge et nous conduit à agir différemment. À cet égard, l’article 30 est l’exemple type de l’adaptation à laquelle nous devons nous préparer dans la perspective de la fin des quotas laitiers. Il était important que nous puissions obtenir des réponses dans un contexte de guerre des prix que se livrent les acteurs de la grande distribution et dont les conséquences sont très lourdes pour les producteurs.
J’insisterai sur la publication des comptes des entreprises. Loin de moi l’idée que les distributeurs ne doivent pas les publier. Je pense plutôt aux PME et aux TPE : la publication de leurs comptes – qui détaillent la vie de l’entreprise – peut offrir aux distributeurs un moyen de pression sur elles. C’est pourquoi nous devrions adopter le principe, si vous me permettez l’expression : « publication avec modération ». Bien sûr, les groupes de grande taille et les distributeurs doivent publier leurs comptes, mais, j’y insiste, nous devons faire attention aux petites entreprises familiales pour lesquelles une telle obligation peut constituer une source de fragilité.
Vous avez insisté, Monsieur le ministre, sur les délais de paiement. Nous devons, en effet, avancer sur le sujet et j’estime que nous pouvons aller encore plus loin que le texte. Il faudra, en particulier, préciser comment la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pourra intervenir. Texte après texte, on confie à cette dernière de plus en plus de missions alors qu’on sait combien ses conditions de travail sont difficiles. Comment pourra-t-elle effectuer ses nouvelles missions ?
En ce qui concerne la qualification professionnelle, les éléments mis en avant sont souvent la sécurité et la santé. Le texte va dans le bon sens en matière de clarification. Pour reprendre l’exemple de la coiffure, on ne peut pas ouvrir un salon si l’on ne peut justifier des diplômes requis, mais on peut être coiffeur à domicile et sans contrôle. C’est dire si le principe de sécurité est ici mis à mal !
De plus en plus de nos concitoyens souhaitent pouvoir créer leur job. Dans cette perspective, la valorisation des acquis de l’expérience doit être encouragée, puisqu’elle peut jouer un vrai rôle d’ascenseur social et permettre à ceux qui ne sont pas faits pour les études ou à ceux qui ont subi des échecs professionnels de rebondir, de changer de voie.
Le texte compte donc des dispositions intéressantes, et nous serons attentifs, Monsieur le rapporteur, au sort que la majorité réservera à nos amendements de bon sens.
Mme Michèle Bonneton. Les dispositions que le Gouvernement propose pour lutter contre la corruption et promouvoir la transparence, nous les attendons depuis 2012. Ce texte est donc bienvenu. Certes, il n’est pas complet, mais il permettra à la France de combler une partie de son retard par rapport aux pays anglo-saxons.
Nous regrettons qu’aucune disposition ne soit prévue pour lutter contre la fraude internationale à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – autrement appelée « carrousel de la TVA » –, qui fait perdre à notre pays au moins 10 milliards d’euros par an, selon le rapport de M. Alain Bocquet.
Notre commission est saisie, notamment, des articles relatifs à la transparence, et plus particulièrement dans le domaine de l’agriculture. Le monde agricole va de crise en crise, et les agriculteurs comptent beaucoup sur nous pour améliorer leur situation. Les mesures proposées ne nous semblent toutefois pas suffisantes, et c’est pourquoi les députés du groupe Écologiste proposeront plusieurs amendements pour les compléter.
Ainsi défendrai-je la mise en place, en cas de crise dans une filière, de coefficients multiplicateurs pour tous les produits agricoles et alimentaires, comme il en existe déjà pour les fruits et légumes. De même, je défendrai un amendement prévoyant que, sur l’étiquette d’un produit, en magasin, soit indiqué le prix auquel le producteur a vendu sa production, afin de respecter le principe de transparence. Nous présenterons également des amendements visant à encadrer et à réguler la vente au déballage des fruits et légumes sur la voie publique, sur les aires de stationnement. Des abus croissants ont été observés dans certaines régions, en particulier dans le Sud-Ouest. Il s’agit ainsi de lutter contre cette forme de concurrence déloyale pour les commerçants de proximité en fruits et légumes.
Nous proposons, par ailleurs, de revenir sur la suppression de l’obligation d’un stage préalable à l’inscription au répertoire des métiers. Les organisations qui encadrent ces stages, et dont nous avons rencontré les représentants, se sont engagées à les mettre en place dans un délai relativement court – entre un et deux mois.
Pour ce qui est du dispositif prévu à l’article 43, il n’est satisfaisant ni pour les entrepreneurs et artisans, ni pour les salariés, ni non plus pour les consommateurs. Nous sommes attachés aux savoirs professionnels et à leur transmission. Le Gouvernement a fait valoir à plusieurs reprises que certaines activités ne nécessitaient pas de formation. Or seul un très petit nombre d’activités est concerné. Nous pensons que qualité et sécurité des réalisations nécessitent une formation ou au moins une expérience suffisante et, à ce titre, la validation des acquis de l’expérience peut être une piste fort intéressante.
M. Thierry Benoit. Naturellement, le groupe Union des démocrates et indépendants aborde ce texte de façon constructive.
Sur la forme, Monsieur le ministre, vous nous avez habitués, déjà, à un certain mélange des genres. Vous avez été capable, dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », d’aborder des domaines aussi divers que le permis de conduire, le transport par cars et l’ouverture des magasins le dimanche. Ici, vous êtes capable, dans le même texte, d’évoquer le manquement à la probité, la transparence dans les rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics, la régulation financière, les relations commerciales, l’amélioration des parcours de croissance des entreprises. Comme dirait M. Charles de Courson, vous êtes un Arlequin du libéralisme ! La loi Sapin II n’est-elle pas, finalement, la loi Macron II qui devait porter sur les nouvelles opportunités économiques ?
Mme la présidente Frédérique Massat. Je précise que seuls quinze articles du texte concernent le ministre de l’économie.
M. Thierry Benoit. Je m’adresse au ministre ici présent, Madame la présidente. L’écoutant attentivement et avec plaisir, je me disais que ses explications devraient s’adresser à ceux qui « dorment debout la nuit » plutôt qu’à nous : ils comprendront mieux et pourront enfin aller se coucher !
J’en viens au fond. Nous présenterons une bonne quinzaine d’amendements sur tout ce qui a trait aux relations commerciales entre la grande distribution, les industriels et les producteurs.
J’ai bien compris que le Gouvernement serait très attentif, quant au volet agricole, à la question de la cessibilité des contrats laitiers. J’ai également noté qu’il serait tout aussi vigilant sur les questions de renforcement des sanctions à l’encontre de toutes les entreprises, du secteur commercial comme du secteur industriel, qui ne publieraient pas leurs comptes.
Je suis plus dubitatif, à ce stade de la discussion, sur la volonté du Gouvernement d’avancer de manière très précise sur la question des relations commerciales, et d’adapter la loi LME. Depuis 2012, tout de même, il nous explique qu’il y a un réel déséquilibre dans les relations entre les centrales d’achat, les industriels et les producteurs. Il faut donc procéder à un rééquilibrage, et nous proposerons donc des amendements en ce sens. Nous irons même jusqu’à ouvrir le débat sur la dissipation, en quelque sorte, d’une forme d’oligopole : on ne compte en France que quatre ou cinq centrales d’achat.
Nous observons avec attention votre volonté d’offrir de nouvelles opportunités aux professions indépendantes, aux artisans, même s’il convient de veiller à ne pas casser tout l’effort des chambres des métiers pour valoriser l’artisanat, notamment le travail des jeunes apprentis. C’est pourquoi nous souhaitons défendre les stages de préparation à l’installation : nous craignons que la réduction de la portée de ces stages, voire leur suppression, n’aboutisse à la dévalorisation, à la fragilisation des métiers concernés.
M. André Chassaigne. Je m’interroge, Monsieur le ministre, sur le niveau de concertation que vous avez mis en place avec les organisations professionnelles. Vous êtes, semble-t-il, parvenu à faire accepter vos propositions aux organisations professionnelles du secteur de la coiffure. Mais, plus généralement, dans le cadre de votre conception très moderne du dialogue social, et qui n’a rien à voir avec Arlequin ou la Commedia dell’Arte, quelles sont les mesures que vous avez réussi à partager avec les organisations professionnelles, et en particulier avec celles du bâtiment ?
Vous venez de réitérer votre volonté – j’allais dire votre obsession – de libérer l’activité, que vous avez déjà développée avec la fameuse loi Macron. Or j’ai le sentiment que la souplesse que vous introduisez risque de tirer de nombreux métiers vers le bas, de favoriser la multiplication de petits métiers, qui permettrait, certes, éventuellement, et de façon assez artificielle, de lutter contre le chômage, mais de métiers à faible revenu, exercés sur des temps limités, selon une forme de tourniquet. On sait, pour le constater dans nos territoires, que certaines personnes qui s’orientent vers un métier sans qualification pourraient ne pas tenir longtemps.
Certains métiers exigent une qualification. Contrairement à ce que vous affirmez, je pense même que les métiers du bâtiment, par exemple, exigent plus de qualification qu’il y a quelques décennies, notamment en matière d’isolation, d’économie d’énergie ou d’emploi de nouveaux matériaux. On constate que des consommateurs ayant fait appel à des entreprises insuffisamment formées, ont rencontré par la suite des difficultés liées à la mauvaise qualité du travail réalisé. En milieu rural, les exemples en matière d’assainissement non collectif ne manquent pas : combien de particuliers ont eu affaire à des entreprises qui croyaient bien faire et ont installé un assainissement non collectif ne répondant pas aux normes, puis se sont rendu compte, à l’occasion d’un contrôle, qu’il fallait tout recommencer parce que l’entreprise n’avait pas les compétences nécessaires ?
Avez-vous bien évalué les effets pervers de cette sorte de libéralisation de certains métiers ?
Vous entendez ne pas obliger les microentrepreneurs à ouvrir un compte bancaire professionnel. Plutôt que l’introduction de plus de souplesse, la réponse pourrait consister en un organisme public d’accompagnement qui, grâce à la maîtrise publique, pourrait servir de levier de développement et d’accompagnement des entreprises plutôt que de les jeter dans les griffes de banquiers qui ne vont pas supporter longtemps des déséquilibres de trésorerie ou le non-remboursement de crédits.
Vous allez dire que c’est une obsession chez moi, mais derrière tout cela, c’est une société qui va perdre ses repères. Cette multitude de petits métiers en train d’apparaître est une façon artificielle de lutter contre le chômage, un faux-semblant dont on ne mesure pas suffisamment les conséquences aujourd’hui.
Mme Jeanine Dubié. Merci, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, pour votre présentation de ce texte, que le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste accueille avec bienveillance.
En ce qui concerne l’article 25, qui vise à réduire la durée de validité des chèques de douze à six mois, nous ne comprenons pas bien le sens de cette disposition, si ce n’est qu’elle tend à diminuer l’incertitude liée à l’encaissement du chèque, que ce soit pour les entreprises ou pour les ménages. Toutefois, si l’on en croit l’étude d’impact, cette mesure vise, à terme, la disparition du chèque. Il convient d’être prudent en la matière, car il s’agit d’un moyen de paiement encore très utilisé, notamment par les personnes âgées. Il est très ancré dans les pratiques, et il ne faut pas imaginer pouvoir le faire disparaître dans la précipitation. Quoi qu’il en soit, il conviendrait de rassurer ceux qui s’en inquiètent.
L’interdiction de la cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache, prévue à l’article 30, était une proposition du rapport d’information sur l’avenir des filières d’élevage, rédigé par nos collègues Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit. Elle figurait également dans la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, dont le rapporteur était M. Antoine Herth. C’est une bonne mesure, attendue par la profession agricole.
D’une manière générale, tout ce qui peut rapprocher le prix final payé par le consommateur du coût de la production agricole va dans le bon sens. Il nous faut trouver le bon équilibre et le bon réglage, car nous sommes tous ici conscients que les déséquilibres sont trop grands actuellement et que les acteurs en position de force ont un pouvoir de négociation bien trop élevé, qui joue en défaveur des producteurs agricoles. Il faut rétablir un minimum d’équité entre producteurs et transformateurs, mais également entre producteurs et grande distribution.
Nous avons déposé un amendement sur le renforcement de l’encadrement de la vente au déballage des fruits et légumes, car elle pénalise les primeurs qui subissent une concurrence déloyale.
Nous avons pu constater l’impuissance des petites mesures d’ajustement de la LME. Il est donc nécessaire de remettre un peu d’équité dans ces relations commerciales.
Enfin, nous allons examiner des dispositions sur l’artisanat et l’entreprenariat. Vous connaissez l’attachement de notre groupe aux artisans et aux commerces de proximité. Nous proposerons des amendements visant à assurer la défense des savoir-faire professionnels et la qualité du service pour le consommateur et le client.
En ce qui concerne l’obligation préalable du stage de préparation à l’installation, même si des difficultés pratiques se posent aujourd’hui en termes de délais et d’organisation, il ne nous paraît pas opportun de déporter ce stage. Quitte à en améliorer les conditions pratiques, nous en souhaitons le maintien, car nous devons défendre la professionnalisation.
Le même type de questions se pose pour les articles 43 et 44. Certes, il faut fluidifier et simplifier, mais il ne faut pas non plus trop baisser la garde au regard des qualifications requises. La reconnaissance des savoir-faire détenus par l’artisan, quel que soit son corps de métier, mérite d’être soutenue et encouragée. Nous vous proposerons plusieurs amendements d’amélioration en ce sens.
Mme Corinne Erhel. À l’article 38, la mesure d’assouplissement du stage de préparation à l’installation suscite l’inquiétude de certains professionnels, notamment parce qu’elle a pour objectif d’accélérer le processus d’immatriculation que chacun doit respecter pour installer son entreprise. En tenant compte de la diversité croissante des profils et des parcours des créateurs d’entreprise, cette disposition pose plus largement la question de l’adaptation de notre cadre réglementaire à l’évolution des modèles et des réalités de l’entreprise.
Sur le terrain, comment mieux accompagner ces nécessaires évolutions ? Parallèlement aux dispositions prévues, quels outils souhaitez-vous mettre en place pour conduire le changement ? Quels relais trouver au sein du tissu économique local pour porter ces messages, alors même qu’on doit aussi faire face à une grande hétérogénéité des profils de créateurs ?
Ce point spécifique illustre, selon moi, les blocages qui perdurent parfois au sein de TPE et de PME, alors même que nos modèles économiques entrepreneuriaux doivent évoluer. C’est un sujet sur lequel j’ai eu l’occasion d’intervenir à plusieurs reprises, s’agissant notamment de la transformation numérique des PME, des TPE, voire des autres entreprises. On est plutôt confronté à un problème de méthodologie en matière de mode de gouvernance, de choix d’un dispositif efficace de transformation pour le numérique, et d’accompagnement des stages d’installation. Sur quels partenaires pensez-vous vous appuyer, avec quelle déclinaison locale dans les régions, pour avoir les processus de création les plus efficients possibles ?
M. Lionel Tardy. Ce projet de loi tant attendu est, encore une fois, un texte fourre-tout, comme le projet de loi pour une République numérique. Ce manque de cohérence se lit d’ailleurs dans l’avis du Conseil d’État, qui a littéralement charcuté le texte que lui avait transmis le Gouvernement et qui a noté l’insuffisance de l’étude d’impact. Sur certains points, cela devient une habitude.
De nouveau, nous sommes devant un patchwork de mesures, sur l’agriculture, les moyens de paiement, l’artisanat, le lobbying – cette dernière partie sera sans doute la plus intéressante à examiner. Il y a également pas moins de dix-sept habilitations à légiférer par ordonnances, dont cinq seulement en vue de transposer des directives européennes. Ce texte va sans doute devenir la voiture-balai des dispositions qui n’ont pas été prises pendant le quinquennat, par manque de préparation et par manque de volonté. Nous y reviendrons, notamment en ce qui concerne l’agriculture.
Le volet économique est assez maigre et se concentre notamment sur l’artisanat, mais pas forcément sous l’angle de la modernisation. Si mes souvenirs sont bons, le projet de loi sur le travail devait aussi comporter des dispositions sur le financement des entreprises. Le ministre de l’économie que vous êtes avait évoqué, l’année dernière, des mesures pour faire émerger une économie de l’innovation, qui devaient être inscrites dans la loi sur les nouvelles opportunités économiques (NOÉ). Elles devaient ensuite figurer dans le projet de loi pour une République numérique, puis dans cette loi Sapin II. Là encore, rien du tout !
Il y a, à mon avis, beaucoup plus à attendre des amendements et des ajouts que du contenu du projet de loi en l’état. J’attends donc beaucoup de l’examen des 216 amendements soumis à la commission des affaires économiques.
M. Éric Alauzet. Vous avez raison, Monsieur le ministre, il faut faire bouillonner le système, apporter de l’air frais, donner des opportunités à nos jeunes, mais néanmoins ne pas déraper.
En ce qui concerne les indépendants, il y a des filets de sûreté, s’agissant notamment de la sécurité et de la santé. Mais il faut veiller à préserver les qualifications et à ce que les règles de l’art soient respectées. La santé et la sécurité ne suffisent pas, des malfaçons de toute sorte peuvent rendre les choses extrêmement délétères pour les usagers. D’autant qu’ensuite, il y aura des décrets qui laisseront apparemment toute latitude pour arbitrer, ici ou là, des facilités pour telle ou telle profession.
S’agissant des autoentrepreneurs, depuis le début cette législature est marquée par l’hésitation. On a tenté de remettre en cause le principe, de le réfréner, puis de le libérer, pour revenir en arrière, donner à nouveau des possibilités, changer les seuils : on cherche la bonne maille sans la trouver. En tout cas, il y a là un risque de concurrence déloyale.
Pour ce qui est de l’agriculture, nous devons absolument soutenir nos paysans. Il faut de la transparence dans la fixation des prix, mais il faut aussi connaître les coûts de production des paysans et leurs marges, afin de leur donner la possibilité de négocier en amont avec les transformateurs et en aval avec les distributeurs.
Enfin, il y a le problème du foncier, qui est majeur, avec le risque de contournement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) pour un certain nombre de ventes ou encore de démantèlement des exploitations familiales.
Mme Annick Le Loch. J’ai déposé quelques amendements visant à rééquilibrer les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs, mais aussi à mieux rémunérer les producteurs agricoles. Je pense aux producteurs de viande et aux producteurs de lait, qui vendent au-dessous de leur prix de revient et qui subissent depuis plusieurs mois une forte volatilité des prix de production.
Les productions agricoles et les produits alimentaires ne sont pas n’importe quels produits. Or, malgré un renforcement du formalisme et des sanctions, à travers la loi de mars 2014, relative à la consommation et la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les négociations commerciales, notamment celles de 2016, ont été, aux dires de certains industriels, encore plus « sanglantes » que celles de 2015.
Ce n’est pas faute d’avoir tout essayé à travers la médiation, les comités de suivi, les tables rondes, les contrats de filières. Il semble que rien ne change. Nous le savons tous, les dispositions législatives ne régleront pas tout. C’est aux acteurs de repenser leur place et leur rôle dans l’économie et dans les filières, de pacifier les relations commerciales et de mettre un terme à une guerre des prix néfaste pour un grand nombre d’entre eux.
Monsieur le ministre, comment faire mieux respecter, notamment par les distributeurs, les dispositions législatives actuelles dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont suffisantes ? Le bilan de la LME doit être fourni pour décembre 2016. Pourrait-il servir de base à une modification de ses dispositions ?
M. Damien Abad. Ce texte est effectivement un fourre-tout qui, certes, peut aller dans le bon sens, mais ne répond pas aux enjeux actuels.
En ce qui concerne les articles 43 et 44, il y a un risque de diminution de la qualité des ouvrages et de dévalorisation des métiers, avec la remise en cause d’un certain nombre d’obligations en matière de qualification. L’objectif de simplification est louable, mais la baisse de la courbe des exigences n’entraîne pas forcément celle du chômage, car les deux ne sont pas corrélées. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure des réponses à apporter à ces métiers artisanaux.
En ce qui concerne les articles 30 et 31, relatifs au secteur agricole, les outils prévus suffiront-ils à rééquilibrer les rapports de force ? Des propositions ont été faites, notamment dans la proposition de loi dont notre collègue Antoine Herth était le rapporteur, ainsi que dans le rapport de la mission sur l’avenir des filières d’élevage, que nous avons rendu, avec Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit. Certaines ont été prises en compte, mais il en faudrait d’autres pour aller davantage dans le sens d’un rééquilibrage des rapports de force, s’agissant notamment de la guerre des prix. Que pensez-vous de la notion d’abus de dépendance économique, que vous avez un temps soutenue ?
Pour ce qui est de l’économie de l’innovation, le projet de loi Sapin II, finalement, est en retrait au regard de ce qu’il y avait dans le projet de loi Macron II, un certain nombre de dispositions étant passées à la trappe. Allez-vous, par voie d’amendements gouvernementaux, rétablir ces dispositions, dont certaines étaient intéressantes ? Je citerai la fin de l’obligation d’un double compte bancaire pour les microentreprises, la facilitation des prises de décision dans les entreprises, avec des assemblées générales dématérialisées pour des sociétés non cotées, et l’instauration d’un droit à une seconde chance, qui est un droit à rebondir, notamment quand on connaît la liquidation judiciaire.
Mme Marie-Lou Marcel. Les dispositions de l’article 43 sur les qualifications professionnelles applicables aux activités artisanales suscitent de très vives inquiétudes au sein du monde artisanal. La loi Pinel avait pris en compte la qualité et les savoir-faire des artisans, et mis en place le contrôle des qualifications dont on devait justifier et non plus simplement déclarer pour obtenir l’immatriculation au répertoire des métiers. La qualification par activité et non plus par groupe d’activités présente aussi un risque.
La loi Pinel définissait les conditions de la qualité d’artisan. Les artisans devaient justifier d’un diplôme, d’un titre ou d’une expérience professionnelle. L’article 43 remet en cause cette obligation de qualification pour certaines professions des activités artisanales, sauf celles qui présentent un risque pour la santé ou la sécurité des personnes. Ces mesures sont préjudiciables et ne tiennent pas compte de la complexité des métiers ni de l’évolution de leur technicité. Qui plus est, à un moment où l’on demande de plus en plus de qualification – par exemple, pour obtenir le label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE), requis pour bénéficier du crédit d’impôt transition énergétique –, l’article 43 renvoie à un décret qui n’intègre pas l’avis des professionnels.
Ces modifications auront de graves conséquences, en particulier dans le secteur du bâtiment, puisque cet article introduit aussi la possibilité de scinder les métiers.
Permettez-moi, pour finir, de relayer une interrogation de responsables de chambres de métiers : où s’arrête le bricolage et où commence l’artisanat ?
M. Jean-Claude Mathis. Tout le monde s’accorde à dire que la France est très en retard en matière de lutte contre la corruption économique. Elle est, en effet, classée vingt-troisième par la principale organisation de la société civile qui se consacre à la transparence et à l’intégrité de la vie publique et économique. Or le projet de loi Sapin II déçoit, par son manque d’ambition, les organisations non gouvernementales (ONG), les associations et les spécialistes.
Selon vous, Monsieur le ministre, en matière de lutte contre la corruption, les amendements introduits à la suite de l’avis du Conseil d’État réduisent-ils significativement la portée des chapitres consacrés à l’encadrement du lobbying et à la protection des lanceurs d’alerte, comme le pensent les ONG, les associations et les spécialistes ?
M. Charles de Courson. En ce qui concerne les produits alimentaires et agroalimentaires, êtes-vous favorable à des mesures législatives allant dans le sens d’une décartellisation de la grande distribution, en particulier des quatre principaux groupes de centrales d’achat ou groupements d’achat ?
Mme la présidente Frédérique Massat. J’ai, moi aussi, une question concernant l’article 43, sur lequel j’ai déposé un amendement de suppression. Cet article engendre des inquiétudes au niveau national, au sein des organisations professionnelles, sur les territoires et au sein des entreprises.
Nous avons bien compris votre volonté de faire naître d’autres types d’activités qui ne soient préjudiciables ni au TPE, ni aux PME, mais la rédaction actuelle du texte ne convient pas. De plus, les quelques éléments dont nous disposons aujourd’hui concernant le décret nous semblent insuffisants.
Notre commission a travaillé sur ce sujet, notamment dans le cadre de la loi Pinel, dont l’application fait l’objet de travaux encore en cours de la part de collègues parlementaires. Nous disposons également des travaux de M. Laurent Grandguillaume. Bien entendu, nous ne sommes pas là pour nous opposer de façon dogmatique aux mesures qui sont proposées. Nous essayons seulement d’accompagner votre texte, de le bonifier, et le rapporteur a déposé des amendements.
Nous devons avancer, notamment sur l’article 43, et dépassionner les débats sur nos territoires. Les TPE et les PME craignent, en effet, de voir leur activité exposée à une concurrence déloyale. On ne peut pas les déposséder de certaines activités, car elles n’arriveront plus à conserver un équilibre économique.
Nous sommes prêts à accompagner ce texte, à le retravailler, d’autant que, d’ici à la séance publique, nous aurons le temps d’organiser de nouvelles tables rondes. Vous avez réussi à apaiser certaines tensions, notamment chez les professionnels de la coiffure et du ramonage ; nous devons y parvenir aussi pour celles qui existent parmi nos concitoyens, les députés, et plus généralement dans le monde économique, qui est pourvoyeur d’emplois, et aussi de salariat, sur nos territoires. Le salariat, nous y croyons, et je sais que vous y croyez aussi.
Nous nous engageons à vos côtés, Monsieur le ministre, pas contre vous, pour faire en sorte que tout le monde soit rassuré, qu’un inventaire précis soit dressé et que les consultations nécessaires soient menées pour donner à ces dispositions le plus d’efficacité possible.
M. le ministre. Ma méthode est celle de la co-construction, car je considère que la vérité n’est pas détenue par quelques-uns seulement.
La question des qualifications professionnelles a fait l’objet de nombreuses remarques. Nous vivons sous le régime de la loi de 1996, qui a défini les éléments de sécurité et de santé, et mis en place un dispositif pour les qualifications et les métiers. Avec le temps, du fait des réseaux consulaires comme de l’administration, celui-ci a eu tendance à se rigidifier et n’a pas toujours accompagné la vie économique.
À ce titre, l’article 16 de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises revient sur cet équilibre en prévoyant une qualification par métiers, alors que la qualification s’appréciait jusqu’à présent au niveau du domaine d’activité, ce qui permettait aux artisans détenteurs d’un CAP dans l’un des métiers du domaine d’activité d’en exercer toutes les tâches. Or, au titre de la loi ACTPE, ces artisans seraient obligés de repasser un CAP pour pouvoir remplir des missions qu’ils accomplissent actuellement. Si le décret n’a pas été pris, c’est parce qu’il aurait créé une insécurité juridique difficile à gérer. Allez donc expliquer à des gens qui ont un CAP en électricité et qui, jusqu’à présent, accomplissaient des tâches connexes, qu’il leur faut passer un autre CAP ou acquérir une autre qualification !
Forts de cela, nous avons procédé à une concertation. Dialoguer, pour moi, ce n’est pas considérer que les parties prenantes, qui représentent des intérêts catégoriels, connaissent forcément la voie à suivre pour aller dans le sens de l’intérêt général.
M. André Chassaigne. C’est une forme de reconnaissance de la lutte des classes !
M. le ministre. Je reconnais pleinement la lutte des classes, mais la question est de savoir comment jaillit l’intérêt général. Il ne jaillit pas en suivant la totalité des intérêts catégoriels, sinon, c’est l’inaction publique qui prévaut.
Certaines professions ont accepté de bouger. Avec le secteur de la coiffure, nous avons réussi, en cheminant, à trouver des accords qui ont conduit, alors que ce n’était pas le cas jusqu’à présent, à reconnaître les acquis de l’expérience pour faire évoluer des situations devenues ubuesques.
Nous n’avons pas eu la même réussite avec la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), ce que je regrette. J’ai vu le président Patrick Liébus à plusieurs reprises, il y a eu un vrai travail de concertation, mais la CAPEB refuse de bouger, tant sur le sujet des qualifications que sur celui de la microentreprise. L’équilibre obtenu pour le régime de la microentreprise dans le cadre de la loi ACTPE ou du rapport Grandguillaume ne la satisfera jamais puisqu’elle veut la suppression de ce régime. Or je pense que c’est mauvais pour notre économie.
Un gros travail a été fait par les services du ministère, et une mission de plusieurs mois a été confiée à Mme Catherine Barbaroux, qui a consulté, organisé la concertation et produit un travail public qui a conduit à ces propositions.
En ce qui concerne les qualifications, il ne s’agit pas de revenir sur tout, mais de reconnaître les acquis de l’expérience, et l’avancée importante ici est que la VAE se fait de manière simple. Dans l’artisanat, il suffit de justifier de trois années d’expérience professionnelle. Là aussi, il faut éviter les comportements malthusiens. Nous voulons pouvoir décliner ce que nous avons obtenu dans le secteur de la coiffure.
Hors la coiffure, dans tous les autres métiers, l’entrée en termes de qualification se fait par le CAP. Nous ne proposons, pour aucun métier, de revenir sur le CAP. Ce qui est en question, c’est l’accès à des types d’activité et le caractère détachable de certaines d’entre elles. Là est le cœur du problème, en particulier pour le bâtiment. Je suis tout à fait favorable à l’amendement de votre rapporteur, qui tend à préciser que le décret sera pris après avoir consulté les professionnels. C’est un point dont il faut, en effet, s’assurer, et il en est de même en matière de VAE.
Ensuite, l’idée est d’assurer les garanties, de définir le périmètre et le modus operandi des activités détachables. Je vais vous en donner la philosophie à travers quelques exemples.
Il est déraisonnable que le lavage de voitures relève des activités régies par le CAP de réparateur automobile et de carrossier. C’est pourtant le cas dans beaucoup de chambres des métiers.
Dans le bâtiment, il est évident qu’il faut maintenir l’ensemble des activités du gros œuvre – maçonnerie, charpente, couverture – et du second œuvre – pose de portes, de fenêtres, électricité – dans le champ des métiers régis par des qualifications, car il s’agit d’éléments qui touchent à la sécurité et à la santé.
Pour ce qui relève de la bonne façon, il y a deux catégories. Les pratiques qui relèvent d’une garantie décennale doivent s’inscrire dans le plein champ des métiers de l’artisanat. Il y a ensuite la différenciation par le prix. Pour autant, faut-il qu’il y ait une barrière sur tout à l’entrée ? Nous proposons que les activités de peinture n’ayant pas pour but une modification de la maçonnerie ou de la charpente, par exemple, puissent faire l’objet d’activités détachables, comme toutes les petites tâches qui existent aujourd’hui dans le secteur du bâtiment. Car, là aussi, nous voyons ces activités disparaître de nos territoires.
En Belgique ou en Allemagne, il existe encore beaucoup de petits métiers. S’ils n’existent plus chez nous, c’est parce qu’ils ont été regroupés au sein de métiers plus importants, avec une barrière à l’entrée. Les rigidités que nous avons introduites empêchent certains de créer leur propre activité. On constate d’ailleurs un contournement manifeste de nos propres réglementations. Mais, avant tout, interrogez-vous sur la progression à deux chiffres des magasins de bricolage, des bricoleurs du dimanche et de celles et ceux qui ont choisi le régime de la microentreprise dans ce secteur. C’est le serpent qui se mord la queue ! Pour repeindre deux murs, on n’a pas besoin de faire appel à quelqu’un qui a de multiples CAP ni à une entreprise de gros œuvre qui offre une garantie décennale. On les repeint soi-même, on demande l’aide de son voisin s’il est plus doué ou on fait appel à quelqu’un qui fait du « tout œuvre », de manière totalement illégale.
Nous faisons preuve aujourd’hui d’une hypocrisie manifeste face à la réalité de notre économie. Le décret donnera un cadre et un environnement juridique stable à des femmes et à des hommes qui créent légitimement des activités qui ne requièrent pas ces qualifications, qui veulent simplement travailler, avoir des clients et s’améliorer au fil de leur pratique. Est-ce une régression civilisationnelle que d’aller en ce sens ? Je ne le crois pas plus que je ne le croyais pour le nombre de dimanches travaillés. Je vous invite à observer ce qui existe dans la restauration. Il n’y a pas d’autre secteur que celui-ci qui ait davantage valorisé le savoir-faire et la qualité dans notre pays. Demain, vous pouvez ouvrir un restaurant. Vous serez distingué par les étoiles ; les clients ne reviendront pas si vous faites de la mauvaise cuisine ; vous serez contrôlé par les services d’hygiène et les services vétérinaires pour tout ce qui relève du domaine public, mais on parle bien de la même chose. Pourtant, vous ne pouvez pas faire de la peinture à domicile.
Compte tenu des règles d’ordre public qui existent en matière de sécurité, en matière sociale, sanitaire et autres, les règles qui ont été ajoutées pour les seules professions relevant du registre des métiers sont déjà exorbitantes. Penser qu’on ne peut en rien les infléchir relève d’une forme de distance avec la réalité. Je ne saurais vous recommander d’aller dans ce sens.
Les aménagements que nous voulons préciser par décret concernent aussi l’esthétique. En la matière, il s’agit de clarification, car le réel n’attend ni les lois, ni les règlements. Plus de 10 000 salons d’onglerie se sont créés. S’il y avait une stricte interprétation des textes, ils seraient en parfaite illégalité.
M. Jean-Luc Laurent. Et alors ?
M. le ministre. Si vous voulez aller les fermer vous-même, Monsieur le député, je vous invite à le faire.
M. Jean-Luc Laurent. C’est l’État qui en a le pouvoir, pas moi !
M. le ministre. Ce serait une erreur. Ces salons doivent faire l’objet d’une reconnaissance. Certaines chambres des métiers acceptent l’immatriculation sans qualification professionnelle, d’autres non, considérant que ces salons relèvent de l’esthétique. Il faut clarifier ce cadre. Lorsqu’il y a manipulation de produits chimiques dangereux, il faut une qualification à l’entrée, car cela relève de l’esthétique ; s’il s’agit de produits non susceptibles de nuire à la santé ou à la sécurité, nous proposons de laisser continuer.
Ce sont ces aménagements que nous proposons de faire de manière transparente, en consultant les professionnels, mais en sachant bien faire prévaloir ce qui relève de la volonté de préserver les savoir-faire, de valoriser les gestes et les métiers. Le meilleur moyen pour y arriver, c’est l’apprentissage. Il faut développer tous les éléments de différenciation, comme le titre de Meilleur ouvrier de France, que chaque profession a su créer. Ce sont des signes de reconnaissance dans un parcours et de qualification accrue, pas des barrières à l’entrée. Bien entendu, il faut conserver ces dernières pour tout ce qui concerne la santé et la sécurité, mais, pour le reste, il faut les refuser. La barrière à l’entrée n’est qu’une forme de malthusianisme puisqu’elle vise à protéger contre l’initiative individuelle. C’est une mauvaise protection, qui détruit des emplois et décourage les individus d’entreprendre sur notre territoire.
Pour ce qui est du stage préalable à l’installation, j’ai entendu vos arguments. Le SPI a été généralisé par des lois récentes, mais il existe depuis 1982-1983 de manière optionnelle. Je rappelle que ce stage ne donne pas les qualifications indispensables à l’exercice de l’activité. De surcroît, il est demandé pour toute activité qui relève du registre des métiers, mais vous pouvez ouvrir un magasin de photocopieuses, un restaurant ou une pizzeria sans l’avoir suivi. Le SPI ne concerne pas les métiers relevant du registre du commerce. Je ne propose pas de le supprimer, mais est-ce un drame absolu si on ne l’a pas suivi ? Je ne le crois pas. Sinon, il faudrait le généraliser à tous les métiers relevant du registre du commerce, ce qui n’irait pas dans le sens d’une simplification de la vie économique.
L’objectif du SPI est d’améliorer les capacités de gestion de celles et de ceux qui vont s’installer dans des activités relevant du registre des métiers. C’est important, mais pas indispensable. Nombre d’activités relevant du registre du commerce marchent très bien, alors qu’elles ne requerraient pas d’avoir suivi ce stage.
Je répète que je ne propose pas de le supprimer, mais je trouve insupportable que des candidats à l’installation doivent aujourd’hui attendre pendant des mois qu’on leur délivre ce SPI, et, de ce fait, ne peuvent pas commencer leur activité. Il conviendrait, dès lors que la demande est faite à la chambre de métiers, que celle-ci prenne trente jours au maximum pour délivrer le stage et les formations. Au-delà de trente jours, on doit rentrer dans le cadre du principe « silence vaut accord ». Il faudrait également assouplir les dispenses en étendant aux organismes autres que les chambres des métiers la possibilité de fournir des formations équivalentes, afin de ne pas se retrouver dans une situation grise, dont je comprends l’inconfort.
Votre rapporteur a exprimé le souhait qu’on puisse s’installer avant d’avoir purgé ce délai d’un mois. Néanmoins, je vous incite à y réfléchir, car nous resterons dans une situation où des individus ayant toutes les qualifications du métier et ayant suivi toutes les procédures devront attendre un mois avant de créer leur activité, ce qui, au regard des règles de compétitivité et d’attractivité, n’est pas bon. Comment expliquer qu’en France, des investisseurs internationaux peuvent créer une entreprise ou une succursale en dix jours, mais que celui qui veut devenir coiffeur a, lui, l’obligation d’attendre un mois ? Je ne trouve pas que ce soit juste, mais si on n’arrive pas à faire mieux avec les chambres des métiers, allons dans ce sens !
D’autres éléments sont à prendre en compte. S’agissant de publics fragiles, qui ont besoin de travailler pour subvenir à leurs besoins, ces préoccupations justes peuvent parfois produire des effets injustes. En tout cas, je suis ouvert aux pistes proposées par votre rapporteur, qui me semblent aller dans le sens de la clarté. Mais il faut faire en sorte que celles et ceux qui veulent s’installer et rentrer dans l’activité économique ne soient pas les premières victimes de délais non justifiés.
En ce qui concerne la commande publique, l’État, Madame Catherine Vautrin, n’est pas un mauvais payeur, contrairement aux établissements de santé et à certaines collectivités locales. Certains ministères sont en situation difficile, celui de la justice et celui des affaires sociales, notamment, selon les chiffres publiés il y a quelques semaines par l’Observatoire des délais de paiement. Pour le reste, y compris pour ce qui relève de la commande publique en masse, les délais ont été réduits. Vous avez raison pour ce qui est du ministère de la justice, mais bien souvent, les artisans attendent les paiements de certains établissements hospitaliers et collectivités locales. J’ai demandé que l’Observatoire rende ces données publiques ; elles figurent dans son premier rapport. J’ai inscrit les entreprises publiques dans le champ de la loi LME, ce qui n’était pas le cas jusqu’à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Elles font désormais l’objet des mêmes sanctions que les autres entreprises.
Les délais pour l’État ont été renforcés. Il s’agit, à chaque fois, de moyennes, et vous avez raison de dire que certains cas aberrants demeurent. Cela étant, la moyenne aujourd’hui est de 24,7 jours par an, contre 45,7 jours en 2011. La situation s’améliore, alors qu’elle s’est dégradée pour le secteur privé, ce qui a conduit à renforcer les sanctions. Maintenant, il faut pouvoir contracter avec le secteur social et local. C’est ce que j’ai demandé en écrivant aux présidents des associations concernées, et que nous allons finaliser d’ici à l’été.
En ce qui concerne la transparence des comptes et leur publication, les mesures prévues par le texte sont plutôt de simplification puisqu’elles permettent le dépôt dématérialisé, avec une gestion simplifiée pour les PME. Il n’y a pas de mesures transversales concernant la publication des comptes dans ce projet de loi, qui ouvre même la possibilité, pour les PME, de ne pas publier leurs comptes. Nous avions essayé de faire la même chose dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en combinant souci de compétitivité, en cas de risque de prédation de certains concurrents dans des marchés extrêmement réduits, et souci de transparence.
Une disposition propre au secteur agricole figure à l’article 31, en la possibilité d’une astreinte en cas de non-dépôt des comptes, mais uniquement pour les sociétés de transformation de produits agricoles. Cette disposition répond à une situation très particulière ; elle permet d’avoir la certitude que l’acteur intermédiaire ne capte pas les effets des contraintes imposés à la filière au titre de la LME. C’est un soupçon que nous avons eu à propos des mesures prises l’été dernier. Il s’agit, en l’espèce, d’une filière avec une forte concentration en termes de distribution, une relative concentration au niveau de la transformation et un grand éclatement des producteurs. S’il n’y a pas de transparence au niveau des comptes, il est impossible de savoir si l’effort demandé au distributeur n’a pas été capté par le transformateur, au détriment des producteurs.
Les problèmes du secteur agricole ne se limitent pas aux relations commerciales, même si celles-ci sont structurantes. Ils relèvent aussi de problèmes conjoncturels, et de problèmes structurels dans certains secteurs. Pour autant, nous avons, sur la question des relations commerciales, à travers la loi relative à la consommation, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et ce texte, largement accru la capacité de sanction vis-à-vis des comportements les plus déviants ou les moins acceptables. Il faut continuer dans ce sens.
S’agissant des relations commerciales, Madame Annick Le Loch, d’abord, nous faisons mieux respecter la loi. Nous avons augmenté les contrôles de près de 80 %, ce qui a provoqué des tensions lors des dernières négociations. J’avais prévenu les acteurs avant l’ouverture de ces négociations. Il fallait le faire, mais cela a, en effet, créé beaucoup de problèmes dans certains secteurs. Nous voulions également mieux orienter ces contrôles pendant les négociations elles-mêmes, ce que nous avons fait. Les sanctions, qui avaient été renforcées dans des textes précédents, ont pu être appliquées. Nous voulons encore accroître les sanctions pour certaines catégories de comportements dysfonctionnels.
Avec M. Stéphane Le Foll, nous voulons favoriser l’esprit de partenariat. Ce qui marche le mieux, ce sont les contrats de filières par lesquels ces dernières s’organisent. Lorsque le producteur, le distributeur et le transformateur parviennent à se mettre autour de la table et à trouver un accord sur la non-volatilité des prix et la juste marge, l’intérêt de toute la filière est pris en compte et tout tient. C’est vers cela que doivent tendre les filières les plus fragiles. C’est pourquoi nous avons besoin d’instruments pour inciter en particulier les transformateurs à aller plus loin.
Nous avons demandé un bilan de la LME. Les premières amodiations seront proposées dans le débat. L’idée n’est pas de revenir aux pratiques antérieures, qui étaient encore plus opaques et brutales, c’est de réussir à articuler les différents enjeux. La principale difficulté aujourd’hui, c’est que plusieurs facteurs se conjuguent : la LME s’applique à plein dans un contexte déflationniste, alors même que des filières comme celles du porc ou du lait sont profondément sinistrées par l’absence d’investissement pendant quinze ou vingt ans et que les dispositifs communautaires qui les protégeaient ont été levés.
Nous ne consacrons pas toute notre énergie à endiguer les effets de la LME en rétablissant des dispositifs protecteurs, nous cherchons plutôt à réduire la volatilité des prix des matières premières ou de certains composants lorsqu’elle n’est répercutée que sur les producteurs. Pour le lait, par exemple, les prix sont fixés en fonction de l’évolution des prix mondiaux, ce qui ne correspond pas à la réalité du marché et place certains producteurs dans des situations intenables. Nous avons demandé une étude sur ce point à FranceAgriMer. Nous ferons, à mi-année, un bilan, avec M. Stéphane Le Foll, pour voir s’il n’est pas possible de changer une partie de ces éléments.
Par ailleurs, la loi relative à la consommation permet de rééquilibrer le rapport entre les distributeurs et les producteurs lorsque la volatilité n’existe qu’aux dépens de l’un d’entre eux. Les prix peuvent être revus en cours d’année pour donner un peu d’oxygène.
Avec le contrat de filière et les dispositions du présent projet de loi, nous avons un ensemble qui doit permettre une amélioration.
La grande distribution, évoquée par M. Charles de Courson, constitue bien un élément structurant. Aujourd’hui, nous n’avons pas de levier à actionner sur les regroupements en centrales d’achat, car, selon l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence, ces rapprochements ont des visées, non pas capitalistiques, mais de stratégies d’achat, essentiellement à l’international. Les services de la DGCCRF et l’Autorité de la concurrence surveillent de très près ces situations pour s’assurer qu’elles n’emportent aucune conséquence sur le marché national. Si tel était le cas, des sanctions seraient prises.
Reste que nous avons un problème structurel, avec une situation d’oligopole impliquant des dizaines de milliers de fournisseurs et soixante millions de consommateurs, situation qui joue évidemment à l’avantage de l’oligopole. Les textes permettent-ils, pour autant, de démanteler cet oligopole ? Cela semble très difficile. Dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques nous avions amorcé un début de solution en permettant aux franchisés qui le voudraient de s’autonomiser ou de changer d’enseigne. C’est dans la capacité à s’affranchir du pouvoir d’enseigne qu’on peut redonner de la vitalité. Je crois également beaucoup aux contrats de filières pour faire rempart à la seule logique déflationniste, dont il est clair qu’elle rend très difficile de sortir de la logique oligopolistique. De fait, dans une logique de baisse des prix, donc de baisse de coûts marginaux, le plus grand est systématiquement avantagé. Tant que nous ne parviendrons pas à créer les régulations permettant de revaloriser les productions de qualité et à mettre en place des contrats de filières opérants, nous aurons énormément de mal à laisser à certains acteurs la capacité de survivre hors de l’oligopole.
Je constate, comme vous, que la situation n’est pas pleinement satisfaisante, même si elle présente certains avantages – nous avons de grands groupes puissants qui exportent et embauchent. Je crains cependant qu’il n’existe pas de mesure magique pour supprimer ces oligopoles et qu’il faille en passer par les éléments structurels que j’ai évoqués.
Pour ce qui concerne les mesures relatives aux nouvelles opportunités économiques qui ne figureraient pas dans ce texte et si, à défaut de NOÉ, on voulait chercher un messie, je veux vous rassurer sans même attendre la discussion des amendements parlementaires.
Monsieur Damien Abad, la responsabilité personnelle pour insuffisance d’actifs qui n’est plus engagée en cas de simple négligence, c’est prévu à l’article 48 ; les assemblées générales réunies sous forme dématérialisée, c’est à l’article 46 ; le double compte pour les microentreprises est à l’article 39.
Monsieur Lionel Tardy, ce texte reprend aussi des dispositions sur le financement de l’innovation, en particulier celles qui permettent d’y réorienter 10 à 20 milliards d’euros – on y trouve ce que l’on a appelé les « fonds de pensions à la française » qui consistent, en réalité, à créer un statut ad hoc avec des règles prudentielles relevant de Solvabilité 1. Le projet de loi introduit également les fonds européens d’investissement à long terme – dit ELTIF, pour European long-term investment funds – qui pourront faire du financement en fonds propres, mais également prêter en direct par dérogation au monopole bancaire. On y trouve aussi diverses dispositions techniques destinées à fluidifier le financement en dette des entreprises, qui sont particulièrement structurantes pour l’économie de l’innovation.
Concernant cette dernière, Madame Corinne Erhel, vous avez raison de souligner les nombreuses mesures prises par ailleurs en termes de conduite du changement et de numérisation de notre économie, qui ne relèvent pas uniquement de la loi. Les diverses chambres des métiers se sont engagées à aller en ce sens. Les coiffeurs ont, par exemple, pris des positions extrêmement fortes en la matière. Cela passe par un changement des formations apportées aux artisans et du contenu des stages de préparation à l’installation. La même démarche a été initiée dans le secteur industriel, dans le cadre de « l’industrie du futur » avec l’objectif de 2 000 PME, TPE et ETI accompagnées d’ici à la fin de l’année sur ces sujets.
Une question de M. Éric Alauzet portait sur la concurrence déloyale que constituerait le statut fiscal de la microentreprise. Les microentrepreneurs ne bénéficient en aucun cas d’un statut spécifique : ils sont soumis aux mêmes règles d’installation ou de qualification que les autres entrepreneurs. Seul le régime fiscal qui leur est appliqué est différent : il donne des facilités déclaratives en matière de TVA et de cotisation foncière des entreprises (CFE), et permet d’obtenir des allégements fiscaux, à condition de ne pas avoir de charges à déclarer. C’est un régime hyper simplifié.
Nous proposons, dans le projet de loi, d’augmenter la flexibilité pour la sortie du régime, de façon à éviter le déclenchement trop rapide du couperet que subissent ceux que leur développement dans l’entreprenariat conduit à franchir un seuil. Ceux-là, pour éviter de basculer, optimisent autour du seuil, ce qui favorise plutôt les activités non déclarées et des comportements malthusiens visant à ne pas dépasser le seuil en question.
Il y aurait concurrence déloyale si l’entrepreneur au régime réel ne pouvait pas passer au régime simplifié. C’est pourquoi nous proposons de donner chaque année un droit d’option entre l’un ou l’autre régime, selon qu’il est le plus intéressant. Cela permettra de clore des débats qui sont devenus complètement irrationnels en France, notamment celui qui existe entre taxis et VTC et qui se double d’un débat entre le régime de microentrepreneur et le régime normal. On verra ainsi que les taxis n’ont aucun intérêt à passer au régime de la microentreprise qui ne permet pas de déduire ses charges – je ne connais pas beaucoup de taxis qui facturent l’essence à leurs clients. Ce régime n’a guère d’intérêt pour ceux qui ont des charges minimales ; il est plus intéressant pour les prestataires de services, en particulier intellectuels. Il peut être utilisé dans le secteur du bâtiment – et c’est pourquoi nous renforçons les contrôles –, par des individus qui font acheter le matériel par leurs clients et ne facturent plus que la pose, comme une prestation de service. Une analyse fine montre pourtant que l’application des règles de TVA grève plutôt le coût total. Nous estimons que 10 à 12 % des entrepreneurs qui sont aujourd’hui au régime réel auraient intérêt à opter pour la microentreprise.
Mon collègue Michel Sapin répondra lui-même aux questions portant strictement sur la lutte contre la délinquance financière, car je ne porte pas ces articles qui ne sont pas en discussion aujourd’hui.
Mme la présidente Frédérique Massat. La commission saisie au fond du projet de loi, et les deux commissions saisies pour avis recevront conjointement Michel Sapin, la semaine prochaine.
Merci, Monsieur le ministre, d’avoir répondu à nos questions.
M. le rapporteur pour avis. J’ai déjà souligné nos convergences avec le Gouvernement sur les questions agricoles ; sur les dispositions relatives à l’artisanat et aux petites entreprises, nous sommes sur la voie de la convergence. S’agissant de dispositions qui ne sont pas au cœur de la loi, le débat gagnerait à ce que nous parvenions à trouver des points d’accord en commission afin de présenter des amendements d’appel auxquels le Gouvernement puisse répondre. De la sorte, la séance pourrait être consacrée au sujet essentiel de la loi Sapin II : la lutte contre la corruption et la finance déloyale.
Le ministre a mentionné des amendements du rapporteur, qui visent à revaloriser le SPI, à le replacer logiquement avant l’immatriculation et à souligner l’importance d’une validation des acquis de l’expérience nouvelle formule par laquelle seraient reconnus le talent et l’énergie de toute une catégorie sociale de jeunes entrepreneurs détenant des savoir-faire, mais auxquels il manque une qualification. Si nous réussissons à instaurer une logique de transition et de passerelle entre les différentes économies, nous ne les opposerons pas, et nous permettrons à ceux qui sont aujourd’hui exclus du monde du travail et de l’entreprenariat d’y entrer, à leur juste place, sans dévaloriser ceux qui ont obtenu un diplôme et qui ont emprunté d’autres chemins.
Sur les sujets agricoles, nous n’en sommes pas au Grand Soir de la réforme de la loi de modernisation de l’économie, même si, à de multiples reprises au cours de ce mandat, nous avons souhaité revenir sur ce texte et dénoncé ses effets pervers. La logique du pouvoir d’achat tire les prix vers le bas au bénéfice des consommateurs, à court terme, mais joue en défaveur de l’économie réelle qui est l’âme de nos territoires. Les travaux commandés par les ministres de l’économie et de l’agriculture sur ce sujet devraient être rendus en fin d’année. À chaque fois que nous pourrons revenir sur les effets délétères de la LME, nous le ferons.
Nous entendons bien franchir d’autres étapes avec le projet de loi Sapin II, et remettre de la transparence, de l’équité et de la justice dans le dispositif de la LME. Cependant, s’agissant de débats qui ne pourront pas être tranchés aujourd’hui, et en présence de propositions péchant par manque de réalisme, je vous inviterai à vous rallier à un amendement du rapporteur qui constituera un appel fort au Gouvernement à se prononcer sur des sujets d’avenir comme les contrats de filières, que nous pourrions baptiser contrats tripartites, ou la pluriannualité. En séance, sur ce texte, et dans les dernières lois de finances de cette législature, je souhaite que nous puissions privilégier un certain type de rapports commerciaux. Nous aurions ainsi introduit un logiciel de transition qui, à défaut du Grand Soir, constituerait un petit matin du changement pour davantage d’équité et de justice envers ceux qui entreprennent dans ce pays.
Dans le monde agricole, la question du foncier domine toutes les autres, car elle peut structurellement handicaper le modèle français. Notre négligence commune en la matière a ouvert des brèches que nous avions largement signalées dans la loi d’avenir agricole. Des événements spectaculaires, comme la captation par des sociétés d’investissement – et peu m’importe qu’elles soient d’origine chinoise, française ou australienne – de 1 700 hectares, dans le Berry, ont constitué une alerte forte sur ce sujet. Nous sommes aujourd’hui, en quelque sorte, des « lanceurs d’alerte » concernant l’emprise de sociétés spéculatives sur le foncier français. Je vous proposerai d’adopter des amendements afin d’ouvrir le débat sur ce sujet en séance. Il est urgent d’affirmer que l’espace rural français n’est pas un supermarché, de faire évoluer le droit pour assurer la protection du foncier, problème derrière lequel se trouvent la biodiversité, la valeur ajoutée, l’emploi, le réseau et l’aménagement du territoire. Nous devons aller aux limites qu’impose la Constitution pour retrouver du droit dans un domaine qui ne peut pas être dérégulé pour être abandonné à un libéralisme sauvage.
Le projet de loi Sapin II pourrait ainsi, de façon très symbolique, mettre des limites à la concentration capitalistique et au jeu de la finance, au nom d’une saine économie qui permet à une génération d’agriculteurs d’en remplacer une autre pour remplir sa mission sur nos territoires et pour l’alimentation de la planète.
Article 25
(article L. 131-59 du code monétaire et financier)
Réduction de la durée de validité du chèque d’un an à six mois
1. L’état du droit
Le deuxième alinéa de l’article L. 131-59 du code monétaire et financier prévoit actuellement que « l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l’expiration du délai de présentation », le tiré étant, comme précisé à l’article L. 131-2 du même code, celui qui doit payer.
La notion de délai de présentation est précisée à l’article L. 131-32 dudit code : « Le chèque émis et payable dans la France métropolitaine doit être présenté au paiement dans le délai de huit jours. Le chèque émis hors de la France métropolitaine et payable dans la France métropolitaine doit être présenté dans un délai, soit de vingt jours, soit de soixante-dix jours, selon que le lieu de l’émission se trouve situé en Europe ou hors d’Europe ». Le point de départ de ces délais est le jour porté sur le chèque comme date d’émission. Bien entendu, le tiré doit payer même après l’expiration du délai de présentation, comme prévu à l’article L. 131-35 du même code.
Selon la cartographie 2014 des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France (8), l’utilisation du chèque continue à décroître. Après une baisse très conséquente en 2013 (– 19 % en montant), l’utilisation du chèque affiche une baisse plus modérée en 2014, de 5 % en volume et de 8 % en montant. La très forte baisse enregistrée en 2013 découle de la publication du décret n° 2013-232 du 20 mars 2013 relatif aux paiements effectués ou reçus par un notaire pour le compte des parties à un acte reçu en la forme authentique et donnant lieu à publicité foncière, qui a imposé aux notaires la mise en œuvre d’un virement en lieu et place du chèque pour tout règlement immobilier supérieur à 3 000 €. En 2014, le chèque est ainsi revenu à son rythme de décroissance moyen observé depuis plus de dix ans.
Ce repli s’opère au profit des moyens de paiement électroniques (notamment la carte, le virement ou encore le télérèglement). Les volumes payés par chèque ont atteint 2,49 Mds d’euros en 2014, soit 13 % des paiements scripturaux.
Toutefois, la France continue de se distinguer en Europe par un usage particulièrement fort du chèque : 68,5 % des chèques émis dans l’Union européenne le sont en France, contre 17,8 % au Royaume-Uni et 6,4 % en Italie. En termes de montants, 32,6 % du montant total des chèques échangés le sont en France, contre 23,1 % au Royaume-Uni et 14,3 % en Italie. Un Français utilise en moyenne près de 37 chèques par an, contre 11 pour un Anglais, et moins de un (0,38) pour un Allemand.
2. Les dispositions du projet de loi
Le projet de loi modifie, à son I, la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 131-59 du code monétaire et financier, afin de prévoir que l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par six mois, et non plus un an, à partir de l’expiration du délai de présentation (alinéa 1).
Son II prévoit que cette disposition est applicable aux chèques émis à compter de la date de publication de la loi (alinéa 2).
L’objectif de cette mesure, tel que présenté par l’étude d’impact, est d’encourager l’utilisation des autres moyens de paiement et de diminuer l’incertitude liée au délai d’encaissement du chèque.
Elle a été proposée dans le cadre de la Stratégie nationale sur les moyens de paiement, publiée en octobre 2015 (9), qui est le résultat d’une concertation dont le pilotage a été confié par les ministres chargés des Finances et des comptes publics et de l’économie, de l’industrie et du numérique, à M. Emmanuel Constans, président du comité consultatif du secteur financier.
Ce rapport déplorait que le secteur français des moyens de paiement répondît imparfaitement aux nouvelles attentes des utilisateurs : le recours aux moyens de paiement dématérialisés et innovants par les PME, les professions libérales et les services de proximité (associations, services publics locaux) demeurait trop limité au regard de ces attentes. Il soulignait également les inconvénients du chèque, notamment l’incertitude relative à sa date d’encaissement, qui entraîne des coûts de gestion de trésorerie, et ses coûts de traitement. Par comparaison, les moyens de paiement électroniques offrent des coûts de traitement moindres et permettent une hausse de la productivité.
S’agissant des attentes des consommateurs, ce rapport cite un sondage réalisé par l’Institut CSA pour les assises des moyens de paiement en juin 2015. Ce sondage soulignait que la carte était le moyen de paiement préféré des Français, et que le chèque constituait un moyen de paiement de secours – 64 % des utilisateurs de chèques déclarent l’utiliser moins souvent qu’avant –, et est souvent présenté comme un mode de paiement utilisé à défaut d’un autre – 47 % des personnes interrogées indiquent qu’elles utilisent le chèque parce que le destinataire du paiement n’accepte pas un autre moyen de paiement.
Afin de faciliter la gestion de la trésorerie des particuliers et des entreprises, ce rapport préconisait de réduire la durée de validité des chèques de 12 à 6 mois.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur estime que la mesure proposée est équilibrée : elle maintient le principe de gratuité du chèque et ne limite pas son usage – qui permet notamment des paiements fractionnés – tout en réduisant l’incertitude liée à son délai d’encaissement, source de coûts de trésorerie pour les entreprises comme pour les particuliers.
Toutefois, il estime que les modalités de son entrée en vigueur pourraient être améliorées. En effet, le projet de loi prévoit que le dispositif soit applicable dès la publication de la loi à l’ensemble des chèques, y compris ceux émis avant celle-ci, ce qui impliquerait que ces chèques se verraient appliquer un délai de prescription plus court que celui en vigueur au moment de leur émission. Il conviendrait également de fixer une date d’entrée en vigueur facilement identifiable afin de permettre aux utilisateurs du chèque et aux établissements bancaires de mieux anticiper cette modification. En conséquence, votre rapporteur a déposé un amendement prévoyant que la réduction du délai de prescription du chèque entre en vigueur au 1er juillet 2017 pour les seuls chèques émis à compter de cette date. Pour ceux émis avant cette date, le délai de prescription demeurerait d’un an.
4. L’avis de la commission
La commission a émis un avis favorable à cet article tel qu’amendé par son rapporteur.
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La commission est saisie de l’amendement CE234 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit de supprimer l’article 25, qui tend à faire passer d’un an à six mois la durée de validité des chèques.
Si l’intention de modernisation des paiements est louable, nous bénéficions de l’expérience du plafonnement du règlement en numéraire qui s’est, à mon avis, révélée très négative. De nombreuses personnes, en particulier celles qui sont âgées, qui ont des revenus modestes ou sont éloignées du numérique et des nouvelles techniques de communication, peuvent se trouver en difficulté lors de modifications brutales comme la réduction de la durée de validité des chèques. Il est inutile de bouleverser les choses et, si elles doivent évoluer, au moins faut-il leur en laisser le temps.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Certes, c’est une mesure susceptible de troubler les personnes âgées, mais elle ne sort pas d’un chapeau : elle est issue des assises des moyens de paiement, où toutes les associations de consommateurs et de représentants des citoyens ont convenu que les inconvénients du chèque valable un an étaient supérieurs à ceux que la réforme induirait.
Néanmoins, j’entends parfaitement qu’il y a besoin d’une transition, c’est pourquoi je propose que le nouveau délai de validité des chèques entre en vigueur le 1er juillet 2017 pour les chèques émis à compter de cette date. Cela nous laisse une année pour nous adapter, étant entendu que, à terme, l’évolution tend vers les moyens de paiement numériques.
Mme Brigitte Allain. Je soutiens l’amendement de M. Jean-Luc Laurent. La possession d’un terminal de carte bancaire est très coûteuse pour les tout petits commerçants. Moi-même, lorsque j’étais présidente d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole (CUMA), je recevais parfois plusieurs chèques datés et signés le même jour, que l’on me demandait de déposer à la banque de façon échelonnée tous les mois. Les artisans d’art, les marchands de plein vent reçoivent des chèques qu’ils n’encaissent parfois qu’après leur saison. Six mois, cela passe très rapidement !
Tout est fait pour que nous n’utilisions que la carte bancaire au profit des seuls banquiers.
M. Charles de Courson. L’article 25 m’a plongé dans des abîmes de perplexité. À lire l’étude d’impact, le chèque aurait plusieurs inconvénients. On y parle de « circuit d’encaissement peu fluide ». Première nouvelle ! « Le risque d’impayés pour les commerçants » conduit « nombre d’enseignes à les refuser », nous explique-t-on encore. Mais cela dépend du montant, puisque les banques paient en deçà d’un certain montant. Est également invoqué l’argument des « coûts de traitement pour les banques et les commerçants ». C’est vrai pour les banques qui se sont toujours battues pour réduire ces coûts, alors qu’elles sont elles-mêmes à l’origine de la gratuité des chèques. Cela, en plus de la « sur-bancarisation française », explique que 14 % des paiements sont effectués par chèque en France, bien plus que dans d’autres pays européens.
Monsieur le rapporteur, combien de chèques sont aujourd’hui payés entre six mois et un an, et au-delà d’un an ? La proportion doit être infime. Je ne comprends pas du tout ce que l’on recherche avec cette mesure, et l’étude d’impact n’en dit rien.
Mme Sophie Errante. Je partage l’analyse de notre rapporteur, car l’article 25 est le fruit d’une réelle concertation. Je ne peux, par ailleurs, soutenir la position de mes collègues qui reviendrait à laisser se développer un système dans l’illégalité : un chèque, ça se signe à une date donnée, avec une date donnée, et ça s’encaisse.
Certes, il y a la question des chèques de caution et de la sécurisation de certains autres moyens de paiement, mais, dans les faits, je reçois aussi des citoyens qui ont du mal à gérer les chèques en raison de leur trop longue échéance. Il faudra, à coup sûr, accompagner les citoyens dans la modernisation des moyens de paiement, et c’est le travail des banques. Ramener la validité des chèques à six mois d’ici à un an me semble une mesure adaptée. Elle n’impose pas une énorme pression à nos concitoyens.
Mme Sophie Rohfritsch. Si j’appartenais à votre commission, je voterais l’amendement de M. Jean-Luc Laurent. Sous couvert d’une prétendue modernisation des moyens de paiement, on organise un flicage et une traçabilité permanente. Il en va de la liberté individuelle ! Nous ne pouvons déjà plus payer en numéraire au-delà de 1 000 euros, alors que, chez nos voisins allemands, 82 % des paiements sont effectués en espèces. La traçabilité dans toutes les transactions sera, à mon avis, totalement contraire aux libertés individuelles et fondamentales.
M. le rapporteur pour avis. Je répète qu’il ne s’agit pas d’une lubie de méchants banquiers ou d’un ministre capricieux, mais d’une recommandation d’assises auxquelles participaient les représentants des consommateurs dans leur diversité. Elle me paraît être de bon sens.
Madame Brigitte Allain, j’ai moi aussi été président d’une CUMA : le délai de six mois pour le dépôt de chèques correspond à la pratique la plus courante. Il est déjà assez difficile à gérer, car il arrive qu’on ne se souvienne plus. La validité d’un an pose d’autres problèmes. J’ai reçu dans ma permanence des familles en difficulté parce qu’elles avaient oublié avoir demandé au médecin spécialiste qui avait soigné leur enfant de n’encaisser leur chèque qu’après un délai d’un an
Je vous demanderai, dans l’amendement CE270, qui suit, que cette mesure de simplification et de modernisation n’entre en vigueur que le 1er juillet 2017, ce qui nous laissera plus d’un an pour la mettre en œuvre.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CE270 du rapporteur pour avis et CE87 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Plus de 2,5 milliards de chèques ont été émis en 2014, pour un montant total de plus de 1 200 milliards d’euros. C’est une spécificité de la France, qui est à l’origine de plus de 70 % des chèques émis au sein de l’Union européenne.
Il semble nécessaire, pour faire accepter une initiative qui va dans le bon sens, de laisser du temps aux consommateurs et de leur donner une date butoir connue de tous à l’avance : le 1er juin 2017. Tel est le sens de l’amendement CE87.
La commission adopte l’amendement CE270.
En conséquence, l’amendement CE87 tombe.
Puis la commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 25 modifié.
Article additionnel après l’article 25
(articles L. 731-1, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-4 et L. 733-1 du code de la consommation)
Amélioration de la procédure de surendettement
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de son rapporteur rétablissant les termes « montant des remboursements » en lieu et place de l’expression « capacité de remboursement » à l’article L. 731-1 du code de la consommation, qui sont source de confusion pour l’ensemble des acteurs de la lutte contre le surendettement.
Cet article vise également à rendre la procédure de surendettement plus efficace en permettant à la commission de surendettement d’imposer des mesures aux parties sans passer préalablement par une phase de négociation amiable dès lors que le débiteur n’est pas propriétaire d’un bien immobilier. Il poursuit en cela la réforme engagée par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013. La phase de négociation amiable serait ainsi limitée aux seuls dossiers dans lesquels le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier.
Enfin, cet article introduit une mesure destinée à raccourcir les délais d’attente du débiteur, en introduisant un principe nouveau selon lequel le silence des créanciers vaut accord à la suite de la proposition du plan conventionnel de redressement élaborée par la commission et à l’expiration d’un délai fixé par décret.
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La commission est saisie de l’amendement CE252 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement très technique vise principalement à rendre la procédure de surendettement plus efficace en permettant à la commission de surendettement d’imposer des mesures aux parties sans passer préalablement par une phase de négociation amiable, dès lors que le débiteur n’est pas propriétaire d’un bien immobilier. Il poursuit en cela la réforme engagée par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013. La phase de négociation amiable serait ainsi limitée aux seuls dossiers dans lesquels le débiteur est propriétaire d’un bien immobilier.
M. Antoine Herth. Je suis surpris que l’on modifie au mois de mai une rédaction résultant d’une ordonnance datant du mois de mars.
M. le rapporteur pour avis. L’ordonnance en question ne faisait que codifier le code de la consommation : les dispositions que nous souhaitons faire évoluer sont bien issues de la loi de 2013.
La commission adopte l’amendement.
Article additionnel après l’article 25
(article L. 141-4 du code monétaire et financier)
Compétence de l’observatoire de la sécurité des cartes de paiement
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de son rapporteur élargissant, à l’article L. 141-4 du code monétaire et financier, la compétence de l’observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP) à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux, conformément aux objectifs de la stratégie nationale sur les moyens de paiement publiée le 15 octobre 2015. Depuis sa mise en place en 2003, l’OSCP a joué un rôle essentiel en tant qu’instance de veille et de concertation entre tous les acteurs concernés pour la conduite d’une stratégie efficace de prévention de la fraude sur les paiements par carte. L’élargissement de son périmètre à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux est aujourd’hui rendue nécessaire par la diversification des canaux d’initiation des paiements (paiement mobile ou sans contact) et des techniques de fraude pouvant affecter indifféremment plusieurs moyens de paiement.
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Puis elle examine l’amendement CE253 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement élargit la compétence de l’actuel Observatoire de la sécurité des cartes de paiement (OSCP) à l’ensemble des moyens de paiement scripturaux, conformément aux objectifs de la stratégie nationale sur les moyens de paiement, publiée le 15 octobre 2015. Depuis sa mise en place, l’OSCP a joué un rôle essentiel en tant qu’instance de veille et de concertation entre tous les acteurs concernés pour la conduite d’une stratégie efficace de prévention de la fraude sur les paiements par carte.
La commission adopte l’amendement.
Article additionnel avant l’article 30
(article L. 143-7-3 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Limitation de l’acquisition de foncier agricole
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de son rapporteur visant à limiter l’acquisition de foncier agricole aux sociétés dont le portage de biens immobiliers entre dans le champ du droit de préemption des SAFER. L’objectif de cette disposition est d’instaurer plus de transparence dans les acquisitions foncières des montages sociétaires afin d’éviter la financiarisation des terres agricoles françaises en réaction notamment au rachat récent de 1 700 hectares de terres agricoles dans l’Indre par un groupe chinois.
Article additionnel avant l’article 30
(article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime)
Ajout d’un cas de déclenchement du contrôle des structures foncières agricoles
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de son rapporteur étendant le contrôle des structures par autorisation préfectorale. Toute prise de participation ou modification dans la participation d’une personne morale ou physique au sein d’une exploitation agricole aboutissant à ce que cette personne y exerce un contrôle effectif et durable serait soumise à autorisation d’exploiter. L’objectif de cette disposition est également d’éviter la financiarisation des terres agricoles françaises et ainsi de contrer l’action des logiques spéculatives de certaines sociétés.
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La commission examine, en présentation commune, les amendements CE271 rectifié et CE261 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. J’ai dit, avant que nous n’entamions l’examen des articles, combien la question de la régulation du foncier était importante. Nous partageons avec le ministre de l’agriculture l’objectif de revenir sur les dispositions de 2006. Les événements de l’Indre nous ont alertés. Je soutiens, sur ce sujet, les amendements CE271 rectifié et CE261 qui résultent de la mobilisation de députés issus de tous les bancs de notre assemblée.
J’insiste sur le fait que la nationalité des investisseurs n’est pas en cause, même si l’émoi suscité peut-être légitime. Le problème tient bien à l’opacité des opérations. D’une certaine façon, les pouvoirs publics ont été spectateurs d’une captation de foncier par des sociétés d’investissement qui ont utilisé toutes les failles de la loi d’avenir pour l’agriculture. Le côté spectaculaire et provoquant de l’opération récente nous invite à réagir.
Lors d’une audition de préparation du projet de loi Sapin II, avec Mme Brigitte Allain, MM. Yves Daniel, Paul Molac et d’autres députés, nous avons réuni dans une même salle tous les syndicats agricoles, l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) et la fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSAFER), à qui nous avions demandé de faire remonter des propositions pour ouvrir le débat sur le foncier, dont on sait que le marché fonctionne selon deux poids deux mesures. Il s’agit d’apporter de l’équité et de la transparence. Certaines sociétés sont opaques et ne permettent pas la préemption par la puissance publique par l’intermédiaire des SAFER. Les voies de contournement sont multiples, mais celle-là est majeure.
Les deux amendements que je soutiens sont donc issus d’un travail de concertation avec les organisations professionnelles agricoles. Ils donneront sans doute lieu à des débats en séance, mais je propose que nous marquions dès aujourd’hui notre volonté d’agir. Un sentiment d’impuissance en la matière serait délétère. Outre la captation d’hectares de foncier, il faut mesurer l’effet sur l’ensemble de l’économie. Dans l’Indre, des transactions se sont opérées au triple du prix du marché, alors qu’un tel phénomène est signalé plutôt dans les zones à forte valeur ajoutée – vignobles, zone périurbaine, zones frontalières. Une telle surévaluation des biens fonciers n’est supportable par aucun exploitant ni aucun jeune agriculteur.
L’amendement CE271 rectifié vise à rendre obligatoire la délivrance d’une nouvelle autorisation d’exploiter à chaque fois qu’une société change de main. Le contrôle se ferait donc par l’autorisation de travailler sur les terres.
L’amendement CE261 supposerait de spécialiser les sociétés portant du foncier en fonction de leur capacité à être contrôlées et préemptées par la SAFER. Cela supprimerait l’inégalité actuelle qui permet tous les trafics et dénature profondément l’esprit des régulations mises en place de façon immémoriale par des logiques patrimoniales, et, de façon plus sociale, par les lois Pisani d’après-guerre, qui ont visé à équilibrer le pouvoir entre le propriétaire de la terre et l’exploitant. Elles ont permis de garantir, autant que possible, le renouvellement des générations. Il ne s’agit pas de freiner l’entreprise, mais, au contraire, de favoriser la capacité d’entreprendre de tous ceux qui veulent nourrir la terre.
Mme Michèle Bonneton. La propriété du foncier agricole est un enjeu capital. Des spéculations sont déjà à l’œuvre et ce phénomène pourrait s’amplifier dans l’avenir, les terres agricoles devenant un objet financier comme n’importe quel autre bien, ce qui nuirait à la production de produits agricoles et alimentaires qui appartiennent à notre culture et mettrait à mal de nombreux agriculteurs. Les amendements du rapporteur nous font beaucoup progresser dans le contrôle de la propriété du foncier agricole, et je m’en réjouis.
M. Jean-Luc Laurent. Je partage l’idée qu’il faut affirmer le droit de préemption des SAFER, car elles ont une expérience et un savoir-faire irremplaçables. Même en Île-de-France, certaines mutations de foncier agricole méritent d’être suivies avec attention. Mais qu’en est-il des acquisitions que souhaiteraient faire les communes ou d’autres institutions publiques ? J’ai cru comprendre que seules les SAFER pouvaient acquérir et détenir du foncier.
M. Antoine Herth. J’estime qu’il faut croire un ministre lorsqu’il s’exprime dans l’hémicycle. M. Stéphane Le Foll, répondant à une question que je crois avoir été posée par M. Paul Molac, a affirmé que personne n’avait vu arriver l’affaire des transactions du Berry, mais que ce type d’opération n’était plus possible depuis la publication, le 1er janvier 2016, de décrets d’application de la loi d’avenir pour l’agriculture. Les dispositions qui nous sont proposées aujourd’hui seraient donc sans portée et constitueraient une posture politique destinée à un public donné. Dans ce cas, est-il opportun de les voter ?
Concernant le foncier, un problème de fond n’a jamais été résolu : nous n’allons pas attendre ad vitam aeternam que les agriculteurs achètent eux-mêmes tout le foncier. Les structures économiques des exploitations sont déjà extrêmement lourdes, les conditions de l’adaptation et de l’évolution sont complexes, si vous ajoutez l’achat à cette équation, vous ajoutez à l’exercice de production qui caractérise l’agriculture, avec tous les problèmes de compétitivité entre pays européens, un exercice hypercapitalistique, avec accumulation d’un capital que l’on ne sait plus transmettre. L’alternative consiste à attirer des capitaux extérieurs. Mais comment y parvenir ?
Nous n’avons rien contre le fait de prendre des dispositions qui permettraient de régler définitivement le problème des 1 700 hectares berrichons – en supposant que le ministre ne nous ait pas dit toute la vérité en séance. Cependant, elles donnent un signal supplémentaire qui risque de faire fuir tous les investisseurs franco-français, que ce soit les familles, les groupes d’assurance, les institutions bancaires… Nous avons besoin d’attirer des capitaux pour porter le foncier français. C’est en attirant mieux les capitaux français que nous fermerons la porte aux investisseurs extérieurs. La solution proposée ne règle pas le problème, elle ne fait que le repousser.
Mme Brigitte Allain. Il s’agit de permettre aux SAFER, non d’acquérir du foncier, mais d’exercer un contrôle lorsque des parts de société sont cédées. Aujourd’hui, elles disposent d’un droit de préemption en cas de transfert de foncier mais pas en cas de transfert de parts. Le ministre répondait l’autre jour que les dispositions adoptées dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture permettent plus de transparence, mais cela n’implique pas que les SAFER peuvent intervenir. Peut-être ne faut-il pas faire fuir les investisseurs, mais, dans le Bordelais, la spéculation sur le foncier via des sociétés est bel et bien une réalité. Les prix ont atteint de tels niveaux que pratiquement plus personne ne peut acheter de terres viticoles !
Nous n’avions pu aboutir dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, car le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, mais le contrôle exercé n’est pas du tout le même selon que ce sont des terres ou des parts de société qui sont vendues.
M. Antoine Herth. Les remarques de Mme Brigitte Allain sont intéressantes et utiles.
Le problème tient à ce que la vocation des sociétés concernées n’est pas clairement précisée. Nous avons déjà débattu de la préemption des parts de société par la SAFER lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. Le problème de fond est que la SAFER n’a pas vocation à devenir actionnaire d’une entreprise agricole. Son rôle serait éventuellement de préempter des parts de sociétés dont l’objet est limité à la détention de terres agricoles.
Ensuite, ne permettre la prise de participation que de personnes qui décident et exploitent effectivement serait contre-productif. Nous devrions plutôt, comme en matière de transports, distinguer l’infrastructure et l’exploitant. Il faudrait réserver la détention du foncier à des sociétés du type des sociétés civiles immobilières ; la détention du foncier, à l’exclusion de son exploitation, serait leur seul objet social. Alors, nous pourrions donner la possibilité de préempter des parts de société aux SAFER, dont la vocation est de détenir le foncier, de le remettre en circulation, de l’affecter à l’installation d’agriculteurs, mais pas de participer elles-mêmes à la production laitière et à l’élevage des cochons.
Mme Catherine Vautrin. Je voudrais être certaine de ne pas mal comprendre l’amendement CE261. Imaginons une reconversion de personnes dont l’activité ne présentait auparavant aucun rapport avec l’agriculture ou la viticulture. Si cet amendement est adopté, pourront-elles racheter tout ou partie d’une exploitation agricole ?
M. le rapporteur pour avis. Monsieur Jean-Luc Laurent, si une commune, dans le cadre de ses prérogatives, souhaite acquérir du foncier, elle s’entend avec la SAFER. Ce sont là des acquéreurs qui essaient d’agir dans l’intérêt général.
Les questions de M. Antoine Herth et de Mme Catherine Vautrin méritent des réponses précises. Oui, il y a un problème de portage du foncier en agriculture. L’intervention de spéculateurs, ayant un horizon d’investissement de trente ans, voulant recycler des fonds acquis dans d’autres domaines peut tripler le prix de terres normalement vendues à 3 000 ou 5 000 euros l’hectare. Leur logique n’est pas du tout celle de l’exploitant, qui doit payer un loyer, faire avec le cours du lait, de la viande ou des céréales.
Jusqu’à présent, le marché du foncier agricole s’est efforcé, bon an mal an, de coller à la réalité de l’économie agricole. Aujourd’hui, spéculant sur le fait qu’il faudra nourrir 10 milliards d’individus en 2050, des personnes introduisent des logiques de production incompatibles avec notre souci d’un développement équilibré des territoires, d’une logique de coopération. Les logiques financières visent à extraire la valeur ajoutée de nos territoires pour l’exporter au service d’autres finalités. La question du portage du foncier n’est pas réglée par l’intervention de ce type de porteurs de capitaux.
En revanche, je milite comme vous pour que familles, amis et citoyens investissent dans le foncier. Je suis fier d’être, avec d’autres, à l’origine d’un groupement foncier agricole (GFA) de 150 citoyens, qui a reconquis plusieurs hectares de terres viticoles des Côtes-de-Toul et installé, grâce à un portage foncier coopératif, deux jeunes viticulteurs, avec une insertion et des contrats commerciaux à la clé. C’est une belle histoire. Je suis pour que l’on favorise un investissement foncier régulé, et non pas sauvage comme dans l’Indre.
Je veux rassurer Mme Catherine Vautrin à propos de l’amendement CE261. Il s’agit de dire, que lorsqu’un intervenant extérieur, fonds de pension ou autre, prendra le contrôle d’une société, qu’elle soit française ou chinoise, qui détient plusieurs milliers d’hectares, alors l’autorisation d’exploiter pourra être réexaminée. Si la finalité de la société reste de faire travailler les dix agriculteurs établis sur ces terres, personne n’y verra aucun inconvénient. S’il s’agit, en revanche, de mettre ce foncier dans des circuits douteux, alors nous pourrons l’empêcher. C’est tout. Le travail des commissions départementales d’orientation agricole (CDOA) réformées est de déterminer qui peut en priorité exploiter des terres. La menace de l’intervention de la SAFER ne vise qu’à réguler le marché, elle n’a pas vocation à être pérenne.
M. Antoine Herth soulignait la difficulté de prendre des parts de sociétés qui possèdent autre chose que du foncier agricole. Si je n’ai pas déposé d’amendement, c’est que la profession agricole s’est elle-même saisie de la difficulté. Souvent, les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) possèdent du foncier, mais aussi des bâtiments, des salles de traite, des troupeaux. Comment une SAFER peut-elle intervenir ? La spécialisation des sociétés aura des conséquences sociales et fiscales importantes, ces sujets ne peuvent donc être abordés à la légère.
J’ai proposé, avec l’amendement CE261, une logique de contrôle par l’usage des terres. Pour ce qui est de l’amendement CE271 rectifié, je l’ai assorti d’une prudente référence à un délai fixé par voie réglementaire pour laisser le temps de s’assurer de sa solidité juridique et constitutionnelle. Il vise à ce qu’aucune société possédant du foncier n’échappe au radar. Aujourd’hui, il y a deux poids, deux mesures. C’est comme si, sur la route, un véhicule dépassant la limite autorisée de 10 kilomètres heure devait en rendre compte, alors que des poids lourds roulant à 200 kilomètres heure ne sont pas contrôlés par le radar. En l’état de la loi, ces véhicules ne sont pas hors-la-loi ; ce sont même les principaux vecteurs des agrandissements. Nous ne sommes pas contre les agrandissements, mais nous voulons continuer à contrôler ce qui se passe sur notre territoire, au service des agriculteurs de notre pays.
Le ministre de l’agriculture a insisté sur le fait que, grâce aux dispositions de la loi d’avenir pour l’agriculture, nous sommes informés, mais nous sommes des spectateurs impuissants, qui ne peuvent pas intervenir. Il a demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux de chercher des solutions. Sans doute pourra-t-il nous faire des propositions en séance, et nous pourrons nous entendre.
La commission adopte successivement les amendements CE271 rectifié et CE261.
Elle est saisie de l’amendement CE98 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Je me proposais de reprendre des dispositions issues de la proposition de loi sur la compétitivité des filières agricoles ainsi que du rapport de la mission sur l’avenir des filières d’élevage, mais, des trois amendements que j’ai voulu déposer, un seul a surmonté l’obstacle de l’article 40 de la Constitution : celui qui porte sur le régime des baux ruraux.
M. le rapporteur pour avis. Ne refaisons pas tous les débats de la loi d’avenir pour l’agriculture. Nous essayons ici, modestement, de combler quelques failles. Les baux ruraux, véritable passion française, nous renvoient à Tanguy-Prigent, aux lois Pisani, à la grande histoire. Ne revenons pas, aujourd’hui, sur l’équilibre délicat entre bailleurs et preneurs auquel nous sommes parvenus. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE187, CE189, CE188 et CE190, tous de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Ces amendements procèdent tous du même esprit. Il s’agit d’améliorer la transparence du prix payé par le consommateur et de le lier au prix auquel l’agriculteur a vendu sa production à un transformateur ou à un commerçant. La mise en place de coefficients multiplicateurs fait partie des moyens qui permettent de faire face aux crises agricoles.
Par l’amendement CE187, nous proposons d’étendre cette possibilité, déjà ouverte pour les fruits et légumes périssables, à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires. Nous souhaitons aussi préciser que le taux du coefficient est fixé par voie réglementaire après avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
L’amendement de repli CE188 exclut les produits alimentaires du dispositif, car il serait peut-être un peu moins compliqué de le réserver aux produits agricoles.
L’amendement CE189 permet l’application du coefficient multiplicateur aux produits agricoles et alimentaires après consultation, non pas forcément de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, mais des organisations et organismes compétents. Ainsi le Gouvernement aura-t-il un peu plus de latitude au moment de prendre son décret.
L’amendement de repli CE190 vise à appliquer un coefficient multiplicateur aux seuls produits agricoles, après consultation des organisations et organismes compétents.
M. le rapporteur pour avis. Je souscris pleinement à l’esprit dont procèdent ces amendements. Cependant, le dispositif instauré pour les fruits et légumes périssables n’a jamais été mis en œuvre. Si cela avait été le cas, cela aurait immédiatement suscité une très vive réprobation de la Commission européenne, et la France aurait été condamnée.
Exprimons plutôt notre souci de conditions de production normales, dignes, respectueuses de l’environnement dans les contrats de filière, à travers une réforme de la LME dont nous pouvons poser dès à présent les jalons, à travers les accords tripartites ou la pluriannualité chère à Guillaume Garot.
Les dispositions que vous proposez en l’occurrence n’ont aucune chance d’être mises en œuvre. Je le regrette, mais je ne puis émettre qu’un avis défavorable.
Mme Michèle Bonneton. Échaudés par les contrats en général, les agriculteurs sont relativement sceptiques quant à l’efficacité des contrats de filière.
Peut-être faudrait-il explorer une autre voie et demander une expérimentation sur le fondement de l’article 222 du règlement européen relatif à l’organisation commune de marché unique. Cela avait été fait pour l’étiquetage des viandes. Lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avions beaucoup débattu de cet étiquetage, sans aboutir. Or, deux ans plus tard, nous y sommes. Ne soyons donc pas trop timides, et avançons !
M. le rapporteur pour avis. Au cours des heures d’audition consacrées à la préparation de cette loi, nous avons ensemble cherché de nouveaux compromis équitables entre producteurs, transformateurs et distributeurs, chère collègue. Je propose que votre proposition d’une expérimentation soit débattue en séance. Le ministre pourra vous répondre. Mieux, je vous invite à travailler avec son cabinet pour que de telles voies soient explorées. Des annonces seront sans doute faites. Pour ma part, je voudrais aussi des contrats tripartites rénovés et des expérimentations.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l’amendement CE206 de M. Guillaume Garot.
M. Guillaume Garot. Les réelles difficultés d’application de la loi LME ont été évoquées en discussion générale, ainsi que les déséquilibres patents entre grande distribution, transformateurs, producteurs. Le risque, souligné par le ministre de l’économie, d’une déflation des prix alimentaires est réel. Quelles solutions envisager pour que le travail de chacun soit rémunéré et que la valeur propre de l’alimentation soit reconnue dans l’économie ?
En prohibant les prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, cet amendement élèverait un garde-fou, à l’heure où nous constatons des dérives. La course aux prix bas a des effets délétères, pour ne pas dire mortifères, sur l’économie générale de toute une filière : les prix bas tuent l’investissement, l’innovation, l’exportation.
M. le rapporteur pour avis. Nous souscrivons à l’analyse des auteurs de l’amendement et partageons leur indignation. Avec ce prix plancher, vous reprenez, sous une forme un peu différente, une disposition défendue lors de l’examen d’une proposition de loi du groupe Les Républicains.
Cependant, je vous invite plutôt, cher collègue, à vous rallier aux amendements suivants, qui reprennent une idée similaire et auxquels je suis favorable. Ils sont extrêmement attendus et nous devons les défendre avec force en séance, auprès du ministre. Je le dis à M. Thierry Benoit, Mme Catherine Vautrin et tous ceux qui sont engagés dans ces combats : nous suivons les mêmes logiques, il est temps d’aboutir.
Si je vous prie, cher Guillaume Garot, de bien vouloir retirer votre propre amendement, c’est parce qu’il présente deux inconvénients majeurs.
Premièrement, le coût moyen cache des différences. Dans la même orientation technico-économique des exploitations agricoles (OTEX), dans la même petite région, deux entrepreneurs auront des coûts de production, et donc des marges, extrêmement différents. Nous l’observons sur nos territoires : les écarts-types sont considérables. Les plus-values, les accès aux marchés, le recours aux intrants sont tellement différents ! De ce point de vue, il n’est pas pertinent de se fonder sur les coûts moyens.
Deuxièmement, cette logique de coût moyen ne tient pas dans la durée. Nous avons tous voulu des prix minima pour le porc, pour le lait, mais cet affichage forcené d’un coût de production moyen conduit avant tout à se faire voler des marchés par des concurrents low cost ou dont les conditions de production diffèrent grandement. Si le prix doit être au menu des discussions, il ne faut pas en faire une condition préalable, ou alors nous courons le risque de créer des illusions, de perdre des marchés et, peut-être, d’occulter des disparités qu’il nous faut chercher à réduire par une politique de développement, de réorganisation et de modernisation.
L’amendement CE206 est retiré.
Article additionnel avant l’article 30
(article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime)
Ajout d’une référence aux indicateurs publics des coûts de production et des prix des produits agricoles ou alimentaires dans les contrats agricoles
La commission a émis un avis favorable à l’adoption de plusieurs amendements identiques et de deux sous-amendements qui instaurent, dans les contrats agricoles entre producteurs et premiers metteurs en marché, une référence soit à un ou plusieurs indicateurs publics de coûts de production en agriculture qui reflètent la diversité des bassins de production et des modes de production agricoles au regard de la valorisation de la triple performance économique, sociale et environnementale des exploitations et de leurs évolutions et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires publiés par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
La référence à la diversité des bassins de production et des modes de production permet de pallier les difficultés que pourraient poser l’utilisation de coûts de production moyens inadaptés à la réalité d’un marché ouvert.
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La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE29 de M. Antoine Herth, qui fait l’objet des sous-amendements CE267 et CE266 du rapporteur pour avis, CE43 de Mme Catherine Vautrin et CE216 de Mme Annick Le Loch, et les amendements CE228 de Mme Jeanine Dubié et CE154 de M. Thierry Benoit.
M. Antoine Herth. L’amendement CE29 vise à améliorer les dispositifs de contractualisation prévus par la loi en prévoyant des références à des indicateurs publics de coûts de production en agriculture. Les sous-amendements du rapporteur permettront d’en améliorer la rédaction et d’éviter certains écueils.
M. le rapporteur pour avis. Mes sous-amendements me permettent de répondre à quasiment tous ceux qui, ici, partagent les mêmes préoccupations.
Il me semble que l’approche par les marges n’est pas pertinente, car elle ne permet pas d’être réactif : les marges sont reconstituées avec un délai de dix-huit mois. Par ailleurs, j’ai déjà évoqué le problème des moyennes.
Les uns et les autres, vous avez eu l’intelligence de parler d’un faisceau de prix. Cette approche répond aux objections que j’élevais à propos de l’amendement CE206 de M. Guillaume Garot. Produire du lait de Comté à 800 mètres d’altitude, ce n’est pas la même chose que produire du lait dans le
Pas-de-Calais, en Bretagne ou dans le Centre. Un faisceau de prix reflète la diversité des bassins et des modes de production.
J’aimerais aussi que l’on retienne un prix indicatif, par exemple 320 ou 330 euros les 1 000 litres de lait, en deçà duquel le modèle qui nous est cher n’est plus tenable – le modèle de l’exploitation à taille humaine, respectueuse de son environnement, engagée dans l’agro-écologie, que l’on retrouve dans 75 % du croissant laitier, dans le Grand Est et surtout le Grand Ouest, où la production de lait reste massive, et qui concourt à l’équilibre de nos territoires, à la protection de l’eau, à la biodiversité. En deçà de ce prix, nous basculons dans un autre modèle : les usines à lait, l’import-export, le bas de gamme.
Tel est l’esprit de ces deux sous-amendements CE267 et CE266.
Cependant, l’amendement CE266 a été rédigé dans la précipitation. Je propose de le rectifier dans la rédaction suivante : « qui reflètent la diversité des bassins et des modes de production au regard de la triple performance économique, sociale et environnementale des exploitations définie à l’article L. 1 ».
Mme Catherine Vautrin. Effectivement, nous militons tous en faveur de la même logique de prise en compte des coûts de production et pour qu’un terme soit mis à la destruction de valeur généralisée.
Nous avons cherché des références pour déterminer le prix. Les propositions que vient de faire le rapporteur pour avis, notamment avec le sous-amendement CE266 rectifié, sont tout à fait constructives, et j’y adhère. La spécificité des bassins de production et la réalité des coûts seraient reconnues, de même que la qualité du travail, dans ses dimensions économique, sociale et environnementale. Il nous restera, ensuite, à travailler sur la relation avec le distributeur et sur le prix de l’industriel, mais chaque chose en son temps.
Mme Annick Le Loch. Je souscris totalement aux arguments qui viennent d’être développés et j’approuve les modifications proposées
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE228 participe du même esprit. Je pense que, sous-amendé comme le propose le rapporteur, l’amendement de M. Herth répond à nos préoccupations.
M. Thierry Benoit. Effectivement, nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’établir un lien entre les coûts de production, la marge des éleveurs et le prix payé par les consommateurs. Ce n’est quand même pas la même chose de vendre des produits agricoles qui deviennent des denrées alimentaires que de vendre des CD ou des abonnements téléphoniques ! La guerre des prix a fait beaucoup de mal à l’agriculture, mais les lignes commencent à bouger.
La commission adopte successivement les sous-amendements CE267 et CE266 rectifié.
Puis elle adopte les amendements CE29, CE43 et CE216, sous-amendés.
En conséquence, les amendements CE228 et 154 tombent.
Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements CE37 de M. Antoine Herth et CE153 de M. Thierry Benoit et les amendements identiques CE42 de Mme Catherine Vautrin, CE215 de Mme Annick Le Loch et CE227 de Mme Jeanine Dubié.
M. Antoine Herth. L’amendement CE37 a pour objet de préciser que « le contrat, contenant des volumes et un prix, est conclu avant le 30 novembre de l’année précédente ». Il s’agit de disposer de références solides en matière de coûts de production.
M. Thierry Benoit. Avant le printemps, les industriels négocient les conditions générales de vente avec la grande distribution. Nous proposons par l’amendement CE153 une période de négociation préalable entre producteurs et industriels, qui permettrait de tenir compte des coûts de production, des marges, des revenus des producteurs.
Mme Catherine Vautrin. La loi relative à la consommation, dite loi « Hamon », précisait que les conditions générales de vente devaient être adressées le 30 novembre. Pour être certains que les coûts de production sont bien pris en compte, exigeons que la négociation soit terminée avant l’envoi des conditions générales de vente. J’ai longtemps été réticente à l’inscription de dates dans un texte législatif, mais la loi Hamon a elle-même fixé les dates du 1er mars et du 30 novembre ; restons donc dans la même logique.
Mme Annick Le Loch. J’ajoute qu’il s’agit d’intégrer complètement les producteurs dans des négociations dont ils sont aujourd’hui exclus, alors que ce sont eux qui fournissent les produits et les matières premières ensuite transformés par les industriels. Donnons-leur toute la place qu’ils méritent.
M. le rapporteur pour avis. Encore une fois, je ne peux que souscrire à l’esprit dont procèdent ces propositions. Je suis de cette sensibilité régulatrice qui souhaite prendre en compte les coûts et les attentes légitimes des producteurs.
Se pose cependant un problème technique : les contrats laitiers sont non pas annuels mais d’une durée de cinq ans. Quant aux discussions sur le prix, en matière de lait, la « paye de lait », comme disent les éleveurs, est mensuelle. Des accords-cadres annuels seraient inadaptés à cette double réalité.
Par ailleurs, tous les observateurs le disent, notamment l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, il ne serait ni réaliste sur le plan technique, ni souhaitable sur le plan commercial de faire fi de la question des débouchés de nos transformateurs – des niches à forte valeur ajoutée aux marchés étrangers. Confrontés à une dégradation de leurs conditions économiques et ne sachant à l’avance quels seront ces débouchés, ils seraient tentés de se fournir auprès de pays dont la production accrue a déjà déstabilisé le marché et qui deviendraient nos premiers concurrents.
Il me coûte de vous le dire, chers collègues, mais je pense qu’il faut renoncer à cette proposition. Je vous invite à retravailler sur la question des contrats tripartites, de la pluriannualité, à saisir le ministre de la question en séance, éventuellement par un amendement qui ne poserait pas ces difficultés techniques.
Mme Brigitte Allain. Comme vous tous, chers collègues, j’avais été interpellée par les syndicats agricoles sur cette question, mais c’est plutôt la rigidité du calendrier fixé qui pose problème – l’échéance du 30 novembre pose notamment un certain nombre de problèmes en viticulture. Je n’approuve donc pas ces amendements.
Les amendements CE37, CE153, CE42, CE215 et CE227 sont retirés.
La commission est saisie de l’amendement CE182 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. L’article L. 441-3 du code de commerce dispose que, lors d’une vente, la facturation incombe au vendeur. Dans de nombreuses filières agricoles, néanmoins, l’usage veut que l’acheteur se charge de facturation – le vendeur délègue, en quelque sorte, la facturation à l’acheteur. Ce service, souvent intégré au contrat de fourniture, a nécessairement un coût.
L’une des difficultés est que le vendeur peut s’en trouver lié pour une longue durée, par mandat, à l’acheteur. La loi dispose ainsi que la durée de certains contrats de fourniture, par exemple les contrats laitiers, est d’au moins cinq ans. Ainsi, en même temps qu’un contrat de fourniture de lait, le producteur signe généralement un contrat de délégation de facturation à l’acheteur, les deux contrats étant généralement liés et de même durée. Or la puissance des grandes laiteries est sans commune mesure avec celle de la plupart des agriculteurs, et, pour modifier ce double contrat, il faut aller devant le juge – perspective souvent rédhibitoire.
Par cet amendement, nous proposons de dissocier le mandat de facturation du mandat de fourniture de produits agricoles et de limiter à un an la durée du mandat de facturation.
M. le rapporteur pour avis. Votre préoccupation est légitime, et la situation doit évoluer, mais cela ne peut se faire qu’à travers des mesures réglementaires, puisque le dispositif que vous visez relève de l’article R. 631-10 du code rural et de la pêche maritime. Le mieux serait donc d’interpeller le ministre de l’agriculture en séance sur cette question.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE147 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Depuis quatre ou cinq ans, l’Union européenne agite comme un hochet devant le nez des agriculteurs le dispositif de la contractualisation. Puisqu’elle permet également la création d’associations d’organisations de producteurs (AOP), nous proposons que le rôle de ces organisations de producteurs (OP) soit véritablement reconnu et que ce soit elles qui négocient les contrats de vente pour le compte de leurs adhérents. Cela encouragerait les éleveurs, parfois très individualistes, à y adhérer pour pouvoir peser davantage dans les négociations avec les grands industriels.
Je ne vois pas de raison de rejeter cet amendement qui va dans le sens des préconisations européennes.
M. le rapporteur pour avis. On peut ne pas être d’accord avec tout ce que recommande l’Europe. Par ailleurs, votre amendement « casserait » un décret lui-même structurant pour les AOP. Il est, de plus, ambigu : l’OP devrait-elle négocier et commercialiser les droits à produire ?
C’est un fait, l’abandon des quotas laitiers et des mécanismes de régulation afférents qui relevaient surtout de l’État et de l’Union européenne a conduit à une balkanisation de la production qui s’avère un véritable désastre, les uns ayant choisi de se regrouper en groupements de producteurs, d’autres en OP ou en AOP, à l’échelle des grandes ou des petites régions, d’autres encore par filière ou par entreprise. Tout est donc à réinventer.
Les syndicats agricoles que nous avons auditionnés prônent la création de grands bassins laitiers qui ne soient pas directement liés aux entreprises. Les OP y auraient en charge, non la gestion commerciale, mais la décision d’attribuer des contrats laitiers à ceux qui en ont le plus besoin – jeunes agriculteurs s’installant, fermes de taille moyenne ayant besoin de s’agrandir ou de se consolider, AOP ayant besoin de volume pour couvrir un marché prometteur, au plan local ou international. À défaut d’une régulation par les prix, nous aurions une régulation par les volumes. C’est dans cette optique que votre proposition est intéressante, car elle permettrait une véritable convergence des producteurs, dans l’esprit des quotas laitiers. Je suggère donc que vous la soumettiez au ministre en séance.
Mme Sophie Errante. Il y a, sur le marché du lait, une segmentation en amont des pratiques culturales et des modes de valorisation de la production, qu’il s’agisse d’une certification haute valeur environnementale (HVE), Bleu-Blanc-Cœur ou oméga naturels. Ce qu’attendent nos agriculteurs, c’est moins des normes que des solutions pour les aider à valoriser leur production.
L’amendement est retiré.
Article 30
(article L. 631-24-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Interdiction de la cessibilité marchande des contrats laitiers
a. L’obligation de contractualisation
La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a créé un article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime prévoyant que la conclusion de contrats de vente écrits de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation peut être rendue obligatoire par accord interprofessionnel ou, à défaut, par décret en Conseil d’État.
Faute de l’adoption d’un accord au sein de l’interprofession laitière (le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière–CNIEL), la contractualisation a été rendue obligatoire dans le secteur du lait de vache par le décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010 pris pour l’application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur laitier et créant les articles R. 631-7 à R. 631-10 du même code.
Dans le contexte des droits à produire européens, ces contrats étaient fixés par référence au quota individuel des producteurs. Ces volumes ont survécu à la fin des quotas laitiers.
La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a accordé un statut particulier aux relations contractuelles des sociétés coopératives avec leurs adhérents coopérateurs. Ces sociétés doivent intégrer dans leurs statuts, leur règlement intérieur ou dans les règles ou décisions prises en application de ces statuts, les clauses relatives aux contrats prévues au I de l’article L. 631-24.
Afin de sécuriser les débouchés des producteurs, d’éviter les renégociations fréquentes et de nombreux avenants aux contrats, la durée minimale des contrats a été portée à cinq ans par la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée (la durée minimale pouvait jusqu’à cette loi osciller entre un et cinq ans). Cette durée minimale peut être allongée à sept ans pour les personnes nouvellement installées ou ayant démarré cette production depuis moins de cinq ans.
Dans les cas de sociétés coopératives agricoles, la durée des adhésions est en général de cinq ans également.
L’anticipation de la fin des quotas laitiers européens a conduit la France à rendre possible les cessions de contrats de vente de produits agricoles.
Un amendement sénatorial à la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a repris la recommandation d’un rapport du CGAAER de 2012 (10) s’appuyant sur l’avis de la Commission interprofessionnelle des pratiques contractuelles (CIPC) précité.
Lorsqu’il s’applique au lait de vache, l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les acheteurs de lait (laiteries) puissent autoriser les vendeurs de lait (producteurs laitiers) à céder leur contrat en cours à d’autres producteurs. Formellement, les contrats dont il est ici question sont ceux qui concernent les relations entre les entreprises « privées » et les producteurs. Mais c’est dans le même esprit que des coopérateurs pourraient, avec l’accord du conseil d’administration de leur coopérative, céder à un tiers leur droit à produire, ce qui emporterait également cession de parts sociales de la coopérative.
Avec la fin des quotas laitiers la cession des contrats est devenue marchande (voir supra).
L’article 30 insère un article L. 631-24-1 au code rural et de la pêche maritime.
Il entend donner une réponse au développement de la cession, à titre onéreux, des contrats laitiers en l’interdisant pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la loi dont il est ici question.
Toute cession consentie à titre onéreux, même autorisée par l’acheteur, serait « frappée d’une nullité d’ordre public » c’est-à-dire qu’elle serait sans valeur légale compte tenu de l’atteinte à l’intérêt général.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur est très favorable à cet article qui répond à un effet pervers de la fin des quotas laitiers, particulièrement regrettable dans le contexte préoccupant de la situation économique des producteurs de lait. Il sécurise la période transitoire que vivent les producteurs laitiers depuis la fin des quotas. Comme le relève le rapport du CGAAER de décembre 2015 précité : « Le point d’équilibre entre producteurs et acheteurs s’est déplacé au détriment des producteurs. Avec la suppression des quotas laitiers, l’ajustement de l’offre de lait à la demande n’est plus abrité par des règles administratives, mais par les entreprises de la transformation au travers du système de contractualisation ».
Votre rapporteur considère cependant que le dispositif peut être élargi par deux amendements.
Un amendement porterait la durée de l’interdiction à sept ans pour s’adapter aux contrats prolongés de deux ans pour les personnes nouvellement installées ou ayant démarré cette production depuis moins de cinq ans. Cette mesure permettrait de s’adapter à la durée des contrats dont bénéficient souvent les jeunes agriculteurs, tout en restant temporaire.
Un second amendement étendrait l’interdiction à la cession partielle des contrats laitiers. Les cessions ne portent pas toujours sur la totalité des volumes de lait à livrer à une laiterie. Il arrive qu’un producteur ne souhaite céder qu’une partie des volumes dont il dispose pour ajuster sa production. L’OPLGO prévoit d’ailleurs dans son formulaire type de transfert de volume contractuel la divisibilité des volumes à céder (par tranches de 50 000 litres). À défaut d’interdiction, la cession partielle des obligations nées des contrats pourrait constituer une stratégie de contournement de l’article L. 631-24-1. Le rapport du CGAAER de décembre 2015 précité fait le constat que « L’interdiction de la scissibilité des contrats (« vente à la découpe ») qui favorise un accroissement de la valorisation, souvent déconnectée de l’économie réelle, doit être examinée » et recommande d’« approfondir la possibilité et l’opportunité pour les pouvoirs publics d’interdire, par des dispositions législatives d’ordre public, la cession librement négociée des contrats qu’elle soit totale ou partielle (scissibilité versus cessibilité) ».
La commission a émis un avis favorable à cet article tel qu’amendé par son rapporteur.
L’intérêt des commissaires pour la question de la gestion des volumes laitiers après la suppression des quotas a conduit le rapporteur à organiser une table ronde sur ce sujet.
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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE175, CE195 et CE194 de M. Yves Daniel et les amendements identiques C79 du rapporteur pour avis, CE34 de M. Antoine Herth, CE39 de Mme Catherine Vautrin, CE58 de M. Lionel Tardy et CE225 de Mme Jeanine Dubié.
M. Hervé Pellois. Le phénomène de vente de contrats entre producteurs laitiers et industriels prend de l’ampleur, ce que dénoncent de nombreux syndicats agricoles. On ne peut, en effet, donner gratuitement l’autorisation de produire à quelqu’un pour qu’il vende ensuite ce droit.
Ce système d’achat de débouchés freine l’installation de jeunes agriculteurs et favorise dans le même temps l’agrandissement d’exploitations à forts capitaux. Pour éviter une augmentation considérable du coût de l’installation et permettre aux exploitations de toutes tailles de vivre de leur production, les amendements CE175, CE195 et CE194 proposent d’empêcher la cession à titre onéreux des contrats laitiers soit par l’interdiction pure et simple de la contractualisation, soit en portant de cinq à douze ans – durée retenue pour l’amortissement du matériel nécessaire à une exploitation laitière – la période d’interdiction, soit enfin en portant cette durée à neuf ans, ce qui correspond à la durée d’un bail rural.
M. le rapporteur pour avis. Je suis, comme vous, profondément choqué que l’on puisse commercialiser ce droit à produire, mais on ne peut empêcher un contrat de faire l’objet d’une transaction commerciale au-delà d’une certaine durée, que le ministre a fixée à cinq ans et que plusieurs d’entre vous ont proposé d’étendre à sept ans. Je vais dans leur sens car, au-delà, il y a un risque d’inconstitutionnalité. Sept ans sont un maximum dont nous ne sommes pas non plus assurés qu’il soit validé par le Conseil constitutionnel.
Mme Catherine Vautrin. Nous sommes tous d’accord pour accroître la durée d’interdiction de cession à sept ans, en espérant que le Conseil constitutionnel ne s’y opposera pas.
M. Lionel Tardy. Autant prévoir une durée plus longue que la durée initiale puisque, pour des raisons juridiques, cette durée ne peut être que temporaire et non renouvelée.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de maintenir le caractère temporaire de l’interdiction, mais en en allongeant la durée.
Les amendements CE175, CE195 et CE194 sont retirés.
La commission adopte les amendements identiques C79, CE34, CE39, CE58 et CE225.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE41 de Mme Catherine Vautrin, CE59 de M. Lionel Tardy et CE226 de Mme Jeanine Dubié, et l’amendement CE80 du rapporteur pour avis.
Mme Catherine Vautrin. Afin d’éviter le contournement du dispositif, ces amendements posent de nouvelles interdictions sur les cessions à titre onéreux de contrats portant sur l’achat de lait de vache et les étendent à l’ensemble des laits.
M. Lionel Tardy. Notre amendement a deux objets : d’une part, l’extension de la mesure à tous les laits, pour une question d’équité ; d’autre part, l’extension de l’interdiction aux transferts totaux ou partiels des obligations nées d’un contrat de fourniture de lait. Cela permettra de couvrir toute la réalité des cessions à titre onéreux, en empêchant les montages juridiques permettant le contournement de la loi.
Mme Jeanine Dubié. Ces amendements visent l’ensemble des transferts et des obligations nées d’un contrat de fourniture de lait et empêchent les montages juridiques ayant vocation à limiter l’application de la loi.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement CE80 propose une rédaction plus conforme à la légistique en spécifiant que la mesure s’applique aux cessions totales comme partielles. Je suggère donc le retrait des amendements précédents.
Les cessions partielles ont déjà fait beaucoup de dégâts, puisque la simple cession partielle d’un quota laitier permettait de s’affranchir de l’interdiction de retourner une prairie permanente.
M. Antoine Herth. Nous parlons ici d’interdire la cession marchande des contrats afin d’empêcher la spéculation dénoncée par l’étude d’impact. Mais abordons la question sous un autre angle : le contrat en tant que tel constitue de la valeur pour une exploitation agricole et participe de sa richesse. Comment identifier précisément cette valeur et à quel endroit du bilan la faire figurer ? Comment la déclarer au fisc ?
La loi d’orientation agricole de 2006 permet d’intégrer cette valeur au fonds agricole – équivalent du fonds de commerce –, mais ce dernier reste assez peu utilisé, alors que cela permettrait de freiner la survalorisation du foncier.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement du rapporteur a pour objet d’empêcher que la cession, même partielle, du contrat laitier soit possible mais, à la différence de nos amendements, il ne concerne que le lait de vache. N’y aurait-il pas moyen de préciser que cette mesure s’applique à tous les laits ?
Mme Sophie Errante. Je voudrais signaler à M. Antoine Herth que les contrats laitiers sont aujourd’hui des contrats de volume et non des contrats de prix. Il serait donc compliqué de les valoriser, et la question du prix attaché à ces contrats mérite sans doute d’être posée.
M. le rapporteur pour avis. M. Antoine Herth pose la question de la valeur marchande des contrats dans la valorisation d’une exploitation. Mais la transmission de cette dernière ne s’accompagne pas nécessairement de la transmission du contrat, lequel peut être tombé en désuétude si l’exploitation ne produit plus de lait. Par ailleurs, selon la proposition ouverte par M. Thierry Benoit, c’est désormais à l’organisation professionnelle (OP) qu’il reviendrait de répartir les volumes.
Reste que je ne suis pas certain qu’il faille traduire en valeur ce droit à produire lié au contrat, mais l’argument sur la valeur du foncier pourrait m’inciter à reconsidérer la question. Tout cela mérite qu’on y réfléchisse, mais contentons-nous, pour le moment, de poser des garde-fous en interdisant les transactions pendant sept ans.
Quant à la question posée par Mme Michèle Bonneton, elle a une explication technique : le lait de brebis et le lait de chèvre ne font pas l’objet de contrats au sens des contrats laitiers. Néanmoins, on évoque le fait que les contrats puissent devenir obligatoires, notamment pour le lait de chèvre : cela peut justifier le dépôt en séance d’un amendement précisant que ces mesures s’appliquent non au lait de vache mais au lait sous contrat.
Mme Annick Le Loch. Cette discussion m’évoque la pêche et les quotas attachés aux bateaux. Lorsqu’un marin-pêcheur vend son bateau il vend également le quota attaché à celui-ci. Or ce quota n’est normalement pas monnayable, car le quota de pêche est attribué à la France de manière collective, et il ne peut pas être transféré individuellement.
M. le rapporteur pour avis. Je propose que nous organisions une table ronde avec la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et les autres acteurs concernés, sur la question des droits à produire.
La commission rejette les amendements identiques CE41, CE59 et CE226.
Puis elle adopte l’amendement CE80.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE40 de Mme Catherine Vautrin.
Mme Catherine Vautrin. L’amendement CE40 propose d’adapter la problématique de la cession des contrats aux producteurs coopérateurs qui, aux termes de l’article L. 521-1-1 du code rural et de la pêche maritime, ont la double qualité d’associés détenteurs de parts sociales et d’apporteurs de leur production. En application de cette double qualité, les parts détenues au capital de la coopérative sont indissociables de la production apportée, et le nombre de parts détenues est défini en fonction de cette dernière – d’où le fait que les coopératives sont nécessairement des entreprises à capital variable. En coopérative, si l’associé coopérateur souhaite céder son engagement d’activité, cela ne peut passer que par la cession de ses parts à leur valeur nominale. La cession doit être agréée par le conseil d’administration de la coopérative, qui déterminera avec le nouveau coopérateur l’engagement corrélatif.
M. le rapporteur pour avis. La coopérative appartenant au producteur, celui-ci dispose d’une double qualité : il est associé et apporteur de production à la coopérative. À ce titre, il ne peut, à proprement parler, exister de cession d’un contrat à titre marchand. Votre proposition ne peut donc pas être retenue mais j’en saisis l’esprit. Elle pose la question des OP dans la mesure où, en effet, les coopératives, qui gèrent la transmission et le partage des moyens de production de façon tout à fait spécifique, ne sont pas concernées par ce dispositif des cessions mais représentent malgré tout 55 % de la collecte. La cohabitation entre les différentes structures est donc un vrai défi que nous devons relever. D’où l’importance que cette loi Sapin II puisse être l’occasion d’un travail en profondeur sur les questions de régulation, pour nous permettre de réussir la transition vers l’après-quotas.
Mme Catherine Vautrin. Vous me certifiez que les coopératives ne sont pas concernées ?
M. le rapporteur pour avis. Oui.
L’amendement CE40 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE77 et CE78 du rapporteur pour avis.
Elle en vient ensuite à l’amendement CE142 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Afin d’encourager en amont la structuration de la production, nous souhaitons encourager la création d’OP et d’associations d’organisations de producteurs (AOP) et impliquer dans la cession des volumes, non seulement le cédant et le preneur, mais aussi les OP et les industriels.
Cet amendement confie donc à l’OP la gestion et l’attribution des volumes. En effet, il est ressorti du rapport sur l’avenir des filières d’élevage que nous avons produit avec Mme Annick Le Loch que le gré à gré posait de grandes difficultés aux jeunes agriculteurs, pour qui il était indispensable que les OP organisent la négociation et la répartition des volumes.
M. le rapporteur pour avis. Dans la mesure où seulement 18 % des volumes totaux collectés en France le sont chez des éleveurs adhérents à une OP, votre amendement n’est pas une solution. Je pense donc préférable que nous attendions les conclusions de la table ronde à laquelle je vous ai conviés pour nous faire notre doctrine à partir du rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et proposer des voies d’amélioration lors de la discussion en séance publique. Je suis certain que vous aurez l’oreille du ministre.
L’amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.
La commission est saisie des amendements identiques CE33 de M. Antoine Herth, CE47 de Mme Catherine Vautrin, CE157 de M. Thierry Benoit, CE214 de Mme Annick Le Loch et CE231 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Catherine Vautrin. Il s’agit d’instaurer un cadre commun pour chacun des acteurs de la filière, agriculteurs comme industriels.
Mme Annick Le Loch. Il s’agit d’instaurer un dialogue permanent entre les différents maillons des filières, en incluant les distributeurs ou les industriels, souvent absents.
Mme Jeanine Dubié. Notre amendement a pour objet d’instaurer, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles, une discussion entre tous les maillons de la filière pour l’ensemble des productions agricoles. Il est nécessaire, en effet, d’approfondir le dialogue interprofessionnel.
Par ailleurs, la conférence de filière, dont les modalités de mise en œuvre sont renvoyées à un décret, présenterait l’intérêt de fournir un cadre commun à l’ensemble des acteurs.
M. le rapporteur pour avis. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et votre proposition risque de nous attirer les foudres de la Commission européenne, pour qui le simple fait d’évoquer cette conférence dans la loi est contraire au dogme libéral, sachant qu’elle a déjà dénoncé la réunion et les contacts qu’a établis, dans l’urgence, le ministre de l’agriculture au moment de la crise laitière et de la crise du porc, obligeant toutes les parties prenantes à se justifier et à prouver qu’il ne s’agissait pas d’une entente illicite. Même si je partage votre idée, mon avis est donc défavorable.
Mme Annick Le Loch. Il y a une différence entre la table ronde convoquée par le ministre et l’organisation d’une conférence réunissant les différents professionnels.
M. Antoine Herth. La rédaction de l’amendement est identique à celle de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire adoptée par le Sénat. Elle ne comporte aucune référence ni aux prix, ni aux volumes mais précise que la conférence examine la situation de l’année en cours et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés pour l’année à venir.
Par ailleurs, les positions européennes évoluent, la Commission commençant notamment à se rallier à nos propositions en matière d’identification d’origine. Il n’est donc pas exclu qu’elle fasse de même sur cette question, et il me semble que nous avons pris les précautions suffisantes dans la rédaction de l’amendement.
M. Thierry Benoit. Les auditions que nous avons menées dans le cadre de notre mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage nous ont confirmé que, dans certaines filières, la tension est telle qu’elle empêche tout dialogue.
Si le mot conférence vous gêne, Monsieur le rapporteur, parlons de convention, de sommet ou de colloque, mais il faut que l’ensemble des acteurs, dont les producteurs, puissent échanger et s’entendre sur les diagnostics, les enjeux et les défis que doit relever la filière, notamment en matière de sécurité sanitaire, sans qu’il soit question d’une quelconque négociation sur les prix. Nous devons être audacieux et convaincre le ministre.
M. le rapporteur pour avis. Une grande partie de mon engagement et de mes combats est consacrée à développer ce type de dialogue, et il me coûte de vous opposer un refus, mais le ministère de l’économie et le ministère de l’agriculture nous ont tous les deux alertés sur le risque juridique. La Fédération nationale des producteurs de lait nous a également mis en garde sur les conséquences juridiques qu’auraient à subir les producteurs si une telle conférence était dénoncée et que cela faisait jurisprudence.
Par prudence, je vous invite donc à retirer ces amendements et à prendre le temps de réfléchir à une proposition qui aille dans ce sens mais dont nous soyons assurés qu’elle ne présente aucun risque juridique.
Mme Chantal Guittet. Il est important que cette question soit débattue dans l’hémicycle pour envoyer un message à l’exécutif.
M. le rapporteur pour avis. Cela peut-être une piste, à l’image de ce qui s’est produit en juillet 2015, lors de la crise agricole, lorsque M. Stéphane Le Foll avait organisé au Parlement une réunion des producteurs, des transformateurs et des distributeurs, qui sont parvenus à s’écouter.
M. Thierry Benoit. Madame Chantal Guittet ne propose pas une séance de bavardages en salle Lamartine mais d’aborder le sujet dans l’hémicycle, par le biais d’un amendement d’appel.
Les amendements sont retirés.
Article additionnel après l’article 30
Demande de rapport au Gouvernement
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de son rapporteur sur les pistes de renforcement des missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ainsi que sur l’opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement, en matière agroalimentaire, la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs.
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La commission en vient à l’amendement CE262 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel, qui propose que, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les pistes de renforcement des missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ainsi que sur l’opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement, en matière agroalimentaire, la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. J’espère néanmoins que cet amendement pourra tomber en séance au profit de propositions que pourrait nous faire le ministre.
Nous avons été capables de favoriser dans l’agriculture un modèle coopératif qui représente aujourd’hui 50 % de la transformation et de la collecte des biens agroalimentaires. Nous avons su favoriser les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) et les groupes de développement contre l’individualisme des agriculteurs. Nous devons maintenant être capables d’obtenir au plan commercial des avantages fiscaux et réglementaires qui favorisent les accords tripartites et les ententes.
La commission adopte l’amendement.
Article 31
(article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime)
Renforcement de l’obligation légale de dépôt de leurs comptes annuels par les sociétés agroalimentaires
Les articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce prévoient l’obligation, pour les sociétés commerciales, de déposer leurs comptes annuels (« comptes annuels, le rapport de gestion et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés ») au tribunal de commerce. Ces comptes annuels font alors l’objet d’une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
En application de l’article R. 247-3 du même code et de l’article 131-13 du code pénal, le non-dépôt des comptes est sanctionné d’une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. En application de l’article L.611-2 du code de commerce, le président du tribunal de commerce a aussi la faculté d’adresser au dirigeant de la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. En cas de non-respect de l’injonction par le dirigeant défaillant, le président du tribunal peut désigner un mandataire afin qu’il dépose les comptes en lieu et place du dirigeant. Cette procédure est une faculté offerte au président du tribunal.
Compte tenu de l’absence de l’usage de l’injonction sous astreinte par les présidents des tribunaux de commerce et de la faiblesse de l’amende au regard du chiffre d’affaires de certaines sociétés commerciales, la tentation de ne pas respecter cette obligation est grande. Le contexte concurrentiel entre sociétés commerciales est tel que nombre d’entre elles préfèrent s’acquitter de l’amende plutôt que de dévoiler au public (ces informations sont notamment disponibles sur internet) et donc à leurs concurrents, le détail de leurs comptes et, par là même, leur santé financière.
La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a créé l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires dans un contexte de forte volatilité des prix agricoles et à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a favorisé le pouvoir d’achat des ménages mais également le pouvoir de la distribution. L’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime dispose qu’il « a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires, qu’il s’agisse de produits de l’agriculture, de la pêche ou de l’aquaculture ».
L’article 31 complète l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime consacré à l’observatoire en donnant à son président la possibilité de saisir le tribunal de commerce lorsqu’il constate qu’un dirigeant d’une société commerciale de transformation agricole ou de commercialisation de produits alimentaires n’a pas déposé ses comptes au tribunal de commerce dans les conditions et délais légaux (articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce).
Il s’agit, pour le président de l’observatoire, d’un nouveau rôle d’alerte du président du tribunal de commerce afin qu’il enjoigne à la société agroalimentaire de déposer ses comptes à bref délai sous astreinte. L’article 31 fixe le montant maximal de l’astreinte journalière (à compter de la date fixée par l’injonction) à 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société commerciale au titre de son activité de transformation de produits agricoles ou de commercialisation des produits alimentaires.
Ce dispositif établit potentiellement une sanction beaucoup plus importante que celle aujourd’hui possible et instaure une procédure spécifique aux sociétés agroalimentaires (transformateurs et distributeurs), sociétés desquelles dépend le sort de l’amont de la filière à savoir les producteurs agricoles qui leur sont liés par des contrats commerciaux.
Les sociétés coopératives agricoles et unions ne sont pas concernées par ce dispositif applicable aux seules sociétés commerciales. En application de l’article L. 521-1 du code rural et de la pêche maritime, « les sociétés coopératives agricoles et leurs unions forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales ». Celles-ci sont pourtant concernées par l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels dès lors qu’elles dépassent deux des trois seuils suivants (11) : l’emploi d’au moins dix salariés en contrat à durée indéterminée, un chiffre d’affaires hors taxes de 534 000 euros ou un montant total de bilan de 267 000 euros.
3. La position de votre rapporteur
Dans son avant-propos au rapport au Parlement de 2015, l’observatoire rappelait que sa création avait été justifiée par « l’absence de transparence et plus encore de confiance dans les relations entre acteurs au long de la filière ».
Le travail de l’observatoire a pour objet d’assurer la transparence des prix de production et des marges de chaque acteur dans la chaîne de production, de transformation et de distribution permettant ainsi avoir des informations sur la répartition de la valeur ajoutée dans les filières agroalimentaires. Le défaut de publication des comptes par les entreprises agroalimentaires nuit à la transparence des prix et des marges et, de ce fait, à l’équilibre commercial entre les producteurs et l’aval de la filière.
Autorité morale, légitime et indépendante, le président de l’observatoire est chargé de faire état de la transparence dans la filière et est ainsi la personne la mieux placée pour alerter le pouvoir judiciaire sur les entreprises qui se soustraient à leur obligation de dépôt des comptes. Par ses conséquences sur la réputation de la société commerciale incriminée, le signalement devrait avoir un effet dissuasif important.
La création d’une astreinte journalière est, contrairement à une amende ponctuelle, de nature à maintenir une pression quotidienne sur les entreprises défaillantes.
L’existence d’un plafond d’astreinte est de nature à encadrer mais surtout à guider le président du tribunal de commerce dans le choix de la sanction. Le montant du plafond choisi est suffisamment significatif pour que les sociétés n’aient plus intérêt à préférer de payer l’amende plutôt que de publier leurs comptes.
Outre son amendement demandant un rapport au périmètre assez large (après l’article 31), votre rapporteur proposera en séance renforcement du rôle de l’observatoire.
4. L’avis de la commission
La commission a émis un avis favorable à cet article tel qu’amendé par son rapporteur.
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La commission est saisie de l’amendement CE198 de M. Yves Daniel.
M. Yves Daniel. L’article 31 renforce les mesures disponibles en cas de non-dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires. Le partage de la valeur ajoutée est un sujet particulièrement sensible dans le secteur agroalimentaire, compte tenu du déséquilibre du rapport de force dans les relations contractuelles entre les agriculteurs, d’une part, les industriels de la transformation et les entreprises de la distribution, d’autre part. C’est ce déséquilibre qui a en partie justifié la création de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, chargé, entre autres, de contribuer à la transparence de la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières. Cet amendement vise donc à inscrire clairement cette mission de l’Observatoire dans les textes.
M. Dominique Potier, rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait, car l’Observatoire contribue de facto à diffuser des informations sur le partage de la valeur ajoutée. J’ai, par ailleurs, proposé que soit remis au Parlement un rapport sur le renforcement de ses pouvoirs. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
La commission examine l’amendement CE185 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Il s’agit d’aligner le régime des coopératives sur celui des sociétés commerciales et de les obliger à publier leurs comptes dans les mêmes conditions.
M. le rapporteur pour avis. Votre amendement n’est pas juridiquement défendable, car nous traitons du droit commercial, auquel ne sont pas soumises les coopératives.
Par ailleurs, les coopératives ont l’obligation d’être transparentes vis-à-vis de leurs sociétaires et de publier leurs prix et leurs marges. Nous avons veillé, tant dans la loi d’avenir pour l’agriculture que dans la loi relative à la consommation, à renforcer leurs obligations en la matière.
Je vous invite néanmoins à défendre cette proposition lors de la séance publique, au travers d’un amendement juridiquement acceptable.
L’amendement est retiré.
La commission en vient à l’amendement CE143 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Cet amendement précise que l’article 31 concerne également les entreprises de la grande distribution et pas uniquement les entreprises de transformation agroalimentaires.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement est satisfait, car les entreprises de la grande distribution sont des sociétés commerciales commercialisant des produits alimentaires.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE48 de Mme Catherine Vautrin.
M. Lionel Tardy. Au vu des inquiétudes des professionnels et notamment des PME, il paraît utile d’effectuer une approche différenciée entre microentreprises et PME, d’une part, et ETI et grandes entreprises, d’autre part, afin de ne pas fragiliser les relations commerciales et le rapport de confiance indispensable entre les entrepreneurs à la tête de microentreprises ou de PME et leurs clients. Dans un contexte de guerre des prix, un traitement similaire entre des acteurs économiques qui ne sont pas égaux dans les faits provoquerait des situations de déséquilibre et ferait peser un risque supplémentaire sur les marges des microentreprises et des PME.
M. le rapporteur pour avis. Je comprends la logique de cet amendement, mais l’objet du projet de loi est de renforcer le pouvoir des agriculteurs dans leurs rapports commerciaux avec les entreprises, quelle que soit la taille de ces dernières. Les PME locales comme les grands groupes peuvent parfois s’inscrire dans un rapport léonin avec les producteurs. J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision CE81 du rapporteur pour avis.
Elle en vient à l’amendement CE144 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Compte tenu de la volatilité des prix, nous proposons que le rapport rendu au Parlement par l’Observatoire des prix et des marges ait une périodicité de six mois.
M. le rapporteur pour avis. Nous avons soumis votre idée à M. Philippe Chalmin, le président de l’Observatoire, qui nous a répondu que l’Observatoire avait déjà du mal à être réactif et à produire dans les temps un rapport annuel. Passer à une cadence semestrielle serait un défi hors de sa portée. Ce ne serait d’ailleurs pas nécessairement pertinent pour tous les produits. Avis défavorable
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE146 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Nous proposons que l’Observatoire puisse procéder à une analyse comparative des pratiques en vigueur dans les autres États membres de l’Union européenne.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Avec ses 3,5 unités de travail humain (UTH) et chargé d’une simple mission d’information, l’Observatoire n’a ni l’envergure, ni l’autorité pour aller enquêter dans les multinationales de nos voisins.
En revanche, une agence européenne serait la bienvenue et fournirait des éclairages pertinents permettant de faire cesser certains fantasmes à propos de nos concurrents. L’idée, par exemple, que les Allemands sont très performants en matière de coûts agricoles ne résiste pas à l’analyse. Cela pourrait faire l’objet d’un amendement d’appel en séance publique.
L’amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 modifié.
La commission est saisie de l’amendement CE176 de Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à supprimer la vente au déballage de fruits et légumes frais qui donne lieu à des abus croissants, en particulier de la part de vendeurs espagnols qui envahissent littéralement certaines villes du Sud-Ouest de la France – c’est le cas de Bergerac. Cette vente sauvage suscite la colère des commerçants et des agriculteurs, qui dénoncent une distorsion de concurrence. Quand bien même on ne produit pas d’oranges en Bergeracois, les gens préfèrent acheter pour 1 euro un kilo d’orange plutôt que les pommes cultivées sur place. De surcroît, les vendeurs déposent une déclaration pour des oranges mais proposent également de la charcuterie, le tout à même le sol. Bref, c’est l’anarchie.
M. le rapporteur pour avis. Votre amendement n’est pas le seul à vouloir réglementer ces ventes « sauvages », mais abroger l’article L. 310-2 aurait pour effet de supprimer les seules mesures réglementant les ventes au déballage, ce qui n’est pas dans votre intérêt et aurait l’effet contraire de celui que vous escomptez. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Mme Brigitte Allain. Une interdiction de ces ventes aurait le mérite d’être claire mais, s’il est mal rédigé, je retire mon amendement.
L’amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE180 de Mme Brigitte Allain, CE220 de Mme Annick Le Loch, CE224 de Mme Jeanine Dubié et CE50 de Mme Catherine Vautrin.
Mme Brigitte Allain. L’amendement de repli CE180 vise à réglementer la vente au déballage, pour laquelle la loi de modernisation de l’économie avait imposé une demande d’autorisation à la mairie ; dorénavant une simple déclaration pour une durée de deux mois suffit. Mais cette déclaration est aisément contournée par les vendeurs qui, après s’être déclarés pour deux mois à tel endroit, changent de localité pour les deux mois qui suivent, et ainsi de suite, tandis qu’un autre vendeur les remplace sur les emplacements qu’ils ont quittés. Il s’agit d’une organisation très structurée qui transforme ces ventes en ventes permanentes.
M. le rapporteur pour avis. En visant les producteurs espagnols dont les pratiques sont connues, vous toucherez également les producteurs fermiers du pays qui utilisent des espaces publics pour vendre ponctuellement leurs fruits et légumes. On ne peut, par ailleurs, cibler un pays spécifique sans entrer dans une logique de discrimination, qui porterait atteinte au principe européen de libre concurrence. Il faut donc explorer d’autres voies, et je vous invite à retirer votre amendement.
Mme Brigitte Allain. Nous proposons simplement que le vendeur fasse une attestation sur l’honneur dans laquelle il s’engage au respect de la déclaration préalable. Il n’est pas anormal de vouloir réglementer ces ventes comme l’on réglemente les marchés de plein vent ou l’ouverture des commerces. La réglementation doit s’appliquer à tous les vendeurs, qu’ils soient locaux ou étrangers – je n’ai rien contre les vendeurs espagnols ou portugais –, sans qu’ils puissent la contourner pour pratiquer une concurrence déloyale.
Mme Annick Le Loch. Je pense, comme Mme Brigitte Allain, qu’il s’agit là d’un sujet préoccupant et qu’il y a lieu de mettre un peu d’ordre dans ces pratiques, qui posent entre autres des problèmes d’hygiène.
L’amendement CE220 vise à réguler, et non à interdire, la vente au déballage des fruits et légumes, qui constitue en effet une concurrence déloyale pour les commerçants sédentaires de proximité : cette vente au déballage doit conserver un caractère exceptionnel. C’est pourquoi nous proposons de la limiter à deux mois par an pour chaque vendeur.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE224 vise aussi à réguler plutôt qu’à interdire les activités de vente au déballage de fruits et légumes. Monsieur le rapporteur, la marchandise peut être espagnole, mais les vendeurs ne le sont pas forcément !
Ces ventes sont en forte augmentation, dans des lieux de plus en plus divers – parkings des stations-service, des boulangeries… Elles sont réalisées par des commerçants qui ne respectent notamment pas toujours les durées d’activité : il est facile de contourner la loi et d’effectuer cette activité à temps plein, en changeant simplement tous les deux mois de lieu d’implantation. Ces commerçants « itinérants permanents » sont de plus en plus nombreux.
Pour limiter ce phénomène de concurrence déloyale vis-à-vis des commerçants qui subissent des charges et des contraintes réglementaires nombreuses, cet amendement propose d’interdire d’exercer cette activité plus de deux mois par an, où que la vente se fasse.
M. Lionel Tardy. L’amendement CE50 est dans le même esprit.
Les ventes au déballage de fruits et légumes frais se multiplient le long des routes et sur les parkings. Le Sud-Est et le Sud-Ouest sont particulièrement concernés par ces ventes réalisées par des commerçants qui en font une activité à temps plein, en changeant tous les deux mois de lieu d’implantation, sans en respecter les règles, ni payer les charges afférentes. Ces commerçants deviennent ainsi des « itinérants permanents ».
Pour lutter contre ce phénomène, il est proposé de redonner un caractère exceptionnel aux ventes au déballage en interdisant d’exercer cette activité plus de deux mois par an, quel que soit le lieu de vente.
M. le rapporteur pour avis. J’entends tous les arguments sur l’inégalité de traitement, mais il ne faut pas négliger l’arsenal juridique dont l’État dispose déjà. Le problème tient plutôt, me semble-t-il, à un déficit de contrôle. En limitant les ventes au déballage comme vous le proposez, on pourrait affecter de façon injuste des producteurs fermiers, et on rendrait plus complexe la vie de tout un chacun, ce qui n’est pas votre objectif.
Je comprends que vous souhaitiez remettre de l’ordre. Mais nous ne pouvons pas voter de dispositions discriminatoires. Cela ne veut pas dire qu’il faille renoncer ; ces amendements viennent, je le sais, d’une interprofession des fruits, qui est très responsable et qui n’est pas dans une logique de protection du marché national : elle veut une équité de traitement et elle a travaillé en ce sens.
Sur ce sujet, dont le ministère de l’agriculture n’a pas, je crois, pris d’emblée la juste mesure, je propose que nous écrivions ensemble un amendement solide juridiquement, qui n’apporte pas de complexité supplémentaire, mais qui réponde au problème que vous soulevez. J’aurais, comme vous, préféré régler la question ce soir, mais il faut absolument que notre rédaction évite toute discrimination à l’égard de nos voisins européens et toute complexité réglementaire supplémentaire.
Il faut au moins que le ministre s’engage à nous dire les mesures qu’il entend mettre en œuvre dans les mois à venir.
J’émets donc un avis défavorable à ces amendements, mais j’ai parfaitement perçu votre volonté de résoudre de façon pragmatique ce problème bien réel, et qui suscite beaucoup de colère dans nos territoires.
M. Philippe Le Ray. Nous sommes tous d’accord sur le fond. Mais si l’on fixe une limite à deux mois, on risque d’avoir une demande de la sœur, puis du frère, et d’autres à la suite, pour en arriver à six mois de l’année. Localement, ces situations sont bien connues : ne faudrait-il pas permettre aux collectivités territoriales – communes ou intercommunalités – d’agir, notamment sur les autorisations d’emplacement ? Sinon, on n’en sortira pas, car ils trouveront toujours la faille. J’ajoute que le Sud-Est n’est pas seul concerné : c’est quelque chose que l’on voit partout !
M. le rapporteur pour avis. L’une des pistes de réflexion concerne certainement l’hygiène – Mme Allain évoquait ainsi les déballages de fruits au sol – ; une autre peut, en effet, être liée à l’urbanisme. On n’a pas le droit de garer une caravane devant sa maison toute l’année ; de même, on pourrait imaginer confier aux communautés de communes le pouvoir de réglementer ces pratiques commerciales. Le droit du sol, la protection de l’ordre public me paraissent des voies intéressantes et moins attaquables sur le plan européen.
C’est pourquoi je propose qu’une réunion avec le cabinet du ministre vise à dégager, de façon transpartisane, une solution juridiquement solide et qui n’apparaisse pas comme politiquement discriminatoire – il ne faut pas un amendement « fruits espagnols », mais un amendement « commerce équitable dans les villes de France ».
M. Éric Straumann. C’est un problème qui n’existe pas seulement dans le Sud : en Alsace, en ce moment, nombre de producteurs allemands traversent la frontière pour vendre leurs asperges au bord des routes ; et à Noël, ce sont les sapins. Par contre, en Allemagne, nos producteurs se heurtent à une réglementation qui les empêche de vendre de cette façon !
Mme Jeanine Dubié. Ce sont des productions étrangères qui sont concernées, mais là n’est pas le sujet : ce que nous voulons, c’est lutter contre la concurrence déloyale, quelle que soit l’origine du produit. Il y a aussi des produits d’origine française qui sont vendus au déballage.
Je ne vois pas en quoi la déclaration sur l’honneur et la tenue d’un registre des ventes que nous proposons compliqueraient outre mesure la vie des uns et des autres, et seraient anti-européennes !
Mme Annick Le Loch. Est-ce vous, monsieur le rapporteur, qui proposerez un amendement à la suite de la réunion de cabinet ?
M. le rapporteur pour avis. J’ai bien compris les arguments permettant de recentrer le sujet. Ce que je propose, c’est que tous ceux qui se sont exprimés signent un même amendement, rédigé en coordination avec le ministère de l’agriculture. Ce sera, je crois, un vrai progrès, car le problème est réel, même s’il a été quelque peu négligé au départ. Vous m’avez entièrement convaincu, et il nous reste à convaincre le ministre tous ensemble. Ne votons pas ce soir quelque chose d’incertain : bâtissons une réponse solide. Encore une fois, le droit du sol me paraît la fondation la plus solide.
Mme Annick Le Loch. Je retire mon amendement si vous me donnez l’assurance qu’il y aura une réunion de travail sur ce thème.
Mme la présidente Frédérique Massat. Le texte ne passe en séance publique que le 6 juin prochain.
L’amendement CE220 est retiré.
Mme Jeanine Dubié. Je maintiens mon amendement. C’est un vrai sujet, qui mérite d’être traité. Votons cet amendement, quitte à en améliorer la rédaction par la suite.
La commission rejette successivement les amendements CE180, CE224 et CE50.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CE177 et CE178 de Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Il existe plusieurs formes possibles de réglementation. Les amendements précédents proposaient une version plutôt légère. L’amendement CE177 propose d’imposer, comme c’était le cas naguère, une demande d’autorisation. L’amendement CE178 vise à transférer la décision d’autorisation d’installation à l’intercommunalité, niveau plus pertinent : on éviterait ainsi l’itinérance d’une commune à l’autre comme elle existe aujourd’hui.
M. le rapporteur pour avis. Imposer une demande d’autorisation serait source de lourdeurs administratives. Encore une fois, je pense qu’il faut chercher une solution globale.
La commission rejette successivement les amendements CE177 et CE178.
Puis elle discute de l’amendement CE179 de Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Je propose, avec cet amendement, que les ventes au déballage respectent les normes d’hygiène applicables sur les marchés de plein vent. Cela me paraît un minimum !
M. le rapporteur pour avis. La réponse qui nous est faite aujourd’hui est que, pour des ventes durant moins de deux mois dans l’année, on ne peut exiger de telles contraintes.
M. Thierry Benoit. Monsieur le rapporteur, qui vous dit cela ? Nous, nous disons le contraire.
M. le rapporteur pour avis. Je vous donne le point de vue de la direction générale de la concurrence et surtout des services chargés de la surveillance de l’hygiène. Ce que vous proposez, qui paraît raisonnable à certains égards, frapperait durement des producteurs fermiers. Vous connaissez le sujet mieux que moi.
Mme Brigitte Allain. Ces producteurs fermiers respectent ces contraintes toutes les semaines sur les marchés de plein vent !
M. le rapporteur pour avis. On ne peut pas exiger la même chose pour les ventes au déballage.
M. Philippe Le Ray. Les producteurs ont l’habitude de vendre : je n’en connais pas beaucoup qui ne vendent que deux mois dans l’année ! Ils sont en général présents au moins six mois, voire plus. Ceux qui vendent deux mois par an ne sont pas de grands professionnels de la vente, ce sont plutôt des gens qui profitent des circonstances, de la saison touristique, par exemple.
C’est rare, mais je rejoins entièrement Mme Brigitte Allain : il faut à tout le moins que la vente au déballage se voie imposer les mêmes contraintes que celles qui prévalent sur les marchés. Ceux qui vendent au bord des routes ne sont pas en concurrence avec les grandes surfaces, mais avec le petit commerçant de proximité du secteur !
Je ne crois pas du tout que cet amendement desserve les producteurs locaux qui sont généralement plutôt bien organisés.
M. le rapporteur pour avis. Encore une fois, réécrivons un amendement qui intègre toutes ces dimensions, qui réponde à vos attentes et qui soit solide juridiquement, en évitant les effets collatéraux malheureux. Je vous propose de déposer, en séance, un amendement consensuel. J’ai pleinement conscience de l’importance du sujet.
Mme Brigitte Allain. Je maintiens l’amendement. Cela n’empêche pas de travailler, mais je ne vois pas comment l’on pourra écrire plus clairement que les normes doivent être les mêmes pour tous, que l’on vende au bord d’une route ou sur la place du village. À l’occasion d’une mission d’information, je me suis rendue à Mayotte, où j’ai vu des personnes vendre des thons sur des palettes qui avaient forcément été traitées ! Ce sont des questions de santé publique. J’ai aussi rencontré là-bas des agriculteurs et des pêcheurs qui voudraient développer la vente locale mais qui estiment que ces vendeurs au déballage leur font une concurrence absolument déloyale. Mayotte, c’est particulier, bien sûr, mais pas tant que cela, finalement !
La commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE164 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Lorsque quatre centrales d’achat, qui alimentent 65 millions de consommateurs, réalisent environ 90 % des achats aux fournisseurs, on ne peut plus parler de concurrence. Dans un avis publié en avril 2015, l’Autorité de la concurrence a elle-même identifié plusieurs risques concurrentiels sur les marchés amont et aval de la filière agroalimentaire.
Nous proposons que l’Autorité de la concurrence fixe un seuil de parts de marché maximal au-delà duquel la concentration est interdite. La stratégie agricole et agroalimentaire de la France impose des mesures structurelles mais elle ne pourra véritablement être garantie, à l’avenir, sans une réadaptation de fond de la politique de la concurrence. Nous proposons donc, de manière pragmatique, de casser l’oligopole des centrales d’achat. C’est la suite de la discussion que nous avons eue cet après-midi avec M. Emmanuel Macron.
M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait : l’abus de position dominante est déjà prévu par notre droit. Le contrôle de l’Autorité de la concurrence doit se faire au cas par cas.
M. Thierry Benoit. Nous ne pensons pas cela. Tout à l’heure, lorsqu’il a été question d’organiser une simple conférence de filière, vous nous avez expliqué qu’il fallait se méfier, que l’on pourrait soupçonner une entente alors même qu’il ne s’agissait que de parler de stratégie agro-alimentaire. Ici, nous parlons de pratiques commerciales, de centrales d’achat qui représentent 90 % des achats aux fournisseurs pour un marché unique de 65 millions de consommateurs. Il y a un vrai problème, et il est légitime que nous intervenions : les relations sont déséquilibrées au point que la concurrence a disparu dans certains secteurs. Il faut remettre de la concurrence.
M. Antoine Herth. L’amendement me paraît intéressant. Il va plus loin que le droit actuel, en obligeant l’Autorité de la concurrence à rebattre les cartes. La Commission européenne ne fait pas autre chose lorsqu’elle examine les rapprochements d’entreprises et casse ce qu’elle considère comme des positions dominantes.
M. le rapporteur pour avis. Il ne serait pas possible, dans l’état actuel du droit, de n’appliquer cette mesure qu’aux seuls produits alimentaires : il pourrait y avoir des conséquences majeures que nous ne soupçonnons pas. De plus, en fixant un seuil, nous provoquerions des contournements.
Nous partageons le même but, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cet amendement ne paraît pas pertinent au ministre de l’agriculture, dont vous savez à quel point il est partisan d’un rééquilibrage des forces.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE158 de M. Thierry Benoit et CE240 de Mme Annick Le Loch, et l’amendement CE241 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. Nous avons déjà évoqué la question de la dévalorisation des produits alimentaires. De nombreuses enseignes de grande distribution proposent des remises commerciales sur des produits agricoles, ce qui finit par les banaliser, à l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Cette guerre des prix désoriente le consommateur et déstabilise les marchés. L’amendement CE158 tend donc à interdire les avantages tarifaires négociés sous forme de produits agricoles gratuits.
J’espère que cette fois ni l’Europe, ni l’Autorité de la concurrence, ni l’Observatoire des marges et des prix ne contrecarreront nos intentions. Reconnaissez, Monsieur le rapporteur, que si nous sommes d’accord sur les diagnostics depuis des mois, il n’y a pas grand-chose qui trouve grâce à vos yeux – ou en tout cas à ceux de vos conseillers.
Mme Annick Le Loch. Les deux amendements CE240 et CE241 proposent, de la même façon, de mieux réguler les marchés.
M. le rapporteur pour avis. N’accusons pas l’Europe ! Vous êtes un peu injuste, Monsieur Thierry Benoit : les amendements les plus importants ont été adoptés, nous avançons pas à pas, ce soir, dans la réforme de la loi de modernisation de l’économie (LME).
Ceux-là sont satisfaits : l’article du code de commerce que vous visez dispose déjà qu’« un distributeur ou prestataire de services ne peut bénéficier de remises, rabais et ristournes ou prévoir la rémunération de services rendus à l’occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct ». Cette disposition existe ; est-elle appliquée ? C’est une autre question.
Je vous invite à retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Les amendements CE240 et CE241 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CE158.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE162 de M. Thierry Benoit et CE246 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE162 vise à mieux encadrer les négociations commerciales et à permettre à tous les acteurs de disposer de preuves écrites attestant la véracité des accords. Nous voulons tous rééquilibrer le rapport de force. Or, dans des discussions orales, le fort prévaudra toujours sur le faible.
Mme Annick Le Loch. Ces contraintes sont nécessaires, hélas !
M. le rapporteur pour avis. Les experts doutent tous de l’efficacité d’un tel formalisme, qui pourrait même se révéler nuisible. Je sais que votre proposition est sincère, mais je vous demande de la retirer : ce n’est pas la bonne réponse à une bonne question.
L’amendement CE246 est retiré.
La commission rejette l’amendement CE162.
Article additionnel après l’article 31
(article L. 441-7 du code de commerce)
Mention du nom du rédacteur ou du négociateur dans chaque écrit
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement rendant obligatoire la mention du nom du rédacteur ou du négociateur dans chaque écrit utilisé dans les négociations annuelles aboutissant aux conventions écrites définissant un prix entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services. L’indication du nom du rédacteur ou du négociateur assurera plus de formalisme et de transparence dans la tenue des négociations.
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Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CE163 de M. Thierry Benoit et CE247 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE163 prévoit que chaque négociateur sera clairement et nommément identifié. Les négociations commerciales sont très exigeantes, et les dominants imposent leur volonté de manière très rude. Nos auditions l’ont clairement montré : un encadrement plus strict est nécessaire.
Nous reprendrons ces discussions dans l’hémicycle, au grand jour. On ne peut pas se plaindre que rien ne va et refuser d’agir !
Mme Annick Le Loch. Mes arguments sont les mêmes. Nous avons entendu des choses sur les négociations commerciales qui sont d’un autre âge, avec des pressions et des pratiques inacceptables. Les fournisseurs sont traités de façon inadmissible. Les comportements doivent changer. Je ne sais pas si l’outil législatif s’y prête, mais il faut modifier ces relations qui, aujourd’hui, n’ont rien du partenariat. L’amendement CE247 vise donc à une meilleure régulation de ces discussions.
M. le rapporteur pour avis. Je suis sensible à cette nécessité d’une meilleure transparence de la négociation. Mes conseillers, comme dit M. Thierry Benoit, étaient plutôt défavorables à ces propositions, mais j’émets un avis de sagesse, avec une préférence pour l’amendement CE247.
La commission rejette l’amendement CE163 et adopte l’amendement CE247.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE160 de M. Thierry Benoit et CE244 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE160 permet d’intégrer les produits à marque de distributeurs aux dispositions prévues à l’article L. 441-7 du code de commerce régissant les conventions uniques ou les contrats-cadres.
M. le rapporteur pour avis. Votre remarquable rapport commun sur l’avenir des filières d’élevage a été mon livre de chevet ces derniers jours, et vos propositions vont dans le bon sens. Juridiquement, celle-ci est fragile ; il y a un travail à faire sur les nouveaux instruments promotionnels (NIP), mais il faut en discuter d’ici à la séance publique.
Madame Annick Le Loch, Monsieur Thierry Benoit, je vous invite vraiment à contacter le cabinet du ministre pour aboutir à une proposition moins excessive, plus étayée.
Je demande donc le retrait.
L’amendement CE160 est retiré.
Mme Annick Le Loch. Mieux vaut tenir que courir…
M. Thierry Benoit. J’ai retiré mon amendement pour faire avancer la cause !
M. le rapporteur pour avis. Cette proposition d’amendement est intéressante dans la mesure où une grande partie des volumes vendus par la grande distribution le sont sous marque de distributeurs – d’après le médiateur, 70 % des relations commerciales, chiffre considérable.
Avant de vouloir étendre la convention unique, il faudrait toutefois d’abord en améliorer le fonctionnement. En outre, vos amendements posent plusieurs difficultés techniques : l’expression « produits à marque de distributeurs » ne convient pas, il faudrait se référer à l’expression dédiée dans le code de commerce et modifier l’article dans son ensemble.
Votre rapport parlementaire est excellent et votre démarche exemplaire. Je ne saurais vous reprocher de ne pas avoir contacté le cabinet du ministre, mais vos amendements sont imparfaits techniquement. Le ministre a pourtant envie de donner un avis favorable à ces propositions – comme moi, d’ailleurs.
L’amendement CE244 est retiré.
La commission en vient à l’amendement CE242 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement vise à limiter la dérive des fameux NIP afin qu’ils ne dépassent pas, pour tous les produits alimentaires frais issus de la première transformation, 30 % de la valeur unitaire du prix du produit, frais de gestion compris. La dérive des NIP encourage la déstabilisation des marchés par la vente à perte systématique de certains produits et amplifie les situations de crise dans les filières d’élevage.
M. le rapporteur pour avis. Comme tout à l’heure, cet amendement présente des problèmes de rédaction, mais le ministre est tout à fait favorable à votre proposition sur le fond. Retrouvons-nous en séance pour trouver une issue favorable.
Sur la vente au déballage, je le redis, il n’y aura pas de statu quo ; de même, les propositions de votre rapport peuvent devenir des mesures très novatrices. Je serai heureux de vous apporter tout mon soutien en séance publique.
L’amendement est retiré.
Article additionnel après l’article 31
(article L. 441-7 du code de commerce)
Introduction de la possibilité de conclure des conventions écrites pluriannuelles
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement et d’un sous-amendement rendant possible, pour les produits alimentaires, l’adoption d’une convention écrite pluriannuelle conclue pour plus d’un an et jusqu’à trois ans. L’adoption de conventions pluriannuelle est de nature à sécuriser les fournisseurs mais surtout les producteurs en leur donnant une visibilité sur leurs débouchés et en leur permettant d’avoir des perspectives de développement. Conformément à l’avis du Conseil économique, social et environnemental du 11 mai 2016, la pluriannualité permettrait de rompre avec la négociation commerciale annuelle qui, d’une part, ne permet pas aux entreprises de prévoir des plans d’affaire et de développement sur une période suffisamment longue pour développer une politique stable d’investissements, et d’autre part, engage les forces des entreprises productives dans des négociations trop fréquentes et épuisantes pour les directions de ces entreprises.
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La commission discute de l’amendement CE208 de M. Guillaume Garot, qui fait l’objet du sous-amendement CE268 du rapporteur pour avis.
M. Guillaume Garot. Il s’agit encore de négociations commerciales. Aujourd’hui, la règle est celle de la grande lessiveuse de la négociation annuelle, qui ne permet pas d’avoir une vision à long terme des prix, donc des marges, donc de la capacité à investir, innover, exporter. Cet amendement tend à porter à trois ans la durée des conventions, afin de donner de la visibilité à toutes les parties, acheteurs comme fournisseurs. Je me suis appuyé sur les travaux très récents du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui a examiné de façon très approfondie la question des négociations commerciales.
Monsieur le rapporteur, vous vous montrez ce soir à la fois volontariste et pragmatique : j’espère que cette proposition vous agréera.
M. le rapporteur pour avis. Nous avons voté cet après-midi un appel à travailler sur les conventions tripartites, mais aussi pluriannuelles, avec le souci de favoriser de telles conventions sur le plan fiscal ou réglementaire. J’émets un avis favorable à votre proposition, sous réserve de l’adoption du sous-amendement qui fait de l’établissement de conventions pluriannuelles une possibilité et non une obligation.
Je précise que le ministre aura des propositions à faire en séance publique, en écho à votre amendement qui est tout à fait novateur.
M. Antoine Herth. Je ne suis pas défavorable à l’amendement, mais je suis un peu surpris par l’argumentation. J’ai moi-même été membre du CESE, et ses rapports ne sont pas parole d’évangile. Le résumé de la LME que vous citez dans l’exposé des motifs de votre amendement est indigent : il faut se rappeler ce qu’étaient les marges arrière avant la LME, c’est-à-dire un système artificiellement inflationniste où la grande distribution augmentait les prix pour cacher le pillage de la production ! Le problème de la LME, ce n’est pas la contractualisation, c’est l’explosion des surfaces commerciales qui a exacerbé la concurrence, d’une part, et la concentration des centrales d’achat, d’autre part.
Vous voulez faire la peau à la LME, très bien, mais attaquez les problèmes à la racine !
Mme Brigitte Allain. On demande aujourd’hui aux jeunes agriculteurs d’apporter la preuve des prix qu’ils inscrivent dans leur projet d’installation. Même les coopératives se voient demander de telles garanties, ce qui est tout à fait contraire à leur mode de fonctionnement. Cet amendement me semble donc répondre à un problème très concret : il faut mieux s’inscrire dans la durée.
La commission adopte le sous-amendement CE268 puis adopte l’amendement CE208 sous-amendé.
Elle en vient aux amendements identiques CE161 de M. Thierry Benoit et CE245 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. Actuellement, les frais de création ou de modification de chartes ou encore d’analyses sont à la charge des fabricants de produits sous marque de distributeurs. Nous proposons de faire supporter ces coûts additionnels aux distributeurs.
Mme Annick Le Loch. Il s’agit toujours de mieux équilibrer les relations contractuelles entre les entreprises agroalimentaires et les distributeurs, notamment dans le cas de la fabrication de produits pour les marques de distributeurs (MDD).
M. le rapporteur pour avis. Tel qu’il est rédigé, cet amendement s’appliquerait à tous les produits, et non aux seuls produits agricoles. Il n’est pas possible de l’accepter en l’état. Mais l’abus de pouvoir est un vrai problème qui mérite d’être corrigé.
En outre, cet amendement limiterait la liberté contractuelle : un producteur doit pouvoir, dans l’absolu, décider de s’investir dans l’amélioration ou le marketing d’un produit.
Je demande le retrait des amendements.
M. Thierry Benoit. Le principe de la marque de distributeurs, c’est précisément de copier des produits déjà mis sur le marché et qui fonctionnent bien – il n’y a là guère de recherche ou d’innovation. Voilà pourquoi nous souhaitons encadrer strictement ces négociations commerciales.
Les amendements sont retirés.
Puis la commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE30 de M. Antoine Herth, CE44 de Mme Catherine Vautrin, CE217 de Mme Annick Le Loch et CE229 de Mme Jeanine Dubié, et l’amendement CE155 de M. Thierry Benoit.
M. Lionel Tardy. L’amendement CE44 vise à rendre réellement efficace le système des négociations commerciales en deux temps, d’abord entre producteurs et transformateurs, puis entre transformateurs et distributeurs.
Une clause de révision permettrait la prise en compte d’indicateurs de coût de production et de prix de marché ou d’indicateurs de marge des producteurs dans les contrats passés entre industriels et distributeurs. La répercussion de la négociation ayant lieu à l’amont serait effective grâce à l’intégration des mêmes indicateurs dans les contrats conclus à l’aval de la chaîne alimentaire, notamment entre industriels et grande distribution.
Il s’agit d’un moyen de prendre en considération les éléments économiques liés à l’amont agricole dans les négociations commerciales aval dont ils sont actuellement la variable d’ajustement.
Les modalités de mise en œuvre et la liste des produits concernés sont renvoyées à un décret d’application.
Mme Annick Le Loch. Mon amendement CE217 est identique. Ce serait un grand progrès.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit d’imposer la prise en considération de l’évolution des coûts de production dans la détermination des prix.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE155 tend également à inclure, dans les contrats, une clause de révision du prix faisant référence soit à des indicateurs publics de coût de production et des indices publics des prix, soit à des indicateurs publics de marges des agriculteurs publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il s’agit de prendre en compte les éventuels aléas économiques liés à la déstabilisation des marchés agricoles.
M. le rapporteur pour avis. Nous avons déjà avancé, tout à l’heure, sur cette question de la prise en considération des prix de production.
Vous revenez ici sur des dispositions de la loi relative à la consommation de 2014. Or l’expérience est plutôt cuisante : ces mesures sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre. En outre, il y a un problème de rédaction des amendements identiques, puisque vous créez un nouvel article L. 441-8-1 qui vide de sa substance l’article qui le précède et ce dernier, relatif aux contrats obligatoires, a d’ailleurs déjà fait l’objet d’amendements.
Concrètement, aujourd’hui, les coûts de production diminuent : le prix du pétrole, ceux des intrants sont en baisse. Faut-il pour autant réviser les prix à la baisse ? Il y a là un risque important d’effet pervers.
M. Thierry Benoit. Le coût de l’énergie diminue, mais le reste…
M. le rapporteur pour avis. Globalement, un relevé d’indices montrerait aujourd’hui une baisse. Si nous adoptions ces dispositions, elles risqueraient d’avoir l’effet inverse de celui que vous recherchez.
Ce sont des sujets difficiles, techniques, et sur lesquels le ministre devrait revenir en séance publique : je sais qu’il prépare des annonces importantes sur la prise en compte des coûts de production, notamment dans les négociations entre transformateurs et distributeurs, et sur l’accès au grand public en cas de crise.
Nous avons déjà amélioré le texte sur ce point. C’est pourquoi je vous propose de renoncer à cette proposition, qui pose des problèmes de forme mais surtout de fond. Je vous renvoie, pour le coup, à une révision en profondeur de la LME, annoncée par M. Emmanuel Macron tout à l’heure.
L’amendement CE217 est retiré.
M. Thierry Benoit. Entendre que les coûts de production diminuent, c’est un peu comme entendre le Président de la République dire que « ça va mieux » ! Oui, le coût de l’énergie diminue, mais le matériel, les intrants, les assurances, la taxe foncière ne coûtent pas moins cher. Le ministre a tendance à dire que grâce à cette hypothétique baisse des coûts de production, les agriculteurs et les éleveurs, à défaut de gagner leur vie, sortent la tête de l’eau. Il ne faut pas véhiculer cette idée, qui n’est pas conforme à la réalité.
L’amendement CE155 est retiré.
M. Philippe Le Ray. Vous utilisez des paralogismes, Monsieur le rapporteur : le coût de l’énergie est en réalité insignifiant pour les agriculteurs, alors que l’alimentation, en élevage porcin, par exemple, représente 60 à 65 % des coûts. Les amendements sont donc intéressants, à mon sens.
M. le rapporteur pour avis. J’entends, mais c’est moins vrai pour d’autres productions.
L’été dernier, le soja coûtait près de 400 euros la tonne et le lait était passé en dessous de 300 euros la tonne : c’était dramatique, les éleveurs étaient désespérés. La situation évolue. Imaginons que votre proposition soit adoptée et que la variation d’un indice permette une renégociation : la grande distribution et les grands transformateurs privés s’engouffreraient dans la brèche pour renégocier à la baisse. Ce serait tout à fait catastrophique.
Encore une fois, il me semble que cette mesure ne pourrait qu’être intégrée à une réforme plus globale de la LME. Loin de moi, Monsieur Antoine Herth, l’idée de caricaturer cette loi. Elle a certes corrigé certains points, mais elle visait surtout à mener une politique du pouvoir d’achat. Il faut rechercher un meilleur équilibre entre consommateurs, transformateurs et producteurs, et pour cela penser un nouveau modèle. En ce sens, l’information, la transparence, la capacité de négociation et les contrats tripartites ouvrent des voies nouvelles, quand bien même elles sont largement insuffisantes. Pour autant, méfions-nous des fausses bonnes idées et des amendements mal rédigés.
Les amendements CE30 et CE229 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CE44.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE31 de M. Antoine Herth, CE45 de Mme Catherine Vautrin, CE156 de M. Thierry Benoit et CE218 de Mme Annick Le Loch, et l’amendement CE230 de Mme Jeanine Dubié.
M. Antoine Herth. Le rapporteur ayant répondu par avance aux questions soulevées, je retire l’amendement CE31.
Mme Annick Le Loch. Par l’amendement CE218, nous proposons que, pour les marques de distributeurs sous contrat de sous-traitance, les clauses de détermination du prix fassent référence, comme pour les produits à marques, à des indicateurs de coût de production des producteurs et de prix de marché ou à des indicateurs de marge des producteurs. Selon moi, il s’agirait d’une évolution logique pour les MDD.
Mme Jeanine Dubié. La LME régit les négociations commerciales annuelles sur les produits à marques. Pour leur part, les MDD font l’objet d’appels d’offres et de contrats de sous-traitance. Par l’amendement CE230, nous proposons que, pour les MDD sous contrat de sous-traitance, les clauses de détermination du prix fassent référence à des indicateurs de coût de production des producteurs et de prix de marché ou à des indicateurs de marge des producteurs. Il s’agit de rendre plus efficace le système des négociations en deux temps, d’abord entre producteurs et transformateurs, puis entre transformateurs et distributeurs.
M. le rapporteur pour avis. J’ai développé tous les arguments à ce propos : les coûts moyens de production constitueraient de fausses indications et leur prise en compte recèlerait des dangers. Dernier argument massue, s’il en fallait un : ces dispositions ne peuvent pas être réservées aux produits alimentaires, car la loi nous obligerait à les appliquer à tous les produits, y compris à ceux de nos PME, avec des effets de bord indésirables.
Encore une fois, je pense que nous pouvons répondre à vos préoccupations en travaillant avec le ministère sur les dispositions au sujet desquelles il manifeste le plus d’ouverture. Nous avons déjà largement avancé sur ces questions. Attendons la séance publique pour connaître les propositions du ministre, qui devraient être novatrices. Je pense notamment à la prise en compte des coûts de production dans les négociations entre transformateurs et distributeurs.
Les amendements CE31, CE156, CE218 et CE230 sont retirés.
La commission rejette l’amendement CE45.
Elle discute ensuite de l’amendement CE200 de M. Yves Daniel.
M. Yves Daniel. L’article L. 442-2 du code de commerce interdit la revente à perte. Visant la baisse des prix au nom de la défense de l’intérêt du consommateur, les différentes réformes des relations entre industrie et commerce ont conduit à une guerre des prix, avec un effet particulièrement dévastateur sur le secteur de l’agroalimentaire et, au-delà, sur les filières agricoles françaises dont les industries agroalimentaires représentent 70 % des débouchés. De plus, le rapport de force entre la grande distribution et les entreprises de l’agroalimentaire est nettement défavorable à ces dernières et à leurs fournisseurs agricoles : sept grands acteurs achètent la production de plus de 13 000 entreprises de l’agroalimentaire.
Or la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a modifié le seuil de revente à perte afin que tous les avantages financiers consentis à l’acheteur par le fournisseur y soient intégrés, et non plus seulement une partie d’entre eux ainsi que l’avait prévu la loi du 2 août 2005 en faveur des PME. C’est ce qu’on appelle le « trois fois net », qui a le mérite de correspondre au prix réellement payé par le distributeur pour acheter le produit ultérieurement revendu.
Dans les faits, si l’interdiction de revendre à perte demeure, il est désormais possible de vendre à prix coûtant et, en utilisant certaines dispositions de la LME, la grande distribution s’arrange pour faire payer à ses fournisseurs ses propres coûts de fonctionnement. Il en résulte une situation catastrophique, la destruction de valeur ajoutée se répercutant sur toute la chaîne.
L’amendement CE200 tend à modifier le mode de calcul du seuil de revente à perte, de façon à interdire de vendre en dessous du prix de revient, c’est-à-dire du prix d’achat effectif – « triple net » – majoré des coûts fixes de distribution. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) détient toutes les compétences techniques pour identifier les distributeurs qui vendraient en dessous de leur prix de revient.
Cette disposition réduirait la portée de la guerre des prix sur les références connues, qui favorisent les importations au détriment de la production française et affectent la compétitivité, l’emploi et l’investissement.
M. le rapporteur pour avis. C’est une idée forte, mais qui n’est pas neuve. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. Le ministre nous avait alors apporté une réponse qui nous avait convaincus : premièrement, dans l’état actuel du droit, nous ne pouvons pas prévoir des dispositions commerciales portant uniquement sur les produits alimentaires qui seraient différentes de celles qui s’appliquent à tous les autres produits fabriqués en France ou en Europe – c’est un point récurrent dans nos débats ; deuxièmement, le fait de garantir une marge minimum à la grande distribution n’empêcherait pas celle-ci, du point de vue commercial, d’aller chercher ailleurs des prix plus bas. C’est donc une fausse bonne idée, qui serait contre-productive. Telle n’est pas la stratégie par laquelle nous arriverons à nos fins. Il faut continuer à en chercher d’autres.
Nous enregistrons des avancées dans le cadre du présent projet de loi, mais la question relève avant tout d’une réforme de la LME, pour laquelle je milite. Le rapport complet qui nous sera remis à la fin de l’année à ce sujet nous donnera des arguments en ce sens.
M. Yves Daniel. Je maintiens mon amendement. Il faut en effet travailler à une réforme de la LME mais, nous sommes pris dans une véritable guerre des prix, et je souhaiterais qu’on puisse utiliser le levier que je propose, même s’il n’est pas suffisant.
M. le rapporteur pour avis. On peut toujours discuter de la pertinence de l’outil. Néanmoins, la démonstration que fait l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, les discussions et l’avis du ministre convergent : le fait de garantir une marge à la grande distribution n’empêchera pas celle-ci d’aller chercher un prix plus bas auprès d’une organisation de producteurs concurrente, dans une autre région en France ou en Europe. Par ailleurs, encore une fois, la disposition que vous proposez ne peut pas être réservée aux produits agricoles : elle s’appliquerait à tous les produits et serait totalement contre-productive. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable à votre amendement si vous le maintenez.
M. Philippe Le Ray. Votre attitude me surprend quelque peu, Monsieur le rapporteur. La situation de l’agriculture est catastrophique, ainsi que vient encore de le montrer un rapport très pertinent publié il y a quelques jours. Monsieur Yves Daniel la connaît très bien, et sa proposition est, à mon avis, bien étayée. Pourquoi ne pas prévoir une règle particulière pour les produits agricoles ? Vous opposez une série d’arguments techniques, mais, à un moment donné, face à la réalité, il faut prendre en compte les souhaits des uns et des autres, notamment de votre majorité. Quel risque prendriez-vous à défendre cette position ? À mon avis, aucun. Au contraire, vous répondriez à une attente très précise de la profession.
M. le rapporteur pour avis. Tel qu’il est rédigé, l’amendement ne permet pas de distinguer les produits agricoles des autres produits ; c’est un fait objectif. Même si les crises sont récurrentes, blessantes et dramatiques pour nos producteurs, cela ne justifie pas que, cédant à une forme de chantage affectif, on récrive la LME à partir de la seule question de la revente à perte, d’autant que les calculs en la matière sont extrêmement complexes, surtout pour les produits agricoles. Je vous invite à renoncer à cet amendement. Interrogeons le ministre en séance publique sur le réalisme d’une politique de prix différenciée pour les produits agricoles, au nom de la spécificité du foncier agricole et des politiques alimentaires. S’il estime qu’il s’agit d’une voie souhaitable au niveau européen, nous aurons l’audace de la défendre. Mais je doute que tel soit le cas : nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, et les mêmes arguments recevront les mêmes réponses, je le crains.
M. Yves Daniel. Posons la question au ministre. J’accepte de retirer mon amendement, mais je veillerai à ce que les choses bougent vraiment. Lors du débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture, nous avons laissé passer un certain nombre de choses en comptant sur une évolution à venir. À un moment donné, il faudra bien répondre aux attentes et aux besoins dans ce secteur.
M. Philippe Le Ray. La meilleure façon d’engager la discussion avec le ministre aurait été de maintenir cet amendement.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE238 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Hors du secteur agricole et agroalimentaire, de nombreux industriels se plaignent du formalisme accru que nous avons introduit dans les négociations commerciales, notamment avec la loi relative à la consommation. Ils font valoir que, dans leur domaine, les négociations commerciales se passent plutôt bien, même si elles peuvent être dures. Il n’est pas question de prendre des dispositions qui concernent tous les produits. Reste qu’il y a des problèmes spécifiques au secteur agricole et agroalimentaire, et que nous n’arrivons pas à y répondre, ce qui est gênant.
Ainsi que nous l’avons évoqué à plusieurs reprises, les négociations entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs se sont déroulées dans un climat de tension : les demandes de déflation ont été presque systématiques, et la réalité des coûts des fournisseurs a été niée. Il en résulte une perte de valeur pour tous les acteurs. Il est temps de mettre un terme à cette situation en limitant la minoration du prix d’achat effectif. Par l’amendement CE238, nous proposons de majorer le seuil de revente à perte, en lui appliquant un coefficient de 1,15 pour l’ensemble des produits, afin de mettre tout le monde sur un pied d’égalité.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
L’amendement est retiré.
M. Thierry Benoit. C’est un vrai chemin de croix !
La commission en vient à l’amendement CE239 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement vise à redéfinir le seuil de revente à perte en incluant dans la majoration du prix d’achat effectif les coûts de distribution logistiques facturés par les distributeurs aux entreprises agroalimentaires. Cette pratique est une réalité.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
L’amendement est retiré.
Article additionnel après l’article 31
(article L. 442-6 du code de commerce)
Limitation de l’assiette du calcul des contributions des fournisseurs aux centrales européennes de distribution au chiffre d’affaires réalisé hors du territoire français
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement limitant l’assiette du calcul des contributions des fournisseurs aux centrales européennes de distribution au chiffre d’affaires réalisé hors du territoire français. L’objectif de cet amendement est de contrer les demandes abusives des distributeurs aux fournisseurs de participation à l’accompagnement de la commercialisation de leurs produits à l’étranger.
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La commission est saisie des amendements identiques CE159 de M. Thierry Benoit et CE243 de Mme Annick Le Loch.
M. Thierry Benoit. Actuellement, certains distributeurs exigent auprès des producteurs une contribution à leur centrale d’achat européenne, afin d’accompagner la commercialisation des produits à l’étranger. Si cette idée peut paraître pertinente, il s’avère que les contreparties sont parfois inexistantes. Par l’amendement CE159, nous proposons d’interdire les contributions aux centrales d’achat européennes en l’absence de service commercial effectif. Il s’agit de limiter l’assiette de ces contributions au chiffre d’affaires réalisé hors du territoire national.
Mme Annick Le Loch. L’amendement CE243 vise à interdire les contributions aux centrales d’achat en l’absence de service commercial effectif. Cette pratique est, là encore, une réalité : les entreprises de l’agroalimentaire demandent une contribution qui peut aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires et augmenter de 0,5 % par an, alors même qu’aucun produit n’est exporté ou qu’aucun service n’est rendu en contrepartie.
M. le rapporteur pour avis. La fidélité et la persévérance de votre couple paient : avis favorable. Bravo pour cet amendement très utile !
M. Thierry Benoit. Enfin ! À 23 h 17 !
La commission adopte les amendements.
Puis elle examine l’amendement CE248 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement vise à interdire les pénalités pour non-respect des taux de service portant sur la livraison de produits alimentaires, compte tenu de pratiques totalement abusives en la matière.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agirait d’une limitation de la liberté contractuelle des cocontractants, ce qui est rédhibitoire. Les pénalités pour non-respect des taux de service doivent pouvoir être négociées en tenant compte de la spécificité des produits alimentaires sans que l’on aille jusqu’à interdire toute pénalité. La loi et la jurisprudence permettent déjà de sanctionner les pratiques abusives en matière de pénalités. D’un point de vue plus technique, la notion de « taux de service » n’est pas adaptée, car elle ne renvoie à aucune réalité juridique. Je vous invite à retirer votre amendement. Même s’il était rédigé autrement, les raisons de fond demeureraient.
L’amendement est retiré.
La commission en vient à l’amendement CE150 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Cet amendement a pour objectif de sanctionner l’absence, dans les contrats, de clauses de renégociation prenant en compte les indicateurs de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
M. le rapporteur pour avis. Les sanctions prévues en la matière sont largement suffisantes. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle est saisie de l’amendement CE207 de M. Guillaume Garot.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement vise à sanctionner la vente de produits alimentaires à un prix abusivement bas par rapport à leur coût moyen de production, de transformation et de commercialisation.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
L’amendement est retiré.
La commission aborde l’amendement CE249 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement vise à ce que les retards éventuels de livraison en cas de force majeure ne puissent pas justifier une demande de pénalités de la part du distributeur. Nous constatons de façon récurrente de telles pratiques abusives.
M. le rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait : la force majeure est applicable de manière générale en vertu du code civil. Il faut, non pas créer une nouvelle disposition législative, ce qui ne ferait qu’apporter de la complexité, mais requérir la mise en œuvre de la loi. Je vous invite à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Article additionnel après l’article 31
(article L. 442-6 du code de commerce)
Augmentation à 5 millions d’euros du plafond de l’amende civile pouvant être infligée en cas de pratique restrictive de concurrence
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement augmentant le plafond de l’amende civile pouvant être infligée en cas de méconnaissance de l’article L. 442-6 du code de commerce relatif aux pratiques restrictives de concurrence. Ce plafond serait porté à 5 millions d’euros, contre 2 millions d’euros actuellement, permettant ainsi aux sanctions d’être plus dissuasives.
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La commission examine, en discussion commune, les amendements CE151 et CE152 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Il s’agit de renforcer les sanctions pouvant être adoptées à l’encontre des distributeurs afin de dissuader les pratiques commerciales abusives. Nous sortons non pas le marteau ou la masse, mais le pilon : par l’amendement CE151, nous proposons de porter le montant maximal de l’amende de 2 à 10 millions d’euros. L’amendement CE152 est un amendement de repli.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable au CE151, que je vous demande de retirer, mais avis favorable au CE152, qui prévoit de porter le montant maximal de l’amende à 5 millions d’euros. Il s’agit d’une mesure pertinente.
L’amendement CE151 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE152.
Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CE145 rectifié de M. Thierry Benoit et CE213 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. L’amendement CE213 vise à rendre obligatoire la publication des sanctions pour pratique déloyale de concurrence, ce qui aurait probablement un effet dissuasif.
M. le rapporteur pour avis. Cette disposition, proposée de manière récurrente, concernerait non seulement le secteur agroalimentaire, mais l’ensemble des secteurs. Du point de vue juridique, ces amendements risquent de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et, en ce qui concerne la décision prise, au principe d’individualisation des peines. Je recommande de laisser le juge décider ce qu’il est opportun de faire. Je vous invite à retirer ces amendements.
Les amendements sont retirés.
Article additionnel après l’article 31
(article L. 112-12 du code de la consommation)
Généralisation de l’expérimentation de l’étiquetage de l’origine des produits carnés et laitiers
La commission a émis un avis favorable à l’adoption d’un amendement de réécriture du premier alinéa de l’article du code de la consommation consacré à l’étiquetage de l’origine des produits carnés. La modification apportée permet de rendre obligatoire, à titre expérimental, l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait, et des produits agricoles et alimentaires à base de ces produits ou contenant ces ingrédients.
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La commission est saisie de l’amendement CE202 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. À l’issue du conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne du 14 mars 2016, le ministre a annoncé que la France pourrait expérimenter un étiquetage obligatoire de l’origine pour les produits carnés et laitiers. Par cet amendement, nous proposons de donner une base légale à cette obligation.
M. le rapporteur pour avis. Au vu du combat que vous menez dans la durée, Madame Annick Le Loch, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis soulagé de pouvoir vous dire : avis favorable ! Il faudra néanmoins retravailler sur la forme de votre amendement en vue de la séance publique.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE149 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Un règlement européen de 2007 prévoit que l’affichage de l’origine des fruits et légumes sur les étiquettes doit être au moins aussi grand que l’affichage du prix. Par cet amendement, nous proposons d’étendre ce dispositif aux produits carnés, afin de mieux informer le consommateur.
M. le rapporteur pour avis. Je salue l’esprit de cet amendement. Néanmoins, je vous invite à le retirer, car cette disposition relève du domaine réglementaire.
M. Thierry Benoit. Sera-t-elle prise ?
M. le rapporteur pour avis. Je ne peux pas vous répondre à la place du ministre. D’une manière générale, chers collègues, je vous invite à faire la liste des dispositions réglementaires visant à améliorer la transparence ou la concurrence que nous avons évoquées au cours de nos débats et à interpeller le ministre en séance publique sur le fait qu’elles ne sont pas mises en œuvre. Cela en vaut la peine, et je suis sûr qu’il nous répondra.
L’amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE186 et CE183 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. En vue d’informer le consommateur sur la formation des prix des produits qu’il achète, nous proposons que le prix de vente facturé par l’agriculteur soit indiqué sur les étiquettes, pour les produits agricoles et alimentaires, à l’amendement CE186, ou pour les seuls produits agricoles non transformés, à l’amendement CE183.
M. le rapporteur pour avis. La disposition que vous proposez est interdite par le droit européen, plus précisément par le règlement n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit règlement « INCO », qui limite les informations obligatoires portées sur les étiquettes. Nous avons débattu de l’opportunité de rendre obligatoire les mentions « produit en France » ou « transformé en France ». On peut encourager ces démarches – le ministre s’est beaucoup investi pour que les filières jouent le jeu –, mais elles doivent rester volontaires. Nous avancerons aussi avec les négociations tripartites et la communication sur le partage de la valeur ajoutée. Je vous invite à retirer vos amendements.
La commission rejette successivement les amendements CE186 et CE183.
Elle est saisie de l’amendement CE148 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. La mise en valeur des productions françaises passe par un affichage systématique de l’origine des produits alimentaires. Or le logo « transformé en France » utilisé par certaines enseignes de la grande distribution tend à induire les consommateurs en erreur, en leur faisant croire que le produit consommé vient de France. Aux termes de cet amendement, la pratique commerciale ayant pour objet d’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent intitulé « transformé en France » pour les produits alimentaires serait réputée trompeuse. Il s’agit d’aller vers plus de transparence et de traçabilité pour les produits alimentaires.
M. le rapporteur pour avis. Ce sujet revient souvent. La mention « transformé en France » est en effet source de confusion. Il n’en demeure pas moins que la transformation du produit en France est bien réelle, même si des produits entrant dans sa composition ont été importés. En outre, cette disposition ne s’appliquerait pas seulement aux produits alimentaires. Or les produits manufacturés non alimentaires transformés en France sont nombreux. Si nous parvenons, avec le décret du Gouvernement, à généraliser l’étiquetage du pays d’origine pour les produits transformés à base de produits laitiers et carnés, en doublant cette mesure d’une campagne d’information, alors les consommateurs seront vraiment informés et notre objectif commun sera satisfait. Avis défavorable.
M. Thierry Benoit. Notre objectif est de supprimer la mention « transformé en France », car elle est utilisée à mauvais escient : elle peut tromper le consommateur, en lui faisant croire qu’il s’agit d’un produit français, alors que les ingrédients entrant dans sa composition peuvent venir d’autres pays d’Europe ou d’ailleurs dans le monde.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE209 de M. Guillaume Garot.
Mme Annick Le Loch. Aux termes de l’amendement CE209, la communication comparative sur les produits alimentaires serait prohibée lorsqu’elle n’indique pas les produits entrant dans la composition des produits comparés, l’origine des produits et les conditions sociales de leur production. La publicité comparative devrait donc apporter des informations très précises autres que le prix.
M. le rapporteur pour avis. S’agissant de l’amendement CE209 et du CE212 suivant, on ne peut pas ajouter de conditions de licéité en matière de publicité comparative. De telles restrictions contreviendraient au droit communautaire. En effet, la directive du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative ne permet pas aux États membres d’adopter des dispositions plus rigoureuses que celles qu’elle prévoit. À la suite d’un avis de la Commission européenne rendu en 2011, le législateur a, par exemple, dû supprimer l’exigence non prévue par le droit européen selon laquelle « toute publicité comparative faisant référence à une offre spéciale doit mentionner clairement les dates de disponibilité des biens ou services offerts, le cas échéant la limitation de l’offre à concurrence des stocks disponibles et les conditions spécifiques applicables ».
Tels qu’ils sont rédigés, ces deux amendements ne passeront pas. Je vous invite donc à les retirer. Cependant, le ministère est disposé à travailler sur ce sujet important afin de trouver une réponse à votre préoccupation légitime. Je vous donne donc rendez-vous en séance publique.
L’amendement est retiré.
La commission en vient à l’amendement CE212 de Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Cet amendement n’est pas tout à fait du même ordre : il vise à combler une lacune en imposant que la publicité comparative porte sur des prix relevés à la même date.
M. le rapporteur pour avis. Le Gouvernement est disposé à répondre à vos attentes sous réserve d’une rédaction plus précise. Le ministre vous le confirmera probablement en séance publique. À ce stade, nous ne sommes pas en mesure de sous-amender ou de proposer une autre rédaction. Je vous demande donc un peu de patience.
L’amendement est retiré.
La commission discute de l’amendement CE193 de Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. J’ai déposé cet amendement au nom de la transparence. Il vise à rendre obligatoire l’étiquetage des produits alimentaires issus d’animaux nourris avec des organismes génétiquement modifiés (OGM). La mention « OGM » doit figurer sur les produits alimentaires comprenant des OGM, mais elle n’est pas obligatoire pour les produits issus d’animaux nourris avec des OGM. Or près des trois quarts du cheptel français sont nourris, au moins en partie, avec des aliments génétiquement modifiés. Il serait normal que les consommateurs en soient informés afin qu’ils puissent orienter leurs achats en toute connaissance de cause.
M. le rapporteur pour avis. N’ayant pas d’argument juridique à vous opposer, notamment pas de texte européen à citer, ni de problème de rédaction à soulever, je ne vais pas me cacher derrière mon petit doigt et vais vous donner une position politique qui va, pour le coup, toucher votre sensibilité.
Actuellement, il y a un mouvement tout à fait bienvenu de communication positive sur la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, l’absence d’OGM et la suppression des antibiotiques – je pense notamment à la démarche « Bleu-Blanc-Cœur ». Pour avoir travaillé sur les produits phytosanitaires, je sens que le marché va plus vite que le législateur. Une révolution culturelle est en train de s’opérer, et pas seulement dans les classes moyennes supérieures ou chez les « bobos ». Elle pénètre profondément notre société et trouve un écho dans l’acte d’achat. C’est le bon moteur. Si vous pensez que des produits sans OGM contribuent à un monde meilleur et à une meilleure santé – je ne suis pas loin de le penser comme vous –, alors il faut que ceux qui adoptent ces pratiques les mettent en valeur commercialement.
Cependant, compte tenu de la situation actuelle de notre élevage, il n’est tout simplement pas possible – j’assume cette position politiquement – de mettre une étiquette « OGM » sur les produits alimentaires provenant de producteurs qui sont au bord du gouffre. Oui à une publicité, à une promotion de ceux qui s’affranchissent des OGM, des antibiotiques et des produits phytosanitaires, mais non à une stigmatisation : n’ajoutons pas la crise à la crise. Il faut sortir par le haut, par le marché, en éclairant les citoyens et les consommateurs. Avis défavorable.
M. Antoine Herth. Je suis assez surpris par votre argumentation, Monsieur le rapporteur : vous parlez de la communication et de l’étiquetage positifs, c’est-à-dire de l’utilisation de l’absence d’OGM comme argument commercial. C’est très bien, mais c’est à chacun de voir. Quant à l’amendement de Mme Brigitte Allain, il vise à imposer un étiquetage systématique des aliments issus d’animaux nourris avec des OGM. Or la loi prévoit déjà un étiquetage obligatoire des produits contenant plus de 0,9 % d’OGM. Je ne vois donc pas ce qu’apporte cet amendement.
Mme Brigitte Allain. Actuellement, la loi n’oblige pas les fabricants de plats cuisinés à partir de viande d’animaux nourris aux OGM à l’inscrire sur les étiquettes, sinon ce serait fait.
La commission rejette l’amendement.
Article additionnel après l’article 31
(article 60-1 [nouveau] de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics)
Intégration d’une clause de révision des prix de prix des marchés publics de fourniture de denrées alimentaires
La commission a émis un avis favorable à l’adoption de plusieurs amendements identiques visant à rendre obligatoire l’intégration d’une clause de révision de prix dans les marchés publics de fourniture des denrées alimentaires afin de tenir compte des fluctuations des prix d’une liste de matières premières agricoles et alimentaires précisée par décret. La révision fera référence aux indicateurs publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
*
* *
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CE32 de M. Antoine Herth, CE46 de Mme Catherine Vautrin, CE219 de Mme Annick Le Loch et CE232 de Mme Jeanine Dubié.
M. Antoine Herth. Les marchés publics constituent un débouché important pour les produits agricoles – cela a été dit à de multiples reprises au cours de nos débats dans l’hémicycle et ici même en commission. La direction des affaires juridiques du ministère de l’économie a reconnu qu’il serait intéressant de retenir la forme de prix révisable dans les marchés publics, dans la mesure où les fournisseurs sont soumis à la fluctuation des coûts de production. Mon amendement vise à rendre obligatoire l’introduction d’une clause de révision du prix dans les marchés publics.
Mme Jeanine Dubié. Par l’amendement CE232, nous proposons de rendre systématique le recours au prix révisable dans les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires, afin de faciliter une juste répartition de la valeur au sein des filières et de mettre en avant les productions agricoles françaises dans la restauration collective.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette disposition porterait atteinte à la liberté contractuelle. Surtout, elle pourrait avoir un effet pervers, ainsi que je l’ai démontré précédemment : une baisse du cours du pétrole ou du soja pourrait amener la collectivité à demander une révision du prix à la baisse. Ce n’est pas ce que nous recherchons. Encore une fois, la réforme de la LME n’est pas mûre, et certaines des idées évoquées ce soir ont des effets pervers ou de bord, ou s’opposent tout simplement à des règles communautaires ou à des règles de droit commercial cohérentes. Je suis vraiment désolé que, dans notre quête, nous n’ayons pu poser que quelques jalons ou trouver quelques points d’appui en matière de transparence, d’affichage et de négociation. Si je dis non, ce n’est bien évidemment pas parce que le ministre ou moi-même faisons preuve de mauvaise volonté, mais parce que ce ne sont pas des solutions.
La commission adopte les amendements.
Puis elle examine l’amendement CE181 de Mme Brigitte Allain.
M. le rapporteur pour avis. L’obligation d’étiquetage nutritionnel résulte du règlement européen « INCO » de 2011, que j’ai mentionné précédemment. La déclaration nutritionnelle sera obligatoire à compter du 13 décembre 2016. En outre, une liste précisera de manière exhaustive les cas où l’étiquetage ne sera pas obligatoire. Je partage votre préoccupation en ce qui concerne les produits fermiers et les produits de pays, mais il n’appartient pas au législateur de prévoir de telles dérogations, les États membres ne pouvant compléter ladite liste. Avis défavorable.
Mme Brigitte Allain. Je retire mon amendement, mais le présenterai à nouveau en séance publique, afin que le ministre s’exprime sur ces exemptions. J’espère que sa réponse sera de nature à rassurer non seulement les producteurs fermiers, mais aussi un certain nombre d’artisans, notamment les pâtissiers, qui sont assez inquiets de cette réglementation.
L’amendement est retiré.
Article 36
(articles L. 441-6, L. 443-1 et L. 465-2 du code de commerce, article L. 141-1-2 du code de la consommation et article 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière)
Renforcement des sanctions en cas de manquement aux règles relatives aux délais de paiement et modalités de cumul des amendes administratives
1. L’état du droit
a. Les règles relatives aux délais de paiement
En matière de délais de paiement entre les entreprises, la liberté contractuelle est longtemps demeurée la règle. La loi n° 2001-420 du
15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, dite loi « NRE », a institué un délai légal de paiement de principe de 30 jours qui court à compter de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation. Toutefois, cette règle demeurait supplétive de volonté, c’est-à-dire qu’elle s’appliquait à défaut de stipulation contractuelle contraire : les partenaires économiques pouvaient déroger à cette règle en insérant des délais plus courts, mais aussi plus longs, dans leurs conditions de vente ou par un accord convenu entre les parties.
Afin de lutter contre les abus constatés, qui mettaient en difficulté certaines entreprises, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a introduit un plafonnement strict des délais de paiement contractuels entre les entreprises. Ces règles, applicables depuis le 1er janvier 2009, sont fixées à l’article L. 441-6 du code de commerce. Elles prévoient que, sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. S’agissant du délai différent éventuellement convenu entre les parties, il ne peut dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.
Le choix entre ces deux plafonds relève de la liberté contractuelle des parties. Pour calculer le délai de 45 jours fin de mois, la pratique la plus usuelle consiste à partir de la date d’émission de la facture, la date limite de paiement intervenant à la fin du mois au cours duquel expirent ces 45 jours. Il est, toutefois, également admis de comptabiliser le délai en ajoutant 45 jours à la fin du mois d’émission de la facture (12).
Ces dispositions ont récemment été modifiées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dont l’article 46 a fait de la possibilité de convenir d’un délai de 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture une dérogation au plafond de 60 jours, applicable uniquement sous réserve qu’il soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Cette modification était justifiée par la nécessité de transposer les prescriptions de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les relations commerciales.
En outre, l’article L. 443-1 du code de commerce, issu pour l’essentiel de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et de la loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 relative aux délais de paiement entre les entreprises, prévoit des délais de paiement maximaux particuliers à certains produits : 30 jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables ou 20 jours après le jour de livraison pour les achats de bétail sur pied destiné à la consommation.
Rappelons également que la loi de modernisation de l’économie avait autorisé des délais de paiement plus longs pour certains secteurs, pour une durée n’excédant pas trois ans, sous réserve de la conclusion d’un accord interprofessionnel, et à la condition que le dépassement du délai légal soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques au secteur. L’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a autorisé la reconduction pour trois années supplémentaires des accords interprofessionnels conclus sous l’empire de la loi de modernisation de l’économie, pour autant que trois conditions soient réunies : le secteur devait avoir été couvert par un accord dérogatoire dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie ; le nouvel accord devait porter sur des produits ou services au caractère saisonnier particulièrement marqué ; le nouvel accord ne devait pas prévoir des délais de paiement supérieurs à ceux prévus sous le régime de la loi de modernisation de l’économie. En conséquence, cinq secteurs bénéficiaient d’accords dérogatoires : le secteur des articles de sport, celui du jouet, celui du cuir, celui des matériels d’agroéquipement et celui de l’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie. La loi du 6 août 2015 précitée a permis la pérennisation de ces accords.
Enfin, afin de lutter contre les retards de paiement dans l’exécution des contrats de la commande publique, l’article 37 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a prévu que les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur en exécution d’un contrat ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public, sont payées, en l’absence de délai prévu au contrat, dans un délai fixé par décret qui peut être différent selon les catégories de pouvoirs adjudicateurs ; le délai de paiement prévu au contrat ne pouvant, dans tous les cas, excéder le délai fixé par décret. Le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique a fixé ce délai à :
– trente jours pour l’État et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, et certains pouvoirs adjudicateurs ;
– cinquante jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées ;
– soixante jours pour les entreprises publiques.
b. Les modalités de lutte contre les retards de paiement
L’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a procédé à la transposition de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 précitée. En conséquence, il a créé une indemnité forfaitaire due en cas de retard de paiement, dont la mention et le montant doivent obligatoirement figurer dans les conditions générales de vente et dans les factures. Le décret n° 2012-1115 du 2 octobre 2012 a précisé ces dispositions, en insérant dans le code de commerce un nouvel article D. 441-5, qui fixe le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement à 40 €. Cette indemnité vise à compenser les frais de recouvrement exposés par les créanciers en cas de retard de paiement, et à indemniser le créancier pour les coûts administratifs et les coûts internes liés au retard de paiement.
De plus, il a introduit des pénalités de retard sont dues en cas de paiement tardif. À défaut de stipulation contractuelle sur ce point, le taux de ces pénalités correspond au taux directeur (taux de refinancement ou Refi) semestriel de la Banque centrale européenne (BCE), en vigueur au 1er janvier ou au 1er juillet, majoré de 10 points. Les conditions contractuelles peuvent toutefois définir un taux inférieur, sans toutefois être en deçà du taux minimal correspondant à 3 fois le taux de l’intérêt légal. Les pénalités sont exigibles sans qu’un rappel ne soit nécessaire. Elles courent dès le jour suivant la date de règlement portée sur la facture ou, à défaut, le 31e jour suivant la date de réception des marchandises ou de la fin de l’exécution de la prestation de service.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a inséré à l’article L. 441-6 du code de commerce un VI prévoyant des amendes administratives en cas de manquement à ces dispositions, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Le montant de l’amende est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
Elle a également inséré un neuvième alinéa à l’article L. 443-1 du même code, prévoyant des amendes administratives en cas de manquement aux dispositions relatives aux délais de paiement maximaux particuliers aux produits alimentaires périssables. Le régime est identique à celui de l’article L. 441-6.
Enfin, elle a créé un nouvel article L. 465-2, qui fixe les règles relatives à ces amendes administratives. Cet article prévoit notamment que l’autorité compétente pour les prononcer est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, à son V, que la décision peut être publiée. La loi du 6 août 2015 précitée a précisé que cette publication pouvait être effectuée aux frais de la personne sanctionnée, sous réserve de l’information préalable de cette dernière. En outre, le VII de l’article L. 465-2 prévoit que lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre d’un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé.
S’agissant de la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, les articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière ont prévu que des retards de paiement entraînaient de plein droit et sans autre formalité le versement au créancier, par le pouvoir adjudicateur, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et d’intérêts moratoires à compter du jour suivant l’expiration du délai de paiement ou l’échéance prévue au contrat. De plus, la loi du 6 août 2015 précitée a inséré dans la loi du 23 janvier 2013 précitée un article 40-1, créant une amende administrative d’un montant maximal de 375 000 € pour les entreprises publiques manquant aux délais de paiement fixés par décret. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2 du code de commerce.
c. Les modalités de cumul des amendes administratives en matière de consommation
La loi du 17 mars 2014 précitée a introduit la possibilité, pour la DGCCRF, de prononcer des amendes administratives pour faire respecter certaines dispositions du code de la consommation. Leurs modalités sont fixées à l’article L. 141-1-2 de ce code, qui prévoit, à son VII, que lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre du même auteur pour des manquements en concours passibles d’amendes dont le montant maximal excède 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, ces sanctions s’exécutent cumulativement, dans la limite du maximum légal le plus élevé.
2. Les dispositions du projet de loi
Le projet de loi vise à renforcer les sanctions en cas de manquement aux dispositions relatives aux délais de paiement.
L’alinéa 2 modifie les articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce, afin de porter le plafond de l’amende administrative applicable en cas de manquement de 375 000 € à 2 M€.
Les alinéas 3 à 6 modifient le V l’article L. 465-2 du même code, afin de prévoir une publication systématique des sanctions en cas de manquement aux règles relatives aux délais de paiement. L’alinéa 7 modifie le VII du même article afin de supprimer la règle limitant l’exécution des amendes administratives en cas de cumul de celles-ci au maximum légal le plus élevé. Il convient de remarquer que cette dernière disposition s’appliquerait à l’ensemble des amendes administratives prévues au titre IV du livre IV de la partie législative du code de commerce, et non uniquement à celles sanctionnant des manquements aux règles relatives aux délais de paiement. Elle s’appliquerait donc également aux amendes administratives prévues aux articles L. 441-2-2 et L. 441-3-1, qui sanctionnent les manquements aux règles de vente des fruits et légumes frais, aux articles L. 441-7 et L. 441-7-1, applicables en cas de défaut de signature d’une convention unique entre un fournisseur et un distributeur ou entre un fournisseur et un grossiste, et à l’article L. 441-8, applicable en cas de défaut de signature d’une clause de renégociation en cas de forte fluctuation du cours des matières premières.
L’alinéa 8 modifie l’article L. 141-1-2 du code de la consommation afin d’élargir les possibilités de cumul d’amendes administratives. Il supprime la condition voulant que le montant maximal de ces amendes excède 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale, ainsi que la règle limitant leur exécution en cas de cumul au maximum légal le plus élevé.
Enfin, l’alinéa 9 porte, à l’article 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, de 375 000 € à 2 M€ le plafond de l’amende administrative applicable aux entreprises publiques en cas de manquement aux délais de paiement auxquels elles sont soumises.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur salue ces dispositions, qui doivent permettre de mieux faire respecter les règles existant en matière de délais de paiement. Il rappelle qu’un strict respect de ces règles permettrait de restituer 14,9 Mds d’euros aux petites et moyennes entreprises, et 3,8 Mds d’euros aux entreprises de taille intermédiaire, selon les estimations de la Banque de France.
Elles sont complémentaires des efforts déjà accomplis, d’une part, pour améliorer le financement de la trésorerie des TPE et PME, en particulier la création en janvier 2015 par BPIFrance d’un fonds de garantie des crédits de trésorerie pour 10 000 TPE pour des crédits jusqu’à 50 000 euros, et, d’autre part, pour réduire les délais de paiement interentreprises : renforcement des contrôles de la DGCCRF au cours de l’année 2015, campagne de publication, par l’administration, des noms des entreprises coupables de manquements récurrents (« name and shame »), réactivation de l’Observatoire des délais de paiement.
En conséquence, votre rapporteur n’a déposé qu’un amendement de coordination à cet article.
4. L’avis de la commission
La commission a émis un avis favorable sur cet article tel qu’amendé par son rapporteur. Elle a également adopté deux amendements déposés par des commissaires.
Le premier, déposé par Mme Chantal Guittet, reprend le texte de la proposition de loi visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export », tel qu’adopté par l’Assemblée nationale à l’unanimité le 13 mai 2015. Cet amendement vise à tenir compte, s’agissant des délais de paiement, de la situation particulière des entreprises de négoce tournées vers la « grande exportation ». En effet, ces entreprises sont sujettes, pour leur trésorerie, à un effet de ciseau résultant d’un décalage significatif entre les délais dans lesquels elles doivent payer leurs fournisseurs et les délais dans lesquels elles sont elles-mêmes rémunérées par leurs clients installés hors de l’Union européenne. La législation actuelle constitue, pour elles, un véritable barrage à l’achat des productions françaises destinées au grand export. L’amendement adopté introduit, pour ces entreprises, une possibilité de déroger aux délais de paiement de droit commun, dans la limite des volumes de biens achetés en franchise de taxe sur la valeur ajoutée et revendus en l’état, afin de ne pas pénaliser les entreprises de négoce installées en France, qui font face à la concurrence de négociants implantés à l’étranger et bénéficiant de délais plus longs pour le règlement de leurs fournisseurs. Sur le fondement de cette dérogation, les délais de paiement seraient convenus librement, sans toutefois pouvoir constituer des abus manifestes à l’égard du créancier, ainsi que le prévoit le droit de l’Union européenne. Des pénalités de retard seraient exigibles dans le cas où le bien ne serait finalement pas exporté.
Le second, déposé par Mme Catherine Vautrin, prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur l’adéquation de moyens alloués à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes par rapport aux nouvelles missions qui lui ont été confiées par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
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La commission est saisie de l’amendement CE203 de Mme Chantal Guittet.
Mme Chantal Guittet. Cet amendement vise à aider les PME qui exportent hors de l’Union européenne, en leur permettant de déroger aux délais de paiement que la France a inscrits dans son droit commercial en transposant la directive européenne pertinente de façon beaucoup plus restrictive que les autres États membres : la directive prévoyait des délais de paiement de 45 à 60 jours, sauf en cas d’accord exprès entre les parties ; or nous, Français, qui en faisons toujours plus, avons supprimé cette possibilité de déroger. De ce fait, ainsi que de très nombreux chefs d’entreprise m’en ont fait part, nous défavorisons ces PME : elles doivent payer à 45 ou à 60 jours, alors qu’elles-mêmes sont payées au bout de quatre à six mois, ce qui n’est pas gérable pour leur trésorerie. Je demande donc qu’elles puissent bénéficier de délais de paiement un peu plus longs, pouvant aller jusqu’à 120 jours.
L’Assemblée nationale avait adopté à l’unanimité une proposition de loi en ce sens, mais celle-ci reste bloquée au Sénat. Je l’ai donc reprise sous forme d’amendement.
M. le rapporteur pour avis. J’ai senti une hésitation au sein du Gouvernement sur ce sujet, mais je me suis fait votre avocat. C’était une question de cohérence, dans la mesure où vous aviez travaillé sur une proposition de loi.
Mme Chantal Guittet. Je précise que cette proposition de loi a été écrite avec le Gouvernement.
M. le rapporteur pour avis. Je suis moi-même un peu expert en propositions de loi de longue haleine… En tout cas, il n’aurait pas été honnête de vous renvoyer à la proposition de loi, car les textes qui n’auront pas été adoptés au mois de juillet entreront dans une zone de turbulences. Cela m’a sensibilisé à votre cause, et je l’ai défendue.
Néanmoins, les réserves du Gouvernement sont en partie fondées. La disposition que vous proposez risque d’avoir des effets de bord dangereux – que le Gouvernement a discernés peut-être un peu tardivement : des entreprises de négoce pourraient profiter de manière injustifiée de ce paiement de longue durée, alors même que les entités auxquelles elles ont vendu des produits à l’étranger sont capables de régler en France dans les délais requis. Je donne un avis favorable à votre amendement, sous réserve d’un engagement de votre part à entendre les arguments du ministre de l’économie en séance publique et à prendre en compte les modifications proposées par Bercy pour corriger ces effets de bord involontaires.
Mme Chantal Guittet. Les effets de bord sont déjà là : les exportateurs français n’ont plus aucun intérêt à rester en France et s’installent en Belgique ou en Allemagne, où ils font ce qu’ils veulent ! Cet amendement a été négocié avec Bercy et récrit cinq ou six fois au cours des dix-huit derniers mois. Il y a aussi des effets de bord à Bercy, où la ligne pourrait être un peu plus cohérente !
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE49 de Mme Catherine Vautrin.
M. Lionel Tardy. Les retards de paiement peuvent entraîner de graves conséquences pour les entreprises dont la trésorerie est fragile, notamment pour les microentreprises, les PME et les TPE. Si beaucoup a été fait sur le plan législatif pour encadrer les délais de paiement et augmenter les amendes encourues, certains acteurs n’hésitent pas à multiplier les manœuvres dilatoires et les retards de paiement vis-à-vis de leurs fournisseurs. Les entreprises de l’agroalimentaire sont particulièrement touchées. Il s’agit, non pas de cibler les entreprises qui subissent elles-mêmes des retards de paiement, mais de sanctionner la volonté de multiplier ces retards. Lorsqu’un manquement à la loi est constaté, il n’est pas inutile de vérifier si ce manquement est isolé ou s’il s’inscrit dans une pratique générale. Cet amendement vise à ce que les manquements répétés et abusifs soient plus lourdement sanctionnés.
M. le rapporteur pour avis. Nous poursuivons le même objectif. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a doublé le montant de l’amende encourue en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans. Les récidivistes sont donc punis. En outre, le présent projet de loi supprime la règle limitant l’exécution des amendes administratives au maximum légal le plus élevé en cas de cumul desdites amendes. Il relève également ce maximum, en le portant de 375 000 à 2 millions d’euros. Ces dispositions apparaissent suffisantes. Votre amendement est, selon moi, satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de coordination CE114 du rapporteur pour avis.
Elle est saisie de l’amendement CE51 de Mme Catherine Vautrin.
M. Lionel Tardy. N’ayant pas la possibilité de soumettre l’État aux mêmes obligations que les entreprises privées en termes d’amendes et d’astreintes en raison de l’article 40 de la Constitution, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport sur le respect des délais de paiement par l’État, ses agences, les administrations et les collectivités territoriales. L’État paierait près de 9 % de ses factures avec un retard supérieur à un mois.
M. le rapporteur pour avis. Veillons à ce que nos demandes de rapport soient vraiment fondées. L’Observatoire des délais de paiement travaille sur le sujet, et j’ai moi-même recommandé, dans un rapport, le renforcement dudit observatoire. Je suggère que nous limitions nos investigations en la matière. Avis défavorable.
Le sujet est néanmoins important : les retards de paiement entraîneraient des pertes chiffrées à plusieurs milliards d’euros pour l’appareil de production français. Ces pratiques sont tout simplement délictueuses, et nous allons désormais mieux les condamner grâce au présent projet de loi Sapin II.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE52 de Mme Catherine Vautrin.
M. Lionel Tardy. Je ne suis pas un fanatique des rapports, mais il y a un vrai problème concernant la DGCCRF : au fil des lois que nous votons, nous lui confions des missions supplémentaires, notamment des pouvoirs de contrôle, sans nécessairement prévoir les moyens humains et financiers lui permettant de les assumer. Dans la mesure où nous n’avons pas la possibilité d’augmenter ces moyens par amendement, en raison de l’article 40 de la Constitution et de l’interdiction de flécher les dépenses de l’État, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport dressant le bilan des moyens alloués à la DGCCRF.
M. le rapporteur pour avis. Cette proposition n’a pas fait bondir de joie les représentants du Gouvernement que j’ai auditionnés. Néanmoins, elle me paraît totalement fondée : il est important qu’un rapport nous soit remis sur ce sujet, pour que nous voyions si notre ambition en matière de consommation, de transparence et de sain commerce peut s’appuyer sur une administration disposant de moyens adéquats. Je vous remercie d’avoir formulé cette proposition. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE60 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Nous abordons régulièrement la question des délais de paiement dans le cadre de nos travaux. Le non-respect de ces délais constitue, on l’a dit, un véritable fléau, surtout pour nos PME et nos TPE. Le Gouvernement s’attaque au problème en faisant passer les amendes de 375 000 à 2 millions d’euros et en imposant le name and shame, c’est-à-dire la publication des décisions avec le nom des entreprises concernées, y compris lorsqu’elles sont publiques – si j’ai bien compris.
Cependant, ma collègue Catherine Vautrin et moi-même sommes gênés par le fait que l’on oublie, dans l’article 36, toute une partie des responsables des retards de paiement, à savoir les administrations. J’ai alerté le ministre de l’économie à ce propos au cours d’une audition. Il m’a répondu qu’il comptait prendre des mesures. J’ai également posé une question écrite qui attend une réponse depuis plus de quatre mois.
Même si les données manquent, nous savons que l’État est loin de respecter ses délais de paiement, lesquels sont pourtant spécialement adaptés et fixés par décrets. Certains ministères sont particulièrement connus pour cela. Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, il n’est pas possible d’imposer des amendes aux administrations en raison de l’article 40 de la Constitution. Toutefois, il faut que les choses bougent. Dans un souci de parallélisme des formes avec le mécanisme prévu pour les entreprises, nous proposons par cet amendement de publier la liste des administrations qui ne sont pas « dans les clous ». Cette liste est connue puisque, en vertu de l’article 39 de la loi du 28 janvier 2013, tout retard donne lieu à des intérêts moratoires que l’État verse lorsque les retards lui sont imputables. Cette liste pourrait être publiée sur le site du Médiateur des entreprises.
Cet amendement répond à une exigence d’égalité et de prise en compte globale du problème des retards de paiement, en vue de les contenir au maximum.
M. le rapporteur pour avis. Le ministre de l’économie a été très clair sur ce point dans son intervention liminaire tout à l’heure. Ainsi que le montrent les résultats publiés par le Médiateur des entreprises, les indicateurs en la matière s’améliorent pour l’ensemble des administrations de l’État, sauf pour le ministère de la justice et celui des affaires sociales, qui constituent deux points noirs. Quant aux collectivités territoriales, malgré l’inquiétude suscitée par la baisse relative des dotations de l’État, elles sont plutôt exemplaires et réduisent leurs délais de paiement. Selon vous, il manquerait un affichage séparé pour chaque établissement public et chaque pouvoir adjudicateur. Ceux-ci se comptant par milliers, ce travail serait colossal. De plus, il n’apporterait finalement pas grand-chose que nous ne sachions déjà par expérience. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 modifié.
Article 38
(article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans)
Stage de préparation à l’installation des artisans
1. L’état du droit
La loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat a institué le principe d’un stage d’initiation à la gestion pour les artisans. Organisé par les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), ce stage de courte durée dispense une formation à la gestion pour les artisans demandant pour la première fois l’immatriculation d’une entreprise artisanale. Son contenu a été précisé à l’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans. La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat a renommé ce stage « stage de préparation à l’installation » (SPI).
La réalisation de ce stage est une condition pour pouvoir s’inscrire au répertoire des métiers ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au registre des entreprises. Il comporte deux parties : sa première partie est consacrée à l’initiation à la comptabilité générale et à la comptabilité analytique et dispense une information sur l’environnement économique, juridique et social de l’entreprise artisanale ; sa seconde partie consiste en une période d’accompagnement postérieure à l’immatriculation ou à l’inscription.
La loi ouvre une possibilité de dispense du SPI dans trois cas :
– en cas de force majeure empêchant le futur chef d’entreprise de réaliser son stage, auquel cas il doit s’acquitter de son obligation dans un délai d’un an à compter de son immatriculation ou de son inscription ;
– si le futur chef d’entreprise a bénéficié d’une formation à la gestion d’un niveau au moins égal à celui du stage ;
– s’il a exercé, pendant trois ans au moins, une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance au moins équivalent à celui fourni par le stage.
La dispense de suivi du SPI est délivrée par le président de la CMA de région dont le chef d’entreprise est ressortissant, et constitue un préalable à l’immatriculation ou à l’inscription. En l’absence de réponse, cette dispense est considérée comme accordée dans un délai d’un mois suivant la réception de la demande (13).
Rappelons que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a supprimé le cas de dispense de suivi du SPI applicable aux autoentrepreneurs depuis la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009. L’obligation de suivi du SPI s’applique donc aux micro-entrepreneurs depuis le 1er janvier 2015.
2. Les dispositions du projet de loi
L’étude d’impact souligne que l’obligation de suivi du SPI concerne environ 160 000 entrepreneurs par an, dont 100 000 micro-entrepreneurs. Ces créations d’entreprises seraient actuellement freinées en raison des délais nécessaires pour l’organisation du SPI, qui ont augmenté en raison de la récente obligation de suivi du SPI par les micro-entrepreneurs.
En conséquence, le projet de loi propose de modifier l’article 2 de la loi du 23 décembre 1982 précitée afin de lever le frein que peut constituer, dans certains cas, le SPI à la création de nouvelles entreprises artisanales.
L’alinéa 2 supprime, au premier alinéa, l’obligation de réaliser le SPI préalablement à l’immatriculation ou à l’inscription en prévoyant qu’il peut être effectué dans un délai de trente jours suivant celle-ci.
Les alinéas 3 et 4 complètent le quatrième alinéa afin de prévoir qu’un arrêté du ministre chargé de l’artisanat fixe la liste des formations à la gestion d’un niveau au moins égal à celui du SPI, dont l’obtention vaut dispense de suivre le SPI.
Les alinéas 5 et 6 insèrent un cinquième alinéa créant un nouveau cas de dispense du SPI pour les chefs d’entreprise ayant bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise d’au moins trente heures délivré par l’un des réseaux d’aide à la création d’entreprise dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’artisanat.
Enfin, l’alinéa 7 procède à une modification rédactionnelle au huitième alinéa de cet article.
3. La position de votre rapporteur
Votre rapporteur salue l’introduction d’un nouveau cas de dispense de suivi du SPI, qui permettra de faciliter les projets d’entrepreneurs dans le secteur de l’artisanat sans diminuer en rien les exigences de qualification prévalant actuellement. Elle devrait également permettre de contribuer à désengorger le flux de demandes de suivi du SPI, actuellement trop important pour pouvoir être satisfait dans de bonnes conditions.
Il approuve également la disposition prévoyant qu’un arrêté ministériel fixe la liste des formations à la gestion ouvrant droit à une dispense de suivi du SPI, qui permettra d’introduire un traitement uniforme des demandes de dispense sur l’ensemble du territoire.
S’agissant de la possibilité de suivre le SPI jusqu’à trente jours après l’immatriculation, il estime, toutefois, que cette mesure devrait s’accompagner d’une obligation renforcée, pour les chambres de métiers, de faire commencer les stages demandés sous trente jours. Au-delà de ce délai, l’immatriculation du futur chef d’entreprise ne pourra lui être refusée ou être différée, sans préjudice des autres obligations conditionnant l’immatriculation. Votre rapporteur a déposé un sous-amendement en ce sens à plusieurs amendements identiques déposés par Mme Catherine Vautrin, M. Dino Cinieri, M. Antoine Herth, M. Damien Abad et Mme Marie-Hélène Fabre.
Il estime également que le nouveau cas de dispense du SPI devrait être suffisamment encadré. Il a donc déposé un amendement prévoyant que l’accompagnement à la création d’entreprise doit, pour valoir dispense du SPI, dispenser une formation d’un niveau au moins équivalent à celui du stage et être enregistré au répertoire national des certifications professionnelles.
Enfin, il considère que le contenu du SPI gagnerait à être enrichi d’une information sur la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise artisanale, et a déposé un amendement en ce sens.
Votre rapporteur a également déposé des amendements rédactionnels à cet article.
4. L’avis de la commission
La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article tel qu’amendé et sous-amendé par son rapporteur.
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La commission est saisie de l’amendement CE61 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Je suis surpris par l’article 38 qui apporte une fausse solution à un vrai constat. Le constat, c’est que les délais pour obtenir un stage de préparation à l’installation (SPI) sont souvent longs pour les futurs artisans. Or le SPI constitue un préalable à l’immatriculation et a donc tendance à la retarder.
Le Gouvernement a choisi de reporter le SPI, en prévoyant qu’il doit être réalisé dans les trente jours suivant l’immatriculation. Cette mesure n’est pas opportune à mes yeux, car le SPI offre des clés juridiques et économiques indispensables aux artisans qui veulent créer leur activité. Revoir le contenu du SPI en l’orientant davantage sur ces aspects que sur des aspects techniques, pourquoi pas, mais le reporter ne réglera pas le problème. L’article 38 doit être revu. À cet égard, l’amendement CE53 que j’ai cosigné avec ma collègue Catherine Vautrin, offre une piste très intéressante. Pour ce qui est du présent amendement, il propose la suppression de l’article.
M. le rapporteur pour avis. Je vous propose un point de méthode.
Nous venons d’auditionner le ministre de l’économie pendant une heure et demie. Il n’a pas tourné autour du pot : il nous a fait part de sa vision et évoqué les points d’atterrissage possibles. Pour ma part, j’ai travaillé sur le fond après avoir entendu tous les acteurs concernés, dont vous allez probablement reprendre les arguments : l’Union professionnelle artisanale (UPA), les chambres de métiers et de l’artisanat, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Association française des entreprises privées (AFEP), entre autres. Nous avons également discuté avec le Gouvernement.
Nous avons trouvé un compromis. Satisfaction est donnée aux chambres des métiers pour lesquelles le SPI effectué avant l’immatriculation et pas après, constituait une ligne rouge, ce qui relève du bon sens. En revanche, elles sont invitées, avec les autres opérateurs – puisque le projet de loi ouvre à la concurrence en la matière –, à faire l’effort de répondre aux demandes de stage dans le mois. L’attente du ministre de l’économie en termes de rapidité est ainsi satisfaite. Sans proposition de stage commençant dans le mois, l’entrepreneur sera immatriculé, car il a le droit d’entreprendre. Ce ne sera pas sans créer une incertitude juridique, mais nous assumons le fait qu’il doit être immatriculé.
Compte tenu de ce compromis, je donnerai rapidement un avis favorable ou défavorable aux amendements sans que nous reprenions, les uns et les autres, les différents arguments que nous avons déjà maintes fois entendus au cours de la discussion avec le ministre.
Avis défavorable, donc, à l’amendement CE61.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CE184 de Mme Michèle Bonneton, les amendements identiques CE165 de M. Thierry Benoit et CE191 de Mme Michèle Bonneton, les amendements identiques CE53 de Mme Catherine Vautrin, CE84 de M. Antoine Herth et CE196 de Mme Marie-Hélène Fabre, et l’amendement CE138 du rapporteur pour avis.
L’amendement CE53 fait l’objet du sous-amendement CE269 du rapporteur pour avis.
Mme Michèle Bonneton. Par l’amendement CE184, nous proposons que l’immatriculation au répertoire des métiers – ou au registre des entreprises, pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle – soit de droit lorsque le demandeur n’a pas reçu d’offre de stage dans un délai de soixante jours. Reste que le créateur d’entreprise doit pouvoir effectuer son stage, car il ne faut pas fragiliser l’avenir de la future entreprise.
M. Lionel Tardy. L’article 38 vise à modifier les règles applicables au SPI. Or la formulation proposée à cette fin n’est pas satisfaisante, car le stage n’est absolument pas conforté en tant que préalable à l’installation. Ce constat est dressé sans ambiguïté par le Conseil d’État lui-même. Cependant, il ne faut pas freiner l’entreprenariat. Il apparaît donc nécessaire que le SPI soit organisé dans un délai de soixante jours, un délai de trente jours étant notoirement insuffisant. Tel est le sens de l’amendement CE53.
M. le rapporteur pour avis. Le sous-amendement CE269 à l’amendement CE53 et aux amendements identiques vise à préciser que la chambre des métiers, l’établissement ou le centre saisi d’une demande de stage est tenu de faire commencer celui-ci sous trente jours. Dans les faits, cela laisse cinq semaines pour organiser ledit stage, ce qui constitue un compromis entre le délai de trente jours et celui de soixante jours, entre lesquels nous hésitions. Je donne donc suite à votre proposition, Monsieur Lionel Tardy, tout en raccourcissant le délai, dans l’esprit d’agilité défendu par le ministre de l’économie tout à l’heure.
M. Antoine Herth. Mon amendement CE84 est identique au CE53. Je remercie Mme Michèle Bonneton d’avoir défendu le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, trois départements qui sont particulièrement attachés à la formation initiale des artisans avant leur installation, car celle-ci est vraiment ancrée au cœur des pratiques de l’autre côté du Rhin. S’ils sont amenés à exercer leurs fonctions sur le marché allemand, les artisans français ont besoin de cette formation et de cette qualification.
M. le rapporteur pour avis. Je retire mon amendement CE138, qui était un amendement de secours. Je donne un avis favorable à l’amendement CE53 et aux amendements identiques, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CE269 que j’ai présenté. Avis défavorable aux autres amendements.
Les amendements CE184, CE165, CE191, CE84, CE196 et CE138 sont retirés.
La commission adopte le sous-amendement CE269.
Puis elle adopte l’amendement CE53 sous-amendé.
La commission examine l’amendement CE119 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’enrichir le contenu du stage de préparation à l’installation en y incluant une information sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) de l’entreprise artisanale. Consacrer quelques heures sur les quatre jours de formation aux enjeux de la RSE me paraît précieux pour que nos futurs entrepreneurs prennent pleinement conscience de leurs responsabilités en la matière, comme citoyens mais aussi comme chefs d’entreprise.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE166 de M. Thierry Benoit.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE237 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Le présent amendement vise à abaisser le délai de dispense pour suivre un stage de préparation à l’installation en cas de force majeure pour le futur chef d’entreprise, et à le ramener d’un an à six mois. Il s’agit de renforcer la pérennité de la future entreprise, de donner à l’entrepreneur les clefs de gestion en matière de comptabilité et de management.
M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Même si je comprends votre préoccupation, il ressort des auditions auxquelles nous avons procédé que le délai prévu par le texte permet à l’entrepreneur de maîtriser la situation en cas de force majeure.
M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas ce que disent les professionnels et leurs représentants.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE235 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement tend à supprimer la possibilité de déroger à la réalisation d’un stage de préparation à l’installation pour les créateurs d’entreprises artisanales qui n’ont jamais exercé une activité ou ne disposent pas d’un diplôme conférant les compétences requises pour s’installer.
L’article 38 ne prévoit aucune sanction en cas de non-participation au SPI. Aucune garantie ne permet de s’assurer que le délai de trente jours suivant l’installation sera bien respecté. Plusieurs organisations syndicales ont souligné que ce délai supplémentaire n’était pas suffisant pour remédier au problème du délai d’attente.
Le SPI permet de renforcer la pérennité de la future entreprise et, à ce titre, il s’agit d’un dispositif régalien, mis en place par l’État donc, qui aide les futurs chefs d’entreprise. Aussi doit-on maintenir ces régulations et ne pas s’en remettre au marché et à la concurrence.
M. le rapporteur pour avis. Le délai en question, c’est acquis, est de trente jours. En ce qui concerne les dispenses, chaque chambre des métiers était soit rigide, soit flexible ; c’est pourquoi nous proposons que les cas de dispense soient réglés à l’échelle nationale. Le titulaire d’un bac de gestion n’a pas besoin qu’on lui explique la différence entre un chiffre d’affaires et un bénéfice ! Nous souhaiterions que les chambres des métiers, dans les huit jours, en examinant les demandes d’immatriculation, dispensent immédiatement les candidats qui n’ont pas à attendre pendant un mois une offre de stage. Nous allons, par conséquent, augmenter les cas de dispense, diversifier l’offre de SPI, bref, opérer une petite révolution en la matière.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE115 et CE116 du rapporteur pour avis.
Elle est saisie des amendements identiques CE112 de Mme Catherine Vautrin, CE122 de M. Antoine Herth et CE197 de Mme Marie-Hélène Fabre.
M. le rapporteur pour avis. La formulation proposée ne permet pas d’inscrire ces dispositions dans un texte de niveau législatif. Nous allons demander que le règlement en question ait une portée nationale afin que les dispenses ne soient pas accordées de façon aléatoire en fonction des chambres des métiers. Avis défavorable.
L’amendement CE197 est retiré.
La commission rejette les amendements CE112 et CE122.
Elle examine ensuite l’amendement CE264 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à normaliser et harmoniser, à l’échelon national, la formation dispensée par les réseaux d’aide à la création d’entreprise. Cet accompagnement serait enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. J’y insiste : les prestataires seront homologués, il ne sera pas question de faire du low cost.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle en vient à l’amendement CE222 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à limiter les possibilités de dispense du SPI pour les créateurs d’entreprises artisanales, prévues par le projet de loi initial, car la sécurité juridique devant encadrer les conditions d’accès à la qualification d’artisan ne semble pas suffisamment assurée.
Ainsi, pour les accompagnements permettant une dispense de SPI, l’amendement propose de rendre uniformes les homologations prévues et d’exiger les mêmes compétences.
M. le rapporteur pour avis. Même argument que pour les précédents amendements de M. Lionel Tardy et Mme Catherine Vautrin : les mots « procédures d’homologation » ne figurent pas dans un texte de niveau législatif. De plus, l’amendement, sur le fond, est satisfait.
L’amendement est retiré.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 38 modifié.
Article 43
(articles 16, 17, 17-1 et 21 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat et loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d’accès à la profession de coiffeur)
Qualifications des artisans
1. L’état du droit
L’article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat prévoit, à son I, une obligation de qualification professionnelle pour les activités suivantes :
– l’entretien et la réparation des véhicules à moteur et des machines ;
– la construction, l’entretien et la réparation des bâtiments ;
– la mise en place, l’entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l’alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;
– le ramonage ;
– les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ;
– la réalisation de prothèses dentaires ;
– la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ;
– l’activité de maréchal-ferrant.
Ces activités ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci.
Le II de l’article 16 prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine, en fonction de la complexité de chacun des métiers relevant de ces activités et des risques qu’ils peuvent présenter pour la sécurité ou la santé des personnes, les diplômes, les titres homologués ou la durée et les modalités de validation de l’expérience professionnelle qui justifient de la qualification requise. Rappelons que l’article 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 a modifié cette disposition en prévoyant une qualification par métier, alors que prévalait auparavant une qualification par activité : l’artisan qualifié pour une activité était autorisé à exercer tous les métiers faisant partie de celle-ci.
Le IV de l’article 16 prévoit que les dispositions de cet article ne font pas obstacle à l’application des dispositions législatives spécifiques à la profession de coiffeur. Tout en constituant une profession artisanale réglementée, les règles applicables à la profession de coiffeur sont en effet fixées par la loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d’accès à la profession de coiffeur. Ces règles sont, toutefois, très proches de celles prévues par la loi du 5 juillet 1996 précitée. Son article 3 dispose que toute entreprise de coiffure et chacun de ses établissements sont placés sous le contrôle effectif et permanent d’une personne professionnellement qualifiée ; de même, l’activité professionnelle de coiffure au domicile des particuliers doit être exercée par une personne qualifiée. S’agissant des conditions d’exercice de l’activité de coiffure en France par des professionnels ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ainsi que des peines applicables en cas de manquement à ses dispositions, la loi du 23 mai 1946 comporte également des dispositions presque identiques à celles de la loi du 5 juillet 1996.
L’article 17 de la loi du 5 juillet 1996 précitée prévoit que, pour s’établir en France, un professionnel ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit remplir les conditions énoncées au I de l’article 16.
Son article 17-1 prévoit, à son I, qu’un professionnel souhaitant exercer l’une des activités mentionnées au I de l’article 16 qui est ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut exercer en France, à titre temporaire et occasionnel, le contrôle effectif et permanent d’une des activités visées au I du même article 16, sous réserve d’être légalement établi dans un de ces États pour y exercer la même activité. Toutefois, lorsque cette activité ou la formation y conduisant ne sont pas réglementées dans l’État d’établissement, il doit en outre l’avoir exercée dans cet État pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation qu’il entend réaliser en France.
Son II précise que, préalablement à sa première prestation en France, ce professionnel en informe l’autorité compétente, par une déclaration écrite, lorsqu’il souhaite exercer le contrôle effectif et permanent d’une des activités suivantes :
1° L’entretien et la réparation des véhicules et des machines, à l’exclusion des cycles ;
2° La mise en place, l’entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l’alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;
3° Le ramonage ;
4° La réalisation de prothèses dentaires.
L’autorité compétente peut procéder à une vérification de ses qualifications professionnelles.
Enfin, l’article 24 de la loi du 5 juillet 1996 prévoit les sanctions applicables en cas de manquement à ces dispositions. Il punit d’une amende de 7 500 € au plus pour les personnes physiques et de 37 500 € au plus pour les personnes morales le fait d’exercer à titre indépendant ou de faire exercer par l’un de ses collaborateurs une des activités visées à l’article 16 sans disposer de la qualification professionnelle exigée ou sans assurer le contrôle effectif et permanent de l’activité par une personne en disposant. Les personnes physiques comme morales coupables de ce délit encourent également, à titre de peines complémentaires, la fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, et l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée. Outre les officiers et les agents de police judiciaire agissant dans les conditions prévues au code de procédure pénale, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater ces infractions. L’exercice de la profession de coiffeur est protégé, dans la loi du 23 mai 1946 précitée, par les mêmes dispositions.
2. Les dispositions du projet de loi
Cet article vise à assouplir les conditions de qualification régissant l’accès aux professions artisanales réglementées, afin de recentrer ces conditions sur celles qui sont strictement nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs. Il procède également à l’intégration de la profession de coiffeur, qui bénéficie aujourd’hui d’une loi spécifique, au sein du régime général des professions artisanales réglementées, et transpose, s’agissant de ces dernières, la directive européenne 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur.
Le I (alinéas 1 à 31) modifie trois articles de la loi du 5 juillet 1996 précitée.
Son A (alinéas 2 à 19) modifie l’article 16 de ladite loi. L’alinéa 4 retient une approche par secteur économique pour la définition des activités artisanales soumises à qualification professionnelle, et limite, au sein de ces secteurs, l’obligation de qualification aux activités présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes. L’alinéa 5 précise la définition de l’un de ces secteurs, en prévoyant que le secteur de l’entretien et de la réparation des véhicules à moteur et des machines concerne les véhicules terrestres et les machines agricoles, forestières et de travaux publics. L’alinéa 6 supprime le ramonage de la liste des professions artisanales réglementées ; il supprime également, à cet emplacement, la mention des activités de réalisation de prothèses dentaires et de celle de maréchal-ferrant. Les alinéas 7 et 8, en revanche, ajoutent à cette liste la coiffure. L’alinéa 9 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe la liste des activités incluses dans les secteurs économiques concernés et soumises à l’obligation de qualification.
Les alinéas 10 et 11 insèrent à l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 un II prévoyant que sont également soumises à l’obligation de qualification les activités de réalisation de prothèses dentaires et de maréchal-ferrant.
Les alinéas 12 et 13 insèrent au même article 16 un III transposant, pour les professions artisanales réglementées, la directive européenne 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 précitée (14). En effet, cette directive prescrit aux États membres d’autoriser l’accès partiel à un métier aux personnes qualifiées pour exercer une partie de ce métier dans un autre État membre de l’Union européenne, accès partiel qui n’existe pas, pour l’heure, en droit français. En conséquence, les alinéas 12 et 13 prévoient qu’une personne qualifiée pour l’exercice d’une partie d’une activité artisanale peut exercer la partie d’activité qui correspond à sa qualification ou en assurer le contrôle effectif et permanent au sein de l’entreprise.
Les alinéas 14 et 15 modifient les dispositions figurant actuellement au II de l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 précitée relatives aux titres et diplômes ouvrant l’accès aux professions artisanales réglementées, afin de prévoir qu’un décret en Conseil d’État détermine, en fonction des risques que peut présenter l’exercice de chaque activité artisanale réglementée pour la santé et la sécurité des personnes, le niveau des diplômes ou des titres homologués ou enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles ou la durée et les modalités de validation de l’expérience professionnelle qui justifient de la qualification requise pour l’exercice de ladite activité.
Les alinéas 16 et 17 insèrent, au même article 16, un V prévoyant qu’un décret fixe les règles applicables à l’apprentissage de la profession de coiffeur et aux établissements qui en dispensent l’enseignement, ainsi que les qualifications nécessaires à l’enseignement de la profession de coiffeur. En conséquence, l’alinéa 18 abroge le IV, qui prévoit que les dispositions de l’article 16 ne font pas obstacle à l’application des dispositions législatives spécifiques à la profession de coiffeur. L’alinéa 19 procède à une modification rédactionnelle.
Le B (alinéa 20) modifie l’article 17 de la loi du 5 juillet 1996 précitée, en substituant la mention de l’Union européenne à celle de la Communauté européenne, et en tirant les conséquences en termes de coordination des références des modifications apportées à l’article 16.
Le C (alinéas 21 à 31) modifie l’article 17-1 de la même loi, afin de transposer la directive européenne 2013/55/UE précitée s’agissant des professions artisanales réglementées. L’alinéa 23 substitue, au premier alinéa du I de cet article, à la mention de la Communauté européenne celle de l’Union européenne et procède à une modification rédactionnelle tirant la conséquence de la réécriture de l’article 16. L’alinéa 24 modifie, au deuxième alinéa du même I, les conditions auxquelles un professionnel peut exercer une activité artisanale réglementée en France lorsque cette activité ou la formation y conduisant ne sont pas réglementées dans son État d’établissement : l’exercice de son activité en France serait autorisé si ce professionnel l’a exercée dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne ou État partie à l’accord sur l’Espace économique européen pendant au moins une année à temps plein ou pour une durée équivalente à temps partiel au cours des dix années qui précèdent la prestation qu’il entend réaliser en France. Cette modification répond à une prescription de la directive.
Les alinéas 25 et 26 insèrent un nouvel alinéa au I, prévoyant qu’une personne qualifiée pour l’exercice d’une partie d’une activité artisanale réglementée peut exercer la partie d’activité qui correspond à sa qualification ou en assurer le contrôle effectif et permanent au sein de l’entreprise.
Les alinéas 27 à 31 modifient le II du même article 17-1 afin de tirer la conséquence des modifications apportées à l’article 16. La seule autre modification consiste en la suppression de l’exclusion des cycles parmi les activités d’entretien et de réparation des véhicules et des machines pour lesquelles un professionnel ressortissant de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit informer l’autorité compétente, préalablement à sa première prestation en France, par une déclaration écrite, qu’il souhaite exercer le contrôle effectif et permanent de ces activités.
Le II (alinéa 32) procède à l’abrogation de la loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d’accès à la profession de coiffeur.
Enfin, le III (alinéa 33) prévoit une entrée en vigueur des dispositions de cet article à une date fixée par décret et au plus tard dix-huit mois à compter de la publication de la loi.
3. La position de votre rapporteur
Outre des amendements rédactionnels et de coordination, votre rapporteur a déposé quatre amendements à cet article, pour en changer l’esprit, en indiquant que des précisions devront être apportées dans la suite du débat parlementaire. Deux introduisent une consultation obligatoire de l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat et des organisations professionnelles représentatives sur le projet de décret en Conseil d’État qui fixera la liste des activités artisanales présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes qui seront soumises à une obligation de qualification, et sur celui qui fixera le niveau de formation requis pour l’exercice des activités artisanales soumises à qualification. Le troisième prévoit la consultation des organisations professionnelles représentatives sur le projet de décret fixant les règles encadrant la profession de coiffeur et les qualifications requises pour l’enseignement de cette profession. Enfin, le dernier prévoit que le décret qui fixera la liste des activités artisanales qui seront soumises à une obligation de qualification devra également prévoir de nouvelles modalités de validation des acquis de l’expérience pour l’accès à ces activités et réviser la liste des activités réalisables sous le statut d’homme toutes mains afin que, le cas échéant, y soient intégrées des tâches émergentes répondant à une offre et une demande dont la nature ne disqualifie pas le champ économique de l’artisanat.
4. L’avis de la commission
La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article tel qu’amendé par son rapporteur.
Elle a également adopté un amendement de Mme Jeanine Dubié, complétant l’article 21 de la loi du 5 juillet 1996 précitée afin de prévoir que peuvent seules se prévaloir de la qualité d’artisan cuisinier, les personnes qualifiées exerçant une activité de fabrication de plats à consommer sur place, dès lors qu’elles remplissent des conditions définies par décret.
*
* *
La commission examine l’amendement CE111 de la présidente Frédérique Massat.
Mme la présidente Frédérique Massat. Le présent amendement de suppression répond à des inquiétudes exprimées en auditions, mais également sur le terrain, par les TPE et PME, pour lesquelles le dispositif proposé n’est pas très lisible. Si nous comprenons la volonté dont nous a fait part le ministre tout à l’heure de promouvoir de nouvelles opportunités, il nous faut cependant veiller à ne pas déstabiliser les secteurs et leurs métiers, notamment dans le bâtiment.
De nombreux amendements, je le sais, vont être présentés, par le rapporteur pour avis notamment, pour que les décrets fassent l’objet d’une concertation et d’un large consensus. Il s’agit de définir précisément quels métiers pourront être demain dissociés des activités auxquelles ils sont rattachés. Il n’est donc pas question, de notre côté, de défiance mais de la volonté d’affiner au mieux le dispositif.
J’ai bien conscience que l’adoption de mon amendement mettrait un terme à nos échanges, empêchant de rendre compte du travail que les uns et les autres ont effectué sur un article qui fait beaucoup parler. Je suis donc prête à le retirer mais, le cas échéant, si j’estime notre réflexion collective insatisfaisante, je le redéposerai en séance.
L’objectif de tous les amendements est de protéger un certain nombre de secteurs en répondant aux nécessités du terrain, pas de satisfaire on ne sait quels lobbies. Nous sommes conscients que de nouvelles activités et de nouvelles formes d’entrepreneuriat peuvent émerger, mais nous entendons que l’équilibre économique de nos territoires n’en soit pas déstabilisé et que la qualité des prestations rendues au consommateur soit toujours garantie. Le retrait de mon amendement ne revient donc pas à donner un blanc-seing au rapporteur ni au Gouvernement.
M. le rapporteur pour avis. Quel plaidoyer, Madame la présidente ! Si l’article 38 a rapidement fait l’objet d’un assez large consensus, il n’en va pas de même pour l’article 43. Nous sommes tous attachés au Made in France (fabriqué en France) artisanal, au travail qualifié, à la reconnaissance des milieux populaires… En revanche, personne ne peut affirmer ici que les questions posées par le rapport Barbaroux sur l’évolution des métiers et l’inclusion des milieux défavorisés ou le nouvel entreprenariat sont des légendes. Personne ne peut soutenir non plus que le recrutement dans l’artisanat et la satisfaction de la demande ne sont pas des sujets de préoccupation. Il faut donc faire bouger les lignes, ce qui ne signifie pas mettre tout à plat et créer le désordre partout.
La proposition de M. Emmanuel Macron laissait au Gouvernement un pouvoir considérable en rebattant les cartes d’une situation qui reposait sur le résultat des travaux de M. Laurent Grandguillaume et les dispositions de la loi Pinel. Cette proposition a créé le désordre partout, et pas seulement chez les coiffeurs et chez les ramoneurs. Dans le bâtiment notamment, tout le monde s’est senti menacé par l’insécurité juridique et la concurrence déloyale. L’intention du ministre doit donc être encadrée, ce que je propose de faire avec des amendements qui tendent à poser trois jalons.
En premier lieu, il s’agit de réparer un oubli du Gouvernement, en rétablissant la concertation, qui est pourtant fondamentale, avec les branches et les responsables professionnels. Le ministre nous a d’ailleurs montré, s’agissant de l’onglerie et de la coiffure, que c’est le seul dialogue avec la profession qui a permis de déterminer si la coiffure africaine relevait de telle ou telle catégorie. La concertation avec les organisations professionnelles représentatives et les organisations consulaires, comme préalable à la publication des décrets, doit donc être inscrite dans la loi.
En deuxième lieu, il s’agit d’aider les personnes mentionnées par le rapport Barbaroux, qui n’ont réussi ni par l’école, ni par l’apprentissage, mais par leur énergie et les savoir-faire qu’elles ont acquis ailleurs, et qui voudraient réintégrer le monde du travail, passant pour certaines de l’économie informelle à l’économie formelle – ces personnes dont on dit qu’elles ont un talent fou mais aucun diplôme pour le certifier. Je propose donc que la validation des acquis de l’expérience (VAE), que ce soit dans le secteur de la mécanique ou dans le second œuvre du bâtiment, puisse accélérer la reconnaissance de leur qualification, jeter des passerelles entre exclus et intégrés. En effet, les procédures en vigueur sont laborieuses, culturellement inadaptées à ces publics.
Tout à l’heure, j’ai proposé à M. Emmanuel Macron qu’une cellule de volontaires réfléchisse à ce que pourrait être une VAE « nouvelle formule », qui réponde au désir d’agilité, d’inclure des gens dans la société, de leur offrir une seconde chance en les qualifiant sans qu’ils doivent forcément en passer par l’école ou l’appareil consulaire tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui. Inventons un nouveau modèle !
En troisième lieu, il faut éviter de créer un sous-artisanat – ce serait catastrophique. Reste que les lois Borloo et Pinel ont reconnu le secteur des « hommes toutes mains ». Souvent assimilé au bricolage, il correspond pourtant à une demande réelle de services ponctuels et limités, la plupart du temps non concurrents de l’artisanat plus traditionnel. Qui plus est, cette demande est croissante au sein d’une population vieillissante, débordée ou dépendante.
Une extension, avec discernement, du domaine d’activité de ces hommes toutes mains me paraît le compromis acceptable. Autrement dit, nous n’aurions pas demain, d’un côté, une population « uberisée » dans un univers informel et, de l’autre, les ressortissants de la vieille économie, enfermés dans un univers normalisé comme dans une forteresse. Une passerelle serait jetée entre les deux mondes. Le périmètre des métiers qui bénéficient souvent du chèque emploi service universel (CESU) et qui relèvent des services à la personne et du bricolage pourrait être redéfini. Nous ne serions ni dans l’incertitude, ni dans une disqualification du monde de l’entreprenariat, mais dans sa requalification. Tel est le compromis que nous avons proposé à M. Emmanuel Macron et qu’il a, je crois, entendu – d’autant mieux que Mme la présidente laisse planer la menace de son amendement qui obligerait à renoncer à toute réforme en la matière.
Entre le conservatisme et le désordre, nous choisissons la réforme.
Mme la présidente Frédérique Massat. Nous serons collectivement très vigilants, et nous ferons les auditions nécessaires pour expertiser l’amendement du rapporteur, qui devra comporter tous les cliquets de sécurité que nous souhaitons.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques CE82 de M. Antoine Herth, CE199 de Mme Marie-Hélène Fabre, CE223 de Mme Jeanine Dubié et CE236 de M. Jean-Luc Laurent.
M. Antoine Herth. Mon amendement vise à supprimer les alinéas 2 à 19 de l’article 43. Dans le bâtiment, en particulier, les artisans doivent apporter un certain nombre de garanties. D’une part, la démarche de transition écologique suppose de leur part un effort de qualification, notamment pour obtenir le label RGE (reconnu garant de l’environnement) qui permet à leurs clients de bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique. D’autre part, la garantie décennale dont leurs clients bénéficient implique que leur niveau de qualification est suffisant ou bien qu’ils ont souscrit une assurance qui prendra en charge les problèmes éventuels – j’avoue que je préfère la première option.
Monsieur le rapporteur, je me doute que vous allez me demander de retirer cet amendement au profit d’un débat que nous aurions en séance. Je le ferai volontiers si vous êtes convaincant.
Mme Marie-Hélène Fabre. Madame la présidente, je m’associe pleinement à votre démarche.
Mon amendement est le reflet de la grande inquiétude du monde artisanal. Monsieur le rapporteur, vous nous annoncez un amendement qui prévoira la consultation des professionnels. J’appelle néanmoins votre attention sur le secteur du bâtiment, et je reprends les arguments de M. Antoine Herth, notamment s’agissant des obligations que doivent remplir les artisans au titre de la garantie décennale et de la transition énergétique.
Mme Jeanine Dubié. Les qualifications professionnelles sont aujourd’hui déterminées en fonction du risque pour la santé et la sécurité des personnes, et en fonction de la complexité des métiers. La réforme proposée pourrait être préjudiciable pour les activités artisanales comme pour les consommateurs, et elle remettrait en cause l’équilibre satisfaisant trouvé dans le cadre de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE).
Si l’intention du Gouvernement est de favoriser l’emploi, il serait peut-être plus judicieux et efficace de mieux valoriser le champ des services à la personne en recourant, pour les petits travaux du bâtiment, au statut existant d’homme toutes mains et bricolage.
Madame la présidente, si votre amendement avait été maintenu, c’est avec plaisir que j’aurais retiré le mien et voté le vôtre.
M. Jean-Luc Laurent. Alors que le Gouvernement nous chante les louanges de la simplification et de la stabilité dans un certain nombre de domaines, il est regrettable qu’il veuille nous plonger dans l’instabilité en souhaitant modifier l’équilibre trouvé grâce à la loi Pinel. Ce n’est bon ni pour la capacité d’action des entreprises, ni pour leur vision de l’avenir.
En l’état, l’article 43 nous laisse dans l’ignorance sur le contenu des actes réglementaires à suivre, et sur les modalités qui en résulteront. Ce n’est pas de bonne méthode.
Je propose de supprimer les alinéas 2 à 19, et de maintenir l’actuelle qualification d’artisan pleine et entière.
M. le rapporteur pour avis. J’entends les arguments présentés, et me suis déjà exprimé à leur sujet.
Mes chers collègues, n’oubliez pas ceux qui, aujourd’hui, se trouvent à la périphérie du marché du travail et qui ont une capacité d’entreprendre, ceux qui n’ont pas de réponse à leurs demandes. Les propositions que nous examinons ici sont le reflet de la réalité. Et l’équilibre résultant de la loi Pinel lui-même pose des difficultés qui ne sont pas résolues.
J’émets un avis défavorable sur ces amendements, en vue d’un accord qui permettra de concilier les attentes des uns et des autres. Si cela peut vous rassurer, j’ai pris attache avec les grandes organisations patronales pour vérifier que le compromis que nous proposions était acceptable.
Mme la présidente Frédérique Massat. Le retrait de mon amendement vaut jusqu’à la séance. Si nous constatons, après expertise, que la solution proposée par le rapporteur n’est pas globalement satisfaisante, je garde la liberté de le redéposer dans l’hémicycle. À ce stade, je souhaite que l’on puisse continuer à avancer sur ce dossier.
L’amendement CE199 est retiré.
La commission rejette les amendements CE82, CE223 et CE236.
Elle en vient à l’amendement CE192 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Se passer de diplômes ou de qualifications professionnelles pour l’exercice de certains métiers, dans un monde ou la technicité ne cesse de progresser dans tous les domaines, va à l’encontre de la volonté affichée d’élever le niveau de compétence et de formation. Cela ne serait satisfaisant ni pour les salariés, ni pour les entrepreneurs, ni pour les consommateurs clients
Contrairement à ce que nous avons pu entendre, changer un joint n’est pas anodin ; construire une maison non plus ! La proposition qui nous est faite conduit aussi à dévaloriser la formation, les métiers et les diplômes qui vont avec. Ce sont pourtant des notions importantes pour le choix des jeunes qui décident de leur avenir. Comment les motiver à se former si la formation est dévalorisée et devient inutile ?
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE124 du rapporteur pour avis.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE1 de M. Antoine Herth.
M. Antoine Herth. Cet amendement vise à défendre la profession de ramoneur. Mal exercée, elle fait courir un risque en termes de santé. Chaque année, la presse rapporte des cas d’intoxication au monoxyde de carbone, et ces accidents sont souvent dus à un mauvais ramonage. Les ramoneurs ne sont pas seulement une image d’Épinal, ils effectuent un véritable travail d’intérêt collectif.
M. le rapporteur pour avis. Si vous souhaitez que nous ajoutions formellement les ramoneurs dans le texte, nous pouvons le faire – et je sais que le Gouvernement n’y verra pas d’inconvénient –, mais ils font évidemment partie des professions qui entretiennent le bâtiment. Nous ne ferions qu’alourdir le projet de loi. Si nous nommions les ramoneurs, ce serait au détriment des plâtriers, des serruriers…
M. Antoine Herth. Ces derniers construisent le bâtiment davantage qu’ils ne l’entretiennent, d’où mon inquiétude.
M. le rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement. Si vous vouliez vraiment voter cette disposition, ce ne serait pas la fin du monde, mais, sur ce sujet, l’amendement CE62 de M. Lionel Tardy me paraît plus adapté.
M. Antoine Herth. Je me rallie à l’amendement de M. Tardy
L’amendement CE1 est retiré.
La commission examine l’amendement CE139 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de corriger un oubli et de prévoir la consultation obligatoire de l’assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat et des organisations professionnelles représentatives sur le projet de décret prévu à l’alinéa 9 de l’article 43.
La commission adopte l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE272 du même auteur.
M. le rapporteur pour avis. Un décret en Conseil d’État prévoira de nouvelles modalités de validation des acquis de l’expérience pour les activités artisanales soumises à qualification. Nous ne voulons pas détruire le métier d’artisan qui reste notre référence : nous voulons permettre à d’autres personnes d’y accéder grâce à une validation des acquis de l’expérience nouvelle formule. Ce décret révisera aussi le champ des activités réalisables sous le statut d’homme toutes mains – nous supposons que ce champ sera élargi, mais cela fera l’objet d’une concertation.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CE125 du rapporteur pour avis.
Puis elle aborde l’amendement CE62 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Comme l’article 38, l’article 43 doit être revu. Ce n’est pas en supprimant bêtement des qualifications demandées pour exercer un métier que l’on va favoriser l’accès à ce dernier, surtout s’il nécessite des précautions particulières en matière de sécurité ou d’hygiène. Cela concerne, par exemple, les coiffeurs, mais aussi les ramoneurs. Nous ne sommes plus à l’époque des petits Savoyards qui partaient tout jeunes travailler dans les grandes villes. Le métier de ramoneur impose aujourd’hui des exigences particulières en matière de sécurité : le ramonage doit être maintenu sur la liste des secteurs pour lesquels une qualification reste obligatoire.
Je vous avoue que, s’agissant de cet article, je ne vois pas quelle est la logique du Gouvernement et du ministre de l’économie. Ce dernier, pour favoriser l’emploi et l’activité artisanale, réduit les qualifications plutôt que les charges et la paperasse – il pourrait aussi travailler davantage sur le régime social des indépendants (RSI).
M. le rapporteur pour avis. J’ai déjà dit pourquoi je demande le retrait de cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CE254 de Mme Michèle Bonneton et CE140 du rapporteur pour avis.
Mme Michèle Bonneton. J’ai déjà présenté mes arguments en défense de l’amendement CE192.
Madame la présidente, en cas de besoin, je soutiendrai, dans l’hémicycle, votre amendement de suppression de l’article 43.
M. le rapporteur pour avis. Comme l’amendement CE139, que nous avons adopté, l’amendement CE140 vise à réparer un oubli concernant la consultation obligatoire de l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat et des organisations professionnelles représentatives sur le projet de décret fixant le niveau de formation requis pour l’exercice des activités artisanales soumises à qualification.
Je suis défavorable à l’amendement CE254.
L’amendement CE254 est retiré.
La commission adopte l’amendement CE140.
Elle en vient à l’amendement CE141 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser, en cohérence avec les dispositions précédemment examinées, que le décret est pris après avis des organisations professionnelles représentatives.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE126, CE128, CE129 et CE130 du rapporteur pour avis.
La commission est saisie des amendements identiques CE201 de Mme Marie-Hélène Fabre, CE257 de M. Antoine Herth et CE259 de M. Jean-Luc Laurent.
M. le rapporteur pour avis. Je suis défavorable à ces amendements.
L’amendement CE201 est retiré.
La commission rejette les amendements CE257 et CE259.
Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels CE134, CE131, CE132 et CE133 du rapporteur pour avis.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE127 du rapporteur pour avis et CE250 de Mme Jeanine Dubié.
M. le rapporteur pour avis. L’amendement CE127 est rédactionnel.
La commission adopte l’amendement CE127.
En conséquence, l’amendement CE250 tombe.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CE136 du rapporteur pour avis.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE233 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Certains cuisiniers se reconnaissent dans le terme « artisan », synonyme pour les Français de transformation des produits bruts, de savoir-faire traditionnel et de transmission de ce dernier. Pour leur permettre de valoriser leur métier et répondre aux attentes des consommateurs, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dispose que désormais « les personnes physiques et les personnes morales exerçant l’activité de fabrication de plats à consommer sur place et qui n’emploient pas plus de dix salariés peuvent s’immatriculer » au répertoire des métiers. Cette disposition, aujourd’hui intégrée à la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, a été complétée par une codification INSEE du métier d’artisan cuisinier dans la nomenclature d’activités française de l’artisanat (NAFA) : « 56.10.A.P : Fabrication culinaire artisanale de plats à consommer sur place ».
L’amendement CE233 permet, d’une part, de s’assurer que le cuisinier inscrit au répertoire des métiers respecte les valeurs de l’artisanat dans une démarche de qualité et, d’autre part, de donner une image très positive de la cuisine française aux consommateurs et aux jeunes ou futurs cuisiniers, que ce soit en France ou dans le monde entier.
Mme la présidente Frédérique Massat. Voilà un amendement bien séduisant !
M. le rapporteur pour avis. Nonobstant le risque d’une certaine complexité, le souci de reconnaître la qualité m’incite à émettre un avis favorable – ce qui me permet de satisfaire enfin Mme Jeanine Dubié, qui a connu bien des frustrations au cours de cette séance…
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination CE137 et l’amendement rédactionnel CE135, tous deux du rapporteur pour avis.
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 43 modifié.
Article 44
Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles et à rendre applicables dans certaines collectivités d’outre-mer les dispositions liées à cette transposition
La directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur a largement révisé le système de reconnaissance des qualifications professionnelles entre États membres de l’Union européenne.
1. Les dispositions de la directive
a. La modernisation du système de reconnaissance des qualifications professionnelles
La directive 2013/55/UE précitée apporte d’importantes modifications aux règles de reconnaissance des qualifications professionnelles :
1° Elle abaisse de deux ans à un an la durée de l’expérience professionnelle exigée lorsque le professionnel vient d’un État membre où la profession n’est pas réglementée, aussi bien en libre établissement qu’en libre prestation de services ;
2° Elle introduit la prise en considération des connaissances, aptitudes et compétences acquises lors d’un apprentissage tout au long de la vie pour apprécier les différences entre les qualifications professionnelles du prestataire et celles exigées dans l’État d’accueil ;
3° Elle révise les procédures de reconnaissance des qualifications, selon les principes suivants : examen de toutes les demandes de reconnaissance par les autorités compétentes, quel que soit le niveau de formation du prestataire ; refus possible en cas de différences de niveau de qualification ; suppression du critère de durée de formation pour exiger une mesure de compensation en cas de différences substantielles entre la formation reçue et la formation exigée dans l’État d’accueil ; obligation pour les autorités compétentes de justifier le recours à une mesure de compensation ; limitation de la possibilité laissée aux prestataires de choisir les mesures de compensation ;
4° Elle modifie les conditions minimales de formation permettant d’obtenir une reconnaissance automatique des qualifications professionnelles s’agissant des professions de médecin, d’infirmier, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, de vétérinaire et d’architecte ;
5° Enfin, elle introduit un encadrement du contrôle des connaissances linguistiques, avec des adaptations pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients.
En revanche, la directive n’apporte aucune modification au régime de reconnaissance automatique sur la base de l’expérience professionnelle, applicable aux activités commerciales, artisanales et industrielles listées en annexe à la directive 2005/36/CE précitée.
b. L’introduction de nouveaux principes issus de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’union européenne
i. Le principe d’accès partiel
L’accès partiel consiste à autoriser l’accès à une activité professionnelle qui ne constitue dans l’État d’origine qu’une partie des activités exercées par une profession réglementée dans l’État d’accueil. Il est prévu que cet accès partiel soit octroyé au cas par cas, lors de la vérification des qualifications professionnelles détenues par le demandeur. Les conditions cumulatives suivantes devront être remplies :
– le professionnel est pleinement qualifié dans son État d’origine pour exercer l’activité professionnelle à laquelle il demande un accès partiel ;
– les différences entre l’activité professionnelle exercée dans l’État d’origine et la profession réglementée dans l’État d’accueil sont telles que l’application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre une formation complète pour avoir accès à la profession concernée dans l’État d’accueil ;
– l’activité à laquelle un accès partiel est demandé peut objectivement être séparée d’autres activités relevant d’une même profession réglementée dans l’État d’accueil.
La directive prévoit que l’État d’accueil tient compte du fait que l’activité concernée peut ou ne peut pas être exercée de manière autonome dans l’État d’origine pour apprécier le respect de cette dernière condition.
L’accès partiel pourra être refusé si ce refus est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général, s’il est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et s’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
Afin de garantir l’information du consommateur, le professionnel devra porter le titre professionnel de son État d’origine.
ii. La reconnaissance des stages professionnels
La directive ouvre la possibilité de reconnaître les stages professionnels effectués à l’étranger si l’accès à une profession réglementée y est subordonné dans l’État d’origine.
c. L’introduction de nouvelles procédures et de nouveaux mécanismes de reconnaissance
i. La création de la carte professionnelle européenne
La directive prévoit la mise en place d’une carte professionnelle européenne pour les professions réglementées présentant un degré de mobilité actuel ou potentiel significatif. Dans les faits, cette carte doit prendre la forme d’un certificat électronique permettant aux professionnels de prouver qu’ils satisfont aux conditions requises pour fournir des services de façon temporaire et occasionnelle dans un État membre d’accueil, ou que leur établissement permanent dans un État membre d’accueil a obtenu la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles.
L’objectif est d’accroître la transparence et de simplifier les procédures. Le professionnel déposerait sa demande de reconnaissance auprès de l’autorité compétente de son État d’origine qui se chargerait, via le système d’information sur le marché intérieur (15), de la traiter avec l’autorité compétente de l’État d’accueil. En l’absence de réponse de l’État d’accueil dans les délais, une procédure de reconnaissance tacite couplée à une délivrance automatique de la carte professionnelle s’appliquerait.
Ce dispositif ne devrait concerner, dans un premier temps, que les cinq professions réglementées ayant clairement manifesté leur intérêt pour ce dispositif, à savoir les professions d’infirmier, de masseur-kinésithérapeute, de pharmacien, d’agent immobilier et de guide de montagne.
ii. L’introduction d’un mécanisme d’alerte
La directive prévoit la création, à travers le système IMI, d’un mécanisme d’alerte sur les interdictions d’exercer concernant les vétérinaires et les professions réglementées ayant des implications en matière de sécurité des patients ou ayant un lien avec l’éducation des mineurs. Elle prévoit également une notification systématique des condamnations pour utilisation de faux diplômes dans le cadre d’une demande de reconnaissance.
d. L’amélioration de l’information et la facilitation des démarches pour les professionnels
L’information sur les moyens de demander la reconnaissance des qualifications professionnelles serait améliorée à travers l’extension aux professions réglementées de l’usage du guichet en ligne unique créé par la directive « Services » et l’ouverture de la possibilité d’effectuer les demandes de reconnaissance en ligne.
2. Les dispositions du projet de loi
Le projet de loi propose d’autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2013/55/UE précitée, ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition (alinéas 1 et 2).
La marge de transposition dont disposent les États membres est limitée en raison du caractère précis et inconditionnel des dispositions de cette directive. La seule option offerte aux États concerne le dépôt de la demande de carte professionnelle européenne, pour laquelle les États peuvent choisir la voie écrite ou la voie électronique. Le Gouvernement a opté pour la procédure dématérialisée.
S’agissant des professions dont les conditions d’accès seront modernisées pour les titulaires de qualifications professionnelles obtenues ou reconnues par un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, les modifications de niveau législatif appelées par la directive concerneraient les professions suivantes :
– assistant de service social ;
– guide-interprète ;
– formateur à la conduite des bateaux de plaisance à moteur en mer et en eaux intérieures, éducateur sportif, professeur de danse ;
– contrôleur technique de véhicules ;
– opérateur de vente volontaire de meubles aux enchères publiques, responsable d’établissement d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que d’établissement destiné à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère ;
– contrôleur technique de la construction et géomètre-expert ;
– certaines professions libérales, à savoir agent sportif, psychologue, agent immobilier et professionnel de l’expertise comptable.
S’agissant des autres professions réglementées, l’étude d’impact indique qu’un autre véhicule législatif permet déjà d’assurer la transposition de la directive en ce qui les concerne, ou que les dispositions les concernant sont toutes de niveau réglementaire.
S’agissant spécifiquement des professions artisanales, la transposition est assurée par les modifications apportées à l’article 43 du projet de loi à la loi du 5 juillet 1996 précitée.
Le projet de loi autorise également le recours aux ordonnances afin de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions liées à cette transposition, dans leur rédaction issue des dispositions prises en application de l’alinéa 2, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et de procéder aux adaptations nécessaires de cette législation en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de
Saint-Pierre-et-Miquelon (alinéa 3).
L’alinéa 4 précise que le projet de loi portant ratification de cette ordonnance devra être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
3. La position de votre rapporteur
L’article 216 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a d’ores et déjà autorisé, au 2° de son I, la transposition de cette directive par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois. Comme l’article 44 du projet de loi, cet article autorise également, à son VI, le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à l’adaptation des dispositions liées à cette transposition aux caractéristiques et contraintes des collectivités d’outre-mer.
C’est pourquoi votre rapporteur a déposé un amendement de suppression de cet article.
4. L’avis de la commission
La commission a adopté l’amendement de suppression déposé par son rapporteur.
*
* *
La commission est saisie de l’amendement CE120 du rapporteur pour avis.
M. le rapporteur pour avis. La question n’est pas tranchée par le Gouvernement : faut-il soumettre à nouveau au Conseil d’État cette habilitation visant à la transposition d’une directive européenne ? Dans le doute, je propose la suppression de l’article, car une disposition de la loi de modernisation de notre système de santé autorise d’ores et déjà la transposition par voie d’ordonnance de la directive en question. Au besoin, une disposition pourrait être réintroduite en séance, mais il n’y a pas d’enjeu.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 44 est supprimé.
Article additionnel après l’article 44
(article L. 225-18 du code du commerce)
Possibilité, pour l’assemblée générale d’une société anonyme, de désigner un administrateur chargé de l’innovation et de la transformation numérique
La commission a émis un avis favorable à un amendement de Mme Corinne Erhel complétant l’article L. 225-18 du code de commerce afin de prévoir que l’assemblée générale ordinaire d’une société anonyme peut désigner un administrateur chargé du suivi des questions d’innovation et de transformation numérique au sein de la société.
*
* *
La commission examine l’amendement CE38 de Mme Corinne Erhel.
Mme Corinne Erhel. Cet amendement est issu du rapport rendu avec Mme Laure de La Raudière sur l’économie numérique. Le numérique bouleverse tous les modèles, mais son taux de pénétration dans les entreprises en France reste inférieur à celui constaté dans d’autres pays, européens ou non. Comme nous l’avions fait pour les EPIC dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous proposons, cette fois pour les sociétés anonymes, d’encourager l’entrée dans les instances exécutives d’une personnalité en charge des questions numériques et d’innovation. Il s’agit bien d’une possibilité, non d’une obligation.
M. le rapporteur pour avis. Mme Sophie Errante, qui a représenté le groupe majoritaire tout au long des auditions, a déployé avec succès toute son énergie pour me convaincre d’émettre un avis favorable.
En guise de mot de la fin, je dirai qu’il suffit de me regarder pour convenir que j’étais le rapporteur idéal, parfaitement incorruptible, pour examiner des dispositions relatives aux coiffeurs dans le cadre d’un projet de loi en partie dédié à la lutte contre la corruption !
La commission adopte l’amendement.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
(par ordre chronologique)
Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL)
– M. Dominique Chargé, président
– Mme Carole Humbert, directrice
Coop de France (*)
– Mme Marine Nossereau, directrice des affaires juridiques et fiscales
Union professionnelle artisanale (UPA)
– M. Jean-Pierre Crouzet, président
– M. Pierre Burban, secrétaire général
Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) (*)
– M. François Moutot, directeur général
– Mme Valérie Chaumanet, directrice des relations institutionnelles
– M. Jean-Charles Rosier, chargé de mission au département des relations institutionnelles
Organisation des producteurs laitiers (Coordination rurale)
– Mme Véronique Le Floc’h, présidente de l’OPL
– M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale
– M. Joseph Martin, membre du bureau de l’OPL
Jeunes agriculteurs (JA) (*)
– M. Antoine Daurelle, membre de bureau
– M. Guillaume Darrouy, administrateur national de Jeunes Agriculteurs en charge du foncier
– Mme Claire Cannesson, responsable du service communication et affaires publiques
Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)
– M. André Bonnard, secrétaire général
– Mlle Solenne Levron, conseillère aux affaires juridiques
Confédération paysanne
– M. Josian Palach, secrétaire national référent du pôle élevage, membre du conseil d’administration du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL)
– M. Victor Pereira, coordinateur du pôle élevage
– M. Jacques Bonati, juriste
– M. Bernard Breton, animateur foncier
Carrefour (*)
– M. Alain Gauvin, directeur juridique
– M. Éric Adam, responsable des affaires publiques
Auchan Retail France (*)
– M. Franck Geretzhuber, secrétaire général
Fédération du commerce et de la distribution (FCD) (*)
– M. Jacques Creyssel, délégué général
– M. Franck Derniame, directeur des affaires juridiques et fiscales
– Mme Cécile Rognoni, directrice des affaires publiques
Groupe Casino (*)
– M. Claude Risac, directeur des relations extérieures
– M. Jean-Luc Fechner, chargé de mission à la direction des relations extérieures
Association nationale des industries alimentaires (ANIA) (*)
– M. Jean-Philippe Girard, président
– Mme Frédérique Lehoux, directrice juridique
– M. Alexis Degouy, directeur des affaires publiques
Ministère des finances et des comptes publics
– Mme Claire Waysand, directrice du cabinet de M. Michel Sapin
– M. Pierre Heilbroon, directeur adjoint du cabinet
– M. David Parlongue, conseiller en charge du financement des entreprises, de l’investissement, du logement et de la BPI
– M. Yann Paternoster, conseiller parlementaire
– M. Gérald Begranger, conseiller
– M. Florian Guyot, conseiller
– Mme Gabrielle d’Arailh, conseillère
– M. Fabrice Wenger, adjoint au chef de bureau
Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique
– M. Emmanuel Lacresse, directeur adjoint
– M. Xavier Piccino, directeur adjoint
– M. Martial Georget, chef du bureau de la formation et de l’emploi industriel (DGE)
– Mme Sonia Beurier, sous-directrice du droit des entreprises (DGE)
– Mme Julie Bonamy, conseillère
– M. David Parlongue, conseiller
– M. Hans Sebastian Perez, chargé de mission (CGEFi)
– Mme Karine Houël, chargée de mission à la DGCC
Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH)
– M. Hubert Jan, président d’UMIH Restauration
– M. Jacques Barré, président du GNC-Groupement national des chaînes hôtelières (syndicat associé à l’UMIH)
– Mme Gaëlle Missonier, directrice de la communication et des relations institutionnelles
Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) (*)
– M. Henry Halna du Fretay, secrétaire général
– Mme Cécile Sauveur, directrice du pôle juridique et social
– M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européenne
Fédération française du bâtiment (FFB)
– M. Benoit Vanstavel, directeur des relations parlementaires et institutionnelles
– Mme Élisabeth Detry, vice-présidente du Conseil national de l’artisanat
Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC)
– M. Thomas Place, directeur général
– Mme Flore Truong, juriste
Cabinet de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt
– Mme Claire Brennetot, conseillère chargée des relations avec le Parlement et les élus
– M. Arnaud Millemann, conseiller chargé de l’agroalimentaire et de l’alimentation
– M. Julien Barre, conseiller chargé des productions animales
Fédération nationale des industries laitières (FNIL)
– M. Jehan Moreau, directeur
Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires
– M. Philippe Chalmin, président
– M. Philippe Boyer, secrétaire général
Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*)
– Mme Agnès Lépinay, directrice économie et finances
– Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques
– M. Jules Guillaud, chargé de mission à la direction des affaires publiques
Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)
– M. Bernard Cohen-Hadad, président de la commission financement de la CGPME
– M. Henry Brin, président de l’Union nationale de l’artisanat
– Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe
Association française des entreprises privées (AFEP) (*)
– Mme Stéphanie Robert, directrice
– Mme Emmanuelle Flament-Mascaret, directrice affaires commerciales et propriété intellectuelle
Organisation de producteurs de lait Lactalis Grand Ouest (OPLGO)
– M Jean Michel Yvard, président
– Mme Christine Lairy coordinatrice
– M. Paul Anger, conseiller
Syndicat national du second œuvre (SNSO)
– M. Renaud Marquie, délégué général du SNSO
– M. Benoit Khouane, chef d’entreprise
Coordination rurale (CRUN)
– M. Alain Sambourg, membre du comité directeur
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)
– M. Michel Thomas, sous- directeur structures et territoires
– M. Henri Biespéré, membre du bureau
Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF)
– M. Pierre Thomas, secrétaire général
Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA)
– M. François Beaupère, Président de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire
– Mme Carole Robert, juriste
Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSAFER)
– M. Emmanuel Hyest, président
– Mme Sabine Agofroy, chargée des relations publiques, affaires européennes et internationales
Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes
– Mme Pascale Mathieu, présidente
– M. Jean-François Dumas, secrétaire général
– M. Thibaut Bousquet, consultant – EURALIA
E.Leclerc
– M. Michel-Edouard Leclerc, président-directeur général
– M. Stéphane de Prunelé, secrétaire général du Mouvement E.Leclerc
– Mme Sophie Boudon-Le Goff, directrice juridique du Mouvement E.Leclerc
– M. Alexandre Tuaillon, chargé de mission auprès du président E.Leclerc
– M. Aristide Luneau, directeur associé Interel
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
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