N° 3851 - Rapport de M. Razzy Hammadi, Mme Valérie Corre, M. Philippe Bies et Mme Marie-Anne Chapdelaine sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, Egalité et citoyenneté (n°3679).



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N° 3851

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juin 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE (1), CHARGÉE D’EXAMINER, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, LE PROJET DE LOI « égalité et citoyenneté »,

Par M. Razzy HAMMADI,

Rapporteur général,

et

M. Philippe BIES, Mmes Marie-Anne CHAPDELAINE et Valérie CORRE,

Rapporteurs thématiques.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3679.

La commission spéciale est composée de :

Mme Annick Lepetit, présidente ;

M. Sylvain Berrios, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Piron, M. François Pupponi, vice-présidents ;

M. André Chassaigne, Mme Marianne Dubois, M. Jean-Patrick Gille, Mme Maud Olivier, secrétaires ;

M. Razzy Hammadi, rapporteur général ;

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier ;

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II ;

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III ;

M. Ibrahim Aboubacar, M. Jean-Pierre Allossery, M. Benoist Apparu, Mme Nathalie Appéré, M. Yves Blein, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Jean-Louis Bricout, Mme Marie-George Buffet, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Guillaume Chevrollier, M. Philip Cordery, M. Jean-Pierre Decool, M. Pascal Demarthe, M. Julien Dive, M. Philippe Doucet, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Françoise Dumas, M. Daniel Fasquelle, M. Yves Fromion, M. Philippe Gosselin, Mme Pascale Got, M. Michel Heinrich, Mme Gilda Hobert, M. Régis Juanico, M. Laurent Kalinowski, M. Christian Kert, Mme Isabelle Le Callennec, M. Vincent Ledoux, M. Bernard Lesterlin, M. Serge Letchimy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Lucette Lousteau, M. Victorin Lurel, M. Noël Mamère, Mme Jacqueline Maquet, M. François de Mazières, M. Jacques Myard, M. Philippe Naillet, M. Yves Nicolin, M. Rémi Pauvros, M. Bernard Perrut, Mme Elisabeth Pochon, M. Joaquim Pueyo, M. Arnaud Richard, Mme Sophie Rohfritsch, M. François de Rugy, Mme Julie Sommaruga, M. Jean-Marie Tétart, M. Pascal Thévenot, Mme Sylvie Tolmont, M. Francis Vercamer, M. Arnaud Viala, M. Patrick Weiten, Mme Marie-Jo Zimmermann

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

AUDITIONS DE LA COMMISSION 29

I. TABLE RONDE SUR LE THÈME DE LA JEUNESSE ET DE L’ENGAGEMENT 29

II. AUDITION DE M. JACQUES TOUBON, DÉFENSEUR DES DROITS 57

III. TABLE RONDE SUR LE THÈME DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 74

IV. TABLE RONDE SUR LE THÈME DU LOGEMENT 93

V. TABLE RONDE SUR LE THÈME DU RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LES DIVERSES FORMES DE DISCRIMINATIONS 115

VI. AUDITION DE MME EMMANUELLE COSSE, MINISTRE DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT DURABLE 141

VII. AUDITION DE M. PATRICK WEIL, DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS, CENTRE D’HISTOIRE SOCIALE DU XXE SIÈCLE 162

VIII. AUDITION DE MME ERICKA BAREIGTS, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉE DE L’ÉGALITÉ RÉELLE 173

IX. AUDITION DE M. PATRICK KANNER, MINISTRE DE LA VILLE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS 191

EXAMEN DES ARTICLES 215

TITRE IER – ÉMANCIPATION DES JEUNES, CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION 215

Chapitre Ier – Encourager l’engagement républicain de tous les citoyens pour faire vivre la fraternité 215

Avant l’article 1er 215

Article 1er : Institution d’une réserve civique 217

Article 2 : Sections territoriales de la réserve civique 223

Article 3 : Conditions de participation à la réserve civique 223

Article 4 : Organismes et conditions d’accueil des réservistes 226

Article 5 : Conditions d’engagement et d’exercice des réservistes 228

Article 6 (art. L. 4211-1, L. 4241-1, L. 4241-2, L. 4341-1, L. 4351-1 et L. 4361-1 du code de la défense, art. L. 411-18 à L. 411-22 [nouveaux], art. L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 724-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 911-6-1 [nouveau] et L. 971-1, L. 973-1 et L. 974-1 du code de l’éducation) : Application des dispositions relatives à la réserve citoyenne à l’outre-mer et diverses coordinations 229

Article 6 bis [nouveau] : Création d’une réserve civique consulaire à l’étranger 231

Après l’article 6 bis 233

Article 7 : Modalités d’application des articles 1er à 5 du projet de loi 234

Après l’article 7 234

Article 8 (art. L. 3142-46-1 [nouveau] du code du travail, art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Congé pour l’exercice de responsabilités associatives 236

Article 8 bis [nouveau] (art. L. 123-16-2, L. 821-3, L. 821-6-1, L. 822-14 du code de commerce, art. L. 241-2, L. 719-13, L. 771-1, L. 773-1, L. 774-1 du code de l’éducation, art. 19-8 et 26 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, art. 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, art. 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie) : Clarification de diverses dispositions relatives à l’appel à la générosité publique 251

Article 8 ter [nouveau] (art. L. 261 du code général des impôts) : Rémunération des dirigeants d’association de jeunes 252

Article 9 (art. L. 120-1 et L. 120-34 du code du service national, art. L. 1424-10, L. 1424-37 et L. 1852-9 du code général des collectivités territoriales, art. 1er de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service) : Service civique des sapeurs-pompiers 254

Article 10 (art. L. 120-1 et L. 120-30 du code du service national) : Extension du champ des organismes susceptibles d’accueillir des volontaires en service civique 258

Article 11 (art. L. 120-4 du code du service national) : Accès des personnes de nationalité étrangère au service civique 265

Article 12 (art. L. 120-32 du code du service national) : Intermédiation de service civique entre personnes morales de droit public 270

Article 12 bis [nouveau] (art. L. 111-2, L. 112-1 du code du service national) : Code du service national et de l’engagement citoyen 273

Après l’article 12 bis 276

Article 12 ter [nouveau] (art. L. 120-1, L. 120-2, L. 120-2-1 [nouveau], L. 120-30, L. 120-9 et L. 120-36-1 [nouveau] du code du service national) : Diverses dispositions relatives au service civique 279

Après l’article 12 ter 299

Article 12 quater [nouveau] (art. L. 120-33 et L. 122-16 du code du service national) : Valorisation du service civique dans les concours internes de la fonction publique 300

Article 12 quinquies [nouveau] (art. 19 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 36 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Valorisation du service civique dans les trois fonctions publiques 301

Article 12 sexies [nouveau] (art. 44 et 45 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Valorisation du service civique dans la fonction publique territoriale 301

Après l’article 12 sexies 302

Article 12 septies [nouveau] : Rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’un déploiement contraignant des offres de missions de service civique dans les collectivités publiques 304

Article 13 (art. L. 120-2 du code du service national) : Organisme en charge de la mise en œuvre du programme européen Erasmus + Jeunesse & Sport 305

Article 14 (art. L. 611-9 [nouveau] du code de l’éducation) : Reconnaissance de l’engagement étudiant 306

Article 14 bis [nouveau] (art. L. 131-10 du code de l’éducation) : Renforcement du contrôle de l’État sur l’instruction dispensée en famille 309

Article 14 ter [nouveau] (art. L. 231-3, L. 511-2 du code de l’éducation) : Parité dans les commissions compétentes en matière de vie lycéenne 314

Après l’article 14 ter 315

Article 14 quater [nouveau] (art. L. 312-15 du code de l’éducation) : Projet citoyen dans le cadre de l’enseignement moral et civique 319

Après l’article 14 quater 320

Article 14 quinquies [nouveau] (art. L. 611-4 du code de l’éducation) : Parité dans les commissions compétentes en matière de vie lycéenne 320

Après l’article 14 quinquies 321

Article 14 sexies [nouveau] (art. L. 611-10 [nouveau] du code de l’éducation) : Mise en place obligatoire de politiques universitaires en matière d’engagement associatif 322

Article 14 septies [nouveau] (art. L. 714-1 du code de l’éducation) : Politique culturelle universitaire 322

Article 14 octies [nouveau] (art. L. 811-2 du code de l’éducation) : Recrutement des étudiants par les CROUS 323

Article 14 nonies [nouveau] (art. 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République) : Prolongation de l’expérimentation du dispositif dit de « dernier mot aux parents » pour l’orientation scolaire 324

Article 14 decies [nouveau] : Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance pour modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire 325

Article 14 undecies [nouveau] : Expérimentation d’une admission de droit en section de technicien supérieur des bacheliers professionnels 333

Article 15 (art. 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Droit de publication des mineurs de seize ans 335

Après l’article 15 338

Article 15 bis [nouveau] (art. L. 114-3 du code du service national) : Présentation des droits et aides sociales ouverts aux jeunes lors de la Journée Défense-Citoyenneté 340

Après l’article 15 bis 342

Article 15 ter [nouveau] (art. 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association) : Pré-majorité associative 345

Article 15 quater [nouveau] (art. 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire) : Mission du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) 347

Article 15 quinquies [nouveau] (art. 41-4 du code de procédure pénale) : Utilisation par les entreprises de l’ESS des biens confisqués par l’État 348

Après l’article 15 quinquies 349

Article 15 sexies [nouveau] : Ratification de l’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations 349

Article 15 septies [nouveau] : Rapport sur l’affectation des dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative 351

Article 15 octies [nouveau] : Rapport sur la généralisation de l’obligation pour les associations de souscrire une assurance 352

Article 15 nonies [nouveau] (art. L. 310-2 du code de commerce) : Assouplissement des règles de vente au déballage 353

Après l’article 15 nonies 354

Article 15 decies [nouveau] (art. L. 193, L. 253, L. 338 du code électoral, art. L. 2121-21, L. 2122-7, L. 2122-7-2, L. 3122-1, L. 3122-5, L. 3631-5, L. 3634-1, L. 4133-1, L. 4133-5, L. 4422-8, L. 4422-9, L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales) : Inversion de la règle de séniorité en cas d’égalité de suffrages aux élections locales 364

Après l’article 15 decies 365

Article 15 undecies [nouveau] (art. L. 1311-18 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Mise à disposition de locaux dans la circonscription du parlementaire 365

Après l’article 15 undecies 366

Chapitre II – Accompagner les jeunes dans leur parcours vers l’autonomie 368

Article 16 (art. L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, art. L. 6111-3 et L. 6111-5 du code du travail) : Pilotage des politiques de jeunesse par les régions 368

Article 16 bis [nouveau] (art. L. 1112-22-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Création des conseils de jeunes 372

Après l’article 16 bis 374

Article 16 ter [nouveau] (art. L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales) : Représentation des associations de jeunesse au sein des CESER 375

Article 16 quater [nouveau] (art. L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales) : Représentation de toutes les classes d’âge au sein des CESER 376

Après l’article 16 quater 377

Article 16 quinquies [nouveau] (art. L. 5211-10-1-2 du code général des collectivités territoriales) : Représentation de toutes les classes d’âge et parité au sein des conseils de développement 377

Article 16 sexies [nouveau] (art. L. 141-1-1 du code de l’urbanisme) : Intégration des avis de la population au schéma régional d’aménagement en Île-de-France 378

Article 16 septies [nouveau] (art. L. 141-1-1 du code de l’urbanisme) : Association des citoyens à l’élaboration des projets de schémas régionaux d’aménagement en Île-de-France 378

Article 16 octies [nouveau] (art. 12 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel) : Transformation du Conseil national de la jeunesse en Conseil d’orientation des politiques publiques de la jeunesse 379

Article 16 nonies (art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine) : Introduction d’un volet jeunesse dans les contrats de ville 380

Après l’article 16 nonies 381

Article 17 : Information individualisée des jeunes en matière d’assurance maladie 381

Article 17 bis [nouveau] (art. L. 861-1 du code de la sécurité sociale) : Droit personnel à la CMU-C pour les jeunes 382

Article 18 [supprimé] (art. L. 822-1 du code de l’éducation) : Compétence des œuvres universitaires en matière de gestion des aides versées aux personnes en formation 383

Après l’article 18 384

Article 18 bis [nouveau] : Rapport sur la création d’une allocation d’études et de formation 385

Article 19 (art. L. 612-3-1, L. 681-1, L. 683-1 et L. 684-1 du code de l’éducation) : Modification du dispositif permettant aux meilleurs bacheliers de chaque lycée d’accéder aux filières sélectives publiques 386

Après l’article 19 389

Article 19 bis [nouveau] (art. 21-25-2 [nouveau] du code civil) : Dématérialisation de la procédure de naturalisation 389

Après l’article 19 bis 390

Article 19 ter [nouveau] (art. 413-2 et 413-3 du code civil) : Émancipation à leur demande des mineurs de plus de 16 ans 391

Après l’article 19 ter 391

Article 19 quater [nouveau] (art. L. 325-2 et L. 412-3 [nouveaux] du code de tourisme) : Clarification du régime juridique des auberges de jeunesse 392

Après l’article 19 quater 394

Article 19 quinquies [nouveau] (art. L. 6323-6 du code du travail) : Inclusion de la préparation du permis de conduire dans les formations éligibles au compte personnel de formation 396

Article 19 sexies [nouveau] : Rapport sur la mise en œuvre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques 397

Article 19 septies [nouveau] : Droit de la jeunesse à la mobilité internationale 398

Après l’article 19 septies 399

TITRE II – MIXITÉ SOCIALE ET ÉGALITÉ DES CHANCES DANS L’HABITAT 401

Chapitre Ier – Améliorer l’équité et la gouvernance territoriale des politiques d’attribution des logements sociaux 401

Avant l’article 20 401

Article 20 (art. L. 441, L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-5, L. 441-1-6 [nouveau] et L. 441-2-6 du code de la construction et de l’habitation, article 14 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement) : Politique intercommunale en faveur de la mixité sociale 402

Article 20 bis [nouveau] (art. L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation) : Objectifs de mobilisation du parc privé dans le programme local de l’habitat 453

Article 20 ter [nouveau] (art. L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation) : Motifs de refus d’attribution d’un logement social 454

Après l’article 20 ter 455

Article 20 quater [nouveau] (art. L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales) : Répartition des contingents des maires et des maires d’arrondissement 455

Après l’article 20 quater 456

Article 21 (art. L. 313-26-2 et L. 313-35 du code de la construction et de l’habitation) : Obligations d’attributions d’Action Logement 457

Article 22 (art. L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation) : Modification des pouvoirs au sein de la commission d’attribution des logements (CAL) 462

Article 23 (art. L. 441-2-1 du code de la construction et de l’habitation) : Délivrance à l’échelle nationale du numéro unique d’enregistrement de la demande 468

Article 24 (art. L. 441-2-7 et L. 441-2-8 du code de la construction et de l’habitation) : Adaptation des dispositifs de gestion de la demande de logement social à l’échelle intercommunale 475

Article 25 (art. L. 411-10 et L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation) : Collecte et partage des données relatives au parc social 482

Après l’article 25 493

Article 25 bis [nouveau] (art. L. 442-3-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Conditions d’occupation d’un logement social 494

Après l’article 25 bis 496

Chapitre II – Favoriser la mobilité dans le parc social et l’accès des ménages défavorisés aux quartiers attractifs 500

Article 26 (art. L. 353-9-3, L. 442-1, L. 445-1 à L. 445-4 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 3641-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales) : Rénovation de la politique des loyers dans le parc social 500

Article 27 (art. L. 441-3, L. 441-3-1, L. 441-4, L. 441-12, L. 442-3-3, L. 442-3-4 [nouveau], L. 445-1, L. 445-2, L. 445-5, L. 482-3 et L. 482-3-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Réforme des règles relatives au supplément de loyer de solidarité (SLS) et au droit au maintien dans les lieux dans le parc social 512

Après l’article 27 517

Article 28 (art. L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation) : Mesures de simplification relatives aux conventions d’utilité sociale 518

Après l’article 28 519

Article 28 bis [nouveau] (art. L. 443-7 du code de la construction et de l’habitation) : Contrôle de l’État sur les cessions de logements locatifs sociaux 519

Article 28 ter [nouveau] (art. L. 2122-2, L. 3211-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement des pouvoirs propres du maire en matière de délégation du droit de préemption 521

Après l’article 28 ter 522

Chapitre II bis – Renforcer la démocratie locative dans le logement social 522

Article 28 quater [nouveau] (art. L. 421-9 et L. 422-2-1 du code de la construction et de l’habitation) : Parité aux élections des représentants des locataires 523

Article 28 quinquies [nouveau] (art. L. 421-9 et L. 422-2-1 du code de la construction et de l’habitation) : Obligation d’affiliation des associations locales de locataires 524

Article 28 sexies [nouveau] (art. 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière) : Financement des associations représentatives de locataires 525

Article 28 septies [nouveau] (art. L. 423-1 du code de la consommation) : Permettre à des associations non agréés d’intenter une action de groupe dans le domaine du logement social 526

Chapitre III – Mieux répartir l’offre de logement social sur les territoires et favoriser le développement des stratégies foncières 527

Article 29 (art. L 302-4, L. 302-5, L. 302-6, L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation) : Conditions d’application du dispositif SRU et rattrapage en matière de logements sociaux dans les communes déficitaires 527

Après l’article 29 549

Article 30 (art. L. 302-9-1, L.302-9-1 du code de la construction et de l’habitation et art. L. 210-1, L. 422-2 du code de l’urbanisme) : Procédure visant les communes carencées 551

Article 31 (art. L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation) : Modernisation des dispositions relatives au mécanisme de prélèvement sur les communes déficitaires en logements sociaux 568

Article 31 bis [nouveau] : Suppression du versement de la dotation de solidarité urbaine (DSU) aux communes carencées au titre de la loi SRU 576

Article 32 (art. L. 302-1-2 du code de la construction et de l’habitation, L. 321-1, L. 324-1, L. 324-2 et L. 211-2 du code de l’urbanisme) : Renforcement des stratégies foncières locales 578

Après l’article 32 585

Article 32 bis [nouveau] (art. L. 302-4-2 du code de la construction et de l’habitation) : Prorogation des programmes locaux de l’habitat (PLH) existants dans le cadre de la métropole du Grand Paris 586

Après l’article 32 bis 589

Article 32 ter [nouveau] (art. L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Application de la décote aux cessions de biens par la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) 594

Après l’article 32 ter 595

Chapitre IV – Mesures de simplification 598

Avant l’article 33 599

Article 33 : Ordonnances 599

Article 33 bis [nouveau] (art. L. 111-6 bis du code de la construction et de l’habitation) : Création du « 1 % associatif et culturel » 615

Après l’article 33 bis 619

Article 33 ter [nouveau] (art. L. 342-2, L. 342-3, L. 342-3-1 [nouveau], L. 342-9, L. 342-11, L. 342-14, L. 342-15, L. 342-16, L. 342-21, L. 452-4, L. 452-4-1, L. 452-5 et L. 452-6 du code de la construction et de l’habitation) : Adaptation des missions de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) 621

Article 33 quater [nouveau] (art. L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation) : Obligation de comptabilité séparée des organismes HLM 622

Article 33 quinquies [nouveau] (art. L. 421-6 du code de la construction et de l’habitation) : Rattachement des offices publics de l’habitat à un syndicat mixte 623

Après l’article 33 quinquies 623

Article 33 sexies [nouveau] (art. L. 421-11 du code de la construction et de l’habitation) : Présidence des offices publics de l’habitat 624

Article 33 septies [nouveau] (art. L. 631-11 du code de la construction et de l’habitation) : Missions des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) 624

Après l’article 33 septies 625

Article 33 octies [nouveau] (art. L. 412-1 et L. 412-3 du code des procédures civiles) : Harmonisation des procédures d’expulsion pour toutes les formes d’habitat 625

Article 33 nonies [nouveau] (art. L. 300-1 du code de l’urbanisme) : Harmonisation des champs d’opération des sociétés publiques locales et des sociétés publiques locales d’aménagement 626

Article 33 decies [nouveau] (art. 40 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) 627

Article 33 undecies [nouveau] (art. L. 302-1du code de la construction et de l’habitation, loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, art. L. 312-5-3 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 111-6-1-1, L. 301-3, L. 301-5-1, L. 301-5-2, L. 302-1, L. 303-1, L. 421-1, L. 422-2, L. 422-3, L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-2, L. 441-1-4, L. 441-2-3, L. 442-8-1-1, L. 634-1, L. 635-1 et L. 635-10 du code de la construction et de l’habitation, art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques) : Traduction des besoins d’habitat des gens du voyage dans les documents de planification 628

Article 33 duodecies [nouveau] (art. L. 102-1 du code de l’urbanisme) : Permettre à l’autorité administrative de qualifier les aires d’accueil des gens du voyage de projet d’intérêt général 629

Article 33 terdecies [nouveau] (art. L. 3641-1, L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5215-20-1, L. 5216-5, L. 5217-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales) : Donner la compétence « terrains familiaux locatifs » aux établissements publics de coopération intercommunale 630

Article 33 quaterdecies [nouveau] (loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage) : Renforcer les pouvoirs de substitution du préfet en matière de construction d’aires d’accueil 630

Article 33 quindecies [nouveau] (loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage) : Amélioration du régime d’évacuation forcée des campements illicites 631

Après l’article 33 quindecies 633

TITRE III – POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE 635

Chapitre Ier – Dispositions relatives aux conseils citoyens 635

Article 34 (art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine) : Interpellation du préfet par le conseil citoyen et inscription du sujet à l’ordre du jour des assemblées délibérantes 635

Article 34 bis [nouveau] (art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine) : Nomination d’un délégué du Gouvernement à la suite d’une interpellation du préfet par le conseil citoyen 641

Après l’article 34 bis 643

Chapitre II – Dispositions relatives à la langue française 643

Article 35 (art. L. 6111-2, L. 6313-1 et L. 5223-1 du code du travail) : Apprentissage de la langue française dans le cadre de la formation professionnelle 643

Après l’article 35 649

Chapitre III – Dispositions relatives à la fonction publique 651

Article 36 : A [nouveau] Rapport sur les discriminations dans la fonction publique 651

Article 36 (art. 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Troisième concours 652

Article 36 bis [nouveau] (art. 7 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale) : Plan de formation des agents territoriaux 658

Après l’article 36 bis 659

Article 36 ter [nouveau] (art. 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) : Interdiction des agissements sexistes 660

Article 36 quater [nouveau] (art. 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; art. 20 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 30-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Principe d’alternance entre hommes et femmes pour la présidence des jurys de recrutement de la fonction publique 661

Article 36 quinquies [nouveau] (art. 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Mention du principe d’égal accès aux emplois publics sur les avis de concours 662

Article 36 sexies [nouveau] (art. 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 31 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière) : Égalité de traitement des candidats aux concours de la fonction publique 663

Article 36 septies [nouveau] (art. 23 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État) : Recrutement de jeunes gens sans emploi en qualité de contractuels dans des emplois des catégories A ou B dans la perspective de leur inscription aux concours de recrutement de la fonction publique 664

Article 36 octies [nouveau] (art. 5 et 8 de l’ordonnance n° 45 2283 du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanent de l’administration civile) : Concours d’entrée à l’École nationale d’administration 666

Chapitre IV – Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations 670

Avant l’article 37 671

Section 1 : Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal 673

Article 37 (art. 24, 33, 50-1, 51, 54-1 [nouveau], 55, 65-3 et 65-4 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881) : Répression des infractions de presse 673

Article 38 (art. 132-76,132-77, 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-18-1, 222-24, 222-30, 225-18, 311-4, 312-2, 322-2, et 322-8 du code pénal) : Création de circonstances aggravantes générales 680

Après l’article 38 688

Article 38 bis [nouveau] (art. 166 et 167 du code pénal local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle) : Abrogation du délit de blasphème et alignement des sanctions encourues en cas de trouble à l’exercice des cultes 689

Après l’article 38 bis 692

Article 38 ter [nouveau] (art. 24 bis et 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Négationnisme et apologie de la traite et de l’esclavage 692

Article 38 quater [nouveau] (art. 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Condition de l’action des associations en matière de négationnisme et d’apologie 697

Article 39 (art. 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Intérêt à agir en matière de négationnisme et d’apologie 697

Article 39 bis [nouveau] (art. 225-1-2 [nouveau] et 225-2 du code pénal) : Répression de la discrimination dont sont victimes les personnes qui ont subi ou refusé de subir un bizutage 701

Article 40 : Application outre-mer 702

Avant l’article 41 704

Section 2 : Dispositions modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations 705

Article 41 (art. 1er, 2 et 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) : Harmonisation des critères constitutifs d’une discrimination en droit civil et en droit pénal 705

Article 42 [nouveau] (art. 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations) : Testing comme mode de preuve en droit civil 709

Article 43 [nouveau] : Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes 710

Section 3 : [nouvelle] Dispositions relatives au droit des médias 712

Article 44 [nouveau] (art. 20-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la supervision du respect de l’engagement de donner à voir la diversité de la société française 713

Après l’article 44 715

Article 45 [nouveau] (art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Quota relatif aux langues régionales pour la diffusion des œuvres musicales 716

Article 46 [nouveau] (art. 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) : Obligation portant spécifiquement sur les opérateurs publics 717

Section 4 : [nouvelle] Dispositions relatives à l’éducation 717

Après la section 4 718

Article 47 [nouveau] (art. L. 131-13 [nouveau] du code de l’éducation) : Droit à l’inscription dans les cantines scolaires 719

Après l’article 47 721

Section 5 : [nouvelle] Dispositions relatives à l’abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe 721

Article 48 [nouveau] (art. L. 264-3 du code de l’action sociale et des familles ; art. L. 131-3 et L. 131-5 du code de l’éducation ; art. L. 552-5 du code de la sécurité sociale ; art. L. 123-29 du code de commerce ; art. L. 15-1 du code électoral ; art. 1647 D du code général des impôts) : Conséquences de l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 722

Article 49 [nouveau] : Dispositions transitoires 723

Article 50 [nouveau] (loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe) : Abrogation du régime dérogatoire applicable aux gens du voyage 724

Section 6 : [nouvelle] Dispositions relatives aux emplois soumis à condition de nationalité 725

Article 51 [nouveau] (art. L. 3332-3 du code de la santé publique) : Condition de nationalité pour les débitants de boissons 726

Article 52 [nouveau] (art. l’article L. 4111-1 du code de la santé publique) : Condition de nationalité pour les chirurgiens-dentistes 727

Article 53 [nouveau] (art. L. 2223-24 du code général des collectivités territoriales) : Condition de nationalité pour les pompes-funèbres 728

Après l’article 53 729

Article 54 [nouveau] : Rapport sur le statut des étrangers travaillant à la SNCF 732

Section 7 : [nouvelle] Égalité entre les femmes et les hommes  et dispositions renforçant la lutte contre le sexisme 733

Article 55 [nouveau] (art. L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales) : Promotion de l’égalité entre femmes et hommes par les collectivités territoriales 734

Article 56 [nouveau] (art. L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport) : Égal accès aux activités sportives 734

Après l’article 56 735

Section 8 : [nouvelle] Dispositions relatives au code de procédure pénale 736

Article 57 [nouveau] (art. 2-1, 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale) : Action civile des associations en cas de décès de la victime de l’infraction 736

Article 58 [nouveau] (art. 2-24 [nouveau] du code de procédure pénale) : Action civile des associations étudiantes dans la lutte contre le bizutage 737

Après l’article 58 738

Article 59 [nouveau] (art. 230-19 du code de procédure pénale) : Renforcement du régime juridique de l’ordonnance de protection 740

Section 9 : [nouvelle] Dispositions relatives au droit du travail 741

Article 60 [nouveau] (art. L. 1132-1-1 du code du travail) : Ouverture aux associations de la capacité d’agir contre les discriminations dans l’entreprise 741

Après l’article 60 742

Article 61 [nouveau] (art. L. 3133-1 du code du travail) : Portabilité du lundi de Pentecôte 744

Après l’article 61 746

Section 10 : [nouvelle] Dispositions diverses et finales 746

Après la Section 10 747

Article 62 [nouveau] (art. L. 225-100-2-1 [nouveau], art. L. 225-102-1, art. L. 225-102-1-1 [nouveau]) Reddition de comptes non-financiers par les entreprises 748

Après l’article 62 750

Article 63 [nouveau] : Fonds de participation au soutien des initiateurs d’actions de groupe 751

Après l’article 63 753

Article 64 [nouveau] : (ord. de Charles X du 17 avril 1825) Abrogation de l’ordonnance prévoyant l’indemnisation des esclavagistes de Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti 755

Article 65 [nouveau] (loi n° 285 du 30 avril 1849 relative à l’indemnité accordée aux colons par suite de l’abolition de l’esclavage) : Abrogation de la disposition relative à l’indemnisation des anciens colons par leurs anciens esclaves 759

Article 66 [nouveau] : Rapport sur l’application et l’opportunité d’une suppression de deux textes réglementaires à vertu historique 760

Après l’article 66 761

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE 763

I. AUDITIONS MENÉES PAR M. RAZZY HAMMADI, RAPPORTEUR GÉNÉRAL 763

II. AUDITIONS MENÉES PAR MME VALÉRIE CORRE, RAPPORTEURE THÉMATIQUE SUR LE TITRE IER 765

III. AUDITIONS MENÉES PAR M. PHILIPPE BIES, RAPPORTEUR THÉMATIQUE SUR LE TITRE II 767

IV. AUDITIONS MENÉES PAR MME MARIE-ANNE CHAPDELAINE, RAPPORTEURE SUR LE TITRE III 770

LISTE DES ORGANISMES AYANT ADRESSÉ UNE CONTRIBUTION ÉCRITE À LA COMMISSION SPÉCIALE 775

INTRODUCTION

Les dispositions de ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté sont le fruit d’un travail de réflexion collective engagé depuis plus d’un an à partir du constat, établi par le Gouvernement, d’un « profond malaise social et démocratique » ressenti  par une très grande part de nos concitoyens pour lesquels la République et ses valeurs ne sont plus guère qu’une « illusion ».

Cette perception pourrait paraitre excessive au regard des actions engagées depuis ces dernières années en faveur des jeunes et des plus défavorisés. Or il faut bien au contraire considérer ce « désenchantement » avec la plus grande attention Il témoigne, d’un sentiment d’éloignement à l’égard des valeurs républicaines qui ne trouvent plus leur expression dans la vie de certains de nos compatriotes qui se sentent en revanche injustement traités, exclus ou démunis dans un monde où l’accès au savoir, à l’information, à l’emploi ou au logement constitue encore trop souvent une ligne de fracture sociale qu’il convient de réduire.

Pour reprendre les mots de M. Patrick Weil au cours de son audition, « le fondement de l’égalité et de la citoyenneté, c’est la possibilité de se construire une conscience individuelle, de se former, d’élargir ses connaissances ».

Si les symboles sont importants car ils frappent l’imaginaire et la mémoire, ils ne peuvent à eux seuls rétablir le lien de solidarité et le rassemblement autour de valeurs communes et partagées si celles-ci ne sont pas traduites dans les faits.

Les affirmations de principe, les déclarations d’intention, au risque de devenir des incantations, ne suffisent pas. Il faut agir et passer aux actes. La « République en actes », voilà l’objectif que s’est fixé le Gouvernement depuis de nombreux mois.

Lors de la première réunion du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), le 6 mars 2015, le Gouvernement annonçait 60 mesures s’articulant autour des valeurs socles de citoyenneté et d’égalité, respectivement définies comme « l’appartenance à une communauté de destin, et l’adhésion à des valeurs partagées », et « les mêmes opportunités données à chacun, et les mêmes règles qui s’imposent à tous » (2).

Le 26 octobre 2015, le Gouvernement a réuni un deuxième CIEC aux Mureaux, comme un symbole de la présence et de l’engagement de la République dans ce qu’il est convenu d’appeler les « quartiers en difficultés » (3). Cette seconde réunion était l’occasion de dresser un premier bilan des mesures prises depuis sept mois, mais également d’annoncer la préparation d’un projet de loi relatif à l’Égalité et la citoyenneté, destiné à mettre en œuvre celle des mesures décidées par le CIEC et appelant des dispositions législatives.

Délibéré en Conseil des ministres le 13 avril 2016, et déposé à l’Assemblée nationale le même jour, l’examen de ce texte a été renvoyé à une commission spéciale à la demande du Gouvernement, en application du deuxième alinéa de l’article 43 de la Constitution.

Au regard du caractère transversal et de la diversité des sujets abordés, qui excèdent le champ habituel de compétences de l’une ou l’autre des commissions permanentes, la création d’une commission spéciale était parfaitement justifiée.

La diversité des sujets appelant une pluralité de compétences, la commission spéciale a choisi de désigner un rapporteur général, M. Razzy Hammadi, et trois rapporteurs thématiques chargés chacun d’un des titres du projet : Mme Valérie Corre (titre I), M. Philippe Bies (titre II) et Mme Marie-Anne Chapdelaine (titre III).

Sous l’autorité de la présidente, Mme Annick Lepetit – qu’ils tiennent à remercier pour la bonne organisation des travaux de la commission – les rapporteurs ont pu travailler en bonne intelligence. Ils ont chacun procédé à plusieurs dizaines d’entretiens et d’auditions ouvertes aux autres rapporteurs et aux membres de la commission, et dont la liste figure en annexe de ce rapport. L’ensemble de leurs amendements, à de très rares exceptions, ont par ailleurs été déposés en commission collectivement par « l’équipe des rapporteurs » coordonnée par le rapporteur général.

La commission spéciale a auditionné plusieurs personnalités ayant une vision d’ensemble des contenus et des objectifs du projet de loi, et organisé plusieurs tables rondes thématiques portant respectivement sur l’engagement des associations et mouvements de jeunesse, sur la politique de la ville et du logement, et enfin sur la lutte contre les multiples formes de discriminations. Elle a en outre, comme il est d’usage, entendu les ministres responsables du texte : Mme Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’habitat durable, M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, et Mme Éricka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle.

Ces réunions que le Bureau de la commission, à l’initiative de la présidente, avait décidé d’ouvrir à la retransmission en direct sur le site de l’Assemblée, ont donné l’occasion aux principaux acteurs concernés de faire valoir leurs points de vue. Ces travaux ont par ailleurs permis de mettre en évidence le besoin d’engagement de la jeunesse, la vitalité du monde associatif, l’aspiration des citoyens à accéder à la parole publique pour participer à la vie de la cité, mais ils ont aussi montré la persistance de stéréotypes ou d’attitudes discriminantes ou la complexité de mécanismes ou de procédures qui excluent les bénéficiaires potentiels de certaines mesures qui leur seraient pourtant bénéfiques s’agissant notamment de l’accès au logement social.

Cet ensemble enrichissant a conforté l’analyse du texte par les rapporteurs. À l’issue de ces travaux préparatoires, particulièrement nourris, quelque 1 100 amendements ont été déposés sur ce projet. En trois journées et soirées de débats, 352 amendements ont été adoptés, complétant considérablement la version initiale qui comptait 41 articles, et en comprend désormais 178 dans le texte adopté par la commission spéciale.

En un seul ensemble, ce projet de loi rassemble donc plusieurs engagements forts du Président de la République et du Gouvernement, à destination de la jeunesse de France, en faveur de la justice sociale, et contre toutes les formes de discrimination.

Fondées sur les principes d’engagement, de participation, d’autonomie, de responsabilité et de solidarité et de transparence, les mesures proposées par le Gouvernement et considérablement « augmentées » par les articles additionnels adoptés en commission vont constituer dans le temps – aux différentes époques de la vie de chacun – et dans l’espace – dans son quartier, sa région ou son immeuble – une démocratie du quotidien.

Quelques exemples suffisent pour s’en convaincre. Les lycéens considérés comme responsables pourront comme des adultes s’investir activement dans une association ou dès l’âge de 16 ans être nommés directeur d’une publication pour la jeunesse. Les adultes tout au long de leur vie professionnelle pourront bénéficier d’une formation à la maitrise de la langue française. Les conseils citoyens pourront saisir les autorités compétentes en matière de politique de la ville pour évoquer des difficultés particulières rencontrées par les habitants d’un quartier. Tous les parents, qu’ils travaillent ou non, pourront inscrire leurs enfants dans les cantines scolaires. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes voit ses missions renforcées notamment pour lutter contre les violences de genre et la diffusion des stéréotypes sexistes.

Ces avancées concrètes et bien d’autres, adoptées par la commission spéciale visent toutes in fine à instaurer davantage d’égalité et de justice au sein d’une société constituée de citoyens plus engagés.

La structure du projet de loi divisée en trois titres reflète ces objectifs. Le titre Ier comporte une série de mesures destinées à renforcer le lien citoyen (unification de la réserve citoyenne, renforcement du service civique) et à offrir de nouvelles possibilités d’engagement à la jeunesse de notre pays (validation universitaire de ces expériences d’engagement, notamment) ; le titre II renforce la mixité sociale dans le logement, en permettant entre autres aux demandeurs de logements sociaux les plus modestes d’être logés ailleurs que dans les quartiers connaissant les plus grandes difficultés ; le titre III, enfin, comporte pour l’essentiel des mesures de lutte contre les discriminations, sous toutes leurs formes.

Les développements qui suivent en présentent les principaux contenus.

Le titre Ier du présent projet de loi, relatif à l’émancipation des jeunes et à la citoyenneté, comporte de nombreuses dispositions susceptibles de répondre à l’envie d’engagement manifesté par les Français au cours des derniers mois.

Le chapitre Ier du titre Ier, en particulier, instaure une réserve citoyenne afin de permettre à chacun de se mettre, le temps d’une mission ou d’un projet, au service de l’intérêt général. Ce dispositif, qui porte, à l’issue du travail réalisé par la Commission spéciale, le nom de « réserve civique », regroupe sous des règles communes les réserves civiles qui existent aujourd’hui dans la police nationale, la défense, l’éducation nationale ou encore auprès des communes dans le domaine de la sécurité civile. La Commission spéciale a souhaité que ce dispositif soit accessible aux Français de l’étranger via leur poste consulaire.

L’article 8 du présent projet de loi crée, sur le modèle du congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse, un nouveau droit à congé, réclamé de longue date par le monde associatif, pour les dirigeants associatifs bénévoles qui seraient salariés d’une entreprise ou fonctionnaire. La Commission spéciale a jugé nécessaire d’étendre ce nouveau droit aux salariés et aux fonctionnaires exerçant des responsabilités au sein d’associations d’intérêt général ou des conseils citoyens. Elle a également jugé utile de renvoyer à un accord d’entreprise ou de branche le soin de décider si le congé peut être rémunéré, le texte d’origine excluant toute rémunération.

Les dispositions relatives au service civique, qui connaît un succès grandissant, sont également modifiées par plusieurs articles du projet de loi afin d’assurer sa montée en charge. L’article 9 du présent projet de loi crée une nouvelle forme de service civique répondant aux besoins des sapeurs-pompiers volontaires, tandis que l’article 10 permet à de nouveaux organismes – sociétés publiques locales, entreprises exclusivement détenues par l’État, organismes d’habitations à loyer modéré – de recevoir l’agrément de l’Agence du service civique. La Commission spéciale a jugé opportun d’étendre cette possibilité aux entreprises solidaires d’utilité sociale. L’article 12 vise, quant à lui, à encourager les collectivités territoriales à accueillir des jeunes en service civique, en permettant aux personnes morales de droit public agréées d’agir en tant qu’intermédiaire au profit d’autres personnes morales de droit public.

La Commission spéciale, consciente des risques posés par la montée en charge du service civique sur le contenu des missions proposées et l’encadrement des jeunes, a souhaité, par plusieurs amendements, renforcer les obligations des organismes agréés en matière de mixité sociale et éducative, de non-substitution des missions à l’emploi, de formation civique et citoyenne et de tutorat. Elle a également adopté un amendement du rapporteur général demandant au Gouvernement l’établissement d’un rapport annuel sur le sujet. Enfin, elle a adopté trois amendements des rapporteurs assurant la juste valorisation du service civique dans le cadre des concours et des carrières de la fonction publique de l’État, territoriale et hospitalière.

L’engagement des étudiants est également au cœur des dispositions du titre Ier. En effet, l’article 14, tel qu’il a été modifié par la Commission spéciale, prévoit la reconnaissance obligatoire, par les établissements d’enseignement supérieur, des compétences acquises dans le cadre d’un engagement citoyen, qu’il s’agisse d’une activité bénévole au sein d’une association, d’un engagement de sapeur-pompier volontaire, de la participation à la réserve militaire opérationnelle ou d’un service civique.

Par ailleurs, pour permettre aux jeunes d’accéder plus facilement aux responsabilités associatives au sein d’associations de jeunes, la Commission spéciale a adopté un amendement des rapporteurs visant à permettre à ces dernières de rémunérer leurs dirigeants sans perdre leur caractère désintéressé.

La Commission spéciale a également adopté un amendement permettant l’aménagement de la scolarité des étudiants exerçant une activité bénévole, élus au sein des conseils des établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, des personnes en service civique ou exerçant une activité professionnelle.

En matière d’enseignement scolaire, la Commission spéciale a introduit trois nouveaux articles tendant à assurer un meilleur contrôle de l’enseignement dans le cadre familial, à reconduire, pour un an, l’expérimentation du dispositif « dernier mot aux parents », et à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en matière d’établissements privés d’enseignement scolaire.

Le titre Ier du présent projet de loi comporte plusieurs dispositions tendant à faciliter l’émancipation des jeunes, notamment l’article 15, qui reconnaît le droit aux mineurs âgés de plus de 16 ans de devenir directeur d’une publication. La Commission spéciale a également, à l’initiative des rapporteurs, adopté un amendement réformant le régime associatif des mineurs. Elle a également rendu plus facile leur émancipation légale, en leur permettant de la demander eux-mêmes.

Plusieurs dispositions, introduites à la suite de l’examen du projet de loi par la Commission spéciale, tendant également à assurer une meilleure représentation des jeunes au sein des institutions. La règle favorisant le candidat le plus âgé en cas d’égalité de suffrage aux élections locales est désormais inversée, tandis que les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux doivent assurer la représentation d’associations de jeunes en leur sein. À l’initiative du Gouvernement, une mesure incitative a été adoptée à l’égard des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, afin qu’ils créent des conseils de jeunes chargés de se prononcer sur les décisions relevant, notamment, de la politique de jeunesse.

Afin de structurer plus généralement les politiques publiques à destination de la jeunesse, la Commission a prévu l’inscription obligatoire d’un volet « jeunesse » dans les contrats de ville.

Plusieurs dispositions du projet de loi assurent aux jeunes une meilleure information, notamment en matière de santé, et un meilleur accès aux droits, notamment à la couverture maladie universelle complémentaire.

Enfin, la Commission a symboliquement inscrit dans le texte le droit de tout jeune à la mobilité internationale, au cours d’une expérience professionnelle ou associative.

Le titre II comporte de nombreuses dispositions visant à favoriser la mixité sociale dans l’habitat. Le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015 avait affiché comme objectif la lutte contre les concentrations urbaines de pauvreté et les phénomènes de ségrégation sociale et spatiale qui minent notre vivre-ensemble. Cet objectif est décliné en trois chapitres traitant des attributions de logements sociaux, de la politique des loyers dans le parc social et des objectifs de production de logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Le chapitre Ier vise à améliorer l’équité et la gouvernance territoriale des attributions de logements sociaux. Dans de nombreux territoires, les attributions de logements sociaux renforcent les phénomènes de ségrégation en aggravant la pauvreté de certains quartiers en difficulté. L’article 20 prévoit donc que tous les bailleurs sociaux devront consacrer au moins un quart des attributions de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) au quartile de demandeurs les plus pauvres. Les ménages les plus modestes se verront ainsi offrir l’opportunité d’habiter en dehors des quartiers les plus en difficulté. La Commission spéciale a renforcé la portée de cette disposition en prévoyant également, dans les QPV, un plafond de 50 % d’attributions aux demandeurs du premier quartile. Par ailleurs, elle a renforcé le pilotage intercommunal des attributions en rendant obligatoire les conférences intercommunales du logement et en autorisant des adaptations locales des objectifs de mixité sociale.

Parallèlement, les articles 20 à 22 renforcent les obligations d’attribution de logements sociaux aux personnes relevant du droit au logement opposable (DALO) et aux personnes prioritaires. Les collectivités territoriales et les collecteurs d’Action Logement devront ainsi consacrer au moins 25 % des attributions sur leur contingent aux ménages reconnus prioritaires au titre du DALO, ou à défaut, aux personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation. Afin de renforcer les dispositions de la loi instituant le droit au logement opposable, la Commission spéciale a, par ailleurs, supprimé le plafonnement des astreintes auxquelles l’État peut être condamné s’il n’a pas proposé, dans un certain délai, un logement aux personnes reconnus comme prioritaires par la commission de médiation DALO.

Le chapitre II donne de nouveaux outils aux bailleurs sociaux afin de leur permettre de remplir les objectifs de mixité sociale que leur assigne la présente loi. La configuration du patrimoine existant, ainsi que les loyers qui y sont pratiqués, ne permettent souvent pas à des ménages modestes d’accéder à des logements sociaux en dehors des quartiers en difficulté. L’article 26 autorise donc les bailleurs sociaux, dans le cadre des conventions d’utilité sociale signées avec l’État, à mettre en place une nouvelle politique des loyers. Les niveaux de loyer des logements sociaux pourront ainsi être modulés au sein d’un même immeuble afin de favoriser la mixité sociale.

En outre, l’article 27 renforce les dispositions relatives au supplément de loyer de solidarité (SLS) et à la perte du droit au maintien dans les lieux pour les locataires dépassant les plafonds de ressources. Les dérogations liées aux conventions d’utilité sociale sont abrogées. Toutefois, afin qu’une application trop stricte du SLS n’accélère pas la paupérisation de certains quartiers, la Commission spéciale a souhaité laisser la possibilité aux EPCI de délimiter, dans le programme local de l’habitat (PLH), des secteurs géographiques à l’intérieur desquels le SLS ne s’appliquera pas. De même, la Commission spéciale a recentré le durcissement de l’obligation de quitter un logement social sur les situations les plus abusives.

À l’initiative des rapporteurs, un nouveau chapitre consacré à la démocratie locative dans le logement social a, par ailleurs, été ajouté par la Commission spéciale. Le nouvel article 28 quater prévoit que les élections des représentants des locataires devront respecter le principe de parité entre les femmes et les hommes et que tous les bailleurs sociaux devront octroyer des moyens financiers à ces représentants. Parallèlement, la Commission spéciale a assoupli les conditions nécessaires au lancement d’une action de groupe dans le domaine du logement.

Le chapitre III clarifie les obligations des communes en matière de production de logements sociaux au titre de la loi SRU et renforce les sanctions contre les communes les plus récalcitrantes. L’article 29 fonde l’application du taux minimal de 20 ou 25 % de logements sociaux sur un critère plus objectif et crée une procédure unique de dérogation. À l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a, par ailleurs, mieux encadré les possibilités de mutualisation des objectifs de rattrapage au niveau intercommunal sans supprimer cet outil. La Commission spéciale a également souhaité élargir la liste des dépenses déductibles du prélèvement aux subventions communales en faveur de l’intermédiation locative.

L’article 30 prévoit que les préfets pourront désormais sanctionner les communes les plus récalcitrantes en les privant, pendant toute la durée de l’arrêté de carence, de leurs droits de réservation sur les logements sociaux existants ou à livrer. Les pouvoirs de la commission nationale SRU sont renforcés afin de garantir une application plus stricte et homogène de la procédure de carence par les préfets. La Commission spéciale a également prévu que les communes carencées ne pourront plus toucher, de la part de l’État, la dotation de solidarité urbaine.

Enfin, la Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur général, un amendement instaurant le « 1 % associatif et culturel », dispositif obligeant les promoteurs à consacrer au moins 1 % des ensembles de plus de 50 logements à des locaux à usage collectif ou, à défaut, à verser à une association une somme équivalente au coût de la construction.

Le titre III du projet de loi poursuit l’ambition d’une plus grande égalité réelle entre les personnes qui vivent, travaillent, résident sur le territoire national. Il prend le parti de combattre résolument les discriminations et l’exclusion pour raffermir un lien social parfois menacé, réaffirmer un pacte républicain souvent oublié, construire un avenir commun toujours à soutenir.

« L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation », défendait Ernest Renan (4). Cette nation ne vaut que par l’assentiment que lui donnent ses membres, par le respect qu’elle témoigne à leurs droits, par la défense qu’elle procure à leurs intérêts. Les évolutions législatives contenues dans le titre III, qui portent sur différents domaines, concourent à cette démarche d’égalité qui figure au cœur des valeurs de la République.

Le chapitre Ier renforce les mécanismes de démocratie participative en conférant aux conseils citoyens issus de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », la possibilité de saisir de leurs difficultés le représentant de l’État dans le département. Si celui-ci l’estime opportun, il pourra dresser un diagnostic de la situation, voire solliciter à cette fin la nomination d’un délégué du Gouvernement, avant de soumettre ses préconisations au comité de pilotage du contrat de ville et aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales.

Le chapitre II s’attache à la condition première de l’exercice des droits du citoyen, à savoir la maîtrise de la langue française. Il sonne une mobilisation générale pour réduire l’illettrisme, l’analphabétisme et les failles dans l’intégration des nouveaux arrivants. Les moyens de la formation professionnelle sont sollicités : si l’école et l’enseignement prennent en charge les enfants et les adolescents, c’est au monde du travail que revient la mission de délivrer les outils nécessaires à une consolidation de l’emploi, à un affermissement des relations sociales, à une existence en commun dans laquelle l’échange est omniprésent. Soutenant cette ambition, la Commission a inséré dans le chapitre suivant, relatif à la fonction publique, un article 36 bis incluant les préoccupations relatives à la maîtrise de la langue dans les plans de formation des personnels des collectivités territoriales.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, le chapitre III se bornait à assouplir les règles d’inscriptions aux troisièmes concours de recrutement de la fonction publique. La Commission spéciale a jugé souhaitable d’élargir son périmètre à l’ensemble des questions relatives à l’égalité dans la fonction publique, qui devra se montrer exemplaire dans la prise en compte de la diversité qui compose la population française (article 36 A). Réaffirmant le principe d’égalité d’accès aux emplois publics (articles 36 quinquies et 36 sexies), les membres de la Commission ont souhaité que les jurys soient composés de façon à éviter les biais de sélection : leur présidence sera alternativement assurée par un homme et par une femme (article 36 quater) et, à l’École nationale d’administration, deux parlementaires assureront la représentation directe de la nation dans la sélection de ses plus hauts serviteurs (article 36 octies). Enfin, un dispositif d’accompagnement des jeunes gens issus de territoires défavorisés est mis en place de façon à faciliter leur préparation et leur réussite des concours de recrutement des catégories les plus élevées de la fonction publique (article 36 septies).

Le chapitre IV, consacré à la lutte contre les discriminations, est celui sur lequel la Commission a porté l’essentiel de ses travaux relatifs au titre III du projet de loi. Initialement composé de deux sections touchant, pour l’une, au code pénal et à la liberté de la presse et, pour l’autre, à l’action civile en matière de discrimination, il en compte dix avant l’examen du texte en séance publique.

Dans la section 1, les membres de la Commission ont créé une circonstance aggravante générale de sexisme à côté des dispositions visant initialement les seuls racisme et homophobie. Ils ont également élargi les conditions de l’action en justice des associations à l’encontre des auteurs d’apologie de crime de guerre ou de crime contre l’humanité, l’esclavage et la traite négrière entrant parmi les faits pouvant justifier une telle action (articles 38 ter, 38 quater et 39). En outre, il a été mis fin au délit de blasphème dans le code pénal local d’Alsace-Moselle, dont l’applicabilité était sujette à une controverse doctrinale (article 38 bis), et à l’impunité dont jouissaient les auteurs de discrimination dans les situations de bizutage dans les établissements d’enseignement supérieur notamment (article 39 bis).

Dans la section 2, les rapporteurs ont convaincu la Commission d’ajouter à la liste des critères de discrimination prohibés l’usage d’une autre langue que le français, et de mieux dissocier les notions d’identité de genre et d’orientation sexuelle (article 41). Le testing est désormais un mode de preuve admis par la loi en matière civile (article 42) et le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes bénéficie d’une reconnaissance législative (article 43).

Dans la section 3, la Commission s’est attachée à une meilleure prise en compte de la diversité de la société française par les grands médias. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel est doté de nouvelles prérogatives pour s’assurer du respect de cet objectif (articles 44 et 46). Les quotas de chanson française que doivent diffuser les radios intègrent désormais une part de production en langue régionale (article 45).

La section 4, relative au domaine de l’éducation, intègre le contenu de la proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire qu’avait adoptée l’Assemblée nationale, en première lecture, le 12 mars 2015.

De même, la section 5 intègre au projet de loi les dispositions relatives aux libertés publiques et la fin du régime juridique spécifique contenues dans la proposition de loi de M. Dominique Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage qu’avait adoptée l’Assemblée nationale, en première lecture, le 9 juin 2015.

La section 6, relative aux emplois soumis à condition de nationalité, lève cette condition pour différentes corporations du secteur privé. Elle demande également à l’État de produire un rapport préparatoire à l’ouverture aux étrangers de l’ensemble des statuts des personnels de la SNCF.

La section 7 rappelle l’ambition permanente d’une égalité toujours plus parfaite entre les femmes et les hommes.

La section 8, qui modifie le code de procédure pénale, autorise plus largement les associations à agir en justice en matière de lutte contre les discriminations dans les affaires de meurtre (article 57) et de bizutage (article 58). Quant à l’article 59, en établissant un lien entre l’ordonnance de protection rendue par le juge en cas de violences familiales et le fichier des personnes recherchées, il consolide les capacités des forces de police à tenir sous bonne garde ceux qui n’acceptent pas l’égalité dans le couple que promeut la République.

La section 9, qui regroupe les dispositions relatives au droit du travail, autorise à la fois les associations et les syndicats à lutter contre les discriminations dans le monde de l’entreprise (article 60). L’article 61 instaure, par ailleurs, une « portabilité » du lundi de Pentecôte permettant aux travailleurs qui ne se sentent pas concernés par ce jour férié de bénéficier d’un jour de congé supplémentaire – sous réserve d’un accord express et préalable de l’employeur.

Enfin, la section 10 abrite les dispositions diverses et finales du chapitre IV. L’article 62 procède à la transposition de la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes, de sorte que les éléments statistiques exigées de la fonction publique le soient aussi du secteur privé. Dans la perspective de la création d’une action de groupe contre les discriminations, un fonds de participation au financement de l’action est institué à l’article 63. Quant aux articles 64 à 66, ils sont relatifs à l’abrogation symbolique de textes ayant trait à l’esclavage et à l’indemnisation des colons à la suite de l’affranchissement général décrété au moment de l’abolition.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITIONS DE LA COMMISSION

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème : « Engagement/jeunesse », lors de sa séance du mercredi 25 mai 2016, avec la participation de :

– Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) : M. Christophe Paris, directeur général ;

– Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) : M. Mathieu Cahn, président, adjoint au maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométrople strasbourgeoise ;

– Coordination Pas sans Nous ! : M. Ibra Yali, délégué départemental ;

– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) : M. Alexandre Leroy, président ;

– Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) : Mme Cécile Pages, secrétaire générale ;

– Réseau national des Juniors associations (RNJA) : Mme Carolle Khouider, déléguée générale ;

– SIMPLON.CO : M. Nicolas Le Roux, directeur du réseau ;

– Union nationale des étudiants de France (UNEF) : Mme Marthe Corpet, vice-présidente ;

– Unis-Cité : Mme Marie Trellu Kane, présidente.

Mme Annick Lepetit, présidente. Nous débutons les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « égalité et citoyenneté », en recevant ce matin les représentants de neuf associations tournées vers la jeunesse.

Qu’il s’agisse de s’adresser aux étudiants, aux exclus du système scolaire et universitaire, ou à un public plus jeune, qu’il s’agisse de représenter le monde rural ou celui des villes, vous représentez, mesdames, messieurs, la multiplicité et la variété des formes que peuvent revêtir les engagements pris par la jeunesse.

Comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi, « vivre dans la République, c’est s’intéresser aux questions d’information, d’insertion, de santé et de droits sociaux d’une jeunesse qui aspire à être reconnue et soutenue. » Pour répondre à cette aspiration, nous souhaitons recueillir vos suggestions, notre objectif étant de renforcer l’engagement de la jeunesse et de construire ensemble une « République en actes », une République qui se manifeste concrètement dans le quotidien des Français.

Nous allons commencer par entendre M. Christophe Paris qui intervient au nom de l’Association de la Fondation étudiante pour la ville (AFEV). Créée en 1991, l’objectif de cette dernière est de lutter contre les inégalités et la relégation dans les quartiers populaires en France, en créant, à côté des politiques publiques, des espaces d’engagement citoyen pour les jeunes, en général, et pour les étudiants, en particulier. L’AFEV est ainsi devenue le premier réseau d’intervention d’étudiants dans les quartiers populaires.

M. Christophe Paris, directeur général de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV). L’AFEV a été créée en 1991, dans le sillage de la politique de la ville. Sa création procède du refus de voir se creuser les inégalités, de la conviction que les étudiants souhaitent s’engager mais ne trouvent pas les espaces répondant à cette aspiration, et de l’intuition que cet engagement peut utilement constituer un lien complémentaire à côté des politiques publiques. Au fil du temps, l’AFEV est devenue le premier réseau d’engagement d’étudiants dans les quartiers populaires au travers de trois programmes : l’accompagnement individuel, par lequel des bénévoles s’engagent deux heures par semaine à accompagner dans leur parcours des enfants ou des jeunes en difficulté ; l’accueil de jeunes en service civique, au travers notamment du dispositif « Volontaires en résidence », dans les établissements scolaires – écoles primaires, collèges et lycées professionnels –, autour de l’ouverture culturelle, la citoyenneté ; les colocations solidaires, dont le principe est simple : à un logement en colocation correspond un projet solidaire dans le quartier où se trouve l’appartement, projet mené avec et pour les habitants. En 2014-2015, l’AFEV a ainsi organisé, suivi et encadré plus d’un million d’heures d’engagement solidaire dans 330 quartiers populaires en France.

Aujourd’hui, la France est l’un des pays de l’OCDE où les inégalités éducatives restent les plus fortes. Ces inégalités sont un catalyseur de l’assignation sociale et sont ressenties comme une trahison de la devise républicaine. Dans ces quartiers, le cumul des difficultés est amplifié par la crise et entraîne un isolement de plus en plus important des familles, notamment des femmes seules avec enfant(s), autrement dit des familles monoparentales qui représentent quasiment 40 % des familles dans certains endroits. Les établissements scolaires, dans lesquels nous intervenons, plus particulièrement les collèges, connaissent une dégradation importante du climat scolaire, ce qui rend encore plus difficile l’apprentissage. Et en 2015, nous avons constaté un phénomène marginal, mais réel, que j’appelle le « décrochage citoyen », avec des adolescents qui, à partir du collège, se sentent de moins en moins appartenir à la communauté. Face à ce phénomène inquiétant, notre responsabilité collective est immense, et le projet de loi « égalité et citoyenneté » doit être un outil à la hauteur des enjeux.

Nos remarques vont donc se concentrer sur le titre Ier du projet de loi : « Citoyenneté et émancipation des jeunes ». La transmission des valeurs de la République est moins une question de connaissances qu’une question d’usages, de pratiques ; ces valeurs peuvent se transmettre, non par l’injonction, mais par le « faire ensemble », le vécu, la conviction. Agir contre le décrochage citoyen, c’est offrir une possibilité d’engagement à chaque jeune. Nous sommes convaincus qu’il faut construire un vrai parcours pratique d’engagement tout au long de la scolarité, du primaire à l’université – parcours qui serait le pendant pratique du parcours citoyen prévu depuis 2015. Ce parcours pratique d’engagement serait progressif : à l’école primaire, il serait consacré à l’initiation à l’engagement et à la coopération ; au collège, à la pratique de l’engagement collectif ; au lycée puis à l’université, à la pratique progressive de l’engagement individuel. Le service civique pouvant être un prolongement naturel de cet apprentissage progressif. Pour monter, animer, donner du sens à ce parcours d’apprentissage de l’engagement, celui-ci serait le fruit d’une nouvelle alliance citoyenne entre les institutions scolaires et les associations d’éducation populaire. Nous pensons vraiment qu’il faut trouver des formes d’articulation plus fortes entre l’éducation formelle et les mouvements d’éducation populaire.

Dans l’enseignement supérieur, à côté de l’obligation de reconnaissance de l’engagement dans le cursus prévu à l’article 14, ce dont nous nous félicitons
– car nous avons beaucoup milité pour une reconnaissance de l’engagement des étudiants dans le cursus –, nous prônons une politique active d’établissement pour développer l’engagement des étudiants dans la vie locale, pour favoriser l’implication des étudiants dans le lien université-quartier, et pour créer ce qu’on pourrait appeler un « service de responsabilité sociale des universités », c’est-à-dire un pont entre les quartiers et les universités dans les grandes agglomérations.

Ensuite, nous plaidons pour l’intégration de l’ensemble des pratiques citoyennes – pas seulement le service civique – dans le compte personnel d’activité qui comportera un compte engagement citoyen, afin de permettre une valorisation mais aussi une poursuite effective tout au long de la vie du parcours pratique d’engagement. C’est un continuum de l’engagement que nous proposons.

Enfin, si l’AFEV est opposée à toute forme d’obligation d’engagement vis-à-vis des jeunes – nous ne souhaitons pas que le service civique se transforme en « sévices civiques » –, nous pensons qu’il faut réussir à faire de la culture de l’engagement une composante culturelle de notre vivre-ensemble, ce qui suppose l’obligation pour les structures associatives mais aussi les institutions de valoriser et de permettre un engagement pratique à côté de l’enseignement théorique de la citoyenneté.

Mme la présidente Annick Lepetit. Créée en mars 1991, l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) anime un réseau de 400 villes, départements, régions, intercommunalités, ainsi que 9 mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Elle a pour but de promouvoir la participation des enfants et des jeunes à la décision publique. Une fois par an, elle organise des rencontres entre les élus et les professionnels de la jeunesse.

M. Mathieu Cahn, président de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ), adjoint au maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométrople strasbourgeoise. L’ANACEJ, que je préside depuis un an et demi et qui regroupe 450 collectivités locales de toute taille – la plupart des villes de plus de 100 000 habitants, des départements, des régions – s’est donné comme objectif de promouvoir la participation des jeunes à la vie publique et leur association à l’élaboration des politiques publiques, celles qui les concernent et plus largement les politiques publiques locales ou nationales.

Au départ, nous avons essentiellement travaillé autour des conseils d’enfants et de jeunes. Puis nous avons souhaité élargir le champ de notre action à l’ensemble des modalités de participation, car si les conseils de jeunes permettent une coconstruction des politiques publiques, ils peuvent aussi être utilement complétés par d’autres formes de participation. Aussi travaillons-nous aujourd’hui avec 450 collectivités locales, 9 grandes fédérations d’éducation populaire, mais aussi des jeunes qui assument au sein de notre organisation un certain nombre de responsabilités.

Au-delà de cette expertise que nous avons développée dans la création de conseils de jeunes et l’accompagnement des collectivités locales, nous organisons depuis 2012 une campagne intitulée « Je vote » qui vise à suivre l’évolution du comportement électoral des jeunes et à accompagner les pré-votants et les primo-votants dans la compréhension des scrutins électoraux et les enjeux liés aux élections. Grâce à plusieurs enquêtes, dont la dernière a été publiée récemment, nous souhaitons observer le comportement électoral des jeunes afin d’identifier leurs attentes et de proposer aux décideurs publics locaux ou nationaux les moyens leur permettant de mieux dialoguer avec les jeunes. En effet, toutes ces enquêtes ont mis en lumière une distance, pour ne pas dire une défiance, des jeunes, notamment des dix-huit à vingt-cinq ans, à l’égard du monde politique en général – partis, organisations, syndicats – et un profond scepticisme quant à la capacité réelle des élus à agir pour améliorer le destin de la jeunesse. Menées en collaboration avec l’IFOP, ces études sont basées, non sur l’extrapolation d’un échantillon, mais sur l’interrogation de 1 200 jeunes pour la dernière étude, de 1 500 pour la précédente, âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.

Concernant le titre Ier du projet de loi, notre questionnement porte donc sur les conseils d’enfants et les conseils de jeunes. À quoi servent les conseils d’enfants et les conseils de jeunes ? D’abord, ils permettent aux élus locaux d’amender et d’enrichir les politiques publiques en reconnaissant et en intégrant l’expérience pratique des jeunes. Cette démarche existe aujourd’hui au travers des conseils de quartier, des conseils citoyens, mais moins au travers des conseils d’enfants et de jeunes qui pourtant devraient être interrogés, non seulement sur les politiques publiques qui les concernent, mais aussi sur toute politique publique au sein d’une ville. Un enfant, un jeune, est aussi un citoyen de la ville, il est également concerné par les politiques publiques. Ensuite, ces conseils d’enfants et ces conseils de jeunes peuvent mener des actions concrètes, ce qui suppose un accompagnement de professionnels et d’élus. Enfin, ces dispositifs de participation à la vie locale pour les enfants et les jeunes sont des lieux de formation à la citoyenneté et à la démocratie.

À présent, nous souhaiterions voir généraliser ces conseils d’enfants et de jeunes, pas forcément par l’obligation de créer des conseils d’enfants et de jeunes – il est difficile d’obliger au dialogue –, mais plutôt par l’incitation et en tenant compte des réalités locales. Les conseils d’enfants et de jeunes sont un outil parmi d’autres ; la construction et le fonctionnement d’un outil doivent s’adapter aux réalités locales – il peut prendre la forme d’un conseil, d’un forum ou d’une assemblée. Il faut valoriser dans le cursus de formation citoyenne des jeunes leur participation à ces conseils d’enfants et de jeunes, dans lesquels ils peuvent se frotter aux réalités locales, comprendre l’organisation démocratique, les contraintes budgétaires des politiques publiques, mais aussi la complexité du monde dans lequel ils évoluent. En résumé, ces dispositifs favorisent l’émancipation des jeunes et les aident à devenir des citoyens éclairés et libres de leur choix.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous passons à la Coordination Pas sans Nous !

M. Ibra Yali, délégué départemental de la Coordination Pas sans Nous ! Je suis responsable du Collectif des associations citoyennes du Val-d’Oise, qui mène des actions visant à favoriser le lien social, l’insertion professionnelle et l’accès aux droits. Dans le cadre de notre contribution à la Coordination Pas sans Nous !, nous avons travaillé sur le rapport Bacqué-Mechmache, qui a été le point de départ de la loi de février 2014 pour la ville et la cohésion urbaine.

D’abord, nous tenons à vous dire que nous ne cautionnerons pas cette mascarade : nous sommes contre ce projet de loi qui ne parle ni d’égalité ni de citoyenneté.

Quelques remarques générales sur le titre Ier, ensuite. Si l’on peut se féliciter que le mot « laïcité » n’apparaisse qu’une seule fois dans le texte, certaines expressions si belles soient-elles – « décrochage citoyen », « il s’agit de permettre à la jeunesse de vivre l’expérience de la République » – témoignent d’un jugement négatif porté sur la jeunesse des quartiers populaires et leur famille. Le projet comporte beaucoup d’idées apparemment généreuses, mais on ne voit pas comment elles pourront être mises en œuvre sans un renforcement du service public de l’emploi et des missions locales, sachant que ce dernier supprime toutes les occasions de maintenir sa relation avec les demandeurs d’emploi en remplaçant ses agents par des automates à des fins d’économies budgétaires. Dans ces conditions, est-il possible de mettre en place un accompagnement adapté et gradué en fonction de la situation et des besoins de chaque jeune ? La même question se pose dans le domaine de la santé des jeunes et de leur accès à la prévention.

Si le service civique peut constituer une expérience intéressante pour les jeunes, le développement de ce dispositif ne va-t-il pas rendre encore plus difficile l’accès à un premier emploi ? Quelle place restera-t-il pour un premier emploi face aux stages et au service civique ?

L’article 8 du projet de loi prévoit que tout salarié, fonctionnaire ou agent public de l’une des trois fonctions publiques, membre d’une association dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts, régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, et qui est régulièrement élu pour siéger bénévolement dans l’organe d’administration ou de direction de celle-ci, a droit, sur sa demande, à un congé non rémunéré pour participer aux réunions de cet organe. L’objet de cette mesure est d’élargir un dispositif déjà existant pour tous les travailleurs quel que soit leur statut, pour mieux accompagner les besoins des associations – la prise de responsabilités électives –, sans ajouter un dispositif supplémentaire, ni modifier les modalités d’obtention déjà prévues par le droit. Le congé de formation d’animateurs devient un congé de formation et de responsabilités électives. L’aménagement d’un congé existant répond à une attente des organismes patronaux et salariés. Nous demandons d’élargir cette mesure à tous les membres participant au conseil citoyen de quartier, tel qu’instauré par la loi de février 2014. Nous demandons surtout que ce congé soit indemnisé pour que tous les salariés y aient réellement accès et n’y renoncent pas faute d’avoir les moyens de s’offrir un congé non rémunéré. Nous demandons également des garanties pour que les salariés qui demandent à bénéficier de ce droit ne soient pas sanctionnés par leur employeur
– refus d’appliquer ce droit pour des raisons de service, promotion ralentie, voire supprimée, suppression d’emploi en cas de plan social.

L’article 14 crée, afin d’encourager les jeunes à s’engager au bénéfice du développement social, culturel et économique de la nation, un principe de validation au sein des formations supérieures des compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants à l’occasion d’activités extra-académiques, qu’il s’agisse d’un engagement bénévole, d’un engagement dans la réserve opérationnelle de la défense ou d’un engagement en service civique. La validation de ces compétences, connaissances et aptitudes au sein des formations supérieures contribue également à préparer les étudiants à leur insertion professionnelle. Si la proposition de valoriser l’engagement citoyen dans un livret de compétences valable pour les études semble une idée intéressante, pourquoi ne le valoriser que pour les formations supérieures ? Un livret de compétences devrait être créé pour les lycées et les collèges, où les jeunes sont en phase de socialisation et d’intégration dans la vie citoyenne.

Nous pourrions nous réjouir que l’article 35 institue comme priorité nationale l’amélioration de la maîtrise de la langue française dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’intégration des étrangers séjournant régulièrement sur le territoire français. Mais pourquoi cette obligation est-elle liée aux événements tragiques de janvier 2015 et à la mobilisation républicaine qu’ils ont suscitée ? La question de l’appropriation des savoirs et de la maîtrise de notre langue commune, le français, porteuse des valeurs de la République, occupe une place centrale dans ce débat. Depuis de trop nombreuses années, des associations et organismes se battent pour que soient mises en œuvre des formations linguistiques dont ils voient les moyens financiers se réduire. Comment accepter que leur développement ne soit lié qu’aux attentats ? C’est une injure faite aux habitants des quartiers populaires destinataires de ces formations.

Enfin, l’article 36 modifie la voie d’accès dite « troisième concours » pour lui redonner sa vocation sociale. Cette troisième voie est aujourd’hui ouverte à des candidats justifiant de l’exercice, pendant une durée déterminée, d’une ou plusieurs activités professionnelles, ou d’un ou de plusieurs mandats de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d’une association. Afin d’élargir les viviers concernés par cette voie d’accès, une nouvelle disposition prévoit que toute personne, quelle que soit la nature de l’activité professionnelle qu’elle a exercée ou exerce, peut candidater à cette troisième voie. C’était l’une des propositions du rapport Bacqué-Mechmache. Nous espérons que cet article résistera aux oppositions des syndicats de la fonction publique territoriale qui commencent à se manifester.

M. Alexandre Leroy, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). La FAGE, fédération agréée jeunesse et éducation populaire par le ministère chargé de la jeunesse, permet à des jeunes de prendre des responsabilités dans de nombreux projets et d’avoir ainsi la possibilité d’agir sur la société, de la transformer – nous concevons aussi l’engagement comme un levier d’émancipation.

Le projet de loi « égalité et citoyenneté », auquel nous avons contribué au travers des comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), était attendu par la FAGE, car il revêt une importance majeure dans un contexte de défiance des jeunes envers les politiques publiques. Néanmoins, nous aimerions que le Parlement avance sur quatre points.

Premier point : l’égalité d’accès à l’information. Dès le collège, l’inégalité d’accès à l’information, en conditionnant le recours aux droits et les possibilités d’orientation, colore les parcours sociaux, éducatifs et professionnels des jeunes. L’expérimentation menée en Champagne-Ardenne, « La Boussole des droits », s’est révélée être une réussite en visant à créer un guichet unique pour l’accès aux droits. Nous prônons la généralisation d’une logique de guichet unique pour les droits sociaux et plus largement pour l’accès à l’information.

Deuxième point : l’égalité d’accès à l’engagement. La FAGE, qui a soutenu dès le départ la mise en place du service civique, est opposée à un service civique obligatoire, mais très favorable à sa généralisation. Néanmoins, le projet de loi devrait apporter quelques éléments de cadrage. D’abord, nous souhaitons que le volume hebdomadaire du service civique soit fixé à 24 heures hebdomadaires annualisées – il s’agit d’un volontariat et non d’une forme de salariat. Ensuite, nous aimerions que les organismes accueillant des services civiques aient l’interdiction de demander des lettres de motivation – encore une fois, il ne s’agit pas d’un recrutement, mais d’un volontariat. La FAGE accueille d’ailleurs de nombreux services civiques. Enfin, nous proposons que l’Agence du service civique se voie attribuer une responsabilité d’évaluation qualitative du cadre des missions, ce qui est très important pour accompagner la montée en puissance du dispositif.

Toujours sur l’engagement, nous sommes favorables à la création d’une option « engagement » au lycée pour le baccalauréat ; nous en avons parlé avec plusieurs organisations lycéennes. S’agissant de la disposition sur la reconnaissance de l’engagement des étudiants, nous aimerions que le projet de loi aille plus loin en créant un référentiel des compétences développées dans le cadre associatif, qui serait coconstruit par les services publics et les organisations grâce au compte personnel d’activité. En effet, dans le cadre de la vie associative, les étudiants acquièrent énormément de compétences, notamment entrepreneuriales, qui pourraient être valorisées dans le parcours professionnel.

Troisième point : l’égalité d’accès à la participation citoyenne. Nous aimerions que les CESER (conseil économique, social et environnemental régional) et les conseils de développement trouvent eux aussi un cadre législatif pour accueillir les jeunes – comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dont la composition est encadrée par la loi et qui comprend un groupe des mouvements de jeunesse. Nous pensons également nécessaire de réfléchir à la manière d’associer les jeunes à l’élaboration des politiques publiques, notamment dans le cadre du « dialogue structuré », qui se développe en Europe.

Quatrième point : l’égalité d’accès à la formation. Nous sommes opposés à l’extension du dispositif « meilleurs bacheliers ». Le projet de loi prévoit un accès prioritaire à certaines formations pour les 10 % de meilleurs lycéens, ce qui peut ne pas choquer. Mais il prévoit également un accès prioritaire à l’université dans les filières en tension – comme STAPS et psychologie –, disposition en totale contradiction avec l’égalité d’accès dans les filières universitaires non sélectives. Nous souhaitons donc que ce dispositif soit revu, voire supprimé.

Mme Cécile Pages, secrétaire générale du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC). Héritier de la Jeunesse agricole catholique (JAC), créée en mars 1929, le MRJC est un mouvement d’éducation populaire géré et animé par des jeunes de treize à trente ans.

Aujourd’hui, nous proposons aux jeunes en milieu rural de mettre en œuvre des projets pour développer leur territoire, ce qui permet à chacun de s’émanciper. Nous proposons également un parcours d’engagement au travers de la responsabilité associative à tous les échelons, du local au national. Pour nous, l’engagement des jeunes n’est pas problématique car, les chiffres le montrent, les jeunes s’engagent de plus en plus. Nous espérons que ce projet de loi n’est que la première étape d’une politique plus ambitieuse en faveur de la jeunesse, orientée vers l’autonomie et l’émancipation des jeunes.

Nous souhaitons que le projet de loi donne plus d’ambition à la dimension citoyenneté, afin de permettre aux jeunes de participer à la vie publique, ce qui suppose de reconnaître et de valoriser l’engagement des jeunes. Dans nos organisations, l’animation par des jeunes donne lieu à des changements importants dans les équipes – un tiers de nos responsables change chaque année avec des mandats de trois ans –, ce qui amène de la nouveauté, de la fraîcheur dans nos propositions, mais aussi un partage des responsabilités, chacun pouvant exercer à un moment donné une responsabilité dans son parcours à la MRJC. C’est pourquoi nous défendons l’idée du non-cumul des mandats dans la durée et dans le nombre : un renouvellement plus important dans les mandats politiques amènerait un renouvellement fréquent de la classe politique et permettrait de faire de la place aux jeunes, mais aussi aux autres – nous trouvons inquiétant que des maires le soient depuis plus de trente ans, notamment en milieu rural. Ce projet de loi est l’occasion de cadrer les choses.

Il existe plusieurs formes d’engagements spécifiques des jeunes, et le service civique en est une. Nous aimerions que le projet de loi reconnaisse la diversité des formes d’engagements spécifiques des jeunes, notamment les organisations gérées et animées par des jeunes, dont le parcours d’engagement qu’elles proposent est particulièrement formateur – mon engagement depuis l’âge de quinze ans au MRJC m’a formée et a fait de moi la citoyenne que je serai demain.

Par ailleurs, ce projet de loi devrait aborder la question du droit de vote des étrangers. Nous sommes convaincus que permettre à chacun de construire la société de demain fait partie du vivre et du faire ensemble. C’est ce projet de loi qui peut le permettre, dont l’intitulé « Égalité et citoyenneté » dit bien ce qu’il veut dire : plus d’égalité et plus de citoyenneté pour tous.

Enfin, nous vous demandons d’examiner ce texte de loi à l’aune de l’égalité des territoires, notamment de l’égalité entre les métropoles et les milieux ruraux, en apportant une réponse adaptée à chaque territoire pour permettre à chaque jeune de vivre son engagement là où il vit. Nous attirons votre attention sur ce point, car le CIEC a été principalement tourné vers les quartiers de la politique de la ville.

Mme Carolle Khouider, déléguée générale du Réseau national des Juniors associations (RNJA). Le RNJA occupe une place originale au sein du panorama des formes d’engagement des jeunes, puisque c’est par la promotion du cadre associatif que notre mouvement se propose d’agir auprès des mineurs. Il s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire et dans le cadre des valeurs du monde associatif qu’il tente de perpétuer et de renouveler.

La reconnaissance du droit d’association des mineurs est absente du projet de loi « Égalité et citoyenneté », dont l’un des objectifs est pourtant de créer une véritable culture de l’engagement. Les organisations membres du RNJA, son réseau, et l’ensemble des adultes engagés auprès des jeunes mineurs des Juniors associations, sont convaincus qu’une des conditions d’accès à une citoyenneté active est l’exercice concret de responsabilités dans un cadre collectif.

Les Juniors associations constituent une réponse aux freins imposés par la loi ; elles permettent aux mineurs de réaliser leurs projets, en leur proposant une démarche éducative et un accès facilité aux outils de la vie associative. Ce pari de la confiance dans la capacité associative des jeunes mineurs, le RNJA le démontre depuis 1998 en ayant accompagné plus de 5 000 projets différents et 50 000 jeunes partout en France. C’est parce que la jeunesse plébiscite le monde associatif comme vecteur d’action et de transformation sociale, et que les politiques publiques qui s’adressent aux jeunes, les appellent à participer, les incitent à s’engager, à prendre des responsabilités pour grandir en autonomie, qu’une réelle volonté politique est nécessaire afin de modifier les textes et leur interprétation, qui ont tendance à compliquer, à freiner, voire à fermer l’accès des mineurs aux responsabilités dans le champ associatif.

Il faut donc libérer le potentiel d’engagement. Or l’article 2 bis à la loi de 1901 introduit en 2011 prévoit que « les mineurs de seize ans révolus peuvent librement constituer une association, sous réserve d’un accord préalable de leur représentant légal ». Nous demandons l’abrogation de cet article, car la loi de 1901 est une loi de liberté dans laquelle aucune mesure ne vient restreindre le droit d’association des mineurs. En introduisant cet article 2 bis, le législateur a posé une restriction à cette liberté d’association, alors qu’elle était garantie à toute personne dans la loi initiale. Je rappelle qu’en janvier 2016, le Comité des droits de l’enfant a recommandé à la France de prendre des mesures, y compris de nature légale, pour garantir les libertés d’expression, d’association et de participation des enfants de tout âge, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est signataire.

Par ailleurs, le projet de loi devrait prévoir que l’organisation des associations relève de leurs statuts – c’est la pratique aujourd’hui du monde associatif –, lesquels devraient préciser l’absence de restriction relative à l’âge de leurs membres, y compris pour l’administration des associations. « La loi laisse libre l’organisation de l’association, et les statuts régissent l’association » : une telle disposition résoudrait les questions soulevées par l’âge de seize ans, l’adhésion des mineurs à des associations, leur participation aux instances, et leur possibilité d’exercer des mandats. La capacité et la maturité requises doivent être laissées à l’appréciation des mandants, car qu’est-ce qu’être un administrateur d’association, sinon être le mandataire des associés ? En l’occurrence, l’article 1990 du code civil précise qu’« un mineur non émancipé peut être choisi pour mandataire ».

Ainsi, entre le droit commun et les dispositions du code civil, les risques pris par un mineur dans le cadre d’une association sont atténués, puisqu’il est mineur et qu’il exerce un mandat bénévole. L’exercice d’une activité et de responsabilités dans un cadre formel, au-delà des enjeux éducatifs, comporte moins de risques que l’exercice de pratiques dans un cadre informel, voire illicite. La protection des mineurs sera mieux garantie par l’adoption d’un cadre normatif et la reconnaissance des institutions et des adultes.

M. Nicolas Le Roux, directeur du réseau SIMPLON.CO. Merci de nous recevoir : cette invitation participe pleinement de la société collaborative que nous appelons tous de nos vœux.

Créé il y a trois ans, SIMPLON.CO est plus jeune et moins connu que la plupart des réseaux représentés ici. Il s’agit d’une structure un peu hybride, puisqu’elle associe une entreprise de l’économie sociale et solidaire et une fondation.

L’objectif principal de SIMPLON.CO est de former aux métiers techniques du numérique – qui sont actuellement en tension – des profils atypiques mais à haut potentiel, qui sont pour nous des profils sous-représentés dans le monde du numérique : bénéficiaires des minima sociaux, femmes et jeunes filles, habitants des quartiers populaires, chômeurs de longue durée, réfugiés statutaires, demandeurs d’asile. Nous proposons des formations courtes, de six mois environ, et innovantes.

En un peu moins de trois ans, SIMPLON.CO a formé environ 600 personnes sur une vingtaine de sites en France, à la fois en milieu urbain et en milieu rural – de Mende en Lozère ou Cheylard en Ardèche jusqu’à Roubaix, en passant par les quartiers nord de Marseille. Parallèlement, nous avons accueilli 10 000 enfants en France, et 90 000 en Afrique, dans le cadre de nos ateliers de sensibilisation.

Nos résultats sont probants : plus de 78 % de sorties positives. Nous respectons pleinement nos objectifs en matière de publics prioritaires, puisque près de 60 % des personnes formées n’ont pas le baccalauréat ou ont seulement le BAC, et 80 % sont demandeurs d’emploi.

Par ailleurs, dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA), SIMPLON.CO mène un projet intitulé CAPPRIO (Capacitation dans les quartiers prioritaires), qui vise en trois ans à former ou à sensibiliser au numérique 20 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans, en utilisant les réseaux d’éducation populaire. Nous organisons ainsi des formations pour nos amis d’Unis-Cité et de l’AFEV, notamment, afin que leurs animateurs bénévoles puissent faire de la médiation numérique.

Je vais maintenant « hacker » le projet de loi, en m’appuyant sur deux articles.

L’article 18 concerne la Grande école du numérique, dans laquelle SIMPLON.CO a vu 36 de ses formations labellisées. Nous souhaitons que la rémunération des apprenants, sujet important, soit abordée. Nous souhaitons également que la Grande école du numérique devienne organisme certificateur des formations, pour le compte de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP). En effet, nos formations à des métiers nouveaux s’appuient sur des référentiels pédagogiques nouveaux, mais qui s’inscrivent dans un schéma de la formation professionnelle très ancien où l’inscription au Registre national de la certification professionnelle (RNCP) nécessite, pour les structures, d’avoir trois ans d’existence.

L’article 35 concerne l’apprentissage du français. Les migrants, les primo-arrivants, les réfugiés, les demandeurs d’asile, font partie des publics prioritaires de SIMPLON.CO. Nous avons actuellement à Montreuil une promotion composée à 100 % de réfugiés statutaires, composée de Syriens, de Soudanais, d’Éthiopiens, de Centrafricains. Pour nous, deux sujets doivent être abordés par le législateur. Le premier est l’accès à la formation professionnelle pour les demandeurs d’asile. En effet, la législation et la réglementation françaises restreignent cet accès, alors que la directive « accueil » prévoit que l’accès des demandeurs d’asile à la formation professionnelle doit être effectif, qu’ils aient ou non accès au marché du travail. Il faut donc élargir les critères et s’en tenir à la lecture de la directive « accueil », puisque la formation professionnelle fait partie des outils pertinents des structures comme la nôtre pour permettre la bonne intégration des demandeurs d’asile dans notre pays. Le deuxième sujet important pour nous est l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile. En effet, l’accumulation des conditions – autorisations préalables, opposabilité de la situation de l’emploi, difficultés linguistiques, discriminations à l’embauche, restriction sur les professions réglementées, etc. – rend difficilement applicable un droit effectif à l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile.

Mme Marthe Corpet, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Ce projet de loi était très attendu. Les notions d’engagement, d’autonomie, d’accès aux droits, font écho aux espoirs des jeunes, qui souhaitent être mieux reconnus dans cette société. Malheureusement, ce texte est en décalage par rapport à nos attentes – certaines dispositions nous inquiètent même.

D’abord, si la question de l’engagement et de l’égalité doit être envisagée dans un rapport de coconstruction avec les jeunes, elle ne doit pas renvoyer à une vision autoritaire de la République. Sur le service civique, par exemple, nous partageons l’ensemble des objectifs soulignés par les intervenants précédents : protéger l’engagement, mieux l’encadrer, le valoriser, en faire un outil pour de nouvelles missions, reconnaître l’engagement des jeunes. Par contre, nous sommes contre sa généralisation, car elle serait problématique en termes d’encadrement, mais surtout, elle aboutirait à une nouvelle trappe de précarité en instaurant une confusion entre engagement et travail. Dans un contexte de chômage massif, cette généralisation du service civique – avec les articles qui prévoient les outils d’intermédiation ou l’élargissement aux entreprises locales publiques et aux structures HLM – nous semble donc particulièrement inquiétante. Nous saluons néanmoins l’ouverture du service civique à toutes les nationalités.

Ensuite, l’élargissement du dispositif « meilleurs bacheliers » nous semble également très inquiétant. Nous sommes bien sûr conscients des difficultés de l’université à répondre à l’augmentation des bacheliers. Mais si l’université devait choisir les bacheliers qui vont intégrer ses rangs, au lieu de tous les accueillir, il s’ensuivrait une inégalité sociale extrêmement forte, ce qui risquerait d’aboutir à une université à plusieurs vitesses entre filières sélectives et filières non sélectives. Pour nous, ce serait une régression extrêmement grave.

Enfin, les mesures de simplification, notamment concernant l’APL, nous inquiètent également. Ces dernières années, le gouvernement a proposé de simplifier les critères d’attribution de l’APL, voire de réduire le nombre d’étudiants bénéficiaires en supprimant l’APL pour les étudiants non-boursiers. Quand le gouvernement légiférera par ordonnances sur ce sujet, le débat démocratique ne pourra pas se faire.

À côté de ces inquiétudes, certaines dispositions du projet de loi sont positives, mais nous semblent manquer d’ambition.

La lutte contre les discriminations est extrêmement importante. Mais nous aurions voulu voir dans ce projet de loi l’ouverture à des droits nouveaux, comme la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité ou encore l’obligation du curriculum vitae anonyme.

La question de l’autonomie est également très importante, mais le projet de loi ne va pas assez loin sur le logement étudiant. L’accès à un logement autonome pour les jeunes est loin d’être une généralité. Nous souhaitons, par exemple, une fusion des dispositifs de garantie locative, car il existe actuellement un grand nombre de dispositifs assortis de critères.

Dans le domaine de la santé, si nous approuvons la disposition sur l’information des jeunes, nous souhaitons que le projet aille plus loin. Des amendements sur l’interface numérique sont proposés sur le Pass contraception, de nouveaux droits à la santé pour les jeunes : ils nous paraissent très importants au regard d’un public qui renonce souvent à se soigner.

Nous saluons la volonté de valoriser l’engagement dans le cadre universitaire. Des amendements sont proposés, nous les soutiendrons.

Enfin, s’agissant de l’accès au droit commun, un grand nombre d’amendements sont portés par le Forum français de la jeunesse, notamment sur l’accès au RSA pour les moins de vingt-cinq ans ou encore l’accès à la « prime de précarité » pour les jeunes. Ce sont pour nous des dispositions essentielles pour que ce projet de loi constitue une réelle avancée.

Mme Marie Trellu Kane, présidente d’Unis-Cité. Depuis sa création en 1994, Unis-Cité a mobilisé environ 15 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans dans des missions d’engagement solidaire d’une durée de six à neuf mois. Elle l’a fait pendant dix ans sans cadre légal et sans financement de l’État, et, depuis dix ans, dans le cadre du service civil volontaire lancé en 2005, puis du service civique créé par la loi du 10 mars 2010. Parmi ces jeunes, 35 % sont de niveaux 5 et 6, donc plutôt des décrocheurs avant le bac ; et entre 20 % et 50 % résident dans les quartiers prioritaires. Pour nous, le service civique est une étape de vie et de mixité sociale, de brassage entre jeunes d’origines différentes – comme dans l’esprit de la loi de 2010.

Notre expérience a montré que le service civique est une belle forme d’engagement – un peu particulier car à temps plein et indemnisé pour tous les jeunes –, en particulier pour les jeunes qui ont rencontré des difficultés, notamment dans leur parcours scolaire, pour lesquels le service civique est une manière de rebondir et de retisser un lien avec la société. Nous devons donc collectivement rendre cette expérience de vie accessible à tous les jeunes, et pas seulement à ceux qui ont des compétences ou des qualifications intéressantes aux yeux des structures qui les accueillent.

Nous sommes favorables à la généralisation du service civique, ce qui permettrait justement de le rendre réellement accessible à tous les jeunes. Nous nous réjouissons que le projet de loi ne prévoie pas d’évolution du cadre légal de la loi de mars 2010 : il faut garder le principe d’une expérience de six à douze mois et indemnisée, car c’est cela qui fait la force du service civique et qui rend cette étape accessible aux jeunes un peu plus éloignés.

Par contre, il nous semble que le projet de loi devrait aller plus loin dans le cadre de la généralisation du dispositif.

D’abord, étant donné que le texte diversifie les structures d’accueil, il serait important de cadrer davantage les spécificités du service civique par rapport à l’emploi et aux stages, afin d’éviter les dérives évoquées par la représentante de l’UNEF. Nous suggérons que le texte renforce le caractère éducatif du service civique en précisant qu’il concerne des missions collectives de terrain auprès de la population – ces missions ne peuvent pas être des missions de soutien aux structures.

Ensuite, des journées de formation civique et citoyenne sont prévues par la loi de 2010, mais elles sont trop peu nombreuses et pas assez structurées. Il faudrait donc renforcer le nombre de jours de formation civique et citoyenne – qui pourraient être un complément de la journée défense et citoyenneté – pour les fixer à l’équivalent d’une journée par mois de service, par exemple. Il faudrait également prévoir une organisation de ces journées sous la forme de rassemblements territoriaux, éventuellement par délégation des préfectures accordée aux structures. Ces dispositions permettraient, là encore, de renforcer le caractère éducatif du service civique.

Par ailleurs, l’obligation pour la Nation, pour tous les acteurs – structures d’accueil comme services déconcentrés –, de rendre le service civique accessible à tous les jeunes constituerait un symbole fort. Nous suggérons que chaque structure ait l’obligation contractuelle vis-à-vis de l’État de contribuer à l’accessibilité du service civique pour les jeunes éloignés.

Autre point : la coconstruction, qui a fait la force du service civique par l’intermédiaire d’un comité stratégique prévu par la loi de 2010, devrait être déclinée au niveau territorial. Nous proposons la mise en place de cellules d’animation pour accompagner la généralisation qualitative du service civique.

Enfin, nous défendons l’idée d’un service civique inversé. En effet, les jeunes peuvent être force de proposition pour des missions, au lieu d’être récipiendaires des missions proposées par d’autres. Un certain nombre d’expérimentations ont été menées en ce sens. Un cadre légal un peu particulier pour cette forme d’engagement constituerait un autre moyen de généraliser le service civique – même si le modèle de financement actuel ne le permet pas.

M. Yves Blein. Au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, je remercie les intervenants.

L’intitulé de cette table ronde est « engagement/jeunesse », mais rajouter les termes « au service de l’intérêt général » aurait permis de montrer que, parmi toutes les formes d’engagement, c’est celle au service de l’intérêt général que nous voulons développer.

Il existe plusieurs voies d’engagement, et l’éducation en fait partie. Vous l’avez dit les uns et les autres : tout un chacun doit savoir comment fonctionne une société pour mieux y trouver sa place et mieux y contribuer. Je pense aussi que l’on peut évoquer l’obligation, monsieur Paris, car elle est parfois la seule chose qui garantisse l’universalité du savoir, de l’expérience – parler de l’école obligatoire ne choque plus personne aujourd’hui, on ne parle pas de « sévices éducatifs ». Cela renvoie à la question de la journée défense et citoyenneté (JDC), évoquée par Mme Trellu Kane. Beaucoup d’entre nous pensent que cette journée ne sert à rien, or elle constitue un rendez-vous obligatoire, mais aussi un point de passage vers la citoyenneté réelle – elle concerne les garçons et les filles entre la date de recensement et l’âge de dix-huit ans, âge de l’acquisition du droit de vote. Pensez-vous qu’il faille transformer ou faire évoluer ce rendez-vous ?

Il existe également une multiplicité de canaux d’accès à l’engagement. L’engagement s’envisage de façon différente selon que l’on vit en milieu rural ou en zone urbaine, selon que l’on est étudiant ou travailleur, sans emploi ou scolarisé, selon que l’on a seize ou dix-huit ans. Les Juniors associations ont abordé la question de l’âge : elle a toute sa place dans nos débats.

Pour vous tous, la transmission des valeurs républicaines est aussi une question d’usage, et pas seulement une question d’enseignement ou d’éducation. Dans le panel des associations que vous représentez, nous aurions pu recevoir également le mouvement sportif, un des grands vecteurs de pratiques collectives et d’esprit civique – j’aurais pu tout aussi bien évoquer les mouvements d’action culturelle ou d’activités socio-éducatives. Quel est, selon vous, le principal obstacle à l’engagement des jeunes, quel que soit le terrain d’expérience ? Est-ce l’origine sociale, l’origine territoriale ?

La solidarité locale, la solidarité internationale, l’Europe, sont des champs bien identifiés qui pourraient également susciter l’engagement. Qu’en pensez-vous ?

Les missions locales sont un vecteur très important d’accueil des jeunes. Comment pourraient-elles être mobilisées au titre de l’engagement ?

Enfin, j’ai lu dans la presse de ma région que la fédération des maisons des jeunes et de la culture (MJC) de la région Rhône-Alpes était placée en redressement judiciaire. Pour moi, les maisons des jeunes, c’est André Philip, André Malraux, la République des jeunes – le premier terrain de l’engagement collectif des jeunes. Les maisons des jeunes sont-elles mortes aujourd’hui ?

M. Xavier Breton. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie les participants.

Il existe toute sorte de mouvements associatifs, comme l’a indiqué Yves Blein. Nous pourrions proposer d’entendre d’autres structures à l’occasion d’une deuxième table ronde.

Unis-Cité l’a souligné : il est important de marquer la spécificité du service civique. Nous serons particulièrement attentifs à toutes les propositions qui permettront de distinguer le service civique des stages et de l’emploi.

L’AFEV et le MRJC, notamment, ont évoqué la dimension territoriale. Est-elle, selon vous, suffisamment inscrite dans le projet de loi pour prendre en compte la diversité des territoires ?

Dans le cadre de la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, qu’a présidée le Président Bartolone, des interrogations ont porté sur la journée défense et citoyenneté, notamment en termes de journées. Sur le contenu, nous sommes demandeurs de propositions. Avez-vous des suggestions à nous faire sur l’évolution de la JDC ?

Enfin, nous avons entendu beaucoup de demandes liées à la reconnaissance des droits. Mais une société est fondée sur des droits et des devoirs pour tous, y compris la jeunesse. Quelles sont vos propositions pour intégrer la notion de devoirs dans ce projet de loi ?

M. Arnaud Richard. Le groupe Union des démocrates et indépendants se réjouit de débuter les travaux de cette commission spéciale en recevant des associations de jeunesse, lesquelles expriment de nombreuses attentes, comme nous tous sur ces bancs, à l’égard du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Dans une société meurtrie, nous nous interrogeons tous sur le sens de notre action, le sens de notre engagement. Comment être utile à la société et mieux vivre ensemble ? Question éminemment importante pour les jeunes.

Cette table ronde doit être l’occasion de mieux appréhender les attentes des citoyens de demain, et même des décideurs de demain. La plupart de ceux qui vous ont invités, mesdames, messieurs, ont été comme vous des jeunes engagés. Ce sont aussi les décideurs de demain que nous recevons aujourd’hui.

L’investissement au sein des associations ou des syndicats d’étudiants est loin d’être la seule forme d’engagement. Aujourd’hui, les jeunes s’impliquent de façon plus informelle et spontanée via des pétitions, des causes, des soutiens ponctuels à des mouvements. Peu de jeunes adhèrent à des partis politiques ou à des mouvements de jeunesse, ce qu’on peut regretter. Ce désintérêt, voire ce rejet, d’une partie de la jeunesse envers les partis traditionnels ou les mouvements de jeunesse traditionnels, nous questionne en permanence.

L’engagement est un acte volontaire, une envie propre d’agir pour la société. Il appartient aux jeunes d’inventer eux-mêmes les formes qu’ils souhaitent pour s’engager. J’entends la proposition de Mme Trellu Kane de permettre aux jeunes de choisir eux-mêmes des missions de service civique. Pour autant, nous devons être capables d’accompagner les jeunes, de permettre à chacun de s’épanouir : c’est tout l’enjeu de ce texte.

Malgré un titre Ier à l’intitulé évocateur, « Citoyenneté et émancipation des jeunes », le projet de loi ne va pas assez loin sur plusieurs aspects, comme viennent de l’expliquer plusieurs organisations de jeunesse. La représentante de l’UNEF, en particulier, a souligné le décalage entre le texte et les attentes des organisations de jeunesse. Certes, plusieurs dispositions sont intéressantes, comme l’article 14 sur la valorisation de l’engagement. Mais nous devons nourrir ce projet de loi, et je compte pour cela sur le rapporteur général, qui est très à l’écoute, d’autant que le texte a été intelligemment construit en s’appuyant sur un grand nombre de consultations. J’espère que nous parviendrons à intégrer dans le projet de loi des dispositions traduisant davantage l’écoute des jeunes et plus globalement de la société.

M. Jean-Noël Carpentier. Au nom du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, je remercie les participants à cette table ronde. Nous nous réjouissons de la présentation de ce projet de loi, qui était attendu par les jeunes et plus largement par la société. Nous sommes tous favorables au développement de la citoyenneté : malgré les crispations nées dans notre société, nous devons nous parler, travailler ensemble, mieux vivre ensemble, sans avoir peur de la diversité qui fait la richesse de notre démocratie. Pour autant, ce projet de loi devra être enrichi : les dispositions actuelles qu’il contient ne suffiront pas à développer l’engagement de la jeunesse.

Le développement de l’engagement chez les jeunes est bénéfique à la société. Plus on s’engage jeune, plus on s’engage tout au long de sa vie. C’est ce qui permet de construire la citoyenneté dans un pays dynamique. Percevez-vous depuis quelques années un essoufflement ou une augmentation de l’engagement des jeunes ? Au-delà des clichés médiatiques – une génération personnelle, qui s’endort, bonne qu’à faire des pétitions sur Internet… –, avez-vous des choses positives à nous présenter ?

L’article 14 permet de valoriser les engagements des jeunes, et même de les encourager. Je serai très vigilant pour que le service civique ne se transforme pas en stage, en emploi, ou en contrat jeune spécifique. Nous devons montrer que nous visons l’engagement citoyen au service de l’intérêt général. Je partage la réflexion de plusieurs députés sur le sens de la journée défense et citoyenneté, qui selon moi est une perte de temps et d’argent : les jeunes passent beaucoup de temps dans les transports pour se rendre sur le site, où finalement ils ne font pas grand-chose… Il faut donc revoir les modalités de la JDC.

La citoyenneté peut aussi se décliner dans un engagement politique. Plusieurs pays d’Amérique latine ont abaissé le droit de vote à seize ans ; la Chambre des Lords britannique a même adopté un amendement abaissant à seize ans l’âge minimum requis pour voter au référendum à venir sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Que pensez-vous du droit de vote baissé à seize ans ? Loin de toute démagogie, une telle réforme obligerait les institutions et les partis politiques à écouter les demandes des jeunes.

Les organisations de jeunesse sont représentatives. Mais ne pensez-vous pas que l’État, les collectivités territoriales, les institutions, pourraient organiser des scrutins spécifiques pour demander leur avis aux jeunes sur des sujets précis ?

Enfin, le rôle de l’école n’a pas été évoqué. Selon vous, les enseignements scolaires abordent-ils suffisamment la question de l’engagement civique de façon concrète, au-delà des leçons théoriques ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Ce projet de loi est le fruit de trois comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), lesquels se sont tenus dans des contextes particuliers – à la suite de drames qui nous ont touchés, d’événements qui ont marqué la Nation, ou dans un contexte de réforme sociale. Chaque CIEC a été l’occasion de mettre en place un dialogue avec l’ensemble des acteurs, notamment le dernier via une plateforme numérique de concertation. Ce projet de loi a été élaboré sur le modèle de construction de la loi numérique, avec en plus des ateliers sur le terrain qui ont permis d’apporter des enrichissements, mais aussi d’exprimer des critiques. L’objectif pour nous est d’avoir une vraie discussion. À cet égard, la FAGE a rappelé le défi de l’information. Défi primordial : l’UNEF a fait une proposition sur le RSA, mais j’appelle votre attention sur le fait que la prime d’activité, qui a remplacé le volet « activité » du RSA, est ouverte aux jeunes dès 18 ans.

J’ai plusieurs questions précises à poser.

La FAGE et l’UNEF ne sont pas contre l’esprit du dispositif « meilleurs bacheliers », mais critiquent son volet universitaire. Pourriez-vous apporter des précisions ?

Nous n’avons pas de réponse sur les conseils locaux de la jeunesse, le Conseil national de la jeunesse, le Forum français de la jeunesse. On nous dit que la loi ne doit pas obliger, mais inciter. Cela doit-il se faire par l’intermédiaire d’un fonds de soutien dont bénéficieraient les conseils locaux ou autres structures ? Surtout, quelle reconnaissance accorder à ces derniers ? Devraient-ils être consultés sur chacun des textes qui concerne la jeunesse ?

Sur les prescripteurs de service civique, l’idée évoquée est-elle de permettre à des jeunes qui n’entrent pas dans le cadre du service civique en raison de contraintes de durée, de formation, d’entrée dans la vie professionnelle, de pouvoir entrer dans un dispositif plus léger répondant à une mission d’intérêt général auprès des populations dans le cadre d’un projet ?

Deux organisations ont évoqué le risque – que personne ne souhaite, quelles que soient les sensibilités politiques – de voir le service civique se substituer à des missions salariées. L’encadrement du service civique que vous demandez suffirait-il, ou la nature même des structures d’accueil prévues dans le projet de loi est-elle rédhibitoire ? Unis-Cité organise des missions auprès d’offices publics de l’habitat autour de l’éducation à l’économie d’énergie : aujourd’hui, les offices publics de l’habitat souhaiteraient mobiliser des jeunes en service civique pour faire ce travail autour de l’isolation thermique, du recyclage, etc.

Je trouve très intéressant ce qui a été dit sur l’échelon local, le comité stratégique. J’entends les préoccupations sur les discriminations : c’est un débat dont le Parlement va se saisir. Le logement, avec la fusion des garanties locatives, est un enjeu. Sur l’accès aux droits, nous aimerions vous entendre sur la prime d’activité et la CMU complémentaire.

Ont été évoquées les MJC, la difficulté des jeunes en territoire urbain comme rural à s’engager. Avez-vous des exemples de dispositifs qui permettraient de faire naître une nouvelle génération de maisons des jeunes, de la culture – et du numérique ? Toutes les initiatives – SIMPLON.CO, Bibliothèques sans frontières, fablabs, etc. – mobilisent des bénévoles, des engagés en service civique, des entrepreneurs, des militants associatifs, des coopérants internationaux, etc., comme on n’en verra jamais dans des syndicats, des associations et des partis politiques ! Quelle peut être l’impulsion législative, sachant que beaucoup de sujets évoqués ne passent pas forcément par la loi ? Car la loi a un rôle d’impulsion, mais une loi d’impulsion est une loi bavarde qui suscite beaucoup d’espérances, mais dont on se demande ce qu’elle apporte concrètement. Il nous faut trouver un équilibre.

Enfin, les Juniors associations ont évoqué l’accès à la responsabilité associative des mineurs. Comment concilier responsabilité pénale et responsabilité associative des mandataires avant dix-huit ans ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier. Le projet de loi vise à reconnaître et à valoriser l’engagement, le bénévolat. Au-delà, il s’agit de lever les freins existants et de mettre en place des accompagnements. Selon moi, ce sujet ne peut être cantonné à l’engagement associatif, au service civique. L’engagement public des jeunes est un sujet qui m’est particulièrement cher, et je remercie tout particulièrement Mme Pages qui est intervenue sur le non cumul des mandats et l’accès des jeunes aux responsabilités publiques.

Dans le cadre de cette commission spéciale, nous allons recevoir des associations, des organismes divers, des personnalités. Je vous invite d’ores et déjà les uns et les autres à nous faire parvenir par écrit vos propositions concrètes, si vous en avez d’autres.

Mes questions se limiteront à celles qui n’ont pas été posées.

Quel lien faites-vous entre le continuum de l’engagement, la reconnaissance dans le cursus – de l’école à l’université – et le compte personnel d’activité ?

L’article 8 porte sur le congé d’engagement. Ce principe ne peut pas être ouvert à tous les membres des associations ; il faut cibler les bénéficiaires. Mais avez-vous des propositions précises pour l’ouvrir à d’autres membres que ceux des conseils d’administration ?

Sur l’engagement des jeunes, on ne peut pas obliger au dialogue, vous avez raison. Parfois les conseils de jeunes ont le résultat inverse de leur objectif, en en dégoûtant quelques-uns. La loi ne devrait-elle pas inciter, voire obliger – quitte à mettre en place des accompagnements ?

Sur l’accès aux droits, à l’information, que signifie pour vous le guichet unique ? Serait-il géré par les points information jeunesse avec les missions locales ? Ou s’agirait-il plutôt d’un service déconcentré de l’État ?

Le projet de loi confie à la région le chef de filât en matière de politique de la jeunesse. Aucun d’entre vous n’en a parlé ; j’en déduis que ce point fait consensus chez vous. Est-ce vraiment le cas ?

Pour finir, un chef de filât de vie associative vous semblerait-il utile ?

Mme Julie Sommaruga. Je remercie les intervenants pour la qualité de leur intervention.

Comment amener les jeunes les plus éloignés à s’engager ? Je pense qu’il faudrait proposer, dans le parcours scolaire, des stages au sein d’associations, par exemple pour les élèves de seconde – au même titre que les stages en entreprise qui existent pour les élèves de troisième. Il faut donner très tôt aux jeunes l’envie de s’engager. Qu’en pensez-vous ?

M. Arnaud Viala. À propos du chapitre Ier, comment résoudre la tension que crée ce texte entre la valorisation individuelle d’un engagement bénévole, qui par définition est librement choisi, et la notion d’intérêt général que revêt tout engagement bénévole, qu’il soit associatif ou pas ? Cette interrogation de fond, ni partisane ni polémique, s’adresse aux représentants des associations et aux rapporteurs.

M. Serge Letchimy. S’il y a des enjeux liés à l’égalité et à la citoyenneté, c’est parce que des inégalités extrêmement importantes et des différenciations culturelles et géographiques sont à l’œuvre. Quelle est votre approche des outre-mer sur la question de l’égalité et de la citoyenneté ?

Avez-vous pensé à un champ plus large pour permettre à la France de se reconnaître comme une société multiculturelle, et pas seulement une société de la diversité ? Vos réflexions intègrent-elles la notion de discrimination positive ?

La question du droit de vote des étrangers doit être mise sur la table, tout comme celle de l’âge du droit de vote des jeunes et celle de la majorité. Qu’en pensez-vous ?

M. Régis Juanico. Depuis 2010, le nombre de jeunes bénévoles de quinze à trente-cinq ans engagés dans les associations a augmenté de 30 %. Le service civique y est pour quelque chose, ainsi que le volontariat associatif pour les plus de vingt-cinq ans – créé par la loi sur l’ESS –, que nous pourrions élargir au moins de vingt-cinq ans.

Ma question porte sur l’outil qui sera utilisé pour retracer les engagements dès le premier degré. Il existe des outils au sein de l’Éducation nationale, avec les quatre parcours éducatifs : avenir, éducation artistique et culturelle, citoyen, santé – on aurait pu rajouter le sport. Existent également le livret du citoyen, le compte personnel d’activité, le compte d’engagement citoyen. Ne faudrait-il pas un outil commun permettant de retracer tous les engagements : engagement de délégué de classe, de délégué de conseil municipal des jeunes ou de conseil municipal des enfants, la formation aux premiers secours, les formations à l’UNSS ou l’USEP, etc. Avez-vous réfléchi à une cohérence en termes de livret du citoyen tout au long de la vie ?

Mme Sophie Rohfritsch. Je regrette le manque de cohérence, du moins affiché, entre les nombreuses actions territoriales menées notamment par les communes – toutes les communes de France ont un service jeunesse. Comment mieux inscrire dans le projet de loi cette cohérence nécessaire ?

M. Julien Dive. En tant que benjamin de l’Assemblée, je ne peux pas ne pas intervenir !

Le titre de « capitale européenne de la jeunesse », créé en 2009 par le Forum européen de la jeunesse, a été décerné cette année à Ganja en Azerbaïdjan. La ville d’Amiens a déposé au mois de février un dossier de candidature pour devenir la capitale européenne de la jeunesse en 2019 et elle figure parmi les finalistes. J’invite les représentants des associations, mes collègues parlementaires et le Gouvernement à s’engager pour défendre la candidature d’Amiens, onzième ville la plus jeune de France, ce qui permettrait de faire le lien avec ce projet de loi.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. Nous avons voté des dispositions pour lutter contre les discriminations
– à ce jour, plusieurs critères de discrimination sont fixés dans la loi. Attendez-vous d’autres évolutions législatives ? Ou faut-il plutôt lutter contre les préjugés, les représentations ?

M. Alexandre Leroy (FAGE). La FAGE est active dans le Forum européen de la jeunesse. Elle est aussi très bien implantée à Amiens : nous aimons beaucoup cette ville et soutenons sa candidature au titre de capitale européenne de la jeunesse.

Nous avons beaucoup travaillé sur le compte personnel d’activité. Nous sommes favorables à la création d’un compte d’engagement, qui serait un coffre-fort individuel de tous les engagements au cours de la vie, adossé à un référentiel de compétences coconstruit entre les acteurs du monde associatif, les acteurs publics et les branches professionnelles. Les compétences acquises grâce à toutes les formes d’engagement pourraient ainsi être valorisées.

Nous sommes favorables à l’article 16 qui confie à la région le chef de filât en matière de politique de la jeunesse. Cela permettra de mettre en lien les acteurs, de mettre en place des schémas d’organisation, ce qui évitera aux jeunes d’avoir à frapper à plusieurs portes pour accéder à l’information. Le guichet unique devrait s’incarner au travers d’une plateforme numérique, permettant de recenser l’intégralité des droits.

Pour nous, le service civique est un très bon dispositif ; je souscris totalement au propos d’Unis-Cité. Pour éviter que le service civique se substitue à des missions salariées, il faut un cadrage qui prévoit, d’une part, qu’il doit être exercé au contact de la population et, d’autre part, que son volume hebdomadaire est fixé à 24 heures annualisées. Symboliquement, cette durée hebdomadaire évitera toute confusion entre service civique et emploi salarié.

Nous n’étions pas franchement favorables au dispositif « meilleurs bacheliers », lors de sa création, car nous savions qu’il ne résoudrait pas le problème. D’ailleurs, lors des premières années de sa mise en œuvre, quelques centaines d’étudiants seulement ont été concernées. Par contre, nous partageons la finalité de ce dispositif. En fait, nous pensons que des dispositifs comme les « parcours d’excellence » et « les cordées de la réussite », qui concernent des plus jeunes, fonctionnent bien mieux : on ne corrige pas un système inégalitaire qui génère de l’autocensure, qui favorise la reproduction sociale, avec des dispositifs qui concernent les jeunes à partir de dix-huit ans. Pour lutter contre l’autocensure et les inégalités dans l’orientation, il faut commencer très tôt, dès le collège. Sans être contre le dispositif « meilleurs bacheliers » en lui-même, nous sommes contre son extension aux filières universitaires, car donner la priorité à certains élèves pour les filières psychologie, droit ou STAPS, aboutira à casser le principe d’égalité pour l’accès aux formations universitaires. Cela serait très dangereux dans le contexte actuel où d’aucuns souhaitent contourner le débat de la démocratisation.

Enfin, nous souhaitons que l’accès à la CMUC soit facilité. Nous sommes favorables à une ouverture très large de la CMUC, notamment pour les jeunes précaires et les boursiers. Dans le domaine de la santé, beaucoup de simplifications devraient être menées. Les jeunes alternent un tas de statuts : ayant droit, ayant droit autonome, régime de sécurité sociale étudiante, régime général pour les étudiants salariés ou en alternance, un autre régime pour les étudiants en paramédical ou de santé. La lutte contre la précarité des jeunes passe par une simplification de leur régime de sécurité sociale, avec l’instauration d’un régime unique. Pour la couverture obligatoire, donc, chaque jeune devrait être géré très tôt par la caisse nationale d’assurance maladie.

Mme Marie Trellu Kane (Unis-Cité). Nous avons testé des formules de mobilisation de jeunes sur un mois : cela n’a amené aucun changement de comportement. L’objectif du service civique et de la JDC est tout de même d’amener les gens à se sentir davantage citoyen. Pour amener un changement de comportement, il faut du temps. La durée minimale de six mois du service civique est pour nous indispensable – pour des jeunes qui partent de loin, il faut plutôt huit à dix mois. Par conséquent, si la généralisation du service civique revenait à créer un service civique d’un mois obligatoire, suivi d’un volontariat non financé par l’État, ce serait de l’argent public fichu en l’air ! Car sans soutien financier de l’État, il n’y aura aucune mission.

La JDC doit être améliorée au regard de ses objectifs. Il nous semble utile de poser un diagnostic sur la jeunesse en termes de santé, d’illettrisme et d’information sur les opportunités d’engagement. Faut-il prévoir une journée ou trois journées ? Je l’ignore : il faudrait regarder l’efficacité du contenu actuel. Ne poussez pas trop loin l’engagement financier sur ces journées, car cela se ferait au détriment de la généralisation du service civique long, qui a une valeur et un réel impact sur les jeunes en étant structuré, indemnisé, et encadré avec de vraies missions.

Il existe de multiples formes d’engagement. Vouloir tout mettre dans le service civique pour « faire du chiffre » serait une erreur. Le service civique est une parenthèse dans la vie, un véritable complément de l’éducation formelle. Faire deux heures tous les mercredis reviendrait à noyer le poisson…

Pour éviter que le service civique se substitue à des missions salariées, le cadrage peut suffire s’il inclut la spécificité des missions de terrain collectives, avec davantage de journées de formation citoyenne – pour marquer le caractère éducatif du service civique – et une obligation pour toutes les structures d’intégrer les jeunes éloignés, notamment les jeunes sans qualification. Faute de quoi, le recrutement se fera selon les compétences et le CV. Il faut interdire la demande de CV pour un service civique ! Nous sommes donc favorables à la généralisation du service civique, à condition également que des cellules d’appui locales se chargent de recruter les jeunes, de les placer, et d’organiser les journées de formation citoyenne – ce que les diverses structures ne pourront pas faire. Cela permettra d’assurer la diversité des jeunes recrutés.

Je termine par l’éducation à la citoyenneté. Les enfants devraient avoir, dès le primaire, des heures de pratique. L’enseignement moral et civique (EMC) dispensé au collège et au lycée est totalement théorique. Selon nous, l’éducation à la citoyenneté par l’action dès le plus jeune âge serait beaucoup moins lourde que l’organisation d’une semaine obligatoire pour tous.

M. Mathieu Cahn (ANACEJ). Il n’y a pas un essoufflement de l’engagement des jeunes, il y a des formes d’engagement qui évoluent et sont devenues protéiformes : engagements associatif, syndical, politique, engagements ponctuels ou dans des dispositifs locaux de participation... Penser engagement global, dans une vision structurée et organisée, du local au global ou du global au local, n’est plus d’actualité. C’est tout l’enjeu.

En France, les jeunes sont massivement opposés au droit de vote à seize ans, car ils ont intégré la vision que la société leur renvoie de leur illégitimité et de leur incompétence à s’exprimer à cet âge-là par le droit de vote – c’est ce qu’ils nous disent très majoritairement. À l’inverse, dans tous les pays où l’âge du droit de vote a été baissé, cela produit des effets extrêmement positifs. L’âge de dix-huit ans est l’un des plus instables – les jeunes quittent le domicile familial sans vraiment le quitter, ils sont étudiants mais pas forcément dans la ville où ils résident, etc. –, si bien que le premier vote est rendu très difficile, alors qu’il est symboliquement très important. Je pense donc que le droit de vote à seize ans, au moins aux élections locales, permettrait d’enclencher un processus citoyen vertueux et serait une réponse au sentiment d’illégitimité des jeunes.

S’agissant de la ville d’Amiens, il est paradoxal de vouloir être capitale européenne de la jeunesse et de supprimer l’ensemble des dispositifs de participation des jeunes.

M. Julien Dive. Je précise que je ne suis pas élu de cette ville !

M. Mathieu Cahn (ANACEJ). J’ai rencontré les adhérents de l’ANACEJ en Guyane, Martinique, Guadeloupe et à La Réunion. L’obligation ne doit pas aboutir à l’uniformisation, car les réalités sont différentes selon les territoires. Les territoires d’outre-mer n’ont pas les moyens de mener des politiques en faveur des jeunes – les dispositifs mis en place actuellement sont réservés aux sportifs. L’État doit revoir les choses.

Nous avions élaboré une proposition sur la région chef de filât en matière de politique de la jeunesse, mais je ne retrouve pas dans ce projet de loi le cadre qui permettrait de savoir de quoi on parle ! Sans compter qu’une grande région n’est pas forcément dans la même configuration qu’une autre plus petite.

Sur le territoire de l’eurométropole de Strasbourg, les conseils citoyens sont une obligation : des communes jouent le jeu, mais dans d’autres, le conseil citoyen, labellisé par arrêté préfectoral, n’est qu’une coquille vide. Attention, donc, à l’obligation. Un fonds de soutien, pourquoi pas, mais en aucun cas cela ne doit aboutir à l’uniformisation : il faut tenir compte des réalités locales pour reconnaître l’engagement. Des conseils des jeunes pour chanter l’hymne national au pied du monument aux morts le 11 novembre, ou pour nettoyer les berges des rivières, ne serviront à rien ! Il faut accorder à ces conseils une vraie place dans le processus citoyen. Leur donner une vraie place signifie : reconnaître l’engagement, relayer leurs propositions et – à l’image de ce qui se fait à Paris – leur accorder un droit de saisine pour les délibérations du conseil municipal et annexer leurs avis aux comptes rendus du conseil municipal. Ce n’est pas aux élus de décider des sujets sur lesquels les jeunes doivent être consultés, mais l’inverse. Le programme de travail d’une municipalité, d’une région, d’un département, pourrait être présenté aux jeunes qui s’autosaisiraient sur telle ou telle question pour rendre un avis et le communiquer aux élus, avis qui serait annexé aux délibérations.

J’entends souvent dire que les conseils d’enfants et de jeunes ne sont pas représentatifs de la société, en comportant plutôt des jeunes issus de classes sociales favorisées. En fait, tout dépend des pratiques. Avec le soutien de l’Éducation nationale, nous avons mis en place à Strasbourg un conseil de jeunes dont les membres ont été élus dans toutes les classes de cinquième et quatrième. Et l’enquête que nous avons menée auprès de ces jeunes montre qu’ils sont tout à fait représentatifs des jeunes de la ville, à la fois en termes de territoire, de milieux socio-économiques et de parcours de vie. Cette expérience contribue aussi au développement de la citoyenneté.

Mme Cécile Pages (MRJC). L’engagement des jeunes est intimement lié à leurs conditions de vie : chercher un emploi pour être autonome n’incite pas à s’engager – cela fait partie des obstacles à l’engagement. Sur l’essoufflement de l’engagement, je rejoins l’ANACEJ.

Sur la dimension territoriale, il est important de faire le lien entre ce projet de loi et le comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu la semaine dernière. Les services publics manquent cruellement en milieu rural, ce qui participe de l’éloignement des jeunes de la vie publique et ne favorise pas leur engagement.

Sur l’abaissement du droit de vote, je rejoins également le propos de l’ANACEJ.

La JDC pourrait devenir un temps d’information sur les droits des jeunes. Un lieu physique où les jeunes pourraient se rencontrer, échanger, et se faire expliquer leurs droits propres, constituerait un levier fort.

L’école ne joue pas tout son rôle : la culture du débat y a disparu, alors qu’elle permettait aux jeunes de défendre leurs idées – ce qui participait de l’envie de s’engager. Il est important d’y réfléchir.

Les organisations de jeunes ne sont pas reconnues dans leur travail de formation à la citoyenneté. Il est compliqué pour nous de trouver des financements – nous avons des financements sur projet. Au MRJC, la vie démocratique représente plus de 40 % de notre activité, mais elle n’est pas reconnue comme formation à la citoyenneté et au fait associatif.

Enfin, accorder le chef de filât à la région en matière de politique de la jeunesse nous semble important. Mais cela ne suffit pas : la région devrait aussi être chef de filât en matière d’éducation populaire, dont le rôle dans l’apprentissage de la citoyenneté est important. L’éducation populaire relève de la compétence des régions, or elle n’est mentionnée nulle part dans le projet de loi.

M. Christophe Paris (AFEV). La JDC fait logiquement partie du parcours pratique de l’engagement.

Les jeunes ont très envie de s’engager, mais sont frustrés de ne pas pouvoir le faire. Je vous invite à relire l’étude menée en 2006 par la Fondation de France, intitulée « Les 15-25, des individualistes solidaires » : elle a montré que les jeunes sont dans un parcours individualiste, parce que la société l’est, mais qu’ils développent d’autres valeurs. Notre problème à l’AFEV n’est pas de mobiliser des bénévoles, mais de trouver l’argent pour les encadrer. La notion d’obligation doit être appréhendée sous cet angle.

La durée du service civique est importante pour les jeunes eux-mêmes, mais aussi pour l’utilité sociale de leurs missions. L’utilité sociale, le lien social, que peuvent apporter les missions nécessite du temps. Il ne faut donc pas baisser la durée du service civique.

Il faut ensuite être prudent dans le développement des formes d’engagement. Faire du service civique un rouleau compresseur qui tuerait toutes les autres formes d’engagement serait une erreur fatale.

Nous sommes très favorables à la région chef de filât, mais toujours dans la logique d’une obligation pour les structures de permettre l’engagement partout. La région doit impulser, animer, coordonner l’engagement des jeunes sur le territoire. Les schémas régionaux sont une piste intéressante pour favoriser l’engagement des jeunes.

Enfin, les jeunes des quartiers populaires et les jeunes ruraux sont confrontés à des problématiques identiques : mobilité, réseaux, protection, services publics, etc. Politiquement, il s’agit de défendre une ambition collective commune.

Mme Marthe Corpet (UNEF). On ne peut pas imposer l’engagement. On peut, par contre, le promouvoir et l’encadrer. Pour cela, il faut d’abord assurer une protection aux jeunes qui s’engagent. À cet égard, nous saluons le service civique, puisqu’il donne un sens aux missions des jeunes qui reçoivent par ailleurs une indemnité. Il faut ensuite permettre aux jeunes de se réapproprier leur lieu d’engagement. En l’occurrence, il serait intéressant d’auditionner les lycéens sur les maisons des lycéens, qui sont des lieux d’engagement au sein des lycées, où les jeunes peuvent concevoir des projets sportifs, culturels, humanitaires ou liés à la citoyenneté, sur un temps court ou long. Au sein de l’université, la diversification des engagements – la majorité des étudiants s’engagent à l’extérieur de l’université – pose la question de leur protection en termes d’aménagement d’études.

Je ne partage pas l’idée de sélectionner les étudiants à l’entrée dans l’enseignement supérieur. À l’origine, le dispositif « meilleurs bacheliers » concernait les filières sélectives, notamment les classes prépas, révélatrices de fortes inégalités sociales – il s’agissait donc de casser la reproduction sociale, l’autocensure des jeunes. Non seulement, le dispositif n’est pas une solution de long terme pour démocratiser l’accès aux classes prépas, mais la problématique à l’université est tout autre : les difficultés de l’université sont principalement budgétaires pour accueillir l’ensemble des étudiants – d’où des sélections illégales dans certaines filières. J’ai donc du mal à comprendre que la réponse aux difficultés de l’université consiste à instaurer une sélection, alors que l’objectif est d’amener 60 % d’une classe d’âge dans l’enseignement supérieur, conformément à l’engagement du Président de la République. D’autres solutions existent. Il faut réfléchir à l’aspect budgétaire. Il faut aussi réfléchir à l’orientation et à la maîtrise de leur avenir par les jeunes, qui ne doivent pas être empêchés de rejoindre une filière « sciences », par exemple, s’ils ne sont pas titulaires d’un bac « S ».

Certes, la prime d’activité est accessible à certains jeunes, mais les critères sont tellement restrictifs que la majorité des étudiants n’y ont pas accès.

Sur le service civique, l’objectif n’est pas d’empêcher qu’il soit utilisé par tous, d’autant que les demandes sont supérieures aux offres. Par contre, certaines structures non agréées n’auront pas les outils pour assurer le suivi à long terme des missions. C’est un risque dont il faut tenir compte.

Enfin, sur la région chef de filât, déjà compétente dans la majorité des politiques en matière de jeunesse, je n’ai pas de position idéologique. Par contre, il existe énormément de dispositifs, ce qui est un frein à leur lisibilité. Il faut donc une cohérence : l’État doit continuer à organiser l’ensemble de ces dispositifs ; mais cela ne me pose pas de problème que la région ait un rôle à jouer dans l’unification des processus.

Mme Carolle Khouider (RNJA). La question du parcours est fondamentale pour le RNJA, qui revendique la reconnaissance du droit d’association des mineurs. Il faut semer les graines de la vie associative dans les établissements scolaires, où l’expérience pratique de la citoyenneté est malheureusement loin d’être une réalité. C’est plutôt la place de l’adulte qui pose problème : il devrait faire confiance aux jeunes. Les Juniors associations proposent un cadre de responsabilisation qui permet aux jeunes de s’auto-organiser. En étant responsables de leurs projets, de leur budget, de leurs contacts avec l’extérieur et les institutions, les jeunes se créent eux-mêmes des devoirs et sont reconnus dans l’exercice de leurs droits.

Je vous enverrai un argumentaire sur la responsabilité pénale.

M. Nicolas Le Roux (SIMPLON.CO). Qu’est-ce qui bloque l’engagement des jeunes ? Sans doute ne va-t-on pas les chercher au bon endroit. Les jeunes sont 3 % à adhérer à un syndicat et 4 % à un parti politique, 30 % sont engagés dans une association, mais 80 % sont sur les réseaux sociaux. Allons les chercher où ils sont ! La grande consultation publique sur le projet de loi numérique, porté par Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, a recueilli via une plateforme numérique 150 000 votes, notamment de jeunes sur des articles qui les concernaient directement : l’article sur la reconnaissance du e-sport, par exemple, a mobilisé une communauté de jeunes qui a voté sur un texte de loi !

Hier soir, à l’Assemblée nationale, Claude Bartolone et Axelle Lemaire ont présidé un « Mardigital#Civic tech ». Cela ne concerne pas que des gadgets, des pétitions en ligne. C’est un véritable levier d’engagement pour les jeunes, puisqu’ils sont présents sur Internet : profitons-en !

Mme la présidente Annick Lepetit. Peu d’entre vous ont parlé de la mobilité des jeunes, mais nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet. Il nous reste maintenant à enrichir le projet de loi. Merci beaucoup, mesdames, messieurs.

La Commission spéciale procède à l’audition de M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, lors de sa première séance du mardi 31 mai 2016.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous recevons M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, dont la mission générale est de garantir l’accès au droit. Concrètement, cela signifie que chaque citoyen rencontrant des difficultés dans l’un de ses quatre domaines de compétence – relations avec les services publics, lutte contre les discriminations, défense des droits de l’enfant et relations avec les professionnels de la sécurité – peut trouver auprès des services du Défenseur le soutien nécessaire pour faire valoir ses droits. « Faire la guerre à l’injustice, ressentie ou subie, qui naît de l’inégalité et ne peut être vaincue que par une réelle égalité des droits », telle était l’ambition que vous avez déclarée devant la commission des Lois au moment de prendre vos fonctions, monsieur le Défenseur des droits. Votre audition par la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi égalité et citoyenneté est donc particulièrement appropriée.

Ce texte visant à traduire et mettre en œuvre au niveau législatif les nombreuses mesures concrètes définies par le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) est structuré en trois titres. Notre commission a donc désigné, en plus du rapporteur général, M. Razzy Hammadi, trois rapporteurs thématiques : Mme Valérie Corre pour le titre Ier « Citoyenneté et émancipation des jeunes », M. Philippe Bies pour le titre II « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat », Mme Marie-Anne Chapdelaine pour le titre III « Égalité réelle et lutte contre les discriminations ».

Nombre des mesures contenues dans ce projet auront, nous le pensons, des conséquences positives pour vous aider à mener à bien vos missions, monsieur le Défenseur des droits. C’est donc très logiquement que plusieurs dispositions, notamment celles relatives à la mixité sociale ou au renforcement des sanctions pour propos ou attitudes racistes ou discriminatoires, sans oublier celles relatives à la maîtrise de la langue française, ont fait l’objet d’un projet d’avis de votre part. Nous avons hâte d’entendre votre analyse et les observations que vous avez à formuler.

M. Jacques Toubon, Défenseur des droits. Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté contient effectivement un grand nombre de dispositions de nature à soutenir l’action du Défenseur des droits en faveur de la défense de l’égalité, dans des domaines de la vie quotidienne tels que le travail ou le logement. Le Défenseur des droits a longtemps regretté que la lutte contre les discriminations et le combat pour l’égalité ne soient pas suffisamment à l’ordre du jour des pouvoirs publics : chacun conviendra que ce texte arrive tardivement – en l’occurrence, à la suite des tragédies que notre pays a connues en 2015. Pour autant, il a le mérite d’exister et, si le Parlement réussit à en achever la discussion avant l’automne pour une promulgation à la fin de l’année, il entrera en vigueur dès 2017 : nous pourrons alors considérer avoir fait un pas très important.

Le Défenseur des droits ne s’exprime pas en fonction de quelque idéologie ni même conviction personnelle que ce soit ; il est indépendant et impartial. C’est donc uniquement à partir de mon action quotidienne, afin de protéger les droits et de promouvoir l’égalité, que je m’exprime ici. Je vais formuler des observations sur le texte, mais aussi m’efforcer de l’enrichir en émettant quelques suggestions : je vois ce projet de loi comme un porte-avions servant de support à une multitude d’aéronefs ayant tous vocation à faire avancer concrètement l’égalité.

Au titre Ier, relatif à la citoyenneté et à l’émancipation des jeunes, l’article 15 prévoit la possibilité pour les mineurs de seize ans révolus, avec l’accord écrit préalable de leurs représentants légaux, d’être nommés directeurs ou codirecteurs de la publication de tout journal ou écrit périodique. J’approuve pleinement cette disposition, qui reprend une recommandation du Défenseur des droits soutenue dans un rapport du 27 février 2015 au Comité des droits de l’enfant des Nations unies, sur la mise en œuvre par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Certes, même si leur directeur de publication est mineur, de telles publications restent soumises aux dispositions de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, ainsi qu’au régime spécifique à la fonction de directeur de publication. La responsabilité des lycéens peut d’ores et déjà se trouver engagée, en leur qualité de complices, sur le fondement de l’article 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. J’estime donc qu’il s’agit d’une bonne mesure, étant précisé qu’elle devra être assortie d’un important dispositif d’éducation et d’information apportant aux jeunes concernés non seulement les connaissances propres à cet outil spécifique de communication qu’est la presse, mais aussi les notions juridiques de base qui s’appliquent à ce domaine – en particulier dans le domaine de la responsabilité. À ce sujet, nous sommes justement en train de mettre au point un programme d’éducation au droit que nous souhaitons développer à la rentrée prochaine.

Au titre II, relatif à la mixité sociale et à l’égalité des chances dans l’habitat, les articles 20 et 21 portent sur le rétablissement des équilibres sociaux. La recherche d’un équilibre entre le droit au logement et la mixité sociale constitue l’essence du volet « logement » du projet de loi. Dès 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) avait déjà proposé au Gouvernement un concept rénové de mixité sociale, en indiquant de quelle manière il pouvait s’appliquer. Il s’agit ici, non seulement de mettre fin à des pratiques qui conduisent à refuser l’accès au logement des demandeurs pourtant prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO), mais également de promouvoir la mixité sociale en favorisant l’accès des demandeurs les plus modestes aux logements situés hors des quartiers en difficulté – vers lesquels ils sont aujourd’hui principalement orientés –, et de cette manière rétablir l’égalité des chances pour ces derniers et lutter contre les risques de ségrégation territoriale.

Cette disposition devrait contribuer à garantir le droit au logement des plus modestes, dans le respect de l’égalité et de la non-discrimination. Le choix a été fait de substituer à une politique de mixité visant à implanter des classes moyennes dans les quartiers les plus défavorisés, dont l’échec est aujourd’hui patent, une autre politique consistant à encourager l’installation des demandeurs les plus modestes ailleurs que dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). J’approuve cette inversion de méthodes, d’autant qu’il avait été question en 2014 et 2015 d’évincer les plus modestes des QPV au motif allégué de ne pas accroître leur pauvreté : ce qu’il est convenu de désigner par l’expression « discrimination positive » a, à mon sens, toutes les chances de donner de bons résultats. Par ailleurs, je suis favorable à l’interdiction d’un refus d’attribution au seul motif de l’absence de lien avec la commune d’implantation du logement.

L’échelle communale me paraît inadéquate pour atteindre la mixité sociale attendue, l’attribution de logements donnant lieu à une « préférence communale » quasi systématique, ainsi qu’à des pratiques d’évitement voire de refus de demandeurs DALO pour ne pas aggraver la pauvreté dans les quartiers difficiles, comme le montrait l’étude publiée en mars dernier par le Défenseur des droits, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) – un service spécialisé rattaché au ministère du logement –, qui concluait à une aggravation de la concentration de la pauvreté dans les quartiers difficiles du fait du mode actuel d’attribution des logements.

J’appelle toutefois à la vigilance sur la complexité du dispositif proposé, dont la mise en œuvre risque de nuire à l’objectif affiché de mixité, et je préconise la délivrance d’une large information et d’une communication claire et lisible sur le nouveau cadre législatif à l’endroit des demandeurs : dans un système démocratique, que chacun sache à quoi il peut prétendre constitue une condition essentielle de l’accès au droit – il ne faut en aucun cas avoir le « droit honteux » au motif, par exemple, de la pénurie de logements. Par ailleurs, les intercommunalités devront nécessairement adhérer à ce dispositif et mettre en œuvre dans les meilleurs délais les nouvelles compétences qui leur reviennent.

Pour ce qui est de la procédure d’attribution, prévue aux articles 22 à 25 du projet de loi, je suis favorable à la clarification des critères de priorité d’attribution, redéfinis et harmonisés pour les différents dispositifs ou filières par lesquels le demandeur peut être reconnu prioritaire, qu’il s’agisse du recours DALO, des accords collectifs ou des critères généraux de priorité de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation.

Je soutiens l’implication explicite de tous les acteurs du logement social, bailleurs et réservataires, notamment les collectivités territoriales et Action Logement, dans la mise en œuvre du droit au logement des demandeurs prioritaires dans le respect des critères de priorité redéfinis, par des objectifs quantifiés à atteindre – en l’occurrence 25 %.

Je suis également favorable à la suppression immédiate des délégations aux communes de la gestion des logements réservés à l’État pour le logement des personnes défavorisées dans le cadre du contingent préfectoral, ainsi qu’à la logique de transparence engagée dans la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui se prolonge dans le présent projet de loi. Toutes ces mesures qui visent à une meilleure transparence des attributions et à impliquer tous les acteurs du logement dans la mise en œuvre du droit au logement répondent en effet à des recommandations formulées par le Défenseur des droits dans sa décision 2015-291 du 16 décembre 2015 sur l’accès au logement social.

Afin que les droits fondamentaux des demandeurs soient mieux garantis par la procédure d’attribution par les intercommunalités, je propose la création d’une obligation d’évaluation annuelle de ces dispositifs, afin de garantir leur adéquation avec les droits fondamentaux des demandeurs dans le temps. Par ailleurs, conformément à la recommandation du Défenseur des droits émise dans la décision n° 2013-206 du 20 juin 2013 sur le projet de cotation de la Ville de Paris, je propose la création d’une obligation de vérification du respect des droits précités par les systèmes de qualification de l’offre, à élaborer par les intercommunalités, en veillant notamment à ce qu’ils ne conduisent pas à conditionner l’accès des demandeurs aux caractéristiques des occupants en place, afin de ne pas reproduire les pratiques d’exclusion, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de mixité et de mobilité recherché.

Les articles 26, 27 et 28 du projet de loi ont pour objet de favoriser une occupation plus juste du parc social, avec un nouveau dispositif de modulation des loyers destiné à favoriser l’accès des plus modestes aux secteurs hors QPV, qui nous paraît pertinent. Par ailleurs, l’introduction de règles autorisant la fixation du loyer indépendamment du financement d’origine peut contribuer à la mise en œuvre de nouvelles modalités de calcul des loyers, définies en fonction de l’objectif de mixité sociale au sens du projet de loi et non du seul bâti. Je relève aussi avec satisfaction la reprise de mes recommandations relatives à la perte du droit au maintien dans les lieux, portées dans le cadre de la décision-cadre n° 2015-291 du 14 décembre 2015. Les effets attendus sur la mobilité, que permet de mesurer l’étude d’impact sur le nombre de locataires concernés, invitent à recommander la stricte application de la suppression des dérogations et exemptions, de même que la sanction des locataires qui ne répondent pas à l’enquête sur le supplément de loyer pendant deux années consécutives.

Je recommande également que soit reformulée la définition de la notion de sous-occupation figurant dans le code de la construction et de l’habitation, comme visant les logements HLM dont le nombre de pièces habitables, non compris la cuisine, est supérieur de plus d’une unité au nombre de personnes qui y ont leur résidence principale. En pratique, cela correspondrait à un F4 occupé par deux personnes ou un F3 par une personne. Toutes ces mesures doivent redonner de la mobilité au parc locatif.

Sur l’application du dispositif SRU figurant aux articles 29 à 32, que j’approuve, je considère que le recentrage sur les communes où la demande de logements sociaux est avérée démontre l’intérêt de disposer d’outils statistiques permettant d’objectiver la demande, afin d’en faire une aide à la programmation de l’offre. Au-delà de l’usage quantitatif qu’on pourrait en faire, ces statistiques pourraient aussi permettre à l’avenir de définir des objectifs qualitatifs, notamment en termes de typologie par financements – PLAI, PLUS, PLS –, en s’appuyant sur les données relatives aux revenus des demandeurs.

L’inclusion des terrains familiaux aménagés au profit de gens du voyage en demande d’ancrage territorial dans le décompte des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi SRU m’apparaît pertinente, au vu de la situation sociale de ces ménages qui répondent en majorité aux critères de demandeurs prioritaires.

Enfin, l’instauration de sanctions en cas de non-respect des objectifs qualitatifs constitue une avancée importante pour garantir le droit au logement des plus modestes, tout en poursuivant l’objectif de mixité sociale.

Au regard des enjeux que représente la maîtrise de la langue française, le Défenseur des droits estime qu’au-delà des mesures prévues à l’article 35 pour lutter contre l’illettrisme, le législateur devrait saisir l’occasion de ce texte pour instaurer un véritable « droit fondamental à la langue française » qui ne soit pas perçu comme purement symbolique, culturel, intellectuel, mais avant tout comme la capacité de nous comprendre en parlant tous la même langue – en l’occurrence, le français. Ce droit à la langue, qui pourrait être fondé sur les décisions prises au cours des années par le Conseil constitutionnel, aurait ensuite vocation à être décliné dans un objectif de cohésion sociale.

Le titre III, consacré à l’égalité réelle, comporte des dispositions majeures qui fournissent des outils essentiels à la lutte contre les inégalités. L’article 36 modifie la voie d’accès à la fonction publique, dite du « troisième concours », en ouvrant plus largement les portes de l’administration afin de permettre la diversification des profils socio-économiques. Si je me félicite de ce dispositif qui contribuera à ouvrir la fonction publique à une plus grande diversité de profils et de compétences, j’estime que le législateur devrait s’interroger davantage sur ce que l’on appelle les « emplois fermés », c’est-à-dire les emplois qui, d’une manière ou d’une autre, finissent par ne pas être attribués à tous : ils sont réservés à certains sur le seul fondement de la nationalité qui, je le rappelle, est aux yeux de la loi un critère de discrimination.

Ainsi, la loi du 16 juillet 1949 interdit-elle que la fonction de dirigeant ou gérant d’une entreprise ayant pour objet la publication ou l’édition d’un périodique destiné à la jeunesse soit assumée par une personne étrangère, alors même que d’autres textes permettent à une personne de n’importe quelle nationalité de diriger un journal : il y a là une contradiction à laquelle il convient de remédier.

De même, le Défenseur des droits a été saisi de la situation de 800 employés de la SNCF de nationalité ou d’origine marocaine. Ces derniers ont été recrutés au début des années 1970 sous un statut dit « PS25 », beaucoup moins avantageux que celui des cheminots, dans lequel ils ont été maintenus durant quarante ans. Dans plusieurs jugements de septembre 2015, le conseil des prud’hommes de Paris a condamné la SNCF pour discrimination. Je présenterai prochainement des observations en appel.

Les différences de traitement entre Français et étrangers, d’une part, et entre Européens et non-Européens, d’autre part, par le maintien d’une condition de nationalité pour l’accès à certains emplois, ne reposent plus sur aucun fondement légitime. Conformément aux propositions de mon rapport du 9 mai 2016 consacré à la question des droits fondamentaux des étrangers en France, je recommande le recensement de l’ensemble des emplois demeurant fermés aux étrangers dans le secteur privé en France – les dernières données exhaustives en la matière datent de 1999 – ainsi que la suppression des conditions de nationalité pour l’accès aux trois fonctions publiques, aux emplois des entreprises et établissements publics ainsi qu’aux emplois du secteur privé, à l’exception de ceux relevant de la souveraineté nationale et de l’exercice de prérogatives de puissance publique, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je salue le durcissement opéré par l’article 37 du texte, en particulier l’exclusion de l’excuse de provocation en matière d’injures racistes ou discriminatoires. Nous sommes favorables à la possibilité de requalifier les faits. De nombreux professionnels du droit, des avocats en particulier, y sont hostiles, mais cette possibilité nous paraît donner du poids à la lutte contre le racisme. De même, l’article 38 généralise opportunément les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie, actuellement prévues pour certaines infractions limitativement énumérées, à l’ensemble des crimes et des délits.

Je voudrais ici soulever un point délicat, à savoir l’affaiblissement de la répression qui pourrait résulter de la suppression dans la loi du mot « race ». Le projet de texte propose de réécrire l’article 132-76 du code pénal en remplaçant la notion d’infraction commise « à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une race » par celle d’infraction commise « pour des raisons racistes », suivi de « ou à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée ». Je reconnais l’intérêt symbolique et politique de cette démarche, mais je renvoie à l’avis que mon prédécesseur Dominique Baudis avait donné en 2013 sur la proposition de loi tendant à la suppression du mot « race » de notre législation. En particulier, il appelait l’attention des pouvoirs publics sur le risque de fragilisation des mécanismes juridiques de protection des victimes d’actes de racisme qui découlent des conventions internationales et européennes faisant référence à ces termes : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de l’ONU de 1965, la Déclaration sur la race et les préjugés raciaux de l’Unesco de 1978, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000 et les autres textes communautaires.

Le traité de fonctionnement de l’Union européenne emploie le mot « race » à deux reprises. Là encore, l’interprétation du mot a été précisée. Ainsi, dans la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique – la directive fondatrice en la matière –, il est précisé, au sixième considérant, que « l’Union européenne rejette toutes théories tendant à déterminer l’existence de races humaines distinctes. L’emploi du mot “race” dans la présente directive n’implique nullement l’acceptation de telles théories ».

En adoptant une recommandation de politique générale en 2002, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) – instance du Conseil de l’Europe chargée de combattre le racisme et toutes les formes de discrimination – n’a pas manqué d’affirmer : « tous les êtres humains appartenant à la même espèce, l’ECRI rejette les théories fondées sur l’existence de “races” différentes. Cependant, afin d’éviter de laisser sans protection juridique les personnes qui sont généralement et erronément perçues comme appartenant à une “autre race”, l’ECRI utilise ce terme dans la présente recommandation ».

On ne peut donc manquer de s’interroger sur les effets juridiques d’une démarche consistant à supprimer les termes « race » et « racial » tout en conservant le substantif « racisme », sans qu’il soit d’ailleurs précisé ce qu’il adviendra de l’adjectif « raciste » qui qualifie certains actes que l’on veut réprimer. Je souligne également la nécessité de ne pas fragiliser les procédures contentieuses en cours, les incriminations à caractère pénal étant d’interprétation stricte. Je m’interroge donc sur les effets de la démarche : des effets de droit peuvent-ils être rattachés à la notion de racisme dès lors que celle de race est abolie ? Par ailleurs, quelles vont être les conséquences probatoires d’une telle substitution imposant au juge d’interroger le mobile raciste du criminel ou du délinquant ? Concrètement, cela risque de réduire l’efficacité de la répression car, aujourd’hui, on sanctionne un comportement sans rechercher l’intention ou le mobile de son auteur. Je me permets d’insister sur l’importance de cette question, à mes yeux essentielle.

Enfin, je recommande que le sexisme soit considéré comme circonstance aggravante, comme le prévoit l’article 38 du projet de loi, et que le mot « sexe » soit intégré à la liste figurant à l’article 132-77 du code pénal, car le sexe et l’identité sexuelle sont deux notions bien distinctes. Le deuxième alinéa de cet article serait donc ainsi rédigé : « La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d’images ou d’objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle vraie ou supposée. »

J’en viens au sujet le plus important du titre III, à savoir l’article 41. Il a pour objet l’alignement des motifs discriminatoires prévus aux articles 1er et 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, afin de rendre plus efficace la protection prévue en matière civile sans que les victimes aient à s’adresser au juge pénal.

Un recul de dix années sur la mise en œuvre du régime juridique de lutte contre les discriminations conduit à penser que la voie pénale est la plus difficile, car elle est rarement permise par les parquets. C’est pourquoi il convient de privilégier la voie civile. Je soutiens donc l’ajustement législatif proposé, comme je l’avais déjà fait dans mon avis d’octobre 2015 concernant le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIsiècle. Dans les domaines où la voie civile est ouverte, nous avons la possibilité d’obliger le mis en cause à apporter la preuve de la non-discrimination, contrairement au principe qui prévaut en matière pénale. La création d’une voie de recours civile en matière d’accès aux biens et aux services pour l’ensemble des critères de discrimination apparaît donc tout à fait opportune, au même titre qu’une harmonisation du champ d’application des différents critères.

Le dispositif proposé appelle de ma part quatre propositions complémentaires. Premièrement, le critère de la perte d’autonomie, consacré par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, n’a été introduit qu’au premier alinéa de l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, et non à l’article à l’article 225-1 du code pénal. De ce fait, la modification envisagée de la liste des critères interdits énoncés dans ladite loi évince de cette liste la perte d’autonomie. Je propose que ce critère de discrimination soit ajouté à la liste de l’article 225-1 du code pénal.

Deuxièmement, je propose de remplacer, de manière générale et dans la liste des critères énoncés à l’article 225-1 du code pénal en particulier, le terme de « patronyme » par l’expression plus compréhensible de « nom de famille ».

Troisièmement, en application de l’article 2 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) que la France a ratifiée en 2010 après avoir adopté la loi du 11 février 2005 sur les droits fondamentaux des personnes handicapées, je souhaiterais l’introduction de la notion d’aménagement raisonnable comme corollaire du principe général de non-discrimination à l’égard des personnes handicapées. Il s’agirait de sanctionner le refus de procéder à de tels aménagements comme une discrimination. En adoptant cette disposition, qui créerait une obligation non pas de résultat mais de moyens, vous feriez considérablement avancer la cause des personnes handicapées.

Quatrièmement, je vous invite à profiter de ce texte pour préciser les termes et la portée du concept de harcèlement discriminatoire. Alors que trois directives sur l’égalité de traitement fondée sur le sexe indiquent que « le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination », l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 a transposé en droit interne la définition du harcèlement discriminatoire sans reprendre le terme de « harcèlement » et en définissant le comportement visé comme un « agissement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant ». Cette définition étant en décalage avec la définition de harcèlement du droit français, qui requiert des agissements répétés, je propose de préciser les textes en introduisant à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 la notion de « harcèlement discriminatoire », dans une définition de la discrimination ayant vocation à s’appliquer à l’ensemble des critères de discrimination prohibés. Cet alinéa serait ainsi rédigé : « 1° Le harcèlement entendu comme tout comportement indésirable, y compris isolé lorsqu’il est d’une particulière gravité, lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Je voudrais conclure en formulant des propositions qui, si elles ne sont pas directement liées au texte, me semblent néanmoins importantes si l’on veut atteindre l’objectif d’égalité.

Au-delà de la protection des droits, il me semble nécessaire de prévenir les discriminations et de promouvoir l’égalité. Pour être efficace, le renforcement du volet contentieux de la lutte contre les discriminations doit être assorti d’une réflexion en faveur de l’amélioration des dispositifs de prévention des discriminations collectives, notamment dans l’emploi. L’exemple de la promotion de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, ceux des travailleurs en situation de handicap et des seniors viennent rappeler qu’en dehors des obligations légales, les employeurs peinent à engager de réelles politiques d’égalité.

Si la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi est récemment venue préciser que la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et sur la qualité de vie au travail porterait désormais également sur les « mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle », le texte ne prévoit pas d’indicateurs et d’objectifs de progression permettant de suivre la réalisation de ces mesures. La transposition de la directive 2014-1995/UE relative à la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes, qui doit intervenir avant le 6 décembre 2016, constitue une opportunité pour imposer aux entreprises de faire figurer des indicateurs relatifs à l’égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations dans les informations non financières à publier. Le présent projet de loi pourrait prévoir la création d’obligations légales d’évaluation des politiques d’égalité qui soient garantes de leur performance et d’un dialogue social constructif.

Je recommande donc la création d’indicateurs permettant de documenter la question de l’ « égalité de traitement » – mesures prises en faveur de l’égalité entre femmes et hommes, des personnes handicapées, de la politique de lutte contre les discriminations – dans le rapport extra-financier des grandes entreprises visé à l’article L. 225-102 du code de commerce. Le Gouvernement devra modifier le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 relatif à la base de données économiques et sociales et aux délais de consultation du comité d’entreprise et d’expertise, afin qu’il prévoie des informations sur l’égalité de traitement, la prévention des discriminations, l’évolution de l’emploi des groupes protégés par le droit de la non-discrimination et les mesures prises en ce sens. Des audits obligatoires sur la prévention des discriminations dans les grandes entreprises et administrations publiques, éventuellement diligentés par une mission de l’inspection générale des affaires sociales spécialisée sur les questions de non-discrimination et d’égalité de traitement, pourraient voir leurs résultats présentés au Défenseur des droits. Enfin, un « référent égalité », dans les entreprises de 300 salariés et plus, pourrait jouer un rôle de conseil et d’expertise auprès des syndicats et des dirigeants ; il interviendrait en appui à la préparation de la négociation de l’accord national interprofessionnel (ANI) diversité et à la production des informations relatives à la non-discrimination. La formation des référents pourrait être assurée par le Défenseur des droits sur le modèle de celle des conseillers « informatique et libertés » à la CNIL.

En conclusion, j’aborderai un problème que me semblent poser les critères de l’orientation et de l’identité sexuelles. Le choix rédactionnel de les accoler dans la liste des critères de discrimination énumérés à l’article 6 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel tend à favoriser les amalgames, alors que ces deux notions renvoient à des réalités distinctes. Selon les principes de Jogjakarta de 2006 sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, l’orientation sexuelle se définit comme « la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus de sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus », tandis que l’identité sexuelle correspond à « l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire ». L’orientation sexuelle renvoie donc au registre des pratiques sexuelles tandis que l’identité relève de l’expérience personnelle du genre, qui peut être distinct du sexe assigné à la naissance. Le Défenseur des droits recommande donc que les deux critères de l’orientation sexuelle et de l’identité sexuelle soient séparés dans l’ensemble des textes modifiés par la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, afin d’assurer la pleine autonomie de chacun des critères.

Au-delà de cette modification, je rappelle qu’un groupe de travail organisé à l’initiative de Dominique Baudis sur la terminologie de la loi du 6 août 2012 a conclu que l’expression « identité sexuelle » était inappropriée pour désigner les personnes transsexuelles : la transidentité renvoie à une expérience intime et personnelle indépendante de la morphologie des personnes, comme l’a également souligné la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans un avis du 27 juin 2013. Pour protéger l’ensemble des personnes transsexuelles contre les actes et propos dont elles peuvent être victimes – je pense à ce qui se passe dans certains États des États-Unis –, qu’elles aient ou non entamé une démarche médicale de transition sexuelle, l’expression « identité de genre » devrait prévaloir sur celle d’« identité sexuelle ». La dénomination « identité de genre » constitue au demeurant une référence européenne et internationale
– inscrite dans les principes de Jogjakarta, les rapports du commissaire européen aux droits de l’homme, les rapports et directives de l’Union européenne ainsi que les résolutions du comité des ministres et de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Ce critère est également utilisé par la plupart des pays européens qui mettent en œuvre une protection spécifique des personnes transsexuelles tels que le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède ou encore Malte.

Une telle modification du vocabulaire ferait écho à l’adoption par l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, d’un amendement de M. Erwann Binet relatif à la modification du sexe à l’état civil, à l’article 18 quater du projet de loi de modernisation de la justice. Pour ma part, je propose de remplacer l’expression « identité sexuelle » par l’expression « identité de genre », plus claire et plus inclusive, afin de protéger l’ensemble des personnes transgenres contre toute discrimination et de supprimer toute ambiguïté pouvant exister avec la notion d’orientation sexuelle.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. En ce qui concerne le mot « race », nous avons interpellé les services du ministère de la justice, qui nous ont fait une réponse différant de la position que vous venez d’exprimer. Nous allons donc recontacter la Chancellerie à la lueur de vos explications.

Pour ce qui est des emplois fermés, j’aimerais que vous nous indiquiez précisément, sur la liste qui est connue, ceux pour lesquels l’exigence de la nationalité française est maintenue pour des motifs de souveraineté nationale.

Comment concilier la mesure des discriminations avec l’interdiction d’effectuer des statistiques ethniques ? Avez-vous des recommandations à formuler sur ce point ?

Vous nous avez fait part de vos préconisations relatives à des indicateurs de mesure de la diversité des recrutements dans la fonction publique, mais on sait que les discriminations ne sont pas seulement à déplorer dans le domaine de l’emploi : nombre de personnes se voient également refuser l’accès à une boîte de nuit ou à un club de sport en raison de leur patronyme ou pour « délit de faciès » : avez-vous des solutions à proposer dans ce domaine ?

Quelle est votre position au sujet de l’abolition du délit de blasphème en droit alsacien et mosellan ?

Selon vous, les propos discriminatoires tombant sous le coup de la loi doivent-ils être réprimés dans le cadre du droit de la presse, dont les dispositions sont plus favorables à la liberté d’expression ? Plus généralement, la protection des mémoires justifie-t-elle de faire garantir par la loi la vérité historique ?

En ce qui concerne les délits liés aux discriminations, des peines de substitution ne seraient-elles pas préférables aux aggravations de peines que vous avez évoquées ? Je pense, par exemple, à des stages de citoyenneté ou, comme l’a proposé par plaisanterie l’un de nos collègues, à une peine consistant, pour l’auteur de propos sexistes, à aller faire la vaisselle dans une association défendant les droits des femmes ?

Enfin, seriez-vous favorable à la création d’une agence nationale de la langue française, qui aurait pour mission de veiller à ce que chacun puisse accéder à la maîtrise de notre langue ?

M. Jacques Toubon. Pour ce qui est des emplois relevant de la souveraineté nationale et de l’exercice de prérogatives de puissance publique, je ne dispose pas de liste à vous soumettre, mais je peux faire effectuer une recherche et vous en communiquer les résultats.

Il existe d’ores et déjà de très nombreux moyens de procéder à des études et des recherches sur les origines et les appartenances ethniques, au sein des entreprises et ailleurs, pourvu que ces travaux ne donnent pas lieu à l’établissement d’une base de données publique. On peut se baser sur de multiples informations telles que le lieu de naissance, la nationalité des parents ou encore le patronyme, qui sont déjà utilisées par les instituts de recherche pour des études sur les discriminations. J’en veux pour preuve l’étude « Trajectoires et origines », publiée en février dernier par l’Institut national d’études démographiques (INED) à l’issue de dix ans de travaux.

Je suis un peu gêné pour vous répondre au sujet du blasphème en Alsace-Moselle. Comme on l’a dit au moment du massacre des journalistes de Charlie Hebdo, je ne pense pas que notre pays doive se lancer dans la poursuite du blasphème – et c’est en me souvenant de la fatwa lancée contre Salman Rushdie en 1989 que je vous dis cela.

Pour ce qui est des discriminations en matière d’accès aux biens et aux services, la prise en compte du critère d’origine par le présent projet de loi va constituer un outil efficace, non seulement en matière d’emploi, mais aussi dans tous les autres domaines de la vie.

Vous m’avez demandé si les dispositions antiracistes avaient vocation à être portées par les lois sur la presse ou par le code pénal. Il y a vingt ans, lorsque j’étais garde des Sceaux, j’étais favorable à ce qu’on les transfère dans le code pénal, notamment en raison des difficultés à poursuivre des injures racistes sur le fondement des lois sur la presse. Depuis, la loi a beaucoup évolué, notamment en matière de prescription. Lorsque Mme Christiane Taubira a évoqué cette question, je me suis de nouveau interrogé, et je pense que ce qui vous est proposé, consistant à maintenir le dispositif dans la loi sur la presse tout en y intégrant un certain nombre de principes issus du code pénal – ce qui constitue une véritable révolution juridique, je pense notamment à la requalification – est une bonne solution.

Au début des années 1990, j’ai fait partie de ceux qui ont combattu avec détermination la loi Gayssot, partant du principe que lorsqu’une vérité historique doit être garantie par la loi, c’est qu’elle est faible, et qu’à l’inverse, une vérité historique digne de ce nom n’a pas besoin du soutien de la loi. Nous étions alors nombreux, avec notamment Mme Simone Veil et l’historienne Madeleine Rebérioux, à craindre que cette loi n’ait un effet inverse à celui recherché, en offrant une tribune aux révisionnistes et aux fascistes. Si, près de trente ans plus tard, le bilan de la mise en œuvre de la loi Gayssot montre que cette inquiétude était infondée, il convient de faire preuve de la plus grande prudence en la matière. Il y a quelques années, les remarquables travaux de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les lois mémorielles ont souligné les dangers de telles lois, rejoignant en cela la position exprimée par de nombreux historiens.

Il y a un an, il a été demandé à M. Loïc Depecker, délégué général à la langue française et aux langues de France, de préfigurer la future Agence de la langue française. Une agence de lutte contre l’illettrisme, qui existait depuis plusieurs années, a récemment fusionné avec d’autres organismes. J’estime qu’à l’heure actuelle, indépendamment de ce que fait la délégation de la langue française du ministère de la Culture, la création d’une Agence de la langue française, qui s’appuierait sur le droit fondamental à la langue que je considère un droit de l’homme à part entière, nous permettrait de disposer d’une force de frappe supplémentaire, en accord avec la déclaration universelle de l’Unesco de 2001 sur la diversité culturelle et les diverses actions entreprises afin que les langues soient reconnues richesse culturelle et marqueurs de sociétés. Si votre assemblée décidait de prendre des dispositions en ce sens, elle aurait donc tout mon soutien.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Comme vous l’avez dit, il faut que l’accès à la langue soit une réalité pour l’ensemble de nos concitoyens. J’aimerais connaître votre avis sur une méthode européenne que les associations commencent à mettre en œuvre assez largement, à savoir le Facile à lire et à comprendre (FALC) qui, à mon sens, est de nature à pallier la vulnérabilité de nombreuses personnes qui éprouvent des difficultés de lecture et de compréhension.

Je partage votre avis sur la perte d’autonomie, qui doit être intégrée explicitement dans le texte.

M. Jacques Toubon. Il semble qu’il y ait eu une perte en ligne rédactionnelle qu’il convient de corriger !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Effectivement. De même, les aménagements raisonnables, qui suscitent de nombreuses discussions, doivent gagner la conscience des responsables.

M. Jacques Toubon. Nous comptons sur vous, madame l’ex-présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je m’y emploie, mais nous devons être plus nombreux à nous atteler à cette tâche, car c’est tout l’enjeu de la société inclusive à laquelle nous aspirons.

Je suis très sensible à la question du « référent égalité », une bonne suggestion que nous aurions intérêt à reprendre car elle aurait le mérite de couvrir l’ensemble des champs, que ce soit celui des personnes en situation de handicap ou celui individus discriminés en raison de leurs origines. Si cette notion a déjà commencé à être mise en application au sein des entreprises, nous devons réfléchir à la meilleure façon de regrouper les différents référents sous un vocable accessible à tous et permettant d’aller dans le sens de la reconnaissance des vulnérabilités dans nos sociétés, qui touchent tous les âges et pénalisent un grand nombre de personnes. Ce texte doit nous permettre d’ouvrir quelques pistes de réflexion en ce sens.

M. Michel Piron. Votre exposé portant sur la différence entre orientation et identité sexuelles était très intéressant. J’aimerais cependant vous interroger sur le cheminement intellectuel qui vous conduit à une conclusion, que je partage, au sujet de l’identité de genre. Vous avez défini l’identité sexuelle comme une donnée parfaitement intime et personnelle. Or il me semble que, derrière la question de l’identité, se profile le très ancien débat entre nature et culture. L’identité sexuelle est-elle réellement personnelle ou plutôt interpersonnelle ? dans cette dernière hypothèse, nous serions obligés de considérer une certaine objectivité de l’intersubjectivité.

Par ailleurs, l’identité est-elle un constat – j’existe – ou une question – qui suis-je ? – ? Si, je le répète, je partage votre conclusion sur le fait qu’il est préférable de parler d’identité de genre, j’avoue rester perplexe sur la notion d’identité sexuelle perçue comme une notion d’identité personnelle.

M. Bernard Lesterlin. Au sujet du troisième concours dont il est question à l’article 36, pensez-vous qu’en conditionner l’accès à la réalisation d’un engagement citoyen serait une disposition discriminante ?

En 2004, la loi Perben 2 a introduit dans notre droit pénal une peine complémentaire de stage de citoyenneté. Or, en 2000, après des émeutes dans les banlieues, nous sommes passés du service civil volontaire au service civique afin de souligner l’importance de l’éducation civique et citoyenne – qui, par définition, n’est pas une peine. Il me semble qu’il peut y avoir, à l’article 37, un amalgame malheureux entre des valeurs positives et des mesures pénales qui, pour être pédagogiques, n’en sont pas moins des peines, donc des sanctions négatives. Ne pensez-vous pas que ce texte sur la citoyenneté puisse être l’occasion de substituer dans notre code pénal l’expression « stage d’apprentissage des droits » à celle de « peine de stage de citoyenneté » ? Certes, cela fait douze ans que cette disposition figure dans le code pénal, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Mme Gilda Hobert. L’article 18 du projet de loi prévoit la création d’une grande école du numérique à destination des jeunes décrocheurs. Vous avez écrit dans votre rapport annuel que la dématérialisation des services publics constituait un facteur de fragilité, puisque tous les publics ne maîtrisent pas l’usage d’un ordinateur et ne disposent d’ailleurs pas toujours d’un accès aisé à l’informatique. En plus des mesures mises en place par l’école, certaines bibliothèques municipales et associations, ou encore le dispositif Canopé, pour faire régresser les inégalités d’accès, quelles préconisations feriez-vous pour accompagner les évolutions des outils de l’information et de la communication, qui peuvent être un facteur d’exclusion dans une société où la dématérialisation devient la norme ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Je remercie le Défenseur des droits pour sa disponibilité et pour la précision de son propos, mais aussi pour le caractère très concret de ses observations et préconisations.

Dans la réflexion sur l’action de groupe contre les discriminations, qui s’inscrit désormais dans le projet de loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle, nous avions évoqué la question d’un fonds de soutien aux victimes de discriminations qui pourrait s’inspirer du modèle québécois. Quelles sont vos réflexions sur ce point ?

Que pensez-vous du filtre des associations nationales agréées de consommateurs dont est assortie l’action de groupe qui, du point de vue de l’autorité de la concurrence, semble aujourd’hui perdre de sa pertinence ? Je sais que le Défenseur des droits est fréquemment confronté à cette question, notamment au niveau départemental.

J’aimerais également connaître votre avis sur une disposition qui figurait dans le texte présenté au Conseil d’État et ne s’y trouve plus, à savoir la possibilité pour les conseils citoyens de se saisir de difficultés locales, d’interpeller le préfet à ce sujet et d’entrer en contact avec un délégué du Gouvernement.

Enfin, en matière de discriminations au sein des entreprises, pouvez-vous nous dire un mot sur l’enjeu des entreprises publiques et parapubliques ?

M. Jacques Toubon. La question que m’a posée monsieur Piron au sujet de l’identité est extrêmement intéressante, mais il m’est impossible d’y répondre dans le peu de temps dont je dispose. Je me bornerai donc à souligner que, pour moi, l’expression « identité sexuelle » ne veut rien dire.

Nous nous intéressons beaucoup à la méthode du « Facile à lire et à comprendre » en concertation avec les associations et d’autres acteurs. Les personnes s’adressant au Défenseur des droits sont très souvent particulièrement vulnérables. Or, le déficit cognitif fait partie des vulnérabilités prises en compte dans le cadre de la loi du 11 février 2005, et il est important que chacun puisse connaître et comprendre les voies de recours dont il dispose.

Monsieur Lesterlin, je ne suis pas certain d’avoir bien compris le sens de votre question : souhaitez-vous qu’il faille avoir accompli un service civique pour pouvoir accéder au troisième concours ?

M. Bernard Lesterlin. À certains concours, quand cela semble utile pour l’exercice des professions correspondantes.

M. Jacques Toubon. Je n’y vois pas d’objection.

En ce qui concerne la modification de la loi Perben 2, je pense que votre proposition aurait effectivement pour effet de la rendre plus « civilisée ».

Pour répondre à madame Hobert, je rappelle que nous avons proposé dans notre rapport d’activité, mais aussi et surtout lors de la discussion du projet de loi pour une République numérique, que, chaque fois que la dématérialisation est imposée aux usagers par une administration ou un service public, elle s’accompagne de l’obligation de proposer une alternative papier ou un service d’accompagnement de la procédure informatique. Nous n’avons pas été entendus, et je le regrette, car une telle mesure me paraît tout à fait justifiée. J’ajoute que nous avons lancé, avec l’Institut national de la consommation (INC), une enquête sur les conséquences de la dématérialisation sur l’accès aux caisses d’allocations familiales, aux caisses d’assurance maladie et au Pôle emploi, dont les résultats, qui seront communiqués au mois de juin, pourront peut-être appuyer notre démarche.

Pour ce qui est de l’action de groupe évoquée par le rapporteur général, nous considérons depuis le début qu’il ne faut pas filtrer les demandes des consommateurs, ni par les associations ni par les syndicats, mais ouvrir le plus largement possible l’action, en particulier dans le domaine des discriminations. Pour cela, des mesures de financement des frais de justice sont nécessaires et, de ce point de vue, le modèle québécois semble tout à fait approprié – c’est sur le bénéfice tiré des actions de groupe que l’on prélève une sorte de taxe servant à financer un fonds.

Je ne suis pas en mesure de vous répondre au sujet du délégué du Gouvernement, car je ne vois pas de quoi il s’agit. Tout ce que je peux dire, c’est que les 430 délégués du Défenseur des droits sont présents sur le territoire et y jouent un rôle important, notamment vis-à-vis des administrations.

Enfin, j’insiste sur le fait que toutes les mesures proposées ont évidemment vocation à s’appliquer en priorité aux grandes entreprises du secteur public. En 2009, la HALDE, en application d’une loi qui venait d’être votée, a fait procéder à un audit des sociétés de France Télévisions par l’IGAS : le rapport fort intéressant qui en a résulté a été peu commenté. C’est pourtant en effectuant de telles démarches et en s’appuyant, bien sûr, sur le travail réalisé au plan international par l’ONU et au plan national par la plateforme France Stratégie, dont M. Pisani-Ferry est le commissaire général, et bien d’autres initiatives, que nous serons en mesure d’asseoir un certain nombre d’obligations en matière de lutte contre les discriminations. Peut-être convient-il de les mettre en œuvre progressivement, en commençant par les entreprises les plus susceptibles de les supporter, mais je suis persuadé que ces obligations ne constituent en rien un obstacle à la compétitivité. Bien au contraire, que les entreprises françaises soient championnes de l’égalité constitue, de mon point de vue, la meilleure façon de nous montrer exemplaires sur les plans juridique, politique et social, mais aussi sur le plan économique !

Mme la présidente Annick Lepetit. Monsieur le Défenseur des droits, je vous remercie pour votre intervention qui a utilement éclairé nos travaux.

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème « Politique de la ville », lors de sa deuxième séance du mardi 31 mai 2016, avec la participation de :

– M. Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois ;

– Mme Clotilde Bréaud, présidente du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) ;

– M. Sébastien Jallet, commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine du Commissariat général à l’égalité des territoires ;

– M. Jean Daubigny, président de l’Observatoire national de la politique de la ville.

Mme la présidente Annick Lepetit. Notre table ronde est consacrée à la politique de la ville.

Le titre II du projet de loi « Égalité et citoyenneté » porte sur la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’habitat. Cette question doit s’entendre de façon large : si l’accès au logement social est, bien entendu, fondamental, il s’intègre dans l’environnement plus large du cadre de vie et du renouvellement urbain.

Cette table ronde réunit à la fois des représentants de structures institutionnelles et des acteurs de terrain :

M. Jean Daubigny est président de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), dont le rapport pour l’année 2015 dresse une première géographie des quartiers prioritaires et de leur mode de vie ;

M. Sébastien Jallet est commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), dont le pôle contribue à la mise en œuvre de la politique de la ville ;

M. Olivier Klein est maire de Clichy-sous-Bois et vice-président du Conseil national des villes (CNV). Cette instance de consultation sur les projets de loi comportant des dispositions relatives à la politique de la ville a rendu, le mois dernier, un avis sur notre projet de loi « Égalité et citoyenneté » ;

Mme Clotilde Bréaud est présidente du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ). Ces régies de quartier ont notamment pour objectif d’apporter des réponses concrètes aux habitants, de les impliquer dans les actions collectives et d’améliorer leur cadre de vie. Le retour d’expérience de votre comité ainsi que votre analyse nous seront donc particulièrement utiles.

M. Jean Daubigny, président de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV). L’Observatoire national de la politique de la ville a succédé, depuis le mois de janvier dernier, à l’Observatoire des zones urbaines sensibles (ONZUS). C’est donc un organisme jeune, même s’il fonde son travail sur les séries d’observations accumulées par ses prédécesseurs. Je tiens ici à votre disposition une synthèse de notre rapport de 2015 qui a été élaboré en trois mois, dont l’avant-propos rappelle qu’il s’agit d’un rapport de transition.

L’Observatoire, par la loi de 2014, a reçu une mission nationale mais qui doit s’articuler avec l’observation locale et avec la mission du Conseil national des villes – les deux assemblées ont des membres communs. La répartition des compétences fait que notre attention porte sur la collecte des données et sur l’évaluation des politiques. Nous pouvons aussi, si nous le jugeons utile, faire des préconisations. C’est une possibilité que nous a donnée le ministre de la ville, Patrick Kanner, en installant l’Observatoire le 19 janvier 2016. Nous nous inscrivons plutôt dans la longue durée et dans une cinétique un peu plus lente. C’est au CNV que revient la mission de donner des avis sur les textes qui sont proposés, cette compétence n’étant pas reconnue à l’Observatoire.

L’Observatoire entend bien répondre à la nécessité, relevée par son organisme prédécesseur, de passer de la collecte de données à l’évaluation, autrement dit de porter une appréciation sur les politiques de la ville qui ont une influence sur la vie des quartiers de politique de la ville (QPV). Cette mission portera sur la géographie réformée par la loi de 2014 : nous continuerons de suivre les anciennes zones prioritaires, et nous consacrerons la plus grande partie de nos travaux à la constitution des nouvelles séries sur les quartiers prioritaires issus de la loi de 2014, et à l’observation des politiques qui seront appliquées, qu’elles soient spécifiques ou de droit commun.

Quelques mots sur le rapport transitoire de 2015. Selon certains commentaires, un peu trop rapides, qui en ont été faits, soit la situation dans les quartiers s’est aggravée, soit la politique de la ville ne permet pas d’observer d’évolution. Les données collectées par l’Observatoire, selon une démarche d’inspiration scientifique, ne permettent pas de suivre ces appréciations. L’une des raisons tient au changement de géographie, même si la nouvelle est à peu près raccord avec l’ancienne. Une autre est liée au fait que jusqu’à présent, notre observation a porté davantage sur des territoires que sur des populations. Or l’Observatoire que j’ai l’honneur de présider entend regarder quelle est l’évolution des populations – celles qui sortent des quartiers prioritaires et celles qui y entrent. Une démarche raisonnée nécessite, non de distinguer, mais d’analyser ce qui se passe à la fois sur les territoires et pour les cohortes de populations.

Sans vouloir continuer à m’y référer de manière excessive, ces commentaires ont gommé un peu rapidement quelques aspects. D’abord, les résultats du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), traduisent l’évolution considérable des paysages de tous les quartiers ayant fait ou faisant encore l’objet des travaux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont le deuxième programme démarre. Les habitants eux-mêmes constatent l’amélioration de leur cadre de vie et de leur logement. Ces améliorations ne peuvent pas se constater de la même façon dans d’autres domaines, et s’il me paraît excessif de parler de dégradation, des interrogations fortes subsistent.

En matière d’emploi, par exemple, les difficultés des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville sont tout à fait affirmées par les éléments statistiques et qualitatifs ; la différence est certaine au sein même des agglomérations auxquelles appartiennent ces quartiers. Ces mêmes éléments de difficultés et d’inégalités se retrouvent dans le domaine de la sécurité et du sentiment d’insécurité, étant entendu qu’il faut bien distinguer le sentiment d’insécurité dû au voisinage et le sentiment d’insécurité dû aux atteintes aux biens.

En matière de politique du logement, grâce aux grands programmes qui ont été engagés, des évolutions positives sont constatées. Reste que les quartiers prioritaires sont rarement attractifs pour les populations qui ne sont pas concernées par le logement social. Comment le seraient-ils avec une telle concentration d’habitat social ? Dans les villes et agglomérations dynamiques, on note un assez faible renouvellement de la population habitant dans le logement social, en raison de trois phénomènes : une forme d’enfermement ; un fort attachement de la population à son quartier ; la difficulté à trouver un logement social ailleurs – un élément essentiel sur lequel nous allons nous pencher à l’avenir.

Pour ce qui est de l’éducation et de la formation, là aussi, la géographie conduit deux tiers des jeunes du niveau du collège à fréquenter des établissements scolaires où ils représentent l’essentiel de la population.

Je tire de tout cela la conclusion, très provisoire, qu’il y a incontestablement toujours une forme de vie sociale autonome, pas toujours choisie, dans ces quartiers. Disons-le autrement : la mixité reste à faire. Je crois que c’est l’essentiel qui nous attend.

M. Sébastien Jallet, commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine au commissariat général à l’égalité des territoires. Les enjeux d’égalité et de citoyenneté revêtent, dans les territoires de politique de la ville, une importance particulière. Cette politique de la ville connaît actuellement une réforme d’ampleur. La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, du 21 février 2014, dite loi Lamy, a remis à plat tous les outils d’intervention, tracé une nouvelle géographie des quartiers prioritaires, défini de nouveaux projets de renouvellement urbain portés par L’ANRU, et exploré une nouvelle façon d’impliquer les politiques de droit commun via des conventions interministérielles d’objectifs, et d’associer les habitants, avec la mise en place des conseils citoyens.

Il ne s’agit pas d’une réforme de rupture. Elle prend appui sur l’expérience de quarante années d’action publique en direction des quartiers de la politique de la ville, pour s’inscrire dans une certaine filiation avec les chantiers engagés précédemment.

C’est une réforme de relatif consensus politique, économique et social puisqu’elle a été préparée, en 2012 et 2013, en concertation avec l’ensemble des acteurs, des professionnels et des élus locaux, avant d’être présentée devant les deux chambres du Parlement, où elle a été adoptée à une majorité qui dépasse le cadre habituel.

Cette réforme est maintenant en place, avec la conclusion de 435 contrats de ville en 2015 dans les territoires. On pourrait essayer d’en dresser un bilan d’étape sur la base des différents critères caractéristiques des ambitions affichées par la loi de programmation.

Une première ambition est l’implication des intercommunalités et des agglomérations, là où se trouvent les enjeux de solidarité fiscale et financière entre les communes de l’agglomération ; là où peuvent se déployer efficacement les politiques de logement, de développement économique, d’habitat. Sur les 435 contrats de ville conclus l’an dernier, 63 % relèvent d’une agglomération, d’une intercommunalité ; 37 % ne le sont pas parce que l’intercommunalité est une communauté de communes qui n’a pas pris la compétence politique de la ville. Pour autant, elle est bien signataire du contrat au titre de ses compétences propres. De ce point de vue, l’objectif fixé par le législateur a été satisfait.

Les contrats intégrés, qui traitent dans un même mouvement des enjeux de cohésion sociale, de renouvellement urbain et de développement économique, constituaient une deuxième ambition exprimée dans la loi. Effectivement, ces contrats de nouvelle génération reposent bien sur ces trois piliers et intègrent de façon novatrice la question du renouvellement urbain, avec des protocoles de préfiguration qui sont en phase d’examen à l’ANRU et qui permettront, dans les prochaines années, de développer de nouveaux projets pour restructurer les quartiers prioritaires.

Troisième ambition affichée par la loi, l’implication des politiques de droit commun. Cela s’est traduit par la signature des nouveaux contrats de ville par l’ensemble des services publics avec, au-delà du premier cercle constitué du préfet, des communes et des intercommunalités, l’adhésion des départements et des régions de façon quasi systématique, celle des bailleurs sociaux, des caisses d’allocations familiales (CAF), de Pôle emploi, des antennes de la Caisse des dépôts et consignations dans trois quarts à quatre cinquièmes des contrats de ville, ainsi que l’implication des rectorats, des Agences régionales de santé (ARS), des procureurs de la République. Bien sûr, au stade de la conclusion du contrat, il ne s’agit que d’un engagement de principe, dont il faudra s’assurer dans la durée qu’il sera suivi d’effets concrets et visibles. Mais c’était un préalable pour agir efficacement par la suite.

La loi de programmation avait pour quatrième ambition d’associer les premiers concernés par ces politiques, à savoir les habitants eux-mêmes. Chacun des 1 500 quartiers prioritaires devait être doté d’un conseil citoyen pour organiser la coconstruction des actions avec les habitants et les acteurs des quartiers. Nous procédons tous les six mois à un état des lieux en interrogeant les préfets. À l’occasion du dernier en date, au mois de mars dernier, nous avons recensé 630 conseils citoyens installés, dont la composition est fixée par arrêté préfectoral, et 230 conseils citoyens en cours d’installation. Cela nous permet de dire qu’à l’été 2016, près de 860 conseils citoyens fonctionneront dans les territoires.

Cette réforme étant maintenant en place et inscrite dans les contrats de ville, l’enjeu est naturellement d’aller plus loin. Le projet de loi qui vous occupe semble comporter deux avancées majeures pour les quartiers prioritaires et la politique de la ville.

La première avancée consiste à remettre en question les processus, volontaires ou involontaires, de relégation et de concentration des ménages pauvres et précarisés dans les mêmes territoires. Le titre II vient, à cet effet, renforcer les actions en matière de mixité sociale, de répartition du parc social dans les agglomérations et d’attribution équilibrée des logements sociaux à l’échelle des agglomérations.

La deuxième innovation majeure est celle de la coconstruction, via l’implication des conseils citoyens, ces derniers se voyant conféré par l’article 34 du texte le droit d’interpeller le préfet, et, à travers lui, l’ensemble des pouvoirs publics associés au contrat de ville, pour signaler des difficultés qui se posent concrètement dans le quartier. Le contrat de ville pourrait même être remis sur le métier s’il s’avérait que les actions qu’il comporte ne permettent pas de répondre efficacement à ces difficultés. C’est une façon de donner davantage de contenu, d’attributions concrètes aux nouveaux conseils citoyens.

Je conclurai en soulignant deux éléments que les médias et les commentateurs n’ont pas assez relevés dans le rapport 2015 de l’ONPV.

Premièrement, si la situation est difficile dans les quartiers, c’est essentiellement parce que la crise qui sévit depuis 2008 s’y fait beaucoup plus durement ressentir qu’ailleurs. On le voit à travers beaucoup d’indicateurs, comme le taux de chômage et le taux de pauvreté qui, depuis 2008, ont augmenté 2 à 2,5 fois plus que la moyenne nationale. C’est le signe que ces territoires sont sans doute ceux qui sont le plus en difficulté dans notre pays.

Deuxièmement, que la situation des nouveaux quartiers prioritaires soit plus difficile que celle des zones urbaines sensibles qui les ont précédés démontre que la réforme de la géographie prioritaire n’a pas manqué son objectif et a bien recentré la politique de la ville sur les territoires qui en ont le plus besoin. C’est un bon indicateur de la pertinence de la réforme opérée par la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Mme Clotilde Bréaud, présidente du Comité national de liaison des régies de quartier. Depuis les assises des régies de quartier en 2010, le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) a affirmé officiellement son rôle de relais de la parole des habitants de leur territoire. C’est à ce titre que je vais m’exprimer, et nous avons beaucoup à dire sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté ».

Le réseau des régies comprend 137 associations, autant de villes, de communautés de communes ou d’agglomération, de territoires d’implantation comportant généralement plusieurs quartiers anciennement en zone urbaine sensible (ZUS). Tous comptent au moins un quartier prioritaire et, bien sûr, des quartiers en veille. Entre 2 et 3 millions de personnes habitent sur le territoire d’une régie de quartier, et 300 bailleurs sont partenaires. Un flux annuel de 6 000 à 7 000 salariés, équivalant à 4 500 équivalents temps plein, anime l’ensemble du réseau, auxquels il faut ajouter plus de 2 000 bénévoles impliquées dans une régie. Les missions des régies et leurs activités relèvent tout à fait des objectifs des politiques publiques de la ville, de l’emploi, de la formation, de la cohésion sociale, des programmes d’insertion du Fonds social européen (FSE), et autres.

La citoyenneté et l’émancipation des jeunes, auxquelles est consacré le titre Ier du projet de loi, nous préoccupent beaucoup. Dans les quartiers prioritaires, la concentration de jeunes au chômage est très forte. Notre réseau avait déjà mis en œuvre un important programme de soutien en direction des jeunes grâce aux contrats d’avenir ; nous lançons maintenant un nouveau programme sur le service civique. L’expérience que nous avons déjà eue avec le service civil nous a, en effet, montré tout l’intérêt d’un dispositif qui permet à des jeunes de s’engager dans une activité d’intérêt général, étape souvent décisive d’une implication active de leur part dans leur environnement social. J’entends qu’on demande la reconnaissance des compétences acquises lors d’un service civique. La validation des acquis de l’expérience (VAE) est un bon support. Il ne faudrait pas qu’elle soit seulement réservée aux jeunes de l’enseignement supérieur.

Dans le cadre du service civil, l’offre de postes de proximité est un problème peu abordé. Ces postes devraient être accessibles aux jeunes des QPV les plus en difficulté, qui sont peu mobiles hors de leur quartier. Il faut bien voir que le service civique reste un dispositif trop haut de gamme et pas assez accessible aux jeunes les moins qualifiés. L’ouverture du vivier des employeurs au monde HLM augmentera la capacité de l’offre, à condition, bien sûr, que le tutorat de ces jeunes soit réellement adapté à leurs besoins.

L’autonomie des jeunes est conditionnée à leur accès au logement. Lors de nos assises, nous avions proposé des mesures comme l’ajustement des aides au logement pour que les jeunes aient un reste à vivre suffisant, le développement dans le parc très social de l’offre de logements de petite taille et le soutien à l’intermédiaire locatif.

Notre réseau ne peut être que favorable à la mixité sociale. Nous constatons comme une évidence que la concentration d’habitants les plus pauvres dans les QPV constitue un handicap majeur pour la cohésion sociale, qu’elle peut favoriser le risque de déviance civique, le repli sur soi, le communautarisme autoritaire en tant que seul recours aux solidarités de survie. Comme l’a dit M. Daubigny, les habitants de ces immeubles en QPV n’ont pas eu le choix de leur lieu d’habitat, ce qui peut être ressenti comme une assignation civile, une injustice sociale et une impuissance à partir ailleurs.

Nous sommes partisans de tout ce qui peut contribuer à favoriser la construction de logements sociaux hors des QPV et aider les personnes qui le souhaitent à quitter leur QPV.

Le projet de loi vise également à rendre plus attractifs les quartiers d’habitat social et les quartiers prioritaires. Lors de nos assises, en 2010, nous avions insisté sur le retour dans les quartiers prioritaires de services publics rénovés, repensés et associant les habitants afin que l’offre leur soit adaptée.

S’agissant de l’effort de maîtrise de la langue française, nous nous félicitons de voir cet enjeu réaffirmé dans le texte. Nous partageons les remarques du CNV concernant la diminution des moyens financiers des actions de proximité, qui bénéficiaient aux ateliers sociolinguistiques et aux programmes destinés aux primo-arrivants.

Permettez-moi de faire un détour par la réforme de la formation professionnelle. Dans les années 2000-2002, nous avions obtenu, par notre organisme paritaire collecteur agréé (OPCA), que la lutte contre l’illettrisme soit inscrite et financée dans les programmes de la formation professionnelle. La réforme, en instituant des parcours obligatoires vers des certifications, a beaucoup restreint les possibilités pour les personnes non diplômées et pour tout ce qui concerne la formation préprofessionnelle, notamment la lutte contre l’illettrisme. Uniformation, notre OPCA, a fait l’effort de conserver des lignes budgétaires, mais il est très insuffisant par rapport à celui que faisaient les régies de quartier jusqu’à la réforme de la formation professionnelle. Il est indispensable de trouver des solutions dans ce domaine.

Une grande inégalité dans l’accès à la citoyenneté n’est pas prise en compte dans le projet de loi : le refus du droit de vote aux élections locales que subissent des personnes étrangères hors Union européenne. Ces personnes vivent pourtant depuis de nombreuses années en France, et pour beaucoup dans des territoires populaires, et elles contribuent ou ont contribué à la richesse nationale par leur travail et à la cohésion sociale par leur implication dans la vie locale. Alors que leurs enfants nés en France votent, elles ne comprennent pas ce refus qu’elles considèrent comme contraire aux valeurs républicaines. Il me semble pourtant qu’actuellement les discours officiels font beaucoup référence à ces valeurs républicaines, et que des personnalités appartenant à divers partis politiques, de droite comme de gauche, ont estimé souhaitable que ce droit leur soit accordé.

Depuis les événements tragiques de 2015, les populations de ces quartiers subissent dans une grande souffrance l’amalgame entre terrorisme et quartiers populaires, la stigmatisation globalisante de leurs habitants d’origine étrangère et une image dévalorisée de leur quartier. L’adoption de cette réforme sera le signe tangible de la reconnaissance de leur appartenance à la communauté nationale. N’est-il pas temps que les parlementaires se mobilisent pour parvenir à une solution ?

M. Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois. Sachant que le CNV, dont je suis le vice-président, sera auditionné dans quelques jours, j’interviendrai ici comme maire de Clichy-sous-Bois. En tant que citoyen et homme politique, je partage totalement les propos de Mme Clotilde Bréaud sur le droit de vote des résidents hors UE. On peut en effet se demander pourquoi, à ce moment du quinquennat, un texte sur l’égalité et la citoyenneté n’y fait pas référence. Dans le même esprit, nous sommes un certain nombre de maires à être prêts à expérimenter le dispositif de délivrance d’un récépissé après un contrôle d’identité.

La question de l’école et de l’éducation me paraît devoir être soulignée comme une autre lacune du projet de loi. Cela figure dans l’avis du CNV. Les différents comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) ont fait plusieurs propositions concernant l’école. L’une vise, en particulier, à faciliter l’accès aux classes préparatoires des élèves des quartiers populaires. Je crois qu’il faut aller plus loin et faire en sorte que les classes préparatoires aux grandes écoles soient dans nos établissements. Il n’est pas normal, par exemple, que le lycée de Clichy-sous-Bois soit le seul à ne pas avoir de classe préparatoire quand tous les établissements des alentours en ont une. Il faut inverser la donne. Une classe préparatoire génère de l’ambition, amène dans les établissements des enseignants expérimentés dont les compétences peuvent profiter à tous.

Le projet de loi aurait également pu traiter de la scolarisation des enfants de moins de trois ans dont tout démontre qu’elle est un facteur de succès. Or dans les villes comme la mienne, le problème de cette scolarisation est d’ordre financier. J’ouvre deux très petites sections à la prochaine rentrée, et l’embauche de deux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) supplémentaires s’avère délicate. Cela se fera forcément au détriment d’autre chose.

Au titre de la politique de la ville, le CNV et l’ensemble des acteurs de la politique de la ville sont très attentifs aux programmes de la réussite éducative. Selon certains rapports, ces programmes ne seraient pas à la hauteur des attentes. Je ne sais pas d’où viennent ces rapports, mais très honnêtement, sur de nombreux territoires, les programmes de la réussite éducative, qui mettent en place un suivi personnalisé des familles les plus fragiles en collaboration avec l’éducation nationale et les différents partenaires, sont un succès. Je pense que Sébastien Jallet partagera cette analyse.

S’agissant du texte lui-même, il peut apparaître comme déséquilibré compte tenu de l’importance du titre II sur l’habitat. Néanmoins, il fallait qu’on ait la volonté de travailler sur la mixité sociale en faisant en sorte que les populations les plus fragiles soient mieux réparties sur le territoire. Mais comment les qualifier ? Sur certains territoires, on pourra bien viser les 25 % les plus fragiles, les 75 % restants seront encore très fragiles.

Comment, aussi, construire le parcours résidentiel, les programmes locaux de l’habitat (PLH) ou les plans de rénovation urbaine ayant démontré que ces familles souhaitaient rester dans leur ville parce qu’elles la connaissaient et y avaient leurs attaches ? Il ne suffit pas de leur dire d’aller ailleurs, il faut aussi qu’elles en aient envie.

Ensuite, en tant que vice- président du conseil de la métropole du Grand Paris, je ne vois pas bien comment le titre II sur l’habitat pourra s’y mettre en place. Quel est le territoire compétent ? Aujourd’hui, le seul établissement public de coopération intercommunale (EPCI), c’est la métropole. On se demande si c’est la bonne échelle pour prendre en compte ces différentes questions ou bien si les territoires nouvellement formés pourraient le faire, sachant qu’ils sont très différents – ils peuvent aussi bien résulter d’une ancienne communauté d’agglomérations qu’être en voie de construction avec des villes préalablement isolées, ne pas avoir construit leur PLH, etc. De fait, en métropole parisienne, on peut s’interroger sur le volet habitat.

Enfin, Sébastien Jallet a très bien décrit la nouvelle géographie de la politique de la ville. Reste la question du droit commun, qui a été évoquée à l’ONPV il y a quelques jours, et qui est devenue un véritable leitmotiv. Les villes et les acteurs associatifs subissent de temps en temps des changements de règles. L’exemple le plus flagrant est qu’aujourd’hui, la politique de la ville ne veut plus financer des actions dites « de politique de la ville » sur le temps scolaire. Pourquoi pas, si quelqu’un venait pallier ces suspensions de financement. Mais malgré les alertes qu’avec d’autres maires j’ai pu lancer auprès de l’éducation nationale et de la région, nous n’avons pas pu résoudre le problème. Concrètement, un certain nombre d’actions menées auprès des enfants de nos quartiers à Clichy et à Montfermeil ne seront pas poursuivies l’année prochaine. C’est une sortie culturelle par an que nous ne pourrons plus assumer, et qui jouait un rôle extrêmement important.

M. Michel Piron. Je ne souhaite pas ouvrir le débat sur le droit de vote des étrangers, mais je tiens à exprimer mon désaccord sur ce que je viens d’entendre à ce propos.

Je ferai part aussi de ma déception concernant l’échelle de la programmation en matière de logement. En mars 2010, j’avais ouvert un front, notamment à travers le PLUI, et j’avais cru qu’on allait enfin aboutir sous cette législature. Mais la question s’est enlisée au Sénat qui a souhaité un plus grand respect des minorités, ce qui s’est traduit par un moins grand respect des majorités. C’est toute la question de l’intercommunalité et du bon périmètre de choix, et je le regrette.

Après ces observations, j’ai aussi des questions à poser.

Les travaux de l’Observatoire sont toujours extrêmement intéressants et instructifs. Envisagez-vous de les approfondir en procédant à des analyses typologiques des quartiers, sur la base de comparaisons qui pourraient être éclairantes ? Je m’explique.

Longtemps, la mixité sociale a reposé sur la mixité résidentielle, qui a montré ses limites : déficit d’emplois et de services publics et marchands ; difficultés de mobilité liées à l’organisation de transports. Depuis des années, on est ainsi passé à côté de la mixité fonctionnelle, c’est-à-dire d’un urbanisme qui repenserait la fabrication de la ville. Comme on ne fabrique pas la ville uniquement avec le logement, on ne résoudra pas la question des quartiers en l’abordant uniquement sous l’angle du logement. Pourriez-vous parler de villes qui s’essaient à faire de la mixité fonctionnelle, afin d’établir des comparaisons entre des quartiers qui en bénéficient et des quartiers de villes qui n’ont pas la même démarche ?

Par ailleurs, je me demande toujours quelle est l’expression la plus pertinente : « politique de la ville » ou « politique des villes » ? Il y a des métropoles, des villes moyennes, et, en leur sein, des métropoles et des villes moyennes de toutes sortes. Vos études permettent-elles d’apprécier la part du « standard » et la part spécifique adaptée aux différents territoires urbains ? Par nécessité, une politique nationale est bien obligée d’avoir une part standard, mais elle peut aussi prendre en compte les demandes formulées au niveau territorial et engager des politiques plus spécifiques.

Mme Julie Sommaruga. Ma première question concerne la réussite éducative et s’adresse à M. Klein, en tant que vice-président du CNV. Rappelant les effets positifs de cette politique, vous demandez que l’on renforce le lien et l’articulation entre l’équipe locale et l’éducation nationale. Pourriez-vous préciser ce que vous souhaitez en la matière, et nous dire quelle devrait être, dans ce dispositif, la place des parents ?

Concernant la mixité via le logement, monsieur Daubigny, vous avez fait remarquer que l’on avait du mal à faire venir des populations non concernées par le logement social dans les quartiers prioritaires. Mais on a également du mal à y faire venir des citoyens éligibles au logement social du type PLS. Ainsi, dans certaines communes, des logements PLS sont-ils inoccupés. Pourriez-vous confirmer cette difficulté supplémentaire ?

Une question plus globale concerne les conseils citoyens : comment renforcer la coconstruction des projets avec eux ?

Enfin, la place des travailleurs sociaux dans les quartiers prioritaires n’est pas prise en compte dans ce texte. Elle me tient particulièrement à cœur. Certains départements se désengagent de plus en plus de ce domaine, alors que l’on connaît le rôle indispensable que jouent les travailleurs sociaux dans la cohésion sociale de nos quartiers. Qu’en pensez-vous ?

Mme Colette Capdevielle. J’ai beaucoup apprécié vos constats, qui étaient synthétiques et qui se rejoignaient. De fait, les populations sont attachées à leurs quartiers, tout en ayant du mal à les quitter pour des raisons financières. Vous avez tous remarqué que tout restait à faire en matière de mixité. Auriez-vous à nous livrer des exemples précis où la politique de mixité a été couronnée de succès ?

Par exemple, un équipement très structurant, comme un équipement sportif de haute qualité, peut-il favoriser la mixité sociale ? Ou bien a-t-on pu observer que, finalement, la population de l’extérieur ne venait dans un QPV que pour utiliser un équipement de ce type et en repartait sans vraiment s’approprier le quartier ?

Depuis des années que l’on parle de mixité sans réussir à l’instaurer, ne faudrait-il pas changer complètement de paradigme ? Pourquoi ne pas construire des immeubles entiers de logements sociaux dans des quartiers non QPV ?

Pour compléter la question de ma collègue sur les conseils citoyens, il ne faudrait pas qu’ils restent des coquilles vides. Mais quel est vraiment leur rôle ? Comment vont-ils se coordonner, notamment avec le comité de pilotage et les instances du contrat de ville ?

Enfin, puisque ce projet s’appelle « Égalité et citoyenneté » et qu’il faut favoriser la participation citoyenne, pourrait-on imaginer que les conseils citoyens gèrent un budget participatif, par exemple à hauteur de 20 %, sur un contrat de ville ? Pourrait-on l’expérimenter dans certaines intercommunalités ? Pensez-vous qu’une telle mesure faciliterait l’engagement citoyen et l’articulation de ce conseil citoyen au sein de la politique de la ville ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. Je m’interroge sur la formation des habitants qui participent au conseil citoyen. Tous n’ont pas l’expérience leur permettant de traiter les problèmes qui y sont abordés. Ne faudrait-il pas concevoir, pour chaque conseil citoyen, un droit à la formation, qui peut s’avérer d’autant plus nécessaire s’ils sont amenés à gérer un budget ?

Connaissez-vous des territoires qui ont su favoriser un recrutement divers et varié, en embauchant notamment des jeunes des quartiers populaires ? Est-ce que des villes, des territoires, des intercommunalités se sont dotées des indicateurs pour évaluer objectivement les effets de ce recrutement ?

M. Xavier Breton. M. Klein a déploré que la dimension éducative ne soit pas suffisamment intégrée dans ce projet de loi. Je voudrais savoir si son sentiment était partagé par les autres intervenants, et s’ils avaient des propositions à faire en la matière.

Certains ont évoqué le droit de vote des étrangers hors UE aux élections locales. Que pensez-vous de la préconisation formulée dans le rapport du président Bartolone, suite à la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine, de l’instauration d’un vote obligatoire ?

Mme Maud Olivier. Je fais partie de la délégation aux droits des femmes, et je voudrais savoir si vous avez des données relatives aux femmes dans les QPV du point de vue de l’activité ou la non-activité professionnelle, de leur situation personnelle et familiale et de leur place dans l’espace public. Sont-elles ou non intégrées dans l’espace public ? Comment pourraient-elles l’être ? Se sont-elles approprié des équipements ou des locaux communs résidentiels, comme il en existait dans certains quartiers ? De telles données permettraient de sortir quelques statistiques susceptibles de nous orienter sur des politiques publiques.

M. Jean-Louis Bricout. Il est exact que le titre II est extrêmement important. On y parle beaucoup des quartiers des grandes villes et des petites villes de plus de 10 000 habitants. Mais les petites villes bourg-centre de quelque 5 000 habitants connaissent aussi des problèmes de mixité sociale, entre les cœurs de ville bourg-centre, où se concentrent souvent les communautés en situation très précaire, et une ruralité plus profonde, parfois subie, parfois choisie pour l’espace qu’elle procure. Il faudrait y penser aussi.

Dans ces petites villes bourg-centre se pose aussi le problème de l’égalité de l’accès aux soins et à la santé. La plupart sont en train d’installer des maisons de santé pluridisciplinaires, indispensables pour avoir une chance d’avoir de nouveaux médecins, étant entendu que le problème de fond est le manque d’attractivité de nos territoires et de nos petites villes. Peut-être est-ce la même chose dans les quartiers prioritaires. Ne devrait-on pas, dès lors, envisager des solutions un peu plus coercitives ? Pour ma part, je me verrais bien accueillir quelque temps, dans une maison de santé, des médecins en primo-installation dans le cadre d’une mission citoyenne. Ce serait le moyen d’assurer un accès aux soins à tous.

Mme Monique Iborra. On parle depuis longtemps de l’évaluation de la politique de la ville sans jamais y parvenir. Cela est problématique pour les politiques de l’État à mener dans ces quartiers. La définition que vous allez donner de l’évaluation de la politique de la ville prendra-t-elle en compte le dispositif dans son ensemble ou bien les politiques mises en place par les villes et l’État ? Surtout, les résultats obtenus seront-ils évalués dans un rapport coût/efficacité ? Sans cela, on pourra difficilement parler d’évaluation de la politique de la ville.

Depuis de nombreuses années, on essaie de faire participer les habitants de ces quartiers, ce qui est plus facile à dire qu’à faire. De fait, ils sont souvent représentés par des associations, car la politique de la ville a toujours fait le choix de la société civile et des associations. Je ne dis pas que c’est inutile, mais on se rend bien compte que dans certains quartiers, les associations représentent très peu les habitants. Ne faudrait-il donc pas changer d’orientation en faisant intervenir les travailleurs sociaux, tout en continuant à s’appuyer sur les associations ? Cela conduirait à impliquer davantage qu’aujourd’hui les conseils départementaux dans ces quartiers. C’est absolument nécessaire si l’on veut traiter les problèmes qui s’y posent.

Enfin, la lutte contre l’illettrisme est une compétence qui a été donnée aux conseils régionaux. En conséquence, rien ne les empêche de financer toutes les actions de lutte contre l’illettrisme. Donc, la loi n’est pas en cause, ce sont les conseils régionaux qui doivent être interpellés sur le sujet.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Tout d’abord, je ne peux pas laisser dire que le titre II est plus important que les autres. Il est simplement plus technique et il a une portée normative différente. D’ailleurs, les sujets soulevés par nos invités le démontrent.

Ma première question, tirée de l’expérience et du terrain, concerne le financement associatif et des projets par le biais de la politique de la ville. Que penseriez-vous de la mise en consultation libre et accessible de ces données qui permettrait de tracer les circuits de financement ? Qui demande l’argent ? Où va l’argent ? Sur quel territoire est-il dépensé ?

L’analyse montre que, pour être éligibles aux financements de la politique de la ville, certains savent mieux remplir les dossiers que d’autres. Même sans appartenir au territoire, ils insèrent un volet « on va faire quelque chose dans les quartiers » et cochent la bonne case. Ceux qui vivent dans les quartiers, qui n’ont peut-être pas le capital intellectuel ou la connaissance nécessaire pour constituer un dossier, sont ainsi souvent devancés par les premiers. C’est pourquoi je suis convaincu qu’un libre accès aux données serait une révolution qui permettrait d’éviter ce hiatus.

Je m’interroge, en deuxième lieu, sur la mobilité et le permis de conduire. La ghettoïsation, on le sait, n’est pas qu’une question architecturale, urbaine et sociale, elle est aussi liée à la mobilité. Je me tournerai plus particulièrement vers Olivier Klein : où en est-on aujourd’hui des mesures qui ont été prises ? J’ai le sentiment que l’on est encore loin du compte.

Sur le nouveau dispositif « meilleurs bacheliers », je rejoins ce qui a été dit par le vice-président du CNV, même si l’intégration des prépas ne relève pas de la loi. En revanche, on pourrait généraliser le dispositif de Sciences-Po expérimenté grâce à la loi de 2001, et dont les résultats concluants n’ont pas eu de suite. Pensez-vous que cela puisse avoir un effet sur le plan de la diversification et de l’amélioration de la mixité ?

J’aimerais également vous interroger sur le 1 % associatif et culturel, une idée sur laquelle nous travaillons avec certains parlementaires. Il s’agit d’imposer que chaque bailleur – social ou privé, en tout cas conventionné – alloue un pourcentage de mètres carrés construits à des locaux associatifs et culturels. Nous n’inventons pas là le fil à couper le beurre, mais l’idée a été abandonnée par lâcheté, au nom de la nécessité de faire des économies. Seulement, aujourd’hui, on a du mal, dans un certain nombre de territoires, à trouver des murs et un toit pour procéder à une reconquête associative, participative et d’éducation populaire dans les quartiers.

Je ne reviendrai pas sur l’enjeu du droit de vote, qui est un enjeu constitutionnel et non pas législatif.

J’ai également entendu ce qui a été dit sur l’expérimentation du récépissé de contrôle d’identité. À propos des relations avec la police, la caméra piétonne est aujourd’hui généralisée ; les agents de police en portent sur eux. Pour certains, elle se substitue au récépissé de contrôle d’identité, avec plus d’efficacité et de transparence, en particulier lorsque les policiers eux-mêmes se trouvent en difficulté. Sous le règne du smartphone et des chaînes d’information en continu, en cas de violence, bien souvent on ne sait pas ce qui s’est passé avant et après. C’est aussi le moyen de protéger les policiers. L’idée serait de rendre systématique, comme dans certains États américains, le démarrage de la caméra piétonne dès le début d’une intervention.

Voilà ce que je voulais vous dire dans un premier temps. Et je précise que je suis preneur de vos propositions.

Mme la présidente Annick Lepetit. Plusieurs questions ont porté sur les conseils citoyens, sans doute parce qu’il s’agit d’un dispositif récent – même s’il peut sembler redondant, à Paris notamment, avec les conseils de quartier plus anciens.

M. Olivier Klein. De ce point de vue, le Conseil national des villes comporte quatre collèges, dont un nouveau collège « Habitants » qui est l’un des plus actifs. Au fond, les conseils citoyens seront ce que les habitants voudront bien en faire. C’est ainsi que nous l’envisageons à Clichy-sous-Bois, où nous avons effectué un tirage au sort parmi non seulement les citoyens français inscrits sur les listes électorales, mais aussi les autres, la loi ne précisant pas la règle en la matière. Ne pouvant accéder aux fichiers relatifs aux personnes étrangères, nous avons, pour ce faire, fabriqué notre propre fichier à partir des listes de parents d’élèves et autres registres des bailleurs sociaux. Je n’ai rencontré officiellement les membres du conseil citoyen qu’une seule fois ; depuis, ils se réunissent régulièrement. Ils ont choisi le cabinet Métropop’ – grâce au financement de la politique de la ville – pour accompagner leur constitution et ont opté pour le statut associatif. Reste à trouver les moyens permettant de financer la formation. Toutefois, le statut de ce conseil l’autorise à demander le financement de projets au titre de la politique de la ville. Quoi qu’il en soit, il me semble nécessaire de laisser les conseils citoyens se développer.

Contrairement à Paris, madame la présidente, Clichy-sous-Bois a la chance, si j’ose dire, que ses conseils de quartier soient quelque peu endormis. Sans doute le conseil citoyen permettra-t-il de repenser leur rôle ; nous avons d’ailleurs sollicité un cabinet de conseil pour relancer la réflexion sur la démocratie participative dans la ville.

La question de la mixité, monsieur Piron, est au cœur de nos travaux : nous avons demandé à l’ONPV de nous aider à qualifier ce qui constitue objectivement un quartier relevant de la politique de la ville. S’agissant de la mixité fonctionnelle, il faut se réjouir du fait que les programmes de rénovation urbaine (PRU) ne soient pas que de simples projets de logement, car cela n’aurait aucun sens. À Clichy et à Montfermeil, par exemple, le PRU consiste certes à détruire mille logements et à en construire mille autres, mais aussi à bâtir trois écoles neuves de sorte que les enfants de ces quartiers soient accueillis dans de très bonnes conditions. Être fier de son quartier, c’est aussi être fier de son école, de ses espaces publics, de son urbanisme, de ses commerces, de ses transports.

Pour que le PRU soit aussi performant dans le Bas-Clichy, toutefois, il faudra atteindre un niveau de financement équivalent. Les trois nouvelles écoles du Haut-Clichy, par exemple, ont pu voir le jour parce que leur construction a été subventionnée à près de 80 % ; il n’est pas certain que nous obtiendrons la même chose du nouveau programme national pour la rénovation urbaine. De plus, il ne suffit pas de trouver les investissements nécessaires à la construction d’un équipement ; encore faut-il pouvoir, dans la foulée, financer son fonctionnement, en particulier dans une ville fragile.

La réussite éducative est un succès là où les équipes concernées parviennent à nouer une relation avec le personnel de l’éducation nationale. Certes, il faut du temps pour surmonter les habitudes, en matière de secret professionnel surtout, et c’est un travail sans fin puisque les personnels et les coordonnateurs de réseaux d’éducation prioritaires (REP) changent. Dans mon territoire, cependant, les équipes enseignantes ont désormais l’habitude de s’adresser aux équipes de réussite éducative ; elles entretiennent un lien de confiance mutuelle et le professionnalisme des unes et des autres est reconnu. J’ajoute que la place des parents est essentielle. La réussite éducative consiste précisément à ne pas s’occuper que d’un enfant en soi, mais aussi à tenir compte de son environnement.

À titre d’exemple, nous avons lancé un projet en matière de diététique car, comme dans beaucoup d’autres quartiers populaires, la question du surpoids concerne bon nombre de nos enfants. Les parents sont étroitement impliqués : j’ai assisté voici quelques jours à une rencontre émouvante entre les enfants, leurs parents et la diététicienne, qui a permis de bâtir un lien fort entre ces différents acteurs.

Nous nous sommes également saisis avec le conseil départemental, l’éducation nationale et les équipes de réussite éducative de la question des exclusions scolaires, notamment de l’accompagnement des enfants dès la première exclusion, et nos efforts portent leurs fruits.

Il va de soi, monsieur le rapporteur général, qu’il serait idéal de réinstaurer un système proche de celui des locaux communs résidentiels (LCR), même si je comprends qu’il soit plus rentable – et nécessaire – d’installer des commerces en rez-de-chaussée des nouveaux immeubles. Il faut aussi trouver des locaux permettant à la vie associative de se développer. De mon point de vue, il n’existe aucune concurrence entre la vie associative et les autres activités : dans nos quartiers, la vie associative est absolument indispensable et remplit bien souvent des missions de service public. Certes, l’argent public doit être utilisé à bon escient et toute dérive doit être évitée ; les associations subventionnées par la politique de la ville doivent concrètement jouer un rôle majeur, voire unique, sur le territoire de leur compétence. Sans être électroniques, nos processus de contrôle permettent à ce stade d’y veiller.

M. le rapporteur général. Êtes-vous favorable au contrôle dématérialisé ?

M. Olivier Klein. J’en ignore les modalités pratiques mais, par principe, je suis favorable à tout dispositif renforçant la transparence.

J’en viens aux classes préparatoires. L’Institut d’études politiques a l’avantage d’être accessible immédiatement après le baccalauréat, ce qui n’est pas le cas de toutes les grandes écoles. La question des classes préparatoires se pose donc forcément.

De même, si la question du permis de conduire est pertinente, c’est plus généralement celle de la capacité à se déplacer qui doit être posée : sur un territoire enclavé comme le mien, la solution ne passe pas nécessairement par l’obtention du permis, mais plutôt par l’adéquation des modes de transport rapide. Les habitants de Clichy et de Montfermeil sont encore trop nombreux à choisir leurs études supérieures en fonction des lignes d’autobus, et non de leurs préférences personnelles.

Mme Clotilde Bréaud. Si les conseils citoyens peinent à démarrer, c’est en partie parce que les personnes tirées au sort forment un ensemble très hétérogène, qu’il s’agisse de leurs niveaux de formation ou de leurs préoccupations ; il faut donc les former. Quoi qu’il en soit, les conseils citoyens ne réussiront durablement que s’ils ont des moyens d’agir – qu’ils disposent d’un budget propre ou qu’il leur soit confié la gestion d’un budget d’activités – et s’ils peuvent ainsi faire entendre leur voix.

M. Jean Daubigny. En attendant la constitution de l’ONPV, le Commissariat général à l’égalité des territoires avait déjà entrepris des travaux relatifs à la typologie des quartiers évoquée par M. Piron. L’ONPV en a, depuis, fait une priorité, même si la tâche est très difficile sur le plan technique. Les indices synthétiques donnent des résultats insatisfaisants. Notre première tentative a ainsi abouti à classer tous les quartiers des grandes agglomérations de province
– Marseille, Lille ou Lyon – dans une seule et même catégorie. Se pose, en outre, la question des petites et très petites villes : le critère fixé dans la loi de 2014 étend en effet le champ des communes concernées par la politique de la ville.

En clair, j’ignore si nous pourrons aboutir à une typologie unique, même si nous le souhaitons pour appliquer une politique de « la » ville ; il faudra tenir compte des profondes différences de situation selon les cas.

S’agissant de la mixité des logements, madame Sommaruga, il existe un lien étroit entre l’occupation du logement social, qu’il soit ou non en quartier prioritaire, et la santé économique et démographique des communes. Par ailleurs, il faut creuser davantage la question de la qualité de gestion des organismes sociaux, dont dépend pour partie l’attractivité des communes. Je ne peux donc pas répondre précisément à votre question, mais certains critères doivent être réexaminés – raison pour laquelle l’ONPV, dont les moyens sont limités, a pris contact avec d’autres organismes comme l’Union sociale pour l’habitat (USH) afin de produire davantage de données et de conclusions.

Nous travaillons aussi aux bonnes pratiques, madame Capdevielle. Autrefois, j’avais tenté de créer au sein de la délégation interministérielle à la ville un département chargé de la connaissance et de la diffusion des bonnes pratiques en vigueur en France et à l’étranger. Ce n’est pas encore un axe de travail, mais nous souhaitons explorer ce champ – au moins à titre illustratif puisque l’exhaustivité est impossible en la matière.

Pour nous emparer du problème de la formation des habitants, madame Chapdelaine, nous avons créé un programme de formation conjoint avec le CNV afin de permettre aux représentants des habitants qui participent à nos travaux d’acquérir plus de facilité d’expression. L’un d’entre eux a récemment animé avec succès un atelier, preuve que ces efforts portent leurs fruits et que les représentants des habitants apportent un incontestable enrichissement.

Sans doute faut-il traiter davantage la question de la diversité du recrutement, mais vous savez combien les statistiques sont limitées par les dispositions législatives.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce n’est pas l’avis du Défenseur des droits.

M. Jean Daubigny. Je me rapprocherai volontiers de lui par l’intermédiaire de sa représentante, très active, à l’ONPV.

L’ONPV constate qu’il faut approfondir les analyses concernant l’éducation et la formation dans les quartiers prioritaires. Encore faudra-t-il pouvoir accéder aux données qui nous le permettront, ce qui pose parfois problème ; nous allons persévérer, cependant.

Je ne saurais me substituer seul, madame Iborra, à tous les spécialistes chargés de définir l’évaluation de la politique de la ville. L’ONPV a constitué, la semaine dernière, un groupe qui permettra à nos spécialistes de l’évaluation de produire des idées communes, et non pas de simples appréciations. Par ailleurs, si nous avons vocation à intervenir sur l’ensemble du dispositif, nous ne disposons ni des forces nécessaires, ni des capacités de communication nous permettant de tout couvrir. Dès lors, nous poursuivrons notre travail de collecte et de mise à disposition de données statistiques, mais nous concentrerons notre rapport annuel sur quelques thèmes, ce qui nous permettra d’examiner de manière plus approfondie l’application de la politique de la ville, non seulement pour ce qui relève de l’État mais aussi des autres acteurs prenant part à ce qui est désormais un travail de coproduction. Nous mesurerons autant que possible le rapport entre le coût des politiques et leur efficacité, même si celle-ci se mesure parfois non pas par rapport à de simples statistiques, mais par rapport à d’éventuelles dérives. Quoi qu’il en soit, nous devons privilégier la convergence des résultats obtenus pour les populations des quartiers prioritaires et pour l’ensemble de la population vivant dans les agglomérations où ils se trouvent.

L’ONPV s’est également saisi de la question de l’outre-mer, où se trouve une part importante des quartiers prioritaires. Les spécificités de ces zones nous conduisent à les examiner non seulement en comparaison avec les autres, mais aussi pour elles-mêmes.

Enfin, madame Olivier, il existe dans les quartiers prioritaires une surreprésentation considérable des familles monoparentales et, parmi elles, des cheffes de famille. Or la situation des femmes de trente à quarante-neuf ans qui vivent dans les quartiers prioritaires est très préoccupante : 37 % d’entre elles sont inactives et 30 % seulement exercent un emploi à temps complet, contre 15 % et 56 % respectivement dans les autres unités urbaines. Les mêmes écarts se retrouvent en matière de travail à temps partiel – une situation parfois choisie en raison de la situation de cheffe de famille, mais qu’il faut le plus souvent croiser avec un niveau de qualification faible voire nul, d’où les terribles difficultés économiques que rencontrent ces femmes. Le rapport annuel de l’ONPV, qui comprend de nombreuses données sur cette question, a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale la semaine dernière.

M. Sébastien Jallet. En tant que directeur d’administration centrale, je m’exprime au nom du Gouvernement et, à ce titre, il m’est difficile de me prononcer sur les propositions d’amendement qui ont été formulées aujourd’hui.

Ce projet de loi traduit les ambitions des comités interministériels sur l’égalité et la citoyenneté de 2015 et 2016 lors desquels ont été respectivement lancés soixante-cinq puis vingt chantiers. Le projet de loi n’en reprend certes que les principaux, mais bien d’autres mesures sont déployées parallèlement. La présentation de ce texte en conseil des ministres le 13 avril, c’est-à-dire le jour même où le comité interministériel s’est tenu à Vaulx-en-Velin, illustre la cohérence entre ce projet de loi et l’action publique conduite par le Gouvernement.

Les conseils citoyens sont désormais installés dans une majorité de quartiers prioritaires ; il reste à parfaire l’exercice en les installant partout, quitte à en simplifier les conditions de création en les fusionnant, par exemple, avec les conseils de quartier, comme le permet déjà la loi. L’enjeu, désormais, est qu’ils fonctionnent concrètement et que leurs membres s’y intéressent durablement. Pour ce faire, plusieurs conditions sont à remplir, en particulier la formation des habitants aux questions d’action publique, car la participation aux conseils citoyens ne demande pas seulement de l’engagement, mais aussi des compétences et des qualifications. Les ministres chargés de la ville, Patrick Kanner et Hélène Geoffroy, auront prochainement l’occasion d’annoncer les actions spécifiques que le ministère mène en matière de formation des habitants et des conseils citoyens.

Se pose ensuite la question tout à fait légitime du fonds de participation des habitants. Nombreuses sont les initiatives en ce sens qui existent déjà dans les territoires : nous avons recensé une vingtaine de tels fonds, qui sont gérés ou cogérés par des conseils citoyens. Comme pour tout ce qui concerne la participation des habitants, il est souvent difficile de décréter un dispositif ; il faut, au contraire, le construire peu à peu en persuadant l’ensemble des acteurs territoriaux impliqués dans la mise en œuvre des contrats de ville de se prêter à l’exercice. Sans doute est-il préférable de les inviter à se saisir de cette possibilité plutôt que de les y obliger.

En matière de travail social, la prévention spécialisée constitue une préoccupation. La moitié des quartiers prioritaires n’en bénéficie pas encore. M. Kanner a décidé de préparer avec l’Assemblée des départements de France une convention partenariale qui permettra d’impliquer l’ensemble des parties prenantes en la matière et, ainsi, de renforcer la présence des spécialistes de la prévention dans les quartiers prioritaires.

Enfin, madame Sommaruga, la médiation sociale est une fonction indispensable qui, elle aussi, demande non seulement de l’engagement mais également des qualifications ; c’est un véritable métier qui ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune reconnaissance légale. Sans doute y a-t-il là un espace à investir pour renforcer les dynamiques déjà enclenchées.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je remercie les intervenants pour leur présence en les invitant à nous transmettre les contributions écrites qu’ils jugeront utiles de nous communiquer pour compléter cette séance.

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème du logement, lors de sa première séance du mercredi 1er juin 2016, avec la participation de :

– Mme Géraldine Chalencon, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) ;

– M. Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre ;

– M. Jean-Paul Lebas, président de l’Association nationale des compagnons bâtisseurs.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous poursuivons notre série de tables rondes. Après nous être penchés sur la question de l’engagement de la jeunesse et celle de la politique de la ville, et avoir entendu le Défenseur des droits, nous traiterons aujourd’hui du logement et de la mixité sociale.

Mme Géraldine Chalencon, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL), pourra nous faire part de l’état de la mixité sociale au sein des copropriétés privées et dans les quartiers prioritaires, puisque l’Agence dispose d’un réseau d’agences départementales (ADIL) qui fournit des informations, de la documentation et des conseils sur toutes les questions juridiques concernant le logement.

M. Christophe Robert est délégué général de la Fondation Abbé Pierre qui considère le logement comme « un facteur majeur dans l’approfondissement des inégalités, au cœur du processus de décrochage des couches populaires ». La fondation partage l’objectif d’amélioration de la mixité sociale attaché au volet logement du projet de loi « Égalité et citoyenneté », tout en précisant que « les ménages pauvres ne doivent pas faire les frais de la politique de mixité sociale », estimant qu’ « il convient de dépasser les contradictions entre mixité et droit au logement ». Un chapitre entier est d’ailleurs consacré à cette question dans son dernier rapport.

M. Jean-Paul Lebas est président de l’Association nationale des compagnons bâtisseurs. Cette association a pour ambition d’associer activement les habitants concernés aux chantiers d’auto-construction et d’auto-rénovation de leurs logements. Ses animateurs transmettent non seulement des techniques, mais aussi des valeurs d’entraide et de solidarité. À partir de son expérience très concrète, M. Lebas nous dira comment il est possible, selon lui, d’améliorer l’égalité d’accès au logement et de favoriser la mixité sociale.

Mme Géraldine Chalencon, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL). L’Agence nationale pour l’information sur le logement anime le réseau des agences départementales pour l’information sur le logement, dont la mission est l’information et le conseil personnalisé auprès des ménages sur toutes les questions liées au logement. L’ANIL est un organisme neutre et partenarial ; la plupart des acteurs du logement, ainsi que ceux qui y concourent, sont associés à la gouvernance des agences départementales. Le réseau des ADIL est présent dans soixante-dix-neuf départements et réalise environ 840 000 consultations par an. Par le biais de ces consultations, nous avons un contact privilégié avec le terrain, et nous tenons ainsi un rôle d’observatoire des pratiques et des marchés susceptible d’alimenter la réflexion des acteurs et d’apporter une compétence à nos partenaires.

Afin de compléter les éléments d’ores et déjà à votre disposition, j’orienterai mon propos vers des sujets intéressant le parc privé, qui tient une place importante dans le domaine de la mixité sociale, et dont les atouts comme les difficultés sont peut-être moins perceptibles et moins connus que ceux du parc social.

Le parc privé, qu’il soit locatif ou occupé par des propriétaires, participe à la mixité sociale dans l’acception générale de ce terme. La mixité des statuts d’occupation peut d’ailleurs constituer l’un des critères d’évaluation de la mixité dans les quartiers.

Ainsi, selon l’enquête nationale « Logement 2013 » diligentée par l’INSEE, qui constitue une mine d’informations, le taux de chômage en zone urbaine sensible (ZUS) est de 15,4 % chez les locataires du parc privé et de 12,4 % chez les propriétaires occupants, alors qu’il est de 22,4 % chez les locataires du parc social. En termes de ressources, le niveau de vie médian en ZUS est de 1 203 euros pour les locataires du parc privé, 1 043 euros pour les locataires du parc social et de 1 875 euros pour les propriétaires. Toutefois, il est important de relever que le niveau de vie du premier quartile – c’est-à-dire le niveau de ressources en deçà duquel se situent 25 % des ménages – est identique pour les parcs locatifs privé et social, se situant aux alentours de 700 euros. Cela révèle aussi l’existence d’un parc privé très paupérisé en ZUS, très souvent corrélé avec des problèmes de qualité de l’habitat.

La prise en compte des enjeux spécifiques du parc privé par les acteurs publics est de plus en plus importante. C’est d’ailleurs l’une des missions dont est investi le Forum de l’habitat privé, dont votre collègue Nathalie Appéré est la présidente. Cependant, du fait de la faiblesse des données disponibles, les politiques qui le concernent souffrent d’un réel handicap.

Cette difficulté ne concerne pas le parc social, pour lequel on dispose de données aussi bien sur les logements que sur les occupants et sur la demande, même s’il reste toujours des points à améliorer. Le projet de loi comporte d’ailleurs des dispositions en ce sens. Des outils performants ont été développés au cours des dernières années, qui permettent de disposer de données territorialisées, mais aussi de les mettre plus largement à disposition. Ils jouent un rôle important pour améliorer la connaissance ainsi que la transparence de l’action publique. Je pense, par exemple, au système national d’enregistrement de la demande (SNE) ou au répertoire sur le parc locatif social (RPLS).

S’agissant du parc privé, les données sont parcellaires et très peu territorialisées. Or, en la matière, la territorialisation est fondamentale, car les questions qui se posent sont très différentes d’un territoire à l’autre.

Le développement des observatoires locaux des loyers du parc privé est en cours. L’animation du réseau est assurée par l’ANIL, ainsi que le traitement des données qui est en partie réalisé avec l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP). Les données produites seront utiles aux bailleurs sociaux et au monde du logement social afin de mieux calibrer et positionner leur offre. Elles permettront aussi de mieux calibrer les politiques publiques portant sur les différents segments allant de l’investissement locatif au conventionnement dans le parc privé. .

Les travaux des observatoires commencent déjà à être utilisés à titre expérimental afin de mieux fixer les plafonds dans le cadre du conventionnement de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui constitue un outil important au service de la mixité sociale, car il favorise une offre à loyers bas ou à coûts maîtrisés dans des quartiers plus favorisés, et cela de manière assez rapide.

Son couplage avec l’intermédiation locative, sous forme de mandat de gestion, de location ou sous-location, en fonction des besoins des ménages et des réalités des territoires, favorise la contribution du conventionnement ANAH à cet objectif de mixité sociale. L’inscription de ces logements dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a débuté avec l’article 34 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » poursuit cette logique, ce qui traduit bien la prise en compte progressive du parc privé dans les politiques en faveur de la mixité sociale.

L’accession sociale dans les quartiers en difficulté constitue également un levier d’action pour la mixité sociale. Le travail mené par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en la matière porte ses fruits dans un certain nombre de quartiers, de même que le développement d’opérations mixtes et du prêt social location-accession (PSLA). L’accession sociale peut aider les ménages attachés à leur quartier à y rester en accédant à la propriété, mais aussi à faire venir de nouveaux ménages.

Si le parc privé peut être facteur de mixité sociale, il peut aussi devenir source de problèmes particuliers, tels ceux que présentent les grands ensembles de copropriétés en difficulté des années 1970. Ces difficultés, qui font l’objet de nombre de politiques publiques, ne sont pas propres à ces seules grandes copropriétés. Pour les petites copropriétés dans des centres anciens marqués par un niveau de pauvreté important et qui n’ont plus de gouvernance, les moyens d’action sont différents. Les derniers chiffres du ministère de la justice montrent que les contentieux en paiement des charges formés devant les juridictions du premier degré ont connu en dix ans une hausse de 38 %, pour atteindre près de 30 000 procédures en 2014. On voit là que le sujet des copropriétés et de leur gestion nécessite des réponses en termes d’information, de prévention et d’action.

C’est pourquoi, en matière d’accession, il nous paraît important d’agir le plus en amont possible et de sensibiliser les futurs accédants à ce qu’implique le fait d’être copropriétaire. Dans ce domaine, on constate une prise de conscience importante de la part des collectivités locales, comme des promoteurs, qui conduisent des actions de sensibilisation auprès des futurs accédants. Les ADIL participent à des réunions destinées à ces derniers et s’attachent, dans le cadre du conseil personnalisé, à appeler l’attention des intéressés sur les enjeux juridiques et financiers du fonctionnement d’une copropriété. Certaines collectivités couplent également leurs aides à l’accession avec un passage par l’ADIL afin de s’assurer que le ménage a bien été sensibilisé à l’ensemble de ces questions.

M. Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. La Fondation Abbé Pierre fonctionne grâce à la générosité publique ; son objet premier est l’aide aux mal-logés qui constitue l’essentiel de son activité à l’échelle nationale comme à celle des territoires. Elle développe sa connaissance des phénomènes de mal-logement, afin d’être à la fois force d’interpellation et de proposition. Les rapports annuels que nous publions couvrent les échelons national et régional afin de mieux qualifier les phénomènes du mal-logement dans notre pays.

La partie du projet de loi consacrée au logement se présente dans un contexte de crise très tendue : si l’on ajoute aux 3,8 millions de mal-logés ceux qui éprouvent des difficultés de logement, qui peinent à assumer un taux d’effort trop élevé, à être mobiles dans leur parcours résidentiel ou qui connaissent des fragilités pénalisant leur quotidien, ce sont 12 millions de personnes qui souffrent du logement. Cela fait beaucoup ! Les principales sources d’inquiétude sont le manque de logements et la cherté des coûts qui s’y rattachent, tant dans le domaine de l’accession à la propriété que du logement locatif.

S’ajoutent à cela la ségrégation territoriale et la spécialisation spatiale qui font qu’une partie de la population ne peut pas choisir son lieu de résidence à proximité de son lieu de travail. C’est une difficulté que l’on rencontre surtout en France, qui est liée aux pratiques urbanistiques dans notre pays : l’implantation du logement le moins cher en périphérie a pour effet de concentrer les populations exclues du marché du logement dans certains quartiers ou, pour l’Île-de-France, dans certains départements. En zone urbaine sensible, un enfant sur deux est pauvre, les taux de chômage peuvent atteindre 40 %. Il s’agit donc d’un enjeu majeur pour la cohésion sociale et l’équilibre d’ensemble de la nation.

Ce projet de loi post-attentats, parti d’une bonne intention, a su évoluer de façon satisfaisante. Au moment de sa présentation, le Premier ministre avait considéré qu’il fallait interdire de reloger les ménages modestes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). La proposition pouvait sembler séduisante, sauf qu’elle risquait de conduire à allonger la file d’attente des mal-logés en fermant le parc le plus accessible aux catégories modestes, donc d’opposer mixité sociale et droit au logement.

Le recadrage opéré, en visant plutôt la capacité à accueillir des populations modestes dans des territoires autres que populaires, va dans le bon sens. De même, les évolutions de la gouvernance territoriale en matière d’attribution des logements sociaux, telle la récupération du contingent communal par le préfet lorsqu’il y a carence dans l’application de la loi SRU, seront utiles pour mettre un terme aux dérives observées. Faire évoluer les loyers afin de mieux prendre en compte les besoins des ménages défavorisés constitue aussi une action positive, et renforcer la loi SRU, seize ans après son entrée en vigueur au mois de décembre 2000, constituait une impérieuse nécessité.

Si nous soutenons dans l’esprit l’objectif, parfois critiqué, de produire des logements plus adaptés aux catégories modestes hors des quartiers populaires, nous considérons que le texte procède plutôt d’améliorations techniques des dispositifs existants. Son ambition est relativement limitée : il n’agit que sur les flux et ne se préoccupe pas assez de la situation des quartiers populaires au regard de l’école, des transports ou de la santé pour en faire des lieux de promotion sociale.

Quand bien même il ne s’agit que d’un projet de loi, le texte reste muet sur les moyens à déployer pour atteindre les objectifs. Il permet ainsi de faire évoluer les loyers au sein du grand ensemble que constitue le logement social, tout en le laissant se débrouiller pour maintenir l’équilibre : une baisse dans les quartiers où ils sont trop élevés sera contrebalancée par une hausse ailleurs. Cela est bien beau, mais les bailleurs sociaux se demandent où et comment augmenter ces loyers. Il faudra aussi simultanément penser l’injection de moyens pour faire baisser les loyers concernés – outre le rachat de logements de type PLS à transformer en logements de type PLAI, bien d’autres formes de mise à niveau des loyers pourraient être proposées pour lutter contre les phénomènes de spécialisation spatiale. Dans la mesure où l’on fonctionne avec des outils et des moyens constants, les ambitions demeurent nécessairement limitées.

Pour entrer dans le détail, le texte encourage la cotation pour l’attribution des logements. C’est une très bonne chose, mais pourquoi ne pas imposer une obligation assortie d’un délai de cinq ans, par exemple ?

Pourquoi rester au milieu du gué et ne pas rendre obligatoires les conférences intercommunales du logement ? Sans presser les choses à l’excès, car il convient de rester pragmatique, pourquoi attendre pour privilégier une logique d’intervention dans le domaine de l’habitat à l’échelon des intercommunalités et des métropoles ?

Jusqu’à un passé récent, Action Logement devait consacrer 25 % de ses attributions au relogement des ménages relevant du droit au logement opposable (DALO). La négociation récente avec le Gouvernement a revu cet objectif à la baisse ; nous souhaitons qu’il soit rétabli à son niveau initial.

La loi SRU fait l’objet de nombreux ajustements positifs, mais la catégorisation des logements produits pour les communes n’ayant pas encore atteint leurs objectifs nous pose problème. Il faut davantage limiter le nombre de logements de type PLS, par exemple en n’en autorisant pas plus que le taux constaté de logement social dans la commune concernée. En cas de carence, nous penchons pour pas de PLS du tout. Ce type de logements ne peut pas constituer une réponse aux demandeurs de logements sociaux, encore moins à ceux des plus modestes. Les ménages visés par le PLS représentent 5 % de la liste de 1,8 million de demandeurs. Tant mieux pour ceux qui ont pu recourir au PLS pour appliquer la loi, mais ce ne peut être qu’une troisième lame du rasoir.

Je partage pleinement l’analyse de l’ANIL : on ne s’en sortira pas en recourant uniquement au logement locatif social ; il faut donc mobiliser beaucoup plus le parc privé à des fins sociales. À titre d’encouragement, dans le cadre de l’intermédiation locative, le mandat de gestion pourrait être comptabilisé dans la réduction des pénalités ; le conventionnement ANAH social et très social pourrait être intégré dans la déduction des prélèvements. On pourrait aussi appliquer la substitution du préfet prévue par la loi ALUR au parc privé en location et sous location, mais aussi au mandat de gestion, qui constitue une offre de logement durable. On pourrait peut-être même aller plus loin en prévoyant que les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées fixent aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des objectifs de mobilisation du parc privé, qu’ils auraient à répartir en fonction du taux de logement social constaté.

Une des difficultés d’application de la loi SRU est que les préfets, parce qu’ils entretiennent des relations étroites avec les maires, ont du mal à établir des constats de carence et à imposer des taux de majoration allant jusqu’à cinq. Pourquoi ne pas confier la substitution et l’établissement des contrats de carence aux préfets de région ? Cela mettrait un peu plus de distance vis-à-vis de certains mauvais élèves qu’il faut impérativement faire rentrer dans le rang.

M. Jean-Paul Lebas, président de l’Association nationale des compagnons bâtisseurs. Dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai pas me féliciter de toutes les mesures figurant dans ce projet de loi que nous approuvons. Je me bornerai donc à mentionner ce qui, à mes yeux, appelle la critique.

Selon le rapport du Conseil d’État de 2009 intitulé Droit au logement, droit du logement, les politiques publiques nationales ou locales, limitées à une approche technicienne, économique et financière du logement, « ne se sont jamais hissées au niveau d’une politique de l’habitat et n’abordent pas la question des interactions entre le logement et son environnement urbain ou entre ses occupants et leur voisinage ». Malheureusement, le titre II du projet de loi ne dément pas cette affirmation. L’injonction de mixité sociale et d’égalité des chances qui en constitue l’essentiel semble ignorer ce qui fait la vie quotidienne des habitants et, finalement, ce qui leur permettrait d’exercer une citoyenneté concrète. Je note, d’ailleurs, l’absence de toute référence à la citoyenneté.

Aujourd’hui, la mixité sociale fait l’objet d’un consensus politique mou dans la plupart des pays européens : constitue-t-elle le seul objectif à assigner à une politique publique de l’habitat ? Nous, Compagnons bâtisseurs, considérons qu’une autre ambition devrait animer ce projet de loi : le renforcement de la capacité d’agir des habitants eux-mêmes.

Pour être quotidiennement aux côtés des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, nous pensons que leur premier souci n’est pas forcément la mixité sociale : trouver un travail stable, assurer un avenir à leurs enfants, vivre dans un environnement décent, telles sont leurs préoccupations majeures. Malheureusement, la précarité et l’enfermement, qui est le lot de bien de ces habitants, ont pour résultat d’affaiblir leur capacité d’agir et de leur faire perdre confiance en eux. Beaucoup d’entre eux finissent par abandonner la recherche d’emploi, leur désir de formation, le suivi de la scolarité de leurs enfants et l’entretien de leur logement.

Restaurer la confiance en soi afin de revivifier la capacité d’action des habitants, tel est l’objectif que se sont assigné beaucoup d’associations travaillant dans les quartiers fragilisés. Les Compagnons bâtisseurs le poursuivent eux aussi en développant, depuis quelques décennies, des activités d’auto-réhabilitation accompagnée (ARA) ou d’auto-construction accompagnée, malgré l’absence d’une politique publique claire dans ce domaine.

Sur un chantier d’auto-réhabilitation accompagnée, l’habitant, qu’il soit locataire ou propriétaire occupant, n’est plus un assisté ; il dirige son propre projet d’embellissement ou de réparation de son logement accompagné d’un professionnel du bâtiment, qui est salarié de l’une de nos associations, de deux jeunes volontaires du service civique et de bénévoles, qui sont le plus souvent les voisins de l’intéressé. C’est ce que j’appelle le quatuor magique, riche de sa diversité et de la convivialité qui s’installe très rapidement entre les intervenants.

Au démarrage du chantier, l’habitant est souvent convaincu qu’il n’est pas capable de faire ; à la fin, après l’apprentissage des gestes techniques, c’est-à-dire du savoir-faire, mais aussi celui des relations avec les autres – le savoir-être –, l’habitant a retrouvé une bonne part de la capacité d’agir dont tout être humain dispose au départ. Il a aussi retrouvé le sens de la citoyenneté, grâce à la communication rétablie avec son entourage, et le plaisir d’habiter dans un voisinage convivial, et pas seulement celui de vivre dans un logement rénové et décent.

En France, une petite centaine de collectivités locales a pris conscience de l’impact social important que peut avoir un atelier de quartier d’auto-réhabilitation accompagnée. Les choses sont plus difficiles à l’échelon national. À l’automne 2013, Mme Cécile Duflot avait lancé une concertation nationale sur l’auto-réhabilitation accompagnée. Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) issu de cette initiative, dit rapport Berrier, a été remis en juillet 2014 à Mme Pinel. Il n’a malheureusement été suivi d’aucun effet, à l’exception d’une expérimentation conduite par l’ANAH, prévue au cours de l’année 2016, et concernant les propriétaires occupants.

Depuis, malgré les efforts faits par le ministre de la ville et le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), aucune des treize autres propositions du rapport Berrier n’a été mise en œuvre.

Nous considérons que les efforts menés par la collectivité nationale pour améliorer le sort des habitants ne doivent pas se limiter à des investissements matériels. La rénovation urbaine des quartiers les plus fragilisés devrait, au contraire, valoriser ces investissements par des actions d’accompagnement qui changeraient positivement le quotidien des habitants en développant leur propre capacité d’agir et de faire ensemble. Nous proposons donc que, pour toutes les actions de rénovation entreprises dans ces quartiers, une fraction des budgets d’investissement et de fonctionnement soit consacrée au renforcement de la capacité d’agir individuelle et collective des habitants. La France est riche d’une vie associative très active et l’intervention directe des habitants sur leur propre logement et sur leur propre consommation peut faire l’objet d’actions collectives qui iraient dans ce sens. Ce type de démarche nous semble tout à fait de nature à faire renaître la citoyenneté et le plaisir du vivre-ensemble.

Cette proposition devrait, selon nous, se traduire par un sixième chapitre dans le titre II du projet de loi, et nous sommes prêts à y travailler avec vous.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II. Effectivement, les questions de logement sont souvent très techniques ; ce qui importe, c’est qu’elles trouvent des réalisations concrètes qui changent la donne dans nos territoires.

Cette partie du projet de loi relève plutôt de l’ajustement que du « grand soir » du logement social. Depuis quatre ans, nous avons légiféré à plusieurs reprises en la matière : foncier public, lois ALUR, SRU, programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Fort des enseignements de ces nouveaux dispositifs législatifs qui ont fait leur chemin, à partir des orientations données par le Premier ministre, le Gouvernement a considéré qu’il était nécessaire de procéder à des ajustements, notamment en matière d’attribution, de ce qui concerne les flux. Le stock est aujourd’hui traité par les opérations de rénovation urbaine tandis que les questions d’éducation et de transports sont dévolues aux contrats de ville ; il n’était donc pas question de réinventer ce qui existe déjà, mais d’apporter des ajustements là où cela est nécessaire. La loi ALUR a très clairement confié la gouvernance des politiques de l’habitat aux EPCI – le Grand Paris étant à part –, à la fois en matière de développement de l’offre et de la réhabilitation, mais aussi, désormais, de politique de peuplement, qui est au cœur de ce titre II.

Je n’ai pas de désaccords particuliers avec les propos tenus par nos interlocuteurs : nous avons, en effet, avec ce texte, une bonne base qu’il s’agit de parfaire pour éviter des effets pervers.

Le sujet n’a pas été évoqué, mais il me semble que travailler sur les seuls flux, ces 25 % logés hors des QPV, risque, si l’on pousse la logique à son terme, de créer de nouveaux QPV. Avez-vous des propositions à formuler pour l’éviter ?

Certaines dispositions figurent dans le texte parce que des préfets n’accomplissent pas toujours le travail qui leur revient. Je nourris à ce sujet quelques inquiétudes, car durcir la loi pénaliserait ceux qui sont vertueux. Il me semble que nous devrions trouver un autre moyen de remédier à la situation qui trouve son origine dans la trop grande proximité de certains représentants de l’État avec les maires. Comme vous l’avez évoqué, M. Robert, le recours aux préfets de région pourrait constituer la garantie d’une meilleure efficacité.

La mobilisation du parc privé est indispensable. Aussi, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, devrons-nous adopter des mesures propres à engager davantage d’intermédiation locative et de mandats de gestion.

Enfin, il me semble que l’un des grands absents du projet de loi est la démocratie locative, évoquée par M. Lebas. Outre les conseils citoyens, qui mériteraient peut-être quelques améliorations, il conviendrait de donner davantage de moyens à ceux qui font vivre la démocratie dans l’ensemble des bailleurs sociaux.

M. Yves Nicolin. Je souhaite apporter un témoignage contrastant avec les propos tenus par nos invités, car il serait bon que le texte présenté prenne en compte une réalité : la France n’est pas uniforme. Madame la présidente, vous êtes élue de la grande ville qu’est Paris ; pour ma part, je le suis d’une ville plus petite qui se nomme Roanne et compte 38 000 habitants. La loi SRU ne devrait pas s’appliquer de la même façon à l’une et à l’autre, mais c’est pourtant le cas.

En 1975, la ville de Roanne comptait 55 000 habitants ; aujourd’hui, elle en compte 36 000, et avec un taux de 30 %, nous avons trop de logements sociaux. Des villes plus petites, de 10 000 habitants, sont venues se greffer alors qu’elles n’avaient pas rempli leurs obligations SRU. À chaque fois que le préfet demande à ces communes de remplir leur quota, cela a pour effet de retirer des bénéficiaires de logements sociaux de ma ville, et je suis dans l’obligation de démolir les habitations devenues inutiles.

J’apprécierais donc, et cela n’est pas incompatible avec ce que vous avez dit, madame la présidente, qu’un amendement permette à tout le moins de conduire une gestion à l’échelon intercommunal. Je préside une communauté d’agglomération comptant 100 000 habitants et 40 communes, dont un faible nombre compte plus de 5 000 habitants et doit satisfaire à des taux de logements sociaux légalisés. Il conviendrait de donner aux préfets la capacité d’adapter la réglementation aux territoires. M. Robert a évoqué des préfets ne prenant pas assez de constats de carence : cela est heureux ! Dans mon agglomération, les deux communes de Riorges et de Villerest comptent respectivement 10 000 et 5 000 habitants : si elles venaient à remplir leurs obligations en termes de logements sociaux, elles désorganiseraient ceux de Roanne. Qui plus est, nous avons, d’un côté, un schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui interdit de construire davantage de logements, et, d’un autre côté, un préfet qui oblige à construire des logements sociaux : c’est la quadrature du cercle !

Je souhaiterais que vous preniez en considération que la France n’est pas Paris et ne se résume pas aux grandes villes. Il existe d’autres territoires dont les problématiques de logement sont différentes et qui tentent de traiter les problèmes de pauvreté autrement.

En revanche, je partage vos vues au sujet de l’implication du parc privé : dans ma ville, 4 000 logements sont vides, dont la moitié est insalubre. Je suis mille fois d’accord pour remettre sur le marché des logements du parc privé, y compris en les transformant en logements sociaux, mais avec quels moyens ? Mon intercommunalité va consacrer 3 millions d’euros à aider des propriétaires à remettre sur le marché, après travaux, des logements totalement inadaptés, véritables passoires énergétiques parfois au bord de l’écroulement. Mais de son côté, l’État ne me donne pas grand-chose pour lutter contre l’insalubrité.

Je m’en suis ouvert à la ministre ainsi qu’à beaucoup d’autres personnes : tous reconnaissent la justesse de mes propos, mais tous persistent à me dire que mes deux communes devront atteindre le taux de logements sociaux prescrit : nous allons dans le mur ! Il est indispensable de prévoir des possibilités de dérogation préfectorale, sur la base d’un bilan global du nombre de logements disponibles sur l’ensemble d’un territoire et non pas seulement sur une seule ville de plus de 5 000 habitants.

Mme Nathalie Appéré. Comment parvenir à un juste équilibre entre la territorialisation des politiques de logement, les contraintes nationales, et, le cas échéant, la substitution lorsque les territoires sont peu vertueux ? On voit bien qu’il s’agit d’un sujet sur lequel on oscille ; d’ailleurs, le projet de loi lui-même comporte des dispositions parfois contradictoires qu’il faudra sans doute retravailler. Je considère, pour ma part, qu’il faudra favoriser le plus possible la capacité de contractualisation des territoires afin de tenir compte des spécificités locales tout en veillant à les inscrire dans des enjeux nationaux de mixité sociale.

J’aimerais connaître le point de vue de nos invités : le texte est-il en retrait au regard de la montée en charge des EPCI dans les politiques de logement telle qu’elle émergeait de la loi ALUR ? Est-il en retrait en matière de pouvoir des préfets et de substitution de l’État ?

La présidente de l’ANAH que je suis est convaincue que le parc privé, en fonction des particularismes locaux, doit tenir une place primordiale dans la mixité et l’accessibilité du logement. Vous avez cité le conventionnement avec ou sans travaux ou le recours accru à l’intermédiation locative. Outre les crédits de l’ANAH, destinés à couvrir 70 000 logements en 2016 et 100 000 en 2017, d’autres outils existent-ils dont vous pensez qu’ils devraient être davantage mobilisés aujourd’hui pour favoriser l’accessibilité du parc privé ?

J’ai entendu Christophe Robert évoquer une possible harmonisation des loyers à l’échelon territorial : quel pourrait être le regard de la Fondation Abbé Pierre sur l’expérimentation consistant à unifier le niveau de loyer, en QPV et hors QPV, de sorte que le loyer ne soit plus un obstacle à une politique de mixité dans l’habitat ? Aujourd’hui, le loyer bas ne favorise pas l’attractivité des logements en QPV, puisque ce sont les logements enregistrant le plus fort taux de refus, même en zones tendues. Par contre, un niveau élevé de loyer hors QPV est susceptible d’exclure les ménages les plus modestes – au-delà des 25 % prévus par la loi. Comment, afin de ne pas créer de nouveaux QPV hors QPV, selon l’expression de Philippe Bies, recourir à des harmonisations plus lourdes que ce que prévoit le projet de loi aujourd’hui ?

M. Jean-Louis Bricout. La France n’est effectivement pas faite que de grandes villes et, en milieu rural, les passoires thermiques sont une réalité qu’il faut combattre. L’enjeu est bien en phase avec le projet de loi : nous devons garantir aux Français, partout sur le territoire, des conditions de vie les amenant à se sentir pleinement citoyens. Et l’accès à un logement décent constitue l’une de ces conditions.

Dans ma circonscription située en milieu rural, des bailleurs indélicats, pour ne pas dire des marchands de sommeil, viennent s’installer dans le cœur des petites villes bourgs-centres. Pour ceux qui ne se saisiraient pas des mesures incitatives existantes, des méthodes coercitives devraient leur être appliquées, singulièrement dans le cadre des pouvoirs de police du maire. Les règlements sanitaires départementaux permettent d’imposer la réalisation de travaux dans les logements en cas de constat d’indécence ou pour la mise en sécurité. Or ces bailleurs placent leurs locataires dans une sorte d’insécurité économique qui ne peut être avancée pour imposer des travaux d’amélioration de la performance du logement. Le diagnostic de performance énergétique (DPE) n’est, en effet, pas juridiquement opposable parce que les résultats sont susceptibles de varier d’un diagnostic à l’autre. Serait-il possible que le DPE soit encadré par la loi afin d’être incontestable, et donc opposable, ce qui permettrait de rendre obligatoires les travaux d’amélioration énergétique du logement ?

On constate que ces investisseurs privés ne réalisent pas d’investissements de performance énergétique dans la mesure où, ne payant pas les charges, ils ne bénéficient pas du retour sur investissement. Dès lors, pourquoi ne pas coupler les charges fixes du logement et du loyer ? De fait, si la coercition est parfois nécessaire, elle ne dispense pas de recourir aussi à des méthodes incitatives.

Mme Gilda Hobert. En milieu urbain ou en milieu rural, le logement partagé répond souvent aux besoins de personnes isolées, qu’elles soient âgées, handicapées ou simplement à la recherche d’une présence, et qui la plupart du temps ne disposent que de faibles moyens financiers. Le logement partagé permet, par ailleurs, à des jeunes gens de se loger à moindre coût.

Cela nécessite un contrat, au moins moral ou tacite, passé entre les deux parties, et des associations très investies participent à ce partage en établissant un dialogue. Quelques promoteurs proposent des logements partagés, conçus de manière à réserver un espace à la personne qui accueille et une chambre à la personne accueillie. Des échanges peuvent avoir lieu dans une pièce commune, tout en préservant à chacun son autonomie ainsi que son intimité.

Ne vous paraît-il pas souhaitable que ces pratiques puissent être reconnues par le biais de conventions types protégeant les uns et les autres ?

M. Pascal Thévenot. On a certes besoin de différents types de logements sociaux (PLAI, PLS et PLUS), mais on a avant tout besoin de logements. Si l’on veut produire du logement et accueillir davantage de familles à faible revenu, il ne faut pas exclure les classes moyennes qui peuvent bénéficier d’un PLUS ou d’un PLS. Certains territoires comportent trop de logements sociaux du fait de leur désindustrialisation, mais, dans les grandes métropoles et en région parisienne, les familles disposant d’un revenu moyen rencontrent des difficultés pour se loger. Il convient de ne pas attendre qu’elles tombent dans la précarité pour s’occuper d’elles.

Des acteurs privés seraient enclins à investir dans le logement sans soutien de l’État, et il y aurait lieu de leur permettre d’entrer dans les dispositifs PLS et PLUS en intégrant ces opérations dans le contingent SRU. Cela permettrait de développer un système vertueux et non contraignant. Il est nécessaire de disposer de fonds pour créer du logement, et on ne peut pas tout attendre de l’État. Que pensez-vous de l’idée d’augmenter le parc du logement social en s’appuyant sur le privé ? Cela constituerait une réponse à la demande de logements dans les grandes agglomérations où les loyers sont tendus. On aiderait ainsi toutes les catégories éprouvant des difficultés à se loger, notamment les familles comprenant des parents isolés. Les maires et les préfets ne pourront pas répondre à toutes les situations particulières dans ce domaine, puisque seuls quelques logements se libèrent chaque année. Il s’avère donc nécessaire d’augmenter le contingent global de logements pour l’ensemble de ces catégories de personnes. Il est plus facile d’aider les gens avant qu’ils ne tombent dans une situation profondément détériorée.

M. Sylvain Berrios. Ce texte se révèle technique et l’automaticité des dispositions en matière de carence et d’utilisation des outils par les préfets gomme les particularités des situations locales. Il fait l’impasse sur la dimension contractuelle de la politique du logement au niveau territorial. Des contrats de mixité sociale sont signés avec l’État dans des villes carencées, comme à Saint-Maur-des-Fossés, et donnent de bons résultats. Cette contractualisation permet aux préfets d’apprécier le caractère volontaire ou non des collectivités carencées – certaines sont de bons élèves, mais doivent assumer le poids de l’histoire de leur territoire – et présente la vertu d’accompagner les uns et les autres. Le caractère automatique des mesures du projet de loi incitera les acteurs à suspendre leur engagement et à attendre leur déclenchement.

Les chiffres avancés par M. Christophe Robert sur le nombre de personnes très mal logées ou en attente d’un logement m’ont interpellé, puisqu’ils montrent qu’un quart de la population aurait besoin d’un logement. Face à cette situation, il y a lieu de dégager des priorités, ce que le texte ne fait pas assez. Les personnes très fragiles ont besoin de l’intervention d’une collectivité ou de l’État pour accéder au logement, alors qu’une autre partie de la population, entravée dans son parcours résidentiel, espère une aide de nature différente. L’usufruit locatif social compte parmi les dispositifs utiles pour ces gens, mais les lois n’en font jamais état ; il permet pourtant à des populations d’accéder au logement dans des zones dites privilégiées, selon différents modes y compris celui de la défiscalisation.

Le projet de loi ne fait qu’effleurer le caractère intercommunal de la question du logement. En Île-de-France, les EPCI auront des compétences importantes en matière de logement, mais on continue d’adopter une logique ciblée sur des territoires plus petits. Il convient d’assumer le caractère désormais intercommunal de la politique du logement, qui pourrait enclencher des dynamiques et opérer des rééquilibrages particuliers.

Enfin, il importe de prendre davantage en compte les quartiers prioritaires : à Saint-Maur-des-Fossés, ville dite carencée, il existe un quartier prioritaire où les gens ne veulent plus aller, malgré les très importants fonds injectés dans l’amélioration de la qualité du bâti. On risque de créer de nouveaux QPV en ne traitant pas convenablement, à l’image de ce projet de loi, la question des quartiers prioritaires.

M. François de Rugy. Les parlementaires éprouvent quelques difficultés à aborder le sujet du logement sous un autre angle que celui de leur circonscription, voire de la commune qu’ils gèrent, comme une loi qui vit ses derniers mois les y autorise. Néanmoins, élus de territoires différents et plus ou moins hétérogènes, nous connaissons des situations diverses qui rendent délicate l’élaboration de mesures générales s’appliquant sans la moindre différenciation dans l’ensemble du pays, comme la tradition française le commande.

L’échelle de mise en œuvre de la règle des 25 % de logements sociaux est un débat récurrent. À l’Assemblée nationale, ce sont les mêmes qui s’étaient opposés au transfert à l’échelon intercommunal de la compétence urbanisme et logement qui souhaitent appliquer cette règle des 25 % à un territoire plus grand et plus lointain que celui de la commune. Quel est votre point de vue sur cette question ? Je suis, au contraire, partisan d’entendre la mixité sociale à une échelle plutôt resserrée et souhaiterais qu’on la mette parfois en œuvre par quartier, voire par immeuble. C’est cette méthode qui permettrait de casser la logique des ghettos et de briser l’« apartheid social » dont a parlé le Premier ministre.

Que pensez-vous des surloyers ? La tentation de les augmenter revient régulièrement, mais elle porte comme effets pervers de réduire la mixité et de n’octroyer le logement social qu’à des personnes percevant de très faibles revenus. Cette demande est importante, et la loi DALO a modifié l’ordre de priorité dans les files d’attente. Or une attente trop longue entraîne un effet d’éviction pour les personnes aux revenus un peu moins faibles.

M. Éric Alauzet. Le projet de loi visant à sortir les personnes des ghettos et à mieux répartir leur installation dans l’ensemble du pays, le seuil de 3 500 habitants pour que s’applique la règle des 25 % dans une commune reste-t-il opérationnel ? Ne faudrait-il pas l’abaisser ?

Le DPE manque de fiabilité, mais le principe de ne pas proposer de logements très consommateurs d’énergie à des personnes aux revenus modestes ne devrait-il pas trouver à s’appliquer d’une façon ou d’une autre ? Reste que, même disposant d’un logement performant, les personnes se trouvant dans des difficultés financières, culturelles et sociales ont parfois besoin d’être accompagnées pour mieux l’utiliser.

Les relations entre les locataires à faibles revenus et les bailleurs publics comme privés ont-elles évolué au fil des années ? Ont-ils plus de capacité à restituer un logement dans l’état où ils l’ont trouvé ? Dans les logements publics par exemple, ces publics ont-ils la capacité d’utiliser la prime de précarité énergétique pour faire des investissements ?

Enfin, quelle appréciation portez-vous sur l’utilisation des plus de 40 milliards d’euros consacrés à la politique du logement dans notre pays ?

M. Arnaud Richard. Le logement est l’un des domaines où les postures politiques sont les plus marquées, et il serait opportun de sortir de cette situation. Je rappelle à nos camarades de gauche qu’ils s’étaient opposés à la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), demandée par Jean-Louis Borloo, alors que tout le monde soutient son action aujourd’hui.

Sortir de la polémique, il le faut notamment au sujet des villes carencées. Il faut arrêter de montrer du doigt les maires, qui, évidemment, souhaiteraient construire plus de logements sociaux, contrairement à ce que laisse croire le débat médiatique.

Le surloyer constitue une piste intéressante, mais il convient de le mettre en œuvre de manière équilibrée : quelle est votre position sur ce sujet ?

On éprouve des difficultés à déployer l’acquisition sociale à la demande, qui pâtit aussi de nombreuses postures politiques, alors qu’elle représente un moyen pour les bailleurs sociaux et les locataires d’acquérir leur logement.

Monsieur Alauzet, il n’y a pas d’accompagnement social dans les petites communes, si bien qu’il leur serait difficile d’accueillir la population qui bénéficie du logement social.

Le logement locatif aidé remplit-il toujours sa vocation ? Faire évoluer le principe de son attribution est positif, mais l’intermédiation locative n’a jamais été un grand succès malgré les efforts consentis au cours de la dernière décennie. Il s’agit pourtant du meilleur moyen de fournir, par le biais du conventionnement avec les associations et les propriétaires privés, un nombre important de logements aux personnes les plus défavorisées.

Que pensez-vous du programme Comme à la maison (Calm), créé par une association, qui propose à des citoyens français d’accueillir bénévolement des réfugiés chez eux ? Ne pourrait-on pas imaginer une extension de cette initiative à des personnes défavorisées, avec un soutien de l’État qui pourrait s’inscrire dans l’important budget de l’hébergement d’urgence ? Cette aide de l’État est nécessaire, mais la société civile souhaite également s’investir dans ce domaine, et il convient de l’accompagner.

Les bailleurs sociaux ont un rôle majeur à jouer : le travail avait été effectué de manière intelligente et partenariale dans le cadre de l’ANRU, mais certaines difficultés, compréhensibles, sont apparues entre l’État et les bailleurs sociaux. On ne résoudra pas la crise du logement dans notre pays sans les bailleurs sociaux ni les maires.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur Robert, que pensez-vous du supplément de loyer de solidarité (SLS) dans les QPV et hors de ceux-ci ? Le SLS encourageant souvent les locataires à déménager, ne constitue-t-il pas un obstacle pour atteindre les objectifs de mixité sociale ? La révision des plafonds de revenu ne représenterait-elle pas une solution ?

M. Michel Heinrich. Je suis maire d’une ville de 35 000 habitants et je préside un office public de l’habitat. Je partage la vision de la mixité sociale exposée par François de Rugy, mais disposons-nous de tous les outils pour la déployer ? J’ai mis en œuvre des opérations de l’ANRU qui ont très bien fonctionné, mais à la volonté de développer la mixité sociale à l’échelle d’une agglomération s’oppose l’écrémage des politiques sociales menées dans les différentes communes de l’EPCI.

Prenons l’exemple d’une ville-centre qui applique le quotient familial au prix de la restauration scolaire et dont les communes voisines accueillent du logement social mais pratiquent un tarif uniforme de restauration scolaire. Une famille percevant le revenu de solidarité active (RSA) ne pourra pas vivre dans ces communes du fait du prix, entre autres, de la restauration scolaire. Elle restera dans la ville-centre qui concentrera donc la précarité, au détriment de la mixité sociale.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Depuis la promulgation de la loi SRU, certaines villes n’ont pas rempli les objectifs annoncés, se trouvent en situation de carence et n’ont toujours pas payé le moindre centime d’amende. Cette situation résulte de la proximité institutionnelle entre les préfets et les maires, qui doivent travailler ensemble dans de nombreux domaines touchant à la politique de la ville. Quelles pourraient être, demain, les compétences du préfet de région ?

Madame Chalençon, le texte comporte des dispositions relatives aux données devant être partagées entre les opérateurs. Quelles sont celles qui pourraient être partagées avec les citoyens ? Ces derniers pourraient-ils avoir accès en ligne aux vacances de logements ? On ne va pas localiser ces dernières, mais cet élément fait partie du débat, car une évaluation en temps réel serait importante.

J’ai rapporté la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation : l’action de groupe dans le domaine du logement doit passer certains filtres, dont l’obligation d’être intentée par une association agréée. Or, dans certains endroits, l’association de locataires rechigne à conduire cette action de groupe et il s’avère délicat de trouver une association implantée ailleurs qui accepte de venir dans un autre territoire. L’Autorité de la concurrence formulera bientôt quelques remarques à ce sujet. Quel est votre avis sur cette question ?

Le projet de loi ne vient pas de nulle part ; il s’inscrit dans le prolongement de la loi ALUR en la précisant, la renforçant et la complétant, notamment, dans le volet foncier, sur la stratégie de construction de logements sociaux. L’objectif est de rendre plus effective l’obligation fixée aux communes en situation de carence. Quel est votre point de vue sur la mixité fonctionnelle ? Est-il opportun de convier l’éducation nationale autour de la table ? On éprouve beaucoup de difficultés à conserver les enseignants dans les zones tendues lorsque le prix du logement est trop élevé ; cela accroît les inégalités scolaires et mine la mixité fonctionnelle. Quelles propositions pourrions-nous avancer dans ce domaine ? Il n’y a pas si longtemps, de nombreux enseignants vivaient dans du logement social, mais ils sont aujourd’hui de moins en moins nombreux à en bénéficier.

Nous aurons l’occasion de revenir par écrit sur deux autres sujets : la présence des jeunes, notamment ceux en formation, dans le logement social, et le rétablissement du 1 % associatif ou culturel, qui obligeait les bailleurs à réserver des locaux dans leurs programmes d’ensemble, et pas simplement à l’échelle de l’immeuble, pour des activités associatives et culturelles.

M. Christophe Robert. Aux yeux de la Fondation Abbé Pierre, la loi SRU et la politique locale de l’habitat sont distinctes. La loi SRU est très importante symboliquement, car elle met en lumière la nécessité de partager l’effort de solidarité à l’échelle d’un territoire. Pour autant, elle ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la politique du logement, contrairement à ce que certains débats médiatiques ont pu laisser entendre. La loi SRU a fixé un taux, à partir de la moyenne de logements sociaux en 2000, qui n’a pas beaucoup de sens, mais qui rappelle que tout le monde doit participer à l’effort de solidarité. Certes, ce taux peut ne pas répondre aux besoins dans certaines collectivités locales. C’est pourquoi le projet de loi envisage la sortie de certaines villes du dispositif. On demande toutefois la réalisation d’une étude d’impact précise sur ce point.

Le cadre de la loi SRU a évolué, puisque les préfets peuvent désormais constater l’incapacité ou l’absence de besoin d’agir pour avoir 20 % ou 25 % de logements sociaux, et remonter ces cas à la Commission nationale de l’article 55 pour que celle-ci statue définitivement. De même, le projet de loi prend déjà en compte les éventuelles baisses démographiques dans les communes, les difficultés financières ou les impossibilités liées à la localisation en zone inondable ou à flanc de montagne pour moduler l’application de la loi SRU. Nous demandons d’ailleurs le renforcement de la Commission nationale de l’article 55, qui a à connaître de ces dossiers.

Pour ce qui est de la politique d’ensemble, nous soutenons la logique de contractualisation défendue par plusieurs d’entre vous. Si toutes les intercommunalités étaient aujourd’hui en état d’agir politiquement, il n’y aurait pas de problème pour leur lâcher davantage la bride. Or ce n’est pas le cas, et beaucoup de territoires ne sont pas équipés pour lutter contre l’habitat indigne, pour conseiller, pour avoir une bonne visibilité des marchés locaux du logement, pour déployer les bons outils en matière de rénovation urbaine et pour intégrer la politique du logement des personnes défavorisées. Dans certains endroits, la contractualisation se mettrait en place avec succès : l’État donnerait l’impulsion puis laisserait agir les acteurs locaux ; mais on ne peut pas adopter cette démarche dans l’état actuel de la politique du logement telle qu’elle est mise en œuvre dans notre pays. Les choses évoluent cependant et le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) s’inscrit dans cette logique. Nous souhaitons également que le projet de loi rende les conférences intercommunales du logement obligatoires.

Nous sommes extrêmement favorables à ce que des expérimentations soient conduites, car la baisse des loyers dans le logement social prévue par la loi ne se fera pas sans compensations financières ou sans laisser aux acteurs la possibilité de diminuer les loyers au regard de la réalité du peuplement dans leur territoire.

Je ne crains pas que l’on crée de nouveaux QPV, car la loi est très modérée et n’aura qu’un impact limité. Elle a le mérite de découpler le financement initial du logement social et la possibilité de faire varier les loyers. Cette évolution est très positive, mais on n’intervient que sur les flux, sans tenir compte du peuplement actuel, si bien que le même effort reposera sur tous les bailleurs sociaux, que la population à revenus modestes soit nombreuse ou non. Si des collectivités locales, des intercommunalités, des métropoles bien équipées, connaissant bien leur population et s’engageant avec les maires et les bailleurs sociaux, sont capables d’intervenir pour améliorer l’accessibilité de tous, y compris les plus défavorisés, au parc social, nous devons les encourager.

S’agissant de la mobilisation du parc privé, on arrive agréablement à un consensus, et nous nous réjouissons d’entendre, à droite comme à gauche, la volonté de recourir à la ressource du logement privé. La ministre du logement a confié une mission à la Fondation Abbé Pierre sur la façon de mobiliser davantage de logements privés à vocation sociale ; nous rendrons nos premières conclusions à la fin du mois de juin et le rapport définitif au mois de septembre. Nous consultons les agences immobilières, les associations d’insertion par le logement et les collectivités pour voir comment développer l’offre de logements à loyer accessible, capter les logements vacants en zone rurale et améliorer la qualité du logement grâce à des aides importantes. Il serait opportun d’utiliser ce projet de loi pour enclencher cette dynamique. Celle-ci nécessite que l’on y consacre des moyens suffisants, faute de quoi on ne pourra pas faire plus de logements sociaux moins chers, ni mobiliser davantage le parc privé à vocation sociale, ni non plus aider les propriétaires qui éprouvent des difficultés à rénover leur logement. Des logements sont aujourd’hui disponibles pour du conventionnement, y compris en milieu rural ou semi-rural, mais les moyens s’avèrent insuffisants. On ne pourra donc pas esquiver la question financière.

Je partage totalement l’analyse selon laquelle il ne faut pas opposer les défavorisés et les catégories modestes qui rencontrent également des difficultés pour se loger. C’est la raison pour laquelle nous sommes très favorables à l’encadrement des loyers. Il s’agirait de maîtriser un peu le niveau des loyers là où il atteint un niveau excessif en le maintenant en dessous du loyer majoré à 20 % pour faire baisser la facture sans injection d’argent public. Tel était l’objectif fixé par la loi ALUR, indépendamment de la lecture idéologique que l’on en a ; or on a réduit la portée de cette disposition en la limitant à Paris.

Nous sommes également favorables à l’usufruit locatif, ainsi qu’à des mesures de défiscalisation pour faire revenir les investisseurs institutionnels et développer le logement intermédiaire. Tous ces logements importent beaucoup, car si les classes moyennes inférieures n’en trouvent pas, elles concurrencent les familles les plus défavorisées, phénomène que l’on a observé depuis une quinzaine d’années. L’encadrement des loyers ne coûte pas d’argent public, mais quels moyens allouons-nous à l’usufruit et au retour des investisseurs ? On réfléchit à de nouvelles pistes, que l’on insérera dans notre rapport, mais la question de l’accès des plus défavorisés – les 25 % les plus modestes, population ciblée implicitement par le projet de loi, et ceux ayant fait un recours DALO – continue de se poser avec beaucoup d’acuité. En effet, ces publics ne trouvent pas d’offre adaptée, y compris dans le logement social et avec un PLAI. Il convient donc de consentir des efforts considérables pour développer cette offre de logements très sociaux, dans le parc social comme dans le parc privé, sous peine de voir s’allonger la liste des ménages mal logés.

Le DPE est effectivement une difficulté. Le 6 juin prochain, le Conseil national de l’habitat (CNH) se penchera sur l’interdiction de louer des passoires thermiques, posée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Comment va-t-on appliquer cette interdiction ? On entend dire que le DPE se révèle insuffisamment fiable, mais ce qui est proposé au CNH n’est pas satisfaisant. J’ignore si l’on peut faire évoluer le DPE – il convient de se mettre en relation avec des techniciens sur ce sujet –, mais cet outil a au moins le mérite d’exister. Il serait opportun d’avancer dans ce domaine.

Monsieur Alauzet, les 45 milliards d’euros consacrés à la politique du logement recouvrent des dépenses fort diverses. Souhaitons-nous limiter le dispositif Pinel de défiscalisation ? Souhaitons-nous revenir sur la TVA à 5,5 % dans le bâtiment ? Faut-il réduire l’enveloppe de 18 milliards d’euros consacrée à l’aide personnalisée au logement (APL), qui constitue, avec les minima sociaux, l’aide sociale la plus redistributive en France, car elle permet à des gens de sortir du seuil de pauvreté ? De quoi parle-t-on ? S’il s’agit de savoir si la mobilisation financière est insuffisante pour produire du logement social, mobiliser du parc privé à vocation sociale, rénover les logements passoires thermiques et aider les propriétaires en difficulté, oui, elle l’est. C’est pourquoi il faut absolument inverser la logique, insister sur le fait que ces investissements stimuleront l’activité économique, créeront de l’emploi et lutteront contre la fracture énergétique. Il faut penser à long terme ! Les politiques à la petite semaine échoueront et justifieront des coupes aveugles, comme cela a été tenté pendant ce quinquennat pour les APL.

Nous ne sommes pas opposés par principe à la vente de logements sociaux, et 8 000 d’entre eux sont vendus en moyenne chaque année. En revanche, financer la production de logements par la vente de logements sociaux constitue un vrai problème. De notre point de vue, cela revient à vendre le patrimoine que la richesse de la nation a contribué à constituer dans une logique de solidarité, pour subventionner la politique actuelle. La réduction du parc ne doit donc pas dépasser un certain niveau, mais il n’y a pas d’opposition idéologique à de telles opérations.

Nous sommes en désaccord avec certaines associations sur la question du surloyer. Ce dernier ne me semble pas une mauvaise idée. Le projet de loi se propose de modifier les niveaux de remise en cause du droit au maintien dans les lieux, fixés par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. La question de la mixité se pose différemment selon l’endroit où l’on habite : être dans un QPV dans Paris avec une station de métro au pied de son immeuble n’est pas la même chose que de vivre dans un QPV dénué de tout transport en commun. On en revient au bon équilibre à l’échelle territoriale où seuls les acteurs locaux, s’ils veulent bien agir en matière de mixité sociale, sont capables de produire une politique du logement adaptée, qui aille dans le sens de l’orientation de ce projet de loi. À l’intérieur d’un cadre général national, le niveau de revenu permettant d’obtenir un logement social doit être décidé localement.

Mme Géraldine Chalençon. Pour territorialiser la politique du logement, encore faut-il avoir des outils de connaissance des territoires. Pour fonder cette politique à l’échelon le plus local possible, il faut disposer de données à la fois fiables et homogènes sur l’ensemble du territoire. Ainsi, il ne serait pas possible de mettre en application l’article 29 du projet de loi, qui prévoit de modifier les critères d’application de la loi SRU pour tenir compte de la demande de logement social, si le système national d’enregistrement des demandes n’existait pas aujourd’hui. La question des outils est donc technique, certes, mais fondamentale.

Une politique publique fixe des objectifs que l’on peut effectivement atteindre ensuite par différents moyens. La question des règles à fixer au niveau national et des latitudes à donner aux territoires se pose de manière récurrente. Mais pour pouvoir évaluer ces politiques et vérifier que les objectifs fixés ont bien été atteints, il faut encore se doter d’outils au préalable.

Pour répondre à la question de M. Hammadi, j’ai animé, en 2014-2015, dans le cadre du Conseil national de l’habitat, conjointement avec la mission Etalab du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, un groupe de travail sur l’ouverture des données publiques dans le champ du logement. Ce groupe de travail, qui a publié un rapport il y a un peu plus d’un an, associait à la fois des membres du CNH et des acteurs de la communauté de l’open data. Même si la faiblesse des données a été soulignée de manière récurrente tout au long des discussions, il me semble que les acteurs du logement s’efforcent aussi précisément que possible de mettre à disposition celles qu’ils ont, dans le respect des règles de secret applicables en la matière. Ainsi, depuis la fin du mois d’avril, le SNE met à disposition sur son site des données très détaillées, y compris sur le plan territorial. C’est un outil de transparence important. L’ANIL a également mis en ligne, en début d’année, un site diffusant les premiers résultats des observatoires locaux des loyers. Différents niveaux de lecture permettent aux professionnels de disposer de données très précises, des tableaux très détaillés peuvent être utilisés pour des travaux de recherche et d’exploitation, mais il y a aussi un accès grand public. C’est un travail en progression et qui est loin d’être terminé mais l’objectif est vraiment de mettre à disposition de tout public les données les plus précises possible. Ce site permet ainsi de connaître les niveaux de loyer par type de logement et par zone.

S’agissant de la performance énergétique des logements locatifs privés, beaucoup d’actions ont été menées pour accompagner les ménages dans leurs travaux. La question restant sensible, les aides de l’ANAH aux bailleurs ont été rétablies et la loi de transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’intégrer parmi les critères de décence des logements cette notion de performance énergétique. Le décret d’application de cette disposition est en cours de consultation publique. M. Alauzet a également souligné le problème de l’usage des logements, sur lequel les réflexions commencent à émerger parmi les acteurs du secteur. Il s’agit d’imaginer un nouveau service permettant aux ménages d’utiliser au mieux leur logement, une fois celui-ci rendu plus performant. A notamment été envisagée la possibilité pour des jeunes en service civique de contribuer à ce type de nouveaux services. Nous n’en sommes donc encore qu’au début de la réflexion.

Enfin, beaucoup ont souligné la technicité des textes en matière de logement. C’est vrai, mais c’est aussi de cette façon que l’on avance. Une disposition de l’article 20, par exemple, peut donner l’impression d’être purement technique mais elle a son importance : elle vise à intégrer à l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation l’ensemble des critères de priorité pour l’accès au logement social. Aujourd’hui, il faut se reporter non seulement à cet article, mais aussi à la loi du 31 mai 1990 et à la loi DALO. Je considère donc le fait de rassembler dans un seul texte ces critères comme une avancée en termes de lisibilité du droit – objet de l’action quotidienne des ADIL auprès des ménages.

M. Jean-Paul Lebas. Je reviens sur la question, abordée par Mme Appéré, des propriétaires occupants en situation précaire. Dans les copropriétés précarisées, l’action d’auto-réhabilitation accompagnée débloque souvent bon nombre de situations. Mme Chalençon a rappelé que le premier quartile des habitants dans les copropriétés précarisées est aussi pauvre que les locataires du parc social des QPV. C’est une réalité que nous voyons quotidiennement, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Il nous semble donc très important que des outils plus efficaces que ceux actuellement en place soient développés – l’ANAH en a accepté certains – et que le projet de loi « Égalité et citoyenneté » intègre des dispositifs nouveaux, de façon à toucher cette fraction importante des propriétaires occupants en situation de totale précarité et habitant dans des passoires énergétiques.

S’agissant des 40 milliards de l’effort national pour le logement, Christophe Robert a dit ce qu’il en pensait, ce que nous partageons. Je voudrais à nouveau insister sur un point soulevé dans mon discours d’introduction. Je suis toujours effaré de constater, s’agissant des investissements dans les quartiers en rénovation urbaine, l’avantage disproportionné consenti à l’aspect matériel : bordures de trottoir, paysagement, résidentialisation, réhabilitation des logements ou construction de logements neufs représentent 95 % des 40 milliards du PNRU 1, et l’affaire se profile de la même façon pour le PNRU 2. Il conviendrait, non pas de diminuer ces investissements matériels, mais de veiller à augmenter la part des investissements immatériels nécessaires pour accompagner les habitants sur la voie de leur reprise en main et ne plus seulement les assister. À terme, le retour sur investissement – pour parler comme un vulgaire financier d’entreprise – sera forcément bien meilleur.

Enfin, M. Hammadi a évoqué les locaux collectifs résidentiels, les fameuses réserves imposées, fut un temps, aux bailleurs, destinées à développer le vivre-ensemble, la sociabilité et le bien-être dans les logements locatifs sociaux. Cela a été fait dans beaucoup de quartiers. Pour avoir participé à de nombreux projets de rénovation urbaine, je sais qu’on constate souvent l’existence d’un plus grand nombre d’équipements publics dans les quartiers de la politique de la ville que dans d’autres. Le problème n’est donc pas, selon moi, le manque de locaux favorisant la convivialité, et je reprendrai très volontiers la proposition de M. Hammadi de réserver un pourcentage d’investissements immatériels à la restauration de la citoyenneté dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

M. Christophe Robert. Quelques mots concernant le DALO. D’une part, la question des catégories de publics prioritaires au titre du DALO nous préoccupe, aussi avons-nous préparé des amendements que nous allons vous transmettre. D’autre part, l’encadrement des astreintes auxquelles l’État est condamné en cas de manquement à la loi DALO a considérablement réduit l’effet attendu de ce texte de 2007. Nous en souhaiterions donc la suppression. Nous proposons aussi que le montant des astreintes puisse être alloué aux requérants faisant valoir devant le juge leur droit au logement. Ce serait un acte fort du législateur que de faire en sorte que cette loi soit appliquée sur les territoires où l’État fait défaut.

Mme la présidente Annick Lepetit. Madame, messieurs, nous vous remercions.

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème du logement, avec la participation de :

La Commission spéciale procède à une table ronde sur le thème du renforcement de la lutte contre les diverses formes de discriminations, lors de sa seconde séance du mercredi 1er juin 2016, avec la participation de :

– M. Laurent Depond, premier vice-président de l’Association française des managers de la diversité (AFMD) et directeur diversité du groupe Orange ;

– Mme Christine Lazerges, présidente du Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ;

– M. Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN) ;

– Mme Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh).

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous sommes réunis aujourd’hui pour une table ronde thématique consacrée à la lutte contre les discriminations, thème central du titre III du projet de loi « Égalité et citoyenneté », intitulé « Pour l’égalité réelle ». Lutter contre les discriminations, c’est faire reculer l’injustice et, dans le même temps, c’est œuvrer pour l’égalité réelle comme l’indique sans ambiguïté cet intitulé. Si nous nous fixons cet objectif, c’est bien parce que, dans la vie quotidienne, les discriminations, avec leurs multiples facettes, constituent un frein considérable à l’égalité des chances. Nous devons donc tout à la fois les prévenir et les sanctionner plus sévèrement.

Monsieur Laurent Depond, vous êtes directeur de la diversité du groupe Orange et vice-président de l’Association française des managers de la diversité (AFMD), qui apporte son aide aux entreprises désireuses, quelle que soit leur taille, de mettre en place de bonnes pratiques afin de lutter contre les diverses formes de discriminations au travail ou d’obtenir le label Diversité. Votre intervention nous permettra d’avoir une vision précise de la situation dans les entreprises.

Mme Christine Lazerges, vous êtes présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui tient auprès du Gouvernement et du Parlement un rôle de conseil et de proposition dans les domaines des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La question des discriminations est au centre de vos réflexions, comme le montrent vos publications régulières sur ce sujet. Votre analyse et vos propositions nous seront particulièrement précieuses dans notre examen du projet de loi.

M. Louis-Georges Tin, vous êtes président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Crée en 2005, le CRAN lutte contre les discriminations que subissent les populations noires en France. Vous nous direz quelles sont les évolutions que vous constatez depuis une dizaine d’années, et quelles mesures de lutte vous paraissent efficaces. Sans doute pourrez-vous aussi nous faire part de vos suggestions.

Mme Danielle Bousquet, vous êtes la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh). Le Haut Conseil a pour mission « d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité ». À ce titre, il recueille et diffuse les analyses, études et recherches françaises, européennes et internationales relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il formule des recommandations, publie des avis et propose des réformes au Premier ministre. Vous êtes donc, madame la présidente, une interlocutrice privilégiée pour évoquer avec nous la question des discriminations à l’égard des femmes et des moyens d’y remédier. Notre assemblée peut d’ailleurs s’enorgueillir d’avoir œuvré dans ce domaine en faisant progresser la législation, quand bien même j’ai conscience que bien des choses restent à faire.

Dans un premier temps, je vais vous donner la parole à tour de rôle, puis nous vous poserons des questions plus précises.

Mme Christine Lazerges, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Je souhaite excuser l’absence de ma collègue Gwénaële Calvès, qui rapporte l’avis que la Commission nationale consultative des droits de l’homme prépare sur le titre III du projet de loi.

La discrimination est au cœur des préoccupations de la Commission qui, depuis 1990, a pour tâche de présenter un rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme la xénophobie. Nombre de nos avis portent d’ailleurs sur la lutte contre les discriminations.

L’avis que la CNCDH publiera le 16 juin prochain sur l’accès au logement rejoint l’un des objets du projet de loi « Égalité et citoyenneté » dont le titre II, consacré à cette question, nous donne toute satisfaction. Notre avis sur le titre III, pour lequel notre appréciation est plus réservée, sera adopté lors de la réunion plénière que nous tiendrons le 2 juillet.

Notre première critique sur le titre III porte sur son intitulé. Nous considérons qu’au lieu des mots « égalité réelle » il est préférable de recourir au terme, plus juste et que vous avez d’ailleurs employé, madame la présidente, de « lutte contre les discriminations ». La notion d’égalité réelle relève de l’utopie. Ce titre est par ailleurs singulièrement lacunaire même s’il met en jeu plusieurs thématiques : le droit de la presse et les infractions à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les conseils citoyens créés par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », ainsi que la question des emplois dans la fonction publique.

Mille autres questions pourraient être évoquées, comme l’action de groupe, pilier de la lutte contre les discriminations, dont le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, en cours d’examen par le Parlement, tend à préciser le cadre légal. Si l’instauration de circonstances aggravantes en cas de crime raciste ou assimilé est parfaitement à sa place dans le titre III, la lutte contre les discriminations en général est malheureusement éclatée entre plusieurs textes. Ainsi la révision de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations demeure-t-elle non codifiée, et personne n’en connaît pleinement la portée.

C’est un reproche que je m’adresse à moi-même en tant qu’ancienne députée. Le temps est venu d’édicter un code des discriminations – si le temps est encore aux codes – car cet éparpillement donne l’impression regrettable d’une ambition faible et d’une réforme à la marge sur les trois sujets que j’ai évoqués.

Aujourd’hui, on se borne à toiletter les textes, à alourdir les sanctions et à simplifier quelques procédures. On s’intéresse bien peu – même si cela concerne moins le Législateur – à l’efficience des textes en aval. Nous autres, Français, sommes champions de la production législative, mais nous le sommes moins lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des mesures que nous adoptons. Je prends l’exemple du dépôt de plainte pour les victimes de discrimination. Il est éminemment compliqué : quantité de postes de police et de gendarmerie ne prennent pas les plaintes pour discrimination, pas même en main courante. Cela fait des années que la CNCDH dénonce cette situation, et nous revendiquons haut et fort la possibilité de porter plainte par internet, ce qui est singulièrement adapté à la discrimination. Dans le cas d’une injure raciste, on imagine mal qu’un jeune « encapuchonné » aille déposer plainte : il risque de ressortir ou de ne pas ressortir, qu’on trouve une raison de l’interpeller ou de le mettre en garde à vue. Quoi qu’il en soit, de lui-même, il aura très peur d’aller déposer plainte.

La question du dépôt de plainte ne relève sans doute pas du Législateur mais, dans notre pays comme dans d’autres, elle n’est pas résolue, surtout quand l’infraction en cause n’est pas un délit classique. Porter plainte constitue une réelle épreuve : dans les faits, si vous n’êtes pas fils d’avocat, et je connais des exemples où il a fallu afficher cette qualité, vous ne pouvez pas déposer plainte. Je donne souvent cet exemple lorsque j’évoque le problème de l’effectivité de la loi, mais je pourrais en évoquer quantité d’autres.

Je tiens toutefois à féliciter l’Assemblée nationale pour les améliorations apportées à la clause générale de dérogation au principe de non-discrimination, que la France avait été conduite à intégrer dans son droit interne en 2008 sous la pression de l’Union européenne. Ce texte prévoit qu’une dérogation n’est pas applicable aux différences de traitement fondées sur l’origine, le patronyme, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une prétendue race. Bravo donc, particulièrement pour avoir adopté l’expression « prétendue race », emprunt bienvenu à la législation belge, car le mot « race » est difficile à éliminer en tant que tel. Cette formulation heureuse constitue une avancée considérable.

L’ajout de la perte d’autonomie comme chef de discrimination illicite est sans doute bienvenu également, mais ce critère, qui venait à peine d’être consacré par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, ne l’est toujours pas par le code pénal : à un an d’intervalle, nous tombons dans la dispersion des dispositifs. Cette situation illustre à l’envi la nécessité absolue de bâtir un droit autonome de la discrimination comme a été bâti un droit de la construction, par exemple.

La suppression des convictions comme chef de discrimination illicite inquiète plusieurs membres de la CNCDH. La préparation de notre avis n’est pas assez avancée pour que j’aille plus loin, mais l’Assemblée nationale a-t-elle conscience de placer la France en situation de manquement à l’égard du droit de l’Union européenne, pour lequel ce chef d’inculpation n’est pas facultatif ?

Depuis des années, nous sommes penchés sur les aspects les plus techniques de la loi sur la presse de 1881. Nous nous réjouissons que le projet de loi ne prévoie pas de faire basculer de la loi de 1881 dans le code pénal le régime de sanction des infractions prévues par ce texte, ce qui avait été envisagé un temps par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Dans nos rapports successifs, nous avons exprimé notre hostilité à l’éventualité de la comparution immédiate pour ce type d’infraction. Nous sommes très attachés à ce que la sanction soit éducative et non simplement répressive.

La CNCDH est, par ailleurs, partagée au sujet de la possibilité de requalification au cours du processus judiciaire. La loi de 1881 l’interdit radicalement aujourd’hui, ce qui est protecteur des droits de la défense, car le prévenu d’injure ne se défend pas de la même manière que dans un contexte de diffamation. Permettre la requalification est considéré comme un abaissement de la protection de la liberté d’expression. Jusqu’à présent, la Commission refusait absolument cette perspective, mais elle est désormais plus divisée, et j’ignore quel parti l’emportera au moment de l’adoption de notre avis. Le sujet est plus délicat qu’il n’y paraît : faut-il préserver les droits de la défense ou privilégier une procédure rapide ?

Enfin, je souhaite préciser qu’il n’y a pas lieu d’unifier le quantum des peines encourues pour les infractions à caractère raciste. L’injure n’est pas la diffamation. Or, l’article 37 du projet de loi prévoit les mêmes peines en matière de diffamation, d’injure et de provocation à caractère raciste. C’est mettre dans le même sac des choses très différentes : une injure est vite jetée, surtout si vous êtes adolescent. Ce serait par ailleurs contrarier les deux grands principes qui gouvernent le code pénal : nécessité et proportionnalité, le second faisant échec à toute unification des sanctions.

M. Laurent Depond, vice-président de l’Association française des managers de la diversité, directeur de la diversité du groupe Orange. Nous sommes plus attachés à la prévention des discriminations qu’à leur répression. Par ailleurs, nous ne constituons pas seulement un collectif d’entreprises : nous regroupons aussi des établissements d’enseignement supérieur ainsi que des institutions, dont des ministères. Nous travaillons sur les racines de la discrimination, pas uniquement sur ses conséquences.

Nous partageons avec nos membres le parti pris selon lequel la diversité est une chance pour la France. Elle doit être appréhendée de façon positive car elle constitue un levier de performance pour les organisations. Ce regard tourné vers la performance, et non pas uniquement vers l’éthique, nous aide à convaincre plus largement nos adhérents du fait qu’il y a urgence, en démontrant qu’une bonne prise en compte de la question de la diversité et une bonne prévention des discriminations sont un facteur de bon fonctionnement des organisations.

Nous faisons un constat inquiétant : les discriminations ne sont pas en régression. En cela, nous sommes en communauté d’esprit avec le Défenseur des droits, dont nous consultons le baromètre, qui nous semble toutefois en deçà de la réalité. De fait, les phénomènes d’autocensure sont nombreux et, comme l’a dit Mme Lazerges, un certain nombre de personnes ne parlent pas des discriminations dont elles sont victimes. Elles sont réticentes à le faire, soit par peur, soit parce qu’elles n’ont pas conscience d’être victimes.

Des personnes peuvent faire l’objet de discrimination du fait de leur adresse de résidence, de leur situation de famille ou – sujet plus aisément abordé aujourd’hui – de leur origine, mais aussi de considérations moins évidentes comme l’âge. Ainsi, l’apparence physique est aujourd’hui devenue un critère discriminatoire – je pense, par exemple, à l’obésité. L’AFMD prend en compte l’ensemble des critères, et pas seulement ceux pour lesquels les victimes osent se signaler.

Nous travaillons avec des organes académiques afin de produire des travaux de recherche et de mettre à la disposition de nos adhérents un ensemble de bonnes pratiques, de moyens de lutter contre les stéréotypes, de recettes qui permettent à un manager opérationnel ne disposant ni d’une connaissance du sujet, ni d’une culture juridique très développée, de faire néanmoins de la diversité quelque chose de positif pour son « écosystème ».

Nous ne souhaitons surtout pas réduire notre champ d’action aux questions de recrutement, qui ne représentent qu’une faible partie du sujet. La prévention des discriminations doit concerner la totalité de la carrière. Nous avons ainsi constaté que, dans un certain nombre d’organisations, le recrutement est certes diversifié, mais que les intéressés sont cantonnés à certaines activités sans possibilité d’évolution. Notre propos est de trouver des façons de les aider à progresser car, si ce n’est pas possible, apparaît un sentiment de discrimination contraire à l’objectif de qualité de vie au travail et de performance auquel nous aspirons.

Depuis la création de notre association, il y a huit ans, les choses ont évolué. L’obligation de négocier sur un certain nombre de sujets, comme l’égalité professionnelle, le handicap ou la question intergénérationnelle, a conduit à une meilleure prise en compte de la question de la diversité. D’autres sujets se sont fait jour : l’origine, au sujet de laquelle on ne négocie pas, mais surtout des questions plus latentes, comme l’apparence physique, les orientations sexuelles minoritaires ou encore le fait religieux dans l’entreprise.

Nous avons privilégié une réflexion sur le cadre sans nous limiter à la seule discrimination illégale. Nous sommes allés plus loin, vers la question des parcours atypiques, vers celle des diplômes, toutes choses marquantes dans la société française et susceptibles de provoquer le sentiment de discrimination. Beaucoup de signalements me revenant concernent des parcours atypiques et, donc, de mauvaises évaluations des potentiels des individus.

Malgré les progrès réalisés et le fait que le « politiquement correct » impose de considérer qu’il n’y a pas de sujet, donc pas de discrimination, certains préjugés, très ancrés, portent toujours sur l’origine et sur l’âge. Aussi travaillons-nous, en particulier, sur la question des origines, avec des partenaires tels que la fondation Agir contre l’exclusion, le Défenseur des droits, ou des chercheurs, afin d’extirper les racines du mal et de débusquer ce qui provoque ces comportements délétères.

Nous avons remarqué que, dans bien des cas, la discrimination n’est pas volontaire. Elle est le fait de fonctionnements machinaux, de stéréotypes, de conditionnements dont les individus n’ont pas conscience. À titre d’exemple, j’évoquerai le sujet, émergent aujourd’hui, de l’orientation sexuelle en entreprise : une étude a montré que la plupart des salariés ne voyaient pas de discrimination alors même qu’ils étaient placés en face d’un cas typique à travers un scénario.

On tente toujours de justifier et de rationaliser les comportements discriminatoires. C’est ce sur quoi nous devons travailler afin de faire prendre conscience d’une anomalie. Une fausse bonne idée consiste à réserver certains postes opérationnels aux salariés résidant à proximité en considérant que cela leur sera commode et qu’ils ne seront pas en retard : cette pratique est vue aujourd’hui comme discriminatoire, car l’adresse est considérée comme un critère majeur d’exclusion. Il nous revient de faire réaliser l’ensemble de ces aspects à nos managers de la diversité.

L’engagement des dirigeants constitue le vecteur de la lutte contre la discrimination et pour la promotion de l’égalité ; il convient ensuite de désigner un référent aisément identifiable vers lequel chacun doit pouvoir se tourner. Cette seule mesure limite le sentiment de discrimination : les intéressés savent qu’ils ont un recours, qu’ils peuvent « briser la vitre », appeler au secours et faire part de leur sentiment d’être brimé, que celui-ci soit fondé ou non. Quelqu’un va instruire le dossier ; c’est déjà un apaisement.

Un diagnostic doit être établi afin d’objectiver les situations et de dresser un constat bâti sur les perceptions des individus et sur des tests permettant de caractériser des situations ainsi que le climat d’une organisation. La sensibilisation est fondamentale, car les individus sont souvent inconscients du caractère discriminatoire de certaines décisions, de certains recrutements ou de certaines promotions. Ils subissent les choses sans discernement.

Il convient d’analyser et de réviser tous les processus de gestion de ressources humaines, mais pas uniquement en matière de recrutement. À une certaine époque, il était considéré que les « talents » se trouvaient uniquement parmi les salariés âgés de moins de trente-cinq ans. Ce préjugé était parfaitement discriminatoire et, de facto, excluait les jeunes mères de famille. Le système doit être nettoyé des scories du passé afin que ces discriminations ne puissent pas perdurer.

Une organisation vertueuse se doit, par ailleurs, d’irriguer l’ensemble de son système, et non pas simplement son seul corps social ; elle doit travailler avec ses fournisseurs et l’ensemble de ses partenaires. C’est à cette fin que l’AFMD prépare un guide des achats responsables.

Certes, nous ne parviendrons pas à réduire toutes les difficultés, mais nous avons au moins deux recommandations à formuler.

La première porte sur la création d’un « référent égalité », afin qu’un individu clairement identifié, dont le rôle est fondamental, soit en capacité de prendre la parole et d’aider au traitement des discriminations.

La seconde concerne la sensibilisation au sein de l’entreprise, qui ne doit pas être de façade, mais en profondeur, sans être pour autant stigmatisante pour les individus, car chacun est porteur d’une histoire personnelle. Nous contribuons à changer les comportements par nos productions gracieusement mises à la disposition de tous sur notre site internet.

M. Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN). « Malheur aux longues dissertations », disait Voltaire, et puisque je dispose de peu de temps, je formulerai sept propositions. Je n’évoquerai pas uniquement le CRAN, même si nous avons beaucoup travaillé sur les discriminations et si nous sommes à l’origine de la campagne sur les actions de groupe, soutenue par votre rapporteur général Razzy Hammadi, que je remercie. Je ne m’exprimerai pas seulement au sujet des populations noires, même s’il faut reconnaître qu’elles sont à la fois visibles et invisibles puisque la Décennie internationale des descendances africaines, proclamée par l’Organisation des Nations unies (ONU) et ratifiée par la France, n’est jamais évoquée. Je déplore que la question des Noirs ne soit pas prise en compte de façon particulière dans le rapport de la CNCDH, alors qu’une partie importante de ce rapport est consacrée à l’islamophobie – ce qui est nouveau et dont je la remercie – ainsi qu’à l’antisémitisme et au racisme dont souffrent les Roms. Il n’empêche que la question de la négrophobie n’apparaît jamais alors même que, sur le plan international, la France se flatte de soutenir des textes de cette nature.

La vérité est que 100 % des Français sont susceptibles de faire l’objet de discrimination. Tout un chacun peut être stigmatisé au titre de ses convictions politiques, de son genre, de ses origines, de son âge – chacun a été jeune et chacun sera vieux, et l’on peut être entre deux âges, mais déjà trop vieux pour quelque chose ou pas assez jeune pour une autre. Ainsi la discrimination ne concerne-t-elle pas les seules minorités, mais bien l’ensemble de la population.

Ma première proposition concerne la police. Vous avez peut-être à l’esprit le rapport de l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), qui démontre à quel point les minorités visibles sont surreprésentées parmi les personnes tuées dans un contexte policier. Ces personnes sont sept à huit fois plus présentes au sein de cette mortalité que le reste de la population ; ces chiffres sont strictement corrélés avec ceux du contrôle au faciès.

Selon nous, la solution consisterait à établir une parité entre la police et la société civile au sein des instances de contrôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui ne nous apparaît pas comme une autorité indépendante. Il s’agit de restaurer la transparence et la confiance nécessaire – car on parle beaucoup, ces jours-ci, de violences policières – entre la police et la société.

Je suggère aussi de réfléchir à la réforme du système de points en vigueur dans la police, dont se plaignent les syndicats eux-mêmes. Le barème est ainsi défini qu’il pousse les policiers à cibler la petite délinquance, c’est-à-dire les petites gens et donc bien souvent les minorités visibles, et à ne pas se focaliser sur les grosses infractions ou la délinquance en col blanc. Il suffirait de réviser le barème pour que les policiers ne soient plus tentés de viser un certain type de population, celle des jeunes stationnant au pied des immeubles et dans la poche desquels ils savent trouver 20 grammes de cannabis – ce qui leur donnera quatre points acquis en dix minutes. Enquêter sur d’autres types de délits infiniment plus violents pour la société demande plus de temps et d’investigations ; on va donc au plus simple pour avoir les primes de fin d’année. Voilà pourquoi il y a un profilage ethnique même par des policiers qui, dans leur majorité, ne sont pas racistes ; quand ils le sont, évidemment, les choses s’aggravent. Une réforme est cruciale.

Ma troisième proposition a trait à la musique. Je suggère d’instaurer un quota de 10 % de diffusion de musiques et de chansons en langues régionales – en créole, en breton, en alsacien… Des pans entiers du patrimoine culturel français, ignorés, passent à la trappe alors que les musiques et les musiciens diffusés sont toujours les mêmes. La diversité culturelle est la culture elle-même : il n’y a pas de culture dans l’uniformité. Or, nous promouvons une culture française rétrécie et rabougrie. Ce n’est pas ma vision dans un pays qui ne se limite pas à quelques arrondissements parisiens.

Il serait opportun d’ouvrir aux étrangers les nombreux emplois qui leur sont fermés sans raison. Si l’impératif de sécurité impose parfois de réserver certains emplois à des Français, dans de nombreux autres cas aucune raison objective ne le justifie, sauf à admettre une préférence nationale qui ne me semble pas être défendue ici.

Je propose encore de créer un observatoire de la négrophobie sur le modèle des observatoires de l’islamophobie et de l’antisémitisme, qui ont fait mieux comprendre ces phénomènes. La compréhension, la connaissance et la reconnaissance de la négrophobie font défaut. Il y a pourtant des évidences : la traite négrière concernait une population particulière, celle que visent aussi les insultes et comparaisons simiesques que subissent tous les jours non seulement Mme Christiane Taubira mais tant d’autres Français avec elle, dans les stades et dans les cours de récréation. Seuls ceux qui n’ont jamais étudié la question ignorent ces spécificités.

Je suggère aussi que l’on revoie la péréquation territoriale. Actuellement, 5 % des collectivités territoriales représentent 80 % des bases de ce qui a remplacé la taxe professionnelle. On croit souvent que les quartiers pauvres, bénéficiant de politiques sociales et d’aides, sont « assistés ». En réalité, on paye dans ces quartiers plus d’impôts, notamment indirects, que l’on ne reçoit des services publics. Des calculs concernant quelques banlieues emblématiques permettraient de vérifier que leurs habitants ne sont pas des assistés mais, en quelque sorte, des exploités. Une nouvelle péréquation permettrait de leur rendre justice, qu’ils habitent des zones rurales, urbaines ou péri-urbaines. Je ne sais si cette proposition entre dans le champ de ce texte mais elle relève incontestablement de la puissance publique. La péréquation doit viser au minimum à ce que les gens reçoivent autant que ce qu’ils payent ; la vérité est que l’on donne moins aux plus pauvres et plus aux plus riches, si bien que les pauvres n’en finissent pas de s’appauvrir et que les riches de s’enrichir. Le mécanisme de péréquation n’a pas été révisé depuis fort longtemps ; cela a conduit à des abus. Il faudrait le réformer.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. À quels impôts ou taxes faites-vous précisément référence ?

M. Louis-Georges Tin. À ce que les gens payent en impôts directs et surtout indirects, notamment sur leurs achats.

Militant antiraciste et anti-homophobe, je rappelle que l’on a commencé à parler du sida au début des années 1980, mais que l’on a mis longtemps à s’y intéresser vraiment – parce que l’on croyait que la maladie touchait principalement les Noirs et les homosexuels. Le temps que l’on définisse des politiques de santé publique adéquates, après s’être rendu compte que le VIH touchait aussi de nombreux Blancs et hétérosexuels, beaucoup de gens étaient morts, victimes de préjugés. Le préjugé, ce n’est pas seulement un regard condescendant porté sur le voisin, c’est un comportement qui peut avoir des conséquences fatales. Il a aussi un coût économique, si cet argument est plus éloquent. Il faut mesurer ce qu’implique la discrimination en termes de droit, d’éthique mais aussi d’intérêt pour l’entreprise, comme vient de le souligner M. Depond. Le sujet est universel : tous les Français et toutes les Françaises peuvent être concernés.

Mme Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nos travaux croisent les discriminations et les inégalités à raison du sexe avec les autres formes de discrimination. Ce fut particulièrement le cas pour le rapport EGALiTER consacré aux territoires de la politique de la ville et aux territoires ruraux fragilisés. Dans cet écrit publié en juin 2014, le Haut Conseil alertait les pouvoirs publics sur le fait que les fractures territoriales entravaient les libertés et l’autonomie des femmes, faisaient le lit des extrémismes et des replis, laissaient prospérer les peurs et l’obscurantisme, et contribuaient à affaiblir les principes républicains, au premier rang desquels l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous saluons ce projet de loi qui tend à combler le fossé entre les promesses républicaines et la réalité que connaissent celles et ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Nous souscrivons à l’approche générale : affirmer la volonté de l’État tout en soutenant le pouvoir d’agir et l’engagement des citoyens.

Nous avons relevé avec satisfaction l’intégration des femmes victimes de mariages forcés aux publics prioritaires pour l’accès au logement social. Les femmes constituant la grande majorité des personnes dans la précarité, nous nous réjouissons aussi des mesures visant à favoriser l’engagement citoyen, l’autonomie des jeunes et la mixité sociale dans l’habitat.

Toutefois, nous nous inquiétons de la faible prise en compte dans le texte des obstacles spécifiques que rencontrent les femmes dans l’accès à l’emploi et à la citoyenneté. C’est pour nous un souci de justice autant qu’un impératif d’efficacité des politiques publiques. En effet, sans juste diagnostic – et nous parlons de discriminations qui concernent potentiellement la moitié de la population –, les mesures prises risquent d’être inadaptées et, après quarante ans de politiques publiques dans les territoires concernés par la politique de la ville, de manquer une nouvelle fois leurs objectifs.

Je veux bousculer deux idées reçues. La première est que, dans les quartiers, les jeunes filles s’en sortent mieux que les jeunes hommes. Il est vrai que, là comme ailleurs, les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans l’enseignement secondaire. Mais cette performance occulte la suite de leur parcours, caractérisé par une présence dans l’espace public et une insertion professionnelle beaucoup plus difficiles pour elles en raison des discriminations croisées. On peut voir et entendre les garçons des quartiers au pied des immeubles, sur les terrains de football et ailleurs. On ne voit pas les adolescentes : comme le montre le géographe Yves Raibaud, à partir de la puberté, elles sont effacées des espaces publics, en particulier les espaces de sport et de loisirs.

Les inégalités entre les sexes sont renforcées dans les quartiers. Les données recueillies en attestent. Ainsi, les femmes y sont mères plus tôt : une femme de moins de 25 ans sur cinq a déjà un enfant, une proportion de plus du double de celle qui prévaut hors des quartiers. Les familles monoparentales représentent 25 % des familles pour une moyenne française de 17 % ; ces ménages, dont les chefs de famille sont neuf fois sur dix des femmes, vivent deux fois plus souvent sous le seuil de pauvreté qu’en dehors des zones urbaines sensibles. Autre chiffre alarmant : depuis la crise de 2008, on observe le décrochage progressif du marché de l’emploi des femmes vivant dans les quartiers. Près d’une sur deux n’est ni employée ni au chômage, contre 30 % pour les femmes vivant hors des quartiers. L’inégalité de taux d’activité entre les femmes et les hommes est deux fois plus forte que sur le reste du territoire. Qu’il s’agisse de sport, de santé ou de maîtrise de la langue, les chiffres fournis par le dernier rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) illustrent les violentes inégalités dont sont victimes les filles et femmes des quartiers.

La deuxième idée reçue est que les inégalités sociales sont si fortes que l’action en faveur de l’égalité entre hommes et femmes serait un luxe et que, d’ailleurs, on a déjà tant fait pour elles que tout l’arsenal juridique nécessaire existe déjà. Au cours des auditions que nous avons menées, nous avons relevé les résistances coriaces auxquelles se heurte l’objectif d’égalité chez les professionnels de la politique de la ville. Elles s’expliquent par deux raisons. La première est que les inégalités socio-économiques sont fortement accrues dans les quartiers considérés. La seconde tient à la crainte de courir le risque d’une instrumentalisation tendant à stigmatiser l’origine des populations des quartiers considérés en mettant l’accent sur les inégalités subies par les femmes en ces lieux. L’action en faveur de l’égalité entre hommes et femmes dans les quartiers est ainsi perçue au mieux comme un « supplément d’âme », au pire comme une concurrence envers la lutte contre les inégalités sociales.

Le Haut Conseil souhaite que deux priorités soient prises en compte dans la loi. La première est le soutien à la liberté et à l’autonomie des femmes, en particulier les plus jeunes et celles qui vivent dans la plus grande précarité. Plusieurs leviers peuvent être actionnés. À l’article 17, qui porte sur l’information à la santé pour les jeunes, nous proposons d’ajouter un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse : c’est indispensable dans un contexte de violences sexistes. À l’article 18, qui concerne la Grande École du numérique, il est dit que 30 % des étudiants doivent être de sexe féminin. Le Haut Conseil considère que ce pourcentage doit être un minimum et l’objectif de parité explicitement mentionné, sans quoi le risque de décrochage des filles sera très élevé. Il convient aussi d’insérer au chapitre II du titre Ier, consacré à l’autonomie des jeunes, une disposition complétant les ambitions assignées aux missions locales en y ajoutant l’objectif d’égalité entre femmes et hommes. À l’article 34, relatif aux conseils citoyens, nous proposons de prévoir la présentation d’un rapport annuel sur les actions menées en faveur de l’égalité entre femmes et hommes dans le cadre des contrats de ville. Enfin, l’objectif pourrait être ajouté aux missions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

La deuxième priorité doit être de mener une lutte contre le sexisme aussi implacable que contre le racisme et l’homophobie ; c’est une condition nécessaire pour atteindre l’égalité entre les citoyens et permettre l’exercice de la citoyenneté à tous et toutes. Or, l’article 38, dans sa rédaction actuelle, propose de modifier le code pénal afin de généraliserles circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie à l’ensemble des crimes et délits, mais ne dit mot du sexisme. Historiquement, la lutte juridique contre le sexisme s’est construite en décalage avec celle contre le racisme. Le Haut Conseil considère que l’occasion est donnée par ce véhicule législatif de reconnaître en droit pénal – en non plus seulement en droit civil – que le sexisme tue. Rappelez-vous le meurtre de Sohane Benziane, brûlée vive à dix-sept ans, en 2002 ; ce meurtre comportait, selon le procureur lui-même, une dimension sexiste. Quant au point commun des victimes des tueurs en série Guy Georges ou Patrice Alègre, c’était d’être des femmes. Parce que le sexisme tue, le Haut Conseil propose l’introduction d’une circonstance aggravante sur ce fondement.

Enfin, parce que le sexisme est un phénomène mal connu et mal mesuré, nous proposons que le Haut Conseil, dont le Président de la République a souhaité le 8 mars dernier la « consécration par l’inscription dans la loi », soit chargé d’élaborer un rapport régulier sur l’état de la lutte à son encontre, comme le fait la CNCDH pour le racisme.

Le temps me manque pour détailler nos autres propositions ; je vous en dirai davantage en répondant à vos questions.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. L’article 38 du projet de loi tend à généraliser les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie, ce qui se traduit par des peines d’emprisonnement plus longues. Ne pourrait-on envisager de faire une place aux peines éducatives ou de substitution, puisque c’est bien par l’éducation que l’on modifiera les comportements ?

Puisqu’il est souvent dit que, faute d’indicateurs, on ne parvient pas à mesurer objectivement la discrimination, le temps n’est-il pas venu d’autoriser le recueil de statistiques ethniques ? Est-il judicieux d’inscrire le testing dans la loi ?

Dans la fonction publique, plus on s’élève dans la hiérarchie et plus les titulaires des emplois sont blancs et masculins. Quelles pistes juridiques explorer pour permettre aux jeunes des quartiers de réussir les concours correspondants, ce qui est malheureusement très peu souvent le cas, et aussi pour faire changer les mentalités à ce sujet ?

Le traitement de la diversité par les médias pèche. Cela commence par la qualification négative donnée à certains quartiers avant même que l’on en vienne aux articles de fond ; on n’imaginerait pas donner une telle connotation à propos du centre de Paris. Avez-vous étudié cette question ?

On ne parle jamais de la discrimination dans les loisirs ; des études à ce sujet ne seraient-elles pas utiles ? La question des emplois fermés nous préoccupe également, monsieur Tin. Enfin, pour faire écho au Défenseur des droits, que pensez-vous des lois mémorielles ? Devoir inscrire des vérités historiques dans la loi, n’est-ce pas les affaiblir ?

Mme Brigitte Bourguignon. Nous avons noté qu’après plusieurs années de politiques publiques de lutte contre les discriminations, l’égal accès aux droits demeure très compliqué. Je fais mien le constat d’inégalités renforcées, notamment pour les pratiques sportives, aussi bien dans les quartiers sensibles que dans les zones rurales, bien souvent pour des raisons culturelles. Je suis d’accord avec les dispositions du projet de loi, propres à améliorer la situation. Mais je déplore l’absence de mention des réseaux sociaux, nouvelles sources de propagation du sexisme et du racisme « ordinaires » et, en conséquence, qu’aucune mesure ne soit prévue pour prévenir et réprimer ces manquements. Je n’ignore pas que cela pose un problème au regard du droit européen mais, dans un texte visant à lutter contre les discriminations, il serait nécessaire de définir le dispositif que nous pourrions appliquer ensemble, puisque nous sommes tous concernés, pour contraindre a minima les opérateurs à modérer les propos tenus par le biais des canaux qu’ils mettent à disposition.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aimerais, comme Mme Chapdelaine, connaître votre sentiment sur les statistiques ethniques, sujet polémique. Les jugez-vous utiles ? Peut-être est-ce l’appellation qui choque, mais on a effectivement besoin d’indicateurs pour savoir si une évolution favorable est en cours.

Le rapport que le comité Badinter a remis au Premier ministre contenait un « article 6 » relatif aux manifestations par les salariés de convictions religieuses au sein de l’entreprise. Avant d’être privés de la suite de l’examen du projet de loi « travail », nous avions commencé à en examiner les dispositions, mais la version présentée ne contenait rien à ce sujet. Il doit pourtant être traité. Je ne doute pas, monsieur Depond, que vos adhérents en parlent, car les chefs d’entreprise ne savent pas ce qu’ils sont en droit de faire. Il aurait été intéressant de trancher dans le cadre de la loi « travail » ; pour l’instant, on peut assez vite tomber sous le coup d’une accusation de discrimination. D’autre part, les consultants en recrutement avec lesquels je me suis entretenue considèrent que les embauches se faisant désormais par le biais d’internet, le curriculum vitae (CV) anonyme est une pratique dépassée. Il y a quelque mois, madame la ministre du Travail a annoncé une campagne de testing ; à votre avis, est-ce efficace ?

Vous avez mentionné, monsieur Tin, des postes fermés aux Noirs ; lesquels ?

M. Louis-Georges Tin. J’ai parlé de postes fermés aux étrangers.

Mme Isabelle Le Callennec. Alors, je me suis heureusement méprise. Il aurait été grave que des postes soient fermés à des Français noirs. Police mise à part, quels sont les postes fermés aux étrangers ?

M. Jean-Louis Bricout. À propos de l’élargissement du vivier des candidats aux concours de recrutement dans la fonction publique dits de la « troisième voie », le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi, regrette que le Gouvernement n’ait fourni aucune estimation « sur les effets attendus d’une telle disposition […] ni fourni d’éléments précis permettant d’apprécier dans quelle mesure cet élargissement […] ouvrirait effectivement les corps et cadres d’emplois sur des parcours professionnels, des compétences acquises et des profils nouveaux. » Quelle est votre opinion sur l’impact réel de cette mesure sur la nécessaire diversification des profils dans la fonction publique ?

D’autre part, il est important de favoriser l’apprentissage du français pour renforcer l’insertion et l’autonomie des femmes d’origine étrangère. Mais beaucoup d’entre elles vivent isolées. Comment renforcer les dispositions prévues pour leur permettre d’en bénéficier ?

M. Christophe Premat. Lorsque l’on évoque les discriminations, on pense d’abord à l’école et à l’éducation civique. Mais, avec ce projet de loi, on passe de l’éducation civique à l’éducation citoyenne. Et, de fait, la réserve citoyenne dont il est question au titre Ier vise à mobiliser les énergies autour des questions liées aux discriminations.

Ma première question s’adresse à M. Louis-Georges Tin. L’approche de la fondation de Lilian Thuram, auteur du livre Mes étoiles noires, consiste à partir de nos perceptions et de notre déficit de connaissances, agir très tôt et sur le long terme. Comment articulez-vous vos travaux avec ceux de cette fondation, qui est totalement dédiée à l’éducation contre le racisme ? Je précise que Lilian Thuram est clairement opposé à l’utilisation des statistiques ethniques car il estime que celles-ci n’ont pas d’influence de long terme sur les politiques publiques que l’on pourrait mettre en œuvre.

Ma deuxième question concerne la langue française. Dans le cadre, notamment, de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, on a mis en place, pour favoriser la connaissance de nos valeurs et la pratique du français, langue de la République, des diplômes comme le diplôme initial de langue française. On a ouvert des classes d’accueil, des classes migrantes, etc. Le problème est que l’on recourt bien peu aux langues d’origine des migrants. On avait déjà soulevé la question dans le cadre de la loi « liberté de création, architecture et patrimoine » en s’intéressant cette fois aux langues parlées en France à côté du français – langues des Caraïbes, de Guadeloupe, etc. Comment voyez-vous donc l’articulation entre langue française et langues d’origine des migrants ?

Ma troisième question s’adresse à Mme Bousquet. La liaison que vous faites entre les luttes contre le sexisme et contre le racisme est intelligente
– d’autant que, parfois, les discriminations sexistes et racistes se cumulent. Je remarque que l’on a déjà abordé cette question de manière transversale dans de nombreux projets de loi. Est-ce que vous pensez que celui-ci doit être le « curseur » de tous les projets de loi relatifs à la lutte contre les discriminations ? Comment préciser cette articulation de manière plus fine ?

Mme Anne-Christine Lang. Je voudrais revenir sur la question de l’égalité entre femmes et hommes et sur les fractures territoriales qui pèseraient majoritairement sur les femmes. Vous indiquez dans votre rapport d’activité, madame Bousquet, que les jeunes filles s’en sortent mieux à l’école, qu’elles ont de meilleurs résultats scolaires, qu’elles obtiennent davantage le baccalauréat, qu’elles font davantage d’études supérieures que les garçons – à telle enseigne qu’on pourrait se demander si l’on arrivera bientôt à la situation des pays scandinaves qui mettent en place une discrimination positive en direction des garçons. Et je ne dis pas cela en plaisantant : c’est un sujet difficile et intéressant. En revanche, les filles ont des difficultés à s’intégrer dans le marché de l’emploi et à trouver un premier emploi en raison, écrivez-vous, de « discriminations ». Cette dernière assertion me semble relativement peu étayée.

Selon vous, la difficulté à s’insérer dans le monde du travail est certainement liée au fait que, dans les quartiers, les femmes ont des enfants plus jeunes, et en général davantage d’enfants qu’ailleurs. Or on sait qu’en France, le nombre d’enfants est un obstacle majeur à la progression de la carrière des femmes, indépendamment de la question des quartiers. Je ne suis pas sûre que les discriminations soient liées au fait que ce sont de jeunes femmes. Je crois que cela tient plus au fait que ce sont de jeunes mères.

À cet égard, je regrette que cette présentation des fractures territoriales qui pèseraient majoritairement sur les femmes ne soit pas exposée de façon dynamique. Vous citez un certain nombre de chiffres liés à l’emploi, à la citoyenneté, etc., mais vous ne faites pas l’historique de ces discriminations. On ne sait pas quelle était la situation il y a cinq, dix ou quinze ans. On ne sait pas si, par exemple, les jeunes filles sont de mieux en mieux intégrées dans l’emploi, ou non. Bref, on ne sait pas si l’on progresse.

Enfin, je ne sais pas si vous avez fait un tableau par âge s’agissant de la discrimination à l’emploi. En effet, il serait intéressant de savoir si les jeunes femmes sont autant discriminées que les celles un peu plus âgées et, là encore, si la situation s’est améliorée ou non.

J’aimerais être éclairée sur ces questions. Si d’aventure on progresse, c’est-à-dire si les jeunes femmes dans les quartiers sont de moins en moins discriminées, si elles s’intègrent de mieux en mieux dans le marché de l’emploi, il faudrait le dire, et le dire à nos filles.

M. Mathieu Hanotin. Je suis député de Saint-Denis, et je voudrais faire quelques remarques par rapport aux interventions et au projet de loi. Bien des choses ne relèvent pas de la loi, mais dépendent des actions que l’on mène ainsi que de la façon dont on les présente, notamment auprès des entrepreneurs. Il convient donc d’être positif.

Par exemple, le fait qu’une personne issue d’un quartier très populaire ait dû s’accrocher plus que d’autres pour obtenir le même diplôme constitue un avantage pour l’entreprise ; cette force doit être reconnue. Or, aujourd’hui, on ne le fait pas suffisamment. De la même manière, on ne valorise pas le potentiel linguistique des jeunes issus de l’immigration. D’ailleurs, ce bilinguisme naturel n’est même pas considéré comme une force par les jeunes eux-mêmes lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail. Il y a donc beaucoup d’actions positives à mener en la matière. Ce projet de loi est l’occasion d’en parler et de faire avancer ce combat culturel.

Je voudrais souligner deux lacunes du texte. Tout à l’heure, vous avez évoqué la discrimination et la fracture territoriale. Je pense que nous aurions besoin d’objectiver l’action de la puissance publique vis-à-vis de certains quartiers, de certains départements ou de certaines communes. De la même manière que l’on doit établir tous les ans un rapport sur les services de l’État dans les départements, on pourrait imaginer un rapport budgétaire retraçant les crédits de fonctionnement affectés par l’État, département par département et commune par commune. Je parle des crédits de fonctionnement parce que, pour les crédits d’investissement, chacun comprendra qu’il y a des différences mécaniques en fonction des départements et des communes.

Ensuite, on n’a fait qu’ébaucher la question des rapports avec la police. Je suis convaincu qu’il faudra reprendre le débat sur la délivrance – au moins à titre expérimental – d’un récépissé en cas de contrôle d’identité, ou sur d’autres solutions permettant de recréer un lien positif entre les forces de l’ordre et toute une partie de la population qui se sent visée par la discrimination.

Mme Maud Olivier. Nous avons entendu hier soir M. Jean Daubigny, président de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), qui a constaté la situation absolument catastrophique des femmes dans les quartiers face à la précarité. Je suis heureuse de pouvoir le citer, puisque nous avons évoqué cette question des discriminations dont souffrent les femmes. Je crois qu’il y a un travail énorme à faire dans leur direction.

On sait, entre autres, que très peu de femmes – 6 % – bénéficient des clauses d’insertion sociales mises en œuvre. Pourtant, c’est une réelle possibilité d’accéder à un emploi. Comment analysez-vous ce phénomène ? Quels dispositifs pourrait-on mettre en place, par ce projet de loi, pour y remédier ?

Je reviendrai ensuite sur le curriculum vitae anonyme que nous avons testé dans le département de l’Essonne. Bien qu’il n’ait pas été généralisé, il était salutaire pour les femmes. En fait, l’expérience a montré que les femmes étaient davantage convoquées à des rendez-vous qu’auparavant. Ainsi, on a noté une progression de l’ordre de 16 % au conseil général de l’Essonne – je reconnais qu’il s’agissait d’emplois de fonctionnaires.

Toujours à propos des discriminations dont sont victimes les femmes, je voudrais parler de l’accès à la cantine scolaire – sujet sur lequel je crois que M. Roger-Gérard Schwartzenberg a déposé une proposition de loi. En effet, certaines municipalités mettent en avant le fait que certaines femmes ne travaillent pas pour refuser à leurs enfants une inscription à la cantine. C’est un cercle vicieux qui ne permet pas à ces mères de retrouver le chemin de l’emploi. Je voudrais avoir votre avis à ce propos.

Enfin, je vous rejoins tout à fait concernant le sexisme que l’on observe partout, sous forme de violences, de discriminations, et je pense qu’il faudrait absolument le nommer dans la loi.

M. Victorin Lurel. Je suis à l’origine, avec deux ministres, d’un projet de loi sur l’égalité réelle outre-mer. Comme on ne pourra pas tout y faire figurer, ce projet « égalité et citoyenneté » revêt une importance d’autant plus fondamentale. Je me suis d’ailleurs inscrit spécifiquement sur le titre III relatif aux discriminations et à la lutte contre le racisme.

Une difficulté de notre culture française est l’impensé de la négrophobie, évoqué par M. Tin, et l’impensé de la « mixophobie », évoqué par Mme Chapdelaine. Plus on monte dans la hiérarchie, plus on se heurte à un plafond de verre sans avoir toujours les preuves pour en parler et le faire valoir devant les tribunaux. Les cas sont nombreux, notamment dans le journalisme, dans les grands médias, dans les grandes entreprises. La législation européenne a renversé la charge de la preuve mais notre pays n’en tient pas toujours compte.

Il y a un impensé racial ici. On peut même parler de tabou. Pour ma part, je serais tout à fait d’accord pour créer un observatoire de la négrophobie – malgré la charge émotionnelle et symbolique du terme. Je pense qu’il faut avancer.

Mais j’en viens aux statistiques ethniques. Avec M. Christophe Caresche et Mme George Pau-Langevin, qui était à l’époque au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), nous avions tenté de faire quelque chose. Tous les groupes nous ont opposé un refus alors qu’il ne s’agissait que d’utiliser ces données pour la recherche. De fait, cela ne correspondait pas aux fondamentaux de notre culture française de l’égalité, fondée sur l’égalité devant la loi quelles que soient l’origine, la couleur de peau, la religion, etc. Tout en restant prudent, peut-être pourrait-on saisir l’occasion de ce texte ?

Ensuite, à propos des lois mémorielles, comment donner une force normative et coercitive à la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, dite « loi Taubira » ? J’observe que l’on s’est fait récemment « retoqué » par la Cour de cassation, après une condamnation en Martinique pour « apologie de l’esclavage et atteinte à l’honneur des descendants des victimes de l’esclavage ». Il y a aujourd’hui une impasse juridique au-delà de la loi Gayssot, qui n’a pas été déférée et qui n’a pas fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il semble que l’on soit incapable de légiférer en la matière alors que, tous les jours, des gens peuvent dire ce qu’ils veulent sur l’esclavage et les esclavagistes – sur leur humanisme, leur bonté, leur bienveillance, le bonheur des Noirs, etc. Il y a manifestement là un sujet, et je déposerai des amendements pour renforcer cette loi.

Et puis, comment peut-on laisser coexister dans le droit français la loi du 21 mai 2001, qui reconnaît l’esclavage comme crime contre l’humanité, avec la loi du 30 mars 1849 de suppression de l’esclavage et son décret d’application de novembre 1849, portant indemnisation des colons propriétaires d’esclaves ? Comment peut-on laisser vivre dans le même corpus juridique un crime contre l’humanité et une indemnisation pour ceux qui en ont tiré profit ? C’est une question de cohérence. Symboliquement, c’est très fort.

Au moment où je vous parle, des QPC ont été déposées, et des plaintes sont pendantes devant les tribunaux. De mon côté, j’ai fait déposer des amendements sur ces deux sujets.

M. Louis-Georges Tin n’a pas évoqué ce qui est arrivé en 1825 en Haïti, ce qui a fait dire au président de la République que nous avions envers ce pays une dette dont nous nous acquitterions. Avec le président Michel Martelly, lors d’une réunion à trois, nous avons dit : « Ne parlez pas argent en Haïti, parlez de l’aide de la France qui se fera sous forme d’écoles, de collèges, de lycées et de bibliothèques, d’ordinateurs, de cours en ligne, car si vous parlez d’argent, il y aura une guerre civile en Haïti ! » Ce qui s’est passé en 1825 relève de l’Histoire.

Comment évoquer cela sans diviser les Français ? La question est taboue et divise plus dans ma circonscription qu’ici, sur le sol européen, mais elle se pose. Si on lutte contre les discriminations, contre le racisme, la souffrance n’en est pas moins là. Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est pas une obsession chez les Français des outre-mer ou d’origine étrangère qui ont cette ascendance. Mais peut-être, à la faveur de cette loi, pourrait-on faire un pas, d’autant plus que la question est devenue internationale : l’Union africaine s’en est emparée, tout comme l’Association des États de la Caraïbe et l’UNESCO.

Même si cela coûte cher – j’en sais quelque chose, étant à l’origine du Mémorial ACTe, centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage –, il faut peut-être oser, en France, évoquer ce sujet et créer un observatoire. Si l’idée d’une Haute Autorité de l’égalité est intéressante, j’aimerais pour ma part que les outre-mer fassent l’objet d’un rapport spécifique car, dans les onze territoires habités qui les constituent, les discriminations et les inégalités entre hommes et femmes sont encore plus fortes qu’ici.

M. Michel Heinrich. Ma question porte sur la discrimination entre hommes et femmes en termes de rémunération et de carrière. J’avais commis un rapport, avec notre collègue Régis Juanico, sur la performance des politiques sociales en Europe, pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC). Nous avions mis en évidence le fait que, plus les congés parentaux étaient longs, plus la disparité des carrières, et surtout des salaires, était grande, et ce à diplôme égal, quel que soit le niveau de celui-ci. Qu’en pensez-vous ?

M. Arnaud Richard. Je suis très frappé par le fait que, en 2016, on en soit encore à se féliciter qu’une personne issue de l’immigration accède à des responsabilités importantes. Cela me semble hallucinant !

Je ne suis peut-être pas dans mon rôle d’opposant en disant cela, mais je trouve que le Gouvernement a raison de proposer ce texte. Certains de ses aspects, notamment ce qui concerne le logement, ont fait l’objet d’une grande concertation. Mais, sur le sujet sensible qu’est l’égalité des chances, domaine dans lequel notre pays a failli, la concertation a-t-elle été suffisante ? Je l’espère.

M. Louis-Georges Tin. Je suppose que les questions sur les statistiques ethniques m’étaient adressées. C’est Thomas Legrand qui, en 2007, a relancé le débat en France. La vérité, c’est qu’elles sont déjà légales. La question n’est pas de savoir s’il faut les autoriser, puisqu’elles le sont, mais s’il faut les généraliser. De fait, les gens confondent les statistiques ethniques et le fichage ethnique. La différence est simple : une statistique ethnique est anonyme ; le fichage ethnique est nominatif puisqu’il indique que telle personne a telle couleur, telle origine.

Les statistiques anonymes ne remettent pas en cause les principes constitutionnels. Elles sont possibles. C’est pour cela que nous avons pu en faire. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), depuis cinq ans maintenant, produit un rapport annuel sur l’égalité entre hommes et femmes, sur le handicap, etc., mais il peut également vous dire, en regardant les écrans de télévision pendant un mois, comment se répartissent les personnes perçues comme blanches ou non blanches. Nous avons fait campagne auprès du CSA pour qu’il accepte enfin cet outil qu’il a effectivement mis en place. Le diagnostic a été clair et, fort des chiffres, le CSA a pu aller voir les chaînes en leur disant : « on ne vous demande pas d’atteindre un quota, par exemple 8,344 % d’Arabes, d’Africains ou d’Asiatiques ; en revanche, quand vous êtes à zéro, vous ne pouvez que progresser, et d’ailleurs vous le devez. »

Il est donc important, et légal, de pouvoir disposer de ces données. Aujourd’hui, en termes quantitatifs, il y a environ 13 % de personnes non blanches à la télévision. C’est tout à fait satisfaisant. La prochaine bataille est bien entendu qualitative, comme on l’a souligné. Car on peut aussi montrer beaucoup de Maghrébins, beaucoup de Noirs, etc., et les stigmatiser d’autant plus : tout dépend de l’image que l’on en donne. Mais enfin, on a beaucoup avancé, en France, dans le domaine des médias, grâce à l’outil statistique, et c’est extrêmement appréciable.

Cela se vérifie également dans la vie politique. Nous avons pris notre bâton de pèlerin et critiqué les partis politiques qui se mettaient en défaut pendant les élections. Nous avons beaucoup de choses à dire contre le Gouvernement, mais force est de constater que, depuis 2012, il comprend toujours entre 15 et 20 % de personnes issues de la diversité. Enfin, nous avons établi des statistiques à tous les niveaux, notamment à celui des municipales.

La situation progresse donc. Je remarque que, lorsque les chiffres étaient mauvais, on nous disait qu’il était interdit de faire de telles statistiques, mais que, lorsque les chiffres sont bons, on est tout heureux de les publier…

Cela étant, la situation n’a pas progressé partout. Alors que, parmi les adjoints au maire des cinquante plus grandes villes de France, il y a à peu près 9 ou 10 % de personnes issues de la diversité, le pourcentage tombe à 0,5 % dans les conseils départementaux. Cela signifie que le plafond de verre se situe entre le niveau municipal et celui du Gouvernement, où la situation s’améliore parce que la visibilité est importante.

Comme vous pouvez le constater, il est très intéressant d’avoir ces chiffres. Cela nous permet de pondérer notre propos : on ne peut pas dire que la vie politique est tout à fait raciste, ni qu’elle ne l’est pas du tout. Cela nous permet de constater des avancées et, vous avez raison, madame Lang, de nous intéresser aux dynamiques.

Depuis 2005, année de création du CRAN, nous avons constaté des évolutions à certains niveaux : comme pour la parité, les blocages se situent aux étages intermédiaires entre le Gouvernement et les conseils municipaux. Sans chiffres, nous ne pourrions établir ces constats. De même, nous avions fait une enquête sur le profilage ethnique. Le CNRS en a réalisé une autre. Aujourd’hui, on ne discute plus, grâce aux statistiques ethniques, de la question de savoir si les jeunes de banlieue sont surexposés aux contrôles lorsqu’ils sont noirs ou arabes. Le débat ne porte plus sur la légalité ou la légitimité des statistiques mais sur leur étendue : je peux vous en donner concernant la télévision et les contrôles de police, mais pas concernant l’accès aux loisirs, à la culture et à la santé. Je n’ai pas les moyens, en tant que président du CRAN, de mener toutes ces enquêtes, et je n’ai d’ailleurs pas vocation à me substituer à la puissance publique. Nous regrettons que beaucoup de ministères et institutions jettent un voile sur ces questions et refusent d’enquêter alors qu’ils pourraient le faire. Comment voulez-vous, par exemple, mesurer l’état de la ghettoïsation en France ? C’est un phénomène ethnique. En général, on constate l’existence de ghettos lorsqu’ils sont constitués. On pourrait – c’est une proposition que je vous soumets – créer un observatoire de la ghettoïsation. Un ghetto se formant de façon progressive, un tel observatoire permettrait de disposer d’indicateurs dynamiques et donc d’anticiper le mouvement grâce à des mesures sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Je remercie M. Victorin Lurel de ses remarques sur la question des réparations, qui a longtemps été taboue en France. Nous avons nous-mêmes mené beaucoup d’actions en ce sens. Il a évoqué à juste titre l’Union africaine et la Communauté caribéenne (CARICOM). J’y ajouterai le Conseil de l’Europe, que nous avons sollicité et qui, dans son rapport de mars 2016, invite M. Hollande à mettre en place une politique de réparation de l’esclavage et de la colonisation. Cette question ne peut plus être pensée, avec une défense paresseuse, comme une question communautariste. C’est une question internationale.

Aujourd’hui, il faut aller plus loin. M. Hollande a proposé la création d’une fondation pour la mémoire de l’esclavage. C’est ce que nous avions demandé au premier chef, donc nous sommes ravis. Mais il y a bien d’autres choses à faire en faveur de l’égalité réelle – concept que je défends autant que M. Lurel. La « loi Taubira » est en train de trouver un contenu au moment même où certaines juridictions essaient de la vider de son sens. Il faudrait la renforcer car on peut très bien dire aujourd’hui que l’esclavage était formidable ou qu’il n’a pas existé sans pour autant être sanctionné. La « loi Taubira » ne nous permet pas de condamner ces propos négationnistes. Je rappelle que l’esclavage n’a pas été aboli en France en 1848, comme le prétend un certain « roman national », mais en 1946. En effet, après 1848, il a été remplacé par le travail forcé auquel ont été soumis des indigènes. En son temps, la Société des Nations (SDN), ancêtre de l’Organisation des Nations unies (ONU), de même que l’Organisation internationale du Travail (OIT), disaient à la France : « quelque nom que vous donniez à cette pratique, ce n’en est pas moins de l’esclavage ». En vérité, il y a eu, dans le contexte français, plus d’esclaves après l’abolition de l’esclavage qu’avant. Je souhaite que l’on célèbre la loi Houphouët-Boigny, qui date du 11 avril 1946, qui a mis fin à cette pratique. Nous aurions voulu que soit fêté son soixante-dixième anniversaire mais, malheureusement, l’Assemblée nationale – ou à tout le moins son président – l’a refusé. C’est, je crois, une grande loi de la République, car ces événements sont à la fois relativement récents et largement méconnus.

Quant aux emplois fermés aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne – quelle que soit leur couleur –, il y en a cinq à six millions en France. Cette exclusion concerne les métiers de la défense – ce qui se comprend très bien – mais aussi de l’enseignement scolaire, des impôts et même de la SNCF. Dans l’Éducation nationale, les chercheurs étrangers sont acceptés même lorsqu’ils viennent de régions extérieures à l’Europe, mais pas les enseignants du primaire et du secondaire de ces mêmes régions. Il y a là une certaine incohérence.

Enfin, la fondation Thuram est très intéressante. Les programmes scolaires sont souvent mal faits : ils n’intègrent pas l’histoire coloniale, si ce n’est dans un seul chapitre en fin de classe de quatrième, alors que la colonisation représente cinq cents ans d’histoire mondiale. Nous avons travaillé avec les éditeurs de manuels scolaires, compte tenu des blocages existant au niveau du ministère de l’Éducation nationale. Il y a beaucoup à faire. Souvent, les gens ont peur que cela ravive les plaies de l’histoire, alors que c’est l’inverse qui se produit. Je terminerai, à ce propos, par une anecdote. Une collègue professeure d’histoire m’a expliqué qu’il lui était devenu impossible, après l’Intifada, d’enseigner l’histoire de l’Holocauste. Ce n’est plus seulement ce cours-là qui était boycotté et chahuté, mais tous ses cours jusqu’à la fin de l’année, malgré des leçons de morale qui n’y faisaient rien. Cela a duré trois ans. La quatrième année, elle a décidé d’aborder les choses autrement. Le programme de quatrième prévoit un cours sur la colonisation en fin d’année auquel les professeurs ne parviennent jamais. Elle a décidé de commencer son programme de troisième par ce cours. Puis elle a abordé le début du XXe siècle, les guerres mondiales et le monde contemporain. Dès lors, non seulement son cours sur l’Holocauste n’a jamais été censuré, boycotté ni chahuté, mais, dès le début, ses élèves étaient tous impliqués et posaient des questions. Ils voulaient faire des exposés et en redemandaient. Ils ne sont pas tous devenus historiens, mais tous sont devenus citoyens. Ce n’est pas parce qu’on parle de l’histoire coloniale que les gens sont énervés mais, précisément, parce qu’on n’en parle pas. Quand les élèves se sentent inclus dans la classe, au lieu d’être anti-juifs, anti-école, antisystème ou anti-France, ils deviennent inclusifs. En d’autres termes, ces élèves ont reçu une réparation éducative. Or, la réparation mène à la réconciliation. Voilà la conclusion que je voulais vous proposer.

Mme la présidente Annick Lepetit. Très belle conclusion ! J’en profite d’ailleurs pour vous informer – parce que je trouve que l’on entend beaucoup les économistes et pas assez les historiens en ce moment – que nous auditionnerons prochainement Patrick Weil, qui a sur cette question un point de vue extrêmement intéressant.

Mme Danielle Bousquet. Mme Bourguignon a parlé du danger que représentent les réseaux sociaux. J’ai, quant à moi, insisté sur l’éducation à la sexualité : elle doit être égalitaire. Aujourd’hui, les rapports entre filles et garçons sont empreints de fortes violences la plupart du temps. Nous travaillons depuis deux ans sur ces questions et nous allons rendre au Gouvernement, le 15 juin, un rapport dans lequel nous formulons des propositions en termes d’éducation au décryptage de ce que sont, par exemple, le cyber-sexisme et le cyber-harcèlement. La question de la réputation est très importante pour les filles : c’est vrai partout mais bien plus encore dans les quartiers. Il nous faut permettre à ces garçons et filles de mieux vivre ensemble en adoptant une conception égalitaire de leurs rapports. Nous insistons sur l’exigence d’application de la loi pour que tous les jeunes aient un accès effectif à cette information.

M. Bricout a évoqué l’apprentissage du français. Sachez que, dans les quartiers de la politique de la ville en particulier, les femmes d’origine immigrée sont beaucoup plus nombreuses que les hommes – elles sont 30 % – à se déclarer en difficulté en la matière. Il est donc très important de leur permettre de reprendre pied avec la langue française en vue de s’intégrer sur le plan professionnel et par la santé. De nombreux programmes ont été supprimés si bien que, faute de moyens humains et financiers affectés à ces politiques, ces femmes ne parlent à leurs enfants que dans leur langue maternelle. Le français est donc pour ces derniers une langue étrangère. Il convient de rendre ces personnes plus autonomes au quotidien en consacrant à cet apprentissage les moyens nécessaires.

Une question a été posée concernant l’articulation entre ce texte et la question du sexisme. J’ai évoqué cette dernière à propos des circonstances aggravantes et j’ai insisté sur la nécessité d’un rapport sur le sujet. Il est important de suivre l’évolution dans le temps du sexisme grâce à des indicateurs comme il en existe pour le racisme, plutôt que de n’en connaître la situation qu’à un instant donné.

S’agissant des différences pouvant exister entre garçons et filles en termes de difficultés d’insertion et d’échec scolaire, ce n’est pas seulement dans les quartiers de la politique de la ville, mais partout en France, que les filles réussissent mieux à l’école que les garçons. Pour autant, elles ont infiniment plus de difficultés à s’insérer professionnellement lorsqu’elles sont dans ces quartiers, sans doute parce que la non-activité des femmes y est beaucoup plus tolérée que sur le reste du territoire – où l’on éduque aujourd’hui les filles à l’idée qu’elles vont travailler. En outre, une femme sur quatre dans ces quartiers a un enfant avant l’âge de vingt-cinq ans – ce qui est indiscutablement un frein à l’insertion professionnelle. En revanche, lorsque ces femmes sont dans une famille monoparentale, le fait d’avoir un enfant n’est pas un frein, bien au contraire. Elles sont alors dans l’obligation de gagner leur vie et donc moins en situation d’inactivité. Malheureusement, les évolutions en la matière – sur lesquelles vous m’avez interrogée – sont négatives puisque la situation a empiré depuis 2008. Le taux d’inactivité des femmes en zone de politique de la ville a augmenté de cinq points en quatre ans.

Je répondrai à présent à Mme Olivier. La situation des femmes est indiscutablement catastrophique dans les quartiers de la politique de la ville, que ce soit en termes de pauvreté ou d’accès au travail, au sport et à tout ce qui fait une vie citoyenne.

Vous avez raison en ce qui concerne la clause d’insertion : 320 000 emplois vont être créés grâce aux nouveaux projets de rénovation urbaine. Aujourd’hui, 6 % des personnes embauchées grâce à cette clause d’insertion sont des femmes. Si ce pourcentage pouvait augmenter, un grand nombre d’emplois leur seraient accessibles. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous proposons de modifier les stipulations des projets soutenus par l’ANRU afin qu’y soit visé un objectif d’égalité professionnelle, que soit exigée la remise d’un rapport annuel sur ce qui aura été accompli en matière d’égalité entre femmes et hommes, et qu’il puisse être rendu compte de cette question dans les conseils citoyens. Cela permettrait d’évaluer chaque année ce qui est fait.

Beaucoup de communes ne rendent pas leur cantine scolaire accessible aux enfants dont l’un des parents ne travaille pas. Il s’agit la plupart du temps des mères, qui se trouvent donc freinées dans leur insertion professionnelle : lorsque leur enfant n’est pas accepté à la cantine, elles doivent faire quatre allers-retours par jour entre l’école et leur domicile. Nous proposons que soient repris les termes de la proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire. Si ce texte était jugé quelque peu intrusif vis-à-vis des communes, peut-être pourrait-on envisager une expérimentation qui rendrait l’inscription automatique et limiterait la désinscription à la demande des parents.

Il est vrai que les statistiques permettent de rendre visibles les inégalités et leurs évolutions. Vous parliez des statistiques ethniques mais il importe aussi que nous puissions avoir des données relatives aux parts respectives des femmes et des hommes dans tous les domaines, y compris en politique.

Enfin, pour répondre à M. Heinrich, nous ne sommes pas spécialistes des questions professionnelles. Mais nous observons que, chaque fois qu’il y a éloignement du travail, en particulier en cas de congé parental d’éducation, la carrière professionnelle en subit un contrecoup important, a fortiori pour les femmes.

M. Laurent Depond. Je confirme que nous pouvons utiliser des statistiques pour objectiver les choses, notamment sur la question des origines. Plusieurs méthodes sont compatibles avec les directives de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Nous avons aujourd’hui des outils permettant d’utiliser les patronymes pour faire des tests et vérifier si le recrutement est diversifié, qui a accès aux responsabilités. Simplement, comme le soulignait M. Tin, il ne faut pas conserver de données personnelles.

Nous utilisons aussi des méthodes que nous proposons aux managers de la diversité. On a cité le CV anonyme, le testing et autres dispositifs de CV vidéo. Il est vrai que ce sont aujourd’hui les compétences et la personnalité qui se vendent le mieux, et c’est ce qui doit être le plus utile avec la transition numérique. Quelqu’un a dit tout à l’heure que de nombreuses autres qualités n’étaient pas prises en compte – compétences linguistiques et comportementales, engagements externes ou associatifs... Ces compétences peuvent être mises en valeur à l’aide de nouveaux dispositifs comme le CV vidéo, qui permet aux entreprises de choisir les candidats ayant les compétences dont elles ont besoin. D’autres méthodes répondent à des enjeux précis à un instant donné, mais aucune d’entre elles n’est une panacée. Le CV anonyme est utile quand certains types de profil ne passent pas le premier stade de l’embauche, mais il ne garantit absolument pas un recrutement équitable. Nous proposons donc des méthodes à nos adhérents pour résoudre leurs problèmes sur ce point. Nous travaillons bien sûr avec des entreprises engagées qui veulent diversifier les profils car, encore une fois, elles ont la certitude que c’est un moyen pour elles d’être plus performantes, plus agiles et plus à l’écoute de leur marché. S’agissant des concours, nous recommandons de revenir à une définition claire des compétences nécessaires à chaque poste. Il convient de repenser complètement les critères de sélection afin de ne pas se contenter de sélectionner sur diplôme.

Nous avons commis, sur les signes religieux dans le monde de l’entreprise, un ouvrage qui récapitule l’état du droit – jurisprudence incluse puisque nous sommes soumis à un contexte européen qui nous impose certaines règles. Nous y rappelons que l’on peut interdire ces signes pour des raisons d’hygiène ou de sécurité mais que, ces éléments mis à part, ils peuvent être portés, y compris dans la relation avec la clientèle. Peut-être y aura-t-il des évolutions jurisprudentielles mais, pour l’instant, tel est l’état du droit.

L’AFMD rappelle également à ses adhérents un certain nombre de règles de base, en particulier que, dans les entreprises privées, la laïcité, telle qu’elle est comprise par le grand public, ne s’applique pas. Nous devons accepter l’expression religieuse et n’avons pas à l’interdire – ce dont beaucoup de nos adhérents sont encore inconscients. Il nous faut favoriser le « bien-travailler ensemble » car nous avons constaté en 2015 une forme de clivage, au sein du corps social, entre ceux qui acceptent une expression religieuse sur le lieu de travail et ceux qui, au contraire, voudraient sa neutralisation totale. Ces convictions difficilement réconciliables, il nous faut travailler sur la manière de revenir au but premier de toute organisation : travailler ensemble et atteindre les objectifs fixés en évitant les discussions conflictuelles. S’agissant de ces dernières, je déplace volontiers la question en dehors du champ religieux pour parler du débat sur le mariage des personnes du même sexe – qui a provoqué le même type de clivage. Quant à l’article qui a été retiré du projet de loi « travail », il présentait l’inconvénient de ne concerner que la religion sans englober l’ensemble des questions de diversité, mais il ne faisait que rappeler la jurisprudence existante relativement méconnue.

M. Louis-Georges Tin. Je ne sais pas si cette question est à l’ordre du jour, mais je voudrais attirer l’attention de votre Commission sur la situation de Mayotte, qui se trouve au bord de la catastrophe humanitaire. J’ai cru comprendre qu’un projet de loi sur l’outre-mer allait être examiné prochainement, mais l’État est en carence sur ce territoire, et l’on ne saurait attendre pour réagir à la situation d’enfants qui peuvent mourir du jour au lendemain. Une interpellation du Gouvernement par l’Assemblée nationale serait véritablement appréciée.

Mme Danielle Bousquet. Je terminerai par une brève remarque. L’alinéa 16 de l’article 41 du projet de loi ne revient pas sur la possibilité, prévue depuis 2008, d’organiser les classes en y regroupant les élèves par sexe. Quand on sait la pression qui existe à certains endroits pour séparer les garçons des filles, je pense qu’il serait important de ne pas autoriser l’existence de classes non mixtes. Ce n’est absolument pas contraire aux directives européennes que l’on avait invoquées pour faire adopter ce texte de 2008.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je remercie nos invités d’avoir répondu aux questions de nos collègues. S’ils le souhaitent, ils pourront assister à nos travaux dans l’hémicycle pendant la dernière semaine de juin.

La Commission spéciale procède à l’audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable, lors de sa séance du mardi 7 juin 2016.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous consacrons nos travaux, cette semaine, aux auditions séparées des trois ministres qui présentent le projet de loi Égalité et citoyenneté que notre commission spéciale est chargée d’examiner.

Nous recevons cet après-midi la ministre du logement et de l’habitat durable, Mme Emmanuelle Cosse, pour évoquer avec elle les dispositions du titre II dont l’intitulé, « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat », énonce clairement les objectifs.

Madame la ministre, la semaine dernière, notre commission spéciale a organisé deux tables rondes – l’une sur la politique de la ville, l’autre, plus ciblée, sur le logement – qui nous ont donné l’occasion d’aborder de nombreux problèmes avec des intervenants d’horizons divers : représentants institutionnels, acteurs du monde associatif ou élus locaux.

Parallèlement, le rapporteur général, Razzy Hammadi, et le rapporteur thématique chargé du logement, Philippe Bies, ont procédé à l’audition de plus d’une cinquantaine de personnes – entretiens ouverts à tous les membres de notre commission.

Nous sommes donc déjà un peu instruits, mais nous n’avons pour autant pas épuisé le sujet et avons encore beaucoup de questions à vous poser sur le titre II du projet que vous allez nous présenter.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je vous remercie d’avoir organisé cette audition qui va nous permettre d’échanger avant le débat législatif proprement dit. Je vous prie par avance de bien vouloir m’excuser de devoir partir à dix-huit heures : je dois me rendre à Saint-Denis, où, vous le savez, s’est déroulé un terrible incendie. Si j’évoque cet accident, c’est qu’il est beaucoup question, dans ce projet de loi, de la mixité sociale. La concentration de la pauvreté, du mal-logement, de l’habitat insalubre et des marchands de sommeil dans certaines villes de France n’est pas qu’une vue de l’esprit. Vous êtes nombreux ici à être fortement impliqués en matière de logement et à bien connaître ces sujets. Il ne faut jamais oublier que les politiques que nous menons ont un impact considérable sur la vie quotidienne de nos concitoyens.

Le volet du projet de loi que je m’apprête à défendre s’inscrit dans le cadre d’une récente et vigoureuse évolution législative qui a impliqué plusieurs d’entre vous : Michel Piron, rapporteur de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, Audrey Linkenheld, rapporteure de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ainsi que de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), Annick Lepetit, rapporteure de la loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, et François Pupponi, rapporteur de la loi ayant permis la réforme d’Action logement, mais également Benoist Apparu, qui fut ministre chargé du logement avant 2012. Au cours de ces dernières années, nous avons voulu améliorer considérablement l’ensemble du corpus législatif sur les questions de logement pour rendre nos politiques plus efficaces et plus équitables, mais aussi pour doter nos territoires d’outils qui répondent enfin aux besoins de logement de notre pays. Malgré une hausse de la construction, ces besoins restent en effet importants. Souvenons-nous que la loi SRU, adoptée il y a quinze ans, a permis de construire plus de 450 000 logements sociaux dans des communes déficitaires. Même s’il reste beaucoup à faire pour qu’elle soit mieux appliquée et mieux adaptée aux territoires, elle a porté ses fruits. Quant à la loi instituant le droit au logement opposable (DALO), elle a permis le relogement plus de 100 000 personnes.

Je tiens à répéter ce que je vous ai déjà dit à plusieurs reprises : ce projet de loi n’est pas un énième texte sur le logement. Il vise à favoriser l’égalité et la citoyenneté. Il tend à développer la mixité sociale grâce aux politiques de logement et à remettre en question des pratiques anciennes de ségrégation territoriale. Les propositions qui vous sont faites sont aussi liées aux travaux qui ont été menés dans le cadre de trois comités interministériels « Égalité et citoyenneté ». Elles s’inspirent par ailleurs de réflexions qui avaient déjà été présentées lors de la discussion du projet de loi ALUR et au cours de la grande concertation sur les attributions de logements sociaux – qui, en raison d’un chevauchement des calendriers, n’avait pas donné lieu à une traduction législative immédiate. Enfin, ce texte s’inscrit pleinement dans le cadre de la réforme des intercommunalités qui impose des fusions de communes, la création de très grandes intercommunalités et la recomposition de nombreux territoires. Cette réforme implique que nous adaptions certaines dispositions pour assurer un équilibre entre l’affirmation d’objectifs nationaux et leur régionalisation, afin de mieux répondre aux besoins des territoires.

Le titre II du projet de loi se décline en trois parties.

La première pose quelques principes majeurs en matière d’attribution de logements sociaux. Elle énonce l’objectif d’attribution de 25 % de logements sociaux aux ménages du premier quartile de revenus en dehors des quartiers de la politique de la ville (QPV). Certes, cet objectif appelle beaucoup de remarques, mais il nous faut être lucides. Nous essayons de retenir des chiffres justes, mais ce n’est pas toujours entièrement possible, car nous n’avons pas toujours les statistiques relatives aux revenus des ménages entrant dans le logement social. Au niveau national, 19 % des logements sociaux sont attribués à ce premier quartile en dehors des QPV. Mais, à l’échelle régionale, voire intercommunale, ce chiffre tombe à 11 % en Île-de-France, à 16 % dans l’agglomération lyonnaise et à moins de 10 % dans de nombreux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), quand d’autres sont à 30 %. Cela est très lié à la localisation des logements sociaux, certes. Mais on s’aperçoit aussi que les ménages du premier quartile sont assez faiblement représentés dans l’ensemble des attributions de logements sociaux. Cela nous conduit à nous interroger sur les politiques d’attribution en tant que telles et à nous demander, à dossiers équivalents, quel ménage emporte l’attribution quand les revenus sont sensiblement différents.

Le projet de loi prévoit aussi d’améliorer la transparence et la coordination de ces attributions. Si les territoires ont fait énormément de progrès en la matière, il faut aussi que la loi apporte une impulsion très forte. Je tiens à le souligner d’emblée : je souhaite que l’application de ces dispositions se fasse avec les territoires et non pas que ces derniers subissent les décisions de l’État. Il convient de responsabiliser les territoires qui doivent certes respecter ces principes, mais aussi être pleinement engagés en ce domaine. C’est le cas dans beaucoup d’entre eux – où les conférences intercommunales du logement se mettent en place et où la pratique évolue fortement –, mais pas partout. Il nous faut donc montrer que la mobilisation est à la fois nationale et locale.

Ce premier volet comporte de nombreuses autres dispositions, mais je ne les détaillerai pas toutes : sans doute m’interrogerez-vous à leur propos.

Le deuxième volet du titre II concerne la politique des loyers des bailleurs sociaux. Possibilité leur est donnée, à loyer constant au niveau global, de permuter la localisation de leurs loyers. Il ne s’agit pas de les autoriser à augmenter leurs loyers, mais de leur permettre, là où il y a concentration du même type de loyers à l’échelle d’un bâtiment, de les faire bouger pour obtenir une plus grande mixité. Cette disposition répond à une demande qui nous a été adressée par de nombreux bailleurs.

Deuxième point qui, je le sais, sera discuté : le renforcement du supplément de loyer de solidarité (SLS). Certains combattent le principe même du SLS, d’autres en demandent le renforcement. Aujourd’hui, le surloyer concerne 4 000 à 4 500 locataires – ce qui est peu comparé au million de locataires du monde HLM. Il soulève néanmoins une question de justice sociale : un locataire a-t-il, jusqu’à la fin de sa vie, un droit au maintien dans un logement HLM, quelle que soit l’évolution de ses ressources ? C’est en fonction de la réponse que nous y apporterons qu’il conviendra ou non de renforcer le SLS. Je ne doute pas que nous parviendrons, au terme de nos débats, à trouver une solution médiane.

Point important : le projet de loi renforce les dispositions de la loi SRU
– ce que vous avez déjà fait en 2013, en faisant passer l’objectif de construction de logements sociaux de 20 à 25 % et en renforçant les amendes applicables en cas de manquement à cette obligation. Ces mesures ont prouvé leur efficacité dans les communes qui se sont engagées à respecter la loi. Les amendes ayant considérablement augmenté, beaucoup de communes ont été incitées à signer des contrats de mixité sociale et à changer de politique. Néanmoins, il reste encore plus de 1 000 communes déficitaires et 220 qui font l’objet d’un arrêté de carence. Si l’ensemble des communes déficitaires et « carencées » produisaient les logements exigés par la loi, cela représenterait 700 000 logements sociaux supplémentaires d’ici à 2025. On comprend à quel point ce serait précieux, quand on songe que, chaque année, nous nous battons pour accorder des agréments en vue de construire 120 000 logements sociaux, et que ce sont des communes ayant déjà 25 % de logements sociaux, mais souhaitant augmenter leur capacité d’accueil, qui font l’effort de construction le plus important.

L’État mène une action vigoureuse en faveur de l’application de la loi SRU, en reprenant des permis de construire en lieu et place des villes. Nous l’avons déjà fait dans plus de vingt communes, ce qui nous a permis de lancer des opérations de construction de quelque 2 000 logements. Le projet de loi prévoit aussi de renforcer les prérogatives du préfet, afin qu’il puisse imposer des programmes de logements sociaux aux communes carencées. Nous avons décidé de prévoir des mesures coercitives – par exemple la reprise du contingent du maire – envers celles qui ne sont pas dans la négociation. Enfin, nous souhaitons reprendre le contingent préfectoral délégué à certaines communes, car nous nous sommes rendu compte qu’il ne permettait pas de reloger les publics prioritaires dans des pourcentages acceptables.

Pour terminer sur le volet « SRU », je tiens à souligner que la nouvelle carte des intercommunalités et la loi du 18 janvier 2013 nous conduisent à nous interroger sur les effets de seuil induits dans de toutes petites communes concernées par la loi SRU, mais qui n’ont pas de demande de logement social, voire qui ne trouvent pas d’opérateur pour construire chez elles, notamment dans des zones détendues caractérisées par un fort taux de vacance. C’est une question annexe par rapport à la masse des logements à construire, mais il nous faut regarder plus finement comment la loi peut s’appliquer sur ces territoires.

Enfin, le projet de loi comporte plusieurs mesures d’habilitation. Je sais que vous aurez plaisir à les étudier une à une. Nous ne rouvrirons pas le débat que nous avons eu avec Action logement. Certaines de ces habilitations visent à simplifier et à codifier des textes ; d’autres concernent des sujets importants
– celle relative au statut des résidences universitaires, nécessaire depuis l’évolution de la loi ALUR, et une autre à propos des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne, qui, étant trop nombreuses, doivent être unifiées, en lien avec les réflexions menées par les maires. Nous avons choisi de procéder par habilitation pour agir rapidement – ce qui ne nous empêchera pas d’organiser une concertation, y compris avec les parlementaires, comme je m’y suis engagée en ce qui concerne la loi réformant Action logement.

Nous restons à votre entière disposition pour répondre à vos questions, même techniques, concernant les mesures du projet de loi et leurs conséquences dans les territoires.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II. Je me félicite de cette audition qui doit permettre d’apporter des éclaircissements concernant un texte sur lequel nous travaillons depuis une quinzaine de jours. En tant que rapporteur thématique sur le titre II, j’ai procédé à de nombreuses auditions qui ne sont pas encore tout à fait terminées. Je crois pouvoir dire que le texte reçoit un accueil plutôt bienveillant, quoique vigilant.

Vous l’avez dit, le projet de loi doit permettre d’adopter des mesures structurantes dans le domaine du logement pour favoriser concrètement le vivre-ensemble et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale par la construction de logements, ainsi qu’une réforme des attributions des logements sociaux et des politiques de loyers qui y sont pratiquées. Ces objectifs sont bien évidemment partagés sur tous les bancs. Mais, sur certains points, le texte mériterait d’évoluer afin de gagner en efficacité, de concentrer les efforts sur certains objectifs prioritaires et de laisser de côté des mesures symboliques ou cosmétiques, même si elles ont leur importance en politique – je pense notamment au supplément de loyer de solidarité (SLS).

L’obligation pour les bailleurs sociaux de consacrer au moins 25 % des attributions de logements sociaux, en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux demandeurs les plus pauvres semble une mesure acceptable. Elle est pertinente dans les zones tendues. Peut-être mérite-t-elle d’être adaptée dans les zones qui le sont moins et dans les communes et EPCI des zones tendues qui comportent de nombreux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et qui concentrent déjà beaucoup de pauvreté, y compris hors QPV. Le travail parlementaire devrait nous permettre de définir des mesures adaptées à ces différentes situations.

Par effet miroir, l’effort demandé hors QPV doit peut-être s’accompagner d’une mesure concernant les quartiers de la politique de la ville où, comme je viens de le dire, se concentre une grande pauvreté. Le projet de loi fixant un plancher hors QPV, peut-être faudrait-il fixer un plafond en QPV. C’est une question ouverte que je pose, sans avoir d’avis tranché.

Madame la ministre, vous avez évoqué la suppression de la possibilité de déléguer le contingent préfectoral aux communes. Cette mesure, sans doute justifiée dans certains cas, me semble un peu radicale dans son application : elle interviendrait un mois après la publication de la loi. Il me semblerait opportun de sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, mais pas ceux qui sont vertueux.

Les termes de « location choisie » pourraient prêter à confusion et laisser penser aux locataires ou à ceux qui aspirent à le devenir qu'ils pourront dorénavant choisir leur logement. Ce n’est pas ce qui est prévu. Sans doute faut-il donc être plus précis.

Toujours en matière d’attributions, il nous faut engager une réflexion sur l’utilisation des contingents : celui des collectivités, celui d’Action logement et celui de l’État. Il me semble nécessaire de faire en sorte que, dans l’articulation des attributions au niveau intercommunal, ce contingent puisse contribuer, plus qu’aujourd’hui, à l’effort exigé.

S’agissant de la révision des politiques de loyers, les dispositions de l’article 26 restant facultatives, elles seront utilisées par les bailleurs qui en ont la possibilité et auxquels cela est nécessaire. L’article 27 me semble plus problématique. Il supprime notamment toute possibilité pour les programmes locaux de l’habitat (PLH) de déterminer, dans les zones tendues, des quartiers où le supplément de loyer de solidarité ne s’applique pas et impose un plafonnement unique à 35 % des revenus, contre 25 % ou 35 % actuellement. Encore une fois, on ne peut pas à la fois dire que c’est dans les intercommunalités que sont définies les politiques et empêcher celles-ci d’utiliser des outils employés jusqu’à présent à bon escient par certaines et peut-être moins par d’autres.

En ce qui concerne l’article 55 de la loi SRU, je crois qu’on utilise intelligemment la loi ALUR. Il conviendra d’utiliser avec précaution le critère de pression, qui me paraît être un élément beaucoup plus objectif que le mécanisme, fort complexe, qu’on a pu utiliser jusqu’à présent pour déterminer les conditions d’exemption des communes. Le projet de loi simplifie le dispositif tout en le rendant plus coercitif, puisque celui-ci doit passer par l’établissement public de coopération intercommunale.

La mutualisation est, comme la délégation du contingent préfectoral ou la possibilité de moduler le SLS dans le cadre du PLH, une mesure mal utilisée par certains et détournée par d’autres alors que quelques vertueux essaient d’en faire un outil de développement de l’offre locative. Vous supprimez purement et simplement cette mutualisation : je préférerais qu’on essaie de trouver un compromis et peut-être de mieux encadrer cette mesure, de manière à éviter qu’elle soit détournée.

Nous devrons également débattre de la mobilisation accrue du parc privé. Je crois que nous sommes tous d’accord sur cet objectif. Reste à déterminer les moyens de l’atteindre.

Je terminerai par une remarque d’ordre général. Le texte oscille souvent entre une reprise en main par le préfet et un renforcement du rôle des EPCI, dans la lignée de la loi ALUR. Cela semble assez paradoxal quand on songe que d’autres dispositions du texte visent à suppléer à une certaine impuissance des préfets à faire respecter le droit en vigueur. La règle doit être la décision des intercommunalités et la sanction ne doit être appliquée qu’en cas de non-respect de la loi.

Nous avons là un bon texte qui devrait être encore amélioré par le travail parlementaire, dans un esprit d’ouverture et de compromis.

Mme Audrey Linkenheld. Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je vous remercie, madame la ministre, pour vos propos et pour l’écoute dont vous faites preuve depuis que vous avez pris vos fonctions. Dans chacune des discussions que nous avons eues avec vous, nous avons pu constater votre esprit d’ouverture : vous vous inscrivez dans la continuité de la collaboration que nous entretenons avec votre ministère depuis le début de la législature.

Depuis plusieurs semaines déjà, le rapporteur thématique travaille d’arrache-pied. Ayant été co-rapporteure de la loi ALUR, je suis moi-même en train d’élaborer le rapport d’application de cette loi avec notre collègue Éric Straumann. J’ai donc conduit des auditions qui ont abordé les thèmes traités dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, et j’assiste à celles menées par Philippe Bies : on note une convergence entre nos constats et les propositions qu’il a déjà commencé à formuler. La continuité est nette entre ce projet de loi et des textes précédents, notamment la loi de 2013, qui renforce la loi SRU, et la loi ALUR.

Les politiques du logement demandent du temps et exigent des pouvoirs publics, des professionnels et surtout des citoyens, qu’ils fassent preuve de patience. La politique qui est menée depuis plusieurs années commence à porter ses fruits en termes de mises en chantier, de constructions et de rénovation. Toutefois, les réformes structurelles demandent encore plus de temps. La loi SRU et la loi ALUR ne peuvent produire leurs effets en quelques années à peine. De nombreux territoires se sont emparés des outils de la loi ALUR, mais sont loin d’être arrivés au terme de leurs travaux. Il faut du temps pour réunir une conférence intercommunale du logement et faire adopter par tous un accord collectif intercommunal ou une convention d’équilibre territorial, comme le demande la loi Lamy. Veillons à ne pas précipiter les choses. Le projet de loi Égalité et citoyenneté comporte des approfondissements, des améliorations, voire des corrections, qui sont légitimes et pertinentes, mais sans doute aussi quelques dispositions qui nous rappellent que le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Ayant eu l’occasion de rapporter deux textes successifs, je sais que, lorsqu’on travaille sur un projet de loi, on ne veille pas toujours à la publication des décrets d’application de la loi précédente. Ayant fait un bilan de la loi ALUR il y a trois mois, nous constatons qu’un pourcentage important de ses décrets ont été publiés, mais qu’il en manque encore, notamment sur l’habitat indigne. J’ai entendu avec satisfaction ce que vous disiez sur la nécessité de travailler ensemble. Nous avions déjà largement entamé ce débat lors de l’examen du projet de loi ALUR. Certains territoires fonctionnent bien, d’autres moins. Les dotations ne sont pas extensibles et on risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Au-delà de l’unification des polices, les choses fonctionneraient mieux si le décret relatif à la déclaration de mise en location prévue dans la loi ALUR était publié. Philosophiquement, nous sommes parfaitement en phase, mais rien ne serait pire, dans un texte relatif à l’égalité et à la citoyenneté réelles, que d’affirmer des principes sans avoir la certitude qu’ils trouveront une application concrète.

Philippe Bies a déjà largement évoqué les questions que se pose notre groupe. La première est de savoir comment adopter des principes nationaux tout en veillant à les appliquer au mieux aux réalités locales. Sur le principe, nous ne pouvons que soutenir l’objectif d’attribuer 25 % des logements sociaux hors QPV aux ménages les plus fragiles. Mais ce taux est-il adapté à toutes les réalités locales ? Nous aurons à œuvrer ensemble à l’articulation entre ces deux impératifs. J’en dirai autant de l’application de la loi SRU. Des difficultés peuvent se présenter ici ou là : vous avez dit vous-même qu’elles étaient marginales. Faut-il pour autant remettre en cause des équilibres plus globaux qui font relativement consensus ? Je suis très attachée à ce qu’on ne bouleverse pas le compromis auquel nous sommes parvenus sur la loi SRU. Quant à la question du SLS, il faut, là aussi, constater une tension entre le principe et les réalités locales. Paris, par exemple, est largement concerné par le surloyer. Mais, même si l’encadrement des loyers y est effectif depuis un an, les loyers privés restent encore difficilement accessibles pour tous.

La deuxième question concerne l’articulation entre, d’une part, le rôle des intercommunalités et celui du préfet, et, d’autre part, les moyens dont dispose celui-ci. En dépit des prérogatives qu’on accorde au préfet, l’État a en réalité du mal à exercer son pouvoir localement, faute de moyens humains, voire financiers. Enfin, quelle est l’articulation globale entre les différents contingents de logements ? Nous n’arriverons à loger partout les populations les plus défavorisées que lorsqu’il y aura régulation de l’ensemble des acteurs, et la mixité sociale dans l’habitat ne sera effective que si l’ensemble des acteurs sont réunis autour de la table – y compris l’État, qui ne doit pas se trouver dans une filière séparée.

M. Sylvain Berrios. Depuis la loi SRU, la politique du logement n’a pas réellement fait ses preuves. Pourquoi n’a-t-on pas remporté tous les succès escomptés ? On peut s’interroger sur le rôle des maires, des intercommunalités et de l’État. S’agissant de la capitale par exemple, le logement est désormais une compétence de la métropole du Grand Paris. Quant aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ils relèveront de la compétence des conseils de territoire. Or la loi SRU s’applique, elle, au niveau communal. La gouvernance du logement soulève donc naturellement des interrogations. J’ai cité le Grand Paris, mais on pourrait prendre d’autres exemples, sur le territoire national, d’imbrication des rôles des différents acteurs – qui méritent d’être mieux coordonnés dans leur action.

La contractualisation avec les communes et, plus généralement, avec les acteurs susceptibles de produire du logement social, est probablement une bonne chose. On a vu à quel point les constructions s’étaient accélérées ces dernières années. Donner l’impression que l’on retire la possibilité de contractualiser et remettre entre les mains de l’État l’intégralité de la politique du logement dans les villes dites carencées ou déficitaires revient à décourager ceux qui ont fait le choix de recourir à cette méthode. Quel sera le rôle des uns et des autres en cas de retrait de cette possibilité ?

Le taux de pression peut aussi être un taux de rupture. Il peut arriver un moment où, les communes ne pouvant plus agir, elles poseront le stylo et ne feront plus rien. N’imaginez pas que l’État ou l’intercommunalité puisse se substituer aux communes. C’est théoriquement possible, mais opérationnellement infaisable. Vous ne bâtirez pas des mètres carrés de logement social en quantité importante dans nos territoires sans associer les villes et leurs habitants à ces projets.

L’objectif de mixité est aujourd’hui assez largement partagé, mais j’attire votre attention sur le pourcentage d’attributions aux ménages modestes que vous proposez d’imposer hors QPV. Il peut très bien arriver que les quartiers prioritaires soient fuis et se retrouvent dans une situation encore plus délicate du fait de cet abandon. Évitons d’aggraver, au détour d’une loi technique, les difficultés de ces quartiers ; veillons au contraire à les rendre plus attractifs.

Enfin, vous vous êtes demandé si l’on pouvait avoir un logement social à vie, quelle que soit l’évolution de ses revenus. C’est toute la question du parcours résidentiel. Il ne faut pas mettre de côté dans tous les territoires l’ensemble des moyens de construire ou de satisfaire à la demande de logement social ou para-social – usufruit locatif social, logement étudiant ou autre. Veillons à ne pas casser ce qui fonctionne. Nous aurions intérêt à intégrer l’ensemble d’un parcours résidentiel et l’ensemble des formes de logements susceptibles de bénéficier d’une aide.

M. Michel Piron. J’ai apprécié, madame la ministre, que la présentation du projet de loi ait fait l’objet d’annonces assez modestes. Il s’agit en effet d’un vrai texte d’ajustement, ne prétendant pas forcément au Grand Soir – que l’on sait trop souvent suivi de petits matins.

Je formulerai, concernant les mesures très opérationnelles et concrètes de ce titre II, quelques observations et questions. La faculté pour les bailleurs sociaux de moduler les loyers me semble aller dans un sens tout à fait recommandable. À masse globale de loyers identique, on peut parfaitement opérer de meilleures modulations pour favoriser la mixité sociale – qui n’est d’ailleurs pas qu’une mixité résidentielle, mais qui doit aussi passer par des règles d’urbanisme visant à favoriser la mixité fonctionnelle. De la même manière, me paraît tout à fait recommandable la mesure très concrète interdisant le refus d’un logement social sur le fondement exclusif de l’absence de lien avec la commune. Le critère de mobilité géographique et de lien avec l’emploi, élément essentiel de mixité fonctionnelle, me paraît aussi aller dans le bon sens.

S’agissant du DALO, nous devons être vigilants. Nous sommes tous sollicités – moi-même, pas plus tard qu’hier au Conseil national de l’habitat – en vue d’en élargir le champ. Mais, quand tout devient prioritaire, il n’y a plus de priorité. J’en profite pour vous dire que j’ai salué le travail accompli par le préfet Alain Régnier lorsqu’il était délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Le jour où il a eu le pouvoir d’adresser des injonctions aux préfets sur l’ensemble du territoire, cela s’est traduit dans l’année qui a suivi par la résorption quasi totale du stock d’ayants droit, en dehors de Paris et de l’Île-de-France, où l’on manque de logements, à moins de mettre des gens à la porte pour en loger d’autres à leur place. Le contingent préfectoral a, en l’occurrence, parfaitement joué son rôle. Si l’on n’a pas tout à fait atteint les objectifs affichés – qui étaient d’ailleurs plutôt des intentions que des objectifs –, un progrès a incontestablement été accompli grâce à cela.

La disposition prévoyant l’attribution de 25 % de logements sociaux aux ménages du premier quartile est très importante. Je salue aussi le fait que soit clairement affichée dans ce texte l’idée que la mixité sociale ne consiste pas seulement à installer des gens riches au milieu des pauvres, mais aussi des personnes appartenant aux déciles médians. La mixité se fait aussi bien par le haut des revenus que par le bas. Elle n’est pas à sens unique. Que le préfet se voie doté d’un véritable pouvoir en la matière me semble tout simplement relever d’un droit régalien. Moi qui suis girondin, je demande à l’État d’être là où il le faut, ce qui, en l’occurrence, est bien le cas.

Eu égard aux droits des locataires, à leurs limites, voire peut-être aux devoirs de ces mêmes locataires, il me paraît parfaitement bienvenu et justifié de tenir compte du fait que certains demandeurs ont déjà refusé un logement adapté.

En ce qui concerne la hausse des loyers, qui, d’une année sur l’autre, peut être plafonnée à 5 % en sus de l’indice de référence des loyers, je demanderai que l’on réfléchisse à la base d’où l’on part. Il serait peut-être utile d’avoir, en sus de ces 5 %, une deuxième clé, telle que le montant de loyer acceptable dans un logement social. Je déposerai éventuellement un amendement sur ce sujet. Il me paraîtrait important de ne pas se contenter de ce seul pourcentage.

Cette remarque me conduit à évoquer le SLS. Je me souviens des cris d’orfraie poussés à ce sujet en séance publique lors du débat sur la loi de mobilisation pour le logement. Cela avait d’ailleurs donné lieu à des alliances assez baroques, dépassant largement les clivages partisans. Vous avez indiqué que 4 000 locataires étaient concernés par le surloyer. Je crains que la faiblesse de ce chiffre ne démontre surtout que le SLS n’est pas toujours utilisé quand il devrait l’être. Je suis d’accord pour rendre le supplément de loyer plus dissuasif. Cela étant, il s’agit de ne pas se laisser impressionner par des gens qui oublient de dire d’où l’on part. À l’époque, certains ont poussé des lamentations vigoureuses en apprenant que les loyers étaient multipliés par trois ou quatre : ils avaient simplement oublié de préciser quel était le loyer de départ. Je rappelle qu’une loi qui n’a pas été abrogée interdit qu’un loyer du parc social dépasse 25 % des ressources du locataire. Les personnes susceptibles de passer à un loyer de 1 500 ou 1 800 euros avaient donc un revenu au minimum quatre fois supérieur. Vous avez aussi raison de souligner les limites du droit au maintien dans les lieux.

S’agissant des PLH, on pourrait discuter des délais accordés, mais cela me paraît raisonnable.

Le fait d’exiger que la déclaration d’intention d’aliéner, qui doit être adressée au maire, soit parallèlement adressée par le notaire au préfet revient à préjuger de la mauvaise foi du maire. Je préférerais qu’on oblige ce dernier à transmettre le double au préfet, plutôt que d’avoir l’air de considérer que, systématiquement, le maire ne ferait pas son travail.

La question des locations meublées – dont le nombre augmente considérablement avec le phénomène Airbnb – méritera peut-être qu’on y regarde de plus près.

J’ai entendu parler d’améliorations à venir concernant l’habitat indigne : je demande à voir, car j’ai entendu, à ce sujet, des propos qui pourraient conduire à des remèdes pires que le mal.

Enfin, je serais heureux que l’on puisse me donner des explications permettant d’y voir plus clair dans la gouvernance du logement à Paris et en Île-de-France.

M. André Chassaigne. Nous partageons pleinement la préoccupation centrale du projet de loi, qui consiste à combattre la ségrégation et le phénomène des ghettos. Certaines dispositions risqueraient cependant d’aller à l’encontre de cette volonté d’améliorer la mixité sociale ; nous devons demeurer très attentifs à ne pas détériorer le modèle de logement social construit dans notre pays.

Parce qu’un certain volontarisme est nécessaire, des propositions vont dans le bon sens : c’est le cas du recours aux quotas, et l’objectif de réaliser 25 % des attributions en dehors des QPV au bénéfice des demandeurs les plus modestes est une bonne mesure. Le fait que les réservataires doivent affecter les logements disponibles aux publics prioritaires, notamment les bénéficiaires du DALO est aussi très positif.

Cependant, nous sommes plus réservés devant l’avènement du jacobinisme de l’intercommunalité : la conférence intercommunale du logement se traduirait par une forme de recentralisation qui affaiblirait les maires et les politiques qu’ils peuvent conduire. De fait, les conceptions de certaines municipalités ne sont pas nécessairement partagées à l’échelon intercommunal. Cette mainmise de l’intercommunalité risquerait d’avoir des effets pervers : cela relève d’un choix démocratique auquel nous devons rester très attentifs.

La perte du droit au maintien dans les lieux des familles appartenant à la classe moyenne ne doit pas être augmentée dans des proportions susceptibles d’aggraver la ghettoïsation. Les équilibres pouvant être trouvés dans des quartiers, dans des bâtiments, dépendent de ce maintien dans les lieux.

De même, le plafond de ressources qui avait été minoré pour l’accession au logement social devrait être réévalué, faute de quoi la mixité sociale serait compromise, et nous n’atteindrions pas nos objectifs.

Nous devons encore être attentifs à ce que les augmentations des loyers n’aient pas de conséquences sur la santé financière de certaines familles se trouvant déjà en situation de grande difficulté. Il convient de ne pas se laisser aller à une spéculation intellectuelle qui conduirait à imaginer des outils susceptibles d’apporter des solutions en dehors de toute réalité.

Enfin, le logement social a besoin de plus de démocratie, notamment dans la représentation des locataires au sein des conseils d’administration, et nous déposerons des amendements portant sur cette question, mais je ne doute pas que certains de nos collègues partagent cette préoccupation.

M. Yves Nicolin. Madame la ministre, êtes-vous prête à accepter un amendement permettant de déroger, pour les secteurs très détendus, aux quotas obligatoires de logements sociaux ? Ma ville de Roanne a perdu 40 % de sa population en trente ans, passant de 55 000 à 38 000 habitants, et se retrouve à la tête de 4 000 logements vides, avec un quota de 32 % de logements sociaux. Dans notre voisinage se trouvent des villes de 5 000 ou 10 000 habitants, telles Riorges et Villerest, que l’État veut obliger à atteindre ces quotas qu’elles n’ont pas remplis ; chaque fois qu’elles construisent des logements sociaux – ce qu’elles ne sont pas toujours en mesure de faire –, nous vidons les nôtres, ce qui nous oblige à les démolir.

Je souhaite donc qu’une liste de dérogations puisse être établie à l’échelon ministériel ou préfectoral afin que les particularités de certains territoires soient prises en compte. Je transmettrai donc un amendement à notre rapporteur, qu’il pourra reprendre en son nom s’il le souhaite.

M. Marcel Rogemont. On ne peut que se féliciter de l’objectif du projet de loi, qui entend favoriser l’accueil des ménages les plus modestes dans des logements sociaux hors QPV. Pour cela, vous avez tout à l’heure suggéré aux bailleurs sociaux – mais c’était presque à votre corps défendant – de diminuer les loyers dans certains secteurs, ce qui, à quittancement égal, implique de les augmenter ailleurs. Dans le cadre de l’ANRU, un dispositif permet au bailleur de baisser le loyer, en récupérant dix ans d’écart au titre de ce qu’il aurait touché sans cette diminution. Ne serait-il pas possible d’étendre cette mesure de bon sens ? Ainsi, les fonds d’épargne pourraient être utilisés au découplage des loyers du mode de financement du logement. Cette mesure favoriserait l’accueil des familles les plus modestes : il s’agit d’une ardente obligation.

M. François Pupponi. Le projet de loi va dans le bon sens, mais pourrait être amélioré sur un point. Proposer 25 % minimum de logements sociaux hors QPV constitue une excellente mesure, mais certains acteurs du logement ont pris de mauvaises habitudes et je crains qu’ils ne traduisent « 25 % minimum » en « 25 % tout court », et qu’ils persistent à laisser 75 % des logements concernés dans les QPV. Or, si nous ne mettons pas un terme à l’attribution de logements aux publics prioritaires dans ces QPV, nous continuerons à créer des ghettos, et, quels que soient les réservataires, à loger, par facilité, les populations les plus fragiles dans les mêmes quartiers.

Dans ces communes où les QPV représentent 30 % à 40 % des habitants, c’est-à-dire là où réside une quasi-majorité de populations extrêmement pauvres, ne serait-il pas souhaitable d’instituer une commission d’attribution des logements à laquelle tous les réservataires participeraient ? Certes, les conférences intercommunales et les conventions de la « loi Lamy » existent, mais, lorsqu’elles se réunissent pour attribuer des logements, certains ont tendance à oublier les diverses conventions qui ont été passées.

Le Président de la République a indiqué qu’il souhaitait appliquer une TVA réduite à 5,5 % dans les QPV et dans une bande de 500 mètres autour de ceux-ci. Est-ce bien le moment d’adopter cette mesure ? Des amendements porteront sur des avantages fiscaux destinés à différents acteurs du logement, afin que, pour favoriser la mixité sociale, des logements – soit intermédiaires, soit d’accession à la propriété – soient créés dans les QPV ou autour d’eux. Cette mesure, en effet, ne figure pas dans le projet de loi : s’agit-il d’un oubli ou d’une bonne surprise réservée pour la séance publique ?

M. Jean-Louis Bricout. Ce projet de loi ne me paraît pas prendre en compte les disparités existant entre les zones rurales et les zones d’habitat plus dense. Toutes les zones ne sont pas tendues, et les investisseurs bénéficiant du dispositif Pinel ne sont pas présents en zones rurales. Cependant, des bailleurs indélicats investissent dans ces zones, car le prix de l’immobilier y est bas, et le retour sur investissement assuré, puisque le versement des loyers est garanti par la Caisse d’allocations familiales (CAF). Une grande concentration des quartiers prioritaires est constatée dans les villes bourgs-centres en milieu rural, ce qui est cause de déséquilibre au regard des questions propres à la ruralité.

Les enjeux portent plus sur la réhabilitation de logements que sur la construction. Les dispositifs incitatifs sont connus : programmes d’intérêt général, offices publics de l’habitat (OPH)… Cependant, les pouvoirs de police du maire ne doivent pas être négligés, car il est parfois nécessaire d’user de coercition à l’encontre des bailleurs indélicats. À ce titre, dans le cadre du règlement sanitaire départemental, les logements insalubres peuvent être contrôlés. Je souhaiterais toutefois que le projet de loi institue la notion d’insécurité économique des locataires. Il arrive parfois, en effet, que les bailleurs indélicats, louant des logements qui sont de vraies « passoires énergétiques », aggravent les difficultés économiques de leurs locataires.

Mme Nathalie Appéré. Plusieurs de nos collègues ont souligné l’intérêt des dispositions figurant dans ce projet de loi en matière de modulation des loyers. L’expérience montre à quel point la question des loyers peut limiter une authentique politique de peuplement ou de mixité sociale. La paupérisation des demandeurs – constatée dans tous les territoires – conduit parfois à n’attribuer, pour des raisons de solvabilité des ménages, que des logements dont les loyers sont considérés comme très bas en raison de leur date de construction. Il convient donc de ne pas se limiter à des quotas d’attributions hors QPV, mais de combiner ces attributions avec une politique de loyers adaptés afin de ne pas être contraint, dans les zones hors QPV, à n’attribuer à des ménages que quelques blocs de logements sociaux anciens qui risqueraient alors de constituer les QPV de demain.

Certaines dispositions du texte permettent aux bailleurs d’augmenter les loyers, de façon à conserver un quittancement égal. On risque ainsi un renchérissement du parc qui le rendrait encore moins accessible à certains ménages. Ne pourrait-on imaginer, pour des territoires volontaires qui répondraient à certains critères, une politique territoriale de loyers imposant à l’échelon de l’EPCI, dans le cadre de la signature des conventions d’utilité sociale, des loyers dits « uniques », que ce soit dans des zones de QPV ou en dehors ? Un tel dispositif permettrait d’éviter certaines contraintes et homothéties entre difficultés des ménages et niveau des loyers.

M. Jean-Marie Tétart. À l’instar de Michel Piron, je salue le propos prudent de Mme la ministre, qui montre qu’elle ne veut pas tout bouleverser, car les dispositions de la loi ALUR, par leurs contraintes et leurs incitations, créent parfois des effets d’aubaine. Il faut toutefois être attentif à ne pas contrarier à l’excès certains acteurs pourtant bien disposés au départ par des mesures telles que la suppression de la mutualisation par territoire ou l’impossibilité de réserver les logements aux résidents des communes. En effet, il ne faut pas oublier que les communes contribuent au titre des charges foncières notamment, dont la contrepartie est attendue des habitants : le dispositif doit être lisible. Je souhaite donc que cette retenue caractérisant le projet de loi perdure au cours de la séance publique, car indisposer les intéressés en cette période délicate ne pourrait qu’être contre-productif.

Mme Pascale Got. Le logement saisonnier est le grand absent du texte qui nous est soumis. Le public concerné ne pourrait-il pas être pris en compte lors de la construction de logements sociaux en se fondant sur la notion d’occupation temporaire, et en déterminant un mode de calcul des loyers adapté ?

Mme Anne-Christine Lang. Je ne reviendrai pas sur la question du SLS et du maintien dans les lieux, qui a été évoquée comme un sujet « parisien ». En revanche, la disposition du projet de loi imposant que 25 % des attributions réalisées en dehors des QPV soient consacrées aux demandeurs les plus modestes ou aux ménages relogés dans le cadre du renouvellement urbain ne risque-t-elle pas d’aboutir à la création de nouveaux QPV, avec une incidence bien connue sur la mixité sociale en milieu scolaire ? C’est le risque encouru si les 25 % sont concentrés aux mêmes endroits. Dès lors, pour les grandes villes, ne serait-il pas possible de trouver un échelon plus pertinent – celui de l’îlot, d’un groupe d’immeubles, voire du quartier –, afin de mesurer la mixité lors de l’attribution des 25 % hors QPV ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Le rapporteur Philippe Bies a souligné l’ensemble des progrès apportés par ce projet de loi, présents dès son titre, avec le terme d’« égalité ». Toutefois, trois thèmes n’ont pas encore été abordés.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler – car nous sommes souvent interrogés à ce sujet – l’ensemble des dispositifs concourant de concert à la garantie universelle des loyers pour les jeunes ?

Ma deuxième question porte sur l’accès des jeunes au logement social, plus particulièrement des jeunes en formation. Le pourcentage de l’ensemble des jeunes de moins de trente ans concernés a quasiment été divisé par deux en quinze ans, puisqu’il est passé de 15 % à 8 %. Quel est l’état d’avancement de la réflexion du Gouvernement et quelles sont ses intentions dans ce domaine ?

Enfin, l’action de groupe constitue un enjeu important de démocratie et fait la part belle à la participation et à l’engagement citoyen ; en l’évoquant, je ne fais donc que souligner l’interpellation de notre collègue André Chassaigne dont je partage les vues. Quelles sont les réflexions en cours sur ce sujet ?

Mme la ministre. L’objectif d’attribution de 25 % de logements aux ménages du premier quartile ne concerne pas que les zones tendues : certaines zones tendues disposent d’une répartition équitable de leurs attributions à tous les ménages, d’autres en sont dépourvues ; il en va de même pour les zones détendues. Ces situations sont souvent liées à l’histoire du parc HLM ainsi qu’à des pratiques locales. C’est pourquoi les décisions d’attribution de ces 25 % doivent être prises en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les élus locaux.

Les intercommunalités jouent un rôle majeur et doivent prendre toute leur part à une sortie durable de la crise du logement. En raison de leurs structures mêmes, elles conduisent les maires, quelle que soit leur coloration politique, à dialoguer et à réfléchir ensemble au-delà des frontières communales. Aujourd’hui, toutes celles qui ont pris à bras-le-corps les questions d’hébergement, de logement, d’aménagement et de stratégie foncière s’en sortent.

J’ai été membre du « comité des sages » lors des travaux de la commission de concertation sur les attributions de logements sociaux, et je suis persuadée que, lorsque les conférences intercommunales et les conférences interbailleurs d’attribution des logements sociaux mailleront l’ensemble des territoires, nous disposerons d’outils beaucoup plus efficaces pour assister les maires et les préfets dans le domaine du peuplement. De fait, lorsque l’État presse les préfets d’être plus diligents et plus directifs, c’est bien parce que la négociation n’a pas abouti.

Aujourd’hui, les communes peuvent proposer l’extension de l’exonération du surloyer, au-delà de leur zone de QPV, dans le cadre de leur programme local de l’habitat (PLH). Pour le moment, le projet de loi prévoit la réduction de cette possibilité d’extension, notamment dans les zones tendues. La question du surloyer concerne surtout Paris. Toutefois, il serait souhaitable de savoir quels sont les revenus concernés. Actuellement, un célibataire gagnant 2 500 euros mensuels peut accéder à Paris à un logement financé à l’aide d’un prêt locatif social (PLS). La loi lui permet donc de disposer d’un revenu de 5 000 euros et de payer un surloyer représentant au maximum 25 % de son revenu, soit 1 200 euros de loyer, mais il demeure éligible au logement social. De même, un couple avec deux enfants disposant d’un revenu de 2 500 euros – ce qui n’est pas très élevé pour Paris –, dans le cadre d’un logement financé à l’aide d’un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), acquitte un surloyer équivalent à deux fois son revenu, limité à 25 %.

Le surloyer concerne des classes moyennes disposant des capacités de se loger dans le parc privé. Cela ne leur interdit pas de demeurer dans le logement social, mais personne ne croira qu’il s’agit uniquement de la question du maintien. Pourquoi les bailleurs ne proposent-ils pas à leurs locataires éligibles au surloyer dans le cadre d’un PLAI des logements construits à l’aide d’un prêt locatif à usage social (PLUS) ? Pourquoi ces bailleurs refusent-ils de travailler à la gestion locative de proximité et à la mobilité ? La marche à gravir est-elle trop haute ? Il faut étudier attentivement en quels endroits le surloyer est appliqué. C’est en effet un phénomène parisien : rares sont les quartiers de la capitale qui en sont exonérés. Beaucoup de communes sont aujourd’hui exemptées du surloyer, même si elles luttent contre lui. Ce débat ne doit pas être dogmatique, mais pragmatique ; il faut aussi prendre en considération la position de ceux qui ne bénéficient pas du logement social, alors qu’ils sont demandeurs. Je peux comprendre que des bailleurs considèrent que les publics les plus aisés favorisent une réelle mixité sociale au sein de leur parc de logements.

D’un autre côté, bien des personnes sont exclues du logement social, en particulier dans les zones tendues, et le surloyer constitue un instrument de justice sociale. Aujourd’hui, 4 500 personnes acquittent un surloyer et, malgré tout, sont maintenues dans les lieux. Il est d’ailleurs prévu que, dans le cadre de sa politique de préemption d’immeubles, la ville de Paris – qui a demandé cette mesure – exempte de surloyer pendant trois ans les personnes entrant dans le logement social, car les immeubles sont captés par le parc privé.

Notre intention n’est pas de vider les logements sociaux de la classe moyenne ; notre priorité est de prévenir la paupérisation du logement social, qui n’est pas due au SLS, mais à la concentration des loyers les plus bas dans les mêmes quartiers et dans les mêmes villes, ainsi qu’à l’absence de politiques pertinentes de peuplement.

C’est par la loi et par la mobilisation des élus que nous parviendrons à changer les politiques d’attribution des logements sociaux. Les politiques intercommunales constituent à cet égard l’un des éléments clés de notre arsenal. Il est inconcevable que des communes continuent de connaître vingt ou trente bailleurs sociaux et des commissions d’attribution de logement (CAL) quotidiennes. Cela n’a plus aucun sens ! Dans les zones très tendues, notamment dans la région Île-de-France, les dossiers sont mal étudiés, les offres ne sont pas les bonnes et les élus sont épuisés.

La loi SRU a des effets très positifs : bien des communes se sont engagées et beaucoup de logements ont été produits. Celles dans lesquelles le taux de pression est extrêmement fort restent attentistes, et les permis de construire délivrés ne concernent que le parc privé : aucun logement social n’est créé. Nous devons donc rester vigilants. Roanne est exemplaire de la zone détendue appelant des ajustements. Quelques zones connaissent un taux de pression proche de zéro, et des logements y sont vacants : elles ne sauraient être concernées par la loi SRU. Certaines communes du département de la Loire, proches de la ville de Saint-Étienne, soumises à la loi SRU, sont ainsi exemptées d’amende. Cependant, l’exemption de pénalité relève aujourd’hui du ministre chargé du logement, sur information des préfets, et un dispositif législatif serait préférable. C’est en quelque sorte ce que prévoit le projet de loi, par le biais de l’ajustement de l’application de la loi SRU pour les communes au sein desquelles le taux de pression est nul et où la question de la création de logements sociaux ne se pose pas. Les territoires qui se trouvent dans cette situation sont assez peu nombreux, ils sont bien connus et ce sont eux qui ont nourri notre réflexion. L’application des mesures législatives concernant le logement nécessite du temps. C’est pourquoi ce projet de loi tend à améliorer ou à approfondir les dispositifs en vigueur : il ne se propose pas de bouleverser l’existant.

Monsieur Piron, le texte ne prévoit pas d’étendre les critères d’élection au droit opposable au logement et se borne à préciser quel est le public prioritaire, sans apporter de modification dans ce domaine. Vous m’avez par ailleurs interrogée sur la conduite de la politique du logement en Île-de-France et la perspective d’une réelle intercommunalité pour cette région. Aux termes de la loi, la métropole du Grand Paris peut se saisir de la politique du logement, de l’hébergement et du droit opposable au logement. Il serait en effet très positif que la métropole s’empare du sujet, à la condition qu’elle le traite en totalité, car il constitue un tout dont aucune partie ne saurait être détachée : il doit être considéré en bloc. Or, aujourd’hui, comme la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Île-de-France connaît de sérieux problèmes de logement : ils ne seront résolus que par une action simultanée sur la construction, la réhabilitation et la mobilisation du parc vacant.

Par ailleurs, l’avènement d’Airbnb conduit à s’interroger sur l’identité de l’autorité compétente sur le sujet : les territoires, à tous les échelons, ou, pour certaines régions, l’État ? En tout état de cause, il ne me semble pas que cette question revienne au ministère du logement.

Marcel Rogemont m’a interrogée au sujet de la baisse des loyers. La question n’est pas du ressort de la loi. La semaine dernière, j’ai annoncé que, grâce à la baisse du taux de commissionnement du livret A, 170 millions d’euros étaient mis à la disposition des organismes concernés, afin qu’ils puissent pratiquer des baisses de loyer. Les bailleurs sociaux disposant de logements financés à l’aide d’un PLS, qui sont plus chers que certains logements du parc locatif privé, sont particulièrement visés, et j’espère que les organismes HLM vont s’en saisir. Un dispositif particulier est applicable à la rénovation urbaine : des logements financés il y a plus de trente-cinq ou quarante ans ont été rénovés, et leur niveau de loyer est sans commune mesure avec ceux pratiqués par le passé.

Au demeurant, quand bien même elle ne relève pas du projet de loi, la question que vous posez n’est pas sans intérêt : faut-il détacher le prix des loyers du financement du logement social ? Chacun s’interroge et le sujet ne manquera pas d’animer le débat l’année prochaine, car, dans le cadre de l’aide au taux de commissionnement, l’ensemble des prêts contractés auprès de la Caisse des dépôts devront être renégociés.

M. Marcel Rogemont. Qui distribuera ces 170 millions d’euros ? Dois-je vous adresser la facture ? (Sourires.)

Mme la ministre. Cela n’est pas de mon ressort. Je songe plutôt à la Caisse des dépôts, mais mes services sauront vous fournir une réponse plus précise…

François Pupponi a considéré que de mauvaises habitudes avaient été prises et que l’ensemble des réservataires devraient se concerter. C’est effectivement une nécessité, et certains élus ont imposé cette pratique dans leur agglomération.

À l’occasion de l’inauguration d’un programme de logements sociaux neufs à Romainville, le Président de la République m’a demandé de mener une réflexion au sujet de l’opportunité d’étendre la zone de TVA réduite de 5,5 % de 300 à 500 mètres. Il ne s’agit donc pas de l’annonce d’une nouvelle mesure : la question devrait être débattue à l’occasion de l’examen de la prochaine loi de finances. Faut-il établir des zones de 500 mètres disposant d’un spectre très large ou convient-il, à l’occasion de l’aménagement d’une zone, d’étudier finement si le projet n’est pas contigu à un autre ? Tel est aujourd’hui l’état de nos interrogations. Le sujet est complexe, car la perspective de l’extension des zones soumises à un taux de TVA de 5,5 % à 500 mètres ne manquera pas de concerner les QPV, qui bénéficient de l’extension du périmètre d’application de cette exonération à 300 mètres depuis le 1er janvier 2015.

Par ailleurs, il est vrai que les zones rurales sont absentes du projet de loi qui est orienté vers la question de la ségrégation territoriale. Il n’en demeure pas moins que certaines zones rurales connaissent une forte demande de logement social : demain, à l’occasion d’une conférence de presse, je ferai des annonces relatives à la mobilisation du parc de logements vacants, notamment en centre-bourg ; ce qui correspond à une demande essentielle ne devant pas être occultée par le mouvement important de construction de logement en d’autres endroits. Dans ce domaine, les moyens sont au rendez-vous.

À Nathalie Appéré, j’indiquerai qu’une expérimentation de modulation des loyers est en cours à Rennes, et une disposition du texte vous permettra de mener à bien votre projet. Toutefois, seule la modification du loyer à la relocation est prévue par le texte, ce qui est très différent de votre expérience.

Mme Nathalie Appéré. Il s’agit des loyers pratiqués après relocation ou rénovation lourde.

Mme la ministre. En tout état de cause, nous pensons pouvoir répondre positivement à votre demande, car votre projet intéressant correspond parfaitement à la situation de votre territoire.

Le Gouvernement devrait déposer un amendement tendant à améliorer la transmission aux maires par les préfets de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA), et prévoyant des pénalités. Ce sujet intéresse particulièrement les communes carencées.

Plusieurs députés ont fait part de leur crainte en considérant que le taux d’attribution de 25 % de logements risquait de conduire à la constitution de nouveaux ghettos hors QPV. Je rappelle que, à l’occasion d’une attribution, si un bâtiment se voyait occupé par 25 % de ménage du premier quartile, cela ne constituerait pas la création d’un ghetto…

Mme Audrey Linkenheld. Cela dépend de l’occupation de départ !

Mme la ministre. Installer des ménages pauvres dans des quartiers non QPV revient à les faire revenir là où ils ne sont pas nombreux.

Mme Audrey Linkenheld. Y compris dans les résidences ?

Mme la ministre. Certes, dans les résidences, mais nous ne raisonnons pas en termes d’adresses. La question est bien celle de la responsabilité des élus lors des attributions. Nous souhaitons que 25 % de ces attributions de logement aux ménages du premier quartile concernent des zones hors QPV, et il serait curieux que des bailleurs ou des élus procèdent à ces attributions dans un seul bâtiment.

Mme Anne-Christine Lang. Et s’il n’y a pas d’autre bâtiment disponible ?

Mme la ministre. J’ai la faiblesse de penser que, dans les zones très denses, il y a plusieurs bâtiments. Dans ce cas, nous devons réfléchir aux politiques des loyers… Nous pouvons aussi décider de ne rien faire, et continuer comme avant, ce que font d’ailleurs de nombreuses agglomérations…

Mme Audrey Linkenheld. La question est celle de la répartition.

Mme la ministre. Effectivement, il faut répartir ces ménages à l’échelle de l’EPCI, et les programmes de reconstruction y concourent ; c’est le cas à Paris dans les 14e, 15e, 16e et 17e arrondissements qui ont encore beaucoup à faire en matière de logement social, et où nous pourrons atteindre le taux de 25 % afin qu’il ne soit plus cantonné dans les 13e, 18e et 19e arrondissements. Dans les quartiers connaissant une carence de logements sociaux, il faut recourir aux PLAI. Il ne me semble pas que 25 % de ménages bénéficiant d’un logement financé à l’aide d’un PLAI constituent un signe de difficulté sociale, qui n’est pas toujours synonyme de pauvreté, comme on le constate dans nombre de villes d’Île-de-France – Clichy-sous-Bois ou Sarcelles, par exemple –, où la difficulté surgit lorsque 90 % de la population d’une ville est du premier quartile, même lorsqu’il n’y a que 30 % de logements sociaux. Au sein des grandes métropoles, la répartition concerne l’ensemble du territoire. Rien ne s’oppose à la réalisation de cet objectif en Île-de-France où nous continuerons à construire des logements.

Dans certains quartiers, tous les enfants des familles du premier quartile sont scolarisés dans le même établissement. C’est pourquoi nous proposons que les attributions à venir soient situées hors QPV : il faut les amener dans d’autres quartiers. Lorsque j’étais élue régionale, j’ai financé dans le 16e arrondissement un programme de pension de famille : il a fait l’objet de quarante-sept recours, et les opposants étaient présents à l’inauguration ! Les enfants de ces familles se sont parfaitement insérés dans le quartier ainsi que dans les établissements scolaires, alors qu’il n’y avait aucun logement social.

Le taux de 25 % d’un volume d’attribution n’est pas inaccessible : il s’agit de 25 % de ménage du premier quartile de vos demandeurs, et la mixité doit aussi concerner les quartiers qui ne sont pas QPV.

À Razzy Hammadi, je rappelle qu’Action logement met en œuvre la garantie locative Visale, notamment destinée aux salariés en situation de précarité et aux moins de trente ans qui sont en activité ou en passe de l’être. Tout jeune titulaire d’une promesse d’embauche peut bénéficier de Visale, même s’il ne produit un contrat que dans l’année suivante. La garantie est gratuite et dure trois ans. Les apprentis sont éligibles à ce dispositif et peuvent, par ailleurs, bénéficier d’aides supplémentaires dispensées par Action logement, particulièrement lorsqu’ils se trouvent en situation de double ou triple hébergement. Ces aides sont malheureusement trop méconnues.

La caution locative étudiante (CLE) a aussi été mise en place il y a plusieurs années et distribuée par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) lorsque les jeunes déposent leur demande de logement étudiant. La procédure est dématérialisée.

À terme, nous souhaitons établir un portail unique susceptible de fournir aux jeunes une information précise, sans pour autant défaire le système actuel, déjà sollicité pour la rentrée du mois de septembre prochain ; car nous devons être attentifs aux étudiants entrant en université.

Par ailleurs, aux termes de discussions avec Action logement, nous avons étendu la garantie Visale aux chômeurs en mobilité, ayant besoin d’une aide au logement dans un nouveau territoire. Nous réfléchissons aussi à apporter une aide à l’ensemble des jeunes, notamment à ceux ne disposant pas d’un contrat de travail, mais aussi aux intermittents, ainsi qu’à ceux qui sont employés dans le cadre de la nouvelle économie du numérique et relèvent d’un statut particulier. Enfin, nous souhaitons prendre en compte les jeunes soutenus par la garantie jeune ou le service civique et qui voudraient bénéficier d’une garantie logement, même si leur statut est différent.

Les chiffres du logement social des jeunes sont meilleurs que nous le pensions. Les plus jeunes ne sont pas nombreux à adresser des demandes : ce sont les 25-29 ans qui fournissent le plus important contingent de premières demandes. Nous nous interrogeons sur la façon de faciliter leur arrivée au sein du dispositif, ce qui dépend pour une part des politiques de peuplement menées par les bailleurs.

Le projet de loi ne comporte pas beaucoup de dispositions ayant trait à la démocratie dans le domaine du logement. Vous avez évoqué l’action de groupe : je rappelle que les premières de ces actions ont porté sur des questions de charges locatives et de quittances au sein du logement social. C’est la menace de l’action de groupe qui a abouti à la négociation dans une situation bloquée depuis plusieurs années.

Au-delà du projet de loi, il me semble que tout ce qui relève de la mobilisation des locataires du parc social, mais aussi de leur information en général, est essentiel, et le ministère soutient les associations concernées. Toutefois, ne soyons pas candides : l’expérience des conseils et des tables de quartier montre des résultats très mitigés en fonction des territoires observés. La mobilisation des locataires constitue un atout pour la vie dans les quartiers difficiles, et il faut renforcer la relation existant entre les habitants et les élus.

Je n’ignore pas la pertinence du sujet du logement saisonnier soulevé par Pascale Got, qui constitue une sérieuse préoccupation. Nous ne disposons pas à ce jour d’outils adaptés à ce type de logement ; plutôt que de légiférer, nous souhaitons expérimenter dans plusieurs territoires des produits par nature temporaires, relevant à la fois de l’hôtellerie et de la location meublée. Nous éprouvons les plus grandes difficultés à trouver le modèle économique de ces logements à occupation saisonnière. Nous sommes confrontés à des situations de la plus grande indignité, et c’est ainsi que des jeunes ont trouvé la mort, dans une station de montagne, parce qu’ils vivaient dans leur caravane.

À l’occasion de la présentation éventuelle d’un nouveau projet de loi consacré à la montagne, nous souhaiterions être en mesure de proposer un cadre législatif adapté à ces situations.

Mme la présidente Annick Lepetit. Madame la ministre, nous vous remercions.

La Commission spéciale procède à l’audition de M. Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle, lors de sa première séance du mercredi 8 juin 2016.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin M. Patrick Weil, qu’il est à peine besoin de présenter.

Vous êtes directeur de recherche au CNRS rattaché au Centre d’histoire sociale du XXe siècle et vous enseignez aux États-Unis. Vous faites porter depuis longtemps vos recherches et vos réflexions sur des thèmes tels que la cohésion nationale, les valeurs républicaines, l’égalité, la citoyenneté, notions et principes que nous nous efforçons de défendre et de promouvoir sans relâche afin que, au-delà de leur expression juridique, ils trouvent une traduction concrète dans la vie de nos compatriotes. Avec le projet de loi « Égalité et citoyenneté », c’est la construction d’une République en actes que nous comptons instaurer.

Vous avez récemment publié un ouvrage, Le Sens de la République, qui vous a conduit à définir ce qui constitue les piliers de notre identité nationale, parmi lesquels le principe d’égalité et la langue française jouent un rôle essentiel, comme vous aurez sans doute l’occasion de le préciser devant nous. Plus largement, nous souhaiterions vous entendre sur l’analyse que vous faites de la société française et des maux dont elles souffrent.

M. Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir invité à parler devant votre commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « Égalité et citoyenneté », à l’intitulé duquel je suis particulièrement sensible.

Dans mon ouvrage Être français¸ j’avais essayé, en réponse au débat sur l’identité nationale lancé par le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, de construire une réflexion à partir de mes travaux en dégageant quatre piliers fondamentaux sur lesquels cette identité repose.

Il s’agit, tout d’abord, du principe d’égalité, issu d’un héritage catholique laïcisé. On peut en percevoir toute l’importance dans notre imaginaire et notre programmation républicaine à l’émoi qu’ont soulevé certaines dispositions du projet de réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité visant à distinguer deux catégories de Français à l’intérieur de la Constitution.

Il s’agit, ensuite, de la langue, sacralisée en France à un degré qu’atteignent peu de pays au monde. Nous avons même une Académie où nombre de personnes très estimables souhaitent terminer leur vie pour se réunir une fois par semaine pour enrichir le Dictionnaire. Dans ce qui aura été son dernier ouvrage, Théorie des symboles, le grand sociologue Norbert Elias souligne que ce qui fait la différence entre l’homme et l’animal, c’est la capacité de l’homme à enrichir son langage génération après génération et à créer des concepts et des mots nouveaux alors que chez l’animal, le langage est stable et permanent. Je trouve magnifique que la République française valorise à ce point ce qui fait l’humanité de l’homme à travers notre propre langue.

Il s’agit, troisième pilier, de la mémoire de la Révolution, qui se traduit par des formes d’action partagée dans tous les camps – la France est un pays qui manifeste –, type de mémoire également actif aux États-Unis.

Il s’agit, enfin, de la laïcité, régime d’organisation du statut de la religion qui valorise la liberté individuelle de conscience à travers la séparation de l’Église et de l’État par laquelle la République a refusé l’intrusion de l’Église dans les affaires publiques.

C’est sur ces quatre piliers que je vais m’appuyer pour vous livrer mon analyse. J’ai lu le projet de loi et n’ai rien à dire en particulier des propositions qu’il contient, mais j’en ai d’autres à vous suggérer.

Le fondement de l’égalité et de la citoyenneté, c’est la possibilité de se construire une conscience individuelle, de se former, d’élargir ses connaissances. C’est dans cette perspective que je formulerai devant vous des suggestions. Certaines, je le sais, ne relèvent pas du domaine législatif, c’est le cas par exemple de celles qui ont trait aux programmes d’histoire – je vous renvoie à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

On met souvent en avant la notion d’égalité réelle mais je pense que l’égalité tout court se suffit à elle-même pour juger de certaines inégalités ou de sentiments de discrimination.

L’une des premières fois où se manifeste le sentiment de discrimination dans notre République pour un enfant, c’est à l’occasion du stage obligatoire de troisième : quand il ne parvient pas en trouver, il prend conscience qu’il n’y a pas de place pour lui dans le marché de l’emploi. Il faut résoudre ce problème : soit en supprimant purement et simplement le stage de troisième, soit en faisant en sorte que les élèves qui ont le plus de difficultés à trouver un stage – ceux des milieux populaires – soient prioritaires par rapport à ceux qui peuvent s’appuyer sur les relations de leurs parents. Il importe de poser les questions qui s’imposent aux ministres tant de l’éducation nationale que de l’économie. Dans la République, chaque institution doit s’engager pour la citoyenneté et les entreprises sont, elles aussi, appelées à apporter leur contribution.

Autre point sur lequel j’appelle votre attention : les petits-déjeuners. Dans le documentaire récemment diffusé Les Français, c’est les autres, on voit des enfants d’école primaire déclarer : « les “Français”, eux, ils prennent le petit-déjeuner à la maison ». C’est une réalité, beaucoup d’enfants n’en prennent pas avant de se rendre à l’école. On pourra faire toutes les études sociologiques possibles sur les méthodes d’enseignement, elles ne serviront à rien si cette situation perdure : le ventre vide, un enfant ne peut pas se concentrer. Lorsqu’il était président du conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj a mis en place dans plusieurs villes de son département un service de petit-déjeuner non-obligatoire en ouvrant les portes des écoles une heure avant l’horaire habituel et cela a été une formidable réussite. Les instituteurs venaient en avance, 20 % à 30 % des écoliers participaient, le climat était allégé. Quand j’ai soumis évoqué la possibilité de généraliser ces initiatives devant la concertation sur la refondation de l’école, je me suis fait clouer le bec. Quelques semaines plus tard, lors d’un débat à Oxford, j’ai demandé à la directrice d’un établissement scolaire rassemblant cent quarante nationalités différentes si elle rencontrait des problèmes de petit-déjeuner et elle m’a répondu que oui, évidemment, et que pour y remédier, elle avait mis en place un breakfast club. Chacun peut concevoir les effets démultiplicateurs de telles initiatives : organisation d’emploi du temps facilitée pour les parents devant partir tôt travailler, éducation à la diététique. Certes, cela relève des conseils généraux et des conseils régionaux mais certains fonds nationaux peuvent abonder des projets. Il y a indéniablement des choses à faire en ce sens.

Cela m’amène à évoquer l’usage des bâtiments scolaires. Leurs horaires d’ouverture doivent-ils être dictés par le service des fonctionnaires qui y travaillent ? Je ne le crois pas, ils appartiennent aux communes, aux départements, aux régions, et il serait bon de réfléchir à un usage plus intensif dans le temps : le matin, je viens d’en parler, mais aussi le soir et l’été. Pendant les vacances d’été, certaines familles s’occupent du suivi pédagogique de leurs enfants, grâce à des petits cours ou des activités, quand d’autres ne sont pas en mesure d’assurer cette continuité dans l’acquisition des connaissances. Ne pourrait-on pas ouvrir les établissements scolaires pendant l’été pour y organiser, grâce au travail de volontaires, des activités ludiques et pédagogiques, notamment à travers les nouvelles technologies ? Je pense aux cours de la Khan Academy, site internet d’apprentissage des mathématiques qui, après un an et demi d’existence, compte plus de 1,6 million usagers et 20 000 enseignants. Ce sont des programmes que je connais bien en tant que président de l’association « Bibliothèques sans frontières », qui développe de multiples actions aussi bien à travers les bibliothèques portatives que les interfaces numériques.

Il m’apparaît nécessaire d’étendre cette réflexion aux bibliothèques publiques. La France a beau valoriser la langue et la culture, elle n’en est pas moins le seul pays d’Europe où les bibliothèques ne sont pas ouvertes au moment où les salariés et les étudiants pourraient s’y rendre. C’est un vrai problème : ceux qui ont des bibliothèques chez eux peuvent toujours se débrouiller, mais ceux qui n’en ont pas les mêmes moyens souffrent de ne pouvoir avoir accès à ces ressources.

Plus largement, il faut garantir l’accès à des lieux où se connecter ou imprimer un document vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tout le monde a connu la panique en ne pouvant joindre un proche parce qu’il avait un problème de connexion à internet ; tout le monde a connu la panique en ne pouvant imprimer un document important parce qu’il y avait un problème d’imprimante.

Bref, il faudrait garantir l’accès le soir et le dimanche aux bibliothèques publiques dans les villes de plus de 30 000 habitantes et vingt-quatre heures sur vingt-quatre à un lieu où se connecter gratuitement et imprimer.

La bibliothèque n’est pas seulement un lieu de conservation de livres, elle se transforme de plus en plus en médiathèque, avec des DVD et des CD. C’est un lieu où l’on peut travailler soit en groupe, soit dans le silence. La bibliothèque, c’est la pièce supplémentaire de ceux qui ont besoin d’un espace pour réfléchir et travailler. Il faut se demander comment réaliser ce droit concret. Toutes les municipalités de droite ou de gauche qui ouvrent leurs bibliothèques le dimanche ont fait le même constat : c’est le jour de plus grande affluence. Bref, loin d’appartenir au passé, la bibliothèque est tournée vers l’avenir, à plus d’un titre.

Les bibliothécaires expriment des inquiétudes face aux nouvelles technologies, ils ont l’impression que leurs collections ne sont plus aussi irremplaçables qu’avant. Pourtant il y aurait un bon moyen de les rendre irremplaçables ce serait d’en faire des lieux de partage de la mémoire des citoyens. La mémoire des parents et des grands-parents n’est pas toujours transmise. Il serait bon que les bibliothèques municipales recueillent des témoignages oraux, qu’il est très facile désormais de stocker, sans prendre beaucoup de place dans les ordinateurs. Elles seraient ainsi des lieux de conservation de la mémoire locale, mémoire d’événements professionnels, historiques, politiques. Là pourraient se mêler histoire, citoyenneté et service public.

Je terminerai par deux sujets plus difficiles : la discrimination dans les emplois publics à l’égard des étrangers non-européens et la laïcité.

Je ne suis pas sûr qu’il faille élargir l’accès à tous les emplois publics mais je suis convaincu qu’il importe d’ouvrir les concours de l’enseignement aux étrangers non-européens. Ceux-ci peuvent passer les agrégations du supérieur
– agrégation de droit, agrégation de science politique – mais pas du secondaire. Or, peu importe la nationalité, si une personne réussit l’agrégation de lettres classiques parmi les premières. C’est par cela aussi que passe le rayonnement de la France.

Quant à la laïcité, c’est d’abord un régime juridique : c’est l’organisation dans le droit de la liberté de conscience. La laïcité n’est pas un combat contre les religions ; elle respecte les croyants comme les non-croyants. Si l’on veut que la présence du religieux régresse, mieux vaut faire en sorte que des personnes que l’on affecte à tort à des identités religieuses aient une place dans notre imaginaire historique en tant que compatriotes et se confrontent à la connaissance dans les bibliothèques à des heures où il leur est possible de les fréquenter.

Lorsque je siégeais au sein de la commission Stasi chargée de réfléchir à l’application de la laïcité dans la République, j’ai réussi à convaincre tous mes collègues du bien-fondé du crédit de jour férié. Ma réflexion était née du fait que nous sommes en contradiction avec la logique coutumière de la laïcité selon laquelle la religion relève du domaine privé. Les seuls, aujourd’hui, que l’on force à dire leurs religions, ce sont nos compatriotes qui ne sont ni catholiques ou protestants qui veulent avoir un congé le jour d’une fête religieuse – musulmane, juive, orthodoxe – car ils sont contraints de présenter leur demande motivée devant leur patron. Je ne sais plus où nous en sommes du statut du lundi de Pentecôte. Toujours est-il que nous avions proposé qu’un jour férié correspondant au lundi de Pentecôte puisse être choisi à la date voulue par le salarié, pour l’utiliser, s’il le veut, lors d’une fête religieuse comme le Kippour, l’Aïd-el-Kébir ou le Noël orthodoxe. Cette disposition avait été acceptée à l’unanimité des membres non seulement de la commission Stasi mais aussi de la commission Gérin sur le port de la burqa. Actuellement, aux cinquante-deux dimanches fériés, s’ajoutent onze jours fériés : si parmi les six liés à notre héritage catholique, l’un faisait l’objet d’un choix, nous marquerions le respect que nous devons avoir à l’égard de nos compatriotes se reconnaissant dans des religions qui n’appartiennent pas à l’héritage de la République, et contribuerions à une meilleure application du principe de laïcité.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Nous avons fait le choix, dans l’organisation des débats de la commission spéciale, d’inviter des personnalités qui peuvent nous apporter du recul par rapport au texte par leur éclairage particulier. Et c’est bien le cas, nous le voyons, avec Patrick Weil.

Le système du crédit de jour férié que vous venez d’évoquer se heurte à deux obstacles d’ordre pratique. Premièrement, dans certaines religions, il est impossible de fixer plusieurs mois à l’avance la date de fêtes importantes, car elles utilisent des calendriers lunaires qui sont source d’instabilité, souvent à un jour près. Deuxièmement, il sera difficile à la personne qui choisit de prendre son jour pour le Kippour ou l’Aïd de garder le secret sur sa religion.

Par ailleurs, j’aimerais connaître votre opinion sur les chartes de la laïcité élaborées par des collectivités locales ou des administrations, comme l’éducation nationale, la Ville de Paris, les caisses primaires d’assurance maladie ou des caisses d’allocation familiale. Certaines font aujourd’hui l’objet de recours déposés auprès des tribunaux administratifs.

Quant à l’ouverture des bibliothèques le dimanche, elle se voit opposer plusieurs arguments : libre administration des collectivités, problèmes de financements, statut des personnels.

Dans le domaine du numérique, l’association « Bibliothèques sans frontières » ou l’école de code Simplon.co participent de ce fourmillement d’engagements de la part de bénévoles que l’on constate dans peu d’autres domaines, à part le sport. Pourriez-vous nous en dire plus ?

M. Patrick Weil. Je commencerai par le crédit du jour de congé. Le choix de la date est un faux problème : le Kippour est fixé longtemps à l’avance alors même que les juifs utilisent un calendrier lunaire, les musulmans peuvent faire de même. Il suffit d’inscrire dans la loi que le conseil du culte musulman décide d’un jour.

Par ailleurs, entre devoir demander à son supérieur une autorisation et se voir reconnaître un droit par la République, il y a une grande différence. La commission Stasi a retenu cette disposition à l’unanimité alors qu’il y avait une grande diversité parmi ses membres, des laïcards jusqu’aux très croyants. Aller dans cette direction marquerait une originalité française.

Vous invoquez l’argument du travail du dimanche pour les personnels des bibliothèques. Je crois en l’avenir des bibliothèques mais pour garantir cet avenir, il faut que les agents du service public qui y travaillent acceptent de prendre en compte les besoins du public. Les musées sont ouverts le dimanche et fermés le mardi, et leurs personnels s’organisent en conséquence. Certains jeunes pourraient être intéressés par ce type d’emploi du temps. De plus, cela ne veut pas dire que toutes les activités de la bibliothèque, autres que l’accueil, devraient avoir lieu également le dimanche. Cela passerait par le volontariat et le recours à des jeunes du service civique.

Ensuite, monsieur Hammadi, je dois vous remercier pour votre question sur le numérique qui me permet d’évoquer une autre proposition. Le projet de loi prévoit d’accorder le droit aux jeunes d’être directeur d’une publication dès seize ans. Pourquoi ne pas aller plus loin en autorisant un mineur, à créer son entreprise en faisant du lycée son siège social ?

M. le rapporteur général. Des questions de responsabilité pénale se posent !

M. Patrick Weil. On pourrait imaginer des dispositifs de tutorats, notamment en associant les générations, comme le Président Hollande y invitait lors de sa campagne électorale. Pour les étudiants, pour lesquels le problème de la responsabilité pénale ne se pose pas, il faut absolument encourager la création d’entreprise, en leur donnant la possibilité de faire de leur université le siège de leur société.

Le numérique attire les jeunes mais aussi les moins jeunes. Nous avons expérimenté pour la première fois notre programme « Voyageurs du code » dans votre ville de Montreuil, monsieur le rapporteur, et nous avons pu former toutes les personnes qui se sont portées volontaires, à travers le réseau associatif, si bien que 2 % de la population de la ville est désormais initiée à l’usage de différents programmes. Il y a d’énormes potentiels à développer chez les chômeurs et chez les jeunes. C’est ce à quoi s’emploient l’association « Bibliothèques sans frontières » comme d’autres associations.

M. Jean-Louis Bricout. Nous sommes dans une société qui divise : il y a des écoles pour certains et pas pour d’autres, des sports pour certains et pas pour d’autres, des quartiers pour certains et pas pour d’autres. Sur mon territoire, j’entends s’exprimer une certaine nostalgie du service militaire. Les dispositifs d’engagement citoyen visés dans la loi pourraient-ils parvenir aux mêmes résultats ? Personnellement, je dois dire que je n’ai pas manifesté un enthousiasme particulier pour le service militaire mais il est sûr que partager ensemble les mêmes galères, toutes catégories sociales confondues, a été une expérience fructueuse.

Par ailleurs, je me pose certaines questions en tant qu’élu d’un territoire rural. Le sentiment de relégation qui peut être présent à la fois dans les banlieues et dans les territoires ruraux est-il de même nature ? Appelle-t-il le même type de réponses ? Vous avez évoqué l’ouverture plus large des écoles et des bibliothèques. Or de telles mesures sont très difficiles à mettre en place dans les territoires ruraux et risqueraient de créer de nouvelles inégalités territoriales.

M. François Pupponi. Monsieur Weil, si j’adhère à vos propositions, je crains qu’elles ne soient dépassées dans les quartiers les plus ghettoïsés. Depuis bien longtemps, les habitants ont su contourner les déficiences du service public en faisant appel au système D et aux entreprises privées. Ils savent trouver un petit café ou un petit commerce de cartes téléphoniques pour imprimer un document le dimanche.

Depuis bien longtemps aussi, les collectivités ont compris qu’un enfant ne pouvait pas profiter de l’école le ventre vide. Dans ma commune de Sarcelles, nous avons organisé la distribution de collations mais l’éducation nationale, craignant que cela n’encourage l’obésité, nous a obligés à mettre fin à cette pratique. J’ai eu beau expliquer qu’un enfant qui ne mangeait pas ne risquait pas de devenir gros, nous avons dû obtempérer car les textes s’appliquent à l’ensemble de la France : il n’est plus possible de distribuer des collations pendant le temps scolaire. Nous distribuons désormais la collation avant l’heure de début des cours dans le cadre du centre de loisirs. Bref, nous nous débrouillons.

En revanche, pour ce qui est des bibliothèques et des services numériques, les institutions religieuses se sont glissées dans les failles d’organisation du service public et on ne peut pas leur en vouloir. Les associations cultuelles tiennent des bibliothèques et assurent des cours de soutien le week-end. En ce domaine, nous avons déjà un train de retard car ce n’est pas parce que la bibliothèque publique municipale sera ouverte le dimanche que les enfants se détourneront de ces associations. Ils ont trouvé ce qui leur convenait, dans leur quartier, avec des gens qui s’occupent d’eux, pourquoi voulez-vous qu’ils s’en aillent ?

S’il y a eu de telles failles d’organisation, c’est que nous avons laissé s’installer une ghettoïsation des populations les plus fragiles dans ces quartiers. Les communes n’ont pas bénéficié de moyens suffisants. Sarcelles, qui compte 60 000 habitants, n’a qu’une bibliothèque qui occupe un premier étage non accessible aux handicapés. La municipalité n’a pas les moyens de financer une médiathèque de 15 millions d’euros car pendant vingt ans, elle a dû refaire toutes les écoles publiques, lesquelles sont ouvertes du matin au soir, y compris durant le week-end et les vacances.

Je terminerai par le crédit de jour férié. La ville de Sarcelles compte 1 500 agents : en vingt ans, la proportion de ceux qui suivent le ramadan est passée de 10 % à 30 % voire 40 %. Cela fait bien longtemps qu’ils ne demandent plus l’autorisation de s’absenter pour fêter l’Aïd. L’administration sait qu’ils seront absents ce jour-là et qu’ils commenceront plus tôt le matin pendant le ramadan. Elle aménage les horaires de ceux qui travaillent dans les espaces verts en plein cagnard. Cela se fait naturellement. Le formalisme n’a plus lieu d’être. Jamais il ne m’est arrivé de signer des autorisations d’absence, comme le veut la règle. Là encore, nous nous sommes adaptés collectivement.

Certes, il serait possible de fixer à l’avance les dates de ces fêtes religieuses. Mais cela enlèverait sans doute aux musulmans le plaisir qu’ils ont à se disputer pour savoir quand débutera et quand finira le ramadan, plaisir qui fait partie de la joie de ces célébrations. Et il en va de même pour les juifs avec l’heure des banquets.

Je ne vous cache pas que certains agents municipaux se font musulmans le lundi, juifs le mardi, chrétiens le mercredi, pour mieux s’absenter à toutes les fêtes. Toutefois, globalement, tout se passe bien et dans les communes dont la population compte une part importante d’habitants de telle ou telle religion, les agents publics n’ont plus le sentiment qu’ils doivent demander l’autorisation.

M. Michel Heinrich. Je vous remercie, monsieur Weil, pour ces propositions et remèdes simples, auxquels j’adhère pour en pratiquer un certain nombre. Relèvent-ils de la loi ? C’est un autre sujet.

S’agissant des jours de congé, certes, les collectivités peuvent toujours trouver des arrangements, mais dans les entreprises, il y a moins de souplesse et de tolérance. Dans les secteurs qui connaissent un taux de chômage élevé, par exemple, le salarié ne se sent pas très libre de prendre un jour de congé. Il y a certainement moyen de légiférer, monsieur Weil, vous avez raison. Ce serait un excellent signe : la laïcité, c’est le respect de toutes les religions et des non-croyances.

Comment résoudre par ailleurs les difficultés des collégiens de troisième qui ne trouvent pas de stages ? J’aimerais ici vous apporter mon témoignage. Chaque année, j’organise dans la ville d’Épinal dont je suis maire une bourse aux jobs d’été avec Pôle emploi : très peu d’enfants issus de l’immigration sont retenus pour les 1 500 emplois publics ou privés ainsi offerts, pas même pour aller ramasser des mirabelles. Pour contrer ce phénomène, j’ai donc mis en place des ateliers manuels pédagogiques d’été, qui s’appuient sur des emplois publics.

Pour ce qui est des bibliothèques, j’aimerais aussi vous apporter mon témoignage. Il y a une dizaine d’années, au moment de l’ouverture de la nouvelle bibliothèque, nous avons négocié, durement – les séquelles sont encore perceptibles –, pour qu’elle fonctionne aussi le dimanche, à l’instar des musées et des piscines de la ville. Ouverte de quatorze heures à dix-huit heures, elle reçoit ce jour-là le plus grand nombre de visiteurs : 1 200 en moyenne, parmi lesquels les enfants des quartiers, qui y passent toute l’après-midi. Il est vrai que les personnels des bibliothèques ne sont pas programmés pour travailler le dimanche. Changer les habitudes est toujours compliqué mais force est de constater que cela a été une réussite extraordinaire, source d’une grande satisfaction.

Mme Élisabeth Pochon. Je me disais que la meilleure manière de moins stigmatiser les personnes qui suivent les fêtes musulmanes serait de faire en sorte que tous les Français aient le droit de décider de la date d’un jour férié, que ce soit pour aller à la pêche ou se rendre à la mosquée.

M. Patrick Weil. C’est précisément ce que nous proposons.

Mme Élisabeth Pochon. Je suis comme vous très favorable au fait que l’on donne aux jeunes de plus en plus de moyens de s’exprimer. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé dans un amendement – que le groupe socialiste n’a pas retenu – d’abaisser le droit de vote à seize ans avec tout ce que cela implique de travail de préparation à la citoyenneté au sein de l’éducation nationale. La neutralité ne consiste pas à ne jamais parler de religion ou de politique. Il est toujours possible d’expliquer aux jeunes comment fonctionnent les institutions, comment ils peuvent y participer, comment ils peuvent jouer un rôle actif. Au lycée, à seize ans, les jeunes sont sans doute plus réceptifs à ces arguments qu’à dix-huit ans, période où ils doivent se consacrer à des décisions concrètes de choix de vie. Que pensez-vous de cette proposition ?

Mme Cécile Untermaier. Ce crédit de jour férié est une proposition bienvenue. Certes, la prudence est de mise, il faut avancer à petit pas, mais il serait bon, je crois, d’aller même au-delà d’une journée de choix parmi les six jours fériés liés à la religion catholique dans notre calendrier.

Mme Colette Capdevielle. J’aurais deux questions sur la participation des jeunes à la vie de la nation.

Seriez-vous favorables à ce que le droit de vote soit abaissé à seize ans pour les élections locales pour les Français comme les étrangers ?

Que pensez-vous de l’idée de limiter à soixante-dix ans tous les mandats électifs ? Dans la fonction publique et le secteur privé, il y a une limite d’âge pour le départ à la retraite, pourquoi ne pas en instaurer une pour les mandats électifs afin de permettre aux jeunes d’y accéder plus facilement ? Un rapport récent de France Stratégie montre qu’une telle disposition libérerait entre 20 % et 30 % des mandats parlementaires.

M. Patrick Weil. Monsieur Pupponi, je ne nie pas le fait que les collectivités locales aient pu trouver des arrangements pour les jours de congé liés aux fêtes religieuses. Simplement, il est mieux que ce jour à prendre soit un droit reconnu par la République. C’est une manière de recréer une concitoyenneté à travers une mesure qui s’appliquera à tout le territoire. Cela nous valorisera collectivement en tant que République et cela permettra de résoudre les problèmes dans les entreprises privées.

Vous avez raison de souligner le rôle des associations cultuelles et c’est une raison de plus pour ouvrir les bibliothèques publiques le dimanche et attirer de nouveaux publics. Je prends ici ma casquette de président de l’association « Bibliothèques sans frontières » pour vous parler de l’Ideas Box que nous avons créée avec le designer Philippe Starck. Initialement destiné aux camps de réfugiés, c’est un centre culturel portatif transportable dans une camionnette, que l’on peut installer à n’importe quel endroit, au bord d’une rivière, dans une forêt, dans une grande salle municipale, et qui déploie sur une centaine de mètres carrés des rayonnages de livres, des ordinateurs, des iPad, des équipements pour tourner ou projeter des films, pour faire du théâtre, selon les besoins locaux. Je peux vous dire que lorsque nous en avons installé une dans le Bronx, elle a immédiatement attiré une nuée de jeunes.

Le témoignage du député-maire d’Épinal était très intéressant. Il faut aborder de front la question des stages en troisième en interrogeant les différents ministres concernés et en voyant avec les organisations patronales comment mieux prendre en compte le cas des enfants qui se retrouvent sans stage. Rappelons qu’après les attentats de 2015, toutes les grandes organisations se sont engagées à mener un combat pour la République, la démocratie et la concitoyenneté.

Vous me dites, monsieur le rapporteur, qu’imposer l’ouverture des bibliothèques le dimanche se heurterait au principe de libre administration des communes. Il y a bien une obligation de service public pour les pompiers, les pharmaciens, les médecins.

M. François Pupponi. La lecture publique est une compétence des collectivités territoriales. Il faudrait modifier les textes.

M. Patrick Weil. Oui, il faudrait créer une nouvelle catégorie de droits : le droit à la connexion.

Sur les mandats, j’ai une opinion très particulière. Je ne suis pas opposé au cumul des mandats. Je suis plutôt favorable à la limitation à trois mandats successifs plutôt qu’à une limitation d’âge. Rappelons à quel âge Clemenceau est devenu président du Conseil en 1917 : soixante-seize ans, avec une énergie débordante qui lui a permis de sauver la France. Churchill avait plus de soixante-dix ans quand il a quitté ses fonctions de Premier ministre. Et dans les élections américaines, l’un des candidats les plus dynamiques, qui rallie nombre de jeunes, est Bernie Sanders, âgé de soixante-quatorze ans.

Vous évoquez encore l’abaissement du droit de vote à seize ans. C’est surtout le droit de créer une entreprise qu’il faudrait fixer à cet âge.

M. le rapporteur général. Je le répète, se pose un problème de responsabilité pénale et civile. Tout créateur d’entreprise est susceptible de s’exposer à une faillite et sa responsabilité peut être engagée pour ses salariés. De la même manière, passer le permis autorise à conduire une voiture seul et donc expose au risque d’un accident.

Modifier les limites d’âge, c’est toucher à l’ordonnance de 1945, terrain toujours délicat.

M. Patrick Weil. Pourquoi ne pas limiter cet abaissement à la création d’une entreprise individuelle ? Il y a quelque chose à creuser.

J’en viens aux chartes de laïcité. En réalité, il y a des chartes que personne ne lit et qui ne servent à rien. Lors de l’une de mes récentes interventions dans un lycée, il m’a été rapporté que les élèves se sont inquiétés de savoir si j’allais parler de laïcité : « Surtout pas, on a ras le bol ! », auraient-ils déclaré. Le fait est que de plus en plus de gens rejettent le débat sur la laïcité, ce qui est catastrophique. Mon association élabore des MOOCs pour aborder la laïcité dans des termes qui valorisent ce qu’elle est, c’est-à-dire un cadre juridique pour préserver la liberté de conscience et non une accumulation d’interdictions. Cela demande une grande connaissance du sujet, qui est très peu partagée. Pourquoi ? Parce qu’en France, ce sont surtout les philosophes et les sociologues qui se prononcent sur ces enjeux, rarement des personnes qui font du droit et qui s’appuient sur les débats parlementaires, la loi et la jurisprudence. Certes, il peut y avoir des divergences de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil d’État mais elles sont bien moindres que celles qui prévalent aux États-Unis et il est normal en démocratie qu’il y ait des interprétations diverses d’une règle commune.

Mon immeuble longe une église parisienne et quand les cloches sonnent, j’ai l’impression qu’elles sont dans ma chambre. En réalité, il y a eu un compromis entre les responsables de l’église et le voisinage : les cloches ne sonnent fort que pour la messe du dimanche, sinon leur intensité est plus faible pour les enterrements et les mariages. La laïcité, dans une organisation diverse, s’organise à coup d’arrangements pour que chacun trouve sa place. Dans le cadre d’une commission permanente, il serait judicieux que vous cherchiez à approcher les manières dont la laïcité est mise en œuvre et enseignée. Vous devriez vous inquiéter de ce qu’elle apparaît comme un repoussoir auprès de nos jeunes compatriotes alors que c’est le plus beau des régimes juridiques, car il est fondé sur la liberté de conscience de chacun.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je vous remercie, monsieur Weil.

La Commission spéciale procède à l’audition de Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle, lors de sa deuxième séance du mercredi 8 juin 2016.

Mme la présidente Annick Lepetit. Mers chers collègues, nous poursuivons nos travaux avec l’audition de Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargé de l’égalité réelle. C’est donc très logiquement que nous consacrerons cette séance aux dispositions du titre III de notre projet de loi intitulé « Pour l’égalité réelle ».

Madame la secrétaire d’État, la semaine dernière, nous avons auditionné le Défenseur des droits, M. Jacques Toubon, et organisé une table ronde sur la lutte contre les diverses formes de discrimination. Les multiples sujets abordés par le titre III du projet de loi nous sont donc maintenant un peu plus familiers, qu’il s’agisse de la maîtrise de la langue française, de l’élargissement du recrutement dans la fonction publique, des conseils citoyens ou de l’évolution du droit pour sanctionner plus sévèrement les propos ou les actes à caractère raciste et discriminatoire. Mais bien évidemment, nous sommes très heureux de vous recevoir ici et de pouvoir poursuivre avec vous les échanges sur l’ensemble de ces questions.

Notre rapporteur général, Razzy Hamadi, et notre rapporteure thématique, Marie-Anne Chapdelaine, auront bien sûr des questions à vous poser, tout comme les députés ici présents. Mais vous connaissez les règles du jeu – il n’y a pas si longtemps que vous étiez parmi nous – et je vais vous donner la parole pour votre propos liminaire.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité réelle. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d’exprimer mon plaisir d’être parmi vous. Comme l’a dit Mme la présidente, il n’y a pas si longtemps que j’étais de l’autre côté de la salle. Aujourd’hui, c’est un rendez-vous important dans la mesure où je vais vous présenter le titre III du projet de loi « Égalité et citoyenneté », et répondre à vos questions.

Le texte sur lequel nous allons travailler ensemble dans les prochaines semaines vise à renforcer notre République et ses valeurs. En effet, de trop nombreux citoyens vivent avec la perception que le message républicain est devenu une illusion et qu’il se fracasse sur la réalité du pays. Nous avons donc l’ambition de répondre de façon concrète aux questions légitimes qui traversent notre société.

Depuis 2012, la feuille de route du Gouvernement en faveur de l’égalité et de la justice sociale s’est concrétisée par la concentration des moyens publics envers ceux qui ont le plus besoin. Il s’agit de donner plus de capital public à ceux qui ont moins de capital social.

La généralisation de la complémentaire santé, le mariage pour tous, les baisses d’impôts pour les foyers les plus modestes, la création de la prime d’activité, le lancement d’un nouveau projet ANRU, la réforme des rythmes scolaires : telles sont les avancées concrètes vers l’égalité qui ont été menées depuis 2012.

Nous souhaitons, avec nos collègues, Patrick Kanner que vous allez recevoir cet après-midi, et Emmanuelle Cosse que vous avez reçue hier, que cette loi s’inscrive dans cette histoire et qu’elle permette d’en écrire une nouvelle page. Plus que jamais, il s’agit de passer de la compensation des inégalités en aval, à une correction en amont. C’est cette logique, profondément moderne et sans doute plus exigeante, qui préside au titre III « Pour l’égalité réelle ».

Je souhaite maintenant vous présenter rapidement les mesures et les ambitions du titre III.

L’égalité réelle, d’abord, c’est de permettre à chacun de pouvoir s’insérer dans la République. C’est lutter contre les déterminismes sociaux et territoriaux. C’est déconstruire les mécanismes d’exclusion qui existent dans notre société.

Cette ambition correspond à celle exprimée lors des trois derniers comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) des 6 mars et 26 octobre 2015, et du 13 avril 2016. Ils ont permis de déployer près de soixante-dix mesures partout sur le territoire français. Certaines d’entre elles relevant de la compétence du législateur trouvent leur traduction dans ce projet de loi.

L’objectif du titre III et de consacrer et de créer de nouvelles opportunités, dont bénéficieront l’ensemble des citoyens, mais aussi de renforcer les garde-fous contre tous les phénomènes d’exclusion.

Le premier de ses quatre chapitres concerne les conseils citoyens. Dans le contexte que connaît notre pays, la demande de démocratie participative directe est très forte. Associer les citoyens à la définition des politiques publiques permet que les décisions tiennent compte des problèmes du quotidien. Pour cela, il a fallu s’en donner les moyens – et donc renforcer ceux-ci.

Les conseils citoyens ont été créés par la loi de février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, et ils vont devenir des instances essentielles dans la démocratie locale. Aujourd’hui, près de 650 fonctionnent. Près de 200 sont en cours de constitution. Concrètement, ces instances regroupent les habitants, les associations et les responsables locaux.

Les conseils citoyens constituent une garantie que les projets et autres décisions répondront effectivement aux besoins des habitants. Le Gouvernement souhaite aujourd’hui les renforcer, leur donner plus de pouvoir, pour donner plus de force à la parole citoyenne et renforcer l’efficacité des projets définis dans le cadre de la politique de la ville.

Le projet de loi leur reconnaît le pouvoir d’interpellation, qui permettra de modifier les contrats de ville afin de mieux répondre aux besoins des habitants. Le dispositif est très simple : après analyse, par les services de l’État, des sujets soulevés par les conseils, les préconisations du préfet seront portées devant le conseil municipal et, le cas échéant, devant l’EPCI, ainsi que devant les assemblées compétentes des autres collectivités signataires des contrats de ville. Si nécessaire, le contrat de ville pourra être amendé sous l’impulsion initiale et formelle des citoyens. C’est une vraie avancée en faveur de la prise en compte de l’expression citoyenne.

Le deuxième chapitre comporte des dispositions relatives à la langue française. Aujourd’hui, 6 millions de personnes rencontrent des difficultés dans la maîtrise de la langue française tandis que 3 millions d’entre elles, dont la moitié travaille, sont confrontées à l’illettrisme. On inclut bien sûr dans ces chiffres les territoires ultramarins pour lesquels nous n’avons pas de chiffrage très précis. Pour ces territoires comme pour les territoires ruraux, le phénomène de l’illettrisme est nettement plus important qu’ailleurs sur le territoire national.

La maîtrise la langue française permet d’être pleinement inclus dans la société française. Elle permet de s’insérer, de progresser dans sa vie professionnelle, et d’exercer sa citoyenneté. Et pour celles et ceux qui viennent s’installer en France, la maîtrise de la langue française conditionne leur capacité à s’intégrer. C’est une question de dignité.

Ce combat que je mène s’inscrit dans la continuité d’une dynamique et d’une action gouvernementale forte. Vous le savez, la lutte contre l’illettrisme avait été déclarée « grande cause nationale » de l’année 2013, ce qui a favorisé une mobilisation importante autour de cet enjeu. La même année, la loi du 8 juillet 2013, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, a renforcé le rôle de l’institution scolaire dans la prévention de l’illettrisme, avec notamment la mise en œuvre de nouveaux programmes. L’année suivante, a été adoptée une réforme majeure de la formation professionnelle : la loi du 5 mars 2014, qui offre de nouvelles possibilités de formation aux Français pour tous les salariés et demandeurs d’emploi, et rénove la gouvernance de la formation professionnelle. Enfin, le nouveau dispositif d’accueil des étrangers mis en place par le ministère de l’intérieur, avec la loi du 7 mars 2016 et la création du contrat d’intégration républicaine, rénove la formation à la langue française proposée aux primo-arrivants.

Nous voyons bien que le dispositif actuel est extrêmement complet. Malgré tout, beaucoup de personnes ne maîtrisent pas notre langue. Or, agir pour l’égalité réelle, c’est permettre une meilleure maîtrise de la langue française, par tous et à tout âge.

Pour cela, le projet de loi définit les acteurs chargés de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques relatives à l’amélioration de la maîtrise de la langue française. Ensuite, dans le cadre de la formation continue, toute personne, dans tous les territoires, pourra bénéficier d’une formation lui permettant d’améliorer sa maîtrise de la langue française et de vivre ainsi pleinement sa citoyenneté dans la République. Il en sera de même du dispositif d’intégration des étrangers qui sera enrichi par des actions en faveur de l’amélioration de la maîtrise de la langue française.

Ces dispositions seront complétées par la création d’une Agence nationale de la langue française. Une mission de préfiguration, que je coordonne, sera lancée prochainement et formulera des propositions sur les concours administratifs et financiers de cette nouvelle agence. Celle-ci traduira la nouvelle ambition du Gouvernement en faveur de la langue française. Elle établira aussi les complémentarités qui sont très certainement nécessaires entre les dispositifs existants, et mobilisera l’ensemble des acteurs et des financements autour du sujet de la maîtrise de la langue française.

Le troisième chapitre du titre III comprend des dispositions élargissant les voies de recrutement dans la fonction publique. La fonction publique est garante des principes républicains et de la poursuite de l’intérêt général. Avec Annick Girardin, ministre de la fonction publique, nous défendons l’idée ambitieuse qu’elle doit être plus accessible à tous, et aussi plus représentative de la diversité de la France. Pour diversifier le recrutement des agents publics, le projet de loi prévoit d’ouvrir encore davantage l’accès à la fonction publique par la voie du troisième concours. Cette voie sera élargie et généralisée pour les trois fonctions publiques, alors qu’elle n’était pas prévue pour certains corps et cadres d’emploi, en particulier pour la fonction publique territoriale.

Désormais, toute personne, quelle que soit l’activité professionnelle qu’elle a exercée ou exerce, pourra candidater au troisième concours, ce qui permettra d’élargir le vivier des candidatures. Le seul critère qui sera pris en compte pour se présenter à ce type de concours sera la durée d’exercice d’activité. En outre, et c’est très important, les périodes d’apprentissage seront prises en compte comme durée d’activité professionnelle permettant de se présenter à cette troisième voie de concours.

Grâce à ces mesures, davantage de personnes pourront intégrer la fonction publique. Mais surtout, la prise en compte plus large des expériences professionnelles permettra d'intégrer les profils plus variés dans l’administration.

Enfin, le quatrième et dernier chapitre comporte des dispositions tendant à améliorer la lutte contre le racisme et les discriminations. L’ambition du titre III est de déconstruire les mécanismes d’exclusion. Nous sommes conscients de la nécessité d’agir au niveau national contre les discriminations. Comme je l’ai rappelé, le Gouvernement a organisé les trois CIEC, qui ont fait de la lutte contre la discrimination un objectif transversal des politiques publiques. La création du secrétariat d’État auprès du Premier ministre chargé de l’égalité réelle parachève cette volonté d’incarner et de lutter nationalement contre les discriminations.

J’en ai fait ma priorité. Les événements qu’a connus notre pays et l’augmentation de 25 % des actes de racisme en 2015 doivent nous amener à intensifier notre réponse. Celle-ci doit être globale, audible et concrète. Telle est l’ambition du titre III et notamment de son chapitre IV, qui renforce l’arsenal juridique de lutte contre les discriminations et, par voie de conséquence, la protection accordée à chacun par la société.

Ce combat doit d’abord être mené sur le plan répressif. Cela suppose de condamner plus durement les actes de racisme et de discrimination – et je crois que nous sommes très largement d’accord sur ce point. Le projet de loi prévoit donc plusieurs mesures qui permettront de mieux poursuivre et réprimer les infractions racistes et discriminatoires.

La répression des injures à caractère raciste et discriminatoire est aggravée. La peine encourue passe au même niveau que celle qui est encourue pour les provocations et diffamations aggravées pour les mêmes raisons.

Pour ces délits, l’emprisonnement passe de six mois à un an, et les peines d’amende de 22 500 euros à 45 000 euros. En outre, la peine sera désormais accompagnée d’un stage de citoyenneté.

Ensuite, l’excuse en matière d’injures racistes ou discriminatoires sera désormais exclue, et les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie seront généralisées à l’ensemble des infractions.

Enfin, les associations pourront se constituer partie civile dans les procédures judiciaires pour apologie de crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.

Ainsi, ce texte est un signal fort à l’encontre de ceux qui attaquent le vivre ensemble et la cohésion de notre pays.

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui est l’occasion de renforcer notre modèle républicain et la cohésion de notre pays. Chacun des articles porte des avances concrètes qui bénéficieront à l’ensemble des citoyens et qui viendront raffermir leur appartenance à la communauté nationale. Je souhaite, bien entendu, que ce texte soit un texte fort qui rassemble les Françaises et les Français. Je sais pouvoir compter, madame la présidente, sur le travail parlementaire et sur la force de vos propositions.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Madame la secrétaire d’État, je voudrais témoigner, au nom de Marie-Anne Chapdelaine, notre rapporteure thématique, de l’ensemble des membres de notre commission et de moi-même, de la facilité et du plaisir avec lequel nous avons travaillé avec vous-même et vos équipes pour enrichir le texte.

Je ne reviendrai pas sur votre présentation du titre III, qui fut exhaustive, mais j’en reprendrai quelques points.

Le premier concerne les conseils citoyens. Nous savons que, dans un projet de texte, il était envisagé de faire appel à des délégués du Gouvernement. Je suis bien placé pour en parler, puisque cette mesure a été évoquée lors du troisième CIEC et que cela faisait un an et demi que je travaillais sur le sujet.

Certains quartiers ne sont pas en zone de sécurité prioritaire, ni en politique de la ville, et se trouvent à cheval sur deux collectivités. Leur situation justifie l’intervention, sous l’autorité du préfet, d’un délégué du Gouvernement chargé, sur douze mois, de mettre tout le monde autour de la table, et de procéder à des évaluations mensuelles. Ce sont des quartiers paupérisés, confrontés à des problèmes de drogue. Ils se trouvent en périphérie, pas seulement dans le grand Paris, mais aussi aux portes de Paris, et la coordination est parfois difficile entre les élus, ceux de la première couronne et ceux des arrondissements parisiens.

L’idée était qu’à la l’initiative des conseils citoyens, après analyse de leur demande par le préfet, un délégué du Gouvernement réunisse les acteurs de la santé, de l’éducation nationale, les différents dispositifs mobilisés pour les politiques de la ville, la police et les associations pour travailler et avancer tous ensemble.

Entre le projet et le texte, cet élément a disparu. La volonté de vos rapporteurs est d’y revenir. Je voudrais donc avoir votre avis là-dessus.

Le deuxième point sur lequel je voudrais revenir concerne la langue française. Vous nous avez parlé de la mission de préfiguration. Mais ce qui se dégage d’ores et déjà, au-delà des sensibilités politiques, c’est l’écart entre la force de la déclaration contenue dans le texte et la modeste mobilisation de moyens
– notamment institutionnels – si l’on veut faire de ce droit à l’apprentissage du français une réalité pour 6 millions de personnes qui se trouvent dans une situation grave vis-à-vis de ce savoir fondamental qui permet de « faire société » et de « faire République ». Qu’en pensez-vous ? Pour le moment, on a le droit à l’apprentissage du français, et en face, une mission de préfiguration de l’Agence nationale de la langue française.

Je ne m’attarderai pas sur les autres sujets que l’on pourra aborder au cours du débat, en commission comme en séance. Je pense tout particulièrement à l’action de groupe contre les discriminations, et à la coordination qui sera nécessaire d’établir entre les deux textes qui sont en train de suivre leur chemin institutionnel, la proposition de loi et la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, et ce texte-ci. Enfin, il y a des sujets que l’on ne peut pas non plus négliger, notamment la capacité donnée aux associations d’agir dans le cadre des discriminations au sein de l’entreprise ; je tiens à rappeler qu’aucun syndicat français n’y est opposé.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il est exact, madame la secrétaire d’État, que vous nous avez déjà fait une présentation très complète. Je vais toutefois revenir sur des aspects très pratiques.

S’agissant des conseils citoyens, je m’interroge sur le fait que l’on ne parle jamais de la formation des habitants que l’on sollicite. Or on sait très bien que face à des techniciens et à des responsables, il est important d’avoir le même niveau. Il faudrait donc s’assurer de la formation des habitants membres des conseils citoyens. Cette formation pourrait d’ailleurs servir à d’autres organismes, comme le CLSPD – conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

S’agissant de la langue française et de la création de l’Agence nationale de la langue française, je salue les initiatives qui ont été prises. Pour autant, il conviendrait de prendre en compte que nous avons, en matière d’apprentissage du français, des opérateurs semi-publics comme l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), mais aussi des associations, qui font un travail remarquable. Je me demande comme tout cela va pouvoir s’organiser, si l’on veut que les 6 millions de personnes dont vous parlez puissent apprendre ou réapprendre le français.

S’agissant des discriminations, un débat a eu lieu avec le Défenseur des droits. Celui-ci nous a dit que l’identité de genre devait être distinguée de l’orientation sexuelle. J’aimerais bien avoir votre avis à ce propos.

On sait aussi que la lutte contre la discrimination passe aussi par la formation et par le changement des mentalités. Mais je pense que les responsables de nos trois fonctions publiques pourraient peut-être nous faire part de la façon dont s’opèrent les recrutements et de la place qui est faite à la diversité. Ils pourraient nous expliquer comment cela se passe, quels sont leurs objectifs et quel est leur bilan en ce domaine.

On pourrait coupler ces actions avec d’autres actions menées dans les entreprises pour lutter contre les discriminations, et prendre en compte les prochaines directives européennes qui vont, notamment, porter sur la publication d’informations non financières relatives à la diversité. On sait en effet que de très nombreuses entreprises sont bien plus en avance que la fonction publique sur cette question. Nous avons auditionné ici des recruteurs chargés de la diversité, qui nous ont expliqué qu’ils formaient les DRH. Est-ce le cas, dans la fonction publique ? Voilà en tout cas quelques pistes.

Je voudrais maintenant vous parler de la discrimination en matière d’accès aux stages. Je pense plus particulièrement au stage à effectuer à la fin de l’année de troisième, auquel certains enfants n’ont pas accès. Pourtant, c’est au cours de ce stage que l’on commence à se faire un réseau pour plus tard, lorsque l’on recherchera un emploi. Peut-on faire quelque chose avec l’éducation nationale ? De la même manière, celle-ci pourrait peut-être intervenir s’agissant des emplois fermés du secteur privé. Qu’en pensez-vous ?

Ensuite, ce matin, Patrick Weil nous a parlé de l’intérêt qu’il y aurait à accorder le droit de pouvoir choisir un jour de fête religieuse à la demande – le lundi de Pentecôte ou un autre jour. Avez-vous un avis sur la question ?

Par ailleurs, on entend beaucoup parler des fameux récépissés qu’il faudrait délivrer à l’issue des contrôles policiers. Au cours des différentes tables rondes, les associations les ont évoqués. Et tout en reconnaissant les avancées de ce texte, elles ont souligné qu’une certaine population a l’impression de se sentir davantage contrôlée que les autres, et ne sait pas comment réagir. J’aimerais connaître votre point de vue.

Enfin, que pensez-vous du testing – test de situation – comme facteur de preuve ?

M. Yves Blein. Madame la secrétaire d’État, merci pour votre présence. Je voudrais d’abord vous dire que vous avez un beau portefeuille ministériel, car rendre réelle la promesse républicaine d’égalité est un objectif extrêmement important qui se retrouve dans tous les textes de loi que nous sommes amenés à élaborer pour la Nation. Ce projet lui-même a pour objet de lever des obstacles à cette recherche de l’égalité pour tous, et je pense qu’à cet égard, il est particulièrement intéressant.

Je ferai maintenant quelques remarques sur les différents éléments qui le constituent.

Nous avons parlé tout à l’heure des conseils citoyens et de la formation des membres de ces conseils. C’est bien sûr important, d’autant que dans d’autres domaines, le texte s’intéresse à la formation de tous ceux qui contribuent, notamment par leur activité bénévole, à la bonne vie en société. Cela étant, je voudrais attirer votre attention sur la façon dont peuvent être composés ces conseils citoyens. La méthode ne doit pas souffrir de critiques, de façon que les citoyens qui y siègent soient réellement libres et ne se trouvent pas sous l’influence de telle ou telle personne qui pourrait orienter leur jugement.

Je voudrais également soulever sur un sujet qui est rarement abordé depuis la loi de 2014 sur la politique de la ville, à savoir la situation des quartiers dits « en veille active ». Je ne suis pas sûr qu’ils soient aujourd’hui ni très en veille, ni très actifs. Mais hier encore, ils étaient classés en politique de la ville, et ils méritent encore une attention soutenue.

Ensuite, le développement de l’apprentissage de la langue française constitue la première pierre de l’égalité et de la lutte contre les discriminations. Comment se comprendre quand on ne parle pas la même langue ? Et lorsqu’il s’agit de dissiper un certain nombre de préjugés, la compréhension réciproque est d’autant plus essentielle.

Je profite de l’occasion pour rendre hommage à Marie-Thérèse Geoffroy qui est encore présidente de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANI). Cette élue lyonnaise a fait un travail remarquable à la tête de cette agence sur laquelle on peut s’appuyer pour faire progresser la cause de la lutte contre l’illettrisme, comme celle de l’acquisition de la langue française dans son ensemble. Pourriez-vous nous dire si la nécessité de la lutte contre l’illettrisme est également intégrée dans les milieux de l’entreprise, et par les partenaires sociaux ? Je pense notamment à l’impact de la loi Rebsamen sur l’ANI et à la réorientation de la formation professionnelle.

Vous avez parlé également de « déconstruction » d’un certain nombre de mécanismes d’exclusion et de discrimination, et plus particulièrement de la lutte contre les comportements et les propos racistes. Nous nous demandons s’il ne serait pas utile de rajouter les propos sexistes, qui relèvent de la même logique.

Enfin, vous avez fait mention des sanctions qu’il convient de renforcer. Vis-à-vis de tels comportements, la République doit être particulièrement ferme. Pour autant, la méchanceté est la bêtise ne se déconstruisent pas seulement par la sanction, mais aussi en élevant le niveau d’intelligence de ceux qui s’en rendent coupables. À ce titre, l’idée d’un stage citoyen, d’une « re-formation » aux droits et aux devoirs de la République, nous semblerait particulièrement fondée.

M. Sylvain Berrios. Madame la secrétaire d’État, êtes chargée d’un département ministériel dont la mission est symbolique puisque l’égalité est un des grands mots de notre Pacte républicain, mais dont la tâche est difficile.

Le titre III consacre un chapitre à la langue française, ce qui nous paraît ô combien essentiel. De fait, le manque de maîtrise de notre langue est probablement l’un des facteurs majeurs d’impossibilité du dialogue et du vivre ensemble et d’exclusion de l’emploi. J’ai donc tout particulièrement apprécié le passage relatif à l’amélioration de la connaissance de la langue française, qui va au-delà de ce qui était prévu dans les textes, notamment dans le code du travail.

Nous nous félicitons également des dispositions visant à corriger l’asymétrie actuelle entre le pénal et le civil dans notre corpus juridique. Pour ma part, j’y vois un signal très fort.

En revanche, nous sommes plus sceptiques, non pas sur le renforcement du poids des conseils citoyens, mais sur le risque de double commande qui pourrait en résulter. Il faut pouvoir consolider l’ensemble des dispositifs ; je pense notamment aux CLSPD qui peuvent utilement renforcer la coordination des conseils citoyens. Mais ouvrir une voie de recours devant l’autorité municipale me paraît un élément dangereux, dans la mesure où cela pourrait se traduire par un affrontement d’autorité.

Les maires qui agissent pour ces quartiers prioritaires et aux côtés des conseils citoyens pourraient être victimes d’un affrontement de légitimité susceptible de nuire au travail qu’ils mènent au quotidien. Les maires sont probablement les acteurs qui connaissent le mieux les territoires.

Le poids des conseils citoyens peut être utilement renforcé, et il faut continuer à travailler sur les quartiers les plus défavorisés. Mais attention à ne pas ouvrir d’affrontement de légitimité ou d’autorité dans ces quartiers, car cela pourrait conduire à des situations difficiles.

J’en viens au troisième concours, qui deviendrait, en quelque sorte, un concours de droit commun. Là encore, je considère que c’est une très bonne disposition. Mais je profite de l’occasion pour attirer votre attention sur la rareté de tels concours pour les catégories B – alors qu’ils existent depuis vingt-cinq ans. De fait, si la fonction publique et en situation d’accueillir dans les catégories C la diversité française, plus on évolue dans la fonction publique, moins cette voie d’accès est utilisée. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je terminerai sur les moyens, qui sont au cœur de l’ensemble des politiques publiques et de notre action. Si certaines actions constituent en elles-mêmes un signe fort vis-à-vis de la Nation, d’autres ne peuvent prospérer si les moyens appropriés ne leur sont pas alloués. Je pense notamment aux actions visant à améliorer la connaissance de la langue française. Comme l’a dit notre rapporteur général, on ne peut pas faire l’économie de moyens si l’on veut atteindre rapidement nos objectifs. Et en l’espèce, la rapidité fait sens pour la Nation.

Mme Colette Capdevielle. Merci, madame la secrétaire d’État, pour vos explications, à la fois complètes et synthétiques, sur ce titre III. Ma question porte sur les conseils citoyens. Je pense qu’il est indispensable de conforter leur légitimité pour qu’ils puissent fonctionner à plein régime. Seriez-vous favorable à ce qu’ils puissent interpeller directement le comité de pilotage sur les difficultés réelles rencontrées par les habitants ? Serait-il opportun, selon vous, de doter ces conseils citoyens d’un budget participatif dont ils pourraient décider ? Enfin, leurs membres pourraient-ils bénéficier d’une formation ?

M. Arnaud Viala. Madame la secrétaire d’État, je souhaitais vous interroger sur le volet de votre intervention consacré à la langue française. Je souscris à l’analyse de M. le rapporteur général. En effet, selon lui, si l’intention n’est pas contestable, les moyens mis en œuvre peuvent nous amener à nous interroger. J’ai donc trois questions à vous poser.

Premièrement, comment coordonner les dispositions de ce texte avec le dispositif mis en œuvre par le ministère de l’éducation nationale pour parfaire l’apprentissage de la langue française ? Ce dernier laisse d’ailleurs à désirer si l’on en juge par le niveau d’expression écrite ou orale de certaines jeunes générations
– et je ne parle pas seulement des publics les plus fragiles

Deuxièmement, le problème de la formation des enseignants se pose. Allez-vous jusqu’à ce niveau de détail ? Je pense notamment à l’enseignement du FLE, le français langue étrangère, lorsque l’on s’adresse à des publics non francophones.

Troisièmement, à partir de quel âge pensez-vous qu’il faille mettre en œuvre des dispositifs de renforcement, et jusqu’à quel stade de la vie ?

Mme Isabelle Le Callennec. Merci, madame la secrétaire d’État, pour vos explications. Sans doute cette loi sur la citoyenneté va-t-elle vous permettre de donner corps à votre mission, à savoir l’égalité réelle. Et pourtant, je reconnais qu’au moment de votre nomination, nous nous étions interrogés.

Ma première question porte sur les conseils citoyens. Certes, ils ne seront créés que sur des territoires concernés par la politique de la ville. Il n’empêche que je crains que ne se crée une sorte de tutelle électorale sur les collectivités qui seront amenées à discuter des sujets soulevés par les conseils citoyens. Or, vous le savez, les élus locaux n’aiment pas trop cela. Concrètement, comment cela va-t-il se mettre en place ? Par ailleurs, j’observe que des initiatives associant les citoyens – ce qui est une bonne chose – ont déjà été prises sur d’autres territoires qui ne sont pas concernés par la politique de la ville.

Ma deuxième question porte sur la langue française – sujet évoqué par nos collègues Marie-Anne Chapdelaine et Yves Blein – et plus particulièrement sur la lutte contre l’illettrisme. J’ai eu l’occasion de solliciter le président de ma région à ce propos. Je considérais en effet que les régions étaient compétentes, dans la mesure où une bonne connaissance de la langue est nécessaire pour s’insérer dans la vie professionnelle. Est-ce que l’on continue à travailler avec les régions ?

Cela m’amène à souligner le travail colossal réalisé par les associations en direction des réfugiés, notamment quand ceux-ci n’ont pas encore obtenu le statut de réfugiés et n’ont donc pas accès à des fonds d’État. Ils se reposent uniquement sur elles, qui acceptent de leur donner des cours de français.

Je profite de la présence de Razzy Hammadi pour évoquer le sujet suivant : j’ai été sollicitée par un jeune, qui est membre du conseil régional des jeunes (CRJ) de Bretagne. Il fait partie d’un mouvement, dont l’initiative a été lancée, je crois, par Abir Adam, du CJR d’Île-de-France, et qui milite pour la généralisation de ces conseils de jeune – par exemple, par le biais d’une proposition de loi. J’ai répondu au jeune que j’ai reçu dans ma circonscription que ce texte sur l’égalité et la citoyenneté pourrait constituer une opportunité.

Enfin, ne croyez-vous pas, madame la secrétaire d’État, qu’il faudrait faire évoluer la Journée Défense et Citoyenneté pour qu’elle devienne vraiment une étape du parcours de citoyenneté ?

M. Jean-Louis Bricout. Madame la secrétaire d’État, merci pour votre présence et vos explications. Effectivement, l’égalité ne se décrète pas : elle se construit. Au-delà de ce projet de loi qui contient de nombreuses dispositions essentielles dont nous pouvons partager la philosophie, il nous faudra garantir les conditions d’accès à l’égalité et surtout les conditions de sa mise en œuvre.

À ce titre, la question de la mobilité me semble essentielle, quel que soit le territoire sur lequel on peut se trouver, banlieue ou territoire rural. Favoriser l’engagement citoyen, mille fois oui, mais comment le garantir si on ne lève pas les premiers freins à celui-ci, à savoir l’impossibilité ou simplement les difficultés à se déplacer ? Comment faire ? Pour ma part, je proposerai un amendement visant à ce que le code de la route soit acquis pendant la scolarité. Qu’en pensez-vous ?

Ensuite, si l’on veut que les citoyens participent sans crainte aux réunions des conseils citoyens, il est indispensable d’assurer leur formation.

S’agissant maintenant de l’apprentissage de la langue française, j’aimerais savoir qui fait quoi dans le dispositif prévu par le texte. Quelle articulation avec l’éducation nationale ?

Enfin, je voudrais vous alerter sur le fait qu’une des missions de nos municipalités est de garantir le service dans les écoles. Je crains que l’institution de jours fériés à la carte complique, sur le plan opérationnel, la gestion des ressources humaines.

M. Michel Heinrich. Madame la secrétaire d’État, je souhaitais savoir si vous étiez susceptible d’évoluer sur l’article 34. Celui permet, notamment, aux conseils citoyens d’interpeller le préfet pour qu’il établisse un diagnostic. Or le contrat de ville a un caractère partenarial – avec parfois dix ou quinze acteurs différents. En donnant aux conseils citoyens la possibilité d’interpeller directement le préfet, j’ai l’impression que l’on mettra à mal ce caractère partenarial. Je proposerais donc que l’on permette au conseil citoyen, de saisir, non pas le seul préfet, mais l’ensemble des partenaires du contrat de ville.

M. Bernard Lesterlin. En m’écartant du titre III, je voudrais rebondir sur les propos de ma collègue Isabelle Le Callennec qui a évoqué les Journées Défense et Citoyenneté.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je vous suggère de garder votre question pour cet après-midi. Mieux vaut se concentrer ce matin sur le titre III.

M. Bernard Lesterlin. Soit, je retire ma question, que je poserai cet après-midi au ministre – même celui-ci ne me semble pas qualifié pour parler de ce sujet, qui relève du ministère de la défense.

M. Xavier Breton. Madame la secrétaire d’État, je voudrais revenir sur les dispositions de l’article 35, qui sont relatives à la langue française. J’ai l’impression que l’on a tendance à confondre la lutte contre l’illettrisme et la politique linguistique en faveur des migrants. Si ces deux politiques sont parfois parallèles, parfois convergentes, elles n’en sont pas moins différentes. La première s’adresse à des personnes scolarisées mais qui, à la fin de leur scolarité, ne maîtrisent pas la langue française ; la seconde s’adresse à des migrants. J’aurais voulu que vous déterminiez précisément les actions à conduire sur chacune de ces politiques, qui sont confondues dans l’article 35.

Tout à l’heure, Yves Blein a salué le travail réalisé par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) et sa présidente Marie-Thérèse Geoffroy. Nous avons appris voici quelques semaines que cette agence pourrait être intégrée dans une nouvelle Agence de la langue française pour la cohésion sociale, avec un président à recaser – l’ancien secrétaire général de la CGT.

Où en sommes-nous ? Est-ce que l’ANLCI, qui fait un travail formidable, va bien être maintenue ? Et si une nouvelle agence était créée, comment seraient répartis les rôles entre chacune d’entre elles ? Une clarification s’impose.

M. Julien Dive. Madame la secrétaire d’État, certains facteurs, qui ne sont pas mentionnés dans le titre III, pourraient contribuer à l’établissement d’une égalité réelle et à la déconstruction des mécanismes d’exclusion. Je veux parler de l’égalité d’accès à la culture et au sport – et justement, nous auditionnons tout à l’heure M. Patrick Kanner.

Participer à une activité culturelle, avoir accès au patrimoine, entrer en contact avec des artistes, sont des facteurs majeurs qui permettent de compenser les inégalités dès le plus jeune âge. L’activité sportive, quant à elle, permet de s’intégrer à un groupe, de faire communauté autour de valeurs partagées qui sont aussi celles de la République. Ces activités ouvrent également la voie vers d’autres engagements plus profonds – par exemple l’engagement associatif. C’est le premier pas vers une ouverture aux autres, à la communauté nationale. L’art comme le sport permettent de rompre les inégalités sociales, mais aussi les disparités entre les territoires.

Si l’on veut un projet de loi ambitieux, on doit se montrer ambitieux comme l’était la mesure mise en place en 2009 sous la précédente mandature, avec la gratuité des musées pour les moins de vingt-six ans – dont j’ai pu bénéficier moi-même. Je demande donc au Gouvernement s’il compte réaffirmer, en amendant ce texte, l’égal accès des jeunes Français à la culture, au sport et à toute activité susceptible de les faire participer davantage au sein de la société française.

Mme Huguette Bello. Tout le monde le sait, pour accéder à l’égalité, l’éducation est première. Et la lutte contre l’illettrisme est un combat prioritaire pour l’outre-mer et pour la France hexagonale. L’illettrisme est une maltraitance archaïque. J’ai les chiffres sous les yeux : en France, 7 %, soit 2,5 millions de personnes en sont frappées.

En outre-mer, 17 % des jeunes Réunionnais et à peu près autant de jeunes Martiniquais sont des lecteurs en difficulté sévère ; il y en a 20 % en Guadeloupe, 29 % en Guyane et 44 % à Mayotte.

Le pourcentage de personnes sorties du système scolaire sans qualification reste très élevé. À la Réunion, 35 % parmi les jeunes générations. En France hexagonale, 17 %.

Madame la secrétaire d’État, vous avez donc fort à faire. Que va-t-on mettre en œuvre pour mieux définir une politique globale et concertée ? Comment faire pour consolider un dispositif interne institutionnel de prévention et de lutte contre l’illettrisme ? À la Réunion, en 1970, existait l’Association réunionnaise de lutte contre l’analphabétisme – même si ce n’est pas tout à fait la même chose que l’illettrisme.

Par ailleurs, comment prendre en considération le bilinguisme français-créole, sans censurer la langue maternelle et sans stigmatiser qui que ce soit ? Pourquoi ne pas parler la même langue, entre les professeurs des écoles et les élèves ? Cela permettrait de mieux communiquer, de mieux progresser. L’école doit être la respiration d’un quartier, d’une ville, de la Nation. Et la Nation doit être l’autre parent, ce parent symbolique qui est important. Les parents doivent jouer leur rôle, mais le parent symbolique qu’est la Nation compte grandement.

Mme la secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, je commencerai par la question « technique » de Razzy Hammadi sur les délégués du Gouvernement. Ceux-ci sont sortis du texte, parce qu’ils relèvent du domaine réglementaire. Mais cela va se faire.

Ensuite, quand on parle d’égalité réelle, quand on aborde la question de la diversité, comme on l’a fait pour la fonction publique, il est important de revenir à des fondamentaux, à des valeurs qui nous unissent. Or, un des piliers qui nous unit, c’est vraiment la langue française. Et je constate avec plaisir que le sujet fait l’unanimité.

Madame Bello, il n’y a pas d’opposition entre la maîtrise de la langue française et l’existence et la pratique de langues maternelles différentes comme, par exemple, le créole. On expérimente d’ailleurs les classes bilingues créole-français. Cela permet de faciliter l’apprentissage de certains enfants, qui pouvaient être bloqués par une sorte de hiérarchisation des langues. Pour autant, il est absolument nécessaire que nous arrivions tous à avoir un niveau de maîtrise de la langue qui soit suffisant pour vivre pleinement la République, réussir notre insertion professionnelle, notre vie culturelle, notre vie personnelle, et notre vie de citoyen.

Monsieur Breton, nous ne confondons pas les différentes situations : la situation de ceux qui arrivent sur le territoire, les étrangers, les primo-arrivants entre autres, venant de pays divers mais aussi de pays européens ; et la situation de ceux qui ont suivi leur scolarité en France, mais qui sont en situation d’illettrisme et ont besoin d’être accompagnés.

Dans ce parcours interviennent différents acteurs comme les institutionnels, les régions qui jouent un rôle majeur, et les acteurs associatifs. Tout comme vous, je salue le travail accompli par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme et sa présidente, Mme Geoffroy. Il est hors de question de faire table rase de ce qui a été fait. Il faut poursuivre cette collaboration et ce travail qui a mobilisé des réseaux et des associations extrêmement efficaces sur le terrain. Mais ce travail se poursuivra dans le cadre de l’Agence nationale de la langue française et de ses deux composantes : la lutte contre l’illettrisme, qui mobilise ses réseaux ; et le travail réalisé, par exemple, dans le cadre de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et avec le milieu associatif.

Nous travaillons par ailleurs en coordination avec l’éducation nationale. Celle-ci intervient en amont, en prévention : formation des professeurs des écoles, écoles supérieures de la formation et de l’éducation, refondation de l’école, nombreux dispositifs pour favoriser l’égalité réelle comme les zones prioritaires, la scolarisation des enfants de moins de trois ans, l’accompagnement spécifique « plus de maîtres que de classes ». Par la refondation et par des politiques fortes en amont, nous montrons notre volonté de lutter contre l’illettrisme. Il se trouve que cela peut arriver, que c’est encore une réalité aujourd’hui, en raison de l’inefficacité de certaines politiques.

Dès quinze ans, les jeunes qui ont un contrat d’apprentissage peuvent intégrer le dispositif « formation professionnelle tout au long de la vie », proposé par les services publics de l’emploi, par les régions et l’ensemble des pouvoirs publics.

Voilà pour la maîtrise de la langue française.

J’en viens aux étrangers. La réforme de 2016 a relevé le niveau d’exigence et modifié la mobilisation et l’accompagnement des associations. L’objectif est d’accompagner ces personnes vers un niveau d’apprentissage de la langue qui est passé du niveau A1-1 au niveau A1.

Passons aux moyens : aujourd’hui, entre 160 et 300 millions d’euros sont mobilisés autour de la langue française – apprentissage et illettrisme.

L’Agence nationale de la langue française aura non seulement à coordonner, mais aussi à recenser l’ensemble des moyens aujourd’hui mobilisés, par qui et où, et sur leur efficacité. La question des moyens supplémentaires se posera lorsqu’on aura une meilleure visibilité de la situation.

Vous m’avez également interrogé sur les conseils citoyens.

Comme vous l’avez dit, il s’agit de mobiliser les citoyens dans le cadre des politiques de la ville et des contrats de ville, pour prendre en compte leur connaissance du terrain et leurs pratiques quotidiennes. Cela pourrait aboutir à modifier ces contrats de ville en cours d’exécution. Les citoyens auront ainsi le moyen d’alerter sur telle ou telle situation, et de demander à revenir dessus.

Il n’y a pas d’opposition entre le préfet et les citoyens. Le préfet pourra déclencher un diagnostic, et au vu de ce diagnostic, les conseils municipaux pourront être sollicités. De la même façon, il n’y a pas d’opposition, mais un travail constructif entre des citoyens et des élus au conseil municipal ou intercommunal, qui ont participé à la rédaction et à la signature de ce contrat de ville.

On renforce ainsi la parole donnée aux citoyens en maintenant un certain équilibre, tout en prenant en compte une réalité qui peut être changeante. Si on ne la prenait pas en compte – et cela arrive sur le terrain – la politique publique exprimée dans les contrats signés y perdrait en efficacité.

Marie-Anne Chapdelaine est intervenue à propos des contrôles au faciès.

Nous avons la même exigence : garantir une certaine fluidité et éviter l’incompréhension entre la police et les citoyens. Le Gouvernement a énormément travaillé autour de plusieurs sujets : la formation, l’immatriculation, la saisine facilitée sur les plateformes pour les plaintes, les caméras mobiles.

J’entends vos remarques. Mais il faut aussi prendre en compte le travail qui a été fait pour faciliter les relations entre les forces de l'ordre et les citoyens. Nous voulons faire en sorte que ces relations soient professionnelles et apaisées. L’expérimentation des caméras mobiles a fait remonter du terrain une satisfaction globale. La question a donc été tranchée.

Maintenant, je suis tout à fait d’accord avec vous concernant le stage du cours de l’année de troisième, qui fait apparaître des inégalités et des injustices. Certains jeunes déposent leur candidature pour découvrir un métier dont ils rêvent, et sortir de leur milieu. Mais ils apprennent – et c’est très violent pour eux – que ce n’est pas possible parce que les CV n’arrivent pas à destination, parce qu’ils n’ont pas de réseaux, ou que leurs réseaux ne fonctionnent pas.

Il faut le dire, et il faut agir. C’est un énorme chantier qui ne passe pas forcément par la loi. Mais je travaille avec des associations, des entreprises, des associations très volontaires qui sont très actives. En effet, symboliquement, nous enfermons les jeunes au moment de ce stage de troisième.

Mme Huguette Bello. Que pensez-vous des CV anonymes ?

Mme la secrétaire d’État. Je vous répondrai tout à l’heure.

Plusieurs questions concernaient la lutte contre le racisme.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Blein : il faut bien sûr ajouter les comportements et les propos « sexistes ».

Vous avez par ailleurs parlé de rééduquer à la diversité. Ma conviction profonde est qu’il est aujourd’hui nécessaire, non seulement d’envoyer des messages très clairs à la population victime d’actes racistes, sexistes ou discriminatoires, mais aussi de changer les regards et de défaire les stéréotypes. Cela passe par l’éducation. Voilà pourquoi le ministère de l’éducation nationale a été mobilisé à cette fin avec d’autres ministères, dont le ministère de l’intérieur. D’où le programme de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, un programme de quarante mesures, qui a été salué par les acteurs.

Nous sommes dans une démarche où l’on sanctionne, mais aussi où l’on défait les représentations, et où l’on rééduque le regard autour de la diversité et de l’altérité. Et nous n’y parviendrons pas si nous ne modifions pas l’approche de l’altérité en République et dans la République française. C’est un travail considérable, fondamental. Cela passe par la maîtrise de la langue française, par des mesures d’éducation – c’est la refondation – et par des mesures que je souhaite mettre en place autour des représentations. Je pense notamment aux représentations par les médias, dans la mesure où ceux-ci sont un véhicule de changement.

J’en viens à votre question sur le CV anonyme. Les entreprises peuvent y avoir recours, mais il n’est pas obligatoire. En outre, en raison de son coût très élevé, il peut être pratiqué par les grandes entreprises, mais certainement pas par les TPE-PME. Et au-delà de son coût, il pose un véritable problème de fond : il met la personne qui incarne la diversité en position de devoir se cacher… jusqu’à ce qu’elle soit découverte. En fin de compte, celle-ci aura toujours à justifier sa différence. C’est pour cette raison que je reviens sur le thème de la destruction de la représentation de la diversité. Le CV anonyme n’est qu’une possibilité de lutter contre cette représentation. Aujourd’hui, de nombreux acteurs se mobilisent autour de différentes méthodes. Parmi elles, le CV vidéo rencontre un certain succès. Son avantage est qu’il met en lumière la différence, et valorise la richesse qu’elle constitue.

Mme Élisabeth Pochon. Je suis présidente du groupe de travail sur la langue des signes. J’ai constaté que vous abordiez la part du handicap dans la lutte contre toutes les discriminations. Les parents ont la possibilité de choisir que leurs enfants soient scolarisés en langue des signes. Les enfants sourds ne sont que sourds. Jusqu’au CM2, ils ont la possibilité de poursuivre leur scolarité, mais au-delà, l’offre nationale est vraiment indigente et peut obliger à des séparations parentales que personne ne souhaite. Pourrait-on imaginer, par le biais de ce texte, accélérer ce que réclamait déjà la loi de 2005 ? Il s’agissait de faire en sorte qu’il y ait au moins une offre par département ou par académie, pour que ces enfants puissent poursuivre leur scolarité en langue des signes.

Mme la secrétaire d’État. Madame Pochon, je suis très attentive à votre remarque.

Je terminerai sur les questions auxquelles je n’ai pas répondu.

L’un de vous a mis en avant l’intérêt de la culture et du sport. Ceux-ci sont évoqués dans le titre Ier consacré à la citoyenneté et à l’émancipation des jeunes. Mais, pour mémoire, nous avons retenu, dans le cadre du CIEC et du comité international aux ruralités (CIR), des dispositifs gouvernementaux destinés à faciliter l’accès à la culture et au sport. Ainsi, lors du dernier CIR, il a été décidé de définir des programmes facilitant l’accès à la culture, y compris dans les territoires les plus isolés.

Madame Chapdelaine, la question des jours fériés flottants est délicate, et je peux en témoigner pour y avoir été favorable. Pourtant, j’étais intervenue dans un autre contexte, où le vivre ensemble est assez naturel et plutôt apaisé. Il faut faire très attention à ce que cette idée, qui est généreuse et républicaine, ne concentre pas des rejets. Pour l’avoir vécu, j’attire votre attention là-dessus.

Enfin, vous avez rappelé que le Défenseur des droits souhaite que l’on procède à la distinction entre « identité de genre » et orientation sexuelle. Cela mérite évidemment une expertise. Car le poids des mots est important.

Mme la présidente Annick Lepetit. Merci beaucoup, madame la secrétaire d’État.

La Commission spéciale procède à l’audition de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, lors de sa troisième séance du mercredi 8 juin 2016.

Mme la présidente Annick Lepetit. Après avoir abordé ce matin avec Mme Ericka Bareigts les questions relatives au titre III du projet de loi Égalité et citoyenneté, nous sommes ravis de vous accueillir, monsieur le ministre de la ville, pour en évoquer le titre Ier.

Notre commission a décidé d’entamer ses travaux en organisant une table ronde réunissant une dizaine d’associations et de groupes représentatifs de la jeunesse ; nous avons, à cette occasion, eu le plaisir de constater qu’il existe un réel besoin d’engagement républicain parmi les jeunes. Il nous faut donc réfléchir aux différentes formes que peut prendre cet engagement, et envisager comment y inclure toutes les composantes de la jeunesse qui aspirent à être encouragées et reconnues, mais aussi comment transmettre les valeurs de la République par des actions concrètes et des bonnes pratiques qui nous permettront de traduire « en actes » les recommandations émises lors des différents comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC).

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je tiens avant toute chose à remercier les rapporteurs pour le travail entrepris ensemble depuis plusieurs semaines. Vous avez déjà auditionné deux autres membres du Gouvernement ; vous me pardonnerez donc d’éventuelles redites
– qui vaudront toujours mieux que des contradictions.

J’évoquerai principalement le titre Ier du projet de loi, mais aussi le titre III, par exemple la place des conseils citoyens dans notre future démocratie participative.

Un mot, tout d’abord, du contexte et des motivations qui ont conduit le Gouvernement à vous présenter ce texte : l’année 2015 nous a rappelé que la République a besoin de se vivre au quotidien, d’être incarnée, et qu’elle recule parfois face aux intégrismes et aux idéologies populistes ou encore faute de tenir sa promesse de manière suffisamment explicite. Si la République est une immense ambition, encore faut-il lui donner corps davantage. Comme toutes les constructions humaines, la République est vulnérable ; il nous appartient de ne jamais cesser de lui donner du souffle et de la réinventer en fonction de son environnement.

Ce texte est une pierre à l’édifice. « Ne te crois point si important que les autres te paraissent insignifiants », disait Confucius : je souhaite que l’examen parlementaire de ce projet de loi soit très ambitieux. C’est la ligne de conduite que je suis dans les échanges interministériels comme dans mon dialogue avec le rapporteur général et les rapporteurs thématiques.

C’est aussi pour cette raison qu’avec mes collègues Emmanuelle Cosse et Ericka Bareigts, nous avons lancé – comme Axelle Lemaire l’avait déjà fait pour le texte qu’elle défend – une consultation numérique qui a rassemblé plus de 40 000 visiteurs et donné lieu à 800 contributions. Ses conclusions viennent d’être remises aux rapporteurs ; elles constituent un apport utile. Sachons tirer parti de cette expérimentation.

J’entends parfois dire que ce projet de loi serait composite. Je crois, au contraire, qu’il a sa cohérence en ce qu’il vise à faire vivre les valeurs de la République. Il concerne tous les Français, où qu’ils vivent, d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur condition, parce qu’il touche aux réalités les plus concrètes : l’accès au logement, le parcours d’autonomie des jeunes, la lutte contre les discriminations, l’engagement au service des autres. Chacun, dans toute sa singularité, est donc concerné.

Il encourage, tout d’abord, l’engagement citoyen. Nous devons créer une culture de l’engagement au point qu’il devienne une seconde nature pour tous nos concitoyens. Songez que 23 millions de Français adhèrent à une association et 16 millions d’entre eux sont des bénévoles, dont trois quarts à titre régulier
– autrement dit, ce sont des bénévoles militants. Pourtant, le rapport d’enquête de Mme Françoise Dumas a révélé les freins encore trop nombreux qui entravent l’engagement des actifs. C’est pourquoi nous allons instituer un congé d’engagement fractionnable de six jours pour tous les salariés. Je vous présenterai à ce sujet un amendement visant à étendre le champ des bénévoles concernés sur le modèle de ce qui est proposé dans le projet de loi « Travail » à propos du compte d’engagement citoyen. L’objectif est d’englober le plus grand nombre de personnes, y compris les encadrants de bénévoles et les membres des conseils citoyens. Ces mesures prolongent l’ordonnance de simplification du régime des associations, présentée en juillet et que je vous proposerai de ratifier.

Plusieurs d’entre vous m’ont déjà fait part de leur volonté de travailler sur la définition de l’intérêt général associatif ou encore sur les fonds associatifs en déshérence. J’examinerai avec intérêt vos propositions d’amendement, en particulier sur la notion d’intérêt général au sujet de laquelle j’ai récemment reçu un rapport très complet et intéressant du Haut Conseil à la vie associative (HCVA).

Ensuite, ce texte crée la réserve citoyenne. Les crises majeures que nous venons de vivre nous rappellent que nombreux sont nos concitoyens qui veulent être utiles. Il nous faut examiner comment mieux organiser cette volonté spontanée de servir les personnes qui se trouvent dans la difficulté – dont les récentes inondations nous ont donné l’illustration. C’est pourquoi nous souhaitons que la réserve citoyenne existe sous diverses formes, afin que chacun puisse occasionnellement se mettre au service de l’intérêt général et contribuer à faire vivre les valeurs de la République, notamment la solidarité. Cette proposition figurait dans le rapport présenté par Claude Bartolone en 2015.

De même, nous allons donner un nouvel élan au service civique. Nombreux sont les parlementaires qui, depuis 2010 et même plus tôt, se sont impliqués dans ce dispositif dont l’initiateur, Martin Hirsch, suit l’évolution avec beaucoup d’attention. Le Président de la République a fixé un objectif extrêmement ambitieux : le service civique fondé sur le volontariat devrait concerner une demi-classe d’âge, soit 350 000 jeunes, dès 2018. Nous devons réussir la montée en charge de cette mesure sans mettre en cause ni les missions du service citoyen, ni sa différence avec l’emploi. Je refuse, en effet, de sacrifier le service civique sur l’autel de la quantité. Je souhaite donc que nous examinions les amendements au texte à la lumière de ces deux exigences, et je proposerai moi-même un amendement rappelant que le service civique n’est pas un substitutif à l’emploi.

Le projet de loi prévoit aussi de compléter les structures pouvant être agréées afin d’enrichir le nombre des missions pour lesquelles les personnes morales de droit public déjà agréées peuvent mettre des jeunes à disposition auprès d’autres structures de droit public qui, non agréées, satisfont néanmoins aux conditions d’agrément. Ce montage permet d’élargir le spectre du service civique à un vivier très large, que constituent notamment les centres de secours des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

Je vous proposerai par voie d’amendement de créer une carte du service civique, à l’image de la carte d’étudiant des métiers créée par la loi de 2011 pour le développement de l’alternance, qui donne droit aux mêmes avantages que ceux dont bénéficient les étudiants.

Je saisis cette occasion pour vous annoncer que le conseil des ministres a décidé ce matin même, sur proposition du Premier ministre, d’agréer la nomination de M. Yannick Blanc, au poste de Haut-Commissaire à l’engagement, à la place de M. François Chérèque, qui a dû démissionner pour de graves raisons de santé et à qui je fais part de mon amitié – que je sais partagée par bon nombre d’entre vous. Souhaitons bon vent à M. Blanc, ancien préfet du Val-d’Oise et président de la Fonda.

Le projet de loi consacre également la reconnaissance de l’engagement étudiant, laquelle existe déjà dans certains établissements – je pense à l’Université de Nancy, par exemple. Nous souhaitons l’étendre à toutes les formations supérieures. Conformément à la proposition du Président de la République et comme l’a préconisé M. Jean-Pierre Allossery dans son rapport sur les crédits de la vie associative, l’engagement des étudiants sera valorisé dans leurs diplômes. La question de la valorisation de l’engagement dans le secondaire demeure ouverte : j’espère que ce débat aura lieu, même si je connais les préventions qu’il suscite. L’article 15 du projet de loi permet aux mineurs de seize ans et plus de devenir directeur de publication. Plusieurs d’entre vous souhaitent, en outre, que les mineurs âgés d’au moins seize ans puissent créer, gérer et animer une association sans autorisation parentale. Il me semblerait donc incohérent d’élargir le droit de constituer une association aux mineurs de seize ans sans permettre la valorisation de l’engagement dans son parcours lycéen.

Après l’engagement, j’en viens à la question de l’autonomie des jeunes. Près de 8 millions de Français ont entre quinze et vingt-cinq ans. Notre démographie positive est une formidable richesse qui nous sera très utile dans les années à venir, même si elle constitue aujourd’hui un défi à relever. Le Président de la République a fait de notre jeunesse sa priorité. Ce n’est pas qu’un slogan : je pourrais énumérer toutes les mesures prises en la matière depuis le début du quinquennat. Cette priorité produit ses résultats : le chômage des jeunes a baissé de plus de 6 % en un an, pour revenir à son niveau de mai 2014. C’est une bonne nouvelle, et nous devons continuer d’avancer en ce sens. Un taux de chômage des jeunes non scolarisés dans le secondaire et le supérieur qui s’établit à plus de 20 % n’est pas acceptable dans un pays qui place la jeunesse au cœur de ses priorités politiques.

Le 11 avril dernier, le Premier ministre a annoncé des mesures complémentaires en direction des jeunes. Nous les traduisons dans le projet de loi « Travail » de Myriam El Khomri, par la création de l’allocation de recherche du premier emploi destinée aux jeunes diplômés boursiers, mais aussi par la généralisation et l’accompagnement renforcé de la garantie jeunes, dont les directeurs de missions locales se félicitent et qui est un formidable succès ; elle concerne 50 000 jeunes cette année et en touchera 200 000 dans les deux ans.

Dans le présent texte, nous vous proposerons des amendements visant à consolider l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) pour les jeunes se trouvant en situation de rupture familiale. S’agissant de la question prégnante de l’accès au logement pour les jeunes, le Premier ministre a annoncé le 11 avril, devant les organisations de jeunesse, une mesure de garantie des loyers destinée aux jeunes de moins de trente ans, qui sera prise par voie réglementaire et entrera en vigueur dès la rentrée prochaine. Ces mesures s’ajouteront à celles qui figurent déjà dans le texte, qui visent notamment à renforcer le pilotage de l’information des jeunes en en confiant le chef de filât aux régions, c’est-à-dire un rôle de coordination de l’action des collectivités, et non une compétence exclusive.

L’information est souvent le nœud du problème. De nombreux dispositifs existent, qui sont parfois inconnus, et souvent méconnus des jeunes issus de milieux défavorisés. Je vous annonce que nous créerons à la rentrée une boussole des droits qui sera mise en ligne afin que les jeunes puissent, sur un portail unique, accéder à l’ensemble des informations relatives à leurs droits au niveau national et local. Chaque jeune âgé de seize à vingt-trois ans pourra bénéficier d’une information individualisée sur ses droits en matière de couverture santé, de prévention voire d’examens gratuits de santé. Les capacités de la médecine scolaire sont un problème ancien. J’ai autrefois souhaité que cette compétence soit transférée aux départements et, en le rappelant, je suis conscient d’ouvrir une boîte de Pandore ; il me semblait souhaitable, en effet, de créer des blocs de compétences cohérents.

Je défends depuis plusieurs mois un certain nombre de mesures en matière d’accès au logement. L’article 20 du projet de loi vise à établir un meilleur équilibre dans l’occupation du parc social en favorisant l’accès des ménages les plus pauvres aux secteurs situés hors des 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville qui existent en France métropolitaine et ultramarine. Il sera ainsi mis fin à la pratique de la préférence communale. À l’article 26, nous accorderons aux bailleurs sociaux une plus grande liberté dans la fixation des loyers des logements sociaux, à condition qu’ils satisfassent aux objectifs de mixité sociale et de réorganisation des loyers sans augmentation de la masse globale des loyers plafond – je sais que vous avez eu un débat technique approfondi avec Emmanuelle Cosse sur ce point. Enfin, les articles 31 et 32 permettront de mieux appliquer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui est encore contournée. J’ai récemment constaté dans les Alpes-Maritimes à quel point certaines municipalités sont loin de répondre à leurs obligations. Or porter l’écharpe tricolore donne des droits, mais surtout un devoir : celui de respecter la loi de la République.

Dernier sujet, enfin : l’égalité réelle – une belle exigence. À la fragmentation de notre société, si visible depuis 2015, nous voulons répondre par l’engagement et par la possibilité pour chaque jeune d’où qu’il vienne de former son destin. Il faut aussi que chacun, sans distinction aucune, se sente une composante de la République à l’égal de tous. C’est l’objectif du titre III auquel, en tant que ministre de la ville et de la jeunesse, je suis particulièrement attentif. En 2015, vous avez créé les conseils citoyens par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy ». Aujourd’hui, nous les renforçons en leur donnant un véritable droit d’interpellation du préfet en vue, le cas échéant, de procéder à une adaptation du contrat de ville, à laquelle je suis favorable. Suite au comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté, je vous annonce que ma collègue Hélène Geoffroy et moi-même avons obtenu une enveloppe de 7 millions d’euros pour la formation des membres des conseils citoyens. J’ai aussi souhaité que ceux-ci puissent bénéficier d’un congé d’engagement, qui vous sera proposé par voie d’amendement.

Nous renforçons ainsi notre arsenal de lutte contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme et tout ce qui, subrepticement ou bruyamment, altère chaque jour davantage le lien social. Dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, vous avez créé l’action de groupe contre les discriminations, à laquelle votre rapporteur général, Razzy Hammadi, a largement contribué. Nous allons plus loin encore avec ce texte en généralisant la circonstance aggravante de racisme, d’antisémitisme, d’homophobie, afin notamment d’améliorer la répression du délit de provocation et d’injure raciste ou discriminatoire par le renforcement des peines encourues. Un chiffre suffira à vous convaincre : en 2014, seules 221 condamnations ont été prononcées, alors qu’il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour dénombrer des centaines de provocations, voire davantage, qui mériteraient tout autant de sévérité. En ce domaine plus qu’en tout autre, nous avons un devoir d’efficacité. De nombreux amendements à ces dispositions seront présentés ; je proposerai, par exemple, de renforcer l’intégration des sportifs handicapés, qui subissent hélas ! une autre forme de discrimination.

Avec vos rapporteurs, je me fixe l’objectif d’être le garant – peut-être mon parcours le justifie-t-il – de la cohérence de ce texte. Nous ne pourrons pas tout faire, mais nous ferons beaucoup. Je ne méconnais pas le calendrier et je sais que de nombreux débats ont déjà eu lieu à l’occasion de précédents projets de loi. Je n’en demeure pas moins ambitieux quant à l’examen parlementaire qui s’annonce, et j’aurai le plaisir d’être à vos côtés, la semaine prochaine, pour enrichir encore ce beau projet de loi qui, in fine, sera notre œuvre commune pour une République ferme, généreuse, « en actes ».

M. Yves Blein. Trois questions relevant du titre Ier ont particulièrement retenu l’attention des députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. La première a trait au soutien à l’engagement au sens large – celui de la jeunesse, mais aussi au-delà –, sur lequel le rapport rendu par Claude Bartolone au début 2015 proposait plusieurs mesures. Or la question de l’engagement est l’une de celles qui constituent la colonne vertébrale de ce texte.

Nous nous sommes interrogés sur la définition de l’intérêt général. C’est une question qui concerne l’ensemble du monde associatif qui, parce que les ressources que lui accorde la puissance publique ont diminué, doit élargir ses sources de revenus et, pour ce faire, se tourne naturellement vers les dons d’entreprises ou de personnes privées. Or la notion d’intérêt général étant la grille de lecture qu’utilisent les services fiscaux, il est sans doute opportun de la revoir dans son ensemble, et non seulement à travers la lunette fiscale. Ainsi, la définition de l’intérêt général – qui pourrait figurer dans le présent texte – permettrait de tenir davantage compte de l’objet même des associations visées.

La question du soutien à l’engagement renvoie à celle des moyens alloués au mouvement associatif dans son ensemble. À ce titre, nous reviendrons sur les biens en déshérence et les biens mal acquis. Elle renvoie aussi à celle des personnes susceptibles de diriger une association. De ce point de vue, nous sommes favorables à votre proposition d’étendre cette possibilité aux mineurs de plus de seize ans.

Si l’on veut encourager la jeunesse à s’engager davantage, encore faut-il lui donner des droits nouveaux. Nous sommes tous conscients des difficultés que les jeunes rencontrent pour se déplacer, par exemple. Les voyages forment la jeunesse, dit-on, mais il est aujourd’hui bien difficile de réunir les moyens nécessaires pour parcourir l’Europe, a fortiori le monde. Nous souhaiterons donc aborder avec vous la mobilité sous tous ses aspects, y compris le permis de conduire.

De même, nous aurons à débattre d’autres droits : l’accès à la CMU-C, l’accès au logement, l’accès aux stages à différents niveaux de formation.

Quelques mots, enfin, sur le service civique : nous ne manquons pas de jeunes volontaires, mais de missions. Il faut donc mobiliser l’ensemble de la sphère publique – puisque 80 % des missions de service civique sont actuellement proposées par le monde associatif et les collectivités locales, même si les administrations d’État leur emboîtent progressivement le pas. Les collectivités locales sont encore trop peu impliquées dans ce dispositif ; il faut encourager ce mouvement si nous voulons atteindre l’objectif de 350 000 jeunes concernés. Sans doute faudra-t-il aussi assouplir le cadre du service civique pour en faire bénéficier des jeunes dont les missions ne correspondent pas strictement à certains critères tels que celui des 24 heures hebdomadaires d’engagement. De même, nous aurons à travailler sur la question du statut du dirigeant associatif.

M. Xavier Breton. S’agissant du titre Ier du projet de loi, je commencerai par évoquer les travaux de la mission de réflexion sur l’engagement citoyen et le sentiment d’appartenance à la nation qui a donné lieu au rapport du président Bartolone : plusieurs de ses préconisations n’ont pas été reprises dans le projet de loi, concernant par exemple l’évolution de la journée défense et citoyenneté (JDC), dont le format actuel d’une journée n’est pas suffisant. Certains amendements proposant d’en porter la durée à trois jours sont en préparation : avez-vous exploré cette piste intéressante ?

De même, l’une des propositions phares du rapport précité consistait à instaurer le vote obligatoire. Cette idée a-t-elle suscité un débat, voire un arbitrage du Gouvernement, dans le contexte d’abstentionnisme que nous constatons élection après élection ?

M. Jean-Pierre Allossery. Depuis quelques années, le débat sur la création d’une culture de l’engagement parmi les jeunes traverse de nombreuses organisations. Il était au cœur du rapport thématique que j’ai rendu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Plusieurs constats y étaient dressés : tout d’abord, il n’existe pas de crise de l’engagement chez les jeunes, mais plutôt une mutation des formes de leur engagement. Ensuite, le besoin qu’ont les jeunes de s’engager se réalise dans des actions concrètes, collectives et ponctuelles. De plus, l’engagement dans la vie de la cité semble être un espace qu’ils privilégient. Enfin, lors du premier forum européen des jeunes engagés, qui s’est tenu en août 2014 à Poitiers, les jeunes ont largement évoqué la crise sévère qui existe entre eux, les partis politiques et les dirigeants de formes diverses.

Le projet de loi nous offre l’occasion d’instaurer de nouvelles formes de démocratie participative, particulièrement avec les jeunes. Force est de constater que les liens entre jeunes citoyens, élus et institutions publiques sont de plus en plus distendus. Si nous ne revoyons pas nos processus de participation et de décision collective, je crains que nous n’échappions à l’engagement citoyen qui est exigé de chacun d’entre nous dans le cadre de notre pacte citoyen.

Les conseils d’enfants et de jeunes, dont l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) est la tête de réseau à l’échelle nationale, permettent un dialogue entre les jeunes et les élus locaux. Ces actions locales ont produit de réels impacts positifs sur les personnes, les décisions et les territoires. Ces conseils constituent donc une première réponse concrète à la participation des jeunes à la vie publique, qu’il convient de renforcer par l’instauration de dialogues structurés autour des politiques de jeunesse. Ainsi, l’ensemble des collectivités, sous la responsabilité de l’État, pourraient par exemple nouer un nouveau dialogue structuré avec les jeunes représentant la société civile et les pouvoirs publics dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique. Concrètement, il s’agit de mettre en place un processus ouvert de participation à la décision publique entre les jeunes et les décideurs.

Ce copilotage entre société civile et pouvoirs publics peut également servir à lever les freins actuels à l’engagement. Chacun peut intervenir à sa manière, selon ses disponibilités, n’importe où sur le territoire. Promue par l’Union européenne et proposée par les soixante-quinze têtes de réseau du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP), cette méthode prolongerait également la spécificité du présent projet de loi ; une consultation numérique a d’ailleurs été organisée afin que les citoyens et les associations puissent exprimer leur avis. Que pensez-vous de cette proposition de dialogue structuré, monsieur le ministre ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous avez raison, Monsieur le ministre : ce projet de loi est important et va dans le bon sens, comme nous l’ont prouvé les nombreuses auditions que nous avons conduites. Cependant, il est sans doute encore possible de l’améliorer ; c’est la mission que je me suis donnée en ma qualité de rapporteure sur le Titre Ier.

Pour ouvrir le champ des possibles, je commencerai par noter que ce texte vise à favoriser l’engagement, en particulier parmi les jeunes, mais qu’il ne comporte aucune disposition concernant les élus et les institutions. Certes, les questions relatives au cumul, à l’âge des candidatures ou encore au vote obligatoire n’ont peut-être pas toute leur place dans ce texte, mais on ne saurait les omettre dès lors qu’il est question d’engagement citoyen.

Ce projet de loi envoie aux jeunes un message positif de confiance et de détermination à les accompagner davantage dans leur engagement et dans leur accès à l’information. Plusieurs questions restent néanmoins en suspens.

Pour encourager et reconnaître l’engagement sans pour autant le rendre obligatoire, il faut en effet, monsieur le ministre, développer une culture de l’engagement et trouver un juste équilibre entre incitation et contrainte – étant entendu qu’un engagement ne saurait par définition être obligatoire. Partagez-vous cette analyse ?

De même, s’il faut encourager le dialogue, la consultation et la coconstruction, ce sont là des processus qui ne se décrètent pas ; je préfère, là encore, l’incitation à l’obligation.

Se pose aussi la question de l’accès aux droits et, avant elle, celle de l’accès à l’information. Je me réjouis de la création d’une boussole des droits ; son lancement devra s’accompagner d’une grande campagne d’information des jeunes. Qui sera chargé de la mise à jour du portail afin qu’il évolue au quotidien ?

Toujours en matière d’information des jeunes, vous avez précisé, monsieur le ministre, que le chef de filât accordé aux régions constituera une compétence de coordination. Jusqu’où s’étendra-t-elle ? Les régions pourront-elles imposer un schéma prescriptif ou bien les seuls échanges informels en conférence territoriale de l’action publique (CTAP) suffiront-ils ? De même, jugez-vous indispensable
– pour ma part, je ne le crois pas – de rendre obligatoires les conseils consultatifs de jeunes ?

Quel sera l’échelon le plus pertinent de gouvernance locale du service civique ?

Sur le sujet de la prémajorité associative, je défendrai des amendements précis.

L’article 19 prévoit de réserver des places aux bacheliers méritants, en particulier les boursiers, dans les filières non sélectives. Nous sommes plusieurs à nous interroger, avec les mouvements de jeunesse, sur cette disposition : j’en conçois l’intérêt, mais je m’interroge sur l’opportunité de la maintenir en l’état, car nous avons sans doute péché par manque de pédagogie autour de cet article.

M. Julien Dive. Je constate que les dispositions du titre III en matière d’insertion professionnelle consistent principalement à favoriser l’accès aux concours de la fonction publique. Je regrette que l’entrepreneuriat soit oublié, et je déposerai des amendements pour y remédier. Devenir fonctionnaire n’est pas l’unique avenir de tous les jeunes : au-delà de l’égal accès aux emplois publics, c’est l’égal accès à l’emploi tout court que nous devons soutenir. D’un côté, la France forme de jeunes talents qui s’expatrient au Royaume-Uni ou au Québec, par exemple dans le secteur du numérique, et elle dispose d’excellentes écoles sans pour autant parvenir à retenir ses diplômés ; d’un autre côté, de nombreux jeunes sans diplômes, qui ne sont pas toujours adaptés aux études supérieures, ne manquent pourtant pas d’audace, mais nous ne leur donnons pas les moyens de s’affranchir du déterminisme social. Aider chaque jeune à devenir entrepreneur, c’est favoriser ceux qui ont des idées avant d’avoir des ressources ; leur donner les capacités d’entreprendre, c’est s’assurer d’une insertion réussie et d’un dynamisme pour la France. Le Gouvernement est-il prêt, monsieur le ministre, à accueillir dans ce texte sur la jeunesse de telles dispositions permettant de favoriser la création d’entreprises pour tous les jeunes ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je me réjouis d’emblée de l’annonce que vient de nous faire M. le ministre au sujet des 7 millions d’euros alloués à la formation des membres des conseils citoyens : dans ces conditions, certains amendements pourront sans doute trouver un écho positif.

Lorsque nous les avons interrogés sur les dispositions relatives à la diversité des recrutements, les représentants de la chambre des métiers nous ont signalé une forme de discrimination touchant les apprentis en matière d’accès aux œuvres universitaires, en particulier les restaurants universitaires. Or leur permettre d’y accéder – particulièrement s’ils exercent non loin d’une cité universitaire – présente non seulement des avantages en termes de mixité, mais leur donne aussi la possibilité de déjeuner correctement à un prix modeste. Cette question peut-elle être résolue ?

Par ailleurs, la mise à la disposition d’autres personnes morales d’engagés de service civique pourrait-elle bénéficier à des associations ? Des collectivités territoriales pourraient ainsi accepter de recruter des jeunes en service civique pour les mettre à disposition d’associations, en contrepartie de quoi le reliquat de 100 euros leur échoirait.

Enfin, comme ma collègue rapporteure thématique vient de le faire, je salue l’esprit de cette loi qui rendra notre jeunesse autonome. Notre jeunesse est notre avenir. Je remercie donc le Gouvernement de nous soumettre ce projet de loi, même si le Parlement ne manquera pas de l’enrichir.

M. Bernard Lesterlin. Je saisis cette occasion pour adresser, je le crois, en notre nom à tous, un cordial salut à François Chérèque, qui incarne l’image même d’un homme d’engagement, et pour souhaiter bon vent à son successeur, Yannick Blanc.

Ce projet de loi dessine enfin un véritable parcours d’engagement dans la citoyenneté : à l’école d’abord, avec le parcours citoyen à l’école, puis à l’adolescence et pendant la jeunesse avec les différentes formes de service civique, enfin tout au long de la vie avec la réserve. La version initiale du projet intégrait cette notion de continuum en prévoyant un livret citoyen qui précise explicitement que le parcours citoyen à l’école constitue la première étape d’un parcours plus long. Cette disposition semble avoir disparu du texte : qu’en est-il ?

S’agissant de la journée défense et citoyenneté, elle fait partie des obligations du service national universel prévues dans le code du service national, mais chacun convient qu’elle ne donne pas satisfaction. Le Président de la République lui-même s’est interrogé sur son bien-fondé il y a un an, lors du cinquième anniversaire de l’adoption de la loi sur le service civique ; depuis, il a suggéré de la spécialiser et d’en étendre la durée ou de la répartir sur plusieurs journées, la première avant dix-sept ans, les deux autres avant les deux anniversaires suivants, par exemple. Qu’adviendra-t-il à la rentrée prochaine ?

Enfin, il me semble qu’il existe dans ce texte une confusion entre l’accès à l’engagement citoyen et au service civique des jeunes étrangers qui ont fait le choix de venir vivre en France – pour qui il était en effet nécessaire de préciser les choses – et l’accès de ceux qui, dans le cadre de la réciprocité, viennent réaliser leur propre engagement citoyen en France avant de regagner leur pays. Leur présence est le fruit d’accords réciproques – de coopération décentralisée, notamment – qui nous permettent d’envoyer de jeunes Français effectuer leur service civique dans les pays amis qui veulent bien les accueillir. Or le texte ne comprend aucune disposition relative à cette dimension internationale, alors que le statut du jeune étranger en engagement citoyen en France pose problème, puisqu’il touche soit au code du service national, soit au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Une harmonisation est donc nécessaire.

Sur ces trois points, qui me semblent être des omissions, les travaux parlementaires permettront, je l’espère, d’améliorer le texte.

Mme Maud Olivier. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous ayez employé l’expression de « belle exigence d’égalité ». Permettez-moi de formuler à ce sujet quelques propositions. Je souhaite tout d’abord que les missions locales mettent en œuvre les objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes afin de lutter contre les stéréotypes sexués et de favoriser la mixité des emplois. En effet, les jeunes femmes se heurtent à des obstacles spécifiques, que j’ai pu largement constater lorsque je présidais une mission locale.

Qui plus est, il convient de faire du sexisme une circonstance aggravante des crimes et délits au même titre que l’homophobie ou le racisme ; Mme Bareigts semble partager ce point de vue.

Ensuite, je propose d’ajouter la mise en œuvre de politiques d’égalité entre les femmes et les hommes aux compétences partagées des collectivités qui sont prévues dans le code général des collectivités territoriales, aux côtés du tourisme, de l’éducation populaire, du sport ou encore de la culture. L’égalité entre les femmes et les hommes y a toute sa place, or elle n’y a pas été inscrite par la loi NOTRe.

Le titre II s’intitule « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat » : je regrette qu’il ne soit à aucun moment fait état du rôle utile que peut jouer l’habitant dans sa propre ville.

Enfin, l’Essonne a testé le curriculum vitae anonyme lorsque j’étais vice-présidente du conseil général, et cette expérience a produit des résultats très intéressants non seulement en matière de non-discrimination en fonction de l’origine et de la couleur de peau, mais aussi en matière d’égalité entre les femmes et les hommes : de nombreuses femmes ont ainsi pu surmonter ce premier obstacle pour obtenir un entretien, voire une embauche. Je suis consciente que ce débat est loin d’être tranché, mais il me semble utile de l’avoir.

M. Régis Juanico. Je commencerai par me réjouir de la création d’une boussole des droits : ce portail unique d’information de la jeunesse est une excellente idée, qui correspond à une proposition que Jean-Frédéric Poisson et moi-même avions formulée à la fin 2013 dans notre rapport sur la mobilité sociale des jeunes, où nous évoquions trois grands portails d’information, l’un sur la mobilité, l’autre sur l’orientation et le troisième sur l’accompagnement des jeunes peu ou pas qualifiés. De même, je me réjouis de la création – suite, là encore, à l’une de nos propositions – d’un conseil d’orientation de la jeunesse, qui permettra de mieux associer les jeunes aux politiques qui les concernent directement.

L’article 14 porte sur la valorisation de l’engagement citoyen dans les formations supérieures. Nous réfléchissons parallèlement à un dispositif plus large de parcours citoyen comprenant tout à la fois le service civique et la journée défense et citoyenneté. Ce parcours citoyen englobe également les quatre parcours qui existent dans l’application FOLIOS de l’éducation nationale, et qui seront généralisés à la rentrée prochaine : parcours éducatif de santé, parcours d’avenir, parcours citoyen et parcours artistique et culturel. Il faudrait d’ailleurs que ce dispositif existe dès l’école élémentaire, car certaines responsabilités – délégué de classe, conseil municipal des enfants, formations aux premiers secours – s’exercent très tôt et pourraient être répertoriées dans ce document. À seize ans, c’est le livret citoyen qui recense les différents engagements des jeunes. Après seize ans, le projet de loi « Travail » prévoit un compte d’engagement citoyen assortis de droits dans le cadre du compte personnel d’activité. Ne peut-on pas envisager d’unifier ces différents outils dans un même dispositif, par exemple un livret citoyen numérique qui permettrait de mieux valoriser l’engagement dès l’école, pendant la jeunesse puis tout au long de la vie ?

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué la question des comptes bancaires associatifs en déshérence. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2014 relative aux comptes bancaires inactifs, dite « loi Eckert », les banques ont l’obligation de répertorier les comptes en déshérence et d’en publier les encours. À l’issue d’un délai de trente ans d’inactivité, ces sommes sont acquises à l’État. Or il y a parmi ces comptes inactifs près d’un million de comptes associatifs sur 2,4 millions de comptes associatifs recensés, sachant qu’il existe environ 1,4 million d’associations actives. Un récent rapport de la Cour des comptes estime que les comptes inactifs des personnes physiques contiennent en moyenne 800 à 1 000 euros ; même si le nombre de comptes demeurant inactifs pendant trente ans ne dépasse pas deux à trois cent mille et que chacun de ces comptes ne contient en moyenne que 500 euros, le montant total en jeu atteint plusieurs centaines de millions d’euros. Nous proposons d’affecter ce montant au Fonds de développement de la vie associative. L’article 40 nous empêche de déposer un amendement à ces fins et nous devrons nous contenter de demander un rapport au Gouvernement sur le sujet, mais j’espère que le Gouvernement pourra prendre une mesure en ce sens, ce qui permettrait de décupler, voire davantage, les moyens accordés au développement des associations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je tiens, avant toute chose, à me féliciter de la qualité de ce texte et à saluer votre engagement, monsieur le ministre.

Les associations sont diverses et constituent un formidable levier de démocratie, d’innovation et de solidarité. Il me semble qu’il faudrait trouver le moyen de les conforter et de les sécuriser dans leurs missions par des financements pérennes. Certaines initiatives comme les contrats pluriannuels, existent déjà et portent leurs fruits, mais les associations se heurtent depuis plusieurs années à de réelles difficultés de moyens. Il existait dans les années 2000 une charte d’engagement entre les associations et les financeurs, qui concernait principalement les associations gérant des établissements ou des services publics, mais qui avait le mérite de permettre aux uns et aux autres de se retrouver, de partager des engagements réciproques et de faire en sorte qu’au fil des missions, les activités donnent lieu à un dialogue sain. Ne serait-il pas possible de reproduire ce modèle pour que le monde associatif retrouve quelque sérénité dans ses activités ?

Vous avez eu une très belle expression, monsieur le ministre : « Comme toutes les constructions humaines, la République est vulnérable ». Avec ce texte, nous avons justement l’occasion de montrer comment la République protège les publics les plus vulnérables, par exemple les personnes en situation de handicap. Nous proposerons plusieurs amendements visant à renforcer l’accès aux droits et la participation et à la citoyenneté de ces catégories. Pour ce faire, il faut aussi renforcer leur accès à l’information, car toutes ces catégories n’ont pas les mêmes possibilités de s’informer. La boussole des droits est une excellente initiative ; par quel support pourra-t-elle être consultée par tous ? On touche ici à la notion d’accessibilité universelle. Nous devons, en outre, mettre notre droit en cohérence avec les récentes recommandations de la conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 19 mai à l’Élysée.

M. Jean-Louis Bricout. Ma question porte sur l’inégalité d’accès aux soins dans le monde rural. La France manque cruellement de médecins généralistes : leur nombre a baissé de 8 % entre 2007 et 2016, et cette baisse est encore plus forte dans les zones rurales, pouvant atteindre jusqu’à 20 % dans un département comme l’Aisne. Ce manque de médecins s’explique principalement par un facteur d’attractivité. Certes, il existe des mécanismes incitatifs comme les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), un outil indispensable sur les territoires. Pourtant, les territoires se trouvent aujourd’hui presque en situation de concurrence pour attirer les médecins dans ces structures. Je connais ainsi un bourg-centre qui, venant de créer une MSP, a débauché le médecin du bourg-centre voisin. À cela s’ajoute une course à la baisse des loyers qui donne presque le sentiment qu’il faudra bientôt payer les médecins pour qu’ils acceptent de s’installer dans les MSP. Un dernier exemple dans ma communauté de communes, mais dans la circonscription de M. Dive : les trois bourgs d’Étreillers, de Vermand et de Holnon ont chacun une pharmacie, mais se battent pour accueillir la MSP.

Autrement dit, les méthodes incitatives sont certes utiles, mais il me semblerait plus pertinent de recourir à des méthodes coercitives mais citoyennes, consistant à proposer à de jeunes médecins d’effectuer leur première installation dans une MSP ; ce serait une forme d’engagement citoyen en faveur de la ruralité.

Mme Brigitte Bourguignon. Permettez-moi de formuler trois propositions pouvant s’ajouter aux dispositions du texte. En matière de lutte contre les inégalités, tout d’abord, il serait utile, à titre expérimental, de développer dans les quartiers difficiles la présence de travailleurs sociaux, en particulier d’éducateurs de jeunes enfants dans les écoles maternelles ou d’éducateurs spécialisés à l’école primaire, qui sont formés pour détecter très tôt les cas les plus problématiques. Ce serait une articulation pertinente entre ce texte et l’éducation nationale, que je défendrai par voie d’amendement.

En matière de lutte contre les discriminations, le problème des réseaux sociaux n’est pas abordé. Il requiert pourtant une vigilance organisée et citoyenne ainsi qu’une formation accrue des jeunes qui ont à faire avec ces réseaux, car on ne mesure pas encore la portée et la rapidité des messages négatifs diffusés par ce nouveau vecteur.

Enfin, je reçois d’innombrables interpellations concernant le dispositif des « voisins vigilants » ; je souhaite que l’on crée parallèlement un mécanisme de voisins bienveillants. Il serait utile que chaque bâtiment dispose de son propre réseau de citoyens engagés, quel que soit leur âge, pour exercer une vigilance bienveillante concernant les personnes isolées, par exemple.

Mme Audrey Linkenheld. Permettez-moi une incursion dans le titre III du texte afin d’évoquer la médiation sociale. En privilégiant l’écoute et le dialogue et en facilitant une meilleure compréhension des situations, des normes et des points de vue, mais aussi des conséquences sociales qu’ont les comportements des uns et des autres, la médiation sociale contribue non seulement à l’apprentissage du vivre-ensemble, mais aussi à l’émergence de solutions nouvelles et adaptées à l’évolution de la société pour favoriser l’égalité réelle des personnes qui sont les plus éloignées de leurs droits. À ce titre, il me semble que la médiation sociale aurait toute sa place dans ce texte, car elle permet d’assurer un égal accès au droit, de redonner confiance dans la République comme espace d’émancipation du citoyen et lieu privilégié du vivre-ensemble. À la fin 2014, le Président de la République lui-même, lors d’un discours prononcé à Lens, avait salué le travail des médiateurs sociaux et appelé à la reconnaissance et à la professionnalisation de ce métier à part entière de la cohésion sociale, mais aussi de la politique de la ville, puisque les contrats de ville font de plus en plus souvent une place à la médiation sociale. Le Premier ministre a repris cette idée en 2015. Pouvez-vous confirmer que cette loi sera l’occasion de reconnaître la médiation sociale, à laquelle nous sommes nombreux à croire ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. Ma question portera sur le service civique, même si j’ai bien conscience qu’elle tranche avec les choix formulés dans ce texte. Qu’il s’agisse de sécurité ou d’intégration, j’estime que notre République se heurte à des problèmes qui dureront une génération au moins, et nous ne devons pas les mésestimer.

Avec le service civique, monsieur le ministre, vous proposez un dispositif beaucoup plus ambitieux que les outils connus jusqu’ici. Il existe cependant une autre option encore plus ambitieuse : le service national universel et obligatoire
– entièrement repensé, cela va de soi, dans sa durée et dans ses formes – pour une meilleure intégration civique. Ce dispositif serait un devoir pour chaque citoyen au service de la collectivité. Ce qui manque au service civique tel que vous le proposez est ce caractère obligatoire et universel. Si nous voulons reconstruire la République, il faut inculquer l’idée d’un dû à la collectivité. Ce dû fait fortement retour vers les jeunes : toutes les enquêtes montrent en effet que de nombreux jeunes, pas forcément issus des quartiers défavorisés, sont en quête de règles
– ceux d’entre eux qui s’engagent dans le djihad souhaitent précisément y trouver des règles qu’ils n’ont pas jusque-là connues ni dans leur famille, ni dans leur quartier, ni dans leur éducation. J’ajoute que les jeunes qui ne sont pas demandeurs de règles seront peut-être les plus utiles à intégrer, y compris dans les classes favorisées où une forme d’égoïsme et d’absence de bienveillance est parfois plus forte que dans les quartiers défavorisés.

Je sais qu’une telle proposition ne va pas dans le sens de ce que vous proposez. Néanmoins, j’ai lancé une pétition – que plusieurs collègues ici présents ont signée – et un site qui ont produit des retours très positifs de la population, y compris dans les Hauts-de-France, et les sondages indiquent que 80 % des Français sont favorables au retour d’un service national naturellement repensé
– car l’ancien service était inégalitaire et ne doit pas être reproduit, et nous possédons une armée professionnelle qu’il ne faut pas remettre en cause. Quoi qu’il en soit, il me semblerait utile à terme de réfléchir, peut-être dans le cadre d’une loi de programmation, à l’instauration d’un véritable service national universel – touchant tous les jeunes, garçons et filles – et obligatoire qui permettrait sinon l’apprentissage des armes, au moins celui de la protection civile, à l’heure où nous manquons de jeunes pompiers bénévoles et où nous gagnerions à mobiliser des jeunes formés en cas d’attentat ou de grave risque sécuritaire, y compris pour libérer de certaines tâches les soldats affectés à l’opération Sentinelle. J’ai espoir que cette idée chemine car, alors qu’il faut consolider notre République, je crains l’éparpillement des bonnes idées ; au contraire, une idée forte et simple, plébiscitée par la population, aurait peut-être ici sa place.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Je m’associe naturellement à l’ensemble des encouragements et félicitations qui vous ont été adressés, monsieur le ministre, non seulement pour le texte lui-même mais aussi pour les mesures que vous venez d’annoncer, dont certaines avaient été suggérées par nos collègues ici présents et correspondent à l’état d’esprit dans lequel travaille notre commission spéciale. Nous avons, en effet, essayé d’aborder les problèmes de manière transversale : la question de la jeunesse, par exemple, apparaît dans les trois titres du texte. Valérie Corre et d’autres ont très justement souligné la notion de participation, que ce soit dans les conseils citoyens, dans les syndicats et associations de locataires du parc social ou encore dans la jeunesse.

Puisque votre mission est de garantir la cohérence de ce texte, monsieur le ministre, nous allons vous y aider. Je souhaite, de ce point de vue, appeler votre attention sur plusieurs sujets. Permettez-moi, avant de le faire, de rappeler que les délais d’examen de ce texte ont été très serrés et qu’ils nous ont compliqué la tâche, même si je suis convaincu que nous réussirons. Plusieurs propositions, toutefois, devront sans doute mûrir jusqu’à la séance.

Parmi les amendements que nous vous proposerons pour garantir la cohérence du texte sans en altérer le sens profond, je pense à ceux qui porteront sur la multiplicité des outils existants – livret citoyen, future carte du service civique, livret d’engagement, et autres. Nous perdons en lisibilité. Pour mémoire, les seuls documents physiques que les Français conservent depuis la naissance sont le carnet de santé et le livret de famille.

Deuxième ensemble de mesures sur lesquelles nous devrons travailler : le congé d’engagement citoyen, le compte personnel d’activité, la formation, le livret citoyen, les crédits européens dits ECTS qui favorisent les étudiants engagés au détriment de ceux qui n’en ont pas le temps. Là encore, nous devrons unifier les dispositifs pour les rendre plus lisibles. Nous ne pourrons pas tout faire, mais nous pourrons faire beaucoup ; or ce Gouvernement et cette majorité font beaucoup, mais ce qu’ils font n’est pas assez connu. Le travail parlementaire peut contribuer à y remédier.

Les questions soulevées par Valérie Corre et Régis Juanico devront être tranchées. Il faut, par exemple, asseoir dans la loi le rôle du conseil d’orientation de la jeunesse, et ce dès l’examen en commission ; dans le même temps, nous devrons trouver les articulations nécessaires avec les questions de participation.

Se posent enfin deux questions qui concernent spécifiquement la jeunesse. La première a trait à la régulation du service civique, qui doit se faire tout en préservant une souplesse nécessaire à sa généralisation. Il faut, en effet, préciser davantage que par une simple déclaration de principe que le service civique ne se substitue pas à l’emploi.

D’autres questions mériteront d’être rassemblées autour du titre III : l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi tout le volet social de l’action en faveur de la jeunesse, qu’il s’agisse de l’assouplissement et de la garantie de l’accès des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans à la CMU-C, du logement, de la garantie universelle ou encore la mobilité. Tous ces sujets méritent d’être regroupés dans une partie commune concernant le nouveau contrat social avec la jeunesse.

Enfin, je vous remercie d’établir un chef de filât en matière d’information des jeunes, car il était incroyable que la jeunesse, pourtant priorité du Gouvernement, demeure dans la loi NOTRe la seule compétence partagée au point que tout le monde s’en occupe – et donc personne. Nous proposerons d’adosser ce chef de filât à un document stratégique de coordination pluriannuelle claire et ambitieuse des différents acteurs.

Mme la présidente Annick Lepetit. Pouvez-vous dresser un bref bilan de la consultation citoyenne que vous avez organisée autour de ce projet de loi ?

Comment peut-on inciter les personnes qui sortent rarement de leur quartier ou de leur hameau à s’engager ? Malgré des mesures d’encouragement et l’action des associations, nous constatons en effet que, même à Paris où les transports collectifs sont extrêmement développés, certains adolescents ne sont encore jamais sortis de leur quartier. Quel est l’état de vos réflexions en la matière ?

M. le ministre. Les questions sont nombreuses, je les reprendrai dans l’ordre.

Je m’étonne, monsieur Blein, que vous n’ayez pas évoqué la clause d’impact jeunesse, à laquelle je vous sais attaché : elle existe désormais, au terme d’un long débat – je devrais même parler de long combat –, comme il existe une clause d’impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes et sur les personnes en situation de handicap. Je suis fier d’offrir à notre jeunesse un outil qui permettra à terme de vérifier que les textes législatifs sont criblés en faveur des intérêts des jeunes.

S’agissant de la définition de l’intérêt général, nous disposons désormais d’un outil avec le rapport du Haut conseil à la vie association (HCVA) et la reconnaissance du congé d’engagement pour les dirigeants associatifs. Il est vrai qu’à ce stade, nous nous sommes limités aux structures éligibles aux déductions fiscales grâce à la reconnaissance de l’intérêt général. La question sera de nouveau abordée au fil du débat parlementaire, mais nous estimons d’ores et déjà à deux millions le nombre de personnes qui pourront bénéficier du congé d’engagement en vertu de la définition actuelle des associations à caractère d’intérêt général, sachant que des extensions sont possibles pour englober les bénévoles encadrant d’autres bénévoles. Nous étudierons comment mieux cibler cette notion d’intérêt général compte tenu des droits nouveaux ouverts grâce au congé d’engagement.

Vous avez également évoqué le droit – presque opposable – à la mobilité qui, pour les jeunes, passe par le permis de conduire. Autoriser le passage du code au niveau scolaire ouvre un débat complexe qui suppose une négociation avec le ministère de l’intérieur et avec les auto-écoles, naturellement jalouses de leur pré carré. Je le dis en toute franchise : c’est une question sensible qui a des implications économiques. Cela étant, nous connaissons trop de jeunes dont les recherches d’emploi échouent car ils ne possèdent pas ce sésame qu’est le permis de conduire. Le Gouvernement et le Parlement devront donc s’interroger sur ce droit absolu ; reste à savoir quelles conditions juridiques et financières doivent encadrer son obtention.

M. le rapporteur général. Nous avons quelques idées…

M. le ministre. Il est vrai que le nombre de missions de service civique dans la sphère publique est insuffisant, même si les associations représentent 70 % des missions, et non 80 %, contre 30 % à la sphère publique. Les administrations publiques progressent donc, bien que les collectivités, en particulier les communes, demeurent très en retard. Les ministères font des efforts ; les collectivités locales doivent s’engager davantage, comme je l’ai récemment indiqué à François Baroin, président de l’Association des maires de France.

Faut-il moduler l’intensité du service civique en abaissant le plancher d’heures pour multiplier le nombre d’engagements ? Le débat doit avoir lieu.

Rares sont les jeunes, monsieur Breton, pour qui la journée Défense et citoyenneté constitue un moment essentiel dans leur parcours – c’est un euphémisme. Je crois que cette JDC peut évoluer ; à titre personnel, je suis favorable à ce qu’elle soit portée à six ou sept jours et qu’elle comprenne des modules complets afin de donner corps aux notions de brassage et de mixité tout en étant utile à chaque jeune concerné. Le Président le République n’a pas écarté cette hypothèse, dont il faudra débattre peut-être dans le cadre de cette loi, peut-être aussi à l’occasion des échéances démocratiques qui approchent. L’allongement à plusieurs jours de la JDC n’est pas sans conséquences sur le budget de l’État : aujourd’hui, elle représente une dépense d’environ 100 millions d’euros ; son extension sur plusieurs jours à toute une génération, soit environ 800 000 jeunes, coûterait entre 500 et 600 millions d’euros.

Ce débat est utile. Il est en lien avec la question de Mme Bechtel : à titre personnel, je ne suis pas favorable à la création d’un nouveau service universel et obligatoire pour tous, avant tout parce qu’il serait contraire à la notion même d’engagement. Face à toute obligation, le sport favori des intéressés consiste à chercher les moyens de ne pas la remplir. Pour mémoire, la dernière conscription du service militaire obligatoire, en 1997, n’a réuni que 240 000 jeunes hommes environ, soit à peine plus de la moitié des jeunes pouvant être appelés – ce qui signifie qu’un nombre important de jeunes ont été réformés ou exemptés. Le débat existe certes, dans l’exécutif comme au Parlement. Cependant, les jeunes que je côtoie sont résolument attirés par un service à la nation sur la base de l’engagement ; très rares sont ceux qui souhaitent qu’il soit rendu obligatoire. Au contraire, ils préfèrent un engagement utile et reconnu. En clair, il y a là un véritable débat que le présent texte ne permettra sans doute pas de trancher, mais qui pourra se poursuivre.

Vous avez également, monsieur Breton, évoqué le vote obligatoire. Il supposerait sans doute de reconnaître le vote blanc, de prévoir des sanctions et d’organiser les scrutins non plus le dimanche, mais en période de travail ; le sujet est donc très vaste. Je ne suis pas certain que le projet de loi constitue le support le plus adapté pour en débattre, mais cette question se pose naturellement, compte tenu de l’expérience de certains pays étrangers comme le Royaume-Uni, par exemple.

M. Allossery a eu raison de rappeler qu’il n’existe pas de crise de l’engagement : les jeunes veulent pouvoir être reconnus. De ce point de vue, il nous appartient de leur donner des outils d’expression officiels. Je rencontre régulièrement le collège des jeunes du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui bénéficie d’une véritable reconnaissance au sein de la troisième assemblée de la République. Pourquoi ne pas imaginer que les CESE régionaux comportent eux aussi des collèges de jeunes ? De même, il faut encourager – et non contraindre – les collectivités territoriales à créer des conseils de jeunes irriguant les territoires et susceptibles d’alimenter les travaux du futur conseil d’orientation des politiques de la jeunesse. Celui-ci ne figure pas dans le texte, mais je sais que le rapporteur général voudrait l’y introduire ; il semble qu’une telle disposition relève du pouvoir réglementaire, mais le débat est légitime. Quoi qu’il en soit, il existe en France des lieux où les jeunes peuvent s’exprimer et faire valoir leur avis ; pour les développer, je préfère convaincre plutôt que contraindre les collectivités.

Quant au dialogue structuré que vous évoquez, monsieur Allossery, il est une méthode employée au niveau européen ; au niveau national, je vous ai répondu.

Mme Corre s’est inquiétée que différentes questions institutionnelles comme le droit de vote à seize ans et le cumul des mandats ne soient pas évoquées dans le projet de loi, mais il ne me semble pas qu’il puisse y répondre. En revanche, j’ai commandé, voici plus d’un an, un rapport à France Stratégie, qui m’a remis un document dont je vous recommande la lecture et qui contient des propositions iconoclastes telles que l’instauration du droit de vote à seize ans ou l’interdiction de se représenter à une élection après l’âge de soixante-dix ans
– mesure dont je suis certain qu’elle ne fait pas l’unanimité au sein du Parlement… Le rapport en question comportait bien d’autres recommandations intéressantes, comme le non-cumul des mandats dans le temps. Le présent projet de loi n’est pas adapté à ce type de mesures. De plus, si nous voulons qu’il chemine et aboutisse à un consensus, tout du moins à un rapprochement des points de vue, il faudra faire le tri des questions devant y être abordées – ce qui n’empêche pas que le débat pourra avoir lieu, peut-être à l’occasion d’un prochain moment démocratique.

S’agissant de l’alternative entre contrainte et volontariat, je suis partisan de faire de l’engagement une obligation naturelle dans les esprits.

Quant au chef de filât accordé aux régions en matière d’information des jeunes, levons tout malentendu : il ne s’agit pas d’une compétence exclusive. La proposition que vous faites, madame Corre, de prévoir des schémas d’orientation est néanmoins intéressante : s’il y a un chef de file, il faut aussi un document obligatoire, même si ses conclusions ne sont pas contraignantes, pour inciter tous les partenaires à travailler ensemble autour de la région, qui est la collectivité la plus indiquée pour assurer cette coordination.

Le dispositif « meilleurs bacheliers », proposé par la ministre de l’éducation nationale, n’a pas suscité que des réactions favorables ; nous y reviendrons au cours du débat, puisque des amendements seront défendus pour le remettre en cause, et nous devrons choisir les modalités les plus favorables aux jeunes bacheliers.

Il est vrai, monsieur Dive, que les concours de la fonction publique ne sont pas la seule et unique perspective des jeunes ; c’est pourquoi nous encourageons l’initiative entrepreneuriale, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C’est la raison d’être de l’agence France Entrepreneur qui est présidée par M. Mohed Altrad, un homme extrêmement dynamique que l’on ne présente plus dans cette commission. L’objectif est de faire comprendre aux jeunes que le manque de diplômes n’est pas forcément un frein à la création d’une entreprise. De même, la création lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté de la grande école du numérique permet à des jeunes d’entrer dans la dynamique salariale et entrepreneuriale dans le secteur du numérique sans posséder les habituels diplômes requis. C’est aussi pour cette raison qu’une disposition figurant dans le projet de loi défendu par Axelle Lemaire vise à ouvrir les bourses aux jeunes inscrits dans cette grande école. En clair, il va de soi que la création d’entreprises fait partie des priorités du Gouvernement, qui agit en lien avec les chambres consulaires.

Nous avons voulu donner du sens aux conseils citoyens par la formation de leurs membres, madame Chapdelaine, car l’absence de formation peut vite se traduire par une forme de démagogie. Des personnes qui peinent à s’exprimer en public, qui ignorent le fonctionnement de l’institution ou qui ont du mal à élaborer des projets, ne seront pas des interlocuteurs crédibles pour les élus. Pour enclencher une dynamique de démocratie participative, nous devons pouvoir faire confiance aux membres des conseils citoyens, qu’ils aient été désignés ou qu’ils aient présenté leur candidature spontanée : l’objectif, en effet, est qu’ils deviennent de véritables relais de l’opinion et de la parole citoyenne, mais aussi des interlocuteurs actifs des élus locaux. Je précise que le conseil citoyen n’est pas un conseil municipal bis : la souveraineté reste l’apanage des élus et la démocratie représentative est préservée, mais elle ne peut que s’enrichir de l’expérience de terrain que possèdent les citoyens réunis dans ces conseils.

La proposition très pertinente que vous faites concernant l’accès aux restaurants universitaires est actuellement étudiée par le ministère de l’éducation nationale et devrait donner lieu à une mesure d’ordre réglementaire.

Je suis réservé quant à la possibilité pour les collectivités locales de mettre des jeunes en service civique à la disposition d’associations. Accueillir un jeune en service civique suppose d’en être responsable et confère une obligation non seulement juridique, mais aussi morale. Je ne souhaite pas qu’il soit possible à une collectivité d’engager cent jeunes en service civique pour en mettre quatre-vingt-dix à la disposition d’associations et, ce faisant, se défausser de toute responsabilité, car ce n’est pas dans notre intérêt. Peut-être pourrons-nous envisager cette éventualité lorsque le service civique sera généralisé et que nous aurons un recul suffisant mais, à ce stade initial, je préfère que les collectivités accueillant des missions de service civique en assument toutes les responsabilités.

J’ai toujours été persuadé, monsieur Lesterlin, de la cohérence entre les trois cents heures d’enseignement moral et civique, la journée Défense et citoyenneté telle qu’elle est remaniée, le service civique et la réserve citoyenne ; c’est sur ces piliers que repose la culture de l’engagement.

Vous m’avez interrogé sur la réciprocité de certains services civiques. Il existe d’ores et déjà un service civique européen qu’il faut développer, ce pour quoi nous négocions avec l’Europe la pérennisation de différents dispositifs de financement. En matière de mobilité internationale, les freins auxquels se heurtent de nombreux jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville n’ont pas encore été levés. En effet, sur les 110 000 jeunes qui effectuent un service ou une mission de telle ou telle sorte à l’étranger, un sur dix seulement est issu des quartiers défavorisés. Il nous faudra combler cette fracture civique internationale, et ce texte peut y contribuer.

L’égalité entre les femmes et les hommes relève déjà des compétences des missions locales, madame Olivier, même s’il faudra sans doute faire davantage en la matière. Avec la garantie jeunes, les missions locales sont des partenaires indispensables du service public de l’insertion des jeunes et leur contribution ne se limite pas qu’à l’emploi. Votre proposition est donc tout à fait pertinente. De même, je ne vois que des avantages à faire du sexisme une circonstance aggravante des crimes et délits.

En revanche, je ne suis pas favorable au curriculum vitae anonyme, et ce pour des raisons philosophiques. Je ne vois pas pourquoi cette pratique devrait être nécessaire pour que les qualités d’un jeune de couleur, portant un nom nord-africain ou résidant à une adresse stigmatisée puissent être reconnues. Je préfère le développement du curriculum vitae sous format vidéo, comme le fait la fondation Face, car il permet aux jeunes de montrer toutes leurs qualités quels que soient leur origine, leur sexe, leur couleur de peau, leur adresse. En outre, l’anonymat tombe nécessairement lors de l’entretien d’embauche. L’obligation de présenter un CV anonyme a d’ailleurs été supprimée dans un texte défendu par François Rebsamen. Je suis néanmoins conscient que cette pratique donne des résultats dans certaines structures et entreprises ; je n’y suis donc pas définitivement défavorable, mais je n’en souhaite pas la généralisation.

Je ne vois que des avantages, monsieur Juanico, à ce que le conseil d’orientation de la jeunesse soit de nouveau abordé lors du débat parlementaire, avec les réserves que j’ai évoquées. Quant au livret citoyen, il relève du pouvoir réglementaire. Enfin, la recherche de la cohérence est, à mon sens, l’une des principales priorités de ce texte, car cette culture de l’engagement doit permettre à chacun de savoir que ce qu’il ou elle fait pour la nation à tout moment de sa vie sera reconnu. C’est pour cette raison que le compte personnel d’activité tiendra compte des engagements des titulaires.

Nous avons fait des progrès en matière de financement du secteur associatif, madame Carrillon-Couvreur, avec la charte des engagements réciproques et le dossier de subvention unique. De même, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens vont peu à peu devenir la règle dans le secteur associatif. On ne peut, en effet, demander aux associations de concourir à la mission d’intérêt général de la nation sans leur faciliter la tâche. Je regrette que le secteur associatif, comme je l’ai récemment entendu dire au congrès des maires de France, soit la variable d’ajustement des finances municipales, même si je n’ignore pas que les élus locaux doivent, plus encore aujourd’hui qu’hier, fixer des priorités. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de mettre en péril ces partenaires des missions d’intérêt général que sont les associations. Cela étant, chacun doit rendre des comptes, et reconnaissons que certaines associations ont encore des progrès à faire dans leur fonctionnement démocratique.

Est-il encore facile de vivre dans le monde rural, monsieur Bricout ? Non. Faut-il prendre les mesures permettant à la ruralité de constituer l’ADN de notre pays ? Oui. C’est tout l’objet des comités interministériels à la ruralité, dont le dernier s’est réuni à Privas. La question de la santé en milieu rural n’a cessé d’y être posée. Parallèlement à la multiplication des maisons pluriprofessionnelles de santé, la ministre de la santé a décidé de fixer, grâce à un mécanisme de bourses, des quotas de jeunes médecins affectés dans les zones rurales ou défavorisées. Je sais, monsieur le député, que l’Aisne souhaite pouvoir se développer tout en permettant à son secteur rural d’exister.

De même, nombreux sont les jeunes qui souhaitent rester dans la zone rurale où ils habitent, à condition de pouvoir y disposer des équipements publics nécessaires. La création d’un dojo dans votre ville, monsieur Bricout, répond aussi à cette préoccupation : les jeunes ne se maintiendront pas dans les territoires ruraux si ceux-ci ne disposent pas d’une offre suffisante en termes d’équipements, d’animation et de perspectives, pour que la solution du départ vers la ville ne soit jamais choisie par défaut et en raison des circonstances.

Je ne vous cache pas mon inquiétude, madame Bourguignon, que certains clubs d’éducation spécialisée soient mis en péril. Mme Linkenheld a raison de rappeler que nous avons besoin de médiation sociale – même si je ne suis pas certain qu’il faille aller jusqu’à adopter sa proposition en la matière. Il faut, en tout état de cause, mailler le territoire de professionnels capables de répondre à la situation de publics parfois fragiles. Il me semble, par exemple, inacceptable que certains départements soient dépourvus de pédopsychiatres. Pour éviter l’embrigadement de jeunes perturbés par des extrémistes malveillants, un accompagnement psychologique professionnel – que les parents et l’entourage ne sont pas en mesure d’apporter – est parfois nécessaire. Les pouvoirs publics dans leur ensemble doivent se saisir de cette difficulté.

Je prends note, madame Bourguignon, de votre proposition de créer des réseaux de voisins bienveillants, qui puissent aussi – pourquoi pas ? – lutter contre les dérives qui peuvent se produire sur les réseaux sociaux. Quoi qu’il en soit, la notion de voisinage est reconnue par le label « La France s’engage », qui permet notamment de financer des structures de développement du voisinage et de la solidarité partagée ; votre idée est donc tout à fait réaliste et s’inscrit dans le processus général de réserve citoyenne.

Sans doute ce projet de loi donnera-t-il lieu à un débat sur le service national universel et obligatoire, madame Bechtel ; c’est un sujet ouvert que le Premier ministre lui-même évoque. À ce stade, je me fonde sur la loi créant les services civiques telle qu’elle a été votée en 2010 ; la campagne électorale permettra sans doute de débattre de l’opportunité de son évolution.

Je conviens, monsieur le rapporteur général, que les délais d’examen du texte sont très courts, et je le regrette. Je connais néanmoins votre motivation et ne doute pas que vous parviendrez à conclure vos travaux. Je partage votre sentiment à propos du besoin de cohérence et du conseil d’orientation de la jeunesse. Le nouveau contrat social avec la jeunesse est une obligation républicaine qui découle tacitement de ce texte, même s’il comporte des mesures très variées ; à nous de le transformer en geste fort envers nos concitoyens.

Les résultats de la consultation citoyenne seront synthétisés, madame la présidente, et la commission en aura naturellement connaissance.

Vous avez conclu par une question essentielle : comment encourager les jeunes à ne pas considérer leur territoire de vie comme une forme de prison sans barreaux ? Au fond, c’est en appliquant toutes les mesures que nous venons d’évoquer que nous permettrons leur émancipation, leur engagement, leur accès aux soins, au logement et à l’insertion professionnelle, pour que ces jeunes soient non pas des relégués de la République mais des partenaires incontournables de notre société. On mesure, en effet, le niveau de civilisation d’une société à l’aune de la place qu’elle accorde à ses jeunes.

Mme la présidente Annick Lepetit. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

EXAMEN DES ARTICLES

La Commission spéciale procède, sur le rapport de M. Razzy Hammadi, rapporteur général, Mme Valérie Corre, M. Philippe Bies et Mme Marie-Anne Chapdelaine, respectivement rapporteurs thématiques sur les titres Ier, II et III, à l’examen des articles du projet de loi « Égalité et citoyenneté » lors de ses séances des mardi 14, mercredi 15 et jeudi 16 juin 2016.

TITRE IER
ÉMANCIPATION DES JEUNES, CITOYENNETÉ ET PARTICIPATION

Chapitre Ier
Encourager l’engagement républicain de tous les citoyens pour faire vivre la fraternité

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CS1200 de M. Razzy Hammadi, rapporteur général.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Cet amendement reflète les nombreuses discussions que nous avons eues, avec des députés de toutes les sensibilités. Il prend en considération les nombreuses propositions d’amendements que nous avons reçues visant à inclure dans l’intitulé du titre Ier la notion de participation.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le titre Ier ne porte pas principalement sur les dispositifs de participation, mais plutôt sur la citoyenneté. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS328 de Mme Chantal Guittet.

Mme Maud Olivier. Cet amendement rédactionnel vise à faire prendre l’habitude d’utiliser une communication dépourvue de stéréotype de sexe.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier. La modification que vous introduisez me paraît acceptable, dès lors qu’elle ne concerne que le titre du chapitre. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement permet de féminiser le titre, et ses dispositions, par rebond. J’émets donc un avis de sagesse bienveillante.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS447 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Nous devons avoir, pour ce texte, un souci de clarté, y compris sémantique. La « réserve citoyenne de défense et de sécurité » existe de longue date, et elle est bien connue de la population sous ce nom. Il me semble préférable d’harmoniser le vocabulaire pour ce qui relève de l’engagement citoyen. Je propose donc de baptiser « réserves civiques » les réserves prévues aux articles 1 à 7 du projet de loi.

Cette proposition nous a été faite lors de son audition par le haut-commissaire à l’engagement, M. Yannick Blanc.

Mme Élisabeth Pochon. J’approuve cet amendement, d’autant que le terme de citoyen renvoie à la notion de vote, alors que les jeunes pourront s’engager dans ce dispositif sans posséder la nationalité française. Le terme de civique paraît plus ouvert.

M. Régis Juanico. J’approuve également cet amendement. Il faut clarifier l’idée d’un parcours citoyen qui comporte différentes étapes tout au long de la vie : dès l’école élémentaire, au collège avec les cours prévus et grâce à l’application Folios, puis avec le livret citoyen à seize ans, comme l’a indiqué le Président de la République, puis encore avec le service civique et la réserve. Enfin, l’article 14 du projet de loi permet une valorisation de l’engagement dans l’enseignement supérieur et, en ce qui concerne la vie au travail, le projet de loi Travail met en place le compte engagement citoyen et le compte personnel d’activité.

Le terme « civique » me paraît propre à exprimer la continuité de ce parcours. Par ailleurs, pour nombre d’entre nous qui appartiennent à la réserve citoyenne de défense, il paraît judicieux d’établir clairement la distinction.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage entièrement cette idée. Toutefois, je vous propose de retirer cet amendement au profit de ceux des rapporteurs, qui opèrent également des modifications de nature rédactionnelle.

L’amendement est retiré.

*

Article 1er
Institution d’une réserve civique

I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article institue une réserve citoyenne de portée générale, dont l’objectif, décrit par le premier alinéa du présent article, est d’offrir à tous la possibilité de participer, à titre bénévole et occasionnel, à la réalisation de projets d’intérêt général et, ainsi, de « servir les valeurs de la République ». Au-delà, comme il est rappelé à l’alinéa 9 du présent article, la réserve citoyenne doit contribuer à développer la fraternité, la cohésion nationale et la mixité sociale.

La réserve citoyenne a également vocation à réunir sous un même dispositif les réserves civiles et militaires non opérationnelles qui existent actuellement et qui répondent, dans leurs modalités, au caractère bénévole et occasionnel de la réserve citoyenne dont le présent article détermine les principes généraux de fonctionnement. Ainsi, la réserve citoyenne comprendrait des réserves thématiques parmi lesquelles :

– la réserve citoyenne de la réserve militaire, prévue par les articles L. 4241-1 et L. 4241-2 du code de la défense, dont la dénomination évoluerait vers celle de « réserve citoyenne de défense et de sécurité » pour éviter toute confusion sémantique (cf. encadré infra) ;

– les réserves communales de sécurité civile prévues aux articles L. 724-1 à L. 724-14 du code de la sécurité intérieure, qui ont pour objet « d’appuyer les services concourant à la sécurité civile en cas d’événements excédant leurs moyens habituels ou dans des situations particulières », notamment par l’assistance aux populations, l’appui logistique, l’aide au rétablissement des activités et la préparation des populations aux risques (5) ;

– la réserve citoyenne de l’éducation nationale, créée par une circulaire du 12 mai 2015 et faisant l’objet, en application de l’article 6 du présent projet de loi, d’un nouvel article L. 911-6-1 au sein du code de l’éducation (cf. infra).

La réserve citoyenne inclurait également la réserve citoyenne de la police nationale créée par l’article 6 du présent projet de loi (cf. infra), ainsi que d’autres réserves thématiques qui pourraient être créées, ultérieurement, par la loi.

Les différentes composantes de la réserve militaire

La réserve militaire, telle qu’elle est définie à l’article L. 4211-1 du code de la défense, doit permettre à tout citoyen de participer à la défense de la Nation. La réserve militaire est constituée de deux composantes : la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne. Elle est un complément indispensable aux forces armées, directions et services du ministère de la défense sans laquelle ceux-ci ne pourraient remplir leur mission et leur contrat opérationnel. Elle est également un relais vers la société civile et participe au rayonnement en promouvant l’esprit de défense et en diffusant sa connaissance du monde de la défense dans le monde civil.

La réserve opérationnelle est composée de citoyens Français de plus de 17 ans issus de la société civile, avec ou sans expérience militaire, et d’anciens militaires d’active qui signent un engagement à servir dans la réserve (ESR), pour une durée de 1 à 5 ans. Les réservistes militaires permettent de faire face à la simultanéité des opérations et d’accroître la capacité des forces à durer en renforçant les unités d’active en particulier lors des pics d’activité – opération Sentinelle, plan Vigipirate, crises sur le territoire national, intempéries, etc. Ils apportent aussi leur expertise et leur expérience dans des spécialités professionnelles peu connues ou particulièrement utiles – risques environnementaux, infrastructure, communication, armements, etc. Au 30 novembre 2015, la réserve opérationnelle militaire était composée de 28 000 réservistes du ministère de la défense et 23 000 réservistes de la gendarmerie nationale. Au total, la réserve militaire opérationnelle est composée de 51 000 personnes.

La réserve citoyenne est constituée de volontaires agréés par les autorités militaires en raison de leurs compétences, de leur expérience, mais aussi de leur intérêt pour les questions de défense et de sécurité nationale. Les réservistes citoyens ont pour principale mission de contribuer à la diffusion de l’esprit de défense et au renforcement du lien entre la Nation et son armée. Ils peuvent être sollicités pour des actions de communication, de relations publiques, de recrutement, pour contribuer au devoir de mémoire, fournir une expertise professionnelle de haut niveau et participer à des actions de sensibilisation et d’information sur l’intelligence économique et les questions de défense. Au 30 juin 2015, la réserve citoyenne était composée de 2 387 bénévoles au sein du ministère de la défense et de 1 293 bénévoles au sein de la gendarmerie nationale, soit un total de 3 680 personnes.

Enfin, émanation de la réserve citoyenne, le réseau de la réserve citoyenne cyberdéfense (RCC) se compose de 150 membres répartis en sept groupes de travail et huit équipes régionales.

Source : Ministère de la Défense.

Les dispositifs réunis au sein de la réserve citoyenne pouvant être régis par des dispositions légales propres, l’alinéa 8 du présent article a prévu que les dispositions des articles 1er à 7 du présent projet de loi leur étaient applicables sous réserve de leur compatibilité avec les dispositions légales particulières dont ils font par ailleurs l’objet. Ainsi, comme l’indique l’avis du Conseil d’État du 31 mars 2016 sur le présent projet de loi, « la rédaction du texte [permet] de faire prévaloir, le cas échéant, les dispositions propres à chaque type de réserve sur les règles générales établies par la présente loi, en particulier pour réserver l’accès de la réserve citoyenne de défense et de sécurité aux seuls ressortissants français » (6).

Conformément à la proposition émise par MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé dans leur rapport au Président de la République, une charte de la réserve citoyenne, prévue à l’alinéa 10, énoncerait les engagements réciproques pris par les réservistes et leurs organismes d’accueil. L’alinéa 11 confie enfin à l’État le rôle de garant du respect des finalités de la réserve citoyenne et des règles qui la régissent.

II. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

Tel que le présent article est rédigé, la réserve citoyenne serait constituée de différentes réserves légales thématiques, existantes – défense, sécurité, éducation nationale – ou à venir, sans pour autant constituer un tronc commun généraliste dans lequel les réservistes pourraient évoluer sans spécialisation. MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé avaient cependant préconisé, dans leur rapport remis au Président de la République, que la création de sections thématiques « ne [remette] pas en cause l’unité et l’universalité de l’engagement pour éviter une organisation en " tuyaux d’orgue " qui méconnaîtrait l’objectif unificateur initial » (7). Dans la mesure où c’est également là l’intention du Gouvernement, il importe de modifier la rédaction du présent article afin de clarifier la façon dont la réserve citoyenne sera effectivement structurée.

Au-delà des réserves déjà existantes, des réserves thématiques peuvent être créées, en application du présent article, par la seule loi. Si cette disposition a vocation à conférer une certaine cohérence à la réserve citoyenne, elle constitue cependant un frein dommageable à la création de nouvelles réserves thématiques, dans un domaine où la réactivité doit être de mise pour mieux s’adapter aux demandes des réservistes et aux besoins des populations. Ainsi, sauf à ce que les réserves nouvellement créées soient régies par des dispositions spécifiques contraires à celles prévues par les articles 1er à 5 du projet de loi, il n’apparaît pas justifié d’empêcher leur création par la voie réglementaire.

Par ailleurs, ainsi que plusieurs interlocuteurs l’ont souligné, au cours des auditions conduites par la rapporteure, il apparaît souhaitable que le Haut conseil à la vie associative, qui joue un important rôle de conseil vis-à-vis des pouvoirs publics dans le domaine de l’engagement, puisse être consulté lors de la création de nouvelles réserves thématiques, dès lors que celles-ci sont susceptibles de concerner le secteur associatif.

Sous ces réserves, le dispositif prévu aux articles 1er à 5 du présent projet de loi semble à même de répondre à la volonté de nombreux citoyens de s’engager et d’exercer, de façon plus ou moins ponctuelle, une activité d’intérêt général. Loin de concurrencer l’engagement associatif, il apparaît qu’une telle possibilité peut, au contraire, susciter des vocations bénévoles ultérieures. Ainsi, « la réserve peut être le point de départ d’un parcours bénévole qui conduira le réserviste vers un engagement durable dans une association, voire à la prise de responsabilité au sein de celle-ci. De la même manière, un bénévole associatif peut très bien intervenir sur des missions ponctuelles au titre de la réserve, en dehors de son cadre associatif habituel. » (8)

La concurrence entre la réserve citoyenne et le bénévolat associatif sera d’autant moins réelle que les associations seront en mesure de s’approprier le dispositif, comme elles ont su le faire du service civique. Ainsi, si les réserves mentionnées par le présent article sont gérées par les pouvoirs publics, il convient aussi de permettre aux associations, seules si elles ont l’envergure nécessaire ou sous la forme d’un collectif, de gérer elles-mêmes une réserve en lien avec leur activité.

Enfin, lors des auditions conduites par la rapporteure, il est apparu que les termes de « réserve civique » donneraient sans doute plus de cohérence au dispositif étatique relatif à l’engagement, en lien avec le service civique et le Haut commissaire à l’engagement civique.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

Outre le changement de dénomination suggérée par la rapporteure thématique, la Commission spéciale a adopté plusieurs amendements tendant à permettre la consultation pour avis du Haut conseil à la vie associative lors de la création, par la voie réglementaire ou législative, de nouvelles réserves thématiques ainsi que lors de l’élaboration de la charte de la réserve civique et en cas de modification de celle-ci. La Commission spéciale a également adopté un amendement des rapporteurs tendant à permettre la réquisition des réservistes en cas d’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité ou à la sécurité publique.

*

La Commission examine l’amendement CS1139 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. C’est l’amendement dont je vous parlais à l’instant : il rebaptise les réserves citoyennes en « réserves civiques » ; il affirme également de façon plus explicite le caractère généraliste de la réserve.

Mme Isabelle Le Callennec. La participation sera-t-elle systématiquement bénévole ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Absolument.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis très attaché à cette culture de l’engagement, engagement naturellement bénévole.

Cet amendement me paraît cohérent avec l’ensemble du projet de loi, charpenté autour du haut-commissaire à l’engagement civique. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1102 des rapporteurs.

Elle aborde ensuite l’amendement CS1140 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à permettre la création de nouvelles réserves thématiques par la voie réglementaire, et non par la voie législative ; il impose une consultation du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) lors de la création de nouvelles réserves.

Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi ce passage du législatif au réglementaire ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Tout simplement parce que la procédure est moins lourde.

M. Pascal Thévenot. Quel est alors le rôle du Haut Conseil ?

M. le rapporteur général. Dans la mesure où l’on passe du législatif au réglementaire, il est apparu important de le consulter. Pour prendre un exemple de domaine où il sera possible de créer une réserve spécialisée, le Gouvernement a créé le label « grande école du numérique » : on pourrait imaginer que, demain, une réserve civique rassemble ceux qui veulent accompagner les jeunes et les moins jeunes dans l’apprentissage du code informatique. Il paraît compliqué d’inscrire dès aujourd’hui dans la loi toutes les possibilités qui s’ouvriront à l’avenir.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS545 de Mme Audrey Linkenheld tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CS385 de M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Il nous semble préférable d’utiliser la notion de solidarité, plus juridique que celle de fraternité.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis, comme vous, attachée à la solidarité, mais il s’agit ici plutôt de déclarations, qui ne sont guère normatives. En outre, la fraternité constitue l’un des éléments de la devise française. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. La notion de fraternité n’est pas dépourvue de sens juridique : elle implique un ensemble de droits et de devoirs entre ceux qu’elle unit.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS546 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Le Haut Conseil à la vie associative devrait être consulté également sur la charte de la réserve civique, ainsi que sur les éventuelles modifications qu’elle pourrait subir. C’est le sens de cet amendement.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cela semble opportun, en effet. Avis favorable.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable. Le HCVA aura ainsi plus de poids.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1098 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Tout citoyen peut être réquisitionné en cas d’urgence, une catastrophe naturelle par exemple. Or, au cours des auditions que nous avons réalisées, nos interlocuteurs ont insisté sur la possibilité pour ceux qui appartiendront à la réserve civique de demander à être réquisitionnés : cela permettra de protéger un réserviste qui serait, à la suite de son intervention, absent au travail le lendemain.

Ces dispositions sont naturellement très encadrées – pas de réquisition pour des activités festives !

M. Bernard Lesterlin. La réquisition peut-elle entraîner une indemnisation ?

M. le rapporteur général. L’indemnisation n’est pas de droit ; tout dépend des administrations et des missions.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La réserve doit demeurer un dispositif volontaire, dans lequel les réservistes s’engagent en conscience. Néanmoins, la réquisition peut être envisagée pour permettre aux réservistes de se rendre disponibles. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

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Article 2
Sections territoriales de la réserve civique

Le présent article permet la constitution de sections territoriales au sein de la réserve citoyenne, par une convention passée entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales. Cette possibilité, suggérée par le rapport de MM. Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé précité, permet de « répondre au souhait de certains élus, notamment les maires, de pouvoir animer de manière souple leur vivier de réservistes, pour mettre en œuvre des projets d’intérêt local, sans avoir à faire labelliser leurs projets de manière systématique » (9). Ces conventions pourraient toutefois être résiliées par une décision motivée de l’État, prise après mise en demeure de la collectivité territoriale, s’il apparaît que les dispositions de l’article 5 du présent projet de loi ou de la charte ont été méconnues.

La Commission spéciale a adopté un amendement de coordination tirant les conséquences du changement de dénomination de la réserve.

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La Commission adopte successivement l’amendement de coordination CS1141 et l’amendement rédactionnel 1101, tous deux des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

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Article 3
Conditions de participation à la réserve civique

Le présent article fixe les conditions de participation à la réserve citoyenne. Le premier alinéa renvoie à l’article L. 120-4 du code du service national, relatif aux conditions d’accès au volontariat de service civique et modifié par l’article 11 du présent projet de loi (cf. infra), pour fixer les conditions de participation à la réserve citoyenne. Ainsi, toute personne majeure, possédant la nationalité française, la nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou celle d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut solliciter son inscription à la réserve citoyenne.

C’est également le cas des personnes de nationalité étrangère qui justifient être en séjour régulier en France depuis plus d’un an sous couvert de certains titres de séjour (cf. infra, commentaire l’article 11) ou, sans condition de séjour, pour les réfugiés.

L’inscription ne vaut que pour une durée limitée, de sorte à permettre aux réservistes de réaffirmer régulièrement leur engagement, et est conditionnée à la signature, par le réserviste, de la charte de la réserve citoyenne. L’inscription à la réserve citoyenne et son maintien sont également soumis à l’appréciation de l’autorité administrative en charge de la gestion de la réserve, qui peut refuser l’inscription ou procéder à la désinscription, par une décision motivée, de toute personne dont le comportement serait contraire à la charte ou qui présenterait un risque d’atteinte à l’ordre public.

La Commission spéciale a adopté un amendement de coordination tirant les conséquences du changement de dénomination de la réserve.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CS1142 des rapporteurs.

Elle est saisie de l’amendement CS140 de Mme Pascale Got.

M. Régis Juanico. Cet amendement propose d’ouvrir la réserve civique à toute personne âgée d’au moins seize ans. D’autres amendements proposeront d’ouvrir différents droits et dispositifs aux mineurs entre seize et dix-huit ans, afin de reconnaître leur engagement civique. Après la remise du livret citoyen à seize ans, avec l’ouverture ambitieuse du service civique, il paraît judicieux de permettre aux jeunes de s’engager dans la réserve civique.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis plutôt favorable à cette ouverture, par cohérence avec le service civique en particulier. Toutefois, il me semble indispensable de prévoir des garde-fous. Je vous propose de retirer votre amendement pour pouvoir travailler à une nouvelle rédaction d’ici à la séance publique.

M. Régis Juanico. Vos désirs sont des instructions, madame la rapporteure !

L’amendement est retiré.

La Commission discute ensuite de l’amendement CS542 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. À seize ans, on peut signer un contrat de travail, se faire recenser en vue du service militaire et du service civique, obtenir une carte Vitale, commencer l’apprentissage de la conduite, et on pourra même, si l’article 15 de ce projet de loi est voté, devenir directeur de publication d’un journal. C’est pourquoi cet amendement propose d’ouvrir la réserve civique aux jeunes à partir de seize ans ; à la différence de l’amendement précédent, il prévoit qu’il est nécessaire d’obtenir l’accord des parents.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. En effet, votre amendement prend en considération certains problèmes de responsabilité civile. Il me semble toutefois qu’il faudrait aussi encadrer les missions susceptibles d’être confiées à des mineurs. Je vous propose également de le retirer, afin que nous puissions travailler à une nouvelle rédaction.

M. le rapporteur général. Nous sommes d’accord sur le fond, et nous nous engageons à travailler sur ce sujet d’ici à la séance publique – ainsi, d’un point de vue juridique, il faut aussi penser à la possibilité que le mineur ait été émancipé.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous proposez plutôt, si je comprends bien, un encadrement des missions qui pourront être confiées à des mineurs. La question de l’autorisation des parents pose celle – abordée par l’amendement défendu par M. Juanico – de jeunes en rupture, dont les parents ne se préoccupent plus. Que se passera-t-il dans ce cas ?

M. Noël Mamère. L’un des amendements que nous avons déposés répond aux questions qui viennent d’être posées en proposant d’abaisser la majorité civile à seize ans. J’avais d’ailleurs fait cette proposition au cours du débat présidentiel de 2002.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Madame Le Callennec, c’est l’un des points que nous devons approfondir : faut-il exiger l’autorisation des parents, leur demander un simple avis ou rien de tout cela ?

M. le rapporteur général. Différentes solutions sont possibles, l’idée étant d’aboutir à une solution en séance.

Monsieur Mamère, l’abaissement de la majorité est, à mon sens, un autre sujet – dont nous sommes nombreux à penser qu’il relève d’une campagne présidentielle.

M. Noël Mamère. Cette commission spéciale me paraît, au contraire, le lieu idoine pour poser la question de la majorité à seize ans. Nous sommes ici pour construire l’État de droit !

Aujourd’hui, la différence est ténue entre les droits d’un jeune de seize ans et ceux d’un jeune de dix-huit ans, dans le domaine pénal en particulier, à la suite de lois votées sous la législature précédente et que nous avons combattues.

Il nous appartient tout à fait de décider d’abaisser la majorité civile à seize ans, dans le cadre d’un projet de loi qui vise à promouvoir l’engagement, et en particulier celui des jeunes. Faut-il rappeler ici que le candidat François Hollande s’était engagé à donner la priorité à la jeunesse ? Il faudrait alors faire confiance à la jeunesse, et donc abaisser la majorité. On peut être très engagé à seize ans, être président d’une association par exemple. Pourquoi ne pas adapter notre droit à cette réalité ?

M. Jean-Noël Carpentier. Je partage le point de vue de M. Mamère sur la majorité civile et j’approuve également la proposition de M. Juanico. J’entends que les rapporteurs sont plutôt favorables à une disposition de ce type ; vous engagez-vous à nous faire une proposition en séance ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Nous ne demandons le retrait que pour travailler, clarifier et faire une proposition cohérente avec le résultat de nos discussions de cette semaine. Il n’y a vraiment aucune volonté de notre part d’enterrer ce débat.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le texte présenté par le Gouvernement ne va pas jusqu’à permettre aux mineurs de seize à dix-huit ans de s’engager dans la réserve civique. Mais cette question mérite manifestement débat.

Il faut, bien sûr, faire confiance à la jeunesse, monsieur Mamère, mais il faut la protéger aussi ! Il est nécessaire d’affiner le dispositif : faut-il permettre à des mineurs de faire partie des réserves de la police ou de l’éducation nationale ? Je n’en suis pas sûr.

Les questions posées sont légitimes, et nous travaillerons sur ces points en vue de la séance publique. Pour le moment, si l’amendement n’est pas retiré, j’y serai défavorable.

Monsieur Dive, je précise que les mineurs en service civique ont reçu une autorisation parentale.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

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Article 4
Organismes et conditions d’accueil des réservistes

Le présent article définit les organismes susceptibles de proposer des missions relevant de la réserve citoyenne et d’accueillir des réservistes.

Toutes les personnes morales de droit public, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités ou des établissements publics nationaux et locaux, peuvent proposer des missions relevant de la réserve citoyenne. Les organismes sans but lucratif de droit français, à l’exception des associations cultuelles, des associations politiques, des congrégations religieuses, des fondations d’entreprise et des comités d’entreprise, peuvent également accueillir des réservistes, dès lors qu’ils proposent à ces derniers la réalisation d’un projet d’intérêt général conforme aux orientations de la réserve citoyenne et à ses valeurs.

Par ailleurs, le présent article encadre de façon plus stricte la réalisation de missions récurrentes. En effet, de telles missions, sollicitant l’intervention régulière de réservistes, devront être préalablement validées par l’autorité administrative en charge de la gestion de la réserve citoyenne. En outre, un plafond d’heures hebdomadaires sera fixé par voie réglementaire.

La Commission spéciale a adopté un amendement de coordination tirant les conséquences du changement de dénomination de la réserve. Elle a également adopté un amendement tendant à exclure les organisations syndicales du champ de la réserve civique.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CS1143 des rapporteurs.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS544 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Les structures syndicales n’ont pas vocation à accueillir des volontaires de la réserve civique.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cette proposition est cohérente avec la façon dont le dispositif a été conçu ; avis favorable.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est en effet un oubli. Avis favorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Le nombre d’heures des missions de la réserve civique sera défini par voie réglementaire : monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner une idée du chiffre qui sera retenu ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il faut, je crois, se donner un peu de temps. Le Gouvernement s’engage toutefois à prendre ces décrets très rapidement après le vote de la loi.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

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Article 5
Conditions d’engagement et d’exercice des réservistes

Le présent article fixe les conditions d’engagement, d’affectation et d’exercice des réservistes.

Le premier alinéa du présent article pose le principe du consentement mutuel du réserviste et de son organisme d’accueil. Ainsi, l’affectation à une mission par l’autorité administrative chargée de la gestion de la réserve sera conditionnée au double accord du réserviste et de l’organisme d’accueil. Cet alinéa fixe également les règles d’affectation des réservistes : l’autorité de gestion doit prendre en considération les « attentes » du réserviste, mais également ses compétences et ses disponibilités, lors de l’affectation de ce dernier.

En outre, le présent article détermine les conditions d’exercice des missions de la réserve citoyenne. Ne donnant lieu à aucune indemnisation ou gratification, ces missions sont accomplies selon les instructions du responsable de l’organisme d’accueil et dans le respect des règles de service applicables. En outre, le troisième alinéa du présent article précise que l’engagement, l’affectation et l’activité des réservistes ne sont régis ni par le code du travail, ni par l’un des trois statuts de la fonction publique, de sorte à conférer une dimension bénévole incontestable à la réserve citoyenne et à se prémunir contre toute requalification en contrat de travail des relations entre le réserviste et l’organisme d’accueil.

Enfin, le dernier alinéa établit un régime de responsabilité protecteur obligeant l’organisme d’accueil à couvrir le réserviste des dommages subis ou causés par lui dans l’exercice de sa mission. Si un tel régime existe déjà pour les collaborateurs occasionnels du service public, cet alinéa permet de généraliser la pratique de certaines associations, qui souscrivent des assurances spécifiques pour protéger leurs bénévoles.

La Commission spéciale a adopté un amendement de coordination tirant les conséquences du changement de dénomination de la réserve.

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La Commission adopte successivement l’amendement de coordination CS1144 et l’amendement rédactionnel 1104, tous deux des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

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Article 6
(art. L. 4211-1, L. 4241-1, L. 4241-2, L. 4341-1, L. 4351-1 et L. 4361-1 du code de la défense, art. L. 411-18 à L. 411-22 [nouveaux], art. L. 445-1, L. 446-1, L. 447-1 et L. 724-1 du code de la sécurité intérieure, art. L. 911-6-1 [nouveau] et L. 971-1, L. 973-1 et L. 974-1 du code de l’éducation)

Application des dispositions relatives à la réserve citoyenne à l’outre-mer et diverses coordinations

Le présent article comporte plusieurs dispositions visant, d’une part, à rendre les dispositions des articles 1er à 5 du présent projet de loi applicables aux collectivités d’outre-mer soumises au principe de spécialité législative, et d’autre part, à opérer les coordinations nécessaires avec le code de la défense, le code de la sécurité intérieure et le code de l’éducation nationale.

Le I du présent article a pour objet de rendre les articles 1er à 5 du présent projet de loi, relatifs à la réserve citoyenne, applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. En effet, en application de l’article 74 de la Constitution pour la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, et de l’article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ces collectivités sont soumises au principe de spécialité législative : à l’exception de certains domaines particuliers, les lois et règlements n’y sont applicables que s’ils comportent une mention expresse à cette fin.

Le II du présent article opère les coordinations nécessaires avec le code de la défense. Pour éviter toute confusion sémantique, la « réserve citoyenne » prévue par le titre IV du livre II de la quatrième partie du code de la défense prend le nom de « réserve citoyenne de défense et de sécurité » ; la même modification est opérée aux articles L. 4211-1, L. 4241-1 et L. 4241-2 du même code. Ce dernier article est également modifié afin de préciser l’appartenance de la réserve citoyenne de défense et de sécurité à la réserve citoyenne créée par le présent projet de loi. Enfin, l’alinéa 8 du présent article rend ces modifications applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie. En effet, pour y être applicables, ces dispositions modifiées doivent également faire l’objet d’une mention expresse d’applicabilité.

Le III du présent article comporte plusieurs dispositions modifiant le code de la sécurité intérieure. L’alinéa 10 du présent article supprime les dispositions relatives au service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales. Ce dispositif est remplacé par la réserve citoyenne de la police nationale, créée au sein du code de la sécurité intérieure. Les articles L. 411-18 à L. 411-22 que le présent article introduit au sein de ce code reprennent en partie les dispositions actuelles relatives au service volontaire citoyen, à l’exception notable de l’indemnisation des réservistes, en cohérence avec les dispositions relatives à la réserve citoyenne créée par les articles 1er à 5 du présent projet de loi. Il est d’ailleurs à noter que c’est la possibilité d’une telle indemnisation, peu envisageable au regard des contraintes budgétaires pesant sur la police nationale, qui a mis un frein au dispositif de service volontaire citoyen créé en 2007.

La nouvelle réserve citoyenne de la police nationale permet de confier à des réservistes des missions de solidarité, de médiation sociale, d’éducation à la loi et de prévention, à l’exclusion de l’exercice de toute prérogative de puissance publique. Cette réserve est accessible aux personnes majeures, de nationalité française, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou résidant depuis au moins cinq ans en France et satisfaisant les critères d’intégration républicaine – respect des principes républicains, maîtrise de la langue française – fixés par l’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’accès à la réserve citoyenne de la police nationale est également conditionné par l’absence de mention d’une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle au bulletin n° 2 du casier judiciaire, ou à son équivalent étranger pour les personnes de nationalité étrangère. Les candidats font l’objet d’une enquête administrative, qui peut conduire à leur refuser l’accès à la réserve citoyenne en cas de manquement à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de comportement de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État. Pour être admis au sein de cette réserve, les candidats doivent également remplir les conditions d’aptitude correspondant aux missions susceptibles de leur être confiées.

Les alinéas 24 à 28 du présent article opèrent les coordinations nécessaires avec l’article L. 445-1 du code de la sécurité intérieure relatif à l’application en Polynésie française des dispositions relatives à la police et à la gendarmerie nationales. Les alinéas 29 à 38 du présent article opèrent des modifications identiques aux articles L. 446-1 et L. 447-1 du même code, relatifs à l’application en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna des dispositions relatives à la police et à la gendarmerie nationales.

Le 6° du III du présent article modifie l’article L. 724-1 du même code afin d’intégrer les réserves communales de sécurité civile à la réserve citoyenne créée par le présent projet de loi, tout en faisant primer les dispositions du code relatives à ces réserves sur celles des articles 1er à 5 du présent projet de loi qui y seraient contraires.

Enfin, le IV du présent article crée, au sein du code de l’éducation, un nouvel article L. 911-6-1 afin de reconnaître, dans la loi, la réserve citoyenne de l’éducation nationale créée par une circulaire du 12 mai 2015 (10), et de l’intégrer à la réserve citoyenne prévue par le présent projet de loi.

Les réservistes de l’éducation nationale ont vocation à intervenir dans les écoles et les établissements d’enseignement du second degré afin de concourir à la transmission des valeurs de la République. Comme l’indique la circulaire précitée, « la réserve citoyenne permet aux équipes éducatives des écoles et établissements scolaires, publics et privés, de faire appel plus facilement à des intervenants extérieurs pour illustrer leur enseignement ou leurs activités éducatives notamment en matière d’éducation à la citoyenneté et à la laïcité, d’éducation à l’égalité entre filles et garçons, de lutte contre toutes les formes de discriminations, de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, de rapprochement de l’école et du monde professionnel et d’éducation aux médias et à l’information ».

Le IV du présent article rend également applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les dispositions de ce nouvel article L. 911-6-1.

La Commission spéciale a adopté plusieurs amendements rédactionnels et de coordination.

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La Commission adopte successivement l’amendement de coordination CS1145, les amendements rédactionnels CS1105, CS1106, CS1109, CS1107, CS1110, CS1108 et CS1111 ainsi que l’amendement de coordination CS1171, tous des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

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Article 6 bis [nouveau]
Création d’une réserve civique consulaire à l’étranger

À l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, un amendement portant article additionnel a été introduit dans le projet de loi en vue de la création d’une réserve civique consulaire accessible aux Français établis à l’étranger.

Ce dispositif, qui s’inscrit pleinement dans le cadre établi par la réserve civique créée par le présent projet de loi, permettra aux consulats français à l’étranger de disposer d’un vivier de Français expatriés, comme le précise un sous-amendement déposé par le Gouvernement, susceptibles d’intervenir auprès des établissements d’enseignement français à l’étranger, des associations « français langue maternelle », dite FLAM, des instituts français ou même des représentations nationales – ambassades ou consulats – à travers le monde.

Ces réserves seront régies selon les mêmes modalités que la réserve civique. Il s’agit d’une initiative tout à fait opportune, qui a reçu l’avis favorable de la rapporteure comme du Gouvernement.

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La Commission est saisie de l’amendement CS338 de M. Philip Cordery, qui fait l’objet du sous-amendement CS1201 du Gouvernement.

M. Philip Cordery. L’amendement CS338 a pour objet d’élargir aux Français qui vivent hors de France la possibilité de s’engager dans la réserve civique. Cet engagement pourrait prendre des formes très diverses : auprès des écoles, des instituts culturels, des ambassades… Cela contribuera à renforcer la vitalité de nos forces vives à l’étranger.

J’accepte le sous-amendement du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Au niveau du territoire national, la gestion de la réserve sera, nous l’avons dit, largement assurée de façon déconcentrée par les préfets de département, délégués de l’autorité de gestion nationale. Mais la réserve peut également revêtir un grand intérêt pour les ambassadeurs et les consuls de France, souvent démunis en cas de situation exceptionnelle, alors même que nos compatriotes expatriés sont tout à fait prêts à se mettre au service de l’intérêt général.

Je suis donc très favorable à votre proposition, monsieur Cordery, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement. En effet, la formule d’une réserve spécifique pour les Français de l’étranger et compartimentée par pays ne me paraît pas la meilleure. Je pense préférable que nos compatriotes à l’étranger puissent s’inscrire dans la réserve générale et que nous aménagions en conséquence les modalités de gestion dans le décret d’application prévu à l’article 7. Ils pourront ainsi participer pleinement au dispositif, par le truchement de leur consulat. Inversement, les ambassadeurs pourront disposer de ce levier nouveau qui pourra leur être d’un grand secours.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable à l’amendement ainsi qu’au sous-amendement. L’idée d’une gestion unique de la réserve est essentielle.

M. le rapporteur général. Je suis, moi aussi, favorable à l’amendement de Philip Cordery ainsi qu’au sous-amendement du Gouvernement, qui en élargit la portée et permettra à un certain nombre d’organismes ou d’agences, au-delà du réseau consulaire, de faire appel à la réserve.

M. Bernard Lesterlin. Quelle est la religion du Gouvernement quant à l’appellation de la réserve : reste-t-elle citoyenne, comme le laisse entendre le sous-amendement qui ne corrige pas l’amendement sur ce point, ou devient-elle réserve civique ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur Lesterlin, je vous remercie pour votre sagacité. L’erreur sera corrigée pour la séance.

La Commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement sous-amendé.

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Après l’article 6 bis

La Commission examine l’amendement CS689 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à garantir qu’en classe de terminale chaque élève puisse bénéficier du même niveau d’information sur l’existence du dispositif de la réserve civique et les possibilités d’engagement qu’elle offre.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage votre objectif, mais une telle mesure ne relève pas de la loi. Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a précisément été instauré pour se prononcer sur les programmes. C’est donc vers lui qu’il faudra se tourner.

Par ailleurs, je ne doute pas que, dès lors que les réserves vont se développer et gagner en notoriété, les enseignants ne manqueront pas d’informer leurs élèves à leur sujet. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. L’avis des rapporteurs sera constamment défavorable sur tous les amendements relatifs au contenu des enseignements.

Mme Isabelle Le Callennec. Je soutiens, pour ma part, cet amendement, pensant même qu’il devrait être étendu à l’ensemble des classes du lycée. Je souhaite en tout cas que M. Patrick Kanner en réfère à la ministre de l’éducation nationale, car nous n’avons aucune prise sur le Conseil supérieur des programmes.

M. Régis Juanico. Je parlais tout à l’heure de la cohérence et de la continuité du parcours et de l’engagement citoyens, de l’école élémentaire à l’université puis au-delà. Je suis néanmoins très réservé sur l’idée d’ajouter aux programmes du secondaire, déjà très chargés, un nouveau chapitre. En revanche, les trois cents heures d’éducation morale et civique déjà prévues dans le cadre de la scolarité pourraient fort bien être le lieu de ce module d’information.

En tout état de cause, avant de prendre une telle décision, il nous faut statuer sur l’avenir de la Journée défense et citoyenneté, dont le rôle est précisément d’informer les jeunes sur les dispositifs d’engagement citoyen.

M. Jean-Louis Bricout. Je conçois qu’il soit difficile d’intégrer dans les programmes ce module d’information, mais l’école me semble néanmoins l’endroit privilégié pour toucher la jeunesse, qui y passe le plus clair de son temps.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Loin de moi l’idée que, dans le cadre des cours de civisme et de morale, les enseignants ne fassent pas référence à la réserve. Je considère simplement que ce n’est pas au législateur de l’inscrire dans les programmes, a fortiori depuis que nous avons créé le Conseil supérieur des programmes.

Par ailleurs, madame Le Callennec, des parlementaires siègent au Conseil supérieur, et nous pouvons fort bien les saisir de la question. Je vous invite d’ailleurs à lire, sur le site du Café pédagogique, l’entretien du président du CSP sur l’articulation entre parcours citoyen et éducation civique et morale.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je partage l’objectif défendu par M. Bricout, mais le véhicule retenu n’est pas le bon, sa proposition ne relevant pas du domaine législatif. En revanche, je suis très favorable à ce que tout soit fait pour populariser ces nouvelles dispositions auprès des jeunes dans le cadre de l’enseignement moral et civique, et je ne manquerai pas d’en parler à la ministre de l’éducation nationale. Pour ce qui est de l’amendement, je n’y suis pas favorable.

L’amendement est retiré.

Article 7
Modalités d’application des articles 1er à 5 du projet de loi

Le présent article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application des articles 1er à 5 du présent projet de loi.

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La Commission adopte l’article 7 sans modification.

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Après l’article 7

La Commission est saisie de l’amendement CS20 de Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. Le code du travail prévoit une autorisation d’absence de cinq jours pour tous les salariés qui souhaitent servir au sein de la réserve opérationnelle. Nous proposons de porter cette durée à quinze jours.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. D’un point de vue formel, votre proposition pourrait s’inscrire dans le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, plutôt que dans le présent texte.

Sur le fond néanmoins, je ne pense pas qu’étendre à quinze jours l’obligation légale faite aux employeurs d’autoriser un salarié à servir dans la réserve soit de nature à aider la réserve militaire. Une démarche non contraignante, privilégiant l’accord et le partenariat et ayant pour objectif des échanges gagnants pour toutes les parties prenantes me semble beaucoup plus adaptée à la réalité économique.

De plus, cette extension augmenterait la méfiance et la réticence des employeurs civils à l’égard de la réserve militaire, risquant à terme de compliquer le recrutement de réservistes salariés. Plus globalement, dans un pays où la culture de la défense n’est pas suffisamment développée – on peut le regretter –, un tel amendement pourrait être contreproductif. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. J’ajoute qu’il ne s’agit pas là d’une demande unanime de notre armée. Avis également défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Les absences pour participer à une réserve opérationnelle ne peuvent pas faire l’objet d’un refus de l’employeur. Le triplement du nombre de jours d’absence sans autorisation préalable ferait peser une charge disproportionnée sur l’ensemble des employeurs, ce qui, dans la situation économique actuelle, n’est pas acceptable. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. Joaquim Pueyo. Lors des auditions que nous avons menées avec Marianne Dubois dans le cadre de notre rapport sur les dispositifs citoyens du ministère de la défense, beaucoup de réservistes nous ont dit être freinés par cette limitation du droit d’absence à cinq jours. Quant à l’armée, même si elle n’est pas unanime sur la question, plusieurs officiers ont plaidé pour que les réservistes aient la possibilité de prendre davantage d’absences autorisées sur leurs propres congés. Je soutiendrai donc cet amendement.

M. Yves Blein. Cette disposition serait opposable aux entreprises, pèserait sur elles, ce qui ne me semble pas opportun dans le contexte actuel. Je suis d’ailleurs surpris qu’une telle initiative vienne des bancs de l’opposition, qui a d’ordinaire l’habitude de plaider contre l’ajout de charges ou de contraintes nouvelles pour les entreprises.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 8
(art. L. 3142-46-1 [nouveau] du code du travail, art. 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et art. 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Congé pour l’exercice de responsabilités associatives

I. L’ÉTAT DU DROIT

La création d’un congé d’engagement accessible aux responsables associatifs bénévoles constitue une demande récurrente du monde associatif. Le Haut Conseil à la vie associative (11) a ainsi recommandé, en 2012, l’institution d’un « congé pour l’exercice de responsabilités associatives ouvert aux élus qui siègent dans les organes de direction des associations d’intérêt général ou bénéficiant d’un agrément (…) d’une durée de douze jours annuels au maximum », fractionnables en demi-journées, et non rémunéré. La commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif (12), présidée par M. Alain Bocquet et dont Mme Françoise Dumas a été la rapporteure, a formulé une proposition semblable, pour répondre au faible renouvellement des dirigeants bénévoles associatifs.

Les dispositifs de congés dont bénéficie actuellement le monde associatif, comme le congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse et le congé de représentation actuellement prévu par l’article L. 3142-51 du code du travail, ne répondent que très imparfaitement à la nécessité, pour les dirigeants associatifs, de concilier leur vie professionnelle et leur engagement bénévole.

Le congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse, prévu aux articles L. 3142-43 à L. 3142-46 du code du travail, ne vise ainsi que les salariés de moins de vingt-cinq ans souhaitant participer aux actions de formation des organisations de jeunesse et d’éducation populaire et des fédérations et associations sportives, tandis que le congé de représentation ne concerne que les salariés membres d’une association d’intérêt général désigné par cette dernière pour siéger au sein d’une instance créée par la loi ou le règlement auprès de l’État ou d’une collectivité territoriale. Aussi l’instauration d’un congé spécifique est-elle nécessaire pour encourager la prise de responsabilités au sein des associations d’intérêt général.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le I du présent article crée un nouvel article L. 3142-46-1 au sein du code du travail instaurant un congé pour l’exercice de responsabilités associatives, qui peut être accordé dans des conditions identiques au congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. Ce congé, contrairement au congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse, ne connaît pas de limite d’âge et peut donc être accordé chaque année à tout salarié désigné pour siéger à titre bénévole au sein de l’organe d’administration ou de direction d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou, pour les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, par le code civil local.

Toutefois, seules les associations d’intérêt général dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts
– soient les associations ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises – sont concernées par le dispositif.

Ce congé non rémunéré d’une durée de six jours ouvrables peut, contrairement au congé de formation précité, être fractionné en demi-journées, afin de mieux répondre à la nature récurrente des activités des dirigeants bénévoles associatifs. Pour le reste, ce congé répond aux mêmes conditions d’octroi que le congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse auquel il renvoie pour la définition de ses modalités. Ainsi, il est assimilable à une période de travail effectif pour le calcul des congés du salarié et des autres droits rattachés au contrat de travail, notamment en matière de retraite et de sécurité sociale ; en revanche, il ne peut se cumuler avec le congé de formation économique et syndicale qu’à concurrence de douze jours ouvrables pour une même année. En outre, les conditions, dans lesquelles l’employeur peut, en raison des nécessités particulières à son entreprise ou du trop grand nombre de salariés en ayant déjà bénéficié au cours de l’année, refuser l’octroi de ce congé à un salarié, sont identiques à celles applicables au congé de formation précité (13).

Le II du présent article étend ces dispositions à la fonction publique d’État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, en complétant les dispositions déjà applicables relatives au congé de formation de cadres et d’animateurs prévues par le 8° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, du 8° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et du 8° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

III. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

Votre rapporteure thématique estime que l’instauration d’un congé pour l’exercice de responsabilités associatives, sur le modèle du congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse, répond à un besoin réel des dirigeants associatifs bénévoles exerçant par ailleurs une activité professionnelle. Ce dispositif est également à même d’encourager les bénévoles associatifs à prendre des responsabilités au sein de leurs associations et facilitera ainsi le renouvellement des dirigeants bénévoles associatifs, dont certains ne peuvent quitter leurs fonctions faute de remplaçant.

Toutefois, de nombreux acteurs associatifs ont fait état de la nécessité de rendre ce congé accessible à un plus grand nombre de bénévoles. En particulier, les responsables d’activités comme, par exemple, les personnes chargées de la formation des bénévoles ou chargées d’animer, au niveau territorial, l’activité associative, pourraient tirer profit de ce dispositif. La rapporteure ne peut qu’être sensible à ces remarques, notamment en raison de ce que le présent article, dans sa rédaction actuelle, n’apportera qu’une réponse limitée aux besoins des associations n’ayant pas de structure fédérale permettant de faire bénéficier leurs responsables locaux de ce dispositif. C’est notamment le cas de La Croix-Rouge, qui constitue une seule et même association en dépit de ses quelque 7 000 responsables locaux élus.

IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté deux amendements des rapporteurs étendant le champ des dispositions du présent article :

– aux salariés et fonctionnaires bénévoles exerçant, dans des conditions définies par décret, des fonctions de direction, de représentation ou d’encadrement, au niveau national ou territorial ;

– aux salariés et fonctionnaires membres d’un conseil citoyen, pour siéger dans ses instances internes et participer aux instances de pilotage du contrat de ville.

La Commission spéciale, à l’initiative des rapporteurs, a également fait coïncider le champ des associations concernées par le présent article avec celui du compte d’engagement citoyen prévu à l’article 21 du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale le 12 mai dernier.

La Commission spéciale a également adopté, à l’initiative des rapporteurs, un amendement tendant à rendre possible la rémunération de ce congé dans le cadre d’une convention ou d’un accord d’entreprise.

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La Commission discute de l’amendement CS839 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Le bénévolat est par nature une activité gratuite et désintéressée. À cet égard, l’article 8, qui instaure en matière de congés des mesures dérogatoires pour les salariés engagés dans une activité bénévole dans une association loi de 1901, est problématique. Par ailleurs, comment l’entreprise pourra-t-elle s’assurer de la bonne foi du salarié qui sollicite le bénéfice de ces mesures dérogatoires au nom du bénévolat, ce qui est parfaitement invérifiable ? Je demande donc la suppression de cet article qui dénature le bénévolat.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Qu’il n’y ait pas de malentendu : il n’est nullement question de dénaturer le bénévolat mais, au contraire, de l’encourager et de le faciliter. C’est le sens de cet article, dont je vais d’ailleurs proposer qu’il s’étende à d’autres bénéficiaires. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. Les choses sont très claires : nous abordons une question qui suscite un fort clivage. Nous voulons, pour ce qui nous concerne, ouvrir et garantir un droit qui permette au plus grand nombre de s’engager dans la vie associative, que l’on soit salarié du public ou du privé, dès lors que l’on participe à une œuvre ou à un organisme d’intérêt général. Nous souhaitons néanmoins que ce droit, qui est une demande de longue date du mouvement associatif, ne soit pas opposable d’emblée et en l’état à l’employeur. Avis défavorable.

Mme Colette Capdevielle. Je considère cet amendement comme une véritable insulte à toutes les personnes qui s’engagent bénévolement, pendant des années et au-delà de leur temps de travail, dans la vie associative. Il est choquant, car il fait peser une suspicion de malhonnêteté sur des salariés dont on imagine qu’ils pourraient utiliser ces congés pour leur propre convenance.

L’article 8 est primordial, car il inscrit enfin la reconnaissance de l’engagement associatif dans la loi et donne à chacun la possibilité de s’engager. Il faut avoir conscience que les associations – et notamment les associations caritatives – auraient du mal à survivre aujourd’hui sans les retraités. Cet article entend donc rajeunir le bénévolat, et j’espère que nous serons nombreux à voter contre cet amendement.

M. Serge Letchimy. Tout comme l’abaissement du droit de vote à seize ans, qui est une mesure que je soutiendrai, l’article 8 représente un pas considérable pour la promotion de l’engagement civique de tous. Il est important d’élargir ainsi le vivier des bénévoles, qui œuvrent souvent dans des domaines ayant trait à la santé, à l’accompagnement scolaire, voire à la survie, pour tenter de compenser les inégalités qui structurent notre société. Le cas des aidants familiaux, qui jouent un rôle majeur en marge du champ hospitalier, est, à ce titre, exemplaire. Je ne voterai pas en faveur de cet amendement.

M. Régis Juanico. La vie associative est une grande richesse pour la France ; ce sont 16 millions de bénévoles engagés dans plus d’un million d’associations et qui donnent de leur temps pour les autres, de manière désintéressée. C’est suffisamment rare en Europe pour que nous profitions de cet atout dont dispose notre pays.

Le bénévolat se porte plutôt bien : le nombre de bénévoles a augmenté de 15 % depuis 2010, taux qui monte à 30 % chez les moins de trente-cinq ans. L’article 8 nous permet de compléter les mesures prises dans le cadre de la loi sur l’économie sociale et solidaire, qui simplifiait la vie des associations et leur permettait de diversifier leurs sources de financement. J’en profite, d’ailleurs, pour rappeler au Gouvernement qu’il nous doit, aux termes de cette loi, un rapport sur les différentes formes d’engagement bénévole, dont il conviendrait que nous puissions disposer d’ici à la séance.

Il ne s’agit pas de permettre à l’ensemble des bénévoles par ailleurs salariés de pouvoir disposer d’un congé d’engagement, mais uniquement à ceux qui, dans le cadre de leur bénévolat, assument des responsabilités. C’est un effet une charge importante, qui entraîne parfois beaucoup de lassitude chez les membres des bureaux des associations. L’étude d’impact indique que 2 millions de personnes pourraient bénéficier de cette mesure, sauf que parmi ces personnes se trouvent également les dirigeants d’entreprise unipersonnelle.

Quant à la référence à d’éventuels abus, elle est parfaitement déplacée dans l’exposé des motifs de cet amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 8 permet aux salariés des entreprises privées ou aux fonctionnaires de prendre chaque année des jours de congé pour pratiquer une activité bénévole. Comment va-t-on déterminer le nombre de jours de congé, dont j’imagine qu’il sera fonction du degré d’investissement du salarié dans l’association ?

L’alinéa 2 fait référence aux congés de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse et de dirigeants associatifs bénévoles, mais pouvez-vous me confirmer que les congés peuvent également être demandés pour participer à des réunions associatives ?

Pourquoi l’alinéa 4, qui concerne les salariés, et l’alinéa 6, qui concerne les fonctionnaires, ne respectent-ils pas le parallélisme des formes ? Pourquoi, dans le cas des fonctionnaires, une distinction est-elle établie entre les moins de vingt-cinq ans et les autres ?

Enfin, comment l’article 8 s’articule-t-il avec la création, dans le projet de loi Travail, du compte engagement citoyen ?

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement établit une confusion entre le droit à l’absence et la rémunération de cette absence. Le bénévole peut demander à faire valoir son droit à l’absence mais il n’est pas prévu que l’entreprise le rémunère, chacune décidant ensuite s’il s’agit d’une absence prise ou non sur les congés légaux et non dérogatoires. Les risques pèsent donc, à mes yeux, davantage sur les salariés bénévoles que sur les employeurs.

Quoi qu’il en soit, que ferions-nous si les entreprises n’acceptaient pas de libérer les pompiers bénévoles quand on a besoin d’eux ou les parents d’élèves invités à se rendre à des réunions scolaires ? Le pays serait à l’arrêt. Il s’agit ici de permettre à des bénévoles engagés dans des tâches aussi importantes que celles que je viens de citer d’obtenir des congés pour s’y consacrer.

M. Yves Fromion. J’appartenais à la commission saisie du débat sur les 35 heures – c’était au siècle dernier. Je me souviens parfaitement de Martine Aubry nous expliquant que le passage aux 35 heures permettrait notamment aux citoyens de s’engager dans le monde associatif. J’imagine donc aujourd’hui qu’il serait souhaitable que nous abaissions le temps de travail à 32 heures ! Tels que nous sommes partis, en effet, nous ne travaillerons bientôt plus que dix heures pour permettre aux associations de fonctionner.

Par ailleurs, en voulant donner du temps aux salariés, on impose, dans nombre de cas, des contraintes supplémentaires à l’entreprise. Si elles ne sont pas financières, on lui prend du temps de travail, ce qui peut perturber son organisation. Je m’étonne donc que vous souteniez cet article, alors que vous venez d’objecter à Marianne Dubois le fait que son amendement constituerait une contrainte supplémentaire pour les entreprises. Nous sommes en pleine confusion !

M. André Chassaigne. Une fois n’est pas coutume, je rejoins mes collègues réformistes pour dénoncer la conception de l’éthique, du travail et du vivre-ensemble induite par cet amendement. Son auteur et moi-même ne sommes pas du même côté de la barricade !

Pendant des années, vous avez eu pour slogan « Travailler plus pour gagner plus ». Ce que propose cet article, c’est de travailler autant mais travailler autrement et gagner moins. J’entends gagner moins, financièrement parlant, car ce que nous pouvons apporter à la société nous enrichit par ailleurs.

Nos conceptions de la citoyenneté s’opposent. Nous considérons, pour notre part, que l’engagement est indispensable à l’individu, qui ne doit plus uniquement se définir par le métier qu’il fait mais par ce qu’il fait de sa vie.

En outre, dans le contexte actuel, nous avons de plus en plus besoin de vivre ensemble, de développer l’éducation populaire et les associations, qui sont des lieux de partage. Écoutons Martin Luther King : « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »

Mme Brigitte Allain. Quelle contrainte supplémentaire cet article représente-t-il pour une entreprise alors que, de fait, de nombreux salariés demandent déjà aujourd’hui à pouvoir bénéficier de journées pour se consacrer à leurs activités associatives, que ce soit dans le domaine social, sportif, culturel ou environnemental ?

Reconnaître ce travail associatif me paraît une grande avancée. Par ailleurs, si certaines entreprises peuvent s’adapter, dans l’urgence, au départ de leurs pompiers volontaires, il me semble que les employeurs devraient pouvoir sans problème s’arranger d’absences qui, elles, seront planifiées.

M. Yves Blein. Je voudrais souligner tout l’intérêt que présentent l’article 8 et le congé qu’il propose pour la vie associative. La loi de 1901 est sans doute l’une de nos très grandes lois. Elle a engendré plus de 1,3 million d’associations et a permis à tout un pan de notre économie de se développer, puisque le mouvement associatif représente aujourd’hui environ 8 % de notre PIB et emploie 1,8 million de salariés. Tout cela grâce à des bénévoles.

Au demeurant, vous évoquez la réticence des employeurs, mais nombre d’entre eux favorisent, au contraire, le CV des personnes engagées dans la vie associative. C’est souvent un critère de recrutement privilégié, car l’on considère qu’une personne qui s’intéresse aux autres dispose de qualités qui seront utiles à l’entreprise. Beaucoup d’employeurs pratiquent également le mécénat de compétences, qui consiste à prêter, en accord avec le personnel, une partie de leur force de travail et de leur savoir-faire pour le développement d’initiatives d’intérêt général.

M. Jean-Noël Carpentier. Je m’étonne de cet amendement de suppression de l’article 8, dont les dispositions correspondent à une demande des associations. J’ai siégé avec plusieurs d’entre vous dans la commission d’enquête sur la vie associative en temps de crise, dont le rapport final comportait une proposition équivalente, que notre collègue Frédéric Reiss, du groupe Les Républicains, estimait, à défaut de l’approuver d’emblée, au moins digne d’un débat.

J’appelle donc M. Viala à plus de raison dans la formulation de ses amendements, et à retirer celui-là.

M. Arnaud Viala. Le tir croisé dont je suis l’objet ne me surprend pas, contrairement à mes détracteurs, qui s’étonnent que l’on puisse exprimer des opinions divergentes des leurs.

Je trouve regrettable que l’on me fasse un procès d’intention et que l’on déforme mes propos : à aucun moment je n’ai dit quoi que ce soit de négatif sur l’engagement bénévole, que je pratique par ailleurs depuis mon plus jeune âge, comme beaucoup de gens de droite. Nous n’avons donc aucune leçon à recevoir de ceux qui considèrent que défendre des idées différentes de celles que comporte le projet de loi est forcément une attaque contre le bénévolat.

Il faut établir une distinction nette entre les activités bénévoles ciblées par l’article 8 et l’engagement volontaire de ceux qui se mettent au service de la sécurité des personnes et des biens, dont, par définition, les activités nécessitent qu’ils quittent leur travail sur-le-champ lorsqu’on a besoin d’eux. Je suis le premier à défendre cette contrainte, qui pèse pourtant sur les entreprises.

Le point que je soulève avec cet amendement est le fait que, selon moi, l’activité bénévole, engagement individuel et personnel, doit être pratiquée sur son temps libre, congés ou RTT. Je considère qu’il n’y a pas lieu de faciliter davantage l’engagement associatif et que nous en avons déjà assez fait. Néanmoins, l’accompagnement bénévole doit être accompagné et encouragé, c’est d’ailleurs pourquoi je suis membre de cette commission. Mais il y a d’autres manières de le faire, par exemple la reconnaissance, à travers la validation des acquis de l’expérience (VAE), des compétences qu’il a permis d’acquérir. C’est une solution préférable à l’octroi d’un surplus de congés, qui va peser sur les autres salariés. Je suis d’ailleurs sceptique sur le fait que de nombreuses associations souhaitent la mise en place d’un tel congé. Elles souhaitent simplement que l’activité bénévole soit reconnue, ce à quoi je souscris.

Enfin, l’article 8 me paraît introduire une discrimination entre les salariés et les autres : certains chefs d’entreprise également sont des bénévoles, et ils ne pourront se demander à eux-mêmes l’autorisation de prendre des congés. Élu dans une circonscription rurale, je connais des agriculteurs, qui ont par ailleurs des charges professionnelles très lourdes, mais qui se réunissent parfois sans renâcler jusque tard dans la nuit.

Ne faisons donc pas de cet article 8 une occasion supplémentaire de faire peser sur la collectivité des choix individuels.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. On ne peut en permanence parler de crise du bénévolat, de vieillissement des instances dirigeantes du secteur associatif et refuser d’évoluer vers un nouveau modèle de société. Nous devons rénover notre démocratie, ce qui passe par la rénovation du secteur associatif, qui fait partie de notre ADN républicain depuis cent quinze ans.

Je ne vous fais aucun procès d’intention, monsieur Viala, mais, quatre-vingts ans après les premières mesures prises par le Front populaire, je note que vous écrivez dans votre exposé des motifs que le caractère désintéressé et gratuit de l’action bénévole est menacé par le fait que certaines personnes puissent abuser de ces congés, certains employés pouvant s’inscrire en tant que bénévole dans le seul but de bénéficier de ces congés. Je suppose que ce n’est pas un procès d’intention que vous leur faites…

Pour ma part, j’estime que nous ne faisons aucun cadeau aux bénévoles qui veulent s’engager. Le caractère non rémunéré du congé préserve la dimension désintéressée du bénévolat. Il y a d’autant moins de risque d’abus que le congé est limité à six jours, ce qui constitue une charge réduite pour l’employeur.

Ce débat nous éclaire, en tout cas, sur les choix de société qui divisent cette commission. Quant au Gouvernement, il est naturellement défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1172 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement a pour objet de rendre le congé d’engagement accessible aux personnes qui, sans siéger au sein de l’organe de direction ou d’administration de l’association, exercent dans celle-ci des fonctions de direction, de représentation ou d’encadrement, au niveau national ou territorial. L’amendement prévoit aussi d’étendre ce congé aux membres de conseils citoyens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable. Cette rédaction est en concordance avec celle qui existe dans le projet de loi Travail sur le compte d’engagement citoyen.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle discute de l’amendement CS366 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. J’ai bien conscience que cet amendement risque de réveiller la discussion que nous venons d’avoir. Certains acteurs du monde associatif que nous avons auditionnés en commission spéciale ont estimé que la durée de six jours prévue par ce projet de loi était trop courte dans certains cas. L’objectif de cet amendement est de porter la durée du congé d’engagement – non rémunéré, je le précise – de six à douze jours.

Mme Isabelle Le Callennec. Je reviens sur mes premières remarques concernant l’amendement de notre collègue Viala et sur la difficulté de mesurer l’implication réelle de personnes qui n’ont pas les mêmes fonctions, les mêmes engagements horaires et les mêmes responsabilités dans les associations.

Sans vouloir opposer le public et le privé, je fais observer que les salariés de certaines entreprises ont cinq semaines de congés payés par an alors que ceux de certaines collectivités locales ont jusqu’à huit semaines. Faut-il mettre ces personnes sur le même plan ? À travers cet amendement, on augmente les jours de congés sans tenir compte des différences énormes qui existent déjà dans notre pays entre les salariés du privé et certains salariés du public. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres. Je fais seulement un constat. D’ailleurs, un intéressant rapport sur le temps de travail dans l’administration a été publié récemment. Je pose la question : cet amendement vaut-il pour tous ?

M. Julien Dive. La majorité de la Commission et le Gouvernement se sont opposés à l’amendement de ma collègue Marianne Dubois visant à porter de cinq à quinze le nombre d’autorisations d’absence pour les salariés. J’imagine donc que, par souci de cohérence, ils vont adopter la même position concernant l’amendement de Mme Linkenheld qui souhaite porter la durée du congé d’engagement de six à douze jours.

M. Arnaud Viala. Sans faire de procès d’intention, contrairement à vous, je fais remarquer que lorsqu’on met le doigt dans l’engrenage, on part dans une dérive totale : il n’aura fallu que deux minutes pour en avoir la démonstration. Les députés présents dans cette salle savent bien qu’en mai et juin, ils ont des agendas insupportables car ils sont invités aux assemblées générales de toutes les associations. Adopter cet amendement revient à voter pour la fermeture des trois quarts des entreprises au mois de juin. Quand tous les salariés vont solliciter leur droit d’absence au moment des réunions, les chefs d’entreprise feront le constat qu’ils n’ont plus qu’à fermer.

M. Régis Juanico. Pour ma part, je soutiens cet amendement. Nos collègues de l’opposition doivent comprendre que, durant ce congé d’engagement bénévole, les gens travaillent pour une association et au service des autres. Il y a beaucoup de retraités mais aussi beaucoup de salariés dans les associations : 2 millions de personnes sont dans les bureaux ou les conseils d’administration. Grâce à l’adoption de l’amendement précédent, nous avons élargi l’accès à cette mesure aux fonctions d’encadrement et de direction. Il faut savoir que, de plus en plus souvent, l’engagement des bénévoles est ponctuel : au cours de l’année ils sont chargés d’un projet unique mais lourd en termes d’organisation. Un festival de danses folkloriques, qui se déroule sur quatre ou cinq jours, nécessite énormément de travail de préparation et amont et beaucoup de rangement en aval. Douze jours, c’est une durée qui ne me paraît pas usurpée car, encore une fois, il ne s’agit pas de vacances.

M. Yves Blein. Que nos collègues se rassurent, les chefs d’entreprise sont en général des gens responsables. Ils connaissent leur carnet de commandes et leur charge de travail. L’article de loi précise bien que ce congé peut être accordé. On peut supposer qu’ils n’accorderont pas le congé si c’est contraire à l’intérêt de l’entreprise. On peut leur reconnaître le sens des responsabilités qui leur incombent.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’article 8 représente déjà une belle avancée puisqu’on y crée un congé d’engagement de six jours. Je ne pense pas utile de rajouter six jours supplémentaires. De toute façon, tel que rédigé, l’amendement ne porte pas sur le contenu de l’article 8, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs, mais sur le congé de formation de cadres et d’animateurs pour la jeunesse. L’exposé des motifs n’est pas en adéquation avec ce que propose l’amendement. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. Même avis que Valérie Corre. Ce droit existe aujourd’hui pour certains engagements cadrés. L’objectif est de créer un véritable droit accessible à tous. Nous vous proposerons des amendements qui permettent de trouver une position d’équilibre afin de faire de ce congé un véritable progrès tel qu’affiché dans le texte, et pour le plus grand nombre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ma proximité géographique avec Mme la députée Audrey Linkenheld ne m’empêche pas d’émettre un avis défavorable à cet amendement.

Mme Audrey Linkenheld. J’espère que cette proximité se retrouvera pour les amendements suivants. J’ai entendu la remarque de Mme la rapporteure thématique. Bien que n’étant pas sûre de la partager totalement, je vais retirer l’amendement afin de vérifier s’il y a ou non une erreur matérielle. Le cas échéant, je me permettrai de le redéposer en séance après correction.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1117 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement renvoie à la négociation collective le soin de déterminer si le congé d’engagement donne lieu ou non au maintien de la rémunération du salarié qui en bénéficie.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Ouvrir cette possibilité pour les salariés du secteur privé amènera à des demandes identiques dans le secteur public, ce qui n’est pas envisageable de droit puisque la négociation au niveau de l’établissement n’est pas possible.

M. le rapporteur général. Si cet amendement était accepté par la Commission, je retirerais notre amendement sur le cumul entre les congés syndicaux et les congés pour engagement citoyen.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS705 de M. Noël Mamère, CS657 et CS658 de Mme Michèle Bonneton, CS572 de M. Bernard Lesterlin, CS659 de Mme Michèle Bonneton, CS547 de Mme Audrey Linkenheld, CS721 de Mme Marie-George Buffet, CS119 de Mme Colette Capdevielle, CS571 de Mme Annick Lepetit et CS706 de M. Noël Mamère tombent.

L’amendement CS1170 des rapporteurs est retiré.

La Commission examine l’amendement CS367 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement prévoit de porter le congé à douze jours ouvrables par an pour les salariés qui sont en cessation progressive d’activité afin de leur permettre d’anticiper un peu : il s’agit de favoriser l’engagement lorsque la personne est encore en activité pour en faciliter la poursuite au moment de la retraite.

Puisque j’ai la parole, j’en profite pour dire que nous n’avons pas tous compris quel amendement satisfaisait les différents amendements qui proposent d’élargir le congé d’engagement à ceux qui encadrent, d’une manière ou d’une autre, des activités bénévoles.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Ces amendements sont satisfaits par l’amendement CS1172, qui modifie l’alinéa 2 mais aussi l’alinéa 4.

Concernant l’amendement CS367, madame Linkenheld, ne pensez pas que j’ai un problème avec le chiffre douze. J’avoue ne pas comprendre le sens de l’amendement, car les bénéficiaires d’une retraite progressive ont déjà plus de temps libre pour se consacrer à leurs activités bénévoles. Les journées supplémentaires de congé ne me paraissent donc pas forcément opportunes. En outre, comme nous cherchons à permettre l’engagement des non-retraités, votre demande me semble assez contradictoire avec ce que nous voulons faire. Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld. Je ne partage pas votre analyse. Ce n’est pas parce que des personnes sont en cessation progressive d’activité qu’elles ne peuvent pas, par ailleurs, bénéficier de jours supplémentaires pour s’engager dans une activité bénévole. Et ce n’est pas parce qu’il y a déjà beaucoup de retraités engagés dans une activité associative qu’on ne peut pas inciter ceux qui sont encore salariés à devenir bénévoles. Comme ils sont encore salariés, ils peuvent peut-être aussi faire passer cette idée de l’engagement autour d’eux dans l’entreprise. Je ne vois pas où est la contradiction avec l’esprit du texte mais je respecte évidemment la position exprimée.

Mme Colette Capdevielle. Je soutiens cet amendement que j’ai cosigné et qui va dans l’esprit de la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement que nous avons adoptée. Nous avons beaucoup réfléchi à l’économie et à la société du troisième âge. Cet amendement est destiné à préparer ce passage très difficile de la vie active à la vie associative, dans le contexte d’un allongement de la durée de vie. Il va dans le sens de l’esprit de textes que nous avons déjà adoptés. Il me semble que Michèle Delaunay ne dirait pas mieux.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Après votre intervention, je comprends mieux la logique de l’amendement. Pour autant, les six jours de congés pour quelqu’un qui est déjà à 80 % ou à 50 % dans le cadre d’une cessation progressive d’activité représentent proportionnellement plus que pour un salarié à temps plein. Si je comprends la philosophie de l’amendement, je reste néanmoins sur ma position initiale. Mais nous pourrons en rediscuter, car les débats ne sont pas terminés.

M. le rapporteur général. Une fois n’est coutume, j’avoue que certains arguments utilisés changent la vision que nous pouvions avoir de cet amendement. Cependant, il revient à accroître considérablement la portée de la mesure. Sur le fond, je suis sensibilisé à vos arguments tout en n’étant pas totalement convaincu. Je propose que vous le retiriez pour que nous puissions en discuter d’ici à la séance, car votre objectif est pertinent et fait sens par rapport à l’esprit du texte.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Il me semble préférable de renvoyer à la négociation collective la possibilité d’étendre le congé au-delà des six jours prévus, comme le prévoit le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

Mme Audrey Linkenheld. Devant cette insistance à relancer le dialogue social entre nous, je vais retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1173 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement est de cohérence avec celui que nous avons adopté précédemment puisqu’il étend le congé prévu à l’article 8 aux fonctionnaires qui, à titre bénévole, exercent des responsabilités associatives et à ceux qui sont membres des conseils citoyens.

Mme Isabelle Le Callennec. Je n’ai pas eu de réponse à ma question sur la différence de traitement entre les fonctionnaires et les salariés du privé qui n’ont pas le même temps de travail ni le même nombre de jours de congés. Les Français nous demandent pourtant d’augmenter la convergence entre le privé et le public. Souvenez-vous du débat que nous avons eu sur les jours de carence. Or nous faisons de nouveau une exception pour les fonctionnaires. Je me permets de le dire et de le répéter : il ne faudrait pas qu’il y ait trop de régimes très spéciaux et que les Français aient des traitements de plus en plus éloignés les uns des autres.

Mme Audrey Linkenheld. Votre démonstration, madame Le Callennec, est un peu contradictoire. Vous nous invitez à faire converger le public et le privé mais aussi à ne pas adopter cette disposition du projet de loi qui, précisément, organise la convergence. L’article 8 fixe la même règle de congés d’engagement que l’on soit salarié du public ou du privé. Que le nombre de jours de congés payés ne soit pas le même dans le public et le privé, c’est un autre sujet. L’absence de convergence porte sur les congés payés et non pas sur les congés d’engagement. C’est une raison supplémentaire pour que l’opposition vote avec nous en faveur de cet article 8.

Mme Isabelle Le Callennec. Six jours pour le fonctionnaire et pour le salarié du privé alors qu’ils n’ont pas le même nombre de jours de congés dans l’année, ce n’est pas très équitable.

M. le rapporteur général. Le nombre de jours de congés n’est pas identique non plus pour tous les salariés qui travaillent dans le secteur privé. Dans certaines banques, les congés payés sont de sept semaines. Pour autant, va-t-on moduler le congé d’engagement en fonction de l’entreprise ? Dans ce cas-là, il n’y a plus de droit. C’est un texte pratique. Il a des fondements et des valeurs d’inspiration hautement républicaine, mais ses conséquences sont très pratiques. Pourquoi stigmatiserait-on la distinction entre le public et le privé alors que les études, notamment celles de l’INSEE, montrent que les écarts sont plus importants entre les entreprises du privé qu’entre les secteurs public et privé, en ce qui concerne les congés payés et les vacances ? Il s’agit d’un faux débat.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Quand je vois la manière dont les nouveaux exécutifs de droite diminuent le nombre de jours de congés dans les collectivités territoriales qu’ils dirigent, je pense que vous pouvez être rassurée, madame Le Callennec : avec votre volontarisme politique en la matière, nous allons parvenir à la convergence ! Dans mon département du Nord, les salariés du conseil départemental ont une semaine de congés en moins. En outre, la durée des congés n’est pas identique pour toutes les collectivités territoriales. Comment allez-vous faire la différence entre les uns et les autres ? La cohérence est de fixer un droit universel de six jours pour le congé d’engagement. Nous sommes donc favorables à l’amendement de la rapporteure thématique.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS660 et CS661 de Mme Michèle Bonneton tombent.

La Commission est saisie de l’amendement CS47 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. C’est un vieux combat que nous menons, Hervé Pellois et moi-même, à l’occasion de tous les textes qui nous sont proposés. L’article 8 s’adresse à la fois aux salariés du privé et du public, mais il existe une catégorie à part : les salariés des chambres d’agriculture qui sont régis par un système particulier qui n’est rattaché ni au code du travail ni au statut de la fonction publique. L’amendement vise à réintroduire cette catégorie particulière de salariés qui sont souvent lésés ou mis à l’écart des lois adoptées au Parlement.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis plutôt favorable à votre amendement qui évite la création d’une inégalité entre les personnels administratifs consulaires et les autres agents publics.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Dans l’attente du travail juridique que nécessite la rédaction de cet amendement, je vous propose de le retirer. À défaut, j’y serai défavorable même si j’estime que le débat est légitime.

M. le rapporteur général. Prenons acte que le Gouvernement s’engage à travailler sur cet amendement d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS664 de Mme Michèle Bonneton.

Mme Brigitte Allain. Le dispositif de l’article 8 suppose la possibilité pour les personnes qui ont une activité de bénévole au sein d’une association de pouvoir en faire la preuve. France Bénévolat a déjà pris les devants et créé un passeport bénévole qui semble donner de bons résultats. Ce passeport est soutenu par le ministère de l’éducation nationale, ceux de la santé et de la jeunesse et des sports, ainsi que par l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Il est reconnu comme pièce justificative pour les dossiers de validation des acquis de l’expérience (VAE) du ministère de l’éducation nationale et de l’AFPA. C’est en ce sens que nous souhaitons généraliser sa mise en place et lui donner un caractère légal.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. L’objectif de l’amendement est satisfait par la création du compte engagement citoyen prévu dans la future loi Travail.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La question du passeport bénévole est récurrente et je connais le travail qui est fait par l’association évoquée. Cependant, dans la future loi Travail, nous créons un compte engagement citoyen et nous souhaitons ne pas multiplier les dispositifs pour ne pas compliquer les choses. Avis défavorable.

M. Arnaud Viala. J’aimerais reposer la question à M. le ministre : comment le congé d’engagement que nous nous apprêtons à voter s’articulera-t-il avec le compte engagement citoyen du texte El Khomri, si d’aventure ce dernier est adopté en deuxième lecture ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ces questions d’articulation seront évoquées en séance publique. Nous veillerons à cette cohérence. Au travers de votre question, on sent bien votre volonté de stigmatiser ceux qui ont un engagement, ce que je regrette. Nous aurons donc un débat extrêmement intéressant et clivant, comme l’on dit, en séance publique.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas une réponse !

Mme Brigitte Allain. Donner un passeport à l’engagement citoyen c’est lui accorder une vraie reconnaissance. Cet outil supplémentaire permettrait de mieux valoriser le compte engagement citoyen et de faciliter les choses. Pour moi, il n’y a pas de contradiction entre le passeport bénévole et le compte engagement citoyen, au contraire. Bien que n’étant pas la première signataire de cet amendement, je vais le retirer. Il se peut que ma collègue Michèle Bonneton souhaite le redéposer en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

*

Article 8 bis [nouveau]
(art. L. 123-16-2, L. 821-3, L. 821-6-1, L. 822-14 du code de commerce, art. L. 241-2, L. 719-13, L. 771-1, L. 773-1, L. 774-1 du code de l’éducation, art. 19-8 et 26 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, art. 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, art. 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie)

Clarification de diverses dispositions
relatives à l’appel à la générosité publique

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, procède à des ajustements de cohérence juridique destinés à mettre diverses dispositions législatives en adéquation avec celles des articles 3, 3 bis et 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, modifiées par l’ordonnance n° 2015- 904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations. Cette ordonnance rénove en effet la procédure de déclaration d’appel public à la générosité au regard de l’évolution des pratiques, qui pouvaient être sources d’insécurité juridique.

Le présent article reprend le dispositif de l’article 2 du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 23 juillet 2015, déposé le 27 janvier 2016, portant simplification du régime des associations et fondations, afin d’accélérer ce processus.

Ce dispositif rénové doit permettre aux citoyens de s’engager plus largement en soutenant les nombreux projets d’intérêt général portés par les associations en contribuant à leurs actions sur un plan financier. La nouvelle procédure d’appel public à la générosité, en allégeant les procédures administratives liées à cette forme de financement doit permettre à un nombre croissant d’associations, et notamment les plus petites, de bénéficier de l’engagement des citoyens au soutien de leurs projets.

Enfin, tirant les conséquences de ces dispositions, l’article précise les conditions d’application outre-mer des dispositions du code de commerce, du code de l’éducation et de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS722 de Mme Marie-George Buffet.

M. André Chassaigne. Deux raisons me poussent à retirer cet amendement. D’une part, l’amendement CS1117 des rapporteurs, qui renvoie à la négociation collective le soin de déterminer si le congé d’engagement donne lieu ou non au maintien de la rémunération du salarié qui en bénéficie, répond pour partie à notre préoccupation. D’autre part, je suis personnellement attaché au fait que l’on mesure l’impact de la mesure pour les très petites entreprises (TPE) que je connais particulièrement dans le territoire que je représente.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS877 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est un amendement de mise en cohérence juridique de l’ordonnance de simplification avec la loi du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique.

Dans une France que le Gouvernement souhaite rassembler autour de ses valeurs républicaines, nous avons la chance d’avoir 1,3 million d’associations, 16 millions de bénévoles et des milliers de salariés qui, aux côtés des pouvoirs publics, agissent pour la cohésion sociale. Les associations sont des vecteurs indéniables de citoyenneté et d’égalité. Nous voulons promouvoir cet investissement bénévole en simplifiant les démarches, montages de projets et demandes de subventions.

C’est pourquoi, le choc de simplification initié par le Gouvernement en faveur des entreprises a été élargi aux associations. La publication, le 23 juillet 2015, de l’ordonnance portant simplification du régime des associations et des fondations, ratifiée en janvier 2016, marque la première étape en ce sens.

Cet amendement de mise en cohérence juridique permettra d’accélérer le processus d’appel public à la générosité. Nous pouvons trouver un accord global sur cette proposition.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général et de la rapporteure thématique, la Commission adopte l’amendement.

*

Article 8 ter [nouveau]
(art. L. 261 du code général des impôts)

Rémunération des dirigeants d’association de jeunes

Le présent amendement, introduit à l’initiative des rapporteurs, vise à permettre aux associations de jeunes, dirigées par des jeunes, de rémunérer leurs dirigeants.

En effet, aux termes du d du 1° du 7 l’article L. 261 du code général des impôts, qui définit les critères relatifs au caractère désintéressé de la gestion de l’organisme d’utilité générale, une association « peut rémunérer l’un de ses dirigeants uniquement si le montant annuel de ses ressources, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions leur permettant de bénéficier de la présente disposition, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 200 000 € en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ». Or, ce montant est difficilement accessible aux associations de jeunes, dirigées par des jeunes, généralement financées sur fonds publics.

Aussi, pour permettre aux associations agréées par le ministre chargé de la jeunesse et dont l’instance dirigeante est composée de membres dont la moyenne d’âge est inférieure à trente ans de rémunérer leur dirigeant âgé de moins de trente ans à la date de son élection, le présent article lève, pour ces associations, la condition relative à la provenance privée des ressources. Il convient toutefois de noter que cette rémunération est plafonnée à une fois le montant fixé par l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.

*

La Commission en vient à l’amendement CS1160 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Les associations peuvent, en application de l’article 261 du code général des impôts, rémunérer certains de leurs dirigeants, tout en conservant à leur gestion son caractère désintéressé, si elles remplissent un certain nombre de critères, ayant notamment trait au montant et à la provenance de leurs ressources. Ainsi, les ressources provenant de personnes publiques n’entrent pas dans le calcul des seuils financiers à partir desquels il est possible de rémunérer un ou plusieurs dirigeants.

Cependant, dans de nombreux cas de figure, les associations de jeunes gérées et animées par des jeunes ne parviennent pas à atteindre les seuils fixés par la loi s’il n’est pas tenu compte des ressources provenant des personnes publiques et sont, dès lors, dans l’incapacité de rémunérer leurs jeunes dirigeants, dont l’implication dans la vie de l’association est pourtant réelle.

Aussi, afin de permettre aux associations de jeunes de rémunérer certains de leurs dirigeants, le présent amendement prévoit que toutes les ressources dont elles bénéficient, de quelque nature qu’elles soient, sont prises en compte dans l’appréciation des seuils financiers prévus à l’article 261 du code général des impôts.

M. le rapporteur général. Cet amendement se justifie pleinement après les auditions approfondies de notre rapporteur thématique sur le sujet. Le problème auquel il répond a été soulevé par le mouvement associatif dans son ensemble et pas seulement par les associations de jeunes.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je comprends l’intention des rapporteurs mais je dois émettre un avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 9
(art. L. 120-1 et L. 120-34 du code du service national, art. L. 1424-10, L. 1424-37 et L. 1852-9 du code général des collectivités territoriales, art. 1er de la loi n° 91-1389
du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service)
Service civique des sapeurs-pompiers

I. L’ÉTAT DU DROIT

Les services d’incendie et de secours sont, dès l’origine, impliqués dans le dispositif de service civique. Ainsi, 1 036 volontaires ont été accueillis par des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) depuis 2010, dont 129 en 2014, tandis que la brigade des sapeurs-pompiers de Paris en accueillait 70 en juin 2015 (14).

Si les volontaires qui réalisent leur service civique au sein d’un SDIS sont principalement chargés d’exercer des missions complémentaires à celles des sapeurs-pompiers volontaires ou professionnels, notamment dans le domaine de la prévention, de la communication et de l’information du public, le ministère de l’intérieur a souhaité, à partir de septembre 2015, confier aux volontaires de service civique des missions plus opérationnelles, leur permettant de participer aux interventions d’urgence dans le domaine des secours aux personnes après avoir suivi une formation aux premiers secours en équipe (15).

Un service civique adapté a également été expérimenté en 2015 en région Lorraine, visant à permettre aux volontaires de participer à l’ensemble des missions de sécurité civile, y compris dans le domaine de la sauvegarde des biens et de l’environnement, après avoir reçu une formation initiale de deux mois. Ce dispositif a vocation à « constituer un levier d’engagement pérenne de jeunes en tant que sapeur-pompier volontaire (SPV) au sein d’un centre d’incendie et de secours » (16) et pourrait ainsi remédier à l’érosion inquiétante des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires. Il participerait également à la montée en charge attendue du service civique.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article vise à traduire, dans la loi, la volonté exprimée par le Président de la République, M. François Hollande, au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à Chambéry, en octobre 2013, d’adapter le service civique aux besoins opérationnels des sapeurs-pompiers.

Le I du présent article modifie à cette fin l’article L. 120-1 du code du service national pour créer un service civique spécifique aux sapeurs-pompiers. Ainsi, aux côtés du service civique, du volontariat associatif et des volontariats internationaux en entreprise ou au sein d’administrations, du service volontaire européen et du volontariat de solidarité internationale, un service civique des sapeurs-pompiers serait créé.

La spécificité de ce service civique résiderait dans la formation initiale obligatoire, de deux mois maximum, dispensée au volontaire par l’organisme d’accueil, ainsi que dans la réalisation de missions de protection et de lutte contre les incendies et autres accidents, sinistres ou catastrophes, d’évaluation et de prévention des risques technologiques ou naturels et de secours d’urgence. Ces missions seraient effectuées sous la surveillance de sapeurs-pompiers et en complément de ces derniers.

Le II du présent article opère les coordinations nécessaires au sein du code général des collectivités territoriales. Il prévoit notamment que les volontaires en service civique de sapeurs-pompiers sont, comme les sapeurs-pompiers volontaires membres du corps départemental, engagés et gérés par le service départemental d’incendie et de secours. L’article L. 1424-37 du même code est également modifié pour faire bénéficier les volontaires en service civique des mêmes droits que les sapeurs-pompiers volontaires en matière de formation initiale et continue. L’article L. 1852-9 est quant à lui modifié pour adapter ces dispositions aux services d’incendie et de secours de Polynésie française.

Le III du présent article étend aux volontaires en service civique des sapeurs-pompiers les dispositions de l’article 1er de la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service, qui assurent une protection sociale complète aux sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident ou de maladie lié à l’accomplissement de leurs missions. Les volontaires pourront notamment bénéficier, en cas d’accident ou de maladie, leur vie durant, de la gratuité de tous les frais médicaux – chirurgicaux, pharmaceutiques, de transport, d’hospitalisation, d’appareillage, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation professionnelle, etc. – directement entraînés par cet accident ou cette maladie.

Le IV du présent article rend ces dispositions explicitement inapplicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

III. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

Le service civique des sapeurs-pompiers a pour principal objectif de répondre à la frustration des engagés de service civique, qui ne peuvent, à l’heure actuelle, apporter leur soutien aux sapeurs-pompiers en opération, mais aussi de susciter des vocations parmi les jeunes, ensuite pérennisées au travers d’un engagement de sapeur-pompier volontaire. Si le présent article répond à un réel besoin des sapeurs-pompiers, il importe cependant de veiller à ce qu’il ne soit pas confondu, par les organismes d’accueil, avec l’engagement de sapeur-pompier volontaire, qui, s’il en constitue la suite logique, ne répond pas aux mêmes objectifs.

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La Commission est saisie de l’amendement CS709 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. La création d’un nouveau corps de sapeurs-pompiers en service civique est malvenue. Les services publics, d’autant plus qu’il s’agit de services liés à la sécurité et à l’intégrité de l’État, se doivent d’être exemplaires en matière d’emploi. Il ne peut être fait usage de ces contrats peu rémunérés – bien que formateurs – et ne relevant pas du droit du travail ni du code de la fonction publique.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis en désaccord avec vous sur ce point. La création d’un engagement de service civique spécifique aux sapeurs-pompiers répond à une demande forte des jeunes, qui ont envie d’être beaucoup plus impliqués dans ces missions, et à la nécessité de promouvoir l’engagement de sapeurs-pompiers volontaires auprès de la population pour endiguer la baisse préoccupante de leurs effectifs. Il ne s’agit nullement de créer un nouveau corps de sapeurs-pompiers sous-qualifiés ; il s’agit de permettre à des jeunes de découvrir concrètement l’exercice de ces missions essentielles.

Mme Isabelle Le Callennec. Quelle est la différence entre un service civique des sapeurs-pompiers et le statut actuel des jeunes sapeurs-pompiers volontaires ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cela n’a rien à voir.

M. Joaquim Pueyo. Les jeunes sapeurs-pompiers sont âgés de douze à seize ans, et n’ont en effet rien à voir avec le service civique. Et il y a aussi des sapeurs-pompiers volontaires. Je suis contre la suppression de cet article.

M. Bernard Lesterlin. Dans le projet de loi que nous examinons, cet article est essentiel à la consolidation du service civique. Jusqu’à présent, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) étaient agréés pour accueillir des jeunes en service civique. Cependant, ces jeunes échappaient à la fonction essentielle des sapeurs-pompiers : l’opérationnel.

Cet article a été rédigé en étroite collaboration entre le Gouvernement, le ministère de l’intérieur et la FNSPF pour donner un vrai contenu opérationnel à ces missions de service civique. Pour avoir participé, dimanche dernier, au congrès des sapeurs-pompiers volontaires de mon département, je peux vous dire qu’ils attendent avec impatience que nous prenions des dispositions pour réalimenter la pompe du volontariat puisque les volontaires représentent plus de 80 % des effectifs de pompiers en France.

Au cours de la précédente législature, avec notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier et dans un grand élan d’unanimité du Parlement, nous avions procédé à l’écriture du statut des sapeurs-pompiers, qui se situe quelque part entre le bénévolat et le salariat. C’est précisément un statut de volontaire. D’ailleurs, la loi de 2011 s’est beaucoup inspirée de ce que nous avions fait durant l’année précédente sur le statut du service civique, avec Martin Hirsch et en manifestant la même volonté de rechercher l’unanimité du Parlement.

Cet article est tout à fait essentiel pour crédibiliser le service civique, réalimenter les services de sapeurs-pompiers en volontaires, et assurer ainsi la sécurité civile dans notre pays. Il faut soutenir cet article à l’unanimité.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. L’expérimentation du dispositif menée en Meurthe-et-Moselle a donné de très bons résultats. En permettant à des jeunes en service civique de trouver leur vocation et de s’engager dans les sapeurs-pompiers volontaires, on crée une chaîne de solidarité très intéressante.

M. Yves Fromion. Qu’entendez-vous par « formation initiale d’une durée maximale de deux mois » ? S’agit-il d’une période continue de deux mois ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Non, ce sont deux mois de formation dans le cadre global du service civique.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1112 des rapporteurs.

Elle adopte ensuite l’article 9 modifié.

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Article 10
(art. L. 120-1 et L. 120-30 du code du service national)

Extension du champ des organismes susceptibles d’accueillir des volontaires en service civique

I. L’ÉTAT DU DROIT

Le dispositif de service civique, prévu aux articles L. 120-1 à L. 120-36 du code du service national, est aujourd’hui accessible aux personnes morales de droit public, telles que l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements, ainsi qu’aux organismes à but non lucratif, tels que les associations, à l’exception des associations cultuelles ou politiques, des congrégations, des fondations d’entreprise et des comités d’entreprise.

De ce fait, les organismes d’habitation à loyer modéré, dont certains existent sous la forme de sociétés anonymes, ne peuvent recevoir l’agrément de l’Agence du Service civique, leur forme juridique déterminant leur caractère lucratif. Il en est de même de certaines sociétés entièrement détenues par des personnes publiques, qui gèrent des services publics ou exercent une activité d’intérêt général.

Eu égard à la nécessité d’assurer la montée en charge du service civique et de faire participer 350 000 jeunes à ce dispositif d’ici trois ans, conformément aux annonces du Président de la République de janvier 2016, il importe d’étendre le vivier des organismes d’accueil et des missions susceptibles d’être proposées.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article a pour objet d’étendre à de nouveaux types d’organismes la possibilité de recevoir l’agrément nécessaire à l’accueil de volontaires du service civique. Le I du présent article modifie ainsi l’article L. 120-1 du code du service national afin de rendre le dispositif accessible :

– aux organismes d’habitation à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitat, soit notamment aux offices publics de l’habitat et aux sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré ;

– aux sociétés publiques locales mentionnées à l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, sociétés exclusivement détenues par des collectivités territoriales ou par leurs groupements ayant pour objet la réalisation d’opérations d’aménagement urbain ou de construction, exploitant un service public industriel et commercial ou toutes autres activités d’intérêt général ;

– aux entreprises détenues exclusivement par l’État, comme France Télévisions, Radio-France ou l’Imprimerie nationale.

Le II du présent article opère la coordination nécessaire avec l’article L. 120-30 du même code, relatif à l’agrément délivré par l’Agence du service civique aux structures d’accueil.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté un amendement visant à permettre aux entreprises solidaires d’utilité sociale agréées en application de l’article L. 3332-17-1 du code du travail de recevoir d’agrément de l’Agence du service civique. Elle a également souhaité renforcer les obligations pesant sur les organismes agréés en matière de mixité sociale et éducative. À l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a adopté un amendement tendant à faire de la non-substituabilité à l’emploi des missions de service civique proposées un critère de l’agrément délivré par l’Agence du service civique.

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La Commission examine les amendements identiques CS57 de M. Jean-Pierre Decool, CS700 de M. Noël Mamère et CS723 de Mme Marie-George Buffet.

M. Julien Dive. Aux termes de la loi de 2010, seuls les organismes sans but lucratif de droit français ou les personnes morales de droit public sont éligibles au service civique. L’article 10 du projet de loi propose d’élargir l’agrément aux organismes HLM, aux sociétés publiques locales et aux sociétés dont l’État détient la totalité du capital. Cette volonté d’élargir l’agrément semble intéressante, mais la disposition pose la question de la nature des missions et de la qualité de l’encadrement des jeunes. L’amendement de suppression est plutôt un appel à revoir l’article.

Mme Brigitte Allain. Seules des personnes morales de droit public ou des associations doivent pouvoir bénéficier des services proposés par les jeunes dans le cadre du service civique. L’engagement des jeunes ne peut être mis au service de sociétés privées. C’est pourtant une dérive actuellement constatée, un certain nombre de services civiques ayant tendance à remplacer des contrats de travail. Il faut absolument réussir à maintenir cette belle initiative qu’est le service civique en encadrant strictement sa mise en œuvre dans le service public.

M. André Chassaigne. Un service civique généralisé qui se substituerait à des emplois constituerait une trappe de précarité. Dans le même esprit, nous défendrons un amendement de suppression de l’article 12.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. Il me semble que le texte a su trouver un équilibre entre, d’une part, la nature d’intérêt général des missions et, d’autre part, la nécessité de permettre la montée en charge du service civique, dont je rappelle qu’il doit bénéficier à 350 000 jeunes d’ici à trois ans.

M. le rapporteur général. Ce point important a fait l’objet de nombreux échanges avec les associations, qui nous ont en effet alertés sur les dérives ponctuelles. Le Gouvernement, ainsi que cette commission dans son ensemble, ont à cœur de conserver l’esprit du service civique en veillant à ce qu’il ne se substitue pas à de véritables emplois. Le texte comporte des garde-fous, des amendements seront présentés en ce sens, et la discussion se poursuivra en séance. Attention, en revanche, aux amendements qui viendraient casser la souplesse nécessaire au dispositif. Nous avons une responsabilité collective vis-à-vis de ce service civique qui marche et qui a survécu à l’alternance.

M. Serge Letchimy. Certes, il ne faut laisser planer aucun soupçon sur l’utilisation du service civique. Mais s’il y a un problème aujourd’hui, il se pose dans nos banlieues, en particulier dans les zones en difficulté où il faut créer les conditions d’un échange au sein de la communauté dite « HLM ». Élargir l’agrément aux sociétés HLM est donc une très bonne chose, car cela permettra d’humaniser les rapports entre ces sociétés et les habitants. De la même manière, rendre éligibles au dispositif les sociétés publiques locales permettra d’instaurer un dialogue, par exemple dans le cadre des aménagements de quartiers populaires à la Martinique. Je suis donc contre la suppression de l’article.

M. Jean-Louis Bricout. Les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) ont-elles les moyens de contrôler les missions pour éviter tout risque de dérive ?

M. Jean-Noël Carpentier. Effectivement, il faut humaniser certains quartiers, à condition que les sociétés HLM ne se livrent pas elles-mêmes à des dérives. Je ne voterai pas l’amendement de suppression de l’article, mais j’attends de connaître le sort qui sera réservé aux amendements après l’article 12 pour me prononcer.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 10, pour trois raisons.

D’abord, un amendement à venir du Gouvernement vient conforter l’esprit de la loi de 2010, en confirmant qu’il ne peut y avoir substitution du service civique à des emplois.

Ensuite, dans la mesure où il y a actuellement quatre demandes de service civique pour une offre, il faut absolument étendre le champ des offreurs de service civique. Les offices de l’habitat, quel que soit leur statut, ont vocation à proposer des missions pour développer le lien social, notamment auprès des habitants. Autre exemple : le Palais de Tokyo, avec un capital 100 % public, peut valoriser l’accès à la culture grâce au service civique.

Enfin, les agréments sont délivrés par l’Agence du service civique et les services déconcentrés de l’État effectuent des contrôles fréquents. Toutes les conditions sont donc réunies pour permettre l’extension de l’offre du service civique dans notre pays.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement CS574 de M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Cet amendement vise à permettre aux entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) d’accueillir des jeunes en service civique. L’agrément ESUS est extrêmement restrictif ; il garantit que l’organisme qui le détient est bien d’utilité sociale et que différents aspects liés à son activité sont conformes à l’éthique de l’économie sociale.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable, sous réserve que le contrôle de l’Agence du service civique soit suffisamment efficace pour éviter, comme pour les autres structures agréées, toute substitution de missions de service civique à des emplois.

M. le rapporteur général. Même avis. Il y aura toujours, ici ou là, des dérives ou des tentatives pour contourner le dispositif ; Génération précaire, notamment, nous en a présentés. Mais le Gouvernement s’est engagé, le ministre vient d’annoncer un amendement à venir pour nous rassurer. Nous reviendrons sur les capacités de contrôle plus avant dans le débat, y compris en séance.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Pour l’essentiel, les ESUS sont des structures relevant du secteur associatif ou des fondations, qui sont déjà éligibles. L’amendement étend l’agrément aux ESUS de droit privé, soit environ 1 500 organismes. Le Gouvernement s’oppose à l’octroi de l’agrément à ces entreprises de droit privé pour deux raisons. D’une part, si l’entrepreneur choisit un statut de droit privé, alors l’organisme poursuit un but lucratif, ce qui l’éloigne de l’objectif même du service civique. D’autre part, l’agrément à une entreprise de droit privé à but lucratif constituerait une aide d’État au sens du droit communautaire, et il devrait être préalablement déclaré, d’où un risque de contentieux.

M. le rapporteur général. J’entends le second argument, mais moins le premier. En effet, le projet de loi étend l’agrément aux bailleurs, qu’ils soient de droit public ou de droit privé : le statut de droit privé ne sous-entend pas le but lucratif.

M. Yves Blein. Mon amendement concerne un nombre restreint de structures, mais beaucoup d’entre elles s’intéressent à l’insertion et n’ont pas forcément le choix de leur statut : le statut commercial d’une entreprise d’insertion, par exemple, est plutôt dicté par son environnement fiscal et réglementaire. En tout cas, l’agrément ESUS est extrêmement restrictif et donne accès à des fonds destinés à l’économie sociale et au développement durable, qui viennent financer des projets d’intérêt général. D’où l’intérêt d’élargir l’agrément à toutes les ESUS.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’adoption de cet amendement ouvrirait une boîte de Pandore : où serait la frontière dans le choix des structures privées à but lucratif ? L’esprit du service civique tel qu’il a été imaginé par Martin Hirsch doit être conservé.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS548 de Mme Audrey Linkenheld, qui fait l’objet du sous-amendement CS1175 du Gouvernement.

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement CS548 tend à préciser que les structures agréées s’engagent à contribuer à l’objectif de mixité sociale et éducative du service civique, que ses initiateurs avaient conçu comme un moyen de faire se rencontrer des jeunes issus de tous horizons et de tous niveaux.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cette disposition va dans le bon sens. Toutefois, interdire le recrutement des jeunes sur curriculum vitae paraît peu praticable ; je préfère mettre l’accent sur un recrutement à la motivation.

Par ailleurs, une convention avec l’État risquerait d’alourdir le processus, alors que l’objectif est la montée en charge du dispositif, avec une demi-génération en service civique d’ici à 2018. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement CS1175.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Certes, le recrutement des jeunes ne doit pas se faire sur leur CV, mais d’autres méthodes que celle-là permettent de discriminer les jeunes. Par contre, il est essentiel d’insister sur la notion de mixité sociale. Je suis donc favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

M. le rapporteur général. L’avis sur l’amendement tel qu’exprimé par le Gouvernement illustre parfaitement sa volonté de ne laisser subsister aucun doute sur le fait que le service civique ne peut se substituer à l’emploi. Nous ne sommes pas que dans des déclarations d’intention !

Mme Élisabeth Pochon. L’objectif de l’amendement est louable : c’est l’entretien qui doit être privilégié afin de ne laisser aucun jeune de côté.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

Elle discute de l’amendement CS1146 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement a pour objet d’ouvrir aux fondations d’entreprise la possibilité de recevoir l’agrément de service civique. Dès lors que de telles fondations sont constituées en vue de réaliser une œuvre d’intérêt général, elles doivent pouvoir proposer des missions de service civique.

M. Serge Letchimy. Pourquoi étendre l’agrément aux fondations privées ? Ne faudrait-il pas circonscrire l’extension de l’agrément aux fondations qui réalisent une mission d’intérêt public ?

M. Bernard Lesterlin. Lors de l’examen de la loi 2010, nous avions décidé – droite et gauche réunies – que les fondations d’entreprise ne pourraient pas recevoir d’agrément pour organiser le service civique. Êtes-vous prêts à imaginer des jeunes en service civique vêtus d’un T-shirt portant les inscriptions « République française-service civique » sur le devant et « Fondation Total » dans le dos pour aller nettoyer des plages après une marée noire ?

M. Yves Fromion. C’est l’abominable majorité à laquelle j’appartenais qui a inventé le service civique. Le propos de Bernard Lesterlin est frappé au coin du bon sens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement. Les fondations sont, par nature, d’utilité publique ; les fondations d’entreprise ont été écartées, à juste titre, de la loi de 2010.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’argument selon lequel il ne faut pas toucher à la loi initiale ne tient pas. Sinon, pourquoi, étendre l’agrément aux HLM et aux ESUS ? Et globalement, pourquoi introduire les articles 9 à 13 ?

M. Yves Blein. Les fondations sont soutenues par la puissance publique dans la mesure où l’argent qu’elles reçoivent fait l’objet de mesures fiscales préférentielles. À travers ces mesures, l’État reconnaît déjà qu’elles contribuent à l’intérêt général. La Fondation Total réalise un travail remarquable de protection des espèces marines, des coraux par exemple : c’est sa mission première. Pourquoi des jeunes passionnés par la biodiversité et sa protection ne pourraient-ils pas participer à ses activités dans le cadre du service civique ?

M. Régis Juanico. En 2010, nous avions prévu un dispositif pour 20 000 ou 30 000 jeunes volontaires et un budget de moins de 100 millions d’euros ; aujourd’hui, nous visons la moitié d’une classe d’âge en 2018 et un budget qui devrait dépasser le milliard d’euros. Je ne connais pas beaucoup de budgets qui auront été multipliés par dix en six ans ! À mon avis, le plus important est de définir ce que nous entendons mettre dans une mission d’intérêt général de qualité, plutôt que l’organisme support qui reçoit les jeunes volontaires, même si je reste prudent sur les fondations d’entreprise. Le secteur du logement, les sapeurs-pompiers, la transition énergétique, les solidarités intergénérationnelles, constituent un gisement qui permettra de réduire l’écart entre le nombre de demandes et le nombre d’offres de missions de service civique.

M. Yves Fromion. Je trouve anormal que l’État utilise l’argent public pour mettre à disposition d’entreprises, qui ne manquent pas de moyens, des jeunes en service civique. La Fondation Total est tout de même capable d’assumer elle-même l’accueil et la prise en charge de jeunes !

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’État dépense déjà beaucoup d’argent par le biais de la défiscalisation des bénéfices qui alimentent ensuite la fondation. Il n’a pas à refaire un effort à travers le service civique.

M. Yves Blein. Ce n’est pas parce que l’État permettrait à ces fondations d’accueillir des jeunes en service civique qu’il les financerait. Elles n’en ont pas besoin. Alors que très peu de collectivités locales font l’effort d’accueillir des jeunes, il serait dommage d’empêcher les fondations d’entreprise de le faire, sous le contrôle de l’Agence du service civique. Je pense qu’un certain nombre de jeunes seraient intéressés de participer au développement des énergies nouvelles en Afrique subsaharienne dans le cadre de la fondation EDF.

M. Jean-Noël Carpentier. On ne peut pas comparer les organismes HLM, l’économie sociale et solidaire et les collectivités territoriales aux grandes fondations qui sont adossées à des groupes du CAC 40 ! Ces fondations sont aidées par l’État et elles ont largement les moyens d’accueillir des jeunes. Cet amendement va donner prise aux inquiétudes liées à la substitution du service civique à l’emploi. J’invite la rapporteure à le retirer !

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS1147 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement a pour objet d’assurer une distinction plus nette entre le travail salarié et le service civique, en prévoyant que l’agrément des personnes morales se fait également sur la base du caractère non substituable à l’emploi des missions proposées dans le cadre du service civique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable. Cet amendement va dans le sens de celui que je défendrai tout à l’heure.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS452 rectifié et CS451 rectifié de M. Bernard Lesterlin tombent.

La Commission adopte l’article 10 modifié.

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Article 11
(art. L. 120-4 du code du service national)

Accès des personnes de nationalité étrangère au service civique

I. L’ÉTAT DU DROIT

En application de l’article L. 120-4 du code du service national, certaines personnes de nationalité étrangère peuvent accéder au dispositif de service civique. C’est notamment le cas, sans condition de résidence, des personnes ayant la nationalité d’un État membre de l’Union européenne ou celle d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. C’est également le cas des personnes en séjour régulier en France depuis plus d’un an, sous couvert d’un des titres de séjour suivants :

– une carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique-chercheur »,

– une carte de séjour temporaire portant la mention « profession artistique et culturelle »,

– une carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle délivrée à une personne étrangère bénéficiant d’un contrat de travail en France ou venant exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale,

– une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée de plein droit, à l’exception des cartes de ce type délivrées en raison de l’état de santé de son titulaire,

– une carte de résident délivrée en application de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France aux personnes étrangères justifiant d’une résidence ininterrompue d’au moins cinq années en France, ou délivrée de plein droit en application des articles L. 314-9 et L. 314-11 du même code.

Le Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi relatif au droit des étrangers en France (17), avait souhaité étendre l’accès au service civique à un nombre plus large de personnes étrangères, afin d’accompagner le nouveau dispositif d’accueil et d’intégration des étrangers. Toutefois, cette disposition, introduite au cours de la nouvelle lecture du texte par l’Assemblée nationale, a été censurée par le Conseil constitutionnel (18), qui a considéré qu’elle n’avait pas de lien direct avec les dispositions restant en discussion.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article tire les conséquences de la réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile de mars 2016 et modifie l’article L. 120-4 du code du service national afin de rendre le service civique accessible, au-delà des personnes de nationalité étrangères qui en bénéficient actuellement :

– aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans, qui séjournent en France depuis plus d’un an, déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée et ont obtenu un titre de séjour en application de l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers du droit d’asile (CESEDA) ;

– les majeurs séjournant en France depuis plus d’un an sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée de plein droit, en application de l’article L. 313-13 du CESEDA, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et à leur famille ;

– les majeurs séjournant en France depuis plus d’un an sous couvert d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » ou d’une carte « passeport talent (famille) » ;

– les majeurs détenteurs d’une carte de séjour pluriannuelle générale délivrée après un premier document de séjour en application de l’article L. 313-17 du CESEDA.

Par ailleurs, la condition de résidence d’un an ne serait plus applicable aux personnes étrangères ayant obtenu la délivrance de plein droit d’une carte de résident du fait de leur statut de réfugié ou de membre de la famille d’un réfugié.

Si ce dispositif est de nature à faciliter l’intégration des personnes étrangères en France, il permet également d’assurer au service civique la diversité et la mixité sociale qui font son intérêt.

III. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

La rapporteure thématique estime que la condition de résidence d’un an ne devrait pas être imposée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ainsi qu’aux étudiants étrangers bénéficiant d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ». Suivant l’avis de la rapporteure thématique, la Commission spéciale a adopté deux amendements en ce sens.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS448 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Il faut rappeler l’importance de la dimension internationale de l’engagement citoyen. Au-delà des vertus du service civique dans l’Hexagone, nous avons conscience de l’intérêt du choc culturel que subissent ceux qui partent à l’étranger. Ils ne représentent malheureusement que 2 % de l’effectif total des jeunes concernés, et cette démarche ne peut exister que dans un contexte de réciprocité.

En la matière, tout reste à construire. Des pays amis nous sollicitent pour que nous les aidions à mettre en place un service civique : ils veulent également renforcer leur cohésion nationale et cherchent à faire sortir leurs jeunes des cités et des quartiers. Il nous appartient de faciliter la mobilité internationale de jeunes engagés étrangers désirant effectuer une mission d’engagement citoyen en France.

À ma connaissance, le Gouvernement n’a pas exprimé d’avis négatif sur ce sujet. Le prédécesseur de notre actuel ministre des affaires étrangères a reçu à l’automne dernier un remarquable rapport qu’il avait commandé à l’inspection générale de son ministère et à celle du ministère de la jeunesse sur la situation de l’engagement citoyen à l’international.

Il est temps d’affirmer solennellement dans la loi la place de cet engagement. La France doit aussi devenir un pays d’accueil à cet égard.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique sur le titre Ier. Avis défavorable. S’il faut encourager la possibilité pour les étrangers qui se trouvent de façon régulière en France d’effectuer un service civique, il me paraît difficile de délivrer des titres de séjour à tous ceux qui viendraient dans notre pays pour y remplir une mission d’engagement citoyen.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Avis défavorable. Monsieur Lesterlin, vous proposez que les jeunes engagés étrangers fasse l’objet d’une « dispense de carte de séjour », mais sur quelle base légale s’effectuerait alors leur séjour en France ?

Par ailleurs, ce projet de loi va s’enrichir au cours de la navette. Nous proposerons à la commission spéciale de demander un rapport sur l’Office francophone et méditerranéen de la jeunesse. Ce rapport pourra, par exemple, proposer une carte de séjour spécifique pour les jeunes engagés auprès de l’Office.

Vous connaissez la situation internationale à laquelle nous sommes confrontés, et qui concerne notamment des ressortissants issus de « pays amis », pour reprendre votre expression. En l’état, nous ne pouvons pas accepter cet amendement.

M. Yves Fromion. Je ne comprends pas bien si les jeunes concernés par l’amendement s’engagent dans un service civique avant d’arriver en France, ou si nous parlons de ceux qui sont déjà sur place.

Mme Élisabeth Pochon. Si un jeune étranger a trouvé une mission de service civique en France, je ne vois pas ce qui pourrait empêcher qu’il rejoigne notre pays pour l’effectuer. Par ailleurs, est-il prévu que des jeunes des pays membres de l’Union européenne puissent effectuer un service civique en France ?

M. le rapporteur général. Ils n’ont pas besoin de carte de séjour : le texte prévoit déjà qu’ils peuvent parfaitement le faire.

Mme Élisabeth Pochon. Qu’en est-il des jeunes étrangers qui auraient obtenu une mission de service civique, par exemple grâce à des accords internationaux avec des pays francophones ?

M. Bernard Lesterlin. Tous ceux qui se sont exprimés confondent la situation d’étrangers qui voudraient profiter d’un engagement citoyen en France pour faciliter leur intégration dans notre pays avec la simple réciprocité que nous accorderions aux pays partenaires vers lesquels nous envoyons déjà nos propres engagés.

Cet amendement ne vise qu’à permettre aux jeunes ressortissants de pays partenaires impliqués dans une démarche d’engagement citoyen avec des collectivités territoriales, dans le cadre de la coopération décentralisée, ou avec des associations, de venir passer neuf mois en France avant de rentrer dans leur pays. Il ne s’agit ni d’un quelconque « appel d’air » ni de la venue de cohortes nombreuses.

Nous disposons avec ce texte du véhicule législatif pour agir – nous n’aurons pas une telle occasion tous les jours. Si nous n’inscrivons pas cette disposition dans la loi, nous resterons dans la situation que dénonce l’association France Volontaires depuis que le service civique a été créé, avec une multitude de statuts pour les jeunes étrangers concernés, statuts qui dépendent uniquement de la libre appréciation des divers consuls. Les jeunes étrangers en question sont aujourd’hui peu nombreux, mais si nous développons la dimension internationale du service civique, il faudra trouver une solution à ce problème. Je me permets d’ailleurs de m’étonner que cette question n’ait pas été traitée en amont, lors des discussions interministérielles.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir aujourd’hui sur les débats relatifs à la réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Il considère qu’une durée de séjour d’un an constitue pour un étranger la porte d’entrée normale pour effectuer un service civil en France. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS701 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. Il s’agit de couvrir différents aspects de l’engagement par le service civique des jeunes, qu’ils soient étrangers ou non. En effet, la loi permet, avec l’autorisation de leurs responsables légaux, la conclusion par les jeunes de plus de seize ans d’un contrat de service civique. Il est nécessaire qu’il n’y ait pas de discrimination entre les jeunes ressortissants d’un pays de l’Union européenne, Français ou non, et les autres, quel que soit le titre de séjour qui leur permet de se trouver légalement en France. Il faut que tous les jeunes puissent s’engager dans les mêmes conditions à partir de seize ans.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. Madame Allain, votre demande vise à ajouter à la liste de l’article 11 de nouveaux cas permettant à un étranger séjournant en France d’accéder au service civique. Elle est déjà satisfaite s’agissant des jeunes relevant de l’article L. 314-8-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), car ils disposent d’un titre délivré en application de l’article L 320, cité à l’article 11 du projet de loi. De la même façon, les personnes bénéficiant de la protection judiciaire sont déjà prises en compte.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement. S’il était maintenu, nous y serions défavorables.

Mme Brigitte Allain. Si la plupart des cas visés sont déjà cités dans l’article, je veux bien retirer l’amendement pour l’instant.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS702 de M. Noël Mamère.

Mme Valérie Corre. Avis favorable. Il me paraît souhaitable d’aligner l’âge minimal des jeunes étrangers pouvant obtenir un contrat de service civique avec celui prévu pour les jeunes de nationalité française, soit seize ans.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement CS1113 des rapporteurs, tendant à rectifier une erreur matérielle.

Puis elle est saisie de l’amendement CS1149 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit de permettre aux étrangers ayant obtenu la protection subsidiaire d’accéder au service civique sans avoir atteint une durée de séjour minimal d’un an.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Les étrangers protégés subsidiaires sont désormais éligibles au service civique au terme d’un an de séjour en France. Leur situation ne saurait être toutefois en la matière assimilée à celle des réfugiés qui bénéficient d’un statut stable de nature à justifier qu’aucune condition de durée préalable de séjour ne puisse leur être opposée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS1150 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement vise à ce que la condition de séjour minimal d’un an ne s’applique pas aux étudiants étrangers.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Je le répète : nous ne souhaitons pas ouvrir le service civique aux jeunes présents depuis moins d’un an sur le territoire national.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

*

Article 12
(art. L. 120-32 du code du service national)

Intermédiation de service civique entre personnes morales de droit public

Le présent article modifie l’article L. 120-32 du code du service national pour permettre aux personnes morales de droit public agréées par l’Agence du service civique de mettre à disposition leurs volontaires auprès de personnes morales de droit public non agréées mais répondant aux conditions de l’agrément, notamment en ce qui concerne la nature des missions confiées aux volontaires et la capacité des organismes à les prendre en charge.

Cette possibilité d’intermédiation, déjà ouverte avec succès aux organismes à but non lucratif, encouragerait les personnes morales de droit public comme les collectivités territoriales, qui n’auraient pas besoin d’être agréées par l’Agence du Service civique, à accueillir des volontaires en leur sein et favoriserait ainsi la montée en charge du service civique.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS727 de Mme Marie-George Buffet.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à supprimer l’article 12 relatif à la pratique dite de l’intermédiation, c’est-à-dire à la mise à disposition, par des personnes morales de droit public agréées, de volontaires en service civique auprès de personnes morales de droit public non agréées pour le service civique .

Cette intermédiation crée une insécurité pour les engagés du service civique puisqu’ils seront encadrés par des structures qui ne garantissent pas que ce service civique s’effectue dans un objectif d’engagement et non d’emploi déguisé.

Mme Valérie Corre, rapporteur thématique. Avis défavorable. Le système d’intermédiation existe déjà pour les associations. Unis-Cités est la preuve qu’il fonctionne bien et qu’il permet à de nombreuses associations de proposer des missions de service civique, ce que leurs propres moyens ne leur permettraient pas de faire si elles devaient elles-mêmes déposer une demande d’agrément.

M. le rapporteur général. Il y a eu des dérives dans le passé mais, à long terme, il n’y aura quasiment plus d’intermédiation car le service civique, qui en est à ses débuts, pourra être géré directement. Les structures d’intermédiation changeront de métier, et s’occuperont de la formation ou de l’accueil des engagés volontaires. Je ne parlerai pas de sélection, car ce n’est pas l’objet du service civique, mais elles géreront aussi l’identification des profils.

Je comprends les motivations de l’amendement, mais il répond à ce qui se passait hier. Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle ère du service civique qui le rend inutile. S’il n’était pas retiré, j’y serais défavorable.

M. André Chassaigne. Je remercie le rapporteur général d’avoir apporté de l’eau à mon moulin. Si l’intermédiation doit disparaître, comme il nous l’explique, alors pourquoi maintenir l’article 12 ? C’est un peu comme si vous nous demandiez d’acheter un couteau dont on sait qu’il perdra bientôt sa lame. (Sourires.)

M. Serge Letchimy. Nous avons d’un côté des associations et des structures qui ne disposent pas d’un agrément, et, de l’autre, des collectivités qui n’ont pas les moyens de mener directement certaines actions et qui peuvent les faire bénéficier de leur agrément. C’est une solution intelligente, qui permet d’enclencher une dynamique associative et favorise le développement du service civique, d’autant que de nombreuses associations n’ont pas les ressources nécessaires pour agir seules en la matière.

Mme Audrey Linkenheld. Les structures qui pratiquent aujourd’hui l’intermédiation, comme celle que la rapporteure thématique a évoquée, Unis-Cités, sont précisément celles qui sont à l’origine de l’invention du service civique. On leur ferait vraiment un mauvais procès en imaginant qu’elles voudraient dévoyer le dispositif ou qu’elles ne l’auraient pas compris.

Nous pouvons proposer de mettre en place des garanties supplémentaires
– ce sera l’objet de mon amendement CS552 –, mais nous devons faire confiance aux structures d’intermédiation. Sans elles, nous ne serions pas en train de parler du service civique en ce moment !

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Comme vient de le dire Mme Audrey Linkenheld, l’expérience mise en place depuis 2010 est réussie : il n’y a aucune raison de la remettre en cause aujourd’hui en supprimant cet article.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CS708 de M. Noël Mamère.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS220 de Mme Isabelle Le Callennec.

M. Julien Dive. L’intermédiation doit aussi concerner les collectivités territoriales, en raison de leurs compétences et des liens noués avec les acteurs du terrain.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Les collectivités territoriales étant des personnes morales de droit public, elles sont donc déjà dans le champ de l’article 12. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer, sans quoi je devrai émettre un avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS114 et CS1115 des rapporteurs.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS552 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. J’ai évoqué il y a un instant cet amendement, qui a pour objet de permettre de veiller à ce que toutes les structures d’intermédiation assurent dans de bonnes conditions un accompagnement global, mais aussi un recrutement qui respecte la mixité dont nous avons déjà débattu.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. Vous souhaitez qu’une convention soit signée entre la personne morale agréée faisant de l’intermédiation, et l’Agence du service civique, mais la procédure d’agrément constitue déjà une forme de convention. Je considère en conséquence que votre amendement est satisfait.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable également. La mise en place de nouvelles contraintes ne répond pas à philosophie qui nous anime tous à propos du service civique. Le Gouvernement a pu constater que les organismes concernés font de l’intermédiation dans d’excellentes conditions, et qu’ils remplissent une belle mission.

Mme Audrey Linkenheld. Je peux entendre que la convention n’est pas nécessaire s’il y a déjà un agrément, mais ce qui m’importe n’est pas tant la procédure que le contenu. Il faut s’assurer que les structures veillent à l’accompagnement des jeunes, et qu’elles garantissent la mixité à laquelle nous tenons. Peut-être le ministre peut-il me rassurer en me rappelant les conditions d’agrément ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Dans le cadre des textes en vigueur, c’est l’Agence qui donne aujourd’hui un agrément, au terme d’une procédure dont tout le monde reconnaît qu’elle est déjà suffisamment contraignante. La convention que vous proposez de faire signer systématiquement alourdirait encore cette procédure et perturberait le rythme, que nous voulons soutenu, de l’agrément des partenaires et du développement du service civil dans notre pays.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 12 modifié.

*

Article 12 bis [nouveau]
(art. L. 111-2, L. 112-1 du code du service national)

Code du service national et de l’engagement citoyen

Contre l’avis des rapporteurs et du Gouvernement, la Commission spéciale a adopté un amendement présenté par M. Bernard Lesterlin, procédant tout d’abord à la transformation du code du service national en un code du service national et de l’engagement citoyen.

Par ailleurs, cet amendement procède à l’insertion, après le deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code, d’un alinéa dépourvu de portée normative, précisant qu’ « organiser, proposer et encadrer des missions d’intérêt général constitue une ardente obligation de la nation tout entière pour permettre à chacun de s’engager jusqu’à vingt-cinq ans révolus dans les formes civiles du service national universel, notamment l’engagement de service civique sous ses différentes formes ».

Par ailleurs, il est également indiqué, au même article, que « la mobilité interrégionale, européenne et internationale de l’engagement de service civique sous ses différentes formes est inhérente aux principes de mixité sociale, de solidarité et de rencontres interculturelles portés par le service civique universel et concourt pleinement à la diffusion des valeurs de la France à l’étranger ».

*

La Commission examine l’amendement CS455 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Le titre Ier du projet de loi traite de l’engagement citoyen comme d’un parcours tout au long de la vie, de l’école obligatoire jusqu’aux réserves, en passant par le service civique. Mon amendement tend à inscrire le parcours citoyen à l’école dans le code du service national. Sans entrer dans son contenu pédagogique, je précise qu’il « comprend trois cents heures d’enseignement moral et civique sur l’ensemble de la scolarité, dont des heures dédiées à l’initiation au bénévolat ». Il est essentiel que les enfants puissent toucher du doigt cet engagement pour qu’il devienne une réalité par la suite.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis tout à fait favorable au parcours citoyen, mais le dispositif en question ne relève pas de la loi. Le ministère de l’éducation nationale a déjà mis en place l’enseignement moral et civique de trois cents heures prévu par l’amendement. Le Conseil supérieur des programmes s’est aussi saisi du sujet. Je suis défavorable à l’amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Nous ne sommes pas dans le domaine législatif. Je rappelle que le compte d’engagement citoyen est ouvert dès seize ans, ce qui satisfait en partie les demandes de M. Lesterlin.

M. Xavier Breton. Je voulais uniquement préciser que ce n’est pas l’école qui est obligatoire, mais l’instruction. Cette nuance pourrait être utile lors de débats à venir. (Sourires.)

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS331 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. L’obligation d’engagement ne pèse pas sur les épaules des jeunes, mais sur la Nation tout entière. Il faut qu’elle crée un contexte favorable et un cadre d’accueil par l’intermédiaire des familles, des associations, des administrations, entre autres acteurs concernés. L’amendement mentionne également la dimension « interrégionale, européenne et internationale de l’engagement de service civique ».

Mme Valérie Corre, rapporteur thématique. Je suis défavorable à l’inscription de déclarations de principe dans la loi.

M. le rapporteur général. Avis également défavorable. Sur le fond, nous sommes d’accord, mais nous ne devons pas rendre la loi « bavarde », comme on nous le reproche si souvent. Pour lui conserver sa force, il faut qu’elle demeure lisible, et qu’elle comporte des normes dont le non-respect ferait l’objet d’une sanction.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Cet amendement, comme d’autres, tend à modifier le titre du code du service national qui deviendrait le « code du service national et de l’engagement citoyen ». Nous ne le souhaitons pas.

Notre « ardente obligation » est d’être efficace, et les tournures déclamatoires ne sont pas utiles dans la loi, même si cette expression relevée dans l’amendement convient à la ferveur de M. Lesterlin.

M. Yves Blein. Je comprends qu’un appel comme celui qui est proposé puisse ne pas avoir sa place dans la loi. Cet amendement permet cependant d’insister sur la nécessité d’une mobilisation plus large et d’un soutien plus fort de la puissance publique pour accueillir les jeunes en service civique.

Le ministre nous annonce que les choses s’améliorent, mais 70 % des jeunes intègrent encore le secteur associatif. Nous serions d’ailleurs intéressés par des précisions sur la répartition des 30 % restants. Ce pourcentage a dû augmenter après que divers ministères se sont engagés à proposer des missions de service civique, mais les collectivités locales, malgré le potentiel qui est le leur en la matière, accusent un très grand retard sur ce plan.

Certes la notion d’« ardente obligation » n’a pas de portée contraignante, mais elle envoie un signal utile. Avant de nous prononcer, monsieur le ministre, nous aimerions vous entendre nous dire quelle stratégie vous comptez mettre en œuvre pour que la collectivité soit davantage allante dans l’accueil des jeunes en service civique. Si nous voulons atteindre la moitié d’une classe d’âge, soit 350 000 personnes, nous ne pouvons-nous reposer sur le seul mouvement associatif qui est déjà « au taquet », comme on dit maintenant. Faudra-t-il passer par la loi pour créer une obligation d’accueil de jeunes en mission de service civique ? Ce serait un comble alors que la volonté d’aider les jeunes semble unanime. Il est temps que chacun investisse dans l’avenir.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. M. Blein a raison de rappeler la proportion que prennent les partenaires publics et associatifs dans l’accueil des jeunes effectuant un service civique. S’agissant des partenaires publics, je relève que l’effort est supporté à plus de 58 % par l’État, et seulement à 6 % ou 7 % par les communes. Le gisement est donc considérable, et des objectifs sont quantifiés dans des conventions passées avec les grandes associations d’élus.

Je crois que la conviction est plus efficace que la contrainte, mais je n’écarte pas l’idée que nous puissions imaginer, suivant la façon dont les choses avanceront, un dispositif à caractère législatif qui amènerait le secteur public à s’engager encore davantage dans la mise en œuvre du service civique.

M. le rapporteur général. En lisant la liste des signataires de cet amendement, je comprends qu’il dépasse la personne de M. Lesterlin. Je rappelle que la position des rapporteurs porte sur la forme de l’amendement, et non sur le fond.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je vous donne volontiers à nouveau la parole, Monsieur Lesterlin, afin que vous nous disiez si vous retirez votre amendement. Je vous propose toutefois de ne pas poursuivre le débat à ce stade, car il nous reste encore à examiner un peu plus de deux cents amendements sur le titre Ier, et compte tenu de l’heure, il faut que nous puissions progresser dans l’examen des articles.

M. Bernard Lesterlin. Madame la présidente, permettez-moi tout de même de répondre à M. le ministre. Ce n’est pas ma conviction qui est ardente, c’est l’obligation de la Nation. Il faut que plus jamais on ne puisse dire : « Cela ne me concerne pas. » Nous avons encore de nombreux citoyens à convaincre pour que se répande le service civil, tel que le Président de la République l’appelle de ses vœux. Pour ma part, je me suis contenté de traduire légistiquement, avec le concours des administrateurs de la commission des lois, une affirmation du Président de la République qui considère que cette affaire nous concerne tous.

La Commission adopte l’amendement.

*

Après l’article 12 bis

La Commission est saisie des amendements identiques CS166 de Mme Marianne Dubois et CS803 de M. Joaquim Pueyo.

Mme Marianne Dubois. La mission d’information sur le service national universel, dont M. Joaquim Pueyo et moi-même étions les rapporteurs, a présenté un rapport d’information adopté à l’unanimité par la commission de la défense nationale et des forces armées, le 9 décembre 2015.

Nous avons acquis la certitude qu’il était nécessaire de permettre la mise en place d’une expérimentation afin d’étendre le programme des « cadets de la défense » et d’offrir un cadre juridique aux quelque trois cents cadets qui existent aujourd’hui, ce que souhaitent plusieurs commandants de régiment. Le développement de ce programme semble répondre aux attentes en matière de renforcement de la cohésion nationale, d’amélioration de la mixité sociale, et de renforcement du lien entre la Nation et ses armées.

L’objectif du présent amendement est d’insérer un chapitre consacré aux cadets de la défense au sein du code du service national afin de permettre qu’une expérimentation puisse être menée et, en cas de succès de cette dernière, de viser à une pérennisation de ce dispositif. Il vise également à assurer aux cadets une protection dans le cadre des activités du programme.

M. Joaquim Pueyo. Ce dispositif existe en France, mais il manque de bases juridiques. Le développement du programme des cadets de la défense constituerait une reconnaissance du travail qu’ils accomplissent. Cette demande répond aux attentes en matière de cohésion nationale, de mixité sociale et de renforcement du lien entre la Nation et ses armées.

L’objet de cet amendement est d’insérer un chapitre consacré aux cadets de la défense dans le code du service national afin qu’une expérimentation puisse être menée, et qu’en cas de succès, le dispositif soit pérennisé.

Il s’agit encore de garantir la protection des cadets dans le cadre des activités du programme. Nous avons été très influencés par le Canada, où 70 000 jeunes, sur 30 millions d’habitants, participent au programme des cadets. Laïque – j’y insiste car c’est important –, ce programme est encadré par des militaires et des civils, mais également par des jeunes : à l’heure où notre pays s’interroge sur le lien existant entre certains jeunes et nos valeurs républicaines, ces jeunes pourraient ainsi être encadrés par des réservistes et des enseignants, car, à Évreux, nous avons vu l’Éducation nationale s’impliquer.

M. le rapporteur général. Valérie Corre et moi-même sommes partagés sur ce sujet. Il n’est pas possible qu’un texte traitant de l’égalité et de la citoyenneté, et particulièrement de la jeunesse, élude un enjeu qui a fait l’objet de rapports adoptés à l’unanimité. Si, au Canada, l’âge minimum autorisé pour entrer dans le programme des cadets est de douze ans, cette pratique se heurterait aux dispositions de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

Nous pouvons nous engager à traduire l’expression de notre commission et présenter, en vue de la séance publique, une rédaction permettant au Parlement d’adopter, dans le cadre du présent projet de loi, une disposition relative aux cadets de la défense. Je connais la position de la présidente de la commission de la défense ainsi que celle du ministre, et je sais qu’elles divergent ; je vous propose donc de retirer ces amendements et de parvenir à une rédaction faisant consensus. Les rapporteurs vous donnent leur engagement solennel, car la question est bel et bien posée et a donné lieu à un travail trop approfondi pour que nous nous bornions à donner un avis favorable ou défavorable ; mais la rédaction doit être revue.

M. Joaquim Pueyo. Le travail de la commission de la défense répondait à une préconisation du Président de la République. Nous venons d’avoir le même débat au sujet de l’amendement présenté par M. Lesterlin lorsqu’il a évoqué le parcours citoyen. J’attends de vous l’engagement ferme d’augmenter le nombre des cadets de la défense, qui ne sont que 300 aujourd’hui alors qu’il en était prévu des milliers. Je répète qu’il s’agit d’un programme laïque ne concernant que des volontaires : les responsables de la base aérienne d’Évreux, devant les principaux des collèges impliqués, ont indiqué avoir reçu des centaines de demandes alors qu’ils ne disposent que de trente places !

Mme Marianne Dubois. Je m’associe pleinement aux propos de M. Pueyo.

M. Xavier Breton. Si un amendement doit être déposé dans une nouvelle rédaction, il faut qu’il le soit au nom de nos collègues qui ont conduit les travaux de la mission d’information sur le service national universel.

M. le rapporteur général. Je propose que les amendements soient retirés et que, dès lundi, nous nous retrouvions afin de travailler à une nouvelle rédaction.

M. Joaquim Pueyo. J’accepte cette proposition, et si elle devait ne pas être honorée, nous déposerions à nouveau, tel quel, notre amendement en séance, où il ne manquerait pas d’être adopté ; je ferai tout pour cela.

Mme la présidente Annick Lepetit. Acceptez-vous de retirer votre amendement au profit de la réunion de travail proposée par le rapporteur général ?

Mme Marianne Dubois. J’en suis tout à fait d’accord.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je remercie les auteurs de ces amendements de savoir raison garder et d’accepter de les retirer ; je rappelle que le Gouvernement travaille sur l’architecture globale du système qui comprend les cadets, les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) et le service militaire adapté (SMA), de façon à proposer une offre cohérente aux jeunes de notre pays.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement CS258 de M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Cet amendement reprend une proposition de loi que j’avais déposée en d’autres temps. Il répond à deux préoccupations exprimées à l’instant : faire en sorte que le service civique soit ouvert à beaucoup plus de jeunes, car chacun s’accorde à constater une carence ; apporter une solution aux jeunes les plus en difficulté, qui ont besoin d’un encadrement pour les sortir de leur marginalisation et leur redonner le sens de la citoyenneté. À cette fin, je propose de recourir au savoir-faire bien connu de nos armées.

Il s’agit, au titre du service civique dit « de défense », de prendre en charge de jeunes volontaires, conformément aux dispositions de la loi du 10 mars 2010 relative au service civique, et de les insérer au sein d’unités de nos forces armées. Pendant deux mois, ils y recevraient une formation, puis, pendant quatre mois, effectueraient les tâches classiques du soldat, cela sans pour autant participer aux opérations extérieures ; ils pourraient prendre part à la mission Sentinelle, par exemple. J’ai connu cela dans une autre vie, et je peux témoigner de la solidité des relations tissées entre les jeunes appelés et les militaires professionnels : c’est une relation de tutorat.

Ma proposition pourrait concerner 10 000 jeunes par an, à raison de 5 000 tous les six mois, il faut garder à l’esprit que nos forces armées incorporent chaque année 15 000 jeunes provenant des milieux les plus divers, singulièrement des plus défavorisés. Il faut donner à la jeunesse concernée une vision d’avenir ; à cette fin – car il s’agit de volontariat – il convient de les appâter avec le permis de conduire, des bilans de compétences et des remises à niveau, de façon plus étroite que dans les EPIDE.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous avez raison de le préciser : il s’agit d’une proposition de loi que l’Assemblée nationale a rejetée le 11 juin 2015. Par ailleurs, l’expérimentation du service militaire volontaire, débutée à l’automne dernier, remplit les objectifs d’insertion citoyenne et professionnelle des jeunes les plus en difficulté.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Yves Fromion. Je ne souhaite pas retirer mon amendement, la position des rapporteurs me paraît bien brutale ; nous aurions pu aller plus au fond des choses…

La Commission rejette l’amendement.

*

Article 12 ter [nouveau]
(art. L. 120-1, L. 120-2, L. 120-2-1 [nouveau], L. 120-30, L. 120-9 et L. 120-36-1 [nouveau] du code du service national)

Diverses dispositions relatives au service civique

Le présent article, issus de l’adoption de plusieurs amendements portant article additionnel, réunit diverses dispositions relatives au service civique.

Le , introduit à l’initiative du Gouvernement, a pour objet de rappeler que les volontaires interviennent en complément de l’action confiée aux salariés ou aux agents publics, sans s’y substituer. Si l’article L. 120-7 du code du service national précise que le contrat de service civique organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination et qu’il n’est pas régi par le code du travail, il apparaît nécessaire, dans un contexte de montée en charge du dispositif, de rappeler ce principe avec force dans les dispositions générales qui régissent le service civique.

Le a) du 2°, introduit à l’initiative de Mme Audrey Linkenheld et de plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, complète les missions de l’Agence du service civique, listées à l’article L. 120-2 du code du service national, en vue d’ajouter un 2° bis précisant que l’Agence a pour mission de veiller à l’organisation du temps de formation des tuteurs accompagnant une personne volontaire en service civique. En effet, alors que le service civique poursuit un objectif d’accompagnement du volontaire tout au long de sa mission, le rôle du tuteur est central, et il est essentiel de prévoir un contrôle sur la formation de ces derniers.

Le b) du 2°, introduit à l’initiative de vos rapporteurs, insère un nouvel article L. 120-2-1 dans le code du service national, relatif à la gouvernance territoriale du service civique. Il est en effet apparu qu’une coordination à l’échelle du département était indispensable au bon fonctionnement du service civique sur l’ensemble du territoire. Pour ce faire, le préfet de département est chargé de coordonner les initiatives prises par les collectivités territoriales, les EPCI, les associations agréées de jeunesse et d’éducation populaire, les organismes d’accueil et d’information des jeunes et les personnes morales susceptibles d’accueillir des volontaires du service civique, afin de :

– promouvoir et valoriser le service civique ;

– veiller à l’égal accès des citoyens au service civique ;

– assurer la mixité sociale des bénéficiaires du service civique.

Le a) du 3°, introduit à l’initiative du Gouvernement, créé un nouvel article L. 120-3 au sein du code du service national, instituant un document unique intitulé « carte du volontaire », délivré à toutes les personnes qui effectuent une période d’engagement de service. Cette carte permettra aux volontaires de se voir appliquer les conditions contractuelles, notamment financières, dont bénéficient les étudiants régulièrement inscrits au sein d’un établissement de l’enseignement supérieur, en particulier dans les établissements culturels : cinéma, musée, exposition, restauration universitaire, etc. Les modalités d’établissement et de délivrance d’une telle carte seront précisées par voie réglementaire.

Le b) du 3°, introduit dans le projet de loi par deux amendements présentés par plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain, complète la liste des missions ne permettant pas la souscription d’un contrat de service civique auprès d’une personne morale agréée. À l’heure actuelle, il est impossible d’établir un contrat lorsque les missions confiées à la personne volontaire ont été exercées par un salarié de la personne morale agréée ou de l’organisme d’accueil dont le contrat de travail a été rompu moins d’un an avant la date de signature du contrat ou lorsque les missions confiées à la personne volontaire ont été exercées par un agent public moins d’un an avant la date de signature du contrat. Il est donc proposé de rendre impossible la conclusion d’un contrat de service civique lorsque les missions confiées à la personne volontaire relèvent du fonctionnement général de l’organisme d’accueil. Il s’agit par cet article de se prémunir encore davantage contre les tentatives de substitution à l’emploi.

Le c) du 3°, inséré dans le projet de loi à la suite de l’adoption d’un amendement des rapporteurs, modifie l’article L. 120-14 du code du service national qui a notamment trait à la formation civique et citoyenne délivrée à la personne volontaire par la structure d’accueil. La Commission spéciale a ainsi souhaité préciser que cette formation civique et citoyenne est délivrée au moins pour la moitié de sa durée dans les trois mois suivant l’engagement de service civique. Par ailleurs, le pouvoir réglementaire devra préciser la durée minimale d’une telle formation.

Enfin, le d) du 3°, introduit à l’initiative des rapporteurs, prévoit qu’un rapport sur le fonctionnement du service civique sera remis au Parlement tous les cinq ans, en début de législature, à compter de 2017. Ce rapport devra dresser un bilan du fonctionnement du service civique au cours des cinq années précédentes et identifier des perspectives d’évolution pour les cinq années à venir.

*

Puis elle est saisie de l’amendement CS872 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le présent amendement a pour objet de rappeler que les volontaires interviennent en complément de l’action confiée aux salariés ou aux agents publics, sans jamais s’y substituer.

Si l’article L. 120-7 du code du service national précise que le contrat de service civique organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination et qu’il n’est pas régi par le code du travail, il apparaît nécessaire, dans un contexte de montée en charge du dispositif et de risques de dérapage, de rappeler ce principe avec force dans les dispositions générales qui régissent le service civique. Il s’agit de conforter l’esprit de la loi du 10 mars 2010.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis très favorable.

M. le rapporteur général. Même avis. Je salue la grande lucidité du Gouvernement, qui, pour reprendre une expression chère à notre collègue André Chassaigne, n’essaie pas de nous faire prendre les vessies pour des lanternes, et cherche au contraire à contrer dès à présent les risques de dérapage, ce qui ne manquera pas de rassurer les associations qui ont appelé notre attention sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CS237 de M. Yves Blein.

M. Yves Blein. La durée du service civique, de six ou huit mois, peut ne pas être adaptée aux périodes de formation ou d’activité professionnelle des intéressés. Il est donc proposé de fractionner les périodes de service civique sur deux ans, en fonction de la nature de la mission.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je comprends l’intérêt de fractionner la durée du service civique pour certains publics, mais cette mesure entre en contradiction avec l’objectif d’une expérience de vie extrayant les jeunes de leurs quartiers ; pour cette raison, j’émets un avis défavorable.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Régis Juanico. Nous devons demeurer fidèles à l’esprit du service civique tel qu’il a été conçu par la loi du 10 mars 2010 : une étape de vie consacrée par le jeune au service de l’intérêt général. La durée indicative de six à douze mois a précisément été retenue pour prévenir un éventuel fractionnement, afin que le service civique ne devienne pas un « petit boulot » exercé en plus des études.

Si l’idée du fractionnement est recevable, elle ne me semble pas aujourd’hui compatible avec l’objectif de montée en charge du dispositif. Nous savons que 70 % à 80 % des missions sont effectuées au sein d’associations ; or une durée minimale de huit mois est nécessaire à leur accomplissement. Les tuteurs et responsables des associations considèrent que la seule formation des intéressés nécessite deux ou trois mois avant que ceux-ci puissent concrètement effectuer des missions ; le fractionnement du temps n’est donc pas compatible avec l’esprit du dispositif.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Pour toutes les raisons venant d’être évoquées, je suis défavorable à cet amendement : la continuité et le temps nécessaire doivent être donnés au bon accomplissement du service civique.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS684 de M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. La Constitution prévoit l’adaptation de beaucoup de dispositifs aux réalités locales de l’outre-mer ; il serait de bon sens de l’inscrire dans le texte.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Les textes en vigueur prévoient d’ores et déjà de telles adaptations, particulièrement en ce qui concerne la durée des missions ; en revanche, il convient de rester prudent au sujet des conditions d’agrément, et de conserver les mêmes règles pour l’ensemble du territoire national. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Je comprends la motivation de M. Letchimy, mais l’objet du texte est de favoriser la montée en charge du service civique. Aussi le Gouvernement ne souhaite-t-il pas que les règles fondamentales du dispositif soient modifiées, et cette remarque concernera d’autres amendements.

M. Serge Letchimy. Chacun sait que la dynamique des territoires ultramarins est très particulière, et qu’une adaptation est nécessaire ; il n’est pas uniquement question de la montée en charge du dispositif, il y va aussi de la qualité de l’offre ainsi que de la réalité même de la politique de réinsertion des jeunes. Toutefois, s’il est garanti que les adaptations concernées feront l’objet de dispositions réglementaires, je retirerai mon amendement, quand bien même j’aurais préféré une mesure législative.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est bien pourquoi nous voulons que la qualité soit exactement la même en outre-mer qu’en métropole.

M. Serge Letchimy. Certaines réalités sont différentes et susceptibles de faire l’objet de traitements différents en fonction de la réalité culturelle de chaque territoire.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement CS683 M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. En Martinique, Guadeloupe et Guyane, a été créé le certificat d’aptitude personnelle à l’insertion (CAPI), qui étend au service civique les bonnes pratiques du service militaire adapté (SMA), et donne d’excellents résultats : il est proposé de le mettre en œuvre en métropole. Il s’agit de valoriser l’intelligence et le savoir-faire des jeunes, car l’engagement citoyen ne se décrète pas : c’est une ferveur sortant du cœur de chacun. C’est la Nation qui est globalement interpellée, et le CAPI me semble constituer l’aboutissement du parcours volontaire d’un jeune.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable, car ce certificat ne relève pas du domaine législatif. Par ailleurs, évoquer l’insertion alors que le service civique est un engagement risquerait d’être source de confusion.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Pour les mêmes raisons, mon avis est défavorable. Le SMA constitue un formidable dispositif, mais le service civique ne relève pas de la même philosophie en termes d’engagement des jeunes considérés.

M. Serge Letchimy. Je ne doute pas qu’à terme le service civique évoluera, car bien des a priori restent à dépasser afin de parfaitement appréhender les jeunes dans leur dynamique d’insertion et de citoyenneté. Si la politique de reconnaissance des individus ne trouve pas sa traduction, on en restera au service rendu, déconnecté de la citoyenneté et de l’engagement, ce qui est précisément la justification du CAPI. Je retire toutefois mon amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je dois me rendre aux Antilles et en Guyane à l’automne prochain, et je serais très heureux, monsieur Letchimy, d’y évoquer à nouveau ce sujet avant l’examen du projet de loi en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CS1088 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement répond à une demande souvent formulée qui transcende les clivages politiques, et un collectif de diplômés de grandes écoles de la fonction publique a publié une tribune à ce sujet dans le journal Le Monde. À travers la haute fonction publique, la Nation doit donner l’exemple, même s’il est effectivement gênant que le service civique puisse sembler obligatoire : dans ce contexte, il aurait pu recevoir une autre appellation afin de lever toute confusion.

Nous disposons d’une belle et noble fonction publique : au regard des évolutions de la société, la mesure proposée ne saurait qu’être bénéfique à la Nation ainsi qu’à l’image et à la compétence de notre haute fonction publique.

Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi se limiter aux écoles mentionnées par le dispositif de l’amendement : pourquoi celles-là ?

M. le rapporteur général. Pour deux raisons fondamentales : le statut de certaines écoles interdit qu’on leur impose le service civique. Par ailleurs, les écoles visées par l’amendement sont hautement citoyennes : elles sont les écoles de la fonction publique. Enfin, le profil sociologique des intéressés milite en faveur de cette disposition.

Mme Colette Capdevielle. Je ne comprends pas pourquoi seraient exclues d’autres écoles publiques comme Polytechnique, Normale supérieure, l’École des mines, l’École nationale des ponts et chaussées, l’École vétérinaire, Saint-Cyr, l’École navale… C’est une rupture de l’égalité ; bien des écoles forment à la fonction publique, et l’on voit mal ce qui justifie une liste limitative. La mesure me semble par ailleurs assez populiste, car les élèves de ces écoles qui souhaitent accomplir le service civique en ont tout le loisir, et le rendre obligatoire n’est donc en rien nécessaire.

M. Joaquim Pueyo. Je suis surpris par cet amendement, car beaucoup d’autres écoles encore pourraient être citées, par exemple celle des commissaires de police. En outre, il est précisé que ce service civique d’une durée d’un mois ne donne pas lieu à indemnisation – et pour cause : les élèves de ces écoles sont déjà rémunérés !

Par ailleurs, ces grandes écoles proposent bien des ouvertures sur la société civile au cours des formations qu’elles dispensent : stages en entreprises ou au sein de services sociaux…

Mme la présidente Annick Lepetit. Je suis au regret de frustrer ceux de nos collègues qui souhaitent s’exprimer sur cet amendement, mais, convaincu par les premiers arguments, le rapporteur général a une déclaration à faire…

M. le rapporteur général. Je retire l’amendement, et n’exclus pas de le redéposer en séance en élargissant la cible. (Murmures.)

L’amendement est retiré.

La commission étudie l’amendement CS463 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. L’objet du texte que nous examinons est que 350 000 jeunes puissent s’engager dans le service civique : il faudra donc bien prendre un certain nombre de dispositions fortement incitatives. Je regrette le temps où bien des portes étaient fermées à ceux qui n’avaient pas satisfait aux obligations du service national, car j’estime que, lorsque l’on se destine à servir l’intérêt général, il est bon de connaître de telles expériences.

Il serait préférable de laisser à la discrétion du Gouvernement la liste des écoles concernées, car je ne suis pas persuadé seules les grandes écoles soient concernées, il existe bien des métiers pour l’exercice desquels il serait bon d’avoir touché du doigt la réalité des quartiers en difficulté grâce au service civique.

M. le rapporteur général. Avis défavorable, car l’amendement obligerait des jeunes gens à accomplir un service civique ou à prendre un engagement – quel qu’il soit – préalablement à l’inscription aux concours qu’ils visent.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La loi du 10 mars 2010 dispose que le service civique n’est pas obligatoire. En faire un préalable à la faculté de présenter des concours d’accès à la fonction publique constituerait une rupture de l’égalité. Mon avis est donc très nettement défavorable.

M. Bernard Lesterlin. Je retire l’amendement, tout en proposant que nous réfléchissions ensemble à ce sujet.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS372 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à compléter les missions de l’Agence du service civique, dont le rôle aujourd’hui est de former des volontaires du service civique par la formation des tuteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. le rapporteur général. Avis favorable à cet amendement de bons sens, qui contribue à la généralisation du service civique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable également.

Mme Isabelle Le Callennec. Dans la mesure où il est proposé l’ouverture d’une sorte de droit à la formation, quel lien sera-t-il établi avec le compte personnel d’engagement citoyen ? Fera-t-il partie du compte personnel de formation (CPF), pris en compte, aux termes du projet de loi sur le droit du travail, dans le compte personnel d’activité (CPA) ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il me semble qu’effectivement le compte personnel d’engagement citoyen pourra être inclus dans le CPA ; il faudra trouver la cohérence nécessaire, mais cela me paraît relever du bon sens.

M. Xavier Breton. J’observe que la rédaction de cet amendement est très lâche et imprécise : elle relève de la loi bavarde et ne consiste qu’en une simple déclaration d’intention.

Mme Audrey Linkenheld. Il s’agit de définir les missions de l’Agence du service civique, et c’est justement pourquoi le terme est générique : il ne revient pas à la loi d’entrer dans des détails qui relèvent du domaine réglementaire.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CS704 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. L’augmentation du nombre de contrats de service civique nécessite que les acteurs de celui-ci puissent partager leur expérience dans un référentiel commun afin de faire bénéficier les jeunes d’expériences de qualité.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable, car la précision apportée par cet amendement n’est pas normative.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS218 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. L’Institut de l’Engagement, créé sous la forme d’une association peu après la création du service civique, a pour objet de valoriser le parcours des jeunes à l’issue de leur service civique, lorsque ceux-ci ont fait preuve d’une forte motivation, en leur proposant un accompagnement dans leurs projets personnels et professionnels.

Afin de mieux coordonner le service civique et sa valorisation, il est proposé de faire de l’Institut de l’engagement un membre du groupement d’intérêt public (GIP) Agence du service civique, qui comprend déjà l’association France volontaires.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. Ce que vous proposez est déjà possible, puisque l’article L. 120-2 du code du service national prévoit que d’autres personnes morales peuvent devenir membres de ce groupement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis. Je souhaite le retrait de l’amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CS1148 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement répond à la question de la gouvernance territoriale, souvent abordée dans le cadre des auditions sur le service civique. Il a pour objet de donner aux préfets des départements la mission de coordonner les initiatives locales prises par les différents acteurs impliqués dans le dispositif de service civique.

Mme Isabelle Le Callennec. N’est-ce pas déjà le cas ? Certains préfets réunissent une fois par an l’ensemble des acteurs du dispositif afin de faire le point.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il s’agit d’inscrire cette mission des préfets dans la loi, et cette mesure les confortera.

M. Bernard Lesterlin. Chacun est persuadé que la montée en charge du service civique passe par une gouvernance de proximité, mais nous ne voulons pas d’un délaissement du dispositif à des partenaires non identifiés par la loi. C’est l’État qui est aux commandes, et j’ai déposé un amendement prévoyant que les sous-préfets coordonnent les travaux des commissions de citoyenneté chargées de l’animation du service civique, et informe l’État.

M. Xavier Breton. Comme notre collègue Bernard Lesterlin, je m’interroge sur l’extension du rôle du préfet dans le dispositif. En revanche, plutôt que le département, la région ne serait-elle pas l’échelon à privilégier ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Au regard de l’étendue de certaines d’entre elles, les régions ne paraissent pas constituer l’échelon pertinent, et les préfets de département semblent mieux à même de réunir l’ensemble des acteurs du dispositif. Il serait en revanche délicat de descendre à l’échelon de l’arrondissement, ce qui n’interdit cependant pas d’affiner la pratique en fonction de la réalité du terrain.

M. Jean-Noël Carpentier. Un bilan annuel établi à l’occasion d’une grand-messe organisée par le préfet aurait certes quelque utilité, mais manquerait de précision : inviter les sous-préfets à descendre dans le détail avec les élus locaux et les associations serait plus pertinent.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS334 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Le projet de loi ambitionne de multiplier les opérateurs du service civique afin de généraliser le dispositif ; pour éviter toute concurrence avec des emplois salariés ou des stages, il convient d’en renforcer le cadrage. C’est pourquoi notre amendement précise que le service civique ne peut contribuer au fonctionnement courant des structures agréées.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement sera satisfait par des amendements ultérieurs allant dans le même sens, mais visant un autre article du code ; je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CS875 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le présent amendement institue un document unique intitulé « carte du volontaire », délivré à toutes les personnes qui effectuent une période d’engagement de service civil. Elle leur permettra de se voir appliquer les conditions contractuelles, notamment financières, dont bénéficient les étudiants régulièrement inscrits au sein d’un établissement de l’enseignement supérieur, particulièrement dans les établissements culturels.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis favorable à cette disposition sous réserve qu’elle porte uniquement sur des avantages marchands dont les étudiants peuvent bénéficier dans les restaurants, les centres culturels et les loisirs, et dans la restauration universitaire.

Je suis très réservée en ce qui concerne le logement universitaire, nous devons faire très attention à la situation dans les zones sous tension pour ne pas renforcer la difficulté d’accès au logement.

Mme Isabelle Le Callennec. Pourquoi appeler ce document « carte du volontaire » alors que son titulaire effectuera un service civique ?

De plus, l’ouverture du bénéfice aux « étudiants des établissements d’enseignement supérieur » étant assez large, pourquoi ne pas mentionner également les apprentis, qui bénéficient déjà de ces avantages sans être cités dans le texte ?

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, votre Gouvernement est prompt à donner des droits supplémentaires. Avez-vous réalisé une étude d’impact afin d’évaluer le coût de cette « carte du volontaire » pour les comptes publics ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Les coûts seront supportés par les partenaires qui offriront les avantages, et qui trouveront peut-être là l’occasion de toucher une nouvelle clientèle. Les musées, par exemple, sont ouverts de toute façon. Qu’ils le soient dans des conditions particulières aux personnes effectuant le service civique serait une bonne chose pour tout le monde.

Il y a une vraie demande de la part des volontaires du service civique, il faut savoir les écouter.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS819 de M. Kader Arif.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement tend à accorder une priorité aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville à l’heure de conclure un contrat de service civique ou de volontariat associatif. Afin de lutter contre la « ghettoïsation » de certains quartiers et la formation de poches de pauvreté, il semble indispensable de favoriser l’émancipation et insertion dans la vie active des jeunes originaires de quartiers difficiles.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous soulevez une vraie question : comment faire que le public le plus susceptible de tirer profit d’une telle expérience ait effectivement accès au service civique ?

Néanmoins, le service civique doit rester accessible à tous et les dispositifs de liste d’attente doivent être pensés avec cet objectif en tête. Je vous propose de travailler d’ici la séance à cette notion de mixité sociale, qui est incontournable et nécessaire, en reprenant la rédaction de votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CS1103 des rapporteurs

M. le rapporteur général. Cet amendement a pour objectif d’inscrire au registre du personnel les jeunes engagés dans le service civique. Mais, depuis son dépôt, je me suis laissé convaincre qu’il n’était pas pertinent d’enregistrer les effectifs du service civique sur le même registre que celui des employés si l’on souhaite qu’il ne soit pas assimilable à de l’emploi.

Un autre amendement sera présenté en séance pour donner aux syndicats le droit de connaître, une fois par an, le nombre de personnes en service civique présentes dans la structure, et leur mission.

Je retire donc cet amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je remercie le rapporteur général de sa décision. Je comprends la philosophie générale de la démarche, mais je ne pense pas que le registre du personnel soit l’instrument adapté.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS120 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. J’ai rédigé cet amendement dans la crainte d’une confusion entre le service civique et l’emploi salarié ou les stages, du fait de la similitude avec la durée du travail effective des salariés fixée par le code du travail.

Aujourd’hui, nous savons qu’il peut y avoir des abus, il est donc indispensable de cadrer davantage les spécificités du service civique par rapport à l’emploi et aux stages, afin de prévenir la tentation d’avoir recours au service civique pour employer à moindre coût. Pour faire face à ce risque, je propose de limiter la durée hebdomadaire du temps de service à vingt-quatre heures.

Cette mesure faciliterait la possibilité de débuter ou de poursuivre une formation ou des études, et jouerait un rôle de tremplin.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage votre préoccupation de mieux distinguer le service civique et l’emploi, mais je ne suis pas favorable au fait d’inverser la logique, en faisant du minimum légal des uns le maximum légal des autres. Si l’on veut que le service civique porte ses fruits, il faut qu’il occupe les jeunes un certain temps dans la semaine. Avis défavorable.

Mme Colette Capdevielle. Je reste convaincue que le service civique ne doit pas être confondu avec un contrat de travail ou un contrat de stage. C’est un tremplin, ça ne peut pas être un temps complet.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CS703 de Mme Brigitte Allain, CS794 de M. Jean-Noël Carpentier et CS725 de Mme Marie-George Buffet.

Mme Brigitte Allain. Notre amendement tend à limiter la durée hebdomadaire d’un contrat de service civique à vingt-quatre heures par semaine. Telles que les choses sont aujourd’hui prévues, cette durée pourrait en effet atteindre quarante-huit heures.

L’idée qui sous-tend cet amendement est de différencier service civique et emploi, de façon à empêcher toute confusion. De plus, limiter le service civique à vingt-quatre heures permet de le cumuler avec des études, du bénévolat, ou un emploi.

M. Jean-Noël Carpentier. Je suis satisfait que le Gouvernement ait souligné qu’il ne devait pas y avoir de confusion entre un emploi et le service civique. Le rapporteur général a évoqué les possibilités d’abus ; elles se vérifient déjà dans certains cas. Je pense donc que, pour clarifier les choses, il faut agir sur la durée de travail, ainsi nous serons sûrs que cela ne remplacera pas un emploi, et qu’il n’y aura pas de confusion entre un emploi, un stage ou les missions de service civique.

Cet amendement semble raisonnable, d’autant que nous prévoyons la possibilité d’une dérogation accordée par l’État.

M. André Chassaigne. Plafonner à vingt-quatre heures la durée d’une mission de service civique éviterait en outre de se référer à la durée maximale hebdomadaire fixée par le droit européen, à savoir quarante-huit heures par semaine. Il ne serait pas inutile de fixer un plafond afin d’éviter certaines dérives qui risquent d’apparaître.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable, pour les raisons indiquées à l’amendement précédent.

M. le rapporteur général. Même avis. Des jeunes sont engagés dans des services civiques culturels, où la seule tenue de l’événement s’étale déjà sur dix ou quinze heures. On ne peut pas leur interdire d’y participer au motif qu’ils auraient déjà dépassé le quota d’heures fixé !

Un service civique, c’est un engagement, ce n’est pas un travail. Nous aurons ce débat en séance : nous ne voulons pas que le service civique soit assimilé au travail, mais nous réfléchissons comme si c’en était un.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CS703, CS794 et CS725.

Puis elle examine l’amendement CS641 de M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Par cet amendement, nous proposons que la durée hebdomadaire de vingt-quatre heures soit appréciée en moyenne, considérant qu’il est parfois difficile, selon la nature des missions, de garantir une régularité absolue dans la réalisation d’une mission de service civique.

Cette mesure introduit un peu de souplesse dans le dispositif et permet de mieux adapter les missions à leur contenu et aux autres obligations des jeunes.

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve l’idée intéressante, car elle apporte une solution à la situation du jeune travaillant dans le secteur de la culture, qu’a évoquée le rapporteur général.

Nous avons compris que le débat aurait lieu en séance, mais serait-il possible de connaître d’ici là la durée moyenne actuelle du service civique ? Est-elle plutôt proche de trente-cinq ou de vingt-quatre heures ? Dans l’esprit du service civique, un jeune qui bénéficie de ce dispositif doit pouvoir le cumuler avec un emploi à temps partiel ou des études. Cet esprit doit demeurer, et il nous faudrait de disposer des données exactes pour débattre de cette question de la durée hebdomadaire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment. Je souhaite que nous en restions à l’esprit initial des vingt-quatre heures.

M. le rapporteur général. Il faut faire attention. On ne peut pas, si l’on a voté en faveur des amendements précédents, défendre une mesure qui permettrait au jeune de venir une heure par jour pendant quatre mois, puis quarante-huit heures par semaine pendant deux mois. C’est d’ailleurs pourquoi le service civique, tel qu’il est conçu, impose une durée de présence hebdomadaire minimale.

Le premier effet concret de l’annualisation serait de créer de l’emploi saisonnier déguisé. Si pour une activité, il est nécessaire de disposer de quelqu’un pendant deux mois, par exemple pour un festival, il sera possible de remplacer un salarié par un jeune en service civique. Il suffira de faire débuter le service civique six mois avant : pendant quatre mois il restera chez lui, en étant tout de même indemnisé, puis pendant deux mois il va venir, payé en grande partie par l’État, pour exercer une activité pour laquelle on aurait embauché quelqu’un.

Je préconise donc vivement le rejet de cet amendement.

M. Yves Blein. Gardons-nous de la caricature. Les jeunes exercent des missions au profit d’organismes reconnus d’intérêt général ou de collectivités publiques, qui n’ont pas la réputation d’être des exploiteurs. Leur accorder un peu de souplesse ne nuit pas : des jeunes qui poursuivent des études tout en faisant un service civique pourront ainsi faire un peu plus d’heures pendant les vacances, et moins d’heures pendant les périodes d’étude.

Rappelons que les missions s’exercent auprès d’organismes d’intérêt général, qu’il y a un tuteur, un agrément de l’Agence du service civique. Toutes ces bornes me semblent de nature à éviter les excès.

Mme Audrey Linkenheld. Je partage l’avis du rapporteur général sur la confusion qui peut exister entre le service civique et le travail salarié. Il me semble que cet amendement porte sur deux idées différentes : d’une part, la durée hebdomadaire d’un service civique, qui est aujourd’hui d’au moins vingt-quatre heures ; d’autre part, la manière dont ce service civique s’organise. Si l’on fait le parallèle avec la durée légale du travail, annualiser celle-ci n’est pas remettre en question les trente-cinq heures hebdomadaires.

Le fait d’annualiser à vingt-quatre heures en moyenne, en revanche, conduit à remettre en cause la durée minimum hebdomadaire du service civique, car vingt-quatre heures en moyenne, ce n’est plus vingt-quatre heures au moins. Il faut certes de la souplesse, permettre que le volontaire fasse plus d’heures à certaines périodes de l’année, mais si la loi prévoit que cette durée est de vingt-quatre heures en moyenne, ça ne pourra pas être vingt-quatre heures au moins.

Je pense donc qu’il faudrait retirer cet amendement pour le retravailler.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Vous venez de décider de préserver le principe des vingt-quatre heures minimum. Si vous retenez l’amendement, ces vingt-quatre heures deviendront un maximum.

Par ailleurs, certains d’entre vous cherchent à appliquer les règles du code du travail à ce qui n’est pas un contrat de travail. L’engagement ne peut pas être calculé de manière comptable. Un jeune qui décide, parce que sa mission est intéressante, d’y consacrer trente-cinq ou quarante heures ne doit pas en être empêché. De telles mesures risquent de casser la philosophie de la loi de 2010. Et dans ces conditions, le secteur associatif se désintéresserait du service civique.

J’ai donc un avis très défavorable sur cet amendement.

M. Yves Blein. Il faut lever certaines incompréhensions. Je retire donc cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS710 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. Je regrette ces incompréhensions, car fixer une limite de vingt-quatre heures, comme nous le proposions tout à l’heure, n’interdit pas de faire du bénévolat. Le jeune qui s’engage en service civique n’est pas embauché : il est motivé par une cause. Rien ne lui interdit donc, au-delà des vingt-quatre heures de son service civique, de faire du bénévolat lors d’un événement particulier.

Il serait donc important de cadrer le temps du service civique, ce qui n’empêche pas de faire plus lors d’un événement. Dans la formation d’un jeune en service civique, il y a aussi l’apprentissage du bénévolat et de la différence entre le temps du travail et celui du bénévolat.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement entretient la confusion entre l’emploi et l’engagement : trente-cinq heures hebdomadaires, c’est le temps de travail. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CS795 de M. Jean-Noël Carpentier et les amendements identiques CS454 de M. Bernard Lesterlin et CS553 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Bernard Lesterlin. Je reviens sur l’amendement CS875 du Gouvernement ; s’il faisait mention de « carte du volontaire », madame Le Callennec, c’est parce que les « volontaires » du service civique sont les personnes ayant vingt-six ans ou plus, tandis que de seize à vingt-cinq ans, on parle d’« engagés » du service civique.

Nous savons que l’utilisation de jeunes en service civique donne lieu à des dérives et que certains sont utilisés pour assurer le fonctionnement de l’organisme qui les accueille. Il faut que la loi l’interdise, c’est l’objet de mon amendement.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis favorable aux amendements CS454 et CS553, et souhaite le retrait du CS795.

L’amendement CS795 est retiré.

Les amendements identiques CS454 et CS553 sont adoptés.

La commission examine l’amendement CS121 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement tend à mieux préciser la définition du service civique. Il vous est proposé de remplacer les termes : « mission d’intérêt général » par : « mission collective de terrain conjointement avec la population ». Alors que nous étendons le service civique à de nouvelles structures d’accueil, cette formulation, beaucoup plus claire, précise qu’il ne s’agit pas simplement d’une mission de soutien aux structures.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il me semble que la rédaction que vous proposez est bien trop précise et limitera grandement le champ du service civique, alors même que nous cherchons tous à favoriser sa montée en charge.

Je comprends le problème que vous soulevez, mais la solution avancée n’est pas satisfaisante ; il me paraît préférable de donner une définition négative plutôt que de rechercher une définition positive trop étroite. L’amendement précédent, qui précise que le service civique ne peut pas concourir au fonctionnement général de l’organisme d’accueil me semble plus légitime.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS453 de M. Bernard Lesterlin et l’amendement CS550 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Bernard Lesterlin. Après beaucoup de réflexions au sein du comité stratégique du service civique, nous souhaitons trouver des moyens efficaces pour lutter contre certaines dérives, notamment la substitution à l’emploi. Une des formules les plus efficaces, utilisée notamment dans le cadre d’Unis-Cité, est que le jeune ne soit pas tout seul dans sa mission.

Cela pose un problème aux petites structures, qui pourraient ne pas pouvoir accueillir deux jeunes à la fois, mais la règle prévoyant que deux jeunes au moins soient affectés à une mission de même nature apporte une garantie d’évitement de ce type de dérapage. Elle permettrait au passage d’accélérer la montée en charge quantitative du service civique.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis d’accord avec la volonté d’encourager les missions collectives ; pour autant, il ne faut pas fermer la porte à d’autres missions, qui peuvent être tout aussi enrichissantes même si elles ne sont pas réalisées par plusieurs jeunes en service civique, mais par un seul jeune accompagné par d’autres personnes. Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld. Mon amendement CS550 est presque identique. Il me semble vraiment important que les volontaires en service civique ne soient pas seuls, pour les raisons qu’a développées M. Lesterlin, mais aussi dans un souci de mixité sociale. Ils doivent pouvoir rencontrer des gens qui ne viennent pas des mêmes milieux, et forcément, quand on est tout seul, ce n’est pas possible.

L’idée du binôme me semble fondamentale au regard de l’objectif du service civique. Certes, le service civique revient à se mettre au service de la société et lui permettre de bénéficier de la volonté d’engagement de certains jeunes, mais il doit aussi permettre de faire l’expérience de la diversité, très importante pour tous, que l’on vienne d’un milieu favorisé ou non. À une époque où le service militaire ne permet plus cela, il est fondamental d’avoir un cadre qui permet ces rencontres, ce binôme offre cette possibilité.

M. Yves Blein. L’objectif est d’augmenter le nombre de missions, il faut donc les faciliter. Inscrire dans la loi l’obligation d’accueillir deux jeunes simultanément créera une difficulté à toute une série d’organismes. Ce n’est pas parce qu’un seul jeune est accueilli qu’il sera seul dans l’exercice de sa mission : il sera encadré, dans un environnement, et accompagné d’un tuteur. Pourquoi obliger à accueillir deux jeunes au moins ? C’est un obstacle qui va à l’encontre à l’objectif de développement du service civique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ces amendements sont pensés pour les grandes associations, qui peuvent se permettre d’accueillir ce type de binômes. Je comprends parfaitement la démarche, mais nous allons décourager beaucoup de petites associations parce qu’elles ne pourront pas avoir deux personnes sur une même mission. L’Agence du service civique s’emploie à aller dans votre sens de manière incitative pour les grandes associations, mais rendre cette démarche obligatoire nous priverait de la contribution de petites associations au service civique. Avis défavorable.

M. Bernard Lesterlin. Je retire mon amendement au bénéfice de celui de Mme Linkenheld, qui me paraît mieux rédigé.

L’amendement CS453 est retiré.

M. André Chassaigne. L’indemnisation du service civique est de 707 euros par mois, mais sur la base de vingt-quatre heures. S’il est de trente-cinq heures, qui paie le complément ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur Chassaigne, votre intervention démontre que vous assimilez le service civique à un emploi classique, rémunéré sur une base horaire. Or, il s’agit d’un forfait, qui permet beaucoup de souplesse. Le service civique emporte des droits affectés au service civique – sécurité sociale et droits à la retraite –, mais ce n’est pas un emploi. Quand le jeune a fini son service civique, il ne touche pas d’indemnités de chômage.

La commission rejette l’amendement CS550.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS369 de Mme Audrey Linkenheld et CS766 de M. Jean-Noël Carpentier.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement est satisfait par l’adoption préalable de l’amendement CS372 qui prévoit qu’une formation est assurée au tuteur pour les missions du service civique.

M. Jean-Noël Carpentier. Ce n’est pas exactement la même chose, l’amendement CS372 ne précisait pas la durée de la formation, tandis que ces amendements précisent que la formation dure une journée. Mais nous pouvons nous satisfaire de son adoption.

Les amendements identiques CS369 et CS766 sont retirés.

La commission examine l’amendement CS458 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Il s’agit simplement de prendre en compte la formation des tuteurs dans le cadre actuel, sans créer une charge. C’est un amendement que beaucoup d’organismes réclament.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’amendement CS1151, qui vient en discussion dans un instant, répond au problème que vous soulevez, je vous suggère de retirer le vôtre, qui me semble trop précis sur certains points.

M. le rapporteur général. Je rejoins la proposition de Valérie Corre, d’autant qu’il est proposé par la suite de concentrer la formation au début du service civique, et de ne pas éparpiller les moyens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Nous sommes favorables à l’amendement qui sera présenté dans quelques instants, nous proposons donc le retrait de l’amendement de M. Lesterlin.

L’amendement est retiré.

La commission adopte ensuite l’amendement CS1151 des rapporteurs.

Puis elle est saisie de l’amendement CS825 de M. Kader Arif.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement rend obligatoire la fourniture de moyens visant à assurer le transport et le logement des personnes volontaires.

Les jeunes qui s’engagent sont souvent dans des situations de précarité, il faut donc s’assurer que leur logement et leur transport sont assurés de manière certaine, et non pas hypothétique comme c’est le cas à l’article L. 120-19 du code du service national.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. On ne peut qu’être favorable à ce que les jeunes en service civique perçoivent des aides financières de la part des organismes d’accueil, mais les rendre obligatoires risque d’exclure du dispositif les petites structures, notamment associatives, qui n’ont pas nécessairement les moyens d’offrir aux jeunes plus que l’indemnité légale. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS450 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Cet amendement était bien plus complet à l’origine, mais il créait une charge et tombait donc sous le coup de l’article 40 de la Constitution. J’avais consulté de longue date le ministère du budget pour connaître la mesure de fiscalité locale qui pourrait être accordée, compensée par l’État, à l’égard des familles accueillant un jeune en engagement citoyen dans la mobilité géographique, qu’elle soit interrégionale, européenne ou internationale.

Il y a là, dans l’accueil bénévole par des familles, une piste que nous devons creuser et encourager par une disposition législative.

Mon amendement se limite à poser le principe dans la loi, comme nous l’avions fait il y a six ans en posant le principe de la coopération décentralisée pour le service civique.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis plutôt favorable, sur le fond, à cette mesure, mais elle nécessite un minimum d’encadrement : on ne peut pas laisser des mineurs être accueillis par n’importe quelle famille. En l’état, le dispositif n’est pas mûr. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. Dans les déclarations d’impôt sur le revenu, le cas de l’hébergement d’un tiers est prévu. Si l’on accueille une personne dans son foyer pendant un an, elle peut être déclarée, et ouvre droit à un abattement. Cet amendement est en grande partie satisfait.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Cet encouragement relève plutôt de l’action naturelle de l’Agence du service civique que du domaine de la loi.

M. Bernard Lesterlin. L’Agence du service civique n’a pas compétence en matière fiscale !

L’amendement est rejeté.

La commission examine l’amendement CS826 de M. Kader Arif.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement rend obligatoire la fourniture de titres repas aux personnes volontaires. Il ne s’agit plus, contrairement à l’amendement précédent, de transport et de logement, mais d’un besoin alimentaire. Le public visé étant constitué de jeunes en grande difficulté, en situation très précaire, la moindre des choses est que ces structures leur assurent un repas.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Aujourd’hui, les structures versent d’ores et déjà une indemnité complémentaire, en nature ou en espèces, aux jeunes, précisément pour couvrir une partie de leurs frais d’alimentation.

Dans la mesure où nous venons d’accepter la création de la carte de jeune en service civique, qui ouvre le droit à ceux qui sont proches d’un restaurant universitaire d’y accéder, il me semble que cet amendement est satisfait sur le fond. Avis défavorable.

Mme Colette Capdevielle. Nombre de villes ne sont pas dotées de restaurants universitaires. Je retire mon amendement, mais le problème subsiste.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement CS1093 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas particulièrement féru de rapports. Mais je crois que nous devons, au début de chaque quinquennat, pouvoir faire le point sur ce qu’a donné le service civique au cours des cinq années précédentes et fixer les objectifs de l’« ardente obligation de l’État », pour reprendre cette expression chère à Bernard Lesterlin, pour les cinq ans qui suivent. Encore une fois, le service civique n’est pas un emploi dans la fonction publique, mais un engagement citoyen qui devrait concerner la moitié d’une génération d’ici à 2018. Ce dispositif ayant survécu à l’alternance, nous devons en favoriser la continuité.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

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Après l’article 12 ter

La commission en vient à l’amendement CS217 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. Cet amendement vise à permettre aux lauréats de l’Institut de l’Engagement de réaliser des stages en entreprise, ce qui n’est pas le cas actuellement. Or, les jeunes lauréats sont pénalisés par leur manque de connaissance de l’entreprise au moment de leur insertion professionnelle par rapport aux jeunes qui, au cours de leur scolarité, ont bénéficié de stages en entreprise. Il est proposé que l’Institut de l’Engagement puisse organiser ces stages dans le cadre de conventions qu’il conclurait avec l’organisme d’accueil.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il me paraît difficile de donner une telle consécration législative à une association majoritairement financée à l’aide de fonds privés. De plus, votre amendement me semble satisfait dans la mesure où l’Institut de l’Engagement a d’ores et déjà conclu des partenariats avec de nombreux établissements d’enseignement et entreprises et aide des lauréats à trouver une formation, un stage ou un emploi. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ce dispositif risque de susciter des demandes reconventionnelles, donc de provoquer une remise en cause de la loi du 10 juillet 2014 tendant à l’encadrement, au développement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Nous y sommes donc défavorables. Cela étant, je suis prêt à discuter avec le ministère de l’éducation nationale pour déterminer la place de l’Institut de l’Engagement dans le code de l’éducation.

M. le rapporteur général. Le ministre s’engage ainsi, j’y insiste vis-à-vis de Mme Lang, à travailler avec sa collègue chargée de l’éducation nationale d’ici à l’examen du texte en séance publique.

L’amendement est retiré.

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Article 12 quater [nouveau]
(art. L. 120-33 et L. 122-16 du code du service national)

Valorisation du service civique dans les concours internes
de la fonction publique

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, vise à permettre aux jeunes ayant accompli un service civique, sous toutes ses formes, de faire valoir cet engagement pour le calcul de la durée de service exigée pour l’accès aux concours internes de la fonction publique de l’État, territoriale et hospitalière ainsi que, en cas de réussite aux concours, pour l’avancement.

Cette dernière mesure, prenant en compte la durée accomplie par les intéressés pour l’avancement dans la fonction publique, est proposée de manière analogue à celle prévue à l’article L. 63 du code du service national pour ceux qui ont accompli le service national actif.

Le 2° du présent article opère les mêmes modifications en ce qui concerne le volontariat international.

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La commission aborde l’amendement CS1153 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement vise à permettre aux jeunes ayant accompli un service civique, quelle que soit sa forme, de faire valoir cet engagement pour le calcul de la durée de service exigée pour l’accès aux concours internes de la fonction publique ainsi que pour le reclassement lors de la titularisation en cas de réussite aux concours.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 12 quinquies [nouveau]
(art. 19 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, art. 36 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Valorisation du service civique dans les trois fonctions publiques

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, précise que le service civique, quelle qu’en soit la forme, peut être valorisé dans le cadre des épreuves des concours d’accès à la fonction publique, notamment dans le cadre de la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP), et ce pour la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Il vise également à développer les épreuves de mise en situation professionnelle, comme alternative aux épreuves plus académiques de concours, pour professionnaliser davantage encore les modes de recrutement dans la fonction publique.

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La Commission examine ensuite l’amendement CS1154 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement vise à la reconnaissance des acquis de l’expérience.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 12 sexies [nouveau]
(art. 44 et 45 de la loi 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique territoriale)

Valorisation du service civique dans la fonction publique territoriale

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, permet aux jeunes lauréats d’un concours de la fonction publique territoriale, au moment où ils accomplissent un service civique, de bénéficier d’une suspension du décompte de la période quadriennale pour être maintenu sur la liste d’aptitude d’accès au cadre d’emploi concerné (article 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) ou, pour l’accès aux cadres d’emplois de catégorie A et de lieutenant de sapeurs-pompiers professionnels, de reporter la nomination en qualité d’élève (article 45 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984). Cette disposition est déjà prévue pour le service national et pour certains congés. Ainsi ces jeunes pourront achever leur engagement civique avant de rejoindre leur emploi public ou leur école d’application. Ces dispositions seront prévues également pour les concours d’accès de la fonction publique d’État et hospitalière par voie réglementaire.

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La Commission étudie l’amendement CS1155 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Toujours dans la même logique, il s’agit de simplifier et de reconnaître le service civique dans le cadre des concours d’accès à la fonction publique territoriale.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 12 sexies

La Commission en vient à l’amendement CS724 de Mme Marie-George Buffet.

M. André Chassaigne. Je devine quel sera l’avis du ministre sur cet amendement : il me répondra qu’il ne faut pas confondre le service civique avec une activité salariée. Mais, dans le débat, on constate que toutes les demandes tendant à poser des garde-fous sont balayées d’un revers de main. Certes, l’amendement CS872 du Gouvernement dispose que les activités exercées dans le cadre du service civique doivent être complémentaires de celles confiées aux salariés ou agents publics et ne peuvent s’y substituer, mais je crains que l’on ne crée un nouveau statut précaire en rejetant les amendements de Mme Capdevielle, qui visent à garantir que les jeunes en service civique soient accompagnés financièrement et puissent faire face aux difficultés de la vie.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Mon avis est défavorable mais, pour éviter tout malentendu, je tiens à souligner qu’il est hors de question que la montée en puissance du service civique se fasse en lieu et place d’emplois éventuels. Nous n’avons pas repoussé l’ensemble des amendements : nous en avons adopté trois sur la question que vous soulevez, posant ainsi tous les garde-fous nécessaires. Ce qu’a voulu dire le rapporteur général tout à l’heure, c’est qu’inscrire les personnes effectuant leur service civique dans le registre des personnels reviendrait à admettre qu’elles font partie de ces personnels.

M. le rapporteur général. Lorsqu’on a souhaité, il y a quelques années, instaurer un service civique, les spécialistes ont regardé comment cela se passait en Allemagne. Dans son rapport, l’amiral Béreau a démontré que les collectivités territoriales allemandes avaient remplacé certains emplois dans la fonction publique territoriale par des contrats de service civique.

La France a choisi, je crois, une voie médiane : il n’y est pas possible de procéder à pareille substitution sans le moindre encadrement, mais nous n’avons pas non plus opté pour un encadrement strict et rigide qui empêcherait le développement du dispositif. Ce dernier prend aujourd’hui son essor et fonctionne. Lorsqu’il donne lieu à des dérives, des mécanismes de signalement sur les réseaux sociaux permettent de garantir rapidement la levée de l’agrément. Il me semble que les premiers pénalisés en cas d’abus sont ceux qui se voient retirer cet agrément. Doit-on, d’ici au passage du texte en séance, réfléchir à des sanctions ? Doit-on, par exemple, prévoir que l’agrément soit retiré pour trois ans pour rendre impossible tout abus ? Il me semble sincèrement que l’équilibre actuel est satisfaisant. Il n’existe aucun cas où l’on aurait mis un terme à un contrat de service civique parce que la personne en cause n’aurait pas effectué suffisamment d’heures dans une semaine. Les seuls cas de dénonciation d’un contrat d’engagement concernent des personnes qui ne se sont pas du tout présentées alors qu’elles s’y étaient engagées.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il ne me semble pas opportun d’inscrire les noms et prénoms des volontaires en service civique dans le registre des personnels de l’établissement d’accueil. La préoccupation de M. Chassaigne étant néanmoins légitime, il me semble nécessaire d’élaborer, avec les ministres du travail et de la fonction publique, une disposition visant à donner une information annuelle sur le service civique au comité d’entreprise ou, dans la fonction publique, au comité technique paritaire. En attendant d’avoir cette discussion avec mes collègues, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. André Chassaigne. Je ferai part de votre proposition à Marie-George Buffet qui a travaillé sur ces articles. Dans l’attente des propositions que vous nous soumettrez en séance publique, j’accepte de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CS122 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je dirai un mot de l’amendement qui précède : ne pourrait-on imaginer pour répondre à nos préoccupations légitimes, un registre unique du service civique ?

Le présent amendement vise le même objectif : faire en sorte que le service civique ne soit pas dévoyé. Aujourd’hui, le recrutement des volontaires se fait à l’aide d’une lettre de motivation et d’un curriculum vitae (CV). C’est un mode de sélection qui privilégie les profils de personnes expérimentées au détriment des autres. On prétend ne pas appliquer les règles du code du travail mais en exigeant de tels documents, c’est bien dans le cadre de ce code que l’on se place. Nous proposons donc d’interdire le recrutement des volontaires sur la base d’un curriculum vitae.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Votre amendement est satisfait par l’amendement précédemment adopté concernant la mixité sociale. Le CV est certes le moyen le plus symbolique de sélectionner et d’éliminer, mais il en existe d’autres. Il nous faut donc travailler tous ensemble pour encadrer efficacement le dispositif.

L’amendement est retiré.

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Article 12 septies [nouveau]
Rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’un déploiement contraignant des offres de missions de service civique dans les collectivités publiques

Introduit à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, le présent article prévoit la remise au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, d’un rapport portant sur la faisabilité et l’opportunité d’un déploiement contraignant des offres de missions de service civique dans les collectivités publiques. Ce rapport évalue notamment le juste champ des collectivités publiques concernées, la pertinence d’un mécanisme de proportionnalité du nombre d’offres de missions devant être proposées en fonction de la taille des collectivités.

*

La Commission se penche sur l’amendement CS575 de M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Je pense que M. le ministre sera sensible à cet amendement, puisqu’il nous disait tout à l’heure, à l’occasion de l’examen d’un amendement de M. Lesterlin, que la notion d’« ardente obligation » appartenait au registre du « droit mou », mais qu’il ne s’interdisait pas de réfléchir à des mesures plus contraignantes.

Cet amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la faisabilité d’un déploiement contraignant des offres de service civique dans les collectivités publiques pour que ces dernières soient tenues de faire la place aux jeunes – comme elles le revendiquent souvent.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Régis Juanico. Je soutiens cet amendement. La montée en puissance du dispositif suppose en effet que les collectivités territoriales s’engagent à y recourir. En 2015, 70 % des postes ont été agréés dans les associations ou les fédérations, 12,5 % dans les services de l’État, 10 % dans les établissements publics et seulement 6 % dans les collectivités territoriales. Ces dernières peuvent mieux faire, sous réserve qu’elles soient accompagnées dans cette démarche et que le préfet joue son rôle de coordination au niveau local. Peut-être le ministre pourrait-il effectuer un tour de France pour inciter, dans les départements, les associations de maires à conclure des conventions leur assignant des objectifs précis. Je le répète, on n’atteindra pas l’objectif de 350 000 jeunes en service civique si les collectivités territoriales ne s’impliquent pas réellement ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Sous réserve des dispositions de l’article 72 de la Constitution relatives à la libre administration des collectivités territoriales, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 13
(art. L. 120-2 du code du service national)

Organisme en charge de la mise en œuvre du programme européen Erasmus + Jeunesse & Sport

Le dispositif Erasmus + Jeunesse & Sport, sur lequel repose le programme de l’Union européenne pour l’éducation et la formation, la jeunesse et le sport pour les années 2014 à 2020, nécessite la désignation, dans chaque État membre de l’Union européenne, d’une entité chargée d’en assurer la gestion.

La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ayant désigné l’Agence du service civique comme opérateur du volet « Jeunesse » de ce programme, le volet « Sport » de ce programme, qui ne mobiliserait que peu de personnels, lui serait également confié. L’article L. 120-2 du code du service national serait donc modifié à cette fin.

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La Commission est saisie de l’amendement CS728 de Mme Marie-George Buffet, tendant à supprimer l’article.

M. André Chassaigne. J’aurais préféré que ce soit Marie-George Buffet, ancienne ministre des sports, qui défende cet amendement.

L’article 13 du présent projet de loi donne compétence à l’Agence du service civique pour mettre en œuvre le volet « sport » du programme « Erasmus + ». De fait, cette disposition remet en cause les prérogatives de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) qui assure actuellement l’exécution de ce programme. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. L’Agence du service civique étant déjà l’opérateur du volet « jeunesse » de ce programme, il nous semble cohérent qu’elle en gère également le volet sportif.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’INJEP ne gère plus ce programme depuis le 1er janvier 2016. C’est pour cette raison que nous proposons de rectifier la rédaction du code du service national.

M. André Chassaigne. Dans ce cas, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 13 sans modification.

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Article 14
(art. L. 611-9 [nouveau] du code de l’éducation)

Reconnaissance de l’engagement étudiant

I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Afin d’assurer une meilleure reconnaissance de l’engagement étudiant, le présent article prévoit l’introduction d’un nouvel article L. 611-9 dans le code de l’éducation, ayant pour objet de permettre la validation, dans toutes les formations d’enseignement supérieur débouchant sur la délivrance d’un diplôme d’État, des compétences, des connaissances et des aptitudes acquises par un étudiant au titre de son engagement.

Si de telles possibilités sont aujourd’hui mises en œuvre dans certaines universités, l’octroi de crédits universitaires reconnaissant les compétences acquises dans le cadre de l’engagement étudiant relève aujourd’hui de la politique propre à chaque université.

Seront ainsi validées selon des modalités définies par décret, les compétences acquises dans le cadre :

– d’une activité bénévole,

– de la participation à la réserve militaire opérationnelle définie à l’article L. 4211-1 du code de la défense,

– d’un service civique, dans toutes ses formes,

– d’un volontariat militaire mentionné aux articles L. 121-1 et suivants du code du service national.

II. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

Si ce dispositif est tout à fait à même de reconnaître et, partant, de favoriser l’engagement citoyen des étudiants, la rapporteure estime toutefois nécessaire que les moyens de cette reconnaissance soient harmonisés, en fonction des types d’établissement, sur le territoire national.

Par ailleurs, il est apparu nécessaire, au cours des auditions, d’élargir le champ du présent article aux sapeurs-pompiers volontaires, dont l’engagement est aussi réel que celui des volontaires ou des réservistes militaires et des bénévoles associatifs. Cette modification ne peut par ailleurs qu’encourager les étudiants à devenir sapeurs-pompiers volontaires et enrayer, ainsi, la diminution de leurs effectifs (cf. supra).

La Commission spéciale a adopté un amendement des rapporteurs en ce sens.

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La Commission étudie l’amendement CS697 de M. Noël Mamère, tendant à supprimer l’article.

Mme Brigitte Allain. L’engagement citoyen ne devrait pas être rémunéré au titre d’une validation de formation, car cela semblerait signifier qu’un jeune s’engageant à accomplir son service civique le fait par intérêt individuel plutôt que dans l’intérêt collectif. De plus, cela créerait une confusion avec les stages.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. L’article 14 me semble au contraire extrêmement utile à la reconnaissance des compétences acquises par les étudiants dans ce cadre.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1157 des rapporteurs et CS698 de M. Noël Mamère.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Notre amendement a pour objet d’étendre aux étudiants ayant souscrit un engagement de sapeur-pompier volontaire les dispositions de l’article 14 du projet de loi.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis favorable à cet amendement, et propose à Mme Allain de retirer l’autre au profit de l’amendement CS1156 des rapporteurs que nous examinerons ultérieurement.

L’amendement CS698 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1157.

Puis elle étudie examine l’amendement CS461 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. Il convient de ne pas limiter aux seuls étudiants le bénéfice de la reconnaissance du cursus. Bon nombre de lycéens sont en effet majeurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je comprends votre objectif, mais le nouvel article qu’introduit l’article 14 dans le code de l’éducation est relatif à l’enseignement supérieur. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS747 de M. Michel Ménard.

M. Régis Juanico. Cet amendement vise à préciser que l’on entend par activités bénévoles les activités associatives, politiques ou syndicales ainsi que les activités menées dans le cadre de l’éducation populaire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Votre demande est satisfaite par la rédaction actuelle.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement CS337 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. Cet amendement vise à ce que les activités salariées et entrepreneuriales puissent être prises en compte dans le cadre de la validation des engagements extra-académiques, au même titre que les engagements bénévoles et que ceux pris dans le cadre du service civique, afin d’assurer l’équité entre les étudiants qui ont le temps d’effectuer leur service civique ou de se livrer à des activités bénévoles et ceux qui sont contraints d’avoir une activité salariée ou entrepreneuriale.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable. Je partage votre préoccupation, mais l’amendement ne résout pas le problème. L’enjeu est de dégager du temps pour ces étudiants afin de leur permettre de concilier leur vie personnelle, leur vie professionnelle et leurs études. Je propose pour ma part un amendement tendant à étendre le statut du sportif de haut niveau à tous ces étudiants. Il est préférable de conserver à l’article 14 sa vocation première, qui est de reconnaître l’engagement et, dans un deuxième temps, de créer un statut permettant aux étudiants de concilier ces différents aspects de leur vie.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Nous serons favorables, je l’ai dit, à l’amendement CS1156 qui sera présenté après l’article 14 et qui me semble plus complet. C’est pourquoi je vous propose, madame Lang, de retirer le vôtre.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 14 modifié.

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Article 14 bis [nouveau]
(art. L. 131-10 du code de l’éducation)

Renforcement du contrôle de l’État sur l’instruction dispensée en famille

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, a pour objet de conforter le contrôle opéré par l’État sur l’enseignement dispensé aux enfants instruits dans leurs familles.

Pour ce faire, il modifie l’article L. 131-10 du code de l’éducation en vue :

– d’une part, de confier à la seule autorité administrative la responsabilité de définir le lieu et les modalités du contrôle, alors qu’il arrive souvent aujourd’hui que des parents refusent que le contrôle se déroule en dehors du domicile familial. La rédaction de la loi est ainsi clarifiée en vue de mettre fin aux contestations reposant sur la formulation ambiguë du quatrième alinéa de l’article L. 131-10 ;

– d’autre part, en permettant à l’autorité académique compétente, en cas de refus réitéré de soumettre l’enfant au contrôle annuel prévu par la loi, de mettre en demeure les personnes responsables de l’enfant instruit à domicile de l’inscrire dans les quinze jours dans un établissement public ou privé qu’elle aura déterminé. À l’heure actuelle, il n’y a aucun moyen d’agir en cas de refus.

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La Commission aborde l’amendement CS226 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. La « base élèves premier degré » permet la gestion administrative et pédagogique des élèves de la maternelle au CM2 dans les écoles publiques et privées. Contrairement à la « base centrale scolarité » qui concerne les données des élèves du second degré, elle ne comporte aucune donnée concernant la profession ni la catégorie sociale des parents d’élèves, ce qui rend impossible tout travail statistique ou de recherche sur les écoles privées et publiques. Or, nombre d’études réalisées par d’éminents chercheurs sur les collèges et les lycées grâce aux données sociales figurant dans la base centrale de la scolarité du second degré sont utilisées pour éclairer les politiques publiques en matière d’attribution de moyens et d’établissement de la carte prioritaire et des périmètres scolaires. Cet amendement vise à ce que les données liées à la profession et à la catégorie sociale des parents d’élèves puissent figurer dans la base « élèves du premier degré » à des fins de recherche.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je comprends l’objectif, mais la mesure que vous proposez relève d’un arrêté, en l’occurrence celui du 20 octobre 2008, et non de la loi.

M. le rapporteur général. Lors de l’examen du projet de loi pour la République numérique a été ouvert un débat sur le libre accès aux données. Mme Lang propose ici que certaines données soient accessibles à tous, et le ministère de l’éducation nationale s’est dit prêt à travailler sur le sujet. Je rejoins l’avis de Valérie Corre, mais souhaiterais que nous en appelions collectivement au Gouvernement afin de disposer d’une rédaction acceptable d’ici à la séance publique.

Mme Anne-Christine Lang. Je maintiens l’amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Il me semble que les établissements scolaires ont déjà ces informations, sans quoi ils ne pourraient, faute de critères, être classés en zone d’éducation prioritaire ni bénéficier de moyens supplémentaires.

Mme Anne-Christine Lang. Les données sont segmentées et il n’existe pas de base de données agrégée au niveau national. Les chercheurs souhaitant travailler sur la mixité sociale à l’école primaire ne le peuvent donc pas, sauf à contacter individuellement chacun des 2 000 districts ! C’est pourquoi nous proposons la création d’une base de données centralisée et accessible à des fins de recherche.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS852 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le ministère de l’éducation nationale vient de publier une enquête attestant d’une augmentation de plus de 30 % du nombre d’enfants instruits à domicile depuis l’année scolaire 2010-2011. Le présent amendement vise à garantir l’effectivité des contrôles. En effet, si l’on se concentre sur les enfants instruits dans la famille sans recours au Centre national d’enseignement à distance (CNED), seuls deux tiers des enfants sont contrôlés, ce qui est largement insuffisant. Plusieurs raisons expliquent ces difficultés : une programmation trop tardive des premiers contrôles, parfois une difficulté à mobiliser les moyens d’inspection nécessaires, la multiplication des demandes de report de la part des familles, voire des logiques d’obstruction et de judiciarisation des contrôles. Il arrive notamment que des parents refusent l’accès de leur domicile aux inspecteurs.

Cet amendement vise à clarifier la rédaction de l’article L. 131-10 du code de l’éducation sur le lieu de contrôle. Il n’est pas concevable que les familles puissent s’opposer, comme le permet la rédaction actuelle, aux contrôles réalisés par les inspecteurs de l’éducation nationale. Nous devons pouvoir sanctionner le refus réitéré d’inspection sans motif légitime, ce que ne prévoit pas le code actuel. Ces dispositions législatives sont complémentaires d’un dispositif d’ensemble mis en place par le ministère de l’éducation nationale, incluant des moyens humains et des modifications réglementaires sur le contenu de l’inspection afin de garantir que l’exercice de la liberté d’enseignement, dont relève l’enseignement à domicile, s’accompagne d’un respect clair du droit à l’éducation des enfants et des valeurs républicaines.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. le rapporteur général. Je suis également favorable à cet amendement. Cela étant, qu’en est-il des parents qui décident de partir en voyage avec leurs enfants ? Je vous pose cette question car nous avons été interpellés sur le sujet.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cela me paraît concerner une infime minorité d’enfants au regard de l’enjeu de cet amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Il se trouve que j’ai reçu des associations de parents ayant recours à l’instruction en famille. J’en retiens que ceux-ci ne souhaitent pas se soustraire aux contrôles, mais veulent discuter de la façon dont ces derniers sont effectués aujourd’hui dans notre pays. Ils craignent, nous disent-ils, que ces contrôles soient désormais systématiquement effectués ailleurs qu’à leur domicile, alors qu’il leur semble intéressant que l’académie inspecte leur environnement familial et puisse s’assurer de la présence de matériel pédagogique. Si je lis bien votre amendement, il me semble que vous laissez à l’autorité académique le soin de déterminer les modalités et le lieu de contrôle. En d’autres termes, vous entendez laisser à cette autorité des marges de manœuvre et de la souplesse. Vous ne prévoyez pas que les contrôles soient systématiquement effectués en dehors du domicile.

Certains parents nous ont également fait savoir que les tests demandés à leurs enfants étaient les mêmes que ceux que passent les enfants scolarisés alors que les premiers n’acquéraient pas forcément les mêmes compétences que les seconds. Serait-il possible de travailler à l’élaboration de ces tests ?

Enfin, je tiens à signaler que les parents que j’ai reçus ont l’impression que les contrôles ne sont pas effectués de la même manière d’un inspecteur à l’autre, selon que ce dernier est favorable ou non à l’instruction à domicile.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. L’objectif est de faire appliquer la norme la plus globale possible dans l’intérêt des enfants et de faire en sorte que les inspecteurs puissent accéder dans de bonnes conditions au domicile des familles pour vérifier l’environnement éducatif. C’est une démarche très volontariste que nous engageons là, pour éviter des débordements. Je rappelle quand même que le nombre d’enfants non scolarisés a augmenté de 30 % : ce fait peut aujourd’hui nous interpeller – si vous voyez à quoi je fais allusion.

M. Arnaud Viala. J’approuve totalement les propos de ma collègue Isabelle Le Callennec. J’ai également été saisi par des associations développant les mêmes arguments. Monsieur le ministre, votre amendement évoque le « lieu du contrôle » ; l’Éducation nationale préfère, dans la majorité des cas, exercer ce contrôle en dehors du domicile. Quels arguments sous-tendent ce choix, que les familles contestent puisqu’elles demandent que ce lieu fasse l’objet d’une discussion libre afin que le contrôle soit optimal et prenne en compte tous les paramètres ?

M. Jean-Noël Carpentier. La norme doit être la scolarisation des enfants. Le système scolaire doit travailler chaque jour en ce sens, la poursuite de cet objectif nous ayant conduits à adopter la loi d’orientation et de programmation du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République. On doit contrôler l’usage que font de leur droit les familles, et les chiffres avancés par M. le ministre montrent la nécessité d’approuver cet amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur Viala, la rédaction de l’amendement dispose que « l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation détermine les modalités et le lieu du contrôle » en fonction des éléments dont elle a connaissance. Le lieu de contrôle, qui n’est pas forcément le domicile, doit être choisi par l’autorité compétente de l’État, en lien avec les familles, car elle est responsable du bon suivi de l’éducation de l’enfant. Au regard des chiffres que je vous ai présentés, cet amendement se révèle particulièrement pertinent.

M. Xavier Breton. En écoutant notre collègue Carpentier, on comprend que cet amendement remet en cause une conception de la liberté de l’enseignement, puisque son objectif est de scolariser le plus possible les enfants. Que des idées différentes s’expriment, rien de plus normal ; en revanche, Mme la ministre de l’éducation nationale annonce cette réforme, mais notre commission n’en débat pas avec elle. Les rapporteurs ont-ils pu dialoguer avec elle ? Si tel était le cas, quelle a été la teneur de cet échange ? Notre commission ne pourrait-elle pas entendre Mme la ministre ?

Madame la présidente, je vous propose donc de suspendre la séance pour appeler Mme la ministre de l’Éducation nationale et lui demander de venir maintenant ou demain matin discuter avec nous de ce sujet. (Exclamations.) Dans le cas contraire, vous démontreriez votre volonté de passer en force. Il n’est pas sérieux qu’une telle réforme se fasse au détour d’un amendement, ne soit accompagnée d’aucune étude d’impact et donne lieu à un examen où un ministre lit ses notes pour trouver des éléments et ne répond qu’à un tiers des questions. Ainsi, aucune réponse n’a été apportée à l’interpellation du rapporteur général sur les parents qui voyagent ni à celle de Mme Le Callennec sur la conception des contrôles. Nous faisons donc face à un problème de méthode.

Nous sommes d’accord pour améliorer les contrôles, mais l’objectif de scolariser plus d’enfants remet en cause la liberté de l’enseignement. Voilà pourquoi, il convient d’auditionner Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme la présidente Annick Lepetit. Monsieur Breton, je vous ai donné la parole alors que deux membres de votre groupe l’avaient déjà prise et que nous étions convenus qu’un seul représentant de chaque groupe interviendrait sur chaque amendement. Vos deux collègues ont posé des questions légitimes, les rapporteurs ont donné leur avis, le ministre s’est exprimé à deux reprises, et vous montez le ton pour exiger la présence de Mme la ministre de l’Éducation nationale, alors que cet amendement ne met absolument pas en cause l’enseignement dans la famille : la moindre des choses est tout de même de pouvoir contrôler ce type d’instruction.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement ne cherche aucunement à remettre en cause la liberté de l’instruction, mais a pour objet de rendre le contrôle opérationnel, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Lorsqu’une famille soustrait l’enfant au contrôle, le ministère et les rectorats ne disposent d’aucun moyen pour l’imposer. Nous souhaitons donc rendre ce contrôle obligatoire en l’organisant à l’extérieur du lieu familial, afin que les familles ne puissent plus l’éviter.

Il ne me choque pas que l’on demande à tous les enfants d’avoir à peu près le même niveau au même âge. On le fait pour les enfants scolarisés dans les établissements publics et privés, et il est logique que cette exigence s’étende à tous les enfants. Il s’agit d’une question de niveau scolaire pour tous.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur Breton, il n’est pas question de remettre en cause le principe et la possibilité d’une instruction à domicile. Cet amendement vise simplement à veiller que cette instruction se déroule dans des conditions conformes aux règles de la République, en confortant les moyens du contrôle. Nous ne pourrons que nous retrouver autour de l’objectif de garantir l’intérêt de l’enfant.

M. le rapporteur général. M. Breton nous a interpellés sur la qualité de notre travail et sur notre exigence vis-à-vis des amendements provenant du Gouvernement. Nous avons rencontré le cabinet de Mme la ministre de l’Éducation nationale et cela figurera dans notre rapport.

Je souscris aux propos de M. le ministre, car on nous a présenté des cas certes très minoritaires, mais qui exigent l’action de la puissance publique. Des personnes refusent le contrôle, alors que l’on soupçonne que les enfants sont exposés à tout sauf à de l’instruction. On est parfois dans des situations d’enfance en danger. Il ne s’agit pas de liberté d’enseigner.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 14 ter [nouveau]
(art. L. 231-3, L. 511-2 du code de l’éducation)

Parité dans les commissions compétentes en matière de vie lycéenne

Le présent article, introduit à l’initiative de plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, propose une nouvelle avancée dans la voie de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, dès l’école, en instaurant la parité des représentants des lycéens et des collégiens dans les instances consultatives nationales et académiques exclusivement compétentes en matière de vie lycéenne et collégienne – Conseil national de la vie lycéenne, conseils académiques de la vie lycéenne et conseils de la vie collégienne – ainsi qu’au Conseil supérieur de l’éducation.

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La Commission étudie l’amendement CS648 de Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a fixé un objectif de parité pour les commissions et les instances consultatives ou délibératives, mais cette disposition ne s’applique pas aux instances dans lesquelles les représentants des élèves sont élus et non désignés. Le présent amendement propose une nouvelle avancée dans la représentation équilibrée des femmes et des hommes dès l’école, en instaurant la parité des représentants des lycéens et des collégiens dans les instances consultatives nationales et académiques exclusivement compétentes en matière de vie lycéenne et collégienne, ainsi qu’au Conseil supérieur de l’éducation (CSE).

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis favorable au fond de vos propositions et suis d’accord pour retenir la première qui s’insère bien dans le code de l’éducation ; en revanche, l’adoption de la seconde n’est pas possible en l’état, car vous ajoutez des éléments sans rapport avec l’article concerné, qui traite de la liberté d’expression des élèves. Il conviendrait donc de rédiger un article L. 511-2-1 prévoyant d’appliquer la parité aux instances réglementaires que vous visez ; sous cette réserve, j’émets un avis favorable à l’adoption de votre amendement, madame Olivier.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Nous sommes favorables à l’adoption de cet amendement, sous réserve de la modification souhaitée par Mme la rapporteure.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 14 ter

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS565 et CS564 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’amendement CS564 a pour objet de prévoir des plages d’information sur la création d’entreprise dans l’enseignement des élèves, au même titre que l’information et le conseil sur l’obtention d’une qualification professionnelle, sur les professions, sur les débouchés et sur les perspectives professionnelles. L’intérêt de la création d’entreprise doit faire partie du droit à l’éducation. Si la création d’entreprise incarne bien une priorité pour l’emploi, les élèves et les autres étudiants doivent bénéficier de renseignements sur l’entreprise et son fondement.

M. Guillaume Chevrollier. L’esprit d’entreprendre au travers des nouvelles technologies est fortement encouragé et doit incarner un pilier d’avenir professionnel chez les jeunes. Pour cela, l’école doit pouvoir faire la promotion des ateliers de fabrication numérique, ou fab labs, de manière à rompre l’inégalité d’accès aux outils pilotés par ordinateur, tant dans les territoires urbains que ruraux. L’accès aux outils numériques doit être possible dans toutes les écoles de France.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. La disposition contenue dans l’amendement CS565 ne relève pas du domaine de la loi, si bien que j’émets un avis défavorable à son adoption. Quant à l’amendement CS564, la rédaction du code de l’éducation en satisfait déjà l’objet puisqu’il dispose que « le droit au conseil en orientation et à l’information sur les enseignements, sur l’obtention d’une qualification professionnelle (…) et sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels fait partie du droit à l’éducation ». Je ne souhaite donc pas que cet amendement soit adopté.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis identique.

La commission rejette successivement les deux amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement CS759 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. J’ai rédigé sur ce sujet deux amendements qui n’ont pas pu être pris en considération à cause de l’article 40 de la Constitution, mais je les retravaillerai afin de les déposer en séance publique. Celui-ci constitue un minimum, qui complète le travail réalisé par François Brottes et Jean-Louis Bricout lors de l’examen de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Ce texte a inséré une disposition dans le code de l’éducation sur le passage de l’examen du code de la route dans le temps scolaire et à l’intérieur des lycées. Cette mesure a pour objectif d’améliorer les conditions de l’examen de la partie théorique du permis de conduire et, notamment, de gagner du temps et de faire diminuer le prix.

M. le rapporteur général. J’ai déposé plusieurs amendements portant sur le permis de conduire, que je vais retirer afin que nous débattions de ce sujet lors de la séance publique. Le ministre de l’intérieur souhaite assister à cette discussion et il n’y a pas lieu, compte tenu du contexte, de le lui refuser.

Obtenir son code à seize ans et attendre deux ou trois ans avant de passer l’examen pratique revient à ce que l’éducation nationale dépense chaque année des millions d’euros en vain, puisque le code, une fois obtenu, n’est valable que deux ans. En outre, il y a en France 11 000 auto-écoles, qu’il ne faut pas priver d’une part de leur activité.

Dans 20 % du territoire, les délais d’attente pour passer l’épreuve de conduite excèdent les cent jours. La loi Macron a réformé l’épreuve du code et entrera en vigueur à la mi-juin. Elle rendra possible le passage du code dans des structures et avec des agents agréés, formés pour cette tâche, provenant notamment des cadres de La Poste. Cela libérera du temps pour les instructeurs et les inspecteurs, qui pourront se concentrer sur la conduite. Nous avons rencontré l’ensemble des fédérations et des associations d’auto-école, qui sont partagées sur cette mesure : certains professionnels pensent que le temps d’attente pour passer l’examen de conduite diminuera, mais d’autres se montrent sceptiques. Nous ne connaîtrons les effets de cette réforme du code qu’à la fin de septembre ou au début d’octobre, au moment de la nouvelle lecture. Je vous proposerai donc de réexaminer ces dispositions à ce moment.

La mobilité des jeunes dépend d’un sésame, le permis de conduire, et nous allons nous battre pour obtenir un résultat, selon la méthode que je viens de vous proposer.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement de Jean-Noël Carpentier est important, car le permis de conduire constitue pour les jeunes un passeport pour l’emploi, et s’avère également fondamental dans les territoires ruraux pour faire face aux problèmes de mobilité. La loi Macron a prévu d’importantes avancées sur les délais et sur l’inscription à l’épreuve du code.

Je souhaite que l’épreuve se prépare dans le milieu scolaire, où l’on insiste déjà beaucoup sur la sécurité des enfants. Apprendre à conduire, c’est apprendre à se comporter, car l’on se comporte au volant comme dans la vie ; d’ailleurs les délinquants de la route commettent souvent d’autres délits. On reproche souvent aux jeunes de ne pas faire l’effort d’apprendre, mais ils ne perçoivent pas tout le temps l’aspect concret de l’apprentissage, ce qui n’est pas le cas pour le permis de conduire. Il est en outre aisé d’organiser ces épreuves dans les lycées car ils sont dotés d’outils informatiques. Quant aux auto-écoles, leurs salariés pourraient intervenir dans les lycées, comme d’autres métiers le font dans le cadre de l’apprentissage.

Je serai attentif à la suite donnée à cet amendement qui représente une avancée sociale pour les jeunes, notamment dans les zones rurales. 

M. Arnaud Viala. Je suis favorable à la démocratisation de l’accès à la sécurité routière et au permis de conduire. Les modalités de financement ne paraissent pas encore arrêtées, ce qui soulève une question cruciale. En outre, cette formation se déroule hors du temps scolaire, mais dans l’enceinte des établissements. Quels intervenants assureront cette tâche ? Quels seront les financements ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le débat démontre l’intérêt de la question soulevée par l’amendement. Comme nous ne disposons pas encore d’évaluation précise des effets de la loi Macron, nous émettons un avis défavorable à son adoption.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement n’embrasse pas l’ensemble du sujet, son objet visant simplement à compléter l’article L. 312-13 du code de l’éducation, qui dispose que : « L’enseignement du code de la route est obligatoire et est inclus dans les programmes d’enseignement des premier et second degrés. Le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire peut être organisé en dehors du temps scolaire », en ajoutant la référence à la préparation de ladite épreuve. Son adoption permettrait de développer la formation routière dans l’enceinte de l’Éducation nationale.

Mme Élisabeth Pochon. Les élèves de collège sont déjà sensibilisés, pendant le temps scolaire, à la sécurité routière. Le brevet de sécurité routière (BSR) et l’attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) sont nécessaires pour obtenir le permis de conduire ou pour conduire un scooter. L’objet de cet amendement a déjà été évoqué au moment de l’examen de la loi Macron, puisque l’on avait discuté de l’hypothèse de préparer et de passer le code dans l’enceinte des établissements scolaires, des missions locales ou des lycées agricoles et avec des personnes extérieures à l’Éducation nationale. Le code est valable trois ans et si l’on sort du lycée avec le baccalauréat et le code, on peut passer plus facilement son permis de conduire.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS124 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement vise à créer une note « bénévolat » pour l’obtention du baccalauréat. La notation des examens prendrait en compte l’existence d’un engagement bénévole au sein d’une association. Cette proposition provient du rapport très intéressant de France Stratégie, intitulé Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes et remis à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports en juin 2015.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage complètement votre intention, madame Capdevielle, mais il conviendrait d’adopter une rédaction moins précise car il serait inopportun de limiter l’engagement dans le cadre associatif. Je vous propose de retirer votre amendement afin de le retravailler avec le ministère concerné en vue de la séance publique.

Mme Colette Capdevielle. Avec grand plaisir !

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Ce sujet mérite un travail complémentaire, que nous conduirons avec Mme Capdevielle.

L’amendement est retiré.

La commission aborde l’amendement CS754 de Mme Julie Sommaruga.

Mme Julie Sommaruga. Cet amendement a pour objet d’introduire, pour les élèves de troisième, un stage au sein d’une association sur le modèle de celui réalisé en entreprise. Le contact avec le monde associatif permettra aux élèves de découvrir la nature de l’engagement pour les autres et suscitera des vocations. 

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je soutiens l’idée, mais l’amendement pose des questions de mise en œuvre et d’organisation. Je vous propose, madame Sommaruga, de retirer votre amendement et d’avoir des échanges précis avec le ministère sur l’application de cette mesure.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Arnaud Viala. Madame la présidente, si l’on reporte l’examen de chaque amendement à la séance publique, que faisons-nous ici ? Madame Sommaruga, comment les associations, n’ayant pour la plupart pas de personnels permanents, encadreront-elles un jeune collégien que l’on ne doit pas laisser seul une minute ?

M. le rapporteur général. Monsieur Viala, les modalités de la mise en œuvre de cet amendement posent effectivement question.

M. Arnaud Viala. Questions sur lesquelles nous sommes ici pour travailler, monsieur le rapporteur général. Si l’on empêche le débat au motif qu’il aura lieu en séance publique, pourquoi passons-nous la nuit debout ? (Sourires.)

Mme Julie Sommaruga. Je comprends les interrogations portant sur l’organisation de ces stages par l’Éducation nationale. J’accepte de retirer mon amendement pour approfondir le sujet et en débattre en séance publique en connaissant l’avis du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Si vous n’aviez pas retiré votre amendement, madame Sommaruga, j’aurais émis un avis défavorable à son adoption. En effet, les stages en entreprise sont prévus par le code du travail, mais rien n’empêche une association d’être un lieu de stage à la condition de disposer de personnels encadrant les élèves. L’extension proposée par votre amendement mérite une réflexion approfondie, si bien que le renvoi en séance publique me paraît opportun.

L’amendement est retiré.

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Article 14 quater [nouveau]
(art. L. 312-15 du code de l’éducation)

Projet citoyen dans le cadre de l’enseignement moral et civique

Le présent article, introduit à l’initiative de plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, modifie l’article L. 312-15 du code de l’éducation afin de prévoir que les collégiens et les lycéens sont incités à participer à un projet citoyen au sein d’une association d’intérêt général dans le cadre de l’enseignement moral et civique.

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La Commission examine l’amendement CS123 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Mon amendement poursuit la même finalité que celui de Mme Sommaruga, mais il est beaucoup plus souple. Il vise à inciter les élèves à développer un projet éducatif citoyen dans le cadre de l’enseignement moral et civique à travers un engagement au sein d’une association d’intérêt général.

Monsieur Viala, il y a un collège dans ma circonscription où les élèves de troisième mènent un projet éducatif citoyen tous les ans ; l’année dernière, ils ont collecté des fonds et ont travaillé avec une association accompagnant les enfants malades à l’hôpital et cette année avec une association aidant les enfants sourds et muets. Rassurez-vous, monsieur Viala, ces projets existent, sont simples, apportent beaucoup aux jeunes, et j’en propose une généralisation souple.

M. Arnaud Viala. Madame Capdevielle, un tel collège existe également dans ma circonscription.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

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Après l’article 14 quater

La Commission étudie l’amendement CS164 de M. Hervé Féron.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 14 quinquies [nouveau]
(art. L. 611-4 du code de l’éducation)

Parité dans les commissions compétentes en matière de vie lycéenne

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, procède à la réécriture de l’article L. 611-4 du code de l’éducation afin d’ouvrir le statut universitaire dont bénéficient actuellement les sportifs de haut niveau à d’autres étudiants, afin de rendre leurs activités annexes compatibles avec la poursuite de leurs études.

Sont ainsi concernés les volontaires réalisant une mission dans le cadre du service civique, les étudiants élus au sein des conseils des établissements et des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les personnes exerçant une activité professionnelle et les personnes désignées pour siéger à titre bénévole dans l’organe d’administration ou de direction d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Ils bénéficieront ainsi des aménagements nécessaires dans l’organisation et le déroulement de leurs études et de leurs examens, notamment par le développement de l’enseignement à distance.

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La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS1156 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement, que j’ai évoqué lors de l’examen de l’article 14, ouvre le statut universitaire dont bénéficient actuellement les sportifs de haut niveau à d’autres étudiants dont l’activité bénévole ou professionnelle, l’engagement de service civique, ou les fonctions électives au sein des conseils des établissements ou des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) imposent d’aménager leur scolarité, afin de rendre ces activités compatibles avec la poursuite de leurs études.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable, comme annoncé tout à l’heure.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 14 quinquies

La Commission en vient à l’amendement CS58 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Julien Dive. Cet amendement vise à insérer deux articles après l’article L. 611-4 du code de l’éducation. Le premier disposerait que les établissements d’enseignement supérieur permettent, selon des formules adaptées, d’aménager l’emploi du temps des étudiants afin de concilier leurs études avec des missions d’entrepreneuriat. Le second sensibiliserait les étudiants, au besoin par des formations spécifiques et adaptées, aux différentes formes d’entrepreneuriat. À titre d’exemple, 37 % des étudiants n’ayant pas exercé d’activité rémunérée durant l’année universitaire auraient souhaité travailler, mais n’en avaient pas le temps ; par ailleurs, 56 % des étudiants ont préféré se consacrer entièrement à leurs études. Cet aménagement de leur emploi du temps leur permettra de bénéficier d’un temps qualifié, sans avoir à choisir entre les projets et les études.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Nous partageons votre analyse, monsieur Dive, puisqu’un amendement déjà adopté a exactement le même objet ; étant satisfait, je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS462 de M. Bernard Lesterlin et CS767 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Bernard Lesterlin. Mon amendement répond à une forte demande des associations étudiantes, qui souhaitent la création d’un statut de responsable associatif étudiant permettant de bénéficier d’un aménagement de la scolarité et d’une valorisation des compétences acquises à ce titre. Il s’inscrit dans le prolongement des conclusions du Plan national de vie étudiante en élargissant le statut étudiant à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’amendement que nous venons de voter exauce votre souhait. L’objectif est d’étendre le statut du sportif de haut niveau à tous ceux ayant une autre activité – associative ou salariée – que leurs études.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

Les amendements sont retirés.

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Article 14 sexies [nouveau]
(art. L. 611-10 [nouveau] du code de l’éducation)

Mise en place obligatoire de politiques universitaires en matière d’engagement associatif

Le présent article, introduit à l’initiative de plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, insère dans le code de l’éducation un nouvel article L. 611-10 prévoyant que les établissements d’enseignement supérieur élaborent une politique spécifique visant à développer l’engagement des étudiants au sein des associations.

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La Commission aborde l’amendement CS134 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement vise à imposer aux établissements d’enseignement supérieur la mise en place d’une politique ambitieuse pour encourager les jeunes étudiants à s’investir tout en les laissant libres de choisir les modalités de cette politique. Notre collègue Jean-Pierre Allossery a proposé des pistes sérieuses dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2015 en évoquant la création de dispositifs obligatoires ou fortement incitatifs, tels qu’une année de césure pour les étudiants ou l’obtention de crédits spécifiques.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. L’article 14 répond à votre préoccupation, madame Capdevielle, puisque les établissements d’enseignement supérieur seront obligés de reconnaître l’engagement des étudiants. Une circulaire du 22 juillet 2015 a créé les modalités de l’année de césure ; toutefois, cette disposition encourage les universités à aller encore plus loin, d’où un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 14 septies [nouveau]
(art. L. 714-1 du code de l’éducation)

Politique culturelle universitaire

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, complète par un 6° l’article L. 714-1 du code de l’éducation relatif aux services communs internes aux universités susceptibles d’être créés.

En l’état actuel du droit, de tels services peuvent ainsi être créés pour assurer :

– l’organisation des bibliothèques et des centres de documentation ;

– le développement de la formation permanente ;

– l’accueil, l’information et l’orientation des étudiants ;

– l’exploitation d’activités industrielles et commerciales ;

– l’organisation des actions impliquées par la responsabilité sociale de l’établissement.

Il est proposé de compléter ces dispositions pour permettre la création de services communs assurant le développement de l’action culturelle et artistique, afin d’intensifier les pratiques culturelles et artistiques des étudiants et des communautés universitaires, de valoriser le patrimoine architectural, scientifique, culturel et linguistique des universités, de favoriser la création artistique, et de dynamiser les partenariats avec les institutions artistiques et culturelles. Si de tels services se sont développés au cours des dernières décennies, le présent article offre à ce développement un cadre juridique clair.

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La Commission étudie l’amendement CS1095 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement technique concerne les services communs de développement de l’action culturelle et artistique. Certaines universités agissent déjà dans le domaine culturel, et il s’agit de fixer un cadre commun législatif et réglementaire.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 14 octies [nouveau]
(art. L. 811-2 du code de l’éducation)

Recrutement des étudiants par les CROUS

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet de sécuriser le cadre juridique permettant aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de recruter des étudiants pour participer à l’animation de la vie étudiante. L’article L. 811-2 du code de l’éducation permet actuellement aux seuls établissements d’enseignement supérieur de recruter des étudiants pour exercer les activités liées à l’accueil des nouveaux étudiants, l’animation de la vie des établissements et l’aide à l’insertion professionnelle, dans des conditions fixées par le décret n° 2007-1915 du 26 décembre 2007. Cet article prévoit ainsi d’élargir aux CROUS la possibilité de recruter des étudiants sur le fondement de l’article L. 811-2 du code de l’éducation. Il s’agit donc d’un facteur de dynamisation de la vie de campus et d’amélioration des services rendus aux usagers, mais aussi d’un progrès pour la réussite des étudiants-salariés.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1094 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Il s’agit encore d’un amendement technique, qui vise à permettre aux CROUS de recruter des étudiants. Les projections du ministère montrent que 120 équivalents temps plein (ETP) seraient créés si la loi ouvrait cette possibilité.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 14 nonies [nouveau]
(art. 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013
d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République)
Prolongation de l’expérimentation du dispositif dit de « dernier mot aux parents » pour l’orientation scolaire

Le présent article, introduit à l’initiative du rapporteur général, a pour objet de prolonger l’expérimentation portant sur la procédure d’orientation prévue à l’article L. 331-8 du code de l’éducation. Cette expérimentation a été autorisée, pour une durée de trois ans, par l’article 48 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Il est prévu « qu’après avoir fait l’objet d’une proposition du conseil de classe et au terme d’une concertation approfondie avec l’équipe éducative, la décision d’orientation revienne aux responsables légaux de l’élève ou à celui-ci lorsqu’il est majeur ».

L’expérimentation menée en classe de troisième dans les conditions fixées par le décret n° 2014-6 du 7 janvier 2014 s’est déroulée dans 441 collèges depuis la rentrée scolaire 2013. Elle a permis de constater une amélioration du climat scolaire, de la qualité du dialogue entre les élèves, les parents et les professeurs et de la liaison collège-lycée.

Toutefois, l’évaluation des résultats de l’expérimentation sur les résultats scolaires ultérieurs des élèves concernés est encore malaisée. En effet, l’échantillon d’établissements participant à l’expérimentation et l’analyse du parcours scolaire des élèves concernés n’ont pas pu permettre de dégager des éléments suffisamment fiables et pertinents pour envisager, à ce stade, une généralisation au niveau national.

La prolongation du dispositif d’expérimentation pour une année supplémentaire et son extension à un plus grand nombre d’établissements permettront de renforcer la qualité de l’évaluation, indispensable pour envisager une éventuelle généralisation du dispositif.

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La Commission en vient à l’amendement CS1135 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le présent amendement a pour objet de prolonger d’un an l’expérimentation du dispositif du « dernier mot » aux parents. L’expérimentation constitue un moyen de contourner l’article 40 de la Constitution, et l’esprit de la réforme constitutionnelle de 2008 enjoint d’appliquer les expérimentations qui réussissent. Prolongeons-la d’un an et généralisons-la si elle fonctionne.

Mme Isabelle Le Callennec. On est en train d’adopter des amendements, situés après l’article 14, dont certains concernent le portefeuille du ministre de l’intérieur, qui a l’intention d’en débattre avec nous ; plusieurs autres relèvent de l’Éducation nationale, et il serait opportun, comme l’a souligné mon collègue Xavier Breton, que Mme la ministre de l’éducation nationale vienne dans l’hémicycle pour discuter de sujets aussi importants que l’orientation au collège.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. J’émets un avis favorable à l’adoption de cet amendement, madame la présidente.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 14 decies [nouveau]
Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance pour modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance pour modifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux établissements privés d’enseignement scolaire.

Il est communément accepté que les modalités de contrôle de l’ouverture des établissements privés hors contrat n’est aujourd’hui pas satisfaisante. Si la plupart des établissements privés hors contrat effectuent leur mission dans le respect des valeurs de la République comme des exigences législatives encadrant le déroulement de l’instruction, il arrive que certains établissements ne les satisfassent pas.

En l’état actuel du droit, le régime d’ouverture des établissements privés d’enseignement scolaire résulte de la juxtaposition de dispositions de trois lois anciennes : la loi Falloux du 15 mars 1850 sur l’enseignement secondaire, la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l’enseignement primaire, et la loi Astier du 25 juillet 1919 sur l’enseignement technique.

Ces dispositions ont en commun de prévoir un régime déclaratif assorti de la possibilité pour l’administration de s’opposer à l’ouverture de l’établissement si elle juge que les conditions dans lesquelles l’établissement souhaite ouvrir seront contraires aux bonnes mœurs, à l’hygiène, et, pour le seul enseignement technique, à l’ordre public et au caractère technique de cet enseignement. Si l’établissement fonctionne alors que l’administration a fait opposition à son ouverture, le déclarant commet un délit.

Ce principe commun se décline toutefois en trois procédures distinctes, dans lesquelles le maire, le procureur de la République et les autorités administratives de l’État – préfet et recteur – disposent de compétences qui différent selon la nature de l’enseignement dispensé par l’établissement.

Au surplus, cette réglementation n’est pas applicable sur tout le territoire de la République. Ainsi, dans les départements de la Moselle, du Bas Rhin et du Haut-Rhin, s’applique un régime d’autorisation prévu par les lois maintenues en vigueur par l’article L. 481-1 du code de l’éducation. De même, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Pierre et Miquelon, les articles L. 491-1, L. 493-1 et L. 494-1 fixent des régimes encore différents, fondés notamment sur les décrets-lois dits « Mandel » de 1939.

Ces multiples facteurs de complexité nuisent à la correcte mise en œuvre du régime d’ouverture de ces établissements qui constitue pourtant l’un des éléments constitutifs du principe à valeur constitutionnelle de la liberté de l’enseignement, reconnu comme tel par le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision n° 77-87 du 23 novembre 1977.

Afin de mettre à terme cette complexité, l’ordonnance aura vocation à :

– mieux garantir le droit dont bénéficient les parents de choisir le mode d’instruction de leur enfant ;

– mieux garantir le droit dont bénéficie chaque enfant de recevoir une instruction de qualité ;

– renforcer la sécurité juridique des auteurs d’un projet d’établissement privé d’enseignement scolaire.

Il s’agit, premièrement, de renforcer le contrôle de l’État sur l’ouverture des établissements d’enseignement privés en substituant au régime de déclaration un régime d’autorisation, qui n’interdit évidemment pas qu’une décision implicite d’acceptation naisse au terme d’un délai adapté.

Alors que le régime actuel, qui permet à l’établissement d’ouvrir si les autorités administratives n’ont pas formé d’opposition dans un délai d’un mois, place trop souvent les collectivités locales et l’État dans des situations de « fait accompli », le régime d’autorisation renforcera la sécurité juridique pour les familles et les enfants, mais également pour les établissements. En effet, si un tel régime ne dispensera évidemment pas de vérifier la qualité de l’enseignement une fois l’établissement ouvert, il permettra notamment d’accompagner les créateurs de l’établissement en les invitant à réfléchir en amont à la compatibilité de leur projet pédagogique avec les exigences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Deuxièmement, il convient d’unifier le régime d’ouverture de tous les établissements d’enseignement privés du premier degré, du second degré général et du second degré technologique et professionnel, en fixant des règles identiques de procédure et de contrôle et des conditions identiques d’exercice des fonctions de direction et d’enseignement.

La rapporteure n’est, par principe, pas favorable à la procédure d’habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. C’est pourquoi elle a, d’une part, émis un avis favorable à un sous-amendement de M. François Pupponi, visant à réduire d’un an à six mois le délai d’habilitation, et, d’autre part, demandé au Gouvernement de transmettre aux parlementaires un projet abouti d’ordonnance au cours de la navette.

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La Commission examine l’amendement CS853 du Gouvernement, qui fait l’objet des sous-amendements CS1202 et CS1203 de M. François Pupponi et des sous-amendements CS1211, CS1214, CS1212 et CS1213 de M. Xavier Breton.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Comme chacun d’entre vous, je suis très attaché à la liberté de l’enseignement, principe constitutionnel que la loi Jules Ferry de 1882 avait posé comme fondamental. Chacun est donc libre. Même si elle est obligatoire, l’instruction peut être dispensée à l’école publique ou privée, ou dans les familles. Nous avons d’ailleurs débattu hier soir des contrôles nécessaires pour éviter tout débordement dans l’instruction familiale. Rien de tout cela n’est mis en cause par l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter.

Sur plus de 60 000 établissements, on dénombre à ce jour 1 000 établissements scolaires hors contrat. Le rythme d’ouverture hors contrat est de quelques dizaines par an. À titre de comparaison, un peu moins de 8 000 établissements privés sont sous contrat.

Les services de l’État reçoivent des signalements de plus en plus nombreux à l’encontre d’établissements où le contenu de l’instruction serait très faible ou d’établissements dont l’enseignement ne correspondrait pas aux valeurs de la République. Or, dans notre droit actuel, ouvrir une école est à la portée de presque tous : il suffit de déposer une déclaration en mairie et auprès des services de l’État. Le droit n’offre qu’un régime d’opposition dont les délais sont trop courts : huit jours pour le maire, un mois pour l’État. Des établissements peuvent ainsi prospérer où de potentielles dérives sont possibles.

Nous proposons donc un régime de contrôle a priori, assorti d’une autorisation, pour que la puissance publique puisse constater que le projet de l’établissement n’est pas contraire aux principes fondamentaux qui régissent notre vie commune et, surtout, qu’il contient les enseignements nécessaires à l’éducation des enfants. Je pense que nous pouvons tous partager cet objectif d’une protection de nos enfants.

Nous posons néanmoins des garde-fous. L’instruction du dossier ne pourra excéder quatre mois, sinon le silence de l’administration vaudra accord. Pour ouvrir une école, quatre mois ne semblent pas superflus. Un éventuel refus devra naturellement être motivé. Une proposition de loi issue de l’opposition a été faite en ce sens et corrobore le contenu de cet amendement, qui est nécessaire à la protection de la liberté de l’enseignement telle que nous la connaissons.

Dans le contexte dur et menaçant que nous connaissons, le Gouvernement prend ses responsabilités et refuse que des établissements soient des foyers où puissent prospérer des valeurs et des pratiques antirépublicaines. Permettez-moi de conclure par une citation du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau : « L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. »

M. François Pupponi. J’avais en effet alerté les ministres successifs au sujet de ce problème. Il ne s’agit pas de s’attaquer à la liberté d’enseignement, mais plutôt de prendre garde à ne pas confier les enfants à des personnes qui leur donneraient une éducation inadaptée.

Mes sous-amendements CS1202 et CS1203 visent à accélérer encore les choses, en prévoyant que l’ordonnance prévue soit adoptée, non dans un délai d’un an, mais dans un délai de six, voire de huit mois. Ce temps paraît en effet suffisant pour sa rédaction.

M. Xavier Breton. Je voudrais évoquer une question de méthode. Au détour d’un amendement, et alors même que nous travaillons depuis plusieurs semaines sur ce projet de loi, nous abordons un sujet très important. La ministre de l’éducation nationale a donné une conférence de presse très médiatisée, et nous aurions aimé l’entendre au sujet du régime d’autorisation des écoles hors contrat, pour bénéficier de l’éclairage qu’elle aurait pu nous apporter.

Outre deux sous-amendements rédactionnels – le CS1211, que je retire, et le CS1214 –, je propose, par le sous-amendement CS1212, de maintenir le régime déclaratif actuel pour l’ouverture des établissements privés hors contrat, qui est suffisant dès lors que les délais sont allongés et qu’il est effectivement complété par des contrôles réguliers diligentés sur place. Nous avons déjà débattu hier de la portée des contrôles. Le régime de déclaration est de loin le plus respectueux du principe à valeur constitutionnelle qu’est la liberté de l’enseignement ; elle doit rester pleine et entière. Un contrôle s’effectue, mais a posteriori, et non a priori.

Afin de rester conforme à l’esprit de l’amendement du Gouvernement qui propose une unification et une simplification du régime juridique de tous les établissements privés, le sous-amendement propose d’allonger les délais pour former opposition en les portant tous à deux mois et en les faisant courir simultanément à partir du récépissé de dépôt ou de l’accusé de réception du dossier de déclaration.

Par le sous-amendement CS1213, je souhaite préciser que ces réformes ne sauraient avoir pour effet de limiter ce qui est un principe constitutionnel. Car, sous couvert de « préciser les motifs pour lesquels les autorités compétentes peuvent refuser d’autoriser l’ouverture », il convient de ne pas ajouter de nouveaux motifs d’opposition, par exemple d’ordre pédagogique. De même, sous couvert de « fixer les dispositions régissant l’exercice des fonctions de direction et d’enseignement », il convient de ne pas relever le niveau des diplômes ou de l’expérience exigés, comme le Gouvernement s’y est engagé.

L’amendement CS1211 est retiré.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement ne pose pas de difficultés sur le plan des principes, car nous partageons les préoccupations du Gouvernement, qui s’inquiète de voir certains établissements devenir des lieux de dérive et de manipulation, tant pour les parents que pour les enfants. Il est donc tout à fait légitime qu’il veuille lutter contre ce phénomène.

Je désapprouve toutefois les moyens auxquels il envisage de recourir. Les dispositions que rassemble ce projet de loi sont si diverses qu’il pourrait s’apparenter à un fourre-tout. L’amendement du Gouvernement arrive ainsi au détour d’une déclaration de la ministre de l’éducation nationale, que nous aurions en effet aimé entendre sur le sujet. Puisqu’il ne s’agit que d’un amendement, cette proposition d’origine gouvernementale n’a pas à faire l’objet d’une étude d’impact. Elle n’a pas non plus fait l’objet d’une véritable concertation, notamment avec les associations d’élus, même si l’Association des maires de France (AMF) avait alerté et saisi le ministère de l’éducation nationale. Il aurait dû être possible de discuter en amont de cette disposition, tandis que nous voyons aujourd’hui arriver un plat sans même avoir pu prendre connaissance du menu… Les associations de parents ou une association comme Espaces, très active en banlieue, auraient mérité d’être consultées. Quant au Parlement, il est purement et simplement dessaisi, puisqu’il s’agit ici de faire usage de l’article 38, dont la tradition remonte aux décrets-lois de la IIIe République. Ainsi, le Gouvernement mettrait à mal un grand principe constitutionnel par voie d’ordonnance !

S’agissant de l’enseignement, comme des libertés publiques, il y a des totems, que je préfère appeler des piliers de la République. Nous pourrions invoquer l’héritage des lois Jules Ferry, Falloux, Goblet, Astier, des décrets-lois Mandel de 1939, de la loi Debré de 1959 ou, plus récemment, des manifestations qui mobilisèrent des millions de personnes au cours des premières années du septennat de François Mitterrand.

À l’aune de cette tradition, la ministre de l’éducation nationale paraît être davantage l’héritière de Raymond Marcellin que de Simone de Beauvoir. Le 16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel a en effet rendu une décision fameuse sur la liberté d’association, contrecarrant la volonté du ministre de l’intérieur Raymond Marcellin, qui avait voulu encadrer la liberté d’association en contrôlant les associations à travers un régime d’autorisation qui aurait remplacé le régime de déclaration. Il s’agit exactement de la même chose ici, puisque les établissements devraient être autorisés et ne pourraient plus se contenter d’une simple déclaration.

Cela revient à s’attaquer à la liberté d’enseignement, pourtant consacrée par le Conseil constitutionnel en 1977 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Nous sommes partisans d’un contrôle a posteriori, au cours duquel les autorités pourront se montrer aussi suspicieuses que nécessaire sur les principes enseignés, sur les qualifications et sur les moyens pédagogiques.

Une grande liberté soumise à autorisation n’est plus une grande liberté. Je vous signale que nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette disposition, si elle devait être adoptée. Sauf revirement extraordinaire de sa part, vous ne devrez que vous attendre à une censure. Néanmoins, nous sommes les premiers à dire que les établissements doivent respecter les valeurs de la République.

M. Yves Blein. Le texte que nous examinons opère à droit constant. Il n’y a donc pas d’élément nouveau. Il propose seulement de passer d’une autorisation a posteriori à une autorisation a priori. Cela ne change pas le contenu de fond du droit. La liberté d’enseignement reste entière, indépendamment du régime d’ouverture des établissements, qui ne constitue pas une atteinte substantielle à ce droit.

Que voulons-nous, sinon une meilleure protection pour les enfants ? Voilà la question dont la Nation doit se préoccuper. Oui, les conséquences de l’adoption de cette disposition seront concrètes et leur seront bénéfiques. Elle sera dissuasive à l’égard de ceux qui nourrissent des projets hostiles aux valeurs républicaines, qui ne respectent pas le droit à l’éducation ou qui méconnaissent l’obligation de tendre vers le socle commun de connaissances et de compétences ? Cela sera plus sécurisant aussi pour les familles, l’éducation étant proposée dans un cadre unifié et couvert par la garantie de l’État.

Enfin, ce sera plus responsabilisant pour les services académiques et pour les maires qui devront instruire en amont, de manière collégiale, ces demandes d’ouverture d’établissement. Cela vaudra mieux que de s’activer après coup, une fois les écoles déjà ouvertes. L’intitulé de notre projet de loi inclut les termes d’égalité et de citoyenneté : nous sommes décidément au cœur du sujet.

Mme Annie Genevard. En vérité, le ministre nous propose un changement substantiel. Ne tournons pas autour du pot : quelle est la motivation politique qui a inspiré ce projet de loi ? On pouvait chiffrer, nommer, cerner le problème, et associer la représentation nationale à sa solution ; on a choisi de déclarer qu’il n’y avait aucun problème, si bien que nous ne comprenons pas la décision qui a été prise.

J’ai lu dans la presse les déclarations de la ministre. Les contrôles menés n’auraient pas révélé de problème de radicalisation, mais, dans vingt cas, la pauvreté pédagogique serait incriminée. S’il y a un vrai problème, c’est bien celui-là, et non, comme je l’entends, que les écoles sont radicalisées et qu’il y aurait danger pour les enfants.

Il serait possible de donner à l’État davantage de moyens pour refuser une ouverture, sans franchir le pas d’un régime d’autorisation qui remplacerait le régime déclaratif actuel. Imaginons d’ailleurs qu’une école obtienne une autorisation, sous l’empire de cette nouvelle législation, et que son enseignement se révèle ensuite ne pas être conforme aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ne serait-il pas plus difficile de la fermer que si elle s’était simplement déclarée ?

Nous devons empêcher ce qui est préjudiciable et rechercher ce qui est bon pour les enfants et pour les familles. Remplit-on vraiment ici ces deux conditions ? Sous prétexte de garantir les établissements contre des dérives sectaires, ne place-t-on pas l’école dans les mains du pouvoir politique ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Je sais que Philippe Gosselin aime les questions de constitutionnalité. Mais le régime que nous proposons existe déjà sur notre territoire, en l’occurrence en Alsace-Moselle, où l’autorité administrative dispose de six mois pour autoriser une association. Je vous mets donc en garde contre la rigidité toute relative de l’argumentation constitutionnelle.

Nous agissons à droit constant. La majorité parlementaire marche d’ailleurs sur ses deux jambes, puisque nous examinions hier soir des dispositions visant à renforcer les contrôles. Cet amendement n’exclut donc pas des mesures a posteriori après l’ouverture des établissements. La cohérence et l’esprit pratique sont invoqués, mais ce sont bien les maires qui sont en première ligne et qui peuvent s’exprimer sur le sujet ! Par une lettre du 24 juin 2015, l’AMF a interpellé le Gouvernement pour lui demander expressément un régime d’autorisation et un contrôle a posteriori. Car les maires n’ont aujourd’hui que huit jours pour réagir. Détourner l’attention de ce problème serait porter atteinte à la noblesse du débat public.

Il faut revenir à des considérations concrètes. Une personne malveillante veut ouvrir un établissement ? L’autorité administrative, disposant des renseignements transmis par le préfet, l’en empêchera. L’établissement ne respectera pas dans ses programmes le socle commun ? Il n’apportera aucune garantie aux familles ? Aucune ouverture ne sera possible non plus.

Toutes les parties prenantes ont été consultées : parents d’élèves, associations, représentants des cultes… Prenons enfin nos responsabilités pour défendre pour de bon la liberté d’enseignement.

Je suis favorable au sous-amendement CS1202 de François Pupponi, qui réduit à six mois le délai d’adoption de l’ordonnance envisagée, et défavorable aux autres. Loin de vouloir rallumer une quelconque guerre scolaire, je m’engage par ailleurs à ce que le contenu du projet d’ordonnance vous soit communiqué avant la deuxième lecture dans notre assemblée.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur Gosselin, vous avez cité la décision du Conseil constitutionnel de 1971, mais elle concerne la liberté associative sans opposition, ce qui ne correspond pas à la situation dont nous traitons. Au cours des débats sur la loi relative à l’autorité parentale, vous avez vous-mêmes défendu soixante-douze amendements pour défendre l’intérêt supérieur des enfants. C’est bien ce principe qui nous inspire.

Madame Genevard, pensez-vous vraiment qu’un enfant ballotté d’une école à l’autre parce que son établissement a dû fermer au bout d’un an s’en portera mieux ? L’intérêt des enfants, voilà ce qui nous motive. Nous voulons les protéger contre les personnes malveillantes. Rien n’est pire que d’honorer des totems qui sont contraires à l’évolution de la société. Nous cherchons au contraire à nous adapter aux défis du monde d’aujourd’hui. Car il faut effectivement veiller à l’intérêt supérieur des enfants.

Je suis favorable au sous-amendement CS1202 de M. François Pupponi réduisant à six mois le délai d’adoption de l’ordonnance envisagée, et défavorable aux autres sous-amendements.

M. Xavier Breton. Nos interrogations n’ont quasiment pas reçu de réponse. Nous constatons ainsi à quel point le sujet vous gêne.

La Commission adopte le sous-amendement CS1202.

En conséquence, le sous-amendement CS1203 tombe.

Puis la Commission rejette successivement les sous-amendements CS1214, CS1212 et CS1213.

Elle adopte enfin l’amendement CS853 sous-amendé.

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Article 14 undecies [nouveau]
Expérimentation d’une admission de droit en section de technicien supérieur des bacheliers professionnels

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, a pour objet d’instaurer un dispositif expérimental d’une durée de trois ans à compter de septembre 2017, visant à permettre aux bacheliers professionnels d’intégrer de droit une section de technicien supérieur (STS). Il traduit l’une des annonces formulées par le Premier ministre dans le cadre des mesures en faveur de la jeunesse présentée le 11 avril 2016.

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La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS855 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il s’agit de l’admission de droit des bacheliers professionnels en section de technicien supérieur (STS). Cet amendement vise à instaurer une expérimentation, pour une durée de trois ans et dans plusieurs régions académiques, pour les bacheliers professionnels qui le souhaitent et qui disposent d’un niveau de maîtrise attesté par l’équipe pédagogique de terminale.

Il s’agit ainsi de remplacer la procédure de sélection actuellement en vigueur par une procédure reposant sur un avis d’orientation de leur lycée d’origine. Cette mesure forte en faveur de la démocratisation des études est destinée à garantir le droit à la poursuite d’études des bacheliers professionnels qui le souhaitent : un bachelier professionnel sur deux poursuit aujourd’hui des études après l’obtention du baccalauréat, et 85 % d’entre eux souhaitent accéder à une STS. Mais, en raison de la sélectivité de ces filières, seul un tiers d’entre eux obtient une proposition d’inscription correspondant à ce choix initial.

L’expérimentation que le Gouvernement souhaite lancer est donc avant tout une mesure de justice. Elle vise à reconnaître une égale dignité d’accès aux études et à la réussite pour tous les bacheliers, en donnant aux élèves qui se sont engagés dans une voie professionnelle la possibilité de poursuivre leurs études au sein de formations professionnelles de qualité adaptées à leur profil de formation antérieur.

Cette disposition, annoncée par le Premier ministre dans le cadre des mesures pour la jeunesse présentées le 11 avril 2016, est destinée à accompagner le plan pluriannuel de création de 2 000 places en STS par an pendant cinq ans, en particulier dans les spécialités en lien avec les métiers d’avenir, en réservant ces nouvelles places aux bacheliers professionnels.

Les régions académiques participant à l’expérimentation que nous déterminerons ultérieurement seront ainsi prioritaires pour l’ouverture de ces nouvelles places.

Mme Annie Genevard. Hier, en commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous avons entendu la ministre de l’éducation nationale à l’occasion des trente ans du bac professionnel. L’introduction de ce nouveau diplôme marqua une véritable avancée, rendant sa dignité à cette filière d’enseignement.

La question des quotas s’avère un sujet compliqué. Les filières qui sont ouvertes aux bacheliers professionnels, telles que les BTS, sont très convoitées aussi par les bacheliers issus des filières générales. Aussi la mesure proposée ne fait-elle pas l’unanimité, car elle revient à geler une partie des places. L’association des directeurs d’établissement n’y est par exemple pas favorable, car ces quotas compromettraient le bon examen et la sélection des dossiers par les enseignants, de même que l’homogénéité des étudiants. Ils leur préféreraient une meilleure concertation en amont. La rigidité des quotas fait question.

M. Jean-Louis Bricout. Les dispositions proposées permettront la valorisation des bacs professionnels. Peut-on déjà savoir dans quels secteurs géographiques l’expérimentation envisagée est prévue ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Les régions académiques pressenties seront plutôt des régions qui auront fait acte de volontariat. Le choix n’est donc pas encore arrêté et une concertation est engagée, avec la participation des recteurs.

Mme Genevard, il n’y a pas de système parfait. Les bacheliers issus des filières techniques qui ne trouvent pas de formation correspondant à leurs aspirations finissent dans la filière universitaire, où ils ne sont que 3 % à réussir. Nous ne pouvons pas les laisser aller ainsi dans le mur. C’est pourquoi nous formulons ce type de proposition.

Mme Élisabeth Pochon. Les filières créées pour les étudiants issus des lycées professionnels ont vite été embolisées par les étudiants issus des filières générales. Cela montre que les choses ne se feront pas naturellement. Les dispositions proposées permettront de faire de la place à ceux qui le méritent.

Mme Annie Genevard. Seuls 3 % des 8 % de titulaires d’un bac pro qui entrent à l’université obtiennent une licence. Pour eux, c’est donc une voie sans issue.

Il n’y a rien d’infamant à ce qu’un bachelier professionnel puisse entrer sur le marché du travail juste après avoir obtenu son diplôme. Du reste, c’est pour cela que ces bacs pro ont été conçus. Indiquer que les titulaires d’un bac pro ont pour vocation à poursuivre des études supérieures reviendrait à dire que ce diplôme n’est pas correctement valorisé. La poursuite d’études supérieures ne doit pas devenir la règle. Au contraire, le marché de l’emploi a besoin de techniciens, d’opérateurs.

Mme Anne-Christine Lang. Il n’y a certes rien d’infamant à entrer sur le marché du travail avec un bac pro, et c’est d’ailleurs ce qui se passe pour certaines filières, mais, pour d’autres, il vaut mieux que les étudiants poursuivent leurs études, car ils s’insèrent infiniment mieux sur le marché du travail.

Les filières dites courtes étaient à l’origine prévues pour les bacheliers professionnels et les bacheliers technologiques. Or, dans certains BTS – par exemple en commerce international –, on trouve aujourd’hui 100 % de titulaires d’un bac S. Les chances pour le titulaire d’un bac pro de poursuivre ses études dans ces filières sont nulles, car les enseignants ont tendance à choisir les meilleurs étudiants, ceux titulaires d’un bac général. Voilà pourquoi il n’y a pas d’autres solutions que de réserver des places aux bacheliers professionnels.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il ne doit pas y avoir un seul chemin pour ces jeunes. Aussi devons-nous leur ouvrir plusieurs voies.

Madame Genevard, vous avez raison, un bac pro peut déboucher sur un emploi direct. Mais ces bacheliers professionnels peuvent aussi suivre des filières classiques, même si leurs chances de réussite sont faibles.

Cet amendement vise à créer de nouveaux droits pour ces jeunes, afin de leur donner de nouvelles chances. Comme il s’agit d’une mesure expérimentale, elle fera l’objet d’une évaluation. Nous pourrons revenir devant vous pour examiner ces résultats.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement.

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Article 15
(art. 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Droit de publication des mineurs de seize ans

I. L’ÉTAT DU DROIT

Les mineurs ne disposent pas, en l’état actuel du droit, du droit de publier des journaux ou écrits périodiques. En effet, en application de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, seules les personnes majeures peuvent être directeurs ou co-directeurs d’une publication de presse. En cas de non-respect de cette disposition, le propriétaire, le directeur ou l’imprimeur de la publication encourt l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (19). Le journal ne peut continuer sa publication sans respecter cette formalité ; à défaut, l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (20) est encourue par les mêmes personnes pour chaque numéro publié contrevenant à l’article 6 de la loi précitée.

Toutefois, en application de l’article L. 511-2 du code de l’éducation, les collégiens et lycéens disposent du droit d’expression, qui se traduit par la libre diffusion, au sein de l’établissement scolaire, des publications rédigées par les lycéens (21). Seul le caractère injurieux ou diffamatoire de la publication, ou une atteinte à l’ordre public ou aux droits d’autrui peuvent justifier la suspension ou l’interdiction de la diffusion dans l’établissement. Ainsi, le droit de publication des mineurs se limite donc, aujourd’hui, à l’enceinte scolaire.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article entend remédier à cette incapacité juridique en permettant aux mineurs de seize ans révolus, sous réserve d’un accord écrit préalable de leurs représentants légaux, d’être nommés directeur ou co-directeur de tout journal ou écrit périodique réalisé bénévolement.

Le présent article tend également à encadrer le possible engagement de la responsabilité civile des parents de mineurs directeurs de publication. En effet, en application de l’article 1384 du code civil – qui deviendra, à compter du 1er octobre 2016, l’article 1242 –, les parents sont responsables des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux. Du fait d’évolutions jurisprudentielles contestées, auxquelles l’avant-projet de réforme de la responsabilité, mis en consultation le 29 avril dernier tente de remédier, la responsabilité des parents peut aujourd’hui être engagée y compris sans faute du mineur.

La responsabilité parentale établie par l’article 1384 est donc extrêmement large et pourrait, en l’absence de précision contraire, conduire à rechercher la responsabilité des parents d’un mineur directeur de publication bien au-delà de ce que la loi de 1881 prévoit. C’est pourquoi le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, a « estimé nécessaire de compléter le projet de loi afin de préciser que la responsabilité civile des représentants légaux du mineur nommé directeur de publication ne puisse être engagée qu’à raison d’une faute du mineur dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 et sur le fondement de l’article 1384 alinéa 4 du code civil » (22).

Afin d’éviter que la responsabilité des parents soit engagée en l’absence de faute du mineur et du simple fait de l’existence d’un préjudice causé par la publication, le présent article précise donc que la responsabilité parentale ne pourra être recherchée sur le fondement de l’article 1384 du code civil que si le fait à l’origine du dommage est susceptible d’engager la responsabilité civile du directeur de la publication dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881.

III. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE THÉMATIQUE

Eu égard à l’usage des médias numériques par les mineurs, il convient d’opérer des modifications semblables en matière de service de communication au public par voie électronique. Aussi une modification de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle est-elle nécessaire pour permettre aux mineurs de 16 ans d’être nommé directeur de publications qui auraient pour support des services de communication au public en ligne.

IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté un amendement tendant à ne pas soumettre la nomination du mineur âgé de seize ans révolus en tant que directeur de publication à l’accord préalable de ses parents. Elle a également adopté un amendement des rapporteurs étendant le champ du présent article aux publications en ligne.

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La Commission est saisie de l’amendement CS696 de M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il s’agit de permettre aux jeunes âgés de seize ans de ne pas avoir à demander l’autorisation de leurs parents pour être directeurs de publication. Cette disposition s’inscrit dans le prolongement de l’amendement que nous avions déposé sur la question de la responsabilité civile à seize ans.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis favorable à l’amendement, sous réserve de remplacer le mot « jeune » par le mot « mineur », plus précis.

M. Noël Mamère. Tout à fait d’accord.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Au regard du débat qui vient d’avoir lieu, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CS1158 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit d’étendre au domaine audiovisuel le droit au mineur d’être directeur de publication.

M. Xavier Breton. L’amendement précise que la responsabilité des parents ne peut être engagée. Quel est le régime de la responsabilité ? Les parents ont-ils encore une responsabilité ?

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le texte est précis : « La responsabilité des parents d’un mineur de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l’article 1384 du code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

M. Philippe Gosselin. Permettez-moi de vous mettre en garde : la modification substantielle de l’article 1384 du code civil qui vient d’être adoptée aura des conséquences majeures.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous avez raison, monsieur Gosselin. Nous examinerons ce dispositif en détail d’ici à l’examen du texte en séance.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. En effet, il faudra affiner juridiquement l’ensemble du dispositif d’ici à l’examen du projet de loi dans l’hémicycle.

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Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement CS469 de M. Bernard Lesterlin.

M. Bernard Lesterlin. La journée défense et citoyenneté (JDC) ne satisfait personne. Tout le monde le dit : le Président de la République, le ministre de la défense, et vous-même, monsieur le ministre. Il y a six mois, M. Hollande avait d’ailleurs fait des annonces, mais le projet de loi ne contient aucune proposition du Gouvernement en la matière. J’avais, pour ma part, proposé de passer d’une à trois journées, mais ma proposition se heurte à l’article 40 de la Constitution qui interdit toute création de charges publiques. Les deux journées supplémentaires seraient des piqûres de rappel. Elles auraient lieu avant l’âge de dix-neuf ans et avant l’âge de vingt ans sur des thèmes spécifiques et complémentaires. C’est la seule solution réalisable à court terme, la proposition d’une période de cinq jours ne l’étant pas pour des raisons logistiques, d’encadrement, de disponibilité de structures d’hébergement, de dispositions budgétaires, de préparation de la réserve pour épauler les effectifs de la direction du service national du ministère de la défense dont c’est la fonction.

Si je propose la suppression de la JDC alors que ce n’est pas ce que je souhaite, c’est pour connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour ma part, je n’irai pas jusqu’à demander la suppression de la JDC, même si cette journée ne satisfait personne. Nous souhaitons, pour notre part, qu’elle joue un rôle plus important qu’aujourd’hui.

Si le ministre de la défense a son mot à dire sur la question, j’estime qu’elle est plutôt du ressort du ministère de la jeunesse. Il faut procéder à une véritable évaluation de la JDC qui s’inscrit dans le parcours de citoyenneté des jeunes, et la repenser de fond en comble. À la suite de la mission de réflexion mise en place par le président Bartolone après les attentats du mois de janvier 2015, des propositions ont été faites, y compris par les jeunes que nous avions auditionnés. Je pense qu’il faut reprendre tout le travail qui avait été effectué alors et en faire notre miel.

M. Xavier Breton. Sans doute le bilan de la JDC est-il insatisfaisant, et sans doute faudrait-il qu’elle évolue. Elle offre néanmoins quelques avantages, notamment en matière de lutte contre l’illettrisme. Aussi, sa suppression ne serait-elle pas une bonne chose. Je ne voterai donc pas cet amendement.

M. Joaquim Pueyo. Nous nous sommes interrogés, au sein de la commission de la défense, sur l’efficacité de la JDC qui coûte plus de 100 millions d’euros. Nous ne pouvons pas la supprimer du jour au lendemain, mais nous devons engager une réflexion pour voir comment elle peut être remplacée par un parcours citoyen qui commencerait à l’école. Notre collègue est cohérent, puisqu’il a présenté un amendement, hier soir, visant à renforcer ce parcours citoyen, ce qui permettrait ensuite de supprimer la JDC si les programmes effectués sur une journée peuvent se faire sur plusieurs années.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Un certain nombre d’amendements ont été déposés sur la question de la JDC. Il y a ceux qui veulent la supprimer et ceux qui veulent la faire évoluer. Cela dit, le Haut-Commissariat à l’engagement civique a été chargé d’une mission d’évaluation et de réflexion sur le devenir de la JDC et il paraît raisonnable d’attendre ses conclusions. Je demande donc le retrait de tous ces amendements. À défaut, j’y suis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je demande moi aussi le retrait de cet amendement. À défaut, j’y suis défavorable.

M. Yannick Blanc, qui vient d’être nommé haut-commissaire à l’engagement civique, doit travailler sur cette question et donner des éléments de réflexion, afin de permettre de faire évoluer un dispositif dont la Commission semble reconnaître, à l’unanimité, qu’il a montré ses limites. L’amendement d’appel de M. Lesterlin est utile, car il permet d’engager un débat. Mais ce débat doit être étayé par le travail du Haut-Commissariat.

M. Philippe Gosselin. Quand le rapport sera-t-il rendu ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est la semaine dernière que M. Yannick Blanc a remplacé M. François Chérèque qui a dû démissionner pour raisons de santé. Aussi le Haut-Commissariat a-t-il connu une période un peu difficile. Je rencontrerai très prochainement M. Blanc pour examiner avec lui les conditions de mise en œuvre de cette commande.

L’amendement est retiré.

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Article 15 bis [nouveau]
(art. L. 114-3 du code du service national)

Présentation des droits et aides sociales ouverts aux jeunes lors de la Journée Défense-Citoyenneté

Le présent article, introduit contre l’avis des rapporteurs et du Gouvernement à l’initiative de M. André Chassaigne, modifie l’article L. 114-3 du code du service national relatif à la journée Défense et citoyenneté (JDC).

Le récent rapport d’information sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la Défense de M. Joaquim Pueyo et Mme Marianne Dubois fournit une analyse détaillée de la JDC, sur laquelle la rapporteure ne reviendra pas ici. Si chacun reconnaît que l’organisation de la JDC n’est pas satisfaisante en l’état, les rapporteurs ont estimé qu’il n’était pas pertinent d’apporter des modifications au cadre juridique de la JDC dans l’attente des conclusions du Haut-commissaire à l’engagement civique.

Article L. 114-3 du code du service national

Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l’égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, le service civique et les autres formes de volontariat ainsi que les périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et les possibilités d’engagement dans les forces armées et les forces de réserve. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. Ils bénéficient également d’une sensibilisation à la sécurité routière.

À cette occasion sont organisés des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Il est délivré une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et sur le don d’organes à fins de greffe. S’agissant du don d’organes, une information spécifique est dispensée sur la législation en vigueur, sur le consentement présumé et sur la possibilité pour une personne d’inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l’article L. 1232-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, une information est dispensée sur la prévention des conduites à risque pour la santé, notamment celles susceptibles de causer des addictions et des troubles de l’audition.

Cependant, à l’initiative de M. André Chassaigne, la Commission spéciale a adopté un amendement prévoyant que les participants à cette journée bénéficieraient d’une présentation des droits et aides sociales ouverts aux personnes âgées de dix-huit ans au moins et de trente ans au plus, des conditions pour y accéder et des services publics qui en sont gestionnaires.

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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS732 de Mme Marie-George Buffet, et les amendements identiques CS5 et CS347 de M. Jean-Claude Buisine, et CS809 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. André Chassaigne. L’amendement CS732 vise à instituer, lors de la journée défense et citoyenneté, une présentation complète des droits dont les jeunes peuvent bénéficier, le présent projet de loi ne prévoyant qu’une information individualisée relative aux droits et dispositifs en matière de santé. Voilà une raison supplémentaire pour maintenir cette journée.

L’amendement CS239 de M. Yves Blein et Mme Audrey Linkenheld, qui n’est pas défendu, fait état de « droits et aides sociales accessibles ». Aussi l’amendement de Mme Buffet et moi-même est-il mieux rédigé, puisqu’il parle de « droits et aides sociales ouverts ». Indiquer qu’un droit est « accessible » reviendrait à dire que l’on peut y accéder. Or, un droit, on l’a ou on ne l’a pas.

Ce serait aussi la démonstration que l’on peut quelquefois faire adopter un amendement sans montrer patte rose. (Sourires.)

Mme Colette Capdevielle. Afin d’améliorer l’accès aux droits des jeunes, les amendements CS5 et CS347 visent à instituer, lors des JDC, une présentation spécifique des prestations sociales auxquelles tout jeune peut prétendre.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement CS809 est défendu.

Mme Isabelle Le Callennec. Le haut-commissaire va devoir s’interroger sur les missions que l’on confie à la JDC et sur sa pérennité. Normalement, elle doit servir à la présentation des métiers de l’armée. Or, si ces amendements étaient adoptés, elle risquerait de devenir un fourre-tout, où l’on présenterait aussi les aides sociales auxquelles les jeunes peuvent prétendre. Je me demande s’il n’y a pas des lieux plus adaptés pour cela, telles les missions locales. N’oublions pas que les jeunes reprochent déjà principalement à la JDC de partir dans tous les sens et de ne pas délivrer de message.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il faut effectivement laisser le temps au haut-commissaire d’effectuer son travail.

Quant à la question de l’information des mineurs sur leurs droits, il me semble que le site « La Boussole des droits », sur lequel le ministère travaille, répondra en grande partie à leurs interrogations.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis que pour l’amendement CS469 de M. Lesterlin.

Je m’engage à ce que le rapport de préconisation du haut-commissaire, qui me sera rendu à une date restant à déterminer, soit présenté devant le Parlement.

M. Arnaud Richard. Pour notre part, nous avions déposé un amendement qui est tombé sous le coup de l’article 40.

Les discussions que nous avons sur ce projet de loi permettront au haut-commissaire de connaître l’avis du Parlement, mais il faut éviter que nos travaux n’empiètent sur les siens.

La Commission adopte l’amendement CS732.

En conséquence, les amendements CS5, CS347 et CS809 tombent.

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Après l’article 15 bis

La Commission est saisie de l’amendement CS34 de Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Ne prenons-nous pas le problème à l’envers ? Nous venons de voter un amendement dont le haut-commissaire sera obligé de tenir compte, puisque, avant même qu’il ne rende son rapport, nous lui imposons la présentation, lors de la JDC, des prestations sociales ouvertes aux jeunes. C’est pourquoi je crois que l’on prend le problème à l’envers.

Mon amendement va dans le sens que vous souhaitez, monsieur le ministre, puisqu’il prévoit que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation sur la JDC.

Quand j’ai rédigé cet amendement, je ne savais pas que M. Blanc serait nommé haut-commissaire et que vous lui donneriez comme feuille de route de retravailler sur la JDC. J’imagine qu’il s’inspirera du rapport de la Cour des comptes qui a fait des recommandations que j’ai reprises dans l’exposé sommaire de mon amendement et qui vont dans le bon sens. Avant de prendre toute décision, nous devons pouvoir disposer d’un rapport substantiel sur la JDC.

Monsieur le ministre, vous me répondrez certainement que mon amendement est satisfait puisque vous avez indiqué souhaiter que le rapport du haut-commissaire soit présenté devant le Parlement. Toutefois, nous venons d’adopter un amendement qui limite son champ de réflexion.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous avez donné la réponse dans votre intervention. Avis défavorable pour les raisons déjà exposées.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Régis Juanico. Le Parlement devrait avoir davantage confiance dans ses capacités d’évaluation et de contrôle et ne pas s’en remettre, sans cesse, au Gouvernement en lui demandant d’innombrables rapports qui viennent alimenter une réflexion déjà bien avancée.

Toutefois, les rapports du Gouvernement sont parfois nécessaires, l’article 40 ne nous donnant pas d’autre moyen pour faire avancer les choses, comme on le verra tout à l’heure lors de l’examen d’un amendement qui concerne un sujet important.

Des travaux ont déjà été effectués dans le cadre de la commission de la défense, d’une mission parlementaire et du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, ce qui fait que l’on peut s’emparer sans difficulté d’un sujet comme celui de la JDC. Nous avons les moyens de bien évaluer et nous n’avons pas besoin de nous en remettre, à chaque fois, au regard du pouvoir exécutif, même si j’ai beaucoup d’estime pour le haut-commissaire à l’engagement civique.

Le sujet ne peut pas se résumer à la journée défense et citoyenneté. Il faut également se pencher par exemple sur la lutte contre l’illettrisme. Quand, sur une classe d’âge de 770 000 jeunes, on détecte que 4,5 % des jeunes âgés de dix-sept ans sont illettrés, on peut se demander si l’on dispose des moyens nécessaires pour les orienter vers des structures spécialisées, comme les missions locales, et d’un parcours qui leur permette de régler ce problème.

C’est donc tout le parcours citoyen qu’il faudra évaluer, et sa continuité qu’il faudra construire.

M. Xavier Breton. Je regrette la méthode utilisée. Nous venons en effet d’adopter des dispositions sur un sujet en cours d’évaluation. Comme vient de le dire M. Juanico, la dimension citoyenne doit être prise en compte dans sa globalité.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La Commission a adopté un amendement qui aborde une partie des questions de la JDC. Nous devrons revenir sur cette journée en séance publique. On ne peut pas enclencher une réforme de la JDC par petits bouts, la réflexion devant être globale. C’est pourquoi j’ai proposé de travailler à partir du rapport qui me sera remis par le haut-commissaire et présenté devant vous. Je le répète, la JDC fait l’objet d’une analyse critique, au sens le plus littéral du terme, par l’ensemble des commissaires ici présents.

Sur l’amendement CS34, je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

Mme Isabelle Le Callennec. Je maintiens mon amendement. Si le ministre de la défense est concerné, l’ensemble des parties prenantes doivent être consultées, car elles n’ont pas toutes le même point de vue. En tout état de cause, il faut un pilote.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS224 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Il convient de réfléchir à l’organisation de la JDC sur plusieurs journées, car on a vu que le format d’une journée n’est ni suffisant ni satisfaisant. À mon tour, je demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement. Mais, comme le ministre nous a indiqué que cette question fera l’objet d’une réflexion globale, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS223 de M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Cet amendement vise à demander que le Gouvernement remette au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, un rapport sur la création et l’organisation d’un service national obligatoire. Il reprend une disposition figurant dans une proposition de loi présentée par Mme Marie-Françoise Bechtel et cosignée par plusieurs d’entre nous. Il ne s’agit pas de refaire le service national tel qu’il existait, mais de réinstituer, avec des modalités rénovées, un des socles majeurs du consensus républicain, celui qui est né précisément dans les débuts de la République pour répondre aux défis de la patrie en danger.

Le contenu de ce service national du XXIsiècle peut faire l’objet de différentes propositions qu’il convient d’aborder avec un esprit d’ouverture. Néanmoins, il semble qu’il devrait au moins, pour être efficace, faire l’objet d’un temps dédié obligatoire dans la vie des jeunes, plutôt que de mesures éparses facultatives.

Quant à son contenu, il paraît pertinent qu’il intègre un tronc commun théorique suivi de stages pratiques à effectuer au choix dans le domaine civil
– protection civile, santé, humanitaire, etc. – ou dans le domaine militaire, sous la forme d’une formation découverte, comme il en existe déjà dans les armées pour des volontaires, qui peut déboucher sur un engagement professionnel ou dans les réserves.

Instituer un service national obligatoire a un coût. Mais une réflexion sérieuse, attentive aux effets induits de l’intégration insuffisante d’une grande partie de la jeunesse, permettrait de mieux cerner l’enjeu budgétaire réel, incluant le financement du non-emploi des jeunes sortis du système scolaire, sans parler du coût d’une partie de la délinquance.

Le rapport devra déterminer le coût pour les finances publiques, l’organisation, le contenu et les modalités pratiques d’un nouveau service national obligatoire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Ce débat a déjà eu lieu à plusieurs reprises, ici et ailleurs, et il existe déjà de nombreux rapports sur le sujet. Aussi n’est-il pas utile d’en demander un de plus. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. Même avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’y suis défavorable. Nous avons adopté, hier, d’autres systèmes, comme la réserve citoyenne, la montée en charge du service civique. La cohérence est nécessaire en la matière.

M. Xavier Breton. Je maintiens cet amendement et le déposerai à nouveau en séance publique afin d’obtenir des réponses un peu moins lapidaires.

La Commission rejette l’amendement.

Article 15 ter [nouveau]
(art. 2 bis de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association)

Pré-majorité associative

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet de réformer le régime de la pré-majorité associative prévu par l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901. En effet, la formulation actuelle, introduite par le législateur en 2011, a paradoxalement conduit à restreindre le champ de la liberté associative des mineurs, par rapport à ce que la jurisprudence permettait alors.

Aussi, le présent article prévoit que les mineurs capables de discernement peuvent librement créer une association et en devenir membre. S’ils peuvent également y exercer des responsabilités, conformément à l’article 1990 du code civil qui permet déjà aux mineurs non émancipés d’être mandataires, leur responsabilité ne saurait être engagée au même titre qu’un majeur. Par ailleurs, ils ne peuvent effectuer aucun acte de disposition qui engage le patrimoine.

Enfin, les responsables légaux du mineur sont obligatoirement informés, par l’association elle-même, de son accession à des responsabilités associatives, et sont ainsi en mesure de s’opposer à ce que le mineur effectue les actes utiles à l’administration de l’association.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS1161 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit de réformer le régime de la pré-majorité associative prévu par l’article 2 bis de la loi du 1er juillet 1901.

Cet amendement permet aux mineurs de créer une association, d’en devenir membre et d’exercer des responsabilités sans avoir à justifier légalement d’une autorisation parentale préalable, dans la limite de leurs capacités juridiques. Toutefois, ils ne peuvent pas effectuer des actes qui engagent leur patrimoine.

Les titulaires de l’autorité parentale doivent être informés par l’association si un mineur exerce des responsabilités associatives et ils peuvent, s’ils le souhaitent, s’opposer expressément à ce qu’il exerce les actes utiles à l’administration de l’association.

M. Philippe Gosselin. Il me semble que nous sommes face à la même difficulté qu’avec l’amendement CS696 qui visait à modifier la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Là, il s’agit de modifier la loi de 1901 relative au contrat d’association. Toutefois, l’amendement ne tire pas les conséquences en termes de responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants mineurs. C’est donc l’article 1384 du code civil qui est concerné. J’appelle l’attention sur l’aspect bancal de la mesure.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier l’état du droit.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Monsieur Gosselin, vous avez raison sur le fond. Une réunion technique avec le ministère de la justice est nécessaire. Elle aura lieu avant l’examen du texte en séance publique.

M. Philippe Gosselin. Il faudra également aborder le problème que j’ai soulevé tout à l’heure sur l’amendement CS696.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Tout à fait.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CS730 de Mme Marie-George Buffet, CS135 de Mme Colette Capdevielle et CS761 de M. Jean-Noël Carpentier tombent.

Mme Colette Capdevielle. J’appelle l’attention des rapporteurs et du Gouvernement sur la difficulté soulevée par M. Gosselin. Il ne faut pas modifier le régime de la responsabilité civile des parents à travers cet amendement qui vient d’être adopté, car on ouvrirait une porte qu’il serait difficile de refermer ensuite.

M. Jean-Noël Carpentier. Nous encourageons tous, dans nos communes, la mise en place de conseils municipaux des jeunes en leur donnant de plus en plus d’autonomie, dès leur plus jeune âge. C’est pourquoi je proposais, dans l’amendement CS761 qui vient de tomber, que des jeunes de quatorze ans puissent animer des associations, avec l’accord de leurs parents.

*

Article 15 quater [nouveau]
(art. 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire)

Mission du Haut Conseil à la vie associative (HCVA)

Le présent article, introduit à l’initiative de M. Yves Blein, modifie l’article 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, qui définit les missions du Haut Conseil à la vie associative, instance consultative placée auprès du Premier ministre.

Ce Haut Conseil est ainsi saisi des projets de loi et de décret comportant des dispositions spécifiques relatives au financement, au fonctionnement ou à l’organisation de l’ensemble des associations. Il peut également se saisir de toute question relative aux associations, quel que soit leur secteur d’activités, et peut être saisi par au moins cent associations couvrant au moins trois régions et ayant un objet statutaire comparable sur toute question intéressant l’ensemble des associations. Le Haut Conseil a enfin pour missions de proposer toutes mesures utiles au développement de la vie associative et de formuler des recommandations en vue d’améliorer la connaissance des réalités du secteur associatif. Il établit tous les deux ans un bilan de la vie associative.

Les modifications apportées par le présent article permettent, d’une part, au HCVA de formuler des recommandations visant à simplifier le cadre juridique des associations et à améliorer l’accompagnement des bénévoles par les pouvoirs publics, et lui confient, d’autre part, la mission de publier chaque année une synthèse des recommandations qu’il a formulées au titre de ses missions.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS343 de M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Cet amendement vise à poursuivre la simplification du cadre législatif et réglementaire applicable aux associations. Il demande par ailleurs au Gouvernement de publier chaque année une synthèse des recommandations qu’il a formulées au titre de ses missions telles qu’elles sont explicitées dans l’article.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement.

*

Article 15 quinquies [nouveau]
(art. 41-4 du code de procédure pénale)

Utilisation par les entreprises de l’ESS des biens confisqués par l’État

Inséré dans le projet de loi à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, le présent article modifie l’article 41-4 du code de procédure pénale afin de permettre que les immeubles confisqués dans le cadre de procédures pénales et devenus propriété de l’État puissent être utilisés à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales, notamment par des entreprises de l’économie sociale et solidaire reconnues d’utilité sociale.

La rapporteure a émis un avis favorable à cet amendement, mais s’interroge sur la possibilité de limiter le dispositif au champ associatif, pour éviter toute distorsion de concurrence entre les entreprises de l’ESS et les autres. Une évolution en ce sens sera ainsi peut-être proposée lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

*

Puis elle examine l’amendement CS600 de M. Jean-René Marsac.

M. Yves Blein. Cette mesure, attendue par le mouvement associatif, permettrait que les biens immeubles non restitués devenus propriété de l’État
– que l’on appelle les biens mal acquis – puissent être utilisés à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales. L’État pourrait en confier la gestion à des entreprises de l’économie sociale et solidaire afin qu’ils puissent profiter à l’ensemble de la collectivité.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage l’objectif visé par M. Blein. Peut-être faut-il poursuivre la réflexion sur la destination de ces biens. Ne faut-il pas les laisser uniquement au secteur associatif ? Cette question reste en suspens.

Avis favorable.

M. le rapporteur général. Favorable également. Je partage la préoccupation exprimée par la rapporteure. Nous reviendrons sur ce sujet dans l’hémicycle.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable. Toutefois, il faut sécuriser le dispositif. C’est pourquoi nous proposerons en séance publique, en lien avec M. Blein, un amendement pour éviter toute difficulté d’ordre juridique.

La Commission adopte l’amendement.

*

Après l’article 15 quinquies

Puis elle est saisie de l’amendement CS643 de Mme Martine Lignières-Cassou.

M. Jean-Patrick Gille. Défendu.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement n’étant pas suffisamment clair, je demande qu’il soit retiré afin qu’il puisse être réécrit.

L’amendement est retiré.

*

Article 15 sexies [nouveau]
Ratification de l’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement, procède à la ratification de l’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations. Cette ordonnance a été publiée au Journal officiel le 24 juillet 2015 et un projet de loi de ratification a été déposé au Sénat le 27 janvier 2016.

Pour rappel, elle vise à mettre en œuvre des dispositifs destinés à apporter des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, rayonner dans la vie locale et favoriser plus encore l’engagement citoyen.

Le chapitre Ier comporte des dispositions d’ordre général portant simplification des procédures de création, de transformation, de déclaration et d’agrément des associations et des fondations.

Le chapitre II simplifie les règles relatives au financement des associations et fondations. Les demandes de subvention des associations sont simplifiées par l’homogénéisation de la présentation de ces demandes auprès des financeurs publics sur la base d’un formulaire unique dont les caractéristiques seront précisées par voie réglementaire. La procédure de déclaration d’appel public à la générosité instituée est rénovée afin de tenir compte de l’évolution des pratiques qui pouvaient être source d’insécurité juridique. Le compte d’emploi des ressources est adapté au regard de l’importance des collectes.

Le chapitre III comporte des dispositions spécifiques aux associations et fédérations sportives. Les procédures de reconnaissance d’utilité publique des fédérations sportives agréées et procédures d’agrément des associations sportives lorsqu’elles sont adhérentes à une fédération elle-même agréée sont supprimées.

Le chapitre IV concerne les associations régies par la loi du 9 décembre 1905. L’obligation de tenir un état des recettes et des dépenses et un compte financier, prévue à l’article 21 de la loi du 9 décembre 1905 est supprimé. La procédure de transfert de biens cultuels à l’occasion de la dissolution d’une association est simplifiée et les obligations de ces associations en matière de réserve financière sont alléguées.

Enfin le chapitre V, composé de deux articles, étend l’application des dispositions de l’ordonnance aux territoires ultramarins.

La rapporteure est tout à fait favorable à la ratification de cette ordonnance. Elle propose néanmoins en séance publique de procéder à la mise en cohérence de plusieurs textes législatifs nécessaires du fait des modifications prévues par les articles 4 et 8 de l’ordonnance, comme le prévoyait d’ailleurs le projet de loi susmentionné.

*

La Commission en vient à l’amendement CS876 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement vise à ratifier l’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations.

La France compte 1,3 million d’associations. Vous connaissez le nombre de bénévoles et de salariés qui agissent pour une meilleure cohésion sociale. Le secteur associatif est un vecteur indéniable de citoyenneté et d’égalité. Nous souhaitons simplifier les démarches administratives permettant l’investissement bénévole. C’est pourquoi, avec la notion de choc de simplification, la démarche du Gouvernement en faveur des entreprises a été élargie aux associations. La publication, le 23 juillet 2015, de l’ordonnance portant simplification du régime des associations et des fondations marque une première étape. Un projet de loi de ratification a été déposé le 27 janvier 2016. L’amendement vise à accélérer cette ratification.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. On ne peut être que favorable à cet amendement.

M. le rapporteur général. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

*

Article 15 septies [nouveau]
Rapport sur l’affectation des dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative

Le présent article, introduit à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, prévoit la remise au Parlement d’un rapport, au plus tard au 1er janvier 2017, sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du fonds pour le développement de la vie associative, évolution à laquelle la rapporteure ne peut que souscrire.

*

Puis elle est saisie de l’amendement CS625 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Cet amendement important, qui a été déposé par l’ensemble de notre groupe, concerne les comptes associatifs en déshérence.

Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport, au plus tard le 1er janvier 2017, sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du Fonds pour le développement de la vie associative.

Vous le savez, la loi Eckert du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence oblige les banques à rechercher et à publier le nombre et les encours des comptes inactifs. Les sommes qui ne sont pas réclamées sont acquises à l’État au terme d’un délai de trente ans.

Nous souhaitons transférer ce qui se fait pour les comptes des personnes physiques aux comptes associatifs des personnes morales. La Cour des comptes, qui s’est penchée sur la façon dont la loi Eckert est appliquée sur le terrain, a rendu très récemment un rapport sur les avoirs inactifs. Il y a actuellement dans notre pays 2,4 millions d’associations, mais 1,4 million seulement sont actives. Cela signifie que près de 1 million d’associations détiendraient encore un compte inactif dont on pourrait récupérer quelques euros. La Cour des comptes a identifié que les comptes inactifs des personnes physiques ont un encours qui s’élève entre 800 et 1 000 euros. Vous voyez donc la somme potentielle que cela pourrait représenter. Aujourd’hui, les crédits du fonds pour le développement de la vie associative s’élèvent à 10 millions. Ils pourraient être bien plus importants si l’on pouvait récupérer ces sommes au bout de trente ans, de façon étalée.

Je demande au Gouvernement, s’il est d’accord avec le principe – je crois que les rapporteurs y sont favorables et que le ministre y est très attentif –, de s’engager à proposer, en séance, une rédaction permettant d’aboutir à un dispositif efficace, puisque les parlementaires sont contraints par l’article 40.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cette proposition correspond effectivement à une préoccupation des associations. Bien que dubitative sur les demandes de rapport, j’émets un avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’en remets à la sagesse de la Commission, avec confiance et bienveillance. Le débat aura lieu en séance.

M. Yves Blein. J’insiste sur l’importance de cette proposition. Nous le savons, les efforts de l’État et des collectivités territoriales ne sont pas à la hauteur des besoins de formation des bénévoles dans le monde associatif. Alors que le ministre a annoncé que 7 millions d’euros seraient consacrés à la formation des conseillers citoyens, qui représentent entre 6 000 et 8 000 personnes, M. Juanico a rappelé que l’effort de formation pour les bénévoles dans les associations, qui sont entre 2 et 3 millions, est de l’ordre de 10 millions d’euros. La différence de moyens est incontestable. Cette mesure est très attendue.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 15 octies [nouveau]
Rapport sur la généralisation de l’obligation pour les associations de souscrire une assurance

Le présent article, introduit à l’initiative de Mme Brigitte Allain et de M. Noël Mamère, prévoit la remise au Parlement d’un rapport, au plus tard au 1er janvier 2017, sur la généralisation de l’obligation pour les associations de souscrire une assurance. Ce rapport portera aussi sur le financement par des aides de l’État de ces assurances.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS663 de Mme Michèle Bonneton.

M. Noël Mamère. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport étudiant la généralisation de l’obligation d’assurance pour les associations. L’exigence de couverture des bénévoles répond aux difficultés auxquelles sont confrontées les associations du fait du désengagement de l’État.

Cette loi revêt une importance particulière puisque le développement de l’économie numérique supprimera certes des emplois, mais il impliquera peut-être par voie de conséquence, pour certains – si le revenu minimum universel garanti est appliqué – un engagement plus profond dans l’utilité sociale. Les réseaux associatifs devraient pouvoir jouer un rôle plus important en matière de lien social. Nous sommes malheureux et contrits devant le désengagement de l’État à l’égard des associations qui sont indispensables pour éviter à notre société un certain nombre des tracas qu’elle connaît aujourd’hui.

Les bénévoles doivent être protégés et dotés d’un statut qui permet de reconnaître leur rôle dans la société.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 15 nonies [nouveau]
(art. L. 310-2 du code de commerce)

Assouplissement des règles de vente au déballage

Le présent article, introduit à l’initiative de M. Noël Mamère et de Mme Brigitte Allain, modifie l’article L. 310-2 du code de commerce afin d’assouplir les règles relatives à la vente au déballage.

Aux termes du dernier alinéa du I de cet article, les particuliers non inscrits au registre du commerce et des sociétés sont autorisés à participer aux ventes au déballage en vue de vendre exclusivement des objets personnels et usagés deux fois par an au plus. Le présent article propose d’étendre à quatre fois par an cette possibilité.

*

Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte ensuite l’amendement CS662 de Mme Michèle Bonneton.

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Après l’article 15 nonies

La Commission examine l’amendement CS656 de M. Yves Daniel.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement propose d’inscrire le parrainage civil dans la loi. S’il existe dans certaines mairies, il est aujourd’hui laissé à la discrétion du maire. Or, aujourd’hui, on note une demande croissante de la part des familles qui veulent transmettre à leurs enfants les valeurs républicaines et confier aux parrains et marraines un rôle dans l’éducation de ces derniers, qui peut trouver un prolongement, en cas de décès des parents, au sein du conseil de famille.

M. le rapporteur général. Je suis plutôt favorable à cette idée, mais je sais que le Gouvernement souhaite revoir le dispositif dans le sens d’une plus grande sécurité juridique.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je vous invite à retirer l’amendement. Le Gouvernement est d’accord sur le principe, mais la reconnaissance du parrainage civil nécessite d’être retravaillée pour être assortie des garanties juridiques nécessaires.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS699 de M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je reviens sur une question importante, l’abaissement à seize ans de l’âge de la majorité civile, et non pénale – bien que les réformes récentes aient introduit des dérogations permettant de retenir la responsabilité pénale des mineurs.

Au risque de me répéter, cette loi a pour objectif de responsabiliser notre jeunesse. Or la jeunesse et la responsabilité ne commencent pas à dix-huit ans, comme le prouvent certaines mesures que nous avons adoptées dans ce projet de loi, ainsi que les dispositions actuelles sur la présidence des associations ou la direction des publications.

En Autriche, l’âge de la majorité électorale est fixé à seize ans. Le recul dont nous disposons permet de constater que l’abstention y est beaucoup moins forte que dans notre pays. Certes, à la récente élection présidentielle, l’extrême droite a obtenu 49 % des suffrages, mais les écologistes en ont remporté 51 %, et l’Autriche a élu un président écologiste. Notre pays, où la seule question qu’on se pose aujourd’hui – et qu’on n’aurait pas même imaginée il y a cinq ans – est de savoir qui affrontera Marine Le Pen au second tour de la prochaine élection présidentielle, n’a pas à frimer ni à donner des leçons aux autres.

Fixer la majorité civile à l’âge de seize ans correspond à l’esprit du texte. Si nous ne répondions pas au désir de la jeunesse de s’engager, nous nous rendrions d’une certaine manière complices de l’entre-soi et du rejet de la société que choisissent certains jeunes. C’est aussi le rôle du législateur que de favoriser leur engagement.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Votre proposition est assez radicale. Sur la forme, il paraît difficile de procéder à toutes les modifications nécessaires en une seule phrase. Je propose de continuer à travailler sur cette question de la majorité civile à seize ans.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements identiques CS707 de M. Noël Mamère et CS760 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Noël Mamère. Dans la logique de l’amendement précédent, celui-ci propose d’abaisser à seize ans l’âge de la majorité électorale.

M. Jean-Noël Carpentier. En 1974, l’âge de la majorité électorale est passé de vingt et un à dix-huit ans. Ceux qui annonçaient une catastrophe ont dû se rendre à l’évidence qu’il n’en a rien été.

Le droit de vote à seize ans est reconnu dans de nombreux pays : l’Autriche, le Brésil, l’Écosse, l’Argentine, l’Équateur. Récemment, la chambre des Lords au Royaume-Uni a adopté un amendement en ce sens. Enfin, plusieurs Länder l’ont mise en place pour les élections locales. Déjà, Lionel Jospin, lorsqu’il était Premier ministre, évoquait le droit de vote à dix-sept ans. Plus récemment, Dominique Bertinotti envisageait une pré-majorité pour les élections locales.

Nous souhaitons donner aux jeunes plus de responsabilités. Je rappelle que, dès l’âge de seize ans, il est possible d’adhérer à un syndicat, de pratiquer la conduite accompagnée, d’être sapeur-pompier volontaire, de créer une association ou d’ouvrir un compte bancaire.

Cette modification ajouterait 1,5 million d’électeurs aux 46 millions d’inscrits aujourd’hui sur les listes électorales.

En ouvrant la société aux jeunes, les responsables politiques montrent leur volonté d’écouter la jeunesse.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. À titre personnel, je ne suis pas favorable à cette mesure. Surtout, il ne me paraît pas raisonnable de l’adopter moins d’un an avant l’échéance présidentielle.

M. le rapporteur général. Je ne vous livrerai pas mon appréciation personnelle sur ce sujet. En revanche, je peux vous dire que, lors des auditions, nous avons principalement entendu des arguments favorables de la part des sociologues.

En tout état de cause, la modification ne peut pas intervenir pour la prochaine élection. En outre, l’importance du sujet ne doit pas nous empêcher de débattre sur le fond en échangeant des arguments sérieux, étant précisé que les arguments contre cette mesure sont rares.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

M. Noël Mamère. Je souhaite revenir sur les arguments développés par M. Carpentier et par le rapporteur général. Ceux qui connaissent bien la jeunesse considèrent que la majorité électorale à seize ans favorise l’inclusion, la participation et la citoyenneté.

Face au déficit de citoyenneté qui mine la période actuelle, faire participer les jeunes de seize ans à leur destin collectif, c’est-à-dire à toutes les élections, c’est aussi contribuer à leur donner le goût de l’engagement politique.

On reproche, à juste titre, au personnel politique français de ne pas refléter la diversité sociale du pays, et de ne pas se renouveler. Il est vrai que les principaux responsables politiques sont plutôt âgés.

Comment, autrement qu’au travers des appareils politiques, inciter la société civile à s’intéresser à la chose publique qui est une cause noble ?

Je conteste l’argument de la rapporteure sur la proximité de l’élection et le risque d’ouvrir un nouveau front. La politique, c’est le courage, c’est montrer qu’on ne se soumet pas, c’est convaincre les jeunes de s’engager et de se mêler de ce qui les regarde. Cela ne demande pas un courage particulier de proposer la majorité à seize ans.

Lors des élections présidentielles de 2002, votre serviteur proposait déjà le droit de vote à seize ans. C’était il y a quatorze ans ! Sommes-nous condamnés à attendre, comme pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, promesse de François Mitterrand en 1981 ? Je fais le lien entre les deux sujets, car il s’agit, dans les deux cas, de faire en sorte que chacun se sente citoyen et ne se sente pas exclu lorsqu’il faut décider ensemble de notre destin collectif.

M. Arnaud Viala. Sans me prononcer sur le fond, je considère que cette question dépasse très largement les prérogatives de cette commission, ainsi que la portée de ce texte.

Je souscris à l’analyse de la rapporteure quant à son caractère inopportun ; je crois comprendre qu’elle considère qu’un tel choix sociétal mérite une consultation plus large.

Vous faites référence aux amendements qui ont été adoptés précédemment pour les associations, mais ils l’ont été, à mon avis, de manière très hâtive.

Pour permettre aux jeunes générations d’accéder aux responsabilités, il faut aller au-delà de l’abaissement de la majorité et légiférer sur le cumul des mandats dans le temps. Il faudra bien que ceux qui occupent les places depuis des décennies les libèrent pour que les jeunes puissent y prétendre !

Mme Élisabeth Pochon. L’amendement CS213 dont je suis l’auteur poursuit le même objectif. Il m’a été inspiré par mon travail sur ce que l’on appelle le premier parti de France, l’abstention, et par cette question : que faire pour redonner des couleurs à notre système démocratique ?

Pourquoi décréter le vote à seize ans ? Les jeunes ne le réclament pas, alors qu’ils expriment d’autres revendications que tendent à satisfaire les amendements que nous avons adoptés. Lorsqu’on les interroge, ils n’imaginent pas que la France, dont la propension à aller vers sa jeunesse est bien connue, puisse prendre une telle décision. Ils donnent une telle importance au vote qu’ils se demandent s’ils sont compétents.

Pour ne pas être taxé d’opportunisme, il conviendrait d’appliquer la nouvelle règle pour la majorité aux élections suivantes, à savoir les élections européennes.

L’inscription sur les listes électorales intervient à un moment où les jeunes ont d’autres préoccupations – la poursuite de leurs études après le bac, l’installation dans une autre ville… Ils ne sont pas vraiment disponibles. À seize ans, ils vivent encore avec leur famille dans laquelle ils peuvent trouver un accompagnement pour devenir un citoyen et parler politique.

Alors que la représentativité d’un corps électoral assez âgé est contestée, l’introduction d’une dose de jeunesse apporterait un équilibre. Les jeunes sont dans la rue. Pourquoi ne pas leur répondre qu’ils pourront donner leur avis par l’intermédiaire du vote ?

La question du droit de vote ne peut pas être balayée d’un revers de main.

M. André Chassaigne. Le groupe Gauche démocratique et républicaine n’a pas déposé d’amendement, mais je soutiens pleinement ceux qui viennent d’être défendus.

M. Yves Blein. Il est difficile de concevoir qu’une telle modification puisse être votée au détour d’un amendement. Ce beau sujet mérite un débat avec les Français, et pas seulement dans le cénacle un peu fermé de notre commission spéciale.

L’intérêt pour l’engagement et la participation à la vie sociale ne s’éveille pas seulement par le vote – de nombreux parlementaires ont fait leurs classes dans le monde associatif. Continuons à favoriser la participation des jeunes à la vie associative, comme nous nous sommes efforcés de le faire durant cette législature – par le service civique et la pré-majorité associative – pour aboutir peut-être un jour à un rajeunissement de la majorité civile. Il serait dommage de ne pas inscrire ce débat dans une démarche de long terme.

Mme Brigitte Allain. Je ne comprends pas pourquoi cette mesure ne pourrait pas être adoptée au détour d’un amendement puisqu’il nous revient d’enrichir un texte dont le titre fait référence à l’égalité et à la citoyenneté. Certains semblent contester la légitimité de la commission spéciale pour se prononcer sur cette question alors qu’elle est précisément constituée de députés issus de toutes les commissions permanentes. J’invite ceux qui ont signé ces amendements à venir les soutenir en séance pour que le débat ait lieu.

Par ailleurs, si nous devons nous arrêter de légiférer un an avant les élections, nous ne ferons plus rien. Nous devons prendre nos responsabilités.

La proximité de l’élection et la supposée incompétence de la commission sont des prétextes. Nous sommes là pour proposer des avancées pour les droits des jeunes.

M. Serge Letchimy. C’est un moment important. Ce projet de loi est un texte fort avec un enjeu essentiel, la jeunesse. Ce serait commettre une faute que de ne pas adresser un signe extrêmement fort à la jeunesse. Sans ce symbole, nous en resterions à la comptabilité de la production et aux mécaniques là où il faudrait de la réconciliation et de la reconnaissance.

Je suis choqué que vous vous abritiez derrière l’élection à venir. Certains amendements ont bouleversé le monde – aux États-Unis, c’est un amendement qui a conduit à l’abolition de l’esclavage.

La société française n’est pas en grande difficulté faute d’argent ou à cause d’une guerre civile, mais parce qu’elle souffre d’un problème de confiance lié à la reconnaissance de tous ces jeunes qui se sentent à la fois français et pas français, et au malaise qu’ils éprouvent.

Nous avons voté le non-cumul des mandats, mais son application n’est pas immédiate, elle est différée à la future élection. On peut parfaitement prendre une décision légitime – cette commission est totalement légitime. Ce serait réduire le rôle des parlementaires que de nous interdire d’oser. Soutenir cette mesure forte et accepter d’en prendre le risque augmenterait le crédit du Président de la République et du Gouvernement.

Cet amendement est sérieux. Je propose que le Gouvernement prenne le temps de la concertation afin, peut-être, qu’il présente lui-même un amendement dont l’importance est indéniable.

M. Jean-Noël Carpentier. Je suis très ému par l’intervention de Serge Letchimy. Elle doit nous interpeller sur notre rôle de parlementaire.

Pour le moment, je n’ai pas entendu d’arguments contre, à l’exception de motifs formels.

Nous sommes face à nos responsabilités. Puisque, au fond de nous, nous pensons que cette mesure est juste, prenons-les.

En outre, monsieur Blein, nous ne sommes pas dans un petit cénacle, nous sommes à l’Assemblée nationale.

Si demain nous votons cet amendement, le débat aura lieu très rapidement dans le pays. Nous ferons œuvre utile, comme le disait M. Letchimy, sans calcul, sans démagogie, en défendant l’acquisition de nouveaux droits pour les jeunes.

Nous avons fait de la jeunesse l’un des principaux objectifs de ce quinquennat. Ce vote serait un élément très important à inscrire à son bilan. Il serait conforme à nos engagements.

Rappelons-nous que, en 1999, Lionel Jospin proposait déjà de fixer la majorité à dix-sept ans.

M. Xavier Breton. Cette proposition s’apparente à un sauve-qui-peut. Il faut absolument faire un geste en fin de mandat pour la jeunesse en faveur de laquelle aucune politique n’a été menée.

Ce débat pose un problème de méthode. Si le Gouvernement attachait de l’importance à la majorité électorale à seize ans, il devait la faire figurer au cœur de son texte. Or elle apparaît par le biais d’un amendement.

Au lendemain des attentats du mois de janvier 2015, le président de l’Assemblée nationale avait créé une mission sur l’engagement citoyen et l’appartenance républicaine. À la différence du vote obligatoire, l’abaissement de l’âge de la majorité n’a pas été retenu dans ses conclusions. Il n’a été jugé opportun ni par le Gouvernement ni dans les travaux parlementaires, car il s’agit d’une fausse bonne idée. Cette question mérite une réflexion d’ensemble, elle ne peut pas se limiter à une mesure ponctuelle d’affichage.

M. Philippe Gosselin. La légitimité du Gouvernement serait peut-être plus forte que la nôtre, je ne sais. Mais je nous reconnais la légitimité à poser le débat, au sein du Parlement, y compris dans une commission spéciale.

Je constate toutefois que ni le Gouvernement ni les travaux parlementaires ne l’ont tranché. Le président de l’Assemblée nationale avait créé une mission qui rassemblait toutes les sensibilités, comme nous devons savoir le faire pour ne pas donner le sentiment de manœuvres ou de perches électorales tendues – cela transpire un peu de certaines interventions. Je ne recherche pas la polémique et mets donc beaucoup de précautions dans mon propos.

Un tel sujet mérite un débat national. Depuis hier, nous bricolons un certain nombre de mesures. Nous venons de bousculer l’article 1384 du code civil sur la responsabilité pour adresser des signaux aux jeunes de seize ans. Je n’ai rien contre le fait d’adresser des signaux aux jeunes, mais pourquoi pas à ceux de quinze ou de quatorze ans ?

Cette question mérite un débat plus large. Je rappelle que le changement substantiel de 1974, grâce à Valéry Giscard d’Estaing qui fit preuve d’une grande modernité, avait été clairement annoncé.

Ce débat est légitime, mais il est mené de façon trop restrictive pour être audible sans créer de polémiques. Or, sur ce sujet, il me semble qu’un consensus serait préférable.

M. Julien Dive. Ce sujet très sensible outrepasse les compétences de cette commission. J’entends les arguments, parfois empreints d’idéologie, qui sont développés en faveur de la majorité électorale à seize ans. Mais quelles sont vos intentions concernant l’âge requis pour se présenter aux élections législatives, pour devenir sénateur ou pour passer le permis de conduire ?

Ce sujet mérite un temps de réflexion et des auditions. Il trouverait plus sa place dans une proposition de loi.

Je m’étonne que ceux qui défendent aujourd’hui le vote à seize ans soient les mêmes qui s’opposent à l’apprentissage à quatorze ans.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. J’émets un avis défavorable sur ces amendements. La priorité donnée à la jeunesse dans ce quinquennat a donné lieu à de nombreuses mesures – le budget de l’Éducation nationale, la Garantie jeunes, la prime d’activité.

Le débat sur le courage me semble un peu puéril. Si nous voulons que les jeunes s’approprient une telle mesure, cela ne peut pas se faire sans un débat national. Je ne crois pas que nous réglerons la question de la représentativité du monde politique en abaissant l’âge pour voter, mais plutôt en menant une réflexion sur le cumul des mandats et sur notre pratique politique.

M. le rapporteur général. Il me semble nécessaire de prendre le temps d’échanger des arguments de bonne foi sur cette question importante.

Au regard du sérieux des arguments avancés de part et d’autre, résumer la proposition que nous discutons à un signal adressé à la jeunesse pour solde tout de compte est non seulement faux, mais pas à la hauteur du débat, monsieur Breton.

S’agissant du chômage des jeunes, on peut expliquer que l’inversion de la courbe n’est pas intervenue selon le calendrier attendu, mais la baisse est d’une ampleur inversement proportionnelle ce qu’a été l’augmentation sous la majorité précédente.

La Garantie jeunes offre aux jeunes qui n’ont ni qualification ni formation une solution. Les taux de retour à l’emploi sont supérieurs à plus de 50 % dans les missions locales qui l’ont expérimenté. Ce dispositif va être généralisé.

Le Gouvernement avait annoncé 42 000 nouveaux logements étudiants. 40 000 sont aujourd’hui financés, construits ou en cours de construction.

Je ne reviens pas sur l’ensemble des mesures, car le texte nous en donnera l’occasion.

Ne caricaturons pas le débat sur le droit de vote à seize ans.

Je souhaite ajouter un autre élément sur lequel nous devons travailler en vue de la séance. Cette précaution n’a rien à voir avec une quelconque illégitimité de la Commission – rien ne permet de l’affirmer et cet argument selon lequel certains sujets méritent un débat national pourrait demain nous être opposé sur d’autres questions. Nous finirions par débattre de sujets qui n’en sont pas. Cela étant dit, nous risquons de nous heurter à un problème constitutionnel, car les amendements s’appliquent à la prochaine élection. Or le droit, mais aussi la tradition républicaine, veut que les règles ne changent pas l’année qui précède l’élection. Il serait dommage, sur un sujet aussi important, de s’entendre dire, après l’adoption de l’amendement, que notre dispositif est mal ficelé. N’entachons pas ce débat utile d’un manque de préparation.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le très expérimenté Noël Mamère, qui a pris l’initiative de ce débat, n’ignore pas que, aux dernières élections, 75 % des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans ne sont pas allés voter. La réponse à cette interpellation peut être celle qu’il propose, mais elle se trouve aussi dans la rénovation et la modernisation de notre vie politique, pour laquelle le Gouvernement n’a pas ménagé ses efforts : création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, instauration du non-cumul des mandats, assouplissement des modalités d’inscription sur les listes électorales, parité dans les conseils départementaux, mesure révolutionnaire grâce à laquelle la proportion de femmes est passée de 13 à 50 %, favorisant ainsi de surcroît le rajeunissement de ces assemblées.

Il s’agit aussi d’apporter une réponse de fond : comment favoriser l’engagement des jeunes ? Les mesures adoptées depuis le début du quinquennat ainsi que les dispositions prises par votre commission vont en ce sens.

M. Breton a raillé la priorité donnée à la jeunesse par le Président de la République. Les deux rapporteurs sont revenus sur différentes mesures. Pour ma part, je veux vous dire ma conviction que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’ils ne vivaient en 2012.

Vous avez rejeté un amendement visant à abaisser la majorité civique à seize ans. Manifestement se pose un problème constitutionnel, du fait que la majorité civile est fixée à dix-huit ans.

Toutes ces questions méritent sans doute un débat d’ampleur nationale, même si votre commission a toute légitimité pour les aborder.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

La Commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS213 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Je retire cet amendement pour le redéposer en séance, cette fois-ci avec une date d’entrée en vigueur fixée à 2019.

L’amendement CS213 est retiré.

La Commission en vient aux amendements CS762, CS765 et CS764 de M. Jean-Noël Carpentier, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Jean-Noël Carpentier. Ces amendements reposent sur une logique d’ensemble : le vote obligatoire n’est pas dissociable dans notre esprit de la reconnaissance du vote blanc. Nos concitoyens manifestent leurs inquiétudes devant le fonctionnement de notre système démocratique par une abstention désormais massive : son taux peut atteindre 50 %, voire 60 ou 70 % à certains scrutins, et même 80 ou 90 % dans certains quartiers. Pour lutter contre ce phénomène, il faut rendre le vote obligatoire – c’est l’objet de mon amendement CS762. Toutefois, appeler nos concitoyens à la discipline ne suffit pas. La République, ce n’est pas la caserne : les idées politiques ne relèvent pas de la contrainte. Il est également nécessaire de décompter les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés, car le vote blanc constitue pour nos concitoyens une manière d’exprimer leur mécontentement – c’est l’objet de mon amendement CS764. En outre, je propose à travers mon amendement CS765 de déclarer une élection invalide si les bulletins blancs représentent plus de 50 % des suffrages exprimés.

Il faut secouer nos institutions et nos organisations politiques pour que nos concitoyens aient enfin le sentiment d’être écoutés et représentés.

M. Arnaud Richard. Je salue la reconnaissance du vote blanc, qui a fait l’objet d’une proposition de loi du groupe UDI à laquelle le Gouvernement s’était, par frilosité, déclaré défavorable.

Dans une démocratie, il est profondément insatisfaisant de devoir rendre le vote obligatoire, mais, compte tenu du taux d’abstention, je suis plutôt favorable à cette mesure, à condition toutefois, monsieur Carpentier, que le vote reste libre.

Mme Élisabeth Pochon. Le vote obligatoire a quelque chose de paradoxal, car le vote, en démocratie, est avant tout un acte de liberté.

Par ailleurs, des raisons pratiques rendent sa mise en œuvre compliquée. L’obligation suppose une sanction, qui puisse s’appliquer à tous les citoyens en âge de voter. Or, en France, il n’y a aucune garantie que les listes électorales recensent tous les électeurs potentiels, car il n’y a aucune obligation de déclarer son changement de domiciliation.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour les amendements précédents. Ces questions méritent d’être discutées dans le cadre d’un débat national et pas seulement parlementaire.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable sur les trois amendements.

La Commission rejette successivement les amendements CS762, CS765 et CS764.

Elle en vient à l’amendement CS376 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Nous avons tous été confrontés, lorsque nous avons tenu des bureaux de vote, à des cas de procurations arrivées trop tard ou au mauvais endroit, alors même qu’elles avaient été établies dans les délais.

Cet amendement propose d’étendre à l’ensemble des électeurs la possibilité aujourd’hui offerte aux Français établis hors de France de transmettre une procuration par voie électronique, ce qui n’empêcherait bien évidemment pas les administrations ne disposant pas des outils nécessaires à la dématérialisation de recourir à la méthode classique.

M. Arnaud Viala. Cette disposition risque de créer une discrimination entre administrations disposant de connexions électroniques et administrations n’en disposant pas. Il faut donc au préalable légiférer pour que tout notre territoire soit raccordé. À cette condition, je serais favorable à votre amendement.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement, dont je suis cosignataire, me fournit l’occasion d’évoquer un de mes amendements qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 et qui visait à établir un compte électeur numérique. Il n’est pas normal que les électeurs souhaitant voter par procuration soient obligés de faire la queue pendant des heures dans les commissariats de police ou les palais de justice. Les fonctionnaires qui y travaillent ont autre chose à faire que d’établir ces documents qui, souvent, n’arrivent même pas à temps. J’appelle l’attention du Gouvernement sur ce dispositif de compte numérique comme support de la citoyenneté.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage pleinement l’objectif de l’amendement, mais la disposition est d’ordre réglementaire. Il revient au Gouvernement d’agir en ce sens. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cette disposition va sans nul doute dans le sens de l’histoire, mais elle relève effectivement du domaine réglementaire et serait techniquement difficile à mettre en œuvre d’ici à la prochaine échéance électorale.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, le Gouvernement pourrait-il s’engager à travailler sur ce sujet ?

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Comme je viens de le dire, cet amendement va dans le sens de l’histoire et nous y travaillons.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS763 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je le retire.

L’amendement CS763 est retiré.

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Article 15 decies [nouveau]
(art. L. 193, L. 253, L. 338 du code électoral, art. L. 2121-21, L. 2122-7, L. 2122-7-2, L. 3122-1, L. 3122-5, L. 3631-5, L. 3634-1, L. 4133-1, L. 4133-5, L. 4422-8, L. 4422-9, L. 4422-18 du code général des collectivités territoriales)

Inversion de la règle de séniorité en cas d’égalité de suffrages aux élections locales

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet d’inverser la règle régissant les élections locales qui permet au candidat le plus âgé ou à la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée de reporter le scrutin en cas d’égalité des voix.

Le présent article modifie ainsi des dispositions du code électoral et du code général des collectivités territoriales afin de soumettre l’élection des membres des conseils municipaux, des conseils départementaux, des conseils régionaux, de la métropole de Lyon et de l’Assemblée de Corse à ce nouveau principe. Sont également concernées l’élection à la présidence, à la vice-présidente, aux commissions permanentes de ces conseils, ainsi que l’élection du maire et de ses adjoints.

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La Commission examine l’amendement CS1159 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement a pour objet d’inverser la règle régissant les élections locales : ce ne serait plus le candidat le plus âgé ou la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée qui remporterait le scrutin en cas d’égalité des voix, mais le candidat le plus jeune et la liste ayant la moyenne d’âge la moins élevée. Nous parlions d’envoyer des signaux à la jeunesse, je crois que cette disposition y contribue.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cette disposition faisait partie des préconisations formulées par France Stratégie dans un rapport que j’ai commandé il y a un an. J’y suis très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 15 decies

Elle en vient à l’amendement CS9 de M. Jean-Claude Buisine.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement a pour objet d’exiger que, lors de chaque scrutin local, sur l’ensemble des candidats, un tiers ne soit pas des candidats sortants et un sur dix ait moins de trente ans, afin de favoriser le renouvellement des assemblées locales et une meilleure représentativité.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je partage l’objectif que vous poursuivez, toutefois cette disposition me semble reposer sur une discrimination sur le fondement de l’âge contraire à la Constitution. Il appartient aux partis politiques de prendre leurs responsabilités en la matière. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Bricout ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

L’amendement est retiré.

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Article 15 undecies [nouveau]
(art. L. 1311-18 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Mise à disposition de locaux dans la circonscription du parlementaire

Le présent article, introduit à l’initiative de plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain, tend à introduire un nouvel article L. 1311-18 dans le code général des collectivités territoriales imposant aux communes et aux EPCI de mettre à disposition du parlementaire qui en fait la demande, selon des modalités définies par décret, les conditions matérielles lui permettant de rencontrer de manière régulière ou ponctuelle les citoyens, dès lors que le parlementaire dispose déjà d’une permanence dans sa circonscription. Par ailleurs, les dates, lieux et horaires des permanences parlementaires sont affichés dans chaque mairie de la circonscription électorale concernée.

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La Commission est saisie de l’amendement CS838 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Colette Capdevielle. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale doivent mettre à disposition du parlementaire qui en fait la demande un local pour rencontrer les personnes de sa circonscription. Il est motivé par les difficultés auxquelles se sont heurtés de nombreux collègues parlementaires qui ne cumulent pas plusieurs mandats.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement de fraternité républicaine.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 15 undecies

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CS162 de Mme Colette Capdevielle et l’amendement CS8 de Mme Jean-Claude Buisine.

Mme Colette Capdevielle. Malgré bien des efforts et bien des dispositions légales, le personnel politique se renouvelle peu. Force est de constater que le cumul des mandats dans le temps freine la diversification des parcours et des origines. Cet amendement propose donc de limiter à deux le nombre de mandats des élus locaux et d’introduire dans le code électoral une nouvelle cause d’inéligibilité. Les pays qui ont établi de telles règles connaissent un rajeunissement de leur personnel politique grâce à une meilleure rotation. Il suffit de regarder l’hémicycle pour voir que notre Assemblée n’est pas très jeune : la moyenne d’âge de ses membres est bien supérieure à cinquante ans.

Dans les ateliers législatifs que j’organise dans ma circonscription, ce thème est régulièrement mis en avant par les participants.

M. Jean-Louis Bricout. Je partage les objectifs de Mme Capdevielle. On pourrait même se poser la question d’une limitation dans le temps pour les mandats nationaux.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis fondamentalement d’accord avec vous, mais ces sujets relèvent d’un autre cadre que cette loi. Pour cette raison, j’émettrai un avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. À la veille d’échéances électorales, ces enjeux seront évoqués directement devant les Français. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Je retire mon amendement.

Mme Colette Capdevielle. Je retire également le mien, mais pour le redéposer en séance afin de modifier les dates d’effet au-delà des prochaines élections.

Les amendements sont retirés.

La Commission en vient à l’amendement CS117 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Depuis que je suis élue députée, j’ai pu constater que chaque proposition visant à limiter le cumul des mandats se heurtait aux mêmes arguments : ce n’est jamais le moment ! Le personnel politique actuel est âgé, à prédominance masculine, et il est loin de représenter toutes les catégories socioprofessionnelles.

Si nous voulons permettre aux jeunes de devenir des citoyens à part entière et non entièrement à part, il faut agir en conséquence. Par cet amendement, je demande au Gouvernement d’engager un grand débat national pour restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants et pour réfléchir à diverses mesures destinées à impliquer plus encore les jeunes et à les associer plus étroitement à la gestion des affaires publiques. Pourrait être évoquée, entre autres, la mise en place d’une limite maximale d’éligibilité, fixée par exemple à soixante-dix ans.

M. Benoist Apparu. Cet amendement anti-Juppé ne pourrait, bien évidemment, recueillir notre assentiment. (Sourires.)

M. Arnaud Richard. N’oublions pas, comme l’a souligné Patrick Weil lors de son audition, que Clemenceau avait soixante-seize ans en novembre 1917 lorsqu’il est devenu Président du Conseil : personne n’a eu à s’en plaindre. L’âge n’est pas un critère.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Vous citez dans l’exposé sommaire de votre amendement, Mme Capdevielle, le formidable rapport de France Stratégie sur les préconisations duquel beaucoup de nos réflexions se sont appuyées. Que ces questions fassent l’objet d’un débat national, c’est éminemment souhaitable. Toutefois, nous ne pouvons inscrire dans la loi une mesure visant à imposer au Gouvernement d’organiser un tel débat.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L’amendement est retiré.

*

Chapitre II
Accompagner les jeunes dans leur parcours vers l’autonomie

Article 16
(art. L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales, art. L. 6111-3 et L. 6111-5 du code du travail)

Pilotage des politiques de jeunesse par les régions

I. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article a pour objet de clarifier l’exercice des compétences en matière de politiques de jeunesse au niveau territorial. Les politiques publiques à destination de la jeunesse sont par nature transversales, et les compétences afférentes – qu’il s’agisse d’éducation, de santé, d’accès aux droits, de logement ou encore de culture – sont nécessairement partagées entre l’État, les régions, les départements et les communes.

C’est d’ailleurs en raison de la nature transversale de cette politique publique, qui nécessite la mise en œuvre de compétences appartenant à différents niveaux de collectivités, que l’article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales, tel qu’il a été modifié par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, prévoit que ces politiques peuvent faire l’objet d’un débat au sein des conférences territoriales de l’action publique (CTAP), ayant notamment pour objet l’articulation et la coordination de ces politiques entre les différents niveaux de collectivités.

Afin de clarifier l’exercice de ces compétences, le I du présent article modifie l’article L. 1111-9 du code précité afin de confier à la région l’organisation « en qualité de chef de file, [des] modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics », comme c’est aujourd’hui le cas en matière d’aménagement du territoire et de protection de la biodiversité.

Le II du présent article confie également à la région la coordination des politiques d’information à destination de la jeunesse. À l’heure actuelle, ces politiques se traduisent par le financement, par l’État et les collectivités, d’un réseau de structures constitué du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ), de centres régionaux de l’information jeunesse (CRIJ) et de 1 500 points ou bureaux « informations jeunesse » (PIJ-BIJ).

Le II du présent article complète l’article L. 6111-3 du code du travail relatif au service public de l’orientation, qui vise à garantir « à toute personne l’accès à une information gratuite, complète et objective sur les métiers, les formations, les certifications, les débouchés et les niveaux de rémunération, ainsi que l’accès à des services de conseil et d’accompagnement en orientation de qualité et organisés en réseaux », afin de confier à la région la tâche de coordonner, de façon complémentaire avec le rôle qu’elle tient dans la mise en œuvre du service public de l’orientation, les initiatives des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des structures d’information des jeunes labellisées par l’État dans le domaine de l’information jeunesse. Le II du présent article définit le rôle de ces structures d’information, qui sont chargées de la mise en œuvre du droit des jeunes à accéder à une information généraliste, objective et fiable touchant tous les domaines de la vie quotidienne.

Les organismes délivrant aux jeunes une information de qualité en matière de droits sociaux et de loisirs pourront également, en application du III du présent article, être reconnus par la région comme participant au service public régional de l’orientation tout au long de la vie (SPRO).

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté un amendement tendant à rendre obligatoire l’établissement, en matière de politique de jeunesse, d’un processus annuel de dialogue structuré entre les pouvoirs publics et la société civile, conduit au sein des conférences territoriales de l’action publique.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS221 de Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 16 prévoit que la région « coordonne également, de manière complémentaire avec le service public régional de l’orientation et sous réserve des missions de l’État, les initiatives des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des structures d’information des jeunes labellisées par l’État dans des conditions prévues par décret ». N’y a-t-il pas là un risque de voir émerger une tutelle de la région sur les autres collectivités alors que, aux termes de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la jeunesse continue d’être une compétence partagée ? Les politiques de l’enfance, l’animation du réseau associatif, le développement de l’action culturelle participent en effet de missions que les communes, les intercommunalités et les départements assument.

À quoi renvoie réellement cette coordination ? La région jouera-t-elle simplement le rôle de chef de file ? Chaque collectivité aura-t-elle son mot à dire ? En l’absence de précision sur la nature de cette coordination, je propose par cet amendement de supprimer l’article 16.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit bien de « chef de filat » et non de tutelle. Puisque toutes les collectivités sont à même de proposer des actions en matière de jeunesse, une coordination est nécessaire. Avis défavorable.

M. le rapporteur général. « Chef de filat » ne veut pas dire compétence exclusive. Un amendement après l’article 19 viendra proposer des stratégies locales pour la jeunesse dans le cadre des contrats de ville. Il s’agira de déterminer dans un document comment les établissements publics territoriaux coordonnent leurs actions, leur donnent une cohérence, dans quel dessein, comment, avec qui et avec quels moyens. Souvent, on le sait, quand tout le monde s’occupe de tout, personne ne s’occupe de rien.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Sauf erreur de ma part, il n’y a pas de compétence identifiée s’agissant de la jeunesse dans la loi NOTRe. C’est une politique publique partagée, toutes les collectivités peuvent s’en occuper. Simplement, nous avons veillé, à l’article 16, à ce que la région soit désignée comme collectivité de référence, ce qui simplifiera les choses y compris pour les services de l’État. La région est chef de file, elle n’exerce en aucune manière une tutelle.

Si nous parvenions à la création d’un schéma d’orientation des politiques de la jeunesse à l’échelle régionale incorporant tous les dispositifs – insertion, animation, sports –, cela apporterait une clarification utile pour les jeunes.

Je tiens à préciser que cet article a été élaboré en lien avec l’Association des régions de France (ARF). Les présidents, toutes sensibilités confondues, s’y sont montrés favorables.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le rapporteur général, permettez-moi de souligner que les jeunes n’habitent pas tous dans des territoires relevant de contrats de ville. Votre amendement ne couvrira pas ceux qui habitent des territoires ruraux.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement CS222 de Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS225 du même auteur.

Mme Isabelle Le Callennec. Afin d’éviter tout risque de tutelle de la région, il convient de préciser que celle-ci agit « en concertation avec les collectivités territoriales et les autres instances ». Si l’ARF s’est montrée favorable à cet article, ce qui paraît logique, l’Association des départements de France a émis des réserves et les associations d’élus d’intercommunalités se posent des questions.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. La coordination implique forcément une concertation préalable. Cette précision me semble inutile. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1162 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit de prendre en compte les pratiques des acteurs de terrain, qui dans les faits s’adressent à des jeunes de plus de vingt-cinq ans. Nous proposons d’étendre à trente ans l’âge des personnes pouvant bénéficier des informations auxquelles donnent accès les missions locales.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable.

M. Jean-Patrick Gille. Peut-être faudrait-il prendre en compte certaines considérations budgétaires. Je ne comprends pas que cet amendement n’ait pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, même si nous savons bien que les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes ne sont pas résolues lorsqu’ils dépassent vingt-cinq ans.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit simplement d’accès à l’information. Cette disposition ne crée pas une charge supplémentaire. Les missions locales ne demandent pas aux jeunes qui se présentent à leur accueil de produire une pièce d’identité.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS342 et CS33 de M. Jean-Pierre Allossery.

M. Jean-Pierre Allossery. Le Gouvernement a souhaité lancer des consultations internet sur des projets de loi, notamment le projet de loi qui nous occupe, et a indiqué que les contributions ayant recueilli le plus de voix seraient intégrées dans les textes.

Pour le chapitre II, la proposition du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) visant à organiser un dialogue structuré pour que les jeunes puissent contribuer au débat démocratique est la deuxième à avoir recueilli le plus de voix. De plus, elle a eu l’avis favorable d’un très grand nombre d’associations pour la jeunesse et de mouvements d’éducation populaire. Elle fait donc consensus et répond à une demande forte. Nos amendements ont pour objectif de la reprendre.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis sensible à l’idée qu’il faille agir sur le processus décisionnel et non pas simplement au niveau des instances. La question de la méthode est importante. Toutefois, les dispositions que vous proposez ne me semblent pas avoir de portée normative. J’y suis donc plutôt défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’interroge également sur la portée normative de ces amendements et m’en remets à la sagesse de votre commission.

La Commission adopte l’amendement CS342.

En conséquence, l’amendement CS33 tombe.

La Commission adopte l’article 16 modifié.

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Article 16 bis [nouveau]
(art. L. 1112-22-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)

Création des conseils de jeunes

Le présent article, introduit à l’initiative du Gouvernement et précisé par la rapporteure via un sous-amendement, procède à l’insertion dans le code général des collectivités territoriales d’un nouvel article L. 1112-22-1 relatif aux conseils de jeunes.

Ainsi est-il prévu que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent créer une instance de concertation compétente pour émettre un avis sur les décisions relevant notamment de la politique de jeunesse. Composée de jeunes de moins de trente ans domiciliés sur le territoire concerné, cette instance peut formuler des propositions d’actions sur les domaines dont elle est saisie. Les modalités de fonctionnement et la composition de ces instances seront fixées par délibération de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale.

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La Commission examine l’amendement CS873 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Nous avons évoqué la rénovation de la vie démocratique, la manière d’inciter les jeunes à s’impliquer et à construire une future élite au meilleur sens du terme. Il faut favoriser l’expression de la jeunesse dans notre société. Différentes enquêtes d’opinion le montrent, les jeunes ont souvent le sentiment que leurs idées et préoccupations ne sont pas suffisamment prises en compte dans le débat public, ce qui s’est traduit aux dernières élections régionales par un fort abstentionnisme.

Le présent amendement a pour objet de développer, à l’initiative des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, la participation active des jeunes aux décisions locales qui relèvent de la politique de la jeunesse dans une démarche de coconstruction des politiques publiques.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je suis bien sûr favorable à cette proposition visant à favoriser l’institution des conseils des jeunes sans pour autant les rendre obligatoires. Je trouve seulement dommage de cantonner ces instances à la politique de la jeunesse, car toutes les politiques publiques concernent la jeunesse. Je propose une rectification consistant à insérer, au deuxième alinéa, le terme « notamment » après les mots « sur les décisions relevant ».

M. Lionel Tardy. Comme nombre des amendements que nous avons examinés jusqu’ici, celui-ci n’a aucune portée normative. En vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, celles-ci peuvent créer une instance de concertation portant sur les politiques de jeunesse sans qu’il soit besoin de l’inscrire dans la loi. Les moins de trente ans sont assez intelligents pour se prononcer sur d’autres sujets que la politique de jeunesse.

Bref, cet amendement ne conduirait qu’à alourdir la loi et doit donc être rejeté. Je crains fort que, à l’issue de nos débats en commission, ce projet de loi regorge de tant de dispositions bavardes qu’il constitue un record en la matière sous cette législature.

M. Jean-Patrick Gille. Je partage l’avis de Mme la rapporteure, il faut élargir ces instances au-delà de la politique de jeunesse. Je m’interroge sur les conditions d’âge des membres de ces instances. Ne faudrait-il pas être moins extensif ? Peut-on, d’un côté, demander à abaisser l’âge de la majorité civique à seize ans et, de l’autre, fixer l’âge maximal pour siéger dans ces instances à trente ans ? La question se pose d’autant plus que, à partir de dix-huit ans, toute personne peut être élue et siéger dans des instances comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER). Ce choix me semble un peu maladroit.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis favorable à la rectification proposée par la rapporteure thématique.

L’instance de concertation que le Gouvernement propose de créer, monsieur Gille, « est composée des jeunes de moins de trente ans domiciliés dans le ressort de la collectivité ». Or, trente ans, c’est également la limite d’âge au sein du CESER ; aussi avons-nous voulu respecter un certain parallélisme des formes.

Enfin, monsieur Tardy, vous trouvez ce texte bavard. Inciter par la loi les collectivités à créer des instances de concertation qui permettent aux jeunes de s’exprimer dans de bonnes conditions, sans les y obliger, ne me paraît pas bavard, mais au contraire de nature à répondre à la préoccupation concernant la place des jeunes dans la société, préoccupation que j’espère partagée au sein de la présente commission.

La Commission adopte l’amendement CS873 ainsi rectifié.

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Après l’article 16 bis

Puis elle examine l’amendement CS1091 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement est défendu.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

M. le rapporteur général. Je m’en remets à mon tour à la sagesse du Gouvernement et retire l’amendement dans la perspective d’une nouvelle rédaction d’ici à l’examen du texte en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS273 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je retire le présent amendement pour en présenter un meilleur en séance.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS466 de M. Bernard Lesterlin.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à fixer la participation des jeunes de moins de trente ans aux CESER à au moins la moitié des personnalités qualifiées.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Si je partage l’objectif de rajeunissement de la composition des CESER, je vous invite à retirer votre amendement puisque nous allons examiner incessamment deux amendements visant à une meilleure représentation de toutes les classes d’âge de la société au sein des CESER et à garantir une représentation des membres d’associations de jeunes.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS206 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Il s’agit d’inciter les conseils de développement – obligatoires, aux termes de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans les intercommunalités de plus de 50 000 habitants – à féminiser et à rajeunir leurs instances.

Je retire l’amendement, mais je souhaite que nous travaillions sur le sujet.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Pour rassurer notre collègue, je précise que la question est traitée par les amendements des rapporteurs.

L’amendement est retiré.

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Article 16 ter [nouveau]
(art. L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales)

Représentation des associations de jeunesse au sein des CESER

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, vise à renforcer la place des associations de jeunes dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER).

En effet, la rédaction actuelle du deuxième alinéa de l’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales prévoit la présence au sein des CESER de représentants d’associations ou de fondations agissant dans le domaine de l’environnement et de personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences en matière d’environnement et de développement durable. Ces différentes personnes siègent au sein du troisième collège des CESER.

Il est proposé de compléter ces dispositions en prévoyant la présence au sein des CESER de représentants d’associations bénéficiant d’un agrément « jeunesse et éducation populaire » et dont l’instance dirigeante est composée de personnes dont la moyenne d’âge est inférieure à trente ans, afin de renforcer la représentation des jeunes au sein des CESER. Cette évolution, qui permettra sans nul doute d’associer davantage les jeunes à l’élaboration des politiques publiques régionales, aura ainsi pour conséquence d’assurer une représentation de la jeunesse au sein du troisième collège des CESER.

Les modalités précises d’application de cette disposition demeureront précisées par le pouvoir réglementaire.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1164 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il s’agit d’ajouter un collège de représentants d’associations bénéficiant d’un agrément « jeunesse et éducation populaire », collège dont l’instance dirigeante serait composée de personnes dont la moyenne d’âge est inférieure à trente ans, cela afin de renforcer la représentation des jeunes au sein des CESER. Les CESER doivent en effet être représentatifs de l’ensemble des classes d’âge de la société.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement y est favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Article 16 quater [nouveau]
(art. L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales)

Représentation de toutes les classes d’âge au sein des CESER

Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet d’assurer aux jeunes majeurs une meilleure représentation dans l’espace public institutionnel, et particulièrement à l’échelon local, afin qu’ils participent à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques qui les concernent.

À cette fin, il est prévu que les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux soient composés de sorte à refléter l’équilibre démographique de la population du territoire régional, garantissant ainsi aux jeunes une représentation minimale en leur sein.

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La Commission en vient à l’amendement CS1163 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement va dans le même sens que le précédent. Au-delà des associations de jeunesse, il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des CESER soient représentatifs des différentes classes d’âge de la population.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 16 quater

La Commission examine les amendements CS1080 à CS1082 du rapporteur général, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. le rapporteur général. Nous avons modifié le titre Ier du texte en ajoutant le mot « participation ». De nombreux députés, lors de la discussion sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, avaient soutenu les présentes dispositions que j’avais cosignées avec Julie Sommaruga. Elles visaient à faire en sorte que la concertation et la consultation citoyennes, à l’échelle locale, soient inscrites dans la loi, qu’il s’agisse des conseils de quartiers, des conseils citoyens ou de certains schémas départementaux, y compris ceux qui sont prescriptifs.

Ladite loi prévoit des schémas directeurs à l’échelle des régions. Or, après avoir travaillé sur la concertation et la consultation des habitants avec des spécialistes comme le professeur Loïc Blondiaux, nous avons constaté qu’il convenait de combler un vide, en la matière, en ce qui concerne les schémas régionaux. Aussi, dans un texte portant sur la citoyenneté, il m’apparaît naturel de prévoir le droit de concertation et la nécessité de consultation à cette échelle.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je comprends l’esprit de ces amendements, mais la loi NOTRe commence à être appliquée et, comme nous ne souhaitons pas remettre en cause les équilibres fragiles auxquels nous sommes parvenus, le Gouvernement émet un avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

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Article 16 quinquies [nouveau]
(art. L. 5211-10-1-2 du code général des collectivités territoriales)

Représentation de toutes les classes d’âge et parité
au sein des conseils de développement

Les conseils de développement, créés par l’article 88 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, codifié à l’article L. 5211-10-1-2 du code général des collectivités territoriales, peuvent être institués dans les établissements publics à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants. Créés par délibérations des organes délibérants d’établissements publics contigus, les conseils de développement sont consultés sur l’élaboration du projet de territoire, sur les documents de prospective et de planification résultant de ce projet, ainsi que sur la conception et l’évaluation des politiques locales de promotion du développement durable du périmètre de l’établissement public de coopération intercommunale. Ils peuvent donner leur avis ou être consultés sur toute autre question relative à ce périmètre.

Ils sont composés de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, environnementaux et associatifs du périmètre de l’établissement public. Le présent article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet de garantir que la composition des conseils de développement poursuivra un objectif de parité et reflétera l’équilibre démographique de la population du territoire de l’EPCI, garantissant ainsi aux jeunes une représentation minimale en leur sein.

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La Commission en vient à l’amendement CS1165 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. J’ai déjà évoqué cet amendement qui vise à garantir la parité et la représentativité démographique des conseils de développement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 16 sexies [nouveau]
(art. L. 141-1-1 du code de l’urbanisme)

Intégration des avis de la population au schéma régional d’aménagement en Île-de-France

Cet article, introduit à l’initiative du rapporteur général, modifie le dix-huitième alinéa de l’article L. 141-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Il permet la prise en compte des avis, observations et conclusions de la population, recueillis après une concertation engagée et organisée par le Conseil régional ; ces éléments seront intégrés au schéma d’aménagement de la région Île-de-France, au même titre que les observations, avis et conclusions recueillis à la fin de l’enquête publique.

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Article 16 septies [nouveau]
(art. L. 141-1-1 du code de l’urbanisme)

Association des citoyens à l’élaboration des projets de schémas régionaux d’aménagement en Île-de-France

Cet article, introduit à l’initiative du rapporteur général, insère un nouvel alinéa à l’article L. 141-1-1 du code de l’urbanisme afin de rendre obligatoire l’association de la population à l’élaboration des projets de schémas régionaux d’aménagement en Île de France. Il va donc plus loin que le précédent, en faisant de la population un véritable acteur de l’élaboration des schémas.

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La Commission examine les amendements CS1084 et CS1083 du rapporteur général, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’amendements de repli, puisque les trois précédents que j’ai présentés ont été rejetés. Il s’agit d’associer les citoyens à l’élaboration des schémas régionaux et, le cas échéant, d’intégrer leur avis.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable.

La Commission adopte successivement les amendements.

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Article 16 octies [nouveau]
(art. 12 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001
portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel)

Transformation du Conseil national de la jeunesse en Conseil d’orientation des politiques publiques de la jeunesse

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, procède à la transformation du Conseil national de la jeunesse en Conseil d’orientation des politiques publiques de la jeunesse.

Le présent article vise donc à le raviver sous une autre forme, en traduisant dans la loi les annonces du Gouvernement relatives à la création d’un Conseil d’orientation pour les politiques de jeunesse, lieu d’évaluation, d’études et de concertation avec les principaux acteurs chargés de la jeunesse : État, représentants des organisations de jeunesse, partenaires sociaux, collectivités locales, associations familiales, notamment. Ce Conseil aura vocation à impulser une dynamique de production de l’offre destinée aux jeunes et veillera à ce que chaque politique publique prenne en compte la question de la jeunesse. Lieu prospectif, il sera aussi chargé d’anticiper et ainsi de proposer les politiques à mettre en œuvre pour l’ensemble des jeunes.

Issue d’une recommandation du Conseil économique, social et environnemental, une telle proposition a été publiquement soutenue par le Gouvernement, qui a annoncé la création d’une telle structure avant l’été. Le présent amendement traduit donc cette orientation, et, afin de ne pas multiplier les structures publiques, substitue un tel conseil au Conseil national de la jeunesse, créé par la loi n° 2001 624 du 17 juillet 2001, aujourd’hui inactif.

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Elle en vient à l’amendement CS1166 des rapporteurs.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est favorable au principe de l’amendement, mais proposera une nouvelle rédaction en séance qui permettra de dépasser les contraintes de l’article 40 de la Constitution.

M. le rapporteur général. Nous avons retiré les amendements dont nous avons jugé que nous pourrions les retravailler. Néanmoins, pour ce qui est du présent amendement, il a été considéré comme recevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Je propose donc que nous l’adoptions, quitte à le sous-amender en séance.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. S’il est adopté, le Gouvernement proposera en effet un sous-amendement en séance publique.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 16 nonies
(art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation
pour la ville et la cohésion urbaine)

Introduction d’un volet jeunesse dans les contrats de ville

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, modifie l’article 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine afin d’imposer aux contrats de ville conclus à partir du 1er janvier 2017 l’inclusion d’actions stratégiques dans le domaine de la jeunesse.

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La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS1096 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Je suggère à Mme Le Callennec de présenter en séance un sous-amendement afin que nous intégrions à la disposition ici proposée les territoires ruraux où il n’y a pas de contrats de ville et où l’établissement public territorial (EPT) pertinent pourrait être le pays.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 16 nonies

La Commission en vient à l’amendement CS163 de M. Hervé Féron.

M. Régis Juanico. Le présent amendement vise à généraliser une expérience menée dans le département de Meurthe-et-Moselle et destinée à mettre en place un contrat d’animation jeunesse territorialisée (CAJT) qui associe les collectivités territoriales – régions, départements, intercommunalités, communes – et les fédérations d’éducation populaire, afin qu’elles définissent ensemble, de manière contractuelle, les politiques relatives à la jeunesse et à l’éducation populaire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Comme vous, mon cher collègue, je pense que les fédérations d’éducation populaire doivent être associées et doivent même inciter les collectivités à définir des contrats d’animation jeunesse territorialisée. Néanmoins, le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales me paraît difficilement compatible avec le caractère obligatoire de la mesure envisagée. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement. La notion de fédération d’éducation populaire est difficile à cerner au regard du droit en vigueur, même si, avec M. Juanico, nous partageons plus que jamais le désir de voir se développer ce dispositif dans notre pays qui en a bien besoin.

M. Régis Juanico. Je retire l’amendement – dont j’admets, d’accord avec le ministre, qu’il est mal rédigé. C’était également l’occasion d’avoir une pensée pour Michel Dinet, ancien président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui a lancé ce dispositif.

L’amendement est retiré.

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Article 17
Information individualisée des jeunes en matière d’assurance maladie

Le présent article a pour objet d’améliorer l’information dont disposent les jeunes en matière de couverture des risques liés à la maladie en rendant obligatoire la délivrance, par les organismes d’assurance maladie, d’une information individualisée relative aux droits sociaux en matière de santé, aux dispositifs et aux programmes de prévention existants, ainsi qu’aux examens de santé gratuits tels que celui prévu à l’article L. 321-2 du code de la sécurité sociale.

Cette information serait dispensée aux jeunes de seize ans, aux jeunes sortant du statut d’ayant droit à l’assurance maladie – au plus tard à 18 ans –, puis à vingt-trois ans. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, cette obligation pourra également conduire les caisses d’assurance maladie à informer les jeunes des initiatives locales qu’elles peuvent prendre dans ce domaine.

La Commission spéciale a adopté un amendement tendant à préciser que l’information délivrée aux jeunes comporte un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1174 des rapporteurs.

En conséquence, l’amendement CS796 de Mme Gilda Hobert tombe.

La Commission examine ensuite l’amendement CS737 de Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. Le présent amendement vise à ajouter que l’information à la santé, en trois temps, prévue par le texte comprendra un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.

Mme Gilda Hobert. Cet amendement est nettement mieux rédigé et couvre un champ beaucoup plus large que celui que j’aurais défendu s’il n’était tombé.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS1116 des rapporteurs.

Enfin, elle adopte l’article 17 modifié.

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Article 17 bis [nouveau]
(art. L. 861-1 du code de la sécurité sociale)

Droit personnel à la CMU-C pour les jeunes

Cet article, introduit à l’initiative du Gouvernement, complète l’article L. 861-1 du code de la sécurité sociale afin de permettre aux jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans de bénéficier d’un droit personnel à la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire, dès le début de leur prise d’indépendance, sans attendre de pouvoir justifier de leur sortie du foyer fiscal de leurs parents.

Il est ainsi proposé d’accélérer l’accès à la CMU-C des jeunes de moins de 25 ans à faibles ressources et ne vivant plus avec leurs parents dans un souci d’égalité d’accès aux droits et aux soins : une attestation sur l’honneur permettra de prendre en compte sans délai la fin de leur rattachement au foyer fiscal de leurs parents.

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La Commission examine l’amendement CS851 du Gouvernement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Il s’agit d’appliquer les décisions portées à la connaissance des organisations de jeunesse le 11 avril dernier, soit onze mesures réparties dans différents projets de loi. Ici est créé un droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) pour tous les jeunes adultes âgés de dix-huit à vingt-quatre ans, dès qu’ils prennent leur indépendance et sans attendre qu’ils ne fassent plus partie du foyer fiscal de leurs parents. Cette mesure est très attendue par la jeunesse. Le droit à la santé, pour elle, doit en effet être absolu. Je défends donc cette disposition avec ardeur.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Je ne puis qu’être favorable à cette excellente proposition en faveur de la jeunesse.

M. Yves Blein. Cet amendement du Gouvernement est le bienvenu, puisqu’il ouvre un droit nouveau aux jeunes. Nous le voterons avec grand plaisir.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 18 [supprimé]
(art. L. 822-1 du code de l’éducation)

Compétence des œuvres universitaires en matière de gestion des aides versées aux personnes en formation

Le présent article a pour objet de rendre possible l’allocation d’aides financières aux personnes qui suivent une formation labellisée au titre de la Grande École du Numérique (GEN). Cette initiative du Président de la République, M. François Hollande, doit se traduire par la création d’un groupement d’intérêt public regroupant plusieurs organismes dispensant des formations aux métiers du numérique à un public constitué en particulier de jeunes décrocheurs, titulaires ou non du baccalauréat. Il est prévu, d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, que des aides financières seraient versées aux apprenants sous condition de ressources, dès lors qu’ils ne bénéficient pas déjà de telles aides au titre de la formation ou de l’insertion professionnelles.

Le présent article modifie l’article L. 822-1 du code de l’éducation, relatif aux missions des œuvres universitaires, afin de leur confier la gestion d’aides versées à des personnes n’ayant pas le statut d’étudiant et n’appartenant donc pas à la communauté universitaire. Ainsi, le réseau des œuvres universitaires pourra se voir confier la gestion des aides versées au titre de la Grande École du Numérique.

Ce dispositif figurant désormais à l’article 17 ter B du projet de loi pour une République numérique, tel qu’il a été adopté par le Sénat en première lecture le 3 mai dernier, la Commission spéciale l’a supprimé du présent projet de loi.

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La Commission examine l’amendement CS1167 des rapporteurs.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Nous souhaitons supprimer les dispositions de cet article qui figurent déjà à l’article 17 ter B du projet de loi pour une République numérique.

M. Luc Belot. Nous préparons en ce moment, avec nos collègues du Sénat, la commission mixte paritaire du 29 juin qui doit examiner le projet de loi évoqué par la rapporteure thématique. Or, en l’état actuel de la discussion, l’article 17 ter B ne devrait pas être modifié. Aussi suis-je favorable à l’amendement de suppression.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement y est favorable également. Ainsi, les bénéficiaires de la bourse de la Grande École du numérique pourront en profiter dès la rentrée prochaine.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 18 est supprimé.

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Après l’article 18

La Commission est saisie de l’amendement CS345 de M. Jean-Claude Buisine.

M. Jean-Patrick Gille. Le présent amendement vise à systématiser la présentation complète des prestations sociales ouvertes aux apprentis ainsi que les procédures et critères particuliers liés à celles-ci, afin de favoriser l’accès aux droits sociaux des jeunes.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement, partiellement satisfait par l’article 17 du présent texte, l’est surtout par le dispositif de la Boussole des droits, en cours d’application. Je vous invite donc à le retirer amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La Boussole des droits, dispositif numérique qui sera très utile, sera opérationnelle dès l’automne prochain.

L’amendement est retiré.

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Article 18 bis [nouveau]
Rapport sur la création d’une allocation d’études et de formation

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, prévoit la remise au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2017, d’un rapport étudiant la possibilité de créer une allocation d’études et de formation, sous conditions de ressources, dans le cadre d’un parcours d’autonomie. La création de l’allocation d’autonomie était un engagement de campagne du Président de la République. La dégradation de la conjoncture économique n’a hélas pas permis la mise en œuvre de cette mesure.

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La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CS1097 des rapporteurs, et les amendements identiques CS1 et CS344 de M. Jean-Claude Buisine.

M. le rapporteur général. L’amendement CS1097 reprend une vieille exigence qui trouve un écho auprès des nouvelles générations. Même si ceux qui, à l’époque, avaient défendu l’allocation autonomie ont pu varier par la suite, considérant notamment que d’autres dispositifs étaient peut-être plus pertinents, il est temps, la gauche étant au pouvoir, que nous puissions au moins obtenir la remise d’un rapport qui permette d’objectiver les opportunités, les limites, les coûts d’un tel dispositif.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CS1, dans le même esprit, vise à demander la remise d’un rapport sur l’instauration d’une allocation d’autonomie universelle pour tous les jeunes afin de mieux les accompagner dans leur émancipation dès l’âge de dix-huit ans.

Mme la présidente Annick Lepetit. Retirez-vous les amendements CS1 et CS344 au profit de l’amendement des rapporteurs ?

M. Jean-Patrick Gille. Il faut plutôt faire l’inverse, car l’amendement des rapporteurs est un peu moins bon. En effet, il propose que l’allocation d’études et de formation soit attribuée sous conditions de ressources, ce qui est une manière de résoudre le problème avant d’avoir commencé de chercher à le régler, alors que les deux amendements identiques ne soumettent pas l’allocation à des conditions de ressources. Il vaut mieux en effet que le rapport étudie toutes les possibilités.

M. le rapporteur général. « Moins bon » ? Tout dépend du point de vue où l’on se place.

M. Jean-Patrick Gille. Disons « moins précis », si vous préférez !

M. le rapporteur général. Les rapporteurs ont voulu reprendre les termes d’un engagement du Président de la République. Ensuite, nous pensons que, étant donné l’avancée des débats dans la société et au sein des partis politiques à propos du revenu universel, nous ne voudrions pas créer de confusion entre ce dernier et l’allocation autonomie qui, elle, ne concernerait que les étudiants et sous conditions de ressources.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est favorable au principe de la remise de rapports qui permettent aux parlementaires de se prononcer en toute connaissance de cause.

Les amendements CS1 et CS344 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1097.

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Article 19
(art. L. 612-3-1, L. 681-1, L. 683-1 et L. 684-1 du code de l’éducation)

Modification du dispositif permettant aux meilleurs bacheliers de chaque lycée d’accéder aux filières sélectives publiques

Le présent article apporte plusieurs modifications au dispositif, introduit par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dit des « meilleurs bacheliers ».

I. L’ÉTAT DU DROIT

Tel qu’il existe aujourd’hui, ce dispositif, prévu à l’article L. 612-3-1 du code de l’éducation, permet aux meilleurs bacheliers de chaque lycée et de chaque filière d’accéder de façon privilégiée aux filières sélectives publiques comme les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), les instituts universitaires de technologie (IUT) ou encore les instituts d’études politiques (IEP) de province. Il vise ainsi à remédier à l’autocensure de certains lycéens à l’égard de ces formations et à rétablir ainsi, pour les meilleurs bacheliers, une certaine égalité d’accès à ces filières sélectives quel que soit le lycée d’origine.

En 2015, 10 % des bacheliers de chaque lycée et de chaque filière ont ainsi pu accéder de façon prioritaire aux filières sélectives publiques dans le cadre des admissions post-bac, dès lors que leur premier vœu ne leur avait pas été accordé
– quelle que soit la nature de ce vœu – et qu’ils n’avaient pas reçu de propositions de la part d’un établissement appartenant à une filière sélective. En 2015, dans le cadre de ce dispositif, chaque recteur d’académie a demandé aux filières sélectives relevant de sa compétence de réserver au moins une place à ces bacheliers.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le I du présent article apporte plusieurs modifications à ce dispositif.

Il l’étend, d’une part, aux filières ne pratiquant pas de sélection à l’entrée mais qui se trouvent être sélectives du fait de la forte demande dont elles font l’objet. Ainsi, les formations dont les capacités d’accueil sont insuffisantes au regard du nombre de candidats seraient désormais accessibles de façon privilégiée aux meilleurs bacheliers, dans le respect, toutefois, des critères d’accès définis à l’article L. 612-3 du code de l’éducation tels que le domicile, la situation familiale et les préférences du candidat.

Le I du présent article, d’autre part, fixe une double limite au nombre de places réservées chaque année à cet effet par les recteurs d’académie. Ainsi, un décret fixera chaque année, dans la limite de 15 % des places disponibles, le pourcentage maximal de places contingentées pour l’ensemble du dispositif.

Enfin, le 3° du I du présent article prévoit que la qualité de boursier est également prise en compte, dans le respect des critères énoncés par l’article L. 612-3 et des résultats du baccalauréat, dans l’inscription aux formations concernées par le dispositif dit des « meilleurs bacheliers ». Ainsi, conformément à l’avis formulé par le Conseil d’État, ce critère viendrait « départager des élèves en situation équivalente au regard des critères prévus à l’article L. 612-3 du code de l’éducation et de la moyenne de leurs notes obtenues au baccalauréat » (23).

Les II et III du présent article rendent ces modifications expressément applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, territoires répondant au principe de spécialité législative.

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La Commission examine les amendements identiques CS373 de Mme Audrey Linkenheld et CS695 de M. Noël Mamère.

Mme Audrey Linkenheld. Nous proposons de supprimer l’article 19, non pas parce que nous serions opposés à ce que les bacheliers issus de quartiers ou de milieux défavorisés bénéficient d’un accompagnement particulier, mais parce que nous craignons que, par le biais de cette mesure, on ouvre la porte à la sélection à l’entrée de l’université. Je crois ne pas être la seule à partager cette analyse au sein du groupe Socialiste, écologiste et républicain.

Mme Brigitte Allain. En effet, l’État doit être en mesure de respecter son engagement d’offrir l’entrée à l’université à tous ceux qui en ont la capacité, sanctionnée par le seul baccalauréat.

M. le rapporteur général. Je vous propose un compromis. Nous avons tous été témoins, au cours des auditions, de la crainte des organisations de jeunesse, des organisations syndicales, quelle que soit leur sensibilité, que le dispositif « meilleurs bacheliers » soit appliqué indistinctement aux filières d’ores et déjà sélectives, comme les grandes écoles, ou aux établissements qui le sont dans les faits. Or il n’y a pas lieu d’entériner la sélectivité de cette seconde catégorie d’établissements – notamment les universités. Il me semble que ce point de vue était partagé par l’immense majorité de la commission.

Toutefois, si l’on supprime l’article, on supprime par le même fait le dispositif « meilleur bachelier » là où la sélection existe et n’est pas remise en cause. Or ce dispositif, dans de tels établissements, doit être promu. C’est pourquoi je vous propose, par l’amendement CS1168 qui sera examiné ensuite, de supprimer le dispositif « meilleur bachelier » pour les universités tout en le maintenant pour les grandes écoles.

Mme Audrey Linkenheld. J’entends bien l’argument du rapporteur général, mais ce n’est pas ce que je comprends quand je lis son amendement. Il ne semble en effet pas vouloir rétablir le dispositif « meilleur bachelier », tel qu’il figure déjà dans la loi pour l’enseignement supérieur et la recherche, pour les filières déjà sélectives – et que nous avons approuvé. L’amendement CS1168 paraît vouloir donner une sorte de priorité, toutes choses étant égales par ailleurs, à la qualité d’élève boursier, ce qui est plutôt différent – mais peut-être ai-je mal compris la rédaction de l’amendement.

M. le rapporteur général. Le critère retenu a toujours été celui de boursier – nous ne pouvons pas en avoir d’autres. Pour ce qui est de l’amendement CS1168, la référence à l’article L. 612-3-1 du code de l’éducation se traduit dans l’exposé sommaire par la phrase suivante : « Cet amendement a pour objet de supprimer l’extension du dispositif “meilleur bachelier” », qui existe déjà, je viens de le rappeler, « à des filières de l’enseignement supérieur à capacité limitée, et non plus seulement aux filières sélectives ».

Mme Brigitte Allain. Le rapporteur général et le Gouvernement s’engagent-ils à récrire clairement l’article 19 – en particulier concernant l’accès à l’université – afin que nous sachions ce que nous allons voter en séance ? Dans ce cas, nous pourrions retirer nos amendements. Sinon, nous le maintiendrons ; en effet, je ne vois pas la cohérence entre ce que dit le rapporteur général, le texte de son amendement et ce qu’on peut lire dans l’article 19.

M. le rapporteur général. Je propose que nous retirions tous nos amendements à l’article 19, moyennant mon engagement solennel qu’il sera récrit en séance étant entendu que le dispositif « meilleur bachelier » s’appliquera aux filières déjà sélectives et non aux universités.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. J’évoquerai la question avec la ministre de l’éducation nationale et je prends bonne note que l’article 19 sera récrit.

Les amendements sont retirés.

L’amendement CS1168 des rapporteurs est également retiré.

La Commission adopte l’article 19 sans modification.

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Après l’article 19

L’amendement CS1089 des rapporteurs est retiré.

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Article 19 bis [nouveau]
(art. 21-25-2 [nouveau] du code civil)

Dématérialisation de la procédure de naturalisation

Cet article, introduit à l’initiative du rapporteur général, insère un nouvel article 21-25-2 au sein du paragraphe 5 de la section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil.

Aux termes de ce nouvel article, un décret en Conseil d’État précisera les modalités de dématérialisation de la procédure d’acquisition de la nationalité française.

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La Commission examine l’amendement CS1090 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Même si l’on peut considérer que le dispositif ici proposé relève du domaine réglementaire, certains départements l’appliquent de fait déjà. La loi pour une République numérique prévoit du reste un tel type de relation entre le citoyen et l’administration. En outre, la dématérialisation de la procédure de naturalisation n’enlève rien aux obligations en vigueur comme celle consistant pour les demandeurs à se présenter en bonne et due forme pour passer le test de français.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement sans lien avec le texte.

M. Yves Blein. J’y suis pour ma part favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. C’est que nous touchons là au code de la nationalité.

M. le rapporteur général. Nous ne touchons pas au code de la nationalité, mais au code civil puisque seule la procédure de naturalisation est concernée par l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 19 bis

La Commission examine ensuite l’amendement CS713 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. Le présent amendement vise à légitimer l’autorité des parents et des personnes qui s’occupent d’enfants mineurs en envoyant un message clair de fermeté et de respect dans l’éducation des enfants.

Le Conseil de l’Europe mène depuis plusieurs années une campagne active pour l’abolition des châtiments corporels. La recommandation 1666, de 2004, porte exclusivement sur cette question. La France a également été sanctionnée par le Comité européen des droits sociaux pour ne pas les avoir abolis, car le droit à l’intégrité physique est aussi un droit de l’enfant.

L’article 17 de la Charte sociale européenne, dont la France est signataire, prévoit que les États doivent prendre les mesures nécessaires pour « protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation ».

Il faut cesser de confondre violence physique et éducation. Or on tolère encore trop les châtiments corporels envers les enfants – je rappelle qu’un grand nombre de pays ont adopté des lois nationales les interdisant.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à introduire dans le code civil un nouvel article interdisant la pratique de châtiments corporels à l’égard de l’enfant. Je ne suis pas totalement convaincue qu’un tel amendement ait sa place dans le présent texte. Il aurait pu, en revanche, être déposé lors de l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfance, comme les auteurs du présent amendement y avaient d’ailleurs été invités par le Gouvernement. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement y est également défavorable.

Mme Brigitte Allain. Plusieurs des amendements que je défends ont déjà été proposés à l’occasion de la discussion d’autres textes, mais ils n’ont pas été votés. Or la citoyenneté figure dans le titre du présent texte, je le rappelle, et l’enfant est un citoyen et a donc des droits.

Les amendements suivants, CS716 et CS717, concernent la représentation de l’enfant. Celui-ci doit être présent quand il le souhaite dans le cadre d’affaires le concernant. Ainsi, à partir de l’âge de seize ans, il doit pouvoir porter plainte auprès du procureur ou tout au moins le rencontrer lui-même : il est en effet parfois, malheureusement, d’abord la victime de ses parents.

La Commission rejette l’amendement.

De même, suivant l’avis défavorable des rapporteurs, elle rejette successivement les amendements CS716 et CS717 de M. Noël Mamère.

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Article 19 ter [nouveau]
(art. 413-2 et 413-3 du code civil)

Émancipation à leur demande des mineurs de plus de 16 ans

Les articles 413-2 et 413-3 du code civil fixent les conditions d’émancipation des mineurs de plus de 16 ans non mariés.

Une telle émancipation peut actuellement être prononcée après audition du mineur, s’il y a de justes motifs, par le juge des tutelles, à la demande des père et mère ou de l’un d’eux ou à la demande du conseil de famille en cas de décès des parents.

Le présent article, introduit dans le projet de loi à l’initiative de Mme Brigitte Allain, propose qu’une telle émancipation puisse également avoir lieu à la demande du mineur concerné. Une telle évolution est de bon sens, et a reçu le plein soutien des rapporteurs comme du Gouvernement.

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Elle en vient ensuite à l’amendement CS715 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement est défendu.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à permettre aux mineurs de seize ans de demander eux-mêmes leur émancipation. J’émets donc un avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est lui aussi favorable à cette disposition.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 19 ter

Puis elle examine l’amendement CS712 de M. Noël Mamère.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet amendement est satisfait par la loi du 3 juin 2016.

Mme Brigitte Allain. Je retire mon amendement et le proposerai peut-être en séance avec d’autres arguments. En effet, même si des textes récents prennent en compte ce dont il est ici question – les enfants dont les parents sont incarcérés -, ils ne règlent pas complètement le problème.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. La loi à laquelle je me suis référé a modifié l’article 145-4 du code de procédure pénale.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS718 de M. Noël Mamère.

Mme Brigitte Allain. Des jeunes, qui n’ont pas encore la majorité, veulent pouvoir donner leur sang, mais ne peuvent le faire. Pourtant, tout don du sang est précédé d’un passage devant médecin visant à garantir que l’état de santé du donneur lui permet d’effectuer ce don. Alors que nous devons importer du sang, parfois de pays où les gens vendent leur sang, il me semble qu’il vaudrait la peine d’ouvrir cette possibilité nouvelle.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cela me semble délicat à mettre en œuvre, surtout en ce qui concerne une éventuelle autorisation à obtenir des parents. Avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. Une directive européenne interdit d’ailleurs le don du sang en dessous de dix-sept ans, ce qui restreint notre marge de manœuvre.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CS1086 des rapporteurs est retiré.

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Article 19 quater [nouveau]
(art. L. 325-2 et L. 412-3 [nouveaux] du code de tourisme)

Clarification du régime juridique des auberges de jeunesse

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, procède à la clarification du régime juridique des auberges de jeunesse.

Pour ce faire, il procède d’abord à l’insertion d’un article L. 325-2 dans le code de tourisme, afin de définir les auberges de jeunesse en référence au mouvement de l’éducation populaire et de sécuriser leur champ d’action en leur conférant une dimension d’intérêt général. En effet, si les auberges de jeunesse sont historiquement issues du mouvement de l’éducation populaire, ces établissements se trouvent aujourd’hui en concurrence avec les structures hôtelières. Dans ce contexte, l’utilisation abusive de l’appellation « auberge de jeunesse » par certains opérateurs menace de façon déloyale les organismes sans but lucratif, voire des collectivités territoriales gestionnaires d’authentiques auberges de jeunesse qui participent à l’éducation non formelle de la jeunesse et à sa mobilité.

Il est donc proposé de donner une définition légale de l’auberge de jeunesse, et d’exclure ainsi toute utilisation abusive de cette dénomination grâce à l’insertion d’un nouvel article L. 325-2 au sein du titre II du livre III du code du tourisme.

Une auberge de jeunesse est ainsi définie comme un établissement agréé au titre de sa mission d’intérêt général dans le domaine de l’éducation populaire et de la jeunesse, exploité par des personnes morales de droit public ou des organismes de droit privé bénéficiaires de l’agrément « éducation populaire et de jeunesse » prévu à l’article 8 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, en vue d’accueillir principalement des jeunes pour une ou plusieurs nuitées, de faciliter leur mobilité dans des conditions qui assurent l’accessibilité de tous, et de leur proposer des activités éducatives de découverte culturelle et des programmes d’éducation non formelle destinés à favoriser les échanges interculturels ainsi que la mixité sociale dans le respect des principes de liberté de conscience et de non-discrimination.

Par ailleurs, l’article additionnel procède à l’insertion d’un article L. 412-3 dans le code de tourisme, précisant que l’agrément délivré aux auberges de jeunesse pour leurs activités d’intérêt général est délivré par l’État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1169 des rapporteurs et CS241 de M. Yves Blein.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Cet amendement vise à enrichir le code du tourisme par l’introduction d’une définition des auberges de jeunesse qui fasse référence aux mouvements d’éducation populaire. Cela conférerait à ces auberges une dimension d’intérêt général.

M. Yves Blein. L’amendement que je défends permettra lui aussi de faire la distinction entre une offre d’hôtellerie lucrative en direction de la jeunesse et une offre éducative et non lucrative, celle des auberges de jeunesse.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis favorable à l’amendement CS1169.

L’amendement CS241 est retiré.

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La Commission adopte l’amendement CS1169.

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Après l’article 19 quater

Puis elle est saisie des amendements CS812, CS816, CS817, CS813, CS815 et CS814 de Mme Brigitte Allain, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Brigitte Allain. Ces amendements proposent de réhabiliter dans la loi l’ancrage territorial. Notre assemblée a adopté à l’unanimité une proposition de loi sur la souveraineté alimentaire, qui s’adresse en particulier aux personnes qui font vivre les territoires et veulent favoriser les liens sociaux et intergénérationnels. La citoyenneté n’est possible qu’à partir du moment où les droits fondamentaux sont respectés : accès au logement, à un environnement sain, à une alimentation qui est liée à la culture d’un territoire, au potentiel climatique, à la pédologie du terroir. Il faut donner un sens à notre politique alimentaire, plutôt que de la laisser à d’autres, au détriment de notre santé, de la survie des agriculteurs, mais aussi de la richesse de nos sols et de la lutte contre le réchauffement climatique.

Les attentes des collectivités locales sont importantes. Nombre d’associations d’insertion sont actives dans le domaine de la production, de la transformation et de la distribution de l’alimentation. Prendre soin de l’environnement, préserver les ressources naturelles, voilà qui participe de la citoyenneté.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Il est vrai que cette proposition de loi fut adoptée à l’unanimité. Aussi partageons-nous les objectifs poursuivis par votre amendement. Mais quel lien entretient-il avec le texte que nous examinons aujourd’hui ? À mon grand regret, je dois émettre un avis défavorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je sais que le spectre de la citoyenneté est large, mais de là à dire qu’il soit aussi étendu… Enfin, comme l’a dit Pierre Dac, « tout est dans tout et réciproquement ». Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements CS812 et CS816.

Mme Brigitte Allain. Je suis choquée du mépris que vous exprimez vis-à-vis de ma proposition. Il me semble que c’est un acte citoyen de veiller à la durabilité écologique de notre alimentation. Tout le monde a pu défendre ses amendements jusqu’à présent. Pourquoi serais-je la seule à ne pouvoir le faire ? Je souhaiterais que nous retravaillions ensemble d’ici à la séance publique pour voir s’il n’est pas possible d’établir un lien entre politique alimentaire et citoyenneté.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous sommes ici depuis neuf heures et demie ce matin. Vous avez pu largement vous exprimer. Vous pouvez tolérer que notre attention ait pu baisser. Si l’on doit invoquer la notion de respect, je dirai qu’elle nous dicte d’abréger désormais l’examen de ces amendements, par égard pour nos collègues.

M. le rapporteur général. Madame Allain, après toutes les heures que nous avons passées à travailler ensemble, notamment au cours du débat sur la loi relative à la consommation, comment pouvez-vous penser qu’un seul de nous puisse éprouver du mépris pour vos propositions ? Mais je sais que vous êtes sans doute la première à regretter vos propos.

S’agissant du lien entre alimentation et citoyenneté, malgré toute ma bonne volonté, je n’arrive pas à l’établir. La commission spéciale n’a jamais été saisie de ces questions, bien qu’elle ait entendu de nombreuses parties prenantes, y compris les associations qui ont demandé à être auditionnées à la dernière minute.

Le sujet pourrait à tout le moins faire l’objet d’une thèse ; il réclame en tout cas, à ce stade, une réflexion plus approfondie.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je ne veux pas non plus qu’il y ait de malentendu. Nous ne remettons pas en cause le fond des préoccupations que vous exprimez. Mais le texte que nous examinons ne saurait être le réceptacle de toutes les questions de société qui se posent aujourd’hui. Il faut lui conserver des arêtes décisionnelles. Nous examinerons avec l’attention nécessaire le lien entre alimentation et citoyenneté.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le rapporteur général, j’avais demandé à vous rencontrer, après le rejet des dispositions par le Sénat. J’aimerais que la disposition incluse dans cet amendement puisse être adoptée avant la fin de la législature, car elle fait l’unanimité dans notre assemblée.

Les amendements CS817, CS813, CS815 et CS814 sont retirés.

Puis la commission examine l’amendement CS1092 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement a trait à la couverture maladie universelle complémentaire et aux garanties locatives en direction des jeunes. Cette disposition prévoit que tout organisme de formation met en ligne ses formations agréées, de manière que chaque jeune puisse y avoir accès, comme cela se pratique dans d’autres pays européens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement qui est satisfait par une disposition du projet de loi, en cours d’examen au Sénat, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.

M. le rapporteur général. Je le retire pour le retravailler en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1085 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je retire cet amendement d’appel.

L’amendement est retiré.

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Article 19 quinquies [nouveau]
(art. L. 6323-6 du code du travail)

Inclusion de la préparation du permis de conduire dans les formations éligibles au compte personnel de formation

Cet article, introduit à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et citoyen, procède à une modification de l’article L. 6323-6 du code du travail afin de permettre l’utilisation des heures du compte personnel de formation (CPF) pour le financement du permis de conduire.

Le CPF, défini par le chapitre III du livre II du titre III de la sixième partie du code du travail, a été mis en place le 1er janvier 2015. Il permet à toute personne, salariée ou demandeur d’emploi, de suivre, à son initiative, une action de formation, et accompagne son titulaire de sa carrière jusqu’à son départ en retraite.

Le CPF est crédité en heures à la fin de chaque année, dans la limite de 150 heures de formation, pour les personnes travaillant à temps complet, il est alimenté de 24 heures par an les cinq premières années, soit 120 heures, puis de 12 heures par an pendant trois ans, avant d’atteindre le plafond maximal de 150 heures.

Cette modification, pleinement soutenue par la rapporteure, revient à considérer le permis de conduire comme une sorte de complément du socle de compétences, dont l’enseignement deviendrait de fait éligible au CPF. Il s’agit d’une évolution importante pour la jeunesse, en particulier dans certaines zones du territoire où les places d’examen sont aussi rares que chères.

Les rapporteurs sont conscients que l’introduction d’une telle disposition ne résout pas l’ensemble des interrogations qui pèsent sur la réforme du permis de conduire, et notamment des conditions de son obtention, mais il s’agit d’une première étape salutaire.

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La Commission est saisie de l’amendement CS351 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Le coût de la préparation au permis de conduire, estimé à 1 500 euros, constitue un frein pour de nombreux jeunes.

Pour remédier à ce problème, cet amendement, présenté par l’ensemble du groupe socialiste, propose de rendre la préparation au permis de conduire éligible au compte personnel de formation (CPF). Comme vous le savez, ce compte est crédité de deux heures de formation par mois travaillé, soit vingt-quatre heures par an. Ces heures peuvent être utilisées pour suivre des formations qualifiantes, mais aussi des formations permettant d’acquérir le socle de connaissances et de compétences professionnelles dont on peut considérer que le permis de conduire relève.

Cette proposition a le mérite de ne pas créer de dépense nouvelle puisque le CPF est financé par une contribution des entreprises, et d’être très simple et très efficace. Elle s’adresse essentiellement aux jeunes, mais pas seulement – une personne désirant reprendre une activité peut avoir besoin du permis de conduire, je pense aux services d’aide à la personne notamment.

Cet amendement constitue une avancée forte qui s’appuie sur un dispositif que nous avons mis en place au cours de cette législature.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. Avis favorable.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Avis défavorable. La question de l’accès au permis de conduire pour les jeunes demande une analyse globale.

M. Jean-Patrick Gille. Je maintiens l’amendement.

Les dispositifs existants ne donnent pas pleinement satisfaction. Le permis à 1 euro, que proposent les missions locales, facilite le paiement, mais il n’allège pas le coût de la formation.

Cet amendement apporte une solution responsabilisante, globale, équitable et qui, de surcroît, valorise le CPF qui sera lui-même renforcé par la création du compte personnel d’activité, si la loi travail est adoptée. Il y a une logique dans cette démarche.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 19 sexies [nouveau]
Rapport sur la mise en œuvre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

Cet article, introduit à l’initiative du groupe socialiste, écologiste et républicain, prévoit la remise au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation du présent texte, d’un rapport relatif à la mise en œuvre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui s’attachera à « étudier les conséquences de l’introduction dans la loi de la préparation de l’épreuve théorique du permis de conduire prévue à l’article L. 312-13 du code de l’éducation en vue d’étudier l’opportunité de rendre cette disposition obligatoire ».

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La Commission en vient à l’amendement CS332 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport étudiant la possibilité d’introduire la préparation à l’épreuve théorique du permis de conduire dans la scolarité. Ce rapport devra notamment évaluer la faisabilité dans les établissements scolaires, les conséquences pour les auto-écoles, mais aussi l’intérêt pédagogique d’une telle mesure. Le permis de conduire, dans sa partie théorique, pourrait être considéré comme faisant partie des savoirs de base qui doivent être acquis durant le temps scolaire.

Mme Valérie Corre, rapporteure thématique. J’émets un avis défavorable. Le rapport, présenté en mars dernier par Richard Ferrand au nom de la mission d’information commune sur l’application de la loi dite Macron, répond à la demande formulée dans votre amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 19 septies [nouveau]
Droit de la jeunesse à la mobilité internationale

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, propose d’inscrire solennellement dans la loi le principe du droit de la jeunesse à la mobilité internationale. De manière plus précise, il est proclamé que la Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant à compter de 2020 l’âge de 18 ans à bénéficier, avant ses 25 ans, d’une expérience professionnelle ou associative à l’étranger.

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La Commission examine l’amendement CS1100 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement affirme un principe en même temps qu’une ambition pour la jeunesse. Il vise à garantir un droit de la jeunesse à la mobilité internationale.

Il n’est pas déconnecté des initiatives européennes. Aujourd’hui, la moitié d’une classe d’âge est éligible aux dispositifs existants – Erasmus, Erasmus+, service volontaire européen (SVE).

Dans le droit fil de la démarche qui a prévalu pour le service civique, la reconnaissance de ce droit est la première pierre d’un édifice nouveau visant à offrir aux jeunes une expérience à l’étranger.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement tout en étant conscient qu’il demandera beaucoup de travail pour devenir une réalité pour les jeunes.

La Commission adopte l’amendement.

*

Après l’article 19 septies

L’amendement CS1099 des rapporteurs est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1087 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Comme je m’y suis engagé précédemment, je retire cet amendement qui porte sur le permis de conduire.

L’amendement est retiré.

*

TITRE II
MIXITÉ SOCIALE ET ÉGALITÉ DES CHANCES DANS L’HABITAT

Chapitre Ier
Améliorer l’équité et la gouvernance territoriale des politiques d’attribution
des logements sociaux

Avant l’article 20

La Commission est saisie de l’amendement CS11 de M. Jean-Claude Buisine.

M. Pascal Demarthe. L’amendement tend à supprimer le concept « d’égalité des chances », marquant ainsi que notre conception politique de la justice sociale n’est pas celle du texte. Le prisme idéologique de la gauche a toujours été d’aider chacun à s’émanciper en lui donnant les moyens sociaux, économiques et démocratiques d’y parvenir, tout en cherchant à réduire les écarts de richesse par une plus grande redistribution pour favoriser une meilleure mobilité sociale. Le concept d’égalité des chances, bien que d’intention juste, est un leurre fondé sur le mythe de la méritocratie. Pour atténuer les effets négatifs de ces notions qui monopolisent le débat public, il faut réaffirmer que la priorité doit aller à la réduction des inégalités sociales. Ainsi le concept de l’égalité des chances ne sera pas une simple manière de légitimer les inégalités sociales. C’est pourquoi l’amendement retient le seul objectif d’égalité.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le Titre II. Je demande le retrait de l’amendement auquel je donnerai, sinon, un avis défavorable. L’égalité des chances ici mentionnée n’est pas une notion politique ; c’est l’égalité des chances des demandeurs, principe déjà inscrit à l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation qui régit l’attribution des logements sociaux.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Même avis.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis que vos rapporteurs. Que vous puissiez penser que je défendrais un texte qui, si l’on en croit l’exposé des motifs de l’amendement, érigerait en principe « la morale du vainqueur considérant que les vaincus méritent leur sort », alors même que nous cherchons à renforcer l’équité dans l’attribution des logements… voilà qui dépasse mon entendement.

L’amendement est retiré.

*

Article 20
(art. L. 441, L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-5, L. 441-1-6 [nouveau] et L. 441-2-6 du code de la construction et de l’habitation, article 14 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement)

Politique intercommunale en faveur de la mixité sociale

Conformément aux orientations des Comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), l’article 20 vise à renforcer la mixité sociale dans l’habitat en utilisant deux outils principaux : une meilleure répartition des attributions de logements sociaux à l’échelle intercommunale et un renforcement de la place des demandeurs prioritaires dans les différents contingents de réservation.

A. LES PRIORITÉS POUR L’ATTRIBUTION D’UN LOGEMENT SOCIAL

1. L’état du droit

L’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation fixe, au sein des personnes éligibles à un logement social, une liste de critères généraux de priorité. Cette liste mentionne actuellement sept catégories de personnes dont les personnes handicapées et les personnes hébergées.

À cela s’ajoutent les publics prioritaires visés par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), créé par la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », dont la définition est différente.

Enfin, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) a créé une procédure spécifique pour les demandeurs dont le délai d’attente est jugé excessif ou dont le relogement présente un caractère urgent. L’État se voit assigner une obligation de relogement des ménages ayant bénéficié d’une décision favorable de la commission départementale de médiation du DALO.

2. Les dispositions du projet de loi

Les alinéas 8 à 22 procèdent à une réécriture des critères généraux de priorité de l’article L. 441-1 en les harmonisant avec ceux de la loi DALO et de la loi Besson. Il n’y aura donc qu’une seule liste de publics prioritaires, plus lisible pour tous les demandeurs. Une exception est toutefois maintenue : toutes les personnes handicapées restent prioritaires en vertu de l’article L. 441-1 du CCH, alors qu’elles ne peuvent demander le bénéfice du DALO que si leur logement est sur-occupé ou ne répond pas à tous les critères de décence.

L’alinéa 17 crée une nouvelle catégorie de public prioritaire : les personnes menacées d’un mariage forcé. Par ailleurs, la formulation du critère de priorité concernant les personnes reprenant une activité après une période de chômage de longue durée est modifiée afin de supprimer la notion de mal-logement, déjà prise en compte dans un autre critère.

Cet article renforce ensuite les obligations d’attribution aux publics prioritaires. Alors que seuls l’État et Action Logement ont aujourd’hui l’obligation de réserver une partie de leur contingent aux publics prioritaires, l’alinéa 34 étend cette obligation aux contingents des collectivités territoriales. Celles-ci devront réserver au moins 25 % de leur contingent aux publics prioritaires mentionnés à l’article L. 441-1 et aux ménages relevant du DALO. En cas de manquement d’une collectivité à cette règle, le préfet de département pourra se substituer pour attribuer, sur le contingent de la collectivité concerné, les logements manquants.

En outre, l’État ayant des difficultés, dans certains départements, à mobiliser son contingent pour répondre à ses obligations de relogement des ménages DALO, les alinéas 36 et 53 mettent fin à toutes les conventions de délégation du contingent de l’État consenties aux maires en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Ces conventions seront résiliées de plein droit un mois après la publication de la présente loi. Seuls les EPCI délégataires des aides à la pierre pourront donc se voir déléguer le contingent de l’État, conformément à la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

Enfin, l’alinéa 35 prévoit explicitement que le préfet pourra imposer l’attribution d’un logement à un candidat qu’il a désigné sur son contingent. Dans certains départements, les préfets se heurtent, en effet, à des refus d’attribution à des ménages DALO par les commissions d’attribution.

B. LA GOUVERNANCE INTERCOMMUNALE DES ATTRIBUTIONS

1. L’état du droit

L’article 97 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a renforcé le rôle des EPCI compétents en matière d’habitat sur les attributions de logements sociaux.

L’article L. 441-1-5 du code de la construction et de l’habitation dispose que les EPCI dotés d’un programme local de l’habitat approuvé (PLH) peuvent créer une conférence intercommunale du logement, regroupant tous les partenaires locaux : maires, préfet, département, bailleurs sociaux, associations de locataires et réservataires de logements. Cette conférence est chargée de définir des orientations sur les attributions de logements sociaux et les modalités de coopération entre les bailleurs sociaux et les titulaires de droits de réservation.

Par ailleurs, l’article 8 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (dite loi Lamy) prévoit que, sur le territoire des EPCI compétents en matière d’habitat et ayant au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), une convention intercommunale d’équilibre territorial est obligatoirement signée pour définir des objectifs de mixité sociale à prendre en compte dans les attributions de logements sociaux.

Enfin, les EPCI peuvent toujours proposer aux bailleurs sociaux présents sur leur territoire de conclure un accord collectif intercommunal, prévu par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL). Cet accord collectif définit, pour chaque organisme, un engagement annuel quantifié d’attribution de logements aux personnes défavorisées identifiés dans le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisés (PDALHPD).

2. Les dispositions du projet de loi

Conformément aux conclusions des CIEC, le présent article vise à créer un mécanisme limitant la concentration de pauvreté dans les mêmes quartiers.

Les alinéas 25 à 27 obligent, dès la promulgation de la loi, les bailleurs sociaux à consacrer, à l’échelle intercommunale, au moins 25 % des attributions de logements situés en dehors des QPV au quartile de demandeurs les plus pauvres ou aux personnes relogées dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.

D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, la moyenne nationale se situe aujourd’hui à 19 %, avec de fortes disparités régionales. Ainsi, ce taux n’est que 12 % en Ile-de-France et de 15 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans ces deux régions, les attributions de logements sociaux participent donc bien aux mécanismes de ségrégation sociale et spatiale. Très peu de ménages modestes accèdent à un logement social en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L’alinéa 28 précise que l’accord collectif intercommunal pourra répartir entre les bailleurs les attributions à réaliser afin que le taux minimum de 25 % soit respecté sur le territoire de l’EPCI. Enfin, l’alinéa 30 prévoit un pouvoir de substitution du préfet en cas de manquement à cette nouvelle règle.

C. LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté 50 amendements à l’article 20.

À l’initiative de Mme Carrillon-Couvreur, la Commission a tout d’abord élargi la liste des personnes prioritaires pour l’attribution d’un logement social aux personnes qui sortent d’appartements de coordination thérapeutique.

Elle a ensuite adopté une série d’amendements des rapporteurs afin de mieux distinguer, tout au long de l’article 20, les ménages relevant du DALO et les publics prioritaires au sens de l’article L. 441-1 du CCH.

À l’initiative de M. Pupponi et du groupe SER, mais contre l’avis du Gouvernement et des rapporteurs, la Commission a, en outre, créé, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les communes ayant au moins 40 % de leur population en QPV, des plafonds d’attributions de logements sociaux au premier quartile de demandeurs et aux publics prioritaires. Ce plafond se situe à 50 % des attributions mais ce taux peut être modulé par la conférence intercommunale du logement.

Afin de mieux adapter les obligations d’attribution en dehors des QPV aux réalités de chaque territoire, la Commission a, par ailleurs, adopté un amendement du Gouvernement permettant aux conférences intercommunales du logement de définir le taux minimal d’attribution au premier quartile de demandeurs. En l’absence d’orientations de la conférence intercommunale, le taux de 25 % fixé par la loi demeure toutefois la règle.

Dans le même esprit, la Commission a adopté une série d’amendements des rapporteurs afin de rendre obligatoire la création des conférences intercommunales du logement et d’obliger celles-ci à répartir entre les bailleurs, dans le cadre d’une convention intercommunale, les attributions à réaliser pour atteindre le taux minimal d’attribution aux plus modestes en dehors des QPV. Cette convention devra prendre en compte l’occupation sociale du patrimoine de chaque bailleur afin que des nouvelles poches de pauvreté ne soient pas créées. Dans un souci de simplification, les amendements des rapporteurs, adoptés par la Commission spéciale, ont également permis de fusionner l’accord collectif intercommunal prévu à l’article L. 441-1-1 du CCH et la convention d’équilibre territorial prévue à l’article 8 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Enfin, à l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a adopté un amendement prévoyant que la résiliation des conventions de délégation du contingent préfectoral signées avec les maires ne soit plus obligatoire mais optionnelle. La rédaction initiale de l’article 20 mettait, en effet, fin, dans un délai d’un mois après la publication de la présente loi, à toutes les conventions de délégation du contingent préfectoral consenties aux maires. Dans certains cas, notamment en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la mauvaise application de la délégation empêche l’État de reloger les ménages reconnus prioritaires au titre du DALO. Par ailleurs, la loi ALUR a prévu que le contingent préfectoral pouvait désormais être délégué aux EPCI compétents en matière d’aides à la pierre et que, dans ce cas, cette délégation était insécable avec la prise de responsabilité du DALO. Il semblait toutefois absurde de pénaliser de manière uniforme tous les territoires alors que, dans certaines communes, l’application de la convention de délégation se fait en bonne intelligence entre le préfet et le maire. L’amendement adopté, tout en maintenant le principe selon lequel aucune nouvelle délégation ne sera possible, laisse donc la possibilité au préfet, après avis du Comité régional de l’habitat et de l’hébergement, de décider de résilier ou non les conventions de délégation existantes.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS355 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Alors que les dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et de la loi Lamy qui tendent à renforcer la mixité dans le logement social ne sont pas encore appliquées, y a-t-il lieu de légiférer à nouveau à ce sujet, qui plus est en compliquant le dispositif et par des mesures que l’on peut penser incantatoires ? En présentant cet amendement de suppression, je demande au Gouvernement de nous donner de bonnes raisons de maintenir l’article.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. L’article tend à compléter les dispositions adoptées depuis 2012, qu’il s’agisse de l’article 55 de la loi sur la mobilisation du foncier en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ou des dispositions pertinentes de la loi ALUR et de la loi Lamy. Il s’agit ici d’assurer la meilleure gestion possible des flux, dispositif important de lutte contre la ségrégation spatiale et sociale par les règles d’attribution.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Même avis.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. L’amendement me permet de préciser le propos que j’ai tenu devant vous la semaine dernière. L’article 20 tend à compléter le dispositif que vous avez élaboré dans les lois ALUR et Lamy en renforçant la transparence dans les attributions de logement et en faisant obligation aux bailleurs sociaux de donner des renseignements sur le peuplement de leur parc immobilier. Surtout, il instaure l’objectif que 25 % des attributions de logements sociaux pour les ménages du premier quartile ait lieu hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cela signifie qu’une attribution sur quatre devra concerner les ménages qui ont les plus bas revenus – pour qui le logement social est aussi fait. C’est un objectif d’égalité. Actuellement, les disparités territoriales sont très fortes, les difficultés innombrables, et vous êtes nombreux qui interpellez le Gouvernement et l’Agence nationale de contrôle du logement social sur la transparence des attributions et la nécessité de réaffirmer des règles et de les imposer à tous les offices HLM. C’est l’objet de l’article, qui vise à améliorer notre politique du logement. Aussi, je suggère le retrait de l’amendement, auquel je donnerais évidemment un avis défavorable s’il était maintenu.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS515 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. L’amendement, rédactionnel, insère après l’alinéa 2 un nouvel alinéa tendant à placer l’objectif de mixité sociale au cœur de la démarche.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement étant incompatible avec l’alinéa 3, qui définit plus précisément ce que doit être la mixité sociale, j’en demande le retrait.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis, pour la même raison.

M. François Pupponi. Affirmer immédiatement cet objectif a une forte portée symbolique. Je maintiens l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS148 de Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Il faut, certes, favoriser l’accès des ménages les plus pauvres aux secteurs situés hors des QPV, mais aussi aux secteurs situés hors des quartiers placés en veille active. On évitera ainsi que ces derniers ne redeviennent des QPV ou ne soient voués, à terme, à la démolition. C’est le sens de l’amendement.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Nous débattrons ultérieurement des moyens à utiliser pour loger les plus modestes hors des QPV et du rôle des comités interprofessionnels du logement à cet effet. La proposition, compréhensible, devrait être reprise dans ce cadre. Dans l’intervalle, je demande le retrait de l’amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. C’est aussi ce que je suggère. L’objectif de 25 % d’attributions de logements sociaux aux ménages du premier quartile se fait à l’échelle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; le Gouvernement proposera, plus avant dans le débat, de satisfaire cet objectif par le biais d’une discussion intercommunale. Qu’un quartier sorte de la liste des QPV pour devenir un quartier en veille active est une victoire – même si elle est fragile – car cela traduit l’évolution favorable des indicateurs et donc la meilleure situation de quartiers qui, vous avez été nombreux à le dire, auraient dû sortir depuis très longtemps de la géographie prioritaire. Exclure, outre les QPV, les quartiers en veille active du périmètre d’application de l’objectif visé, c’est exclure 900 quartiers qui demeurent aidés par l’ANRU et qui continuent de bénéficier de dispositifs scolaires spécifiques. Ce n’est pas en attribuant un logement social sur quatre au public considéré qu’on appauvrit totalement un quartier. C’est dans le cadre de la discussion intercommunale dont je vous proposerai d’adopter le principe que les EPCI pourront décider de mettre votre proposition en œuvre.

M. Michel Heinrich. Qu’un quartier classé en QPV devienne un quartier en veille active n’est pas toujours une victoire, madame la ministre. Ainsi, un QPV de ma circonscription est passé à la classification « veille active » parce que les habitants n’avaient pas fait leur déclaration de revenus, lacune qui a eu pour effet de rehausser artificiellement le revenu moyen du quartier. Cela se produit ailleurs en France. On ne peut donc généraliser. Parce que la situation des quartiers en veille active est encore très fragile, la proposition est bonne.

Mme Jacqueline Maquet. Je retire l’amendement, tout en me réservant la possibilité de le présenter à nouveau au moment du débat à venir sur l’intercommunalité.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS911 et CS912 des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CS167 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Le lien, essentiel, avec la commune d’implantation doit faire partie des critères d’attribution d’un logement social. C’est indispensable à la réussite de la politique du logement social que nous souhaitons tous.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le lien avec la commune d’implantation est effectivement essentiel et il est conservé, mais le texte précise qu’il ne peut plus être exclusif. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il s’agit d’un point de droit : le Défenseur des droits a dit que la préférence communale ne peut être utilisée comme critère prépondérant pour fonder une exclusion dans l’attribution d’un logement. Avis, pour cette raison, défavorable.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS768 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. Faire jouer la préférence communale dans l’attribution des logements sociaux entrave le relogement des ménages en difficulté. L’amendement vise à la supprimer et à prendre en considération d’autres critères tels que l’éloignement du lieu de travail ou des établissements scolaires.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le texte est équilibré : il maintient le lien avec la commune d’implantation mais dit qu’il ne peut plus être exclusif. Aussi, en cas d’égalité entre deux dossiers, on pourra par exemple retenir pour critère que l’enfant d’un demandeur est scolarisé dans la commune considérée. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Mme Gilda Hobert. Prenant acte que le lien avec la commune d’implantation ne peut être un critère prépondérant d’attribution, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS769 de Mme Gilda Hobert.

Mme Gilda Hobert. L’idée avancée est semblable.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement est satisfait ; j’invite à son retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS168 de M. Sylvain Berrios et CS504 de M. François Pupponi, et de l’amendement CS125 de M. Jean-Marie Tétart, qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

M. François Pupponi. Je retire l’amendement CS504.

L’amendement est retiré.

Mme Isabelle Le Callennec. L’équité doit conduire à ce que, à dossier équivalent, le lien avec la commune d’implantation du logement constitue un motif d’attribution de ce logement. Quand de nouveaux logements sociaux attractifs sont construits, la population ne comprend pas qu’à dossier égal, on ne favorise pas un habitant de la commune. C’est l’objet de l’amendement CS168.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je l’ai indiqué, le texte permet de retenir la préférence communale au nombre des critères d’attribution. L’amendement étant satisfait, j’en suggère le retrait, ou j’exprimerai un avis défavorable.

M. Jean-Marie Tétart. Dans les zones qui ne sont pas soumises aux dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), les logements sociaux sont construits volontairement, sur le budget communal. Ne pas en tenir compte, c’est décourager ces initiatives volontaires, singulièrement dans les petites communes. Voilà pourquoi l’amendement CS125 souligne la nécessité de permettre à une collectivité d’attribuer un logement social à l’un de ses habitants ou, par solidarité du chef-lieu de canton avec les villages voisins, à l’habitant d’une commune avoisinante.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’argent communal demeure de l’argent public et les collectivités qui investissent dans le logement social disposent d’un contingent dont elles peuvent disposer dans les conditions prévues par la loi.

M. Jean-Marie Tétart. À supposer que le préfet ne le préempte pas…

M. Sylvain Berrios. Nous ne souhaitons pas une préférence communale stricte mais la réaffirmation d’un lien de proximité, particulièrement utile lorsqu’une personne fragile est suivie par les services sociaux.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je viens d’entendre parler de ce que les habitants « ne comprennent pas ». Parlons franc : ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que des maires ne respectent pas la loi SRU et pensent qu’il est utile, pour se faire élire, que leur commune paye des amendes. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il manque tant de logements que, partout dans le pays, des hommes, des femmes, des enfants, de jeunes mineurs sortant de l’aide sociale à l’enfance sont à la rue. Il y a unité en France à ce sujet, et c’est pourquoi, depuis tant d’années, nous sommes tous mobilisés, sur tous les bancs, et que de si nombreux outils législatifs ont été définis pour accroître l’offre. Ensuite, imposer, comme vous le proposez, un critère prépondérant de préférence communale est contraire au droit, je vous l’ai dit. Toute commune peut instaurer un barème et, à dossier égal, attribuer au critère de résidence dans la commune un certain nombre de points – mais ce critère ne peut être prépondérant, et c’est pourquoi les amendements sont inopérants.

D’autre part, l’État a une obligation de relogement, que vous avez votée de manière réitérée ; de nombreuses voix se sont d’ailleurs exprimées pour élargir le champ des publics prioritaires et donc pour renforcer cette obligation, qui s’exerce par le biais du contingent préfectoral, hors de toute préférence communale. Il n’empêche que, même dans des régions où la demande est très forte, des préfets travaillent en étroite collaboration avec les élus locaux pour éviter de déménager des gens de manière fortuite. Restons-en aux dispositions proposées dans le texte ; elles sont adaptées et permettent de faire jouer les critères évoqués – par exemple, que les enfants soient scolarisés dans la commune considérée ou que le demandeur y travaille.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette successivement les amendements CS168 et CS125.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS149 de M. Pascal Thévenot.

M. Pascal Thévenot. Il convient de tenir compte, pour l’attribution d’un logement, de l’exercice d’une activité professionnelle dans la commune ou l’intercommunalité.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine les amendements CS131 et CS 132 de M. Jean-Marie Tétart.

M. Jean-Marie Tétart. Avec votre autorisation, Madame la présidente, je présenterai ensemble ces amendements liés. Mme la ministre l’a dit, on ne peut continuer à laisser des gens dormir dehors. Or, des dossiers de demande de logement sont refusés par les commissions d’attribution au motif qu’une fois prélevés le loyer et les charges, les ressources restantes sont jugées insuffisantes et le taux d’effort trop important. Cela revient à renvoyer les impétrants à leur caravane, à leur foyer ou à la rue. Comme je l’ai signalé plusieurs fois – c’est ma marotte –, pour favoriser l’attribution de logements sociaux aux publics prioritaires, il faut adopter l’approche inverse : déterminer d’abord ce dont les ménages concernés ont besoin pour vivre et déclencher ensuite une remise sur le loyer envisagé. C’est l’objet de l’amendement CS131. L’amendement CS132 établit d’autre part que l’insuffisance de ressources ne peut être cause de rejet d’une demande d’attribution de logement social. Si nous voulons vraiment loger ceux qui sont sans toit, nous devrons un jour procéder ainsi. On me répond à chaque fois, que le « Grand soir » n’est pas encore arrivé. Mais, pour ma part, j’en ai assez de devoir renvoyer des gens à la rue parce que leurs ressources restantes sont jugées insuffisantes.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi ALUR. La logique qui sous-tend ces amendements peut sembler pertinente mais elle se heurte à l’obstacle que les remises sur loyer seraient financées par le supplément de loyer de solidarité (SLS), une ressource limitée car la loi de finances pour 2016 a affecté 85 % de son produit au Fonds national des aides à la pierre. Il paraît plus pertinent que les bailleurs utilisent la faculté qui leur sera offerte par l’article 26 de fixer, à partie du 1er janvier 2019, une nouvelle politique des loyers pour tenir compte, à la relocation, de la situation des ménages les plus modestes. C’est un début de solution. Pour ces raisons, je demande le retrait des deux amendements.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il est juste de poser ce problème, mais un décret ne le résoudrait pas. Le Conseil économique, social et environnemental, les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux et des associations ont étudié le mode de calcul du montant du « reste à vivre » qui justifie l’acceptation ou le refus d’un dossier de demande de logement par les bailleurs sociaux. Nous connaissons tous des ménages qui consacrent 50 % de leurs ressources à leurs dépenses de logement, dont des personnes contraintes d’habiter des logements insalubres ou victimes de marchands de sommeil. Entrés dans un logement social, ces ménages ne consacreront plus que 30 % de leurs revenus à cette dépense, mais certains bailleurs estiment cette proportion trop élevée. Puisque ce sont les organismes HLM qui décident quel doit être le montant des ressources restantes, c’est lors des conseils d’administration que cette très juste question doit être traitée et le seuil fixé éventuellement remis en cause.

Nous ne pouvons d’autre part pousser les demandeurs de logement social au surendettement, ce qui se produirait si le loyer demandé excédait manifestement leurs ressources. Il en résulterait des expulsions : on sait que la moitié des expulsions prononcées ont lieu dans l’habitat social. J’ajoute que le produit du supplément de loyer de solidarité peut notamment être utilisé pour procéder à des adaptations. Enfin, nous avons affecté aux organismes de logement social les 170 millions d’euros obtenus par la baisse du taux de commissionnement des banques pour leur permettre de renégocier à la baisse certains loyers fixés dans le cadre de conventions de prêt locatif social qui ne correspondent plus aux besoins des territoires concernés.

Un décret dont on ne sait sur quels critères il serait fondé au niveau national ne résoudrait pas le problème évoqué, dont je considère, en ma qualité d’ancienne élue francilienne chargée de la politique du logement, que la solution ne relève pas de la loi mais de la politique locale des bailleurs sociaux. Pour ces raisons, j’exprime, comme votre rapporteur, un avis défavorable aux deux amendements.

M. Jean-Marie Tétart. Les possibilités ouvertes par l’article 26 ne s’appliquent qu’en cas de relocation et non pas pour une première installation. D’autre part, le risque de surendettement est exclu : les deux amendements forment un ensemble cohérent et la remise sur loyer s’appliquerait automatiquement, en fonction du « reste à vivre » nécessaire précédemment calculé.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette successivement les amendements CS131 et CS132.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1192 des rapporteurs et CS474 de M. André Chassaigne.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement tend à préciser l’alinéa 11 pour faire apparaître explicitement que les bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO) sont concernés au premier chef par les dispositifs de relogement prioritaire. Cela devrait rassurer M. Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’amendement CS474 est presque semblable, mais j’aimerais avoir la garantie que le critère d’urgence du relogement des personnes déclarées éligibles au DALO est conservé. On considère de facto que les réservataires – préfets et communes – doivent mener des politiques d’attribution de logement convergentes, respectant les avis des commissions de médiation. De nombreuses communes ont une politique de logement ; certaines sont bonnes, mais d’autres ressortissent du clientélisme, ce qui dessert l’application de la loi DALO. Ces deux amendements apportent des éclaircissements nécessaires, même si certains maires peuvent exprimer des réticences à l’idée que l’on rogne leurs prérogatives en matière d’attribution de logements. Si je suis assuré que l’amendement des rapporteurs maintient le critère d’urgence pour les bénéficiaires du DALO, je retirerai le mien.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Rien ne change à ce sujet, monsieur Chassaigne : c’est la décision favorable de la commission de médiation qui fait tout.

L’amendement CS474 est retiré.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis favorable à l’amendement des rapporteurs. En lisant ces amendements en discussion commune, j’ai pris conscience d’une petite erreur rédactionnelle, qui a pu susciter quelque affolement mais qui n’avait rien de délibéré. Le relogement des bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO) est de toute manière prioritaire. Le Gouvernement soutient cet amendement rédactionnel, dont je pense qu’il répond aussi à la préoccupation de M. Chassaigne.

La Commission adopte l’amendement CS1192.

En conséquence, les amendements CS169, CS490, CS491, CS492, CS604, CS71, CS170 et CS522 tombent.

M. Sylvain Berrios. Madame la présidente, permettez-moi cependant de dire un mot de l’amendement CS169. Il s’agit de rappeler que le DALO est presque un recours ultime. Son bénéfice ne peut être intégré comme un critère de priorité au moment de l’étude du dossier : le DALO est une voie de recours particulière ou singulière.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Je l’ai dit : l’article 20 ne modifie pas les règles applicables à la procédure DALO. Il ne s’agit que de procéder à une clarification en harmonisant et en regroupant à l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation tous les critères de priorité pour l’attribution d’un logement social. Les ménages qui bénéficient d’une décision favorable de la commission de médiation doivent évidemment être relogés d’urgence, comme je l’ai dit.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis également défavorable à cet amendement. Compte tenu des astreintes que paie l’État en raison du non-relogement de publics reconnus DALO, nous devrions nous garder de tout débat qui remette en cause leur relogement en urgence.

Depuis l’instauration du DALO – nous avons fêté les neuf ans de cette grande avancée législative –, ce sont 100 000 personnes qui ont été relogées par cette procédure spécifique, et un certain nombre doivent encore l’être. Et le législateur a fait le choix de prévoir le paiement par l’État d’astreintes au montant très élevé. Le DALO donne un droit prioritaire au logement, en urgence. Cela fait l’essence même du DALO. C’est aussi pour cela qu’il me semble important de préciser les choses, notamment par cet amendement CS1192 que vous venez d’adopter, sans abîmer ce qui est une grande avancée pour l’ensemble de nos concitoyens.

Mme Isabelle Le Callennec. Le problème me semble tenir à la manière dont les choses sont présentées. Si les bénéficiaires du DALO avaient été mentionnés au terme de cette liste des catégories de personnes prioritaires qui est l’objet de l’article 20 – personnes en situation du handicap, personnes mal logées, personne hébergées temporairement dans un logement de transition –, nous aurions peut-être été moins enclins à proposer cet amendement, indépendamment du fait qu’il serait peut-être utile de viser aussi les jeunes. Ces derniers sont particulièrement concernés par les problèmes de logement, notamment dans les grandes villes.

Le problème est que vous mentionnez d’abord les attributions de logement au titre du DALO, puis tous les critères prioritaires. Or, à force de critères prioritaires, il y a des tas de gens qui n’ont pas accès au logement social. Je ne suis pas certaine que de telles dispositions permettent de remédier à ce manque criant de logements sociaux que vous avez évoqué, madame la ministre.

M. Michel Piron. Ayant moi-même été le rapporteur de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion dans laquelle s’inscrivait le DALO, je serais plutôt partisan que nous nous en tenions aux dispositions existantes. Soyons prudents. Le DALO a défini des priorités très claires et permis d’agir très vite sur le flux – l’effet sur le stock ne fut malheureusement pas le même, notamment en raison du manque de logements à Paris et en Île-de-France. Le DALO est quand même le « noyau dur » de priorités qu’il faut absolument essayer de respecter.

M. François Pupponi. Madame la présidente, je déplore que l’adoption de l’amendement CS1192 des rapporteurs ait fait tomber l’amendement CS604 déposé par le groupe socialiste, qui visait à limiter la possibilité de loger plus de populations fragiles dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ce n’est pas que nous refusons d’en discuter, cher collègue. Simplement, une nouvelle rédaction de l’alinéa 11 a été adoptée. Tous les amendements visant à modifier celui-ci tombent donc. Nous aborderons cependant très bientôt les problèmes que vous évoquez.

La Commission examine l’amendement CS442 de Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet amendement a pour objet d’ajouter à la liste des catégories prioritaires pour l’attribution d’un logement social les personnes qui quittent un appartement thérapeutique pour accéder une certaine autonomie.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis favorable à cet amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. Il s’agit de situations extrêmement difficiles, plus ou moins prises en comptes aujourd’hui. Soutenons le travail social en faveur de ces personnes par cette disposition.

M. Michel Piron. Je ne nie certainement pas que la situation des personnes concernées en l’occurrence relève de l’urgence, mais nombreuses sont les situations qui relèvent de l’urgence. Si nous les recensons toutes, si nous donnons la priorité à toutes, alors il n’y a plus de priorité. Les critères en vigueur devraient déjà permettre de traiter les situations évoquées, sans qu’il soit besoin d’édicter une nouvelle priorité.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient aux amendements identiques CS310 de M. Michel Piron et CS770 de Mme Gilda Hobert.

M. Michel Piron. Il s’agit de conserver la formulation retenue également pour le droit au logement opposable.

Mme Gilda Hobert. Il me semble important de mentionner les établissements de transition : centres hospitaliers universitaires, centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA)… Les personnes qui y sont hébergées ou logées temporairement ont tout à fait le droit de compter parmi les catégories prioritaires.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis favorable à ces amendements identiques. La rédaction proposée correspond, en effet, à celle qui existe actuellement pour le recours DALO.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Le Gouvernement est favorable à ces amendements identiques, qui améliorent la rédaction du texte proposé.

La Commission adopte les amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement CS1015 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Comme nous y invite notre collègue Piron, soyons vigilants et n’allongeons pas outre mesure la liste des publics prioritaires. Il en est cependant un qui mérite une attention particulière : celui des jeunes en formation. Nous avons là un défi à relever.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. La question de l’accès des jeunes au logement social est effectivement importante. Néanmoins, et même si, tout à l’heure, j’ai accepté un amendement, je suis très sensible à la préoccupation exprimée par M. Piron. N’allongeons pas constamment la liste des publics prioritaires, d’autant que l’expression « personnes âgées de 18 à 25 ans engagées dans une action de formation professionnelle » recouvre de nombreuses situations extrêmement différentes, y compris en termes de revenu. En outre, aujourd’hui, les jeunes bénéficient d’une part considérable des attributions de logements sociaux alors qu’ils représentent une part assez faible des demandeurs. Nous ne devons pas forcément nous satisfaire de la situation. Cependant, en 2014, les moins de trente ans représentaient 30 % des demandeurs mais 39,1 % des attributions de logements sociaux. Les jeunes ne sont donc pas les plus en difficulté de ce point de vue, même si d’autres questions se posent : leur solvabilisation, la caution locative, parfois un problème de double domicile dans le cadre d’une formation, la nécessité de dispositifs spécifiques pour jeunes apprentis ayant besoin d’un logement pour une courte durée… Il faut donc que les programmes de logement innovent.

N'introduisons cependant pas de critère d’âge – si vous le faites, je sais que vous me proposerez ensuite de rendre prioritaires les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, le nombre de demandes qui émanent de cette catégorie de la population augmentant en raison de la précarisation des retraités. Je préfère le dire dès maintenant pour éviter que le problème ne se pose en séance.

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis très surprise, madame la ministre, des chiffres que vous venez de donner. Il me semblait qu’il y avait 7 % de jeunes dans le logement social et ils représenteraient 39 % des attributions !

Ce sont les deux tiers des Français qui remplissent les conditions de ressources auxquelles l’accès au logement social est soumis. Il y a donc un vrai problème, car le nombre de logements sociaux n’est pas en rapport avec ces effectifs. Allonger la liste des publics prioritaires n’en suscitera pas moins de frustrations.

Je rappelle aussi que certaines régions comptent de nombreux logements sociaux vacants – pas simplement 10 000 ou 15 000, beaucoup plus. Et des personnes peuvent se permettre de refuser un logement social qui leur est proposé, parce qu’elles estiment que leur ville en compte de meilleurs qui pourraient leur être attribués. En fait, il y a une complète inadéquation de l’offre et de la demande sur le territoire français. Réglons d’abord ce problème. Sinon, nous ne nous comprendrons jamais au moment d’examiner des amendements sur ces sujets : chacun se réfère à la situation de son propre territoire, qui n’est pas forcément comparable à celle du territoire voisin.

M. Michel Piron. Et si les deux tiers des Français sont accessibles au logement social, cela ne rend que plus nécessaire d’édicter des priorités qui soient vraiment prioritaires !

M. Pascal Thévenot. Je souscris aux propos de Mme la ministre mais quel est l’ensemble de référence de ces 39 % ? Inclut-il les logements étudiants ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je parle de l’ensemble des attributions.

Mme Audrey Linkenheld. Les chiffres avancés par Mme la ministre sont tirés de statistiques nationales mais se vérifient dans un certain nombre de territoires, y compris dans des zones tendues, y compris dans des régions comptant beaucoup de jeunes. Moi-même élue des Hauts-de-France, je confirme que la part des jeunes est plus importante dans les attributions de logements que dans les demandes.

Par ailleurs, existent et se développent des dispositifs spécifiques pour les jeunes. Les foyers de jeunes travailleurs ont toujours existé, existent encore et sont même l’objet d’un certain nombre de projets de réhabilitation ou d’humanisation. S’y sont ajoutées, ces dernières années, des résidences pour jeunes actifs, pour les jeunes dont les revenus ne sont pas encore totalement stabilisés mais qui ont besoin de se loger. Enfin, comme Mme la ministre l’a dit, il appartient à chacun d’entre nous, sur les territoires, de renvoyer les bailleurs à leurs responsabilités : ils doivent intégrer le fait qu’aujourd’hui un jeune, y compris un jeune travailleur ou en formation, n’a pas forcément un contrat stable. Ils doivent admettre qu’ils peuvent avoir un CDD, un emploi intérimaire, des revenus qui leur permettent de se loger.

Je suis donc favorable au retrait de cet amendement.

M. le rapporteur général. Je retire cet amendement, nous allons voir comment on peut prendre en compte cette considération d’ici au débat en séance.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la Commission adopte l’amendement rédactionnel CS966 des rapporteurs.

Puis elle examine en discussion commune, les amendements identiques CS13 de M. Jean-Claude Buisine, CS136 de Mme Colette Capdevielle, CS430 de M. Pascal Cherki et CS821 de M. Kader Arif.

M. Pascal Demarthe. L’amendement CS13 vise à imposer, par l’ajout d’un alinéa, les jeunes parmi les catégories prioritaires des politiques de logement social.

Mme Colette Capdevielle. L’amendement CS136 est défendu.

Mme Anne-Christine Lang. L’amendement CS430 est défendu.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis défavorable à ces amendements identiques. Si nous accumulons les priorités, il n’y en aura plus aucune. Et, sur un plan plus pratique, les acteurs locaux pourront ajouter des publics prioritaires à ceux prioritaires en vertu de la loi.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. À l’instant, je vous donnais les chiffres de l’année 2014, mais, en 2015, les personnes âgées de dix-huit à vingt-neuf ans représentaient 23,78 % des demandes et 33,2 % des attributions de logements sociaux. Encore ces chiffres n’intègrent-ils pas les résidences des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ; les pourcentages réels sont donc encore plus élevés.

Vous avez raison de penser que l’accès au logement des jeunes est une question prioritaire – c’est important pour leur autonomie, leur capacité à bien se former, leur entrée dans la vie – mais leur situation est moins tendue que celle d’autres segments. Je songe en particulier aux familles de personnes de plus de trente ans avec un ou deux enfants et aux personnes à la retraite ou proches de la retraite – c’est une nouvelle population plus importante dans les fichiers de demandeurs, notamment dans les métropoles. Il ne me semble pas opportun d’ajouter des critères d’âge pour définir les publics prioritaires. Beaucoup de jeunes sont déjà dans les publics prioritaires, notamment les bénéficiaires du DALO, non à cause de leur jeunesse, mais à cause de leur situation sociale, que la jeunesse n’explique pas à elle seule.

La Commission rejette les amendements identiques.

Puis elle se saisit de l’amendement CS821 de M. Kader Arif.

M. Kader Arif. Nos sociétés comptent de plus en plus de familles monoparentales. En fait, ce sont souvent des femmes, qui assument la charge d’un ou plusieurs enfants et qui se retrouvent en grande difficulté financière après un divorce ou une séparation. Il s’agirait de les ajouter à la liste des personnes prioritaires pour l’attribution d’un logement social.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait. À l’alinéa 13, les personnes mal logées, avec ou sans enfants à charge, sont déjà reconnues prioritaires. Par ailleurs, si des territoires connaissent une augmentation de la population de familles monoparentales – et les bailleurs en logent effectivement de plus en plus –, les accords conclus au niveau intercommunal peuvent très bien prévoir que ces familles monoparentales seront prioritaires, en plus des publics prioritaires déterminés par la loi – et après eux.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cette préoccupation est effectivement satisfaite. Les personnes seules assumant la charge d’un ou plusieurs enfants font déjà partie des publics prioritaires. Par ailleurs, dans certaines régions, dont la mienne, il y a plus de 40 % de familles monoparentales. Dès lors, est-ce vraiment une priorité ? N’est-ce pas plutôt la nouvelle forme de la famille ? Des immeubles peuplés uniquement de familles monoparentales posent d’ailleurs des difficultés de vie et de gestion qu’il n’est pas évident de régler.

M. Kader Arif. Je suis satisfait de ces réponses, même si une disposition symbolique dans le cadre de ce texte aurait été bienvenue.

L’amendement CS821 est retiré.

La Commission se saisit des amendements identiques CS153 de M. Pascal Thévenot et CS173 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. À force d’ajouter des publics prioritaires, nous risquons d’exclure une partie des classes moyennes, notamment dans les zones tendues, comme l’Île-de-France. Je propose donc, par l’amendement CS153, de ne pas tenir compte de certaines nouvelles priorités dans le cadre de certains EPCI.

M. Sylvain Berrios. L’amendement identique CS173 procède des mêmes considérations que l’amendement CS153.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis évidemment défavorable à ces deux amendements qui touchent au cœur du dispositif proposé. Il s’agit de mieux attribuer les logements sociaux et d’éviter cette ségrégation spatiale que certains territoires connaissent.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine l’amendement CS610 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Cet amendement porte sur l’extension aux EPCI des mesures relatives à l’obligation de réserver un pourcentage des attributions hors QPV au profit des demandeurs aux ressources les plus faibles. Il a aussi pour objet de transférer la charge de l’amende au territoire qui aura à gérer le sujet.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Nous sommes un certain nombre à considérer que les enjeux de mixité sociale et de ségrégation spatiale ne se limitent pas aux zones tendues, mais une application trop stricte de la règle des 25 % hors QPV pourrait entraîner des difficultés. C’est pourquoi je suis plutôt favorable à une adaptation locale, par la voie d’accords au sein des conférences intercommunales du logement, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

En effet, nous y reviendrons. Aujourd’hui, des zones tendues comme des zones non tendues atteignent et dépassent l’objectif de 25 %, comme des zones tendues et des zones non tendues en sont très éloignées. La question de la mixité sociale n’est pas une question de zone tendue ou pas, c’est une question de ségrégation spatiale, et c’est de ce point de vue que la question doit être envisagée. L’esprit qui présidait à la loi ALUR était de responsabiliser les élus locaux, de poursuivre le travail avec les intercommunalités. Nous verrons, dans la discussion que nous voulons, que les territoires s’investissent dans la mise en œuvre de ce principe. Ils seront donc amenés aussi à regarder leur diagnostic de territoire pour arriver à cet objectif.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CS214 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. Cet amendement porte sur les conditions dans lesquelles s’effectue l’attribution des logements dans les quartiers situés en dehors des quartiers politique de la ville aux 25 % des ménages aux ressources les plus faibles. J’appelle l’attention sur le cas parisien – mais cela vaut peut-être aussi pour Lyon et Marseille. Étant donné qu’à peu près 80 % des logements sociaux parisiens sont concentrés dans quatre ou cinq arrondissements, le risque est important, de notre point de vue, que les 25 % des ménages aux ressources les plus faibles soient évidemment systématiquement affectés dans les mêmes quatre ou cinq arrondissements. Le risque est donc fort de créer, de fait, de nouveaux QPV dans ces arrondissements – les autres arrondissements ne disposant pas de logements sociaux, on ne peut pas y attribuer ces 25 % hors QPV.

À titre personnel, je souscris à cet objectif de sortir ces 25 % et de les placer hors QPV, mais il me paraît important que les commissions qui attribuent ces logements permettent une concertation des réservataires pour qu’ils n’attribuent pas forcément les logements à la même adresse. Il me semble également important que cette commission dispose d’un état des lieux de l’occupation sociale des immeubles concernés par ces attributions, de façon, précisément, à veiller à la mixité. Un groupement d’immeubles hors QPV peut tout à fait être un groupement d’immeubles fragile, et non aisé, sur le point d’être conventionné. Prévenons le risque, élevé, de créer de nouveaux QPV.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous invite, chère collègue, à retirer votre amendement au profit de deux amendements que je présenterai dans quelques minutes. Le premier proposera de rendre obligatoire la répartition entre bailleurs de l’objectif de 25 % hors QPV, dans le cadre d’une convention intercommunale d’attribution. Le second créera, dans le même cadre, une commission de coordination des bailleurs et des réservataires pour qu’y soient examinés en commun les dossiers des demandeurs ; des avis seront rendus. Il s’agit encore une fois d’ajuster des dispositions dont certaines figuraient déjà dans la loi ALUR de manière à les rendre plus directement opérationnelles, dès la promulgation de la loi. Tout cela prendra évidemment place à l’intérieur des conférences intercommunales du logement, que nous proposerons de rendre, elles aussi, obligatoires.

M. Sylvain Berrios. Effectivement, monsieur le rapporteur thématique, la conférence intercommunale paraît une bonne chose.

Je reviens un instant sur le périmètre. Les quartiers sortis du dispositif sont encore, en réalité, en convalescence. Une dynamique de logement se crée parfois à proximité immédiate, tout simplement parce qu’il y a là du foncier disponible, soit dans un QPV soit dans un quartier qui vient juste de sortir du dispositif. Nous risquons de nous trouver dans une situation où se recrée, peu à peu, un QPV à côté d’un QPV ! J’appelle votre attention sur ce point. La question du périmètre de référence sur lequel sont calculés ces 25 % me paraît essentielle.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je souscris à la position du rapporteur et prône le retrait de cet amendement au profit de plusieurs autres, dont l’un émane du Gouvernement.

Cela étant, aujourd’hui, les réservataires n’attribuent pas, ils désignent des candidats ; ce sont les commissions d’attribution qui attribuent. Ensuite, pour lutter contre la ségrégation sociale à l’échelle des grandes métropoles, commençons par tenir nos objectifs de construction – dans l’ensemble des arrondissements à Paris, Lyon et Marseille.

La détermination de la ville de Paris est, à cet égard, exemplaire mais je n’oublie pas que j’ai moi-même inauguré, dans le sixième arrondissement, une pension de famille qui a fait l’objet de quarante-sept recours ! De même, je n’oublie pas les recours intentés Porte d’Auteuil et ailleurs.

Cela étant, disons les choses comme elles sont. Aujourd’hui, les programmes neufs de logements sociaux ne sont jamais des programmes d’un seul bloc, parce que nous avons tiré les leçons du passé. Des financements mixtes permettent, à l’échelle d’un immeuble, une mixité de programmes, entre PLUS (prêt locatif à usage social), PLAI (prêt locatif aidé d'intégration) et PLS (prêt locatif social).

Ensuite, les bailleurs doivent aussi construire des politiques de peuplement intelligentes. Ils ont pu, aidés par l’État et par des élus, contribuer à une organisation de la ségrégation. Les dispositions proposées visent à y remédier. Nous voulons notamment renforcer des obligations de discussion avec les bailleurs.

Mais je vous le dis aussi : construire les logements exigés par la loi SRU là où ils doivent être, c’est aussi un moyen de prévenir la situation que vous craignez. Aujourd’hui, nous avons quand même un problème d’offre de logements abordables dans des quartiers qui sont en effet des ghettos, même si ce ne sont pas nécessairement ceux contre lesquels nous luttons.

Mme Anne-Christine Lang. Je ne suis pas totalement certaine que les propositions du rapporteur résolvent totalement la question du périmètre, mais j’accepte de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

Les amendements CS478, CS477, CS481, CS476, CS475, CS480 et CS479 de M. François Pupponi sont retirés.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CS601 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Par cet amendement, nous proposons que, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ainsi que dans les communes dont plus de 40 % de la population réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, les réservataires et les bailleurs ne puissent pas attribuer plus de 50 % des logements aux populations appartenant au premier quartile.

Cependant, je regrette que nous n’ayons pu fixer, tout à l’heure, un plafond pour le contingent de l’État, car il est, plus souvent qu’on ne le croit, celui qui organise le ghetto. Je ne prendrai qu’un exemple. Un arrêté du préfet du Val-d’Oise interdit que, dans un QPV de ce département, on puisse attribuer un logement social à un demandeur dont les revenus excèdent 160 % des ressources PLUS. Ainsi, hier, un employé de restaurant dont les revenus dépassent ce plafond de ressources de 3 % s’est vu refuser un logement neuf au motif qu’il gagne trop d’argent. Voilà comment l’État promeut la mixité sociale dans ces départements !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Pouvez-vous être plus précis ?

M. François Pupponi. Je vous donne lecture de l’article 1er de cet arrêté : « Une dérogation au plafond de ressources pour l’attribution de logements locatifs sociaux est accordée dans tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville du Val-d’Oise, dans la limite de 160 % des plafonds de ressources PLUS ». Quelqu’un qui gagne 3 000 euros par mois ne peut donc pas se voir attribuer un logement social dans un QPV ! Je défendrai donc, en séance publique, l’amendement, qui est tombé tout à l’heure, visant à appliquer un plancher au contingent des préfets.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je demanderai à M. Pupponi de bien vouloir retirer cet amendement – à défaut, j’émettrai un avis défavorable –, car il risque d’opposer le droit au logement et la mixité sociale alors que l’objectif du projet de loi est précisément de les concilier.

Par ailleurs, nous devons permettre aux territoires, conformément à l’esprit et à la lettre de la loi ALUR, de s’organiser, dans le respect de l’objectif fixé par la loi de consacrer au moins 25 % des attributions à des demandeurs du premier quartile. Ainsi nous vous proposerons, avec le Gouvernement, un certain nombre d’amendements qui visent à permettre aux comités interprofessionnels du logement (CIL) de définir la politique d’attribution la plus fine possible. En effet, les pourcentages que vous citez, monsieur Pupponi, sont fondés sur des réalités locales, mais nous ne disposons d’aucune étude précise qui nous permette de vérifier l’impact des plafonds que vous proposez. Or, il est important que l’ensemble des partenaires puissent se parler et définir ensemble, à partir du diagnostic local et dans le respect de l’objectif fixé par la loi, la meilleure politique d’attribution pour le territoire.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je souscris aux arguments du rapporteur. J’ajouterai qu’exclure des demandeurs prioritaires au-delà d’un certain quota pose un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, monsieur Pupponi, une personne dont les revenus atteignent 160 % des ressources PLUS est éligible au PLI, y compris dans votre ville. Il ne me paraît pas anormal que l’État rappelle aux commissions d’attribution qu’elles ne peuvent pas attribuer un logement PLUS à une personne éligible au PLI. Nous parlons de personnes seules célibataires ayant 3 000 euros nets de ressources mensuelles ou de couples avec deux enfants disposant de 7 200 euros. Cela ne veut pas dire pour autant que les personnes se trouvant dans les situations les plus difficiles doivent toujours se voir attribuer un logement dans les mêmes villes.

Mme Audrey Linkenheld. J’interviens en tant que signataire de l’amendement CS601, puisque celui-ci a été cosigné par l’ensemble des membres socialistes de la commission spéciale. Si nous soutenons M. Pupponi, c’est parce que nous estimons que l’ensemble des contingents, y compris celui de l’État, doivent contribuer à la répartition des attributions dans un objectif de mixité sociale. Je précise que la règle de 50 % proposée dans cet amendement s’appliquerait « sauf accord local au sein de la conférence intercommunale du logement », laquelle pourrait être rendue obligatoire si nous en décidions ainsi. La situation visée devrait donc relever de l’exception, puisque nous espérons que, demain, la plupart des intercommunalités se seront dotées d’une conférence qui adoptera un accord local dans lequel l’ensemble des bailleurs et des réservataires, y compris l’État, définiront la manière dont ils gèrent les attributions.

Nous évoquons ici l’hypothèse dans laquelle, pour une raison ou pour une autre, un tel accord n’a pas été conclu. Et il me paraît important, madame la ministre, que nous soyons clairs sur les instructions qui seront données par les préfets s’agissant de ces contingents dans un certain nombre de territoires. Je peux comprendre qu’attribuer un logement à une personne dont les ressources dépassent 160 % du plafond PLUS puisse surprendre. Mais je rappelle que, dans certaines villes où les logements sont pratiquement tous des logements sociaux, les opérateurs susceptibles de le faire refusent de construire des logements PLI ou des logements libres, de sorte que les personnes éligibles à ce type de logements sont obligées de se loger ailleurs.

Cet amendement – appelons-le amendement d’appel – vise bien la situation dans laquelle un accord local n’aura pas été conclu. Il soulève la question de savoir quel sera le comportement de l’État – dont vous avez vous-même rappelé qu’il était, avec d’autres, notamment les collectivités, responsable de la situation dont nous héritons tous – dans des communes qui assument largement leur part de la mixité sociale.

Mme Nathalie Appéré. Notre rapporteur a fait référence à un amendement dont il nous dit qu’il permettra d’établir un équilibre entre un plancher fixé par l’État, d’une part, et des accords locaux, d’autre part. Je souscris, de manière générale, aux dispositifs qui permettent de tenir compte des spécificités d’un territoire, mais il serait utile que nous disposions de cet amendement pour nous prononcer sur l’opportunité de retirer ou non l’amendement CS601. Il me semble que la logique du texte doit être de favoriser la réflexion locale et la réunion de l’ensemble des partenaires au sein de la conférence intercommunale du logement. Néanmoins, la loi doit fixer non seulement un plancher – en l’espèce l’attribution de 25 % des logements hors QPV à des demandeurs du premier quartile – mais aussi un plafond – et tel est l’objet de l’amendement CS601 – pour éviter de créer de futurs QPV. Au demeurant, la fixation d’un plancher et d’un plafond par la loi n’empêche pas que l’accord local, s’il est meilleur, s’applique.

M. François Pupponi. Tout d’abord, je ne peux pas décider de retirer l’amendement CS601, puisqu’il a été cosigné par l’ensemble des commissaires socialistes. Ensuite, cet amendement précise bien que le plafond de 50 % ne s’appliquerait qu’en l’absence d’accord local. Il s’agit donc d’une garantie, car, ne nous racontons pas d’histoire, si nous ne fixons pas un tel plafond, c’est que nous n’avons pas la volonté politique de lutter contre les ghettos. Notre amendement ne concerne que les villes, et leur nombre est extrêmement limité, dont plus de 40 % de la population réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, c’est-à-dire des communes où les plus pauvres des plus pauvres sont quasiment majoritaires.

J’en reviens à l’exemple que j’ai cité tout à l’heure, madame la ministre. Il s’agit d’un quartier qui compte 20 000 habitants et 100 % de logements sociaux ; il a été « blacklisté » par la SNI, qui juge inutile d’y construire des logements locatifs intermédiaires (LLI) au motif qu’il n’existe pas de clients pour ce type de logements. Et je dois dire à une personne qui veut rester dans cette ville où ses enfants sont scolarisés, où il vit et travaille, que je ne peux plus l’y loger parce qu’il gagne trop ! Oui, des dérogations sont nécessaires si nous voulons conserver les classes moyennes dans ces quartiers qui, je le répète, comptent 100 % de logements sociaux !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cette personne est éligible au PLI !

M. François Pupponi. Mais il n’y a pas de PLI dans ce quartier ! Madame la ministre, savez-vous à qui l’État a proposé le logement qu’il a refusé à cette personne ? À quelqu’un qui gagne 800 euros par mois… On continue donc de nous envoyer les plus pauvres ! Car lorsqu’entre-temps, j’ai proposé d’attribuer ce logement à une personne qui gagne 1 500 euros par mois, on m’a répondu qu’elle était encore trop riche.

C’est par ces pratiques, contre lesquelles il faut lutter, que les élus, les bailleurs et les réservataires ont créé des ghettos. Permettez-moi d’ajouter, madame la ministre, que ce n’est pas moi qui ai parlé de politique d’apartheid, mais le Premier ministre.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je tiens à rappeler que l’objectif du projet de loi est d’allier, et non d’opposer, le droit au logement et la mixité sociale. Si nous fixons un plafond, nous risquons de devoir refuser à une famille modeste d’être logée lorsque le plafond sera atteint.

M. François Pupponi. Non !

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ah, si ! Une personne qui, parce que ses ressources sont faibles, et serait donc éligible à un logement pourrait se voir refuser l’attribution de ce logement parce que le plafond est atteint. L’État, certains élus et Action Logement ont une responsabilité dans la situation actuelle. Il est proposé dans le texte que ces partenaires se réunissent, discutent et définissent collectivement, y compris sur leurs contingents, une politique d'attribution correspondant aux besoins du territoire. Mais nous ne pouvons pas fixer de plafond, car celui-ci créerait une véritable difficulté – dont je ne sais pas si elle est d’ordre constitutionnel – d’accès au logement pour les ménages les plus modestes.

Je suggère donc que l’amendement soit retiré et que, d’ici à la discussion en séance publique, nous trouvions une solution qui permette que l’ensemble des obligations qui ont été évoquées, et qui sont justes, se retrouvent dans le texte de la manière la plus précise et consensuelle possible.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je vous propose que nous poursuivions ce débat, mais, par la suite, je serai dans l’obligation de ne donner la parole qu’à un représentant de chaque groupe, car il nous reste à examiner 737 amendements, dont 543 sur le seul titre II.

M. Michel Piron. J’avoue ma perplexité face aux arguments du rapporteur et de M. Pupponi. En effet, la véritable question est celle de savoir si les personnes dont on parle peuvent être logées dans l’ère intercommunale, à proximité de son lieu de travail. Il serait donc intéressant que nous disposions de diagnostics un peu plus complets concernant les zones tendues, notamment l’Île-de-France, qui sont les plus concernées. Nous pourrions ainsi examiner les attributions qu’évoque M. Pupponi et, surtout, savoir ce qu’il en est de la possibilité de relocaliser un certain nombre de demandeurs par rapport à leur lieu d’habitation. Le droit d’habiter sa ville n’est pas un droit absolu, puisque l’offre est parfois moins importante que la demande.

M. Jean-Louis Bricout. Les revenus sont un indicateur très révélateur de la situation sociale d’un territoire. Pourquoi n’accepterait-on pas, dans les communes où le revenu médian est très bas, des personnes dont les ressources sont supérieures à ce revenu de manière à favoriser progressivement la mixité ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Tout d’abord, je ne minimise pas les difficultés : 75 % de la population de Sarcelles, 77 % de la population de Clichy-sous-Bois et 66 % de la population de La Verrière résident dans un QPV. Cette situation existe essentiellement en Île-de-France, mais pas uniquement : à Sainte-Foy-la-Grande, par exemple, 80 % de la population réside dans un QPV. Encore une fois, monsieur Pupponi, une personne dont les revenus atteignent 160 % du plafond PLUS est éligible au PLI et une personne dont le revenu est de 800 euros est éligible au PLAI. J’aimerais que vous me transmettiez le dossier de ce logement, car je m’étonne qu’il puisse être proposé à deux personnes dont les situations sont si différentes. J’ajoute que nous parlons d’une ville où est appliquée l’exemption de surloyers, précisément pour y favoriser la mixité sociale. En tout état de cause, un revenu qui excède 160 % du plafond de ressources PLUS est très éloigné du revenu moyen des Franciliens.

Aujourd’hui, l’enjeu est de favoriser, à l’échelle intercommunale, la mixité dans des villes qui ont la plus grande capacité en logements sociaux dont les loyers sont plutôt bas. J’ai siégé suffisamment souvent à l’ANRU pour connaître les difficultés de commercialisation des programmes d’accession dans la ville de Sarcelles. Il faut, c’est vrai, se donner les moyens de lutter contre la ségrégation spatiale mais, encore une fois, votre proposition aboutirait à créer une discrimination indirecte qui serait anticonstitutionnelle.

Mme Audrey Linkenheld. Nous l’assumons !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je ne suis pas certaine, je vous le dis franchement, que le législateur y ait intérêt. Quant à moi, je ne peux pas assumer le fait que l’on puisse interdire à des personnes de résider dans un quartier parce qu’ils ont de faibles revenus. En outre, c’est contraire aux obligations de l’État en matière de DALO et de logement des publics prioritaires. Vous dénaturez, me semble-t-il, l’objectif de mixité sociale que nous nous sommes fixé en prévoyant qu’une attribution sur quatre à des ménages du premier quartile devait se faire hors QPV – objectif qui ne me paraît pas impossible à atteindre. La mixité sociale doit être inclusive. Encore une fois, la disposition que vous proposez créerait une discrimination indirecte, de sorte qu’elle serait censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Entendons-nous bien : si la mesure que vous proposez était appliquée, il serait plus facile de refuser un logement à un pauvre en QPV que de loger un pauvre hors QPV.

M. François Pupponi. Ce débat m’étonne beaucoup. Je rappelle que ce texte nous est soumis après que le Premier ministre a déclaré, l’année dernière, qu’il fallait mettre fin aux ghettos et à l’apartheid. Comment une telle déclaration ne pourrait-elle pas avoir une traduction législative ? On sait comment on crée les ghettos : en attribuant aux plus pauvres un logement chez les plus pauvres. C’est ainsi que nous avons engendré un monstre !

En tout état de cause, nous continuerons à gérer le stock et à nous occuper, et nous en sommes fiers, des familles qui résident dans ces QPV et qui sont, pour 80 % d’entre elles, en grande difficulté. Mais nous voulons que l’on arrête d’y envoyer d’autres familles qui se trouvent dans la même situation. Et encore, pas toutes, puisque nous proposons qu’une attribution sur deux se fasse dans ces quartiers, voire davantage en cas d’accord local ! Il faut bien que les déclarations du Premier ministre aient une traduction législative. Sinon, il trompe les Français, et cela, je ne peux pas l’imaginer.

Les personnes qui ne seraient pas logées dans ces quartiers le seraient ailleurs. Mais si nous ne fixons pas un plafond législatif, tout le monde conservera ses mauvaises habitudes : les bailleurs, certains élus et les préfets. Voilà la réalité du pays ! Je mène ce combat depuis trente ans, et j’ai le sentiment de connaître le sujet. Je crois que vous vous trompez, madame la ministre. Si la loi « Égalité et citoyenneté » ne comporte pas ce signal fort, alors nous commettons une erreur politique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement rédactionnel CS917 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Rédactionnel.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS171 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Puisque l’article 20 modifie les critères de priorité pour l’attribution de logements sociaux – ce qui me paraît juste – en ajoutant à la liste des personnes prioritaires celles qui sont menacées d’expulsion sans relogement, il me paraît nécessaire de préciser que celles-ci doivent être de bonne foi pour éviter de favoriser des locataires qui seraient expulsés pour non-paiement de loyer.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. La bonne foi n’est pas définie par la loi. En outre, les dossiers de ces personnes sont examinés par les commissions d’attribution.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. La situation des demandeurs est en effet examinée par les commissions d’attribution. Par ailleurs, le décret sur le maintien des APL pour les locataires de bonne foi est entré en vigueur ; il vise à éviter la situation ubuesque dans laquelle on se trouve dans l’impossibilité d’aider des ménages parce qu’ils perdent leur location. Enfin et surtout, la rédaction de l’amendement laisse entendre, et cela me chagrine, que, par défaut, les ménages sont de mauvaise foi.

M. Pascal Thévenot. Il ne s’agit pas du tout de laisser entendre que, par défaut, les demandeurs sont de mauvaise foi. Nous souhaitons simplement que ceux qui sont de bonne foi, et ils sont majoritaires, soient privilégiés.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1193 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de conséquence qui vise à prendre en compte la nouvelle rédaction de l’alinéa 11 en distinguant mieux les ménages relevant du DALO et les publics prioritaires.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS918 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS172 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Puisque les attributions sont réalisées par les bailleurs sociaux, il nous paraît opportun de supprimer l’obligation qui pèse sur les réservataires de rendre publiques les conditions dans lesquelles ils procèdent à la désignation des candidats.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. La loi ALUR a imposé la publicité de la procédure de désignation des candidats et le droit à l’information des demandeurs.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis que le rapporteur.

M. Michel Piron. Je m’étonne de la réponse du rapporteur : la loi ne peut-elle pas modifier la loi ?

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Si, mais nous ne souhaitons pas modifier les dispositions qui assurent l’information des demandeurs et la transparence de la procédure.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS919 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Amendement rédactionnel.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS516 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il ressort de l’alinéa 25 de l’article 20 tel qu’il est rédigé que les EPCI qui n’ont pas de QPV n’ont pas l’obligation de consacrer au moins 25 % des attributions de logements sociaux aux populations les plus fragiles. Cet amendement tend donc à supprimer la référence aux QPV de façon que tous les EPCI devant se doter d’un programme local de l’habitat soient tenus de consacrer aux publics prioritaires au moins 25 % des attributions de logements situés hors QPV.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il est difficile de prévoir un quota d’attributions hors QPV là où il n’existe pas de QPV… Je rappelle que l’obligation imposée pour chaque contingent de loger à hauteur de 25 % des publics prioritaires s’applique sur le territoire de l’intercommunalité et non de la commune.

M. François Pupponi. L’alinéa 25 tel qu’il est rédigé vise bien les EPCI tenus de se doter d’un PLH en application de l’article L. 302-1 ou ayant la compétence habitat « et au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville ». Autrement dit, les EPCI qui n’ont pas de QPV n’auront pas à consacrer 25 % de leurs logements sociaux à des publics prioritaires. L’alinéa est mal rédigé !

Mme Audrey Linkenheld. Il est évidemment difficile de prévoir l’obligation de loger des personnes hors QPV en l’absence de QPV. Mais il me semble que la question sous-jacente est celle de savoir si les EPCI qui n’ont pas de quartiers prioritaires de la politique de la ville doivent respecter un plancher d’attribution au profit des ménages du premier quartile.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Sur la base du projet de carte intercommunale tel qu’il existe aujourd’hui, 339 EPCI auront l’obligation de se doter d’un PLH, dont 220 avec un PLH exécutoire, 257 ayant au moins un QPV, 179 ayant un PLH exécutoire et un QPV et 82 EPCI sans QPV. Dans l’esprit du texte, il s’agit d’examiner la manière dont ces derniers consacrent 25 % des attributions de logements aux ménages les plus pauvres. La question qui se pose est donc celle de la part du relogement des ménages du premier quartile.

M. le rapporteur général. Madame la ministre, les projections en chiffres et les tableaux qui ont été évoqués lors de votre audition permettraient d’accélérer et d’apaiser les débats. Je souhaiterais donc que vous puissiez nous les communiquer, comme vous vous y étiez engagée, avant la lecture du texte en séance publique.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Les chiffres que je viens de citer figurent dans l’étude d’impact, monsieur le rapporteur. Mais, comme vous le savez, la carte intercommunale n’est pas stabilisée. Par ailleurs, vous nous avez demandé les éléments permettant de connaître, à l’échelle des EPCI actuels, la part des attributions hors QPV du premier quartile. Nous y travaillons, avec les données dont nous disposons. Or, dans de nombreux cas, nous ne connaissons pas les revenus des personnes relogées, mais les plafonds. Ces chiffres permettent donc de donner des indications, mais ils ne sont pas parfaitement stables.

M. François Pupponi. Si je comprends bien la réponse de la ministre, l’ensemble des EPCI ayant l’obligation de se doter d’un PLH et n’ayant pas de QPV ne sont pas soumis à l’obligation de respecter le plancher de 25 %.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. J’ai dit le contraire !

M. François Pupponi. Je vais poser la question autrement : tous les EPCI, qu’ils aient ou non un QPV, sont-ils concernés par le plancher de 25 % ? Pour être certain que ce soit bien le cas, mieux vaut voter mon amendement !

Mme Audrey Linkenheld. Il semblerait que les EPCI n’ayant pas de QPV ne soient pas soumis à l’obligation de loger une certaine proportion de personnes relevant du premier quartile. Toutefois, nous allons examiner ultérieurement un amendement du rapporteur qui vise à obliger tous les EPCI dotés d’un PLH ou de la compétence habitat à prévoir une conférence intercommunale du logement. Le rôle d’une telle conférence étant de définir les modalités d’attribution des logements sociaux et la répartition des demandeurs, y compris des publics prioritaires, peut-être pourrait-on ajouter à la liste des critères définissant ces publics un critère de revenu correspondant aux personnes relevant du premier quartile.

M. Jean-Louis Bricout. Ma circonscription ne comprend pas de QPV, mais des intercommunalités composées de villes bourgs centres et de communes rurales. Or, la mixité n’y est pas assurée, puisque les personnes vivant dans ces communes rurales ont un revenu moyen deux fois plus élevé que celui des habitants des villes bourgs. Le quota de 25 % de personnes en grande précarité est largement atteint, mais ces personnes sont concentrées dans les villes bourgs centres, qui sont devenues de véritables ghettos. La répartition de ces personnes au sein de l’intercommunalité par la conférence intercommunale du logement est donc un véritable enjeu.

M. Christophe Caresche. J’ai du mal à comprendre que l’obligation ne porte pas sur l’ensemble des établissements intercommunaux. La loi doit s’appliquer de la manière la plus générale possible. Je pense que l’amendement de François Pupponi clarifie les choses.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. L’EPCI concerné est celui qui doit réaliser un PLH. Nous avons adopté ce critère afin de nous attaquer aux zones où les enjeux de logement sont les plus importants. Les EPCI tenus de produire un PLH sont ceux qui comptent plus de 30 000 habitants et ils sont au nombre de 339, dont quatre-vingt-deux n’ont pas de QPV. Vous avez raison de souligner que certains endroits sans QPV connaissent tout de même de la ségrégation spatiale. Nous regarderons, dans ces EPCI, comment sont réalisées les attributions pour les ménages appartenant au premier quartile. L’amendement ajoute un millier d’EPCI, or ce n’est pas l’objectif ; nous avons souhaité retenir un critère discriminant, autour du PLH, afin de cibler l’action.

La Commission rejette cet amendement.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.

La Commission examine l’amendement CS1221 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement s’inscrit dans une série de trois amendements du Gouvernement placés à différents endroits du texte.

Le Gouvernement souhaite consacrer 25 % des attributions hors QPV au premier quartile des demandeurs de logement social. Cette obligation est d’application immédiate. Néanmoins, pour que ce principe puisse s’appliquer correctement, il faut que les territoires soient associés à la procédure et responsabilisés. Nous souhaitons donc donner un caractère obligatoire à la conférence intercommunale du logement et, par les amendements CS1221, CS1222 et CS1224, travailler à une mise en œuvre à l’échelle de l’EPCI, pour une adaptation locale de ce pourcentage. Certains EPCI ne sont pas loin de l’objectif, d’autres, pour différentes raisons, sont dans l’impossibilité de l’atteindre ou connaissent des difficultés.

L’amendement CS1221 inclut la ville de Paris dans les territoires entrant dans le champ d’application de cette obligation. L’amendement CS1222 précise que le pourcentage peut être adapté « compte tenu de la situation locale », dans le cadre d’un accord entre l’EPCI et le représentant de l’État, et que « le pourcentage est révisé tous les trois ans en fonction de l’évolution de la situation locale ». Enfin, il est rappelé que, faute d’accord, le pourcentage est de 25 %.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte cet amendement.

L’amendement CS354 de M. Christophe Caresche puis l’amendement CS489 de M. François Pupponi sont successivement retirés.

Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS920, CS921 et CS922 des rapporteurs, ainsi que, suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, l’amendement CS1222 du Gouvernement.

La Commission examine ensuite l’amendement CS1179 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à rendre obligatoire la répartition entre les bailleurs des attributions à réaliser pour atteindre le taux de 25 % des attributions hors QPV aux ménages les plus modestes. L’idée est d’avoir un document unique qui permette d’articuler ces attributions : la convention intercommunale d’attribution.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable. Cet amendement simplifie l’écriture de la loi ALUR et de la loi Lamy.

La Commission adopte cet amendement.

En conséquence, l’amendement CS602 de M. François Pupponi tombe.

La Commission examine les amendements identiques CS174 de M. Sylvain Berrios et CS356 de M. Christophe Caresche.

M. Pascal Thévenot. Il s’agit de rédiger ainsi l’alinéa 29 : « Les bailleurs peuvent adapter leur politique des loyers pour remplir les objectifs de mixité ci-dessus définis. »

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Favorable. L’article 26 prévoit que la nouvelle politique des loyers pouvant être mise en place dans le cadre des conventions d’utilité sociale est optionnelle et non obligatoire.

La Commission adopte ces amendements.

En conséquence, l’amendement CS924 tombe.

L’amendement CS357 de M. Christophe Caresche est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CS583 de Mme Jacqueline Maquet et CS611 de M. Sylvain Berrios.

Mme Jacqueline Maquet. Il s’agit de permettre au représentant de l’État de procéder à l’attribution des logements restant à attribuer sur l’ensemble des contingents.

M. Pascal Thévenot. L’objectif d’attribution de logements hors QPV aux ménages aux ressources les plus faibles est un objectif collectif. Par conséquent, la sanction prévue lorsque cet objectif n’est pas atteint ne doit pas peser uniquement sur le bailleur. Le présent amendement précise que, dans cette hypothèse, le maire pourra procéder à l’attribution.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable au I. de la proposition, mais je propose de rectifier la seconde partie en supprimant « selon des modalités fixées par décret ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte ces amendements rectifiés.

L’amendement CS77 de M. Philippe Gosselin est retiré.

La Commission examine l’amendement CS988 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à ce que la substitution du préfet en cas de manquement d’un bailleur à ses obligations ne soit pas optionnelle mais obligatoire.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS925 des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement CS175 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Afin de renforcer les pouvoirs du préfet en matière de logement social, l’alinéa 30 prévoit que le préfet puisse se substituer à un bailleur social défaillant. Le présent amendement prévoit que le maire est consulté.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Défavorable. Le maire est déjà membre de la commission d’attribution des logements (CAL).

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Nous sommes dans une logique d’EPCI et non une logique communale.

La Commission rejette cet amendement.

Ensuite de quoi elle adopte l’amendement de coordination CS967 des rapporteurs.

La Commission en vient à l’examen en discussion commune des amendements identiques CS596 de Mme Audrey Linkenheld et CS771 de Mme Gilda Hobert ainsi que de l’amendement CS1194 des rapporteurs.

Mme Audrey Linkenheld. Il s’agit de préciser que nous parlons des personnes prioritaires au regard des critères fixés par la loi mais aussi au regard des orientations locales fixées, le cas échéant, par la conférence intercommunale ou le PDALHPD.

Mme Gilda Hobert. Il s’agit en effet de renforcer le rôle du PDALHPD et de la conférence intercommunale du logement dans l’attribution annuelle de logements sociaux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1194 vise à préciser que le quota minimal de 25 % applicable aux contingents des collectivités concerne à la fois les ménages DALO et les autres publics prioritaires. Je propose à nos collègues de retirer leurs amendements au profit de celui-ci.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Favorable à l’amendement des rapporteurs.

Mme Audrey Linkenheld. Je veux bien retirer mon amendement mais je souhaite que le rapporteur précise à quel moment nous discuterons de la question de savoir si ce taux de 25 % fait l’objet ou non d’une modulation locale. Nous avons défendu l’idée, pour les ménages du premier quartile, que le pourcentage devait être fixé par accord local et à défaut seulement à 25 %. Il me semble que ce raisonnement doit aussi s’appliquer aux différents contingents. Je rappelle que la conférence intercommunale du logement a aussi pour objet de discuter des modalités de coopération des contingents.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je n’ai pas la réponse précise mais je suis pour que nous trouvions d’ici à la séance une solution qui, comme à l’alinéa 25, permette de moduler selon les réalités locales le pourcentage attribué aux différents contingents.

Les amendements CS596 et CS771 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1194.

Elle examine ensuite l’amendement CS176 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Il s’agit d’ajouter les termes : « en tenant compte de la situation économique et sociale de la commune ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette cet amendement.

L’amendement CS358 de M. Christophe Caresche est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS926 des rapporteurs.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS989 des rapporteurs et CS12 de M. Jean-Claude Buisine.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit de rendre la substitution du préfet obligatoire.

La Commission adopte ces amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS927 des rapporteurs.

Ensuite de quoi elle examine l’amendement CS177 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Dans le même esprit que précédemment, il s’agit de demander que le préfet consulte le maire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CS178 de M. Sylvain Berrios et CS505 de M. François Pupponi.

M. Pascal Thévenot. Afin de ne pas mettre en péril l’accompagnement social mis en œuvre par la commune, et dans la mesure où ces attributions s’imputent sur le contingent communal, il est souhaitable que les demandeurs les plus en difficulté, domiciliés sur le territoire, restent logés dans la commune et ne soient pas logés dans les communes avoisinantes, sauf si aucun logement correspondant à la situation des ménages ne peut leur être attribué. Il s’agit donc de prévoir un droit de réservation pour ces publics.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Défavorable, car cela tend à instaurer une préférence communale dans les attributions, en substitution de celles du préfet.

L’amendement CS505 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS178.

La Commission examine ensuite en discussion commune les amendements CS485, CS603, CS484, CS488, CS483, CS487, CS482 et CS486 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous avons voté des planchers pour les contingents des bailleurs et des réservataires, et je propose de faire de même pour les contingents des collectivités locales.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je demande le retrait des amendements. L’objectif de l’alinéa 34 est de faire participer tous les contingents : le contingent de l’État, celui des collectivités, celui d’Action Logement, à la fois pour les ménages DALO et les publics prioritaires, une mesure qui se superpose à celle de l’alinéa 25, qui vise à loger 25 % des ménages les plus modestes hors QPV. Si nous ne parvenions pas à un accord sur cette question, il faudrait retravailler d’ici à la séance.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Défavorable. Le droit au logement est supérieur au principe de mixité sociale et, comme je l’ai dit tout à l’heure, en créant une discrimination indirecte, vous introduisez une exclusion supplémentaire. Je poursuis l’objectif d’associer l’ensemble des territoires aux politiques de logement. En persistant dans la volonté de refaire des discriminations à l’envers, vous êtes en train d’anéantir notre souhait d’établir des principes très forts de mixité sociale tout en associant les territoires.

M. François Pupponi. Nous avons voté une telle mesure pour un contingent, pourquoi ne pas le faire pour cet autre ? C’est une question de cohérence.

Mme Audrey Linkenheld. Nous avons en effet un souci de cohérence. Nous ne sommes pas sur la question de la modulation locale mais sur celle de savoir si la notion de plancher suffit ou s’il faut y ajouter un plafond, là où, je le souligne, il n’y a pas d’accord local. Nous ne disons pas qu’à l’intérieur des conférences intercommunales du logement il faut nécessairement des plafonds.

Les amendements CS485, CS484, CS488, CS483, CS487, CS482 et CS486 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS603.

Elle examine ensuite l’amendement CS179 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. L’alinéa 35 précise que le préfet peut loger un demandeur si le bailleur refuse. Nous demandons que ce soit « sous réserve d’accord donné par la majorité des membres de la commission d’attribution ».

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Défavorable car cela reviendrait à supprimer purement et simplement la règle.

La Commission rejette cet amendement.

Ensuite de quoi elle examine l’amendement CS1180 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de conséquence relatif à la fusion des conventions intercommunales.

La Commission adopte cet amendement.

En conséquence, l’amendement CS777 de Mme Gilda Hobert tombe.

La Commission examine l’amendement CS1181 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à ajouter un avis de la conférence intercommunale du logement sur le projet d’arrêté du préfet fixant le délai au-delà duquel les demandeurs peuvent saisir la commission de médiation du DALO.

La Commission adopte cet amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS969 des rapporteurs.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CS584 de Mme Jacqueline Maquet et CS1022 des rapporteurs.

Mme Jacqueline Maquet. Il s’agit de faire en sorte que la conférence intercommunale du logement devienne un lieu de concertation entre tous les partenaires des politiques d’attribution.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à rendre obligatoire la création des conférences intercommunales du logement par les EPCI tenus de se doter d’un PLH ou ayant la compétence habitat et au moins un QPV. Je propose à Mme Maquet de retirer son amendement, le nôtre étant plus précis.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis de l’avis du rapporteur.

L’amendement CS584 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1022.

L’amendement CS879 de Mme Gilda Hobert tombe.

La Commission examine l’amendement CS1182 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à préciser les missions de la conférence intercommunale du logement en termes de définition des orientations sur les attributions.

La Commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1183 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à fusionner les conventions intercommunales de la loi ALUR et de la loi Lamy, dans un souci de simplification.

M. François Pupponi. En tant que rapporteur de la loi Lamy, je pense qu’il faut y réfléchir à deux fois. L’intérêt de la convention de la loi Lamy, c’est qu’elle oblige, dans le cadre du contrat de ville, à une réflexion sur les politiques de logement pour les seuls QPV. Il me semble utile de la conserver, quitte à l’annexer dans la convention CIL. Les collectivités qui ont signé le contrat de ville sont en train d’élaborer le rapport prévu par la loi Lamy.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Nous n’enlevons rien au contenu des conventions d’équilibre territorial. Nous souhaitons seulement, par souci de simplification, que l’ensemble des éléments figurent dans le même document.

M. François Pupponi. Des conventions ont déjà été signées. Autant annexer le document dans le cadre de la CIL, qui doit de toute façon tenir compte de la convention territoriale, la cohérence entre les deux étant obligatoire. La loi est en train d’être appliquée sur le terrain ; il ne faut pas perturber le processus.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis bien d’accord, et c’est pourquoi un délai d’un an sera prévu, mais une telle simplification est demandée.

La Commission adopte cet amendement.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte ensuite l’amendement CS1224 du Gouvernement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1184 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement concerne également la fusion des conventions intercommunales, en lien avec le CS1183.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1185 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à mieux articuler la conférence intercommunale du logement et la convention intercommunale d’attribution.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission examine l’amendement CS1021 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à encourager la fusion des contingents par la conférence intercommunale du logement. Sans doute cet objectif est-il ambitieux au regard de la situation qui prévaut dans certains territoires mais, s’il figure dans la loi, il les incitera à faire des efforts à ces fins.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. Inscrire cet objectif dans la loi permettrait en effet de soutenir davantage les élus qui travaillent déjà en ce sens – même si cette tendance est encore poussive – en servant d’argument dans la discussion politique, qui est rarement simple.

M. Michel Piron. La fusion des contingents est-elle impossible en l’état ? Est-ce un amendement d’intention inspiré par de bons sentiments, ou une réelle initiative législative ?

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’ajout – simple et modeste – de cette précision dans la loi incitera les territoires à atteindre cet objectif.

M. Michel Piron. Je comprends le caractère hégélien de votre amendement : le monde n’est qu’un chaos que seul l’esprit organise, en quelque sorte…

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Permettez-moi de proposer une rectification de coordination de l’amendement de telle sorte qu’il figure explicitement avant l’alinéa 48 du texte.

La Commission adopte l’amendement CS1021 ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CS133 de M. Jean-Marie Tétart.

M. Jean-Marie Tétart. Cet amendement vise à permettre à ceux de nos concitoyens dont trois demandes de logement ont été consécutivement refusées en raison de leurs ressources insuffisantes de saisir la conférence intercommunale du logement de ce blocage. L’objectif du logement social consiste précisément à permettre aux personnes qui ont des ressources insuffisantes d’accéder à un logement. Il faut donc bien trouver une solution, y compris en utilisant la possibilité de modulation des loyers au sein d’un parc, qu’autorise le présent texte.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable : cette compétence ne correspond pas aux missions de la conférence intercommunale du logement, qui sont plutôt de nature programmatique. La mise en œuvre des orientations de la CIL relève davantage de la commission de coordination de l’accord intercommunal.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement CS133.

Elle passe à l’amendement CS1186 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à créer la convention intercommunale d’attribution.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS1186.

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, elle adopte l’amendement CS1187 des rapporteurs.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS1188 des rapporteurs et les amendements CS500 et CS609 de M. François Pupponi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1118 vise à créer la convention intercommunale d’attribution par fusion de l’accord collectif intercommunal et de la convention d’équilibre territorial.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

M. François Pupponi. Il s’agit là de créer une convention intercommunale, et non une commission d’attribution. De ce point de vue, les amendements CS500 et CS609 peuvent compléter celui du rapporteur.

Il est indispensable, en effet, qu’une convention intercommunale détermine les objectifs et les principes généraux avec l’ensemble des réservataires. Toutefois, en l’absence d’une commission d’attribution associant l’ensemble des détenteurs de droits d’attribution de logements dans les quartiers prioritaires, il nous manquera un outil. Les commissions d’attribution actuelles, en effet, ne concernent que les bailleurs. Dans les quartiers prioritaires, elles ne se prononcent donc pas sur les demandes de l’État et, surtout, sur celles d’Action Logement, ainsi que sur les logements relevant de cette association qui, n’étant pas attribués, sont récupérés et échappent à tout contrôle.

Nous proposons donc par les amendements CS500 et CS609 de compléter la proposition utile du rapporteur de créer une convention intercommunale en instituant une commission d’attribution spécifique aux quartiers prioritaires, afin que chaque attribution de logement y soit examinée quel que soit l’attributaire. Songez en effet qu’Action Logement, en contrepartie de son apport de 12 milliards d’euros au financement du premier programme de l’ANRU, devait attribuer 30 000 logements ; or elle n’en a attribué que deux à trois mille. Autrement dit, environ 27 000 logements ont été reversés au pot commun des logements gérés par les bailleurs et par les préfets pour être attribués aux populations les plus fragiles. Si nous ne remédions pas au problème, je crains que nous ne découvrions à terme que la rénovation urbaine n’a fait qu’aggraver les ghettos, ce qui n’était pas son objectif initial…

Mme Audrey Linkenheld. Les deux amendements CS500 et CS609 sont identiques à ceci près qu’ils prévoient un pourcentage différent de population résidant dans les quartiers prioritaires. À la relecture de l’amendement des rapporteurs, cependant, je continue de plaider pour que nous examinions tous ensemble la question des attributions. La commission d’attribution qui est proposée se substituerait en effet de plein droit aux autres commissions. Sans doute cela est-il possible dans une ville comme Sarcelles, mais il est beaucoup plus difficile de réunir en une seule instance toutes les attributions relevant de l’ensemble des bailleurs dans une métropole comme Lille. L’objectif est donc pertinent, mais il faut revoir la rédaction de ces deux amendements qui, en l’état, risquent d’aboutir à la création d’une usine à gaz que nous ne parviendrions pas à gérer. En attendant, j’en propose le retrait.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Nous venons d’adopter un amendement des rapporteurs qui permet la désignation commune des candidats ; c’est un progrès, car cette pratique, loin d’être une règle générale, n’existe actuellement que dans certains territoires pionniers. Les conventions intercommunales d’attribution sont un contrat signé par les différents partenaires et mis en œuvre par les commissions d’attribution de logements – qui délibèrent sur toutes les attributions quelles qu’elles soient. Je partage l’avis de Mme Linkenheld : donnons-nous encore du temps pour trouver la solution qui permettra de créer un dispositif encore plus collectif dans certains secteurs. En attendant, les amendements déjà adoptés répondent en partie aux préoccupations des auteurs des amendements CS500 et CS609.

M. François Pupponi. De mémoire, les commissions d’attribution de logements ne concernent que les bailleurs.

Mme Audrey Linkenheld. Et les réservataires !

M. François Pupponi. Quoi qu’il en soit, les attributions relevant d’Action Logement qui ne sont pas concrétisées ne sont plus examinées par la commission d’attribution de logements. Il faut combler ce trou dans la raquette. J’accepte de retirer les amendements pour les réécrire, mais soyez attentifs au fait que les commissions d’attribution ne concernent pas tous les attributaires.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Nous sommes ici pour écrire la loi. Si celle-ci n’est pas appliquée dans les commissions d’attribution de logements, il appartient à l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) d’intervenir, et je suis tout à fait prête à dépêcher toutes les missions nécessaires pour y remédier – le ministère le fait d’ailleurs déjà et obtient des résultats très probants, comme le montreront les résultats qui seront publiés en juillet.

L’objectif de vos amendements, monsieur Pupponi, est très intéressant. Certaines intercommunalités où plus de 50 % de la population vit dans des quartiers prioritaires de la ville se sont pourtant déjà dotées de commissions inter-bailleurs, qui fonctionnent. Prenons garde à ne pas balayer les dispositifs existants, y compris les commissions d’attribution des logements. L’amendement des rapporteurs va dans le sens que vous souhaitez, monsieur Pupponi, sans tirer un trait sur les solutions existantes, sachant que votre objectif consiste à permettre la discussion entre bailleurs concernant les attributions dans les QPV.

Les amendements CS500 et CS609 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1188.

La Commission discute des amendements identiques CS990 des rapporteurs et CS778 de Mme Gilda Hobert.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II. Cet amendement vise à élargir l’éligibilité au droit au logement opposable (DALO) aux personnes en situation de handicap, de sorte que les critères du code de la construction et de l’habitation (CCH) et ceux de la loi DALO s’appliquent à une seule et même liste de personnes, la priorité étant ensuite accordée en fonction du degré d’urgence de chaque cas.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. En fait, cet amendement vise à autoriser la saisine de la commission de médiation par un demandeur de logement social en situation de handicap ou « s’il est logé dans un logement non adapté à ce handicap ». Je ne conteste aucunement le problème sur le fond : il se peut, en effet, que des personnes se trouvant dans une telle situation aient besoin d’accéder rapidement à un logement. En revanche, je suis réticente à ouvrir le débat sur l’éligibilité au DALO, non seulement parce que ce n’est pas l’objet du présent projet de loi, mais surtout pour deux autres raisons.

D’une part, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont tenues d’aider les personnes handicapées à obtenir l’adaptation de leur logement. Objectivement, cette obligation est remplie dans des délais tantôt rapides, tantôt très longs. De même, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est très sollicitée pour utiliser ses programmes de rénovation afin d’adapter des logements à des personnes en situation de handicap. Or il existe des différences de traitement en fonction des territoires, non seulement entre zones tendues et moins tendues, mais aussi selon la capacité des MDPH à réagir et des services sociaux à faire valoir les dossiers des ménages concernés. Sans minimiser la gravité de certaines situations et le fait que l’urgence de certains cas est liée aux délais de réponse, je ne suis donc pas favorable à l’extension de l’éligibilité au DALO.

Par ailleurs, nous ne disposons pas encore d’une identification précise des logements en fonction de la nature des handicaps, même si nous sommes nombreux à y travailler avec les MDPH et que les dernières dispositions législatives sur le handicap pourront nous y aider. À ce stade, il me semble donc que cet amendement sort du champ de l’objectif visé par le projet de loi.

M. Michel Piron. Je salue la position très courageuse que vient d’exprimer Mme la ministre sur un sujet qui, forcément, ne peut laisser indifférent, et je partage ses interrogations.

M. Jean-Noël Carpentier. Au contraire, je ne comprends pas cette argumentation, et il n’est question ici ni de courage ni de morale. Notre société a encore des progrès à accomplir concernant l’accueil des personnes en situation de handicap ; toutes les mesures qui vont dans ce sens sont bonnes à prendre, qu’elles concernent l’éducation, l’emploi, le sport, le travail ou encore le logement. Cet amendement ne me semble donc présenter aucun problème.

Mme Gilda Hobert. Il arrive que des personnes en situation de handicap ne trouvent pas de logement adapté. Or le seul critère de handicap ne suffit pas à prétendre au DALO, puisqu’il faut répondre à au moins deux critères de décence ou se trouver en situation de suroccupation. Il me semble donc opportun – c’est l’objet de l’amendement CS778 – de faire correspondre les critères de priorité du code de la construction et de l’habitation avec ceux de la loi DALO.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ces amendements portent sur des cas urgents très particuliers auxquels les MDPH et les départements ne parviennent pas forcément à répondre. À cela s’ajoute le manque de logements réellement adaptés. Compte tenu des débats que nous avons eus sur la pertinence qu’il y a à opposer le droit au logement et la mixité sociale, je retire l’amendement CS990.

L’amendement CS990 est retiré.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Les personnes en situation de handicap, monsieur Carpentier, font partie des publics prioritaires. Les amendements qui viennent de nous être présentés visent à les faire entrer dans le champ du DALO, autrement dit des situations extrêmes qui exigent une intervention urgente – et je suis consciente que la situation des personnes en situation de handicap peut être très difficile.

Le DALO est une avancée législative majeure, qui, même si sa mise en œuvre pose parfois problème, porte ses fruits, y compris en Île-de-France, où les demandeurs sont les plus nombreux – et les demandes satisfaites aussi. Il me semble qu’il ne faut pas créer de nouveaux critères, car le législateur a souhaité établir une hiérarchie entre les cas prioritaires et ceux qui relèvent du DALO – d’où l’astreinte, l’urgence et le relogement.

Encore une fois, je ne minimise pas la gravité de certaines situations, mais il existe des dispositions législatives – même si elles peuvent sembler insuffisantes – pouvant répondre aux personnes handicapées qui n’ont pas un logement adapté. De plus, je viens de signer un accord avec l’Union sociale pour l’habitat (USH) dans le cadre de la conférence nationale sur le handicap, qui comporte des objectifs chiffrés en matière d’adaptation des logements. Se pose également la question majeure des travaux d’adaptation des logements du parc privé afin de maintenir les locataires dans leur logement. Dans ces conditions, il ne me semble pas que l’extension de l’éligibilité au DALO permettra de résoudre le problème.

La Commission rejette l’amendement CS778.

Puis elle examine l’amendement CS597 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Lorsque les personnes dont le relogement est reconnu prioritaire et urgent au titre du DALO n’ont pas été relogées dans les délais prescrits, l’État est soumis à une astreinte qui est versée, via le Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), aux associations qui défendent les dossiers relevant du DALO.

Cet amendement, qui nous est recommandé par plusieurs associations dont le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), vise à ce que cette astreinte soit versée pour moitié au FNAVDL, et pour moitié au requérant lui-même, qui subit la situation de mal-logement à laquelle l’État n’a pas su répondre dans les délais impartis.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement, à première vue de bon sens, se heurte au problème de la définition juridique de l’astreinte. L’astreinte n’est pas une indemnité et, de ce fait, n’est pas destinée à couvrir un préjudice au profit de la personne lésée. En revanche, elle vise à accélérer l’exécution d’une obligation. Il faudrait réfléchir à une solution permettant tout à la fois de donner suite à la proposition de Mme Linkenheld tout en respectant la définition juridique de l’astreinte ; en attendant, je propose le retrait de l’amendement.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. Nous avons eu, sur cet amendement, un débat fourni entre nous et avec les organisations du secteur, qu’elles soient militantes, représentatives ou partenariales. Le problème est de deux ordres : juridique et financier. Sur le plan juridique, il existe plusieurs avis européens. Sur le plan financier, l’argument selon lequel l’astreinte finance des missions de construction ou d’accompagnement, par exemple, ne vaut dans aucun autre secteur : l’indemnisation d’un préjudice causé par un manquement – y compris de l’État – concernant un produit de consommation n’est pas destinée à financer l’amélioration des produits ou la protection du consommateur, par exemple. Les avis européens vont dans le même sens.

Il me semble donc qu’il faut suivre la position du rapporteur, mais aussi garder à l’esprit la proposition de Mme Linkenheld car, même si elle peut poser des problèmes techniques et juridiques concernant, par exemple, la réparation intégrale du préjudice, rien n’empêche d’envisager de laisser la main au juge. Nous sommes très attachés à avancer sur ce point d’ici à la séance.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cette proposition ancienne a déjà été débattue lors de précédents projets de loi ; elle est aussi défendue par la Fondation Abbé Pierre et le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Précisons bien les choses : les astreintes prononcées à l’encontre de l’État ne sont pas destinées à indemniser le requérant non logé, mais à exercer une pression sur les pouvoirs publics afin qu’ils aillent plus vite. Or cette astreinte fonctionne, puisqu’elle a poussé les autorités à reloger plus rapidement des bénéficiaires du DALO ; sans astreinte, leur non-relogement n’aurait pas eu d’incidence sur les missions de l’État.

Les bénéficiaires du DALO ont droit à un recours indemnitaire, que certains utilisent d’ailleurs. Sur le plan juridique, il me semble donc difficile d’affecter directement une partie du versement de l’astreinte au requérant, même si cela pourrait lui être utile, car l’astreinte n’est pas une indemnité et, surtout, la pression qu’elle est susceptible d’exercer sur l’État s’en trouvera diminuée.

Aujourd’hui, le montant des astreintes est versé au FNAVDL, qui poursuit plusieurs objectifs. Le premier, qui a trait à l’action vers et dans le logement, s’est notamment traduit par des missions conduites dans les régions les plus tendues en matière de non-relogement afin d’examiner la situation de chacun des bénéficiaires du DALO. C’est ainsi que des missions ont eu lieu en Île-de-France en 2012 et 2013 pour faire le point sur la situation des bénéficiaires de 2009 et 2010 ; elles ont permis d’établir que certaines situations s’étaient aggravées, d’autres améliorées, d’autres encore étaient demeurées stables. L’adoption du DALO ne s’est pas toujours traduite par le déploiement immédiat des mesures concrètes, ce qui explique qu’il se trouve encore dans les zones les plus tendues de nombreux bénéficiaires de 2008, 2009 ou 2010 à reloger.

Nombreuses sont les associations qui ont demandé que les astreintes bénéficient aux requérants relevant du DALO. C’est le cas aujourd’hui, puisque leur produit est affecté aux diagnostics sociaux, à l’identification des mesures prises au bénéfice des ménages, aux actions d’accompagnement vers et dans le logement qui visent à renforcer l’autonomie des requérants, et à la gestion locative adaptée de logements. Depuis 2013, ce Fonds peut en partie être utilisé au bénéfice des personnes hébergées ou en logement accompagné.

L’objectif du Gouvernement est naturellement que les astreintes diminuent et que l’État reloge davantage. C’est la raison pour laquelle je me bats avec vous pour que nous construisions plus de logements sociaux adaptés aux besoins de loyer. Dans ces conditions, on ne saurait fonder une politique sur un budget dont on espère qu’il va diminuer – de même que l’on utilise le produit des amendes prononcées pour non-respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) tout en souhaitant qu’il diminue et que la construction de logements augmente.

Compte tenu du fait que cette proposition déjà ancienne est notamment défendue par le HCLPD, je propose donc que nous puissions en discuter davantage avant la séance.

M. le rapporteur général. L’une des marques de fabrique de cette majorité – qui a, de ce point de vue, recueilli le soutien d’autres sensibilités politiques comme l’UDI – a été de faciliter le recours, notamment indemnitaire. Gardons-nous de caricaturer le public relevant du DALO, dont 50 % des bénéficiaires sont des salariés ; cela étant, il comprend aussi de nombreuses personnes qui ne sont pas en mesure d’utiliser le recours indemnitaire. Or, après avoir adopté l’action de groupe dans le domaine de la consommation et dans celui des discriminations, ainsi que l’alignement du code de procédure civile sur le droit pénal en matière de discriminations – une évolution historique que les médias n’ont guère évoquée –, la majorité pourrait envisager un dispositif consistant à confier l’attribution de la partie indemnitaire de l’astreinte au juge, quitte à créer une procédure conjointe comme cela s’est déjà fait dans d’autres textes.

Mme Audrey Linkenheld. J’entends ces arguments juridiques et je prends note de la proposition d’y retravailler avant la séance, car je ne crois pas, madame la ministre, que cet amendement mette en cause le principe de l’astreinte ni la pression qu’elle fait peser sur l’État afin qu’il reloge les requérants. L’objectif est, non pas de diminuer l’astreinte, mais simplement d’en répartir autrement l’utilisation. La pression est donc maintenue. De plus, à la différence des prélèvements effectués en cas de non-respect de la loi SRU, l’astreinte consiste au fond – c’est incongru – en un reversement du financement lié aux demandes de bénéficiaires du DALO, via le FNAVDL, aux associations qui sont à l’origine du dépôt de ces dossiers, d’où un risque de dérives. Au contraire, ce ne sont pas les communes qui ont trop peu de logements sociaux qui sont à l’origine d’une demande dont le financement finirait par leur revenir. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement pour que nous puissions y retravailler.

L’amendement CS597 est retiré.

La Commission examine l’amendement CS991 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à supprimer toute référence dans la fixation du montant de l’astreinte, afin de mettre notre droit en conformité avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 9 avril 2015.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS930 des rapporteurs.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS582 de M. François Pupponi, les amendements identiques CS154 de M. Pascal Thévenot et CS180 de M. Sylvain Berrios, l’amendement CS1023 des rapporteurs et l’amendement CS605 de M. François Pupponi.

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement CS582 vise à supprimer les alinéas 53 et 54, par lesquels il est prévu de supprimer le pouvoir qu’ont les préfets de déléguer leur contingent de logements aux maires. Vous me répondrez sans doute, madame la ministre, que dans certains endroits, ce contingent préfectoral n’est pas utilisé comme il le devrait, mais le groupe socialiste, écologiste et républicain estime que l’on ne saurait, d’un côté, prétendre que les attributions sont une compétence de plus en plus partenariale et intercommunale, et d’un autre côté, décider que le préfet, par principe, ne peut plus déléguer son contingent de logements aux maires. Sans doute peut-on envisager d’autres solutions ; vous-même allez, par exemple, résilier des conventions de délégation dans certains départements. Il faut pouvoir sanctionner les départements dans lesquels les maires n’utilisent pas correctement le contingent préfectoral sans pour autant adopter une solution radicale qui s’applique partout, y compris là où les choses se passent bien.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous propose, madame Linkenheld, de retirer cet amendement au profit d’un amendement que je présenterai plus loin. Il est vrai qu’il peut sembler radical, voire excessif de supprimer purement et simplement les délégations de contingents un mois seulement après la promulgation de la présente loi. L’esprit de cette loi, comme des précédentes, consiste à faire bénéficier les territoires vertueux de certaines mesures et à sanctionner ceux qui les contournent ou les utilisent à mauvais escient. Je défendrai un amendement de compromis qui simplifie la procédure de reprise des délégations tout en privilégiant la délégation à l’intercommunalité, qui constitue l’échelon le plus pertinent pour la politique d’attribution.

M. Michel Piron. Le vote de la loi DALO a permis, en un an ou à peu près, de résoudre, en province, le problème du stock pour ne plus traiter que le flux. C’est le résultat de l’injonction donnée aux préfets d’utiliser leur contingent préfectoral : l’État a un rôle majeur à jouer pour assurer certains droits fondamentaux.

M. Guillaume Chevrollier. L’objet de l’amendement CS180 est de conserver la possibilité de délégation du contingent préfectoral aux maires. Il serait regrettable de la supprimer ; en outre, le délai prévu pour la fin des délégations actuelles est très court. J’entends que le rapporteur ouvre une voie pour trouver une solution et permettre aux maires de s’adapter. J’attends une proposition plus concrète de Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Nous proposons de supprimer par la loi la délégation du contingent préfectoral : c’est un choix très réfléchi. Si nous avions pu faire autrement pour récupérer ces contingents, nous l’aurions fait.

Il faut préciser que beaucoup de communes qui pensent disposer de cette délégation n’en disposent en réalité pas. Ce que nous visons ici, ce sont les contingents délégués par des conventions signées entre le préfet et la commune. Vous connaissez tous des territoires qui utilisent une partie des contingents, mais par accord tacite, ou bien sur la base de délégations qui n’ont pas été renouvelées ; sur certains territoires, il y a une cogestion ou à tout le moins une discussion sur l’utilisation de ces contingents. Ce ne sont pas ces situations que nous souhaitons bousculer aujourd’hui.

Ce que nous visons, ce sont des situations où les territoires agissent en lieu et place du préfet. Si l’on veut demander à l’État de faire mieux et plus vite, notamment en matière de relogement DALO et en matière de relogement des publics prioritaires, alors il faut le laisser prendre la main. Il n’est pas normal, à mon sens, que l’État ne connaisse pas son propre contingent, ne le gère pas, le laisse même s’évaporer au fil du temps.

Ma position n’est pas dogmatique ; j’ai forgé ma conviction en observant, au Comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), les taux de relogement de publics prioritaires sur les contingents préfectoraux, dont des contingents délégués. Je donne quelques exemples.

À Paris, où les besoins de relogement sont très forts, le contingent préfectoral est mobilisé à plus de 70 % pour reloger des publics prioritaires – DALO, habitat insalubre, femmes victimes de violences… Mais, dans les Hauts-de-Seine, c’est 10 % l’année dernière ! Châtenay-Malabry, 32 600 habitants, taux d’attribution prioritaire : 4 % en 2014, DALO : 2 %. Ville-d’Avray, 0 %. Dans le Val-d’Oise, Bezons, 27 900 habitants, taux d’attribution prioritaire : 11 %, taux d’attribution DALO : 7 %.

Parlons un peu du Var : Cavalaire-sur-Mer, 7 000 habitants, taux d’attribution DALO : 8 % ; Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, 15 600 habitants, taux d’attribution DALO : 8 % ; Fréjus, 53 000 habitants, taux d’attribution DALO : 9 %.

À Beauvais, le taux d’attribution DALO est de 3 %.

Il faut dire les choses comme elles sont : notre dispositif ne fonctionne pas. Les conventions ne sont pas respectées. Il y a des territoires où le système marche, mais les contingents n’y sont pas délégués. Notre proposition est dure, je le reconnais – dure pour les communes, mais aussi pour les services de l’État qui devront se remettre au travail pour gérer leur contingent, en utilisant des outils informatiques qui en permettent une connaissance fine. Franchement, je regrette de devoir en arriver là. Nous sommes nombreux à dire que la politique du logement doit être à la fois nationale et territorialisée, que l’État et les élus doivent travailler ensemble ; mais, en l’occurrence, je le redis, cela ne fonctionne pas.

Au moment où l’État demande un effort à tous les territoires sur le relogement des publics qui ont peu de revenus ou qui sont en grande difficulté, il doit reprendre son contingent – et ses responsabilités. Rien n’empêchera de discuter avec les territoires où la cogestion donne de bons résultats.

Nous faisons une exception pour les EPCI qui prennent la charge du DALO : il est alors nécessaire que ces intercommunalités aient la main sur le contingent préfectoral.

Ce sujet, qui n’est pas neuf, n’a pas été abordé dans les deux dernières lois relatives au logement. Au fond, la suppression de la délégation des contingents préfectoraux est un aveu d’échec ; mais c’est aussi un moyen d’affirmer que l’État prendra toutes ses responsabilités. Cette position est soutenue par les associations de défense des mal-logés.

Avis défavorable.

Mme Audrey Linkenheld. Merci, madame la ministre, de votre franchise et de votre sincérité. Le débat est le même que tout à l’heure ; vous nous avez donné une multitude d’exemples, mais vous n’abordez que la question des publics prioritaires et du DALO. Nous considérons, pour notre part, qu’il n’y a pas, d’un côté, le DALO, et, de l’autre, la mixité sociale : les deux questions doivent être traitées en même temps. C’est la raison pour laquelle nous essayons, depuis le début de cette discussion, d’éviter l’entrée dans le sujet des attributions par les contingents. Il m’est bien égal de savoir combien le préfet reloge de publics prioritaires ou de publics DALO ; en revanche, il m’importe de savoir où il les reloge, et s’il prête attention à la mixité sociale.

Or s’il n’y a plus de collaboration possible, si l’instruction donnée au préfet est de ne s’intéresser qu’aux seuls publics prioritaires ou DALO, sans s’intéresser à la situation du territoire, nous retomberons sur notre désaccord de tout à l’heure.

Si le rapporteur maintient son amendement, nous retirerons le nôtre au profit du sien ; s’il le retire, nous maintiendrons le nôtre.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. La proposition du Gouvernement est très radicale. Or, aujourd’hui, nous commençons tout juste à mettre en œuvre la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et la loi Lamy, et nous avons besoin, pour cela, de la participation des maires. Au-delà de la mesure elle-même, son impact psychologique risquerait d’être dévastateur ; ce mauvais signal pourrait être exploité par ceux qui voudraient se débarrasser d’engagements qu’ils ont pris au cours des derniers mois ou des dernières semaines.

C’est pourquoi mon amendement CS1023, auquel Mme Linkenheld vient de faire allusion, laisse la possibilité au préfet de région, après avis du CRHH, de décider de résilier ou non les conventions de délégation existantes, tout en maintenant le principe selon lequel aucune nouvelle délégation ne sera possible
– priorité étant donnée à l’échelon intercommunal. Cette procédure rallonge certes un peu les délais.

Mme la présidente Annick Lepetit. L’amendement CS582 est-il retiré ?

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement du rapporteur est un pas vers la conciliation entre les objectifs de l’État et ceux des territoires …

Mme la présidente Annick Lepetit. Je ne vous ai donné la parole que pour savoir si vous retirez votre amendement, le rapporteur ayant annoncé maintenir le sien. Évitons les débats interminables.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, j’ai conscience que nous n’avançons pas très vite, mais ce projet de loi aborde quelques sujets fondamentaux, pour certains conflictuels, et ils figurent tous à l’article 20.

Je ne suis pas seule signataire de cet amendement. Le sujet est toujours le même : avons-nous la garantie que l’État intégrera les réflexions intercommunales et les accords locaux ? Comment gère-t-on les contingents ? Sans réponses précises à ces questions, je maintiendrai l’amendement.

M. Jean-Noël Carpentier. La proposition du Gouvernement me paraît trop forte ; tous les territoires ne sont pas égaux. La proposition faite par M. Pupponi à l’amendement CS605 d’une exception pour les villes dont un quartier relève de la politique de la ville me paraît bonne.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Dans de très nombreux territoires, le contingent n’est pas délégué : c’est le cas dans le département du Nord, par exemple.

Mme Audrey Linkenheld. Je suis députée de la nation, madame la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ce que je veux dire, c’est qu’il peut y avoir une discussion entre les élus et l’État sans qu’il y ait de délégation formelle. Au cours de l’examen de ce titre II, j’ai fait des gestes importants pour affirmer que les politiques visant à la mixité sociale doivent s’appuyer sur un travail local, notamment grâce à un renforcement des EPCI. Évitons les procès inutiles.

Mais je vous le dis très tranquillement : aujourd’hui, la délégation des contingents préfectoraux aux communes ne permet pas à l’État de remplir ses obligations de relogement des publics prioritaires, en particulier, mais pas seulement, en zone tendue. Je redis que cette proposition de reprise des contingents est défendue depuis fort longtemps par des associations de défense des mal-logés.

Nous demandons une mobilisation générale en faveur d’une politique de mixité sociale et de relogement intelligent : l’État doit, lui aussi, prendre ses responsabilités.

Je me souviens fort bien d’un département à qui on ne retirait pas les aides à la pierre ; on ne pouvait rien faire, nous disait-on, et d’ailleurs chaque année, la situation était censée s’améliorer… Un jour, l’État s’est fâché. Dans ce département où l’on ne pouvait pas faire de prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), où il était paraît-il rigoureusement impossible de faire plus de 10 % de prêt locatif intermédiaire (PLI) par an, eh bien l’État a pris ses responsabilités – et il a fait 33 % en deux mois ! Il a fallu mettre fin à des dispositifs que l’on croyait vertueux. Pourtant, les délégations d’aide à la pierre fonctionnent quasiment partout ; quand les élus locaux, quelle que soit leur couleur politique, sont investis, ces dispositifs marchent.

Cet article, je le redis encore, n’empêche aucune discussion, aucune négociation, aucune collaboration entre les préfets et les intercommunalités sur le relogement des publics prioritaires. Ce que je vous propose, de manière assez dure, c’est vrai, c’est la fin des délégations formelles.

Si le CRHH doit se prononcer, qu’il se prononce : cela permettra au moins qu’une discussion ait lieu. Les résultats du relogement seront ainsi portés à la connaissance de la région. Je lis les rapports annuels des CRHH ; ils donnent des chiffres, qui montrent bien que d’énormes efforts sont consentis à certains endroits, mais pas à d’autres. Le CRHH rassemble les élus, les acteurs du logement, la société civile, les syndicats : sa consultation permettra de faire toute la lumière sur le sujet.

J’approuve donc l’amendement du rapporteur.

M. François Pupponi. J’aurais aimé prendre la parole, mais si vous ne voulez pas que nous discutions ce soir, nous discuterons en séance !

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous débattons de ces quelques amendements depuis près d’une heure ! Chacun doit y mettre du sien.

Madame Linkenheld, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Audrey Linkenheld. Soit nous pouvons parler, et je réponds à cette question ; soit nous n’avons plus le temps, ce que vous venez d’indiquer, et alors je ne répondrai pas – d’ailleurs, j’ai déjà répondu que je le maintenais.

M. le rapporteur général. Je soutiens l’amendement du rapporteur thématique ; il me semble que c’est une position qui peut nous rassembler.

Mme Audrey Linkenheld. Je propose d’écouter M. Pupponi, premier signataire de cet amendement.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je ne comprends pas pourquoi tout cela est si compliqué, mais vous pouvez toujours demander une suspension de séance si vous devez réunir votre groupe !

Mme Audrey Linkenheld. Eh bien, je demande une suspension de séance !

Suspendus à vingt-deux heures dix, les travaux reprennent à vingt-deux heures quinze.

M. François Pupponi. Nous avons, je crois, un désaccord de fond, madame la ministre. Vous devez entendre que l’État n’est pas vertueux tout le temps, et qu’il est parfois nécessaire de prévoir quelques garde-fous ; c’est la leçon que l’on doit tirer de cinquante ans de ghettoïsation dans notre pays. Parfois, les préfets abusent du contingent préfectoral et ghettoïsent encore davantage le ghetto. L’expérience nous enseigne qu’il faut parfois leur opposer des limites.

Je suis prêt à retirer l’amendement, mais, madame la ministre, vous devez nous entendre ! Redonner tout pouvoir aux préfets, c’est la meilleure façon de poursuivre cinq décennies d’échec. Je pensais pourtant qu’enfin, élus et préfets allaient travailler ensemble. Dans certains territoires, l’État doit certes reprendre la main ; dans d’autres, il ne doit surtout pas la reprendre. Les préfets ne sont pas toujours exemplaires, c’est un constat qui doit être partagé.

M. Michel Piron. Spectateur attentif de ce débat, le groupe UDI ne demande pas de suspension de séance afin de ne pas retarder les discussions.

L’amendement CS582 est retiré, de même que l’amendement CS154.

La Commission rejette l’amendement CS180.

Puis elle adopte l’amendement CS1023.

En conséquence, l’amendement CS605 tombe.

La Commission est saisie de l’amendement CS598 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à revenir à la rédaction de la loi ALUR, qui définit la notion d’habitat de façon moins formelle.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous propose de retirer cet amendement : il sera satisfait par l’amendement suivant, CS1195, qui permet de mieux définir les publics prioritaires visés par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il semble que cette nouvelle rédaction, qui visait à simplifier, perturbe plus qu’elle ne simplifie. Je donne un avis de sagesse, mais il est possible que l’amendement du rapporteur résolve plusieurs problèmes en même temps.

Mme Audrey Linkenheld. Je ne suis pas sûre d’avoir compris la réponse du rapporteur, puisqu’il s’agit ici des formes d’habitat.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Mon amendement est un peu plus complet, car il permet d’assurer la cohérence des définitions des publics prioritaires ; en outre, il reconnaît toutes les formes d’habitat, comme vous le proposez.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte successivement l’amendement CS1195 et l’amendement de conséquence CS1196, tous deux des rapporteurs.

Elle en vient à l’amendement CS1191 des mêmes auteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement prévoit un délai d’un an pour que les EPCI déjà engagés dans l’élaboration des orientations de la conférence intercommunale ou dans une convention d’équilibre territorial puissent se mettre en conformité avec la présente loi.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

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Article 20 bis [nouveau]
(art. L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation)

Objectifs de mobilisation du parc privé dans le programme local de l’habitat

Cet article a été adopté à l’initiative de Mme Audrey Linkenheld et du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER). Il prévoit que le programme local de l’habitat (PLH) fixe des objectifs de mobilisation du parc privé à des fins sociales sous la forme de conventionnements avec l’Agence nationale de l’habitat ou de dispositifs d’intermédiation locative.

Le rapporteur thématique soutient cette disposition qui incitera les acteurs locaux à inclure les dispositifs d’intermédiation locative dans la réponse globale apportée par l’EPCI aux besoins en logements identifiés sur le territoire.

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La Commission est saisie des amendements identiques CS599 de Mme Audrey Linkenheld et CS780 de Mme Gilda Hobert.

Mme Nathalie Appéré. Cet amendement vise à préciser que les programmes locaux de l’habitat (PLH) mobilisent aussi les dispositifs d’intermédiation locative, outil utile et performant de mobilisation de l’habitat privé.

Mme Gilda Hobert. Plusieurs personnes auditionnées ont insisté sur l’importance de l’offre locative privée à caractère social. La mixité sociale est, à mon sens, un objectif essentiel, et il est bon que le parc privé soit aussi ouvert à tous. Inversement, d’ailleurs, le logement social ne doit pas concerner uniquement des personnes en grande difficulté.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. L’intermédiation locative est un outil de mobilisation du parc privé, y compris à vocation sociale, très important. Elle fait l’objet d’une attention renforcée de la part de l’État, et je peux même vous annoncer qu’il y aura bientôt des crédits supplémentaires !

La Commission adopte les amendements.

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Article 20 ter [nouveau]
(art. L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation)

Motifs de refus d’attribution d’un logement social

Cet article a été adopté à l’initiative de Mme Annick Lepetit. Il élargit les motifs de refus d’attribution d’un logement social au fait d’être propriétaire d’un logement susceptible de générer des revenus suffisants pour accéder à un logement du marché.

Aujourd’hui, seul le fait d’être propriétaire d’un logement adapté à ses besoins et ses capacités peut constituer, en application de l’article L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation, un motif de non attribution. Or les revenus potentiels que peut générer un patrimoine immobilier doivent également être pris en compte.

*

Elle examine ensuite l’amendement CS370 rectifié de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Les commissions d’attribution de logement peuvent déjà fonder un refus sur le fait qu’un des membres du ménage demandeur soit propriétaire d’un logement « adapté à ses besoins et capacités » ; cet amendement propose d’aller un peu plus loin en précisant qu’il leur est possible de refuser un logement si un des membres du ménage possède un logement susceptible de produire un revenu suffisant pour accéder à un logement privé.

Cet amendement vise, vous l’avez compris, à libérer davantage de logements sociaux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Aux termes de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, le patrimoine et le niveau de ressources du demandeur sont déjà pris en considération. Cette précision peut néanmoins être utile pour certains cas précis. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 20 ter

La Commission est saisie de l’amendement CS655 de Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. Cet amendement vise à permettre aux associations de disposer plus facilement de locaux en rez-de-chaussée. La loi permet, en effet, aux organismes d’habitations à loyer modéré, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, de louer des bas d’immeuble pour des activités économiques. Cet amendement propose d’élargir cette faculté aux activités associatives.

Les associations ont besoin de moyens, mais aussi de visibilité. Il est regrettable de laisser vides ces locaux situés en rez-de-chaussée.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait : c’est déjà possible, et même fréquent.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Mme Maud Olivier. Il faudrait le faire mieux savoir.

L’amendement est retiré.

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Article 20 quater [nouveau]
(art. L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales)

Répartition des contingents des maires et des maires d’arrondissement

Cet article a été adopté à l’initiative de Mme Annick Lepetit.

À Paris, Lyon et Marseille, les attributions des logements sociaux qui relèvent de la commune sont effectuées, pour moitié, par le maire d’arrondissement et, pour l’autre moitié, par le maire de la commune (article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales). Cette règle, inchangée depuis son introduction en 1982, ne permet pas toujours de répondre aux nombreuses situations spécifiques que rencontrent ces collectivités.

Le décret n° 83-787 du 6 septembre 1983 avait permis à ces territoires de mettre en place une répartition plus souple des attributions entre le maire de la commune et le maire d’arrondissement. Son article 11 permettait notamment de réserver, en amont de la répartition à parts égales, des logements pour des personnes faisant face à des situations de péril ou d’habitat insalubre. Toutefois, par une décision du 20 novembre 1989, le Conseil d’État a jugé que cette disposition règlementaire était dépourvue de base légale.

Cet amendement modifie donc l’article L. 2511-20 du CGCT afin de permettre au conseil municipal de fixer une liste de relogements prioritaires donnant lieu à l’attribution de logements par le maire de la commune, indépendamment de la répartition à parts égales entre le maire de la commune et le maire d’arrondissement.

*

La Commission en vient à l’amendement CS368 rectifié de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Cet amendement concerne Paris, Lyon et Marseille : dans ces trois villes, la répartition des logements dont l’attribution relève de la commune est effectuée pour moitié par le maire d’arrondissement où ils sont situés, et par le maire de la commune pour l’autre moitié. Or ce dispositif d’attribution n’est pas adapté aux cas de relogements prioritaires ou d’application de dispositions législatives ou réglementaires particulières.

L’amendement proposé tend à permettre des dérogations à la règle de la répartition à parts égales pour des relogements considérés comme prioritaires et que le maire de la commune est tenu de pourvoir.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 20 quater

La Commission examine l’amendement CS779 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Le rythme des constructions ne permettra pas d’atteindre rapidement la tâche assignée aux bailleurs sociaux de consacrer au moins un quart de leurs attributions, en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux demandeurs les plus pauvres.

Cet amendement prévoit une meilleure mobilisation du parc privé, grâce à l’utilisation en particulier de l’intermédiation locative, sous l’égide des EPCI.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait puisque la loi du 31 mai 1990 dispose déjà que le PDALHPD définit des mesures concernant « la mobilisation de logements dans le parc privé, selon des modalités concertées et cohérentes, comprenant notamment le recours aux actions d’intermédiation locative ». Il reviendra ensuite au PLH de fixer des objectifs chiffrés par EPCI, comme l’a proposé l’amendement CS599 de Mme Linkenheld que nous venons de voter.

Je vous invite donc à retirer cet amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je souhaite également le retrait de l’amendement. Le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) est examiné en comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), mais celui-ci ne peut pas leur imposer d’objectifs chiffrés. C’est par le biais des programmes locaux de l’habitat (PLH) que l’on peut agir.

Par ailleurs, il faut veiller à ne pas aller trop loin en conférant aux schémas régionaux de l’habitat et de l’hébergement ou aux plans métropolitains de l’habitat et de l’hébergement des objectifs que la loi ne leur a pas donnés.

Votre volonté est, par ailleurs, satisfaite par les obligations départementales et par celles des PLH.

L’amendement est retiré.

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Article 21
(art. L. 313-26-2 et L. 313-35 du code de la construction et de l’habitation)

Obligations d’attributions d’Action Logement

1. L’état du droit

Depuis la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MOLLE), les collecteurs d’Action Logement (ex-1 % logement) doivent attribuer au moins 25 % des logements sociaux dont ils disposent au titre de contrats de réservation aux salariés et demandeurs d’emploi désignés comme prioritaires au titre du DALO. Cette obligation a été élargie par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) aux personnes sortant d’un dispositif d’hébergement ou de logement temporaire sans qu’elles n’aient besoin d’être reconnues prioritaires par une commission de médiation du DALO.

Malgré cet élargissement, les collecteurs d’Action Logement ont toujours des difficultés à respecter cette obligation. En 2014, seules 2,4 % des attributions sur le contingent d’Action Logement ont été consacrées à ces deux publics au niveau national. En Ile-de-France, où les demandeurs reconnus prioritaires au titre du DALO sont les plus nombreux, ce taux était de 7,2 %, bien loin de l’objectif de 25 % fixé par la loi.

2. Les dispositions du projet de loi

Le présent article élargit le public pour lequel les collecteurs d’Action Logement doivent consacrer au moins 25 % des attributions à l’ensemble des publics désignés comme prioritaires pour l’attribution d’un logement social en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation. Cette obligation sera identique à celle faite aux collectivités territoriales par l’article 20 du présent projet de loi. Par ailleurs, afin de mieux adapter cet objectif aux réalités territoriales, l’alinéa 4 supprime l’appréciation du respect de ce quota par programme. Le respect de cette obligation sera désormais apprécié de manière annuelle et par collecteur.

Enfin, l’alinéa 8 renforce les pouvoirs de contrôle du préfet qui pourra, en cas de non-respect de cette règle par un collecteur, se substituer aux commissions d’attributions pour effectuer, sur le contingent du collecteur, les attributions manquantes par rapport l’objectif fixé par la loi.

Les mêmes obligations sont appliquées par les alinéas 9 à 15 à l’association foncière logement (AFL) qui est un opérateur spécifique du réseau Action Logement.

3. La position de la Commission spéciale

Afin de renforcer la portée des dispositions de cet article, la Commission spéciale a adopté un amendement des rapporteurs rendant obligatoire la substitution du préfet lorsque les obligations d’attributions aux ménages DALO et aux publics prioritaires ne sont pas respectées.

Par ailleurs, un autre amendement des rapporteurs a précisé que le respect du taux de 25 % devait être apprécié à l’échelle du territoire des EPCI ou des EPT. Cette obligation doit, en effet, contribuer aux objectifs de mixité sociale propres à chaque territoire et ne doit pas être appréciée à une échelle nationale, d’autant plus que la prochaine réforme d’Action Logement va conduire à la création d’un collecteur national unique.

Enfin, contre l’avis du Gouvernement, mais en cohérence avec les amendements adoptés à l’article 20, la Commission spéciale a créé précisé que les attributions d’Action Logement réalisées en application du présent article ne pouvaient être situées à plus de 50 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

*

La Commission examine l’amendement CS155 de M. Pascal Thévenot.

M. Jean-Marie Tétart. Nous proposons de supprimer l’obligation d’attribution à l’ensemble des publics prioritaires de 25 % des logements réservés à Action Logement. Cet organisme doit trouver ses locataires parmi les salariés des entreprises qui cotisent. Il faut revenir à l’esprit des réservations de logement pour ces derniers.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Les collecteurs d’Action Logement attribuent aujourd’hui 2,4 % de leurs logements aux ménages DALO, alors que la moitié de ces derniers sont soit salariés, soit demandeurs d’emploi.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. L’État a signé des conventions régionales afin qu’Action Logement atteigne ses objectifs d’attribution de logements à des personnes concernées par le DALO. Les publics prioritaires, monsieur Tétart, ce ne sont pas des publics désargentés. Aujourd’hui, parmi les bénéficiaires du droit au logement opposable, certains ont de très faibles revenus, voire pas du tout ; mais 30 % à 50 % des bénéficiaires sont salariés, relèvent d’Action Logement, et n’auraient en réalité jamais dû entrer dans le dispositif DALO : ils auraient dû bénéficier d’un relogement par le biais d’Action Logement, mais n’ont jamais été orientés dans cette direction.

M. Jean-Marie Tétart. Je tiens à faire constater la distance qui s’accroît entre les entreprises qui cotisent à Action Logement et les modalités de l’attribution des logements. Le lien est complètement distendu.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS992 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le présent amendement a pour objectif de préciser que l’obligation pour les collecteurs d’Action Logement de réserver 25 % des attributions aux publics prioritaires s’apprécie à l’échelle de l’intercommunalité.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS494, CS493, CS884 et CS495 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Comme nous l’avons fait pour les bailleurs et les collectivités locales, nous proposons qu’Action Logement ne puisse pas attribuer aux publics prioritaires plus d’un logement sur deux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Il est normal d’appliquer la même règle à ce réservataire qu’aux autres.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Compte tenu de nos précédents débats sur d’autres contingents et sur le taux 25 %, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Pour rester cohérente, j’émets un avis défavorable à cet amendement, mais sans répéter les mêmes arguments pour la troisième fois. Je pense que nous reprendrons ce débat en séance.

M. François Pupponi. Je propose de maintenir l’amendement CS884 et de retirer les trois autres.

Les amendements CS494, CS493 et CS495 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS884.

Elle en vient aux amendements identiques CS81 de M. Philippe Gosselin, CS311 de M. Michel Piron et CS587 de M. Marcel Rogemont.

M. Philippe Gosselin. J’ai bien compris les remarques de Mme la ministre. Nous ne reviendrons pas sur les 25 % et le débat qui s’en est suivi. Cependant, ne soyons pas trop jacobins : il importe de coller aux réalités des territoires et donc de contribuer aux objectifs propres à chacun d’eux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ces amendements sont satisfaits par celui que j’ai proposé et que nous venons d’adopter, qui établit que l’obligation faite à Action Logement correspond aux territoires et au périmètre intercommunal. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. Michel Piron. Je veux bien retirer mon amendement, mais je regarderai cela de plus près.

M. Philippe Gosselin. Votre amendement se rapportait à l’alinéa 3 et les nôtres à l’alinéa 4 du projet de loi. Je ne suis pas sûr que nous visions exactement les mêmes choses.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Tous ces amendements se rapportent au même alinéa du code.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS1197 des rapporteurs et les amendements identiques CS82 de M. Philippe Gosselin et CS421 de M. Marcel Rogemont.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement de conséquence qui répond à la volonté exprimée depuis le début d’examen du texte, à travers l’adoption de toute une série d’amendements, de mieux distinguer les ménages DALO des autres publics prioritaires, ici pour le contingent d’Action Logement.

L’adoption de mon amendement permettra de satisfaire les suivants.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Nous sommes dans la même logique que lors des discussions que nous avons eues à l’article 20. Je suis favorable à l’amendement des rapporteurs.

La Commission adopte l’amendement CS1197.

En conséquence, les amendements CS82 et CS421 tombent.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS931 des rapporteurs.

Puis elle passe à l’amendement CS993 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Par cohérence avec les amendements précédents sur le contingent communal, cet amendement vise à ce que la substitution du préfet, en cas de manquement d’un collecteur d’Action Logement à l’obligation de consacrer 25 % des attributions sur son contingent aux ménages prioritaires, soit obligatoire et non pas facultative.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS932 des rapporteurs.

Elle est saisie de l’amendement CS181 de M. Sylvain Berrios.

M. Guillaume Chevrollier. Le projet de loi vise clairement à renforcer les pouvoirs du préfet en matière de logement social. Ainsi cet alinéa prévoit que le préfet peut se substituer à un bailleur social défaillant pour procéder à l’attribution de logements sociaux. Le présent amendement vise au minimum à prévoir une consultation du maire qui est celui qui connaît le mieux le territoire de la commune.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cette consultation paraît inutile dans la mesure où le maire est, de toute façon, présent ou représenté dans les commissions d’attribution.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées.

La Commission rejette l’amendement

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS882, CS881, CS606 et CS883 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit, encore une fois, d’éviter qu’Action Logement n’accorde trop de logements aux publics prioritaires dans les QPV.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Comme je l’ai fait précédemment et afin d’assurer une certaine cohérence, je m’en remets à la sagesse de la Commission. Nous aurons l’occasion de rediscuter de tout cela en séance.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

Les amendements CS882, CS881 et CS883 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS606.

Puis elle en vient à l’amendement CS1198 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. C’est un amendement de conséquence sur la clarification de la définition des publics prioritaires

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS934 et CS933 des rapporteurs.

L’amendement CS182 de M. Sylvain Berrios est retiré.

La Commission adopte l’article 21 modifié.

*

Article 22
(art. L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation)

Modification des pouvoirs au sein de la commission d’attribution
des logements (CAL)

L’article 22 vise à modifier la composition et le fonctionnement des commissions d’attribution définis à l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH), en coordination avec les réformes que propose l’article 20 du présent projet de loi.

I. UNE COMPOSITION QUI ÉVOLUE POUR RENFORCER LA POSITION DE CERTAINS ACTEURS

1. Les règles actuelles

L’article L. 441-2 du CCH dispose que les commissions d’attribution créées dans chaque organisme d’habitations à loyer modéré sont composées de six membres.

Tous les maires des communes où sont implantés les logements attribués en sont membres de droit – avec une voix prépondérante en cas d’égalité des voix.

L’article prévoit, par ailleurs, divers participants « à titre consultatif » :

– tels un représentant des organismes agréés en matière d’ingénierie sociale et financière au bénéfice des ménages modestes ;

– et les présidents des EPCI pour l’attribution des logements situés sur leur territoire.

Le préfet, représentant de l’État dans le département, ou l’un de ses représentants, peut également assister, à sa demande, à toute réunion des commissions d’attribution.

2. Les évolutions proposées

En dépit de l’obligation faite par l’article L. 441-2-3 du CCH d’attribuer des logements aux candidats reconnus prioritaires au titre du DALO (24) qui sont présentés par les préfets, l’expérience aurait montré – selon l’étude d’impact de l’article – que ces présentations reçoivent des suites souvent défavorables.

L’insuffisante mobilisation des contingents réservataires en faveur de ces demandeurs est régulièrement dénoncée comme une des raisons des difficultés à répondre à ces demandes prioritaires selon une évaluation menée en novembre 2012, et, par suite, une des causes de l’explosion dans les régions les plus tendues des condamnations de l’État censé garantir la mise en œuvre du DALO.

Des progrès ont pu être constatés ces dernières années grâce au renforcement de la mobilisation des préfets eux-mêmes conviés par l’État à user de tous leurs leviers et de toutes leurs compétences (signature et suivi des conventions de réservation avec les bailleurs et des accords locaux passé avec les collecteurs d’Action logement, usage de leur faculté de procéder par eux-mêmes au relogement grâce à une attribution sur leur contingent ou sur celle d’une commune faisant l’objet d’un arrêté de carence au titre de la loi SRU (25)…). Mais les résultats ne sont pas encore satisfaisants. Le projet de budget pour 2016 prévoyait ainsi un alourdissement des dépenses d’astreintes dues par l’État à près de 40 millions d’euros contre 34,4 millions en 2015.

Le 4° du présent article vise donc à modifier l’article L. 441-2 du CCH pour faire des représentants de l’État dans le département des membres de droit de toutes les commissions d’attribution dans leur ressort.

Ce nouveau statut leur donnerait aussi une voix délibérative.

Cette position consolidée est plus cohérente avec le pouvoir des préfets d’imposer l’attribution d’un logement sur le contingent de l’État. Elle est aussi cohérente avec les diverses mesures renforçant leurs pouvoirs, responsabilités et obligations en matière de logement que propose le projet de loi.

Le de l’article 22 instaure par ailleurs la participation d’« un représentant des organismes collecteurs agréés mentionnés à l’article L. 313-18 [du CCH] réservataires de logements sociaux ». Il s’agit des organismes collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC ou « 1 % logement ») dont l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), dit Action logement, est la tête de réseau.

Cette participation reste « à titre consultatif » et limitée aux travaux de la commission pour l’attribution des logements sociaux pour lesquels ils disposent de contrats de réservation. Des logements leur sont en effet réservés en contrepartie des diverses aides financières qu’ils apportent dans les opérations de production de logements sociaux.

Malgré ces limitations, l’entrée des collecteurs d’Action Logement dans les procédures d’attribution (hors celles gérées par leurs propres organismes d’habitations à loyer modéré) représente une petite révolution, la réalisation d’une revendication d’un réseau qui est depuis toujours un contributeur notable du secteur du logement social, par ses entreprises, mais aussi par des aides directes aux autres bailleurs.

II. DES CRITÈRES DE PRIORITÉ CLARIFIÉS

Le du présent article s’attache enfin à clarifier les critères de priorité que les commissions d’attribution devront impérativement respecter à l’avenir.

1. Un cadre juridique manquant de précision

L’actuel alinéa 3 de l’article L. 441-2 du CCH indique qu’une commission « exerce sa mission d’attribution des logements locatifs dans le respect des objectifs fixés à l’article L. 441 et des priorités définies aux premier à dixième alinéas de l’article L. 441-1 en faveur des personnes défavorisées et de celles qui rencontrent des difficultés de logement ».

Certes, cette rédaction identifie le public visé en priorité par ces attributions de logements sociaux et inscrit les décisions de la commission dans le cadre juridique défini par les articles L. 441 et L. 441-1 du CCH.

L’article L. 441 du CCH rappelle le but fondamental du travail des commissions d’attribution : « la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées » et ses objectifs annexes : « prendre en compte la diversité de la demande constatée localement ; (…) favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers ».

L’article L. 441-1 du CCH établit la liste des données individuelles du ménage candidat à prendre en compte dans une procédure d’attribution ; il liste aussi des « critères généraux de priorité » et plus précisément une série de situations personnelles justifiant, selon la loi, un traitement prioritaire.

Dans un secteur où la demande est souvent très supérieure à l’offre, des priorités bien identifiées sont d’autant plus nécessaires pour faire un classement des candidatures.

Pour éviter que ce classement ne se règle en toute opacité avant leur réunion, un décret du 15 février 2011 a également imposé que les commissions examinent au moins trois demandes pour un même logement, sauf en cas d’insuffisance du nombre des candidats.

Ce même décret précise que les commissions peuvent classer les candidats par ordre de priorité. L’attribution du logement sera prononcée en faveur du candidat suivant en cas de refus par celui classé devant lui. Il est cependant fait exception à cette obligation quand une commission examine les candidatures de personnes désignées par le préfet en application du dispositif DALO.

On constate cependant que si les cadres législatif et réglementaire en vigueur apportent diverses indications de nature à guider les décisions des commissions d’attribution, leur énoncé maintient aussi un certain flou sur le caractère obligatoire de ces « critères » et leur hiérarchisation : la formule « notamment au profit… » qui introduit à l’article L. 441-1 la liste des cas susceptibles d’être considérés comme prioritaires est significative ; la loi ne dit même pas explicitement quelle préférence donner aux personnes reconnues prioritaires par les commissions de médiation sur les situations précédemment évoquées. Au reste, l’article L. 441-2 ne permet pas de distinguer entre objectifs et critères de classement.

2. La clarification proposée

À un premier niveau de lecture, la modification apportée par le de l’article 22 permettra de faire la différence entre :

– ce que les commissions d’attribution devront « prendre en compte » (les objectifs fixés à l’article L. 441 du CCH) ;

– et ce qu’elles devront « respecter » précisément (les critères mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-1 relatifs, pour l’essentiel, aux situations familiales et patrimoniales et aux contraintes professionnelles des candidats, d’une part, et les priorités déclinées dans la suite de l’article, d’autre part).

On observera, à un deuxième niveau de lecture, que ces objectifs, critères et priorités sont revus, par ailleurs, par le présent projet de loi.

Le 2° du présent article est avant tout une mise en cohérence de l’article L. 441-2 du CCH avec la réécriture des articles L. 441 et L. 441-1 du même code.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté un amendement de M. Gosselin permettant à tous les réservataires de participer, avec voix consultative, aux décisions de la commission d’attribution qui concernent l’attribution des logements relevant de leur continent. Cette disposition permettra notamment aux conseils régionaux et départementaux d’assister aux CAL consacrées à leur contingent.

Par ailleurs, à l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a adopté deux amendements faisant du président de l’EPCI un membre de droit de la CAL avec voix prépondérante dans le cas où l’EPCI a créé une conférence intercommunale du logement et adopté un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs.

*

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l’amendement CS183 de M. Sylvain Berrios.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination CS971 des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CS692 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Jacqueline Maquet. Cet amendement a pour but de permettre la représentation des groupes politiques minoritaires au sein des commissions d’attribution créées par l’article 22 du présent projet de loi.

La présence d’élus de toutes sensibilités vise à atteindre réellement les objectifs de transparence dans l’attribution des logements poursuivis par le présent projet de loi, en permettant aux élus d’opposition de veiller à l’application des critères fixés par la loi et d’exercer ainsi leur rôle de contrôle.

M. le rapporteur général. Je souhaiterais que la Commission spéciale adopte une position cohérente concernant ces amendements et tout ce qui rouvre des fronts sur la représentation telle que prévue par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ou par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CS1199 des rapporteurs.

Elle en vient à l’amendement CS156 de M. Pascal Thévenot.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Cet amendement, qui prévoit que le maire ait deux voix prépondérantes en cas d’égalité lors des commissions d’attribution, ne me semble pas nécessaire. Les maires sont présents et représentés dans ces commissions auxquelles participe également l’opposition. Je pense que la représentativité y est suffisante.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement

Elle passe à l’amendement CS83 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement prévoit que tous les réservataires, comme les départements et les régions, doivent pouvoir assister, avec voix consultative, aux comités d’action logement (CAL) concernant leur contingent. Il serait très intéressant de pouvoir les entendre et d’avoir leurs explications pour coller le plus possible aux réalités du terrain.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CS935 des rapporteurs tombe.

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CS1011 et CS994 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ces deux amendements sont complémentaires. Le premier tend à supprimer la voix prépondérante du maire en cas d’égalité si l’EPCI est compétent. Le second vise à faire du président de l’EPCI un membre de droit des CAL, avec voix prépondérante s’il a créé une conférence intercommunale du logement et adopté un plan partenarial. Ils approfondissent des dispositions contenues dans la loi sur l’accès au logement et l’urbanisme rénové (ALUR).

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. Cela permettra d’avoir des outils et une gouvernance de ces outils en cohérence avec la montée en puissance des territoires.

La Commission adopte successivement les amendements CS1011 et CS994.

Puis elle adopte l’article 22 modifié.

*

Article 23
(art. L. 441-2-1 du code de la construction et de l’habitation)

Délivrance à l’échelle nationale du numéro unique
d’enregistrement de la demande

L’article 23 est consacré aux modifications apportées à l’article L. 441-2-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) relatif à l’enregistrement des demandes de logements sociaux et à la gestion du système.

En faisant remonter à l’échelle nationale la délivrance du numéro d’enregistrement de chaque demande, l’article 23 vise à alléger les démarches pour les demandeurs et devrait réduire certains coûts de gestion supportés par les services gestionnaires.

L’inscription d’office des locataires devant bénéficier d’un relogement dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain, qu’il propose par ailleurs, répond à des préoccupations similaires, tout en permettant – théoriquement – d’accélérer le processus.

I. L’ACHÈVEMENT DE LA « NATIONALISATION » DE L’ENREGISTREMENT DES DEMANDES DE LOGEMENT SOCIAL

1. Le dispositif actuel du numéro unique

Créé par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions pour garantir les droits du demandeur de logement social, le « numéro unique » atteste de l’existence et de l’ancienneté de sa demande.

Un seul numéro d’enregistrement est ainsi délivré à tout demandeur dans chaque département où il a déposé une demande – ou au niveau de la Région s’agissant de l’Île-de-France, et ce :

– quel que soit le nombre de communes visées par cette demande (26) ;

– quel que soit l’organisme auquel la demande a été présentée (bailleurs sociaux, collectivités et EPCI volontaire, services de l’État, service commun d’enregistrement placé sous l’autorité d’un SIAO ou organisme collecteur du réseau d’Action Logement lorsque la demande émane d’un salarié dont l’entreprise cotise au titre de la participation des employeurs à l’effort de construction - PEEC) lequel est habilité à effectuer son enregistrement ;

– y compris quand la demande est enregistrée directement par le demandeur sur internet.

Dès réception, chaque demande fait l’objet d’un enregistrement puis de l’attribution au demandeur d’un « numéro unique », qui certifie le dépôt de son dossier et fait courir les délais (27) à partir desquels il pourra faire reconnaître son « droit au logement » et le caractère prioritaire de sa demande s’il n’a pas reçu de proposition de logement entre-temps.

Généré à l’origine par un système d’enregistrement départemental, le dispositif a fait l’objet d’une harmonisation et d’une intégration nationales progressives pour améliorer encore l’égalité de traitement et la transparence du processus d’attribution des logements sociaux :

– la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi Molle », a unifié le formulaire de demande de logement social sur l’ensemble du territoire national ;

– puis, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite « loi ALUR », a imposé que l’enregistrement s’opère, dès la réception de la demande, sur le Système national d’enregistrement (SNE) (28).

Cette même loi permet au demandeur de ne constituer auprès d’un seul service enregistreur qu’un unique dossier pour l’ensemble des réservataires et des bailleurs du territoire où sa demande est enregistrée en ne fournissant qu’un seul exemplaire des pièces constitutives.

Nonobstant cette centralisation informatique, l’identification des demandes par un numéro « unique » est restée cantonnée au niveau départemental – ou régional pour l’Île-de-France.

2. Les dispositions du projet de loi

Or, si cette échelle est justifiée dans la plupart des cas, la recherche d’une résidence principale ne dépassant généralement pas un territoire intra-départemental, elle est plus contraignante pour les demandeurs dont le bassin de vie et d’emploi s’étend sur plusieurs départements.

Pour ne pas restreindre leurs chances d’obtenir un logement social dans leur périmètre utile, ceux-ci doivent déposer leur demande dans chaque département envisagé alors qu’il s’agit, en réalité, d’un seul et même projet individuel.

Des comptabilisations multiples ne sont pas rares. Selon l’étude d’impact du projet de loi, elles concerneraient 200 000 demandeurs et cela peut expliquer l’écart constaté entre le SNE qui décompte actuellement 1,8 million de demandes actives et l’enquête nationale logement (ENL) de l’INSEE qui dénombre seulement 1,4 million de demandeurs de logement social.

Pour corriger cette faille et simplifier les démarches des demandeurs, le de l’article 23 propose de modifier le deuxième alinéa de l’article L. 441-2-1 du CCH afin que le numéro attribué ne soit plus départemental, ou régional, mais national dès réception de la demande.

Parallèlement, le précise que l’attestation délivrant ce numéro, désormais unique au niveau national, fera courir les délais de saisine de la commission de médiation « dans les départements ou, pour l’Île-de-France, dans la région où sont situées les communes qui figurent dans sa demande de logement social, telle qu’enregistrée dans le système national d’enregistrement ».

L’enregistrement serait donc totalement centralisé, tout en continuant à produire ses effets dans le cadre des départements –  ou de la région – dont relèvent les communes visées par la demande.

 Il n’y aurait plus qu’un seul numéro national d’identification, généré par le SNE sur la base d’un seul dossier de demande, et valable pour tous les départements ou région couverts par celle-ci, à charge pour le service local qui réceptionne le dossier du demandeur d’assurer la disponibilité des pièces du dossier pour tous les intervenants des territoires visés.

Ce faisant, la réforme irait jusqu’au bout de la logique de partage des données et de transparence qui a inspiré la mise en place du dispositif du numéro unique. Aujourd’hui en effet, faute déjà d’interconnexions effectives, il n’y a pas d’échanges d’information entre des dossiers correspondant au même projet du demandeur mais identifiés par des numéros différents.

Elle ferait disparaître les doubles comptes et conduirait à des économies évaluées dans l’étude d’impact à près de 4 millions d’euros par an dans l’hypothèse où la réforme ferait baisser le nombre total de demandes actives de 10 %. Certes, le SNE devra être adapté pour un coût global estimé à 500 000 euros. Mais les économies pourraient neutraliser cette charge en seulement deux ans ; elles représenteraient un gain net ensuite.

Pour les demandeurs, cette mesure simplifie sensiblement leurs démarches d’inscription puis de renouvellement annuel, sans diminuer leurs droits.

Enfin, la précision introduite par le 3° du présent article garantit que l’ancienneté de la demande (qui détermine les droits à saisir une commission de médiation) sera déterminée à compter de la délivrance initiale du numéro national et ce, dans tous les départements où sont situées les communes figurant dans cette demande.

Aujourd’hui, l’ancienneté est décomptée à partir de l’enregistrement du dossier dans le département. Il peut y avoir un décalage entre les différents dossiers d’un même candidat. S’il oublie ou tarde à renouveler l’une de ses demandes, elle est radiée et il perd l’ancienneté acquise sur ce territoire.

On peut même imaginer qu’à l’avenir, ce numéro centralisé, qui conserve l’ancienneté de la demande originelle, permette aux demandeurs de modifier plus souplement leur périmètre local de recherche, pour l’adapter au plus près de l’évolution de leur situation personnelle ou professionnelle, tout en préservant leurs droits.

 La réforme achèverait ainsi l’intégration nationale de l’enregistrement des demandes de logement social ; mais elle n’effacerait pas pour autant les périmètres départementaux ou régional actuellement retenus pour l’appréciation des effets de cet enregistrement, que réaffirme la précision introduite par le du présent article.

L’ancrage territorial défini par la nouvelle rédaction détermine la ou les commissions compétentes, puis le « représentant de l’État dans le département » qui est saisi de la liste des demandeurs reconnus prioritaires et à qui il incombe de définir le périmètre au sein duquel doivent se situer les logements devant leur être attribués.

Cet ancrage territorial est justifié à plus d’un titre :

– même si la situation des marchés locaux du logement ne fait pas partie des critères qu’une commission doit prendre en considération pour déterminer le caractère prioritaire ou non d’une demande de logement social, leurs spécificités et leurs tensions ne peuvent manquer de nuancer son appréciation ;

– dans la définition du périmètre obligatoire, le représentant de l’État doit tenir compte des réalités locales, et notamment de la situation des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des accords collectifs intercommunaux ou départementaux ;

– et si la réforme ne modifie pas les prérogatives des acteurs du processus d’attribution des logements, pas plus que leurs limites territoriales (ils ne peuvent se prononcer que dans leur périmètre de compétence), la reconnaissance du caractère national d’une demande de logement social ou le fait que d’autres départements sont également sollicités ne doit pas les déresponsabiliser. Ils auront toujours des comptes à rendre sur leurs réponses aux demandes.

– enfin, il ne serait pas plus envisageable qu’une demande de logement social qui changerait radicalement de périmètre conserve son ancienneté et les droits liés parce qu’elle serait déconnectée de son ancrage territorial.

Ainsi, quand bien même le dossier serait désormais identifié au niveau national et qu’il n’y aurait plus de décompte des délais différencié selon les départements, la demande resterait inscrite dans des territoires déterminés.

II. L’INSCRIPTION D’OFFICE DES LOCATAIRES DEVANT BÉNÉFICIER D’UN RELOGEMENT

Le 1° du présent article prévoit par ailleurs que les locataires devant bénéficier d’un relogement dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain feraient désormais l’objet d’un enregistrement d’office dans le SNE par leur bailleur.

Actuellement, il n’y a pas d’obligation d’enregistrement de ces locataires. Leur bailleur est toutefois soumis à une obligation de les reloger dans les limites de procédures spécifiques : il doit ainsi leur faire jusqu’à trois propositions de relogement et le bénéficiaire a trente jours pour accepter. Cette procédure répond sans doute à la plupart des besoins de relogement.

Mais elle pourrait devenir plus difficile à mettre en œuvre avec les nouvelles exigences qui s’imposeront aux bailleurs sociaux de reloger leurs locataires issus des territoires de la politique de la ville en dehors des quartiers sensibles.

Le bassin d’emploi d’un locataire peut aussi ne pas correspondre au parc disponible du bailleur.

L’enregistrement de ces besoins de relogement dans le SNE rend possible leur traitement collectif, qui élargit le périmètre de recherche.

Faire assumer cet enregistrement par les bailleurs épargnerait aux locataires concernés les démarches correspondantes. Le rendre automatique permettrait de gagner du temps dans des processus qui vont se compliquer.

Cette inscription d’office présenterait deux autres avantages, plus généraux :

– en termes de transparence et de partage d’informations sur les parcs des bailleurs, leurs disponibilités et leurs contraintes ;

– et en termes de mixité sociale au niveau d’un territoire : l’article 20 du projet de loi prévoit, entre autres, que les plus importants EPCI et les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille-Provence seront tenus de réserver au moins 25 % des attributions annuelles de logements situés en dehors des quartiers de la politique de la ville aux demandeurs les plus pauvres et aux personnes relogées dans le cadre du renouvellement urbain. Leur enregistrement d’office leur donnera des occasions de remplir leurs quotas.

Le bailleur effectuera cet enregistrement sur la base des informations fournies par le ménage.

À défaut, l’article 23 envisage aussi la possibilité qu’il procède à cette inscription avec les seules informations qu’il détient. Le bailleur peut utiliser, si le locataire ne s’y oppose pas, l’enquête d’occupation du parc social (OPS) pour mettre à jour ses bases de données de gestion.

Le demandeur qui recevra une attestation de son inscription parmi les personnes à reloger pourra modifier les données inexactes le concernant.

C’est lors de la procédure annuelle de renouvellement de la demande que les « doublons » identifiés sur d’autres territoires seront supprimés pour aboutir à un dossier unique. La plupart des cas ne devraient pas poser de problème – il est même probable que les bailleurs procéderont aux vérifications nécessaires – et, en tout état de cause, l’enregistrement même incomplet d’une demande permet de faire courir son ancienneté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté cet article sans modification.

*

La Commission examine l’amendement CS185 de M. Sylvain Berrios.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tend à supprimer l’article 23 qui centralise les demandes au niveau national alors qu’au contraire les acteurs ont besoin de décentralisation et de souplesse. Une telle centralisation risque d’alourdir et de complexifier davantage le secteur du logement social.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Il me semble que l’amendement témoigne d’une incompréhension de l’objet de cet article. Il ne s’agit pas de rendre plus délicate la démarche du demandeur. Au contraire, la délivrance d’un numéro unique au niveau national a pour objectif de faciliter les démarches des demandeurs qui peuvent se situer à la frontière entre deux départements. En revanche, l’enregistrement lui-même dans le système informatique national continuera toujours à se faire par les services enregistreurs locaux ou par le demandeur lui-même sur internet.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet article prévoit en fait une mesure de simplification. Avoir un numéro national plutôt que départemental permet aux demandeurs en mobilité professionnelle de ne pas avoir à faire une double demande. On voit beaucoup ce genre de cas entre Rhône et Isère, Nord et Pas-de-Calais, Bouches-du-Rhône et Var. La mise en place du système national d’enregistrement (SNE) est un grand succès et elle a permis de moderniser l’ensemble de la demande. Avec cet article, il s’agit de simplifier le dispositif et de le rendre compréhensible par tous nos concitoyens. À notre époque, il n’est pas satisfaisant d’avoir à expliquer à quelqu’un, qui cherche un logement social entre le Rhône et l’Isère, qu’il devra faire deux démarches séparées et qu’il aura deux numéros différents.

M. Sylvain Berrios. On saisit bien ce qu’il y a de plus simple dans le fait de n’avoir à effectuer qu’une seule démarche. Cependant, vous n’avez parlé que de départements limitrophes. On peut s’interroger sur la pertinence du périmètre. Pourquoi ne serait-il pas régional comme en Île-de-France ? Pourquoi ne pas étendre aux autres régions la bonne expérience de l’Île-de-France plutôt que de créer un numéro national qui fait perdre de la lisibilité dans la demande de logements, située quant à elle au niveau du bassin de vie ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Si vous changez de région, que se passe-t-il ?

M. Sylvain Berrios. Cela ne correspond pas aux exemples que vous avez donnés.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je peux vous en donner d’autres. Ceux que je vous ai donnés sont ceux qui apparaissent le plus fréquemment dans les doubles décomptes. Le plus simple, me semble-t-il, est d’avoir un numéro national qui nous permettra aussi d’avoir des statistiques plus fines. Avec la mise en place du SNE, on commence à avoir des chiffres un peu solides sur le profil des demandeurs de logement social : revenus, âge, ancienneté de la demande, lieu d’habitation souhaité, etc. À notre époque, le niveau national est plus pertinent que le niveau départemental dans ce domaine-là comme dans d’autres, par exemple celui des prestations sociales.

Objectivement, on pourrait se demander pourquoi on ne l’a pas créé dès le départ. L’instauration de ce SNE est le fruit d’un long combat. Je ne sais pas pour quelles raisons ce système était si compliqué à accepter. La modernisation de la demande de logement social a entraîné deux conséquences : les demandeurs refont plus souvent leur demande d’une année sur l’autre et perdent ainsi moins de droits, si je puis m’exprimer ainsi ; les dossiers sont dûment complétés et le service est bien meilleur qu’auparavant.

Avec cet article, il s’agit simplement d’aller un peu plus loin.

L’amendement est retiré, de même que l’amendement CS184, également de M. Sylvain Berrios.

La Commission examine les amendements identiques CS84 de M. Philippe Gosselin et CS523 de M. François Pupponi.

M. Philippe Gosselin. Comme vous le savez, l’ennui naquit de l’uniformité. Avec cet amendement, il s’agit de donner un peu d’autonomie aux préfets qui ont pu installer de bons systèmes, et de leur permettre de tenir compte de l’existant et du local, sachant que cela ne remet pas en cause le dispositif national. Il est, en effet, prévu que l’ensemble peut être connecté avec les dispositifs de gestion partagée, à la demande. Il s’agit simplement de permettre une autonomie locale.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je demande le retrait de ces amendements. Les systèmes départementaux ou régionaux d’enregistrement de la demande pour le compte du SNE existent déjà, notamment en Alsace. Ils n’ont pas été supprimés par la loi ALUR qui, au contraire, a mentionné l’existence des dispositifs de gestion partagée des dossiers. En outre, nous sommes là dans le registre réglementaire, et il n’y a aucune raison de faire passer ces dispositions réglementaires au niveau législatif.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. L’agrément d’un système particulier de traitement de la demande de logement social est déjà possible au niveau réglementaire. Il est prévu à l’article R-441-2-5 du code de la construction et de l’habitation. Notre intention n’est pas de supprimer cette disposition, mais nous souhaitons qu’elle reste réglementaire.

Les amendements sont retirés.

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

*

Article 24
(art. L. 441-2-7 et L. 441-2-8 du code de la construction et de l’habitation)

Adaptation des dispositifs de gestion de la demande de logement social
à l’échelle intercommunale

1. L’état du droit

L’article 97 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a renforcé le rôle des intercommunalités dans le pilotage de la gestion des demandes de logements sociaux. En application de l’article L. 441-2-8 du code de la construction et de l’habitation, les EPCI dotés d’un programme local de l’habitat (PLH) approuvé doivent ainsi élaborer un plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs, qui est mis en œuvre par les organismes HLM, l’État et les autres réservataires de logements sociaux. Ce plan doit notamment prévoir les modalités d’organisation et de fonctionnement d’un service d’information et d’accueil des demandeurs de logement. Le principe et les modalités de fonctionnement des systèmes de cotation de la demande ou de location choisie doivent également être mentionnés dans le plan si l’EPCI a mis en place ou souhaité mettre en place.

Par ailleurs, pour mettre en œuvre les orientations définies par le plan, l’article 97 de la loi ALUR a imposé la création, à l’échelle intercommunale, d’un dispositif de gestion partagée des demandes de logements sociaux. Ce dispositif est destiné à mettre en commun, en vue d’une gestion partagée des dossiers par les bailleurs sociaux et les réservataires, les demandes de logement social, les pièces justificatives nécessaires à leur instruction ainsi que les informations relatives à la situation des demandeurs et à l’évolution de leurs dossiers en cours de traitement.

2. Les dispositions du projet de loi

Le présent article adapte le contenu des plans partenariaux et les modalités de mise en œuvre des dispositifs de gestion partagée de la demande qui sont actuellement en cours d’élaboration dans les territoires.

L’alinéa 3 permet aux EPCI d’utiliser, s’ils le souhaitent, un dispositif de gestion partagée des dossiers qui sera développé au niveau national, alors que la loi ne mentionne pas une telle possibilité aujourd’hui. Le groupement d’intérêt public du système national d’enregistrement (SNE) est, en effet, en train de développer un tel outil dont le coût est estimé à 500 000 euros.

Afin d’assurer une meilleure mise en œuvre des plans partenariaux de gestion de la demande, l’alinéa 5 prévoit d’associer les collecteurs d’Action Logement à leur élaboration, au même titre que les autres réservataires de logements sociaux. L’alinéa 6 ajoute à la liste des actions que doivent prévoir les plans partenariaux la mise en place d’un système de qualification de l’offre de logements sociaux du territoire. De tels systèmes de qualification de l’offre permettent de définir, sur des bases objectives et partagées, les autres mesures du plan et les orientations relatives aux attributions qu’élabore la conférence intercommunale du logement.

Les alinéas 7 et 8 précisent, quant à eux, les modalités de fonctionnement des systèmes de cotation de la demande et de location choisie que peuvent mettre en place les EPCI. La cotation de la demande permet de rendre objectif, à partir d’un certain nombre de critères, le classement et la sélection des candidatures pour un logement social. L’alinéa 7 précise que de tels systèmes doivent obligatoirement intégrer, dans la grille de cotation, les critères de priorité nationaux fixés par l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation. Par ailleurs, il autorise expressément ces systèmes à pénaliser les demandeurs ayant refusé une proposition de logement adapté en modifiant la cotation de leur demande. Les modalités de prise en compte des refus doivent être déterminées par le plan partenarial.

L’alinéa 8 définit de manière explicite en quoi consiste le système de location choisie que l’EPCI peut imposer aux bailleurs sociaux et aux réservataires. Dans le cadre de ce système, les logements sociaux disponibles doivent être portés à la connaissance du public sur un support commun et les choix exprimés par les demandeurs doivent être pris en compte lors des désignations des candidatures à examiner par la commission d’attribution.

Enfin, afin d’accélérer cet effort de transparence et d’information des demandeurs, les alinéas 10 et 11 imposent aux organismes d’HLM de porter à la connaissance du public l’ensemble de leurs logements vacants au plus tard le 1er janvier 2022.

3. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté un amendement de M. Chassaigne permettant de garantir aux demandeurs de logement social une information complète sur le fonctionnement des systèmes de cotation de la demande.

Par ailleurs, le terme de « location choisie » mentionné actuellement dans le code de la construction et de l’habitation ne décrivant pas bien les systèmes de gestion de la demande de logement social que mettent en œuvre certains EPCI, la Commission spéciale a adopté un amendement des rapporteurs remplaçant le terme de « location choisie » par celui de « location voulue ».

Enfin, à l’initiative des rapporteurs, l’obligation de publication des logements sociaux vacants a été élargie aux SEM de construction et de gestion de logements sociaux et sa date d’entrée en vigueur a été avancée de 2022 à 2020.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS671 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement vise à la transparence, à une meilleure information des ménages sur le déroulement de leur demande de logement social.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable, même si l’article L. 441-2-6 du code de la construction et de l’habitation précise déjà que le demandeur a le droit à des informations « sur les principales étapes du traitement de sa demande ».

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable, à condition que l’amendement soit rectifié en remplaçant par le mot « de » les mots : « et du rang attribué à », car il s’agit d’un renseignement qui ne peut être donné à l’avance. Sur le reste, nous partageons votre volonté de favoriser une meilleure information et compréhension de ce qui se pratique, notamment sur la cotation et la pondération.

M. André Chassaigne. J’accepte cette rectification.

La Commission adopte l’amendement CS671 ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CS975 des rapporteurs.

En conséquence, l’amendement CS186 de M. Sylvain Berrios tombe.

La Commission passe à l’amendement CS187 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 8 à 11, et à appeler l’attention de la Commission spéciale sur la complexité qu’entraîne le principe de « logement social choisi », à l’instar de ce qui existe dans le secteur locatif privé. Ces dispositions risquent de complexifier les modalités de l’attribution puisque les commissions d’attribution devront prendre en compte ce nouveau critère. Dans certains quartiers, les logements sont tout bonnement refusés, et on a du mal à trouver des locataires acceptant d’y habiter. Ces mesures ne simplifient pas les procédures et n’aident pas le logement social. Si vous trouvez beaucoup de locataires désireux de s’installer dans certains quartiers prioritaires de Saint-Maur, madame la ministre, je vous invite à me les envoyer.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. J’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. Les alinéas visés par la suppression tendent à permettre des expérimentations positives. Il me semble important d’offrir cette possibilité. Nous avons pu observer que cela permettait de lutter contre la vacance de logements et d’attirer certains ménages dans le parc de logement social.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CS995 des rapporteurs et les amendements identiques CS85 de M. Philippe Gosselin, CS312 de M. Michel Piron, CS524 de M. François Pupponi et CS590 de Mme Nathalie Appéré.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le sujet peut paraître secondaire mais il peut avoir son importance dans l’esprit des demandeurs de logement. Nous sommes un certain nombre à considérer que la notion de « location choisie » pourrait induire les demandeurs en erreur en leur laissant croire qu’ils pourront choisir le logement qui leur sera attribué alors que les commissions restent seules souveraines. En fait, cette notion signifie qu’ils pourront se porter candidats à la location d’un logement à partir du moment où ils le savent vacant. Pour éviter la confusion, je propose de remplacer « location choisie » par « location voulue ».

M. Philippe Gosselin. C’est de la sémantique. S’il est bien de prendre en compte l’intérêt d’un demandeur pour un logement dont il connaît la vacance, il est quand même important qu’il ait en tête que c’est la commission d’attribution qui décidera. Nous pensons que le terme « active » révèle mieux la réalité des choses que « choisie » mais aussi que « voulue » qui laisse penser qu’il y a une volonté. Or il y a seulement la possibilité de signaler un logement vacant sans avoir l’assurance de pouvoir le prendre.

M. Michel Piron. Je n’ai rien à ajouter à ce que je viens d’entendre. Le mot « choisie » est certainement à récuser. Pour le reste, il me semblait qu’« active » était quand même préférable à « voulue ».

Mme Nathalie Appéré. Dans ce débat sémantique, nous proposons de remplacer « choisie » par « active », afin de lever les ambiguïtés et de faire comprendre que c’est bien la commission et non le locataire qui décidera en dernier lieu. Je préfère cette solution à celle du rapporteur qui tendrait à faire croire que lorsqu’une location n’est pas « voulue », elle est contre le gré du locataire, ce qui n’est pas très heureux non plus. L’idée est de montrer que l’on peut être actif dans un processus et se positionner sur un logement sans pour autant être détenteur de la décision finale.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Nous sommes tous d’accord pour dire que la notion de « location choisie » n’est pas appropriée. Pour le reste, les membres de la Commission spéciale voteront en leur âme et conscience sur cette question qui n’est quand même pas la plus fondamentale que nous ayons à examiner dans ce projet de loi.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. D’expérience, la location peut être choisie, voulue ou active. Nous sommes tous d’accord sur le fait que lorsque cette possibilité est utilisée, elle fonctionne. Je ne dis pas que les débats sur les mots ne sont pas importants, mais nous sommes là dans des nuances. Quel est le mot qui permettrait au locataire de mieux comprendre la situation ? Je m’en remets à votre sagesse.

La Commission adopte l’amendement CS995.

En conséquence, les amendements CS85, CS312, CS524 et CS590 tombent.

La Commission en vient à l’amendement CS570 de Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Nous allons donc parler désormais de location voulue. Pour ma part, j’avoue avoir quelques réserves sur la manière dont le système peut fonctionner concrètement. Je propose, par cet amendement, qu’il puisse être remis un rapport à l’EPCI par les organismes d’HLM sur la manière dont ce système va se déployer avant généralisation. La décision de généralisation ne devrait pas être automatique mais devrait revenir à l’EPCI en fonction des réalités de territoire.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je comprends la préoccupation de Mme Appéré. Cependant, il me semble que les EPCI n’ont pas besoin de la loi pour décider de réaliser un rapport sur l’évaluation du système de location choisie. Ils peuvent très bien préparer cette évaluation dans le cadre du plan partenarial de la conférence intercommunale avant de décider, parce que cela reste optionnel, de généraliser le système.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je crains que cette proposition ne se fasse au détriment de la transparence et que, finalement, nous ne parvenions pas à atteindre les objectifs que nous partageons tous sur ce sujet. Avis défavorable.

Mme Nathalie Appéré. Le rapport n’est pas l’ennemi de la transparence, tout dépend de la manière dont il est partagé.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements identiques CS595 de Mme Audrey Linkenheld et CS885 de Mme Nathalie Appéré.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à supprimer les alinéas qui obligent les bailleurs sociaux à publier, d’ici à 2022, la liste de leurs logements vacants. Nous ne sommes pas opposés à cette transparence, mais il nous semble que ces alinéas avaient un sens à partir du moment où la location voulue devenait obligatoire à une certaine échéance. C’était l’intention dans l’avant-projet de loi mais cela ne figure plus dans le texte actuel. Il nous semble donc utile de simplifier les obligations qui pèsent sur les bailleurs sociaux auxquels on demande déjà beaucoup. On ne comprend pas très bien l’intérêt de cette obligation.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis réservé. Tout ce qui peut participer à la transparence et à la publicité sur la gestion des bailleurs sociaux ne peut que favoriser la compréhension des mécanismes par les demandeurs et ceux qui observent ces procédures. Rappelons que ce principe de publicité n’entraîne pas obligatoirement la prise en compte des choix exprimés par les demandeurs dans la procédure d’attribution. Je demande le retrait de ces amendements.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. Les bailleurs ont plus de cinq ans pour satisfaire aux obligations prévues par ces alinéas. Certains d’entre eux procèdent déjà à ces publications, y compris parce qu’ils cherchent des moyens de mobiliser leurs logements vacants. Après la publication de la liste de ces logements vacants, certains demandeurs se sont manifestés. Cette disposition est donc intéressante et les bailleurs ont un délai qui leur permet de s’organiser.

Mme Audrey Linkenheld. Nous ne sommes évidemment opposés ni à la publicité ni à la transparence. Nos amendements visaient à simplifier le travail des bailleurs mais, compte tenu des arguments avancés, nous allons les retirer.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie de l’amendement CS996 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’appliquer l’obligation de publication des logements sociaux vacants aux sociétés d’économie mixte.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable à cet amendement visant à ce que les SEM et les organismes HLM soient à égalité sur le sujet.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS1012 et CS1178 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. À l’alinéa 10, l’obligation faite aux offices HLM de porter à la connaissance du public les logements sociaux vacants, leur description et leurs conditions d’accès, est tout à fait bienvenue. Cependant, son entrée en vigueur, fixée au plus tard le 1er janvier 2022, est trop tardive – surtout quand on voit qu’un grand nombre de dispositions de la loi pour une République numérique vont entrer en vigueur au 1er janvier 2017.

J’ai entendu les bailleurs, pour qui une entrée en vigueur au 1er janvier 2018 est trop précoce, et suis donc disposé à retirer l’amendement CS1012. En revanche, je maintiens l’amendement CS1178, qui prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2020.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis favorable à l’amendement CS1178. Les outils numériques aujourd’hui disponibles favorisent la transparence et l’efficacité en matière de logement social : les données SRU étaient déjà connues, mais j’ai voulu les rendre accessibles depuis le site du ministère du logement. Je ne suis pas certaine que le secteur du logement HLM ait bien intégré la culture numérique, car il partait de loin, mais il me semble que l’on peut tout de même raisonnablement retenir l’échéance de 2020.

L’amendement CS1012 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1178.

Puis elle adopte l’article 24 modifié.

*

Article 25
(art. L. 411-10 et L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation)

Collecte et partage des données relatives au parc social

1. L’état du droit

• Article L. 411-10

Cet article a été créé par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Il met en place un répertoire des logements locatifs sociaux, ou répertoire du parc locatif social (RPLS), outil conçu pour améliorer la connaissance du parc social et de ses habitants.

Déjà en 2009, les acteurs du logement regrettaient l’absence de données précises et actualisées pour piloter et suivre efficacement les politiques du logement social : ce répertoire se substituait à l’enquête sur le parc locatif social (EPLS), considérée comme très lacunaire.

L’établissement du RPLS s’effectue par la transmission par les bailleurs sociaux (29) au service statistique ministériel du logement, avant le 1er mars de chaque année, d’un certain nombre d’informations par logement locatif détenu, dont la liste est fixée à l’article R. 411-3 du même code. Il s’agit notamment :

– des informations relatives à l’identité du bailleur ;

– de la localisation et des caractéristiques principales du logement (dont, le cas échéant, le diagnostic de performance énergétique) ;

– du type de financement dont bénéficie le logement social ;

– du montant du loyer et de son mode de calcul, avant toute modulation liée à la situation du locataire.

L’article L. 411-10 prévoit également des sanctions administratives pour défaut de transmission à l’État des informations requises pour l’établissement du répertoire ou pour transmission d’informations manifestement erronées.

Après mise en demeure restée infructueuse, la sanction se matérialise par une amende de 100 euros par tranche de 100 logements concernés, recouvrée au profit de la Caisse de garantie du logement locatif social (30).

• Article L. 442-5

Cet article encadre la collecte de renseignements statistiques par les organismes d’HLM auprès de leurs locataires. Ces informations sont transmises au représentant de l’État, et concourent au rapport présenté, tous les deux ans, par le Gouvernement au Parlement sur la situation du logement en France. Ce rapport comprend en effet des informations sur l’occupation des logements d’habitations à loyer modéré. Les locataires sont tenus de répondre à l’enquête menée par leur bailleur social dans un délai d’un mois (31).

Un décret en Conseil d’État a précisé les dispositions de cette enquête d’occupation du parc social (OPS), codifiées aux articles R. 442-13 et R. 442-14. Ces renseignements statistiques concernent :

– les logements locatifs sociaux du bailleur, en distinguant notamment selon que les logements sont ou non conventionnés, vacants ou occupés, donnés en location ou en sous-location ;

– les personnes physiques occupant ces logements, selon leur âge et leurs liens de parenté, selon la composition des ménages et leurs revenus rapportés au plafond de ressources, selon la nature de l’activité professionnelle ou la situation de demandeur d’emploi inscrit à Pôle emploi ; selon que ces personnes perçoivent ou non l’un des allocations logement ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

Pour obtenir ces informations, l’organisme bailleur demande en particulier à chacun de ses locataires la communication des avis d’imposition ou de non-imposition à l’impôt sur le revenu.

L’article L. 442-5 précise que ces dispositions s’appliquent également aux logements conventionnés « APL » détenus par des sociétés d’économie mixte, et plus largement aux parcs conventionnés d’au moins cinq logements, détenus par les autres bailleurs sociaux.

2. Les dispositions du projet de loi

a. Le renforcement significatif de la sanction applicable en cas de carence de transmission des informations statistiques par les bailleurs sociaux

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, des « anomalies significatives de déclarations » au RPLS ont été constatées, en particulier la qualification et l’identification du contingent des logements réservés de l’État. L’étude d’impact évalue ainsi que les droits de réservation de l’État en Île-de-France ne représentent que 20,5 % du parc social, quand la norme réglementaire est de 30 %, soit un manque dans le contingent de l’État d’au moins 120 000 logements.

Face à ce constat, le Gouvernement estime que l’obligation de transmission des données statistiques pour établir le RPLS n’est pas suffisamment encadrée. L’alinéa 2 de l’article 25 modifie donc le montant de la sanction administrative applicable en cas de non-respect, par les organismes bailleurs visés, des dispositions de l’article L. 411-10 – qu’il s’agisse de défaut de transmission ou d’informations manifestement erronées. L’amende ne serait plus de 100 euros par tranche de 100 logements, mais de 1 000 euros par logement. Le caractère dissuasif de cette sanction est donc lourdement renforcé.

En outre, le produit de ces amendes ne serait plus redistribué vers la Caisse de garantie du logement locatif social, mais en direction du fonds national des aides à la pierre, créé par l’article 144 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

b. Les modalités de recueil et de traitement des données personnelles dans le cadre de l’enquête OPS

L’alinéa 4 de l’article 25 prévoit explicitement que les organismes d’HLM recueillent l’avis d’imposition ou de non-imposition à l’impôt sur le revenu. Cette obligation, déjà prévue à l’article R. 442-13 du même code, revêtirait donc désormais une portée législative. Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, ceci permettrait d’assurer que le bailleur dispose effectivement d’un moyen de contrôler la conformité des informations déclarées par le locataire dans le cadre de l’enquête OPS.

L’alinéa 6 autorise les organismes d’HLM à traiter les données personnelles qu’ils recueillent à l’occasion de l’enquête OPS. Ces données doivent servir à « créer des outils d’analyse de l’occupation sociale », afin de concourir au pilotage de plusieurs politiques :

– qualification du parc social et conditions d’attribution des logements en fonction des ressources ;

– élaboration des conventions d’utilité sociale (CUS) et des plans locaux de l’habitat (PLH) ;

– identification des ménages en situation de précarité énergétique.

Les dispositions de cet alinéa 6 s’appliquent à partir des données portant sur la situation des ménages au 1er janvier 2016.

Enfin, l’alinéa 8 aménage le contenu du décret en Conseil d’État pris pour l’application de l’article L. 442-5. Il encadre notamment la transmission par les organismes d’habitation à loyer modéré de ces données personnelles agrégées à des tiers, parmi lesquels figurent, de façon non exclusive : le représentant de l’État dans le département, l’Union sociale pour l’habitat, les fédérations ou les associations d’organismes d’HLM, ou encore l’Union des entreprises et des salariés pour le logement.

3. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté quatre amendements du Gouvernement. Ceux-ci ajoutent, tout d’abord, au répertoire du parc locatif social, le numéro d’inscription au répertoire national d’immatriculation des personnes physiques de chaque occupant afin de permettre la réalisation de cartographies précises de l’occupation socio-économique du parc locatif social, dans des conditions assurant la sécurité des données individuelles.

Ces amendements précisent, ensuite, que les données relatives à l’enquête OPS doivent être rendues anonymes avant d’être transmises à des tiers. Ce caractère anonyme permettra, par conséquent, aux organismes HLM de transmettre ces données de manière agrégée ou non.

*

La Commission examine l’amendement CS859 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement permet de transférer les données relatives à l’occupation du parc social afin de les communiquer sous une forme anonymisée aux acteurs locaux ayant à en connaître – services de l’État, EPCI, conférences intercommunales du logement, communes. L’ajout des données concernant les occupants au répertoire du parc locatif social a pour objectif de permettre la réalisation de cartographies précises de l’occupation socio-économique du parc locatif social dans des conditions assurant la sécurité des données individuelles nécessaires à la réalisation de telles études.

Le projet de loi prévoit également qu’un décret en Conseil d’État déterminera les conditions dans lesquelles les organismes de logement social pourront transmettre les données agrégées à certains tiers, parmi lesquels le représentant de l’État, la région, le département, l’EPCI, l’Union sociale pour l’habitat, les fédérations HLM et Action Logement.

En résumé, il s’agit de compléter la donnée de manière qualitative, sans porter atteinte à la protection de la vie privée des locataires du logement social.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Elle discute ensuite de l’amendement CS189 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Cet amendement vise à ce que le maire soit également destinataire des renseignements statistiques relatifs au parc social de sa commune. J’attire votre attention sur le fait que, dans certains départements, les futurs organismes de logements sociaux seront territorialisés, ce qui fait que les maires ne disposeront plus de l’information nécessaire pour agir en matière de politique du logement.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Les maires participent évidemment à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique du logement, qu’il s’agisse du développement de l’offre ou de la politique d’attribution. L’alinéa 8 de l’article 25 vise justement à autoriser la transmission à des tiers des résultats de l’enquête sur l’occupation du parc social, à commencer par l’EPCI, qui est l’autorité organisatrice de la politique de l’habitat et du logement social.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

M. Sylvain Berrios. Je ne comprends pas ce qui s’oppose à ce que le maire soit destinataire des données statistiques en même temps que le préfet et l’EPCI : pouvez-vous me dire ce qui motive cette exclusion ?

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il ne s’agit pas d’une volonté d’exclure, mais simplement d’adresser l’information au niveau idoine de compétence : si le maire n’a pas à être destinataire de ces données, c’est qu’il n’en a pas besoin, la politique d’occupation du parc social étant définie au niveau intercommunal.

M. Pascal Thévenot. Le maire a bien vocation à agir en la matière : si des logements sont vacants, par exemple, il peut faire pression sur l’EPCI. Je ne vois vraiment pas ce qui empêche de lui adresser ces données, alors que cela peut être fait au moyen d’un simple courriel. On pourrait envisager que les données soient d’abord adressées au préfet, qui les adresserait à l’EPCI, qui à son tour les adresserait aux autres destinataires.

M. Philippe Gosselin. Je rappelle que dans le cadre du recensement général de la population, les maires sont destinataires d’un certain nombre d’informations relatives aux logements – pas seulement à caractère social – et que les données qui nous intéressent permettent de disposer d’une meilleure connaissance du territoire, ce qui permet de mieux adapter les services publics afin de répondre de manière optimale aux besoins de la population. Quand bien même les échelons intercommunal et départemental seraient visés, les maires restent les premiers interlocuteurs du quotidien, et le logement fait partie des principales préoccupations du quotidien de nos concitoyens. Sans vouloir en faire un dogme, ce serait une erreur que de ne pas associer les maires à cette transmission d’information.

M. Michel Piron. Moi qui ai beaucoup défendu l’échelon intercommunal comme échelon de programmation, je trouve néanmoins dommage que l’on perçoive comme une contradiction le fait d’informer les maires au même titre que les présidents d’intercommunalités. Il y a des intercommunalités qui fonctionnent très bien, où la subsidiarité n’empêche pas que les maires soient impliqués, mais il peut y en avoir d’autres fonctionnant un peu moins bien : la mesure proposée constituerait, de ce point de vue, un gage de proximité.

Mme Audrey Linkenheld. Selon l’article L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation, c’est « aux fins de permettre la transmission au Parlement des informations visées au 5° de l’article L. 101-1 [que] les organismes d’habitations à loyer modéré communiquent les renseignements statistiques nécessaires au représentant de l’État dans le département du lieu de situation des logements (…) ». Si les informations sont transmises au préfet, c’est pour qu’il puisse à son tour les communiquer au Parlement. Le maire n’ayant pas d’obligation de transmission au Parlement, il ne paraît pas logique de le placer sur le même plan que le préfet.

Du reste, un peu plus loin dans l’article 25, sont prévues les conditions dans lesquelles les informations peuvent être transmises à des tiers, au nombre desquels il ne me semble pas illégitime que les élus locaux puissent figurer.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. C’est à l’échelon intercommunal qu’est définie la politique d’attribution et d’occupation du parc social. Dans le cadre de la conférence intercommunale, le président de l’intercommunalité mettra ces éléments à disposition du maire : comme vous le voyez, il n’y a aucune contradiction mais simplement la volonté d’aboutir à une rédaction logique.

M. Sylvain Berrios. J’ai bien entendu qu’il ne serait pas logique de placer le maire et le préfet sur le même plan, encore que, d’un certain point de vue, le maire est aussi un représentant de l’État. Je ne comprends cependant toujours pas pourquoi, au sujet d’une donnée ayant vocation à être partagée, on crée dès le départ un double niveau de partage. Plus les acteurs du logement partagent la même connaissance, plus on réduit les risques de conflit. Intégrer les maires parmi les autorités destinataires des données ne retire rien au préfet, ni au Parlement ou à l’EPCI : il s’agit simplement de donner à tous le même niveau d’information. Dès lors, il n’y a aucun intérêt à exclure les maires.

M. Philippe Gosselin. Je me permets d’insister sur le fait que le maire n’est pas cité parmi les autorités ayant vocation à être informées : il est bien question du représentant de l’État dans le département, de la région, etc., mais pas du maire, et il me paraît dommage qu’il ne soit pas destinataire d’informations touchant à la vie locale. Pour moi, l’information doit circuler dès le premier échelon, à savoir celui des communes, quand bien même la compétence est intercommunale.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS1136 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement s’articule avec l’amendement CS859 que j’ai précédemment présenté : il s’agit, là encore, de permettre la réalisation de cartographies précises de l’occupation socio-économique du parc locatif social, en l’occurrence en recueillant des renseignements sur la situation fiscale des occupants.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CS86 de M. Philippe Gosselin, CS188 de M. Sylvain Berrios, CS313 de M. Michel Piron, CS525 de M. François Pupponi et CS592 de Mme Jacqueline Maquet.

M. Philippe Gosselin. Le projet de loi impose aux organismes HLM de recueillir les avis d’imposition ou de non-imposition sur le revenu des locataires. Pour être efficace, la collecte de l’information doit pouvoir s’appuyer sur les services qui détiennent les données utiles, à savoir les services fiscaux. C’est l’objet de cet amendement de bon sens.

M. Michel Piron. Cet amendement constitue également un hommage rendu aux services fiscaux.

M. le rapporteur thématique. J’étais a priori favorable à ces amendements, mais il se trouve que tous les organismes HLM ne sont pas dotés d’un statut public ni investis de prérogatives de puissance publique. Or les services fiscaux ne transmettent jamais directement les avis d’imposition à des tiers, sauf à la CAF. Il est vrai qu’une telle disposition permettrait aux bailleurs de gagner beaucoup de temps. C’est pourquoi j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer pour que nous puissions, d’ici à la séance publique, chercher s’il n’y a pas moyen de contourner le problème.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Si je ne discute pas de l’intérêt de disposer des données, la question se pose de savoir quelles données fiscales peuvent être transmises : je m’interroge notamment au sujet du revenu fiscal de référence.

M. François Pupponi. Je rappelle qu’il est possible de consulter le dossier fiscal d’un tiers – sans communiquer à une tierce personne les données qui y figurent, évidemment.

M. Michel Piron. Cet amendement serait tellement utile que nous devrions, à mon avis, le maintenir pour le moment, quitte à le sous-amender avant la séance publique. Sinon, je crains qu’il ne tombe aux oubliettes.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas seulement la CAF, mais l’ensemble des organismes de sécurité sociale, qui peuvent être destinataires des renseignements fiscaux. Il n’est effectivement pas permis à ces organismes de communiquer à des tiers les renseignements recueillis, à moins que la loi n’en dispose autrement, ce qui est précisément l’objet de cet amendement. Comme M. Piron, je préférerais que nous conservions cet amendement et que nous nous efforcions de l’améliorer avant la séance publique.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il est fréquent que des dispositions, votées parce qu’elles paraissaient de bon sens, ne soient toujours pas mises en œuvre un an plus tard. Je le sais d’expérience, car mes services ont souvent fort à faire avec des décrets d’application portant sur des dispositions pour lesquelles les intentions du législateur sont impossibles à déterminer – notamment dans le cadre de la loi ALUR et de la loi de transition énergétique. Je préfère donc, moi aussi, que nous travaillions à une rédaction plus solide d’ici à la séance publique.

M. Philippe Gosselin. Je suis disposé à retirer mon amendement si Mme la ministre prend, au nom du Gouvernement, l’engagement de déposer un amendement en séance.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Parce que je ne veux pas prendre d’engagement que je ne puisse tenir, je n’en prends pas d’autre que celui consistant à travailler en concertation avec vous à la recherche d’une solution avant la séance.

Mme Jacqueline Maquet. J’accepte de retirer mon amendement aux conditions posées par Mme la ministre.

M. Michel Piron. Je retire également le mien, en espérant que nous disposerons à temps des éléments nous permettant de travailler avant la séance.

Les amendements CS313, CS525 et CS592 sont retirés.

La Commission rejette les amendements CS86 et CS188.

Elle examine l’amendement CS1137 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. De nouveau à la suite de l’amendement CS859, cet amendement vise à ce que l’Agence nationale de contrôle du logement social puisse obtenir la communication de données auprès des organismes d’habitation à loyer modéré, dans le cadre de ses missions d’évaluation.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS936, CS937, CS938 et CS939 des rapporteurs.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CS1024 des rapporteurs, les amendements identiques CS87 de M. Philippe Gosselin et CS588 de M. Marcel Rogemont, et l’amendement CS1138 du Gouvernement.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement permet la transmission de données relatives à l’occupation du parc social par les bailleurs à des tiers de façon agrégée ou non agrégée.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je propose le retrait de cet amendement au bénéfice de l’amendement CS1138 du Gouvernement, qui vise à substituer, à la seconde phrase de l’alinéa 8 de l’article 25, au mot « agrégées », les mots « rendues anonymes ».

Les amendements CS1024, CS87 et CS588 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CS1138.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS190 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. J’attire à nouveau votre attention sur le fait que le maire est le seul à ne pas être destinataire des données, ce qui donne l’impression que le département a un rôle supérieur au sien.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

M. Philippe Gosselin. À l’alinéa 8, il faudrait s’efforcer de supprimer, avant la séance publique, le mot « dont » qui précède la liste des autorités auxquelles peuvent être transmises les données : il n’est jamais bon de faire figurer dans la loi une liste non exhaustive.

La Commission examine l’amendement CS326 de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Cet amendement vise à ce que la métropole du Grand Paris puisse, au même titre que la métropole de Lyon, recevoir des données d’enquêtes des bailleurs sociaux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait puisque la métropole du Grand Paris sera destinataire de ces données quand, conformément à la loi NOTRe, elle sera compétente en matière d’habitat à partir du 1er janvier 2017. Je demande donc à ce qu’il soit retiré.

M. Philippe Gosselin. Je persiste à considérer que les maires seront les grands absents du logement, alors que celui-ci est situé sur le territoire de leur commune.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur Gosselin. Aujourd’hui plus que jamais, les maires sont très étroitement associés à l’élaboration des politiques de développement de l’offre nouvelle – c’est le cas depuis de nombreuses années avec les PLH –, mais aussi aux politiques d’attribution, via les conférences intercommunales du logement.

Mme la présidente Annick Lepetit. Nous avons déjà eu ce débat sur un autre amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. J’étais initialement favorable à cet amendement, mais comme l’a dit M. le rapporteur, il se trouve satisfait puisque la métropole du Grand Paris sera destinataire de ces données à partir du 1er janvier 2017, quand elle devra élaborer le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH).

M. Sylvain Berrios. Dès lors que l’on admet que le maire est un acteur de la politique de logement social, il doit être destinataire des données recueillies en même temps que les autres autorités, et non ultérieurement et à titre subsidiaire : le fait de disposer de ces informations relevant du domaine public est consubstantiel à sa capacité d’agir.

Mme la présidente Annick Lepetit. Pour ma part, j’ai déposé cet amendement pour que la métropole du Grand Paris dispose de la même faculté que la métropole de Lyon.

M. Jean-Noël Carpentier. Si je n’ai pas l’intention de voter les amendements présentés par nos collègues de l’opposition, je dois avouer que j’ai du mal à comprendre pourquoi le maire se trouve exclu de la communication d’informations importantes, ce qui donne l’impression qu’il est stigmatisé.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Si certaines interrogations sont formulées de bonne foi, il en est d’autres qui ne donnent pas cette impression…

M. Philippe Gosselin. C’est donc un procès d’intention !

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Pas du tout. Pourquoi vous sentez-vous visé ?

Vous vous félicitez que la métropole du Grand Paris soit, à compter du 1er janvier 2017, destinataire des données relatives à l’occupation du parc social, parce qu’elle aura la compétence en matière d’habitat. Or il en est de même des intercommunalités, au sein desquelles les maires sont systématiquement représentés. Il est évident que, dans le cadre des conférences intercommunales, que nous avons rendues obligatoires pour élaborer les politiques d’attribution, les maires obtiendront tous les éléments requis au sujet de l’occupation du parc social. La situation est très claire, et je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez à chercher des problèmes là où il n’y en a pas.

M. Philippe Gosselin. Vous faites preuve d’une obstination déraisonnable !

L’amendement CS326 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS887 de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Dans la même logique que l’amendement précédent, l’amendement CS887 vise à étendre la diffusion des données d’enquête sur l’occupation du parc social aux agences d’urbanisme et aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), qui ont des relations étroites avec les collectivités locales et apportent un appui utile lors de la définition des stratégies locales.

M. Philippe Gosselin et M. Sylvain Berrios. Mais pas les maires !

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve de le rectifier en supprimant les CAUE de la liste des organismes destinataires. Les données qui nous intéressent semblent éloignées de leur domaine d’activité.

J’ajoute que les maires sont membres de la métropole du Grand Paris et de leurs EPCI : ainsi, quand des données sont transmises aux EPCI, les maires peuvent également en prendre connaissance.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas du tout le même système !

M. François Pupponi. Dans un monde idéal où l’EPCI reçoit les documents et les communique à tous les maires, tout va bien. Malheureusement, dans un certain nombre de cas – qui vont avoir tendance à se multiplier avec des EPCI de plus en plus importantes –, la transmission ne se fait pas naturellement, ce qui fait que certains maires ne reçoivent pas les données de l’EPCI. Il serait donc judicieux que nous recherchions une solution pour remédier à ce problème.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CS940 et CS941 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 25 modifié.

*

Après l’article 25

La Commission est saisie de l’amendement CS327 de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Cet amendement vise une situation dont on parle peu, mais qui me semble préoccupante. La ville de Paris pratique une politique très volontariste en vue d’atteindre la proportion, fixée par la loi, de 25 % de logements sociaux en 2025. Elle a entrepris, à ce titre, de conventionner chaque année plusieurs milliers de logements, mais rencontre des difficultés avec les enquêtes sociales qui doivent précéder ce conventionnement : si ces enquêtes sont obligatoires, les occupants des logements concernés, eux, ne sont pas obligés d’y répondre, si bien qu’on en connaît mal les profils. De ce fait, il n’est pas rare que certains ménages se trouvent très largement au-dessus des plafonds de revenus. L’idée de cet amendement consiste donc à mieux connaître la situation des personnes vivant dans les logements non conventionnés, afin d’être en mesure de mieux adapter la création de logements sociaux ou intermédiaires, et d’améliorer ainsi la mixité sociale.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable : pour que la loi oblige à la transmission des avis d’imposition, il faut que les logements soient conventionnés, donc soumis à un plafond de ressources – ce que l’avis d’imposition permet de vérifier. Dès lors que les logements ne sont pas conventionnés, il n’y a pas lieu d’obliger à la transmission de l’avis d’imposition.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Le problème est que l’on accède à un logement non conventionné sans condition de ressources : il est donc impossible à la fois d’appliquer un surloyer et d’exiger la communication de l’avis d’imposition. La vraie réponse réside dans le travail acharné que mène la Ville de Paris pour conventionner un maximum de logements au sein d’un parc où les loyers sont très faibles par rapport au marché locatif privé. De ce point de vue, le conventionnement est également de nature à mettre fin à des occupations contraires à l’éthique.

Mme la présidente Annick Lepetit. Je comprends qu’il soit difficile d’aller plus loin juridiquement, madame la ministre, mais on tourne un peu en rond : l’absence de données est un frein à la politique de conventionnement. Je retire mon amendement, mais nous devons continuer à travailler sur ce sujet, afin de trouver un mécanisme qui facilite cette politique.

M. François Pupponi. Lorsqu’une personne souhaite louer un appartement, conventionné ou non, elle doit de toute façon présenter à l’organisme bailleur un dossier comprenant son avis d’imposition.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Le problème, ce sont non pas les nouveaux entrants dans le parc social, mais ceux qui y sont locataires depuis plusieurs dizaines d’années et dont les revenus dépassent, objectivement, tous les plafonds. D’où le travail mené pour conventionner ces logements, en particulier lorsqu’ils sont situés dans des quartiers déficitaires en logement sociaux.

L’amendement est retiré.

*

Article 25 bis [nouveau]
(art. L. 442-3-5 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)

Conditions d’occupation d’un logement social

Cet article a été introduit à la suite de l’adoption d’amendements identiques de MM. Piron, Gosselin et Berrios. Il vise à clarifier les conditions d’occupation d’un logement social afin de mettre un terme aux pratiques abusives de certains locataires.

L’alinéa 2 prévoit que le locataire doit occuper les locaux loués au moins huit mois au cours d’une année de location. Cette durée minimale correspond à la définition d’une résidence principale au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Dans le cas contraire, le bail pourra être résilié.

De la même manière, l’alinéa 4 précise que, dans le cas où un locataire sous-loue son logement social, meublé ou non, ou cède son bail, sous quelque forme que ce soit, le bail est résilié de plein droit dans un délai d’un mois.

*

La Commission est saisie des amendements identiques CS92 de M. Philippe Gosselin, CS316 de M. Michel Piron et CS612 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Gosselin. Les locataires d’HLM ne doivent pas pouvoir faire n’importe quoi : sous-location, échange, etc. Mon amendement vise à unifier les procédures et à limiter au maximum les cas dérogatoires.

M. Michel Piron. Les abus ne sont pas majoritaires, mais ils existent. Il s’agit d’y mettre un terme.

M. Sylvain Berrios. Ces amendements visent le bien public : il s’agit d’empêcher des pratiques certes très minoritaires, mais très contestables, pour redonner au parc social sa vocation naturelle.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement a été inspiré par l’Union sociale pour l’habitat et relève du bon sens. Néanmoins, il faudrait en préciser la rédaction du point de vue juridique. Sagesse.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il s’agit d’une préoccupation réelle, notamment dans le parc social situé dans des métropoles où les locations sur Airbnb sont très courantes. Je suis favorable à ce que l’on encadre fortement ces locations, ainsi que je l’ai proposé dans le cadre du projet de loi pour une République numérique. C’est aussi un enjeu pour le parc privé, avec la question de la déclaration de la taxe de séjour et celle de l’évaporation des logements de ce parc sur le marché locatif.

Certains bailleurs sociaux, notamment à Paris mais pas seulement, ont constaté des situations absolument anormales et y ont mis fin. D’autant que les loyers perçus grâce à ces locations changent les revenus des locataires, sans parler du fait que, bien souvent, ils ne sont pas déclarés.

Toutefois, la rédaction de votre amendement n’est pas assez solide sur le plan juridique. Je vous demande donc de le retirer. Il faut que nous travaillions sur ce point avec vous et avec l’USH d’ici à la séance publique.

M. Michel Piron. Nous sommes bien d’accord : compte tenu du manque de logements à Paris et en Île-de-France, ces pratiques abusives de sous-location, certes très minoritaires, sont inacceptables. Il faut donc impérativement adopter un amendement sur ce point. Je ne vois pas quelle objection majeure suscite la rédaction que je propose, mais je ne suis pas opposé à ce que nous y apportions des précisions. Vous engagez-vous, madame la ministre, à déposer vous-même un amendement au nom du Gouvernement en séance publique ? À défaut, je maintiendrai le mien.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je m’engage à ce qu’une accroche soit introduite dans le texte en séance publique. En toute honnêteté, j’aurai certainement besoin de l’ensemble de la discussion parlementaire, y compris de la lecture au Sénat, pour aller au bout de ce travail. Des questions complexes se posent s’agissant des clauses de résiliation des baux.

M. Philippe Gosselin. Je vous fais part de mon inquiétude : depuis hier, les ministres successifs nous disent que l’on va examiner tel et tel sujet d’ici à la séance publique ; on ouvre en permanence des chantiers, dont très peu, en réalité, ont des chances d’aboutir. Le dispositif que nous proposons tient la route et répond aux préoccupations que nous partageons sur tous les bancs, et qui sont aussi les vôtres, madame la ministre. J’ai retiré mon amendement précédent après avoir entendu vos arguments. Dans le cas présent, ils ne me convainquent pas.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je n’ouvre pas de chantier : nous travaillons sur cette question depuis plusieurs mois ; j’ai pris mes fonctions en février et j’ai moi-même introduit des dispositions à ce sujet dans le projet de loi pour une République numérique. Si votre amendement répondait à toutes mes inquiétudes du point de vue juridique, je lui donnerai un avis favorable. Or tel n’est pas le cas. Je vous ai dit très clairement que je m’engageais à avancer sur ce point. Vous avez tout à fait le droit de maintenir votre amendement. Pour ma part, je préfère être prudente, utiliser la suite du débat parlementaire et trouver, d’ici à la fin de l’examen du texte, une solution solide, qui ne soit pas repoussée et soit immédiatement efficace. Actuellement, les bailleurs sociaux avancent sur cette question en bricolant.

M. Sylvain Berrios. Nous n’exprimons pas de défiance à l’égard du Gouvernement : nous avons retiré un certain nombre d’amendements lorsque la discussion nous a convaincus. En l’espèce, vous ne démontrez pas la fragilité juridique de ces amendements.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ils sont en contradiction avec l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989. Il existe différentes clauses pour la résiliation des baux. Je n’ai pas l’habitude de raconter des craques. Je le répète, nous devons encore travailler sur la question. Mettons à profit les jours que nous avons devant nous pour parvenir à une rédaction solide et utile pour les bailleurs sociaux et pour les villes.

M. Philippe Gosselin. Seulement, la règle de l’entonnoir peut nous empêcher de présenter de nouveau certains amendements lors de la lecture suivante.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. C’est pour cette raison que je vous garantis une accroche.

La Commission adopte les amendements.

*

Après l’article 25 bis

Puis elle examine l’amendement CS157 de M. Pascal Thévenot.

M. Pascal Thévenot. Cet amendement va dans le même sens que les précédents, mais propose une autre solution. Il s’agit d’ajouter la sous-location à la liste des clauses résolutoires qui permettent de mettre fin de plein droit au bail et de prononcer une expulsion par voie de référé. Cette liste comprend notamment le non-versement du dépôt de garantie et le défaut d’assurance.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Ainsi que l’a indiqué précédemment Mme la ministre, il convient de préciser les conditions de cette résiliation, notamment par rapport à la loi de 1989. Je vous demande de retirer votre amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement tend à modifier la liste des clauses réputées non écrites du contrat de location fixée par la loi du 6 juillet 1989. Or cette modification est contraire à d’autres dispositions de cette même loi, qui ne prévoient la résiliation de plein droit que dans des cas très limités. En outre, le caractère automatique de cette clause ne peut pas être concilié avec les dispositions du code de la construction et de l’habitation qui prévoient des dérogations à l’interdiction de sous-louer dans le parc social. Il faut donc expertiser cette mesure également. À défaut, il y aura une forte contradiction entre différentes législations. Je vous demande à mon tour de retirer votre amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1016 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose un dispositif particulier, qui vise à répondre à une situation à laquelle nos territoires sont confrontés : l’absence de mixité fonctionnelle liée aux difficultés qu’ont les enseignants à se loger. Au cours de nos auditions, nous avons entendu longuement sur ce sujet M. Didier Leschi, ancien préfet délégué pour l’égalité des chances en Seine-Saint-Denis, actuel directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

Dans certains territoires, il arrive que les classes n’ouvrent pas lorsqu’il y a une absence, car les enseignants ne veulent pas s’y installer. Nous avons rencontré les enseignants qui ont refusé ces postes : leur premier argument est le coût du logement dans ces territoires – qui sont, la plupart du temps, des territoires tendus – et le fait de ne pas avoir accès aux logements sociaux.

Nous avons beaucoup travaillé sur cette question. Nous avons envisagé de recourir à la liste prioritaire, mais celle-ci s’allonge à tel point que les personnes qui y sont inscrites ne sont plus prioritaires. Une expérimentation a été menée dans un certain nombre de territoires, notamment en Seine-Saint-Denis : on a essayé de conventionner des logements en accord avec les offices HLM et l’éducation nationale, mais cela n’a pas fonctionné.

Dès lors, je propose qu’une fraction des logements réservés par le préfet au bénéfice des agents civils et militaires de l’État en application du troisième alinéa de l’article R. 441-5 du code de la construction et de l’habitation soit destinée aux enseignants des premier et second degrés. La décision serait à l’appréciation du préfet, en fonction de l’urgence sur le territoire concerné.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Revoilà le contingent sur lequel je souhaite que les préfets aient vraiment la main !

Je comprends votre préoccupation, monsieur le rapporteur général, mais votre amendement soulève plusieurs problèmes. Nous avons abordé cette question mardi dernier, lorsque M. Alain Dorison nous a remis, à la ministre de la fonction publique et à moi-même, son rapport sur le logement des fonctionnaires. Nous avons notamment évoqué les expérimentations qui ont lieu en Seine-Saint-Denis et ailleurs.

Tout d’abord, je ne crois pas que la loi puisse privilégier les enseignants par rapport à d’autres fonctionnaires, par exemple les infirmières ou les pompiers.

Ensuite, l’État a perdu beaucoup de droits de réservation sur le contingent préfectoral car, pendant longtemps, il n’a pas eu de gestion numérisée de ces droits. Il a donc fallu les reconstituer. Ce travail est en cours, grâce aux logiciels SYPLO et BALAE, qui sont aussi utilisés en Île-de-France, notamment pour le relogement des personnes éligibles au DALO.

Enfin, en fonction des territoires, le parc social n’est pas toujours adapté au niveau de salaire des fonctionnaires. Les demandes des fonctionnaires sont très fortes, mais aussi différentes selon qu’il s’agit de fonctionnaires jeunes ou dont la carrière est déjà avancée.

Il me semblerait plus efficace de travailler à des instructions aux préfets afin qu’ils accordent une attention particulière à l’utilisation de leur contingent, en fonction des besoins spécifiques de leur territoire.

Je signale qu’Action logement a étendu le bénéfice de la garantie Visale aux fonctionnaires de moins de trente ans, alors même que ceux-ci ne contribuent pas au « 1 % logement ». C’est un point très important pour les jeunes fonctionnaires en mobilité – par exemple les fonctionnaires de police – qui ont des salaires modestes et ont du mal à avoir accès à une caution locative.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement. D’ailleurs, rien n’empêche aujourd’hui le préfet et les EPCI de conclure un accord, y compris dans le cadre de la conférence intercommunale du logement, pour mener des politiques de logement, notamment en faveur des fonctionnaires en mobilité. Tel est l’enjeu pour la Seine-Saint-Denis : pouvoir loger correctement les fonctionnaires qui arrivent sur le territoire et ne veulent pas vivre trop loin de leur lieu de travail.

M. Sylvain Berrios. Vous êtes soucieuse, madame la ministre, que le préfet puisse exercer toute son autorité sur son contingent, et vous souhaitez donc mettre au fin aux délégations. Dans le département du Val-de-Marne, le préfet a donné entière délégation aux maires pour pouvoir loger le personnel hospitalier.

La proposition du rapporteur général est intéressante, dans la mesure où elle répond à un vrai besoin. Mais elle soulève en effet le problème des autres catégories de fonctionnaires – policiers, personnel soignant, et autres – qui sont confrontées à la même situation. Je suis donc très réservé sur le ciblage spécifique de l’amendement. Peut-être faudrait-il réserver l’accès à ce contingent aux fonctionnaires qui ont un certain niveau de salaire. Il y a un travail à faire sur ce point.

Mme Élisabeth Pochon. Nous rêvons tous de voir revenir les classes moyennes dans les quartiers, notamment les facteurs, les enseignants, les infirmiers et les policiers. Nous avons un vrai problème d’attractivité en Seine-Saint-Denis : non seulement les enseignants ne restent pas, mais, surtout, ils ne viennent pas s’installer. Certains y renoncent tout simplement. Dans certaines classes, y compris de CP, quatre ou cinq enseignants se succèdent au cours d’une même année.

Certes, les enseignants sont des fonctionnaires parmi les fonctionnaires, mais le fait que l’on ait plus de mal à recruter dans ce métier que dans d’autres justifie sans doute le petit coup de pouce que propose le rapporteur général, afin que les enfants de la Seine-Saint-Denis, département le plus jeune de France, aient la chance d’avoir des enseignants dans leurs écoles.

M. le rapporteur général. Certes, il y a des conventions et des expérimentations, mais force est de constater que, à ce jour, cela ne fonctionne pas. Je retire mon amendement. Nous allons essayer de travailler sur ce point d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS773 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité de créer un dispositif national unique et lisible de cautionnement locatif solidaire à destination des jeunes, en fusionnant les dispositifs existants. L’objectif serait de garantir une accessibilité universelle au logement pour tous les jeunes de moins de trente ans. Le logement est, on le sait, une des premières préoccupations des jeunes.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Un tel rapport n’est pas nécessaire : le Premier ministre a annoncé une extension de la garantie Visale et une fusion des dispositifs existants. Je vous demande de retirer votre amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. En effet, nous n’en sommes plus à la rédaction d’un rapport. Nous sommes en train d’étendre la garantie Visale, entrée en vigueur en février, à tous les jeunes de moins de trente ans, qu’ils soient salariés, non-salariés, chômeurs, étudiants – sous certaines conditions – ou, je l’ai dit, fonctionnaires. Il y aura, à terme, un dispositif unique, ce qui passe d’abord par la mise en place d’un portail unique. Pour le moment, l’avance Loca-Pass et la caution locative étudiante (CLÉ) restent en vigueur, car les étudiants utilisent actuellement ces dispositifs pour se loger en vue de la prochaine rentrée universitaire. Rien ne vous empêchera d’examiner par la suite si ce que nous avons réalisé est à la hauteur de ce que nous avons annoncé.

L’amendement est retiré.

*

Chapitre II
Favoriser la mobilité dans le parc social et l’accès des ménages défavorisés
aux quartiers attractifs

Article 26
(art. L. 353-9-3, L. 442-1, L. 445-1 à L. 445-4 du code de la construction et de l’habitation,
art. L. 3641-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales)

Rénovation de la politique des loyers dans le parc social

Cet article comporte plusieurs dispositions destinées à favoriser la mobilité dans le parc social et à garantir l’adéquation des loyers à l’objectif de mixité sociale. Il prévoit ainsi l’harmonisation des règles de revalorisation des loyers, la rénovation des conventions d’utilité sociale et leur appropriation par les collectivités territoriales. Il précise, par ailleurs, le contenu de la « nouvelle politique des loyers ».

1. Harmoniser les règles de revalorisation des loyers dans le parc social

L’article 26 du projet de loi vise tout d’abord à renforcer la cohérence des règles de revalorisation des loyers applicables dans le parc social.

Les loyers et redevances des logements conventionnés à l’aide personnalisée au logement (APL) sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l’indice de référence des loyers (IRL). Introduit à titre dérogatoire pour une durée de trois ans par la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, cet encadrement des modalités de révision des loyers et redevances vise à préserver la vocation sociale et l’accessibilité financière des logements d’habitation à loyer modéré (HLM).

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme a rénové ces modalités de révision des loyers tout en prorogeant cette dérogation de trois années supplémentaires, jusqu’au 31 décembre 2016. Ainsi, l’IRL retenu pour la révision des loyers et redevances pratiqués pour les logements conventionnés à l’APL est désormais celui du deuxième trimestre de l’année précédente, identique à celui retenu pour la révision des loyers et redevances maximums de ces logements. En outre, deux dérogations à cette limitation de la révision des loyers et redevances sont ouvertes pour les logements appartenant aux sociétés d’économie mixte. Il s’agit, d’une part, des logements conventionnés à l’APL, pour la partie du patrimoine ayant fait l’objet de travaux ou dans le cadre du plan de redressement approuvé par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), dans la limite de 5 % au-delà de l’IRL du deuxième trimestre de l’année précédente. Il s’agit, d’autre part, des logements relevant d’une convention d’utilité sociale (CUS) et ayant effectué une remise en ordre des loyers maximums, dans la limite de 5 % au-delà de l’IRL prévu au I de l’article L. 17-1 de la loi du 16 juillet 1989 précitée, sauf accord des associations représentatives de locataires ou des locataires.

L’article 26 du projet de loi poursuit ce processus de rénovation des modalités de plafonnement des loyers afin de garantir la cohérence des règles applicables, notamment entre les sociétés d’économie mixte (SEM) et les organismes d’habitation à loyer modéré (OHLM).

Le 1° du I de l’article 26 modifie ainsi l’article L. 353-9-3 du code de la construction et de l’habitation afin d’harmoniser les modalités de plafonnement des loyers à l’IRL dans l’ensemble du parc social. D’une part, il supprime la dérogation à ce plafonnement applicable aux OHLM mentionnés à l’article L. 411-2 du code précité. D’autre part, il clarifie la rédaction des dispositions dérogeant à la limitation. Ainsi, l’autorité administrative peut autoriser un organisme à déroger à cette limitation dans le cadre d’un plan de redressement approuvé par la CGLLS ou pour une partie du patrimoine ayant fait l’objet d’une réhabilitation. Cette dérogation est alors autorisée pour une durée limitée, déterminée par l’autorité administrative. Plafonnée à 5 % au-delà de l’IRL, cette dérogation peut toutefois être supérieure à ce plafond en cas d’accord des associations représentatives de locataires ou des locataires.

Le du I reproduit cette modification en inscrivant à l’article L. 411-2 du code précité le principe d’une revalorisation des loyers pratiqués des logements des OHLM en fonction de l’IRL du deuxième trimestre de l’année précédente. Par symétrie, la dérogation accordée par l’autorité administrative – dans la limite de 5 % au-delà de l’IRL – en cas de travaux de réhabilitation ou de plan d’aide de la CGLLS est inscrite à l’article précité, sauf accord des associations représentatives de locataires et des locataires. Il est ainsi mis fin à la possibilité d’augmenter jusqu’à 10 % chaque semestre et dans la limite des loyers maximums fixés par les conventions APL les loyers pratiqués dans les logements conventionnés à l’APL et appartenant aux OHLM.

Les modalités d’entrée en vigueur de ces dispositions sont déclinées au III de l’article 26. Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2017, y compris aux contrats en cours.

2. Renforcer l’appropriation des conventions d’utilité sociale par les collectivités territoriales

L’article 26 du projet de loi rénove, par ailleurs, le régime applicable aux collectivités territoriales signataires ou délégataires des conventions d’utilité sociale (CUS). Il renforce les dispositions relatives à la signature facultative des CUS par les établissements publics de coopération intercommunale tout en supprimant la possibilité pour l’État de déléguer à la métropole le suivi et l’évaluation des CUS sur son territoire.

Les conventions d’utilité sociale, conclues entre l’État et les organismes d’habitations à loyer modéré, ont pour objet de préciser la politique de l’organisme en matière patrimoniale et sociale. Elles déclinent ainsi les objectifs de la politique du logement dans chaque territoire. Leur conclusion avec l’État par tout OHLM et par toute SEM pour son patrimoine conventionné est obligatoire depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

L’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation consacré à ces conventions prévoit l’association des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d’un programme local de l’habitat (PLH) et des départements à leur élaboration s’agissant des dispositions relatives aux immeubles situés sur leur territoire. Ces EPCI et départements sont, par ailleurs, signataires des CUS conclues par les organismes qui leur sont rattachés ainsi que ceux dont le patrimoine représente plus de 20 % du parc social sur leur territoire. La signature d’une CUS est, enfin, facultative pour les autres organismes disposant d’un patrimoine sur leur territoire.

Le du I de l’article 26 réforme ce champ de collectivités territoriales signataires ou délégataires des CUS en y intégrant notamment les métropoles.

Ainsi, les collectivités territoriales et les établissements publics associés à l’élaboration des CUS sont désormais :

– les EPCI ;

– les établissements publics territoriaux mentionnés à l’article L. 441-1 du code précité, dans sa rédaction telle que modifiée par l’article 20 du projet de loi. Il s’agit des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris et des territoires de la métropole d’Aix-Marseille-Provence ;

– la métropole de Lyon ;

– les départements.

Les modalités d’application de cette association sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Demeurant signataires des CUS conclues par les organismes qui leur sont rattachés, les EPCI et les collectivités territoriales précités peuvent également être signataires des CUS des organismes disposant d’un patrimoine sur leur territoire. Dans ce dernier cas, la qualité de signataire étant facultative, l’absence de signature de la convention par l’EPCI ou le département ne fait pas obstacle à sa conclusion. La signature de la convention n’est donc plus obligatoire avec les organismes dont le patrimoine dépasse 20 % du parc social du territoire. Seuls les EPCI qui le souhaitent seront donc signataires des CUS relatives au patrimoine situé dans leur ressort.

À l’inverse, l’article 26 du projet de loi supprime la possibilité pour l’État de déléguer le suivi des CUS aux métropoles, à la demande de ces dernières, dès lors qu’elles disposent d’un PLH exécutoire. N’ayant pas été mise en œuvre jusqu’alors et suscitant de nombreuses difficultés – s’agissant notamment de la délégation de parties de CUS peu propice au suivi et à l’évaluation des CUS dans leur ensemble –, cette possibilité est supprimée par le II de l’article 26. Les dispositions relatives à cette délégation et figurant aux articles L. 3641-5, L. 5217-2, L. 5218-2 et L. 5219-2 sont ainsi abrogées, s’agissant respectivement de la métropole de Lyon, des métropoles de droit commun, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence et de la métropole du Grand Paris.

3. Favoriser la contractualisation de la politique des loyers dans les conventions d’utilité sociale

Le du I de l’article 26 du projet de loi modifie également le contenu des conventions d’utilité sociale afin de favoriser la mixité sociale définie au chapitre Ier du titre Ier du projet de loi. Cette rénovation porte à la fois sur le classement des immeubles, le processus de concertation avec les locataires et les pénalités prononcées à l’encontre de l’OHLM.

La partie de la CUS consacrée au classement des immeubles, tout d’abord, reposant sur un critère de service rendu aux locataires, est remplacée par un « état de l’occupation sociale des immeubles ou ensembles immobiliers ». Cet état est établi à partir des renseignements statistiques recueillis par les OHLM auprès de leurs locataires, déclinés à l’intérieur et en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville et mentionnés à l’article L. 442-5 du code de la construction et de l’habitation. L’étude d’impact du projet de loi met en effet en lumière une corrélation entre la notion de « service rendu » et les ressources des locataires (32). L’objectif est ainsi d’éviter ainsi une spécialisation et une segmentation excessives du parc néfaste à la mixité sociale. Cette nouvelle rédaction permettra de disposer d’une analyse plus objective de l’occupation du parc et d’appréhender plus finement les conséquences des politiques d’attribution sur la mixité sociale.

Le processus de concertation avec les locataires, ensuite, s’étendrait à l’élaboration du cahier des charges de gestion sociale de l’organisme, après une concertation ayant lieu dans des conditions fixées par le plan de concertation locative prévu à l’article 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière.

Les pénalités prononcées à l’encontre des OHLM, enfin, sont rénovées dans leur montant et dans leur affectation. Ces pénalités sont aujourd’hui prononcées lorsque le représentant de l’État signataire de la convention constate que l’organisme a gravement manqué, de son fait, à ses engagements définis par la convention. Le préfet propose alors au ministre chargé du logement de prononcer ladite pénalité. Proportionnée à l’écart constaté entre les objectifs définis par la convention, leur degré de réalisation et la gravité des manquements, cette pénalité ne peut excéder 100 euros par logement sur lequel l’organisme détient un droit réel, aux termes de l’article L. 445-1 du code précité. L’article 26 du projet de loi porte ce plafond à 200 euros. S’agissant du recouvrement de cette pénalité, il est désormais prévu qu’elle soit effectuée au profit du fonds national des aides à la pierre (FNAP), et non plus au bénéfice de la CGLLS.

4. Renforcer l’adéquation des loyers à l’objectif de mixité sociale

L’article 26 du projet de loi prévoit, enfin, la mise en place d’une nouvelle politique des loyers par les OHLM ayant conclu une convention d’utilité sociale.

Cette « nouvelle politique des loyers » est définie dans le cahier des charges de gestion sociale de l’OHLM prévu à l’article L. 445-2 du code de la construction et de l’habitation et réécrit par le du I de l’article 26. Ce cahier des charges précise le contenu de la politique sociale de l’organisme, notamment en matière de mixité sociale. Ainsi, il retrace les obligations du bailleur en matière d’occupation et de peuplement des logements, les actions d’accompagnement menées en faveur des locataires les plus défavorisés et l’ensemble des objectifs de mixité sociale s’imposant au bailleur.

La nouvelle politique des loyers constitue le second volet de ce cahier des charges, aux côtés des obligations précédentes. Ayant un caractère facultatif, elle consiste en une redistribution des loyers maximaux entre ensembles immobiliers et à l’intérieur des immeubles, afin de mieux prendre en compte l’état de l’occupation sociale de ces immeubles et ainsi que les objectifs de mixité sociale. Fixés librement dans la limite des loyers maximaux définis par ensembles immobiliers et par logement, les nouveaux loyers permettront au bailleur de renforcer la péréquation à l’intérieur de son parc.

L’article 26 du projet de loi inscrit ainsi cette nouvelle politique des loyers dans le cahier des charges prévu à l’article L. 445-2 précité et en précise le contenu à l’article L. 445-3 du même code. Cette politique pourra être introduite par avenant à la convention d’utilité sociale et s’appliquera au 1er janvier de l’année civile qui suit la signature de la convention ou de l’avenant.

Quatre items devant figurer dans le cahier de charges et constituant le corps de cette nouvelle politique des loyers sont prévus par la nouvelle rédaction de cet article et précisés au du I de l’article 26. Le cahier des charges doit ainsi définir :

– les plafonds de ressources applicables. Ce plafond, défini au I de l’article L. 445-3 du code précité, est celui prévu pour l’attribution des logements locatifs sociaux ou résultant de la réglementation en vigueur. Les dérogations à ce plafond de ressources, prévues dans la rédaction actuelle de cet article, demeurent applicables aux baux en cours à la date de publication de la loi ;

– le montant maximal de la masse des loyers de l’ensemble des immeubles de l’organisme. Le II de l’article L. 445-3 précité précise que ce montant maximal, rapporté à la surface corrigée ou à la surface utile, ne peut excéder le montant maximal résultant des conventions APL ou de la réglementation en vigueur. Un montant maximal plus élevé peut néanmoins être prévu dans le cahier des charges lors du renouvellement de la convention à la demande de l’organisme et après avis de la CGLLS ;

– les montants maximaux des loyers applicables aux ensembles immobiliers, exprimés en euros par mètre carré. Le III de l’article L. 445-3 précité aménage la possibilité d’augmenter ces montants en vue d’assurer l’équilibre financier d’opérations d’amélioration, dans le cadre de travaux de réhabilitation et après accord de l’autorité administrative ;

– les montants maximaux moyens de loyers applicables aux logements d’un ensemble immobilier, définis au IV de l’article L. 445-3 précité. Le loyer maximal au logement est ainsi plafonné dans la limite du montant du loyer maximal des logements financés en prêts locatifs sociaux, à l’exception des logements financés en prêts locatifs intermédiaires ou à un niveau équivalent.

Le du I de l’article 26 effectue, en outre, une coordination en abrogeant l’article L. 445-4 du code de la construction et de l’habitation. En effet, les dispositions relatives aux montants maximaux des loyers applicables sont désormais rassemblées dans l’article L. 445-3 précité, aux côtés de celles relatives aux plafonds de ressources.

Une révision annuelle des trois montants maximaux évoqués ci-dessus est prévue au 1er janvier de chaque année, en fonction de l’IRL du deuxième trimestre de l’année précédente.

Inscrits dans la CUS du bailleur, ces engagements en matière de loyers maximaux contenus dans la nouvelle politique des loyers se substituent, en outre, à ceux inscrits dans la convention APL, à l’exception de celles en vigueur depuis moins de six ans.

Le III de l’article 26 aménage, enfin, un régime de transition pour les engagements contenus dans les CUS et en vigueur à la date de promulgation de la loi. Ces engagements sont prorogés jusqu’au 31 décembre 2017. Chaque organisme transmet au préfet de département de leur siège un projet de CUS avant le 1er janvier 2018. Les conventions seront alors conclues avec l’État avant le 1er juillet 2018, pour une durée de six ans renouvelable et prenant effet à compter du 1er janvier 2018.

5. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté 17 amendements à cet article.

À l’initiative du rapporteur général, la Commission spéciale a, tout d’abord, élargi la possibilité de louer des logements sociaux meublés de façon temporaire à des personnes en mobilité géographique liée à l’emploi.

Elle a ensuite adopté une série d’amendements des rapporteurs visant à :

– maintenir un état des lieux du service rendu aux locataires dans le cadre des conventions d’utilité sociale CUS ;

– renforcer les sanctions contre les organismes HLM ne signant pas une CUS ;

– assouplir la procédure d’évaluation de l’application des CUS par les préfets ;

– prévoir des dispositions transitoires pour les 47 organismes HLM qui s’étaient déjà engagés dans une remise en ordre de leurs loyers.

Enfin, la Commission spéciale a adopté un amendement de Mme Appéré autorisant les EPCI à mettre en place une expérimentation locale sur la politique des loyers dont l’objectif est d’atteindre des niveaux de loyer égaux dans les immeubles situés en QPV et hors des QPV.

*

La Commission examine les amendements identiques CS314 de M. Michel Piron et CS526 de M. François Pupponi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. La baisse des loyers qui pourrait être nécessaire pour attribuer des logements aux populations les plus modestes hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sera dans un premier temps compensée par la baisse du taux de commissionnement, ainsi que l’a annoncé la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Un montant de 170 millions d’euros sera consacré à la compensation de ces baisses de loyers, ainsi qu’à la réhabilitation et aux démolitions dans les zones détendues. En ce qui concerne le relogement dans la rénovation urbaine, le règlement financier de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) prévoit d’ores et déjà de compenser ces minorations.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je précise que, sur ces 170 millions d’euros, 100 millions seront affectés à la compensation des baisses de loyers et 70 millions aux démolitions.

Les amendements CS314 et CS526 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS942 des rapporteurs.

Elle en vient à l’amendement CS1017 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’autoriser les offices HLM à louer temporairement des meublés aux actifs en mobilité.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

M. le rapporteur général. Cet amendement répond au problème des enseignants qui font des remplacements et ne trouvent pas de point de chute.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CS1215 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement vise à modifier le champ des intercommunalités et des territoires pouvant être associés à la négociation des conventions d’utilité sociale (CUS) ou en être signataires.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CS976 des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement CS191 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Cet amendement vise à associer les maires à l’élaboration des CUS.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS943 et CS944 des rapporteurs.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CS998 des rapporteurs et les amendements identiques CS89 de M. Philippe Gosselin, CS315 de M. Michel Piron, CS527 de M. François Pupponi et CS589 de M. Marcel Rogemont.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le projet de loi prévoit d’ajouter, dans les CUS, l’état de l’occupation sociale des immeubles, mais en supprimant le critère du service rendu aux locataires, qui y figurait auparavant. Cet amendement vise à rétablir ce critère dans les CUS.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CS998.

En conséquence, les amendements CS89, CS315, CS527 et CS589 tombent.

La Commission est saisie de l’amendement CS979 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à améliorer la procédure d’évaluation de l’application des CUS par les préfets.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS980 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement prévoit d’élargir les sanctions applicables aux organismes HLM qui n’auraient pas signé de CUS.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de coordination CS977 et les amendements rédactionnels CS945 et CS981, tous des rapporteurs.

Elle examine ensuite l’amendement CS982 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit de substituer les engagements relatifs à la nouvelle politique des loyers (NPL) à ceux qui figurent dans les conventions d’aide personnalisée au logement (APL) signées depuis plus de six ans.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS1216 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. La NPL proposée dans le cadre du présent projet de loi impose une contrainte : la réorganisation des loyers doit se faire à plafond constant pour la masse totale des loyers. L’amendement vise à préciser les modalités de calcul de cette masse des loyers : il s’agit de la somme des loyers maximaux résultant des conventions APL. En outre, il tend à préciser que, d’une génération de la NPL à l’autre, c’est la masse des loyers calculée à la première génération qui doit être prise en compte, augmentée le cas échéant des loyers maximaux résultant des conventions APL des logements construits pendant la période, en procédant à une révision sur la base de l’indice de référence des loyers (IRL).

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS528 de M. François Pupponi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Le loyer maximal moyen est un loyer de référence pivot. Si un ensemble immobilier comprend deux logements, l’un à 8 euros le mètre carré, l’autre à 6 euros le mètre carré, le loyer maximal moyen de cet ensemble est 7 euros le mètre carré. Le loyer de référence résulte donc du calcul d’une moyenne, et non d’un plafond qui s’adapterait aux ressources. Le terme « adaptés » qui est proposé dans l’amendement peut prêter à confusion en laissant penser que le loyer est flottant. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS984 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’une disposition transitoire s’appliquant spécifiquement aux quarante-sept bailleurs sociaux qui ont procédé à une remise en ordre de leurs loyers dans le cadre de la première génération des CUS.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS192 de M. Sylvain Berrios.

M. Pascal Thévenot. Pour permettre aux organismes HLM de mettre en application de manière satisfaisante les nouvelles dispositions des CUS, nous proposons de porter de un à deux ans le délai dont ils disposeront pour ce faire.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Avec le délai prévu, les bailleurs sociaux disposeront d’un temps suffisant pour se mettre en règle avec la loi.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’amendement CS889 de M. Sylvain Berrios.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS983 des rapporteurs.

Elle en vient à l’amendement CS591 de Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Cet amendement s’inscrit totalement dans la philosophie de l’article 26, qui permet de moduler les loyers, afin que ceux-ci ne soient plus un obstacle à une politique de peuplement et de mixité sociale.

Dans la réalité, les ménages les plus pauvres sont souvent exclus du parc locatif récent et de qualité parce que les loyers sont trop élevés. De plus, les bailleurs sociaux ont des pratiques très différentes en matière de loyers, non pas à la première location, mais à la relocation. Il s’agit de faire en sorte qu’un ménage puisse accéder à un logement social en tout point du territoire, quelles que soient l’année de construction des logements et les modalités de financement lors de la construction.

Cet amendement tend à permettre à des territoires de conduire, à titre expérimental, une politique territoriale des loyers, avec un objectif de loyer unique par type de logement, en tout point du territoire. Cela constituera, selon moi, une étape supplémentaire dans la politique de mixité sociale.

Je précise que le dispositif n’a vocation à s’appliquer que lors de la relocation ou après réhabilitation. Il ne concerne donc ni le parc existant ni les locataires en place.

Cet amendement fait directement suite à un appel à projets lancé il y a plusieurs mois par le ministère du logement à l’attention de territoires prêts à expérimenter des solutions en matière de politique des loyers. Il s’inscrit donc dans un travail mené en partenariat avec le ministère du logement depuis longtemps.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis évidemment favorable à tout ce qui permet de faire progresser la qualité de l’offre proposée par les bailleurs sociaux aux locataires, tant aux locataires en place qu’aux nouveaux entrants. Cependant, l’amendement présente, selon moi, un point faible : il ouvre la possibilité d’une modulation des loyers dans la limite d’un écart de 5 % par rapport à l’IRL, contre 3 % auparavant. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ainsi que je l’ai indiqué à plusieurs reprises, l’expérimentation ne me pose aucune difficulté sur le fond. Celle-ci correspond à la situation du territoire de Mme Appéré et pourrait intéresser d’autres territoires. L’idée est d’avoir différents types de loyers à l’échelle d’un territoire. Il nous semble intéressant, en sus de la NPL, de donner cet outil aux territoires et à leurs bailleurs sociaux.

Cependant, la rédaction de l’amendement laisse entendre qu’il ne concerne pas que les loyers lors de la relocation. Je vous suggère donc de le retirer afin que nous puissions le réécrire ensemble. Je regrette que nous n’ayons pas été en mesure de vous faire part de ce problème de rédaction plus tôt.

Mme Nathalie Appéré. Je note que le rapporteur et la ministre ont réaffirmé leur soutien de principe. J’ai pris le soin de préciser que cet amendement procédait d’un travail partenarial non seulement au niveau local, dans mon territoire, mais aussi avec le ministère du logement dans le cadre d’un appel à projets. Je suis consciente des contraintes qui s’imposent lors de la préparation d’un texte, mais je regrette que cette objection rédactionnelle soit soulevée aussi tardivement. S’il y avait eu une proposition de sous-amendement, nous aurions pu l’intégrer. Je comprends que le point problématique est le b) du 2° du B, qui prévoit une modulation des loyers de plus ou moins 5 %. Je propose de rectifier l’amendement en rétablissant la règle d’une modulation de plus ou moins 3 %. En tout cas, je maintiens l’amendement car, selon moi, le dispositif doit être validé dans son principe dès le stade de la commission.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis favorable à cette rectification. Nous améliorerons la rédaction en séance publique si nécessaire.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je vous propose de rectifier l’amendement en supprimant le b), tout en prenant acte que nous devons le réécrire pour la séance publique. De cette manière, vous pouvez adopter le reste du dispositif, et nous disposerons d’une accroche dans le texte. Cela ne nous exonère pas d’organiser une réunion technique afin d’examiner l’ensemble du dispositif.

Mme Nathalie Appéré. J’entends la proposition de la ministre et son engagement d’introduire un nouveau b) en séance publique, étant entendu que cela ne doit pas remettre en question les termes de l’expérimentation, qui ont été négociés avec l’ensemble des bailleurs sociaux sur un territoire donné et ont déjà recueilli leur approbation.

Mme Audrey Linkenheld. Je crains que la suppression du b) ne modifie substantiellement le texte, car l’adaptation de la révision annuelle des loyers ne reposerait plus sur deux éléments qui me paraissent liés, à savoir la pérennisation du plafonnement et la modulation de la révision annuelle. Il conviendrait de maintenir a minima la modulation de la révision annuelle, afin de conserver l’articulation proposée par Mme Appéré.

M. Michel Piron. Il me semble également que ce b) a quelque importance, et qu’il mériterait qu’on écrive au moins : « b)… ».

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Conserver les termes « la modulation des loyers » favorisera une réécriture efficace d’ici à la séance publique.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ce compromis me convient.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

*

Article 27
(art. L. 441-3, L. 441-3-1, L. 441-4, L. 441-12, L. 442-3-3, L. 442-3-4 [nouveau], L. 445-1, L. 445-2, L. 445-5, L. 482-3 et L. 482-3-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)

Réforme des règles relatives au supplément de loyer de solidarité (SLS) et au droit au maintien dans les lieux dans le parc social

1. L’état du droit

Depuis la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière, dit « loi Méhaignerie », les locataires de logements sociaux dont les revenus dépassent les plafonds de ressources fixés pour l’attribution de leur logement peuvent se voir appliquer un supplément de loyer de solidarité (SLS) en sus du loyer principal et des charges locatives.

Les conditions d’application du SLS ont ensuite été fortement durcies par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) qui l’a rendu obligatoire dès lors que les ressources de l’ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d’au moins 20 % les plafonds de ressources en vigueur pour l’attribution du logement. À titre d’exemple, dans les régions autres que l’Île-de-France, le seuil de déclenchement du SLS se situe à 24 133 euros pour une personne seule habitant dans un logement social de type PLUS.

Par ailleurs, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (MOLLE) est allée plus loin en faisant perdre aux locataires situées en zones tendues (zones A et B1) le droit au maintien dans les lieux si leurs ressources dépassent le double des plafonds de ressources pendant deux années consécutives. Les locataires dans cette situation doivent quitter leur logement social dans un délai de trois ans.

Toutefois, ces deux règles font l’objet de nombreuses dérogations et modulations. D’une part, le SLS ne s’applique pas dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ainsi que dans les anciennes zones urbaines sensibles (ZUS) qui n’ont pas été classées en QPV. Dans ces quartiers, l’application du SLS serait, en effet, contraire à l’objectif de mixité sociale. D’autre part, le programme local de l’habitat (PLH) élaboré par l’EPCI peut, après avis conforme du préfet de département, déterminer des zones géographiques ou des quartiers dans lesquels le SLS ne s’applique pas. Enfin, la convention d’utilité sociale (CUS), signée pour six ans entre chaque organisme HLM et l’État, peut également prévoir des dérogations ou, dans les zones tendues, des dispositifs de modulation du SLS.

Au total, d’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, près de 32 % des logements sociaux sont exemptés de l’application du SLS en 2014, la plupart parce qu’ils sont situés en ZRR, en QPV ou en ZUS. Par ailleurs, 65 % des logements entrants dans le champ d’application du SLS font l’objet d’une modulation dans le cadre d’une CUS.

Enfin, le montant du SLS, cumulé avec le montant du loyer principal, est plafonné à 25 % des ressources du locataire. Ce plafond peut être porté à 35 % par le PLH.

2. Les dispositions du projet de loi

Afin de favoriser la mobilité dans le parc social et de mettre fin aux situations les plus abusives, le présent article supprime les nombreuses dérogations pouvant s’appliquer au SLS et limite le droit au maintien dans les lieux des personnes dépassant significativement les plafonds de ressources.

Dans les zones tendues, l’alinéa 4 supprime ainsi la possibilité pour les PLH de déterminer des quartiers où le SLS ne s’applique pas. En 2014, 190 105 logements sociaux, soit environ 4 % du parc social, étaient exonérés de l’application du SLS au titre du PLH. L’alinéa 7 et les alinéas 19 à 22 suppriment les dérogations et les dispositifs de modulation du SLS prévus dans le cadre des CUS. Le barème de droit commun du SLS, fixé par le décret du 21 août 2008, s’appliquera donc de façon uniforme.

En outre, afin de donner un effet plus dissuasif au SLS, les alinéas 5 et 6 créent un plafonnement unique du montant du SLS qui, cumulé avec celui du loyer principal, ne pourra pas être supérieur à 35 % des ressources du ménage, contre 25 % ou 35 % actuellement.

En revanche, l’alinéa 3 crée une nouvelle dérogation à l’application du SLS pour répondre au cas spécifique des locataires de logements privés acquis par les bailleurs sociaux. Dans certaines situations, notamment à Paris, lorsqu’un bailleur social achète un immeuble privé pour le transformer en logements sociaux, des locataires anciens peuvent voir leur loyer augmenter fortement car, leur revenu étant supérieur aux plafonds de ressources, le SLS leur est appliqué. L’alinéa 3 prévoit donc une dérogation de trois ans à compter de la signature de la convention APL pour les locataires en place.

Enfin, les alinéas 8 à 11 et 22 à 24 abaissent le seuil de déclenchement de la perte du droit au maintien dans les lieux de 100 % à 50 % de dépassement des plafonds de ressources pour l’attribution du logement et réduisent de trois ans à dix-huit mois le délai au-delà duquel le locataire doit quitter son logement. Par ailleurs, dans les zones tendues, le locataire pourra perdre ce droit s’il ne répond pas à l’enquête relative à ses ressources pendant deux années consécutives. Toutefois, afin de limiter l’effet de ces nouvelles règles sur les locataires les plus fragiles, les alinéas 13 et 26 prévoient que les locataires qui sont entrés dans les lieux avec des ressources inférieures ou égales au plafond de ressources des logements PLAI ne pourront être obligés de quitter leur logement que s’ils dépassent de 50 % les plafonds de ressources des logements de type PLUS. Au total, d’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, environ 900 ménages devraient être contraints de quitter leur logement social en raison de l’abaissement du seuil de perte du droit au maintien dans les lieux.

3. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté 3 amendements des rapporteurs thématiques visant à maintenir une possibilité d’adaptation locale de l’application du SLS et à recentrer l’application stricte de l’obligation de quitter un logement social sur les situations les plus abusives.

Un premier amendement a, tout d’abord, maintenu la possibilité pour les EPCI de délimiter, dans leur PLH, des secteurs géographiques situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), où le SLS ne s’applique pas. L’application du SLS peut, en effet, dans certains quartiers en voie de paupérisation, qui ne sont pas encore classés en QPV, accélérer le recul de la mixité sociale. Il est donc important que les EPCI puissent avoir la faculté de décider d’un zonage plus fin de l’application du SLS que celui qui est déterminé par la loi. Ce zonage s’effectue sous le contrôle du préfet qui doit, sur ces dispositions du PLH, émettre un avis conforme.

Un deuxième amendement a, ensuite, abaissé le plafonnement du SLS à 30 % des ressources du foyer contre 35 % initialement dans le projet de loi. Le taux de 30 % correspond, en effet, davantage au taux d’effort maximal communément admis dans le parc locatif, d’autant plus que les charges locatives ne sont pas comprises dans ce plafond.

Enfin, un troisième amendement a créé un seuil unique, fixé à 150 % des plafonds des logements financés en PLS, pour déclencher l’obligation de quitter les lieux. Ce seuil unique s’appliquera à tous les locataires, qu’ils occupent un logement de type PLAI, PLUS ou PLS. Ce seuil correspond à 88 000 € de revenus annuels pour un couple avec une personne à charge à Paris et à 63 000 € en régions. Seules les situations les plus abusives seront donc visées, sans pénaliser des ménages logés dans d’autres types de logements sociaux et qui ont des difficultés à obtenir une mutation dans le parc social. Pour les locataires de logements de type PLAI, ce seuil unique est même supérieur à celui fixé par la loi Boutin.

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La Commission est saisie de l’amendement CS585 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cet amendement vise à supprimer l’article 27 du projet de loi qui réintroduit le surloyer. Celui-ci constitue une mauvaise idée pour stimuler la mobilité dans le parc social, car il recèle des effets pervers que tout le monde connaît.

Mme Audrey Linkenheld. Nous envisagerions le retrait de cet amendement de suppression si un compromis pouvait se dégager avec les rapporteurs et le Gouvernement. Il conviendrait pour cela d’avoir une discussion globale le sujet.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS946 des rapporteurs.

Puis elle étudie l’amendement CS999 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’alinéa 4 de l’article 27 supprime toute possibilité pour les programmes locaux de l’habitat de choisir des quartiers situés dans les zones tendues où le supplément de loyer de solidarité (SLS) ne s’applique pas. Cet amendement propose de supprimer cet alinéa afin de maintenir cette faculté.

L’alinéa 6 porte le plafonnement du SLS à un taux unique de 35 % des ressources du foyer contre 25 % actuellement. L’amendement CS1001 propose, dans un souci de compromis, de ramener ce taux à 30 %, qui représente l’effort communément appliqué par les commissions d’attribution de logements.

Le projet de loi prévoit d’abaisser le dépassement du plafond pour les SLS par produit – PLAI, prêt locatif à usage social (PLUS) et prêt locatif social (PLS) – de 200 à 150 %, et de ramener à dix-huit mois le droit au maintien dans les lieux pour les ménages dépassant le plafond. L’amendement CS1002, élaboré en concertation avec le Gouvernement, propose de fixer un dépassement de plafond unique, correspondant à celui appliqué aux logements de type PLS, soit 150 % – cette référence équivaut à 195 % des logements de type PLUS. Cette suggestion relève, là encore, d’un compromis entre la nécessité de faire sortir du logement social les foyers aux ressources trop élevées et celle d’assurer une certaine mixité sociale, étant entendu que nous devons prioritairement loger les plus modestes.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Le projet de loi envisageait un renforcement marqué du surloyer, et les trois propositions avancées par le rapporteur sont de bon sens et semblent à même d’atteindre nos objectifs. Le surloyer existe et concerne 4 500 personnes dans le logement social, soit peu de locataires. Ceux-ci n’habitent d’ailleurs pas uniquement à Paris, plus de 300 personnes étant même situées en zone C. Ce système rapporte une somme importante. Néanmoins, si l’on souhaitait le renforcer, notre but ne consistait pas à établir un niveau trop élevé.

Une personne en surloyer et logée en PLAI a obtenu une évolution salariale non négligeable mais pas énorme, alors qu’une autre personne en surloyer mais logée en PLS a des niveaux de revenus très élevés – à Paris, on parle d’un célibataire percevant 5 000 euros mensuels. Cette différence de situation crée une rupture d’égalité, car l’évolution prévue aurait été plus difficile pour les individus provenant de logements où les loyers étaient les plus faibles. Voilà pourquoi le choix d’une référence unique de 150 %, celle appliquée aux logements de type PLS, me paraît très juste.

La question des exemptions a suscité beaucoup d’agitation. On tente d’asseoir ce texte sur une collaboration avec les élus locaux, qui doit valoir également pour les exemptions. Plutôt que de supprimer toutes les exemptions en zone tendue, il serait préférable de discuter dans le cadre des comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), qui examinent les PLH. Pour avoir étudié une centaine de PLH, j’ai constaté que les discussions avec les élus étaient précises et permettaient de remettre en cause les exemptions trop globales à l’échelle d’une commune ou d’une intercommunalité, mais aussi d’appréhender la forte territorialisation des logements sociaux et des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) qui explique les exemptions.

Ces trois amendements répondent aux souhaits que vous avez exprimés, en mettant en œuvre un renforcement acceptable du SLS, une responsabilisation des territoires et la sortie du logement social à partir d’un certain niveau de revenus.

Mme Audrey Linkenheld. Les amendements du rapporteur répondent à nos préoccupations.

J’observe que le choix du plafond de dépassement du PLS a pour conséquence qu’une personne logée en PLAI et dont les ressources ont augmenté vers un niveau proche de celui du PLUS sortira de la situation de surloyer dans laquelle elle se trouve aujourd’hui. Le bailleur perdra ainsi une incitation à muter le locataire vers un logement plus adapté à ses ressources.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. On ne change en rien le seuil de déclenchement du SLS, on ne modifie que le plafond faisant perdre le droit au maintien dans les lieux.

M. Michel Piron. J’adhère totalement aux explications fournies par Mme la ministre.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement CS1001 des rapporteurs.

L’amendement CS586 de M. François Pupponi est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1002 des rapporteurs.

Elle adopte également successivement les amendements rédactionnels CS947, CS948, CS949, CS950, CS952, CS951 et CS953 des rapporteurs.

La Commission est saisie de l’amendement CS287 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

M. Michel Piron. Convaincu par les arguments du rapporteur, je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS954 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 27 modifié.

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Après l’article 27

La Commission examine l’amendement CS330 de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. Cet amendement a pour objet de soumettre au SLS les locataires des logements non conventionnés des organismes HLM des communes situées en zone tendue, Paris étant principalement concernée.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable : il n’y a pas de plafond dans le parc non conventionné.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

L’amendement est retiré.

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Article 28
(art. L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation)

Mesures de simplification relatives aux conventions d’utilité sociale

Cet article procède à diverses modifications rédactionnelles de l’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation relatif aux conventions d’utilité sociale (CUS). La loi du 25 mars 2009, dite loi MOLLE, avait rendu obligatoire la signature d’une CUS par tous les organismes HLM avant le 1er juillet 2011. Ces CUS, d’une durée de six ans, doivent normalement arriver à échéance en 2017. Or l’article 26 proroge les engagements de cette première génération de CUS jusqu’au 31 décembre 2017 et prévoit la signature d’une deuxième génération à partir du 1er janvier 2018.

Le présent article pérennise donc l’existence et le renouvellement des CUS en enlevant toute référence à des dates précises à l’article L. 445-1 du CCH. Par ailleurs, les alinéas 9 et 10 ajoutent au contenu des CUS l’énoncé de la politique menée par l’organisme en faveur de l’hébergement et, le cas échéant, celui de sa politique d’accession.

La Commission spéciale a, en outre, adopté un amendement du Gouvernement afin de préciser que les organismes HLM doivent adresser au préfet de département un projet de CUS au plus tard six mois avant l’échéance de la convention en cours.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS955 des rapporteurs.

Puis elle étudie l’amendement CS1217 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement vise à éviter l’application rétroactive des dispositions relatives aux loyers qui peuvent figurer dans les conventions d’utilité sociale. Il prévoit qu’un projet de CUS doit être déposé six mois avant la fin de la convention en cours.

Suivant l’avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 28 modifié.

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Après l’article 28

La Commission est saisie de l’amendement CS339 de la présidente Annick Lepetit.

Mme la présidente Annick Lepetit. L’ANAH a créé un outil national de repérage des copropriétés fragiles avec comme objectif d’encourager la mise en œuvre d’actions préventives dans les secteurs concernés. Cet amendement propose qu’elle mette à disposition des collectivités, des agences d’urbanisme et des CAUE, la liste des adresses et des caractéristiques principales des copropriétés fragiles ayant fait l’objet d’un repérage par ses soins.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je demande le retrait de cet amendement. Le fichier de l’ANAH sur les copropriétés fragiles contient des données personnelles qu’il est difficile de transmettre à des tiers sans l’autorisation des personnes concernées.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Non seulement certaines données relèvent du secret fiscal, mais d’autres possèdent un caractère personnel. L’ANAH ne produit pas ces données, dont elle est seulement dépositaire, et la loi ne l’autorise pas à en disposer.

Néanmoins, cet amendement soulève une question très juste. Il serait intéressant d’avoir des données relatives au repérage, notamment des adresses. Nous retravaillerons donc ce sujet d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

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Article 28 bis [nouveau]
(art. L. 443-7 du code de la construction et de l’habitation)

Contrôle de l’État sur les cessions de logements locatifs sociaux

Cet article, introduit par un amendement du Gouvernement, vise à renforcer le contrôle de l’État sur les cessions importantes de logements locatifs sociaux par un organisme HLM.

Tout projet d’aliénation d’une partie du patrimoine d’un organisme HLM ou d’une société d’économie mixte agréée fait aujourd’hui l’objet d’une autorisation de la part du préfet ou du délégataire. Dans certains cas extrêmes, la cession représente une part supérieure à 50 % du patrimoine et peut aller jusqu’à la totalité de celui-ci. Le contrôle exercé par l’État, à l’occasion de l’aliénation de la totalité du patrimoine, suivie d’une dissolution de l’organisme, s’exerce aujourd’hui à différentes étapes de la procédure : au moment de la transmission de la décision d’aliéner, au moment de la demande de la dissolution de l’organisme, et le cas échéant au moment de la définition des modalités d’utilisation de l’excédent de liquidation.

Le présent article a pour objet de donner au préfet une vision de l’orientation stratégique d’un organisme HLM dès lors que ce dernier souhaite céder une part dépassant 50 % de son patrimoine. Il permet au préfet de porter une appréciation sur l’ensemble de l’opération, et non sur la seule procédure d’aliénation. De telles cessions ne peuvent en effet pas être regardées comme un acte normal de gestion puisqu’elles peuvent aboutir, dans certains cas, à l’impossibilité pour l’organisme de poursuivre l’activité pour laquelle il a été créé ou agréé en vue de participer à une mission d’intérêt général.

Cet article impose aux organismes concernés, soit ceux cédant plus de 50 % du patrimoine détenu sur les trois dernières années, de motiver leur décision d’aliénation et de déclarer s’ils souhaitent poursuivre leur activité, afin de donner au préfet de département les éléments de contexte nécessaires à la délivrance de l’autorisation d’aliénation. En cas de non-respect de cette obligation, l’acte entraînant le transfert de propriété sera entaché de nullité.

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La Commission examine l’amendement CS858 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement a pour objet de donner aux préfets une vision de l’orientation stratégique d’un organisme HLM souhaitant céder une part dépassant 50 % de son patrimoine, en leur permettant de porter une appréciation sur l’ensemble de l’opération, et non pas sur la seule procédure d’aliénation. Ils pourront ainsi prendre des décisions en toute connaissance de cause, ce qui est important dans le cadre des procédures de dissolution d’office.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable. La loi NOTRe a instauré des obligations qui ont créé des mouvements entre bailleurs, dont cet amendement vient contrôler à juste titre la légitimité.

M. le rapporteur général. Je soutiens cet amendement de bon sens. Il serait intéressant de disposer, pour la séance publique, d’une illustration de ce phénomène. En Île-de-France, on constate des opérations de liquidation avec transfert de patrimoine à des entreprises publiques locales (EPL) pour éviter la mutualisation à l’échelle de la métropole. Cela nous permettra d’interroger en séance le taux de 50 % retenu.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je vous apporterai ces éléments et pourrai vous décrire l’ensemble des procédures sur lesquelles je suis intervenue et que j’ai bloquées avec succès.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 28 ter [nouveau]
(art. L. 2122-2, L. 3211-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales)

Élargissement des pouvoirs propres du maire en matière de délégation du droit de préemption

Cet article, introduit à l’initiative de Mme Lepetit, étend les possibilités de délégation du conseil municipal au maire afin de rendre plus réactives les actions des communes en matière de logement.

L’article 87 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a autorisé les titulaires du droit de préemption urbain à déléguer ce droit à des organismes HLM ou des SEM. Toutefois, ces dispositions se révèlent aujourd’hui peu opérationnelles car, en l’état actuel du droit, le maire d’une commune ne peut pas se voir déléguer cette faculté par le conseil municipal. Par conséquent, la délégation du droit de préemption de la commune aux SEM et aux organismes HLM suppose que le conseil municipal délibère à chaque fois, ce qui alourdit le dispositif et le rend peu réactif alors que la réactivité est la clef de réussite de ces opérations. Le présent article ajoute donc la faculté de délégation du droit de préemption aux SEM et aux organismes HLM à la liste des droits pouvant être délégués par le conseil municipal au maire.

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Elle en vient à l’amendement CS333 de la présidente Annick Lepetit, qui fait l’objet du sous-amendement CS1218 du Gouvernement.

Mme la présidente Annick Lepetit. Il s’agit d’étendre les possibilités de délégation du conseil municipal au maire, afin de rendre plus réactives les actions des collectivités en matière de logement.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement. Il est nécessaire d’insérer un alinéa spécifique à l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales pour rendre cette proposition possible.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CS336 de la présidente Annick Lepetit tombe, et le sous-amendement CS1219 du Gouvernement n’a plus d’objet.

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Après l’article 28 ter

La Commission examine l’amendement CS630 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Dans un avis récent, le Défenseur des droits a suggéré, s’appuyant sur un constat émis par des élus et des bailleurs, de redéfinir la notion de sous-occupation. Deux définitions coexistent aujourd’hui : pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il y a sous-occupation dès l’instant où le nombre de pièces du logement est supérieur à celui de la composition familiale ; pour le code de la construction et de l’habitation, elle n’est constatée que si l’écart entre ces deux chiffres est de deux. Cette différence pose des difficultés aux CAL au moment des attributions de logements. Cet amendement propose de retenir la définition de l’INSEE, comme le suggère le Défenseur des droits.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cette proposition relevant du domaine réglementaire, je demande le retrait de l’amendement. Cependant, je souhaite que le Gouvernement s’engage à modifier le décret définissant la sous-occupation, car l’on s’aperçoit sur le terrain des difficultés causées par la double définition actuelle.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je partage votre préoccupation, mais la redéfinition de la sous-occupation nécessite, en effet, de modifier un décret et non la loi. M’engageant à modifier le décret concerné, je demande le retrait de l’amendement.

Mme Audrey Linkenheld. Cet aspect ne m’avait pas échappé, mais depuis le temps que ce débat traîne, le porter au Parlement m’a paru nécessaire pour obtenir l’engagement du Gouvernement de changer le décret. Cette modification permettra de régler des cas de sous-occupation et d’amener des ménages à quitter de grands logements que l’on pourra proposer à des familles. On pourra également expliquer à des personnes seules pourquoi on ne leur propose pas de logements de type trois. Je vous remercie de votre engagement, madame la ministre, et suivrai avec attention la sortie de ce décret.

L’amendement est retiré.

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Chapitre II bis
Renforcer la démocratie locative dans le logement social

(Division et intitulé nouveaux)

La Commission examine, en présentation commune, les amendements CS1025, CS1026, CS1027 et CS1028 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1025 vise à créer, au sein du titre II, un nouveau chapitre consacré au renforcement de la démocratie locative dans le logement social.

M. Michel Piron. Je comprends bien le terme de « démocratie » et celui de « locative », mais le concept de démocratie locative m’échappe. J’aurais préféré une expression beaucoup plus simple, comme celle de « représentativité locative ».

La Commission adopte l’amendement CS1025.

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Article 28 quater [nouveau]
(art. L. 421-9 et L. 422-2-1 du code de la construction et de l’habitation)

Parité aux élections des représentants des locataires

Cet article a été introduit par un amendement du rapporteur thématique. Il vise à instaurer un principe de parité entre les femmes et les hommes pour les listes de candidats aux élections des représentants des locataires au conseil d’administration des offices publics de l’habitat, des entreprises sociales pour l’habitat et des sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux.

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M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1026 propose d’instaurer la parité entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats aux élections des représentants des locataires dans les offices publics de l’habitat, les entreprises sociales pour l’habitat et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion des logements sociaux.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je ne suis pas opposée au renforcement de la démocratie locative.

Asseoir la parité parmi les représentants des locataires est une excellente idée, et l’on peut se demander pourquoi elle n’est pas déjà mise en œuvre. En effet, cette mesure permettra de renouveler les représentants des locataires et de les mobiliser davantage.

Je me suis engagée auprès des associations de locataires à travailler avec elles : les futures élections se tiendront en 2018, et il faudra qu’elles en connaissent les conditions exactes bien avant cette date, et pas seulement quelques mois avant le scrutin. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) mènera cette concertation à l’automne.

La Commission adopte l’amendement CS1026.

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Article 28 quinquies [nouveau]
(art. L. 421-9 et L. 422-2-1 du code de la construction et de l’habitation)

Obligation d’affiliation des associations locales de locataires

Cet article a été introduit par un amendement du rapporteur thématique. Il vise à obliger les associations de locataires présentant des listes aux élections dans les organismes HLM à être affiliées à une des organisations nationales siégeant à la Commission nationale de concertation. Ces associations locales seront ainsi renforcées dans leurs connaissances et leurs outils pour défendre l’intérêt des locataires du parc social.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1027 suggère que les associations de locataires présentant des listes aux élections dans le parc HLM soient affiliées à l’une des organisations nationales siégeant à la Commission nationale de concertation. L’objectif avoué est d’éviter des candidatures qui ne défendraient pas l’ensemble des locataires et qui seraient orientées vers des populations particulières.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je reviens sur l’amendement CS1027. La généralité de cet amendement pose des difficultés. Il convient de faire attention à la teneur du message envoyé aux associations. L’article 421-9 du CCH dispose que les associations doivent être indépendantes de tout parti politique ou organisation à caractère ethnique, raciale, confessionnelle ou philosophique. La condition d’affiliation n’existe plus depuis 1973. Quant au principe proposé, il convient de l’apprécier au regard de celui de la liberté d’association. Des évolutions ont déjà eu lieu afin de distinguer les associations de locataires de celles défendant les consommateurs, comme l’Association Force ouvrière consommateurs (AFOC) ; les statuts sont proches mais différents. Je demande vraiment le retrait de cet amendement CS1027, quitte à le retravailler d’ici à la séance publique.

Mme Audrey Linkenheld. Nous avons déjà eu cette discussion, et il me semblait qu’en dehors des organisations affiliées à la Commission nationale de concertation, il pouvait également y avoir des associations de consommateurs, dont je ne suis pas sûre qu’elles soient couvertes par l’amendement CS1027. Or ce n’est pas le moment de fâcher les organisations affiliées à ces associations de consommateurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. La limitation de l’accès à la candidature existait auparavant, et l’on assiste aujourd’hui à des dérives d’extrémisme politique ou religieux. Il est donc nécessaire d’affilier les représentants locaux à des associations nationales. Peut-être faudra-t-il intégrer explicitement les associations de consommateurs dans le champ de cet amendement en séance.

La Commission adopte l’amendement CS1027.

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Article 28 sexies [nouveau]
(art. 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière)

Financement des associations représentatives de locataires

Cet article a été introduit par un amendement du rapporteur thématique. Il vise à obliger tous les organismes HLM à participer au financement des associations locales de locataires en fonction de leur résultat aux dernières élections.

L’article 44 bis de la loi du 23 décembre 1986, créé par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) dispose que chaque bailleur social doit élaborer, avec les associations de locataires, un plan de concertation locative. Ce plan doit notamment prévoir des moyens matériels et financiers attribués aux représentants des locataires pour que ceux-ci puissent exercer leur mission. Or plus de 15 ans après la promulgation de cette loi, environ 20 % des bailleurs sociaux ne consacrent aucun moyen au financement des associations de locataires présentes dans leur parc.

Cet article oblige donc tous les bailleurs sociaux à consacrer au moins 2 € par logement et par an au financement des associations locales de locataires en fonction de leurs résultats aux élections. Cette règle s’appliquerait à compter des prochaines élections, soit à partir du 1er janvier 2019.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. L’amendement CS1028 a pour objet d’obliger les bailleurs sociaux à financer les associations représentées au sein de leur conseil d’administration à raison de 2 euros par logement, la moyenne actuelle ne s’établissant qu’à 1,65 euro, sachant que dans le cadre des plans de concertation locative, 20 % ne respectent pas cette obligation de financer les associations locales représentant les locataires.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Quant au dispositif proposé dans l’amendement CS1028, il s’avère judicieux : les associations de locataires sont actuellement financées par des crédits du ministère du logement, selon des clefs de répartition liées, notamment, à leur assise électorale. Il faudra compléter cet amendement en séance, en veillant en particulier à encadrer l’utilisation des fonds.

Mme Audrey Linkenheld. Le financement de 2 euros par logement alimente-t-il les associations nationales ou locales ? Ces dernières sont-elles toujours constituées en associations locales pouvant récolter les fonds et en faire bon usage ?

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cette question, sans être essentielle, est importante, car les bailleurs doivent avoir en face d’eux des représentants capables d’effectuer correctement leur travail.

Chaque bailleur a l’obligation de financer les associations représentées au sein de son conseil d’administration. À raison de 2 euros par logement, cela fait, pour 20 000 logements, une enveloppe de 40 000 euros à répartir à la proportionnelle. Une telle pratique existe déjà mais n’est pas systématique ; or tous les bailleurs doivent l’adopter. C’est le sens de cet amendement, qui est complémentaire du précédent, car il ne faudrait pas financer des associations ayant un autre dessein que celui de défendre les locataires.

La Commission adopte l’amendement CS1028.

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Article 28 septies [nouveau]
(art. L. 423-1 du code de la consommation)

Permettre à des associations non agréés d’intenter une action de groupe dans le domaine du logement social

Permise par la loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014, l’action de groupe en consommation est réservée aux seules associations représentatives au niveau national et bénéficiant d’un agrément.

Justifiées dans la plupart des cas, ces conditions peuvent être un frein à l’introduction d’une action de groupe à l’égard d’un bailleur social ayant manqué à ses obligations légales, en raison de l’étroitesse des liens pouvant exister entre les bailleurs et les associations de défense des locataires.

Cet article, adopté à l’initiative de vos rapporteurs et avec l’avis favorable du Gouvernement, supprime donc les conditions d’agrément et de représentativité pour les actions intentées dans le secteur du logement locatif social. En permettant la création d’associations ad hoc pour l’introduction d’actions de groupe, cet article a pour objet d’assurer aux locataires une meilleure protection de leurs droits.

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La Commission passe à l’amendement CS1014 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement se rattache à l’ensemble cohérent que vient d’évoquer Philippe Bies. Permise par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’action de groupe en consommation est réservée aux seules associations représentatives au niveau national et bénéficiant d’un agrément.

Justifiées dans la plupart des cas, ces conditions peuvent être un frein à l’introduction d’une action de groupe à l’égard d’un bailleur social ayant manqué à ses obligations légales, en raison de l’étroitesse des liens pouvant exister entre les bailleurs et les associations de défense des locataires. Ce constat de terrain a été dressé dans le cadre du rapport d’évaluation de la loi relative à la consommation.

En permettant la création d’associations ad hoc pour l’introduction d’actions de groupe, cet amendement a pour objet d’assurer aux locataires une meilleure protection de leurs droits.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. Les premières actions de groupe qui ont abouti ont été lancées dans le logement social. La menace de l’action de groupe a résolu des conflits vieux de plusieurs années, qui portaient sur les charges locatives concernant des ascenseurs et des réseaux d’eau. Cela en dit beaucoup sur la place des consommateurs dans la démocratie locative.

La Commission adopte l’amendement.

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Chapitre III
Mieux répartir l’offre de logement social sur les territoires et favoriser le développement des stratégies foncières

Article 29
(art. L 302-4, L. 302-5, L. 302-6, L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation)

Conditions d’application du dispositif SRU et rattrapage en matière de logements sociaux dans les communes déficitaires

L’article 29 modifie plusieurs articles du code de la construction et de l’habitation (CCH) afin de recentrer le dispositif SRU sur les territoires où la pression sur la demande de logement social est la plus forte. Les dispositions modifiées étant de natures très diverses, le rapporteur a opté pour une présentation thématique des différentes mesures proposées, et ce dans un souci de lisibilité.

1. Conformité des programmes locaux de l’habitat (PLH) avec les objectifs quantitatifs et qualitatifs de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)

a. L’état du droit

L’article L. 302-4 du code de la construction et de l’habitation traite des conditions de modification et d’adaptation du programme local de l’habitat (PLH), défini par la section 1 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code.

Le programme local de l’habitat est un document stratégique de programmation qui inclut l’ensemble de la politique locale de l’habitat : parc public et privé, gestion du parc existant et des constructions nouvelles, populations spécifiques. Aux termes de l’article L. 302-1 du CCH, il définit, pour une durée de six ans, « les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l’accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d’une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements ».

L’article L. 302-4 ouvre la possibilité, pour l’organe délibérant de l’EPCI concerné, de modifier le PLH en cours de validité, sous la condition qu’il ne soit pas porté à son économie générale. La capacité de l’EPCI à modifier le PLH est néanmoins strictement encadrée, puisque les motivations d’une telle adaptation sont limitativement énoncées par le code. Ainsi, le PLH peut être modifié dans trois cas (alinéas 2 à 4 de l’article L. 302-4) :

– pour être mis en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires relatives à la politique du logement entrées en vigueur après son adoption ;

– pour tenir compte des évolutions du contexte démographique, économique et social ;

– pour prendre en compte les objectifs des projets de rénovation urbaine et de renouvellement urbain prévus par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Par ailleurs, le même article précise, en son alinéa 5, que le PLH peut faire l’objet d’une modification si, lorsque le périmètre de l’EPCI est étendu à une ou plusieurs communes, les communes concernées représentent moins du cinquième de la population totale de l’établissement au terme de cette extension de périmètre.

Enfin, les alinéas 6 et 7 de l’article fixent les conditions de mise en œuvre de cette modification – transmission au préfet ainsi qu’aux personnes morales intéressées, approbation par l’organe délibérant de l’EPCI – tandis que l’alinéa 8 indique que l’adaptation peut se dérouler selon la procédure intégrée prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, relatif à la mise en compatibilité du schéma directeur de la région d’Île-de-France, du plan d’aménagement et de développement durable de Corse, d’un schéma d’aménagement régional, d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document en tenant lieu pour des opérations d’aménagement foncier ou une construction comportant principalement des logements et présentant un caractère d’intérêt général.

b. Les dispositions du projet de loi

L’article 29 du projet de loi ne remet pas en cause la procédure d’adaptation des PLH prévue à l’article L. 302-4 du CCH. Toutefois, il la complète en vue de prévoir une mise en compatibilité obligatoire et non plus optionnelle du PLH aux évolutions législatives.

En effet, alors que comme le rappelle l’étude d’impact, le PLH constitue un outil permettant d’apporter une déclinaison locale des politiques nationales en matière d’habitat, il n’est pas satisfaisant de constater que les nouvelles obligations SRU introduites par la loi du 18 janvier 2013 relative au renforcement des obligations de productions de logement social n’ont pas été traduites dans nombre de PLH.

Ainsi, la loi du 18 janvier 2013 précitée a renforcé les objectifs quantitatifs en portant de 20 % à 25 % de leurs résidences principales le taux de logements sociaux à atteindre pour certaines communes, et introduit des seuils qualitatifs dans les objectifs de rattrapage des communes déficitaires.

Si les PLH entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2014 doivent tenir compte de ces évolutions, l’article 28 de la loi du 18 janvier 2013 avait simplement prévu une possibilité de modifier les PLH en vigueur, d’ici le 31 décembre 2015, conformément à la procédure fixée à l’article L. 302-4 du code de la construction et de l’habitation. Or, force est de constater une nette insuffisance de mise en conformité, l’étude d’impact notant qu’au moins une centaine de PLH actuellement exécutoires ne sont pas en adéquation avec les obligations renforcées du dispositif SRU tel qu’issues de la loi du 18 janvier 2013, tandis que les trois quarts des PLH exécutoires ne définissent pas d’objectifs de rattrapage ou ne respectent pas les seuils minimaux de logements financés en prêts locatifs sociaux (PLS) ou en prêts locatifs aidés d’insertion (PLAI).

C’est afin de remédier à cette situation, et dans le but d’atteindre, d’ici 2025, l’objectif de 20 % de logements sociaux, que les alinéas 2 à 9 de l’article 29 du projet de loi modifient l’article L. 302-4 du CCH, en vue d’introduire une obligation de mise en conformité. Tel est l’objet du nouveau II. de l’article L. 302-4 modifié.

Le premier alinéa de ce II. instaure ainsi une obligation de modification du PLH, dans un délai de deux ans, afin de prendre en compte les nouvelles obligations applicables aux communes en matière de logement social.

Le deuxième alinéa du II. prévoit que le préfet, comme les personnes morales éventuellement concernées, soient destinataires, pour avis, du projet de modification élaboré par l’EPCI concerné. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas transmis dans un délai de deux mois à compter de la transmission du projet.

Le troisième alinéa du II. impose au préfet de transmettre à l’EPCI des demandes motivées de modification du projet s’il estime que ce dernier ne prend pas suffisamment en compte les nouvelles obligations législatives.

Le quatrième alinéa du II. fixe les conditions d’effectivité du projet de modification : approbation par l’organe délibérant de l’EPCI concerné, exécution de la délibération dans un délai de deux mois suivant sa transmission au préfet, sauf en cas de notification par celui-ci relative à la non prise en compte des demandes de modification évoquées ci-dessus.

Enfin, le dernier alinéa de ce nouveau II. prévoit qu’en cas de non mise en conformité par l’EPCI de son PLH dans un délai de deux ans, les prélèvements SRU opérés sur les communes à son profit, s’il est délégataire, ne lui sont plus reversés mais transmis à l’établissement public foncier ou, à défaut, au fonds nationale des aides à la pierre.

2. Recentrage du dispositif SRU sur les territoires où la pression de la demande de logement social est la plus forte

a. L’état du droit

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », a fixé un objectif national de mixité sociale dans l’habitat qui se traduit par l’obligation d’un seuil minimal de 25 % de logements sociaux dans les communes urbanisées. Ce mécanisme, prévu par son article 55, ne s’applique en effet qu’à certaines communes, définies à l’article L. 302-5 du CCH.

Le dispositif SRU s’applique dans les communes de plus de 1 500 habitants en Île-de-France et de plus de 3 500 habitants en province et dans les départements d’outre-mer appartenant à des agglomérations de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », a élargi cette obligation aux communes membres d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) selon les mêmes conditions de population. La loi du 18 janvier 2013 relative au renforcement des obligations de production de logement social a intégré dans le dispositif SRU les communes dites « isolées » de plus de 15 000 habitants, en croissance démographique de plus de 5 % sur cinq ans, et n’appartenant pas aux territoires précités.

D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, au titre du bilan annuel 2015 (inventaire au 1er janvier 2014), le dispositif SRU s’applique à :

– 124 agglomérations et 234 EPCI, 5 776 communes se situant dans ces territoires où s’applique le dispositif de l’article 55 (dont 3 215 se situent uniquement dans des EPCI et 5 communes « isolées ») ;

– 1 115 communes effectivement soumises à une obligation de rattrapage dont 422 communes à une obligation à 20 % et 693 communes à une obligation à 25 %, 120 autres communes étant exemptées d’obligation pour décroissance démographique et 23 communes au titre des risques.

L’article L. 302-5 du CCH prévoit toutefois un certain nombre d’exemptions, assises sur la notion de décroissance démographique, qui consistent essentiellement en un abaissement du seuil minimum de logements sociaux de 25 % à 20 % des résidences principales.

L’indicateur de décroissance démographique apparaît néanmoins imparfait, dans la mesure où certaines communes peuvent être en décroissance démographique, notamment du fait de la hausse de la part des résidences secondaires ou du vieillissement de la population, tout en étant caractérisées par une très forte pression de la demande, justifiant la création de logements locatifs sociaux. Par ailleurs, le dispositif SRU manque de pertinence dans certains territoires, où la demande en logement locatif social est faible en raison d’un trop fort éloignement des bassins d’activités et d’emplois et d’un manque de transport en commun. Nombre d’élus ont ainsi régulièrement dénoncé le manque de pertinence de devoir produire ce type de logements alors même que la demande est faible.

b. Les dispositions du projet de loi

Les a) à e) du 2° du I. modifient l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation en vue de renforcer le dispositif SRU sur les territoires les plus tendus du point de vue de la demande en logement social.

Ainsi, les b) et c) du 2° du I. procèdent à la réécriture des dispositions de l’article L. 302-5 relatives à l’abaissement du seuil de logements sociaux à 20 % pour toutes les communes concernées par le dispositif SRU appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour lesquels le parc de logements existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées.

Dans cette nouvelle rédaction, la liste des agglomérations ou des EPCI bénéficiant de cet abaissement du seuil demeure déterminée par décret, mais selon des critères nouveaux. En effet, alors que les alinéas 3 à 5 de l’article L. 302-5 imposait la prise en compte par le pouvoir réglementaire de la part de bénéficiaires de l’allocation logement dont le taux d’effort est supérieur à 30 %, du taux de vacance, hors vacance technique, constaté dans le parc locatif social et du nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d’emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social, les dispositions introduites par le projet de loi ne font plus référence qu’à un seul critère de tension de la demande en zone agglomérée. Ainsi, la liste devra tenir compte « du nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d’emménagements annuels, hors mutations internes », dans le parc locatif social des agglomérations et EPCI concernés.

En conséquence, le c) procède à la suppression des alinéas 3 à 5 de l’article L. 302-5 susmentionnés, ainsi qu’à la suppression de l’alinéa 6 du même article, exemptant les communes en décroissance démographique du dispositif.

Le d) procède à une évolution similaire s’agissant pour les communes de plus de 15 000 habitants dont le nombre d’habitants a crû et qui n’appartiennent pas à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants et comportant une commune de plus de 15 000 habitants lorsque leur parc de logements existant justifie un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande des personnes de ressources modestes ou défavorisées.

Le e) insère au sein de l’article L. 302-5 du CCH un III. Composé de deux alinéas prévoyant une exemption totale du dispositif SRU pour certaines communes. Le premier alinéa précise ainsi qu’un décret fixe, au moins tous les trois ans, la liste des communes appartenant aux agglomérations ou aux EPCI à fiscalité propre normalement dans le champ du dispositif SRU pour lesquelles celui-ci ne s’applique pas. Le second alinéa traite des modalités de constitution de cette liste :

– la liste des communes est arrêtée sur proposition des EPCI auxquelles elles appartiennent, après avis du préfet de région et de la commission départementale chargée de l’examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux prévue à l’article L. 302-9-1-1 du même code ;

– seules les communes situées hors d’une agglomération de plus de 30 000 habitants et insuffisamment reliées aux bassins d’activités et d’emplois par le réseau de transport en commun, selon des conditions fixées par le pouvoir réglementaire, ou situées dans une agglomération de plus de 30 000 habitants dans laquelle le nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d’emménagements annuels, hors mutations internes, se situe en deçà d’un seuil défini par décret.

3. Mesures de coordination

Le f), le g) et h) et le j) du 2°, qui touchent à l’article L. 302-5 du CCH, ainsi que le 3°, qui modifie l’article L. 302-6 du CCH, du I. de l’article 29 sont de simples mesures de coordination.

4. Prise en compte des terrains aménagés au profit des gens du voyage dans le décompte des logements sociaux

Le i) du 2° du I. de l’article 29 procède à l’insertion dans l’article L. 302-5 du CCH d’un alinéa renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des modalités selon lesquelles sont inclus dans la définition des logements locatifs sociaux les terrains locatifs familiaux en état de service, dont la réalisation est prévue au schéma départemental d’accueil des gens du voyage, qui sont aménagés et implantés légalement et destinés à l’installation prolongées de résidences mobiles.

En effet, le droit existant ne donne pas de définition précise du logement social. La rédaction actuelle de l’article L. 302-5 du CCH liste donc les types de logements sociaux retenus pour l’application du dispositif SRU. Il s’agit des logements suivants :

– les logements locatifs appartenant aux organismes d’habitation à loyer modéré, à l’exception, en métropole, de ceux construits, ou acquis et améliorés à compter du 5 janvier 1977 et ne faisant pas l’objet d’une convention APL ;

– les autres logements conventionnés APL et dont l’accès est soumis à des conditions de ressources ;

– les logements appartenant aux sociétés d’économie mixte des départements d’outre-mer, les logements appartenant à l’Entreprise minière et chimique et aux sociétés à participation majoritaire de l’Entreprise minière et chimique, les logements appartenant aux houillères de bassin, aux sociétés à participation majoritaire des houillères de bassin ainsi qu’aux sociétés à participation majoritaire des Charbonnages de France et, jusqu’au 31 décembre 2016, à la société de gestion du patrimoine immobilier des houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais ;

– les logements ou les lits des logements-foyers de personnes âgées, de personnes handicapées, de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et des logements-foyers dénommés résidences sociales, conventionnés APL ainsi que les places des centres d’hébergement et de réinsertion sociale et de certains centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Les lits des logements-foyers et les places des centres d’hébergement et de réinsertion sociale et des centres d’accueil pour demandeurs d’asile sont pris en compte. Dans les foyers d’hébergement et les foyers de vie destinés aux personnes handicapées mentales, les chambres occupées par ces personnes sont comptabilisées comme autant de logements locatifs sociaux dès lors qu’elles disposent d’un élément de vie indépendante.

Les terrains familiaux locatifs (étude d’impact)

Les terrains familiaux locatifs sont définis dans la circulaire UHC/IUH1/26 n° 2003-76 du 17 décembre 2003 relative aux terrains familiaux permettant l’installation des caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs comme :

– correspondant à un habitat à usage privatif locatif ;

– un mode d’habitat nécessitant l’obtention d’un permis d’aménager ou le dépôt d’une déclaration préalable dans les conditions de l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme ;

– pouvant faire l’objet de financement par l’État pour un montant équivalent à celui des aires permanentes d’accueil des gens du voyage ;

– disposant d’un équipement minimum : un bloc sanitaire intégrant au moins une douche, deux WC et un bac à laver et de compteurs individuels pour l’eau et l’électricité et qui peut être prolongé par un local en dur n’ayant pas vocation d’habitat mais pouvant présenter une utilité technique (buanderie, cellier, espace de stockage de bois…) et servir de lieu de convivialité.

Les terrains familiaux locatifs doivent être recensés en annexe au schéma départemental d’accueil des gens du voyage en application du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

Par ailleurs, les modes de vie des gens du voyage ayant évolué vers une plus grande demande d’ancrage territorial, la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juin 2015 et fera prochainement l’objet d’un examen par le Sénat, a diversifié les modes d’accueil pouvant être mis en place par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents, en prévoyant que les schémas départementaux des gens du voyage prescrivent la réalisation de terrains familiaux locatifs, destinés à des gens du voyage qui souhaitent renoncer partiellement ou totalement au voyage, en fonction des besoins constatés en matière de demande de sédentarisation. Les députés ont aussi voté une mesure visant à ce que les règles applicables à l’aménagement, à l’équipement, à la gestion et à l’usage des terrains familiaux locatifs soient précisées par le pouvoir réglementaire.

5. Exonération de prélèvement SRU pendant trois ans pour les communes nouvellement entrantes dans le dispositif

Les communes déficitaires en logements sociaux sont soumises à des obligations triennales de rattrapage et à une contribution financière annuelle – le prélèvement annuel – à la base proportionnelle au déficit en logement social, mais qui peut être majorée, et jusqu’à être quintuplée, en cas de non-réalisation des obligations triennales.

L’article 38 de la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République a toutefois prévu un dispositif d’exonération du prélèvement pendant trois ans, au bénéfice des communes nouvellement soumises au dispositif SRU, du fait d’une modification des périmètres communaux ou intercommunaux. Par cette mesure, le législateur a souhaité faciliter l’application du dispositif SRU dans le contexte de recomposition des périmètres communaux ou intercommunaux.

En revanche, cette exonération du prélèvement ne s’applique pas aux communes nouvellement soumises à l’article L. 302-5 du CCH du fait du dépassement des seuils communaux de population – 3 500 habitants en province, 1 500 habitants en Île-de-France.

Le k) du 2° du I. généralise donc cette exonération de prélèvement, les trois premières années, pour toutes les communes nouvellement entrantes dans le dispositif SRU, quelle qu’en soit la cause : augmentation de la population communale, appartenance à une agglomération ou rattachement à un EPCI.

6. Suppression de la mutualisation des objectifs triennaux de rattrapage des communes déficitaires dans les PLH et conditions d’application de seuils qualitatifs à atteindre dans les objectifs de rattrapage SRU

a. L’état du droit

L’article L. 302-8 du CCH confie au conseil municipal la définition d’un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale, qui ne peut être inférieur au nombre de logements locatifs sociaux nécessaires pour atteindre le taux applicable (20 % ou 25 %), au plus tard à la fin de l’année 2025.

L’article L. 302-8 du CCH autorise également la mutualisation des objectifs de rattrapage SRU, en faisant porter une partie des objectifs de rattrapage des communes soumises aux obligations de la loi SRU sur tout ou partie des autres communes membres de l’EPCI. Cette possibilité doit néanmoins respecter les conditions suivantes :

– les communes non soumises au prélèvement SRU (dites « communes contributrices ») ne peuvent se voir imposer la construction de logements sociaux supplémentaires sans leur accord ;

– la somme des objectifs de construction de logements sociaux sur le PLH mutualisé ne peut être inférieure à la somme des objectifs de rattrapage des communes soumises au prélèvement du territoire intercommunal ;

– la mutualisation ne peut se faire que dans le cadre des dispositions portant sur les objectifs du PLH. La mise en place de cette mutualisation ne doit donc pas porter atteinte à l’effort de mixité sociale et de répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements entre les communes du territoire intercommunal.

Par ailleurs, l’article L. 302-8 impose, depuis la promulgation de la loi du 18 janvier 2013, que pour toute commune soumise aux objectifs de rattrapage de la loi SRU non couverte par un programme local de l’habitat (PLH), la part des logements financés en prêts locatifs sociaux (PLS) ne puisse pas être supérieure à 30 % de l’ensemble des logements locatifs sociaux à produire (20 % pour les communes qui ne disposent pas d’au moins 10 % de logements sociaux), tandis que la part des logements financés en prêts locatifs aidés d’insertion (PLAI) représente une part d’au moins 30 % de ces logements. Les PLH couvrant une ou des communes soumises aux obligations de la loi SRU doivent ainsi intégrer les objectifs de réalisation de logements sociaux permettant à ces communes d’atteindre leur taux légal de logement social et préciser la typologie des logements à financer (prêts locatifs sociaux, prêts locatifs à usage social, prêts locatifs aidés d’insertion).

Les PLH précisent également l’échéancier annuel et les conditions de réalisation, ainsi que la répartition équilibrée de la taille, des logements sociaux soit par des constructions neuves, soit par l’acquisition de bâtiments existants, par période triennale. Ils définissent également un plan de revalorisation de l’habitat locatif social existant, de façon à préserver partout la mixité sociale sans créer de nouvelles ségrégations.

b. Les dispositions du projet de loi

Le 4° du I. de l’article 29 du projet de loi apporte plusieurs modifications à l’article L. 302-8 du CCH. Outre des mesures de coordination il apporte deux évolutions majeures.

Premièrement, le b) procède à la suppression de la possibilité pour les EPCI de mutualiser dans leur PLH les objectifs triennaux de logements locatifs sociaux des communes soumises aux obligations de la loi SRU. Il s’agit ainsi de mettre un terme à une pratique de détournement de cette disposition, peu vertueux au regard de l’objectif de mixité sociale, et ne permettant pas une mise en œuvre efficace du dispositif SRU dans les communes déficitaires et récalcitrantes.

Deuxièmement, le d) et le e) imposent les conditions de l’application des seuils minimaux de PLAI et maximaux de PLS :

– à toutes les communes soumises aux obligations de la loi SRU, et non plus seulement aux communes non couvertes par un PLH ;

– à tous les PLH, quelle que soit leur date d’entrée en vigueur, comprenant au moins une commune d’ores et déjà soumise aux obligations de la loi SRU. Il est également précisé que les objectifs quantitatifs et de typologie sont déclinés à l’échelle de chaque commune concernée par la loi SRU.

7. Disposition transitoire

Le II. de l’article 29 du projet de loi contient une disposition transitoire, imposant une modification de tous les PLH adoptés avant la promulgation du présent texte afin d’assurer leur compatibilité avec ses dispositions.

Cette adaptation doit s’opérer selon les modalités introduites par le présent article à l’article L. 302-4 du CCH, c’est-à-dire dans les deux prochaines années.

8. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a, tout d’abord, adopté un amendement de M. Pupponi afin de garantir la consultation des organismes HLM dans l’élaboration des programmes locaux de l’habitat (PLH).

À l’initiative des rapporteurs, elle a ensuite intégré à la procédure d’exemption prévue aux alinéas 19 et 20, le cas des communes dont plus de la moitié du territoire est soumis à une inconstructibilité. Ces communes, au nombre de 23 en 2015, sont actuellement exemptées au titre du huitième alinéa de l’article L. 302-5 du CCH. Toutefois, le dispositif actuel pose des difficultés d’application et de compréhension locales, qui ne garantissent ni l’exhaustivité ni l’homogénéité des exemptions accordées localement à ce titre. La nouvelle procédure, qui prévoit notamment un avis de la commission nationale SRU, permettra donc de garantir la transparence et la cohérence des exemptions accordées.

Enfin, la Commission spéciale a préféré mieux encadrer l’outil de la mutualisation intercommunale au lieu de le supprimer purement et simplement. La faculté de mutualiser, sur le territoire intercommunal, les objectifs triennaux de rattrapage des communes a été détournée par certaines communes récalcitrantes qui ont eu recours à ce dispositif à la seule fin de diminuer les objectifs de rattrapage servant de référence à l’appréciation de la carence. Toutefois, d’autres territoires utilisent cet outil de manière pédagogique afin d’entraîner, dans la construction de logements sociaux, des communes historiquement en retard ou nouvellement entrantes dans le dispositif SRU. L’amendement des rapporteurs, adopté par la Commission, maintient donc cet outil et l’encadre davantage en limitant la mutualisation à une seule période triennale, en la réservant aux EPCI délégataires des aides à la pierre et en imposant que l’objectif de rattrapage intermédiaire ne puisse être inférieur, pour chaque commune déficitaire, au tiers de l’objectif de rattrapage légal.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS529 de M. François Pupponi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique sur le titre II. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. Il me semble qu’il s’agit d’écrire dans la loi ce qui se pratique déjà dans les faits.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS956 des rapporteurs.

Puis elle en vient à l’amendement CS161 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement vise à abaisser le seuil à partir duquel s’applique la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ». Elle concernerait toutes les communes de plus de 1 500 habitants situées dans les zones tendues.

Actuellement, le seuil d’application de la loi SRU est de plus de 3 500 habitants pour les communes françaises, à l’exception de celles d’Île-de-France pour lesquelles il a été fixé à 1 500 habitants.

Au Pays basque, où je suis élue, l’agglomération bayonnaise, classée B1, est soumise à une forte tension de son marché de l’habitat. Seules quelques communes participent à l’effort de construction de logements sociaux, alors que la plupart des communes périphériques y échappent.

Partout sur le territoire, un véritable effet de seuil engendre des conséquences négatives en aggravant la spécialisation territoriale, et en créant de très fortes inégalités sociales.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Si cet amendement n’était pas retiré, j’y serais défavorable. Le projet de loi ne vise qu’à ajuster certains aspects de l’article 55 de la loi SRU ; il n’a pas pour objectif de modifier de façon significative le dispositif en place.

Je ne rappelle pas les raisons pour lesquels un seuil spécifique a été introduit pour l’Île-de-France, mais on peut tout de même citer le problème du morcellement communal, ainsi que la tension sur le marché qui n’a pas d’équivalent au niveau national.

M. Michel Piron. L’amendement pose une vraie question, dont la réponse se trouve peut-être dans la bonne définition du périmètre intercommunal.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis que le rapporteur. Nous savons que les petites communes elles-mêmes rencontrent des problèmes de production de logements sociaux, mais je crains que le dispositif proposé ne crée plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Malgré les effets du seuil actuel de 3 500 habitants, il existe aujourd’hui des endroits où, objectivement, l’obligation ne se justifie absolument pas.

Il faut aussi tenir compte du phénomène des fusions de communes, qui en a fait entrer un grand nombre dans le champ d’application de la loi SRU, ce qui pourra permettre, à terme, de répondre plus largement aux besoins.

En zone tendue, il reste cependant aux communes beaucoup d’efforts à faire pour remplir leurs obligations de rattrapage.

Mme Colette Capdevielle. Je retire l’amendement, mais les arguments du rapporteur ne me convainquent pas, car ce qui vaut pour l’Île-de-France vaut également pour les zones tendues. Je ne désarme pas complètement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS289 de M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Il s’agit de tenter de remplacer le concept mal défini de « décroissance démographique » par une formulation plus précise.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable, car le critère du taux de pression, déjà évoqué, va de toute façon se substituer à celui de la décroissance démographique.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie d’un amendement CS288 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS194 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS497 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous proposons de supprimer les alinéas 17 à 19 de cet article, qui assouplissent la mise en œuvre de l’article 55 de la loi SRU pour certaines communes, même si nous pouvons en partie comprendre cette démarche.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. J’entends l’argument de M. Pupponi, qui raisonne en termes d’affichage. Cependant, dans les faits, la procédure de dérogation sera mieux encadrée, et elle se fondera sur un critère plus précis. Il est prévu que trois avis seront donnés en cas de demande d’exemption, et le rôle de la commission nationale « SRU » est considérablement renforcé. La liste des communes exemptées sera arrêtée par un décret du Gouvernement. L’ensemble des mesures proposées constitue un vrai progrès pour mieux appliquer la loi en vigueur sur le territoire.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur Pupponi, les dispositions que vous visez n’ont pas pour objet d’« assouplir » la loi SRU, mais plutôt d’inscrire dans la loi les critères et la procédure qui permettent d’aboutir à une exemption. Aujourd’hui, c’est la ministre qui décide in fine. Le projet de loi propose que, demain, la décision résulte d’un travail commun, et qu’elle soit plus transparente. Il oblige aussi les élus à débattre, notamment au niveau de l’intercommunalité. Nous sommes dans la continuité de la loi 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, même si son dispositif ne résiste pas partout.

Vous avez raison, monsieur le député, ce n’est absolument pas le moment d’envoyer des signes contradictoires sur la loi SRU. La pression renforcée depuis 2013, l’augmentation des sanctions, les instructions très fortes qui ont été transmises aux préfets ont tout de même porté leurs fruits, comme le montre la signature de contrats de mixité sociale, tel que celui que j’ai signé la semaine dernière avec Colette Capdevielle. Ils n’auraient pas vu le jour il y a deux ans.

M. François Pupponi. Je retire l’amendement, mais je propose que nous essayions, d’ici à la séance, de trouver une meilleure rédaction des alinéas concernés, qui laissent trop penser, en l’état, que nous assouplissons la loi SRU.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS623 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS624 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS290 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision CS1004 des rapporteurs.

Puis elle est saisie de l’amendement CS985 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’inclure les communes inondables ou non constructibles dans la procédure unique d’exemption.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable. L’amendement permet d’harmoniser les procédures d’exemption.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CS578 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

M. Michel Piron. Je le maintiens, car c’est un amendement collectif.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS298 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Nous y sommes défavorables également, car nous ne souhaitons pas que les logements intermédiaires, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations, soient décomptés parmi les logements sociaux. Ils ne relèvent pas du même régime. Cette position vaudra s’agissant des autres amendements que nous aurons à examiner sur le logement intermédiaire.

M. Michel Piron. J’ai déjà déposé dans le passé un amendement similaire. Un certain nombre de communes qui ont parfaitement rempli leurs obligations, et qui disposent d’un taux de logements locatifs sociaux supérieur à 20 %, s’interdisent toute vente en accession sociale sur le parc existant aux locataires occupants de peur que cela ne les handicape pour atteindre l’objectif de 25 %.

Dès lors qu’elles ont répondu à la première exigence de la loi SRU et qu’elles ont atteint les 20 %, il ne me semble pas de mauvaise politique d’intégrer le seul logement intermédiaire, en conservant le critère de l’accession sociale, dans le décompte qui permet d’atteindre les 25 %.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CS293 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Les logements en location-accession ne sont pas des logements locatifs sociaux pérennes.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS294 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 30, qui élargit, pour trois ans, l’exonération du prélèvement à toutes les communes soumises pour la première fois à la loi SRU.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS165 de Mme Pascale Got.

M. François Pupponi. La question du logement des saisonniers tient à cœur à notre collègue Pascale Got, qui propose qu’il puisse être pris en compte dans le calcul du taux de logements sociaux calculé pour l’application de la loi SRU. Certaines communes font des efforts et logent, durant une grande partie de l’année, du personnel saisonnier dans des conditions plus décentes.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. De deux choses l’une : soit ces logements sont conventionnés, et ils entreront dans le décompte, soit ils ne le sont pas, et il est alors difficile de les intégrer dans le calcul. Je suis plutôt enclin à demander le retrait de l’amendement.

S’il est vrai que le problème des saisonniers revient de manière récurrente lorsque l’on parle de logement social, il est sans doute possible de mettre en place des solutions locales, comme les résidences pour jeunes actifs. Des outils existent aujourd’hui qui permettent de répondre à la demande de Mme Got.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. C’est le conventionnement ouvrant droit à l’aide personnelle au logement (APL) qui permet de faire entrer un logement dans le décompte des logements sociaux de la loi SRU. De plus, si nous nous penchons sur le cas des logements saisonniers, il faudrait aussi régler celui des résidences des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Elles ne relèvent pas d’un conventionnement APL, mais de nombreuses villes qui doivent encore faire de gros efforts pour remplir leurs obligations au regard de la loi SRU demandent qu’elles soient prises en compte pour le calcul du taux de logements sociaux. Je ne souhaite pas ouvrir cette possibilité aujourd’hui car, si nous le faisions, nous détruirions une partie du dispositif qui sert au décompte des logements sociaux.

Cela dit, nous en discutons souvent avec Mme Got, nous devons trouver des solutions pour augmenter le nombre de logements dits « saisonniers » sur notre territoire, et disposer d’un produit qui corresponde mieux à des besoins très particuliers – il s’agit aussi parfois d’occupations très temporaires, voire d’hébergement.

M. François Pupponi. Je retire l’amendement, mais Mme Got reviendra vers le rapporteur et vers le Gouvernement d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS282 de Mme Marie-Arlette Carlotti.

M. Christophe Premat. Il s’agit de favoriser l’intermédiation locative, qui garantit notamment le propriétaire contre les impayés.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Ce type de sous-location ne passe pas nécessairement par le conventionnement, qui seul permet d’intégrer le logement dans les décomptes de la loi SRU, comme l’indiquait Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

M. Christophe Premat. Je comprends l’intérêt du conventionnement, mais il est aussi intéressant de favoriser une solution qui permet d’éviter les impayés et, indirectement, un certain nombre de discriminations.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS957 des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CS195 de M. Sylvain Berrios.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour objet d’intégrer dans les quotas de logements sociaux, pour les communes qui y sont soumises, les logements en accession sociale à la propriété.

Les dispositifs d’aide à l’accession à la propriété ont en effet un caractère social. Ils permettent de libérer des logements locatifs sociaux tout en facilitant le parcours résidentiel des familles.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Les logements en accession sociale à la propriété ne sont pas dans le parc locatif. Ils ne sont donc disponibles ni pour répondre à des obligations de relogement ni dans le cadre du contingent communal.

Il ne me semble pas possible qu’ils entrent dans le décompte fait en application de loi SRU, même s’ils accueillent des publics issus du logement social ou proche du plafond. Il n’est pas inutile de rappeler à ce stade que plus de 65 % des Français sont éligibles au logement social. Il existe donc beaucoup de logements à vocation sociale.

Ma préférence va à des mesures qui permettront de renforcer le parc locatif social.

M. Sylvain Berrios. Il me semble pourtant intéressant de mettre en place un parcours résidentiel qui augmenterait la fluidité de l’occupation du logement locatif social.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. J’en suis tout à fait d’accord mais, pour qu’il y ait parcours résidentiel, encore faut-il qu’il y ait parcours ! Autrement dit, il faut commencer par construire du logement locatif social, ce qui est précisément l’objet de l’article 55 de la loi SRU.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS196 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Nous ne voulons pas faire entrer dans le décompte SRU les logements en location-accession, notamment ceux qui relèvent de l’APL « accession ».

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS498 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous appliquons la même logique que celle de l’amendement CS497 que j’ai défendu il y a un instant. La suppression du respect des obligations de l’article 55 de la loi SRU pour les communes nouvelles ou les nouvelles intercommunalités ne nous semble pas envoyer un bon message. Nous avons à nouveau pris ce dispositif pour une exemption, mais peut-être avons-nous mal compris ? En tout cas, il pourrait sans doute être rédigé différemment.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je souhaite le retrait de l’amendement. Le projet de loi ne prévoit qu’une exonération pour trois ans, mais les objectifs restent les mêmes. Le rapport relatif à la mise en application de la loi du 18 janvier 2013, dite « loi Duflot 1 » recommandait un plafonnement provisoire des prélèvements pour les petites communes rurales entrant dans le dispositif.

Mme Audrey Linkenheld. Ce qui n’est pas du tout pareil !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il faut dire très clairement qu’il n’y a pas d’exemption. Les communes nouvelles ne sont pas exemptées de leurs obligations de rattrapage : elles sont simplement exonérées du prélèvement pour une période de trois ans, à l’issue de laquelle elles peuvent parfaitement être déclarées « carencées ».

Le texte vise des communes qui n’avaient jamais été concernées par la loi SRU, et qui le deviennent instantanément du fait d’une fusion. Une phase d’adaptation a été prévue car, au-delà du rapport sur l’application de la loi Duflot, des remontées du terrain nous indiquaient que les discussions en cours sur des fusions butaient sur ce point. Je préfère que les choses soient inscrites sous cette forme dans la loi plutôt que de voir des demandes déposées auprès des préfets, qui remontent au ministère – il y a eu l’an passé plusieurs exemptions de cette nature.

Mme Audrey Linkenheld. Nous faisons le même constat, mais nous divergeons sur la façon de résoudre le problème. Nous considérons certes qu’il faut tenir compte du fait que certaines communes entrent dans le dispositif SRU
– je l’ai en effet écrit dans le rapport sur l’application de la loi du 18 janvier 2013 –, mais nous estimons aussi que ces communes n’ont pas appris du jour au lendemain qu’elles devraient respecter les obligations découlant de la loi. La fusion ou le ralliement à une intercommunalité sont des phénomènes longs auxquels on peut se préparer. C’est pourquoi à l’exemption, nous préférions l’idée d’un plafonnement, qui permet aux communes concernées de s’habituer au prélèvement et aux obligations en matière de construction.

M. Michel Piron. Je vous remercie d’avoir pris en compte la nouvelle donne que constitue le phénomène des communes nouvelles. Certaines petites communes rurales n’étaient pas concernées par la loi SRU, et elles n’ont pas du tout intégré cette dimension au gré des multiples péripéties qui ponctuent la création d’une commune nouvelle. Je me demandais même si trois années d’adaptation suffiraient.

M. François Pupponi. Même si cela ne concerne que peu de communes, je suis convaincu qu’il en existe quelques-unes, très riches, dans des départements franciliens également très riches, qui, ayant constitué une commune nouvelle, bénéficient de tous les avantages : leur DGF est doublée pendant deux ans grâce à l’argent des autres, et elles ne subissent plus les conséquences de leur politique du logement.

Je ne voudrais pas que nous découvrions un jour que nous avons voté une disposition qui exempte, fût-ce pour trois ans seulement, des communes qui auraient dû être soumises à la loi. Nous pouvons faire aussi un peu de politique : je ne veux pas découvrir demain que nous avons permis à certains de passer au travers des gouttes. Avant de voter, je propose que nous consultions la liste des communes nouvelles concernées, et que nous regardions les conséquences du texte. Il faut vérifier que nous ne mettons pas en place les conditions qui permettront à certains de profiter d’un véritable effet d’aubaine.

M. Sylvain Berrios. Pour abonder à la fois dans le sens de mes collègues Piron et Pupponi, je veux dire que l’Ile-de-France n’est pas la France. De petites communes peuvent se retrouver dans une situation plus que compliquée au moment d’un regroupement, et relancer la mécanique peut prendre plus de trois ans. Ne mettons pas de freins au regroupement !

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. J’entends les inquiétudes de certains de mes collègues s’agissant du risque de contournement. J’appelle toutefois leur attention sur le fait que, si nous adoptions l’amendement, nous supprimerions toutes les conditions d’entrée dans le dispositif prévues au présent article.

Par ailleurs, je ne suis pas certain que toutes les communes aient bien anticipé les conséquences de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ».

Je propose que mes collègues retirent leur amendement, que nous regardions quelles communes sont concernées, et que nous affinions les choses d’ici à la séance.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Aujourd’hui, les communes franciliennes de plus de 1 500 habitants sont concernées par la loi SRU. Nous visons les communes qui passent de 900 à 1 500 habitants à la suite d’une fusion. Les petites communes qui m’ont saisie n’avaient pas conscience des obligations liées à la loi SRU avant de fusionner – si elles en avaient été informées, je crois qu’elles ne l’auraient jamais fait. Nous vous donnerons des exemples précis d’ici à la séance publique.

Par ailleurs, en fusionnant, certaines très grosses communes ont mutualisé leurs parcs de logements sociaux, ce qui renforce leurs obligations triennales, fait qu’elle n’avait pas suffisamment anticipé.

Mme Audrey Linkenheld. Nous retirons l’amendement pour pouvoir y travailler tous ensemble avant la séance, comme le suggère le rapporteur. Je souligne toutefois que l’alinéa 30 traite à la fois des fusions, des créations de communes nouvelles, et des communes qui rejoignent des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), alors que ces démarches ne sont pas tout à fait les mêmes. Nous pouvons probablement avancer ensemble sur ce sujet.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS530 de M. François Pupponi est également retiré.

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS197 de M. Sylvain Berrios et CS631 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Sylvain Berrios. Notre amendement tend à supprimer l’alinéa 39 qui revient sur la possibilité de mutualisation au niveau de l’EPCI des objectifs de rattrapage par période triennale. Il est illogique de renforcer, d’un côté, le rôle du périmètre de l’EPCI et de demander un effort à ce dernier – que l’on pense à la métropole du Grand Paris par exemple qui aura à créer ses territoires et à faire les rattrapages nécessaires – et, de l’autre côté, de supprimer la mutualisation et de ne pas transférer les responsabilités correspondantes.

Mme Audrey Linkenheld. Nous souhaitons maintenir la possibilité donnée aux territoires de mutualiser leurs objectifs triennaux. Un rapport récent du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) montre que, si la mutualisation permet à certaines intercommunalités de contourner les objectifs, d’autres ont plutôt de bonnes pratiques en la matière. Il nous semble donc préférable de maintenir la possibilité de la mutualisation tout en demandant aux préfets de se montrer un peu plus vigilants à l’égard de certains territoires. Ce serait mieux que de les punir tous.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous suggère de retirer ces amendements au profit de notre amendement CS1005, qui préserve la possibilité de mutualiser pour les territoires vertueux qui utilisent cette mutualisation comme un outil de dialogue avec les maires, permettant de lancer une dynamique de construction ; mais empêche ceux qui veulent utiliser la mutualisation pour contourner la loi de le faire. Je vous propose donc d’encadrer plus strictement cette mutualisation, mais de la maintenir pour en faire un outil de développement du logement social, ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je demande le retrait des amendements présentés au profit de l’amendement du rapporteur, sur lequel je m’en remettrai à la sagesse de la commission.

L’amendement CS631 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS197.

Puis elle adopte l’amendement CS1005 des rapporteurs.

Elle aborde, en discussion commune, les amendements CS781 de Mme Gilda Hobert et CS496 de M. François Pupponi.

Mme Gilda Hobert. Les loyers des logements financés par un prêt locatif aidé d’intégration (PLA-I) représentent 75 % de la demande. Pour se rapprocher de la réalité, notre amendement vise à interdire que les logements financés par un prêt locatif social (PLS) dépassent la part de logements sociaux existants sur la commune en début de période. Ce taux devrait donner une meilleure marge de manœuvre aux collectivités pour la construction de logements.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je ne pense pas qu’il faille modifier la typologie créée par la loi « Duflot 1 » de 2013. Le rapport récent du CGEDD montre qu’elle a permis de réorienter progressivement la production de logements sociaux dans les communes concernées vers les PLAI et les prêts locatifs à usage social (PLUS).

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il faut se rappeler pourquoi il a été décidé de fixer un pourcentage minimal de PLAI et un pourcentage maximal de PLS. Des collectivités qui participaient au financement du logement social ont voulu encadrer les pratiques consistant, de la part de certaines communes, à faire reposer l’ensemble de leur rattrapage sur l’offre de PLS. Or, derrière le PLS, il n’y a pas que du logement familial : le logement étudiant est conventionné en PLS ou en PLUS, ce qui a parfois causé des erreurs dans la lecture des rattrapages.

Le dispositif arrêté en 2013 fonctionne bien aujourd’hui : la programmation a changé. Aujourd’hui, en beaucoup d’endroits, le but est de tenir les objectifs de PLAI, et ils sont tenus. Un autre enjeu, dont on ne parle pas beaucoup, est celui des PLUS. Ce sont souvent les programmes les moins financés, y compris de la part de l’État. Or, ce sont ceux pour lesquels nous avons le plus de demandeurs, puisqu’ils s’adressent aux personnes, aux familles notamment, qui ont des revenus. C’est la formule qui convient le mieux pour loger les classes moyennes.

Il faut viser l’un et l’autre de ces deux objectifs, car, en beaucoup d’endroits, les logements PLS ont des loyers plus élevés que ceux du marché locatif privé, et je mets au défi les bailleurs de se lancer dans la construction de PLS là où ils ne trouveront pas de demandeurs. Cela s’est beaucoup fait entre 2008 et 2013 dans certaines villes, et on nous y réclame aujourd’hui des aides pour réduire les loyers !

Les mesures votées en 2013 sont en train de porter leurs fruits, il ne faut pas les modifier aujourd’hui. Par ailleurs, les communes qui sont en phase de rattrapage ont des obligations spécifiques, et certaines doivent faire plus de 30 % de PLAI. Ces pourcentages posent certes des limites, mais ils n’empêchent pas un respect renforcé des obligations de construction.

M. François Pupponi. Il s’agit d’une revendication ancienne. Tant que les PLS seront pris en compte au titre de l’article 55 de la loi SRU, nous ne ferons qu’aggraver la ghettoïsation des quartiers les plus défavorisés.

Certaines communes construisent du PLS et attribuent ces logements aux populations les moins fragiles de nos territoires. Plus elles construiront de PLS, plus les autres communes auront de difficultés. Tout le monde connaît ce processus de vases communicants. Si l’on veut que l’article 55 de la loi SRU soit efficace pour les communes carencées, il faut leur interdire de construire du PLS et les obliger à construire des logements pour les populations les plus fragiles. Tout le monde réclame cette évolution de l’article 55 depuis vingt ans ; il serait bon que nous la mettions enfin en œuvre.

Mme Audrey Linkenheld. Peut-être M. Pupponi n’a-t-il pas été totalement attentif aux propos de la ministre, et je lui rappellerai donc que, si nous avons bien attendu pendant vingt ans, nous avons agi il y a deux ans. La loi du 18 janvier 2013 a posé des planchers et des plafonds : un plancher de 30 % de PLA-I et un plafond de 20 % de PLS pour les communes déficitaires, en particulier les communes carencées. En écrivant le rapport sur l’application de la loi, Jean-Marie Tétart et moi-même avons constaté que la typologie de la construction s’est radicalement infléchie ces deux dernières années : les communes déficitaires ou carencées ne construisent plus majoritairement du PLS, et la construction de PLS et de PLA-I correspond précisément au plancher et au plafond que nous avions fixés. Nous avons donc choisi une orientation juste, qui est bien appliquée et a prouvé son efficacité ; ne la modifions pas.

M. Jean-Noël Carpentier. Des communes carencées continuent à construire en priorité du PLS.

Mme Audrey Linkenheld. Non !

M. Jean-Noël Carpentier. Si, je le vois dans ma circonscription. La préférence pour le PLS demeure, et c’est pourquoi il faut privilégier le PLAI dans les zones où il y a un manque de logements sociaux. C’est une évidence.

M. François Pupponi. J’avais parfaitement écouté la ministre, et je connais parfaitement l’argumentation de Mme Linkenheld. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Nous votons la loi, mais nous faisons aussi de la politique. Symboliquement, une loi qui porte sur l’égalité, la citoyenneté et la mixité sociale devrait durcir les dispositions à l’encontre des plus récalcitrants, même si je reconnais que cela aurait peu d’effet sur le terrain. Au moins ferions-nous passer un message.

La Commission rejette successivement les amendements CS781 et CS496.

Puis elle adopte l’article 29 modifié.

*

Après l’article 29

LaCommission examine l’amendement CS158 de M. Pascal Thévenot.

M. Pascal Thévenot. Cet amendement vise à dynamiser l’offre pour les classes moyennes en prévoyant que des logements supplémentaires puissent être financés par le privé. Certains EPCI construisent des logements non conventionnés aux loyers inférieurs ou égaux aux plafonds fixés par les conventions. Je propose qu’ils soient pris en compte dans les quotas fixés par la loi SRU.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable : comment prendre en compte des plafonds de loyer à des logements issus de la promotion privée ? Il faudrait qu’ils soient conventionnés, ce qui n’est pas possible aujourd’hui, ni même souhaitable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS296 de M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Cet amendement propose de créer un quota obligatoire de 10 % de logements intermédiaires dans les zones tendues. Tout le monde sait qu’un des problèmes majeurs des zones tendues, notamment en région parisienne, est le déficit de logement intermédiaire. Je ne propose pas d’intégrer les logements intermédiaires au quota de 25 %, mais il n’existe aucune obligation concernant les logements intermédiaires dans les zones tendues. Aujourd’hui, nous constatons un déficit considérable de logements intermédiaires pour les classes moyennes inférieures.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il n’est pas dans l’esprit de la loi SRU que les logements non conventionnés entrent dans ce décompte, comme le proposait aussi l’amendement de M. Thévenot.

Je comprends l’objectif poursuivi par M. Piron, mais le Gouvernement s’est engagé dans un programme ambitieux de construction de logements intermédiaires, et des évolutions législatives rapides et fortes ont eu lieu par ordonnance. Pour autant, nous n’avons pas seulement besoin, en zone tendue, de logements intermédiaires, mais, plus généralement, de logements privés à loyer raisonnable. L’amendement, qui fait peser une obligation touchant un parc particulier sur l’ensemble des communes situées en zone tendue, ne répond pas à l’objectif affiché.

Ces communes cherchent toutes à mettre en œuvre des programmes de logements privés à prix abordables : logements intermédiaires, investissement locatif, prêt à taux zéro (PTZ), prêt à l’accession. Pour assurer la mixité sociale, il faut aussi travailler sur le foncier, de façon à faire sortir de terre ces immeubles.

M. Pascal Thévenot. Les communes qui respectent grosso modo leurs obligations ne peuvent développer le logement intermédiaire, même avec un loyer équivalent à celui d’un logement PLUS, car cela ferait passer leur taux de logements sociaux au-dessous de la barre des 25 %. Si nous voulons mettre l’accent, dans les zones tendues, sur les logements aidés grâce à un financement de l’État, il serait bon de permettre aussi aux investisseurs privés de financer des logements dont le loyer soit équivalent à celui d’un logement PLUS, sans aide de l’État. Ils participeraient ainsi au développement de l’offre globale de logement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS297 de M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je ne suis pas un obsédé des rapports, nous en avons tant qui occupent des étagères poussiéreuses ! Je vous propose simplement de demander au Gouvernement une étude évaluant la pertinence d’instaurer un quota de 10 % de logements locatifs intermédiaires dans les communes situées en zone tendue et de retenir chaque logement intermédiaire comme équivalent à un demi-logement social dans le calcul du taux de 25 % imposé par la loi SRU.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable : c’est plutôt une étude de marché qu’il faudrait réaliser, et certains s’en sont d’ailleurs déjà chargés.

La Commission rejette l’amendement.

*

Article 30
(art. L. 302-9-1, L.302-9-1 du code de la construction et de l’habitation et art. L. 210-1, L. 422-2 du code de l’urbanisme)

Procédure visant les communes carencées

L’article 31 du projet de loi touche à deux articles du CCH et à deux articles du code de l’urbanisme afin de préciser la procédure visant les communes carencées en d’en conforter l’efficacité. Pour des raisons de lisibilité, le rapporteur a souhaité présenter les modifications apportées de manière thématique, en les regroupant par article ou code concerné. Pour chaque modification, l’état actuel du droit est exposé, ainsi que les améliorations du projet de loi.

1. Les modifications apportées à l’article L. 302-9-1 du CCH : la procédure de carence

L’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation fixe la procédure permettant au préfet de prendre un arrêté de carence lorsqu’une commune ne respecte pas les dispositions de la loi SRU s’agissant de la production de logements sociaux.

a. Déclenchement par le préfet de la procédure de carence

Le a) du 1° du I., qui modifie le premier alinéa de l’article L. 302-9-1 du CCH, vise ainsi à expliciter que le non-respect de la typologie de l’objectif triennal peut permettre à lui seul au préfet d’engager la procédure de carence. Il apparaît en effet aujourd’hui que si le législateur, par le vote de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, a souhaité qu’une commune puisse être carencée si la typologie de financement n’était pas respectée, et ce même si l’objectif triennal quantitatif était respecté, n’est pas traduite dans la réalité. En effet, la répartition actuelle des logements selon leur typologie de financement, en communes carencées et en communes déficitaires, ne correspond à l’objectif de recherche de mixité sociale voulue par le législateur.

TYPOLOGIE DE FINANCEMENTS DES LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX DEPUIS 2002 DES COMMUNES DÉFICITAIRES ET CARENCÉES AU TITRE DU DERNIER BILAN TRIENNAL

   

PLAI

PLUS

PLS

Total

Communes déficitaires

Nombre de logements sociaux financés

55 471

324 152

77 249

456 872

% de logements sociaux financés

12 %

71 %

17 %

100 %

Communes carencées

Nombre de logements sociaux financés

3 338

18 999

6 290

28 757

% de logements sociaux financés

12 %

66 %

22 %

100 %

Source : étude d’impact.

TYPOLOGIE DE FINANCEMENTS DES LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX EN 2015

   

PLAI

PLUS

PLS

Total

Communes déficitaires

Nombre de logements sociaux financés

9 918

27 215

14 658

51 791

% de logements sociaux financés

19 %

53 %

28 %

100 %

Communes carencées

Nombre de logements sociaux financés

1 095

3 483

1 803

6 381

% de logements sociaux financés

17 %

55 %

28 %

100 %

Source : étude d’impact.

Or, la rédaction actuelle du premier alinéa de l’article L. 302-9-1 du CCH est ambiguë, car elle ne mentionne pas clairement que le non-respect de la typologie de financement des logements sociaux permet au préfet d’engager la procédure de carence à l’encontre d’une commune. Il est donc proposé de préciser la rédaction cet alinéa en indiquant que le préfet informe le maire de la commune de son intention d’engager la procédure de constat de carence « lorsque la typologie de financement (…) n’est pas respectée ».

b. Compétences du préfet en matière de délivrance de permis de construire

Le b) du 1° du I. modifie le deuxième alinéa de l’article L. 302-9-1 du CCH afin, d’une part, d’apporter quelques mesures de coordination (i), ii), v)), et d’autre part d’apporter deux précisions d’importance relatives aux pouvoirs du préfet et au contenu de l’arrêté de carence.

Premièrement, le iii) permet la récupération par le préfet du contingent municipal de réservations de logements sociaux des communes carencées. L’arrêté de carence prévoira ainsi, durant toute sa durée, le transfert à l’État des droits de réservation mentionnés à l’article L. 441-1 du CCH, dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer, et la suspension ou la modification des conventions de réservation passées par elle avec les bailleurs gestionnaires, ainsi que l’obligation pour la commune de communiquer au préfet la liste des bailleurs et des logements concernés.

Le préfet se verra ainsi doté du pouvoir d’utiliser des réservations dans les communes carencées dont certaines ne poursuivent pas de manière déterminer l’objectif de mixité sociale défini par la loi. Une telle disposition revêt par ailleurs un caractère incitatif, dans la mesure où elle invite les maires à respecter l’objectif de production afin d’éviter la prise d’un arrêté de carence. L’étude d’impact montre comment, en Provence-Alpes-Côte-D’Azur, un tel dispositif pourrait avoir des effets significatifs pour reloger les ménages DALO.

Deuxièmement, le iv) élargit les compétences du préfet. En effet, le droit actuel prévoit, depuis le vote de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) que dans des secteurs définis par l’arrêté de constat de carence, le préfet est compétent pour délivrer des autorisations d’utilisation d’occupation du sol pour des constructions à usage de logement. Le projet de loi prévoit d’étendre cette compétence à la délivrance d’autorisations d’utilisation et d’occupation du sol pour des catégories de construction ou d’aménagement.

L’objet de la modification apportée par le projet de loi est de permettre au préfet de cibler les catégories de permis de construire qu’il délivre, selon les caractéristiques de la demande de logement social sur la commune concernée. Par ailleurs, alors que, comme le souligne l’étude d’impact, la procédure actuelle impose au préfet de reprendre « l’intégralité de la compétence relative à la délivrance des autorisations d’urbanisme à destination du logement, dispositif lourd à gérer pour les services de l’État alors que l’instruction des autorisations d’urbanisme a été transférée aux communes (33) en application de l’article 134 de la loi ALUR (…), le projet de loi permettra de rendre cette disposition plus efficiente en donnant au préfet la possibilité de ne reprendre l’instruction et la délivrance des permis de construire que sur certains types d’opérations (opération de logement, par exemple) ».

a. Contribution communale dans le cadre des conventions État-Bailleur

L’article L. 302-9-1 prévoit, en son sixième alinéa, que postérieurement à la prise d’un arrêté de constat de carence, le préfet peut conclure une convention avec un organisme – un bailleur social en pratique – une convention afin de construire ou d’acquérir des logements locatifs sociaux pour atteindre les objectifs quantitatifs et qualitatifs exposés à l’article L. 302-8 du CCH (cf. supra, article 29). Le neuvième alinéa du même article prévoit qu’une telle convention peut également être signée avec une association agréée.

Le septième alinéa de l’article L. 302-9-1 précise que la commune ou l’EPCI concerné contribue nécessairement au financement d’une telle opération, au minimum à hauteur de la subvention foncière versée par l’État dans le cadre de la convention, sans que cette contribution puisse excéder la limite de 13 000 euros par logement construit ou acquis en Île-de-France et de 5 000 euros sur le reste du territoire.

Or, selon l’étude d’impact, cet outil est très peu utilisé dans les communes carencées, et ce pour deux raisons principales. D’une part, les modalités de fixations de la contribution communale ne permettent pas une implication financière significative de la commune carencée.

PART DE LA CONTRIBUTION COMMUNALE RAPPORTÉE AUX PRIX DE REVIENT MOYENS DES OPÉRATIONS, EN APPLIQUANT LES PLAFONDS ACTUELS

Région

PLAI

PLS

PLUS

Île-de-France

9,61 %

9,83 %

9,32 %

Alsace

3,97 %

4,47 %

3,84 %

Aquitaine

4,13 %

4,67 %

3,94 %

Auvergne

4,09 %

3,88 %

3,91 %

Bourgogne

4,36 %

4,65 %

4,33 %

Bretagne

4,47 %

4,13 %

4,46 %

Centre

4,10 %

5,17 %

3,93 %

Champagne-Ardenne

3,76 %

3,95 %

3,57 %

Franche-Comté

4,00 %

4,34 %

4,02 %

Languedoc-Roussillon

4,34 %

5,18 %

4,30 %

Limousin

4,51 %

4,02 %

4,10 %

Lorraine

4,51 %

4,94 %

4,24 %

Midi-Pyrénées

4,27 %

4,80 %

4,25 %

Nord-Pas-de-Calais

4,19 %

5,26 %

4,14 %

Basse-Normandie

5,09 %

4,25 %

4,60 %

Haute-Normandie

4,18 %

4,66 %

4,00 %

Pays de la Loire

4,38 %

4,99 %

4,24 %

Picardie

4,11 %

3,81 %

3,95 %

Poitou-Charentes

4,39 %

4,63 %

4,37 %

PACA

3,74 %

4,38 %

3,72 %

Rhône-Alpes

3,41 %

4,15 %

3,28 %

Corse

3,31 %

0,00 %

3,39 %

France

3,96 %

4,36 %

3,85 %

Source : étude d’impact.

D’autre part, les préfets éprouvent des difficultés à recouvrer la contribution communale.

Le projet de loi apporte une réponse à ces deux écueils.

Premièrement, le c) du 1° du I. procède à la réécriture du septième alinéa de l’article L. 302-9-1 du CCH, qui traite des modalités de fixation de la contribution communale dans le cadre des conventions « État-Bailleur » en commune carencée. Trois modifications sont ainsi apportées aux modalités de fixation de la contribution communale :

– elle est dé-corrélée de la subvention foncière de l’État ;

– sa fixation est renvoyée à un décret en Conseil d’État ;

– les plafonds sont augmentés, à 50 000 euros en Île-de-France et en région PACA, et à 30 000 euros sur le reste du territoire national. L’alignement du plafond applicable en région PACA sur celui en vigueur en Île-de-France s’explique par les tensions particulières du marché sur ce territoire, où le foncier est cher.

Une telle évolution permettrait de s’augmenter sensiblement la part de la contribution communale dans le financement d’une opération de logement social.

PART DE LA CONTRIBUTION COMMUNALE RAPPORTÉE AUX PRIX DE REVIENT MOYENS DES OPÉRATIONS, EN APPLIQUANT LES PLAFONDS PRÉVUS PAR LE PROJET DE LOI

Région

PLAI

PLS

PLUS

Île-de-France

36,97 %

37,83 %

35,84 %

Alsace

23,80 %

26,85 %

23,05 %

Aquitaine

24,75 %

28,04 %

23,64 %

Auvergne

24,54 %

23,26 %

23,47 %

Bourgogne

26,17 %

27,92 %

25,98 %

Bretagne

26,82 %

24,79 %

26,79 %

Centre

24,62 %

31,01 %

23,55 %

Champagne-Ardenne

22,55 %

23,71 %

21,39 %

Franche-Comté

24,01 %

26,02 %

24,11 %

Languedoc-Roussillon

26,05 %

31,10 %

25,78 %

Limousin

27,05 %

24,12 %

24,59 %

Lorraine

27,08 %

29,62 %

25,45 %

Midi-Pyrénées

25,61 %

28,79 %

25,48 %

Nord-Pas-de-Calais

25,12 %

31,55 %

24,83 %

Basse-Normandie

30,53 %

25,50 %

27,61 %

Haute-Normandie

25,05 %

27,98 %

24,01 %

Pays de la Loire

26,25 %

29,93 %

25,44 %

Picardie

24,66 %

22,85 %

23,70 %

Poitou-Charentes

26,32 %

27,80 %

26,21 %

PACA

37,36 %

43,77 %

37,17 %

Rhône-Alpes

20,46 %

24,90 %

19,68 %

Corse

19,86 %

0,0 %

20,36 %

France

23,78 %

26,16 %

23,10 %

Source : étude d’impact.

Deuxièmement, le d) du 1° du I. introduit un nouvel alinéa après le septième alinéa de l’article L. 302-9-1 afin de sécuriser le paiement de la contribution communale versée à une opération de financement de logement social dans le cadre d’une convention « État-Bailleur ». Ainsi est-il précisé que le préfet pourra émettre un titre de perception sur le budget communal. Un décret précisera les modalités d’engagement d’une telle procédure. Le rapporteur tient à rappeler qu’en application de l’article L. 302-7 du CCH, la contribution obligatoire de la commune est déductible du prélèvement annuel, et qu’une telle mesure n’aura donc pas d’effet sur le budget des communes, les sommes qu’elles seraient amenées à verser dans le cadre des conventions signées par le préfet avec un bailleur venant en déduction des prélèvements opérés sur le budget des communes.

Il convient de noter que le e) et le f) prévoient la même procédure s’agissant des conventions signées entre le préfet et une association agréée.

2. Les modifications apportées à l’article L. 302-9-1-1 : la commission nationale SRU

L’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation traite de la commission nationale SRU.

La commission nationale SRU

La loi portant engagement national pour le logement (ENL) du 13 juillet 2006 a créé une commission nationale, dite commission nationale « SRU », chargée de l’examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux et codifiée à l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH).

Elle est présidée par un membre du Conseil d’État et comprend deux députés, deux sénateurs, un membre de la Cour des comptes, un membre du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), un représentant de l’association des maires de France (AMF), un représentant de l’association des communautés de France (ADCF), un représentant de l’Union sociale pour l’habitat (USH), un membre du Haut-commissariat au logement des personnes défavorisées (HCLPD) et deux membres d’associations représentant les personnes défavorisées nommés par le conseil national de l’habitat (CNH).

Cette commission se réunit tous les trois ans, à l’issue de chaque période triennale, et est saisie par la commission départementale « SRU », avec l’accord du maire concerné, pour examiner le cas des communes n’ayant pu respecter la totalité de leur objectif triennal, et proposer, le cas échéant, des aménagements de leurs obligations.

La commission nationale « SRU » s’est réunie 6 fois (3 fois en 2009, 1 fois en 2011 et 2 fois en 2015) et a examiné la situation des communes suivantes : Marsannay-la-Côte (Côte-d’Or), Le Breuil (Saône-et-Loire), Vetraz-Monthoux (Haute-Savoie), Bédarrides (Vaucluse), Vincennes, Saint-Mandé et Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et Sainte-Marie-la-Mer ainsi que Saint-Laurent de la Salanque (Pyrénées-Orientales).

Source : étude d’impact.

a. Lissage des obligations triennales d’une commune nouvellement entrante dans le dispositif SRU

Comme le rapporteur l’a exposé dans le commentaire de l’article 29 du projet de loi, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public et au renforcement des obligations de production de logement social a renforcé les obligations SRU pesant sur certaines communes en augmentant de 20 % à 25 % le taux légal de logement social à atteindre, et a fixé à 2025 l’échéance pour atteindre ce taux. Dans le même temps, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) impose l’intégration de toutes les communes dans un EPCI d’au moins 15 000 habitants d’ici le 31 décembre 2016, ce qui conduira nécessairement à l’intégration de communes de plus de 3 500 habitants dans des EPCI de plus de 50 000 habitants.

Un nombre important de communes risquent donc de se trouver mécaniquement soumises aux obligations de la loi SRU, et de voir fournir un effort de production de logement social en vue d’atteindre les objectifs assignés d’ici 2025. Les rattrapages à effectuer seront d’autant plus importants que ces communes n’auront pour la plupart pas lancé de tels programmes au cours des quinze dernières années, soit depuis le vote de la loi SRU.

Afin de permettre de lisser dans le temps les objectifs triennaux de production d’une commune nouvellement soumise au bilan triennal, le a) du 2° du I. insère un nouvel alinéa après le huitième alinéa de l’article L. 302-9-1-1 du CCH permettant de reporter d’une durée n’excédant pas trois ans au-delà de 2025 l’échéance pour atteindre les objectifs en termes de production de logement social.

Cette possibilité de report sera proposée au ministre chargée du logement par la commission nationale SRU.

b. Renforcement des attributions de la commission nationale SRU s’agissant de la prise des arrêtés de constat de carence

Comme le souligne l’étude d’impact, l’appréciation des critères de mise en carence n’est pas homogène sur le territoire, ce qui entraîne une inégalité de traitement entre les communes à l’échelle régionales.

Ainsi, seules les régions d’Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Alsace affichent des taux de plus de 80 %.

RATIO DU NOMBRE D’ARRÊTÉS DE CARENCE PRIS PAR RÉGION EN FONCTION DU NOMBRE DE COMMUNES N’AYANT PAS ATTEINT LEURS OBJECTIFS

(à l’issue du bilan triennal 2011-2013)

Région

Nombre de communes soumises

Nombre de communes n’ayant pas atteint leur objectif triennal

dont nombre de communes avec un taux d’atteinte de l’objectif triennal inférieur à 80 %

Taux de communes n’ayant pas atteint leur objectif triennal

Nombre de communes carencées

Taux communes carencées/ communes n’ayant pas atteint leur objectif triennal

Alsace

37

12

9

32 %

11

92 %

Aquitaine

66

21

18

32 %

12

57 %

Auvergne

16

6

4

38 %

0

0 %

Bourgogne

12

5

5

42 %

0

0 %

Bretagne

70

33

27

47 %

0

0 %

Centre

24

14

11

58 %

2

14 %

Corse

3

1

1

33 %

1

100 %

Haute Normandie

7

1

1

14 %

0

0 %

Ile-de-France

185

50

44

27 %

40

80 %

La Réunion

19

3

3

16 %

0

0 %

Languedoc-Roussillon

82

37

30

45 %

33

89 %

Limousin

11

1

1

9 %

0

0 %

Lorraine

12

1

1

8 %

0

0 %

Martinique

20

1

1

5 %

0

0 %

Midi-Pyrénées

55

16

12

29 %

3

19 %

Nord Pas-de-Calais

48

11

10

23 %

5

45 %

Provence Alpes Côte D’azur

147

109

96

74 %

88

81 %

Pays De La Loire

51

11

7

22 %

2

18 %

Picardie

4

0

0

0 %

sans objet

sans objet

Poitou Charentes

34

16

2

47 %

2

13 %

Rhône-Alpes

118

37

32

31 %

22

59 %

Source : étude d’impact.

Le b) du 2° du I. insère deux nouveaux alinéas après l’article L. 309-1-1 du CCH conférant à la commission nationale SRU un droit de regard sur les arrêtés de carence, préalablement à leur signature par le préfet de département, ainsi que sur la situation des communes déficitaires pour lesquelles le préfet n’a pas engagé de procédure de carence. Il s’agit ainsi de permettre à la commission nationale de détecter d’éventuelles anomalies concernant l’application de la procédure dans les communes, carencées ou non, même si celle-ci n’a pas vocation à examiner de façon exhaustive la totalité des arrêtés de carence.

Pour ce faire, la commission nationale pourra se faire communiquer tous les documents utiles et solliciter les avis qu’elle jugera nécessaires à son appréciation de la pertinence des projets d’arrêtés, voire de l’absence de projet d’arrêté de carence, et de la bonne prise en compte des orientations nationales définies par le ministre chargé du logement. Les avis émis par la commission nationale seront par ailleurs transmis à ce dernier.

Enfin, la commission nationale disposera également d’un droit de regard sur l’exemption d’une commune du dispositif SRU, selon les mêmes modalités.

3. Les modifications apportées au code de l’urbanisme

Le II. de l’article 30 du projet de loi procède également à la modification de deux articles du code de l’urbanisme.

a. La transmission au préfet d’une copie des déclarations d’intention d’aliéner adressées aux maires

L’article L. 210-1 du code de l’urbanisme prévoit que dans le cas où une commune fait l’objet d’un arrêté de carence préfectoral, le préfet se voit attribuer le droit de préemption urbain de la commune sur les aliénations de biens affectés au logement. S’il le souhaite, le préfet peut déléguer ce droit de préemption à une liste limitative de structures : les EPCI à fiscalité propre ayant conclu une convention de délégation des compétences de l’État en matière d’habitat, les EPF d’État et locaux, les sociétés d’économie mixte, les organismes d’habitations à loyer modéré visés par l’article L. 411-2 du CCH et les organismes agréés mentionnés à l’article L. 365-2 du même code.

Par ailleurs, pour être valide, une telle aliénation est soumise à une déclaration préalable au propriétaire du bien et au maire dans un délai de deux mois. La décision de préemption du préfet, ou de son délégataire, doit quant à elle intervenir durant ce délai.

N’étant pas destinataires des déclarations d’intention d’aliéner (DIA), les préfets se trouvent donc dépendants de la bonne volonté des services municipaux et il arrive qu’ils soient contraints de renoncer à la préemption du bien faute d’avoir reçu la DIA.

Pour remédier à cette difficulté, le 1° du II. insère au deuxième alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme une disposition précisant que la déclaration du propriétaire doit être adressée non seulement à la mairie de la commune où se trouve le bien, mais également au préfet du département concerné.

b. Compétence du préfet s’agissant des permis de construire délivrés pour la production de logements sociaux

Comme le rapporteur l’a exposé précédemment, le sixième alinéa de l’article L. 309-1-1 du CCH précise qu’après avoir constaté une carence, le préfet peut conclure une convention avec un organisme bailleur en vue de l’acquisition ou de la construction de logements sociaux.

Toutefois, le préfet se trouve parfois entravé par le refus d’un maire récalcitrant, qui refuserait de délivrer un permis de construire pour la réalisation de logements sociaux en dehors des secteurs définis par l’arrêté de carence (cf. supra).

Afin de répondre à cette incapacité juridique, le 2) du II. modifie l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme qui dresse la liste des compétences de l’autorité administrative en matière d’urbanisme.

En l’état actuel du droit, celle-ci est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur :

– les travaux, constructions et installations réalisés pour le compte d’États étrangers ou d’organisations internationales, de l’État, de ses établissements publics et concessionnaires ;

– les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives ;

– les travaux, constructions et installations réalisés à l’intérieur des périmètres des opérations d’intérêt national ;

– les opérations de logement situées dans les secteurs arrêtés par le préfet en application du deuxième alinéa de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation ;

– les logements construits par des sociétés de construction dans lesquelles l’État détient la majorité du capital ;

– les ouvrages, constructions ou installations mentionnés à l’article L. 2124-18 du code général de la propriété des personnes publiques.

Il est proposé ici de conférer au préfet la compétence sur les autorisations d’urbanisme – les permis de construire – destinées au logement sur tout le territoire de la commune dès lors que l’obtention de cette compétence est nécessaire pour atteindre les objectifs listés dans la convention signée entre le préfet et le bailleur.

Par cette modification, le projet de loi parachève le dispositif visant à rendre pleinement efficace le dispositif de substitution du préfet au maire pour la production de logement social dans les communes carencées.

c. Instruction par l’État des autorisations d’urbanisme des sociétés dont il détient entre un tiers et la majorité du capital

L’étude d’impact rappelle que « les permis de construire des bâtiments édifiés pour le compte de l’État, de ses établissements publics ou des sociétés dans lesquelles il possède la majorité du capital sont délivrés par le maire ou le préfet après une instruction par les services de l’État ».

Toutefois, comme le rapporteur l’a indiqué ci-dessus, l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme prévoit une instruction par les services de l’État pour toute une série d’autorisations.

La décentralisation des autorisations d’urbanisme aux constructions édifiées par les sociétés dans lesquelles l’État possède plus de 50 % du capital a été prévue par l’article 6 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, afin notamment de permettre à l’État d’instruire les permis de construire déposés par la société ADOMA.

La société ADOMA

La société ADOMA (ex Société nationale de construction de logements pour les travailleurs) est une société d’économie mixte dont le capital se décompose de la façon suivante suite à une augmentation du capital social en numéraire de 34 millions d’euros réalisée le 1er juin 2015 : société nationale immobilière (SNI) : 57,40 %, État : 42,40 %, autres actionnaires : 0,2 %. Le capital est donc majoritairement détenu par la SNI.

ADOMA gère un peu plus de la moitié du parc des foyers de travailleurs migrants (170 foyers de travailleurs migrants, soit 31 716 logements au 31 décembre 2014) et résidences sociales issues de foyers de travailleurs migrants (326 résidences sociales, soit 36 833 logements au 31 décembre 2014). C’est également un opérateur important en matière d’hébergement et d’accompagnement social des demandeurs d’asile (une centaine de structures d’accueil, soit 11 417 places à fin mai 2015).

ADOMA a déposé 140 permis de construire entre 2011 et 2015, dont 54 en région Île-de-France, ce qui représente 12 031 logements, dont 5 068 en région Île-de-France.

Source : étude d’impact.

Le 3° du II. entend tirer les conséquences de l’évolution du capital de la société ADOMA, qui a amené à réduire la participation de l’État, et ainsi à ne plus permettre l’application du e) de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme à cette société. Il est ainsi proposé de réduire de 50 % à 33 % le niveau de participation de l’État au capital des sociétés de construction permettant l’application de ces dispositions.

Enfin, le III. instaure une disposition transitoire, prévoyant l’application des dispositions des 2° et 3° du II. aux seules demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter de la publication du présent texte.

4. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté un amendement de Mme Linkenheld et du groupe SER afin d’élargir le dispositif relatif à l’intermédiation locative dans les communes carencées. Depuis la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, les préfets peuvent créer, dans les communes carencées au titre de la loi SRU, un dispositif d’intermédiation locative à la charge de la commune afin de répondre rapidement aux besoins en logements des personnes les plus défavorisées. Toutefois, seuls les montages fondés sur une sous-location sont aujourd’hui inclus dans ce dispositif. Or, la gestion locative sociale, sous la forme d’un mandat de gestion et d’une location directe aux personnes, est un régime locatif plus proche du logement social, plus protecteur et moins précaire que la sous-location. L’amendement adopté intègre donc l’intermédiation locative sous la forme du mandat de gestion dans le dispositif prévu à l’article L. 302-9-1 du CCH.

Par ailleurs, à l’initiative des rapporteurs, la Commission spéciale a renforcé les pouvoirs de contrôle de la commission nationale SRU sur les projets d’arrêtés de carence. Il a été précisé que la commission nationale pouvait émettre des avis aussi bien sur la pertinence d’un projet d’arrêté de carence que sur l’absence d’un tel projet. Sur le modèle de ce qui s’est mis en place sur le foncier public grâce à la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF), il a également été précisé que le comité régional de l’habitat et de l’hébergement, qui est appelé à donner un premier avis sur tous les projets d’arrêtés, pourrait saisir la commission nationale SRU en cas de difficultés particulières.

*

La Commission étudie l’amendement CS986 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement lève une ambiguïté rédactionnelle et donne la possibilité d’appliquer la procédure de carence à toutes les communes aujourd’hui déficitaires, qu’elles subissent le prélèvement ou non.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

L’amendement est adopté.

La Commission est saisie de l’amendement CS1019 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à transférer au préfet de région la responsabilité de prononcer l’arrêté de carence contre une commune au titre de la loi SRU. Nous avons discuté de cette mesure avec le délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, Thierry Repentin, qui estime que le préfet de région a une vision plus globale des choses, et subit moins de pressions que les préfets de département.

M. Sylvain Berrios. Pour revenir sur l’amendement précédent, j’appelle votre attention sur le fait que l’on peut sortir de la carence, ce qui sert l’objectif du Gouvernement et de tous ceux qui souhaitent améliorer les conditions de logement. Or, son adoption risque précisément de décourager ceux qui font le choix de faire avancer les choses vite pour échapper à la pénalité. C’est pourquoi j’ai voté contre.

Si une commune est déficitaire mais non prélevée, c’est bien qu’il y a une raison qui justifie que la procédure de carencement ne s’applique pas.

M. Michel Piron. J’ai une simple question : pourquoi le préfet de région est-il ici appelé « représentant de l’État dans la région » ?

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. C’est la formule consacrée dans notre droit.

Monsieur Berrios, les communes qui s’engagent de manière volontaire n’ont aucun risque d’être déclarées carencées. Mais certaines communes déficitaires qui ne sont pas pénalisées pour des raisons figurant dans la loi – par exemple parce qu’elles touchent la DSU – sont susceptibles de montrer de la mauvaise volonté, d’où la nécessité de pouvoir prendre un arrêté de carence à leur endroit.

M. le rapporteur général. Cet amendement donne aux préfets de région une arme supplémentaire. Ces dernières années, nous avons constaté que, du fait de la proximité quotidienne entre les préfets de département et les maires, la carence n’est pas prononcée dans certains endroits où elle devrait l’être, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent. Cela nous a été rappelé par de nombreuses organisations, agissant dans divers champs du titre II.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je ne suis pas d’accord avec les rapporteurs sur cette question. Le préfet de région est aussi préfet de département, et continuerait donc de se prononcer à ce titre dans le département dont il a la responsabilité directe – sans que la « proximité » invoquée semble constituer un problème pour les auteurs de l’amendement.

Par le passé, notamment pendant les dix premières années d’application de la loi SRU, l’État a pu se montrer peu empressé à demander aux préfets de prendre tel ou tel arrêté de carence. C’est donc un problème qui dépasse la personne du préfet. Il me semble cependant que les dispositions que vous avez votées dans la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, notamment le fait que les préfets puissent maintenant, dans certains cas, décider des permis de construire, ont complètement changé la donne, ainsi que, je l’espère, nous le constaterons l’année prochaine lorsque paraîtront les données sur le respect des obligations triennales.

Ce qui nous importe est l’homogénéisation des procédures. Le processus proposé est que les arrêtés de carence remontent à la commission nationale « SRU ». S’ils ne sont jamais signés sans avoir reçu le feu vert du Gouvernement, il arrive aussi que le débat au sein de la commission nationale conduise à y renoncer.

C’est pourquoi nous souhaitons non pas transférer la compétence de prendre les arrêtés de carence au préfet de région, mais plutôt continuer à responsabiliser le préfet de département, qui dispose du contingent préfectoral, négocie les contrats de mixité sociale, négocie également les cessions de foncier public, et accorde les permis de construire dans les communes carencées, où il pourra en outre reprendre le contingent du maire.

Il serait préjudiciable à la lisibilité et à la solidité du dispositif que les arrêtés de carence soient transférés aux préfets de région – ce qui poserait en outre des problèmes de compétence entre préfets.

M. Sylvain Berrios. Ne légiférons pas uniquement pour régler quelques exceptions. Dans de nombreux cas, maires et préfets ont d’excellents rapports, chacun cherchant des solutions conformément à son rôle. En outre, le préfet de département reste placé sous l’autorité hiérarchique du préfet de région, tous deux étant représentants de l’État. Ce dernier dispose donc des moyens de contrôle nécessaires.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je retire l’amendement. J’en présenterai d’autres, cependant, qui visent à muscler les compétences de la commission nationale « SRU ».

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS283 de Mme Marie-Arlette Carlotti.

M. Christophe Premat. Suite aux explications de la ministre, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS198 de M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. L’article 30 relève considérablement les plafonds des contributions communales au financement des opérations de construction décidées par le préfet. Je comprends la volonté d’orienter une partie des ressources financières des communes carencées, mais nous devons aussi veiller à la mobilisation des fonds propres des différents bailleurs et constructeurs de logements sociaux. Alors que de nombreuses communes pâtissent déjà des baisses de dotations de l’État, il ne faut pas leur faire supporter une charge que les bailleurs sociaux pourraient assumer sur leurs fonds propres.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Dans les communes carencées, les bailleurs aimeraient pouvoir investir des fonds propres pour construire. Si ces communes sont carencées, c’est qu’elles n’en construisent pas suffisamment.

Dans cet article, nous adaptons à l’évolution des coûts les montants actuellement prévus, de manière à rendre possible la construction de logements sociaux dans les communes carencées, qui sont au nombre de deux cent vingt-trois.

M. Pascal Thévenot. Je ne comprends pas votre explication. S’il s’agit d’un problème de volonté, ce n’est pas en augmentant la participation de la commune que l’on va libérer du foncier.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS958 et CS959 des rapporteurs.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements CS639 de Mme Audrey Linkenheld, CS284 de Mme Marie-Arlette Carlotti, et des amendements identiques CS632 de Mme Audrey Linkenheld et CS782 de Mme Gilda Hobert.

Mme Audrey Linkenheld. L’amendement CS639 permet aux préfets de conclure des conventions à cette fin avec des organismes pour permettre la mobilisation du parc privé à des fins sociales dans les communes carencées.

M. Christophe Premat. L’amendement CS284 permet, dans le même esprit, aux propriétaires de confier un mandat de gestion à des organismes compétents.

Mme Gilda Hobert. L’intermédiation locative, sous forme de mandat de gestion, est plus protectrice que la sous-location, et nous pensons qu’il faut l’encourager. Nous avons tous entendu parler de sous-locataires placés dans des situations inextricables. Il est préférable qu’ils puissent intégrer un logement dans le parc privé.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis évidemment favorable, sur le fond, à ces propositions, qui sont toutefois incompatibles entre elles pour des raisons de forme, dans la mesure où elles portent sur le même alinéa. Je donne ma préférence, dans l’immédiat, aux amendements CS632 et CS782, qui visent à élargir les dispositifs d’intermédiation locative dans les communes carencées, et demande aux auteurs des deux autres de les retirer afin que nous les réécrivions d’ici l’examen du texte en séance publique.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Les amendements CS639 et CS284 sont retirés.

La Commission adopte les amendements identiques CS632 et CS782.

Elle en vient à l’amendement CS285 de Mme Marie-Arlette Carlotti.

M. Christophe Premat. Cet amendement renvoie à la discussion que nous avons eue précédemment sur les préfets. C’est un problème déjà ancien, qui me rappelle l’ouvrage L’État au concret de Jean-Gustave Padioleau. Il serait appréciable de faire intervenir un tiers organisateur ayant de la distance par rapport aux enjeux de terrain. Cela étant, je retire cet amendement, par cohérence avec le retrait de l’amendement CS283.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS960 des rapporteurs.

Puis elle aborde l’amendement CS1006 des rapporteurs.

M. Philippe Bies. Cet amendement vise à renforcer le pouvoir d’évocation de la commission nationale « SRU » en l’absence de projet d’arrêté de carence.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Votre amendement me semble satisfait, mais je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS1064 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement tend à accorder aux comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement le droit de saisir la commission nationale « SRU ».

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. La commission nationale étant le point de passage obligé de tous les projets d’arrêté, cette saisine ne me semble pas nécessaire. Toutefois, il n’est pas forcément inutile qu’un débat ait lieu au sein des comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement en cas de difficultés particulières. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CS291 et CS292 de M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Il s’agit en quelque sorte d’amendements de « courtoisie » à l’égard des maires. En effet, prévoir que les déclarations d’intention d’aliéner sont adressées au maire avec copie au préfet est présupposer que le maire pourrait garder par-devers lui la déclaration. Choisir d’encadrer plutôt le délai de transmission éviterait de donner l’impression que le vice serait a priori du côté du maire et la vertu de celui du préfet.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous propose de retirer ces amendements, celui déposé par le Gouvernement étant de nature à répondre à votre préoccupation.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. L’amendement CS864 du Gouvernement fixe en effet à deux mois à compter de la réception par la commune de la déclaration d’intention d’aliéner le délai dans lequel il peut être fait usage du droit de préemption.

Les amendements sont retirés.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement CS864 du Gouvernement.

Elle se penche ensuite sur l’amendement CS299 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 modifié.

*

Article 31
(art. L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation)

Modernisation des dispositions relatives au mécanisme de prélèvement
sur les communes déficitaires en logements sociaux

L’article 31 du projet de loi vise à moderniser l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation, qui regroupe les dispositions relatives au mécanisme de prélèvement sur les communes déficitaires en logements sociaux, pour le mettre en adéquation avec les objectifs de mixité sociale et de mobilisation des communes soumises au dispositif.

1. L’état du droit

L’article L. 302-7 du CCH, composé de onze alinéas, traite du mécanisme de prélèvement sur les communes déficitaires au regard des obligations de construction de logements sociaux prévus par la loi SRU.

Le premier alinéa fixe le principe d’un prélèvement annuel sur les ressources fiscales des communes soumises au dispositif SRU, à l’exception de celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) lorsque le nombre de logements sociaux y excède 15 % des résidences principales.

La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU)

La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) constitue l’une des trois dotations de péréquation réservée par l’État aux communes en difficultés. Elle bénéficie aux villes dont les ressources ne permettent pas de couvrir l’ampleur des charges auxquelles elles sont confrontées.

L’éligibilité et la répartition de la DSU reposent sur la distinction de deux catégories démographiques :

– d’une part, les communes de 10 000 habitants et plus,

– d’autre part, les communes de 5 000 à 9 999 habitants.

Les communes de 10 000 habitants et plus sont classées par ordre décroissant selon un indice synthétique de charges et de ressources constitué :

– pour 45 %, du rapport entre le potentiel financier moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le potentiel financier par habitant de la commune ;

– pour 15 %, du rapport entre la part des logements sociaux de la commune dans son parc total de logements et la part des logements sociaux dans le parc total de logements des communes de 10 000 habitants et plus ;

– pour 30 %, du rapport entre la proportion par logement de personnes couvertes par des prestations logement dans la commune et la proportion de personnes couvertes par ces mêmes prestations dans les communes de 10 000 habitants et plus ;

– pour 10 %, du rapport entre le revenu moyen des habitants des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu moyen des habitants de la commune.

La loi n° 96-241 du 26 mars 1996 a étendu aux communes de 5 000 à 9 999 habitants l’application de l’indice synthétique créé par la loi du 31 décembre 1993 pour les communes de 10 000 habitants et plus qui permet de classer l’ensemble des communes urbaines en fonction de leur richesse et de leurs charges.

Il est procédé pour ces communes, comme pour les communes de 10 000 habitants et plus, à la détermination, pour chaque collectivité, d’un indice synthétique de ressources et de charges. Les critères qui composent cet indice et les pondérations retenues sont les mêmes que ceux précédemment évoqués pour les communes de 10 000 habitants et plus. Toutefois les valeurs moyennes utilisées dans le calcul de l’indice sont celles constatées pour l’ensemble des communes de 5 000 à 9 999 habitants.

Est éligible le premier dixième des communes de 5 000 à 9 999 habitants, classées par ordre décroissant de la valeur de leur indice synthétique.

Une fraction de la DSU, dite « cible », concentre la progression de la DSU d’une année sur l’autre sur un nombre limité de communes. Cette « DSU cible » bénéficie aux 250 premières communes de 10 000 habitants et plus, et aux 30 premières communes de 5 000 à 10 000 habitants.

En 2012, le montant de la DSU s’établit à 1,37 milliard d’euros.

Source : ministère de l’intérieur

Le deuxième alinéa détermine le montant de ce prélèvement, qui s’élève à 20 % du potentiel fiscal par habitant – potentiel fiscal de la commune divisé par le nombre d’habitants – multiplié par la différence entre 25 % ou 20 % des résidences principales et le nombre de logements sociaux existant dans la commune l’année précédente, sans pouvoir excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune constatées dans le compte administratif afférent au pénultième exercice.

Le troisième alinéa prévoit que le prélèvement n’est pas effectué si son montant est inférieur à 4 000 euros.

Le quatrième alinéa définit de manière limitative la nature des dépenses qui peuvent venir en déduction du prélèvement annuel. Il s’agit :

– des subventions foncières accordées par les communes directement au propriétaire ou au maître d’ouvrage qui réalisent sur des terrains ou des biens immobiliers des opérations ayant pour objet la création de logements locatifs sociaux au sens de l’article L. 302-5 CCH (cf. supra, article 29) ;

– des subventions accordées aux aménageurs dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté (ZAC), dans la mesure où des logements locatifs sociaux y seront réalisés et à la condition que la charge foncière supportée par ces logements ne soit pas supérieure à la charge foncière moyenne de l’ensemble de la ZAC. La déduction de ces subventions s’effectue alors au prorata de la surface hors œuvre nette des logements locatifs sociaux créés ;

– du coût des travaux engagés de viabilisation, de dépollution ou de fouilles archéologiques des terrains ou des biens immobiliers appartenant à la commune et mis ultérieurement à disposition de maîtres d’ouvrage par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à réhabilitation, dans la mesure où ces travaux sont effectivement destinés à la construction de logements locatifs sociaux ;

– des dépenses engagées pour financer des dispositifs d’intermédiation locative dans le parc privé dans la limite d’un plafond, par logement et par an ;

– des moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains ou de biens immobiliers devant effectivement donner lieu à la réalisation de logements locatifs sociaux et leur valeur vénale estimée, à la date de la cession, par le service des domaines ;

– des dépenses effectuées en faveur de la création d’emplacements d’aire permanente d’accueil des gens du voyage, aménagée en application de la loi nº 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ;

– enfin, dans le cas de mise à disposition par bail emphytéotique, bail à construction ou bail à réhabilitation de terrains ou d’immeubles à un maître d’ouvrage pour la réalisation de logements locatifs sociaux, le montant éventuellement pris en compte est égal à la différence entre les montants capitalisés du loyer pratiqué pour le terrain ou l’immeuble donné à bail et ceux du loyer estimé par le service des domaines sur la durée du bail.

Selon l’étude d’impact, au titre du bilan 2015, le montant total de dépenses déductibles représente environ les deux tiers du prélèvement brut total soit un montant de 96 millions d’euros environ.

Le cinquième alinéa prévoit que si le montant de ces dépenses et moins-values de cession est supérieur au prélèvement d’une année, le surplus peut être déduit du prélèvement des deux années suivantes. Par ailleurs, ces dépenses sont déductibles les années suivantes au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu’elles permettent de réaliser au regard de leurs obligations triennales définies à l’article L. 302-8 (cf. supra). La nature des dépenses déductibles et les modalités de déclarations de ces dépenses par les communes sont précisées par le pouvoir réglementaire.

Le sixième alinéa précise que le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation et de la cotisation foncière des entreprises inscrit à la section de fonctionnement du budget des communes soumises au prélèvement est diminué du montant de ce prélèvement.

Le septième alinéa prévoit spécifiquement que le produit du prélèvement SRU puisse servir à financer la construction de logements locatifs sociaux par des acquisitions foncières et immobilières et des opérations de renouvellement et de requalification urbains, notamment dans les quartiers inscrits en contrat de ville ou dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Les alinéas 7 à 10 de l’article listent les bénéficiaires du prélèvement annuel SRU. Par ordre de priorité, la somme correspondant au prélèvement est versée à :

– à l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI), si la commune appartient à un EPCI délégataire des aides à la pierre ;

– à l’établissement public foncier (EPF) local, si un tel établissement est présent sur le territoire de la commune ;

– à l’établissement public foncier (EPF) d’État, si la commune est située dans le périmètre de compétence d’un tel établissement ;

– au fonds d’aménagement urbain (FAU), institué dans chaque région, en métropole et aux fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) dans les départements d’outre-mer.

Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 302-7 imposent aux EPF et aux EPCI concernés la transmission d’un rapport annuel sur l’utilisation des sommes qui leur ont été reversées ainsi que sur les perspectives d’utilisation des sommes non utilisées.

2. Les dispositions du projet de loi

Le de l’article 31 du projet de loi modifie le premier alinéa de l’article L. 302-7 du CCH.

Le a) opère une simplification rédactionnelle.

Le b) relève de 15 % à 20 % le taux de logements sociaux permettant aux communes bénéficiant de la DSU d’être exonérées des prélèvements SRU, le c) maintenant le taux de 20 % pour certaines communes. La loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social a renforcé les obligations de production de logements sociaux en portant le taux à 25 % pour les communes où la tension sur le marché du logement était avérée, sans toutefois modifier le taux de logement social à partir duquel une commune est exonérée de prélèvement. Ce faisant, le législateur a créé une inégalité de traitement entre les communes soumises à un taux de 20 % et celles soumises à un taux de 25 %, qui peuvent être exonérées alors que leur taux de logements sociaux est à 10 points de pourcentage de l’objectif cible quand celui des communes soumises à un taux de 20 % ne peut être au maximum qu’à 5 points de pourcentage de l’objectif cible. Selon l’étude d’impact, 124 communes ont ainsi été exonérées de prélèvement, au titre du bilan 2014, dont 49 communes avaient un taux compris entre 15 % et 20 % et une obligation d’atteindre 25 %. Il s’agit donc de remédier à cette inégalité.

Le touche au quatrième alinéa de l’article L. 302-7 du CCH.

Le a) intègre les dépenses des communes en faveur de la production de terrains familiaux locatifs (cf. supra, article 29) aménagés au profit des gens du voyages en demande d’ancrage territoriale dans les dépenses déductibles du prélèvement annuel, par cohérence avec les dispositions introduites à l’article L. 302-5 du CCH par l’article 29 du présent projet de loi.

Le b) relève de 5 000 à 10 000 euros par logement et par an le plafond de dépenses déductibles dans le cadre des financements de dispositifs d’intermédiation locative.

Le supprime les dispositions du septième alinéa relatives à la priorisation de l’affectation des prélèvements SRU restant au niveau de l’EPCI vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers faisant l’objet d’un contrat de renouvellement urbain.

Le supprime la possibilité de verser les prélèvements au fonds d’aménagement urbain (FAU) en métropole, au bénéfice du fonds national d’aide à la pierre (FNAC).

3. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté, avec l’avis favorable des rapporteurs et du Gouvernement, un amendement de Mme Linkenheld et du groupe SER visant à augmenter le prélèvement des communes déficitaires au titre de la loi SRU. Celui-ci sera relevé de 20 à 25 % du potentiel fiscal par habitant, tout en gardant son plafonnement actuel à 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune. Cette hausse modérée est justifiée par le décalage qui s’est instauré depuis la promulgation de la loi SRU entre, d’une part, l’évolution très faible du potentiel fiscal par habitant des communes, et d’autre part, le doublement des prix des logements et la hausse encore plus forte des dépenses à engager par les collectivités territoriales pour financer le logement social.

Parallèlement, des amendements des rapporteurs et du groupe SER ont été adoptés afin d’élargir la liste des dépenses communales déductibles du prélèvement. Les subventions accordées par les communes en faveur de l’intermédiation locative ou du conventionnement ANAH dans le parc privé pourront ainsi être déduites du prélèvement.

*

La Commission examine l’amendement CS199 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS961 des rapporteurs.

Elle en vient à l’amendement CS382 de M. Pascal Thévenot.

M. Pascal Thévenot. À la suite de nos auditions, nous nous sommes aperçus que certaines villes avaient un taux de vacance important dans le parc social, notamment en raison de la désindustrialisation. Nous proposons donc de ne plus appliquer le prélèvement fiscal aux communes où le taux de vacance atteint 7 %.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. Si ces communes connaissent un taux de vacance important dans le parc locatif social et une faible demande de logements sociaux, les dispositions du projet de loi permettent déjà de les exempter de leurs obligations.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Certaines communes qui se trouvent dans cette situation ont en effet été exemptées de leurs obligations cette année. Le critère du taux de pression également de le faire. Votre amendement me semble donc satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS633 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement a pour objectif de relever le pourcentage du potentiel fiscal pris en compte pour l’application du prélèvement versé par les communes déficitaires ou carencées. Ce pourcentage, aujourd’hui de 20 %, serait porté à 25 %, ce qui favoriserait la construction de logements sans changer la mécanique financière à laquelle les collectivités sont soumises.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis très favorable. On sait que les pénalités applicables sont, la plupart du temps, réinvesties en faveur du développement du logement locatif social. Ce relèvement de 5 points me semble d’autant plus nécessaire que le pourcentage n’a pas été modifié depuis plusieurs années pour tenir compte de l’évolution du coût de la vie.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. En 2015, 1 515 communes étaient concernées par les dispositions de la loi SRU ; 605 d’entre elles ont été soumises à un prélèvement, 510 ne l’ont pas été, soit parce que le prélèvement était inférieur à 4 000 euros, soit parce qu’elles étaient exonérées sous l’effet des dépenses déductibles asséchant le prélèvement brut. La disposition que vous proposez, à laquelle je suis très favorable, permettra de relever ce plafond, d’appliquer le prélèvement à de nombreuses communes exonérées jusqu’alors et d’augmenter ainsi les sommes consacrées à la construction de logements sociaux.

M. Sylvain Berrios. Il me paraît absurde d’affirmer, comme le fait le rapporteur, que le pourcentage du prélèvement n’a pas été corrigé pour tenir compte de l’inflation, puisqu’il s’agit d’un pourcentage du potentiel fiscal.

Par ailleurs, la hausse proposée n’est pas modérée : une hausse de 5 points représente une augmentation d’un quart du prélèvement.

Enfin, la situation de ces communes n’est pas la même qu’auparavant, car elles connaissent, comme toutes les collectivités, des restrictions financières. Or, vous aggravez à nouveau leur situation.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CS962 des rapporteurs.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS437 de Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Nous débattons en ce moment de dispositions visant à une meilleure mobilisation du parc privé à des fins sociales. Aujourd’hui, les logements conventionnés avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) sont évidemment comptabilisés comme logements sociaux dans le cadre de l’application de la loi SRU. Mais les subventions accordées par les communes aux propriétaires bailleurs pour les inciter à conventionner leurs logements ne sont pas déductibles du prélèvement qu’elles doivent payer si elles ne respectent pas les seuils de la loi SRU. Nous proposons donc d’intégrer ces subventions communales aux propriétaires bailleurs dans le calcul des dépenses déductibles au titre de cette loi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, mais je vous demanderai de le retirer au profit de mon amendement CS1020 qui cible plus précisément encore les subventions concernées, en excluant celles accordées dans le cadre de conventions prévoyant des loyers intermédiaires. Cela me semble davantage correspondre à ce que nous souhaitons.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Mme Nathalie Appéré. Je retire volontiers l’amendement, celui des rapporteurs étant plus conforme que le mien aux objectifs que je vise.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie les amendements identiques CS286 de Mme Marie-Arlette Carlotti, CS309 de M. Michel Piron, CS634 de Mme Audrey Linkenheld et CS783 de Mme Gilda Hobert.

M. Christophe Premat. Comme précédemment, notre amendement vise à élargir le cadre au parc privé, en conformité avec l’article L. 321-8 du code de la construction et de l’habitation.

Mme Audrey Linkenheld. Il s’agit d’intégrer les dépenses d’intermédiation liées au mandat de gestion soient intégrées dans les dépenses déductibles au titre de la loi SRU.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. J’émettrai un avis favorable, en précisant qu’il s’agit là de loger les personnes mentionnées au II de l’article L. 301-1 du code de la construction et de l’habitation.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable également.

La Commission adopte les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement CS1020 des rapporteurs et les amendements identiques CS308 de M. Michel Piron et CS784 de Mme Gilda Hobert.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable à l’amendement des rapporteurs.

La Commission adopte l’amendement CS1020.

En conséquence, les amendements CS308 et CS784 tombent.

La Commission adopte l’article 31 modifié.

*

Article 31 bis [nouveau]
Suppression du versement de la dotation de solidarité urbaine (DSU) aux communes carencées au titre de la loi SRU

Cet article a été introduit par un amendement de M. Pupponi avec l’avis favorable des rapporteurs. Il prévoit de supprimer le versement par l’État de la dotation de solidarité urbaine (DSU) aux communes carencées au titre de la loi SRU.

La DSU est une dotation budgétaire de péréquation en faveur des communes au potentiel fiscal le plus faible. Les communes qui la touchent ont donc une population majoritairement modeste. Or, dans le cas des communes carencées, celles-ci ne font aucun effort pour rattraper leur retard en termes de production de logements sociaux. La DSU, qui est une dotation de solidarité nationale, n’y est donc pas utilisée en faveur des populations les plus pauvres. La nouvelle sanction ainsi créée concernerait, d’après le Gouvernement, 27 communes de France.

*

La Commission examine l’amendement CS626 de M. François Pupponi.

Mme Audrey Linkenheld. Aujourd’hui, une commune faisant l’objet d’un constat de carence parce qu’elle ne respecte pas l’article 55 de la loi SRU peut néanmoins toucher la dotation de solidarité urbaine (DSU). Cela nous paraissant incongru, nous proposons de supprimer cette possibilité dans tous les cas, sachant que cette suppression a déjà été opérée concernant celles n’ayant que 15 % de logements sociaux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’une proposition de bon sens. Je m’étonne d’ailleurs qu’elle n’ait pas été intégrée plus tôt dans la loi. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. C’est sans doute, en effet, un amendement de bon sens, mais qui aura un impact très fort sur les communes carencées. Aujourd’hui, sur 194 communes bénéficiaires de la DSU et soumises à la loi SRU, vingt-sept ont fait l’objet d’un constat de carence. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la commission.

M. Sylvain Berrios. Il s’agit d’une décision extrêmement lourde ne portant que sur 27 communes, dont je souligne qu’elles se trouvent dans un contexte particulier. La ville dont je suis maire n’est pas concernée par cet amendement, mais son parc de logements est très divers : alors qu’elle comprend un quartier prioritaire, elle a fait l’objet d’un constat de carence. Reconnaissez que certaines communes bénéficiaires de la DSU, ayant fait l’objet d’un constat de carence pour des raisons historiques, se trouvent sur un chemin vertueux en termes de construction de logements sociaux. Les sanctionner en partant du principe qu’elles sont de mauvaise foi serait faire preuve d’une violence redoutable à leur égard.

Depuis le début de l’examen de ce texte, un des points de divergence entre nous est le suivant : nous considérons que l’on peut a priori faire confiance aux maires, tout comme vous faites a priori confiance au corps préfectoral. Sans confiance, il ne peut y avoir de contrat. Sans confiance, nous passerons notre temps à prendre des mesures d’exception pour tous ceux que nous aurons dans le collimateur. Je trouve cet amendement extrêmement dangereux.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Les mots ont tout de même un sens : les communes carencées ne sont pas sur un « chemin vertueux », sans quoi elles reviendraient rapidement dans le droit commun. Les quelque 223 communes faisant aujourd’hui l’objet d’un arrêté de carence ont fait preuve d’une mauvaise volonté particulière dans la mise en œuvre du principe de solidarité – j’utilise le mot à dessein – en matière de construction de logements locatifs sociaux. La DSU étant, comme son nom l’indique, une dotation de solidarité, il me semble absolument incohérent que, plus de quinze ans après l’adoption de la loi SRU, des communes refusent d’être solidaires tout en touchant la DSU. Si elles touchent cette dotation, c’est qu’elles ont sur leur territoire communal des populations particulièrement modestes, dont la présence justifierait précisément la construction de logements locatifs sociaux.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Pour mémoire, 194 des 1 115 communes soumises à la loi SRU ont perçu la DSU en 2015. Vingt-sept de ces communes ont fait l’objet d’un constat de carence sur 214. Vingt-six communes carencées au titre de la période 2011-2013 sur 219 perçoivent la DSU en 2015. La DSU perçue dans les vingt-sept communes précitées était 2,5 fois supérieure en 2014 au prélèvement SRU qu’elles versaient. C’est pourquoi je vous ai dit que votre amendement n’était pas anodin. Sur ces vingt-sept communes, douze étaient dispensées de prélèvement en 2015 sous l’effet des dépenses déductibles en faveur du logement social, et se trouveraient privées désormais de plus de 5 millions d’euros de DSU cumulée. Les vingt-six communes en question sont Beausoleil, Le Cannet, Grasse, La Trinité, Gruissan, Auriol, Châteaurenard, Marignane, Plan-de-Cuques, Tarascon, Plérin, Marmande, Saint-Estève, Ozoir-la-Ferrière, Montauban, La Crau, Fréjus, Lorgues, Le Muy, Solliès-Pont, Monteux, Pernes-les-Fontaines, Pertuis, Vedène, Brunoy et Yerres. Parmi elles, La Trinité, Tarascon, Ozoir-la-Ferrière, Montauban et Brunoy ont plus de 15 % de logements sociaux et seraient, à droit constant, du fait qu’elles perçoivent la DSU, exonérées du prélèvement SRU.

M. Sylvain Berrios. Ce que vous dites est inexact, monsieur le rapporteur. Une commune carencée peut parfaitement être sur un chemin vertueux. Les situations des communes dites carencées ne sont pas toutes identiques. Peut-être y a-t-il des communes de mauvaise foi, auquel cas l’État a, je crois, la possibilité d’agir, mais ce n’est pas le lot commun. Vous dites que si : ce n’est pas vrai et vous ne saurez d’ailleurs pas le démontrer. Enfin, si ces communes touchent la DSU, c’est parce qu’elles ont sur leur territoire des populations fragiles. En leur retirant cette dotation, vous leur ôterez précisément une ressource financière. Les personnes fragiles sur ce territoire vont donc subir une double peine : celle de la carence et celle du retrait de la DSU.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Qu’ils changent de maire !

M. Sylvain Berrios. Un tel propos est inacceptable.

M. Daniel Goldberg. J’entends les arguments développés par M. Berrios, mais la première peine qu’ont à subir les habitants de ces communes est de ne pas avoir suffisamment de logements locatifs sociaux, ni une offre de logements à prix maîtrisés leur permettant de vivre dans des conditions correspondant à leurs revenus. Les communes carencées sont celles que l’État a reconnues comme n’étant pas sur la voie qui leur permettrait d’avoir une offre de logements correspondant à l’objectif fixé par la loi. Dans le même temps, si ces communes touchent la DSU, c’est bien que certains de leurs habitants ont des difficultés à se loger. Au moins pourrait-on s’entendre là-dessus.

La Commission adopte l’amendement.

*

Article 32
(art. L. 302-1-2 du code de la construction et de l’habitation, L. 321-1, L. 324-1, L. 324-2
et L. 211-2 du code de l’urbanisme)

Renforcement des stratégies foncières locales

La disponibilité des terrains construits ou constructibles et la maîtrise des coûts fonciers sont des clés de la réussite, ou de l’enlisement, des politiques locales de l’habitat. Les collectivités territoriales disposent de moyens d’action sur les marchés locaux comme la préemption ou l’expropriation ; mais leur efficacité à mobiliser le foncier nécessaire à l’endroit et au moment voulus, et plus encore à modérer les prix d’acquisition, dépend beaucoup des capacités d’anticipation des acteurs locaux. L’article 32 vise donc à renforcer les stratégies foncières locales. Il s’attache parallèlement à consolider certains de leurs acteurs.

I. CRÉER LES CONDITIONS D’UNE VRAIE STRATÉGIE FONCIÈRE LOCALE

Le II du présent article prévoit ainsi d’instaurer une nouvelle responsabilité pour les collectivités territoriales, cependant que les I, III et IV créent de nouveaux moyens pour l’assumer efficacement et à moindre coût.

1. Renforcer le volet foncier des programmes locaux de l’habitat

En effet, développer le logement, en particulier social, à l’échelle d’un territoire nécessite, dans un premier temps, de réaliser un état des lieux du foncier local afin de s’assurer que les objectifs que se donnent les collectivités ne sont pas utopiques ou arbitraires.

Une fois cette étape réalisée, il importe de définir les actions à mener pour réaliser effectivement les objectifs, – à commencer par celles qui permettront de rendre disponibles les terrains utiles à un prix compatible avec l’équilibre financier des futures opérations –, enfin, d’identifier les outils juridiques, fiscaux ou opérationnels les plus efficaces.

Le programme local de l’habitat (PLH) est à l’évidence le cadre adéquat pour développer cette stratégie. Document essentiel d’observation, de définition et de programmation des investissements et des actions à mener en matière de logement à l’échelle d’un territoire, il a déjà pour objectif d’indiquer les moyens fonciers prévus par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour parvenir aux objectifs fixés. Il est obligatoirement élaboré par tous les EPCI d’importance (34), les communes de plus de 20 000 habitants n’appartenant pas à un EPCI ainsi que par toutes les collectivités territoriales délégataires des « aides à la pierre » de l’État ; enfin tous les plans locaux d’urbanisme et cartes communales adoptés dans son périmètre doivent lui être compatibles.

Mais l’étude d’impact du projet de loi constate que, même si les EPCI montent progressivement en compétence, la réflexion menée sur le foncier dans le cadre d’un PLH s’arrête encore souvent au diagnostic, sans définir les moyens d’action à mobiliser sur le plan foncier pour réaliser les objectifs du programme malgré l’obligation qu’en donne la loi (alinéa 18 de l’article L. 302-1 du code de la construction et de l’habitation – CCH). Fin décembre 2014, une enquête nationale montrait que seuls 54 % des PLH exécutoires comportaient un volet foncier.

Au demeurant, en l’état actuel du droit, si le diagnostic des PLH permet d’identifier les caractéristiques des marchés fonciers locaux et leurs impacts sur l’évolution de l’offre de logements, il ne vérifie pas si les gisements fonciers disponibles permettent les développements souhaités, ni n’étudie les potentialités du bâti existant…

Le projet de loi propose de remédier à ces insuffisances en exigeant désormais d’un PLH qu’il définisse concrètement une vraie stratégie foncière. Pour ce faire, le II de l’article 32 modifie plusieurs dispositions de l’article L. 302-1 CCH :

– le complète son cinquième alinéa pour que le diagnostic aille au-delà de la simple « analyse (...) de l’offre foncière » en étudiant aussi son « utilisation », à savoir les usages et l’occupation qu’ont et peuvent avoir les gisements fonciers, en prenant également en compte les enjeux de préservation ou de densification des espaces, de proximité des services et de mobilité ;

– le introduit au sixième alinéa l’obligation de définir les conditions de la mise en place, sur le territoire du PLH, d’un dispositif d’observation du foncier (voir ci-après), en sus de l’observatoire territorial de l’habitat déjà prévu par la loi ;

– et le ajoute « les actions à mener en matière de politique foncière » à la liste des points que le PLH doit préciser parmi les « moyens à mettre en œuvre pour satisfaire les besoins en logements et en places d’hébergement, dans le respect du droit au logement et de la mixité sociale et en assurant une répartition équilibrée de l’offre de logements ». Les futurs PLH devraient ainsi déterminer de façon précise les moyens financiers, les acteurs et les pouvoirs à mobiliser.

Ces dispositions s’appliqueraient à tous les PLH dont la première élaboration ou le réengagement seront lancés après la publication de la loi.

2. Favoriser le développement d’observatoires du foncier

L’efficacité de cette réforme suppose que les collectivités responsables aient accès aux données utiles et/ou disposent des instruments leur permettant de les obtenir et les traiter.

Un diagnostic foncier est complexe ; l’accès aux informations peut être difficile ; enfin, une étude à l’instant t ne suffit pas à fonder une stratégie foncière qui doit se développer sur plusieurs années. Les observatoires fonciers dont les PLH organiseraient la mise en place (2° du II du présent article) devraient apporter ces capacités d’analyse, d’anticipation et de suivi indispensables au diagnostic préalable ainsi qu’à l’accompagnement des interventions foncières menées pour l’accomplissement de la politique locale de l’habitat. Leur ressort localisé (le périmètre couvert par le PLH) garantit une connaissance plus précise des terrains où elle se développe.

Certains observatoires existent déjà, mais ils représenteront un surcoût pour la plupart des collectivités. Selon l’enquête gouvernementale « Habitat 2016 », le coût moyen d’un PLH est de 51 272 euros. L’étude d’impact évalue le surcoût, pour le seul stade du PLH, entre 5 000 et 10 000 euros, selon qu’il existe déjà une observation foncière locale.

Pour réduire ces nouvelles charges et soutenir le développement des stratégies foncières locales, l’article 32 apporte deux types de réponses :

– Le I envisage d’abord (par une disposition n’ayant pas vocation à être codifiée) qu’ « au plus tard un an après la publication de la loi », l’État mettra à disposition des collectivités territoriales, de leurs groupements, des établissements publics fonciers – d’État et locaux – et des agences d’urbanisme « les données et référentiels nécessaires à la mise en place d’observatoires du foncier ».

Il s’agirait de données notamment fiscales, issues des fichiers fonciers du ministère en charge du logement et des « Demandes de valeur foncière » de la Direction générale des finances publiques, qui, aujourd’hui, sont diffusées de manière restrictive et sont complexes à utiliser car nécessitant souvent un retraitement. L’étude d’impact chiffre à un total d’environ 800 000 euros par an les coûts pour l’État de nouveaux dispositifs de traitement des données et de diffusion vers les collectivités. Mais la mutualisation des traitements et l’appui aux utilisateurs généreront des économies pour l’ensemble des acteurs, en particulier les collectivités.

– Les III et IV prévoient par ailleurs que, respectivement, les établissements publics fonciers (EPF) d’État et les établissements publics fonciers locaux pourront contribuer à la mise en place des observatoires fonciers sur le périmètre des PLH, en appui des collectivités et de leurs groupements. Les III et IV complètent en ce sens (et en des termes similaires) l’objet des EPF défini aux articles L. 321-1 et 324-1 du code de l’urbanisme.

Personnes morales dotées d’une autonomie financière (notamment grâce à la perception de la taxe spéciale d’équipement), les établissements publics fonciers (EPF) procèdent à des acquisitions à l’amiable, par expropriation ou par l’exercice du droit de préemption (35) – avec l’accord préalable de la commune sur le territoire de laquelle se réalise l’opération. Ils portent ensuite les biens acquis pendant une durée prédéterminée, avant de les rétrocéder à la collectivité qui en a demandé l’acquisition.

Ils signent généralement une convention avec les collectivités territoriales intéressées pour définir les modalités de leur partenariat.

De fait, les EPF disposent déjà de données et d’outils dans le cadre de leurs missions, et collaborent très souvent avec les collectivités. Certains d’entre eux ont même développé des dispositifs locaux d’observation foncière. La mise en place de l’observatoire de l’EPFE de Normandie, par exemple, a coûté 2,2 millions d’euros sur 6 ans.

II. CONSOLIDER CERTAINS DES ACTEURS DE CES STRATÉGIES FONCIÈRES LOCALES

En marge de ces réformes, il est apparu que la pérennité ou les pouvoirs de certains des acteurs de ces politiques foncières devaient être confortés.

1. Sécuriser les EPF locaux

Les récentes réformes territoriales ont en effet sensiblement reconfiguré les acteurs intercommunaux, ce qui peut avoir un impact sur la gouvernance des établissements publics fonciers (EPF) locaux.

Alors que les EPF d’État sont relativement anciens, les EPF locaux ne peuvent être créés que depuis la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville.

À l’instar des EPF d’État, ils ont la nature d’un établissement public industriel et commercial (EPIC) et réalisent des acquisitions de terrains aussi bien sur le territoire des collectivités qui les ont créés qu’à l’extérieur de ce périmètre si le besoin existe.

Les EPF locaux sont formellement créés par décision du préfet « de région » au vu des « délibérations concordantes » d’un groupe d’EPCI compétents en matière de PLH ou d’un groupe de conseils municipaux de communes non membres d’EPCI. (article L. 324-2 du code de l’urbanisme)

Mais la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé) a conduit à regrouper certains EPCI, membres d’EPF locaux, au sein d’un seul EPCI de sorte que le périmètre de l’EPF local peut alors se confondre avec le périmètre du nouvel EPCI.

Par ailleurs, la loi a prévu la création de nouveaux EPCI susceptibles d’entrer dans le périmètre d’un EPF local.

Sans remettre en cause les actuelles conditions d’adhésion, le V du présent article propose de modifier l’article L. 324-2 du code de l’urbanisme pour adapter le régime des EPF local à ces évolutions :

– le aligne la procédure d’extension du périmètre d’un EPF local sur celle de sa création.

L’adhésion d’un ou plusieurs nouveaux membres ne saurait en effet être considérée comme une simple modification de ces statuts. Dans la mesure où elle entraîne l’élargissement de son périmètre d’intervention et du champ d’application de la taxe spéciale d’équipement, il paraît légitime que le préfet puisse apprécier son opportunité au regard des critères définis par l’article L. 324-2 du code de l’urbanisme (fondée notamment sur « l’évaluation des besoins fonciers correspondants aux enjeux territoriaux en matière d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, de déplacements et d’environnement ») et être en mesure d’exprimer son accord ou son refus ;

– le maintient l’EPF qui a été créé par un groupe d’EPCI désormais fusionnés en une seule intercommunalité, à condition que le nouvel EPCI soit lui-même doté de la compétence en matière de PLH ;

– le introduit des modifications de coordination avec les précédentes.

Il s’agit de sécuriser les futures extensions d’EPF locaux et de préserver l’activité d’EPF existants, et par suite, la continuité des programmes d’investissements fonciers pluriannuels dans lesquels ils sont engagés.

2. Compléter les compétences en matière d’urbanisme de la métropole du Grand Paris et de ses EPT

Le VI du présent article vise enfin à tirer les conséquences de la nouvelle organisation territoriale prévue en Île-de-France par la loi NOTRé.

EPCI à fiscalité propre et à statut particulier régi par les articles L. 5219-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, la métropole du Grand Paris (MGP) a été créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dont les dispositions ont connu des ajustements successifs jusqu’à la loi NOTRé du 7 août 2015.

Cette dernière a, en autres, substitué les « établissements publics territoriaux » (EPT), nouveaux types d’établissements publics de coopération intercommunale, aux « territoires » initialement prévus par la loi du 27 janvier 2014 pour succéder, à compter du 1er janvier 2016, aux EPCI à fiscalité propre préexistants ou englober les communes isolées situées dans le périmètre de la MGP. En application de l’article L. 5219-2, les EPT sont composés d’au moins 300 000 habitants, d’un seul tenant et sans enclave, et regroupent l’ensemble des communes membres de la métropole du Grand Paris – à l’exception de la commune de Paris.

Le programme local de l’habitat relève des compétences exclusives de la métropole du Grand Paris, les plans locaux d’urbanisme intercommunal des EPT.

L’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales dispose qu’à compter du 1er janvier 2017, la métropole exercera de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, un certain nombre de compétences, notamment en matière d’aménagement de l’espace métropolitain, dont en particulier la "définition, création et réalisation d’opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain". (36)

La réalisation des projets d’intérêt métropolitain et communautaire supposera généralement des actions de maîtrise foncière. Leur mise en œuvre opérationnelle nécessiterait à l’évidence de doter ces nouveaux acteurs d’une prérogative de puissance publique comme le droit de préemption urbain.

Le droit de préemption est une procédure permettant à une personne publique d’acquérir en priorité, dans certaines zones préalablement définies par elle, un bien immobilier mis en vente par une personne privée ou morale dans le but de réaliser des opérations d’aménagement urbain. Plus facilement maniable que ne l’est le recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique, il permet aux collectivités de réaliser environ un quart de leurs acquisitions foncières pour mener à bien leurs projets. Si le droit de préemption de base est exercé par le représentant de l’État, le droit de préemption urbain (DPU) relevant des articles L. 211-1 et suivants du code de l’urbanisme est de la compétence des communes dotées d’un plan d’occupation des sols rendu public ou d’un plan local d’urbanisme (PLU) approuvé.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) a aussi reconnu une compétence de plein droit en matière de DPU aux EPCI à fiscalité propre compétents en matière de PLU.

En revanche, la loi NOTRé n’a pas tiré toutes les conséquences des transferts de compétences en matière d’aménagement et d’urbanisme opérées des communes vers la MGP et ses EPT qui, en l’état actuel du droit, ne peuvent être titulaires du DPU. Le VI de l’article 32 complète en conséquent l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme, qui définit le régime juridique de cette prérogative, pour achever la nouvelle construction territoriale.

Le prévoit ainsi de reconnaître aux EPT, à l’instar des EPCI compétents en matière de PLU, une compétence de plein droit en matière de DPU, l’emportant sur leurs communes membres (on dénombre actuellement une centaine de communes franciliennes ayant institué un DPU) hors la commune de Paris. Cette extension est d’autant plus logique que les EPT sont déjà compétents pour les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi).

Le accorde également à la MGP une compétence de plein droit, mais uniquement pour assurer la réalisation des opérations d’aménagement prévues à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et qui sont d’intérêt métropolitain au sens de l’article L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales. Dans les périmètres de préemption définis par le conseil de la métropole, les aliénations nécessaires à ces projets ne seront alors plus soumises aux DPU des EPT ou de la commune de Paris.

La MGP, les EPT et la commune de Paris seront dotés d’une compétence large (définition, extension ou suppression des périmètres et mise en œuvre de la préemption) sur leurs champs respectifs. Ils auront aussi la possibilité de déléguer l’exercice de ce droit à un tiers autorisé, comme un établissement public foncier. Dans tous les cas, l’instauration du DPU reste facultative et conditionnée à une délibération de la collectivité.

On relèvera enfin que le transfert du DPU entraîne également le transfert de la compétence en matière de droit à priorité (préemption des emprises foncières publiques).

En revanche, ces réformes ne changeront rien pour les propriétaires et professionnels de l’immobilier qui continueront à transmettre leurs déclarations d’intention d’aliéner aux communes qui se chargeront de les adresser à la MGP, aux EPT ou à leurs délégataires.

Et elles n’ont pas d’impact sur le dispositif prévu en communes carencées – au sens de la loi SRU – où le préfet exerce le droit de préemption urbain pendant la durée de l’arrêté de carence. La MGP et les EPT pourront continuer d’exercer leur propre prérogative mais sur les aliénations non affectées au logement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION SPÉCIALE

La Commission spéciale a adopté cet article en n’y apportant que des modifications rédactionnelles.

*

La Commission adopte successivement l’amendement CS978 des rapporteurs, corrigeant une erreur de référence, puis leur amendement rédactionnel CS963.

Elle adopte ensuite l’article 32 modifié.

*

Après l’article 32

La Commission examine l’amendement CS642 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement est inspiré par le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui préconise d’associer plus étroitement les élus communaux et les populations à l’élaboration des programmes locaux de l’habitat (PLH).

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Une telle procédure alourdirait le travail des intercommunalités, alors que certaines le font déjà en pratique. Faut-il le préciser dans la loi ? Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je comprends la préoccupation des auteurs de l’amendement, mais la mesure proposée risque d’alourdir les procédures, car l’établissement d’un rapport annuel prend beaucoup de temps. Par ailleurs, l’amendement me semble déjà satisfait en grande partie, puisque l’EPCI peut d’ores et déjà, lors de la modification du PLH, transmettre ses conclusions aux communes ainsi qu’au préfet. En outre, la pratique risque d’être inégale d’un territoire à l’autre.

M. Michel Piron. Depuis des années, nous sommes confrontés à la complexification croissante des procédures. Faut-il encore alourdir le mode d’élaboration des PLH ? Aujourd’hui, rien n’interdit d’associer les élus aux travaux ; il serait préférable de laisser l’initiative aux collectivités en fonction des contextes et des besoins. En tout état de cause, la première mesure de simplification consisterait à ne pas créer une obligation qui ne s’impose pas.

Mme Audrey Linkenheld. Je rappelle que cet amendement tend à ce que le PLH des communes puisse faire l’objet d’une délibération en conseil municipal, ce qui implique une certaine transparence pour les élus et la population. Je pense avoir contribué, en mon temps, à la simplification des procédures de PLH et de PLU, mais nous savons tous que l’élaboration d’un PLH ne se fait pas partout avec le même engagement et la même motivation.

Encore une fois, il s’agit de mieux partager le bilan, sur la base de recommandations d’un rapport commandé au CGEDD par le Gouvernement. Je peux entendre que la rédaction de l’amendement est perfectible, et suis prête à discuter avec la ministre de mesures non législatives : des instructions peuvent être adressées aux préfets, afin qu’ils enjoignent aux EPCI de mieux garantir la transparence dans l’élaboration des PLH.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il serait préférable de ne pas alourdir la loi ; nous adressons régulièrement un certain nombre d’instructions relatives aux PLH.

L’amendement est retiré.

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Article 32 bis [nouveau]
(art. L. 302-4-2 du code de la construction et de l’habitation)

Prorogation des programmes locaux de l’habitat (PLH) existants dans le cadre de la métropole du Grand Paris

Cet article a été introduit à l’initiative d’amendements identiques de Mme Lepetit et de M. Ollier, contre l’avis du Gouvernement et des rapporteurs.

La métropole du Grand-Paris, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, exercera de plein droit, en lieu et place des communes membres, à compter du 1er janvier 2017, la compétence en matière de politique locale de l’habitat et plus particulièrement celle relative au programme local de l’habitat (PLH).

Par ailleurs, la MGP doit élaborer un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) tenant lieu de PLH au plus tard au 31 décembre 2017. La procédure d’élaboration du PMHH est susceptible de durer au moins 10 mois. Ainsi, à partir du 1er janvier 2017 et jusqu’à l’adoption du PMHH, aucun document cadre ne pourrait servir de référence pour fonder l’action des communes en matière de politique de l’habitat. Dans cet intervalle, il existe donc une incertitude juridique pesant sur les documents cadre existants, d’autant que l’article L. 302-4-2 du code de la construction et de l’habitation ne prévoit la prorogation des PLH préexistants pour une durée maximale de 2 ans, qu’en cas de création d’un EPCI par fusion d’EPCI. Or la MGP est une création par la loi d’un EPCI à fiscalité propre « sui generis ».

Cet article a donc pour objectif de pallier ce vide juridique en prévoyant explicitement au sein de cet article L. 302-4-2 du code de la construction et de l’habitation, la prorogation pour une durée maximale de deux ans des PLH existants dans le périmètre de la MGP, dans l’attente de l’adoption du PMHH.

*

La Commission examine ensuite les amendements identiques CS64 de M. Patrick Ollier et CS365 de Mme Annick Lepetit.

M. Patrick Ollier. Cet amendement vient combler un vide juridique. À partir de 2017, la métropole du Grand Paris (MGP) sera compétente pour la réalisation du plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH). Or l’article L. 5219-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit un délai de dix mois pour la consultation des communes. La métropole du Grand Paris comprenant 131 communes, la question est celle du temps disponible pour mener à bien cette consultation, et nous ne prévoyons pas de pouvoir terminer le PMHH avant mi-2018. Je l’affirme en tant que président de la métropole du Grand Paris : le délai de dix mois est impossible à tenir !

Avec Mme Annick Lepetit et d’autres élus de toutes tendances politiques, nous sommes convenus de déposer deux amendements. Le premier tend à ce que les PLH en cours demeurent valides jusqu’à l’approbation du PMHH afin d’éviter un vide juridique qui serait catastrophique pour les communes. Le deuxième, qui viendra en discussion tout à l’heure, vise à repousser la limite de l’acceptation du PMHH à la fin de l’année 2018. Il s’agit d’une mesure de simple bon sens permettant de travailler sereinement, car 131 communes sont concernées, dont la Ville de Paris qui, à elle seule, nécessite des réunions de commission longues et nombreuses.

Mme Annick Lepetit. Nous sommes sensibles aux questions de logement et d’aménagement du territoire en Île-de-France dont traite le titre II du projet de loi, car ils sont complexes : je souhaiterais donc connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je suis conscient des difficultés que peut rencontrer la constitution de la métropole du Grand Paris, mais deux lois récentes ont déjà été consacrées à ce sujet : la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ».

Les arguments développés sont de bon sens, mais je ne suis pas certain que le présent projet de loi soit le bon véhicule pour régler les problèmes évoqués ; je me rangerai donc à l’avis du Gouvernement.

M. le rapporteur général. Au cours de nos débats précédents, les rapporteurs ont déjà indiqué que le texte que nous examinons aujourd’hui ne pourrait pas être l’occasion de modifier les lois MAPTAM et NOTRe ; nous le rappellerons chaque fois que le sujet sera abordé.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ces amendements soulèvent deux questions légitimes, singulièrement celle de la prorogation des PLH existant au sein de la métropole du Grand Paris jusqu’à l’adoption du PMHH. Pour avoir présidé les travaux du schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH) dans sa première phase, je n’ignore pas la masse de travail que cela représente.

Toutefois, le Gouvernement ne souhaite l’adoption d’aucun amendement susceptible d’ouvrir à nouveau ces débats ; l’avis est donc défavorable.

M. François Pupponi. Sur le plan des principes, je peux comprendre la position des rapporteurs et du Gouvernement. Cependant, pour travailler depuis quelques années à la constitution de la MGP, je peux témoigner que nous avançons et que les choses se pacifient : c’est une grande réussite.

Ces amendements représentent une simple adaptation à la marge, afin que le processus enclenché puisse se poursuivre dans de bonnes conditions ; je rappelle que, l’année passée, nous avons procédé à des ajustements semblables.

M. Patrick Ollier. Je suis stupéfait par les arguments des rapporteurs : depuis trente ans que je contribue à écrire la loi dans cette maison, c’est l’une des rares fois que j’entends opposer des dispositions législatives antérieures à une demande d’adaptation qui est de simple bon sens.

En tant que président de la métropole du Grand Paris, je vous avertis que, si un vide juridique devait advenir du fait de votre refus de ces amendements, vous porteriez la responsabilité des problèmes auxquels seraient confrontées nombre des 131 communes de la métropole. Par ailleurs, je puis me targuer d’avoir créé une gouvernance plurielle : Mme Hidalgo est ma première vice-présidente, et nous travaillons en parfaite entente avec M. Pupponi sur la péréquation. Je ne suis donc pas susceptible d’être taxé de sectarisme.

J’insiste sur le fait qu’il est impossible de mener à bien le PMHH d’ici la fin de l’année 2017. Je ne suis pas responsable du fait que les délais prévus sont insuffisants, et nos amendements ne sont qu’une demande de soutien, afin de nous aider à bien travailler ensemble dans le cadre de la métropole du Grand Paris.

Mme Annick Lepetit. Comme l’ont dit MM. Ollier et Pupponi, il ne s’agit pas de défaire ce que nous avons mis tant de temps à construire, mais d’une mesure de bon sens qui ne bouleversera pas les principes inscrits dans les lois précédentes. Monsieur le rapporteur, ces lois sont certes récentes, mais combien de lois avons-nous voté concernant le logement au cours des dix dernières années ?

Nous devons rester humbles et concrets. Pour ma part, je donne la priorité à l’accession au logement ainsi qu’à l’égalité des droits dans ce domaine ; chacun connaît les particularités de l’Île-de-France, et, comme Paris, la métropole ne se fera pas en un jour. À cette fin, nous avons besoin de cette dérogation, dont je répète qu’elle ne remet pas en cause l’esprit des lois précédentes.

La Commission adopte les amendements.

M. Patrick Ollier. Merci, chers collègues !

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Après l’article 32 bis

La Commission se saisit de l’amendement CS305 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit d’un « marronnier », qui revient régulièrement et a déjà été rejeté à plusieurs reprises, notamment dans le cadre de l’examen de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron ». Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable également. Nous ne souhaitons pas que les locataires du parc social se voient imposer la location d’un parking, ce qui irait à l’encontre de tous nos efforts en faveur des plans de mobilité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CS300 de M. Michel Piron.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement 501 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ce sujet est régulièrement évoqué durant la discussion budgétaire : seuls les logements intermédiaires, au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ne bénéficient pas du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont l’application serait pourtant nécessaire pour diversifier l’offre. Il est donc proposé d’harmoniser les taux de TVA.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis ; nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen du prochain projet de loi de finances.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CS502 et CS503 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ce sujet a également été abordé en loi de finances, puisque nous avions exempté la construction de logements sociaux dans le cadre de programmes intermédiaires dans les communes comptant beaucoup de ces logements. Le taux de logements sociaux dans ces communes a été fixé à 50 %, ce qui semble élevé ; il est donc proposé de le ramener à 40 % ou 30 % afin de ne pas encourager les constructions nouvelles, conformément aux recommandations du Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC) ainsi qu’aux règlements de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Le taux d’exemption actuel, fixé à 50 % de logements sociaux dans la commune, résulte d’une décision du CIEC du 6 mars 2015. Je rappelle en outre que ces sujets relèvent de la loi de finances. Avis défavorable, donc.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Les CIEC de 2015 et en 2016, qui ont d’ailleurs abouti au projet de loi examiné aujourd’hui, ont convenu qu’il fallait limiter la production de logements sociaux dans les communes qui en sont dotées à plus de 50 % ainsi que dans les quartiers en rénovation urbaine, y compris dans les opérations de logement intermédiaire.

Cet amendement va donc à l’encontre de la politique que nous conduisons ; il me semble par ailleurs que nous devrions avoir un débat sur l’ensemble de la question de la TVA réduite, car la question du périmètre est aussi posée, dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Mme Audrey Linkenheld. Je partage les préoccupations de François Pupponi, qui est par ailleurs président de l’ANRU. Les discussions entre l’État et les territoires sont toutefois complexes, et il faut attendre plusieurs mois pour obtenir une dérogation.

Certains quartiers en rénovation urbaine ne sont pas fortement dotés en logements sociaux alors qu’ils disposent de logements privés qui, de fait, relèvent du logement social. Dans ces quartiers, remplacer du logement social de fait par de nouveaux logements sociaux de qualité constitue une trajectoire ascendante. En tout état de cause, la multiplication des règles, même si leur objet est fondé, ralentit la construction de logements sociaux.

Le sujet relève certes de la loi de finances, mais mieux vaut privilégier le dialogue entre les acteurs que de légiférer à outrance.

La Commission rejette successivement ces amendements.

Elle étudie ensuite l’amendement CS512 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Je reconnais que mon amendement porte sur des sujets que nous abordons généralement en loi de finances, mais la difficulté réside dans le fait que, lorsque nous posons la question à l’État, nous n’obtenons aucune réponse de sa part…

Depuis des années, à la demande du Gouvernement, le Parlement exonère certains bailleurs sociaux de l’imposition locale, ou concède des abattements, mais comme l’État ne compense plus ces abattements qu’à hauteur de 18 %, ce sont les communes les plus pauvres, celles qui connaissent le plus de difficultés, qui règlent la facture. Nous réclamons la transparence, ainsi que la compensation la plus complète pour ces communes à qui on ne peut pas demander de s’occuper des populations les plus fragiles tout en les privant des moyens de le faire.

Nous proposons donc, puisque ces communes paient, qu’elles puissent refuser cet abattement ou ces exonérations. Il s’agit de l’argent des communes : elles doivent pouvoir en disposer comme elles le souhaitent. Mes amendements suivants vont dans le même sens : soit l’État procède à une compensation totale, soit les communes disposent d’un droit de veto.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il est vrai qu’un effort est demandé aux communes et que, si l’État le compensait à 100 %, nous n’aurions pas cette discussion. Il n’en demeure pas moins que le sujet relève de la loi de finances. Le Gouvernement ne doit toutefois plus se soustraire à ce débat, qui concerne plus largement la question de la fiscalité, qu’elle soit directe ou indirecte, nationale ou locale, dans nos territoires les plus modestes.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Ce débat n’est pas nouveau, et, à plusieurs reprises, M. Pupponi a réclamé des éléments d’information. Je confirme que, dans le cadre de notre discussion actuelle, j’émettrai un avis défavorable à tout amendement de ce type. La question de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) doit être débattue avec le secrétaire d’État au budget, car il n’est pas de ma compétence : je ne dispose pas des informations que vous demandez.

Nous aurons un échange, avant l’examen du projet de loi de finances, avec le président de l’ANRU et avec d’autres opérateurs. Je rappelle que, après avoir été entendue par la représentation nationale, j’avais déjà saisi de ce sujet le secrétaire d’État au budget.

M. Michel Piron. La perspective évoquée par François Pupponi me gêne : il n’est pas possible de considérer que, dès lors que l’État n’apporte pas la compensation des abattements, les communes pourraient s’abstraire de la loi en décidant de ne pas s’exécuter. Nous voyons déjà certains départements connaissant des difficultés s’exonérer de leurs obligations ; on ne saurait généraliser de telles pratiques.

Notre débat, justifié, est celui, éternel, de la politique et de ses moyens. Vous êtes responsable de la politique du logement, madame la ministre, mais les moyens de cette politique ne sont pas nécessairement dans votre ministère.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CS513 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Cela fait un an que je ne parviens pas à obtenir un rendez-vous avec le Gouvernement ! Nous ne recevons pas non plus les documents que nous réclamons. Il faut que le Gouvernement tienne les engagements qu’il prend auprès de la représentation nationale. Le secrétaire d’État au budget nous a maintes fois promis la communication d’informations que nous attendons toujours. Je suis prêt à débattre, mais l’attitude du Gouvernement est inacceptable !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le député, le Gouvernement respecte naturellement les parlementaires, et je vous propose de trouver un aboutissement à la question avant l’automne. Je ne crois pas que le Gouvernement fasse preuve de mauvaise volonté, mais plutôt qu’il ne dispose pas aujourd’hui de l’ensemble des données que vous réclamez, du fait même du mécanisme de la TFPB. Vous-même aviez soulevé la question lors de l’examen de la loi de finances, en faisant part de vos craintes de ne pas pouvoir disposer de l’information nécessaire ; c’est pourquoi je me propose de relayer vos interrogations auprès de mes collègues.

M. le rapporteur général. À travers son rapporteur spécial, la commission des finances dispose d’un outil : des contrôles sur pièces et sur place sont toujours possibles.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement CS519 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Dans les QPV, les bailleurs bénéficient d’un abattement de 30 % sur la TFPB afin de mettre en œuvre des actions spécifiques en faveur de ces quartiers ; or il est souvent constaté que ces sommes ne sont pas utilisées comme elles le devraient. La loi de programmation du 24 février 2014 pour la ville et la cohésion urbaine prévoit que, pour bénéficier de cet abattement, les bailleurs doivent signer le contrat de ville ; mais les intéressés persistent dans leur attitude consistant à prendre l’argent – le montant annoncé est de 150 millions d’euros par an, mais la réalité est plus proche de 500 à 600 millions d’euros – et à l’utiliser selon leur bon vouloir sans consulter les élus.

Je propose donc que, pour pouvoir bénéficier de cet abattement, les bailleurs signent avec les élus la convention, mais aussi que ses conditions d’utilisation soient décidées entre les élus, les bailleurs et l’État.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il me semble que votre demande est satisfaite, car non seulement les bailleurs signent le contrat de ville, mais encore, aux termes d’une convention passée entre l’Union sociale pour l’habitat (USH) et l’État, un accord sur l’utilisation de cet abattement doit être conclu entre les bailleurs et les collectivités, notamment en matière de gestion urbaine de proximité.

Certes, il peut advenir que ces règles ne soient pas observées, mais légiférer à ce sujet serait superflu, et des instructions sont régulièrement données aux intéressés par les administrations compétentes.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. L’amendement de M. Pupponi propose de conditionner l’attribution de l’abattement de 30 % sur la TFPB, non plus à la signature d’un contrat de ville, mais à celle d’une convention dite « d’équilibre territorial ». Je rappelle, qu’au premier janvier dernier, seuls deux contrats de ville sur 437 n’avaient pas été signés, et que ces documents engagent les bailleurs à procéder à des travaux de réhabilitation.

M. François Pupponi. Tous les bailleurs ont en effet signé le contrat de ville instauré par la loi Lamy, contrat qui correspond à un objectif que l’on se fixe pour essayer de mener sur les territoires la politique la plus vertueuse possible. Tous bénéficient donc de l’abattement. Mais il se trouve que 50 % seulement des conventions d’utilisation des profits tirés de cet abattement ont été signées, ce qui signifie que, dans la moitié des cas, les bailleurs bénéficient de l’abattement mais font ce qu’ils veulent de l’argent qu’ils ont récupéré, sans aucune négociation avec les élus. C’est d’autant moins normal que l’on sait que, dans certains cas, cet avantage financier substantiel dont jouissent les bailleurs n’est pas réinvesti dans les quartiers. Je propose donc que, pour pouvoir bénéficier de cet abattement, il faille à tout le moins avoir signé cette convention.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je partage vos inquiétudes, mais les conventions d’équilibre des territoires n’existent plus vraiment, puisque nous avons voté un amendement qui les fusionne avec les accords collectifs intercommunaux. Par ailleurs, le fait que la direction générale des finances publiques (DGFiP) refuse de fournir les éléments chiffrés qui permettraient d’évaluer l’impact de ces conventions ne simplifie pas les choses et m’incite à demander le retrait de cet amendement afin que nous réfléchissions au meilleur moyen de faire en sorte que les bailleurs utilisent cette exonération selon ce que prévoit la loi.

M. François Pupponi. Les propos du rapporteur confirment la gravité de la situation. On ne peut accepter que les bailleurs disposent de centaines de millions d’euros d’abattement sans que la DGFiP soit capable d’en chiffrer exactement le montant. Je veux bien aider les bailleurs, mais pas leur signer des chèques en blanc.

L’amendement est retiré.

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Article 32 ter [nouveau]
(art. L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques)

Application de la décote aux cessions de biens par la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM)

Cet article a été introduit à l’initiative de Mme Linkenheld et du groupe SER. Il vise à appliquer, de manière obligatoire, la décote, prévue par la loi du 18 janvier de 2013 de mobilisation du foncier public en faveur du logement, à l’ensemble des cessions de biens immobiliers réalisées par la SOVAFIM.

La loi du 18 janvier 2013 prévoit, en effet, que le système de la décote s’applique aux cessions réalisées par l’État, certains de ses établissements publics (SNCF, établissements de santé) et la SOVAFIM, qui est une société anonyme intégralement détenue par l’État. Or le décret permettant d’appliquer cette décote à la SOVAFIM n’a jamais été publié.

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La Commission examine l’amendement CS638 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Cet amendement vise à compléter la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, qui prévoyait d’affecter une décote au prix de cession d’un certain nombre de terrains appartenant à l’État ou à des établissements publics, dans le but d’accélérer la construction de logements sociaux. Cette mesure devait s’appliquer aux terrains détenus par la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM). Or il s’avère que, depuis la promulgation de la loi, aucune cession de la SOVAFIM n’a fait l’objet d’une décote. Nous proposons donc que l’ensemble des cessions de la SOVAFIM soient soumises à la décote.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis très favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. L’intégration des cessions de la SOVAFIM dans le régime de la décote nécessite une évolution réglementaire. Le décret est en cours d’élaboration et devrait être pris avant la fin de l’examen de la loi par le Parlement. Si l’amendement devait être adopté, il serait souhaitable qu’il soit retiré ultérieurement, lorsque le décret sera publié.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 32 ter

La Commission examine l’amendement CS635 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Nous souhaitons que les programmes locaux de l’habitat (PLH) soient plus transparents et plus accessibles aux habitants. En effet, plus le PLH sera discuté en amont, plus nous éviterons les recours en aval, au moment de la réalisation des projets.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je m’en remets à la sagesse de la commission. La rédaction me paraît devoir être précisée, pour ne pas créer de confusion entre la concertation que vous proposez et les véritables enquêtes publiques.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. Rien n’empêche aujourd’hui les auteurs d’un PLH de soumettre celui-ci à la discussion publique, ce qui se pratique d’ailleurs dans certains territoires. La consultation passe en outre par la consultation des comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), où les PLH peuvent être examinés à la loupe et éventuellement dénoncés.

Par ailleurs, la mesure que vous proposez aurait sa place dans le code de la construction et de l’habitation et non dans le code de l’urbanisme.

Enfin, je rejoins le rapporteur sur l’idée que le dialogue avec les habitants ne doit pas se transformer en consultation publique.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CS640 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Si la durée de validité d’un PLH est de six ans, c’est que cela correspond à la durée d’un mandat municipal. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. Les PLH ont aujourd’hui une durée de six ans, avec un examen à demi-vie. Je crains que porter cette durée à douze ans n’aide pas à élaborer un document qui puisse conserver sa portée programmatique, en particulier dans un domaine comme l’habitat, qui nécessite des réexamens réguliers. En outre, même s’il n’est valable que six ans, le PLH n’en reste pas moins un document stratégique. Par ailleurs, les nouveaux schémas imposés aux régions viendront compléter les PLH locaux.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS636 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je m’en remets, sur cet amendement, à la sagesse de la commission.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il comporte une erreur de rédaction en se référant au code de la construction et de l’habitation et non au code de l’urbanisme. Cela étant, ce qui est proposé est une bonne pratique, mais qui ne paraît pas devoir nécessairement être inscrite dans la loi.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’examen des amendements identiques CS116 de M. Patrick Ollier et CS340 de Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Il s’agit de retarder d’un an l’échéance fixée pour le transfert de compétences permettant à la métropole du Grand Paris d’élaborer son plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH).

Je sais que le Gouvernement redoute que, dans ces conditions, certains projets se heurtent à des blocages juridiques, mais l’obstacle ne peut-il être contourné en amendant la loi pour faire en sorte que la loi SRU puisse continuer à s’appliquer pendant ce délai supplémentaire et que les communes n’ajournent pas la mise en route de leurs projets d’aménagement ou d’habitat ?

M. Patrick Ollier. Grâce au soutien de Mme Lepetit, de M. Pupponi et des députés de la majorité, nous avons adopté tout à l’heure les amendements CS64 et CS365, permettant de maintenir la validité des PLH jusqu’à l’approbation du PMHH. Le présent amendement est donc un amendement de conséquence ou de coordination.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement illustre exactement mes craintes de 2012 concernant la mise en place de cette politique de l’habitat. Il est demandé à la région d’établir un schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH), et à la métropole du Grand Paris d’établir un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) qui doit s’insérer dans le schéma régional, sachant que le PMHH ne pourra être validé que lorsque la métropole aura effectivement compétences pour le voter. Aujourd’hui, retarder d’un an la définition de l’intérêt métropolitain pour les compétences en matière de politique locale de l’habitat revient donc à bloquer toute la machine, alors qu’il a déjà été très difficile de parvenir à ce que toutes les communes aient un PLH, qu’il n’existe pas encore de PLH intercommunaux et qu’il est compliqué de faire en sorte que la loi SRU soit respectée partout.

La métropole du Grand Paris devait être un moyen d’accélérer les politiques du logement ; or, selon moi, nous n’en prenons pas vraiment le chemin. Dans ces conditions, il ne me semble pas opportun de rouvrir, avec une proposition comme celle-ci, que je trouve encore plus hasardeuse que la précédente, le débat qui doit avoir lieu entre la métropole du Grand Paris et le Gouvernement, en dehors de ce projet de loi.

M. le rapporteur général. Je m’en remets également à la sagesse de la commission, qui est souveraine, mais j’appelle ses membres à veiller à la cohérence du texte.

Mme Marylise Lebranchu. Ces amendements sont sans doute trop complexes, et il faudrait dissocier la question du PMHH de celle du transfert de compétences.

L’une des craintes que suscite le report, c’est que les communes concernées et certains EPCI disent au préfet qu’elles n’entreprendront aucun projet dans la mesure où leur réalisation ne sera bientôt plus de leurs compétences. Le moyen de faire taire ces craintes est de décider que, d’ici le transfert de compétences, les communes restent régies par les règles en vigueur, dont celles de la loi SRU telle qu’elle a été renforcée en 2013, et que toute opération commencée, qu’il s’agisse de recherche de foncier, de programme local de l’habitat, voire de construction, puisse être transférable. Le report n’est acceptable que s’il n’équivaut pas à reporter d’autant l’amélioration de l’habitat, ce qui est précisément ce pour quoi la métropole a été créée. Cela passe par l’élaboration d’un agenda précis, recensant les différentes étapes d’ici à l’échéance, afin d’éviter que nous n’ayons une année creuse, où il ne se passerait rien.

M. Patrick Ollier. La commission a adopté tout à l’heure un amendement qui vise à combler un vide juridique en permettant que, dans l’attente de la réalisation du PMHH, les PLH restent opérationnels. Compte tenu des dix mois que prévoit le code général des collectivités territoriales pour la consultation des 131 communes concernées par le PMHH, il me paraît impossible de réaliser celui-ci en un an. C’est de bon sens.

Cela ne signifie pas que, pendant ce temps-là, il ne se passera rien : les compétences en matière d’habitat seront transférées le 1er janvier 2017, et la métropole est déjà à la recherche de réserves foncières – elle a compétence pour cela – à destination des maires bâtisseurs qui accepteraient de bénéficier de l’aide au logement qu’elle pourra éventuellement leur apporter grâce à son fonds d’investissement. Malheureusement, en dehors de M. Berrios et de M. Pupponi, et sans doute de M. Goldberg, personne ici ne sait ce que nous faisons, mais nous sommes au travail, gauche et droite ensemble ! C’est un travail de titan que nous n’avons pas les moyens de faire, car le Gouvernement a fait voter un budget de fonctionnement de 4 millions d’euros, qui ne nous permet pas de disposer des services nécessaires, et il y a tout lieu de croire que, fin 2017, le PMHH ne sera pas achevé. Il est donc plus prudent de repousser l’échéance à fin 2018.

Mme Annick Lepetit. La réponse de la ministre et les arguments de Marylise Lebranchu m’ont convaincu de retirer mon amendement.

M. Sylvain Berrios. Il ne faut pas confondre le logement et l’habitat ; or, en l’espèce, il s’agit ici de l’habitat. Les compétences qui s’y rattachent en ce qui concerne la région et en ce qui concerne la métropole s’imbriquent comme des poupées russes. Si la métropole du grand Paris ne parvient pas à réaliser son document directeur, aucune autre structure ne pourra réaliser le sien, ce qui aboutira à la situation dans laquelle vous voulez précisément éviter de vous trouver.

L’amendement CS340 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CS116.

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Chapitre IV
Mesures de simplification

Le chapitre IV se compose d’un unique article 33 autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à simplifier certaines règles applicables au logement locatif social. Son contenu n’a suscité aucune remarque du Conseil d’État dans son avis délibéré le 31 mars 2016.

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Avant l’article 33

La Commission est saisie de l’amendement CS200 de M. Sylvain Berrios.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Je rappelle que les délais ont déjà été prolongés deux fois.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 33
Ordonnances

Par l’article 33, le Gouvernement sollicite une habilitation à prendre plusieurs ordonnances dans le domaine du logement et de l’habitat. Les durées des habilitations varient entre six mois et deux ans en fonction des ordonnances. Un projet de loi de ratification doit être déposé dans les trois mois suivant chaque publication.

1. L’application du dispositif relatif aux résidences universitaires

Le Gouvernement a décidé la création de 40 000 nouveaux logements étudiants dans le cadre d’un engagement pris par le Président de la République. Ce « Plan 40 000 » court du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2018 et prévoit la mise en chantier de logements construits ou gérés par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), construits par les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) et gérés par des associations, ou construits par des opérateurs privés et conventionnés à loyer plafonné.

Afin d’atteindre cet objectif, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a créé un article L. 631-12 dans le code de la construction et de l’habitat, lequel définit ces nouvelles résidences universitaires comme structures spécifiques bénéficiant d’un statut exorbitant au droit commun adaptées au logement des étudiants. Les résidences universitaires dérogent aux règles applicables aux logements sociaux : elles sont attribuées en raison de la qualité d’étudiant, pour une durée d’un an renouvelable, sans droit au maintien dans les lieux, et éventuellement en location meublée. L’article 40 de la loi n° 89-460 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs modifiée autorise également la colocation et la récupération des charges sous la forme d’un forfait.

Le dispositif institué par l’article L. 631-12 du code de la construction et de l’habitation a une application limitée à certaines opérations réalisées par les CROUS. Or, dans le cadre du Plan 40 000, une grande majorité des maîtres d’ouvrage était des organismes d’HLM ou des sociétés d’économie mixte (SEM).

L’habilitation sollicitée par le Gouvernement au , pour un délai de six mois, permettrait de prendre par ordonnance les mesures visant à faciliter les opérations en élargissant la possibilité de réaliser des résidences universitaires par les bailleurs sociaux tout en contrôlant leur production, en facilitant leur gestion par des associations de soutien aux étudiants, en ouvrant les dispositions de l’article L. 631-12 du code de la construction et de l’habitation aux immeubles déjà gérés par les CROUS au titre du dispositif de « location – sous location » (37), et en harmonisant les règles applicables en matière de récupération des charges pour les étudiants.

Les mesures envisagées auront vocation à s’appliquer tant aux nouvelles opérations de résidences universitaires qu’aux résidences actuellement gérées par les CROUS en application du dispositif de « location – sous location ».

2. L’harmonisation des règles du dépôt de garantie dans le parc social

L’article L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation rend applicable aux logements conventionnés à l’aide personnalisée au logement (APL) des organismes d’habitations à loyer modéré (OHLM) l’article 75 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 – portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement – qui prévoit un dépôt de garantie d’un montant maximal de deux mois de loyer.

L’article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, permettait également aux bailleurs d’exiger un dépôt de garantie d’un montant allant au maximum jusqu’à deux mois de loyers. Ce montant a été réduit à un mois de loyer maximum par la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat. Cependant, l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 précitée précise que ces dispositions ne s’appliquent pas aux logements conventionnés, quel que soit le type de bailleur.

Les conventions types applicables aux conventions conclues avec des OHLM ou avec les SEM, prévues notamment aux articles R. 353-1 et R. 353-59 du code de la construction et de l’habitation, limitent toutefois le dépôt de garantie à un mois de loyer.

Des régimes distincts s’appliquent donc sans que des raisons particulières justifient cette disparité. Le habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, pour une durée de six mois, pour harmoniser les règles relatives au montant du dépôt de garantie dans le parc locatif social, quel que soit le statut du bailleur, en prenant pour bases celles du secteur privé.

3. La simplification des modalités de publication des conventions à l’aide personnalisée au logement

L’article L. 353-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit que l’entrée en vigueur des conventions à l’aide personnalisée au logement (APL), signées avec l’État, est subordonnée à leur publication au fichier immobilier – ou, pour les départements d’Alsace-Moselle, à leur inscription au livre foncier. Conformément à l’article 28 du décret-loi n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, cette publication est prévue en raison des restrictions notables qu’apporte la convention aux droits du propriétaire. Elle permet ainsi l’information aux tiers sur la situation juridique des biens et de rendre opposable les conventions à l’acquéreur et aux acquéreurs successifs de ces biens.

Afin de ne pas retarder les effets de la convention, les articles L. 353-17 et L. 353-18 prévoient une prise d’effet anticipée à compter de la signature de ces conventions pour, respectivement, les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte.

La publication aux bureaux des hypothèques est une formalité contraignante pour les services de l’État et leurs délégataires. Les demandes de publication peuvent être rejetées en raison de discordances cadastrales ou d’omissions sur les propriétaires ou le bien concerné. Les conventions APL ne sont alors pas publiées.

L’article L. 353-17 précité prévoit une information des propriétaires successifs de logements conventionnés, en imposant que les actes de cession fassent mention des conventions, et subordonnent la validité de la mutation à l’engagement du nouveau propriétaire de respecter les causes de la convention. Ce cadre légal assure une information et une protection des tiers, s’agissant des acquéreurs successifs de logements conventionnés. Il ne garantit cependant pas l’information des caisses d’allocations familiales chargées de la liquidation et du paiement de l’APL, ni l’information des services de l’État et leurs délégataires, compétents pour statuer sur les demandes de financement qui ne peuvent être accordées que si l’immeuble ne fait pas déjà l’objet d’une convention. La suppression de toute forme de publicité des conventions APL n’est donc pas envisageable.

L’habilitation sollicitée au  permettra au Gouvernement de prononcer par ordonnance la simplification des formalités relatives à la publication des conventions APL pour une durée de six mois. La mesure tendrait à harmoniser les règles de prise d’effet des conventions APL pour tous les types de bailleurs et à alléger le coût de la publicité.

4. La recodification du livre IV du code de la construction et de l’habitation

Le livre IV du code de la construction et de l’habitation comporte des dispositions qui ont fait l’objet d’évolutions successives depuis la création du code en 1978. Elles nécessitent un travail de refonte au moment où le présent projet de loi lui apporte de profondes modifications, en particulier dans le domaine des attributions des logements sociaux et de la politique des loyers.

Le sollicite une habilitation de deux ans pour mener par ordonnance, en lien avec la Commission supérieure de codification, la recodification à droit constant du livre IV du code de la construction et de l’habitation.

5. L’harmonisation des règles applicables aux trois aides au logement

Dans l’état actuel du droit, l’aide personnalisée au logement (APL) relève du code de la construction et de l’habitation tandis que l’allocation de logement familiale (ALF) et l’allocation de logement sociale (ALS) procèdent du code de la sécurité sociale. Ces trois dispositifs sont gouvernés par des règles similaires qui peuvent toutefois, par des différences formelles de rédaction, entraîner des disparités de mise en œuvre :

–  le seuil de non-versement des trois aides est identique et défini au niveau réglementaire, mais par décret simple pour l’APL et l’ALF (38) et décret en Conseil d’État pour l’ALS (39;

– l’abattement réalisé sur les ressources prises en compte dans le calcul de l’aide d’un ménage, lorsque les deux conjoints exercent une activité professionnelle, relève du niveau législatif pour l’APL et du décret simple pour l’ALF et l’ALS ;

– les dispositions réglementaires applicables aux trois aides ne correspondent pas strictement entre le CCH et le CSS. L’abattement précité est réalisé dès lors que chacun des deux revenus est supérieur à un seuil égal à douze fois la base mensuelle des allocations familiales. Or ce seuil est actualisé à des dates différentes suivant les aides, d’où un écart sur le niveau de ressources annuelles pris en compte.

L’habilitation demandée par le Gouvernement au  a pour objet l’harmonisation complète des règles relatives à ces trois aides à droit constant
– sous réserve de modifications qui seraient nécessaires – par leur regroupement dans le code de la construction de l’habitation, au moyen d’une ordonnance. Un délai de deux ans est sollicité au motif de la complexité du sujet, de la nécessaire concertation avec les caisses de sécurité sociale, et de la modification requise des dispositions des ordonnances n° 2002-149 du 7 février 2002 et n° 2002-411 du 27 mars 2002 qui portent sur l’application des allocations de logement familiales et des allocations de logement sociales à Mayotte devront être modifiées.

6. L’allègement des règles relatives à la caution locative pour les personnes morales

L’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, fixe les règles spécifiques relatives au cautionnement dans les baux d’habitation. Il prévoit qu’il doit comporter, quelle que soit sa durée, diverses mentions manuscrites permettant d’assurer l’information des personnes sur la portée de leur engagement. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement, même sans grief.

Le octroie au Gouvernement, pour six mois, la capacité de préciser par ordonnance que l’obligation de mentions manuscrites n’incombe qu’aux personnes physiques se portant caution, et non aux personnes morales. Ce changement simplifiera l’activité de caution par les personnes morales, plus spécifiquement celles qui ont pour activité professionnelle le cautionnement et qui n’ignorent rien de ce qu’emporte leur signature (40).

La différenciation entre personnes physiques et morales est déjà prise en compte pour le cautionnement relevant du droit commun hors du secteur de l’immobilier. Depuis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 relative à l’initiative économique, les cautionnements souscrits par des personnes physiques envers un créancier professionnel sont soumis à un dispositif protecteur et à un formalisme particulier exigé par l’article L.341-2 du code de la consommation. Mais les personnes morales ne sont pas concernées.

7. La création d’une autorité unique pour les polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne

En France, 420 000 logements occupés sont considérés indignes. La résorption de ce stock constitue une priorité de la puissance publique. Des logements indignes peuvent être frappés d’arrêtés de police spéciale du maire ou du préfet pour imposer la réalisation de travaux et le relogement des occupants. Dans l’éventualité où le propriétaire ne défère pas dans le délai imparti, le maire ou le préfet est en droit de les réaliser d’office aux frais du propriétaire. Ce volet coercitif se prolonge dans des sanctions pénales visant les marchands de sommeil.

Le pouvoir de décision relève du préfet (insalubrité et saturnisme), du maire au nom de l’État (police des équipements communs des immeubles collectifs d’habitation) (41) ou du maire au nom de la commune (péril) (42). La dissociation du pouvoir de police (du ressort exclusif du maire) et de certaines compétences en matière de logement (prises en charge par une intercommunalité) vient compliquer davantage la définition et la mise en œuvre d’une politique locale de lutte contre l’habitat indigne. De surcroît, la mise en œuvre d’office des mesures prescrites peut, à l’intérieur d’une même police, incomber à une autorité différente de celle qui a édicté les mesures. La police la plus utilisée, celle de l’insalubrité, voit le maire chargé d’exécuter les travaux d’office, le préfet assurer l’hébergement temporaire des personnes et se substituer éventuellement au maire pour les travaux d’office.

L’article 75 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », prévoit un dispositif de transfert et de délégation des polices exercées par les maires et les préfets vers les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), afin de favoriser l’émergence de ces derniers comme acteurs uniques de la lutte contre l’habitat indigne, sauf opposition des maires concernés.

Après plus d’un an de mise en œuvre, un premier bilan du dispositif a été effectué : 302 présidents d’EPCI concernés (24 %) exercent effectivement les pouvoirs de police spéciale en lieu et place des maires (19 % sur l’intégralité du territoire de l’EPCI, 5 % sur une partie des communes membres). Il montre que la question des moyens transférés a pesé dans la décision des maires comme des présidents d’EPCI.

PRÉSIDENTS D’EPCI QUI EXERCENT LES POLICES DU CCH EN 2014

(en pourcentage des EPCI recensés dans l’enquête – taux de réponse : 73 %)

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Source : enquête annuelle EHI – DGALN/DGS/DIHAL – exploitation graphique DGALN.

Concernant les polices de lutte contre l’habitat indigne du code de la santé publique, exercées par le préfet, l’article 75 de la loi ALUR permet au préfet de déléguer ses prérogatives en matière de police de l’insalubrité, soit aux présidents d’EPCI qui ont bénéficié du transfert des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne de la part des maires, soit aux maires de communes disposant d’un service communal d’hygiène et de santé. Toutefois, le dispositif ne prévoit pas la délégation de certaines autres attributions qui s’inscrivent également dans la lutte contre l’habitat indigne : danger sanitaire ponctuel urgent (43) et en matière de lutte contre le saturnisme (44).

Les pouvoirs du préfet en matière de danger sanitaire ponctuel urgent lui permettent de prescrire au contrevenant les mesures nécessaires dans un délai imparti. À défaut d’exécution des mesures dans le délai par le contrevenant, le maire les réalise d’office aux frais de ce dernier.

Enfin, les services communaux d’hygiène et de santé (SCHS), anciens bureaux municipaux d’hygiène institués par la loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique, sont régis par les articles L. 1422-1 et L. 1422-2 du code de la santé publique. Ils relèvent de la compétence des communes ou de leurs groupements et sont chargés notamment du respect des règlements sanitaires départementaux et de la mise en œuvre d’office des mesures destinées à remédier à un danger sanitaire ponctuel imminent en matière d’habitat. Bien que la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 – complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État – ait prévu de donner compétence à l’État en matière de contrôle administratif et technique des règles d’hygiène, le législateur a concédé à titre dérogatoire que les SCHS qui exerçaient effectivement avant le 1er janvier 1984 les attributions transférées à l’État continuent d’exercer ces missions et reçoivent à ce titre la dotation générale de décentralisation (DGD).

En conséquence, un délai d’habilitation de dix-huit mois est sollicité au  pour la mise en place d’une autorité unique exerçant l’ensemble des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne. L’ordonnance poursuivrait trois objectifs :

– favoriser la création, par la métropole de Lyon et les EPCI à fiscalité propre compétents en matière d’habitat, de services intercommunaux d’hygiène et de santé en matière de lutte contre l’habitat indigne et les bâtiments dangereux, notamment au travers de mécanismes d’incitation financière. Cette mesure faciliterait l’exercice par l’EPCI des compétences en matière de lutte contre l’insalubrité qui peuvent lui être déléguées par le préfet ;

– modifier des modalités de transfert prévues à l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, aux présidents des EPCI compétents en matière d’habitat, des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne ;

– permettre au préfet de déléguer ses attributions en matière de danger sanitaire ponctuel urgent et de lutte contre le saturnisme au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat ou au maire de communes disposant d’un SCHS. La métropole du Grand Paris devra faire l’objet d’un traitement spécifique pour tenir compte, d’une part, de la situation particulière de la Ville de Paris et, d’autre part, de la répartition des compétences en matière d’habitat privé entre métropole et établissement publics territoriaux si la résorption de l’habitat insalubre et l’amélioration du parc privé ne sont pas déclarées d’intérêt métropolitain.

L’ampleur de l’incitation financière à la création de services intercommunaux de lutte contre l’habitat indigne sera définie dans l’ordonnance. À titre indicatif, les 208 SCHS percevaient 88,75 millions d’euros en 2007.

8. La correction de diverses dispositions de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a réformé deux dispositifs de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, utilisés pour traiter les difficultés des copropriétés :

– la nomination d’un mandataire ad hoc par le président du tribunal de grande instance pour analyser la situation financière de la copropriété ainsi que l’état de l’immeuble et proposer les voies de remédiation aux difficultés, procédure peu utilisée ;

– la nomination d’un administrateur provisoire exerçant des pouvoirs du syndic et de l’assemblée générale pour prendre les mesures nécessaires au fonctionnement de la copropriété, procédure à laquelle le recours a doublé en moins de dix ans. La loi ALUR a créé des outils judiciaires pour traiter le surendettement des copropriétés : un mécanisme d’apurement des dettes sur cinq ans et une procédure de restructuration de la copropriété pour en faire une entité de gestion viable lorsqu’elle est trop grande.

Les diverses mesures envisagées dans le cadre de l’ordonnance sollicitée au pour une durée de six mois consisteraient à :

– sécuriser l’avance de certains frais par l’administrateur provisoire ;

– rectifier une erreur de coordination ayant conduit à supprimer l’information du maire et du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de la désignation d’un mandataire ad hoc à la demande du syndic ;

– rectifier une incohérence juridique pour que l’administrateur provisoire, représentant légal des copropriétaires, soit mis en cause dans toutes les procédures ;

– prévoir l’impossibilité pour un administrateur provisoire d’être désigné, à l’issue de sa mission, syndic de la copropriété pour laquelle il a été nommé ;

– permettre au créancier n’ayant pu déclarer sa créance dans les délais impartis d’agir en relevé de forclusion lorsque sa défaillance n’est pas de son fait.

9. La modification de la nature juridique de la commission de contrôle mentionnée à l’article 13-5 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », a inséré dans la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite « loi Hoguet », un article 13-5 créant la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières.

Or, l’étude d’impact jointe au projet de loi fait état de « réelles difficultés dans l’organisation et le financement de cette commission » rencontrées à l’occasion de la préparation des textes d’application.

Le  confère au Gouvernement une habilitation pour déterminer par voie d’ordonnance les modalités de financement de la commission de contrôle, par le versement de cotisations acquittées par les professionnels et assises sur le montant des honoraires bruts perçus l’année précédente. Ce mécanisme s’inspire du modèle du conseil des ventes volontaires des meubles aux enchères publiques (CVV). Le Gouvernement serait également autorisé à modifier l’organisation de la commission de contrôle, notamment les modalités de désignation de ses membres. Le délai d’habilitation sollicité se monte à dix-huit mois afin de mener une concertation avec l’ensemble des acteurs.

10. La gestion des conséquences des fusions d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard de la compétence plan local d’urbanisme, document en tenant lieu et carte communale.

La fusion d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre conduit à étendre la compétence en matière de plan local d’urbanisme (PLU) à l’ensemble du nouveau périmètre du nouvel EPCI fusionné dès lors qu’un ancien EPCI détenait la compétence PLU (45).

1 500 EPCI à fiscalité propre sont appelés à fusionner pour former 800 EPCI à fiscalité propre. Parmi ceux-ci, au moins 200 seront le résultat de fusions « mixtes » où au moins un EPCI à fiscalité propre détenait la compétence PLU, et au moins un ne la détenait pas. Or, dans plusieurs départements, des réticences au processus de fusion d’EPCI à fiscalité propre sont apparues en raison d’un refus des communes de perdre la compétence PLU. L’extension automatique de la compétence obligatoire en cas de fusion d’EPCI à fiscalité propre, dès lors qu’au moins un d’entre eux détient cette compétence, a pour conséquence une hostilité aux projets de fusion prévus par les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), qui privent de fait les communes de la possibilité d’un vote de blocage selon les dispositions de l’article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR » (46).

Par ailleurs, l’émergence d’intercommunalités étendues, regroupant de nombreuses communes sur de vastes territoires, interroge le principe du PLU unique à l’échelle de l’intercommunalité.

En conséquence, le 10° habilite le Gouvernement à définir par voie d’ordonnance une période transitoire permettant d’adapter les modalités de transfert et d’exercice de la compétence pour les EPCI concernés. Compte tenu des délais fixés par la loi ALUR pour le transfert de la compétence PLU aux EPCI – trois ans après sa promulgation, soit le 26 mars 2017 –, cette habilitation est sollicitée pour six mois afin de définir les conditions dans lesquelles :

– les communes qui n’avaient pas transféré cette compétence avant la fusion pourront faire valoir leur opposition à un exercice immédiat par l’EPCI ;

– ces communes continueront à exercer cette compétence ;

– l’établissement public issu de la fusion exercera jusqu’à cette date la compétence plan local d’urbanisme, document en tenant lieu et carte communale sur le périmètre du ou des anciens établissements publics qui exerçaient cette compétence avant la fusion.

L’habilitation permet également aux EPCI de taille particulièrement importante de déroger au principe de l’élaboration d’un seul PLU intercommunal sur le territoire. Plusieurs PLUi seraient possibles sur un périmètre infracommunautaire, par exemple le périmètre des anciennes communautés, afin de donner un maximum de souplesse au dispositif.

11. La prise en compte de la diversité des situations créées par la recomposition territoriale en matière de schémas de cohérence territoriale (SCOT)

Depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi Grenelle II », l’État incite les territoires à se doter de schéma de cohérence territoriale (SCOT) (47). À partir du 1er janvier 2017, toutes les communes non couvertes par un SCOT se verront appliquer la règle d’urbanisation limitée (48). Or, les évolutions des intercommunalités, conséquences de la réforme territoriale, entraînent une recomposition des schémas de cohérence territoriale.

Dans le cadre des projets de fusion d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), environ 1 500 EPCI à fiscalité propre sont appelés à fusionner. Cette situation génère deux difficultés :

– lorsque deux ou plusieurs EPCI sont amenés à fusionner ou à se regrouper en syndicat mixte, l’article L.143-10 du code de l’urbanisme prévoit que la nouvelle entité adopter un schéma couvrant l’intégralité de son périmètre lors de la délibération qui suit l’analyse des résultats de l’application du schéma en vigueur, soit six ans après l’approbation de celui-ci. Mais la loi ne précise pas explicitement le maintien des dispositions en vigueur des SCOT antérieurement approuvés jusqu’à l’approbation du SCOT des nouveaux périmètres ;

– le code de l’urbanisme n’organise pas les conséquences des fusions sur les SCOT en cours d’élaboration. Toute expansion territoriale oblige à reprendre la procédure.

Le 11° habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour organiser la gestion des conséquences des modifications de périmètre des établissements publics porteurs des SCOT, par la modification des règles du code de l’urbanisme relatifs au périmètre, aux procédures et à l’autorité chargée de la procédure en matière de schéma de cohérence territoriale. Compte tenu de la création des EPCI fusionnés au 1er janvier 2017, cette habilitation est sollicitée pour six mois.

12. Les dispositions relatives aux ascenseurs

La directive n° 2014/33/UE du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant les ascenseurs et les composants de sécurité pour ascenseurs impose le respect d’exigences essentielles de sécurité lors de la mise sur le marché des ascenseurs et de leurs composants. Ces obligations pèsent sur les opérateurs économiques impliqués dans la commercialisation, l’installation et la mise en service des ascenseurs et des composants de sécurité pour ascenseurs.

L’introduction de ces obligations en droit français nécessite la création d’un régime de contrôle de ces obligations et de sanctions en cas de non-conformité, voué à prendre place aux articles L. 125-1 à L. 125-2-4 du code de la construction et de l’habitation.

Le 12° habilite le Gouvernement à agir par ordonnance pour une durée de six mois, compatible avec la date limite de transposition de la directive n° 2014/33/UE fixée au 19 avril 2016.

13. L’anticipation d’une mesure de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

L’article L. 111-5-4 du code de la construction et de l’habitation fixe à toute personne qui procède à des travaux sur un parc de stationnement adjacent à une construction l’obligation de doter une partie de ces places des dispositifs nécessaires à l’alimentation d’une prise pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et au stationnement de vélos.

Le D du VII de l’article 41 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte précise que l’article L. 111-5-4 s’applique aux bâtiments pour lesquels la demande de permis de construire est déposée après le 1er janvier 2017.

Le III supprime le D du VII de l’article 41 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 afin de rendre l’article L.111-5-4 du code de la construction et de l’habitation applicable dès publication de son règlement d’application.

14. La position de la Commission spéciale

La Commission spéciale a adopté un amendement du Gouvernement visant à élargir l’habilitation relative aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) dans le cadre des fusions d’EPCI. L’amendement précise, en particulier, que l’ordonnance s’attachera à traiter le cas des plans locaux d’urbanisme intercommunaux tenant lieu de programme local de l’habitat (PLUIH), dont l’évolution en cas de recomposition territoriale se heurte à des contradictions entre les dispositions qui les régissent dans le code de l’urbanisme d’une part, et celles inscrites dans le code de la construction et de l’habitation, d’autre part.

Par ailleurs, la Commission a adopté un amendement de Mme Appéré visant à assouplir les conditions de majorité permettant aux organes délibérants des EPCI à fiscalité propre de définir l’intérêt communautaire de certaines compétences. L’élargissement des périmètres intercommunaux, qui aura comme conséquence la constitution d’organes délibérants comptant un nombre plus important de membres, rendra, en effet, plus difficile à atteindre le seuil, actuellement fixé par la loi à deux tiers des membres du conseil, nécessaire à la définition de l’intérêt communautaire.

Par conséquent, afin que puisse se dégager dans de bonnes conditions la définition de l’intérêt communautaire et pour éviter que des minorités de blocage ne fassent obstacle à une volonté majoritaire d’accorder à certaines compétences ce caractère d’intérêt communautaire, cet article comptabilise la majorité qualifiée des deux tiers non plus en tenant compte des membres, mais des suffrages exprimés.

*

La Commission examine les amendements identiques CS201 de M. Sylvain Berrios, CS507 de M. François Pupponi et CS556 de M. Mathieu Hanotin.

Mme Audrey Linkenheld. Nous avons eu de longs débats, lors de l’examen de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », sur la lutte contre l’habitat indigne et l’implication conjuguée des communes et des EPCI dans cette lutte. Il me semble compliqué de revenir sur les dispositions adoptées, qui plus est par ordonnance.

Si je partage l’idée que, dès lors que les EPCI sont compétents en matière d’habitat, ils doivent également l’être matière en d’habitat indigne, et qu’il importe d’harmoniser les polices spéciales et les politiques, nous devons avant tout tenir compte de certaines réalités territoriales et financières car, à vouloir améliorer la situation, on risque parfois de l’aggraver.

M. Mathieu Hanotin. D’une ville à l’autre, la réalité territoriale peut être très différente, y compris au sein d’une même communauté d’agglomération. S’inscrire dans une logique qui ne tiendrait pas compte de ces spécificités pour s’en remettre aux seuls EPCI, c’est prendre le risque d’un nivellement par le bas des services. Pour ne prendre que l’exemple de Plaine Commune, le service d’hygiène et de sécurité d’Aubervilliers est exemplaire, mais celui de Saint-Denis est défaillant, le premier étant capable d’intervenir dans les deux mois suivant une demande, tandis qu’il faut, à Saint-Denis, attendre entre six mois et un an. Le bilan que l’on peut tirer de la communautarisation des services n’est pas toujours positif, et il est donc essentiel de mettre en place des procédures qui tiennent compte de la réalité locale, tout en renforçant les obligations des maires, y compris par l’instauration de sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Notre objectif est identique : lutter contre l’habitat insalubre et empêcher que ne se reproduise ce qui est arrivé la semaine dernière à Saint-Denis.

À partir du rapport de Claude Dilain sur les copropriétés dégradées, la loi ALUR a conduit à des évolutions importantes. L’article 33 du présent projet de loi, qui habilite le Gouvernement à prendre des mesures de lutte contre l’habitat indigne, s’inscrit dans le prolongement de la loi ALUR et renforce, dans un souci de simplification, la compétence des EPCI en la matière.

Je partage le constat de Mathieu Hanotin sur la grande disparité qui existe sur le terrain entre l’action des différentes polices. Il nous faut donc gagner en efficacité, ce qui exige de réformer les dispositifs.

Les ordonnances ont été élaborées avec l’aide de parlementaires très impliqués sur ces questions, et j’entends que nous poursuivions ensemble ce travail, en marge de l’examen de ce projet de loi, même si cela ne suffira pas à aplanir toutes les difficultés, sachant qu’il y a également un problème de manque de moyens de police et de justice, et que les communes, lorsqu’elles intentent une action contre des marchands de sommeil, se voient malheureusement souvent déboutées.

Mme Audrey Linkenheld. J’entends l’engagement que prend la ministre d’associer les parlementaires à l’élaboration des ordonnances, mais je tiens à préciser que je n’ai été associée à aucun travail collaboratif en amont de ce projet de loi, alors que je suis élue dans l’une des régions les plus touchées par le fléau de l’habitat indigne, et où ont été menées des expériences dont certaines se sont révélées très positives.

En ce qui concerne la fusion des services communaux d’hygiène et de santé, je rappelle qu’ils bénéficient depuis les années 1980 de dotations de l’État. Je n’ai aucune difficulté à transférer ma compétence communale à l’intercommunalité, j’y suis même favorable, à condition toutefois que, demain, les moyens de l’intercommunalité soit ajustés au nombre de communes concernées : il n’est pas question que les moyens du service communal d’hygiène et de santé de la ville de Lille servent à couvrir les besoins des 84 communes de l’EPCI.

Nous n’avons pas de problème avec les orientations stratégiques proposées. Ce qui nous inquiète, ce sont les moyens. Or, depuis le vote de la loi ALUR, aucune preuve concrète ne nous a été apportée du fait que, au-delà du transfert de compétences, les moyens financiers et humains seraient donnés aux EPCI pour lutter efficacement contre l’habitat indigne, alors même que, sur le terrain, on ne manque pas d’idées pour faire avancer les choses.

M. Daniel Goldberg. L’examen du projet de loi ALUR avait été, il y a deux ans, l’occasion d’un débat approfondi sur les pouvoirs de police spéciale en matière d’habitat, et sur le niveau le plus pertinent en matière d’attribution des compétences, pour mettre en œuvre des stratégies intercommunales qui répartissent équitablement l’effort entre les communes.

Ce débat, aujourd’hui, nous devons l’avoir avec le Gouvernement car, si la compétence en matière de polices spéciales de l’habitat a été transférée des communes aux EPCI, la liste des services communaux d’hygiène et de santé auxquels l’État a délégué ses compétences est figée depuis 1983 par le ministère de l’intérieur. C’est donc au Gouvernement de rendre des comptes sur les moyens alloués aux communes pour faire face à des situations parfois très difficiles, sans quoi nous risquons en effet un nivellement de ces services par le bas, certaines communes ayant à régler des situations dont elles ne sont pas responsables. Dans ces conditions, on ne peut se permettre d’attendre que la loi ait été votée pour associer les parlementaires à l’élaboration des ordonnances.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je n’ai jamais dit que nous attendrions la promulgation de la loi pour travailler ensemble, mais que nous travaillerions aux ordonnances parallèlement à l’examen du projet de loi par les deux chambres.

Par ailleurs, et sans minimiser les questions que vous soulevez, il faut certes que l’État assume ses responsabilités dans la lutte contre l’habitat insalubre, mais je ne veux que les communes soient exonérées ni de ce qui relève de leurs compétences ni de ce qui résulte de leurs défaillances, cela dit sans mettre en cause aucune des personnes présentes ici, dont je connais la mobilisation sur le sujet.

Il est important que l’ensemble des territoires se dotent enfin des moyens de lutter durablement contre l’habitat insalubre, ce qui passe par l’adoption de plans stratégiques à long terme.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS964 et CS965 des rapporteurs.

Elle en vient ensuite à l’amendement CS508 de M. François Pupponi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable. L’habilitation ne traite que des transferts de polices et non de leur simplification.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CS865 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Il s’agit d’élargir le champ de l’ordonnance concernant le plan local d’urbanisme (PLU), afin de tenir compte de la diversité des situations créées par la recomposition territoriale, notamment pour les plans locaux d’urbanisme intercommunaux tenant lieu de programmes locaux de l’habitat (PLUIH). Cela permettra de résoudre dans ce dernier cas les contradictions existant entre les dispositions contenues dans le code de l’urbanisme et celles contenues dans le code de la construction et de l’habitation.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS860 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement concerne la ratification de l’ordonnance prise le 25 mars 2016 sur l’harmonisation des procédures d’autorisation d’urbanisme avec les procédures relevant du code de l’environnement.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS861 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement introduit la ratification de l’ordonnance, prise à la suite de la loi ALUR, qui simplifie les modalités d’information des acquéreurs de lots de copropriété à usage total ou partiel d’habitation.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Audrey Linkenheld. Puisqu’il est question de la loi ALUR, j’en profite pour signaler que nous attendons toujours ses décrets d’application en matière d’habitat indigne, qui permettraient à ceux qui font déjà bien leur travail de le faire encore mieux. Je pense en particulier à la déclaration de mise en location et au permis de diviser, qui sont des outils essentiels pour ceux qui sont sur le terrain.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Pour votre information, ce décret devrait être renvoyé devant le Conseil d’État très prochainement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CS541 de Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. J’ai compris que ni la ministre ni les rapporteurs ne souhaitaient rouvrir, à la faveur de ce projet de loi, des débats tranchés à l’occasion de l’adoption des lois MAPTAM et NOTRe. Néanmoins, je souhaiterais rectifier une erreur matérielle inscrite dans cette dernière. En contradiction avec une disposition votée par l’Assemblée nationale et non remise en cause par la commission mixte paritaire (CMP), les conditions de définition de l’intérêt communautaire par les organes délibérants ont été modifiées dans la version définitive de la loi. Afin de sécuriser cette notion d’intérêt communautaire, sur laquelle pèsent aujourd’hui des incertitudes liées à une décision de 2004 d’un tribunal administratif, décision qui n’a jamais été confirmée par aucune juridiction supérieure, nous demandons que, lors des délibérations des conseils communautaires des EPCI, soient pris en compte les suffrages exprimés et non la totalité des membres.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

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Article 33 bis [nouveau]
(art. L. 111-6 bis du code de la construction et de l’habitation)

Création du « 1 % associatif et culturel »

Cet article, adopté à l’initiative de votre rapporteur général, instaure la règle dite du « 1 % associatif et culturel ».

Il s’agit de restaurer, tout en l’adaptant, le dispositif des locaux collectifs à l’usage des résidents, mis en place par la loi n° 82- 526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, dite « loi Quilliot », et qui imposait la construction de tels locaux dans « tout bâtiment ou ensemble de bâtiments d’habitation de plus de cinquante logements ». Cette obligation avait été supprimée par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 (49).

Le présent article prévoit ainsi que dans le cadre de la construction d’un bâtiment d’habitat collectif d’au moins 50 logements, une surface équivalant à au moins 1 % de la surface totale soit consacrée à des locaux à usage collectif pour les résidents.

À défaut d’un tel aménagement, le constructeur serait tenu de verser une somme équivalant au coût de la construction de la surface afférente à une structure associative. Ce dispositif « de substitution » n’était pas prévu par la loi de 1982.

*

La Commission examine l’amendement CS1018 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Jusqu’en 1986 existait une disposition qui faisait obligation aux bailleurs de prévoir la construction de locaux à usage associatif dans les bâtiments d’habitation de plus de cinquante logements. Je souhaite – c’est une position qui m’est propre, et que ne partage pas mon collègue rapporteur – réintroduire cette obligation dans la loi, conformément au vœu exprimé dans plusieurs ateliers législatifs citoyens, comme sur la plate-forme citoyenne mise en place par le Gouvernement.

Un bailleur social se doit en effet de contribuer au vivre-ensemble, et il me semble que cet amendement s’inscrit parfaitement dans l’esprit de ce projet de loi, même si le pourcentage qu’il propose peut faire l’objet de discussions.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je n’ai normalement pas d’avis à formuler sur un amendement du rapporteur général, même si ce dernier a rendu public notre désaccord... (Sourires.)

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je suis défavorable à l’amendement, même si je ne suis pas en désaccord avec l’objectif recherché, qui est que l’on puisse prévoir des lieux partagés dans les programmes d’habitation.

Instaurer une obligation de cette nature pour tous les programmes de plus de cinquante logements sociaux, quels que soient les besoins et la capacité du quartier ou de la ville concernée, ne me semble pas une bonne chose. Pourquoi, d’ailleurs, faire porter cette obligation sur le seul logement social ? Pourquoi ne pas viser le parc privé, où il existe des programmes qui relèvent de l’habitat participatif pour lesquels des collectifs d’habitants agissent pour mettre des locaux en commun, y compris dans leur propriété privée ?

Le Gouvernement défend depuis deux ans des mesures de simplification et un plan de relance de la construction, avec un objectif de 500 000 logements par an. Si vous mettez en place une obligation de cette nature, le coût de l’ensemble des programmes augmentera dans une proportion non négligeable.

De plus, il existe tellement de locaux associatifs vides dans les programmes HLM que certaines communes ont dû créer des sociétés d’économie mixte (SEM) pour traiter ce problème.

Je vous mets donc vraiment en garde contre l’instauration d’une telle obligation. Il est louable d’en faire un objectif du bien-vivre et du bien-être, et il me semble que des réflexions doivent être menées, y compris à l’échelle municipale, mais il ne peut y avoir de généralisation.

Je rappelle que certains programmes d’habitat très particuliers sont soumis à des obligations en la matière : les pensions de famille, les résidences sociales, les résidences étudiantes, les résidences pour jeunes actifs… Adopter l’amendement amènerait à soumettre quasiment toutes les opérations aux mêmes obligations. Les conséquences d’une telle décision seraient telles qu’elles justifient notre désaccord.

M. le rapporteur général. Je crois pourtant que cette mesure est conforme à l’esprit du texte. Adoptons l’amendement, quitte à modifier le dispositif en séance publique. On peut parfaitement estimer que le seuil de cinquante logements est trop bas, et vouloir le modifier. Sur ce plan, je me fie à l’expertise et à l’analyse de la ministre.

Je tiens toutefois à rappeler qu’avant 1986, cela fonctionnait très bien…

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cela ne fonctionnait pas !

M. le rapporteur général. Nous nous sommes référés aux débats parlementaires de l’époque pour rédiger l’amendement. Il faudra que nous revenions sur la question du coût mais, sur le fond, je ne vois pas où est le problème. Nous nous honorerions à dire, par exemple, que le bailleur, à partir de cent ou de cent cinquante logements construits, doit favoriser le vivre-ensemble en mettant à disposition des locaux d’usage collectif.

Sur le plan économique, c’est parfaitement faisable. J’en veux pour preuve que certaines municipalités se sont déjà engagées dans cette voie. Il n’y a pas d’obstacle financier dès lors qu’il y a une volonté politique. Les conséquences de cette démarche sont à ce point bénéfiques, elle fonctionne tellement bien, que nous avons tout intérêts à l’inscrire dans la loi.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je n’ai pas fait état jusqu’à maintenant des responsabilités qui sont les miennes au niveau local, mais il se trouve que je préside deux organismes de logement social. Aujourd’hui, leurs charges sont très largement supérieures à celles qu’elles devaient assumer dans les années 1980. On leur demande désormais à la fois de produire des logements de qualité, et de mettre aux normes le parc existant. Le coût d’un logement social a quasiment doublé en vingt ans.

Avant d’adopter la disposition qui nous est proposée, il faudrait en mesurer l’impact, ce qui n’a pas été fait.

Comme le rapporteur général l’a indiqué, je suis opposé à la mesure proposée. Il faut trouver une autre approche, car, pour des raisons économiques, elle semble difficile à mettre en œuvre aujourd’hui.

M. Jean-Noël Carpentier. Je ne suis pas du tout défavorable à cet amendement. Il comporte peut-être quelques défauts dans sa rédaction, mais nous savons tous très bien que nombreux sont les endroits où les locaux sociaux manquent. Certes, dans d’autres zones, on peut avoir du mal à trouver des locataires, mais ce n’est pas le cas de figure majoritaire, bien au contraire.

On demande souvent aux collectivités locales de consentir un effort supplémentaire pour la mise à disposition de tels locaux. Si ce financement est déjà intégré dans les opérations immobilières, cela permettra à tout le monde de faire des économies. L’amendement prévoit que les locaux représenteront 1 % de la surface totale des logements construits ; ce n’est pas énorme. Pour la construction de cinquante logements de cent mètres carrés chacun, cela représente seulement cinquante mètres carrés. Ce n’est pas de nature à mettre en péril le secteur de la construction dans notre pays ! Pour ma part, je suis favorable à la généralisation de la mesure aux logements privés comme publics.

Mme Audrey Linkenheld. Les temps ont changé. Les aspirations de la population sont sans doute les mêmes que dans les années 1980, mais elles s’expriment différemment. Contrairement à ce qui a pu être dit, ce n’est probablement pas dans les grandes opérations que les habitants cherchent à disposer de ce type de locaux communs résidentiels. Il est d’ailleurs très difficile de continuer à faire vivre ceux qui existent déjà, car les habitants ne s’en occupent plus comme ils le faisaient auparavant. Les collectivités sont de plus en plus appelées à se substituer à ces derniers, y compris par l’intermédiaire d’associations subventionnées par de l’argent public, denrée devenue rare aujourd’hui.

Les aspirations des habitants en la matière se traduisent désormais autrement. Ils vont notamment vers l’habitat participatif, et préfèrent les opérations de petite taille, privées ou sociales, dans lesquelles ils recherchent ce qu’ils appellent des « espaces mutualisés ».

J’espère que cet amendement sera retiré, mais il devrait permettre à Mme la ministre de rappeler les outils qui existent encore pour financer ce type de locaux et l’état des réflexions sur l’accompagnement de ces espaces mutualisés, que ce soit dans l’habitat classique ou dans l’habitat participatif. Je dis tout cela en présence du sous-directeur de la législation de l’habitat, avec qui nous avons ces débats incessants dans le réseau de l’habitat participatif.

Il existe sur ces sujets une demande citoyenne, mais aussi une demande des collectivités qui posent la question des financements.

M. Mathieu Hanotin. Je suis d’accord avec Audrey Linkenheld. Je comprends la volonté des auteurs de l’amendement, mais je ne pense pas qu’une règle générale s’appliquant à tous soit la bonne solution. Une mesure incitative, de nature fiscale par exemple, au bénéfice des programmes prévoyant ces espaces mutualisés, serait sans doute plus appropriée. Ce n’est pas dans les programmes publics, mais plutôt dans l’habitat privé que cette disposition serait utile.

M. le rapporteur général. Je rappelle que nous ne travaillons pas sur le stock de logements existant, mais sur le flux. En effet, dans le parc locatif privé ou l’habitat coopératif participatif, la première chose sur laquelle les gens se mettent d’accord est le local du vivre-ensemble. Je ne vois pas pourquoi une revendication constante de ceux qui décident de vivre ensemble dans un logement participatif perdrait son intérêt dans le logement social.

Je suis d’accord pour travailler sur la modulation et sur les seuils. Tous les territoires ne se ressemblent pas, mais tous les élus sont confrontés à cette situation : des associations de femmes, ou de jeunes, naissent et ont besoin de se retrouver et d’avancer ensemble.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. La volonté de partager et le vivre-ensemble ne se décrètent pas. Des gens décident, à certains endroits, de consacrer deux ans de leur vie à participer à des réunions pour concevoir ensemble leur projet d’habitat. Et deux ans, c’est le temps nécessaire dans les meilleurs cas ! Il faut plutôt en compter cinq. Certains programmes marchent très bien, mais c’est le fruit d’un travail préalable.

Si les choses marchaient si formidablement que cela, nous n’aurions pas aujourd’hui de locaux vides que les bailleurs nous demandent de rentabiliser parce qu’ils n’arrivent pas à le faire. Je suis désolé de le répéter, mais il n’est pas adapté de mener ce débat ici, sans les bailleurs sociaux, en posant une règle générale au niveau national alors que nous essayons de travailler sur la mixité sociale en nous adaptant aux territoires. Chaque ville, voire chaque quartier, connaît des situations différentes.

Imposer une telle mesure n’aura qu’un seul effet : elle ne sera pas appliquée et constituera un nouveau frein qui nous sera opposé. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de besoin de locaux associatifs, mais pourquoi faudrait-il imposer cette obligation aux seuls programmes de logements sociaux ? Pourquoi ne pas le faire, par exemple, dans les centres commerciaux ? Pourquoi le vivre-ensemble serait uniquement dans le logement social ? Nous avons une floraison de centres commerciaux qui ruinent nos paysages, mais on ne cherche pas à savoir s’il faut y prévoir des locaux sociaux ouverts aux associations.

Le débat est plus large, évitons les mesures trop étendues, donc inefficaces.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 33 bis

La Commission examine l’amendement CS146 de M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Cet amendement a une portée symbolique forte. Pour aller à l’essentiel, un incendie dramatique a eu lieu à Saint-Denis la semaine dernière, causant malheureusement cinq décès. Il fait suite à un premier incendie en 2012, qui avait causé la mort de trois personnes.

Nous avons beaucoup travaillé sur la question de l’habitat indigne et insalubre pendant la loi ALUR. Mais ces questions ne ressortent qu’à l’occasion des drames. Cet amendement propose donc de faire de la lutte contre le logement indigne et insalubre une grande cause nationale en 2017.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je partage évidemment la préoccupation de M. Hanotin, mais, son amendement n’ayant aucune portée normative, j’y suis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable. L’attribution du label « grande cause nationale » relève du Premier ministre.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CS775 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement porte sur l’habitat indigne pavillonnaire. Depuis des années, en zone tendue, de nombreux pavillons sont démembrés en plusieurs logements sans que la réglementation soit claire, nette ni précise. Dans certains pavillons trois, quatre, voire cinq logements sont créés. Souvent, ce sont des marchands de sommeil qui utilisent ces pavillons.

Il faut prendre le problème en amont, et notamment permettre aux maires, qui ont la prérogative de délivrer les permis de construire, de stopper ce processus et de mettre en place un dispositif normatif et administratif empêchant les vendeurs de sommeil de diviser sans en informer les autorités compétentes.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Un arrêté sur ce sujet sera pris d’ici la fin de la discussion législative.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CD776 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement est dans l’esprit du précédent.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CS555 de M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Vu le nombre trop important de victimes d’incendies dans notre pays, il est proposé d’instaurer une sanction pénale pour les propriétaires qui n’installent pas de détecteurs de fumée, ainsi que pour les locataires qui n’entretiendraient pas leur dispositif.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.

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Article 33 ter [nouveau]
(art. L. 342-2, L. 342-3, L. 342-3-1 [nouveau], L. 342-9, L. 342-11, L. 342-14, L. 342-15, L. 342-16, L. 342-21, L. 452-4, L. 452-4-1, L. 452-5 et L. 452-6 du code de la construction et de l’habitation)

Adaptation des missions de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

Cet article, introduit par le Gouvernement en commission, a pour objet d’adapter certaines dispositions relatives à l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) afin d’améliorer son fonctionnement, à la lumière de l’expérience de sa première année d’existence.

Cet article confère à l’ANCOLS le pouvoir de contrôler le respect des engagements pris par les organismes de logement social dans le cadre des protocoles d’aides de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

L’article précise, par ailleurs, que la mission d’évaluation de l’ANCOLS peut s’exercer à différents niveaux d’approche des organismes concernés. Les études peuvent être transversales ou ciblées, mais également couvrir un secteur particulier, et les contrôles individuels peuvent apporter une évaluation de la performance de l’organisme dans les différents aspects de sa gestion.

Cet article clarifie également les règles relatives à la saisine de l’ANCOLS en prévoyant que le ministre chargé du logement puisse saisir directement l’agence des manquements aux obligations de toute nature incombant aux organismes de logement social.

Cet article permet, en outre à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) de saisir l’ANCOLS afin que celle-ci contrôle sur place les cotisations recouvrées par la caisse. La CGLLS est alors destinataire des informations recueillies sur place par l’agence.

Enfin, cet article réforme le régime des sanctions applicables sur propositions de l’ANCOLS. Il attribue le produit des sanctions financières à la Caisse de garantie du logement locatif social en lieu et place de l’Agence, dont le conseil d’administration propose l’application des sanctions au ministre du logement. En outre, par souci de simplification et d’effectivité des sanctions proposées par l’agence, cet article supprime la double signature de ces sanctions par le ministre chargé des collectivités territoriales, en sus du ministre chargé du logement, lorsqu’elles concernent les offices publics de l’habitat et les sociétés d’économie mixte.

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La Commission est saisie de l’amendement CS863 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement vise à adapter certaines dispositions relatives à l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) pour améliorer son fonctionnement. Il vous est proposé d’étendre son champ de contrôle et de préciser ses modalités de saisine.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement.

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Article 33 quater [nouveau]
(art. L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation)

Obligation de comptabilité séparée des organismes HLM

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objet d’inscrire, dans l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, l’obligation de distinction comptable des activités des organismes HLM relevant du service d’intérêt économique général (SIEG) et celles qui n’en relèvent pas.

L’article L. 411-2 du CCH relatif au SIEG du logement social fait, en effet, explicitement référence à la Décision 2012/21/UE de la Commission européenne relative aux aides d’État sous la forme de compensation de service public. Cette décision pose, dans son article 5.9, le principe d’une comptabilité interne qui indique séparément les coûts et les recettes liés au SIEG du logement social et ceux liés aux autres services.

Pour se mettre en conformité aux obligations européennes, cet article prévoit donc que cette obligation s’appliquera aux exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2018.

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La Commission aborde l’amendement CS1008 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans le code de la construction et de l’habitation l’obligation de tenir des comptabilités séparées pour les activités relevant du service d’intérêt général et pour celles n’en relevant pas.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 quinquies [nouveau]
(art. L. 421-6 du code de la construction et de l’habitation)

Rattachement des offices publics de l’habitat à un syndicat mixte

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, vise à permettre à un office public de l’habitat (OPH) d’être rattaché à un syndicat mixte composé de plusieurs EPCI compétents en matière d’habitat ou à syndicat mixte composé d’un département et d’un ou plusieurs EPCI compétents en matière d’habitat.

Le rattachement d’un OPH à de tels syndicats mixtes peut, en effet, permettre des coopérations efficientes sur un territoire qui va au-delà de la seule intercommunalité dans un souci d’efficacité des politiques publiques.

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La Commission examine ensuite l’amendement CS1009 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement prévoit la possibilité de rattacher un office public de l’habitat à un syndicat mixte.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 33 quinquies

Elle en vient à l’amendement CS627 de M. Marcel Rogemont.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je souhaite le retrait de cet amendement, car nous avons adopté hier un amendement du Gouvernement qui devrait régler la question des boni de liquidation.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Vous avez effectivement adopté hier un amendement à l’article 28, visant à lutter contre certains contournements, constatés sur le terrain, des dispositions de la loi ALUR.

L’amendement est retiré.

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Article 33 sexies [nouveau]
(art. L. 421-11 du code de la construction et de l’habitation)

Présidence des offices publics de l’habitat

Cet article a été introduit à l’initiative des rapporteurs.

La loi ALUR puis la loi NOTRe ont prévu le rattachement des offices publics de l’habitat communaux aux EPCI compétents en matière d’habitat à partir du 1er janvier 2017. Les conseils d’administrations élus en 2014 vont donc être renouvelés.

Pour garantir une stabilité des offices lors des évolutions intercommunales à venir, cet article vise à permettre, de manière transitoire, aux anciens présidents, conseillers municipaux non membres de l’organe délibérant de l’EPCI, de conserver leur présidence sous réserve d’être désignée comme personnalité qualifiée par l’EPCI.

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La Commission examine l’amendement CS1010 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement permet de confier la présidence d’un office à une personnalité qualifiée, jusqu’en 2021.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 septies [nouveau]
(art. L. 631-11 du code de la construction et de l’habitation)

Missions des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS)

Cet article, introduit à l’initiative du Gouvernement, vise à rénover et élargir les missions des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS).

Créées par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL), les résidences hôtelières à vocation sociale sont un produit à vocation sociale ouvert à un public qui souhaite disposer d’un hébergement pour une courte durée notamment les jeunes et les apprentis en mobilité professionnelle.

Cependant, ce dispositif demeure peu développé aujourd’hui. Afin de donner un nouvel élan aux RHVS, cet article élargit leur mission à l’hébergement des personnes devant bénéficier d’un accueil inconditionnel.

À cette fin, lorsque l’exploitant s’engage à réserver la plus grande partie de sa résidence aux personnes défavorisées ainsi qu’aux personnes accueillies à titre inconditionnel et orientées par l’État, cet article précise que les critères relatifs aux logements sont assouplis et qu’un accompagnement social doit être organisé.

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La Commission en vient à l’amendement CS862 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Cet amendement vise à assouplir les contraintes pesant sur la transformation d’hôtels en résidences hôtelières à vocation sociale, notamment en zone périurbaine.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 33 septies

Elle aborde ensuite l’amendement CS628 de M. Marcel Rogemont.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement présentant un fort risque d’inconstitutionnalité, je souhaite son retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable, bien que je sois sensible à l’intention de ses auteurs.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis. Il conviendra de trouver une autre solution au problème soulevé.

L’amendement est retiré.

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Article 33 octies [nouveau]
(art. L. 412-1 et L. 412-3 du code des procédures civiles)

Harmonisation des procédures d’expulsion pour toutes les formes d’habitat

Cet article, introduit à l’initiative des rapporteurs, a pour objectif d’uniformiser les procédures civiles d’exécution dès lors que l’expulsion est exécutée sur un lieu habité, et ce quel que soit le type d’habitat. Cette uniformisation doit mettre fin aux inégalités existantes selon les formes d’habitat, afin que les personnes dont le domicile est un habitat précaire puissent jouirent des mêmes droits que les occupants de bâtis.

L’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’expulsion d’un immeuble ou d’un « lieu habité » ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice. Cette formulation légale vise tout type d’habitat, même informel, comme en atteste la jurisprudence ancienne sur ce sujet. Cependant, ce n’est pas le cas de l’octroi de différents délais applicables lors de la poursuite de la procédure d’expulsion, notamment ceux suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux (L. 412-1) ou ceux pouvant être accordés par le juge pour libérer les lieux (L. 412-3). La Cour européenne des droits de l’Homme a précisé que la notion de « domicile », telle qu’entendue par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie privée et familiale) ne se limite pas au domicile légalement occupé ou établi (Winterstein c. France, 17 octobre 2013).

Cet article harmonise donc la législation et la jurisprudence interne - encore divergente – en cohérence avec le droit européen. Il appartiendra au juge, au regard du cas d’espèce, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété et du droit au logement, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité.

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La Commission étudie l’amendement CS1007 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objectif d’uniformiser les procédures civiles d’exécution, quel que soit le type d’habitat.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable à cet amendement qui permettra de traiter des cas atypiques.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 nonies [nouveau]
(art. L. 300-1 du code de l’urbanisme)

Harmonisation des champs d’opération des sociétés publiques locales et des sociétés publiques locales d’aménagement

Cet article, introduit à l’initiative du rapporteur général, vise à lever une ambiguïté rédactionnelle afin que les opérations d’aménagement accessibles aux sociétés publiques locales et aux sociétés publiques locales d’aménagement soient identiques.

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La Commission adopte l’amendement CS1176 du rapporteur général.

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Article 33 decies [nouveau]
(art. 40 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986)

Dispositions applicables aux logements meublés des sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux

Cet article, introduit à l’initiative du rapporteur général, a pour objet d’exclure les logements sociaux appartenant aux sociétés d’économie mixte (SEM) du champ d’application des articles 25-3 à 25-11 de la loi n° 89-432 du 6 juillet 1989 qui réglementent les rapports entre les bailleurs et les locataires dans les logements meublés.

La loi ALUR a étendu à ces logements certaines protections existantes pour les locations nues. Seuls les logements meublés du parc locatif libre étaient toutefois visés par cette extension. Or, par erreur, la rédaction de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 résultant de la loi ALUR a rendu les dispositions relatives aux meublés également applicables aux logements conventionnés. L’article 89 de la loi dite « Macron » a en conséquence modifié le quatrième alinéa du III de l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 afin d’exclure du champ d’application des articles 25-3 à 25-11 de cette loi les « logements régis par une convention conclue en application de l’article L. 353-14 du code de la construction et de l’habitation ». Cependant, les « logements régis par une convention conclue en application de l’article L. 353-14 du code de la construction et de l’habitation » ne visent que les logements sociaux appartenant aux organismes d’HLM et non ceux appartenant aux SEM.

Le présent article a donc pour objet d’effectuer un correctif à une erreur manifeste de la loi en excluant également les logements sociaux appartenant aux SEM du champ d’application des dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

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La Commission aborde ensuite l’amendement CS1177 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à assurer une égalité de traitement entre les logements meublés conventionnés des sociétés d’économie mixte et les logements meublés conventionnés des organismes HLM.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 undecies [nouveau]
(art. L. 302-1du code de la construction et de l’habitation, loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, art. L. 312-5-3 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 111-6-1-1, L. 301-3, L. 301-5-1, L. 301-5-2, L. 302-1, L. 303-1, L. 421-1, L. 422-2, L. 422-3, L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-1-2, L. 441-1-4, L. 441-2-3, L. 442-8-1-1, L. 634-1, L. 635-1 et L. 635-10 du code de la construction et de l’habitation, art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques)

Traduction des besoins d’habitat des gens du voyage dans les documents de planification

Cet article, adopté à l’initiative des rapporteurs et de M. Dominique Raimbourg, président de la commission des Lois, est le premier d’une série
– jusqu’à l’article 33 quindecies – inscrivant dans le texte les dispositions d’une proposition de loi déposée par M. Raimbourg, relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 juin 2015, cette proposition de loi n’a toujours pas été examinée par le Sénat (
50). Il est donc nécessaire de l’« importer » dans le présent projet de loi.

Ce premier article répond à une recommandation formulée par la Cour des comptes en octobre 2012 (51), dans son rapport thématique sur l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage : les besoins d’habitat adapté de ces personnes doivent être mieux traduits dans les documents de planification.

Il s’agit en l’occurrence d’inscrire les besoins d’accueil et d’habitat des gens du voyage vivant en résidence mobile, en fonction des besoins territorialement identifiés, au sein des documents suivants :

– d’une part, le programme local de l’habitat, document d’observation, de définition et de programmation des investissements et des actions en matière de politique du logement à l’échelle d’un territoire ;

– d’autre part, le plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, mis en place par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Par ailleurs, à la demande des acteurs de ce domaine, cet article rétablit l’appellation de « plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées » (PDALHPD), qui avait été remplacée par celle de « plan local d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées » par l’ordonnance n° 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon, suscitant des interrogations sur la volonté du législateur de changer l’échelle de mise en place de ce document de planification.

Enfin, cet article vise à simplifier la comitologie en supprimant l’avis qui doit être rendu par le conseil départemental d’insertion sur le PDALHPD.

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La Commission examine l’amendement CS909 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement a pour objet d’intégrer la proposition de loi Raimbourg, du nom du président de notre commission des lois qui en est l’auteur, relative aux gens du voyage.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 duodecies [nouveau]
(art. L. 102-1 du code de l’urbanisme)

Permettre à l’autorité administrative de qualifier les aires d’accueil des gens du voyage de projet d’intérêt général

Cet article vise à permettre à l’autorité administrative de qualifier les aires d’accueil des gens du voyage de projet d’intérêt général. Dans les schémas départementaux, les obligations en matière d’accueil ne sont pas toujours très précises. Dans certains les cas, lors de la mise en œuvre des schémas, cette imprécision a empêché une localisation précise de l’équipement, les différentes communes se renvoyant la responsabilité sans faire de choix, ou découpant leurs obligations, et rendant ainsi impossible leur réalisation. En cas d’obstruction de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), afin de ne pas satisfaire aux obligations prévues dans le schéma départemental, il semble donc nécessaire que le préfet puisse adapter les documents d’urbanisme.

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La Commission est saisie de l’amendement CS910 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement vise à intégrer dans le projet de loi certaines dispositions de la proposition de loi de notre collègue Dominique Raimbourg, relative aux gens du voyage.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 terdecies [nouveau]
(art. L. 3641-1, L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5215-20-1, L. 5216-5, L. 5217-2 et L. 5219-1 du code général des collectivités territoriales)

Donner la compétence « terrains familiaux locatifs » aux établissements publics de coopération intercommunale

Cet article vise à donner la compétence « terrains familiaux locatifs » aux EPCI (communautés de communes, urbaines et d’agglomération, métropoles, dont Lyon et Grand Paris).

En effet ces derniers disposent déjà de la compétence relative aux aires d’accueil des gens du voyage. Or, la compétence « terrains familiaux locatifs », comme celle relative aux aires, est une compétence nécessitant la mise en œuvre de moyens importants tant d’un point de vue technique que financier.

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La Commission en vient à l’amendement CS928 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Il s’agit également d’intégrer des dispositions de la proposition de loi de Dominique Raimbourg.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis défavorable, en revanche, à cet amendement qui vise à donner la compétence « terrains familiaux locatifs » aux EPCI à fiscalité propre. Ces derniers, depuis les lois MAPTAM et NOTRe, sont compétents en matière d’aménagement et de gestion des aires d’accueil, mais nous ne souhaitons pas élargir leur champ de compétence obligatoire.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 33 quaterdecies [nouveau]
(loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage)

Renforcer les pouvoirs de substitution du préfet en matière de construction d’aires d’accueil

Cet article modifie les articles 1er à 4 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, défendue par M. Louis Besson, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’Équipement, des Transports et du Logement, chargé du Logement, afin de renforcer les pouvoirs de substitution du préfet en matière de construction d’aires d’accueil.

Le proclame la participation des communes dans l’accueil des gens du voyage, dont le mode d’habitat est pris en compte par les politiques nationales et locales. Il précise que le schéma départemental, conjointement élaboré par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental et mis à jour tous les six ans au moins, détermine les communes où devront être réalisées les aires permanentes d’accueil, les terrains spécialement aménagés, et les aires de grand passage, étant entendu que les communes de plus de 5 000 habitants y figurent obligatoirement. Les terrains mis à disposition par des personnes privées ou par des employeurs sont recensés en annexes. Comme le droit actuel, le 1° prévoit que le schéma définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement des rassemblements sur ces aires.

Le  confie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités d’aménagement et de fonctionnement des aires et terrains d’accueil. Il vise également à faciliter la réalisation de ces aires et terrains par les EPCI.

Le ouvre la possibilité, pour le préfet, de mettre en œuvre une procédure de consignation des fonds communaux ou intercommunaux dans les mains d’un comptable public en cas de refus caractérisé et après échec de toutes les tentatives de conciliation destinées à ce que la commune ou l’EPCI mette en œuvre les prescriptions du schéma départemental. À l’expiration d’un délai de six mois et en l’absence de réaction de la collectivité concernée, l’État se substitue à elle et fait procéder à ses frais aux mesures nécessaires.

Le procède à des coordinations.

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La Commission examine l’amendement CS907 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement reprend également l’une des dispositions de la proposition de loi de Dominique Raimbourg.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis très favorable.

La Commission adopte l’amendement CS907.

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Article 33 quindecies [nouveau]
(loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage)

Amélioration du régime d’évacuation forcée des campements illicites

Cet article améliore le régime d’évacuation forcée des campements illicites dans les communes ou les EPCI compétents respectant les prescriptions du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Il procède également à diverses coordinations.

Dans une commune qui remplit ses obligations au regard de l’accueil des gens du voyage, le maire peut, en application de l’article 9 de la loi précitée du 5 juillet 2000, interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées. En cas de violation de l’arrêté municipal, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. Cette mise en demeure peut être contestée devant le tribunal administratif, dont le président statue dans les 72 heures. Lorsque la mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans le délai fixé, qui ne peut être inférieur à 24 heures, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée. Lorsque le terrain occupé est affecté à une activité à caractère économique, son propriétaire ou son utilisateur peut saisir le tribunal de grande instance en référé afin de demander l’évacuation forcée. L’article 9-1 de la même loi rend ce régime administratif de mise en demeure et d’évacuation forcée applicable aux communes de moins de 5 000 habitants. Cependant, est exclue pour les propriétaires et utilisateurs de terrain à caractère économique la possibilité de demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’un campement illicite.

Le présent article améliore ce dispositif en prévoyant que la mise en demeure du préfet continue de s’appliquer lorsqu’une même caravane procède à un stationnement illicite dans un délai de sept jours de la notification de la mise en demeure aux occupants, en violation du même arrêté d’interdiction de stationnement, et portant atteinte à l’ordre public. En conséquence, les campements illicites qui auraient fait l’objet d’une mise en demeure ne pourraient se reconstituer à faible distance en obligeant à recommencer la procédure.

Par ailleurs, l’article limite de 72 à 48 heures le délai laissé au président du tribunal administratif pour statuer sur un recours contre une mise en demeure.

Enfin, l’article permet au propriétaire d’un terrain affecté à une activité économique dans une commune non inscrite au schéma départemental de demander au préfet de mettre en demeure les occupants d’un campement illicite d’évacuer les lieux, alors que le droit en vigueur ne lui permet que d’avoir recours à une procédure en référé devant le tribunal de grande instance.

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La Commission examine ensuite l’amendement CS908 des rapporteurs.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Cet amendement reprend également l’une des dispositions de la proposition de loi de Dominique Raimbourg.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Avis très favorable.

La Commission adopte l’amendement CS908.

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Après l’article 33 quindecies

La Commission examine enfin l’amendement CS805 de Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. Cet amendement aura pour effet d’obliger tout opérateur d’actions de rénovation urbaine dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) à affecter un pourcentage de son budget global d’investissement à des actions ayant pour objectif le renforcement de la capacité d’agir, individuelle et collective, des habitants.

M. Philippe Bies, rapporteur thématique. Je vous propose de retirer cet amendement, qui me paraît satisfait et qui relève plutôt du titre III du projet de loi. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) consacre déjà des moyens pour permettre aux habitants, dans le cadre des conseils citoyens, de s’investir dans l’élaboration des programmes de rénovation urbaine.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Même avis.

Mme Maud Olivier. Je souligne que je propose de consacrer au moins 5 % du budget des opérations de rénovation urbaine à ces actions.

La Commission rejette l’amendement.

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TITRE III
POUR L’ÉGALITÉ RÉELLE

Dans sa rédaction initiale, le titre III se composait de huit articles répartis en quatre chapitres et deux sections : des dispositions relatives aux conseils citoyens (chapitre Ier, article 34), des dispositions relatives à la langue française (chapitre II, article 35), des dispositions élargissant certaines voies de recrutement dans la fonction publique (chapitre III, article 36), et enfin des dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations réparties en deux sections selon qu’elles modifient le code pénal et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (section 1 du chapitre IV, articles 37 à 40) ou la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations (section 2 du chapitre IV, article 41).

Dans le texte adopté par la commission spéciale, le titre III comprend quarante-six articles, le chapitre IV comptant désormais dix sections.

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conseils citoyens

Dans sa rédaction initiale, le chapitre Ier comprenait un unique article 34 relatif aux modalités d’interpellation du représentant de l’État dans le département par les conseils citoyens.

Dans le texte adopté par la commission spéciale, le chapitre Ier compte deux articles, un amendement portant article additionnel des rapporteurs autorisant le préfet à solliciter la nomination d’un délégué du Gouvernement à la suite d’une interpellation par les conseils citoyens ayant été adopté.

Article 34
(art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014
de programmation pour la ville et la cohésion urbaine)

Interpellation du préfet par le conseil citoyen et
inscription du sujet à l’ordre du jour des assemblées délibérantes

L’article 34 vise à conférer une nouvelle compétence aux conseils citoyens créés par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

1. L’état du droit

La participation des habitants constitue un objectif affirmé par les différentes politiques de la ville qui se sont succédé depuis le dispositif Habitat et vie sociale à la fin des années 1970 (52). Cette orientation est née de la conviction que la prise en compte de la connaissance intime de la vie du quartier que détiennent celles et ceux qui vivent en son sein peut, si elle est recueillie et correctement interprétée, permettre d’infléchir les projets urbains afin de les rendre à la fois plus acceptables et plus utiles. Loin de générer retards et surcoûts, la consultation populaire offre la possibilité d’améliorer l’opération et d’éviter des risques de blocages ou de contentieux (53).

Une première organisation de la participation des résidents à la vie urbaine a eu lieu avec la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, dite « loi Vaillant », qui a créé les conseils de quartier dans les communes de plus de 80 000 habitants (54). La composition, le budget et les compétences de ces instances sont déterminés par le conseil municipal. Le conseil de quartier n’a pas de pouvoir de décision ; il est consulté par la municipalité, quand celle-ci le souhaite, à propos des décisions relatives au quartier ou à la ville.

Totalement dépendant du maire, le conseil de quartier a subi de fortes critiques : concurrente des associations de citoyens, dépourvue de pouvoirs réels et composée au bon vouloir de l’équipe municipale, il est rapidement apparu qu’une refonte de son organisation était nécessaire. En 2012, une note du Centre d’analyse stratégique proposait l’instauration de « budgets participatifs de quartier » afin de garantir la qualité du débat à l’échelle urbaine (55). Le rapport remis le 8 juillet 2013 au ministre délégué chargé de la Ville par Mme Marie-Hélène Bacqué, sociologue, et M. Mohamed Mechmache, responsable associatif, plaidait également en faveur d’un supplément de démocratie participative.

La loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a été l’instrument d’une plus grande association des résidents à l’avenir de leur quartier. Aux termes de son article 1er, la politique de la ville « s’inscrit dans une démarche de coconstruction avec les habitants, les associations et les acteurs économiques, s’appuyant notamment sur la mise en place de conseils citoyens » créés à l’article 7 dans chaque quartier prioritaire de la politique de la ville.

Le conseil citoyen est composé, d’une part, d’habitants tirés au sort dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes et, d’autre part, de représentants des associations et acteurs locaux. Il est associé à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des contrats de ville (56). Indépendant des pouvoirs publics, il bénéficie du concours de l’État qui, à travers son représentant dans le département, reconnaît la composition du conseil citoyen et accorde, si besoin est, la qualité de structure porteuse du conseil citoyen à une personne morale. Le lieu des réunions du conseil ainsi que les moyens consacrés à son fonctionnement à la formation de ses membres sont déterminés par le contrat de ville.

Toutefois, l’association du conseil citoyen à l’élaboration et à la mise en œuvre du contrat de ville apparaît aujourd’hui insuffisante en dépit des prescriptions légales. Il ne dispose pas d’outil concret d’interpellation des pouvoirs publics et il souffre de ses faibles compétences une fois le contrat de ville conclu pour une durée de six ans.

2. Les dispositions du projet de loi

Conformément aux annonces du Gouvernement à l’issue du deuxième Comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté (CIEC) tenu le 26 octobre 2015, le projet de loi prévoit que les conseils citoyens peuvent alerter le représentant de l’État dans le département sur les difficultés particulières qu’ils rencontrent (alinéa 2). Celui-ci, s’il estime que la nature et l’importance de ces difficultés le justifient, peut soumettre aux collectivités territoriales signataires du contrat de ville – à l’assemblée délibérante pour la commune ou pour l’établissement public de coopération intercommunale si la compétence en matière de politique de la ville lui a été transférée, à une « assemblée compétente » qui semble devoir être la commission permanente pour les autres collectivités (57) –, le diagnostic de la situation et les mesures qu’il estime appropriées pour y répondre (alinéa 3).

La disposition relative aux conseils citoyens de l’avant-projet de loi manifestait une ambition nettement supérieure. Elle ordonnait, pour toute collectivité territoriale signataire du contrat de ville, l’inscription du diagnostic de situation et des mesures préconisées par le préfet à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante. Plus important encore, elle prévoyait, à la demande du conseil citoyen, la nomination d’un délégué du Gouvernement (58) en renfort des services déconcentrés de l’État lorsque des difficultés particulières le justifiaient.

Le Conseil d’État s’est opposé à ces deux évolutions :

– en ce qui concerne l’inscription du diagnostic et des propositions d’action élaborés par le préfet à l’ordre du jour des assemblées délibérantes de toutes les collectivités territoriales signataires du contrat de ville, il a estimé que, si elle pouvait se justifier s’agissant du conseil municipal de la commune concernée et de l’assemblée délibérante de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de politique de la ville, elle était « excessive s’agissant des autres collectivités territoriales ». L’avis ne mentionne cependant pas si cette considération relève de l’opinion juridique, fondée sur le principe de libre administration des collectivités territoriales (59), ou de l’appréciation politique, considérant que la politique de la ville n’entrait pas dans les compétences des départements et des régions au point de justifier une saisine de l’assemblée délibérante ;

– en ce qui concerne la possibilité pour les conseils citoyens de solliciter la nomination d’un délégué du Gouvernement en cas de difficultés particulières, il a été jugé que ces dispositions « ne présentaient pas de caractère normatif ou ne relevaient pas du domaine de la loi ».

3. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté trois amendements déposés par les rapporteurs. Si deux d’entre eux ont une portée rédactionnelle, le troisième permet de renforcer le rôle du comité de pilotage du contrat de ville – instance partenariale chargée du pilotage du contrat de ville – en lui soumettant le diagnostic et les préconisations établis par le représentant de l’État avant leur inscription à l’ordre du jour des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.

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La Commission est saisie de l’amendement CS205 de M. Sylvain Berrios.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article, en renforçant le poids des conseils citoyens, leur confère un pouvoir d’interpellation qui va au-delà de leur rôle consultatif défini par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Cet article introduit donc un risque que ces conseils citoyens empiètent sur le pouvoir et les prérogatives des maires, des conseils municipaux et des collectivités locales, voire qu’ils constituent un contre-pouvoir. Le présent amendement propose donc de supprimer cet article.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique sur le titre III. Avis défavorable. Je tiens à rassurer les auteurs de l’amendement : il ne s’agit pas de confier à ces conseils des prérogatives qui pourraient mettre en question la légitimité de l’équipe municipale à déterminer la politique de la commune, mais seulement à améliorer la démocratie au quotidien. Ce sont des instances que l’on peut consulter pour avoir leur avis ; ce sont des personnes qui vivent dans les quartiers. Cela va dans le bon sens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Nous avons eu de longs débats sur la démocratie, sa rénovation et sa crise, lors de l’examen du titre I. À l’heure où l’abstention monte, notamment parmi les jeunes, toute occasion d’interpeller les élus entre deux élections me semble à même de revivifier le débat. Il ne s’agit en aucun cas d’une remise en cause de la démocratie représentative par la démocratie participative. Tout au contraire, il me semble bon qu’une délibération de conseil municipal puisse être assise sur les témoignages de nos concitoyens et confortée par eux. Leur permettre de s’exprimer ne peut que renforcer le respect envers les élus dans le cadre d’une démarche de responsabilité.

Dans le cadre des activités de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), je proposerai qu’une maison de projets fournisse l’occasion à nos concitoyens de donner leur avis sur les rénovations urbaines envisagées.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS278 et CS324 de Mme Colette Capdevielle, les amendements identiques CS325 de Mme Cécile Untermaier, CS672 de Mme Colette Capdevielle, ainsi que l’amendement CS204 de M. Sylvain Berrios.

M. Christophe Premat. Je propose de préciser les modalités d’interpellation des conseils citoyens, en prévoyant son inscription à l’ordre du jour du comité de pilotage, de sorte qu’elle soit prévue dans un cadre précis et qu’elle soit effective.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement sera satisfait par le CS1226 proposé par les rapporteurs un peu plus loin dans la discussion. Il prévoit lui aussi une saisine du comité de pilotage en prélude à la discussion par les assemblées délibérantes, mais selon un dispositif qui mêle les procédures au lieu d’ouvrir deux mécanismes juridiques distincts. Je demande donc le retrait de l’amendement.

S’agissant de l’amendement CS324, j’en demande le retrait car les conseils citoyens, qui sont en partie composés de représentants d’associations, seraient immanquablement amenés à solliciter des subventions. Or cela poserait un problème lorsqu’il faudrait décider de les octroyer. Peut-être faut-il creuser cette piste sur le modèle des conseils de quartier.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je proposerai le retrait de cet amendement, car l’amendement CS1226 des rapporteurs reprend les préoccupations évoquées, en apportant une clarification sur les circuits d’information et sur la saisine des élus et de différents acteurs, tels le comité de pilotage.

S’agissant de l’amendement CS324 et des besoins de financement des conseils citoyens, je comprends la demande, mais je ne voudrais pas aller dans le sens d’une rigidité qui serait contre-productive. Sans entrer dans une démarche systématique, les conseils peuvent déjà trouver des solutions en bonne intelligence avec les élus. Nombre de membres de conseil citoyen souhaitent d’ailleurs éviter eux-mêmes d’avoir un budget affecté. Je souhaiterais ainsi que nous maintenions l’équilibre actuel. Tel aussi l’avis du Conseil national des villes (CNV).

Mme Élisabeth Pochon. J’accepte le retrait. Par ailleurs, les membres des conseils pourraient-ils bénéficier d’une formation. Enfin, à défaut d’un budget, les conseils citoyens pourraient peut-être avoir un appui logistique, propre à leur permettre de faire par exemple des photocopies.

M. Christophe Premat. L’association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (ADELS), qui publiait la revue Territoires, s’est fait l’écho de ces préoccupations des conseils citoyens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis très favorable à ce que les conseils citoyens soient davantage que des outils. Dans le budget alloué au service civique, 1 500 postes sont prévus, dont certains pourraient être destinés à venir en aide aux conseils citoyens. Je rappelle que non moins de sept millions d’euros ont d’autre part été consacrés à la formation des membres de conseils citoyens, pour qu’ils puissent tirer le meilleur parti de leurs réunions.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Les amendements CS325 et CS672 sont, me semble-t-il, satisfaits eux aussi par les amendements CS1226 et CS1227 que j’ai déposés. Je préconise donc leur retrait.

M. Guillaume Chevrollier. Oui, monsieur le ministre, notre démocratie vit effectivement une crise. Aussi devons-nous faire respecter les élus et leurs prérogatives. C’est le sens de mon amendement de repli, le CS204.

À défaut de supprimer cet article, il convient en effet d’en modifier la rédaction afin d’intégrer les collectivités locales et leurs représentants dans le dispositif. Les élus locaux, notamment maire et président d’intercommunalité, absents du texte initial, ne doivent pas être exclus de ce dispositif. Ainsi, le préfet devra les informer de la saisine du conseil citoyen.

La nouvelle rédaction de l’article 34, telle que je la propose, entérine le caractère collégial et contractuel du comité de pilotage du contrat de ville, dans l’esprit de la loi du 21 février 2014.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Pour traiter la question, les amendements CS1226 et CS1227 des rapporteurs me semblent plus solides et tout aussi à même de garantir les prérogatives des élus. À défaut de retrait, je serais au regret d’exprimer un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Même avis.

Tous les amendements sont retirés, sauf le CS204 de M. Sylvain Berrios, que la Commission rejette.

Puis la Commission adopte les amendements rédactionnels CS1054 et CS1053 des rapporteurs.

Elle adopte ensuite l’amendement CS1226 des rapporteurs.

La Commission adopte l’article 34 modifié.

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Article 34 bis [nouveau]
(art. 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014
de programmation pour la ville et la cohésion urbaine)

Nomination d’un délégué du Gouvernement à la suite d’une interpellation du préfet par le conseil citoyen

L’article 34 bis, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs, consacre sur le plan législatif la fonction de délégué du Gouvernement. L’introduction de cette disposition dans le projet de loi avait dans un premier temps été envisagée par le Gouvernement, qui y a finalement renoncé pour des raisons formelles invoquées lors du passage du texte en Conseil d’État.

La création de la fonction de délégué du Gouvernement a été annoncée l’automne dernier par le Premier Ministre lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté : les douze premiers délégués du Gouvernement, aujourd’hui en formation, devraient être opérationnels au 1er juillet prochain.

La nomination d’un délégué du Gouvernement pourrait en effet intervenir à la demande du conseil citoyen et à l’initiative du préfet, pour résoudre des difficultés particulières soulevées en matière de politique de la ville. Le délégué du Gouvernement serait chargé d’établir un diagnostic et d’établir une liste des actions à mener. Ces éléments seraient soumis au comité de pilotage du contrat de ville, au conseil citoyen, ainsi qu’aux assemblées délibérantes des collectivités territoriales signataires du contrat de ville.

Il s’agit de mettre en place un nouvel outil de coordination de l’ensemble des acteurs de la politique de la ville, pour favoriser la recherche efficace de solutions opérationnelles à des difficultés spécifiques propres aux quartiers populaires.

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La Commission examine l’amendement CS1227 des rapporteurs.

M. Razzy Hammadi, rapporteur général. L’examen du titre III du projet de loi nous fournit l’occasion de dire combien ce texte s’est nourri de mois de dialogue, de discussions et d’échanges avec les associations d’éducation populaire comme avec les professionnels et les militants de la politique de la ville.

Au cours du second conseil interministériel consacré à l’égalité et à la citoyenneté, l’idée fut lancée de nommer des délégués du Gouvernement qui puissent répondre à des problèmes d’insécurité, de pauvreté ou de développement économique qui se posent dans des zones à cheval sur plusieurs territoires, où plusieurs dispositifs et champs de compétence s’entremêlent. Les délégués du Gouvernement sont alors en position de faire un travail de dentelle à l’échelle d’un territoire, selon des méthodes éprouvées à Valenciennes et bien connues du ministre à ce titre, en mettant tout le monde autour de la table – agences régionales de santé, police, associations, ANRU, élus locaux…

Je ne crains pas de dire que cet amendement apportera une véritable révolution dans la capacité de mise en œuvre des politiques publiques.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Je suis très favorable à l’introduction dans la loi de la création des délégués du Gouvernement. Les préfets et sous-préfets font un travail remarquable, mais sont, pour ainsi dire, des opérateurs généralistes. Or les élus se trouvent souvent confrontés à des difficultés spécifiques relatives à l’emploi ou à la prévention de la radicalisation.

Les douze premiers délégués du Gouvernement seront confortés par l’introduction dans la loi de leur fonction. Ils pourront ainsi mieux répondre aux demandes de ceux qui souffrent d’un sentiment, voire d’une situation objective, de relégation.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 34 bis

Puis elle examine l’amendement CS1063 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur thématique. Il s’agit de conférer une base législative à l’initiative visant à dispenser une formation administrative et juridique adaptée aux personnes composant les conseils citoyens.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. J’ai rappelé les efforts consentis par l’État en la matière. En outre, les contrats de ville définissent déjà des moyens consacrés au fonctionnement de ces conseils. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

L’amendement est retiré.

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Chapitre II
Dispositions relatives à la langue française

Dans sa rédaction initiale comme à l’issue de l’examen du projet de loi par la commission spéciale, le chapitre II comprend un unique article 35 poursuivant l’objectif d’une amélioration de la maîtrise de la langue française au moyen de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Article 35
(art. L. 6111-2, L. 6313-1 et L. 5223-1 du code du travail)

Apprentissage de la langue française
dans le cadre de la formation professionnelle

L’article 35 modifie le code du travail pour inscrire dans la formation professionnelle tout au long de la vie, à côté des actions de lutte contre l’illettrisme et d’apprentissage de la langue française, celles en faveur de l’amélioration de la maîtrise de la langue française.

1. L’état du droit

a. Les difficultés de maîtrise de la langue française

Selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) (60), 7 % de la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France est en situation d’illettrisme, soit 2,5 millions de personnes sur le territoire métropolitain. Parmi elles, la moitié a plus de 45 ans ; plus de la moitié exerce une activité professionnelle, ce qui place l’illettrisme au cœur des préoccupations de l’entreprise ; 71 % parlaient uniquement le français à la maison à l’âge de 5 ans, ce qui fait litière de tout lien qui pourrait être postulé entre difficulté avec la langue française et immigration. Par ailleurs, en termes de distribution spatiale, la moitié des personnes en situation d’illettrisme vivent dans des zones rurales ou faiblement peuplées, pour un 10 % seulement qui résident en zone urbaine sensible (61).

Mais il ne s’agit là que d’illettrisme, c’est-à-dire de « personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante ». Ce phénomène se distingue de l’analphabétisme, que connaissent celles et ceux qui n’ont jamais été scolarisés et qui doivent entrer dans un premier niveau d’apprentissage, et de la situation des immigrés non francophones qui manient correctement leur langue d’origine mais se trouvent confrontés à l’étude du français comme langue étrangère. L’addition de ces trois populations conduit à estimer à près de 6 millions le nombre d’adultes vivant en France qui rencontrent des difficultés dans la maîtrise du français (62).

L’enquête Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), réalisée en 2012, estime à 22 % la part d’adultes de 16 à 65 ans ayant un faible niveau de compétence dans le domaine de l’écrit, en France métropolitaine.

Parmi les populations plus spécifiques, l’étude d’impact jointe au projet de loi fait état d’un taux d’illettrisme de 10 % chez les détenus. La proportion de sujets rencontrant des difficultés de lecture parmi les jeunes citoyens de 17 ans appelés à suivre la Journée défense et citoyenneté est estimée à près de 10 %, pour un taux d’illettrisme de plus de 4 % – mais ces chiffres ne portent que sur des nationaux, et excluent des jeunes gens n’ayant pas eu accès, pour des raisons diverses, à une scolarisation en France.

Les statistiques disponibles pour les territoires ultramarins dressent un tableau inquiétant. Les recensements effectués à l’occasion de la Journée défense et citoyenneté font apparaître un taux de 33,7 % de jeunes en difficulté. À Mayotte, l’illettrisme toucherait près de 32 000 personnes soit 42 % de la population adulte ayant été scolarisée.

À l’heure où les événements tragiques de l’année 2015 conduisent à s’interroger sur le lien social et le pacte républicain, les valeurs d’égalité et de citoyenneté s’imposent comme la seule réponse admissible. La nécessité de la maîtrise d’une langue commune, le français, comme symbole de l’unité de la nation, doit constituer une priorité pour les pouvoirs publics.

b. Les dispositifs existants

Le droit positif et les politiques publiques comprennent des dispositifs de lutte contre l’illettrisme et de soutien dans l’apprentissage de la langue française.

L’article L. 1212 du code de l’éducation appelle déjà à une mobilisation de l’ensemble des acteurs, public et privés, dans le cadre notamment de la formation initiale. Il dispose : « La lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de l’éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d’action sociale. Tous les services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l’illettrisme et l’innumérisme dans leurs domaines d’action respectifs. »

La formation professionnelle contribue également à l’amélioration de la maîtrise de la langue française. La région, qui exerce cette compétence décentralisée, « contribue à la lutte contre l’illettrisme sur le territoire régional, en organisant des actions de prévention et d’acquisition d’un socle de connaissances et de compétences défini par décret » (63). Le second alinéa de l’article L. 6111-2 du code du travail précise : « Les actions de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’apprentissage de la langue française font également partie de la formation professionnelle tout au long de la vie. » En effet, dans un milieu professionnel, l’impératif d’une bonne maîtrise de la langue est omniprésent – sécurité pour soi-même et pour les autres, transmission des consignes, communication externe et interne, prise de décision notamment.

Il est délicat d’avancer une estimation de l’ensemble des financements publics – État, collectivités territoriales, partenaires sociaux – consacrés à la lutte contre l’illettrisme. Ces actions entrent fréquemment dans des budgets globaux, comme par exemple à la direction de l’administration pénitentiaire. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, ils sont évalués entre 160 et 300 millions d’euros, hors Éducation nationale, selon le périmètre retenu. À titre indicatif :

– les régions ont reçu un transfert de 53 millions d’euros au 1er janvier 2015 au titre du dispositif Compétence clés (64) antérieurement géré par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du Travail ;

– en 2014, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) consacrait 42 millions d’euros à la formation linguistique des immigrants au niveau A1.1 (65). La loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a posé les bases d’une élévation de l’exigence linguistique au niveau A2, ce qui devrait porter le coût des formations à 80 millions d’euros (66) ;

– le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) (67) consacre une enveloppe annuelle de 10 millions d’euros au cofinancement d’actions de formation – lutte contre l’illettrisme – assurées par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 35 forge, dans le domaine de la formation professionnelle, une cohérence entre les actions de lutte contre l’illettrisme et celles en faveur de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française, afin que des actions puissent être entreprises et financées tout au long de la vie professionnelle des personnes en difficulté du point de vue linguistique.

Le procède à une nouvelle rédaction du second alinéa de l’article L. 6111-2 du code du travail précité. Outre la réunion de la lutte contre l’illettrisme et de la promotion de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française, il précise que l’élaboration et la mise en œuvre des formations mobilisent l’ensemble de la nation. « Les services publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises et leurs institutions sociales, les associations et les organisations syndicales et professionnelles » sont, en effet, directement désignés.

Le et le  réunissent également les objectifs de lutte contre l’illettrisme et de promotion de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française. Ils modifient respectivement en ce sens :

– l’article L. 6313-1 du code du travail, relatif aux actions de formation qui entrent dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue,

– et l’article L. 5223-1 du même code, en adaptant en conséquence les missions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans l’accueil des étrangers autorisés à séjourner durablement en France. Le 6° assigne à l’OFII la mission de « participer à toutes actions » relatives à « l’intégration en France des étrangers […] pour la mise en œuvre des dispositifs d’apprentissage de la langue française adaptés à leurs besoins, le cas échéant en partenariat avec d’autres opérateurs, quelle que soit la durée de leur séjour ».

3. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté deux amendements.

Sur la suggestion des rapporteurs, elle a opéré une coordination avec l’article 45 bis du projet de loi pour une République numérique, dont les apports en matière de lutte pour la maîtrise des outils numériques auraient été supprimés par la rédaction actuelle de l’article 35.

Sur proposition de Mme Martine Carrillon-Couvreur, les commissaires ont précisé que la lecture et la maîtrise de la langue française devaient aussi être accessibles aux personnes empêchées par leur handicap d’employer les instruments d’apprentissage classiques, dès lors que de nouvelles démarches pédagogiques étaient susceptibles d’être explorées.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CS1051 des rapporteurs.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS440 de Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Élisabeth Pochon. Mon amendement vise à ce qu’il soit plus largement fait usages des dispositifs de lecture en faveur des personnes en situation de handicap. Cela peut vraiment aider ces personnes. L’association ATD-Quart monde relaie cette demande.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur thématique. La lecture et la maîtrise de la langue française doivent aussi être accessibles aux personnes qui sont empêchées par leur handicap d’employer les instruments d’apprentissage utilisés communément.

De nouveaux dispositifs sont apparus qui permettent précisément de rétablir une forme d’égalité et de venir en aide à ceux qui seraient sinon laissés sur le bas-côté.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Au nom de l’égalité réelle et de l’accès à la citoyenneté, nous devons accorder une attention particulière vis-à-vis des personnes handicapées. Le président de la République a pris un engagement en ce sens le 19 mai 2016. Avis très favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CS1060 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteur thématique. Le dispositif présenté par le Gouvernement figure dans le code du travail et, par conséquent, ne concerne que les salariés du secteur privé. Or les difficultés liées à l’illettrisme se rencontrent aussi dans la fonction publique. La mobilisation générale en faveur de la maîtrise de la langue française doit aussi concerner les fonctionnaires.

Le présent amendement propose, par conséquent, d’inclure dans le projet de loi un dispositif similaire à celui du Gouvernement, mais figurant dans le statut général de la fonction publique.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Nous partageons les mêmes préoccupations, à savoir que, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, les salariés et les agents améliorent leur maîtrise de la langue française. L’article 22 du titre I du statut général de la fonction publique prévoit expressément un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui est organisé au niveau réglementaire.

En droit et en fait, les actions de formation à la lutte contre l’illettrisme font partie déjà des plans de formation de tous les employeurs publics, dans les trois fonctions publiques. L’objectif poursuivi par l’amendement nous semble donc satisfait. Pour cette raison, j’exprime un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. La fonction publique doit être exemplaire. Je veux bien retirer l’amendement tout en indiquant qu’une solution doit être trouvée d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Mme Marylise Lebranchu. L’État vient de s’engager à porter de 700 à 10 000 le nombre d’apprentis dans sa fonction publique. Autant il est possible de l’imposer au secteur hospitalier, autant c’est plus complexe en ce qui concerne les collectivités territoriales. Compte tenu de la prise en charge des financements, il faut savoir, d’ici à l’examen du texte en séance publique, si les collectivités y sont favorables parce qu’on marche parfois sur le râteau si je puis dire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 35 modifié.

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Après l’article 35

La Commission est saisie de l’amendement CS215 de Mme Anne-Christine Lang.

Mme Anne-Christine Lang. Cet amendement se situe dans le prolongement d’un amendement que j’ai présenté sur le titre I s’agissant de l’accès aux données sociales et scolaires. Il est nécessaire que parents et enseignants aient accès aux données qui permettent au ministère de l’éducation nationale de conduire l’ensemble des politiques publiques en ce qui concerne l’attribution des moyens, ainsi que les politiques publiques compensatoires, notamment la politique de l’éducation prioritaire.

Pour le premier degré, je déplorais que les bases de données ne comportent pas les professions et les catégories sociales des parents, ce qui empêchait non seulement des études sur la mixité sociale des écoles, mais aussi la conduire de politiques publiques, notamment compensatoires, avec des indicateurs fiables.

Pour le second degré, si les données sociales sont connues, elles ne sont cependant pas diffusées. De ce fait, les communautés éducatives, et en particulier les parents d’élèves auxquels on impose des entrées ou des sorties de zones d’éducation prioritaire (ZEP), des baisses ou des hausses de moyens, ne disposent pas des outils pour comprendre les politiques publiques, donc pour s’approprier réellement les enjeux de mixité sociale.

Avec cet amendement, je propose que les données sociales et scolaires puissent être en libre accès et diffusées. À ceux qui craignent que cela ne conduise à une stigmatisation de certains établissements, je répondrai que c’est déjà largement le cas. Il faut faire le pari, que, dans un deuxième temps, cela débouche sur une nouvelle éthique des politiques publiques : plus participative, avec des acteurs plus engagés sur ces questions. N’oublions pas que nous avons affaire à des adultes qu’il convient d’engager dans ces réflexions sur la mixité.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je suis extrêmement favorable à cet amendement car la connaissance de ces données permettra d’améliorer la mixité sociale dont on nous parle tant. Il faudra bien en effet que l’on sache un jour pourquoi certains établissements ont des listes d’attente et pas d’autres. Le libre accès aux données de répartition des élèves dans l’éducation nationale est un enjeu considérable de citoyenneté, comme l’a montré la polémique autour de l’algorithme admission post bac (APB) de passage vers l’enseignement supérieur.

Toutefois, il est peut-être un peu tôt. Nous allons discuter avec l’éducation nationale des modalités. À ce stade, je demande à Mme Lang de retirer son amendement.

M. le rapporteur général. Depuis le début de nos auditions, aucun des membres de la commission n’a exprimé son opposition à cette mesure : le soutien est plein et entier. L’impulsion doit en effet venir du Parlement, contre vents et marées. Il est vrai que ces transformations technologiques majeures bouleversent les organisations et qu’il est impossible, dans des liens hiérarchiques, de les imposer. En un mot, il est très difficile, au niveau ministériel, de partager immédiatement cette ambition avec l’administration. L’initiative doit donc venir du Parlement.

Notre collègue Luc Belot, ici présent, a beaucoup travaillé sur le sujet au sein du Conseil supérieur des programmes. Nous savons à quel point il a dû lutter contre certains conformismes, pour ne pas dire conservatismes, pour faire en sorte que nos enfants puissent considérer le code et l’apprentissage du code comme un socle. On n’ignore rien des différentes sensibilités et résistances.

À ce stade, cependant, il faut retirer cet amendement pour le rendre plus fort et plus large. Aujourd’hui, nombre de données ne sont pas accessibles. Il faut renforcer le poids de nos concitoyennes et de nos concitoyens dans le débat public. Vous avez raison, certains critères ne justifient pas tel ou tel classement. Notre société a besoin d’objectiver le débat public. Permettre que les données disponibles soient libres et exploitables est une urgence. Nous y parviendrons d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Mme Anne-Christine Lang. Au vu de toutes les garanties qui ont été apportées, je retire l’amendement. Je le redéposerai en séance publique.

L’amendement est retiré.

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Chapitre III
Dispositions relatives à la fonction publique

Dans sa rédaction initiale, le chapitre III intitulé « Dispositions élargissant certaines voies de recrutement dans la fonction publique » comprenait un unique article 36 modifiant la voie d’accès à la fonction publique dite « troisième concours ».

Dans le texte adopté par la commission spéciale, il compte désormais neuf articles. Leur portée dépassant la seule question des concours pour aborder également la lutte contre les discriminations au cours de la carrière des agents publics, le chapitre III a été renommé, sur proposition des rapporteurs, « Dispositions relatives à la fonction publique ».

Article 36 A [nouveau]
Rapport sur les discriminations dans la fonction publique

Dans la lutte contre la discrimination et la prise en compte de la diversité de la société française, l’État et son administration doivent se montrer exemplaires. La première étape de cette exemplarité consiste à recenser et à publier les démarches entreprises en ce sens afin que chaque citoyen puisse prendre connaissance des efforts engagés pour le respect du principe d’égalité au sein de la fonction publique.

L’article 36 A, issu d’un amendement des rapporteurs, prévoit que le Gouvernement publie tous les deux ans un rapport sur la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité de la société française dans la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

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La Commission adopte l’amendement CS1055 de coordination des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CS905 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Dans la lutte contre la discrimination et la prise en compte de la diversité de la société française, on va édicter des obligations qui s’imposent au secteur privé. Mais cela ne signifie pas que le secteur public soit exempté de sa part. Nous attendons que l’État et son administration se montrent exemplaires, et on sait que des démarches vont dans ce sens. La première étape de cette exemplarité consiste à recenser et à publier les démarches engagées en ce sens, afin que chaque citoyen puisse prendre connaissance des efforts consentis pour le respect du principe d’égalité au sein de la fonction publique.

Cet amendement est aussi peut-être l’occasion pour Mme la secrétaire d’État de souligner quelques éléments sur ce sujet.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et remercie les rapporteurs de l’avoir proposé.

La fonction publique s’inscrit dans une volonté d’ouverture à la diversité de la société française. Elle doit servir ses usagers et, par conséquent, mieux les comprendre, ce qui signifie aussi leur ressembler davantage. Le Gouvernement mène donc une politique d’ouverture à la diversité dans la fonction publique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36
(art. 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Troisième concours

L’article 36 vise à diversifier les recrutements opérés dans la fonction publique en modifiant les conditions du « troisième concours » pour mieux atteindre l’objectif d’ouverture des corps et cadres d’emploi à des profils différents de ceux retenus par les concours externe et interne. À cette fin, il modifie les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

1. L’état du droit

a. Des dispositions insuffisamment appliquées

Le recrutement des agents de la fonction public est traditionnellement organisé en deux voies :

– le concours externe accueille les candidats justifiant de certains diplômes ou de l’accomplissement de certaines études ;

– le concours interne réservé aux fonctionnaires déjà en poste et qui ont déjà accompli une certaine durée de services publics.

Dans l’objectif de diversifier le profil des hauts fonctionnaires des grands corps administratifs de l’État, de nouvelles modalités de sélection ont été définies par la loi n° 83-26 du 19 janvier 1983 modifiant l’ordonnance n° 59244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires, puis par la loi n° 90-8 du 2 janvier 1990 relative à la création d’un troisième concours d’entrée à l’École nationale d’administration. Elles ont été généralisées à l’ensemble de la fonction publique par la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001, relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale, qui a ouvert une troisième voie de recrutement, aussi appelée « troisième concours ». Celui-ci s’adresse à des personnes dont l’expérience et le vécu ont vocation à enrichir l’administration de compétences rarement possédées par les candidats des concours externe et interne.

La troisième voie est ouverte aux candidats justifiant de l’exercice, suivant les concours, d’une activité professionnelle, d’un mandat de membre d’une assemblée élue d’une collectivité territoriale ou d’une expérience de responsable associatif ou syndical. La durée minimale de ces activités ou mandats, qui ne peut être prise en compte si les intéressés avaient parallèlement la qualité d’agent public, est déterminée par les statuts particuliers des corps et cadres d’emploi concernés : elle est de quatre ans pour le concours d’attaché territorial, de cinq ans pour le certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES), et de huit ans pour l’entrée à l’ÉNA. Ces mêmes statuts particuliers fixent la proportion des places offertes au troisième concours par rapport au nombre total des places offertes pour l’accès aux emplois concernés.

L’ouverture à la troisième voie des concours figure désormais dans les lois statutaires des trois fonctions publiques. Elle reste cependant marginale et peu utilisée, hormis par les écoles les plus prestigieuses – ÉNA, instituts régionaux d’administration (IRA), école des hautes études en santé publique (EHESP) et autre institut national des études territoriales (INET).

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, sur les 24 971 recrutements réalisés dans la fonction publique de l’État en 2014, seules 375 personnes sont issues du troisième concours – soit 1,5 % de lauréats. Pour l’année 2015, 583 places de fonctionnaire d’État ont été pourvues, dont 526 en catégorie A et 57 en catégorie B (68). Dans la fonction publique territoriale, à 34 645 recrutements externes en 2015 ont correspondu 888 entrée en service consécutives à la réussite du troisième concours – soit 2,5 % des admis.

La faiblesse de ces proportions s’explique non seulement par le nombre restreint de recrutements ouverts par cette voie, mais aussi par les conditions strictes dictées par les statuts particuliers des corps et cadres d’emplois concernés. Si, dans la fonction publique de l’État, 71 corps – dont 52 en catégorie B, essentiellement les corps de secrétaires administratifs – sont ouverts à la troisième voie, ils ne sont que 16 – dont 7 en catégorie B – dans la fonction publique territoriale et seulement 3 – en catégorie A exclusivement – dans la fonction publique hospitalière.

b. La faible valorisation de l’apprentissage dans l’accès à la fonction publique

Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, si 10 % des postes étaient offerts au troisième concours dans les corps de catégorie B qui ne recrutent pas par cette voie aujourd’hui, près de 450 postes pourraient être ouverts – huit à neuf fois plus qu’aujourd’hui. Cette ouverture aux corps et cadres d’emploi de catégorie B présenterait l’avantage d’attirer vers la fonction publique des candidats formés par la voie de l’apprentissage de niveau V (69) qui, pour l’heure, échappent pour l’essentiel aux administrations alors même que le secteur public permet l’accueil d’apprentis de plus de 3 400 formations.

Depuis juillet 2014, l’État a engagé un plan de relance de l’apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial pour concourir à l’objectif général de formation de 500 000 apprentis d’ici à 2017. Le chapitre II de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992, portant diverses dispositions relatives à l’apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail, avait instauré à titre expérimental la possibilité pour les personnes morales de droit public dont le personnel ne relève pas du droit privé de conclure des contrats d’apprentissage. En 2015, ce sont plus de 4 000 apprentis qui ont été recrutés au sein de l’État tandis que 12 000 contrats étaient conclus dans la territoriale. La fonction publique hospitalière signe un demi-millier de contrats chaque année ; ce chiffre ne pourra guère progresser en raison des contraintes imposées par la forte présence de professions réglementées dans le milieu hospitalier.

Or, les apprentis ou anciens apprentis formés dans la fonction publique qui souhaiteraient l’intégrer ne peuvent candidater qu’aux concours externes. L’expérience professionnelle acquise durant le contrat d’apprentissage ne peut être retenue ni dans le cadre du concours interne, ni dans celui du troisième concours.

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 36 du projet de loi est composé de trois dispositions identiques respectivement insérées dans les lois n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État (I), n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (II), et n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (III). Elles ont pour objet d’ouvrir la fonction publique à de nouveaux profils en élargissant les conditions de candidature au troisième concours, dans le respect des principes constitutionnels d’égal accès aux emplois publics et de sélection par le talent et le mérite (70).

Le est de portée rédactionnelle.

Le modifie les modalités d’organisation du troisième concours de recrutement. Il supprime la mention selon laquelle cette voie alternative est possible seulement « pour l’accès à certains corps » et ajoute que l’expérience professionnelle exigée pour concourir est admise « quelle qu’en soit la nature ». Ces évolutions ont pour effet, d’une part, d’ouvrir les nombreux corps et cadres d’emploi qui ne pratiquent pas encore le recrutement par la troisième voie, au premier rang desquels les corps de catégorie B et, d’autre part, de permettre aux apprentis de valoriser l’expérience acquise au cours de leur formation en la prenant en compte pour le calcul de la durée d’activité professionnelle exigée. Cette dernière précision met fin aux limitations aujourd’hui prévues par certains statuts particuliers s’agissant des activités éligibles pour se présenter aux concours.

Le ajoute que l’apprentissage est comptabilisé même lorsqu’il est effectué auprès d’un employeur public. Cette disposition constitue une dérogation dans la mesure où, comme indiqué précédemment, les lois portant statut des fonctionnaires énoncent par ailleurs que « la durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les intéressés n’avaient pas, lorsqu’ils les exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d’agent public ».

La durée des activités professionnelles exercées, des mandats détenus dans les assemblées élues, ou de l’activité de responsable associatif ou syndical, devient le seul critère d’éligibilité pour se présenter à la troisième voie de concours. Le confie toujours aux statuts particuliers le soin de préciser l’ancienneté exigée pour l’inscription au troisième concours (71). En revanche, il leur retire la capacité d’établir « la proportion des places offertes à ces concours par rapport au nombre total des places offertes pour l’accès par concours aux corps concernés ». Le troisième concours cesse par conséquent d’être corrélé aux concours externe et interne et acquiert un caractère autonome comme les deux autres (72).

3. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté cinq amendements rédactionnels présentés par les rapporteurs.

*

La Commission adopte l’amendement CS1050 de précision des rapporteurs.

Puis elle en vient à l’amendement CS822 de M. Kader Arif.

M. Christophe Premat. Cet amendement vise à tenir compte de la durée d’un service civique ou d’un volontariat associatif pour pouvoir se présenter aux concours de la fonction publique de l’État via la voie d’accès dite du troisième concours.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je me demande si cet amendement n’est pas satisfait. Si tel n’est pas le cas, j’émets un avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Cet amendement est satisfait dans la mesure où l’article 36 du projet prévoit que tout type d’expérience professionnelle pourra désormais être valorisé pour accéder au troisième concours.

J’ajoute que le Gouvernement a déposé, dans le titre I, un amendement qui vise à reconnaître les services civiques sous toutes les formes pour le reclassement et les concours internes.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. le rapporteur général. Mme Chapdelaine et moi-même souhaitions le retrait de cet amendement et demander au Gouvernement de prendre en compte le service civique, comme vous venez de le faire, madame la secrétaire d’État. Vous avez levé un doute quant à notre intention première puisque vous parlez de l’expérience professionnelle. Nous avons passé beaucoup de temps, lors de l’examen du titre I, à considérer que le service civique était une expérience associative, humaine, mais en aucun cas professionnelle.

Aussi, j’émets un avis de sagesse.

M. Christophe Premat. Je veux bien le retirer si j’ai la garantie qu’il est satisfait par le titre I. J’indique d’ores et déjà que l’amendement CS823 a le même objet, et qu’il porte sur les concours de la fonction publique territoriale via le troisième concours. J’imagine que vous aurez la même argumentation. Aussi, je retire les amendements CS822 et CS823.

L’amendement CS822 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1046 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de corriger une incohérence rédactionnelle.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CS1047 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit, là aussi, de corriger une incohérence rédactionnelle.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis la Commission adopte l’amendement CS1048 de précision des rapporteurs.

L’amendement CS823 a été retiré.

La Commission adopte l’amendement CS1049 de précision des rapporteurs.

Puis elle examine l’amendement CS824 de M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. Cet amendement, qui a le même objet que les amendements CS822 et CS823, porte sur les concours de la fonction publique hospitalière. Je le retire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 36 modifié.

*

Article 36 bis [nouveau]
(art. 7 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents
de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale)

Plan de formation des agents territoriaux

L’article 36 bis, issu d’un amendement des rapporteurs, a pour objet de faire adopter le plan de formation des différentes collectivités territoriales par l’assemblée délibérante, alors qu’il est actuellement établi – ou non, si l’on en croit les éléments recueillis à l’occasion des auditions préparatoires à l’examen du projet de loi – par le seul exécutif local. Cette prérogative confiée à l’assemblée permettra à chacun des élus de jouer son rôle et de solliciter que lui soit présenté un projet en temps et heure.

Par ailleurs, l’article prévoit, en lien avec le précédent chapitre relatif à une meilleure maîtrise du français, que les actions de lutte contre l’illettrisme et pour l’apprentissage de la langue française figurent dans le plan de formation et fassent l’objet d’une programmation.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS897 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. En discutant avec les membres du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), nous nous sommes aperçus que les plans de formation des fonctionnaires territoriaux faisaient l’objet d’une mauvaise connaissance de la part des élus.

Nous vous proposons de faire adopter le plan de formation des collectivités territoriales par l’assemblée délibérante, c’est-à-dire les conseils municipaux, afin que tous les élus puissent s’en saisir et savoir comment est assurée la promotion de la diversité à l’intérieur de la fonction publique territoriale.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je demande le retrait de cet amendement, le domaine de la formation faisant actuellement l’objet de discussions dans le cadre de la concertation relative au développement des compétences et à l’accompagnement des parcours professionnels. Cette proposition pourrait donc être présentée dans ce cadre-là, après discussion avec tous les partenaires.

Par ailleurs, il convient de noter que cette nouvelle modalité relative au plan de formation constituerait une norme supplémentaire pesant sur les collectivités territoriales, notamment les petites collectivités. Il paraît donc nécessaire d’engager cette discussion dans le cadre de la concertation que je viens d’évoquer.

M. Yves Blein. Madame la rapporteure, pouvez-vous me confirmer qu’il s’agit de faire en sorte que les plans de formation soient présentés aux assemblées délibérantes mais que cela n’aurait pas d’incidence sur leur contenu ?

Mme Marylise Lebranchu. Je me demande s’il ne faudrait pas remplacer le mot « adopté » par le mot « présenté », l’adoption d’un plan de formation faisant référence à un vote à la majorité des présents. Or un plan de formation est un élément complexe, tant dans une grande ville que dans une petite commune rurale où l’on épluchera la formation de l’employé.

Autant il me semble indispensable de présenter le plan de formation car bien souvent les élus ne sont pas au courant des plans de formation des personnels, autant son adoption par l’assemblée délibérante risque de poser problème.

M. Victorin Lurel. J’approuve totalement cet amendement. Pour avoir été membre d’un exécutif régional, je peux dire que jamais un plan de formation n’est examiné en séance plénière. Les plans de formations n’entrent pas dans le détail. Il s’agit seulement des grandes orientations, les services déclinant ensuite les formations octroyées à chacun. Il faudrait qu’ils puissent être adoptés par les élus.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Madame la secrétaire d’État, remplacer le mot « adopté » par le mot « présenté » aurait-il une chance de recueillir l’avis favorable du Gouvernement ? Dans le cas contraire, nous en resterions à notre position de départ, car, comme l’a dit M. Lurel, ces plans ne sont jamais portés à la connaissance des élus qui pourraient éventuellement formuler des remarques sur la diversité, l’emploi des personnes handicapées, le taux de féminisation de certaines catégories.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. J’accepte cette proposition tout à fait raisonnable.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

*

Après l’article 36 bis

Puis elle examine l’amendement CS687 de M. Serge Letchimy.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de donner la possibilité aux départements et régions d’outre-mer de créer des programmes de jeunes professionnels, à l’instar de ce qui se fait dans les institutions internationales et les grandes entreprises. C’est une opportunité nouvelle donnée aux jeunes diplômés sur des contrats de trois ans au plus.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous ne méconnaissons pas les spécificités de l’outre-mer et le problème particulier de l’emploi des jeunes. Toutefois, l’amendement vise à recruter des agents contractuels pour occuper des emplois de fonctionnaires. Cela voudrait dire que l’on déroge, outre-mer, à la règle nationale selon laquelle les emplois permanents de la fonction publique ont vocation à être occupés par des fonctionnaires.

Le recrutement direct par contrat, et sans les garanties d’indépendance, de compétence et de neutralité offertes par le statut, mettrait de plus ces personnels dans une situation de dépendance excessive et peu souhaitable envers leur employeur. Néanmoins, comme nous comprenons l’objectif recherché, je vous propose de retirer cet amendement et de le redéposer une fois que certaines ambiguïtés auront été levées. À défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Victorin Lurel. Je le retire.

L’amendement est retiré.

*

Article 36 ter [nouveau]
(art. 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)

Interdiction des agissements sexistes

L’article 36 ter, issu d’un amendement du Gouvernement, procède du constat que le chapitre II de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose des garanties visant à protéger les fonctionnaires contre les discriminations, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, mais qu’aucune disposition qu’il contient n’interdit la perpétration d’agissements sexistes sur le lieu de travail.

Or, depuis la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, et suite aux recommandations du conseil supérieur à l’égalité professionnelle visant à rendre visible le sexisme dans les relations interindividuelles au travail (73), l’interdiction de tout agissement sexiste figure à l’article L. 1142-2-1 du code du travail.

Par ailleurs, ce principe résulte de la transposition de plusieurs textes européens parmi lesquels la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail. Il s’y trouve notamment prévu que constitue une discrimination fondées sur le sexe « la situation dans laquelle un comportement non désiré lié au sexe d’une personne survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Compte tenu du fait que l’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires traite de l’interdiction de toute distinction fondée sur le sexe, et qu’il existe désormais dans le code du travail une disposition prohibant le sexisme au travail, il apparaît indispensable que les agents de la fonction publique puissent, de la même manière que les salariés du secteur privé, bénéficier d’un dispositif de protection équivalente – même si aucune peine ne vient sanctionner la violation de l’interdiction énoncée.

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La Commission est saisie de l’amendement CS868 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Cet amendement vise à protéger les fonctionnaires contre tout agissement sexiste en modifiant l’article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Le chapitre II de la loi pose des garanties visant à protéger les fonctionnaires contre les discriminations, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Mais il ne prévoit aucune disposition interdisant tout agissement sexiste sur le lieu de travail.

Il vous est proposé que l’acte de sexisme soit considéré comme discriminatoire dans la fonction publique.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36 quater [nouveau]
(art. bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; art. 20 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 42 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 30-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Principe d’alternance entre hommes et femmes pour la présidence
des jurys de recrutement de la fonction publique

L’article 36 quater, issu d’un amendement des rapporteurs, consacre le principe d’une présidence alternée entre les femmes et les hommes pour les jurys et comités de sélection des trois fonctions publiques – État, territoriale et hospitalière.

Un décret en Conseil d’État prévoit les circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier qu’il soit dérogé à ce principe. L’Assemblée nationale considère évident que les conditions fixées par le pouvoir réglementaire devront être les plus restrictives possibles, de façon à ce que le principe ne se trouve pas vidé de son sens par de trop nombreuses dérogations.

*

Puis elle examine l’amendement CS1076 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement consacre le principe d’une présidence alternée entre les femmes et les hommes dans les jurys et comités de sélection des trois fonctions publiques. C’est un amendement parfaitement égalitaire. J’espère que le Gouvernement s’en tiendra à cet engagement paritaire et sera le plus restrictif possible dans la rédaction des décrets prévoyant les cas de dérogation à ce principe d’alternance.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36 quinquies [nouveau]
(art. 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Mention du principe d’égal accès aux emplois publics sur les avis de concours

L’article 36 quinquies, issu d’un amendement des rapporteurs, vise à rappeler à l’ensemble des citoyens, et en premier lieu aux candidats aux concours de la fonction publique, la règle selon laquelle le recrutement est soumis au respect du principe de l’égal accès à l’emploi public, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (74).

La publicité des avis de recrutement au Journal officiel et sur les sites des employeurs publics devra, en conséquence, comporter une mention explicite renvoyant tant à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’aux garanties des articles 6 et 6 bis du statut général des fonctionnaires. Ces deux articles consacrent le principe selon lequel aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race.

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Elle en vient à l’amendement CS1077 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement vise à rappeler aux candidats, dans les avis de concours de la fonction publique, que le recrutement est soumis au respect du principe de l’égal accès à l’emploi public, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La publicité des avis de recrutement au Journal officiel et sur les sites des employeurs publics devra, en conséquence, comporter une mention explicite de ce principe. Certes, nous sommes dans l’ordre du symbole, mais parfois un symbole c’est important.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36 sexies [nouveau]
(art. 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; art. 44 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; art. 31 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière)

Égalité de traitement des candidats aux concours de la fonction publique

L’article 36 sexies, issu d’un amendement des rapporteurs et en cohérence avec l’article précédent, inscrit dans les statuts des trois fonctions publiques l’obligation de respecter le principe de l’égalité de traitement dans le cadre des recrutements par concours. Cette obligation a vocation à notamment peser sur les activités des jurys, même s’il est admis qu’elle préside déjà à leurs délibérations.

*

Elle examine ensuite l’amendement CS898 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous sommes, là encore, dans l’ordre du symbole.

Le présent amendement rappelle, dans les trois fonctions publiques, l’obligation de respecter le principe de l’égalité de traitement dans le cadre des recrutements par concours. Il renforce la cohérence du cadre juridique applicable aux délibérations des jurys avec les dispositions des articles 6 et 6 bis du titre 1er du statut général des fonctionnaires.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36 septies [nouveau]
(art. 23 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique de l’État)

Recrutement de jeunes gens sans emploi en qualité de contractuels
dans des emplois des catégories A ou B dans la perspective de leur inscription aux concours de recrutement de la fonction publique

L’article 36 septies, issu d’un amendement du Gouvernement, vise à favoriser la diversité dans les recrutements de la fonction publique de l’État.

Conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du comité interministériel Égalité et citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015, la fonction publique doit s’ouvrir davantage à la diversité de la population française et offrir, aux publics qui en sont le plus éloignés, la possibilité d’accéder réellement aux emplois publics. Cet engagement vaut tout particulièrement pour les jeunes gens dont certains, même diplômés, rencontrent de sérieuses difficultés dans leur insertion professionnelle. La réussite aux concours, porte d’accès à la fonction publique, nécessite une préparation importante qui peut constituer un frein pour des personnes sorties du système scolaire et en situation de recherche d’emploi.

En complément du dispositif des classes préparatoires intégrées (CPI) adossées aux écoles de service public, appelé à être renforcé d’ici la rentrée 2017 (1000 places contre 450 en moyenne aujourd’hui), la possibilité doit exister, pour les jeunes les plus confrontés à des difficultés d’emploi, d’être recrutés par l’administration en vue de se préparer à subir les concours parallèlement à l’occupation d’un premier emploi dans la fonction publique.

Cette mesure concerne les jeunes gens âgés de 28 ans au plus et résidant notamment dans les quartiers prioritaires pour la politique de la ville, les zones de revitalisation rurale, et les départements et territoires d’outre-mer. Le vivier est identique à celui des emplois d’avenir créés par la loi n° 2012156 du 14 décembre 2012. Ils seront recrutés au moyen d’un contrat de droit public, pour une durée de 12 mois renouvelable selon certaines conditions, sur des emplois de catégorie A ou B relevant de la fonction publique de l’État, tout en bénéficiant d’une formation en alternance pour préparer le concours externe d’accès au corps concerné.

Cette mesure permettra de renouveler les profils des candidats aux concours et de sécuriser les viviers dans certains bassins d’emplois ou secteurs d’activités où les ministères et établissements publics de l’État rencontrent des difficultés de recrutement. À l’instar du dispositif retenu dans le cadre du plan de développement de l’apprentissage dans la fonction publique de l’État, le Gouvernement s’est engagé à ce que ces recrutements ne soient pas pris en compte dans les plafonds et schémas d’emplois des ministères concernés.

L’accompagnement pendant une durée maximale de deux ans n’aura pas pour effet de pourvoir des emplois permanents de l’administration. 500 jeunes gens seront recrutés pour préparer les concours 2017 sur tout le territoire national. Des garanties sont prévues afin d’assurer la transparence des recrutements et de garantir le respect du principe d’égalité, la sélection des candidats s’effectuant sur la base de leurs aptitudes et de leur motivation à rejoindre le service public. Des commissions de sélection auditionneront les candidats sur leur parcours et leur motivation ; ils comporteront un représentant du service public de l’emploi ainsi qu’une personnalité extérieure à l’administration qui recrute. À aptitude égale, priorité sera accordée aux personnes justifiant de l’un au moins des critères sociaux retenus.

Enfin, outre l’engagement de se présenter à un concours, tout bénéficiaire souscrira un engagement de servir dès lors qu’il aura été déclaré lauréat.

*

Elle est saisie de l’amendement CS869 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Dans la droite ligne de l’idée d’ouverture de la fonction publique à la diversité et à la jeunesse, il s’agit de vous présenter un dispositif de pré-recrutement des jeunes sans emploi âgés de vingt-huit ans au plus pour leur faciliter l’accès à la fonction publique pour les postes de catégorie A et B.

Ce mécanisme, créé en concertation avec les organisations syndicales au cours des dernières semaines, vise à compléter le parcours d’accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l’État (PACTHE) mis en œuvre depuis 2005 qui s’adresse aux catégories C. Il s’inscrit dans le prolongement des actions du Gouvernement pour favoriser l’ouverture de la fonction publique et accompagner l’insertion professionnelle des jeunes, à l’instar des classes préparatoires intégrées adossées aux écoles de service public – 1 000 places sont prévues à la rentrée 2017 – et des emplois d’avenir.

Le dispositif proposé vise à permettre à des jeunes qualifiés pouvant prétendre à des postes de catégorie A ou B d’être recrutés au sein d’une administration ou d’un établissement public de l’État en contrat à durée déterminée, tout en bénéficiant d’une formation en alternance et d’un accompagnement par un tuteur en vue de présenter des épreuves au concours. Il s’agit donc bien là d’un système de pérennisation de l’emploi dans la fonction publique.

Des garanties sont apportées dans la sélection de ces candidats quant à leurs aptitudes et leurs motivations puisqu’une commission ad hoc est créée à cet effet.

À aptitude égale, la commission de sélection donnera la priorité aux jeunes qui résident soit dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans une zone de revitalisation rurale, soit dans les départements d’outre-mer. Le contrat est d’une durée de douze mois renouvelable une fois jusqu’à succès au concours.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement est extrêmement bienvenu car il parvient à concilier la recherche de la diversification des recrutements avec le principe fondamental d’égal accès aux emplois publics que garantit le concours.

Avis très favorable donc.

M. Victorin Lurel. Si j’ai bien compris, le dispositif proposé ne concernerait que la fonction publique d’État.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Oui.

M. Victorin Lurel. Serait-il possible que les collectivités d’outre-mer du Pacifique mettent en œuvre la mesure par convention ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. La mesure concerne les services de l’État.

M. Victorin Lurel. Rien ne s’oppose donc à ce que cela s’applique en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à Wallis-et-Futuna.

Mme Ericka Bareigts. Peut-être pourrait-on revoir cette question en séance publique et prévoir un amendement, si nécessaire.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 36 octies [nouveau]
(art. 5 et 8 de
l’ordonnance n° 45 2283 du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanent de l’administration civile)

Concours d’entrée à l’École nationale d’administration

L’article 36 octies, issu d’un amendement des rapporteurs, modernise les règles applicables au concours d’entrée à l’École nationale d’administration dans le sens d’une plus grande égalité réelle et d’une meilleure efficacité de l’action publique.

Le  procède à la suppression du second alinéa de l’article 5 aux termes duquel « les femmes ont accès à l’École nationale d’administration, sous réserve des règles spéciales d’admission à certains emplois ». Cette disposition est aujourd’hui doublement déplacée. D’une part, si la mention d’un possible accès des femmes aux plus hautes fonctions publiques constituait indubitablement un progrès en 1945 au moment où leurs droits étaient approchés de ceux des hommes – notamment avec l’exercice du droit de vote, également conquis à la Libération –, il n’en est plus de même aujourd’hui. La capacité des femmes à intégrer l’ÉNA ne fait pas plus de doute que celle des hommes. Cette survivance est au mieux surannée, au pire stigmatisante. D’autre part, on voit mal quels seraient les emplois pourvus par la voie de l’ÉNA qui présenteraient des règles spéciales d’admission excluant les femmes, sans même imaginer quelles sujétions rendraient légitimes pareilles exclusions.

Le  modifie les conditions de constitution du jury du concours d’entrée à l’ÉNA, chargée de former les membres de la haute fonction publique de l’État, en prenant exemple sur les modalités d’organisation du concours de l’Institut national des études territoriales (INET), qui prépare pour sa part les hauts cadres de la fonction publique territoriale. Le jury du concours de l’INET est composé de neuf personnes, dont trois élus locaux. Si les six autres membres du jury (hauts fonctionnaires et universitaires) s’attachent à vérifier les compétences techniques des candidats, les élus locaux recherchent ce qu’ils attendent dans les futurs agents publics avec lesquels ils seront amenés à travailler à l’avenir. Il y a, en outre, une forme de logique à ce que les futurs employeurs participent au recrutement de leurs futurs agents.

Cette présence de l’autorité politique n’existe pas au sein de l’École nationale d’administration. Il est permis de le regretter, et de penser que la présence d’un élu au sein du jury du concours d’entrée ancrerait davantage le recrutement dans les réalités de terrain et dans la diversité de la France. Un bon haut fonctionnaire n’est pas seulement un bon connaisseur de l’économie et du droit, ce que vérifient les universitaires ; il n’a pas seulement vocation à se comporter comme ses prédécesseurs et à reproduire des traditions immuables, ce qu’induit la présence dans le jury de membres des grands corps. Un bon haut fonctionnaire a aussi et surtout vocation à appliquer la politique déterminée par les autorités constituées, qui elles-mêmes représentent la nation et puisent leur légitimité de la volonté du peuple.

Il serait souhaitable que cette responsabilité puisse échoir à l’employeur des futurs énarques, donc au ministre chargé de la fonction publique. Mais il apparaît illusoire qu’un membre du Gouvernement puisse disposer du temps nécessaire pour assumer une charge aussi consommatrice de temps, et sa représentation par un fonctionnaire de son administration priverait d’effet la mesure souhaitée.

L’article 36 octies prévoit donc que des élus soient, de droit, membres du jury du concours d’entrée de l’École nationale d’administration. Dès lors que la Constitution confie au Parlement la mission de contrôler le Gouvernement, donc le pouvoir exécutif et l’administration, il convient que cette charge soit dévolue à des parlementaires. Un député et un sénateur seront désignés en ce sens, dans le respect du principe de parité.

*

La Commission examine l’amendement CS899 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement a un double objet. D’abord, il supprime un archaïsme qui autorise les femmes à se présenter au concours d’entrée à l’ENA, et encore pas pour toutes les fonctions à la sortie. Cette rédaction, qui était un progrès à l’époque de la Libération, constitue aujourd’hui une offense faite aux femmes.

Ensuite, je propose d’ajouter aux dix-huit membres du concours d’entrée de l’ENA un député et un sénateur des deux sexes. Alors que les employeurs figurent, à juste titre, dans les jurys de recrutement, il ne semble pas anormal que les représentants de la nation recrutent ceux qui se destinent au service public du plus haut rang.

Dans la haute fonction publique territoriale, le jury de l’Institut national des études territoriales (INET) comprend neuf personnes dont un tiers d’élus locaux – ces hauts fonctionnaires vont, en effet, passer leur vie professionnelle auprès d’eux.

Il n’existe rien de tel dans la haute fonction publique d’État. C’est regrettable car, à faire évaluer les futurs fonctionnaires par leurs aînés et par des universitaires, on s’assure certes de la compétence, mais aussi de la parfaite reproduction des profils.

L’École nationale d’administration (ENA) a réformé l’an dernier son concours pour diversifier son recrutement. Résultat : le nombre d’admis en provenance de Sciences Po Paris a augmenté. On peut s’interroger sur cette réforme et envisager d’en revoir les modalités.

On m’opposera que, contrairement aux élus locaux, les parlementaires que je propose d’intégrer au jury ne sont pas des employeurs. Je veux bien que l’on nomme dans le jury des ministres, mais je doute que vous en ayez le loisir, madame la ministre.

J’en profite pour attirer l’attention sur le fait que rares sont les jeunes des quartiers populaires à accéder à l’ENA. Je salue les efforts de l’ENA mais les résultats sont insuffisants. Il nous faut réfléchir aux moyens d’assurer la diversité dans le recrutement à l’ENA.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement est favorable à l’amendement sous réserve de la suppression des deux derniers alinéas ; les députés et les sénateurs ne sont pas employeurs.

Mme Marylise Lebranchu. J’ai essayé dans une autre fonction de faire bouger les choses mais je dois reconnaître qu’elles ne bougent guère.

L’entrée à Sciences Po ou les études de droit sont loin d’être ouvertes à tous les citoyens. Il faut impérativement développer les classes préparatoires intégrées dans les lycées, qui fonctionnent très bien. Un effort reste à faire pour ouvrir le concours de l’ENA.

Je ne suis pas favorable à la présence de députés ou de sénateurs au sein du jury pour la même raison que la secrétaire d’État, ils ne sont pas employeurs contrairement aux élus locaux. En revanche, on pourrait envisager la désignation, à la discrétion du ministre de la fonction publique, du Président de la République ou du Premier ministre, de deux personnalités issues d’un autre milieu que celui de la haute fonction publique.

Nous pourrions accepter la rectification proposée par la secrétaire d’État mais il faut trouver, d’ici à la séance, le moyen de faire entrer dans le jury deux personnes qui ne sortent pas du même moule.

M. Yves Blein. Je tiens à rectifier certains propos : les parlementaires sont des employeurs, ils sont tous à la tête d’une TPE.

Je salue cette bonne initiative qui permet d’élargir l’appréciation portée sur des candidats qui se destinent à la chose publique. Je suis partisan d’adopter l’amendement en l’état, quitte à le faire évoluer en séance.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je propose de maintenir cet amendement mais je prends l’engagement de le retravailler pour tenir compte des observations qui ont été formulées sur la présence de personnalités issues de la société civile, qui ne seront pas plus employeurs que les députés ou les sénateurs, afin de diversifier le jury.

M. le rapporteur général. Je le reconnais, la référence aux employeurs dans l’exposé des motifs n’est pas des plus heureuses car elle prête à interprétation.

Les parlementaires sont confrontés à ces mécaniques formidables que sont les élèves de l’ENA. C’est une bonne chose de favoriser les contacts entre eux au travers du jury. J’apporte un soutien total à la rapporteure d’autant qu’elle s’est engagée à retravailler l’amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Nous sommes d’accord sur l’essentiel. Je maintiens ma demande de suppression des alinéas 3 et 4 et vous propose de travailler en vue de la séance sur la composition du jury et la présence d’autres personnalités.

M. le rapporteur général. Le jury de l’ENA comprend déjà des personnalités non fonctionnaires. Même M. Zemmour y a siégé.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Ce n’est pas une bonne référence.

M. le rapporteur général. Il serait d’autant moins scandaleux d’inclure des parlementaires.

Mme Marylise Lebranchu. Je me permets tout de même de rappeler que de nombreux parlementaires sont issus de l’ENA. Ajouter un parlementaire énarque ne modifiera pas l’état d’esprit du jury. Je préférerais que soient désignés des élus locaux, qui ont vraiment l’habitude de mettre les mains dans le cambouis. Mieux vaut un maire qu’un parlementaire énarque avec un mandat unique. Ce n’est pas parce qu’on est parlementaire qu’on est à l’écoute de tout le monde.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. N’oublions pas que les parlementaires sont censés représenter la nation dans sa diversité. Certains parlementaires sont élus de quartiers dont on aimerait qu’ils apportent plus de jeunes à l’ENA. Nous allons retravailler cet amendement pour trouver une formule en adéquation avec le but recherché.

La Commission adopte l’amendement.

*

Chapitre IV
Dispositions améliorant la lutte
contre le racisme et les discriminations

Dans sa rédaction initiale, le chapitre IV comprenait cinq articles destinés à renforcer les dispositifs de lutte contre les discriminations. Ils étaient répartis en deux sections en fonction des textes modifiés : la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse et le code pénal pour les articles 37 à 40 ; la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire pour l’article 41.

Dans le texte adopté par la commission spéciale, le chapitre IV compte désormais trente-quatre articles répartis en dix sections constituées en fonction des objectifs poursuivis et des textes modifiés.

*

Avant l’article 37

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CS1225 des rapporteurs et CS741 de Mme Chantal Guittet.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement CS1225 propose de simplifier le chapitre IV en mentionnant uniquement la lutte contre toutes les formes de discrimination. Il revient aux différentes sections, à l’intérieur de ce chapitre, d’en détailler le contenu, en particulier le sexisme, ce qui pourrait satisfaire l’amendement CS741.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. J’émets un avis défavorable sur cet amendement. Le racisme et les discriminations sont deux notions différentes qui méritent d’être distinguées. La référence au racisme doit être maintenue. L’intitulé du chapitre souligne la volonté gouvernementale de lutter contre les discriminations sous toutes leurs formes sans les hiérarchiser. Le racisme se distingue de la discrimination même s’il peut y conduire.

Le maintien de ces deux termes ne pose aucune difficulté pour la lutte contre le sexisme qui constitue une discrimination liée au sexe. En revanche, mentionner ce terme, dont l’utilité symbolique est évidente, introduit une hiérarchie dans les critères de discrimination, en accordant à celui lié au sexe une importance particulière, ce que nous ne faisons pas pour le handicap par exemple.

La philosophie du texte est de traiter toutes les formes de discrimination et de racisme sans établir des sous-catégories. Nous devons nous adresser non pas à des groupes mais à des individus pour ne pas alimenter des stigmatisations ou des frustrations à l’origine de la fracture sociale qui traverse notre société.

Mme Maud Olivier. Je ne partage pas du tout votre argumentation. Le sexisme n’est pas une discrimination comme les autres. Il donne lieu à des violences dont les femmes sont plus victimes que les hommes, et pour lesquelles la discrimination en raison du sexe est rarement reconnue comme une circonstance aggravante. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’introduire la notion de féminicide. D’autres amendements vont suivre pour lutter contre le sexisme et en faire une circonstance aggravante dans certains cas. Notre société est trop tolérante à l’égard des discriminations que subissent les femmes. Je souhaite fortement que le sexisme apparaisse dans le titre de ce chapitre.

M. le rapporteur général. La distinction entre le sexisme et les discriminations à l’égard des femmes, vous avez raison, madame la ministre, est à rapprocher de la différence entre racisme et discrimination. Rien ne justifie que le rejet de l’autre au nom de la prétendue race ne soit pas combattu de la même façon que le rejet en raison du sexe.

Ce débat est fondamental. On ne peut pas annoncer un texte pour l’égalité, qui traite de la situation des femmes ou du handicap, et conserver un titre qui mentionne le racisme.

La discrimination envers les femmes diffère du sexisme. Confondre les deux équivaut à assimiler racisme et discrimination. Or, dans ces matières, se tromper sur les mots, c’est déjà perdre le combat.

La commission pose les termes du débat. Je propose de retirer l’amendement et de nous fixer l’objectif d’aboutir en séance à une rédaction qui reflète les positions que nous venons d’exprimer.

M. Christophe Premat. Je ne suis pas très convaincu par les arguments de la secrétaire d’État. Ce projet de loi porte sur l’égalité et la citoyenneté. Il faut s’en tenir à une désignation générique des discriminations, qui peuvent d’ailleurs se cumuler. La qualification est importante, d’autant qu’elle peut avoir des conséquences juridiques. Il me semble dommage de reporter sine die cet amendement auquel la délégation aux droits des femmes est attachée.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement que nous proposons présente l’avantage de ne pas hiérarchiser les discriminations. Il n’existe pour moi pas d’échelle de valeur dans les discriminations, qui peuvent d’ailleurs se cumuler.

Notre idée était d’affirmer que les différentes formes de discrimination sont toutes condamnables et de consacrer à chacune d’elles une section au sein d’un chapitre plus général. Je pensais faire là une proposition de sagesse, tenant compte des amendements à venir sur le sexisme que, je l’espère, nous adopterons. Mais je suis prête à retirer l’amendement s’il le faut.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement n’établit pas de hiérarchisation dans les discriminations.

J’ai déjà exprimé un avis défavorable sur l’amendement CS1225. Quant à l’amendement CS741 qui propose d’insérer le mot sexisme dans le titre du chapitre IV, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. le rapporteur général. Je note une certaine incompréhension. La question à laquelle nous devons répondre est la suivante : ce débat doit-il être tranché maintenant ou en séance ?

Les amendements sont retirés.

*

Section 1
Dispositions modifiant la loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse et le code pénal

Dans sa rédaction initiale, la section 1 comprend les articles 37 à 40, qui modifient la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et le code pénal pour renforcer le régime répressif en matière de lutte contre les discriminations.

Dans le texte adopté par la commission spéciale, la section 1 compte désormais huit articles.

Article 37
(art. 24, 33, 50-1, 51, 54-1 [nouveau], 55, 65-3 et 65-4 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881)

Répression des infractions de presse

L’article 37 modifie les chapitres IV – sur les crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication – et V – relatifs aux poursuites et à la répression – de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin de rendre inapplicables aux injures, diffamations et provocations à caractère discriminatoire les spécificités substantielles et procédurales de cette loi et de rapprocher du droit commun le régime applicable à ces infractions.

1. L’état du droit

La lutte contre les propos à caractère raciste ou discriminatoire occupe une place déterminante dans le combat pour le respect de chacun et pour l’égalité de tous, dans l’ambition républicaine de mettre un terme à toutes les injustices dont le sentiment d’inégalité qui résulte des discriminations n’est pas le moindre. Nées avec la libération de la presse au début de la iiie République, les quelques limites qu’impose la loi à la liberté d’expression se justifient par la préservation de la paix sociale. En matière de discrimination, elles sont la leçon des événements tourmentés du xxsiècle et la conséquence de la ferme résolution de ne pas laisser se déchaîner les mêmes haines et les mêmes préjugés.

a. Les infractions réprimées

La répression du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence est prévue à l’article 24 (75) de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Quant à la circonstance aggravante de racisme, homophobie ou handiphobie pour les diffamations et les injures publiques, elle figure respectivement aux articles 32 (76) et 33 (77) de la même loi.

Ces dispositions résultent en premier lieu de la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, dite « loi Pleven » qui a réprimé les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ainsi que les diffamations et les injures fondées sur ces mêmes motifs.

Elles ont été complétées par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, qui a réprimé ces mêmes faits commis à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap.

Par ailleurs, le code pénal dispose que la diffamation (78) et l’injure (79) discriminatoires, lorsqu’elles ne sont pas commises en public, constituent des contraventions de quatrième classe – punies par une amende ne pouvant excéder 750 euros. La provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence, également de nature contraventionnelle, est réprimée d’une amende de 1 500 euros doublée en cas de récidive (80).

b. Un droit très protecteur de la liberté d’expression

Le régime procédural applicable à ces infractions est voisin de celui des autres délits « de presse » de la loi du 29 juillet 1881. Il n’est pas applicable uniquement aux professionnels de l’information, mais également aux particuliers, et présente des particularités destinées à protéger la liberté d’expression :

– l’exigence d’articulation et de qualification des réquisitions interruptives de prescription rend plus aisée l’acquisition de la prescription (81) ;

– l’impossibilité de requalifier des faits entraîne des nullités pour des faits mal ou insuffisamment qualifiés, et la citation doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction (82) ;

– les délais de citation de vingt jours sont augmentés d’un jour par cinq myriamètres – soit cinquante kilomètres – de distance, d’où des délais variables en fonction des situations géographiques (83) ;

– le droit prévoit une protection des supports matériels de l’infraction par un régime de saisie spécifique et limitatif, la saisie ayant pour but de collecter une preuve et non pas de mettre fin au trouble créé par l’infraction (84) ;

– les éléments les plus attentatoires aux droits de la défense et à la présomption d’innocence de la procédure pénale, notamment la comparution immédiate (85) et la détention provisoire (86), sont expressément exclus.

Deux dispositions protectrices de la loi du 29 juillet 1881 ne sont cependant pas applicables aux propos racistes et discriminatoires :

– la Cour de cassation a refusé d’accorder aux auteurs de diffamation raciale le bénéfice de l’exception de vérité prévue à l’article 35 (87) : il n’est pas question de laisser entendre qu’un discours raciste pourrait avoir une quelconque validité en autorisant son auteur à défendre sa pertinence ;

– le législateur a entendu déroger aux délais de prescription de droit commun de la presse en établissant, pour les trois délits à caractère discriminatoire notamment, une prescription d’un an (88).

Ce régime de protection de la liberté d’expression fait obstacle à une répression plus efficace des délits de presse discriminatoires, pourtant plus graves que les autres délits de presse, et particulièrement néfastes à la bonne cohésion de la société française. Alors même que le développement des réseaux sociaux et la libération d’une parole publique outrancière génèrent une banalisation de l’expression raciste et discriminatoire, les condamnations pénales demeurent relativement peu nombreuses.

LES CONDAMNATIONS POUR INFRACTION À LA LOI SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Délits d’injure, diffamation et provocation à caractère discriminatoire

 

2010

2011

2012

2013

2014*

Origines (race, ethnie, nation, religion)

309

222

261

226

221

Orientation et identité sexuelle

10

8

14

12

25

Sexe

0

0

0

2

2

Handicap

1

0

0

0

2

Totaux

320

230

275

240

250

Source : Casier judiciaire national. * Données 2014 provisoires.

LES CONDAMNATIONS POUR INFRACTION À LA LOI SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Contravention de 4e classe pour injure, diffamation et provocation à caractère discriminatoire

 

2010

2011

2012

2013

2014*

Origines (race, ethnie, nation, religion)

171

184

170

174

169

Orientation et identité sexuelle

35

27

13

29

33

Sexe

0

4

0

4

2

Handicap

4

4

5

7

3

Totaux

210

219

188

214

207

Source : Étude d’impact liée au projet de loi. * Données 2014 provisoires.

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 37 tire les conséquences des faiblesses du dispositif répressif de la loi du 29 juillet 1881. Il prévoit donc son évolution pour une répression plus efficace sans remettre en cause les caractéristiques protectrices les plus essentielles du droit de la presse.

a. La préservation des libertés publiques

La perspective d’une fusion en un seul délit des infractions d’injures et de diffamations racistes et discriminatoires a été évoquée au cours de la préparation du projet de loi, pour finalement être abandonnée. Si elle évitait les difficultés qui résultent de l’interdiction de requalification, elle confondait des comportements très différents, résultant souvent de situations et de contextes différents, et à propos desquels une jurisprudence précise s’est développée avec le temps. De plus, les termes d’injure et de diffamation sont connus du grand public, ce qui rend délicate la définition d’une nouvelle terminologie.

La tentation d’une intégration dans le code pénal des délits d’expression à caractère raciste ou discriminatoire a également été écartée. Ce transfert suscite de fortes oppositions, notamment de la part de la majorité des associations de défense des droits de l’homme, au regard des risques d’atteintes excessives au principe constitutionnel et conventionnel de liberté d’expression. Il soulève d’importants problèmes juridiques, notamment en imposant de redéfinir les différentes infractions, et pose le problème de l’application des procédures de droit commun – comparution immédiate, détention provisoire et délais de prescription plus longs.

Enfin, la volonté d’apporter une réponse rapide aux faits incriminés a conduit à apprécier la pertinence d’un éventuel recours à l’ordonnance pénale délictuelle, procédure de jugement simplifié, sans audience et non contradictoire (89). Mais cette sanction automatisée est dépourvue de dimension pédagogique, élément fondamental dans la répression des propos racistes et discriminatoires. De plus, le contexte de commission des délits de presse laisse supposer un taux d’opposition très élevé, qui réduirait à néant l’ambition initiale de célérité. Le Gouvernement a donc renoncé à cette piste de réflexion.

b. Une répression plus efficace

Le , le et le c) du 3° rendent possible le prononcé de la peine de stage de citoyenneté prévue à l’article 131-5-1 du code pénal (90). Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, les services du ministère de la justice travaillent déjà au développement des stages de citoyenneté pour les auteurs d’actes à caractère raciste à la fois à titre d’alternative aux poursuites et à titre de peine complémentaire. La rédaction des articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 conduit toutefois à penser que le stage de citoyenneté serait une peine complémentaire de la sanction pénale classique mais, en aucun cas, une alternative à celle-ci.

Le a) du 3° aligne la sanction encourue en répression d’une injure publique à caractère raciste ou discriminatoire sur celles prévues pour les diffamations et les provocations à la haine, soit un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, contre six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende aujourd’hui. Tous les délits de presse à caractère discriminatoire seraient passibles des mêmes peines.

Le b) du 3° supprime l’excuse de provocation dont bénéficient les auteurs d’injure publique lorsque celle-ci revêt un caractère discriminatoire, considérant qu’il revient à chacun de se contrôler et de réfréner ses mauvais instincts même lorsqu’il se sent offensé. Le même raisonnement prévaut déjà à l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 qui n’admet pas l’excuse de provocation pour le délit d’injure publique envers les représentants de l’autorité publique (91). Ce régime a récemment été jugé par la Cour de cassation conforme à la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité le contestant n’ayant pas été transmise au Conseil constitutionnel (92).

Le  permet au juge des référés, saisi par le ministère public et par toute personne ayant intérêt à agir, d’ordonner l’interruption du service de communication en ligne diffusant des messages constitutifs des trois délits à caractère discriminatoire.

Le  écarte la protection accordée par le droit de la presse en matière de saisie consécutive à la commission de l’un des trois délits à caractère discriminatoire. La saisie des écrits ou imprimés, des placards ou affiches, a lieu conformément aux règles de droit commun édictées par le code de procédure pénale.

Le insère dans la loi du 29 juillet 1881 un nouvel article 54-1 ouvrant la possibilité pour la juridiction de requalifier les différents délits de provocation, diffamation et injure, ces différentes qualifications pouvant se remplacer les unes les autres. Cette requalification doit s’effectuer selon une procédure contradictoire afin de garantir l’exercice effectif des droits de la défense. En effet, les moyens soulevés par un prévenu pour se défendre d’une accusation peuvent différer de ceux employer pour se défendre d’une autre, fût-elle voisine.

Le  précise que l’exception de vérité reste invocable par le défendeur lorsqu’une poursuite engagée sur le fondement de l’injure ou de la provocation à la haine est requalifiée en diffamation par la juridiction. Cette précision est conforme à la rédaction actuelle de la loi, mais vouée à s’effacer devant la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui n’admet aucune exception de vérité en matière de racisme ou de discrimination. Cette disposition est directement inspirée de l’avis du Conseil d’État qui a considéré, au regard des exigences résultant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, que l’exclusion par la loi de ce fait justificatif ancien, dont le champ d’application a été accru par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme, pour les diffamations à caractère discriminatoire, soulevait une difficulté constitutionnelle et conventionnelle. Le Gouvernement a suivi sa recommandation que soit laissée au juge judiciaire la liberté d’apprécier la portée et la recevabilité de ce fait justificatif – c’est-à-dire, en l’espèce, la liberté de ne pas l’admettre.

Le supprime, pour les trois délits, l’exigence d’articulation et de qualification des réquisitions interruptives de prescription. Il sera donc plus aisé de poursuivre les auteurs de ces infractions.

Enfin, le  étend le délai de prescription allongé à un an aux contraventions de provocation, diffamation et injures racistes ou discriminatoires non publiques. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, la répression de ces faits non publics a vocation à être unifiée au rang de contraventions de la cinquième classe. Cette évolution relève toutefois du pouvoir réglementaire et non du législateur.

3. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels des rapporteurs ainsi qu’un amendement de M. Bernard Lesterlin visant à renommer la peine complémentaire de stage de citoyenneté en « stage d’apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen », afin de ne pas donner à la notion de citoyenneté la connotation négative qui s’attache à une sanction pénale.

*

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CS467 et CS673, tous deux de M. Bernard Lesterlin.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement d’apparence sémantique revêt une importance symbolique. La loi Perben II a institué une peine alternative appelée stage de citoyenneté. Or il semble dommage que la notion de citoyenneté soit attachée à une peine. C’est la raison pour laquelle l’amendement propose de substituer à cette dénomination celle de stage « d’apprentissage des droits et des devoirs du citoyen ».

M. Yves Blein. L’amendement CS673, qui a le même objet, fait référence « aux valeurs de la République et aux devoirs du citoyen ». Cette rédaction me semble préférable.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. J’ai une préférence pour l’amendement CS673.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

L’amendement CS467 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS673.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS1045 et CS1044 des rapporteurs.

La Commission adopte l’article 37 modifié.

*

Article 38
(art. 132-76,132-77, 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-18-1, 222-24, 222-30,
225-18, 311-4, 312-2, 322-2, et 322-8 du code pénal)

Création de circonstances aggravantes générales

L’article 38 modifie le code pénal afin de généraliser les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie, actuellement prévues pour certaines infractions limitativement énumérées, à l’ensemble des crimes et des délits.

1. L’état du droit

Afin de conjurer la menace que représentent les discriminations sur la cohésion du corps social, le code pénal les réprime non seulement per se mais aussi en tant que circonstances aggravantes, lorsqu’elles viennent motiver ou accompagner certaines autres infractions. La France avait anticipé la démarche désormais attendue par le droit européen selon lequel, « pour les infractions autres que [les « délits de presse » racistes], les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que la motivation raciste et xénophobe soit considérée comme une circonstance aggravante ou, à défaut, que cette motivation puisse être prise en considération par la justice pour la détermination des peines » (93).

La loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, a introduit dans le code pénal un article 132-76 relatif à l’aggravation, dans les cas prévus par la loi, des sanctions encourues (94) à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Seules certaines incriminations sont cependant concernées :

– le meurtre (95) ;

– les tortures et actes de barbarie (96) ;

– les violences (97) ;

– les menaces (98) ;

– les violations de sépulture et atteinte aux cadavres (99) ;

– le vol (100) et l’extorsion (101) ;

– les destructions et dégradations (102).

Un dispositif identique a été institué en répression des infractions commises à raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure – pour l’orientation sexuelle – et par la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel – pour l’identité sexuelle. Il figure à l’article 132-77 du code pénal (103) et se limite également à certaines infractions :

– le meurtre ;

– les violences ;

– le viol (104) et l’agression sexuelle (105;

– les tortures et actes de barbarie ;

– les menaces ;

– le vol et l’extorsion.

La limitation des infractions susceptibles d’aggravation a pour conséquence le faible nombre des condamnations prononcées par les juridictions – de l’ordre de moins d’une centaine par an.

LES CONDAMNATIONS AGGRAVÉES PAR LA CIRCONSTANCE DE RACISME OU D’HOMOPHOBIE

 

2010

2011

2012

2013

2014*

Origines (race, ethnie, nation, religion)

65

36

73

46

49

Orientation et identité sexuelle

28

23

33

32

26

Totaux

93

59

106

78

75

Source : Casier judiciaire national. Données 2014 provisoire.

L’étude d’impact jointe au projet de loi mentionne, par ailleurs, une ambiguïté dans la rédaction du deuxième alinéa des articles 132-76 et 132-77 du code pénal. Il semblerait « préciser que les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie ne peuvent être retenues que si elles ont été "objectivées" par propos, écrits, images, objets ou actes ». La recherche d’objectivité est cependant propre à la démarche pénale ; on ne peut imaginer recommander que le juge se fie à sa propre subjectivité au moment de prononcer sa décision.

Il n’en reste pas moins que la liste limitative des infractions susceptibles d’être aggravées par les circonstances de racisme et d’homophobie présente un caractère particulièrement restrictif que l’analyse juridique peine à justifier. Elle écarte des hypothèses qui ne semblent pourtant pas aberrantes : une agression sexuelle ou un harcèlement sexuel pourrait être fondé sur des mobiles racistes, une dégradation ou une destruction de bien peut répondre à des motivations homophobes.

De même, la rédaction actuelle ne permet pas d’aggravation de la peine sur une circonstance aggravante par ailleurs présente dans le dossier. Un vol simple motivé par des intentions racistes sera aggravé, mais pas s’il est commis en bande organisée ou avec violences. Les tortures et actes de barbarie perpétrés pour des raisons homophobes seront aggravés, mais pas si la victime est mineure ou dans le cadre d’un guet-apens.

2. Les dispositions du projet de loi

L’article 38 transcrit l’un des engagements du plan interministériel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, dévoilé par le Premier ministre le 17 avril 2015, en généralisant les circonstances aggravantes de racisme et d’homophobie à l’ensemble des crimes et délits. Quoique rare dans le droit français, cette option ne soulève pas de difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel : une disposition comparable existe déjà, à l’article 132-79 du code pénal, « lorsqu’un moyen de cryptologie […] a été utilisé pour préparer ou commettre un crime ou un délit ».

Le prévoit une augmentation des peines carcérales encourues en répression d’un crime ou d’un délit précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes qui, soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime pour des raisons racistes ou à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, soit établissent que les faits ont été commis pour l’une de ces raisons. Cette formulation présente l’avantage de faire disparaître le mot « race » (106) et de lever le doute quant à l’application des circonstances aggravantes lorsque les faits sont objectivés par des écrits, des images, des propos, des objets ou des actes qui, sans porter atteinte à l’honneur, établissent toutefois les raisons discriminatoires de leur commission.

Le dispositif prévoit de porter à la réclusion criminelle à perpétuité la sanction aggravée d’une infraction simple punie de trente ans, à trente ans celle punie de vingt ans, à vingt ans celle punie de quinze ans, à quinze ans celle punie de dix ans, à dix ans celle punie de sept ans, à sept ans celle punie de cinq ans, et de doubler la peine carcérale encourue lorsqu’elle n’excède pas trois ans. Il n’est évidemment pas applicable lorsque le racisme constitue déjà l’un des éléments constitutifs de l’infraction – le cas le plus évident étant celui de la discrimination prohibée par les articles 225-1 et suivants du code pénal.

Le institue une circonstance aggravante à raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle des victimes selon un dispositif identique.

Enfin, le  supprime par coordination les circonstances particulières d’aggravation des peines pour des motifs racistes ou homophobes présentes dans le code pénal et précédemment détaillées.

3. La position de votre commission spéciale

Les débats de la Commission ont permis l’adoption de cinq amendements, de trois modifications rédactionnelles et de coordination à l’initiative des rapporteurs.

Un amendement des rapporteurs a également traduit une préoccupation exprimée par le Défenseur des droits à l’occasion de son audition par la commission spéciale dans la perspective de l’étude du projet de loi. Les textes relatifs à la lutte contre les discriminations répriment les atteintes fondées sur « l’orientation ou identité sexuelle des personnes ». D’une part, ces deux critères sont distincts l’un de l’autre, et la mise en commun de l’adjectif qualificatif, bien que grammaticalement correcte, n’est pas très heureuse. D’autre part et surtout, on sait aujourd’hui que « identité sexuelle » ne signifie pas grand-chose et que la construction sociale des individus est plus heureusement reflétée par l’expression « identité de genre ». La commission a donc dissocié l’orientation sexuelle et l’identité de genre comme critères autonomes constitutifs d’une circonstance aggravante dans la commission d’une infraction pénale.

Enfin, la Commission a adopté un amendement de Mme Maud Olivier reconnaissant comme circonstance aggravante supplémentaire le fait que l’infraction ait été perpétrée à raison du sexe de la victime.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1043 des rapporteurs.

Elle en vient ensuite à l’amendement CS828 de Mme Chantal Guittet.

M. Christophe Premat. Il convient sans doute de nuancer l’exposé sommaire de cet amendement qui propose d’ajouter la langue aux critères de discrimination.

Il s’agit surtout de prendre en considération les discriminations liées à l’accent et au parler dans certains territoires.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je vous invite à retirer votre amendement dont je partage l’esprit – à tel point que je propose, à l’article 41, d’inscrire la capacité à parler une autre langue que le français comme un nouveau critère de discrimination prohibée.

Mais votre amendement porte sur l’article 38, qui crée une circonstance aggravante de discrimination pour toutes les infractions pénales, pour les raisons les plus graves seulement. Elles se comptent sur les doigts d’une main : le racisme, la xénophobie, la haine religieuse, l’homophobie ; nous vous proposerons d’y ajouter le sexisme.

Je ne crois pas qu’il soit utile d’inscrire la langue parmi les critères de discrimination qui amènent à commettre des crimes. Je crois volontiers que certains ont des attitudes obtuses à l’égard de la pratique des langues régionales et étrangères, et que ces préjugés peuvent conduire à des refus de service pour des raisons discriminatoires. Mais je doute que quiconque soit déjà passé au meurtre au motif que la victime parlait breton ou basque. Dans ces cas les plus graves, on retombe immanquablement sur de la xénophobie, qui elle est bien réprimée plus durement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je suis défavorable à cet amendement même si je partage votre constat.

La pratique d’une langue régionale ou un accent peuvent fermer des portes. Les accents renvoient à des représentations limitatives et discriminatoires. Ainsi cette forme de discrimination renvoie-t-elle aux motifs de discrimination déjà prévus dans le code pénal – l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, ou une race.

M. Christophe Premat. Je reconnais qu’il n’est pas souhaitable d’en faire une circonstance aggravante. Pour ne pas affaiblir le dispositif de lutte contre les discriminations, j’accepte de le retirer. La discrimination par la langue renvoie parfois à la xénophobie ou à la perception de celle-ci.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CS1042 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CS744 de Mme Maud Olivier.

M. Yves Blein. Il s’agit d’un amendement extrêmement important auquel notre groupe est très attaché. Il vise à faire du sexisme une circonstance aggravante de tous les crimes et délits au même titre que le racisme et l’homophobie.

M. le rapporteur général. Cet amendement est d’une grande portée politique. Son adoption serait une consécration pour les militantes et les militants associatifs qui se battent depuis des années pour voir reconnue la violence fondée sur le sexe parmi les circonstances aggravantes des crimes et délits. Nous en serions très fiers.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Nous partageons le même combat. Toutefois, pour des motifs techniques, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement au profit d’un amendement du Gouvernement. Nous souhaitons en effet éviter les doubles aggravations en excluant du champ d’application de la circonstance aggravante générale les hypothèses où le caractère sexiste d’une infraction est déjà pris en compte comme élément constitutif. Pour certains actes, le sexisme ne peut être à la fois l’élément constitutif et la circonstance aggravante. Je pense, par exemple, au viol où le sexisme est élément constitutif et non circonstance aggravante. D’autres circonstances aggravantes sont prévues par les articles 220 et suivants du code pénal.

Je sais que beaucoup d’associations se sont émues de notre démarche. Il sera utile de rencontrer leurs membres pour leur expliquer nos motivations, qui ne devraient pas les inquiéter.

Mme Élisabeth Pochon. J’avoue être surprise. Par l’amendement CS744, nous voulons prendre en compte les violences commises à l’encontre des femmes en raison de leur sexe. Or un viol peut être perpétré à l’encontre d’une personne du même sexe que l’auteur des faits. Je ne comprends pas le lien que vous établissez

M. le rapporteur général. Nous travaillons depuis des mois avec Mme Chapdelaine autour de cette reconnaissance. Je propose que notre commission adopte l’amendement CS744. Si des problèmes d’adaptation technique se posent, nous adopterons des correctifs lors de la séance pour les prendre en compte. Vous pouvez nous faire confiance pour veiller à ce que les modalités d’application de cette mesure soient conformes au droit, au regard de la haute exigence politique que nous exprimons dans cet amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CS742 de Mme Maud Olivier et l’amendement CS892 des rapporteurs.

M. Yves Blein. L’utilisation des termes « identité sexuelle » plutôt qu’« identité de genre » alimente la méconnaissance et les préjugés qui pèsent sur les personnes transidentitaires. Par ailleurs, le fait de placer les termes d’« identité sexuelle » à côté de ceux d’« orientation sexuelle » renforce l’amalgame communément fait entre personnes transsexuelles et homosexuelles.

Pour ces raisons, nous préférons l’expression « identité de genre », plus claire et davantage utilisée dans le droit européen et international.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Notre amendement reprend les préconisations formulées par le Défenseur des droits lors de son audition. Il a indiqué qu’il convenait de distinguer l’orientation sexuelle de l’identité sexuelle : l’orientation sexuelle correspond à la capacité de chacun à ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers une autre personne, qu’elle soit de même sexe ou de sexe différent, tandis que l’identité sexuelle vise l’expérience intime et personnelle de son genre, profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance. Par ailleurs, il a souligné qu’il était préférable de remplacer les termes d’« identité sexuelle » par ceux d’« identité de genre ».

Notre amendement se distingue de l’amendement CS742 par le fait qu’il ne reprend pas les qualificatifs de « vraie et supposée ». Lors de son audition, une chercheuse spécialiste des discriminations a en effet souligné qu’accoler ces termes à certains des vingt critères de discrimination fixés par la loi et pas à d’autres était source de difficultés. Si l’on parle d’« orientation sexuelle vraie ou supposée » ou de l’« appartenance vraie ou supposée à une religion », pourquoi ne pas parler aussi d’« âge vrai ou supposé », de « grossesse vraie ou supposée », de « lieu de résidence vrai ou supposé » et ainsi de suite ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. J’aimerais saluer le travail de Mme la rapporteure sur ce sujet éminemment délicat. Je suis favorable à son amendement, qui est une première en ce domaine, et suis défavorable à l’amendement CS742 en raison de l’utilisation des termes « vraies ou supposées ».

M. Yves Blein. Je retire l’amendement CS742.

L’amendement CS742 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS892.

Elle est saisie de l’amendement CS866 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Cet amendement insère dans le code pénal un article 132-77-1 instituant une circonstance aggravante générale de sexisme applicable à l’ensemble des crimes et délits. Cet article reconnaît ainsi que les faits sexistes, racistes ou homophobes sont d’une égale gravité et évite toute concurrence des motifs de violences ou discriminations.

Dans un souci de cohérence, il exclut toutefois de son champ d’application les infractions pour lesquelles le mobile sexiste est déjà pris en compte, directement ou indirectement, soit par l’incrimination elle-même, soit en tant qu’élément constitutif, soit par une autre circonstance aggravante.

M. le rapporteur général. Cet amendement porte en lui les éléments de sécurisation juridique que Mme la ministre appelait de ses vœux. Nous y sommes défavorables pour l’heure, car il reviendrait à annuler les effets de l’amendement CS744 que nous venons d’adopter.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je retire l’amendement pour y retravailler en vue de la séance.

L’amendement CS866 est retiré.

La Commission adopte l’amendement de coordination CS1041 des rapporteurs.

Elle adopte l’article 38, modifié.

*

Après l’article 38

La Commission examine, en présentation commune, l’amendement CS830 et l’amendement CS832 de Mme Chantal Guittet.

M. Christophe Premat. Cet amendement vise la responsabilisation des élus en prenant en compte la qualité d’élu dans le champ des peines appliquées pour les condamnations pour agression sexuelle et harcèlement sexuel.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’aggravation est déjà prévue à l’encontre de toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, et de toute personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. Ainsi, si un élu se comporte mal et que l’infraction est directement liée à sa qualité d’élu, les peines auxquelles il s’expose sont d’ores et déjà aggravées.

En revanche, si le comportement de l’agresseur n’a aucun lien avec son mandat, rien ne justifie que la justice soit envers lui plus sévère qu’envers un autre.

Je sais qu’il s’agit d’un amendement d’appel et que mes arguments sont bien compris par les auteurs. Je demande, en conséquence, le retrait de ces amendements.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Même avis.

M. Christophe Premat. Je vais retirer ces amendements d’appel, mus par la volonté de rappeler le respect des règles déontologiques qui s’impose aux élus.

M. le rapporteur général. Je voudrais témoigner, monsieur Prémat, de mon malaise devant certaines interpellations que nous avons reçues à propos du comportement de certains élus, qui frisaient le populisme. Faisons attention à ne pas surfer sur certaines tendances de notre société qui ne sont pas très saines.

M. Christophe Premat. Nos amendements n’entendaient nullement stigmatiser les élus.

Mme Élisabeth Pochon. Le climat actuel conduit à vouloir battre toutes les coulpes possibles et imaginables. Le lien de subordination peut être invoqué dans bien d’autres situations, par exemple pour un médecin face à un malade, un avocat face à son client. Je ne vois pas pourquoi les élus devraient être plus durement sanctionnés que d’autres

Les amendements CS830 et CS832 sont retirés.

*

Article 38 bis [nouveau]
(art. 166 et 167 du code pénal local applicable
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle)

Abrogation du délit de blasphème et alignement
des sanctions encourues en cas de trouble à l’exercice des cultes

L’article 38 bis, issu d’un amendement de M. Philippe Doucet, met officiellement fin à l’application du délit de blasphème en droit alsacien-mosellan et aligne sur le droit commun les dispositions réprimant le trouble à l’exercice des cultes.

L’article 166 du code pénal allemand du 15 mai 1871 réprime le blasphème d’une peine de trois ans d’emprisonnement. Cette disposition n’a fondé aucune condamnation depuis le retour de l’Alsace-Moselle au sein de la République française.

La valeur juridique de cet article est sujette à caution. Dans sa décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 sur le régime des corporations obligatoires en Alsace et en Moselle, le Conseil constitutionnel a relevé que l’atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité de la loi, qui résulte de l’absence de version officielle en langue française d’une disposition législative, pouvait être invoquée pour faire échec à l’application d’un texte édicté par l’Empire allemand. L’article 166 ne fait pas partie des dispositions expressément traduites afin d’être introduites dans le droit interne par le décret du 27 août 2013 portant publication de la traduction de lois et règlements locaux maintenus en vigueur par les lois du 1er juin 1924 dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Il ne devrait donc pas trouver application, selon la position soutenue par le ministre de la Justice dans sa réponse apportée le 22 décembre 2015 à la question écrite n° 81 822 que lui avait soumise notre collègue André Chassaigne.

Pour autant, l’article 166 du code pénal allemand a bien reçu une traduction officielle, publiée au Journal officiel, dans la réponse adressée par le ministre de l’Intérieur le 1er juillet 2006 à la question écrite n° 22 419 du sénateur Jean Louis Masson : « Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération et reconnue comme corporation, ou les institutions ou cérémonies de ces cultes, ou qui, dans une église ou un autre lieu consacré à des assemblées religieuses, aura commis des actes injurieux et scandaleux, sera puni d’un emprisonnement de trois ans au plus. »

Le doute est donc permis.

Par ailleurs, l’article 167 du code pénal allemand du 15 mai 1871 a bien été traduit en français par le décret précité. Il dispose : « Celui qui, par voies de fait ou menaces, empêche une personne d’exercer le culte d’une communauté religieuse établie dans l’État, ou qui, dans une église ou dans un autre lieu destiné à des assemblées religieuses, empêche ou trouble par tapage ou désordre, volontairement, le culte ou certaines cérémonies du culte d’une communauté religieuse établie dans l’État, est passible d’un emprisonnement de trois ans au plus. » Cette répression du trouble à l’exercice du culte est très similaire à celle prévue en droit commun à l’article 32 de la loi du 9 décembre 1905, selon lequel : « Seront punis [de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six à deux mois, ou de l’une de ces deux peines] ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices. »

Cependant, les peines prévues apparaissent tout à fait dissemblables : le trouble à l’exercice du culte est un délit en Alsace-Moselle passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans, quand il constitue potentiellement une simple contravention sur le reste du territoire.

L’article 38 bis aligne donc en deux points le droit alsacien-mosellan sur les dispositions en vigueur dans le reste du territoire métropolitain : d’une part en écartant sans équivoque l’application du délit de blasphème, d’autre part en alignant les dispositions pénales réprimant les cas de trouble à l’exercice du culte. Ces deux évolutions correspondent aux recommandations formulées par l’Observatoire de la laïcité dans son avis du 12 mai 2015 sur le régime local des cultes en Alsace et en Moselle, étant entendu que l’abrogation explicite du délit de blasphème est réclamée par les représentants des cultes reconnus eux-mêmes.

*

La Commission en vient à l’amendement CS833 de M. Philippe Doucet.

M. Philippe Doucet. Par cet amendement, je voudrais appeler l’attention sur le fait que les citoyens français ne sont pas tous égaux face au droit de blasphémer, ce qui semble être un enjeu politique et symbolique fort après les attentats de Charlie Hebdo.

En Alsace-Moselle, le droit de blasphémer est toujours interdit puisque le code pénal allemand de mai 1871 continue de s’appliquer.

Entendons-nous bien, il s’agit non pas de revenir sur le droit social spécifique qui s’applique à l’Alsace-Moselle ou sur l’ensemble du régime concordataire mais, suivant les recommandations formulées par l’Observatoire de la laïcité, d’abroger l’article 166 du code pénal allemand qui interdit de blasphémer et de modifier l’article 167, afin d’obtenir un alignement sur le droit commun. Une personne ne saurait être condamnée à Strasbourg pour un acte qui ne lui attirerait aucune sanction si elle l’avait commis à Bordeaux.

Nous réaffirmons ainsi que la liberté d’expression est un bien précieux de notre République et que le blasphème est un droit sur l’ensemble du territoire de la République.

M. le rapporteur général. En toute honnêteté, je ne motiverai jamais ce genre d’amendement par des événements à la charge symbolique aussi forte les attentats de Charlie Hebdo.

Cela dit, je suis favorable à cette disposition qui met en cohérence le droit avec la réalité.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

M. Victorin Lurel. Je comprends parfaitement cet amendement mais je me pose certaines questions. Le concordat ne s’applique qu’à quatre cultes en Alsace-Moselle : le culte catholique, le culte réformé, le culte luthérien, le culte israélite. Les autres articles du code pénal local s’appliquent-ils à d’autres religions ?

M. Philippe Doucet. L’Observatoire de la laïcité s’est également interrogé sur ce point. Lors de la signature du Concordat, sous Napoléon, le culte musulman n’avait évidemment pas la place qu’il occupe aujourd’hui. Dans son avis du 12 mai 2015, cette instance a souligné qu’aucune distinction ne serait faite entre les différentes religions en Alsace-Moselle.

Mme Élisabeth Pochon. L’important n’est pas de savoir quelle religion est concernée mais de réaffirmer que le concept de blasphème n’a pas à s’appliquer sur notre territoire, en raison de notre histoire et de notre culture.

La Commission adopte l’amendement CS833.

*

Après l’article 38 bis

Elle est saisie de l’amendement CS739 de Mme Maud Olivier.

M. Yves Blein. La loi de réforme du dialogue social a introduit la notion d’agissement sexiste dans le code du travail. Toutefois le sexisme étant présent dans l’ensemble de la société, nous considérons qu’il n’y a pas de raison de le circonscrire à la sphère professionnelle. Cet amendement vise donc à réprimer plus largement les agissements sexistes en insérant une section qui leur est spécifiquement consacrée dans le code pénal.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je crains que cet amendement ne soit une fausse bonne idée et vous demande de bien vouloir le retirer.

Vous proposez de réprimer d’une contravention de cinquième classe, c’est-à-dire de 1 500 euros, le fait de créer un environnement intimidant, humiliant ou dégradant pour une personne en raison de son sexe.

Or c’est une définition très proche de celle du harcèlement sexuel prévu à l’article 222-33 du code pénal : « propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Certes il doit y avoir répétition dans ce cas, mais les choses se discutent toujours en justice.

Je crains donc qu’une personne coupable de harcèlement sexuel, profitant de votre amendement, ne se déclare spontanément coupable d’agissement sexiste. Cette défense lui permettrait de requalifier l’infraction, et d’encourir 1 500 euros d’amende au lieu de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable pour les raisons qui viennent d’être exposées. La disposition proposée comporte un risque. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement CS739 est retiré.

*

Article 38 ter [nouveau]
(art. 24 bis et 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Négationnisme et apologie de la traite et de l’esclavage

L’article 38 ter, issu d’un amendement de M. Victorin Lurel, ouvre la possibilité d’une action en justice pour apologie de crime contre l’humanité à l’encontre des personnes qui affirmer cautionner la traite négrière et l’esclavage qui l’a suivi.

À l’initiative de M. Jean-Claude Gayssot, la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, a créé une infraction pour punir pénalement les propos révisionnistes relatif à la négation de l’Holocauste, crime contre l’humanité.

Depuis, l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse punit d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende toute personne ayant contesté l’existence de crimes contre l’humanité définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis, soit par des membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 de ce statut, soit par une personne reconnue coupable d’un tel crime par une juridiction française ou internationale.

Par ailleurs, l’article 48-2 de la même loi donne qualité à toute association, déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont les statuts prévoient la défense de l’honneur de la Résistance ou des déportés, d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour l’apologie des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de collaboration ou en cas de révisionnisme.

Si les articles 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, qui répriment respectivement la provocation à la discrimination et à la haine raciales, la diffamation et l’injure, permettent – parfois – de sanctionner des propos qui pourraient remettre en cause la réalité de l’esclavage, il s’avère cependant que le délit d’apologie de l’esclavage et d’atteinte à l’honneur des descendants des victimes n’existe pas dans notre régime juridique.

En conséquence, si le législateur a choisi de qualifier la traite négrière et l’esclavage de crime contre l’humanité par la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001, les conséquences tirées par les juridictions se révèlent très limitées. La Cour de Cassation a jugé que, « si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, une telle disposition législative, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi et caractériser l’un des éléments constitutifs du délit d’apologie » (107). Ce faisant, la Cour a cassé un arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France qui condamnait de ce chef des propos qui évoquaient « les bons côtés de l’esclavage et les colons qui étaient très humains avec leurs esclaves, qui les ont affranchis et qui leur donnaient la possibilité d’avoir un métier ».

Afin de remédier à l’impuissance du droit à réprimer de tels propos, l’article 28 ter étend les dispositions de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 à la remise en cause du crime contre l’humanité que constituent la traite et l’esclavage. Il élargit également, dans un dispositif qui devra être coordonné avec l’article 39 du projet de loi, la qualité des associations à agir aux structures qui se destinent à la défense de l’honneur des victimes de tout crime contre l’humanité.

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La Commission examine les amendements CS679 et CS678 de M. Victorin Lurel, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Victorin Lurel. L’amendement CS679 vise à compléter le dernier alinéa de l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 par les mots suivants : « ou qu’elle justifie que ces personnes ne s’opposent pas aux poursuites ».

En cas d’actes de discrimination ou d’actes racistes, on rencontre des problèmes de charge de la preuve. Nous proposons que, lorsqu’il n’y a pas de désaccord exprès, si elle est à même de justifier qu’elle a pris contact avec les personnes visées et que celles-ci ne s’y sont pas opposées, une association puisse ester en justice.

Je précise que le premier amendement qui avait été déposé sur ce thème a été revu avec la Chancellerie.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis extrêmement favorable à l’amendement CS679, qui rend plus aisée la poursuite des propos constitutifs d’une apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité en permettant aux associations de les poursuivre, sauf opposition de la victime, quand elles doivent, dans le droit actuel, recueillir préalablement un accord explicite. C’est un double progrès. Il facilitera le passage de la justice et la répression de propos qui n’ont pas leur place dans la France d’aujourd’hui.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État à l’égalité réelle. Avis favorable, sur le principe. Mais, dans la pratique, d’importantes difficultés se posent. Voilà pourquoi le Gouvernement préférerait que l’amendement CS679 soit retiré et rediscuté en séance. Cela permettra de le retravailler et de le rendre techniquement opérationnel.

M. Victorin Lurel. J’avoue avoir du mal à retirer cet amendement après y avoir travaillé avec les services de la Chancellerie. Nous avions déjà retiré le premier amendement qui avait été déposé. Ce n’est pas moi qui ai rédigé les amendements CS679 et CS678, c’est le ministère de la justice. Il estimait en effet qu’il valait mieux écrire : « si ces personnes ne s’opposent pas aux poursuites », plutôt que : « s’il n’y a pas de désaccord exprès de ces personnes ». L’amendement CS679 permettrait par ailleurs d’harmoniser la procédure, au civil comme au pénal. Nous n’inventons rien du tout. Et je maintiens l’amendement.

M. Victorin Lurel. Je tiens à apporter une précision : ce qui est proposé dans l’amendement CS679 est déjà une obligation en droit européen. Je veux parler de la décision-cadre 2008-913 du Conseil du 28 novembre 2008, dont le considérant 11 est en quelque sorte repris dans cet amendement : « Il y a lieu de faire en sorte que les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions relevant du racisme ou de la xénophobie ne dépendent pas de déclarations ou d’accusations émanant des victimes, qui sont souvent particulièrement vulnérables et hésitent à engager des poursuites. »

Le texte de l’amendement a fait l’objet d’une navette entre notre groupe et la Chancellerie, qui a proposé la nouvelle rédaction que je vous soumets. C’est déjà pratiquement ce que l’on fait en droit civil. Ce n’est pas une révolution, c’est une simple harmonisation qui met fin à une dissymétrie dans la procédure judiciaire. Je remercie tous les collègues du groupe d’avoir signé cet amendement, et à la commission de l’avoir porté.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Si nous sommes d’accord sur le fond, les deux amendements posent un problème technique. Je souhaiterais que vous retiriez l’amendement CS678 pour que nous puissions travailler, d’ici à la séance publique, à une rédaction qui puisse satisfaire chacun d’entre nous.

En ce qui concerne l’amendement CS679, j’émettrai un avis de sagesse.

M. Victorin Lurel. Je maintiens l’amendement CS678 qui a fait, lui aussi, l’objet de navettes. Les juristes qui ont été consultés ont dit qu’il était parfait. Il aurait toutefois été préférable de ne pas toucher à l’article 24 bis. La Chancellerie est donc prête à proposer, d’ici à la séance publique, une nouvelle rédaction permettant de contourner l’article 24 bis.

Il s’agit ici de pouvoir sanctionner toute apologie de crime de guerre, de crime contre l’humanité, de génocide et de l’esclavage. L’amendement permet de lutter contre toute atteinte portée aux intérêts moraux ou à l’honneur des fils de déportés, de descendants de génocides, de crimes contre l’humanité, dont l’esclavage, mentionné à l’article 1er de la loi Taubira – lequel n’a pas de force normative. Par cet amendement, on unifie le droit et on comble un vide juridique.

Je demande à la Commission d’être ouverte à toute rédaction que la Chancellerie pourrait proposer demain, mais d’adopter l’amendement en l’état, puisqu’il n’y a pas, pour le moment, de rédaction alternative.

M. le rapporteur général. Cet amendement ne sort pas du néant. Victorin Lurel a convaincu, est allé voir les membres de la Commission, s’est fait le relais des nombreuses associations qui, depuis des années, travaillent sur le sujet. Certes, des questions juridiques peuvent se poser, et nous ne les ignorons pas, mais elles n’ont rien à voir avec les débats qui ont pu avoir lieu à propos de la loi de 1881. Nous sommes totalement disponibles à la sécurisation que le Gouvernement pourrait proposer pour la séance. Mais il me semble que les parlementaires de la majorité membres de la commission soutiennent unanimement cet amendement, qui serait une très belle conquête. Avis favorable à l’amendement CS678.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je ne voudrais pas laisser croire que le Gouvernement n’est pas sensible à la question soulevée par l’amendement. Nous ne sous-estimons pas le travail considérable accompli par Victorin Lurel, mais nous ne sous-estimons pas non plus le problème juridique qui se pose, et que nous tâcherons de résoudre d’ici à la séance. Car les gens nous regardent, ils souhaitent que cette mesure rentre dans les faits, et dans l’histoire.

M. Yves Blein. Madame la secrétaire d’État, les évolutions que vous proposez feront-elles l’objet d’un amendement ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Victorin Lurel est chargé de rédiger un amendement qui réglerait les problèmes techniques évoqués. Ce ne serait pas un sous-amendement, mais une réécriture de l’amendement, préparée conjointement avec la Chancellerie. On ne peut imaginer que, en la matière, le Gouvernement se montre réfractaire ou timide, qu’il ne souhaite pas aborder un sujet qui permettrait une si grande avancée.

M. Victorin Lurel. C’est tout un travail qui a été réalisé en amont. Les services de la Chancellerie nous ont soumis un texte, qu’ils ont accepté de reprendre, car il ne nous semblait pas atteindre l’objectif contenu dans l’amendement du groupe. Le biais juridique qu’ils avaient proposé restreignait en effet le champ de notre amendement. Je leur ai donc demandé de revoir leur copie d’ici à la séance, en modifiant le cinquième alinéa de l’article 24, et en rétablissant l’article 28. Si le ministère arrive à une rédaction satisfaisante, nous accepterons ce qu’il voudra bien nous proposer et retirerons cet amendement en séance : plus exactement, je soumettrai la nouvelle version de cet amendement au groupe, qui le présentera à nouveau. En attendant, vous pouvez accepter le texte tel qu’il est, car, sur le fond, il est satisfaisant.

M. Yves Blein. Le groupe Socialiste, écologiste et républicain soutiendra l’amendement CS678, qui est l’expression d’un accord philosophique entre le Gouvernement et Victorin Lurel. Certes, il faudra sans doute en faire évoluer la rédaction d’ici à la séance, mais ce sera déjà une base de discussion.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Cette discussion nous a permis de nous réunir autour de cette question, et cela me tenait à cœur. Voilà pourquoi, en attendant que le problème technique soit réglé, j’émets un avis de sagesse.

Mme la présidente Annick Lepetit. Merci, madame la secrétaire d’État, pour votre geste.

La Commission adopte l’amendement CS679.

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Article 38 quater [nouveau]
(art. 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Condition de l’action des associations
en matière de négationnisme et d’apologie

L’article 38 quater, issu d’un amendement de M. Victorin Lurel, modifie l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 qui ouvre la possibilité à toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont les statuts prévoient la défense de la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants, d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence raciale, de diffamation ou d’injure raciale. Mais cette disposition précise que « quand l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ». Cette exigence d’un accord express tend à paralyser les procédures, les victimes préférant souvent ne pas s’exposer aux rigueurs d’une instance judiciaire.

L’amendement transforme la condition d’accord de la victime en condition d’absence d’opposition, ce qui devrait faciliter le concours des associations dans la répression des infractions de presse en matière d’atteinte à la mémoire des esclaves et à l’honneur de leurs descendants.

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La Commission adopte l’amendement CS678.

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Article 39
(art. 48-2 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse)

Intérêt à agir en matière de négationnisme et d’apologie

L’article 39 réforme les règles relatives à la constitution de partie civile des associations dans les procédures pénales du chef d’apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il a vocation à répondre à la censure par le Conseil constitutionnel, avec effet au 1er octobre 2016, des dispositions actuellement en vigueur.

1. L’état du droit

L’article 48-2 de la loi de du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réserve le monopole des constitutions de partie civile du chef d’apologie de crimes de guerre et de crime contre l’humanité ou de crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi – prévus à l’article 24 –, ainsi que pour les contestations de crime contre l’humanité définis à l’article 24 bis, aux associations de défense des intérêts moraux et de l’honneur de la Résistance ou des déportés. Cette limitation, qui affirme la particularité des faits commis durant la Seconde Guerre mondiale, exclut les nombreuses associations de victimes d’autres crimes de guerre et de crimes contre l’humanité reconnues par la France (108).

Dans sa décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, Association Communauté rwandaise de France, le Conseil constitutionnel a jugé cette restriction contraire à la Constitution, considérant qu’elles créaient une inégalité face à la loi fondée sur une distinction injustifiée au profit des associations défendant les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés.

Le Conseil constitutionnel a souligné qu’aux termes de l’article 461-1 du code pénal, constitue un crime de guerre l’ensemble des infractions commises lors d’un conflit armé international ou non international et en relation avec ce conflit, en violation des lois et coutumes de la guerre ou des conventions internationales applicables aux conflits armés. Par ailleurs, aux termes des articles 211-1 et 212-1 du code pénal, constituent un crime contre l’humanité le crime de génocide ainsi que, lorsqu’elles sont commises en application d’un plan concerté, les atteintes aux personnes. Dès lors qu’il apparaît donc « que le législateur n’a pas prévu une répression pénale différente pour l’apologie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité selon que ces crimes ont été commis ou non pendant la Seconde Guerre mondiale » (109), les associations qui se proposent de défendre les intérêts moraux et l’honneur des victimes d’autres crimes de guerre ou d’autres crimes contre l’humanité doivent bénéficier des mêmes avantages légaux pour faire avancer leur cause.

2. Les dispositions du projet de loi

Tenant compte de la décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015, l’article 39 du projet de loi réécrit l’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 afin de préserver les droits des associations à se porter partie civile dans les affaires d’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.

L’option consistant à étendre la capacité à se constituer partie civile à toutes les associations de défense des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité a été écartée par le Gouvernement. L’étude d’impact jointe au projet de loi fait mention de la crainte de voir des associations engager des procédures à propos d’événements historiques qui ne sont pas reconnus par la France comme des génocides ou des crimes contre l’humanité. Selon le Gouvernement, il ne revient pas au juge pénal d’examiner une bataille ou de se pencher sur des exactions passées, pour juger qu’il s’agit ou non d’un crime de guerre, qu’il s’agit ou non d’un crime contre l’humanité.

Le dispositif retenu étend la capacité à se constituer partie civile aux seules associations de défense de victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ayant fait l’objet de condamnations prononcées par une juridiction française ou internationale, de façon à limiter les procédures sur ce fondement. Ces associations pourront agir contre les apologies de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ainsi que, sur le fondement de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, contre la contestation du crime contre l’humanité défini par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945. (110)

Dans son avis sur le projet de loi délibéré le 31 mars 2016, paragraphe 57, le Conseil d’État estime que réserver la possibilité d’exercice par les associations des droits de la partie civile pour le délit d’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité aux cas où ils ont fait l’objet d’une condamnation par une juridiction française ou internationale, alors même le délit d’apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ne prévoit pas cette condition, n’est pas contraire au principe d’égalité dès lors que l’existence d’une telle condamnation induit une différence de situation avec les mêmes crimes n’ayant pas fait l’objet de sanction judiciaire. Une telle distinction a d’ailleurs été admise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016, M. Vincent R., pour le délit de contestation de crime contre l’humanité prévu à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 (111).

L’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions est repoussée au 1er octobre 2016, date d’effet de la décision d’inconstitutionnalité prononcée par le Conseil constitutionnel.

3. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté trois amendements des rapporteurs.

Le premier est de portée rédactionnelle.

Le deuxième permet l’exercice de l’action civile en matière d’apologie et de crime contre l’humanité aux associations ayant pour objet statutaire la lutte contre les discriminations, étant entendu que les propos correspondants témoignent autant d’une volonté de salir la mémoire des morts que d’attenter à la concorde entre les vivants.

Le troisième supprime l’entrée en vigueur décalée prévue par la rédaction initiale du projet de loi. En effet, il semble peu probable que le texte puisse être régulièrement adopté et promulgue au 1er octobre 2016.

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La Commission est saisie de l’amendement CS1040 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Bien que le Conseil constitutionnel ait repoussé au 1er octobre 2016 la déclaration d’inconstitutionnalité à l’encontre de l’article 48-2 de la loi sur la liberté de la presse, il est probable que le projet de loi dont nous discutons n’aura pas été promulgué à cette date. Le présent amendement propose donc une entrée en vigueur spécifique : l’article 39 entrera en vigueur, comme le reste de la loi, à sa publication.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CS1059 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Les propos constitutifs d’une apologie de crime de guerre ou de crime contre l’humanité témoignent rarement d’un attachement fort à la fraternité entre les peuples. Ceux qui les profèrent visent autant à salir la mémoire des morts qu’à troubler l’existence des vivants. Cet amendement en tire les conséquences. Les associations mémorielles ne doivent pas être les seules à se porter partie civile pour des faits d’apologie. Cette possibilité doit aussi être ouverte aux associations de lutte contre les discriminations.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis très favorable. Effectivement, les associations de lutte contre les discriminations sont concernées au premier chef par ces actions.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel CS1039 des rapporteurs.

Puis elle adopte l’article 39 modifié.

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Article 39 bis [nouveau]
(art. 225-1-2 [nouveau] et 225-2 du code pénal)

Répression de la discrimination dont sont victimes les personnes qui ont subi ou refusé de subir un bizutage

La clarification du cadre législatif prohibant le bizutage depuis 1998, ainsi que les actions des établissements et du ministère de l’Enseignement supérieur pour prévenir les dérives ont permis de faire reculer cette pratique. Mais le passage d’un bizutage revendiqué par l’institution à une intégration, organisée dans un cadre associatif ou privé en dehors des établissements, pose des difficultés nouvelles. Des dérives continuent d’exister, lors de « week-end d’intégration » ou sous couvert d’événements festifs où se mêlent alcoolisation excessive et humiliations forcées sous la pression du groupe pour maintenir la tradition.

Des pressions à l’endroit de victimes ou d’étudiants faisant état de bizutage persistent dans certaines filières. Les témoins ou les victimes peuvent également s’exposer à des discriminations dans leur parcours de formation ou lors de leur insertion professionnelle. Les associations de lutte contre le bizutage font enfin état de difficultés constantes pour briser la loi du silence. 

Concernant la protection des témoins de bizutage contre les pressions tendant à les dissuader de témoigner, les dispositions d’ordre général de l’article 434-15 du code pénal permettent déjà de sanctionner les auteurs de menaces. 

Issu d’un amendement des rapporteurs, l’article 39 bis complète l’arsenal législatif en créant une infraction destinée à réprimer la discrimination dont pourrait être victime une personne à raison des faits de bizutage qu’elle a dénoncés ou dont elle a été témoin. Il s’inspire du dispositif prévu par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, codifié à l’article 225-1-1 du code pénal, relatif à la discrimination subie par des victimes ou des témoins de faits de harcèlement sexuel et qui punit notamment « la distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont témoigné de faits de harcèlement sexuel ». La création de cette incrimination sécurisera les victimes et témoins d’actes de bizutage. Dans certains cas, il pourrait également permettre d’encourager les témoignages sur le bizutage et d’en faciliter la preuve.

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La Commission est saisie de l’amendement CS901 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement a pour objet de lutter contre les discriminations liées à un bizutage. En effet, les auditions préparatoires ont montré que des pratiques discriminatoires pouvaient se manifester dans certains établissements à l’encontre des étudiants qui avaient dénoncé, en tant que victimes, voire en qualité de témoins, des actes de bizutage réprimés par la loi. Or ce comportement n’est pas susceptible de recevoir une qualification pénale évidente. Le présent amendement assimile donc à une discrimination le fait de pénaliser une personne au motif qu’elle a apporté son concours à la disparition de ces pratiques d’un autre âge.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable. Cet amendement complète à juste titre le cadre législatif de prohibition du bizutage en réprimant comme étant discriminatoires les différences de traitement opérées à l’encontre d’une personne qui a subi ou refusé de subir un bizutage. Par cet amendement, d’une certaine façon, on libère la parole, et on permet aux personnes qui l’ont subi ou qui refusent de le subir d’agir plus ouvertement.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 40
Application outre-mer

1. L’état du droit et les dispositions du projet de loi

L’article 74 de la Constitution prévoit que le statut des collectivités qu’il régit détermine « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Ces collectivités sont en principe soumises au principe dit de « spécialité législative », en vertu duquel les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse. Il en va ainsi de la Polynésie française (112), de Saint-Barthélemy et Saint-Martin (113), de Saint-Pierre-et-Miquelon (114), des îles Wallis et Futuna (115), et des Terres australes et antarctiques françaises (116). La Nouvelle-Calédonie est également soumise au principe de spécialité législative, mais sur le fondement de l’article 77 de la Constitution précisé par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon prévoient toutefois que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit en dérogation au principe de spécialité. On parle de « régime de l’Atlantique » ou de régime du « tout est applicable sauf... » (117). Il n’y a alors pas lieu, pour les textes concernés, de prévoir une mention particulière d’applicabilité.

Certaines prescriptions ne requièrent pas de mention expresse d’applicabilité. Il s’agit des lois nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République (118), des approbations et des ratifications de traités et accords internationaux, des ratifications d’ordonnances (119) et des textes destinés à ne s’appliquer que dans une ou plusieurs collectivités d’outre-mer (120). La modification du dispositif de lutte contre les discriminations n’entre pas dans ce cadre.

La large autonomie dont dispose la Polynésie française, en vertu du statut de 2004 qui régit ce territoire, permet toutefois d’y appliquer les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations. En effet, l’article 7 précise que c’est seulement « dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État [que] sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin ». L’article 14, qui dresse la liste de ces compétences, fait bien mention de la garantie des libertés publiques, du droit pénal et de la procédure pénale (121).

La situation de la Nouvelle-Calédonie est similaire : l’article 21 du statut de 1999 réserve à l’État les compétences relatives à la garantie des libertés publiques, à la procédure pénale et au droit pénal (122).

La loi conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer dispose en son article 4 que « le territoire des îles Wallis et Futuna est désormais régi […] par les lois de la République et par les décrets applicables, en raison de leur objet, à l’ensemble du territoire national et, dès leur promulgation dans le territoire, par les lois, décrets et arrêtés ministériels déclarés expressément applicables aux territoires d’outre-mer ou au territoire des îles Wallis et Futuna ». Établi aux débuts de la Ve République, ce statut ne confère que peu de compétences aux autorités locales, au contraire des textes élaborés au cours des vingt dernières années.

Enfin, le statut des Terres australes et antarctiques françaises a été modernisé par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. L’article 1-1 inclut le droit pénal et la procédure pénale parmi les matières qui relèvent de la compétence de l’État et qui sont applicables de plein droit sur le territoire (123). La protection des libertés publiques et le droit de la presse ne sont cependant pas mentionnés, et ne sont donc applicables qu’en cas de mention expresse.

Il ressort de ces dispositions que, d’une part, le législateur a qualité pour imposer l’application de la section 1 du chapitre IV du titre III du présent projet de loi sur le territoire de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises. Il en découle également que, d’autre part, il doit expressément en faire mention si telle est sa décision.

2. La position de votre commission spéciale

La Commission a adopté l’article 40 sans lui apporter de modification. Les différents amendements portant articles additionnels étant cependant susceptibles de trouver application dans les territoires ultramarins, il conviendra de procéder aux coordinations nécessaires une fois leur rédaction stabilisée.

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La Commission adopte l’article 40 sans modification.

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Avant l’article 41

La Commission examine l’amendement CS16 de M. Jean-Claude Buisine.

Mme Colette Capdevielle. Cet amendement reprend la proposition de loi du sénateur Yannick Vaugrenard visant à reconnaître la pauvreté comme motif de discrimination, comme le recommande la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son avis du 26 septembre 2013.

La discrimination d’accès au logement, à la santé, à l’emploi dont sont victimes les personnes en situation de précarité sociale présente la singularité d’être à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté. De nombreux États ont par ailleurs déjà reconnu ce critère de discrimination depuis plusieurs années, comme le Québec où la discrimination sociale fondée sur « la condition sociale » a été introduite en 1975.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je vais demander à Mme Capdevielle de retirer son amendement, puisque la reprise de la proposition de loi Vaugrenard a été adoptée mardi dernier. Cela étant, je vous sais gré, madame la députée, de nous l’avoir rappelé.

L’amendement est retiré.

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Section 2
Dispositions modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire
dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Dans sa rédaction initiale, la section 2 comprenait un unique article 41 modifiant la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Dans le texte adopté par la commission spéciale, la section 2 compte désormais trois articles. L’un d’entre eux devra être inscrit dans la loi du 27 mai 2008 au cours de l’examen du projet de loi en séance publique afin de restaurer la cohérence de l’intitulé.

Article 41
(art. 1er, 2 et 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations)

Harmonisation des critères constitutifs d’une discrimination
en droit civil et en droit pénal

1. L’état du droit et les dispositions du projet de loi

L’article 41 du projet de loi porte réforme des recours civil et administratif en matière de discriminations dans l’accès aux biens et services. Il a vocation à mettre fin à la dissymétrie du droit français en matière de lutte contre les discriminations.

En matière d’emploi, de location immobilière, de santé ou d’éducation notamment, les textes prévoient un recours civil ou administratif, en parallèle du dispositif pénal, afin d’apporter des réponses adaptées aux situations de discrimination. Les comportements les plus délibérés tombent sous le coup de la loi pénale alors que les comportements établis par des preuves indirectes relèvent d’un contentieux indemnitaire devant les juges civils, prud’homaux ou administratifs. En effet, la charge de la preuve fait l’objet d’un aménagement aux termes de l’article 4 de la loi du 27 mai 2008 : « toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. »

L’article 41 harmonise la liste des motifs discriminatoires de la loi de 2008 avec celle inscrite dans le code pénal ainsi qu’à l’article L. 1132-1 du code du travail, moyennant l’admission de différences de traitement légitimes.

Le 24 mai 2016, l’Assemblée nationale a adopté un dispositif identique à celui de l’article 41 à l’article 44 du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle (124). Conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, le Premier ministre a demandé la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion dans ce projet de loi. Celle-ci devrait se tenir avant la fin du mois de juin.

En conséquence, il est très probable que les dispositions contenues à l’article 41 auront été adoptées et promulguées avant que la discussion parlementaire du présent projet de loi ne soit achevée.

2. La position de votre commission spéciale

La Commission a jugé que la situation créée par l’adoption du dispositif prévu à l’article 41 au sein du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle lui imposait une alternative :

–  soit considérer que la définition des critères constitutifs d’une discrimination a été fixée par l’Assemblée nationale sans qu’il soit possible de revenir dessus, que le débat est par conséquent clos, et qu’il convient donc supprimer l’article 41 ;

–  soit juger que le projet de loi soumis à l’examen de la commission spéciale a pour mission de traiter notamment de la lutte contre les discriminations, qu’il serait incompréhensible de le faire sans examiner la liste des critères de ce qui constitue une discrimination en droit civil et en droit pénal, et réintroduire cette liste dans une nouvelle rédaction de l’article 41.

Sur proposition des rapporteurs, la Commission a retenu cette seconde option et procédé à une rédaction globale de l’article, supprimant les dispositions de coordination prévus dans la version initiale.

Le I reformule in extenso la liste des critères de discrimination figurant au premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Le II reprend à l’identique ladite liste et l’insère à l’article 225-1 du code pénal.

Le III met fin à une potentielle discordance entre droit civil et droit du travail en supprimant la liste contenue à l’article L. 11321 du code du travail relatif aux discriminations dans l’entreprise, et en lui substituant un renvoi aux critères énoncés par la loi du 27 mai 2008.

Le IV prévoit l’application de cette nouvelle rédaction dans les territoires ultramarins bénéficiant d’une autonomie statutaire.

Par ailleurs, les listes retenues préservent les avancées législatives les plus récentes en unifiant la définition de la discrimination. La perte d’autonomie, inscrite dans la loi du 27 mai 2008 par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, ne figurait pas dans le code pénal, ce qui sera désormais le cas. La prise en compte de la particulière vulnérabilité d’une personne résultant de sa situation économique, ajoutée par la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, est également préservée (125).

La nouvelle rédaction a aussi été l’occasion d’améliorer la liste des critères de discrimination prohibés en distinguant, sur la recommandation du Défenseur des droits et comme à l’article 38, les notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Les discriminations fondées sur la capacité d’une personne à s’exprimer dans une autre langue que le français ont été incluses en tant que nouveau critère.

En revanche, les discussions entre les députés de la Commission ont conduit à abandonner la perspective d’une précision au critère de l’apparence physique, qui recouvre implicitement seulement les discriminations subies par les personnes de grande taille.

*

La Commission est saisie de l’amendement CS904 rectifié des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. À l’initiative de l’Assemblée nationale, l’article 41 a été intégré à l’article 44 du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (ou J21), texte sur lequel une commission mixte paritaire se réunira avant la fin du mois de juin et qui sera donc adopté avant le projet de loi sur lequel nous discutons.

Ainsi, nous avons deux options : soit nous considérons que les critères constitutifs d’une discrimination ont déjà été fixés par J21, que le débat est clos et qu’il faut donc supprimer l’article 41 ; soit nous considérons que notre commission spéciale a pour mission de traiter, notamment, de la lutte contre les discriminations et qu’il serait incompréhensible de le faire sans examiner la liste des critères de ce qui constitue une discrimination en droit civil et en droit pénal, et nous réintroduisons cette liste à l’article 41.

Vous l’aurez compris, les rapporteurs privilégient la seconde option. Le présent amendement supprime les alinéas de coordination prévus dans la rédaction initiale et unifie les listes présentes dans les différents codes. Il distingue, sur la recommandation du Défenseur des droits, les notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Il ajoute à la liste la discrimination fondée sur la langue, qui fait l’objet de nombreux amendements. Et il précise, s’agissant du critère de discrimination lié à l’apparence physique, qu’il recouvre les discriminations subies par les personnes de grande taille.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. L’article 41, qui figurait dans le projet de loi « Égalité et citoyenneté », s’est retrouvé dans le projet de loi J21 : il s’agit là d’une question de coordination des textes.

À propos des critères qui ont été évoqués, je voudrais faire deux remarques. D’abord, il ne me semble pas très utile de préciser « grande taille », puisqu’il est ici question de la discrimination liée à l’apparence physique. Ensuite, « la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français », comme je l’avais déjà dit en séance, renvoie à la nationalité. Il ne me semble donc pas nécessaire d’apporter de telles précisions.

S’agissant de la coordination des textes, j’émettrai un avis de sagesse.

Mme Élisabeth Pochon. Nous nous demandions pourquoi la « grande taille » était mentionnée. La « petite taille » n’est-elle pas non plus problématique ?

Mme Colette Capdevielle. Les mots « apparence physique » couvrent tous les aspects : la grande taille, la petite taille, la largeur, la hauteur, le volume, etc.

M. Yves Blein. Je remercie Mme Chapdelaine de proposer de remettre cet article à une place qu’il n’aurait jamais dû quitter. Il est logique, en effet, qu’il figure dans un texte luttant contre les discriminations. Je ne vois pas pourquoi il a fait l’objet d’une navette avec un autre texte. Mais peut-être accepteriez-vous qu’il soit rectifié une deuxième fois pour prendre en compte les remarques de mes collègues ?

Dans le deuxième alinéa du II, est-il fondé d’écrire que les personnes morales peuvent être distinguées en fonction de leur apparence physique ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Sont visés, par exemple, les membres d’une association. J’observe que, à la fin du titre II, les personnes morales sont bien mentionnées. Du reste, cette formulation ne fait que reprendre la rédaction de l’article en vigueur.

M. le rapporteur général. Comme vous, j’ai d’abord été surpris de voir la grande taille parmi les motifs de discrimination. En fait, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes, sur l’ensemble du territoire et sur les réseaux sociaux, qui expriment là une véritable revendication. Il faut savoir que, dans une douzaine de pays européens, ce critère est pris en compte. Je comprends cependant les préventions de mes collègues et propose que l’on rectifie l’amendement pour enlever « et en particulier de la grande taille ».

M. Yves Blein. J’aimerais vraiment que l’on corrige aussi cette formulation qui évoque les « personnes morales ».

Mme la présidente Annick Lepetit. Madame la rapporteure, souhaitez-vous retirer l’amendement ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Non, nous le rectifions en retirant les mots « et en particulier de la grande taille ».

Quant à la question des personnes morales, la rédaction du II permet par exemple d’éviter que les membres d’une éventuelle association des Bretons de Paris ou l’association elle-même soient discriminés, parce que les membres de l’association sont bretons, ou parce qu’ils sont de Paris. La formulation de l’amendement est d’ailleurs conforme à celle du code civil et du code pénal.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

L’article 41 est ainsi rédigé et les amendements CS798, CS829 et CS675 tombent.

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Article 42 [nouveau]
(art. 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation
au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations)

Testing
comme mode de preuve en droit civil

Créé en Angleterre dans les années 1960, le testing n’est apparu en France qu’en 2000, à l’initiative de l’association SOS Racisme. Appelée à connaître des discriminations mises alors en lumière, la chambre criminelle de la Cour de cassation a établi la validité d’une preuve recueillie par ce moyen (126). Cette position s’inscrivait dans la ligne d’une jurisprudence constante concernant le droit de la preuve, selon laquelle « aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d’écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale », et dans le respect des prescriptions de l’article 427 du code de procédure pénale qui prévoit que, « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ».

La jurisprudence a été inscrite par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances à l’article 225-3-1 du code pénal. Celui-ci dispose : « Les délits prévus par la présente section sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie. »

L’article 42, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs, décline cette disposition en matière civile en l’inscrivant dans la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. En effet, contrairement à la règle qui prévaut en droit pénal, l’article 9 du code de procédure civile prévoit : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». La précision apportée sera d’autant plus utile une fois entrée en vigueur l’action de groupe contre les discriminations, qui figure dans le projet de loi actuellement en navette relatif à la Justice du xxie siècle, dès lors que le testing pourra efficacement être employé pour la répression au civil des discriminations de masse.

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La Commission examine l’amendement CS1032 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de reconnaître le testing comme mode de preuve en droit civil.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 43 [nouveau]
Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

Issu d’un amendement du Gouvernement, l’article 43 prévoit, en cohérence avec la demande formulée par le président de la République à l’occasion de l’installation du deuxième mandat du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, de pérenniser et de consacrer dans la loi cette instance nationale consultative sur les droits des femmes créée en 2013 (127).

Le I inscrit dans la loi les missions du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – contribution à l’évaluation des politiques publiques, évaluation des études d’impact, production et diffusion de données, formulation de recommandations. Ces dernières années, les travaux de l’instance ont porté sur la question du harcèlement sexiste dans les transports, la garantie de l’effectivité du droit à l’avortement ou encore la reconnaissance de la prostitution comme violence faite aux femmes.

Le II prévoit la publication, tous les deux ans, d’un rapport général et d’un rapport thématique sur l’état du sexisme en France.

Le III édicte les principes relatifs à la composition du Haut Conseil. Le décret prévu au IV a vocation à préciser les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’instance.

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Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1075 des rapporteurs, CS867 du Gouvernement et CS743 de Mme Maud Olivier.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit d’inscrire le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la loi.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je vous suggère de retirer l’amendement CS1075 au profit de l’amendement CS867 du Gouvernement, qui vise également à consacrer le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, instance nationale consultative sur les droits des femmes créée en 2013, et répond ainsi à la demande formulée par le Président de la République à l’occasion de l’installation du deuxième mandat du Haut Conseil. Celui-ci apparaît comme une instance dynamique, qui a beaucoup travaillé et a su trouver un véritable écho auprès des pouvoirs publics. En trois ans, ce sont 250 recommandations qui ont été formulées ; de nombreux travaux – rapports, avis, plaidoyers – ont été menés à bien. Les thèmes abordés répondent aux évolutions de la société, quand ils ne les anticipent pas. Ils s’inscrivent au plus près des problématiques rencontrées par les femmes au quotidien. C’est cette réactivité qui permet d’éclairer, d’alerter, de proposer des solutions innovantes. Ces dernières années, les travaux du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ont donné lieu à des avancées considérables, qui concernent le harcèlement sexiste, dans les transports par exemple, la garantie de l’effectivité du droit à l’avortement, la reconnaissance de la prostitution comme une violence faite aux femmes. Ainsi, les missions qui sont attribuées au Haut Conseil, à savoir la contribution à l’évaluation des politiques publiques, aux études d’impact, le recueil, la production et la diffusion de données, ainsi que la formulation de recommandations et d’avis sur la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes se voient reconnaître et pérennisées par la loi.

M. Yves Blein. L’amendement CS743 vise simplement à établir la parité au sein du Haut Conseil.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Les rapporteurs acceptent volontiers de laisser au Gouvernement la paternité de l’inscription du Haut Conseil dans la loi. Je me permets simplement d’observer que l’amendement du Gouvernement ne la consacre pas dans un code ou un autre texte.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Il suffit, madame la rapporteure thématique, que le Haut Conseil soit consacré dans la loi « Égalité et citoyenneté ».

L’amendement CS1075 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS867.

En conséquence, l’amendement CS743 tombe.

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Section 3 [nouvelle]
Dispositions relatives au droit des médias

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 3 destinée à contenir les articles relatifs au droit des médias. Elle se compose de trois articles.

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La Commission se saisit de l’amendement CS1204 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de créer une section spécifique.

Il n’est pas douteux que nombre des 111 amendements portant article additionnel seront adoptés. Aussi, pour éviter de rendre le texte illisible, nous proposons des regroupements par thèmes. Le premier proposé est le droit des médias, étant entendu que nous sommes toujours dans le chapitre IV sur la lutte contre les discriminations. Certains amendements qui pouvaient concerner plusieurs thèmes seront, forcément, rattachés plus particulièrement dans l’un d’entre eux.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. En termes de lisibilité, une classification des dispositions votées est importante. Cependant, nous nous réservons la possibilité de revoir en séance les intitulés des sections pour retenir une approche plus thématique, sans catégorisation par groupes de personnes.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 44 [nouveau]
(art. 20-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la supervision du respect de l’engagement de donner à voir la diversité de la société française

L’article 20-1 A de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard », a été modifié par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Il prévoit que les services de télévision et de radio diffusés par voie hertzienne terrestre « contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets. Ces services fournissent au Conseil supérieur de l’audiovisuel des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes et permettant au conseil d’apprécier le respect [d’une part, d’une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, de l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples]. Ces informations donnent lieu à une publication annuelle. »

L’article 44, issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, associe à l’objectif de lutte contre les préjugés sexistes celui de combat contre les discriminations, au moyen d’une juste représentation dans les programmes télévisuels et radiophoniques de la diversité de la société française.

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Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS903 des rapporteurs et CS870 du Gouvernement.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Comme le Gouvernement, nous estimons que les émissions et la programmation des chaînes de télévision et de radio doivent refléter la diversité de la société française, mais nous pensons aussi qu’elles doivent également participer au rayonnement de la France d’outre-mer. Nous ne voyons pas d’inconvénient à nous rallier à un amendement du Gouvernement, mais il faudrait qu’il reprenne la notion de France d’outre-mer, et veiller à ce que les dispositions concernées n’empiètent pas sur celles visant à lutter contre le sexisme. Avec l’amendement CS903, il s’agit donc d’obtenir des utilisateurs des fréquences publiques, radio et télévision, une juste représentation de la diversité de la population française dans les programmes et la programmation. Cela répond à une demande du CSA, exprimée lors des auditions.

M. le rapporteur général. J’avais défendu cette disposition lors de l’examen en deuxième lecture d’un récent projet de loi traitant, entre autres, de la culture, mais nous avions finalement considéré que le texte n’était pas le véhicule approprié. Elle a pleinement sa place dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. En outre, c’est là encore une revendication importante, la France n’étant jamais aussi unie que lorsqu’elle reconnaît sa diversité.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Tout d’abord, nous sommes tout à fait en phase avec les rapporteurs. Dans ce combat pour l’égalité réelle et cette lutte contre les discriminations se pose la question de la représentation de l’autre et du stéréotype. Lutter contre les discriminations, c’est se doter d’un arsenal juridique, mais c’est aussi et surtout un travail en amont : défaire les représentations, défaire les stéréotypes. Nous avons donc, nous aussi, travaillé, avec la CNCDH, dont nous avons rencontré les membres. Nous avons bien sûr été en contact avec Mme Hintermann, présidente de l’Observatoire de la diversité du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), et M. Schrameck, président du CSA. Comment agir en amont pour défaire les stéréotypes ? L’audiovisuel est la clé. Nous passons en moyenne deux heures et demie par jour devant un petit écran qui ne reflète pas la diversité française. Les derniers chiffres de l’Observatoire de la diversité sont saisissants : avec 14 % de personnes perçues comme « non blanches » à l’antenne, la représentation de la diversité sur le petit écran n’évolue pas. Quant à l’image véhiculée, si le taux de personnes perçues comme « non blanches » est de 21 % pour les figurants, il n’est que de 9 % pour les héros. C’est donc une représentation assez négative, et ces chiffres n’évoluent pas.

Aujourd’hui, l’enjeu est de changer le regard porté sur l’altérité. Nous avons donc travaillé avec le ministère de la culture. La législation impose bien sûr au CSA de veiller à la représentation de la diversité française, mais dans la programmation. Pour notre part, nous voulons que les programmes eux-mêmes soient concernés par cette obligation, qui toucherait ainsi sur le contenu des émissions, des films, des feuilletons, de tout ce qui est diffusé. Notre amendement répond à un souhait exprimé par M. Schrameck dans un communiqué publié le 3 juin : il estime que la loi devrait permettre une meilleure prise en compte de la diversité grâce à l’inscription de la notion de programme.

Quant à la France d’outre-mer, la notion figure déjà dans nos textes législatifs. Sa mention ici n’apporterait rien de neuf.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. En ce qui me concerne, je suis prête à retirer l’amendement CS903, sous réserve de l’avis du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Pouvez-vous intégrer dans votre amendement, madame la secrétaire d’État, un élément fort sur la radio ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. La radio est déjà concernée par l’amendement.

Cela dit, je profite de l’occasion pour prendre l’engagement de déposer aussi, en séance, un amendement sur le sexisme.

L’amendement CS903 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS870.

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Après l’article 44

Elle en vient ensuite à l’amendement CS431 de M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Nous voulons introduire dans la loi du 30 septembre 1986 une référence à l’Hexagone et aux régions et territoires des outre-mer. Je rappelle que soixante-quinze langues sont parlées en France, dont cinquante dans les outre-mer – vingt-neuf en Nouvelle-Calédonie. Il faut que les services nationaux de radio et télévision participent, comme l’a dit la rapporteure thématique, au rayonnement des outre-mer – pour ma part, je préfère le pluriel –, mais la secrétaire d’État a elle-même pris des engagements. Nous demandons simplement l’introduction de cette référence. Et, puisqu’un quota de 40 % de chansons d’expression française est imposé aux radios, nous proposons qu’un dixième d’entre ces chansons soient des œuvres en langues d’expression régionale ou des départements et territoires d’outre-mer.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. La commission des affaires culturelles a déjà examiné un amendement analogue, et l’a rejeté. Cela dit, si jamais votre amendement devait prospérer, j’appelle votre attention sur le fait qu’il viendrait « mordre » sur le seul contingent obligatoire, celui de la langue française, pour faire une place aux langues régionales. Pourquoi réduire ainsi la place du français et renforcer la domination de l’anglais ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement.

M. le rapporteur général. Il ne s’agit pas d’empiéter sur le français. Les langues « régionales », notamment d’outre-mer, sont nourries par le français, et sont sources du français. Ce n’est pas parce que le français n’est pas parlé de la même façon qu’il en est moins du français.

C’est le seul point, dans tout le titre III, sur lequel Marie-Anne Chapdelaine et moi sommes en désaccord. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je partage l’avis de Mme la rapporteure thématique sur cet amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 45 [nouveau]
(art. 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Quota relatif aux langues régionales pour la diffusion des œuvres musicales

Les quotas de diffusion institués par la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard », se sont avérés un outil essentiel de préservation et d’encouragement de la création musicale française. L’alinéa 2 bis de l’article 28 ordonne que la proportion « d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France » atteigne « un minimum de 40 % », dont « la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions ». Mais il ne précise aucune répartition, au sein de ces 40 %, entre langue française et langues régionales, si bien que la diffusion des œuvres musicales interprétées dans une langue régionale en usage en France demeure aujourd’hui caractérisée par sa confidentialité et son confinement territorial ou réservée à certains média spécialisés, à l’audience par essence limitée.

Considérant que, aux termes de l’article 75-1 de la Constitution, « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », l’article 45, issu d’un amendement présenté par M. Victorin Lurel, fixe à 4 % le quota d’œuvres en langues régionales qui devront être diffusées dans les médias opérant par voie hertzienne terrestre.

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La Commission en vient à l’amendement CS432 de M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Cet amendement procède du même esprit.

M. le rapporteur général. Avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme Colette Capdevielle. Les langues régionales, multiples, comptent parmi les langues de France. Il est donc normal et légitime que, dans les régions où elles sont parlées, une partie des programmes soit en langue régionale – en gascon et en basque dans ma région. Je voterai donc l’amendement, qui concerne l’outre-mer mais aussi tout le reste du territoire français, et j’invite chacun à faire de même. Si la disposition n’est pas adoptée, elle figurera dans la proposition de loi à laquelle travaille le groupe d’études sur les langues régionales.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 46 [nouveau]
(art. 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

Obligation portant spécifiquement sur les opérateurs publics

L’article 46, issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, complète le dispositif prévu par les articles précédents en assignant spécifiquement aux sociétés de l’audiovisuel public une mission de meilleure représentation de la diversité de la société française. Il modifie à cette fin l’article 43-11 de la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard ».

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Puis elle examine l’amendement CS871 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Il s’agit de renforcer les obligations des sociétés de l’audiovisuel public afin de promouvoir la diversité de la société française. Cela répond à une exigence d’exemplarité de l’État.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte l’amendement.

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Section 4 [nouvelle]
Dispositions relatives à l’éducation

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 4 destinée à contenir les articles relatifs à l’éducation. Elle se compose d’un unique article.

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Elle se saisit ensuite de l’amendement CS1205 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Il s’agit de créer une section consacrée aux dispositions relatives à l’éducation.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement se réserve simplement le droit de revoir les dénominations.

La Commission adopte l’amendement.

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Après la section 4

Puis elle en vient à l’amendement CS900 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Nous savons quelles difficultés les jeunes peuvent rencontrer lorsqu’ils cherchent un stage, et c’est encore pire quand ils n’ont pas le bon nom, pas la bonne origine, qu’ils ne sont pas du bon sexe ou qu’ils présentent un handicap, sans compter que tout cela peut se cumuler. De telles situations peuvent nourrir la rancœur et compromettre l’obtention d’un diplôme.

Le Gouvernement mène une action très volontariste et a créé, par circulaire, un pôle de stages chargé d’organiser les recherches de stage dans chaque académie. Nous voulions consacrer cette initiative dans la loi, mais, après discussion avec le ministère de l’éducation nationale, nous avons décidé de le retirer. Entendez quand même, madame la secrétaire d’État, notre préoccupation : des jeunes ne pourront pas obtenir leur baccalauréat professionnel ou leur brevet de technicien supérieur parce qu’ils n’ont pas trouvé de stage, parce qu’ils n’ont pas le bon réseau, le bon nom… Nous retirons cet amendement, mais nous espérons travailler avec vous à une solution satisfaisante.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Merci d’évoquer ce problème, qui est effectivement d’une extrême violence pour les jeunes. Tout d’abord, sans stage, il n’est pas possible de poursuivre son cursus. Ensuite, peut-on accepter qu’en classe de troisième la société semble dire au jeune qui ne trouve pas de stage – véritable rite de passage – qu’il n’est pas dans le bon réseau, qu’il n’habite pas au bon endroit, qu’il n’a pas les bons parents ?

Quand le jeune ne trouve de stage qu’en rapport avec le profil de ses parents, il y a là un enfermement économique et social très violent. Vous avez raison d’évoquer, madame la rapporteure thématique, le travail fait par la ministre de l’éducation nationale autour des tout récents 333 pôles de stage. Il en faut encore d’autres, pour mailler tout le territoire, et que se nouent des liens entre l’éducation nationale aux milieux associatifs et aux entreprises. Ainsi, certains pourront sortir de cet enfermement.

M. Mathieu Hanotin. Inscrire les pôles de stages dans la loi est une très bonne idée. En tant qu’élu local, je partage le constat des auteurs de l’amendement. Du reste, le département de la Seine-Saint-Denis a créé une plateforme qui fait l’interface entre les jeunes de troisième qui doivent réaliser un stage de découverte professionnelle et les entreprises, très nombreuses dans ce département. Toutefois, fort de cette expérience, j’estime que si l’académie doit être un partenaire, elle n’est pas forcément le meilleur opérateur. Il me semble que le dispositif serait plus efficace si ce rôle était confié aux collectivités territoriales, départements ou régions.

Mme Élisabeth Pochon. Mathieu Hanotin et moi-même savons, en tant qu’élus de Seine-Saint-Denis, combien les noms et les adresses peuvent peser lourd. Cet amendement part donc d’une bonne intention, mais je crois également que l’académie n’est pas forcément le partenaire le plus efficace et le mieux placé pour jouer ce rôle. Il me semble que l’ensemble des institutions ou organismes qui proposent ou reçoivent des financements pour l’organisation de formations doivent être associés au dispositif.

M. Victorin Lurel. Je regrette le retrait de cet amendement, car il répond à une demande sociale très forte. Les discriminations ne sont pas le seul obstacle dans ce domaine. Ainsi, lorsque la durée du stage excède deux mois, les entreprises doivent dédommager le stagiaire à hauteur d’environ 500 euros ; or, elles ne le veulent pas. En tant que président d’un exécutif régional, j’ai créé un pôle auquel nous allouions 800 000 euros. Et pourtant, nous rencontrions encore des difficultés pour placer les stagiaires. L’académie doit être dans la boucle, mais les entreprises doivent être associées au dispositif. Encore une fois, je regrette que l’amendement soit retiré et je souhaite qu’il soit retravaillé en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

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Article 47 [nouveau]
(art. L. 131-13 [nouveau] du code de l’éducation)

Droit à l’inscription dans les cantines scolaires

Les dernières années ont vu plusieurs communes refuser le droit d’accès aux cantines scolaires aux élèves dont au moins l’un des parents n’exerce pas d’activité professionnelle. En estimant que celui-ci pouvait prendre en charge le repas de midi de son ou de ses enfants, les collectivités invoquent – ou prétextent – le nombre limité de places disponibles dans leurs réfectoires et l’insuffisance de moyens financiers pour agrandir ces locaux. Au lieu d’agir concrètement pour faire face à une demande croissante, au lieu d’aménager ces structures pour répondre effectivement aux besoins, elles choisissent de ne pas accueillir la totalité des élèves dont l’inscription était demandée et de restreindre l’accès à ce service public selon des critères discriminatoires.

Parce que ce refus d’accès concerne des élèves dont l’un des parents au moins est au chômage, il revient à discriminer et à stigmatiser des familles déjà en difficulté. Les communes concernées mettent en avant une prétendue disponibilité des parents. Pourtant, la recherche d’un emploi nécessite du temps. Les chômeurs ont une obligation de disponibilité dans la recherche d’un travail, obligation qui conditionne leur inscription ou leur maintien sur les fichiers de Pôle emploi.

Certes, la restauration scolaire ne figure pas dans la liste des compétences obligatoires des communes établie à l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales. Elle revêt donc un caractère facultatif. Mais quand sa création a été décidée, il s’agit alors d’un service public annexe à celui de l’enseignement. Dès lors, elle est soumise au principe d’égalité des usagers devant le service public.

La jurisprudence administrative est constante à cet égard. Le Conseil d’État a ainsi suspendu l’exécution d’une délibération municipale modifiant le règlement d’accès des enfants au service de la restauration scolaire afin que seuls puissent déjeuner à la cantine tous les jours les enfants dont les deux parents travaillent, les autres ne pouvant être accueillis qu’une fois par semaine et dans la limite des places disponibles. Cette délibération retenait « un critère de discrimination sans rapport avec l’objet du service public en cause » (128).

L’article 47, issu de deux amendements identiques présentés par M. Roger-Gérard Schwartzenberg et Mme Maud Olivier, a pour objet de compléter le chapitre Ier du titre III du code de l’éducation, relatif à « L’obligation scolaire, la gratuité et l’accueil des élèves des écoles maternelles et élémentaires ». Il crée un nouvel article affirmant le droit d’accès à la restauration scolaire en reprenant le texte de la proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg adoptée par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015 et – en termes divergents – par le Sénat le 9 décembre 2015.

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La Commission examine les amendements identiques CS46 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg et CS649 de Mme Maud Olivier.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement CS46, qui reprend le texte de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 12 mars 2015 sur l’initiative du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, vise à faire de l’inscription à la cantine des écoles primaires un droit pour tous les enfants scolarisés. On sait en effet que certaines communes excluent de la cantine les enfants dont l’un des parents ne travaille pas. Or nous estimons qu’il s’agit d’une mesure discriminatoire, mal vécue par les enfants et leurs parents. Les collectivités territoriales doivent faire un effort en la matière, même si c’est difficile. Dès lors qu’un service public existe, tout le monde doit pouvoir y avoir accès.

Mme Julie Sommaruga. L’amendement CS649 tend à instituer l’automaticité de l’inscription à la cantine des écoles primaires – la désinscription se faisant sur demande –, comme le préconisent les récents rapports sur le non-recours aux droits. J’ajoute que cet amendement permettrait de supprimer un frein à l’emploi, en particulier pour les femmes résidant dans les quartiers populaires.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis très favorable à cet amendement qui vient corriger une injustice criante.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis très favorable.

La Commission adopte les amendements.

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Après l’article 47

M. Jean-Noël Carpentier. Je tiens à vous remercier au nom du président Schwartzenberg, qui s’excuse de n’avoir pu être présent parmi nous aujourd’hui. C’est une mesure très importante.

La Commission examine l’amendement CS1065 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à étendre le dispositif de recrutement sélectif destiné aux élèves d’établissements classés en ZEP créé par l’Institut d’études politiques de Paris. Ce dispositif est en effet un formidable succès, même s’il a pu être critiqué par certains – et il ne s’agissait pas forcément d’adversaires politiques de cette majorité – qui ont crié, à tort, à la discrimination positive. Dans ce domaine, nous irons au bout ; le Gouvernement s’y est engagé. Toutefois, la liste des établissements auquel le dispositif sera étendu est encore en discussion avec le ministère de l’éducation nationale. Nous allons donc retirer l’amendement, afin qu’il puisse être examiné en séance publique après avoir fait l’objet d’un accord global.

L’amendement est retiré.

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Section 5 [nouvelle]
Dispositions relatives à l’abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 5 destinée à contenir les articles relatifs à l’abrogation du régime particulier applicable aux gens du voyage. Elle se compose de trois articles qui reprennent le contenu de la proposition de loi de M. Dominique Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, texte adopté par l’Assemblée nationale le 9 juin 2015 et depuis dans l’attente d’un examen par le Sénat.

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La Commission examine l’amendement CS1206 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de créer une nouvelle section pour abriter les articles additionnels relatifs aux droits des gens du voyage. Mais, là encore, madame la secrétaire d’État, nous sommes d’accord pour revoir l’intitulé de la section.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable ; nous reverrons ensemble la dénomination de la section.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 48 [nouveau]
(art. L. 264-3 du code de l’action sociale et des familles ; art. L. 131-3 et L. 131-5 du code de l’éducation ; art. L. 552-5 du code de la sécurité sociale ; art. L. 123-29 du code de commerce ; art. L. 15-1 du code électoral ; art. 1647 D du code général des impôts)

Conséquences de l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969

L’article 48, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs et par M. Dominique Raimbourg, tire les conséquences de l’abrogation de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, abrogation prévue à l’article 50 du projet de loi. Différentes dispositions relatives aux droits des personnes sans domicile stable sont ainsi adaptées :

– celles relatives à l’établissement du domicile des personnes sans domicile stable au sein du code de l’action sociale et des familles (I) ;

– celles conditionnant le versement des prestations familiales à la mise en œuvre de l’obligation scolaire des enfants concernés sur la base d’un régime spécifique et ici supprimé (II) ;

– celles organisant l’exercice du droit de vote des personnes sans domicile stable au sein du code électoral (VI).

Par ailleurs, le présent article apporte différentes coordinations au sein du code de commerce (V) et du code général des impôts (VII).

Enfin, l’article 48 réaffirme (III et IV) que l’habitat dans une résidence mobile ne saurait être une cause de refus d’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire. Dans sa délibération n° 2009-231 du 8 juin 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) a rappelé que l’article L. 113-1 du code de l’éducation prévoit que « [t]out enfant doit pouvoir être accueilli, à l’âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande » et que plusieurs circulaires du ministère de l’Éducation nationale relatives à la scolarisation des enfants du voyage rappellent qu’ils « ont droit à la scolarisation dans les mêmes conditions que les autres enfants, quelles que soient la durée et les modalités du stationnement, et dans le respect des mêmes règles, d’assiduité notamment. Le fait que la famille soit hébergée de manière provisoire sur le territoire d’une commune est sans incidence sur le droit à scolarisation. »

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Puis elle examine l’amendement CS895 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le présent amendement tire les conséquences de l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui va vous être proposée. Il adapte ainsi différentes dispositions du code de l’action sociale et des familles relatives aux droits des personnes sans domicile stable, notamment en matière d’obligation scolaire et de droit électoral. Il réaffirme aussi et surtout que le fait qu’un enfant habite dans une caravane ne saurait justifier que l’on refuse de l’inscrire dans une école.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 49 [nouveau]
Dispositions transitoires

L’article 49, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs et par M. Dominique Raimbourg, prévoit des dispositions destinées à faciliter, pour les intéressés, la transition entre le régime administratif de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 et celui prévu par l’article L. 2641 du code de l’action sociale et des familles.

Le I prévoit que, à la date d’entrée en vigueur du présent texte, les gens du voyage rattachés à une commune en application de la loi du 3 janvier 1969 précitée sont automatiquement domiciliés pour une durée de deux ans auprès du centre communal d’action sociale de cette commune ou du centre intercommunal d’action sociale dont dépend cette commune. Il leur appartiendra, par la suite, d’élire domicile où ils le souhaitent.

De la même manière, le II proroge pour, deux ans à compter de la promulgation de la loi, la validité des livrets de circulation précédemment délivrés, afin de permettre l’enregistrement au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et la délivrance de carte permettant l’exercice d’une activité ambulante.

Enfin, le III habilite le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d’État les mesures d’application des dispositions transitoires prévues par le présent amendement.

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Puis elle est saisie de l’amendement CS896 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement comporte les dispositions transitoires rendues nécessaires par l’adoption de la proposition de loi de M. Raimbourg et le passage d’un régime discriminatoire au régime de droit commun pour l’exercice de leurs droits par les gens du voyage. Nous proposons de fixer la durée de cette période transitoire à deux ans.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 50 [nouveau]
(loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes
et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe)

Abrogation du régime dérogatoire applicable aux gens du voyage

L’article 50, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs et par M. Dominique Raimbourg, met fin au régime administratif applicable aux gens du voyage, prévu par la loi n° 693 du 3 janvier 1969 dans sa rédaction résultant de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012279 QPC du 5 octobre 2012, que ce soit en matière de titres de circulation ou d’obligation de rattachement à une commune.

Dans sa rédaction en vigueur, l’obligation de détenir un livret spécial de circulation est applicable à toutes les « personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l’Union européenne », mais aussi aux préposés et aux « personnes qui les accompagnent » qui ont plus de seize ans et n’ont pas de domicile ou résidence fixes en France. Les autres personnes qui ne disposent pas de résidence ou de domicile fixes et qui « logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile », ainsi que leurs personnes à leur charge, doivent disposer d’un livret de circulation visé périodiquement par l’autorité administrative. Cependant, le Conseil d’État ayant jugé les dispositions qui punissent d’une amende contraventionnelle les personnes qui circuleraient sans livret spécial de circulation contraires à la liberté de circulation garantie par la Convention européenne des droits de l’homme, l’obligation n’est désormais assortie d’aucune peine applicable.

L’article 7 de la loi du 3 janvier 1969 oblige les personnes sollicitant un titre de circulation à « faire connaitre la commune à laquelle elle souhaite être rattachée », le rattachement étant prononcé par le préfet après avis du maire. Ce choix peut être modifié au bout de deux ans, la personne concernée devant alors fournir des pièces justificatives « attestant l’existence d’attaches que l’intéressé a établies dans une autre commune de son choix ». Mais la loi limite à 3 % de la population municipale le nombre de personnes, titulaires d’un titre de circulation, rattachées à une commune. En conséquence, le choix du rattachement à une commune n’est pas totalement libre pour le demandeur : lorsque le seuil de 3 % est atteint, le préfet invite le déclarant à choisir une autre commune de rattachement.

La fin du régime spécifique de domiciliation des gens du voyage proposée par le présent amendement n’aura pas comme conséquence un vide juridique : les personnes qui ne disposeraient pas de domicile relèveront du régime de « droit à la domiciliation » mis en place au profit des « personnes sans domicile stable » par l’article 51 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. L’article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a d’ores et déjà explicitement autorisé les gens du voyage à avoir recours à ce droit à la domiciliation. Ce régime permet aux « personnes sans domicile stable » d’élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé, prétendre au service des prestations sociales, à l’exercice des droits civils, à la délivrance des pièces d’identité ou à l’exercice du droit de vote et pour recevoir du courrier.

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Puis elle examine l’amendement CS894 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Défendu.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Section 6 [nouvelle]
Dispositions relatives aux emplois soumis à condition de nationalité 

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 6 destinée à contenir les articles relatifs aux emplois soumis à condition de nationalité. Elle se compose de quatre articles qui s’inspirent des travaux réalisés pour l’examen de la proposition de loi de Mme Bariza Khiari visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées, adoptée par le Sénat le 11 février 2009 et dont M. Daniel Goldberg avait assuré le rapport au nom de l’Assemblée nationale (129).

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Elle examine ensuite l’amendement CS1207 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement porte création d’une section sur les emplois fermés pour lesquels nous allons lever la condition de nationalité française lorsqu’elle n’est pas justifiée par un élément de souveraineté ou par une prérogative de puissance publique.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable ; nous reverrons ensemble l’intitulé de la section.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 51 [nouveau]
(art. L. 3332-3 du code de la santé publique)

Condition de nationalité pour les débitants de boissons

Le code de la santé publique dispose, en son article L. 3332-3, que toute personne qui veut ouvrir un café, un cabaret, un débit de boissons à consommer sur place est tenue de faire, quinze jours au moins à l’avance et par écrit, une déclaration indiquant : ses nom, prénoms, lieu de naissance, profession et domicile (1°), la situation du débit (2°) ; à quel titre elle doit gérer le débit et les nom, prénoms, profession et domicile du propriétaire (4°) ; la catégorie du débit ouvert (5°) et le permis d’exploitation attestant de sa formation (6°). Le huitième alinéa dudit article L. 3332-3 dispose également que le déclarant doit justifier qu’il est français ou ressortissant d’un autre État de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, les personnes d’une autre nationalité ne pouvant, en aucun cas, exercer la profession de débitant de boissons.

C’est la loi du 9 novembre 1915 qui a instauré la première réglementation de l’accès à la profession de débitants de boissons et posé l’exigence de nationalité toujours en vigueur. À l’époque, c’est-à-dire en pleine Première Guerre mondiale, ce choix manifestait une volonté de préserver la moralité, composante de l’ordre public, dans un contexte particulièrement exigeant.

Aujourd’hui, ces restrictions n’ont plus de justification. En conséquence, l’article 51, issu de deux amendements identiques présentés par les rapporteurs et par M. Daniel Goldberg, prévoit leur abrogation.

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Puis elle est saisie des amendements identiques CS1034 des rapporteurs et CS262 de M. Daniel Goldberg.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Au moment où nous abordons une série d’amendements tendant à supprimer la condition de nationalité imposée pour certains emplois, je veux saluer le travail réalisé dans ce domaine par Daniel Goldberg, en particulier dans le cadre de son rapport, dont ces amendements reprennent les préconisations.

L’amendement CS1034 tend à supprimer la condition de nationalité française pour la personne qui veut ouvrir un café, un cabaret ou un débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l’alcool. On ne prétendra pas qu’il s’agit d’une prérogative de puissance publique ou d’un emploi lié à la souveraineté…

M. Daniel Goldberg. Nous abordons en effet une série d’amendements qui visent à supprimer les conditions de nationalité imposées pour occuper un emploi public ou privé qui ne relève pas de la sécurité ou des prérogatives de puissance publique. En l’espèce, une loi de 1915 avait imposé, afin de préserver la moralité, composante de l’ordre public, une condition de nationalité pour l’ouverture d’un café, d’un cabaret ou d’un débit de boissons. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer cette condition de nationalité qui ne se justifie plus aujourd’hui.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Sagesse.

La Commission adopte les amendements.

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Article 52 [nouveau]
(art. l’article L. 4111-1 du code de la santé publique)

Condition de nationalité pour les chirurgiens-dentistes

La loi n° 2009879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, a levé les restrictions liées à la nationalité dans les professions médicales. La rédaction adoptée par le Parlement a été ensuite revue par l’ordonnance n° 2009-1585 du 17 décembre 2009 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles requises pour l’exercice des professions médicales, pharmaceutiques et paramédicales.

Le droit en vigueur comporte cependant une dernière restriction fondée sur la nationalité du fait d’une mauvaise coordination opérée avec l’article L. 4141-3 du code de la santé publique relatif aux qualifications des chirurgiens-dentistes. La rédaction actuelle dispense de la condition de nationalité les étrangers titulaires du diplôme français d’État de docteur en chirurgie dentaire (1°) mais y soumet les étrangers titulaires du diplôme français d’État de chirurgien-dentiste (2°).

L’article 52, issu de deux amendements identiques présentés par les rapporteurs et par M. Daniel Goldberg, rectifie cette situation en englobant dans la dispense de nationalité les étrangers titulaires du diplôme français d’État de chirurgien-dentiste.

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Puis elle examine les amendements identiques CS1035 des rapporteurs et CS263 de M. Daniel Goldberg.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement CS1035 ayant le même objet que le CS263 de M. Goldberg, je laisse à ce dernier le soin de les présenter.

M. Daniel Goldberg. Je veux saluer le travail accompli en faveur des professionnels de santé par Roselyne Bachelot, sous la précédente législature, dans un contexte où il était difficile de défendre ce type de mesures. Ainsi, pour nombre de ces professionnels, la condition de nationalité à diplôme égal a été supprimée par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». L’amendement CS263 vise à compléter ces dispositions en dispensant de la condition de nationalité les étrangers titulaires du diplôme d’État français de chirurgien-dentiste, au même titre que les titulaires du diplôme de docteur en chirurgie dentaire.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis favorable.

La Commission adopte les amendements.

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Article 53 [nouveau]
(art. L. 2223-24 du code général des collectivités territoriales)

Condition de nationalité pour les pompes-funèbres

L’article L. 2223-24 du code général des collectivités territoriales dispose que nul ne peut exercer les fonctions de dirigeant ou de gérant de droit ou de fait d’une régie, d’une entreprise, d’une association ou d’un établissement de pompes funèbres s’il n’est pas de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne ou, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’accord sur l’Espace économique européen, ressortissant d’un des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen. Cette restriction, qui pouvait initialement se justifier par la participation de tels services à la garantie de la salubrité publique, est désormais dépourvue de fondement.

En conséquence, l’article 53, issu de deux amendements identiques présentés par les rapporteurs et par M. Daniel Goldberg, prévoit son abrogation.

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Puis elle est saisie des amendements identiques CS1036 des rapporteurs et CS264 de M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Il s’agit, ici, de dispenser de la condition de nationalité les personnes souhaitant créer une entreprise de pompes funèbres. Cette restriction, qui pouvait initialement se justifier par la participation de tels services à la garantie de la salubrité publique, n’a plus lieu d’être aujourd’hui.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement CS1036 a le même objet. Avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Sagesse.

La Commission adopte les amendements.

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Après l’article 53

Puis elle examine les amendements identiques CS1037 des rapporteurs et CS265 de M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. L’amendement CS265 concerne les membres du comité de rédaction de publications destinées à la jeunesse, qui sont soumis à une condition stricte de nationalité française. À la différence des précédentes, qui lui étaient antérieures, cette législation date du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il semblerait en effet qu’une publication relatant les aventures d’un chien dont le nom comporte trois lettres – chacun le reconnaîtra – ait fait alors très peur à notre pays…

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable ; l’amendement CS1037 est identique.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable. La modification que vous proposez revient à supprimer toutes les conditions de nationalité pour les éditeurs de publications destinées à la jeunesse. Or le droit en vigueur n’établit pas une stricte condition de nationalité française, comme il est précisé dans l’exposé sommaire de l’amendement CS265. En effet, les personnes éditant des publications destinées à la jeunesse peuvent déjà être de nationalité française ou d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen. En 2011, la mise en conformité du texte avec le droit européen n’avait pas conduit les parlementaires à étendre ce droit au-delà des pays avec lesquels existent des liens de coopération judiciaire bien établis dans le cadre des traités et accords liant les pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. En effet, élargir au-delà de l’Europe la condition de nationalité rendrait extrêmement difficile la mise en œuvre des autres conditions imposées par la loi, c’est-à-dire la jouissance des droits civils et de l’autorité parentale, l’absence de condamnation pénale ou de sanction disciplinaire liée aux bonnes mœurs et à certains crimes et délits prévus par le code pénal et le code de santé publique.

M. Daniel Goldberg. Il me semble que la loi du 17 avril 2015 relative à la modernisation de la presse avait supprimé la condition de nationalité pour l’exercice de la fonction de directeur d’une société de messagerie de presse. Compte tenu des explications de Mme la secrétaire d’État, je vais retirer l’amendement CS265, mais je souhaiterais que les conditions de nationalité soient les mêmes pour ces deux professions qui me semblent très proches.

Les amendements sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques CS1033 des rapporteurs et CS266 de M. Daniel Goldberg.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. L’amendement CS1033 concerne la profession d’architecte. Je précise qu’il s’agit d’une demande des représentants de l’ordre, que nous avons auditionnés, et que les dérogations sont tellement nombreuses que le métier est, de fait, déjà ouvert. Toutefois, ne disposant pas encore des résultats de l’expertise juridique de cette mesure, je vais retirer l’amendement et le redéposerai en séance publique une fois qu’il aura été expertisé.

Les amendements sont retirés.

La Commission examine l’amendement CS260 de M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Par cet amendement, je veux poser de manière générale la question des emplois sous condition de nationalité, qui sont au nombre de 5 millions dans notre pays, dont la très grande majorité sont des emplois des fonctions publiques territoriale, hospitalière et d’État. Chacun connaît, dans sa commune, des personnes employées dans le cadre de contrats à répétition extrêmement précaires dont la titularisation est impossible du seul fait de leur nationalité. Ces emplois sont parfois peu qualifiés, mais ils correspondent à des tâches importantes.

Je crois connaître l’avis du Gouvernement sur le sujet, mais il me paraît important d’avancer. Le statut des fonctionnaires est, certes, particulier, mais la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) puis le Défenseur des droits se sont prononcés en faveur d’une telle mesure. Je précise que ne sont visés que les emplois ne relevant pas de prérogatives de puissance publique : police, justice, armée. Lorsque ces personnes sont contractuelles, leur situation ne pose de problème à personne. Du reste, elles accomplissent souvent des tâches que les hôpitaux, les collectivités ou l’État confient très fréquemment, dans le cadre de délégations de service public, à des prestataires privés dont les salariés ne sont pas soumis à la même condition de nationalité. Il nous faut trouver une solution pour pérenniser ces emplois et stabiliser ainsi l’exercice professionnel, donc la vie familiale, de ces personnes.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je comprends la philosophie de l’amendement, mais je suggère à M. Goldberg de retirer son amendement, car il me semble que le moment n’est pas encore venu de prendre une telle mesure. Il est vrai que, pour certains emplois, la condition de nationalité n’est plus justifiée, mais elle l’est encore pour d’autres. Nous avons encore besoin de temps pour travailler sur ce sujet.

M. le rapporteur général. Le groupe de travail informel qui s’est réuni lors de la préparation de ce texte a souhaité, sur la base des travaux de M. Goldberg et de notre collègue sénatrice Mme Khiari, que ce sujet soit abordé lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté ». Je peux témoigner qu’à ce jour, il n’y a aucune opposition d’ordre politique du Gouvernement à la suppression de la condition de nationalité pour les emplois non régaliens. J’encourage donc M. Goldberg à revoir son amendement et à en discuter avec le Gouvernement d’ici à l’examen du texte en séance publique, car l’ambition des deux rapporteurs ici présents est de pouvoir annoncer que le texte met fin aux emplois fermés dans ce pays, hors emplois régaliens, conditions particulières et conditions de diplôme – même si la question peut se poser dans le domaine de l’éducation, compte tenu de ce qui se passe dans de nombreux pays européens.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable, pour des raisons que vous connaissez, monsieur Goldberg. Cette mesure n’a fait l’objet d’aucun dialogue avec les organisations syndicales représentatives des agents ; elle nous paraît donc tout à fait prématurée, au-delà des raisons juridiques dont nous faisons régulièrement état, notamment en référence aux traités. Il est en effet nécessaire d’aborder la question dans le cadre d’un principe de réciprocité avec certains États. Par ailleurs, n’oublions pas le travail accompli par le Gouvernement en la matière. Ainsi, certains contractuels sont accompagnés dans le cadre des concours internes de l’administration et bénéficient d’un reclassement tenant compte des fonctions qu’ils ont précédemment exercées. L’accès à la titularisation est possible après avoir obtenu les titres de nationalité. Pour ces différentes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Mathieu Hanotin. Je ne comprends pas bien l’explication de la ministre. Soit on pense qu’une personne est qualifiée et l’on accepte qu’elle occupe un poste, ce qui est le cas aujourd’hui quand des postes de titulaire sont occupés de façon contractuelle par des étrangers, soit on considère qu’il n’est par principe pas possible qu’un étranger occupe tel ou tel poste, ce qui est, je pense, très éloigné de notre corpus intellectuel. Si l’on pense que c’est possible, il faut surmonter notre position intermédiaire qui maintient ces personnels dans une forme de précarité. Je suis contre le fait d’attendre la réciprocité d’un pays étranger ; la France est porteuse de valeurs, ouverte sur le monde, elle doit montrer l’exemple. Ce type de sujet, qui touche à de grands principes, ne doit pas non plus être soumis à l’avis des syndicats.

M. Daniel Goldberg. L’amendement fait appel au Conseil commun de la fonction publique, récemment créé, qui aura à se prononcer dans un délai raisonnable. L’ouverture des emplois en question a été permise à des personnes de nationalité européenne ; il faut trouver une solution pour les autres. Je ne comprends pas qu’un Irlandais puisse occuper un emploi avec le statut de fonctionnaire alors qu’un Algérien est embauché sous un contrat très précaire pour occuper le même poste, avec les mêmes responsabilités. Cela dit, je retire mon amendement, en souhaitant que nous discutions du sujet d’ici à la séance.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Lorsqu’est stabilisée la situation sur le territoire national d’un contractuel de nationalité algérienne, par exemple, sa situation professionnelle dans la fonction publique peut être stabilisée elle aussi. Si sa situation sur le territoire est normalisée par les titres adéquats, cette personne peut entrer dans la fonction publique par le biais des concours internes.

L’amendement est retiré.

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Article 54 [nouveau]
Rapport sur le statut des étrangers travaillant à la SNCF

En 2003, les emplois statutaires de la SNCF ont été ouverts aux ressortissants européens sans que cela ait soulevé de difficulté majeure à cet établissement. En revanche, les personnels extra-communautaires demeurent exclus du statut commun d’agent au Cadre permanent. Ils dépendent toujours d’une autre réglementation, moins favorable, notamment du point de vue de la protection sociale (directive RH 0254, anciennement PS 25), particulièrement appliquée par le passé aux agents originaires du Maghreb.

Aujourd’hui, tant la direction que les principales organisations représentatives du personnel ont déclaré être favorables à la levée de la condition de nationalité pour pouvoir accéder pleinement au statut d’agent SNCF, quelle que soit la nationalité. Au vu du contexte et des craintes de remise en cause du statut de la SNCF et de ses agents, cette levée ne pourrait être obtenue rapidement qu’à la condition que les pouvoirs publics s’engagent à restreindre effectivement la discussion à cette seule question.

Afin de nourrir la discussion et de préparer une évolution réglementaire en ce sens, l’article 53, issu d’un amendement présenté par M. Daniel Goldberg, prévoit la remise d’un rapport au Parlement avant le 31 mars 2017.

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La Commission examine l’amendement CS261 de M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. L’amendement précédent visait bien sûr les personnes résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire français depuis plusieurs années.

De nombreuses entreprises publiques ou à participation de l’État, comme la RATP ou Air France, ont fait évoluer leurs statuts sur le sujet. Il reste un statut particulier à la SNCF, le PS 25, anciennement « statut des Marocains », selon lequel l’étranger extra-européen n’a pas accès au statut de cadre permanent de la SNCF. Le présent amendement est un amendement d’appel en direction du Gouvernement pour permettre que la discussion s’ouvre au sein de la SNCF.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. M. Goldberg pointe un vrai problème, au sujet duquel le Défenseur des droits nous a d’ailleurs interpellés. Mais c’est en fait le Gouvernement qui est directement interpellé, et nous donnons donc un avis de sagesse.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Section 7 [nouvelle]
Égalité entre les femmes et les hommes 
et dispositions renforçant la lutte contre le sexisme

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs et de Mme Maud Olivier de créer une section 7 destinée à contenir les articles relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre le sexisme. Elle se compose de deux articles.

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Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CS1031 des rapporteurs et CS646 de Mme Maud Olivier.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de créer une section « Égalité entre les femmes et les hommes ».

La Commission adopte l’amendement CS1031.

En conséquence, l’amendement CS646 tombe.

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Article 55 [nouveau]
(art. L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales)

Promotion de l’égalité entre femmes et hommes
par les collectivités territoriales

L’article 55, issu d’un amendement présenté par Mme Maud Olivier, vise à préciser dans le code général des collectivités territoriales que les politiques publiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes doivent être menées à tous les échelons décentralisés. Il s’inscrit dans la continuité de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dont l’article 1er mentionne que « l’État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée. Ils veillent à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions. »

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La Commission examine en discussion commune les amendements CS740 de Mme Maud Olivier et CS1070 des rapporteurs.

M. Yves Blein. L’amendement CS740 vise à préciser que les politiques publiques pour l’égalité entre les femmes et les hommes doivent être menées à tous les échelons des collectivités.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable à l’amendement de M. Blein. Nous retirons donc le nôtre.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Sagesse.

L’amendement CS1070 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CS740.

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Article 56 [nouveau]
(art. L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport)

Égal accès aux activités sportives

L’article 56, issu d’un amendement présenté par M. Kader Arif, vise à orienter les politiques relatives au développement du sport dans une logique d’égalité entre les hommes et les femmes. Selon le ministère des sports, les femmes ont deux fois moins accès que les hommes à la pratique sportive dans certains territoires. Le taux de licenciées féminines dans certaines fédérations sportives très populaires est de seulement 4 %, et seules 20 % des femmes qui font du sport pratiquent en club.

En outre, les inégalités d’accès à la pratique du sport sont aussi très fortes selon les territoires. Il est donc primordial de veiller à ce que tous les sports puissent être pratiqués sur l’ensemble du territoire de la République.

Les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport sont donc modifiés en ce sens.

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Suivant l’avis favorable de la rapporteure thématique, elle adopte ensuite l’amendement CS820 de M. Kader Arif.

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Après l’article 56

Puis elle examine l’amendement CS644 de Mme Maud Olivier.

Mme Julie Sommaruga. Il s’agit de mentionner l’égalité entre les femmes et les hommes dans les objectifs de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), afin que cette égalité soit prise en compte dans l’ensemble des démarches : diagnostic, projet, évaluation.

M. le rapporteur général. Nous demandons le retrait de l’amendement, car la question est celle de la mixité dans l’espace public et ne concerne pas seulement l’ANRU, mais aussi d’autres structures, telles que l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ou l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Nous pouvons réécrire la proposition d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS831 de Mme Chantal Guittet.

M. Christophe Premat. Il est important que les peines d’inéligibilité prononcées soient accompagnées du caractère sexiste des faits lorsque des élus sont reconnus coupables d’agressions ou de harcèlement sexuel.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette l’amendement.

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Section 8 [nouvelle]
Dispositions relatives au code de procédure pénale

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 8 destinée à contenir les articles relatifs à la procédure pénale. Elle se compose de trois articles.

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Elle examine ensuite l’amendement CS1208 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il s’agit de créer une section « Dispositions relatives à la procédure pénale ».

La Commission adopte l’amendement.

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Article 57 [nouveau]
(art. 2-1, 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale)

Action civile des associations en cas de décès de la victime de l’infraction

L’article 57, issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, modifie les articles 2-1, 2-2 et 2-6 du code de procédure pénale. Il permet à l’un des ayants-droit d’une victime de meurtre de faire appel aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre la racisme, contre les violences sexuelles ou contre les discriminations, pour pouvoir exercer les droits reconnus à la partie civile.

L’état actuel du droit est paradoxal : il admet qu’une association puisse agir en cas de tentative d’homicide volontaire mais ne le puisse pas si l’homicide est consommé, alors même que les intérêts à protéger sont identiques. La Cour de cassation a proposé cette évolution dans son rapport annuel pour 2008.

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Puis elle examine l’amendement CS856 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le présent amendement propose de permettre à l’un des ayants droit d’une victime décédée en lien avec la commission d’une infraction prévue aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, de faire appel aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et dont l’objet statutaire comporte la lutte contre le racisme, les violences sexuelles ou les discriminations, pour pouvoir exercer les droits reconnus à la partie civile.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement.

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Article 58 [nouveau]
(art. 2-24 [nouveau] du code de procédure pénale)

Action civile des associations étudiantes dans la lutte contre le bizutage

L’article 58, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs, fait suite à l’élargissement des dispositions répressives du code pénal aux comportements discriminatoires consécutifs à un bizutage, ou à une tentative de bizutage, prévu à l’article 39 bis du projet de loi.

La loi n° 98-468 du 18 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a créé le délit de bizutage, aujourd’hui codifié à l’article 225-16-1 du code pénal. Ses auteurs, y compris les personnes morales, s’exposent à une peine de six mois d’emprisonnement et à une amende de 7 500 euros. Ces sanctions sont doublées si la victime est une personne vulnérable (130).

La clarification du cadre législatif ainsi que les actions de l’administration pour prévenir les dérives ont permis de faire reculer le bizutage dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur. Mais l’évolution des pratiques, d’un bizutage revendiqué au sein de l’institution vers une « intégration » organisée dans un cadre associatif, pose des difficultés nouvelles. Les poursuites et les condamnations sur la base du délit de bizutage demeurent faibles car les poursuites sont parfois engagées sur la base de délits connexes – violences notamment – ou parce que persistent des pressions ou des discriminations à l’endroit des victimes ou des étudiants en faisant état.

Les associations de lutte contre le bizutage connaissent des difficultés persistantes à agir. Or, des associations ont été reconnues, au cours des dernières années, à exercer les droits reconnus à la partie civile pour un nombre croissant d’infractions (131). L’article 58 prévoit ainsi la possibilité pour les associations étudiantes de se porter partie civile dans les affaires de bizutage afin de faciliter les poursuites et la répression de ce délit, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui à l’exception des associations ayant vocation à défendre ou assister les personnes malades ou handicapées (132).

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Elle examine ensuite l’amendement CS902 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement prévoit la possibilité pour les associations étudiantes de se porter partie civile dans les affaires de bizutage, afin de faciliter les poursuites et la répression de ce délit.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 58

Puis elle examine l’amendement CS1071 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement concernant la prescription empiète sur la proposition de loi de MM. Tourret et Fenech en cours de rédaction, et nous le retirons.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CS212 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. J’ai conscience que cet amendement ne tombe pas au meilleur moment, alors que nous sommes tous émus par les événements qui viennent de toucher la police. Néanmoins, cela fait longtemps que nous parlons de la nécessité de recréer la confiance entre la police et la population, des deux côtés. La technologie peut venir à notre secours. Certains d’entre nous réclament depuis longtemps des récépissés lors des contrôles d’identité ; je considère que c’est contraignant pour la police. Mais les policiers peuvent aujourd’hui porter sur eux une caméra et je propose donc qu’un contrôle d’identité soit systématiquement filmé. Les expérimentations menées montrent que cela conduit à des changements de comportement des deux côtés, de la part des personnes interpellées comme des policiers, qui maîtrisent davantage leur énervement. Cet amendement peut répondre au sentiment de discrimination, de persécution ressenti par certains et dont nous avons parfois été témoins.

M. le rapporteur général. Je souhaite que nous ayons une seule expression sur les sujets de la caméra piétonne et du récépissé de contrôle d’identité. Il n’y a pas deux côtés : les forces de l’ordre protègent, au péril de leur vie, nos concitoyens. Il ne faut pas que le contexte détourne le sujet de ses véritables enjeux. Avec les différents dispositifs proposés, il ne s’agit pas de suspicion mais de modernisation. Dans une démocratie moderne, il n’est pas choquant de conserver la trace d’un contrôle d’identité, notamment parce que les policiers sont de plus en plus fréquemment victimes de ceux qui filment leurs interventions et procèdent à des montages avant de publier sur les réseaux sociaux une version des faits qui n’est pas la réalité.

Le ministre de l’intérieur nous a interpellés ; il souhaite être présent dans ce débat et je crois qu’il ne serait pas normal, en effet, d’aborder ces sujets en dehors de sa présence. Nous allons donc retirer l’ensemble des amendements des rapporteurs et je souhaite que nos collègues fassent de même avec les leurs. Cependant, nous souhaitons qu’un dispositif, nourri de nos débats depuis quatre ans, soit présenté d’ici à la séance.

M. Yves Blein. Au nom du groupe majoritaire, je rejoins tout à fait la position du rapporteur général. La sagesse voudrait que ces amendements soient retirés dans l’attente du débat avec le ministre de l’intérieur.

Mme Élisabeth Pochon. Compte tenu aussi du moment que nous traversons, je retire l’amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je souhaite également, étant donné le contexte que nous connaissons, que ce débat ait lieu en séance publique en présence du ministre de l’intérieur.

L’amendement est retiré.

L’amendement CS1066 des rapporteurs est retiré.

La Commission examine l’amendement CS145 de M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Je comprends l’intérêt de la présence du ministre de l’intérieur, mais un texte de loi doit mûrir en dehors du contexte présent. L’émotion que nous vivons – et j’ai été parmi les premiers à rencontrer les policiers du commissariat de Saint-Denis – ne doit pas nous faire oublier que nous traitons d’un sujet de fond, qui pose problème depuis quatre ans. J’invite donc à ne pas en faire trop sur la question du contexte.

Je veux bien retirer cet amendement, mais, après tous les débats que nous avons eus sur ce sujet, je ne comprendrais pas qu’il n’y ait pas, au minimum, une expérimentation. Le Gouvernement pourrait proposer un texte à plusieurs volets prévoyant divers essais afin que nous puissions retenir la meilleure solution : caméra-piéton, récépissé ou autre. Il s’agit de prendre en compte un phénomène qui existe, même s’il n’est pas répandu sur tout le territoire.

Je fais confiance à la police, à mes enfants et à beaucoup de gens. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle. Ce contrôle, exercé sur l’institution, mais aussi sur les pratiques individuelles, est une garantie démocratique apportée à tous, citoyens ordinaires et policiers. Je souhaiterais que nous travaillions collectivement à la rédaction d’un amendement prévoyant une large phase d’expérimentation, que nous puissions adopter en séance.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. En accord total avec la position exprimée par le rapporteur général, je voudrais insister sur le fait que l’absence du ministre de l’intérieur – qui avait demandé à participer à ce débat – est due aux circonstances. Sauf nouvelle catastrophe – je préfère prendre des précautions oratoires –, il sera présent lorsque nous examinerons ces mesures en séance, et c’est pourquoi nous avons décidé collectivement de reporter la discussion.

L’amendement est retiré.

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Article 59 [nouveau]
(art. 230-19 du code de procédure pénale)

Renforcement du régime juridique de l’ordonnance de protection

L’article 59, issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, améliore l’efficacité de l’ordonnance de protection prononcée au profit des personnes – le plus souvent des femmes – faisant l’objet de violences au sein du couple. Il prévoit l’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) de deux mesures qui peuvent être prononcées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection : l’interdiction d’entrer en relation avec la victime et l’interdiction de détenir ou de porter une arme.

Ces interdictions sont déjà intégrées au FPR lorsqu’elles sont prononcées dans le cadre d’un contrôle judiciaire à titre de peine complémentaire ou alternative. Leur mention dans le cadre d’une ordonnance de protection permet de renforcer leur effectivité en améliorant l’information des forces de l’ordre, d’autant que la violation des interdictions imposées par ordonnance de protection constitue un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (133).

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La Commission examine l’amendement CS857 du Gouvernement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le présent amendement renforce l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations dont les femmes peuvent être victimes, en améliorant l’efficacité de l’ordonnance de protection qui peut être prononcée au profit des femmes faisant l’objet de violences au sein du couple.

Il prévoit l’inscription au fichier des personnes recherchées (FPR) de deux interdictions qui peuvent être prononcées par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection : l’interdiction d’entrer en relation avec la victime ; l’interdiction de détenir ou de porter une arme.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

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Section 9 [nouvelle]
Dispositions relatives au droit du travail

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 9 destinée à contenir les articles relatifs au droit du travail. Elle se compose de deux articles.

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La Commission adopte l’amendement CS1209 des rapporteurs.

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Article 60 [nouveau]
(art. L. 1132-1-1 du code du travail)

Ouverture aux associations de la capacité d’agir contre les discriminations dans l’entreprise

L’article 60, issu d’un amendement présenté par Mme Colette Capdevielle, modifie le code du travail de façon à permettre aux associations d’agir contre les comportements discriminatoires dans l’entreprise. Son dispositif devra être harmonisé avec l’article 45 du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle, qui prévoit une action de groupe en matière de discrimination dans les relations relevant du code du travail.

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Puis elle passe à l’amendement CS329 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Élisabeth Pochon. Pour lutter contre les discriminations en entreprise, cet amendement propose une nouvelle voie de recours collectif, ouverte après absence du processus de dialogue social sur ce thème, à toute partie ayant intérêt à agir, notamment les associations et les syndicats. Cette procédure d’action de groupe permettrait de minimiser les attitudes discriminatoires délibérées.

M. le rapporteur général. Nous ne pouvons qu’être favorables à cette mesure, issue de la proposition de loi sur les actions de groupe contre les discriminations, qui avait été adoptée à l’unanimité du Parlement. Dans le texte pour la modernisation de la justice du XXIe siècle, dit J21, cette mesure a été modifiée et une distinction a été faite entre les syndicats et les associations, s’agissant de la capacité à ester en justice en matière de droit du travail. Depuis que j’ai commencé à travailler sur ce sujet, c’est-à-dire depuis 2012, j’entends le ministère du travail expliquer que les syndicats s’opposent à ce que les associations aient la capacité d’ester en justice en matière de droit du travail. Lors de la préparation de notre proposition de loi, nous avons auditionné tous les grands syndicats du pays, et leurs propos ont été consignés dans notre rapport. Ils ont tous dit qu’ils ne voyaient pas d’inconvénient à ce que les associations – qui existent depuis au moins cinq ans et dont les statuts leur donnent motif à agir – puissent intervenir dans le droit du travail. Avis très favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable. L’action de groupe en matière de discrimination est prévue dans le projet de loi relatif à la modernisation de la justice du XXIe siècle, défendu par le garde des Sceaux et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Dans ce texte, un équilibre a été trouvé entre les syndicats et les associations : il est prévu que les premiers puissent agir contre toutes les discriminations au travail, que ce soit en matière d’embauche ou de carrière, et que les secondes puissent agir contre les discriminations à l’embauche.

Mme Élisabeth Pochon. J’abonde dans le sens du rapporteur général. Cette procédure permettrait de renouveler notre approche de la lutte contre les discriminations en entreprise. Elle ne nuit pas à l’autre et ouvre un peu le champ des possibilités. Je maintiens l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 60

Puis elle en vient à l’amendement CS674 de Mme Pascale Got.

Mme Julie Sommaruga. Cet amendement propose de rendre obligatoire une formation relative à la lutte contre les discriminations et à l’égalité professionnelle, pour tous les salariés chargés du recrutement dans les entreprises de plus de cinquante salariés.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Tout en partageant l’objectif de l’amendement, je demande cependant son retrait au bénéfice de l’amendement CS1073 qui me semble plus efficace et que nous examinerons ensuite. Ce dernier propose que les personnes chargées du recrutement, que ce soit pour les besoins de leur entreprise ou dans le cadre d’une activité d’intermédiaire à l’emploi, reçoivent au moins une fois tous les cinq ans une formation à la non-discrimination dans le recrutement. L’organisation de cette formation pourrait, au choix de l’entreprise, relever de la formation professionnelle ou reposer sur une démarche concertée rassemblant plusieurs entreprises. La Commission a reçu l’Association française des managers pour la diversité (AFMD), qui montre que de telles actions sont possibles à moindre coût, dans une démarche volontaire et proactive, pour une gestion améliorée des relations humaines. Je précise que cette formation pourra être définie dans toutes ses modalités. Nous souhaitons vraiment donner un maximum de souplesse au dispositif et nous appuyer sur l’expérience déjà acquise par les entreprises les plus exemplaires.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, car nous souhaitons laisser cette démarche se faire dans le cadre du dialogue social. L’installation du groupe de dialogue sur la lutte contre les discriminations en entreprise, présidé par Jean-Christophe Sciberras, a donné lieu à nombre de travaux, démarches de concertation et initiatives autour de l’apprentissage de la diversité. Le Gouvernement a aussi lancé une campagne « Les compétences d’abord ». Avec les partenaires sociaux, dans le cadre d’un dialogue social, nous avançons afin de rééduquer les chefs d’entreprise qui, dans certains cas, discriminent sans s’en rendre compte. C’est aussi là le sujet : on répète des comportements sans avoir identifié ce qu’ils ont de discriminant. La démarche dans l’entreprise, en interentreprises, dans le cadre du dialogue social et avec des partenaires associatifs très mobilisés produit des effets. Nous voulons favoriser cette sensibilisation dans le cadre du dialogue social plutôt que de rendre des formations obligatoires.

M. Bernard Lesterlin. Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. Les rapporteurs semblent mettre l’accent davantage sur la discrimination à l’embauche que sur la discrimination globale dans l’entreprise.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Dans tous les cas, on vise les salariés chargés du recrutement. Faut-il mettre tous ces dispositifs dans la loi ? Madame Sommaruga, je vous suggère de retirer l’amendement pour qu’on ait le temps de retravailler sur le sujet avant la séance.

M. le rapporteur général. Je plaide aussi pour un retrait.

L’amendement est retiré.

Les amendements CS651 et CS653 de Mme Maud Olivier sont successivement retirés.

La Commission examine l’amendement CS1074 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Plusieurs amendements portent sur le curriculum vitæ anonyme. Les expérimentations ont donné des résultats mitigés et certains spécialistes estiment que la mesure n’a pas fait la preuve de son efficacité, sans compter qu’elle consiste à demander au candidat d’effacer une partie de lui-même. Je suis particulièrement sensible à ce dernier aspect de l’affaire. N’y aurait-il pas une autre solution ? Chercheurs et militants réfléchissent à une autre solution : stocker les CV envoyés pour pouvoir les analyser si l’entreprise est accusée de discrimination. À partir de ces registres de candidatures, il serait par exemple possible de voir si l’entreprise n’embauche que des hommes. Au regard des avancées permises par ce texte, je prends la responsabilité de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS647 de Mme Maud Olivier.

Mme Julie Sommaruga. L’amendement est défendu.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement trouverait mieux sa place dans la loi Travail à l’occasion de son prochain examen par l’Assemblée nationale, car elle traite en profondeur des pouvoirs du juge dans l’examen de toutes les formes de licenciement. Pourquoi nous attacher à une forme particulière de licenciement ? Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS1073 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Compte tenu du débat que nous avons eu précédemment, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 61 [nouveau]
(art. L. 3133-1 du code du travail)

Portabilité du lundi de Pentecôte

L’article L. 31331 du code du travail établit la liste des fêtes légales applicables sur le territoire national. Certaines sont directement liées à la religion chrétienne : Lundi de Pâques, Ascension, lundi de Pentecôte, Assomption et Toussaint – la sécularisation de la fête de Noël pouvant être appréciée. Or, s’il est compréhensible que l’État édicte les jours fériés au cours desquels la Nation se rassemble autour des événements fondateurs qui sont les siens, comme la Fête nationale ou la commémoration des armistices des deux guerres mondiales, il est curieux que des citoyens ne partageant pas la religion chrétienne puissent être amenés à ne pas travailler lors des fêtes correspondantes, et au contraire doivent consacrer un jour de congés annuels pour la célébration des événements religieux, métaphysiques ou personnels autres.

L’article 61, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs et par M. François Pupponi, accorde aux salariés une « portabilité » du lundi de Pentecôte, à condition que leur employeur formule son accord express à ce principe. Par exception à la règle générale, l’employeur ne pourrait alors pas s’opposer à la période de prise du jour ainsi récupéré, de la même façon qu’il n’a pas les moyens de s’opposer aux modalités de fixation de la date du lundi de Pentecôte.

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La Commission examine l’amendement CS893 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Nous avons découvert, à l’occasion des auditions, une forme de discrimination dont nous n’étions pas toujours conscients, et qui tient au lien que l’on peut établir entre la demande de certains jours de congé et une croyance. Le présent amendement propose d’accorder aux salariés la portabilité du lundi de Pentecôte, qui serait en quelque sorte laïcisé. Avec l’accord de l’employeur, il pourrait être converti en congés payés, et la période de prise de ce congé payé serait décidée par le bénéficiaire.

Le code du travail établit la liste des fêtes légales applicables sur le territoire national. Certaines sont directement liées à la religion chrétienne : lundi de Pâques, Ascension, lundi de Pentecôte, Assomption et Toussaint – la sécularisation de la fête de Noël pouvant être appréciée. Il est compréhensible que l’État édicte les jours fériés au cours desquels la nation se rassemble autour d’événements fondateurs comme la Fête nationale ou la commémoration des armistices des deux guerres mondiales. Cependant, à l’instar de la commission Stasi, on peut trouver curieux que des citoyens ne partageant pas la religion chrétienne soient amenés à ne pas travailler lors des fêtes correspondantes, et au contraire doivent consacrer un jour de congé annuel à la célébration des événements religieux, métaphysiques ou personnels autres.

La proposition qui vous est faite concerne un seul jour, le lundi de Pentecôte ou un autre jour férié religieux si les parlementaires le préfèrent. Cette portabilité serait évidemment soumise à l’accord exprès de l’employeur.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable. Votre proposition, qui entraînerait de nombreuses complications, est partiellement satisfaite. Le projet de loi Travail a précisément pour objectif de permettre à l’employeur de définir par accord, au niveau de son entreprise, les jours fériés chômés, ce qui donne une marge de manœuvre pour prendre en considération les demandes des salariés.

Mme Élisabeth Pochon. Chacun doit être libre de prendre un jour de congé sans avoir à dire ce qu’il veut en faire, aller à la pêche ou ailleurs.

M. le rapporteur général. Cette mesure permettrait de dépassionner le sujet, ce qui n’est pas rien quand on songe à l’état de crispation que connaît notre société, même si 99,9 % de nos concitoyens vivent leur foi ou leur absence de foi sans aucun problème, la laïcité s’adaptant et la situation n’étant pas celle décrite sur les réseaux sociaux, voire dans le débat politique. Cependant, nous pouvons adopter la mesure aujourd’hui, puis décider de retirer l’amendement en séance, si nous retrouvons dans la loi Travail, une fois que le Sénat aura fini de l’examiner, la traduction des propos tenus à l’instant par Mme la secrétaire d’État.

M. Bernard Lesterlin. J’ai une question pratique, monsieur le rapporteur général. Lorsqu’un salarié a opté pour un jour particulier correspondant à ses convictions et que le chef d’entreprise choisit précisément ce jour-là pour fermer l’entreprise, le salarié peut-il se rabattre sur un autre jour ?

M. le rapporteur général. En termes de relations sociales et de relations dans le monde du travail, la loi doit faire beaucoup, mais elle ne peut pas tout. On rencontre déjà des situations comme celle que vous évoquez : par exemple le 15 août. Il faut parfois fixer un cadre législatif, comme nous l’ont demandé diverses commissions et certaines des personnes que nous avons auditionnées : c’est l’objectif de cet amendement. Cela dit, nous ne répondrons jamais à tous les cas de figure.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 61

Puis elle examine l’amendement CS341 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Élisabeth Pochon. L’amendement est défendu.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je suis personnellement attachée à cet amendement, puisque j’ai déposé le même dans le cadre d’autres projets de loi. Cela étant, nous venons d’adopter une loi relative aux droits des étrangers et nous examinons actuellement une loi sur le travail : la proposition qui nous est faite ici, qui n’a guère de lien avec l’égalité et la citoyenneté, aurait davantage trouvé sa place dans l’un de ces deux textes.

Mme Élisabeth Pochon. Soit ; je le déposerai de nouveau lors de l’examen du projet de loi de modernisation de la justice.

L’amendement est retiré.

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Section 10 [nouvelle]
Dispositions diverses et finales

Afin d’assurer une meilleure lisibilité du texte issu de ses travaux, la commission spéciale a approuvé la suggestion de ses rapporteurs de créer une section 10 destinée à contenir les articles portant dispositions diverses et finales. Elle se compose de cinq articles.

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La Commission adopte l’amendement CS1210 du rapporteur général.

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Après la Section 10

Puis elle examine l’amendement CS346 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Élisabeth Pochon. L’amendement est défendu.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. La création d’une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations est prévue à l’article 44 du projet de loi de modernisation de la justice, qui sera examiné en commission mixte paritaire avant la fin du mois. Toute proposition de modification de l’ordonnancement de ce dispositif devrait être défendue dans le cadre de ce texte, et non du présent projet de loi. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Les amendements CS1079 et CS1078 des rapporteurs sont également retirés.

La Commission examine l’amendement CS690 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Élisabeth Pochon. L’impossibilité de se soigner est une forme de discrimination : chacun doit avoir le droit d’être soigné sur son territoire. C’est pourquoi les nombreux signataires de cet amendement souhaitent qu’il soit imposé aux internes d’exercer dans les zones tendues ou non couvertes pendant deux années au plus avant de retrouver leur liberté d’installation.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Ce problème est réel et nous en avons maintes fois débattu. Peut-être faudra-t-il revenir sur la liberté d’installation
– le problème n’étant pas de nature quantitative, car chacun sait qu’il y a davantage de médecins à Paris qu’au fin fond de la Bretagne.

Cela étant, votre amendement très directif me semble prématuré, car nous n’avons pas consulté la ministre de la santé ; je vous suggère donc de le retirer. Nous défendrons en revanche un amendement visant à demander au Gouvernement un rapport sur le sujet : si nous l’adoptions, nous pourrions ainsi reprendre cette discussion en séance après avoir prévenu la ministre de la santé.

Mme Élisabeth Pochon. Comme vous l’avez compris, il s’agit d’un amendement d’appel visant à ce que ce débat ne soit pas renvoyé aux calendes grecques, car certains territoires ont, en la matière, atteint la limite de ce qu’ils peuvent supporter.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS1061 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Cet amendement vise à inclure dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) les infrastructures sportives et culturelles, qui nécessitent d’importants investissements publics.

M. le rapporteur général. Nous touchons là à une question abordée lors de l’examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), sur laquelle je m’étais alors engagé, en commission comme en séance, à ne plus revenir. J’ai beau tenir chèrement à cet amendement, je dois donc le retirer.

L’amendement est retiré.

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Article 62 [nouveau]
(art. L. 225-100-2-1 [nouveau], art. L. 225-102-1, art. L. 225-102-1-1 [nouveau])

Reddition de comptes non-financiers par les entreprises

L’article 62, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs, procède à la transposition partielle de la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes. La date limite de transposition est fixée par la directive au 6 décembre 2016 pour une application dès l’année 2017. Il est donc légitime de procéder au plus tôt à sa réception en droit français.

Il est précisé que les informations non financières dont rendent compte les entreprises de plus de 500 salariés et les groupes de plus de 500 salariés incluent des données en matière de lutte contre les discriminations et de prise en compte de la diversité de la société française, conformément à la recommandation formulée par le Défenseur des droits à l’occasion de son audition devant la Commission.

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La Commission passe à l’amendement CS1069 des rapporteurs.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à procéder à la transposition partielle de la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE concernant la publication d’informations non financières et d’informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes. La date limite de transposition est fixée au 6 décembre 2016 pour une application dès l’année 2017. Il ne faut donc pas tarder, étant entendu que cette transposition n’est pas facultative. Nous souhaitons profiter de ce projet de loi pour honorer les engagements européens de la France.

C’est pourquoi le présent amendement précise que les informations non financières dont rendent compte les entreprises et les groupes de plus de 500 salariés incluent des informations en matière de lutte contre les discriminations et de prise en compte de la diversité de la société française, conformément à la recommandation formulée par le Défenseur des droits à l’occasion de son audition devant la Commission spéciale.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire pour les entreprises, puisque cette disposition s’appliquera de toute façon lors de la transposition, dont je rappelle qu’elle n’est pas optionnelle. Nous avons là l’occasion de prendre de l’avance, même si nous savons que le ministère de l’économie y travaille également, car nous enverrions ainsi un signal utile – quitte à revoir au cours de la navette la rédaction du texte si elle devait poser problème. Encore une fois, il s’agit d’une transposition très partielle de la directive européenne.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. En effet, nous allons devoir transposer la directive sur la publication d’informations non financières. Il ne semble cependant pas opportun de prendre de l’avance, car le ministère de l’économie a confié une mission à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l’inspection générale des finances pour identifier les points de cette directive qui doivent être transposés. Or cette mission vient à peine de rendre ses conclusions ; le Gouvernement veut désormais prendre le temps de la réflexion pour effectuer la transposition au mieux.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je m’étonne qu’il ne soit pas jugé opportun de prendre de l’avance dès qu’il s’agit de lutter contre les discriminations, alors que nous savons très bien le faire pour d’autres sujets. Je maintiens donc l’amendement dont je répète qu’il n’impose pas une charge nouvelle aux entreprises, puisque la disposition s’appliquera quoi qu’il arrive. J’ajoute que certains grands groupes s’engagent déjà avec détermination dans la lutte contre les discriminations et en faveur de la diversité ; ils auront l’occasion de le démontrer. Nous avons adopté un amendement visant à appliquer la même disposition dans la fonction publique. S’il se présentait un problème insurmontable, la navette permettra d’y remédier. En adoptant cet amendement, nous enverrons un signal utile pour montrer qu’en matière de lutte contre les discriminations, la France n’a rien à envier aux autres. Je le rappelle : il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire, mais plutôt d’une mise à jour de bonnes pratiques qui existent parfois déjà, comme nous l’avons constaté en auditionnant l’association française des managers de la diversité.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Il se peut que nous ne fassions pas la même analyse technique de la transposition de la directive, madame la rapporteure, mais je ne saurais vous laisser dire que nous ne sommes pas pressés de lutter contre les discriminations. Nous savons bien, tant dans l’exercice de nos fonctions que dans nos vies personnelles, que les discriminations se produisent tous les jours et concernent chacun d’entre nous. Nous voudrions tous aller vite, mais gardons-nous de confondre vitesse et précipitation. Il n’est évidemment pas question de prendre son temps, et la lutte contre les discriminations est un chantier immense sur lequel nous avons sans doute pris trop de retard, mais il ne faut pas pour autant aller si vite que nous risquerions d’omettre des étapes. Quoi qu’il en soit, la lutte contre les discriminations est une priorité du Gouvernement à laquelle je m’attelle, croyez-le bien.

La Commission adopte l’amendement.

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Après l’article 62

Puis elle examine l’amendement CS652 de Mme Maud Olivier.

M. le rapporteur général. L’amendement est retiré.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CS434 de M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. La France doit prendre certaines mesures et publier des rapports dans le cadre de la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée par l’ONU. La Commission consultative nationale des droits de l’homme utilise dans ses rapports sur les actes de discrimination une typologie n’incluant que les actes racistes, xénophobes, antisémites, antimusulmans et anti-roms, mais pas les actes « négrophobes », commis contre des Noirs. Nous n’avons épargné aucun effort pour demander à la CNCDH d’en faire état dans un rapport, mais nous nous sommes heurtés à un refus, au motif qu’il n’existe pas d’obligation en la matière.

C’est pourquoi cet amendement vise à ce que la CNCDH remette chaque année, le 21 mars – date retenue par l’ONU pour célébrer la Journée internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – un rapport établissant le recensement général de tous les actes racistes commis sur le territoire de la nation.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je comprends votre objectif, monsieur Lurel, mais l’article 2 de la loi Gayssot du 13 juillet 1990 prévoit déjà que la CNCDH remet au Gouvernement un rapport sur la lutte contre le racisme. Ne vaudrait-il pas mieux inclure les informations que vous demandez dans ce rapport plutôt que de demander un rapport supplémentaire ?

M. Victorin Lurel. C’est en effet ce que je souhaite ; je réécrirai l’amendement en ce sens.

L’amendement est retiré.

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Article 63 [nouveau]
Fonds de participation au soutien des initiateurs d’actions de groupe

L’article 63, issu d’un amendement présenté par les rapporteurs, met en place un fonds de financement des actions de groupe alimenté par une fraction des sommes issues des indemnisations prononcées dans le cadre des procédures juridictionnelles menées par un défendeur représentant un groupe de personnes.

L’action de groupe est une création récente du droit français. Deux procédures sont déjà opérationnelles : celle qui concerne la consommation, créée en 2014 par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », et celle qui concerne le secteur sanitaire, créée au début de l’année par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Ces mécanismes fonctionnent de façon contrastée, notamment en raison des difficultés de financement de l’action en justice qui pèse sur des associations aux moyens limités.

Le sujet devrait encore gagner en importance avec la création des nouvelles actions de groupe en matière de lutte contre les discriminations par le projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle. Or, comme le notait le Défenseur des droits, la question du financement des procédures juridictionnelles, au regard des frais importants auxquels pourront s’exposer les demandeurs à l’action en particulier en matière d’emploi, où la preuve est particulièrement complexe à apporter et où les groupes seront sans doute beaucoup moins nombreux qu’en matière de consommation, reste sans réponse.

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La Commission examine l’amendement CS1072 des rapporteurs.

M. le rapporteur général. Cet amendement soutenu par le Défenseur des droits, et inspiré d’une pratique en vigueur au Québec et ailleurs, vise à faciliter les procédures judiciaires d’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations. Aujourd’hui, si une victime sur deux n’engage pas de poursuites, c’est en raison du coût de la procédure.

L’amendement vise donc à ce qu’une part du montant de la réparation prononcée par le juge soit affectée à un fonds de participation au financement de l’action de groupe permettant aux victimes qui n’ont pas les moyens d’engager seules des procédures de se regrouper pour intenter une action. Il aurait été difficile, tant sur le plan juridique que sur le plan financier, d’étendre le champ de l’aide juridictionnelle à cette action de groupe. C’est pourquoi, avec le Défenseur des droits, nous proposons de créer ce fonds de participation qui existe déjà dans certains pays.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Avis défavorable. Je comprends votre intention, monsieur le rapporteur général. Cela étant, le législateur a jusqu’à présent toujours fait le choix de confier la responsabilité des actions de groupe à des associations fortes d’une certaine légitimité dans leur domaine, et ce dans le respect des règles de droit commun selon lesquelles le requérant couvre les dépens et le perdant est condamné à les rembourser.

De plus, la création d’un tel fonds placerait les victimes dans une situation défavorable, puisqu’une part de l’indemnité qui leur est accordée serait prélevée, ce qui se traduirait par une diminution de la réparation.

M. le rapporteur général. Vous évoquez les associations chargées de mener des actions de groupe : il s’agit d’associations ayant des moyens…

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Pas seulement : il s’agit d’associations reconnues.

M. le rapporteur général. Soit ; le projet de loi de modernisation de la justice permet pourtant à des associations non agréées de mener des actions de groupe, à condition qu’elles existent depuis au moins cinq ans et que le motif de l’action soit inscrit dans leurs statuts. Rien n’est dit de leurs moyens. Le fait de passer par une association, quelle qu’elle soit, ne supprime donc aucunement la nécessité de mobiliser des moyens, et les associations ont d’ailleurs sollicité le législateur chaque fois que nous avons débattu de l’action de groupe, en matière de consommation ou de discriminations. Nous n’avons pas abordé la question des moyens dans le cadre de l’action de groupe en matière de consommation parce que nous avons considérablement restreint le champ des intervenants, dix-huit associations seulement étant agréées. En matière de lutte contre les discriminations, au contraire, toute association, si elle répond aux critères, peut intenter une action de groupe.

D’autre part, vous estimez que les victimes seraient lésées par la mesure que nous proposons. Notre droit fondamental repose sur le principe de la réparation intégrale du préjudice – principe qui nous a animés de bout en bout lorsque nous avons élaboré avec Christiane Taubira le mécanisme de l’action de groupe dans le projet de loi de modernisation de la justice. Il va de soi que les juges appliqueront ce principe lorsqu’ils fixeront le montant global de la réparation, sachant que les conditions dans lesquelles une part de ce montant sera affectée au fonds de participation seront établies par décret. Je maintiens donc l’amendement.

M. Bernard Lesterlin. Qui déterminera l’éligibilité à l’aide apportée par ce fonds, et qui en fixera le montant ?

M. le rapporteur général. Ces règles seront déterminées par un décret en Conseil d’État, comme le prévoit l’amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Le juge fixe le montant de la réparation d’un préjudice, mais n’y inclut pas les sommes à devoir à tel ou tel.

M. le rapporteur général. Prenons l’exemple de l’amiante : nul ne peut prétendre que les victimes sont indemnisées sans réparation intégrale du préjudice. Il existe pourtant un fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, qui est financé par les indemnités de réparation.

L’amendement est adopté.

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Après l’article 63

La Commission examine l’amendement CS377 de Mme Audrey Linkenheld.

Mme Élisabeth Pochon. Cet amendement vise à promouvoir la médiation sociale comme vecteur d’égalité réelle en encourageant le rétablissement de la communication entre les parties dans l’intérêt de la cohésion sociale et en favorisant la possibilité d’accéder au droit sans avoir à aller jusqu’à engager une procédure coûteuse.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Avis très favorable : la reconnaissance de la médiation sociale comme outil de promotion de l’égalité réelle des citoyens est une question d’intérêt général. De plus, cette demande est défendue depuis longtemps par de nombreuses associations en lien avec le Gouvernement. Je me félicite qu’elle aboutisse ici, et j’espère que le Gouvernement y apportera un avis favorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Il va de soi que, sur le fond, nous sommes d’accord quant à l’importance de la médiation sociale et du rôle des travailleurs sociaux. Cependant, madame Pochon, le travail social couvre un secteur extrêmement large. Or votre amendement, que je vous recommande de retirer, semble se caractériser par une certaine confusion concernant le champ de la médiation sociale. Il faut poursuivre les travaux engagés depuis 2015 par l’Association française de normalisation (AFNOR) pour recenser les métiers et les pratiques de la médiation sociale afin de mobiliser l’ensemble des professionnels exerçant sur le terrain en faveur de l’égalité réelle. L’objectif, en effet, est que chacun d’entre eux puisse, avec ses attributions et ses compétences, amener les personnes qui en ont besoin vers le droit. Compte tenu de la diversité des métiers de ce secteur, il est en effet nécessaire d’avoir une meilleure visibilité pour améliorer les pratiques de médiation sociale.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Plusieurs membres de la commission des lois travaillent avec les associations de médiation, et cette demande n’est pas nouvelle. Si cet amendement était retiré, il faudrait tout de même trouver une solution en séance publique. Il est temps, en effet, que ce travail de longue haleine aboutisse.

Mme Élisabeth Pochon. Je veux bien retirer l’amendement, quitte à le déposer à nouveau en séance : il s’agit en effet d’une révolution culturelle visant à mieux régler les conflits et à renforcer la cohésion. Nous ne sommes qu’au début d’un processus déjà avancé dans d’autres pays ; il est temps que les parlementaires se saisissent de la question.

L’amendement est retiré.

La Commission passe à l’amendement CS746 de Mme Julie Sommaruga.

Mme Julie Sommaruga. Cet amendement vise à créer une délégation interministérielle du travail social et de l’intervention sociale chargée de coordonner les actions et d’évaluer les incidences des politiques conduites par l’État pour la promotion du développement social et de la cohésion sociale.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Je connais l’engagement de Mme Sommaruga sur ces questions, mais l’organisation interne du Gouvernement et de ses méthodes de travail relève de la responsabilité du Premier ministre, qui peut seul créer la délégation interministérielle proposée. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. La proposition de créer une délégation interministérielle du travail social et de l’intervention sociale, qui figurait dans le rapport de Mme Bourguignon, n’avait pas été retenue à l’époque dans le cadre du plan d’action en faveur du travail social. En revanche, la coordination des politiques publiques, à laquelle vise légitimement cet amendement, est aujourd’hui assurée par le secrétariat général du ministère des affaires sociales et de la santé ainsi que par le secrétariat général du Premier ministre. L’évaluation des politiques publiques en général et des politiques sociales en particulier relève des inspections générales et du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.

Le Gouvernement souhaite renforcer l’interministérialité indispensable à l’exercice du travail social et à l’intervention sociale par la création – en cours – du conseil interministériel du travail social, qui correspond à la vingt-quatrième mesure du plan d’action. Il va de soi que les acteurs des politiques sociales y seront associés, ainsi que la délégation interministérielle. Je vous suggère donc de retirer l’amendement.

Mme Julie Sommaruga. Pour résoudre les problèmes sociaux, nous sommes obligés de mobiliser, parfois simultanément, de grands ministères tels que ceux du logement, de l’action sociale, de la santé ou la ville, et il est essentiel que les politiques mises en œuvre par ces ministères et leurs services déconcentrés fassent l’objet d’une coordination plus structurée. Cela dit, j’ai entendu vos arguments, madame la secrétaire d’État, et je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CS335 de Mme Colette Capdevielle.

Mme Élisabeth Pochon. Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, reconnaît aux époux la possibilité de divorcer par requête conjointe sans présentation et homologation du juge, et de s’entendre notamment sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’exercice du droit de visite et d’hébergement, et la participation aux frais d’entretien et d’éducation. Dans un souci d’égalité, le présent amendement vise à étendre cette possibilité à tous les autres parents, pour lesquels le passage devant le juge aux affaires familiales reste la règle en dehors de la procédure de divorce.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Si je partage votre souci d’égalité en matière d’exercice de l’autorité parentale, je me demande si cette disposition n’aurait pas davantage vocation à se trouver intégrée au projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, voire à être transformée en proposition de loi compte tenu de l’importance du sujet. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

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Article 64 [nouveau]
(ord. de Charles X du 17 avril 1825)

Abrogation de l’ordonnance prévoyant l’indemnisation des esclavagistes de Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti

La révolte des esclaves dans le territoire français de Saint-Domingue aboutit en 1793 à une première abolition française de l’esclavage, abolition généralisée par la Convention à l’ensemble des colonies françaises quelques mois plus tard le 16 pluviôse an II (4 février 1794). Sous l’influence des colons propriétaires, le Premier Consul Bonaparte envoya, en 1802, un corps expéditionnaire sous le commandement du général Leclerc – l’époux de sa sœur Pauline – pour rétablir l’esclavage dans l’île. Mais la forte résistance des insurgés, doublée d’une épidémie de fièvre jaune, décime l’armée coloniale : l’indépendance haïtienne fut proclamée le 1er janvier 1804.

Pendant deux décennies, la France tenta à plusieurs reprises de mener des négociations pour reprendre possession de l’île. En 1825, Charles X donna finalement une ordonnance par laquelle la France concède l’indépendance de la république d’Haïti moyennant, d’une part, le versement d’une indemnité de 150 millions de francs pour dédommager les anciens colons et, d’autre part, l’octroi de clauses commerciales avantageuses.

Ordonnance du 17 avril 1825

CHARLES, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.

Vu les articles 14 et 73 de la Charte ;

Voulant pourvoir à ce que réclame l’intérêt du commerce français, les malheurs des anciens colons de Saint Domingue, et l’état précaire des habitants actuels de cette île ;

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Les ports de la partie française de Saint Domingue seront ouverts au commerce de toutes les nations. Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l’entrée qu’à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.

Art. 2. Les habitants actuels de la partie française de Saint Domingue verseront à la caisse fédérale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d’année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.

Art. 3. Nous concédons, à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint Domingue, l’indépendance pleine et entière de leur gouvernement.

Et sera la présente ordonnance scellée du grand sceau.

Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 avril de l’an de grâce 1825, et de notre règne le premier.

Face à l’incapacité pour le jeune État d’honorer sa dette, le pays signa un traité de paix et d’amitié avec son créancier le 12 février 1838 par lequel la France acceptait de réduire les sommes dues à 60 millions. Au total, l’indemnité aurait été de 90 millions de francs. Cette « dette de l’indépendance » n’est acquittée par Haïti qu’en 1883.

Dans un discours pour l’inauguration du Mémorial ACTe de Guadeloupe, le 10 mai 2015, le Président de la République affirmait vouloir à son tour s’acquitter de cette dette morale à l’égard d’Haïti. Sans prétendre à une quelconque réparation financière de cette décolonisation honteuse, l’article 64, issu d’un amendement présenté par M. Victorin Lurel, abroge symboliquement l’ordonnance du 17 avril 1825.

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La Commission examine ensuite les amendements CS677, CS680 et CS676 de M. Victorin Lurel, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Victorin Lurel. Ces trois amendements, qui représentent l’espoir d’une énorme avancée pour des populations de plusieurs millions de personnes
– des peuples, pourrais-je dire –, s’inscrivent dans le prolongement d’un discours prononcé par le Président de la République en Guadeloupe pour l’inauguration du Mémorial ACTe, le 10 mai 2015, lors duquel il a affirmé, devant cinq chefs d’État et une vingtaine de délégations, vouloir s’acquitter de la dette morale à l’égard d’Haïti.

La révolte des esclaves dans le territoire français de Saint-Domingue a abouti en 1793 à une première abolition française de l’esclavage qui sera généralisée par la Convention à l’ensemble des colonies françaises quelques mois plus tard. Haïti arrachera finalement son indépendance le 1er janvier 1804. Vingt et un ans plus tard, en 1825, Charles X envoyait sur place une armada de quatorze bâtiments de guerre afin de signifier aux responsables de la première République noire que, pour rester libre et souveraine, celle-ci devait s’acquitter d’un tribut de 150 millions de francs-or.

Confronté à l’incapacité d’honorer cette « dette », le jeune État a signé un traité de paix et d’amitié avec son créancier le 12 février 1838, par lequel la France acceptait de reconnaître l’indépendance pleine et entière de la République d’Haïti tout en réduisant les sommes dues à 60 millions. L’indemnité versée, qui s’élèvera finalement à 90 millions de francs-or, sera financée par un système bancaire français permettant à la France de contrôler les finances haïtiennes jusqu’au début du XXe siècle. Cette « dette de l’indépendance » ne sera acquittée qu’en 1883 par Haïti – de façon « impeccable », comme l’a dit Régis Debray – du moins pour ce qui est du principal, car les emprunts et les intérêts contractés auprès des banques françaises, puis américaines n’ont, eux, été définitivement soldés qu’en 1952.

Sans prétendre à une quelconque réparation financière, notre amendement propose d’abroger symboliquement l’ordonnance du 17 avril 1825, conformément aux valeurs actuelles de la République française : on ne peut laisser subsister dans notre corpus juridique ce texte profondément injuste. Chaque année, la France aide Haïti à hauteur de plusieurs millions d’euros et, en en ce moment même, la région Guadeloupe mandatée par l’ensemble des régions françaises construit un lycée français en Haïti. À côté de cette aide matérielle, la majorité de gauche et, au-delà, notre assemblée tout entière, s’honoreraient de prendre la décision symbolique, mais très attendue, consistant à abroger l’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825. C’est l’objet de l’amendement CS677.

L’amendement CS680 a un objet similaire, puisqu’il vise à l’abrogation de la loi du 30 avril 1849, relative à l’indemnité de 120 millions de francs accordée aux colons par suite de l’abolition de l’esclavage. Cette indemnité a été réglée aux colons de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion, et il en a été prélevé un huitième « pour servir à l’établissement d’une banque de prêt et d’escompte dans chacune de ces colonies » – la dernière a fait faillite il y a une dizaine d’années en Martinique. Si la portée de cet amendement est, là encore, largement symbolique, il pourrait toutefois également trouver une application concrète, des collectifs guadeloupéens ayant lancé une action en justice contre l’État français pour obtenir une réparation collective en faveur des descendants d’esclaves : deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont ainsi été déposées et, après avoir été examinées par la Cour de cassation, devraient être transmises au Conseil constitutionnel. En tout état de cause, le simple souci de cohérence nous empêche de laisser cohabiter, à côté de la loi de 2001 reconnaissant que l’esclavage est un crime contre l’humanité, un texte certes ancien, mais toujours présent, tendant à indemniser ceux-là mêmes qui ont commis ce crime !

Enfin, l’amendement CS676 vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’abrogation du décret du 24 novembre 1849 relatif à la répartition de l’indemnité coloniale et de l’article 5 du décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises du 27 avril 1848 puisque, par leur nature, ces textes, contrairement à la loi du 30 avril 1849 précitée, ne sont pas abrogeables par voie parlementaire.

Nous ne voulons pas réécrire l’histoire, et c’est donc bien l’abrogation – c’est-à-dire la suppression à partir de maintenant, pour l’avenir – de ces dispositions honteuses que nous demandons, et non leur retrait. Le 16 pluviôse an II – 4 février 1794 –, la Convention s’est prononcée par acclamation pour l’abolition de l’esclavage. Je vous propose aujourd’hui de renouer avec cet esprit révolutionnaire !

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Ces amendements sont de nature symbolique, puisque les textes visés ont épuisé depuis longtemps leurs effets juridiques. Cependant, ils persistent dans notre ordonnancement, et je comprends qu’ils puissent provoquer un ressentiment inutile chez nos compatriotes des territoires anciennement colonisés par la France, et même chez les Haïtiens qui ont pris leur indépendance.

Je note que l’amendement propose des abrogations et non des retraits, c’est-à-dire qu’il vise à supprimer la loi aujourd’hui et pour demain, pas à prétendre qu’elle n’a jamais existé. Il ne faut pas juger l’histoire avec les valeurs des temps présents. Les lois qui ont mis fin à l’esclavage et à la colonisation au XIXe siècle étaient progressistes dans l’esprit du temps. D’ailleurs, les Haïtiens l’ont bien compris, puisqu’ils ont conclu dès 1838 un traité d’amitié avec la France, alors même qu’ils continuaient à acheter leur liberté.

Je suis favorable aux trois amendements de M. Lurel. Sans renier les actions passées, que nous ne pouvons effacer, il faut montrer que nous sommes capables de juger qu’elles ne correspondent plus à ce que nous sommes et à ce que nous voulons pour l’avenir.

M. le rapporteur général. M. Lurel connaît mes convictions sur cette question qui a donné lieu à de nombreux échanges entre nous. Je soutiens pleinement ses trois amendements, dont le vote va susciter une grande émotion pour tous ceux qui ont fait de cette question l’engagement d’une vie.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Les amendements que vous avez présentés, monsieur Lurel, sont très forts sur le plan symbolique. Tous les peuples de France, ceux de l’Hexagone comme ceux vivant au-delà des mers, doivent aujourd’hui connaître et reconnaître leur histoire commune et être capables d’en parler, sans chercher à l’effacer. Comme vous l’avez dit, il serait incohérent de laisser subsister, à côté de la loi Taubira reconnaissant que l’esclavage est un crime contre l’humanité, ces deux textes qui ont eu pour objet, en leur temps, d’obliger les anciens esclaves à « indemniser » ceux qui avaient pourtant si longtemps profité d’eux, ce qui a constitué une grande injustice.

Le Gouvernement est évidemment favorable à ces grands amendements, qui honorent cette assemblée et notre République.

Mme Élisabeth Pochon. Si l’on dit souvent que les parlementaires doivent se garder de toucher à l’histoire, ils vont pourtant, en votant ces amendements, contribuer à ce que notre République écrive une page historique essentielle, ce dont je me félicite. Nous devrons nous employer à ce que nos concitoyens soient largement informés du vote de ces dispositions.

M. Victorin Lurel. Avant que nous ne passions au vote, j’insiste sur le fait que nous avons pesé chaque mot de ces amendements, afin d’éviter de commettre ce que les juristes appellent « la vérité historique par détermination ». Nous laissons l’écriture de l’histoire aux historiens, et n’entendons pas refaire ou effacer le passé ni ouvrir d’autres chapitres : nous sommes simplement inspirés par l’idée selon laquelle ces textes résiduels ne sont pas compatibles avec les valeurs et le dispositif juridique de notre République. Enfin, je remercie notre groupe d’avoir massivement soutenu cette proposition.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Dans le cadre d’une table ronde organisée sur le thème de la lutte contre les discriminations, des historiennes ont attiré notre attention sur le fait qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de chaire universitaire consacrée au thème de l’abolition de l’esclavage. Je m’étais engagée à vous rapporter cette remarque, madame la secrétaire d’État : voilà qui est fait.

La Commission adopte, à l’unanimité, l’amendement CS677.

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Article 65 [nouveau]
(loi n° 285 du 30 avril 1849 relative à l’indemnité accordée aux colons
par suite de l’abolition de l’esclavage)

Abrogation de la disposition relative à l’indemnisation des anciens colons par leurs anciens esclaves

Dans un esprit similaire à celui de l’article précédent, l’article 65, également issu d’un amendement présenté par M. Victorin Lurel, abroge symboliquement la loi n° 285 du 30 avril 1849 relative à l’indemnité accordée aux colons en réparation morale du préjudice subi à la suite de l’affranchissement des esclaves.

Si le Gouvernement provisoire, « considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine », prononce à l’article 1er du décret du 27 avril 1848 que « l’esclavage est entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises », l’article 5 du même décret tranche de manière radicale la question des « réparations » de ce crime en précisant que « l’Assemblée Nationale règlera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux Colons ». Alors même que la France accordait l’émancipation aux esclaves, elle remboursait donc les anciens maîtres de leur crime : l’émancipation pour les esclaves, l’indemnisation pour les colons.

En dressant comme principe ce droit à l’indemnisation, cette loi ne justifie en rien le fondement sur lequel il est accordé ni le montant ou les modalités de l’indemnisation. Déjà en 1781, Condorcet, dans une épître dédicatoire aux nègres esclaves, évoquait cette question en ces termes : « Nous avons montré que le maître n’a aucun droit sur son esclave ; que l’action de le retenir en servitude n’est pas la jouissance d’une propriété, mais un crime ; qu’en affranchissant l’esclave, la loi n’attaque pas la propriété, mais cesse de tolérer une action qu’elle aurait dû punir par une peine capitale. Le souverain ne doit donc aucun dédommagement au maître des esclaves, de même qu’il n’en doit pas à un voleur qu’un jugement a privé de la possession d’une chose volée. La tolérance publique d’un crime absout de la peine, mais ne peut former un véritable droit sur le profit du crime. »

Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention nationale prononçait la première abolition sans accorder d’indemnité aux colons ni aux esclaves. Le compromis de 1848 s’inspirait en fait de l’expérience britannique : le Slavery abolition Act du 28 août 1833 prévoyait une indemnisation des colons à hauteur de 20 millions de livre sterling.

C’est ainsi que, le 30 avril 1849, la IIe République promulguait une loi relative à l’indemnité accordée aux colons par suite de l’affranchissement des esclaves en application du décret du 27 avril 1848, suivant des règles byzantines en fonction de leur localisation.

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La Commission adopte, à l’unanimité, l’amendement CS680.

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Article 66 [nouveau]
Rapport sur l’application et l’opportunité d’une suppression de deux textes réglementaires à vertu historique

En complément du précédent article, l’article 66, également issu d’un amendement présenté par M. Victorin Lurel, demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à l’abrogation du décret n° 29 du 24 novembre 1849 relatif à la répartition de l’indemnité coloniale et de l’article 5 du décret relatif à l’abolition de l’esclavage dans les colonies et les possessions françaises du 27 avril 1848.

Par leur nature réglementaire, ces textes, contrairement à la loi du 30 avril 1849 précitée, ne sont pas abrogeables par voie parlementaire.

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La Commission adopte, à l’unanimité, l’amendement CS676.

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Après l’article 66

Elle examine ensuite l’amendement CS1067 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le projet de loi prévoyant déjà la remise de seize rapports, je retire l’amendement CS1067, qui avait pour objet de demander au Gouvernement la remise d’un rapport détaillant les options qui permettraient de remédier aux disparités de l’offre de soins médicaux sur le territoire national.

L’amendement est retiré.

M. Bernard Lesterlin. Je m’étonne de voir cet amendement retiré : en effet, le rapport qu’il visait à demander au Gouvernement me paraissait une excellente chose. Je regrettais même sa rédaction un peu minimaliste, ne consistant qu’à dresser la liste des options de nature à apporter un remède à la désertification médicale, alors qu’il faudrait préconiser des mesures. J’en appelle au courage de nos rapporteurs pour déposer, en accord avec le Gouvernement, un nouvel amendement plus complet que celui qu’ils viennent de retirer.

La Commission est saisie de l’amendement CS691 de Mme Élisabeth Pochon.

Mme Élisabeth Pochon. Si j’ai retiré tout à l’heure mon amendement relatif à la problématique du droit à la santé sur l’ensemble du territoire, je souhaite maintenir celui-ci, visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la mise en œuvre de la loi du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé.

Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure thématique. Il y a effectivement des déserts médicaux en France, à la campagne comme en périphérie des grandes villes, ce qui constitue une question très préoccupante. Cela dit, j’estime que nous pouvons trouver une meilleure rédaction que celle de l’amendement CS691 et j’invite donc Mme Pochon à le retirer, en attendant que nous travaillions sur cette question en vue de la séance publique.

Mme Élisabeth Pochon. La santé pour tous est une question importante, c’est pourquoi je maintiens cet amendement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Si la santé pour tous est effectivement une question digne d’intérêt, celle-ci n’a pas à être traitée dans le cadre du titre III de ce projet de loi Égalité et citoyenneté. Vous demandez un rapport sur l’évolution de l’accès aux soins dans les territoires manquant de professionnels. La loi du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé a créé un comité national chargé d’élaborer le pacte territoire-santé et d’en assurer le suivi. Ce pacte sert précisément de cadre à l’action actuellement menée par le Gouvernement en faveur de l’accès aux soins. Le comité de pilotage, qui rassemble tous les acteurs concernés – professionnels de santé, usagers et élus –, doit établir un bilan annuel des actions engagées, qui sera communiqué en temps voulu au Parlement. Je vous invite donc à retirer votre amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

Mme Élisabeth Pochon. Une date a-t-elle été fixée pour la transmission de ce bilan ?

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Je vous en ferai part dès qu’elle sera portée à ma connaissance.

Mme Élisabeth Pochon. Je vous fais confiance, madame la secrétaire d’État, et retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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* *

En conséquence, la Commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA COMMISSION SPÉCIALE

(par ordre chronologique)

Ø Union nationale du sport scolaire (UNSS) – M. Laurent Petrynka, directeur national, et M. Éric Frecon, directeur national adjoint

Ø Chambre de métiers et de l’artisanat de la Seine-Saint-Denis – M. Patrick Toulmet, président, président du campus des métiers de l’entreprise, et M. Yann Dubosc, secrétaire général

Ø Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) – M. Didier Leschi, directeur général, ancien Préfet délégué à l’égalité des chances

Ø Génération précaire – M. Vincent Laurent et Mme Olivia Lanselle, membres du collectif

Ø Union nationale des étudiants de France (UNEF) – Mme Marthe Corpet, vice-présidente, et Mme Pauline Raufaste, en charge du projet de loi au bureau national

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – M. Florent Gueguen, directeur général, Mme Katya Benmansour et Mme Ninon Overhoff, chargées de mission

Ø Fédération française du scoutisme français – Mme Elsa Bouneau, présidente, et M. Francois Mandil, délégué national des Scouts et Guides de France

Ø Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF) – M. François Vercoutere, délégué général

Ø Osez le Féminisme ! – Mme Marie Allibert et Mme Éléonore Stévenin-Morguet, porte-paroles

Ø M. Jean-François Carenco, Préfet de la région Île-de-France

Ø Membres de cabinets ministériels :

Ø Haut Conseil à la vie associative – Mme Joëlle Bottalico, vice-présidente, M. Michel de Tapol, président du groupe de travail engagement, et M. Thierry Guillois, membre du bureau, et Mme Chantal Bruneau, secrétaire générale

Ø Animafac, réseau d’associations étudiantes – M. Malo Mofakhami, président, et Mme Coline Vanneroy, déléguée générale

Ø Croix Rouge Française – M. Simon Cahen, directeur adjoint chargé de l’engagement et de la vie associative, et M. Jean Fabre Mons, chargé de mission auprès de la directrice générale, responsable des relations institutionnelles

Ø Le Mouvement associatif – Mme Nadia Bellaoui, présidente, et Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale

Ø Union nationale des missions locales – M. Jean-Patrick Gille, président, et M. Serge Kroichvili, délégué général

Ø Forum français de la jeunesse – Mme Cécile Pagès, membre du Comité d’animation pour le collège associatif, M. Quentin Henaff, membre du Comité d’animation pour le collège partisan, M. Naïm Shili, membre du Comité d’animation pour le collège lycéen, et Mme Janie Morice, déléguée générale

Ø Mission nationale pour la réserve civile du ministère de l’Intérieur – Mme Édith Minier, commissaire divisionnaire, conseillère prévention coopération de la sécurité du directeur général de la police nationale

Ø Fédération française des clubs omnisports – M. Gérard Perreau Bezouille, coprésident, et M. Jean Di-Méo, secrétaire général

Ø Conférence des grandes écoles (CGE) – M. Francis Jouanjean, délégué général, et M. Jules Meunier, chargé de mission

Ø Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France – Capitaine Céline Guilbert, vice-présidente chargée de la jeunesse, de la prévention et de l’éducation du citoyen face aux risques

Ø Fédération des espaces santé jeunes (FESJ) – Mme Peggy Perillat, directrice de l’Espace Santé Jeunes de la Ciotat, et M. Vincent Persuanne, responsable de l’Espace Santé Jeunes de Colombes

Ø Mme Hélène Paoletti, directrice de l’Agence du service civique, et M. Yannick Blanc, haut-commissaire adjoint à l’engagement civique

Ø Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) – M. Daniel Frédout, président, Mme Audrey Baudeau, déléguée générale, et M. Nizar Yaiche, chargé de projet

Ø Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) du ministère de la Défense – Général Christian Thiébault, secrétaire général, et Capitaine Solène Darras, chef du bureau réserve militaire du secrétariat général du conseil supérieur de la réserve militaire

Ø Union nationale de l’information jeunesse (UNIJ) – M. Manuel Gresillon, président, Mme Florence Huteau, directrice, et M. Emmanuel Mourlet, personne qualifiée du bureau

Ø M. Béligh Nabli, auteur du rapport de France Stratégie sur l’engagement des jeunes

Ø Conférence des présidents d’université (CPU) (*) – M. Jean-Loup Salzmann, président, M. Gilles Baillat, président de la commission vie étudiante, Mme Virginie Sement, chargée de mission formation, Mme Clotilde Marseault, chargée de mission vie étudiante, et M. Karl Stoeckel, conseiller parlementaire

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(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Ø France urbaine – M. Pascal Pras, maire de Saint-Jean-de-Boiseau et vice-président à l’urbanisme de Nantes Métropole, et M. Emmanuel Heyraud, directeur Cohésion sociale et développement urbain

Ø Groupe Caisse des dépôts – Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe, M. Vincent Mahé, secrétaire général du groupe SNI, Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles, et Mme Marie Ordas-Monot, chargée de mission à la direction des prêts et de l’habitat

Ø Fédération des entreprises publiques locales – M. Alexandre Vigoureux, responsable du département juridique, et M. Pierre de La Ronde, responsable du département immobilier

Ø Association des maires de France (AMF) (*) – M. André Laignel, premier vice-président, M. Benjamin Pasquier, chef de cabinet, Mme Florence Masson, Mme Valérie Brassart, conseillères, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Ø Union sociale pour l’habitat (USH) – M. Frédéric Paul, délégué général, Mme Marianne Louis, secrétaire générale, Mme Beatrix Mora, directrice du service des politiques urbaines et sociales, et Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Ø Assemblée des communautés de France (AdCF) – M. Honoré Puil, vice-président et vice-président de la communauté d’agglomération de Rennes métropole en charge de l’habitat, du logement et des gens du voyage, délégué à l’habitat et aux gens du voyages, M. Philippe Schmit, secrétaire général Urbanisme, Mme Claire Depech, responsable Finances et fiscalité, habitat et logement, et Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Ø Table ronde des associations de locataires HLM :

Ø Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) – M. Sébastien Jallet, commissaire général délégué, directeur de la ville et de la cohésion urbaine, Mme Sylvaine Gaulard, cheffe du bureau renouvellement urbain, cadre de vie et prévention de la délinquance, sous-direction du renouvellement urbain, du développement économique et de l’emploi, direction de la ville et de la cohésion urbaine, et Mme Anaïs Bréaud, sous-directrice renouvellement urbain, développement économique et emploi

Ø Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) – M. Nicolas Grivel, directeur général, Mme Caroline Bollini, directrice de la stratégie et de l’accompagnement des acteurs, et Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles

Ø Délégation interministérielle à la mixité sociale dans l’habitat – M. Thierry Repentin, délégué interministériel, et M. Simon Molesin, adjoint au délégué interministériel

Ø Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) – Ministère du logement et de l’habitat durable – M. Laurent Girometti, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, Mme Hélène Sainte Marie, directrice de projet droit au logement et à l’hébergement et Mme Christelle Payen, chef de cabinet du directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

Ø Fondation Abbé Pierre – M. Manuel Domergue, directeur des études, et Mme Noria Derdek, chargée d’étude

Ø Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées – Mme Marie-Arlette Carlotti, députée, présidente, et M. René Dutrey, secrétaire général

Ø Association des établissements publics fonciers locaux (EPFL) – M. Philippe Alpy, président de l’EPFL interdépartemental du Doubs, M. Arnaud Portier, directeur de l’EPFL du Pays Basque, et M. Loïc Alcaras, juriste à l’EPFL de Haute-Savoie

Ø Fédération nationale des agences d’urbanisme (FNAU) – Mme Hélène Joinet, animatrice du club Habitat et chargée des études habitat à l’IAU Île-de-France

Ø Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) – Mme Isabelle Raymond-Mauge, secrétaire générale adjointe, M. Alain Weber, inspecteur général de l’administration du développement durable, et M. Guillaume Lamy, directeur des risques, de l’audit et du contrôle interne de la Société du Grand Paris, ancien auditeur du CGEDD

Ø Droit au logement (DAL) – M. Jean-Baptiste Eyraud, Mme Micheline Unger, M. Jean baptiste Lecerf, et Mme Mathilde Zylberberg

Ø Fédération nationale des maisons des potes – M. Samuel Thomas, président, et M. Ousmane Balde

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(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (*) – M. François Moutot, directeur général, et Mme Véronique Matteoli, directrice adjointe des relations institutionnelles

Ø Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) – M. Vincent Potier, directeur général

Ø Collectif contre l’islamophobie en France – Mme Lila Charef, responsable juridique, et M. Yasser Louati, porte-parole

Ø Direction générale des étrangers en France – M. Pierre-Antoine Molina, directeur général, Mme Christine Wils-Morel, chef de service, adjointe à la directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité, et M. Luc Martin, chef de bureau des affaires juridiques et du contentieux, direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité

Ø École nationale d’administration (ÉNA) – Mme Nathalie Loiseau, directrice

Ø Membres de cabinets ministériels :

Ø Table ronde sur l’action des forces de police :

– Alliance Police nationale – M. Stanislas Gaudon, secrétaire administratif général adjoint, et M. Pascal Disant, chargé de mission

– UNSA Police – Mme Ophélie Cohen, déléguée nationale en charge de la formation et de l'action sociale

Ø Table ronde sur la diversité dans les médias :

– Mme Aude Seurrat, chercheure, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’Université Paris XIII-Nord

– Bondy Blog – Mme Pegah Hosseini, rédactrice en chef adjointe

– Le Mouv’ – M. Bruno Laforestrie, directeur

– Observatoire de la diversité du Conseil supérieur de l’audiovisuel – Mme Mémona Hintermann-Afféjee, présidente

Ø Table ronde sur la précarité sociale :

– Mouvement ATD Quart Monde – Mme Claire Hédon, présidente, Mme Geneviève Decoster, représentante à la Commission nationale consultative des droits de l’homme, et M. Denys Rochette, chargé des relations avec les parlementaires

– Secours populaire – M. Marc Castille, membre du comité national en charge des relations institutionnelles

– Secours Catholique – Caritas – M. Laurent Giovannoni, responsable du département « Accueil et Droits des Étrangers »

Ø Table ronde sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité et la sanction de son apologie :

– Mme Nelly Schmidt, coordinatrice du programme « Esclavage, abolitions, abolitionnistes de l'esclavage, politiques coloniales : histoire comparée, XVIIIe-XXe siècles » à l’Université Paris IV-Sorbonne

– Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE) – Mme Myriam Cottias, présidente

Ø Table ronde sur les discriminations :

– Fédération nationale des Maison des potes – M. Samuel Thomas, président, Mme Sabrina Alaouchiche, M. Ousmane Balde, et M. Slimane Tirera

– Fondation des femmes – Mme Anne-Cécile Mailfert, présidente

– Association des paralysés de France – Mme Pascale Ribes, vice-présidente, M. Patrice Tripoteau, directeur général adjoint

– Inter-LGBT – M. Jérôme Beaugé, président, et Mme Clémence Zamora Cruz, porte-parole

Ø Table ronde sur les droits de l’homme :

– Ligue des droits de l’homme (LDH France) – Mme Nadia Doghramadjian, vice-présidente

– Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) – Mme Maria Giuseppina Bruna, déléguée exécutive, chargée de la diversité dans l’entreprise

– Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) – M. Augustin Grosdoy, coprésident, et Mme Michèle Fougeron, membre du conseil national

– SOS Racisme – M. Dominique Sopo, président, et M. Mohammed N’Gaide, directeur juridique

Ø Table-ronde sur les emplois soumis à condition de nationalité :

– Conseil supérieur du notariat – Me Christian Lefebvre, vice-président, chargé des relations sociales, Mme Christine Mandelli, administrateur chargée des relations avec les institutions

– Fédération française des pompes funèbres – Mme Sandra Da Gemea, déléguée générale adjointe

– Ordre des architectes – Mme Isabelle Moreau, directrice des relations extérieures et institutionnelles

– Ordre des médecins – Dr Jacques Morali, conseiller national

– Ordre des pharmaciens – Mme Hélène Leblanc, responsable du pôle affaires publiques et relations internationales, et Mme Fadila Mahieddine, chef de service

– Ordre national des vétérinaires  – M. Jacques Guérin, vice-président

Ø Table-ronde sur les enjeux de la maîtrise de la langue française :

– Agence nationale de lutte contre l’illettrisme – M. Hervé Fernandez, directeur, Mme Marie-Thérèse Geffroy, présidente du conseil d’administration

– Office français de l’immigration et de l’intégration – M. Didier Leschi, directeur général

– Opcalia – M. Patrice Lombard, président, Mme Marie Russo, vice-présidente, et M. Yves Hinnekint, directeur général

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(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

LISTE DES ORGANISMES AYANT ADRESSÉ UNE CONTRIBUTION ÉCRITE À LA COMMISSION SPÉCIALE

Ø Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL

Ø Anacej, réseau national d’acteurs et d’élus enfance jeunesse 

Ø Animafac, réseau d’associations étudiantes 

Ø Association Force Ouvrière consommateurs (AFOC) 

Ø Association nationale des compagnons bâtisseurs 

Ø Association Nationale Compagnons Bâtisseurs

Ø Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) 

Ø Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP) 

Ø Conseil national des villes 

Ø Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) 

Ø Coordination Pas sans nous ! 

Ø Croix-Rouge française 

Ø Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS)

Ø Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) 

Ø Fédération nationale des maisons des potes 

Ø Haut Conseil à la vie associative 

Ø Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE fh) 

Ø IKEA 

Ø La voix des volontaires en service civique 

Ø Mission nationale pour la réserve civile du ministère de l’Intérieur 

Ø Mouvement associatif

Ø Mouvement ATD Quart Monde 

Ø OneplusOne

Ø Plateforme interassociative du service civique 

Ø Réseau national des juniors associations (RNJA) 

Ø Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) Action Logement – 

Ø Union nationale des fédérations d’organismes HLM (USH) 

Ø UnisCités

© Assemblée nationale

1 () La composition de cette commission spéciale figure au verso de la présente page.

2 () http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/3593/master/index.htm

3 () http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/liseuse/5697/master/index.htm

4 () Qu’est-ce qu’une nation ?, conférence donnée en Sorbonne, 1882.

5 () Article L. 724-1 du code de la sécurité intérieure.

6 () Avis du Conseil d’État sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté », 31 mars 2016, p. 2.

7 () C. Onesta et J.-M. Sauvé, « Pour que vive la fraternité / Propositions pour une réserve citoyenne », Rapport au Président de la République, juillet 2015, p. 54.

8 () C. Onesta et J.-M. Sauvé, « Pour que vive la fraternité / Propositions pour une réserve citoyenne », Rapport au Président de la République, juillet 2015, p. 32.

9 () Op. cit., p. 54.

10 () Circulaire de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche n° 2015-077 du 12 mai 2015.

11 () Avis du Haut Conseil à la Vie Associative sur le congé d’engagement, novembre 2012, p. 8.

12 () Rapport de Mme François Dumas fait au nom de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le tissu social, n° 2383, 20 novembre 2014.

13 () Articles D. 3142-17 et suivants du code du travail.

14 () Note du ministre de l’intérieur du 8 juin 2015 sur le développement du service civique au ministère de l’intérieur.

15 () Id.

16 () Id.

17 () Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

18 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2016-728 DC du 3 mars 2016.

19 () Article 9 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les contraventions de la cinquième classe sont de 1 500 euros maximum, et de 3 000 euros maximum en cas de récidive.

20 () Soit 750 euros maximum.

21 () Article R. 511-8 du code de l’éducation.

22 () Avis du Conseil d’État sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté », 31 mars 2016, p. 2.

23 () Avis du Conseil d’État sur le projet de loi « Égalité et citoyenneté », 31 mars 2016, p. 6.

24 () Droit au logement opposable créé par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

25 () Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

26 () Un arrêté fixe à 8 le nombre maximum de communes, arrondissements ou quartiers que l’on peut citer dans une demande.

27 () Tels que définis à l’article L. 441-1-4 du CCH.

28 () Des « systèmes particuliers de traitement automatisés » agréés par l’État peuvent aussi délivrer le numéro d’enregistrement mais leur pérennité à terme est soumise à la condition qu’ils soient connectés au SNE et disposent des fonctionnalités leur permettant d’enregistrer les pièces des dossiers et d’assurer une gestion partagée de la demande.

29 () Le champ des bailleurs concernés est également fixé par l’article L. 411-10 : les organismes d’HLM ; les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ; la société anonyme Sainte-Barbe ; la Foncière logement et les SCI qu’elle détient au moins à 99 % ; les organismes bénéficiant de l’agrément « maîtrise d’ouvrage ».

30 () La Caisse de garantie du logement locatif social est un établissement public national à caractère administratif. Elle gère un fonds de garantie de prêts au logement social.

31 () À défaut, le locataire défaillant encourt une pénalité de 7,62 euros, majorée de 7,62 euros par mois entier de retard, à verser à son organisme bailleur.

32 () Étude d’impact du projet de loi, p. 117.

33 () à l’exception des communes appartenant à des EPCI de moins de 10 000 habitants.

34 () À savoir les communautés de communes compétentes en matière d’habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, les communautés d’agglomération, toutes les communautés urbaines et les métropoles.

35 () Droit de préemption dont ils peuvent disposer dans le cadre de conventions passées avec le préfet de département territorialement compétent.

36 () Lorsque l’exercice des compétences de la métropole du Grand Paris est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt métropolitain, celui-ci est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la métropole, au plus tard deux ans après sa création – soit au plus tard le 31 décembre 2017. Les compétences non exercées par la métropole après définition de l’intérêt métropolitain restent du ressort de ses communes membres, ou des EPT si les communes les avaient déléguées à un EPCI à fiscalité propre avant la mise en place de la métropole.

En revanche, à défaut de définition d’un tel intérêt métropolitain, la métropole exerce l’intégralité des compétences en question.

37 () Article L. 442-8-1 du code de la construction et de l’habitation.

38 () Respectivement articles R. 351-22 du code de la construction et de l’habitation et D. 542-7 du code de la sécurité sociale.

39 () Article R. 831-15 pour le code de la sécurité sociale.

40 () La modification serait utile pour le développement du produit de sécurisation des loyers du parc locatif privé à destination des personnes en situation de travail précaire, des jeunes salariés et des ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative (environ 150 000 bénéficiaires par an sont attendus en régime de croisière), dénommé « Visale », financé par Action Logement et piloté par l’APAGL.

41 () Articles L. 129-1 à L. 129-6 du code de la construction et de l’habitation.

42 () Articles L. 511-1 à L. 511-4, L. 511-5 et L. 511-6 du code de la construction et de l’habitation.

43 () Article L. 1311-4 du code de la santé publique.

44 () Articles L. 1334-1 à L. 1334-12 du code de la santé publique.

45 () Plus de 500 EPCI à fiscalité propre, sur les quelque 2 100, détiennent la compétence PLU.

46 () Si 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s’y opposent, le transfert de compétences n’a pas lieu.

47 () Le SCOT est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique à l’échelle d’une large intercommunalité. Il oriente et organise l’évolution d’un territoire dans le cadre d’un projet d’aménagement et de développement durables. Au 1er janvier 2015, 400 établissements publics exerçaient la compétence SCOT et, parmi ceux-ci, environ un tiers étaient des EPCI à fiscalité propre et deux tiers des syndicats mixtes.

48 () La règle de l’urbanisation limitée, qui figure à l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme, interdit les travaux et constructions effectuées en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. Jusqu’au 31 décembre 2016, elle s’applique, en l’absence de SCOT, aux communes situées à moins de 15 kilomètres de la limite extérieure d’une unité urbaine de plus de 15 000 habitants. À compter du 1er janvier 2017, elle s’appliquera à toutes les communes dépourvues d’un SCOT opposable.

49 () Tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière.

50 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/statut_accueil_habitat_gens_voyage.asp

51 () https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-accueil-et-l-accompagnement-des-gens-du-voyage

52 () Les opérations Habitat et vie sociale (HVS) avaient été décidées par Jacques Barrot, alors secrétaire d’État au Logement. Elles visaient à réhabiliter le parc social en mobilisant l’aide financière de l’État au côté des collectivités territoriales.

53 () « Les effets sociaux des opérations de rénovation urbaine apparaissent d’autant plus limités que celles-ci n’ont pas été conduites de manière participative. Or les évaluations et les recherches réalisées dans de nombreux pays ont montré que l’implication des résidents dans la conception et la conduite de projets d’aménagement dans les quartiers pauvres pouvait favoriser leur ancrage sur place par leur contribution active à la vie sociale et à la valorisation du quartier, et amorcer une dynamique individuelle et collective de promotion sociale, en facilitant la construction de normes partagées, la restauration de la confiance en soi des résidents (ainsi qu’entre ceux-ci et les pouvoirs publics) et, plus globalement, l’élévation de leur capital social. » (Renaud Epstein, La rénovation urbaine, cité par M. Claude Dilain, rapport n° 250 (2013-2014) fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, 18 décembre 2013).

54 () L’article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales, où ont été codifiées ces dispositions, dispose notamment :

« Dans les communes de 80 000 habitants et plus, le conseil municipal fixe le périmètre de chacun des quartiers constituant la commune.

Chacun d’eux est doté d’un conseil de quartier dont le conseil municipal fixe la dénomination, la composition et les modalités de fonctionnement.

Les conseils de quartier peuvent être consultés par le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Le maire peut les associer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des actions intéressant le quartier, en particulier celles menées au titre de la politique de la ville.

Le conseil municipal peut affecter aux conseils de quartier un local et leur allouer chaque année des crédits pour leur fonctionnement. »

55 () Marion Carrel, Noémie Houard, La participation des habitants : trois pistes pour rénover la politique de la ville, Centre d’analyse stratégique, note d’analyse n° 278, septembre 2012.

56 () Succédant aux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), les contrats de ville ont été institués à l’article 6 de la loi du 21 février 2014 précitée. Ils s’inscrivent dans une démarche intégrée devant tenir compte des enjeux de développement économique, de renouvellement urbain et de cohésion sociale. Ils fixent le cadre des futurs projets urbains et prévoient l’ensemble des actions à conduire pour favoriser leur bonne articulation avec le volet social de la politique de la ville. L’État et ses établissements publics, l’intercommunalité, les communes, le département et la région, ainsi que les autres acteurs institutionnels (organismes de protection sociale, acteurs du logement, acteurs économiques) et l’ensemble de la société civile, en particulier les associations et les habitants des quartiers prioritaires, sont parties prenantes de la démarche contractuelle à chacune de ses étapes.

57 () Telle est, du moins, la lecture effectuée par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi délibéré le 31 mars 2016, paragraphe 46.

58 () Le délégué du Gouvernement est institué par l’instruction du Premier ministre n° 5846/SG du 11 mars 2006.

59 () Article 72, alinéa 3, de la Constitution du 4 octobre 1958.

60 () http://www.anlci.gouv.fr

61 () Les zones urbaines sensibles ont disparu au 1er janvier 2015, mais la collecte des informations statistiques a été antérieure à cette date.

62 () L’enquête de référence en la matière, Information et Vie quotidienne (IVQ), est menée tous les sept ans. Sa dernière édition remonte à 2011. Elle est conduite par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en partenariat avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l’Emploi, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le département des statistiques, des études et de la documentation (DSED) du ministère de l’Intérieur et le ministère de la Ville, de la jeunesse et des sports.

63 () Cette précision figure au 1° du II de l’article L. 6121-2 du code du travail, créé par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

64 () Le programme Compétences clés permet de développer une ou plusieurs compétences fondamentales parmi lesquelles, notamment, la compréhension et l’expression écrites ou encore les mathématiques. Il est proposé par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi, aux jeunes sans emploi, aux salariés en insertion par l’activité économique ou en contrat aidé.

65 () Dans le cadre du Conseil de l’Europe, a été élaboré et publié, en 2001, le cadre européen commun de référence pour les langues (CECR). Il permet d’établir des niveaux harmonisés de maîtrise de langue, afin que les programmes d’enseignement de langues vivantes, les manuels et les examens puissent connaître une certaine homogénéité. Le CECR détermine six niveaux de langues : le niveau A1 équivaut à un niveau de découverte, le niveau A2 permet une communication simple, le niveau B1 correspond à une communication plus élaborée permettant notamment d’exprimer ses idées, le niveau B2 correspond au niveau d’un utilisateur indépendant ou avancé, le niveau C1 est celui d’un utilisateur autonome, le niveau C2 témoigne d’un niveau de langue parfaitement maîtrisé. La France exige, depuis 2007, la maîtrise du niveau A1.1 par les étrangers résidant sur son territoire. Ce dernier, inférieur au niveau A1, ne fait l’objet d’aucune définition par le CECR, celui-ci n’en mentionnant que la possibilité : il ne permet que de s’identifier, de comprendre des expressions simples et de communiquer de manière basique.

66 () Rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’évaluation de la politique d’accueil des étrangers primo-arrivants, remis en octobre 2013.

67 () Créé par l’Accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels ainsi que par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est une association constituée entre les organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il contribue au financement d’actions de formation professionnelle concourant à la qualification et à la requalification des salariés et demandeurs d’emploi sur la base d’appels à projets.

68 () Les fonctionnaires civils sont répartis en trois catégories (A, B et C) en fonction du niveau hiérarchique et du niveau de diplôme exigé pour le recrutement par concours externe. La catégorie A requiert généralement une licence universitaire ou davantage ; la catégorie est accessible aux personnes munies du baccalauréat ou éventuellement d’un diplôme sanctionnant deux années d’études supérieures ; la catégorie C est ouverte aux personnes sans diplôme ou disposant d’un diplôme inférieur au baccalauréat.

69 () La nomenclature des niveaux de formation est utilisée, notamment à des fins statistiques, pour mesurer les études accomplies par un individu. Le niveau V correspond au personnel occupant des emplois exigeant normalement un niveau de formation équivalent à celui du brevet d’études professionnelles (BEP) et du certificat d’aptitude professionnelle (CAP), soit deux ans de scolarité au-delà du premier cycle de l’enseignement du second degré.

70 () Le Conseil constitutionnel a validé le principe d’une voie alternative de recrutement dans la fonction publique dans sa décision n° 82-153 DC du 14 janvier 1983, Loi relative au statut général des fonctionnaires. Le considérant n° 5 précise « que, si le principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics, proclamé par l’article 6 précité de la Déclaration de 1789, impose que, dans les nominations de fonctionnaires, il ne soit tenu compte que de la capacité, des vertus et des talents, il ne s’oppose pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l’appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l’entrée dans une école de formation ou dans un corps de fonctionnaires soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public. »

71 () L’étude d’impact jointe au projet de loi signale l’intention du Gouvernement de procéder à l’harmonisation des durées exigées dans les différents concours. Cette évolution relève du pouvoir réglementaire.

72 () Les lois portant statut des fonctions publiques ne prévoient aucune proportion entre le concours externe et le concours interne, ni entre l’un d’entre eux et le nombre total des places offertes pour l’accès par concours aux corps concernés.

73 () Rapport de Mmes Brigitte Grésy et Marie Becker (n° 2015-01) pour le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Le sexisme dans le monde du travail – Entre déni et réalité, 6 mars 2015

74 () « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

75 () Les alinéas 7 et 8 disposent : « Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »

76 () Les alinéas 2 et 3 disposent : « La diffamation commise […] envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap. »

La peine prévue pour une diffamation simple est limitée à 12 000 euros d’amende.

77 () Les alinéas 3 et 4 disposent : « Sera punie de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende l’injure commise, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent l’injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap. »

La peine prévue pour une injure publique simple est limitée à 12 000 euros d’amende.

78 () Article R.624-3 du code pénal.

79 () Article R.624-4 du code pénal.

80 () Article R.625-7 du code pénal, qui prévoit également des peines complémentaires d’intérêt général et d’interdiction de port d’arme.

81 () L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit : « L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée. »

82 () L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit : «La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »

83 () Article 54 de la loi du 29 juillet 1881.

84 () Articles 3 et 10 – dépôt préalable – et article 51 – saisie limitée à quatre exemplaires en cas d’absence de dépôt – de la loi du 29 juillet 1881.

85 () L’article 397-6 du code de procédure pénale prévoit que les dispositions relatives à la comparution immédiate « ne sont applicables ni aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ».

86 () L’article 52 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « si la personne mise en examen est domiciliée en France, elle ne pourra être placée en détention provisoire… ».

87 () L’exception de vérité consiste à combattre une accusation de diffamation en prouvant la véracité des propos faisant l’objet de la poursuite. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 juillet 1972 (pourvoi n° 70-93211) a écarté cette perspective : «Alors qu’ils n’avaient pas à s’arrêter au point de savoir si les faits retenus comme diffamatoires étaient ou non susceptibles d’une preuve, qui ne saurait, d’ailleurs, être admise en cette matière, les juges ont, à bon droit, retenu à la charge dudit X... les délits d’injures et de diffamation raciales… ».

88 () L’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 a été institué pour les délits racistes par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Sa portée a été élargie aux autres délits discriminatoires par la loi n° 2014-56 du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap. La chambre criminelle de la Cour de cassation considère toutefois que l’article 65-3 et la prescription d’un an ne s’appliquent pas aux contraventions de provocations, diffamations ou injures discriminatoires non publiques (23 mai 2006, Bull. crim. n° 144).

89 () L’ordonnance pénale n’est employée que pour les délits de faible gravité et dans une grande majorité des cas pour le contentieux routier. Elle est notifiée au justiciable qui peut, soit l’accepter et subir les effets de la condamnation prononcer, soit former opposition dans les 45 jours et solliciter une comparution devant la juridiction répressive – au risque d’être plus sévèrement condamné. Elle n’est applicable ni aux mineurs, ni aux récidivistes (articles 495 et suivants du code de procédure pénale).

90 () « Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État, et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné.

Cette peine ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou n’est pas présent à l’audience. Toutefois, cette peine peut être prononcée lorsque le prévenu, absent à l’audience, a fait connaître par écrit son accord et qu’il est représenté par son avocat. »

91 () Les articles 30 et 31 de la même loi mentionnent « les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques » ainsi que « le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’État, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition ».

92 () Cass. crim., 15 mars 2016, n° 15-90022.

93 () Article 4 de la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.

94 () « Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

95 () Article 221-4 du code pénal.

96 () Article 222-3 du code pénal.

97 () Articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 du code pénal.

98 () Article 222-18-1 du code pénal.

99 () Article 225-18 du code pénal.

100 () Article 311-4 du code pénal.

101 () Article 312-2 du code pénal.

102 () Articles 322-2 et 322-8 du code pénal.

103 () « Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l’infraction est commise à raison de l’orientation ou identité sexuelle de la victime.

La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l’infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, utilisation d’images ou d’objets ou actes de toute nature portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur orientation ou identité sexuelle vraie ou supposée. »

104 () Article 222-4 du code pénal.

105 () Article 222-30 du code pénal.

106 () L’élimination du mot « race » du droit français a notamment fait l’objet d’une proposition de loi de M. André Chassaigne tendant à la suppression du mot « race » de notre législation. Adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 16 mai 2013 (TA n° 139), ce texte est depuis soumis à l’examen du Sénat.

107 () Cass. crim. 5 février 2013, n° 11-85.909.

108 () L’article 48-2 a été introduit dans la loi du 29 juillet 1881 par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite « loi Gayssot ».

109 () Considérant n° 7 de la décision du 16 octobre 2015 précitée.

110 () Cet article 6 définit « les crimes contre l’humanité : c’est à dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime ». Le crime contre l’humanité, dont la contestation est réprimée par le droit français, n’a donc existé qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale.

111 () Le considérant n° 8 relève le fait que la répression de la négation concerne des faits « qualifiés de crimes contre l’humanité et sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale », ce qui constitue l’un des éléments à l’appui de la démonstration.

112 () Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

113 () Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

114 () Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

115 () Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

116 () Loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton.

117 () Régis Fraisse, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 35, avril 2012.

118 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, Loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, considérant n° 18. Le législateur organique a plus tard formulé la même réserve à l’article 8 de la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française. Les contours de cette catégorie de normes, dite des « lois de souveraineté », sont définis restrictivement par la jurisprudence.

119 () Conseil d’État, 17 mai 2002, M. Hoffer, n° 232359.

120 () L’applicabilité résulte alors du texte même.

121 () Ces trois mentions figurent au 2° de l’article 14 du statut de 2004.

122 () Les deux premières mentions figure au 1° du I de l’article 21 précité, ce qui en fait des matières dans lesquelles « l’État est compétent ». La troisième mention apparaît au 5° du II du même article : c’est un des domaines dans lesquels « l’État est également compétent […] sous réserve le cas échéant de l’application des dispositions mentionnées aux articles 28 à 38 », c’est-à-dire des dispositions par lesquelles les autorités calédoniennes sont associées aux décisions relevant de l’État. Cette réserve de compétence ne comprend pas la lutte contre les discriminations.

123 () Cette mention figure au 5°

124 () TA n° 738. Le commentaire des dispositions de l’article 44 du projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle dans sa version adoptée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale peut être consulté dans le rapport établi par MM. Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec et déposé le 6 mai 2016 (n° 3726).

125 () Au moment de l’examen par la commission spéciale du présent projet de loi, la proposition de loi de M. Yannick Vaugrenard visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale avait bien été adoptée en termes identiques à la version du Sénat par l’Assemblée nationale le 14 juin 2016 (TA n° 757), mais elle attendait encore sa promulgation.

126 () Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85559. 

127 () Décret n° 2013-8 du 3 janvier 2013 portant création du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

128 () Ordonnance du 23 octobre 2009, commune d’Oullins, n° 329076.

129 () Rapport n° 2594 de M. Daniel Goldberg au nom de la commission des Lois, 9 juin 2010.

130 () Article 225-16-2 du code pénal.

131 () Articles 2-1 à 2-23 du code de procédure pénale.

132 () Article 2-8 du code de procédure pénale.

133 () Article 22742 du code pénal.