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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 3774)
relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française,
de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux
PAR Mme Françoise DUMAS,
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE, UN AUXILIAIRE DES POUVOIRS PUBLICS, ŒUVRANT NOTAMMENT AU RÉTABLISSEMENT DES LIENS FAMILIAUX 7
A. LE STATUT DE LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE 7
1. Une association fondée en 1864, reconnue d’utilité publique en 1940 7
2. Les missions statutaires de la Croix-Rouge française 8
B. LE RÉTABLISSEMENT DES LIENS FAMILIAUX 9
1. L’étendue de la mission de rétablissement des liens familiaux 9
2. Les critères d’admission d’une demande de rétablissement des liens familiaux 11
3. Les outils juridiques à la disposition de la Croix-Rouge pour le rétablissement des liens familiaux 13
II. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LES OUTILS JURIDIQUES EN FAVEUR DU RÉTABLISSEMENT DES LIENS FAMILIAUX 16
III. LES MODIFICATIONS APORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 18
Article 1er : Dérogation en faveur de la Croix-Rouge française pour accéder aux documents mentionnés à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration 23
Article 2 : Droit d’accès de la Croix-Rouge française aux copies d’actes d’état civil 24
Article 3 : Dérogation en faveur de la Croix-Rouge française pour accéder aux listes électorales et aux informations personnelles afférentes 25
Article 3 bis (nouveau) (art. L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration) : Compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs 27
Article 4 : Encadrement des informations transmises à des tiers par la Croix-Rouge française sur une personne recherchée 28
TABLEAU COMPARATIF 31
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 35
ANNEXE : INTERVENTION DE MME LAURENCE ROSSIGNOL, MINISTRE DES FAMILLES, DE L’ENFANCE ET DES DROITS DES FEMMES, LORS DE SON AUDITION PAR LA RAPPORTEURE 37
Mesdames, Messieurs,
Le 21 juin 2014, à l’occasion du 150e anniversaire de la Croix-Rouge française, le Président de la République a réaffirmé le rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics de cette grande association reconnue d’utilité publique, dont il est le président d’honneur, et s’est engagé à faciliter son action, notamment dans le cadre de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
Cette mission est d’autant plus importante aujourd’hui que, depuis deux ans, la Croix-Rouge française constate qu’un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et se sont trouvées séparées violemment de leur famille. Les zones sensibles sont connues : Syrie, Ukraine, République démocratique du Congo, Guinée, etc. Ces personnes, en situation de migration (demandeurs d’asile, mineurs isolés étrangers, réfugiés…), peuvent s’adresser au Mouvement international de la Croix-Rouge pour savoir ce qu’il est advenu de leurs proches dont elles ont perdu le contact dans des situations violentes et traumatiques. C’est ainsi que le service de la Croix-Rouge française a enregistré 200 nouvelles demandes de rétablissement des liens familiaux entre janvier et avril 2015, puis 299 nouvelles demandes sur la même période en 2016.
La Croix-Rouge française est aujourd’hui la première association française, tant par la diversité de ses interventions dans le domaine de l’action sociale, médico-sociale, sanitaire et humanitaire en France et à l’étranger, que par la densité de son maillage territorial (cinquante-trois mille bénévoles et dix-huit mille salariés répartis au sein de huit cents unités et six cents établissements).
Elle est un acteur majeur lors de catastrophes naturelles et de situations d’exception et un interlocuteur privilégié de l’État dans la mise en œuvre des politiques publiques dans le domaine de la santé et de l’action sociale.
Elle exerce son action à l’étranger en lien avec les cent quatre-vingt-six autres sociétés nationales de Croix-Rouge et de Croissant-Rouge réparties dans le monde.
À ce titre, la Croix-Rouge française est une organisation structurante exerçant depuis cent cinquante ans un rôle essentiel dans notre pays.
Si ses missions en temps de paix sont largement tributaires de l’évolution des politiques publiques, elle exerce en tout temps trois missions statutaires en application des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels, des résolutions statutaires et des engagements des conférences internationales du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : apporter son aide dans toutes les calamités publiques et dans le domaine de la sécurité civile, diffuser le droit international humanitaire et participer au rétablissement des liens familiaux.
La présente proposition de loi répond à l’engagement du Président de la République et tend à faciliter cette mission de rétablissement des liens familiaux. Elle accorde à la Croix-Rouge française, par le biais de dérogations légales ciblées, un accès privilégié aux documents administratifs et traitements de données réalisés par l’administration, afin de lui permettre de retrouver au plus vite une personne recherchée.
Le Gouvernement a engagé, le 23 mai 2016, la procédure accélérée sur cette proposition de loi qui est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe Socialiste, écologiste et républicain.
I. LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE, UN AUXILIAIRE DES POUVOIRS PUBLICS, ŒUVRANT NOTAMMENT AU RÉTABLISSEMENT DES LIENS FAMILIAUX
Fondée le 25 mai 1864, la Croix-Rouge française a pris la forme d’un établissement d’intérêt public par décret impérial du 26 juin 1866. Elle fait partie du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge depuis le 1er mars 1907. Elle est membre fondateur de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Constituée sur la base des Conventions de Genève auxquelles la France est partie, la Croix-Rouge française a été reconnue association d’utilité publique par la loi du 7 août 1940 (1) validée par l’ordonnance du 27 avril 1945. Elle est régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association et par ses statuts. Elle est soumise aux statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR) adoptés par la XXVe conférence internationale de la Croix-Rouge à Genève, en octobre 1986. Le MICR est en effet composé du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FISCR), elle-même composée des sociétés Nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
La Croix-Rouge française est officiellement reconnue par le gouvernement français comme société de secours volontaire, autonome, auxiliaire des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, et en particulier du service de santé des armées, conformément aux dispositions de la première convention de Genève, et comme seule société nationale du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pouvant exercer son activité sur le territoire de la République française.
Elle conserve à l’égard des pouvoirs publics une autonomie qui lui permet d’agir conformément aux sept principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge que sont (2) :
– l’humanité : né du souci de porter secours sans discrimination aux blessés des champs de bataille, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect international et national, s’efforce de prévenir et d’alléger en toutes circonstances les souffrances humaines. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne humaine. Il favorise la compréhension mutuelle, l’amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples ;
– l’impartialité : il ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes ;
– la neutralité : afin de garder la confiance de tous, le Mouvement s’abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps, aux controverses d’ordre public, racial, religieux et idéologique ;
– l’indépendance : le Mouvement est indépendant. Auxiliaires des pouvoirs publics dans leurs activités humanitaires et soumises aux lois qui régissent leurs pays respectifs, les sociétés nationales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette d’agir selon les principes du Mouvement ;
– le volontariat : il est un mouvement de secours volontaire et désintéressé ;
– l’unité : il ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge dans un même pays. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier ;
– l’universalité : le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les sociétés ont des droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.
La Croix-Rouge française a pour emblème la croix rouge sur fond blanc, en application des conventions de Genève de 1949 et de ses protocoles additionnels. Conformément au règlement de 1991, l’usage des emblèmes est réservé, en dehors du service de santé des armées, aux sociétés nationales du Mouvement de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge (MICR), au Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et à la Fédération Internationale de la Croix-Rouge (FICR). Son usage par les hôpitaux publics afin de signaler leurs services d’urgence est toléré.
Selon l’article 1er de ses statuts, la Croix-Rouge française s’emploie à prévenir et à apaiser les souffrances humaines, en toute impartialité et sans aucune discrimination.
Elle exerce sa mission dans cinq secteurs d’activité :
– l’urgence et le secourisme ;
– l’action sociale ;
– la santé ;
– la formation ;
– la solidarité internationale.
Dans le respect des principes rappelés dans le préambule et dans le cadre des statuts du Mouvement international, des conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, la Croix-Rouge française s’engage à :
– apporter son aide dans toutes les calamités publiques et dans le domaine de la sécurité civile, au titre d’auxiliaire des pouvoirs publics dans leurs activités humanitaires. Elle agit en cas de conflits armés et s’y prépare en tout temps, dans tous les domaines prévus par les conventions de Genève et en faveur de toutes les victimes de la guerre, tant civiles que militaires ;
– diffuser les principes fondamentaux du Mouvement et du droit international humanitaire, afin de développer au sein de la population, notamment parmi les enfants et les jeunes, les idéaux de paix, de tolérance et de compréhension mutuelle entre tous les hommes et tous les peuples ;
– exercer une mission de rétablissement des liens familiaux afin de maintenir ou de rétablir les liens entre les membres d’une famille et de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues, lorsqu’un conflit, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, ou toute autre situation, ayant une incidence sur le plan humanitaire, vient rompre les liens familiaux.
Pour toutes les personnes victimes d’une séparation involontaire et parfois brutale, la Croix-Rouge française se mobilise pour rétablir et maintenir les liens entre les membres d’une même famille et faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues.
Cette mission de rétablissement des liens familiaux (« RLF ») trouve son fondement dans les quatre Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels de 1977 ratifiés par la France (3), ainsi que dans les résolutions statutaires et les engagements des Conférences internationales du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont la France est partie. Elle se décline autour de quatre activités :
– la recherche des membres de la famille : les personnes ayant perdu la trace d’un proche dans le cadre d’une situation de conflit ou de violence armée, de catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou encore de toute autre situation humanitaire ;
– l’appui à la démarche de réunification familiale lorsque la Croix-Rouge a retrouvé les proches ;
– la transmission de nouvelles familiales : lorsque tous les moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles, l’échange de messages Croix-Rouge permet aux familles de rester en contact ou de le rétablir ;
– la délivrance de certains documents par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour faire valoir un droit (attestation de privation de liberté, titres de voyage du CICR) ou par les États (documents d’état civil, certificats, attestations…).
Dans 190 pays, les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que les délégations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), travaillent ensemble pour retrouver la trace des membres des familles divisées à l’échelle internationale et dans les zones de conflit armé et de catastrophes.
En France, la mission « RLF » de la Croix-Rouge française est un des maillons du réseau mondial des liens familiaux. Depuis 2010, la mission RLF est rattachée à la Direction de l’action sociale de la Croix-Rouge française et fonctionne de manière totalement centralisée au niveau du siège grâce à une équipe de treize personnes (7 salariés, 4 bénévoles et 2 mécènes de compétences). En 2016, il existe sept antennes RLF en France métropolitaine (Paris, Lyon, Marseille, Rennes, Toulouse, Bordeaux, Amiens), regroupant trente-deux bénévoles actifs et formés à cette mission. En outre, depuis février 2016, la Croix-Rouge française a instauré un dispositif itinérant autour de Calais pour venir en aide aux migrants sur place grâce à l’intervention de trois salariés et de quatre bénévoles.
En 2015, le service « RLF » de la Croix-Rouge a instruit 922 dossiers personnels correspondant à :
– 562 demandes de recherche de personnes disparues (dont 136 demandes entrantes sur le territoire national) ;
– 200 appels passés par les réfugiés et migrants ;
– 258 messages Croix-Rouge à caractère familial ;
– 23 regroupements familiaux suivis en France ;
– 79 pièces officielles délivrées.
Sur ces 922 dossiers, 66 % des demandes adressées au service RLF ont connu une issue positive. Plus des deux-tiers des demandes concernent des personnes touchées par des situations de conflits armés, environ 15 % des recherches de personnes séparées depuis la seconde guerre mondiale, le reste des demandes émanant de personnes séparées en raison de catastrophes naturelles ou humanitaires ou de migration. De plus, sur les 136 demandes de recherche de personnes sur le territoire national, 80 concernent des personnes séparées depuis la seconde guerre mondiale.
Sur la période 2012-2014, les chiffres sont globalement du même ordre, comme le montre le graphique ci-après :
ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DOSSIERS DE RÉTABLISSEMENT DE LIENS FAMILIAUX TRAITÉS PAR LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE ENTRE 2012 ET 2014
Source : Croix-Rouge française, Bilan d’activité 2014 de l’action sociale, RLF.
Les demandes de recherche sont introduites auprès des sociétés nationales ou du CICR par des particuliers recherchant un ou plusieurs membres de leurs familles, quels que soient la nationalité et le statut administratif de ces personnes (résidents, réfugiés, demandeurs d’asile, migrants, mineurs isolés étrangers, détenus…).
Toutes les demandes sont soumises à des critères très stricts appliqués dans l’ensemble du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Les demandes répondent à des critères d’éligibilité qui sont :
– l’existence d’un lien familial entre le demandeur et la ou les personne(s) recherchée(s) ;
– la cause de la rupture de contact qui doit être liée à une situation de conflit ou de violence armés, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine, ou toute autre situation humanitaire.
Les demandes répondent également à un critère de territorialité :
– les « demandes entrantes » qui proviennent de l’étranger et qui visent à rechercher ou à rétablir et à maintenir le lien avec une personne sur le territoire national. Elles doivent obligatoirement émaner d’une société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ou du CICR qui l’adresse pour traitement à la Croix-Rouge française sur la base d’une demande exprimée par une personne vivant à l’étranger ;
– les « demandes sortantes » qui émanent d’une personne vivant sur le territoire national, quels que soient sa nationalité et son statut administratif et qui visent à rechercher ou à rétablir et à maintenir le lien avec un membre de sa famille situé à l’étranger. Ces demandes sont transmises pour traitement par la Croix-Rouge française à la société nationale du pays concerné ou au CICR dans les zones de conflits armés.
Par conséquent, la Croix-Rouge française agit dans le cadre d’un mandat bien précis et ne peut traiter les demandes suivantes :
– les recherches en France pour un demandeur y résidant. Elles sont assurées par les services de gendarmerie et de police. Si la personne recherchée est supposée être demandeur d’asile, le demandeur peut interroger l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
– les recherches spécialisées, qui touchent les mineurs ou majeurs protégés, les aliénés, les amnésiques et les personnes disparues dans des conditions inquiétantes et suspectes ;
– les recherches de parents naturels (dits « biologiques ») ou rentrant dans le cadre d’adoption ;
– les recherches à caractère généalogique ;
– les recherches de personnes sans lien de parenté ;
– les recherches liées à un conflit ancien présentant un caractère historique ;
– les recherches de personnes nées il y a plus de 100 ans (présumées décédées) ;
– les recherches dont la rupture du contact a été causée par des conflits familiaux ou d’ordre privé ;
– les recherches impliquant une procédure juridique (héritage, droits de succession, débiteur de pension alimentaire, divorce, etc.) ;
– les demandes directes émanant d’une personne résidant à l’étranger qui doit s’adresser à la société nationale Croix-Rouge de son pays de résidence.
Avec l’accroissement des mouvements de migration depuis deux ans, la Croix-Rouge française en vient également à être sollicitée exceptionnellement par des migrants sur le territoire français pour rechercher un membre de leur famille avec lequel ils ont été séparés en France. Toutefois, sauf exception, elle oriente les demandeurs concernés vers les services de l’État, comme l’OFPRA, pour les aider dans leur recherche car cela ne ressort pas de sa mission statutaire.
3. Les outils juridiques à la disposition de la Croix-Rouge pour le rétablissement des liens familiaux
Actuellement, la Croix-Rouge française peut être amenée à collecter et à traiter de nombreuses informations sur les personnes portées disparues, décédées ou vulnérables (enfants séparés de leurs familles ou personnes privées de liberté, par exemple), mais également sur celles qui formulent les demandes de recherche (demandeurs).
Une fois que la personne recherchée a été retrouvée, les coordonnées de cette dernière sont transmises à la Croix-Rouge Française (pour les demandes sortantes) ou à la société nationale concernée (pour les demandes entrantes), qui les communique alors au demandeur, sous réserve de l’accord exprès de la personne recherchée.
Dans une délibération n° 2012-161 du 24 mai 2012 autorisant la Croix-Rouge Française à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité le rétablissement des liens familiaux, la Commission nationale Informatique et Liberté (CNIL) a considéré la finalité poursuivie comme déterminée, explicite et légitime. Dans cette délibération, il est précisé que les données présentées dans le tableau ci-après peuvent être collectées au moyen d’un formulaire de demande de recherche, établi par le CICR et utilisé par l’ensemble du réseau du Mouvement international de la Croix-Rouge française.
DONNÉES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE COLLECTÉES PAR LA CROIX-ROUGE POUR LE RÉTABLISSEMENT DES LIENS FAMILIAUX
Demandes sortantes |
Demandes entrantes | |
Données relatives à l’identification | ||
Personne recherchée |
nom complet, autres noms, noms complets du père et de la mère, nationalité, sexe, date de naissance ou âge, lieu de naissance, origine ethnique, dernière adresse connue, numéros de téléphone et de fax, adresse électronique |
– nom complet, autres noms, noms complets du père et de la mère, nationalité, sexe, date de naissance ou âge, lieu de naissance, origine ethnique, dernière adresse connue, numéros de téléphone et de fax, adresse électronique – autres données relatives à l’identification : photographies de la personne recherchée, adresse électronique – données relatives à la vie personnelle : situation familiale, lieux fréquemment fréquentés – données relatives à la vie professionnelle : CV, situation professionnelle, scolarité, formation, distinction, employeurs – informations d’ordre économique et financier : revenus, situation financière – données comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes : situation de précarité ou de fragilité sociale, accès à des prestations sociales, assistants sociaux – données de santé : pathologie, affection, antécédents familiaux, données relatives aux soins, situations ou comportements à risques, groupe sanguin, signes particuliers, lieux d’hospitalisation – autres données sensibles : origines raciales ou ethniques, opinions politiques, opinions religieuses, appartenance syndicale, vie sexuelle |
Personne accompagnant la personne recherchée |
nom complet, date de naissance, sexe, lien de parenté avec la personne recherchée |
nom complet, date de naissance, sexe, lien de parenté avec la personne recherchée |
Demandeur |
nom complet, autres noms, noms complets du père et de la mère, nationalité, sexe, date de naissance ou âge, lieu de naissance, origine ethnique, adresse postale détaillée, numéros de téléphone et de fax, adresse électronique, lien de parenté avec la personne recherchée |
nom complet, autres noms, noms complets du père et de la mère, nationalité, sexe, date de naissance ou âge, lieu de naissance, origine ethnique, adresse postale détaillée, numéros de téléphone et de fax, adresse électronique, lien de parenté avec la personne recherchée |
Personnes susceptibles de fournir des informations |
noms et adresse |
noms et adresse |
Contexte |
date et nature des dernières nouvelles de la personne recherchée, circonstances exactes ayant entraîné la rupture de contact, autres informations qui pourraient aider les recherches |
date et nature des dernières nouvelles de la personne recherchée, circonstances exactes ayant entraîné la rupture de contact, autres informations qui pourraient aider les recherches |
Modalités de collecte de ces données |
Ces données sont collectées par la Croix-Rouge française et transmises au CICR ou à la société nationale de la Croix-Rouge concernée. |
Ces données sont collectées par la société nationale de la Croix-Rouge à l’étranger qui les transmet à la Croix-Rouge française |
Conservation des données |
Les données sont conservées par la Croix-Rouge française pour une durée de deux ans à compter de la fin de la dernière opération enregistrée, puis elles sont archivées | |
Destinataires des données |
– les personnels et bénévoles habilités de la société nationale de la Croix-Rouge et de la délégation du CICR concernée – le demandeur en France : les coordonnées de la personne recherchée sous réserve de l’accord de cette dernière ou l’acte de décès et le lieu de sépulture de la personne recherchée, le cas échéant |
– les personnels et bénévoles habilités de la Croix-Rouge Française – le ministère de la santé et l’OFPRA, le cas échéant : les noms, prénoms, date et lieu de naissance, et extrait de naissance de la personne recherchée – la société nationale de la Croix-Rouge et la délégation du CICR concernée : les coordonnées de la personne recherchée (qui sont ensuite communiquées au demandeur sous réserve de l’accord de la personne recherchée) ou l’acte de décès et le lieu de sépulture de la personne recherchée, le cas échéant |
Informations et droits des personnes (droit d’accès et de rectification par voie postale conformément à l’article 32-I de la loi du 6 janvier 1978) |
Lorsque la demande a été formulée en France, le demandeur est informé par le courrier accompagnant le formulaire de demande de recherche. |
La personne recherchée est informée par l’envoi d’un courrier dès qu’elle est retrouvée. Les personnes susceptibles de fournir des informations sont informées par voie orale au moment où elles sont effectivement contactées |
Transfert des données |
Les données peuvent être transférées aux délégations du CICR ou aux sociétés nationales de la Croix-Rouge situées hors de l’Union européenne, dans la mesure où ces transferts sont nécessaires à la sauvegarde de la vie humaine et de l’intérêt public, conformément aux articles 69-1° et 69-2° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée Des profils d’habilitation permettant de gérer les autorisations d’accès sont mis en place et une procédure de revue régulière de ces profils permet d’assurer leur mise à jour. Cette plateforme dispose également de fonctionnalités de journalisation permettant de tracer l’accès aux données, tant en consultation qu’en modification. Les données sont conservées pendant 6 mois. La plateforme étant accessible par Internet, toutes les données échangées depuis la plateforme sont chiffrées en utilisant le protocole « https », afin d’en assurer la confidentialité |
Le demandeur doit remplir et signer le formulaire de recherche et peut décider de restreindre la diffusion des informations contenues dans sa demande en spécifiant s’il accepte ou non qu’elle soit transmise aux autorités compétentes, en France ou à l’étranger, selon le type de demande.
La CNIL a par ailleurs relevé que, si la Croix-Rouge française est susceptible, dans le cadre du service de rétablissement des liens familiaux, de recevoir communication de documents comportant d’autres informations telles que le numéro de sécurité sociale (NIR) ou relatives aux infractions et condamnations, le traitement autorisé ne peut porter sur de telles données.
Afin de mener à bien sa mission statutaire, la Croix-Rouge française sollicite quotidiennement les administrations centrales, les services déconcentrés de l’État, les collectivités territoriales et divers établissements publics administratifs dans le but de recueillir tous les renseignements utiles pour éclaircir le sort de personnes recherchées en France par leurs proches qui se trouvent à l’étranger.
Le soutien des services de l’État est essentiel afin de pouvoir répondre à ce besoin de savoir des familles, notamment lorsque les séparations sont dues à des conflits anciens.
Pour autant, la Croix-Rouge française est régulièrement confrontée à un refus par les administrations et les services publics de transmission de données personnelles concernant les personnes recherchées.
Comme l’indique, en outre, l’exposé sommaire de la proposition de loi, l’État a abandonné l’une de ses missions antérieures relative à la recherche dans l'intérêt des familles (RIF).
Cette procédure administrative, créée à l’issue de la Première Guerre mondiale pour permettre aux membres d’une famille de se retrouver avec l’aide de la puissance publique (préfecture, police, gendarmerie) et réorganisée par une circulaire ministérielle n° 83-52 du 21 février 1983 a en effet été abrogée par une circulaire du 26 avril 2013. La décision était motivée par le fait que le nombre de demandes de recherches dans l’intérêt des familles avait considérablement chuté et que cette procédure était tombée en désuétude depuis 2010.
Il n’en demeure pas moins que l’abandon de cette mission par les services de l’État s’est traduit par la perte du principal point d’entrée du service de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française avec l’administration, rendant d’autant plus difficile l’exercice de cette mission statutaire.
La transposition en droit national de la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française prévue par les conventions internationales, les résolutions statutaires et les engagements des conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge faciliterait donc l’exercice par la Croix-Rouge de sa mission universelle et s’inscrirait dans une démarche déjà engagée par plusieurs États européens.
Ainsi l’Allemagne a adopté, dès la sortie de la seconde guerre mondiale, une loi reconnaissant la mission de rétablissement des liens familiaux de sa société nationale, explicitant son champ d’action et demandant aux administrations de faciliter son action, laquelle a été réactualisée en 2001.
De même, le gouvernement belge, par décret, permet au service de rétablissement des liens familiaux de sa société nationale de bénéficier d’un accès au fichier central de la population de Belgique depuis une dizaine d’années.
Enfin, les ministères britanniques de la Santé et de l’Intérieur ont signé, en 2007, des conventions avec le service de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge britannique détaillant leurs relations de travail et encadrant l’accès aux données de l’administration.
Ces exemples étrangers montrent qu’il est légitime de faciliter l’exercice de la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française auprès des administrations françaises.
Votre rapporteure considère que cela est d’autant plus justifié qu’avec l’augmentation des phénomènes migratoires, la Croix-Rouge française se trouve confrontée à une augmentation des demandes de recherche de personnes disparues depuis deux ans.
C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi prévoit des dérogations ciblées en faveur de la Croix-Rouge française pour lui permettre d’accéder plus facilement à des données nominatives dans le seul cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux :
– l’article 1erintroduit une dérogation à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, pour autoriser la Croix-Rouge à obtenir communication de certains documents, qui ne sont en principe communicables qu’à l’intéressé, auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes assurant la gestion des prestations sociales ;
– l’article 2 lui permet également de demander directement aux officiers d’état civil dépositaires des actes les copies intégrales et d’extraits d’actes d’état civil ;
– l’article 3 habilite la Croix-Rouge française à saisir le représentant de l’État afin de vérifier l’inscription ou non d’une personne sur les listes électorales et, le cas échéant, de prendre communication des données relatives à cette personne par dérogation à l’article L. 28 du code électoral.
Enfin, l’article 4 précise les conditions dans lesquelles un tiers peut être informé du sort de la personne recherchée : si elle est vivante, les informations relatives à cette personne ne peuvent être communiquées qu’avec son consentement écrit ; si elle est décédée, la Croix-Rouge française indique le décès et, le cas échéant, le lieu de sépulture, aux tiers qui les lui demandent.
Lors de sa réunion du mercredi 8 juin 2016, la commission des Lois a adopté, à l’initiative de votre rapporteure, huit amendements rédactionnels ainsi qu’un article additionnel – l’article 3 bis – donnant compétence à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour se prononcer sur une contestation, de la part de la Croix-Rouge française, d’un refus implicite ou explicite de l’administration de lui communiquer les documents ou données qu’elle aura demandées en application des articles 1 à 3 de la présente proposition de loi.
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Lors de sa réunion du mercredi 8 juin 2016, la commission des Lois procède à l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (n° 3774) (Mme Françoise Dumas, rapporteure).
Mme Françoise Dumas, rapporteure. Merci, monsieur le président, de m’accueillir au sein de votre Commission. La présente proposition de loi vise à faciliter l’une des missions statutaires de la Croix-Rouge : le rétablissement des liens familiaux. Celle-ci est consacrée par les conventions de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels.
Cette mission recouvre quatre activités : la recherche des membres de la famille ; l’appui à la démarche de réunification familiale lorsque la Croix-Rouge a retrouvé les proches ; la transmission de nouvelles entre les membres de la famille lorsque tous les autres moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles ; la délivrance de certains documents – pièces d’état civil, certificats, attestations – par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), pour faire valoir un droit, ou par les États.
Pour permettre à la Croix-Rouge française de retrouver plus facilement une personne recherchée dans le cadre de sa mission de rétablissement des liens familiaux, cette proposition de loi vise à lui accorder des dérogations ciblées afin qu’elle obtienne des administrations françaises, entendues au sens large, communication de documents administratifs comprenant des données à caractère nominatif susceptibles d’aider à retrouver la personne.
Ce texte résulte d’un travail de longue haleine : la Croix-Rouge m’a fait part de ses problèmes il y a deux ans, dans le cadre des travaux que j’ai menés en tant que rapporteure de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif. Je suis très heureuse qu’il soit désormais inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée, d’autant que nous avons tous été sollicités récemment à l’occasion des journées nationales de la Croix-Rouge.
Comme vous le savez, la Croix-Rouge française est la première association dans notre pays, tant par la diversité de ses interventions dans le domaine de l’action sociale, médico-sociale, sanitaire et humanitaire, en France et à l’étranger, que par la densité de son maillage territorial – 910 délégations locales et 50 000 bénévoles – et de son réseau international – quelque 190 autres sociétés nationales.
L’objectif de cette proposition de loi est simple : aider des familles installées en France ou à l’étranger à retrouver, par l’intermédiaire du Mouvement international de la Croix-Rouge, des proches dont elles ont été séparées dans des situations violentes et traumatiques – guerres, conflits armés, attentats, catastrophes naturelles ou humanitaires.
Sont exclues, bien évidemment, les recherches de personnes disparues dans des conditions suspectes, les recherches généalogiques ou celles qui résultent d’une procédure d’adoption, pour lesquelles les services de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge ne sont pas compétents.
Si la demande de recherche d’un membre de la famille émane d’une personne installée à l’étranger, celle-ci doit s’adresser à sa société nationale de Croix-Rouge, qui formule ensuite une « demande entrante » auprès de la Croix-Rouge française si elle dispose d’indices laissant penser que cette personne est en France. Si la demande est formulée par une personne installée en France auprès de la Croix-Rouge française pour retrouver un proche disparu dans un autre pays, on parle de « demande sortante » : l’objectif est alors de mobiliser le réseau du Mouvement international de la Croix-Rouge pour retrouver la personne recherchée là où elle se trouve.
Dans une délibération n° 2012-161 du 24 mai 2012, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a autorisé la Croix-Rouge française à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité le rétablissement des liens familiaux. La CNIL a en effet considéré la finalité poursuivie comme déterminée, explicite et légitime. Dans cette délibération, elle a précisé que les données peuvent être collectées au moyen d’un formulaire de demande de recherche, établi par le CICR et utilisé par l’ensemble du réseau du Mouvement international de la Croix-Rouge française.
Le 21 juin 2014, à l’occasion du 150e anniversaire de la Croix-Rouge française, le Président de la République a réaffirmé le rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics de la Croix-Rouge française et s’est engagé à faciliter son action, notamment dans le cadre de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.
La présente proposition de loi répond donc à cet engagement présidentiel en permettant désormais explicitement à la Croix-Rouge : d’obtenir communication de certains documents ou données à caractère personnel qui ne sont en principe communicables qu’à l’intéressé, auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes assurant la gestion des prestations familiales ; de demander directement aux officiers d’état civil dépositaires des actes les copies intégrales et d’extraits d’actes d’état civil des personnes recherchées ; de saisir le représentant de l’État afin de vérifier l’inscription d’une personne sur les listes électorales et, le cas échéant, de prendre communication des données relatives à cette personne.
La proposition de loi précise également les conditions dans lesquelles un tiers peut être informé du sort de la personne recherchée. Si elle est vivante, les informations relatives à cette personne ne peuvent être communiquées qu’avec son consentement écrit ; si elle est décédée, la Croix-Rouge française indique le décès et, le cas échéant, le lieu de sépulture, aux tiers qui les lui demandent.
Il me semble que cette courte proposition de loi devrait faciliter grandement l’action de la Croix-Rouge française en améliorant le taux de succès des demandes de rétablissement des liens familiaux.
Elle me paraît d’autant plus nécessaire que, depuis deux ans, la Croix-Rouge française constate qu’un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et se sont trouvées séparées violemment de leur famille. Les zones sensibles sont connues : Syrie, Ukraine, République démocratique du Congo, Guinée, etc. C’est ainsi que le service de la Croix-Rouge française a enregistré 200 demandes nouvelles de rétablissement des liens familiaux entre les mois de janvier et d’avril 2015, et 299 demandes nouvelles sur la même période en 2016.
Faciliter la mission statutaire de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française auprès de nos administrations centrales et territoriales devient désormais impérieux.
D’autres États se sont engagés dans cette voie depuis longtemps déjà : l’Allemagne a actualisé la loi favorisant la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge allemande en 2001 ; la Grande-Bretagne l’a fait en 2007, de même que la Belgique depuis bientôt dix ans. À titre d’exemple, en Belgique, un accord avec les autorités centrales a été signé afin de permettre aux officiers de recherche de la Croix-Rouge belge d’avoir un accès direct au fichier national d’état civil et au fichier d’hébergement des personnes vulnérables.
Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi, sous réserve de quelques amendements rédactionnels et d’un seul amendement de fond que je vous proposerai, destiné à permettre à la Croix-Rouge française de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) en cas de refus ou de silence de la part de l’administration, afin de donner toute son effectivité à ce texte.
Mme Pascale Crozon. La Croix-Rouge française est régulièrement confrontée à un refus, de la part des administrations et des services publics, de transmettre des données personnelles concernant les personnes recherchées. Il est donc nécessaire de lui permettre d’assurer sa mission de rétablissement des liens familiaux prévue par les conventions internationales, les résolutions statutaires et les engagements des conférences internationales déjà repris par plusieurs pays européens. Ainsi, il est prévu que la confidentialité ne pourra plus être opposée aux demandes de la Croix-Rouge française. Bien entendu, le groupe Socialiste, écologiste et républicain votera ce texte.
La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er
Dérogation en faveur de la Croix-Rouge française pour accéder aux documents mentionnés à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration
Cet article prévoit, par dérogation à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la possibilité pour la Croix-Rouge française, dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, d’obtenir communication de certains documents administratifs ou traitements de données, relatifs à la personne recherchée, qui ne sont en principe communicables qu’à l’intéressée, auprès :
– des administrations de l’État ;
– des collectivités territoriales ;
– de leurs établissements publics administratifs ;
– des organismes de sécurité sociale ;
– et des organismes assurant la gestion des prestations sociales.
Les documents administratifs mentionnés à l’article L. 311-6 du code précités sont ceux :
– dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;
– portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;
– faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ;
– ainsi que les informations à caractère médical.
En principe, ces documents, qui comportent des données personnelles sensibles, ne sont pas communicables à des tiers.
Toutefois, conformément à la délibération de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) n° 2012-161 du 24 mai 2012 présentée dans l’exposé général du présent rapport, la Croix-Rouge est autorisée à accéder à ces données personnelles et à mettre en œuvre un traitement automatisé de ces données dès lors que sa demande a pour finalité le rétablissement des liens familiaux entre un demandeur et une personne recherchée.
Le contenu et l’étendue de la mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949 ont été présentés dans l’exposé général du présent rapport.
Le présent article précise les conditions de forme et de fond dans lesquelles la Croix-Rouge française peut obtenir communication de ces documents :
– la demande doit être écrite, motivée et adressée à l’organisme public qui détient ledit document ;
– les informations relatives à la personne recherchée, figurant dans le document administratif ou le traitement de données, doivent être indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national.
Votre rapporteure considère que cette disposition dérogatoire devrait faciliter la tâche de la Croix-Rouge française même si l’administration conserve une certaine marge d’appréciation pour refuser d’accéder à sa demande. Elle considère néanmoins que la Croix-Rouge devrait, dans ce cas, pouvoir saisir la commission d’accès aux documents administratifs dans les conditions de droit commun.
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La Commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL1 et l’amendement de précision CL8 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
Article 2
Droit d’accès de la Croix-Rouge française aux copies d’actes d’état civil
Cet article autorise la Croix-Rouge française à demander directement aux officiers d’état civil dépositaires des actes les copies intégrales et extraits d’actes d’état civil d’une personne recherchée dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949.
Actuellement, les personnes pouvant obtenir copie intégrale d'un acte de naissance ou de mariage, ou un extrait d’acte de naissance avec filiation, sont :
– la personne concernée par l'acte (à condition d'être majeure), son représentant légal, son époux ou son épouse ;
– un ascendant de la personne concernée (parent, grands-parents) ;
– un descendant de la personne concernée (enfant, petits-enfants) ;
– ou un professionnel autorisé par la loi (avocat pour le compte d'un client par exemple).
De plus, toute personne peut demander la reproduction d'un acte intégral de naissance ou de mariage de plus de 75 ans (depuis la date de clôture du registre), lesquels sont conservés dans les archives publiques. De même, toute personne peut demander un acte de décès ainsi qu’un extrait d’acte de naissance sans filiation sans justification particulière.
Cet article aura donc principalement pour effet de permettre à la Croix-Rouge française, saisie d’une demande de rétablissement des liens familiaux, de vérifier si la personne recherchée est née en France ou s’est mariée en France si elle dispose d’indices lui permettant de déterminer la mairie du lieu de naissance ou de mariage.
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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL2 et CL3 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3
Dérogation en faveur de la Croix-Rouge française pour accéder aux listes électorales et aux informations personnelles afférentes
Cet article habilite la Croix-Rouge française, dans le cadre de sa mission de rétablissement des liens familiaux, à saisir le représentant de l’État afin de vérifier l’inscription ou non d’une personne sur les listes électorales et, le cas échéant, de prendre communication des données relatives à cette personne par dérogation à l’article L. 28 du code électoral.
L’article L. 28 du code électoral dispose actuellement que :
– les listes électorales sont réunies en un registre et conservées dans les archives de la commune ;
– tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique peut prendre communication et copie de la liste électorale.
Le droit de prendre communication ou copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture reste ouvert à « tout électeur », quelle que soit sa commune d’inscription, à la différence du droit commun d’accès aux documents administratifs, ouvert à « toute personne ».
En l’absence de dispositions spécifiques du code électoral, les modalités de communication sont celles définies par l’article L. 311-9 du code des relations entre le public et l’administration : l’accès s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration, soit par consultation sur place, soit par la délivrance d’une copie sur un support papier ou numérique, soit par envoi d’un courrier électronique.
Actuellement, l’article R. 16 du code électoral prévoit que le droit de communication et de copie des listes électorales est soumis à la condition que l’électeur s’engage à ne pas en faire « un usage purement commercial ». La Commission d’accès aux documents administratifs a précisé, dans un avis de 2009, que « le caractère purement commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique du réutilisateur et le caractère onéreux ou non de l’usage constituant à cet égard de simples indices. Doivent être regardés comme purement commerciales non seulement la commercialisation des données, le cas échéant après retraitement, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but exclusivement lucratif » (4).
Le droit d’accès aux listes électorales est également ouvert à « tout candidat et tout parti et groupement politique ». Il concerne dans ce cas la communication et la copie de l’ensemble des listes électorales des communes du département en préfecture. Les dispositions applicables aux traitements des données personnelles utilisées à des fins de communication politique, en particulier les modalités d’information des personnes sur ces traitements, ont été précisées par la CNIL dans une délibération du 26 janvier 2012 (5).
Le présent article ouvrira donc à la Croix-Rouge française le droit de saisir :
– un maire pour vérifier si la personne qu’elle recherche est bien inscrite sur la liste électorale de la commune, et si tel est le cas, obtenir communication des informations relatives à cette personne ;
– un préfet pour vérifier si la personne qu’elle recherche est inscrite sur la liste électorale d’une commune du département, et si tel est le cas, obtenir communication des informations relatives à cette personne dans les mêmes conditions que « tout candidat et groupement politique ».
Votre rapporteure observe que, dans le cadre de la proposition de loi n° 3336 de Mme Élisabeth Pochon et de M. Jean-Luc Warsmann (6), l’article L. 28 du code électoral serait abrogé : les listes électorales seraient désormais extraites du répertoire électoral unique et permanent tenu par l’INSEE tandis que les modalités de consultation et de communication de ces listes seront fixées au I des nouveaux articles L. 19 et L. 37 du code électoral, dans leur rédaction résultant respectivement des articles 3 et 7 de cette proposition de loi. Il conviendra donc de procéder aux coordinations nécessaires si celle-ci était définitivement adoptée avant la présente proposition de loi.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL4 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 3 bis (nouveau)
(art. L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration)
Compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs
Introduit à l’initiative de votre rapporteure, cet article additionnel complète le A de l’article L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration qui donne compétence à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour connaître des questions relatives à l'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques prévus par des dispositions particulières.
L’objectif poursuivi par cet article additionnel est de permettre à la Croix-Rouge française qui dispose désormais, par dérogation, d’un droit de communication particulier à certains documents administratifs en application des articles 1 à 3 de la présente proposition de loi, de pouvoir saisir la CADA en cas de refus implicite ou explicite de l’administration de les lui communiquer.
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La Commission examine l’amendement CL9 de la rapporteure.
Mme la rapporteure. Cet amendement donne compétence à la Commission d’accès aux documents administratifs pour connaître des questions relatives à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques prévues par les articles 1 à 3 de la présente proposition de loi. Il permet donc à la Croix-Rouge française de saisir la CADA en cas de refus implicite ou explicite de la part des administrations françaises de lui communiquer des documents qu’elle aura demandés dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux. Jusqu’à présent, cela se faisait uniquement à titre tout à fait dérogatoire.
La Commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.
Article 4
Encadrement des informations transmises à des tiers par la Croix-Rouge française sur une personne recherchée
Cet article précise les conditions dans lesquelles les informations recueillies par la Croix-Rouge française dans le cadre de sa mission de rétablissement des liens familiaux peuvent être transmises ou non à des tiers.
Sont considérés comme des tiers une société nationale appartenant au mouvement international de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ou le Comité international de la Croix-Rouge, qui s’adressent pour traitement à la Croix-Rouge française sur la base d’une demande exprimée par une personne vivant à l’étranger.
En premier lieu, tant que la personne recherchée n’a pas été retrouvée, aucune information la concernant ne peut être transmise par la Croix-Rouge française à des tiers.
En deuxième lieu, si la personne recherchée a été retrouvée par la Croix-Rouge française, cette dernière doit obtenir son consentement écrit avant de pouvoir transmettre une ou plusieurs informations la concernant à des tiers. La personne recherchée doit donc remplir et signer le formulaire d’autorisation de transmission de ses coordonnées. Si elle refuse d’entrer en contact avec sa famille, elle peut néanmoins autoriser la Croix-Rouge française à indiquer au demandeur qu’elle est vivante mais aucune autre information ne sera communiquée. Dans des cas très rares (une fois ces quatre dernières années), la personne recherchée refuse d’autoriser la Croix-Rouge à indiquer au demandeur qu’elle est vivante. Dans ce cas, la Croix-Rouge précise que la demande n’a pas pu aboutir.
En dernier lieu, si la personne recherchée est décédée, la Croix-Rouge française indique le décès, et le cas échéant le lieu de sépulture de la personne recherchée, aux tiers qui les lui demandent.
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La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL5 et les amendements rédactionnels CL6 et CL7 de la rapporteure.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
La Commission adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux, après engagement de la procédure accélérée, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
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Dispositions en vigueur ___ |
Texte de la proposition de loi ___ |
Texte adopté par la Commission ___ |
Proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, |
Proposition de loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, | |
Article 1er |
Article 1er | |
Par dérogation à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, obtenir communication auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, sur demande écrite et motivée, des informations relatives à la personne recherchée, figurant dans un document administratif ou un traitement de données, dans la mesure où ces informations sont indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national. |
Par dérogation à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général de rétablissement des liens familiaux prévue par les protocoles additionnels aux conventions de Genève du 12 août 1949, obtenir communication auprès des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de sécurité sociale et des organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, sur demande écrite et motivée, des informations relatives à la personne recherchée, figurant dans un document administratif ou dans un traitement de données à caractère personnel, dans la mesure où ces informations sont indispensables à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national. amendements CL1 et CL8 | |
Article 2 | ||
La Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général |
La Croix-Rouge française peut, dans le cadre de sa mission d’intérêt général mentionnée à l’article 1er, demander directement aux officiers de l’état civil dépositaires des actes de l’état civil les copies intégrales et extraits de ces actes. amendements CL2 et CL3 | |
Article 3 | ||
Par dérogation |
Par dérogation à l’article L. 28 du code électoral, la Croix-Rouge française est habilitée, dans le cadre de sa mission d’intérêt général mentionnée à l’article 1er de la présente loi, à saisir le représentant de l’État dans le département afin de vérifier si une personne est inscrite ou non sur les listes électorales et, le cas échéant, de prendre communication des données relatives à cette personne. amendement CL4 | |
Code des relations entre le public et l’administration |
Article 3 bis (nouveau) | |
Art. L. 342-2. – La commission est également compétente pour connaître des questions relatives : |
Le A de l’article L. 342-2 du code des relations entre le public et l’administration est complété par un 22° ainsi rédigé : | |
A. – À l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions suivantes : |
||
1° L’article 2449 du code civil ; |
||
2° L’article 79 du code civil local d’Alsace-Moselle ; |
||
3° Les articles L. 2121-26, L. 3121-17, L. 4132-16, L. 5211-46, L. 5421-5, L. 5621-9 et L. 5721-6 du code général des collectivités territoriales ; |
||
4° Les articles L. 28, L. 68 et L.O. 179 du code électoral ainsi que les dispositions de ce code relatives au registre des procurations ; |
||
5° Les dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives aux listes électorales des chambres départementales d’agriculture ; |
||
6° Les dispositions du code forestier relatives aux listes électorales des centres régionaux de la propriété forestière ; |
||
7° Les articles L. 121-5, L. 123-1 à L. 123-19, L. 213-13 et L. 332-29 du code de l’urbanisme ; |
||
8° Les chapitres III et IV du titre II du livre Ier du code de l’environnement ; |
||
9° Les articles L. 225-3, L. 225-5 et L. 330-2 à L. 330-5 du code de la route ; |
||
10° Les dispositions du code de la voirie routière relatives aux enquêtes publiques en matière de classement, d’ouverture, de redressement, de fixation de la largeur et de déclassement des voies communales ; |
||
11° Le a et le b de l’article L. 104 et les articles L. 106, L. 111 et L. 135 B du livre des procédures fiscales ; |
||
12° L’article L. 107 A du livre des procédures fiscales ; |
||
13° L’article L. 421-8 du code de l’action sociale et des familles ; |
||
14° Les articles L. 1111-7 et L. 1131-1 du code de la santé publique ; |
||
15° L’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale ; |
||
16° L’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; |
||
17° L’article 17 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ; |
||
18° Les dispositions relatives à la conservation du cadastre ; |
||
19° L’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ; |
||
20° L’article 12 de la loi du 1er mai 1889, révisée par la loi du 20 mai 1898, sur les associations coopératives de production et de consommation ; |
||
21° Les dispositions relatives aux procès-verbaux des séances de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse. |
||
« 22° Les articles 1er à 3 de la loi n° du relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux ; ». amendement CL9 | ||
B. – À l’accès aux informations détenues par les exploitants d’une installation nucléaire de base et les personnes responsables de transport de substances radioactives dans les conditions définies aux articles L. 125-10 et L. 125-11 du code de l’environnement. |
||
C. – À la réutilisation des informations publiques relevant du chapitre III du titre II de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. |
||
Article 4 | ||
Tant que la personne |
Tant que la personne recherchée n’a pas été retrouvée, la Croix-Rouge française ne transmet à des tiers aucune information la concernant. Si la personne a été retrouvée par la Croix-Rouge française, aucune information la concernant ne peut être transmise à des tiers sans son consentement écrit. Si la personne est décédée, la Croix-Rouge française informe les tiers qui lui en font la demande de son décès et, le cas échéant, de son lieu de sépulture. amendements CL5, |
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE
● Croix-Rouge française
— Mme Aurélie de Gorostarzu, responsable du pôle Rétablissement des Liens Familiaux
–– M. Laurent Bessede, directeur des affaires juridiques et du contentieux
–– M. Jean Fabre Mons, responsable des relations institutionnelles
● Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes
–– Mme Laurence Rossignol, ministre
–– Mme Léonor Sauvage, conseillère protection de l'enfance
–– Mme Frédérique Leprince, conseillère familles
–– Mme Nina Savoye, conseillère parlementaire
ANNEXE : INTERVENTION DE MME LAURENCE ROSSIGNOL, MINISTRE DES FAMILLES, DE L’ENFANCE ET DES DROITS DES FEMMES LORS DE SON AUDITION PAR LA RAPPORTEURE
(lundi 6 juin 2016)
Madame la rapporteure,
Vous avez demandé à m’auditionner aujourd’hui sur la proposition de la loi relative à l’exercice, par la Croix-Rouge française, de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (RLF).
Rétablir le lien entre des membres d’une famille qui se trouvent séparés du fait de causes dont ils sont les victimes – une guerre, un séisme, une famine – est une nécessité. C’est un enjeu très important qui nous touche tous directement ou indirectement. Vous le savez, le maintien des liens familiaux et leur rétablissement sont au cœur de nombreuses politiques que je porte : que cela soit en matière de protection de l’enfance ou de politique familiale.
Cette mission de la Croix-Rouge intéresse donc bien évidemment mon ministère qui contribuera pleinement à l’application de la loi si celle-ci est adoptée. Je tiens néanmoins à préciser que cette proposition de loi est en premier lieu du ressort du ministre de l’Intérieur.
• L’État, toujours acteur dans la prise en charge des disparitions
Le rétablissement des liens familiaux sur le territoire français était en effet opéré de façon conjointe par les préfectures et la Croix-Rouge jusqu’à 2013. Pour une question de moyens et de rationalisation de l’action publique, il a semblé pertinent de déléguer cette mission à la Croix-Rouge.
Avant de revenir sur les raisons du choix de cette association, je tiens tout de même à préciser que l’État continue de jouer pleinement son rôle pour toutes les disparitions de mineurs et les disparitions inquiétantes de majeurs qui se produisent sur son territoire. Les services de police et de gendarmerie, au premier rang desquels figure l’Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes (OCRVP), sont pleinement mobilisés sur ce sujet. Je pense que le ministre de l’Intérieur vous parlera plus précisément des dispositifs très performants que l’État a mis en place, tel que l’alerte enlèvement. Nous avons encore eu la preuve de leur efficacité et de leur réactivité le week-end dernier puisque les trois enfants qui avaient disparus dans le Rhône ont été retrouvés sains et saufs moins de deux heures après le lancement de l’Alerte enlèvement.
Sur ce sujet, j’ai ouvert le 26 mai dernier le colloque annuel du Centre français de protection de l’Enfance – Enfants Disparus, l’association qui gère le numéro vert 116 000. Leur colloque portait sur les disparitions inquiétantes de mineurs. En la matière, l’association collabore parfaitement avec les forces de l’ordre : sans mener de travail d’investigation, elle accompagne les familles dans cette épreuve. Ce travail partenarial entre association et État est une force. Je suis convaincue que le décloisonnement est la clef de réussite d’une action efficace.
• La Croix-Rouge, un auxiliaire des pouvoirs publics pertinent
C’est aussi l’objet de cette proposition de loi de faciliter les liens entre les administrations, institutions et établissements publics et la Croix-Rouge en matière de rétablissement des liens familiaux.
Cette collaboration s’effectue déjà fréquemment à l’international sur la base des conventions de Genève qui reconnaissent ce rôle à la Croix-Rouge. L’an passé, lors du séisme au Népal, la cellule de crise du Ministère des Affaires étrangères avait confié à la Croix-Rouge le soin de faire le lien avec les familles et les cellules de recherche sur place. L’implantation de la Croix-Rouge à travers le monde est une des premières raisons de faire de cette association un auxiliaire des pouvoirs publics en matière humanitaire. Il y a actuellement 190 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à travers le monde, et d’autres sont en cours de formation. A celles-ci s’ajoutent le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Cela représente un réseau de plus de 97 millions de personnes, soit plus que l’ensemble de la population française. Quelles sont les structures qui peuvent se prévaloir d’un tel réseau ? Il est donc très pertinent que l’État français ait choisi la Croix-Rouge comme auxiliaire public dans le domaine humanitaire.
Ce choix est d’autant plus pertinent que la Croix-Rouge connaît les familles. C’est un interlocuteur de choix en matière de politique familiale avec lequel je travaille régulièrement. En matière de solutions d’accueil du jeune enfant, la Croix-Rouge gère par exemple plus d’une cinquantaine de crèches. Elle est aussi très active en matière de soutien à la parentalité en offrant des lieux d’accueil dédiés pour les enfants et leurs parents, comme les Espaces Bébé Maman, ou encore en mettant une ligne téléphonique Croix-Rouge Écoute Enfants Parents à disposition des familles.
La Croix-Rouge a également participé à la concertation que j’ai menée pour l’élaboration de la feuille de route pour la protection de l’enfance. L’association gère un certain nombre d’établissements en protection de l’enfance sur le territoire (25), des maisons de l’enfance à caractère social (MECS), des centres maternels, des services de placement familial spécialisé et des établissements spécialisés sur l’évaluation et l’accueil des mineurs non accompagnés, ce qui fait d’elle un interlocuteur plus que légitime également dans ce champ.
• Une collaboration à organiser avec les différents acteurs
Son expertise de terrain en matière de politique familiale ou de protection de l’enfance permet à la Croix-Rouge d’être en contact régulier avec les différentes institutions de ces champs, que cela soient les Caisses d’allocations familiales (CAF) ou encore les services d’Aide sociale à l’enfance (ASE).
La Croix-Rouge peut être amenée à solliciter ces mêmes structures dans le cadre de sa mission de rétablissement des liens familiaux. Or, aujourd’hui elle rencontre des difficultés. Même si la CNIL l’autorise, la Croix-Rouge se voit toujours refuser des informations nominatives dont elle aurait besoin.
Cette proposition de loi, si elle est adoptée, devrait permettre de régler ce problème et j’appellerais les CAF et les collectivités locales à leur pleine et entière coopération avec la Croix-Rouge. La mission de RLF peut, d’ailleurs, être complémentaire de certaines actions que mènent les CAF. Elles proposent par exemple une offre d'accompagnement auprès des familles de victimes pour :
– examiner et mettre en place les droits potentiels autour de prestations de droit commun ;
– évaluer les impacts psychosociaux de ces événements sur les organisations sociales et familiales de manière à proposer des orientations répondant aux difficultés des familles ;
– accompagner les familles dans leurs démarches et dans le processus de deuil.
• Un travail de pédagogie à mener sur les missions de RLF
Pour que cette loi – si elle est adoptée – entre pleinement en vigueur, il sera nécessaire de mener un travail d’information auprès des différents acteurs concernés. En ce qui concerne directement mon ministère, la Cnaf donnera bien entendu une instruction aux CAF en ce sens.
Il y a aussi un réel enjeu à sensibiliser les départements, et plus précisément les services d’aide sociale à l’enfance, sur cette mission de la Croix-Rouge. Je le ferai lors des réunions régulières que j’organise avec les vice-présidents des conseils départementaux sur la protection de l’enfance. Les actions de rétablissement des liens familiaux sont aujourd’hui insuffisamment connues de l’ASE. En effet, les services pourraient plus fréquemment informer les mineurs non accompagnés (MNA) qu’ils se voient confiés de la possibilité qu’ils ont de saisir la Croix-Rouge. Quand ces mineurs ont perdu la trace de leurs proches pendant le parcours migratoire et souhaitent les retrouver, c’est un réel outil qu’ils ont à leur disposition. De la même façon, et cela concerne plus directement la PPL qui nous intéresse aujourd’hui, des proches de ces jeunes qui sont restés dans leur pays d’origine pourraient vouloir retrouver leur trace et faire appel à la Croix-Rouge. Mais je tiens à rappeler, et je sais que c’est une préoccupation que la Croix-Rouge partage, que l’intérêt supérieur de l’enfant reste et doit demeurer la référence première. C’est-à-dire, que lorsqu’il est retrouvé, un mineur doit nécessairement donner son accord pour que la famille en soit informée. Les missions de rétablissement des liens familiaux ne servent en aucun cas à remettre en relation des enfants qui auraient échappé à une famille violente.
• Conclusion
La Croix-Rouge est l’auxiliaire des pouvoirs publics. C’est donc un véritable partenaire de l’État dans de nombreux secteurs qui doit voir cette mission soutenue. Son expertise de terrain et son implantation internationale en font un acteur incontournable dans divers domaines et il me paraît totalement pertinent que sa mission de rétablissement des liens familiaux puisse être inscrite et facilitée par la loi. En ce qui me concerne, je mobiliserai et informerai mon réseau afin qu’il collabore du mieux possible avec la Croix-Rouge pour faciliter le Rétablissement des liens familiaux.
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