N° 3759 - Rapport de Mme Marie-George Buffet sur la proposition de loi de Mme Marie-George Buffet et plusieurs de ses collègues pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères (3682).




N
° 3759

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 3682)
pour tendre à l’
autonomie des femmes étrangères,

PAR Mme Marie-George BUFFET,

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I. LA DÉLICATE SITUATION DES FEMMES ÉTRANGÈRES EN FRANCE 9

A. DES CONDITIONS D’INSTALLATION ET DE SÉJOUR ENCADRÉES 9

1. Le mariage 9

2. Le regroupement familial 10

3. Les liens personnels et familiaux 11

4. Une situation de dépendance de fait 11

B. DES SITUATIONS TRÈS DISPARATES 12

1. Une intégration difficile que peuvent perturber les coutumes du pays d’origine 12

2. Les femmes, victimes de la violation des droits humains la plus répandue au monde 13

3. Des procédures de protection ne permettant pas au plus grand nombre d’en bénéficier 14

C. LES FEMMES À LA RECHERCHE DE LA PROTECTION DE LA FRANCE 14

1. Les statuts de la protection 15

2. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides 15

II. LES DROITS DES FEMMES NÉCESSITENT ENCORE DES AVANCÉES 16

A. LES MESURES PRISES EN FAVEUR DES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES DEPUIS 2012 16

1. Les victimes de violences exercées dans le cadre familial 16

2. Les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme 17

B. LES APPORTS DE LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE À L’AUTONOMIE DES FEMMES ÉTRANGÈRES 18

1. L’ambition d’une déconnexion du titre de séjour du statut conjugal ou familial 18

2. Les modifications apportées par la commission des Lois 19

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 26

Article 1er [supprimé] (art. L. 311 et L. 313-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Extension à quatre ans de la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » 26

Article 2 [supprimé] (art. L. 111-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Bénéfice des dispositions favorables du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 28

Article 3 [supprimé] (art. L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » 30

Article 4 (art. L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Extension de la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales dans le cadre du regroupement familial 32

Article 5 (art. L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Conséquences des violences familiales 33

Article 6 (art. L. 316-5 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger victime d’une violence ou d’une répudiation 33

Article 7 [supprimé] (art. L. 711-1-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) : Qualité de réfugié fondée sur la défense du droit des femmes 35

TABLEAU COMPARATIF 39

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 47

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 18 mai 2016, la commission des Lois a apporté à la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères (n° 3682) les principales modifications suivantes.

À l’initiative de Mme Colette Capdevielle et des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la Commission a supprimé les articles 1er et 3 de la proposition de loi, qui remettaient en cause des dispositions de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France concernant, respectivement, la progressivité du droit au séjour des étrangers sur le territoire national et l’appréciation globale des liens personnels et familiaux en France dans la perspective de la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a étendu aux situations de violences de type familial les circonstances dans lesquelles une carte de séjour délivrée dans le cadre d’un regroupement familial ne peut être retirée (article 4). La loi ne proscrit aujourd’hui le retrait qu’à la suite de violences conjugales.

Deux amendements de la rapporteure ont limité le dispositif de délivrance automatique d’une carte de séjour temporaire aux victimes de violences ayant entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. La Commission a également renoncé à prévoir les suites d’une procédure judiciaire consécutive à une répudiation afin que ce terme ne reçoive pas une consécration dans le droit français (article 6).

Enfin, sur proposition de Mme Colette Capdevielle et des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la Commission a considéré que la protection qu’offre la France aux « combattants de la liberté » incluait déjà les défenseurs des droits des femmes. En conséquence, elle a supprimé l’article 7 de la proposition de loi.

Mesdames, messieurs,

La fermeture de nos frontières aux migrations du travail, décidée par le Gouvernement français le 3 juillet 1974 et motivée par les difficultés rencontrées sur le plan économique à cette époque, a modifié les déterminants majeurs de l’obtention du droit de séjour en France. Ce sont dorénavant les liens familiaux et conjugaux qui constituent la principale motivation des demandes de titres de séjour déposées auprès des autorités françaises.

Le mariage avec un Français ou un ressortissant de l’Union européenne, qu’il soit contracté en France ou à l’étranger, donne au conjoint le droit à une carte de séjour provisoire puis à une carte de résident valable dix ans. La délivrance de la carte de résident est subordonnée au fait que la communauté de vie entre les époux n’ait pas cessé. Cette condition est également requise dans le cas de l’installation d’étrangers sur le territoire français au motif du regroupement familial. Or, il est évident que, dans la plupart des cas, les personnes formulant des demandes de droit de séjour subordonnées à l’existence d’une communauté de vie sont des femmes.

Cette situation, qui comporte des aspects bénéfiques puisqu’elle permet à des personnes de nationalités différentes de vivre légalement ensemble, déséquilibre néanmoins, dans les faits, les rapports de couple, en ce qu’elle fait dépendre le statut des femmes du bon vouloir de leurs conjoints.

Malgré les apports de nouvelles dispositions législatives votées au cours de cette législature, visant à reconnaître et à remédier à ces situations qui plongent les femmes étrangères dans des réalités quotidiennes parfois dramatiques, il n’en demeure pas moins que leur dignité et leurs droits ne sont toujours pas suffisamment garantis.

Favoriser l’autonomie et l’indépendance des femmes étrangères, tel est l’objet de cette proposition de loi qu’il est proposé à l’Assemblée nationale d’adopter. Celles qui souffrent en silence doivent savoir que les représentants du peuple français les engagent à la parole.

Le séjour de femmes étrangères sur le sol français est strictement encadré par une politique, une législation et des pratiques administratives qui, toutefois, ne peuvent pas répondre de façon adéquate à la disparité des situations de fait. Cela rend ces femmes parfois dépendantes, souvent vulnérables, sans que soit prise en compte de façon adaptée la singularité de leur situation.

Plus que par la recherche d’un emploi, les délivrances de titres de séjour sont désormais le plus souvent opérées sur le fondement de liens conjugaux et familiaux. Elles concernent, il est utile de le préciser, essentiellement l’arrivée de femmes. Or, les conditions requises pour l’obtention de ces titres de séjour les placent dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de leur conjoint ou de sa famille.

Sous certaines conditions, les ressortissants étrangers mariés à des Français reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale », d’une durée maximale d’un an, renouvelable et permettant l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est délivrée à condition que :

– l’étranger justifie d’une entrée régulière sur le territoire national sous couvert d’un visa de long séjour ;

– la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage ;

– le conjoint français ait conservé la nationalité française ;

– et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, que celui-ci ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état-civil français.

Un dispositif (1), inscrit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), permet aux ressortissants étrangers entrés régulièrement sur le territoire national, qui se marient en France avec un ressortissant français et qui justifient de plus de six mois de communauté de vie en France, de solliciter  du préfet la délivrance d’un visa de long séjour, sans avoir à regagner leur pays d’origine ou leur dernier pays de résidence.

Le renouvellement de la carte de séjour temporaire est subordonné à la continuité de la communauté de vie avec le conjoint français. Son retrait ou son non renouvellement sont prévus si le titulaire de la carte cesse de remplir l’une des conditions exigées pour sa délivrance (par exemple, rupture de la vie commune).

La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France a modifié les dispositions concernant le renouvellement des titres de séjour et l’obtention de la carte de résident. Auparavant, à l’issue de 3 années de mariage avec un Français traduites par le renouvellement annuel de la carte de séjour temporaire, une carte de résident valable 10 ans était délivrée à son conjoint. Désormais, l’expiration de la carte de séjour temporaire d’une durée d’un an donne accès à l’établissement d’une carte pluriannuelle pour une durée maximale de quatre ans (2).

Néanmoins, la conservation de ce titre de séjour implique pour l’étranger de continuer à remplir les conditions requises pour l’obtention de son titre de séjour, disposition qui est d’ores et déjà prévue dans la version du CESEDA résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 (3) et qui s’applique à la condition de la communauté de vie.

Le CESEDA, modifié par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, définit les conditions dans lesquelles s’exerce la demande de regroupement familial (4). Il dispose « qu’un ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois et sous couvert d’un des titres d’une durée de validité d’au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ». La demande est instruite par les services de la préfecture ou par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Son acceptation suppose que le demandeur satisfasse à certaines conditions de ressources, d’emploi et de logement et après vérification d’éléments dans le pays d’origine du « rejoignant ». Les membres de la famille autorisés à séjourner au titre du regroupement familial doivent être en capacité de produire un visa de long séjour (5) qui vaut titre de séjour pendant la première année de séjour en France, puis d’une carte pluriannuelle ne pouvant excéder quatre ans. La validité du titre de séjour est également subordonnée à certaines conditions, dont le maintien de la vie conjugale (6) (sauf en cas de violences avérées de la part du conjoint) et la production de certaines pièces administratives, notamment un justificatif de domicile.

Il existe une autre forme d’immigration familiale : le droit au séjour au titre des liens personnels et familiaux, pour lequel l’étranger doit apporter la preuve que l’essentiel de ses liens familiaux se trouve en France et qu’un éloignement porterait en conséquence une atteinte excessive à sa vie privée. Par ailleurs, il est indispensable qu’au moins un membre de la famille proche du demandeur dispose d’un titre de séjour en cours de validité ou soit de nationalité française. Dans ce cas, l’étranger doit démontrer :

–  que l’essentiel de ses liens familiaux réside en France (en démontrant qu’il n’a plus de lien familial direct avec son pays d’origine ou qu’il a de nombreux liens familiaux en France) ;

–  qu’il entretient avec sa famille installée en France des relations certaines et continues ;

–  qu’il a pu, le cas échéant, bénéficier d’une aide matérielle et économique lui permettant de ne pas vivre dans une situation d’extrême précarité sociale.

Une condition notable d’obtention de cette carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » consiste pour le demandeur et la famille « nucléaire » (conjoint, concubin, parents, fratrie) à pouvoir attester d’une durée de cinq ans de résidence en France.

Ces conditions permettent le séjour en France de personnes et de familles parfois éparses et séparées pour des raisons tragiques. Néanmoins, elles introduisent un critère certain de dépendance des arrivants.

Le droit de procéder au rapprochement de son conjoint - de sa conjointe dans la plupart des cas - en lui permettant une installation légale en France par le biais de titres de séjours obtenus par mariage ou regroupement familial apparaît essentiel au regard de la grande mobilité actuelle des personnes et des couples.

Néanmoins, nul n’ignore qu’il existe une autre explication, plus sombre, à ces déplacements. Il s’agit parfois d’une opportunité heureuse, pour certaines personnes, de fuir des pays dans lesquels elles courent de graves dangers. Il s’agit aussi, parfois, de faire venir en France des femmes qui se retrouveront isolées, à la merci d’un conjoint qu’elles ne connaissaient pas avant de partir et dont le comportement quotidien se révèle détestable. Les conditions imposées par le dispositif du rapprochement, tel qu’il est actuellement conçu et quelles que soient les circonstances singulières vécues par chaque couple, placent les femmes dans une situation de dépendance réelle et difficilement acceptable vis-à-vis de leur conjoint.

Ces femmes étrangères ne disposent ni des droits ni de l’autonomie des femmes françaises. On comprend aisément que la seule délivrance d’un justificatif de domicile, signé de la main du conjoint, peut donner lieu à un chantage ou à un refus, plaçant ces femmes dans une situation de subordination les rendant terriblement vulnérables. Outre la possibilité d’une éventuelle séparation, le quotidien de ces couples, tenus de demeurer ensemble pour que les femmes puissent conserver leur titre de séjour, masque des réalités aussi diverses qu’accablantes.

La principale difficulté s’agissant de l’établissement de titres de séjours des femmes étrangères, qu’ils soient temporaires ou pérennes, consiste dans la grande diversité des situations qui les amènent à se rendre en France. Il est ainsi délicat de présumer du niveau de sécurité dans lequel elles sont placées : le respect de la loi et de la dignité humaine n’est pas toujours assuré.

Derrière le rapprochement de conjoints de nationalités différentes se cachent des réalités diverses, parfois heureuses, parfois insoutenables. Les femmes, dont le titre de séjour est conditionné à leur situation conjugale ou familiale, se retrouvent placées en situation de sujétion vis-à-vis de leur conjoint. Auditionnés par votre rapporteure, les associations Africa, Femmes Solidaires ainsi que le Collectif national pour le droit des femmes ont livré des éléments recueillis sur le terrain témoignant de la détresse dans laquelle ce conditionnement place certaines d’entre elles. Soumises au bon vouloir de leur conjoint, elles peuvent également l’être, parfois, à celui de leur belle-famille.

Or, si la constatation de mauvais traitements ou de violence conjugale permet le maintien du titre de séjour provisoire, encore faut-il pouvoir les prouver, ce qui n’est pas toujours réalisable dans la pratique. Psychologiquement fragilisées, coupées de leur famille, ne maitrisant parfois guère la langue française, rares sont celles qui osent dénoncer des situations pourtant intolérables.

Il arrive que certaines femmes, victimes de mariages forcés, découvrent l’existence d’une première épouse à leur arrivée en France. En cas de mariage polygame, le regroupement familial n’est possible qu’au bénéfice de la première épouse et de ses enfants (7). Les épouses d’hommes polygames sont donc doublement pénalisées par une situation dont elles ne sont pas responsables.

L’époux polygame peut divorcer pour régulariser sa situation. Il y est même incité par une circulaire du ministre de l’intérieur du 25 avril 2000, qui s’applique aux familles arrivées en France avant 1993 : le titre de séjour sera renouvelé si l’union polygamique est rompue. Cela crée une difficulté pour les épouses répudiées et, dès lors, placées en situation irrégulière, la communauté de vie ayant cessé. Leur titre de séjour ne pouvant être renouvelé, elles sont condamnées à retourner dans leurs pays.

Des traités et accords bilatéraux fixent des conditions particulières d’entrée et de séjour pour les ressortissants de certains pays, ainsi que des règles de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. Un double système juridique, qui n’est pas sans conséquences pour les femmes, existe donc.

L’essentiel du code civil dispose, en effet, que toute personne est soumise, pour son statut personnel, à la loi du pays dont elle a la nationalité. Or le code de la famille algérien (8), la Moudawana marocaine dans sa rédaction actuelle, le code de statut personnel égyptien, par exemple, sont foncièrement inégalitaires et discriminatoires à l’égard des femmes, en matière de mariage, divorce, filiation, héritage. Un homme, résidant en France, qui veut divorcer aisément et à son avantage, pourra donc effectuer la procédure dans son pays. Certes les règles du droit international privé permettent de faire intervenir un facteur d’ordre public quand des lois étrangères sont manifestement contraires à la loi française, et la femme peut donc en appeler à la justice française pour contester les effets de cette décision – mais non la décision elle-même. La Cour de cassation a fermement prohibé la répudiation par cinq arrêts rendus le 17 février 2004 (9) mais, si ces décisions se voient refuser l’exequatur, il devient difficile, dans les faits, pour l’épouse, d’obtenir les justificatifs nécessaires au renouvellement ou au maintien de son titre de séjour.

Il n’est même pas nécessaire d’aller jusqu’à comparer la situation française à celle de pays voisins. Des situations bien locales témoignent de la particulière vulnérabilité des femmes étrangères sur le sol français. Le récent rapport narratif produit par l’organisation non gouvernementale Gynécologie sans frontières (10) est sans appel quant à l’extrême précarité à laquelle ces femmes sont exposées. Plus que d’autres populations, elles doivent se battre pour l’obtention d’un statut mais aussi tout simplement pour se protéger de la violence et avoir recours à des soins spécifiques. Elles sont, comme le mentionne l’organisation à juste titre, le plus souvent des « victimes invisibles ».

Outre les maltraitances subies dans le cadre conjugal ou familial, il est possible aux victimes de violences de bénéficier de titres de séjours temporaire en contrepartie. Cependant, combien sont ces femmes qui parviennent à échapper à leur bourreau et qui ont, de surcroit, le courage de saisir les autorités ?

De plus, la délivrance de titres de séjours temporaires, conditionnée par le dépôt de plainte auprès des autorités de police française ou de demandes d’obtention d’ordonnance de protection auprès de la juridiction judiciaire, implique de produire les preuves de ces violences. Elles ne sont malheureusement pas souvent faciles à réunir. Les faits peuvent remonter à une période antérieure à leur dénonciation, un certificat médical ne pouvant alors plus attester des mauvais traitements subis. Certaines femmes, ne disposant plus de leurs papiers et provenant de pays où il leur est impossible de réunir des justificatifs quant à leur union avec un Français ou un résident français, peinent à obtenir une reconnaissance de leur situation.

Au surplus, en application des articles L. 515-9 à L. 515-13 du titre XIV du livre Ier du code civil relatif aux mesures de protection des victimes de violences, « l’ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Cela suppose, de la part de la victime, d’être en mesure de prouver ses dires face à un époux ou conjoint tout puissant. Dans la réalité, les victimes sont parfois privées de recours légaux.

Certaines femmes peuvent prétendre obtenir une protection de la part des autorités françaises, en faisant reconnaître leur appartenance à un groupe social réputé en danger dans leur pays d’origine.

Différents statuts existent, qui protègent les personnes menacées dans leur pays d’origine.

–  les réfugiées : le terme de réfugié, conformément à l’article 1er A2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, s’applique « à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » ;

–  l’asile constitutionnel est l’asile garantit par le droit national. L’Ofpra est compétent pour reconnaître la qualité de réfugié « à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » (11). Les critères essentiels d’admission au statut de réfugié sur ce fondement sont similaires à ceux inscrits dans la Convention de Genève et, quel que soit le fondement juridique sur lequel est accordé le statut de réfugié, le régime de protection est identique : le réfugié bénéficiera  de tous les droits attachés au statut de réfugié tel que défini en droit français ;

–  la protection subsidiaire est la protection accordée à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir une atteinte grave à sa vie (peine de mort ou exécution, torture, traitements inhumains ou dégradants, et, pour les civils, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international)(12).

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public administratif créé par la loi du 25 juillet 1952, est l’organisme en charge de l’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et de la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, dite Convention de New York, définissant le statut d’apatride. Placé sous tutelle du ministère de l’Intérieur depuis 2010, il statue en toute indépendance sur les demandes d’asile et d’apatridie qui lui sont soumises. Ainsi, il est seul autorisé en France, sous couvert du contrôle du juge de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), à statuer sur les « groupes sociaux » reconnus en danger dans leur région d’origine et à leur octroyer, de fait, une place à part dans la législation. Les personnes réfugiées sont placées sous la protection juridique et administrative de l’OFPRA ; elles ont vocation à bénéficier d’une carte de résident valable dix ans en application de l’article L. 314-11 du CESEDA.

Les dossiers de demande d’asile sont examinés par un officier de protection instructeur qui tient compte du récit écrit, des déclarations orales du demandeur, de toutes les pièces jointes au dossier et des informations dont il dispose concernant la situation de son pays d’origine. Le traitement d’une demande se déroule en trois phases distinctes : un entretien, une instruction et, enfin, une décision.

Votre rapporteure a constaté avec satisfaction que les atteintes aux droits des femmes faisaient l’objet, au sein de l’OFPRA, d’une attention et de formations particulières. Toutefois cette vigilance doit plus à une pratique heureuse qu’à la protection de la règle de droit.

Les nombreux efforts effectués ces dernières années pour offrir des solutions légales à des situations inhumaines produisent des effets bénéfiques. Toutefois, une nouvelle action plus ciblée sur les difficultés spécifiques rencontrées par les femmes en situation de dépendance reste nécessaire.

La circulaire du ministère de l’Intérieur n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012, relative aux conditions d’examen des demandes d’admissions au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, demande aux préfets de porter la plus grande attention aux dispositions relatives à l’admission au séjour des victimes de violences conjugales, qu’elles bénéficient ou non d’une ordonnance de protection.

La loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a exonéré de toute taxe liée à la délivrance d’un titre de séjour les étrangères et étrangers victimes de violences qui relèvent des situations suivantes :

–  conjoint de Français victime de violences conjugales ou familiales ;

–  conjoint entré en France dans le cadre du regroupement familial ;

–  étranger faisant l’objet d’une mesure de protection ;

–  délivrance de la carte de résident en cas de condamnation définitive de l’auteur de faits de violences.

Enfin, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a porté une attention particulière aux ressortissants étrangers en situation de vulnérabilité, notamment les violences au sein du couple. Ainsi, plusieurs dispositions spécifiques ont été adoptées visant à accroître la protection des victimes de violences physiques ou psychologiques dans le cadre familial :

–  l’article 15 prévoit que le préfet accorde de plein droit le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée au conjoint de Français et au conjoint entré dans le cadre du regroupement familial, lorsqu’il est victime de violences conjugales ;

–  l’article 16, s’agissant des conjoints de Français, a étendu le renouvellement de plein droit du titre de séjour également aux victimes de violences familiales ;

–  l’article 25 prévoit la délivrance et le renouvellement de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison de la menace d’un mariage forcé ;

–  l’article 26 étend la délivrance et le renouvellement de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection pour des violences commises par un ancien conjoint, un ancien partenaire de pacs ou ancien concubin.

La loi précitée du 4 août 2014 pour légalité réelle entre les femmes et les hommes a modifié le CESEDA sur les trois points suivants :

–  le renouvellement de la carte de séjour temporaire obtenue sur le fondement de l’article L. 316-1 du CESEDA – étranger qui a déposé plainte dans le cadre d’une infraction liée à la traite – est accordé de plein droit durant toute la procédure ;

–  la délivrance de la carte de résident est également effectuée de plein droit en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause ;

–  les titres de séjour délivrés ou renouvelés sur le fondement de l’article L. 316-1 du code sont exonérés de frais et de droits.

L’instruction du ministre de l’Intérieur n° NORINTV1501995N du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme a eu pour objet de rappeler et de préciser les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour des victimes de la traite. Elle a notamment indiqué que les victimes de la traite qui ne coopèrent pas par crainte de représailles sur leur personne ou celle de membres de leur famille, et qui sont identifiées comme telles par les services de police ou de gendarmerie, peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-4 du CESEDA.

La loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a prévu, dans son article 8, que la première délivrance de la carte de séjour temporaire est désormais accordée de plein droit à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions relatives à la traite des êtres humains ou qui témoigne dans une procédure pénale en cours pour ces mêmes infractions. Le même article 8 a créé un nouveau cas de délivrance d’une autorisation provisoire du séjour (APS) à l’article L. 316-1 du CESEDA : une APS de six mois peut être délivrée à l’étranger dont l’engagement dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle a été autorisé par le préfet, après avis d’une commission chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

Si ces mesures sont évidemment saluées par votre rapporteure, le cadre légal et réglementaire demeure néanmoins lacunaire face à la situation particulière des femmes étrangères davantage touchées par des violences spécifiques et ne disposant pas de statut leur permettant de s’y soustraire durablement.

L’essentiel de la proposition de loi consiste en l’amélioration des conditions de résidence légale des femmes étrangères en France. Il s’agit de leur offrir l’assurance qu’elles ne seront plus assujetties à la volonté d’une autre personne pour mener une existence normale, dans des conditions légalement garanties et dans une perspective de long terme (article 1er de la proposition de loi).

La possibilité leur serait ainsi donnée de se soustraire à des violences conjugales ou à de mauvais traitements infligés par la famille de leur conjoint sans craindre qu’on leur retire, comme c’est le cas aujourd’hui, leur titre de séjour provisoire en cas de rupture de la vie commune issue du mariage, du PACS ou d’un concubinage avéré. Il leur serait aussi permis de dénoncer ces situations insoutenables avec la certitude d’être protégées et entendues (article 4 de la proposition de loi).

La proposition de loi vise aussi à assurer une situation plus stable aux femmes qui ont subi des violences, qu’elles émanent de leur conjoint, de leur cercle familial ou de réseaux organisés pour assurer la traite des êtres humains. Le temps de la reconstruction est parfois long et douloureux : leur permettre l’accès à une carte de résident (valable dix ans) en cas de condamnation définitive de leur conjoint ou proxénète suite à un dépôt de plainte leur garantit de mener ce processus à son terme (article 3 de la proposition de loi).

Elle leur assure également un droit plus juste en leur permettant, par exemple, de bénéficier de dispositions du CESEDA plus favorables que celles prévues par les accords bilatéraux conclus avec leur pays d’origine (article 2 de la proposition de loi).

Enfin, la proposition de loi a vocation à permettre l’accession à un statut de réfugiée à toutes ces femmes qui se font les hérauts des violences commises à l’encontre de leurs semblables ou qui en défendent les droits et qui prennent, à travers leurs combats et leurs postures, des risques qui engagent leur propre vie (articles 6 et 7 de la proposition de loi).

La commission des Lois a retenu les évolutions contenues dans la proposition de loi qui sont cohérentes avec les modifications opérées par les lois n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

En revanche, elle a adopté les amendements de suppression du groupe Socialiste, républicain et citoyen qui tendaient à revenir sur des dispositions adoptés au sein de ces deux lois. L’article 1er, jugé contraire au principe d’une progressivité du droit au séjour, a ainsi été supprimé, ainsi que l’article 2, jugé contraire à la supériorité des normes internationales sur les lois nationales affirmée par la Constitution, l’article 3, donnant une place excessive au statut matrimonial dans l’appréciation des liens privés et familiaux entretenus avec la France, et l’article 7 procédant à une distinction entre les combats pour la liberté et pour les droits des femmes.

La Commission a cependant adopté les articles 4, 5 et 6. Cette dernière disposition, initialement destinée aux victimes de toute forme de violence et de répudiation, est désormais limitée aux personnes victimes de violences ayant entraîné une mutilation, une infirmité permanente ou une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 18 mai 2016, la Commission procède à l’examen de la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères (n° 3682) (Mme Marie-George Buffet, rapporteure).

M. le président Dominique Raimbourg. Mes chers collègues, nous examinons, en première lecture, la proposition de loi relative à l’autonomie des femmes étrangères (n° 3682), dont la rapporteure est Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure. Merci, monsieur le président, chers collègues, de me donner l’occasion de défendre à nouveau devant vous une proposition de loi. J’étais venu il y a un an défendre une proposition de loi relative au droit de préemption des salariés : la Commission avait adopté le texte à l’unanimité. Au vu des amendements déposés, je ne suis toutefois pas aussi optimiste cette fois-ci.

Cette proposition de loi relative à l’autonomie des femmes étrangères s’inscrit à la fois dans le prolongement de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, à laquelle elle apporte quelques précisions, et dans un combat plus large en faveur des droits des femmes, dont chacun sait ici qu’ils restent toujours à conquérir, en France et dans le monde. Nous savons tous aussi que le combat des femmes pour leurs droits et contre les mentalités rétrogrades a besoin du soutien de la loi.

S’intégrer dans un nouveau pays quand on a été élevé et éduqué de l’autre côté des mers ou au-delà des montagnes, c’est de toute façon difficile. La législation française, qui s’est considérablement compliquée depuis les années 1980, ne facilite pas les choses. Les femmes se heurtent à un obstacle supplémentaire : la domination patriarcale, parfois insidieuse, parfois brutale, qui dépasse les frontières et les institutions pour imprégner les mentalités. La vie de ces femmes étrangères n’est alors pas plus facile à l’intérieur du foyer qu’elle ne l’est au dehors.

À ces deux éléments s’en ajoute un troisième, qui fait précisément l’objet de cette proposition de loi : quand on est une femme, quand on est étrangère, les oppressions se renforcent mutuellement, ce que m’ont confirmé les associations que j’ai auditionnées. Pour une femme étrangère victime de violences perpétrées par son conjoint en règle – ou la famille de celui-ci – , qu’il soit de nationalité française ou titulaire d’un titre de séjour, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) devient un auxiliaire de la domination : elle doit se taire et endurer, sinon elle sera dénoncée et éloignée. Une femme au statut fragile, dont le compagnon constitue le seul obstacle au renvoi dans son pays, aura tendance à tout accepter de celui-ci – même et surtout l’inacceptable. Parfois, les préfectures demandent pour le renouvellement du titre de séjour la présence des deux époux, ce qui pose problème en cas de conflit entre eux.

Bien sûr, il ne faut pas laisser croire que le droit actuel est aveugle. Je sais que des progrès ont été accomplis, en 2010 et 2016 notamment : je pense à la loi contre les violences faites aux femmes, mais aussi à la loi contre le système prostitutionnel et à la loi relative au droit des étrangers. Mais il faut ouvrir les yeux : ces progrès n’ont pas permis de traiter complètement le problème spécifique de l’accès à l’autonomie des femmes étrangères.

Cette proposition de loi, très attendue sur le terrain, vaut autant par son contenu, qui n’est pas neutre, que par son existence. Elle a vocation à dire aux femmes étrangères que la France ne se désintéresse pas d’elles, qu’elles n’ont pas vocation à endurer en silence, qu’elles trouveront un soutien si elles souhaitent se battre et relever la tête !

J’en viens rapidement aux articles qui vous sont soumis. L’article 1er vise à porter à quatre années la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » pour donner aux étrangers en général, et aux femmes en particulier, de meilleures conditions de départ pour construire leur vie en France. Un an, c’est court, et cela ne permet pas d’engager des démarches si on se rend compte, ce qui en général ne tarde guère, que les conditions de la vie conjugale ne sont pas acceptables.

Nous vous proposons, à l’article 2, de corriger la rédaction actuelle du CESEDA selon laquelle la loi est soumise aux conventions internationales. Je sais que ce n’est là que la reprise de l’article 55 de la Constitution, mais ce n’est pas toujours exact. J’ai en tête le cas très précis des répudiations, auxquelles la Cour de cassation refuse de donner effet en France malgré les traités conclus avec l’Algérie et le Maroc notamment. Quand une convention est contraire à l’ordre public, elle est écartée au profit de la loi française. Je présenterai un amendement pour affirmer clairement ce principe, l’article 2 dans sa version initiale étant quelque peu excessif.

Les articles 3 et 6 visent à protéger la femme étrangère en l’émancipant de son conjoint, c’est-à-dire en lui permettant de quitter celui-ci sans perdre pour autant de ce fait son droit au séjour, et en l’autorisant à demeurer en France si elle est partie à une procédure pour des faits de violence. Là encore, je vous présenterai des amendements pour resserrer un dispositif trop ambitieux.

Les articles 4 et 5 corrigent des oublis. La loi du 7 mars 2016 a généralisé l’expression « violences familiales ou conjugales » dans le CESEDA, prenant acte du fait que les coups donnés par un père ou par un frère sont aussi détestables que ceux portés par un mari ou par un compagnon. Cette évolution a été opérée partout, sauf pour le regroupement familial, et je vous proposerai d’y procéder. Je suggère également que la victime qui a eu le courage de porter plainte et dont la justice a définitivement condamné l’agresseur bénéficie d’une carte de résident de plein droit, et non suivant l’appréciation de l’administration.

Enfin, l’article 7 est relatif au droit d’asile des femmes, qui sont les plus vulnérables dans le contexte migratoire international actuel. Elles sont toujours, nous le savons, les premières victimes de l’obscurantisme. Il faut que notre pays réaffirme solennellement qu’il se tient au côté des malheureuses excisées, des captives esclaves de l’État islamique, de celles à qui on dénie le droit d’être des femmes et de se comporter comme telles. Je sais que l’expression « combattant de la liberté » les recouvre déjà partiellement, mais je crois nécessaire de protéger aussi celles qui n’ont d’autre titre de gloire que la volonté de vivre comme elles l’entendent, et qui ont déjà beaucoup de mérite à cela.

Cette proposition de loi est humaniste et féministe. Chacun s’honorerait à la voter. Bien sûr, je suis prête à discuter d’évolutions rédactionnelles et à échanger sur la pertinence des dispositifs proposés. Mais j’espère recueillir, de la part de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, l’expression d’un soutien à la cause des femmes étrangères en France.

Mme Colette Capdevielle. Au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, je salue cette belle proposition de loi.

Il est exact que les femmes étrangères subissent la précarité et la discrimination plus que d’autres : femmes, étrangères, dominées, ces difficultés se cumulent. Souvent, elles ne peuvent pas déposer plainte, notamment après des violences conjugales : elles risquent de perdre leur titre de séjour, mais aussi la garde de leurs enfants, et elles subissent parfois un chantage de leur propre famille restée au pays. Vous avez décrit ce poids du patriarcat, véritable frein à l’engagement de procédures de divorce ou de séparation.

Ces femmes doivent avoir les mêmes droits que toutes les autres : droit à la justice, droit à un statut légal protecteur. Les témoignages que nous recevons dans nos permanences sont accablants : ces femmes ont peur, sont souvent réduites au silence.

Nous pouvons retenir plusieurs des dispositions que vous proposez, notamment les articles 4 et 5 – je renoncerai à l’amendement de suppression CL7 que j’avais déposé. Nous devrons également débattre de l’article 6.

Mais je tiens à souligner que s’il reste beaucoup à faire, notre majorité n’est pas restée inactive depuis 2012.

Dès le 28 novembre 2012, une circulaire rappelait et précisait les critères permettant d’apprécier une demande de régularisation, et demandait une application bienveillante des dispositions du CESEDA pour les femmes victimes de violences conjugales et les victimes de la traite.

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a sécurisé le droit au séjour des victimes de la traite, en prévoyant le droit au renouvellement de la carte de séjour pendant toute la durée de la procédure engagée ; elle prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de résident en cas de condamnation des auteurs de violences, mais aussi l’exonération de taxes et de droits de timbre lors de la délivrance et le renouvellement de leur titre de séjour pour les victimes de la traite ou de violences conjugales.

Une instruction du 19 mai 2015 a précisé les conditions d’admission au séjour des étrangers victimes de la traite ou du proxénétisme, afin d’harmoniser les pratiques des préfectures.

La loi relative à l’abolition du système prostitutionnel a créé un droit au séjour spécifique pour les femmes victimes de la prostitution, et s’engageant dans un parcours de sortie de la prostitution.

Enfin, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers prévoit le renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » du conjoint de Français victime de violences conjugales ; ce droit de renouvellement est étendu aux cas où les violences n’émaneraient pas du conjoint mais d’un autre membre de la famille, ce qui répond à des situations très concrètes. Cette loi dispose également que « l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l'étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection […] en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin ». C’est en effet souvent au moment où la femme essaye de mettre fin à la relation que les vrais problèmes commencent. Je souligne aussi qu’il est impossible de notifier une interdiction de retour sur le territoire français aux anciennes victimes de la traite, même si elles ne justifient plus d’un droit au séjour.

Enfin, il ne faut pas non plus oublier la loi relative à la réforme du droit d’asile.

Voilà pour le contexte législatif : nous allons maintenant voir comment nous pouvons répondre au mieux à vos très légitimes préoccupations.

M. Jacques Bompard. Ce texte est à la fois dangereux et révélateur : il indique la présence de fortes violences au sein de certaines communautés, alors que bien des observateurs des flux migratoires nous disaient il y a peu que ces faits relevaient du fantasme. Je comprends parfaitement l’ambition de Mme Buffet, et son souci de s’intéresser à ce que nous dit le monde associatif.

En revanche, nous divergeons sur les réponses apportées par le texte. L’article 7 est tout à fait utopique : si chacun condamne avec la plus grande force les violences faites aux femmes ou aux homosexuels dans le monde, la motivation de l’article laisse songeur quand il mentionne les coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires. Les coutumes et pratiques rétrogrades sont monnaie courante dans bien des endroits du globe, et leur réalité est surtout invérifiable. Par cette pétition de principe, prônez-vous une ouverture généralisée de nos frontières au nom d’une confiance immédiate ?

Je soutiens l’idée d’organiser un environnement sain pour que les femmes étrangères dénoncent les violences qu’elles subissent. Mais il faut demeurer très restrictif et veiller à ne pas ouvrir de nouvelles brèches dans le droit français.

En somme, si l’ambition du texte est heureuse, les réponses qu’il apporte ne le sont pas, tant il reste prisonnier de l’immigrationnisme et de l’angélisme qui détruisent les soucis humanistes qui animent tant de Français – pour ne pas dire tous.

Mme la rapporteure. Merci, madame Capdevielle, de votre intervention. Je me félicite que nous puissions avancer ensemble sur certains articles et peut-être retenir certaines dispositions. Vous avez bien décrit la situation de ces femmes.

Monsieur Bompard, la violence faite aux femmes n’est pas le fait de certaines communautés : elle est partout, elle est ici en France dans toutes les catégories sociales. Mais les conséquences ne sont pas les mêmes pour une femme française, dont la famille est en France, et pour une femme étrangère dont le titre de séjour dépend de sa qualité d’épouse, arrivée sur notre territoire par le biais du regroupement familial !

Les violences familiales, je le redis, sont présentes dans toutes les communautés ; penser qu’elles sont cantonnées à quelques-unes seulement serait adopter une vision bien déformée de la réalité.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er [supprimé]
(art. L. 311 et L. 313-17 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Extension à quatre ans de la durée de la carte de séjour temporaire
portant la mention « vie privée et familiale »

L’article 1erde la proposition de loi prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », dont les modalités de délivrance sont régies par l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), soit délivrée pour une durée de quatre ans (). Elle constituerait ainsi une exception parmi les cartes de séjour temporaire, dont l’article L. 311-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, limite la validité à un an.

Cette évolution est destinée à permettre aux femmes étrangères, titulaires de la carte temporaire de séjour « vie privée et familiale », d’engager une véritable démarche d’intégration au sein de la société française, sans pour autant être menacée de perdre leur droit de séjour à brève échéance en cas de mésentente avec leur conjoint – que ce dernier soit de nationalité française ou qu’il soit étranger titulaire d’un titre de séjour. Or, on sait combien vulnérables sont les épouses et les fiancées récemment arrivées dans notre pays face à la volonté d’un homme qui peut user, voire abuser, de l’argument selon lequel leur maintien sur le territoire n’est assuré que par une soumission contraire à nos valeurs.

Elle améliorerait également la condition des femmes victimes de violences en leur offrant un droit de séjour d’une durée enfin significative. Deux dispositions du CESEDA – vouées à entrer en vigueur au 1er novembre 2016 – prévoient, en effet, la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à condition que le récipiendaire ne fasse peser aucune menace sur l’ordre public :

–  d’une part, l’article L. 316-1 indique qu’une telle carte « peut être délivrée » à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal (13) ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions ;

–  d’autre part, l’article L. 316-3 ordonne à l’administration de délivrer « dans les plus brefs délais » une carte temporaire de séjour « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection à la suite d’un mariage forcé ou en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin (14).

Certes, la loi du 7 mars 2016 précitée a retenu le principe d’une progressivité des titres de séjour – carte de séjour temporaire d’un an, puis carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, et enfin carte de résident de dix ans ou à durée indéterminée. La dérogation qu’il est proposé d’instituer serait cependant d’ampleur limitée puisque réservée à « l’étranger ne vivant pas en état de polygamie (…) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ». Les autres cartes portant la mention « vie privée et familiale », destinées notamment aux conjoints de Français ou encore aux étrangers malades, ne verraient pas modifiée leur durée de validité.

En conséquence, le modifie l’article L. 313-17 du CESEDA selon lequel la carte pluriannuelle de quatre ans est délivrée au terme d’une première année de séjour régulier en France, en supprimant la référence à l’article L. 316-1 relatif aux victimes de traite et de prostitution. Il supprime également, mais à tort, la référence à l’article L. 313-6, relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur » (15).

*

* *

La Commission examine l’amendement de suppression CL4 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cette disposition revient sur l’idée de parcours progressif des étrangers, puisqu’elle propose que les titres de séjour portant la mention « vie privée et familiale » soient d’emblée délivrés pour quatre ans : j’en comprends l’intention, mais elle est contraire à la loi relative aux droits des étrangers du 7 mars, dont l’encre est encore fraîche.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je comprends votre argument. Mais c’est justement au moment du renouvellement annuel que la femme risque de perdre ses droits s’il y a des tensions dans le couple.

J’espère que les articles suivants permettront d’apporter à ces femmes les garanties nécessaires pour qu’elles obtiennent un titre de séjour même si elles sont en cours de séparation.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement CL10 tombe.

Article 2 [supprimé]
(art. L. 111-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Bénéfice des dispositions favorables du
code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

L’article 2 de la proposition de loi modifie le troisième alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) selon lequel les dispositions dudit code « s’appliquent sous réserve des conventions internationales ». Il prévoit, par exception, que, lorsqu’une disposition légale est plus favorable qu’un traité ou un accord bilatéral, celle-ci s’applique.

Cette disposition pourrait être appréciée par le Conseil constitutionnel à l’aune de l’article 55 de la Constitution. Celui-ci prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». Le rang des normes internationales est clairement défini par la Constitution : elles ont une valeur supérieure à la loi, même si cette supériorité est contingente et relative, dès lors qu’elles ont été ratifiées ou approuvées par l’exécutif et qu’elles sont appliquées par les autres États signataires.

Toutefois, l’exemple des lois de police permet de relativiser cette hiérarchie. Le premier alinéa de l’article 3 du code civil prescrit que « les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire » et, aux termes de l’article 509 du code de procédure civile, « les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ». Ces lois revêtent le caractère d’ordre public : elles confèrent une valeur impérieuse à une règle matérielle, qui devient insusceptible de dérogations tant du fait de normes internes que de conventions internationales. La règle en question, « principe de justice universelle considéré dans l’opinion française comme doué de valeur internationale absolue (16)  » et « principe essentiel du droit français (17)  », dispose alors d’une force supérieure aux traités internationaux.

C’est ainsi que, par cinq arrêts du 17 février 2004, la Cour de cassation a refusé de donner effet en France aux répudiations algériennes et marocaines, qui méconnaissent le principe d’égalité des époux, exigence de l’ordre public international. Les deux arrêts relatifs aux répudiations algériennes (18) ont jugé qu’une décision constatant « une répudiation unilatérale du mari, sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme et en privant l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, [est] contraire au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage (…) que la France s’est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international réservé par l’article 1er d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 », dès lors que l’un des époux est domicilié en France. La Cour de cassation est allée plus loin encore en 2005 (19) : alors que la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 contient une réserve d’ordre public (article 4), elle stipule également que « les actes constatant la dissolution du lien conjugal homologués par un juge au Maroc entre conjoints de nationalité marocaine dans les formes prévues par leur loi nationale, dressés et homologués par un juge au Maroc, produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l’étranger » (article 13, alinéa 1). Cette précision n’a pas empêché les juges de refuser de donner exequatur à la décision marocaine de divorce, qui n’offrait pas à l’épouse les garanties suffisantes pour faire valoir ses droits.

En matière de protection des droits des femmes, la jurisprudence admet donc déjà que soit atténué le principe de supériorité des conventions internationales sur la loi.

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* *

La Commission examine l’amendement de suppression CL5 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cette disposition soulève une difficulté d’ordre juridique, dans la mesure où la Constitution prévoit que les traités internationaux sont supérieurs aux lois nationales, ce que confirme la jurisprudence tant de la Cour de cassation que du Conseil d’État.

Mme la rapporteure. La Cour de cassation, je le redis, a déjà fait droit à des demandes qui entraient en contradiction avec de tels accords internationaux, notamment sur la question de la répudiation. L’article n’est donc pas injustifié.

Les associations que j’ai entendues ont toutes évoqué des accords binationaux qui posent problème ; très anciens, ils sont même parfois en retard sur la législation des pays avec lesquels nous les avons signés ! Ainsi, l’Algérie vient d’adopter une loi contre les violences faites aux femmes, ce qui est un progrès considérable. Notre accord bilatéral ne correspond plus à cette situation.

Je regrette que le ministère des Affaires étrangères ait décliné l’invitation que je lui avais faite d’être auditionné.

Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé. Les amendements CL11 de la rapporteure et CL2 de M. Jacques Bompard tombent.

Article 3 [supprimé]
(art. L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Renouvellement de la carte de séjour temporaire
portant la mention « vie privée et familiale »

L’article 3 de la proposition de loi précise les conditions de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée, sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), à l’étranger bénéficiant de « liens personnels et familiaux en France ». Il prévoit, dans un nouvel alinéa inséré à l’article L. 313-12 du même code, que, lorsque cette carte a été « délivrée en raison du mariage, du pacte civil de solidarité ou du concubinage de l’étranger », la rupture de la vie commune ne fasse pas obstacle au renouvellement du titre si cette rupture résulte de violences familiales ou conjugales.

Si le mariage, le pacte civil de solidarité et le concubinage ne figurent pas expressément au 7° de l’article L. 313-11 (20), ils constituent des éléments d’appréciation de premier ordre des liens personnels et familiaux au soutien de la décision préfectorale. Il convient de faire en sorte que la dissolution de la vie commune, lorsqu’elle résulte d’un comportement violent dont la femme est la victime, ne puisse lui porter un préjudice supplémentaire en matière de droit au séjour.

Certes, l’article L. 316-3 du même code ordonne à l’administration de délivrer « dans les plus brefs délais » une carte temporaire de séjour « vie privée et familiale » à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection à la suite de violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin (21). Par ailleurs, la loi prévoit un renouvellement de droit du titre de séjour tant que perdure l’ordonnance de protection. Mais cette situation n’est pas satisfaisante, puisqu’elle suppose non seulement que les femmes victimes de violences soient en capacité de saisir le juge, mais aussi que leur situation au regard du droit au séjour n’interfère pas dans leur décision, et qu’il leur est facile de convaincre un juge de la réalité du danger qu’elles encourent. De surcroît, l’ordonnance de protection place la femme dans une situation paradoxale, puisque son droit au séjour n’est maintenu qu’en conséquence des violences qu’elle pourrait subir, et qu’il disparaît sitôt sa sécurité assurée (22).

L’article 3 de la proposition de loi palie ces carences en évitant qu’une dissolution de la vie commune consécutive à des violences vienne affecter le droit au séjour de la victime, même si celle-ci ne peut ou ne veut solliciter la protection d’un juge aux affaires familiales.

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La Commission examine l’amendement de suppression CL6 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cette proposition est illogique : le titre de séjour « vie privée et familiale » est délivré sur la base des liens privés et familiaux de l’étranger sur le territoire français. Les liens matrimoniaux, et donc la communauté de vie qui peut en découler, ne constituent que l’un des indices permettant de déterminer la stabilité de ces liens.

Mme la rapporteure. La communauté de vie n’est en principe, c’est vrai, que l’un des éléments d’appréciation utilisés. Mais vous connaissez ces dossiers aussi bien que moi, madame Capdevielle : soyons lucides, et reconnaissons que, s’il n’y a pas d’enfant, c’est bien l’élément principal. Or il est inacceptable que l’on retire son titre de séjour à une femme parce qu’elle a quitté un mari violent. Pour disposer d’une ordonnance de protection – qui constitue un vrai progrès –, il faut porter plainte. En ce moment, il y a une femme qui vient tous les jours se réfugier à ma permanence pour ne pas subir les coups de son mari ; mais je n’ai pas encore réussi à l’accompagner vers un juge – la honte et les menaces du mari de garder avec lui l’enfant qui vient de naître sont trop écrasantes.

Mme Colette Capdevielle. Je vous accorde que ce sont des démarches difficiles : c’est peut-être là une piste à creuser. Mais, pour obtenir une ordonnance de protection, il n’y a pas besoin de plainte préalable ! Un simple certificat médical et des témoignages suffisent à mettre cette procédure en branle.

M. Guy Geoffroy. En effet, l’originalité et l’intérêt de l’ordonnance de protection, créée par la loi du 9 juillet 2010, sont qu’elle ne nécessite aucun acte juridictionnel préalable – ni plainte au pénal ni procédure de divorce. Elle permet justement de protéger une personne qui n’est pas encore remise d’aplomb, en tout cas pas encore suffisamment pour décider d’engager une procédure au civil ou au pénal.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Article 4
(art. L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Extension de la protection des victimes de violences conjugales aux victimes de violences familiales dans le cadre du regroupement familial

L’article 4 de la proposition de loi vient combler une lacune du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) en matière de protection des victimes de violence dans le cercle familial.

L’article L. 431-1 dispose qu’une carte de séjour temporaire est remise aux membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial. L’article L. 431-2 prévoit que le titre ainsi remis au conjoint d’un étranger peut, en cas de rupture de la vie commune, faire l’objet pendant trois ans d’un retrait ou d’un refus de renouvellement, à moins que la rupture ne résulte d’un décès ou de violences conjugales.

Or, les violences subies ne sont pas forcément infligées par le conjoint, mais peuvent aussi être le fait des parents ou être commises au sein de la fratrie. Si les récentes lois de modernisation du CESEDA ont privilégié la notion de « violences conjugales ou familiales » (23), tel n’est pas le cas à l’article L. 431-2, ce à quoi la présente proposition de loi se propose de remédier.

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L’amendement de suppression CL7 est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CL12 de la rapporteure.

L’article 4 est ainsi rédigé.

Article 5
(art. L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Conséquences des violences familiales

L’article L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit, depuis la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qu’une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte contre son conjoint, son concubin, ou son partenaire de pacte civil de solidarité, lorsque celui-ci est définitivement condamné. La rupture de la vie commune ne peut constituer un motif de refus.

Il est difficilement acceptable que la loi réserve à l’autorité administrative une compétence discrétionnaire dans de telles situations. L’article 5 de la proposition de loi prévoit donc une compétence liée et la délivrance automatique de la carte de résident, sous la réserve implicite d’une absence de menace à l’ordre public.

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La Commission examine l’amendement CL3 de M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Il n’est pas souhaitable que l’on puisse obtenir la carte de résident de manière automatique. Par ailleurs, la condamnation du conjoint ou de l’ancien conjoint à une contravention ne peut avoir pour conséquence la délivrance d’une carte de résident. Cela me paraît relever de l’évidence.

Mme la rapporteure. Les violences contre un conjoint, un ascendant ou un enfant constituent toujours au moins un délit, quelquefois un crime. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 sans modification.

Article 6
(art. L. 316-5 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger victime d’une violence ou d’une répudiation

1. Les dispositions de la proposition de loi

Si des procédures existent au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) pour libérer la parole des femmes étrangères victimes de violence et pour dissiper le silence imposé par la crainte d’un éloignement, celles-ci ne parviennent pas à recouvrir l’ensemble des situations rencontrées sur le terrain par les acteurs institutionnels et associatifs.

Afin d’apporter une réponse globale, l’article 6 de la proposition de loi complète le chapitre du CESEDA consacré aux « Dispositions applicables aux étrangers ayant déposé plainte pour certaines infractions, témoigné dans une procédure pénale ou bénéficiant de mesures de protection » d’un mécanisme général de délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à tout étranger victime de violences dès lors que des procédures judiciaires sont en cours et qu’il ne constitue pas une menace à l’ordre public ().

Le prévoit un dispositif similaire lorsque l’étranger engage des poursuites afin d’obtenir réparation d’une répudiation. En effet, bien que la Cour de cassation refuse de donner exequatur aux décisions de répudiation prononcées à l’étranger (24), celles-ci peuvent néanmoins y produire des effets et engendrer des préjudices indemnisables que l’autorité judiciaire devrait pouvoir apprécier.

2. Les modifications apportées par votre commission des Lois

La commission des Lois a adopté deux amendements présentés par votre rapporteure destinés à restreindre le – trop – large périmètre de la rédaction initiale.

Le sujet de la répudiation est toujours présent dans les faits, car les pratiques de certains pays sont parfois en décalage avec leur droit : on qualifie la répudiation de divorce sans en altérer la logique profondément inégalitaire. Cependant, le droit français n’utilise le terme de répudiation que pour signifier l’abandon d’une nationalité (25). Les travaux préparatoires, et notamment les échanges avec le Gouvernement, ont fait apparaître le souhait que la répudiation matrimoniale ne soit pas inscrite dans la loi, qu’elle ne reçoive pas une forme de consécration juridique sur le territoire français. Le a donc été supprimé.

Quant au dispositif destiné aux victimes de violences, il a été considéré comme trop large puisqu’applicable à n’importe quelle victime, dans n’importe quel contexte et quelles que soient les conséquences – potentiellement minimes – de l’agression. Afin de resserrer la portée de la disposition, la commission des Lois l’a limité aux victimes des infractions prévues aux articles 222-9 et 222-11 du code pénal, relatifs respectivement aux violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et aux violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

*

* *

La Commission examine l’amendement de suppression CL8 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je vous propose de supprimer cet article car le public visé ici me semble bien trop large. De plus, la position de la Cour de cassation est constante : la répudiation n’a aucune incidence en droit français sur le lien matrimonial. Les conséquences sur le droit au séjour découlent plutôt de la rupture de la communauté de vie : s’il n’y a pas de violences conjugales et que cette rupture est caractérisée, le droit au séjour de la personne étrangère disparaît.

Toutefois, je comprends bien la préoccupation qui vous amène à proposer cette mesure, et j’y suis très sensible : je vous propose de rechercher ensemble, d’ici à la séance publique, une disposition qui soit juridiquement satisfaisante. Nous sommes en réalité d’accord sur le fond.

Mme la rapporteure. En effet, il faut retravailler cette disposition. C’est pourquoi j’ai déposé deux amendements : l’amendement CL13 restreint ce dispositif aux cas de violences aggravées ; l’amendement CL14 propose de supprimer l’alinéa 3 de l’article car l’adopter en l’état reviendrait à inscrire dans le droit français la notion de répudiation, ce qui ne paraît pas judicieux.

Mme Colette Capdevielle. Dans ce cas, je retire l’amendement de suppression.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte successivement les amendements CL13 et CL14, tous deux de la rapporteure.

Mme Marie-Françoise Bechtel. J’appelle votre attention sur le fait qu’après l’adoption de ces deux amendements, l’article est mal rédigé ; il devra faire l’objet d’une réécriture.

Mme la rapporteure. Vous avez raison. Nous y veillerons.

M. le président Dominique Raimbourg. Nous pourrons l’améliorer en séance publique.

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Article 7 [supprimé]
(art. L. 711-1-1 [nouveau] du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

Qualité de réfugié fondée sur la défense du droit des femmes

L’article 7 de la proposition de loi propose de reconnaitre le statut de réfugié aux femmes persécutées ou menacées de persécutions en raison de leur action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective.

L’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), modifié par l’article 3 de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile (26), précise que, « s’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe. »

Cette rédaction ne couvre cependant pas les femmes qui seraient persécutés, non pour ce qu’elles sont, mais pour ce qu’elles font.

L’alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Il pose doublement question : d’abord parce que, rédaction d’une époque révolue, il ouvre un droit à « tout homme » plutôt qu’à « toute personne » ; ensuite parce que l’action en faveur de la liberté est susceptible d’interprétations potentiellement préjudiciables aux femmes. Si la lutte contre l’excision constitue, sans discussion possible, une action en faveur de la liberté, chacun conviendra-t-il aussi facilement qu’il en va de même de la facilitation de l’accès à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, aux fonctions politiques et économiques les plus élevées ?

Certes, le Gouvernement et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) assurent déjà offrir à toutes celles qui en ont besoin le secours de la France. Mais il est délicat d’apprécier si cette possibilité est réellement saisie par les femmes qui en auraient besoin.

L’article 7 de la proposition de loi lève ces interrogations en faisant clairement de celles qui fuient des persécutions liées à leur action en faveur de la liberté des femmes, des réfugiées. En tant que telles, elles bénéficieraient des stipulations protectrices de la convention de Genève du 12 juillet 1951 (27).

*

* *

La Commission examine deux amendements de suppression, CL1 de M. Jacques Bompard et CL9 de Mme Colette Capdevielle.

M. Jacques Bompard. Dans un contexte d’immigration massive et de radicalisation du Proche-Orient, mais également de toute une partie de l’Afrique, cette disposition serait impossible à assumer par la France et par l’Europe. Une reconsidération de notre politique étrangère serait bien plus souhaitable. L’exposé des motifs est d’ailleurs inquiétant notamment lorsqu’il utilise les notions de « normes sociales » et de « coutumes » qui créeraient une véritable loi des suspects envers bien des pays.

M. le président Dominique Raimbourg. L’amendement de Mme Capdevielle vise également à supprimer l’article, mais ses motivations sont diamétralement opposées.

Mme Colette Capdevielle. En effet, ce qui vient d’être dit est assez honteux.

Je comprends l’objectif de cet article, mais je pense qu’il est satisfait par les dispositions actuelles du droit d’asile. De plus, il est ennuyeux que l’article ne vise que les femmes : cela est contraire au principe d’égalité, et il existe après tout des hommes qui se battent pour les droits des femmes, même s’ils ne sont pas très nombreux – nous en connaissons.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Nous nous étions souciés de cette question lors de la discussion du projet de loi relatif au droit d’asile. Il vaut mieux, je crois, laisser jouer la jurisprudence afin d’éviter tout effet pervers. Mme Capdevielle a raison de souligner que le texte est restrictif.

Ayant présidé durant plusieurs années une section de la Cour nationale du droit d’asile, je peux témoigner que c’est là effectivement un élément de la motivation des juges : je n’aurais pu imaginer de ne pas accorder à l’asile à une femme qui montre qu’elle a mené une action en faveur des droits des femmes.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

J’entends vos arguments. Mais nous avons auditionné le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui est sensible à cet article : en arrivant à son poste, il a été amené à créer de nouveaux groupes sociaux liés à des questions spécifiques aux droits des femmes et à leurs combats. Ainsi, j’ai découvert le cas des femmes du Nord-Caucase qui se séparent de leur époux : ni la société, ni l’État n’admettent le principe de cette séparation. Elles viennent tout juste d’être reconnues comme ayant accès au droit d’asile. L’OFPRA souhaite reconnaître des problèmes comme celui-ci, mais ne se sent pas appuyé par la loi pour aller plus loin.

Les amendements CL1 et CL9 sont adoptés.

En conséquence, l’article 7 est supprimé et l’amendement CL15 tombe.

Puis la Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères

Proposition de loi pour tendre à l’autonomie des femmes étrangères

 

Article 1er

Article 1er

Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France est ainsi modifié :

Supprimé

amendement CL4

Art. L. 311-1. – Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l’article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l’un des documents de séjour suivants :

   

1° Un visa de long séjour, d’une durée maximale d’un an ;

   

2° Un visa de long séjour, d’une durée maximale d’un an, conférant à son titulaire, en application du troisième alinéa de l’article L. 211-2-1, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d’une durée inférieure ou égale à un an ;

   

3° Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre ;

1° Après le mot : « temporaire », la fin du 3° de l’article L. 311 est ainsi rédigée : « dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre : cette carte de séjour temporaire a une durée maximale d’un an, à l’exception de la carte mentionnée à l’article L. 313-11 dont la durée est de quatre ans ».

 

4° Une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au même chapitre III ;

   

5° Une carte de résident, d’une durée de dix ans ou à durée indéterminée, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre IV du présent titre ;

   

6° Une carte de séjour portant la mention « retraité », d’une durée de dix ans, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre VII du présent titre.

   

L’étranger qui séjourne au titre de l’un des documents mentionnés aux 2° et 3° du présent article peut solliciter la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident dans les conditions prévues, respectivement, à l’article L. 313-17 et aux articles L. 314-8 à L. 314-12, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code.

   

Art. L. 313-17. – I. – Au terme d’une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l’un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 311-1, l’étranger bénéficie, à sa demande, d’une carte de séjour pluriannuelle dès lors que :

   

1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’État dans le cadre du contrat d’intégration républicaine conclu en application de l’article L. 311-9 et n’a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ;

   

2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire.

   

La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire.

   

La carte de séjour pluriannuelle n’est pas délivrée à l’étranger titulaire de la carte de séjour temporaire mentionnée aux articles L. 313-6 et L. 313-7-1, au 2° de l’article L. 313-10 et à l’article L. 316-1.

2° À l’article 313-17, les mots : « L. 313-6 et à l’article L. 316-1 » sont supprimés.

 

II. – L’étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle s’il continue de remplir les conditions de délivrance prévues au 2° du I du présent article.

   
 

Article 2

Article 2

Art. L. 111-2. – Le présent code régit l’entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

 

Supprimé

amendement CL5

Il régit l’exercice du droit d’asile sur l’ensemble du territoire de la République.

   

Ses dispositions s’appliquent sous réserve des conventions internationales.

Le troisième alinéa de l’article L. 111-2 du même code est complété par les mots : « sauf si ces dispositions sont plus favorables aux étrangers ».

 

Les conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises demeurent régies par les textes ci-après énumérés :

   

1° (Abrogé) ;

   

2° Ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna ;

   

3° Ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française ;

   
     

4° Ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie ;

   

5° Loi n° 71-569 du 15 juillet 1971 relative au territoire des Terres australes et antarctiques françaises.

   

Sont également applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les dispositions de l’article L. 214-8 et du neuvième alinéa de l’article L. 561-1.

   
 

Article 3

Article 3

Art. L. 313-12. – La carte délivrée au titre de l’article L. 313-11 donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

 

Supprimé

amendement CL6

Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l’étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Après le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« Si la carte prévue au 7° de l’article 313-11 a été délivrée en raison du mariage, du pacte civil de solidarité ou du concubinage de l’étranger, le préfet en accorde le renouvellement si la vie commune a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales ».

 

L’accès de l’enfant français à la majorité ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 6° de l’article L. 313-11.

   

La carte de séjour délivrée au titre de l’article L. 313-11-1 ne donne pas droit à l’exercice d’une activité professionnelle dans l’année qui suit sa première délivrance, sauf si elle est accordée en application du II de cet article et que son bénéficiaire séjourne en France depuis au moins un an.

   
 

Article 4

Article 4

Art. L. 431-2. – En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l’un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d’un étranger peut, pendant les trois années suivant l’autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l’objet d’un retrait ou d’un refus de renouvellement.

   

Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l’autorité administrative refuse de l’accorder.

   

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l’étranger est titulaire de la carte de résident et qu’il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l’entretien et à l’éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil.

   

En outre, lorsque l’étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l’arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 431-2 du même code, après le mot : « violences » sont insérés les mots : « familiales ou ».

À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « conjugales de la part de son conjoint » sont remplacés par les mots : « familiales ou conjugales ».

amendement CL12

 

Article 5

Article 5

Art. L. 316-4. – En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte pour une infraction mentionnée au premier alinéa de l’article 132-80 du code pénal.

Au premier alinéa de l’article L. 316-4 du même code, les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : « est ».

(Sans modification)

Le refus de délivrer la carte prévue au premier alinéa du présent article ne peut être motivé par la rupture de la vie commune.

   
 

Article 6

Article 6

 

Le chapitre VI du titre Ier du livre III du même code est complété par un article L. 316-5 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 316-5. –  Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger victime de violences si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours ».

« Art. L. 316-5. – I. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger victime d’une des infractions prévues aux articles 222-9 et 222-11 du code pénal si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours.

amendement CL13

 

« 2° Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention : “vie privée et familiale” à l’étranger qui engage une procédure judiciaire en tant que victime de répudiation ».

« II. – Supprimé

amendement CL14

 

Article 7

Article 7

 

Après l’article L. 711-1 du même code, il est inséré un article L. 711-1-1 ainsi rédigé :

Supprimé

amendements CL1 et CL9

 

« Art. L. 711-1-1. – La qualité de réfugié est reconnue à toute femme persécutée ou menacée de persécutions en raison de son action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective, Cette personne est régie par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ».

 

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

—  M. Pierre Antoine Molina, directeur général

––  M. Florian Valat, adjoint au chef du service de l’asile

––  M. Christophe Marot, sous-directeur du séjour et du travail

Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)

—  M. Pascal Brice, directeur général

Table-ronde réunissant des associations

––  Africa (Mme Mimouna Hadjam)

––  Femmes solidaires (Mme Jeanne Tessier)

––  Collectif national pour le droit des femmes (Mme Suzanne Rojtman)

Centre de Recherches politiques de Sciences Po

—  M. Maxime Forest, coordinateur scientifique du projet EGERA (Effective Gender Equality in Research and the Academia)

© Assemblée nationale

1 () Sixième alinéa de l’article 211-2-1 du CESEDA.

2 () Article 313-1 du CESEDA dans version résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.

3 () Au 4° de l’article 313-11 du CESEDA dans sa version résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.

4 () Articles L. 411-1 à L. 411-7 du CESEDA dans version résultant de la loi n °2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.

5 () Les visas de long séjour sont mentionnés aux 1° ou 2° de l’article L. 311-1 du CESEDA dans sa version résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.

6 () Alinéa 1 de l’article L. 431-2 du CESEDA dans sa version résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France.

7 () L’article L. 313-11-4° du CESEDA dispose que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit « A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé.

8 () Nonobstant les évolutions positives apportées par la loi criminalisant les violences faites aux femmes, adoptée par le Sénat algérien le 10 décembre 2015.

9 () Pourvois n° 01-11.549, n° 02-11.618 et n° 02-17.479 de la 1ère chambre civile s’agissant de répudiations algériennes ; pourvois n° 02-15.766 et n° 02-10.755 de la 1ère chambre civile s’agissant de répudiations marocaines.

10 () Consulter le projet narratif Camps de « Réfugiés Migrants » Nord et Pas-de-Calais de l’organisation non gouvernementale « Gynécologie sans frontières » sur : http://gynsf.org/mission-camps-de-refugies-migrants-nordpas-de-calais/

11 () En application de l’article L.711-1 du CESEDA dont la formulation est inspirée de l’alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

12 () En vertu de l’article L.712-1 du CESEDA.

13 () Ces articles sont relatifs notamment à la traite des êtres humains et au proxénétisme.

14 () La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, entrée en vigueur le 1er octobre 2010, a institué une procédure nouvelle : l’ordonnance de protection, délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales, qui prescrit les mesures propres à faire cesser les violences et à prévenir leur réitération. L’ordonnance de protection peut faire suite à un mariage forcé aux termes de l’article 515-13 du code civil ou à des violences au sein du foyer sur le fondement de l’article 515-9 du même code.

15 () La carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur » est délivrée à l’étranger qui apporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l’engagement de n’exercer en France aucune activité professionnelle.

16 () Cass. Civ. 25 mai 1948, Lautour Rev. Crit. 1949. 89, note Batiffol, D. 1948. 357, note P.L; S. 1949.1.21, note Niboyet, J.C.P. 1948.II.4532, note Vasseur.

17 () 1re Civ., 8 juillet 2010, pourvoi n° 08-21.740, Bull. 2010, I, no 162.

18 () 1re Civ., 17 février 2004, pourvoi n° 01-11.549, Bull. 2004, I, n° 47 et pourvoi n° 02.11-618, Bull. 2004, I, n° 48.

19 () 1re Civ, 25 octobre 2005, pourvoi n° 03-20.845, Bull. 2005, I, n° 379.

20 () Celui-ci vise en effet l’étranger « dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

21 () La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, entrée en vigueur le 1er octobre 2010, a institué une procédure nouvelle : l’ordonnance de protection, délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales, qui prescrit les mesures propres à faire cesser les violences et à prévenir leur réitération. L’ordonnance de protection peut faire suite à un mariage forcé aux termes de l’article 515-13 du code civil ou à des violences au sein du foyer sur le fondement de l’article 515-9 du même code.

22 () L’article L. 316-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui fait l’objet de l’article 5 de la proposition de loi, prévoit toutefois qu’une carte de résident peut être délivrée à la victime lorsque la justice prononce la condamnation définitive de l’auteur de faits. Mais cette délivrance reste discrétionnaire et, de plus, conditionnée au succès d’une procédure pénale susceptible d’échouer pour d’autres raisons que la réalité des faits.

23 () Par exemple à l’article L. 313-12 depuis la loi du 7 mars 2016 précitée.

24 () Comme indiqué dans le commentaire sous l’article 2.

25 () Ainsi l’article 23-3 du code civil prévoit-il que « perd la nationalité française, le français qui exerce la faculté de répudier cette qualité dans les cas prévus aux articles 18-1 et 19-4 ».

26 () Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

27 () « Le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité  et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner » (article 1er A2 de la convention précitée).