N° 4180
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 novembre 2016
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur les conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne (n° 4124)
PAR M. Hervé PELLOIS
Député
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Voir le numéro : 4124.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA LIBÉRALISATION DU SECTEUR LAITIER 7
A. LA GESTION DE LA FIN DES QUOTAS LAITIERS 7
1. La fin de 30 ans de gestion administrée de la production laitière 7
2. La préparation de l’après-quotas et les instruments du « paquet lait » 8
a. Le difficile « atterrissage en douceur » 8
b. Le groupe d’experts de haut niveau sur le lait de 2009 9
c. Les instruments du « paquet lait » de 2012 10
i. La conclusion de contrats écrits entre les producteurs et les transformateurs 10
ii. La possibilité de négocier collectivement les clauses du contrat en passant par des organisations de producteurs 11
iii. La régulation de l’offre pour les fromages couverts par une AOP/IGP 11
iv. Les règles spécifiques applicables aux organisations interprofessionnelles 11
v. L’amélioration de la transparence et de l’information 11
B. LA SITUATION DU MARCHÉ LAITIER EUROPÉEN DEPUIS 2015 12
1. Une production excédentaire 12
2. Une demande plus faible que les prévisions 12
a. Des perspectives erronément favorables 12
b. Le retournement de la demande chinoise 13
c. La fermeture du marché russe 13
3. Un prix du lait faible et volatil 14
a. Un prix du lait faible 14
b. Un prix du lait peu prévisible et entre les mains des collecteurs 15
4. L’insuffisante appropriation nationale du « paquet lait » 15
II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 17
A. DES MESURES DE STABILISATION DES MARCHÉS ET D’AMÉLIORATION DES RELATIONS COMMERCIALES 17
1. Renforcer le « paquet lait » 17
a. Assouplir la gestion de l’offre pour les produits sous appellation (n° 4) 17
b. Analyser régulièrement l’appropriation des outils du « paquet lait » (n° 5) 17
c. Accompagner financièrement les organisations de producteurs (n° 7) 18
d. Ajouter la possibilité de souscrire des contrats tripartites (n° 6) 18
e. Assurer la transmission d’informations des États membres à l’Observatoire européen du marché du lait (n° 8) 19
f. Renforcer les interprofessions laitières (n° 11) 19
g. Mettre en œuvre des outils pour assurer aux producteurs une meilleure place dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire (n° 12) 20
2. La marche vers des mesures assurantielles de stabilisation des revenus 20
a. Mettre en place un système de lissage des revenus et des volumes en cas de crise (n° 1) 20
b. Mettre en place des outils assurantiels d’atténuation de la volatilité des prix (n° 3) 21
c. Valoriser les instruments de stabilisation des revenus (n° 9) 22
B. DES MESURES DE RENFORCEMENT DE LA STRATÉGIE AGRICOLE EUROPÉENNE 22
1. Assurer des débouchés à l’export 22
a. Négocier la levée de l’embargo russe sur les produits laitiers (n° 10) 22
b. Poursuivre les actions de promotion des exportations (n° 2) 22
2. Protéger les élevages fragilisés 23
a. Augmenter les aides couplées pour les jeunes agriculteurs (n° 14) 23
b. Investir en faveur des biens publics fournis par l’élevage (n° 13) 23
TRAVAUX DE LA COMMISSION 25
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 43
La filière laitière européenne dans son ensemble, et française en particulier, vit une période charnière de son histoire. Un an et demi après la suppression des quotas laitiers, le 1er avril 2015, le changement de paradigme induit par la libéralisation des droits à produire individuels n’est toujours pas maîtrisé par le secteur. Celui-ci connaît une crise de surproduction au niveau européen qui s’explique tant par l’augmentation des volumes de production que par la faiblesse de la demande mondiale.
L’anticipation de la fin de 30 ans de quotas a conduit à l’adoption d’un ensemble de règlements européens, le « paquet lait », entré en vigueur le 3 octobre 2012, qui donne la possibilité aux États membres de mieux structurer le secteur en planifiant la production et en permettant aux producteurs et aux transformateurs de se regrouper et de s’organiser. L’instrument de cette organisation repose sur la mise en place de contrats obligatoires entre producteurs et collecteurs de lait et le renforcement des organisations de producteurs et des organisations interprofessionnelles, parfois par dérogation au droit de la concurrence européen.
Mais force est de constater que les exploitations laitières européennes sont encore très vulnérables : d’une part, parce que les mesures du « paquet lait » sont encore insuffisamment mises en œuvre par les pays membres et, d’autre part, parce que des mesures complémentaires doivent être prises, notamment au regard de la problématique de l’instabilité des marchés qui a des conséquences sur la volatilité des prix des productions et des revenus des exploitants laitiers.
La proposition de résolution européenne soumise à l’examen de la commission des affaires économiques est le fruit d’un travail de plusieurs mois d’auditions et de déplacements organisés par MM. Yves Daniel et Hervé Gaymard. Elle a recueilli l’approbation de l’unanimité des membres de la commission des affaires européennes. Votre rapporteur se joint à cette unanimité tant les quatorze propositions formulées dans cette résolution, loin de radicalement changer les outils européens dans le secteur du lait, proposent au contraire de mieux les mettre en œuvre et de leur adjoindre des mesures de responsabilisation et d’alerte face aux aléas du marché.
Cette proposition de résolution donne déjà des pistes de ce que devra faire la future politique agricole commune (PAC) de l’après 2020 : mieux maîtriser la volatilité des prix et des revenus et réaffirmer une stratégie agricole ambitieuse.
Le marché du lait européen a longtemps été régi par une organisation commune du marché (OCM), créée en 1968, qui prévoyait des mécanismes d’intervention sur les prix (prix garantis), des aides aux exportations et un mécanisme de stockage public. Ces mécanismes de soutien européen aux prix et aux volumes, associés à l’accélération des progrès techniques dans la filière laitière ont engendré, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, une situation de surproduction de l’offre laitière sur le marché de la Communauté économique européenne. On se souvient encore aujourd’hui des « montagnes de beurre », de poudre de lait et de fromages.
L’objectif principal de l’instauration des quotas laitiers en 1984 (1) était de remédier temporairement à l’excès d’offre laitière par la répartition de « quantités totales garanties » de droits à produire pour chaque État membre et l’instauration d’un mécanisme d’amende sous forme de prélèvement en cas de dépassement de quotas.
A contrario de la suppression de la régulation de la production de viande ou de céréales depuis les années 1980, les quotas laitiers se sont pérennisés au-delà des cinq années prévues initialement et ont de fait endigué la surproduction mais ils n’ont pas réduit la faiblesse et la volatilité des prix de ces produits.
La géographie laitière européenne s’est figée sur des volumes de production datant de 1984. Les quotas ont néanmoins permis de maintenir, notamment en France grâce à une répartition départementale des volumes de production, des exploitations laitières sur tout le territoire, facteurs d’aménagement du territoire et de développement économique.
Certains pays européens s’étant vus attribuer des quotas de production inférieurs à leurs capacités, ils pâtissaient d’importantes amendes pour cause de dépassement de quotas (Allemagne, Pays-Bas). À l’inverse, la France et le Royaume-Uni n’utilisaient pas la totalité de leurs quotas de production.
Parallèlement à ce mauvais ajustement entre quotas de production et capacités de production des États, les perspectives de la demande du marché mondial étaient favorables. Les organisations internationales anticipaient une hausse de la demande mondiale alors que la part de l’Union européenne dans le volume des exportations mondiales avait diminué depuis l’instauration des quotas et que ces mêmes quotas étaient, à l’échelle européenne, globalement sous-réalisés.
À la fin des années 1990, il devenait difficile de défendre un système qui bridait les producteurs européens face à la concurrence des pays tiers et aux perspectives de la demande du marché mondial. L’appel du marché était trop fort et, dans le cadre de l’Agenda 2000, fut actée la fin des quotas qui conduisit, en 2003, à une « réforme à mi-parcours » d’affaiblissement des mécanismes de soutien des prix au profit d’aides directes au revenu, encore en vigueur aujourd’hui.
Dès l’adoption du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009 (2) il fut décidé de préparer l’après-quotas en incitant les producteurs à s’affranchir des paradigmes de l’économie administrée. Le considérant n° 8 de ce règlement précise que : « le régime des quotas laitiers arrivant à expiration en 2015 […], les producteurs de lait devront consentir des efforts tout particuliers pour s'adapter à l'évolution de la situation, notamment dans les régions défavorisées. Il convient, par conséquent, également de considérer cette situation spécifique comme un nouveau défi que les États membres devraient être à même de relever afin d'assurer un "atterrissage en douceur" à leurs secteurs laitiers ».
Ce règlement prévoyait notamment, en son considérant n° 35 « d'autoriser les États membres à utiliser jusqu'à 10 % de leurs plafonds nationaux pour le régime de paiement unique afin d'octroyer un soutien spécifique dans certains cas bien déterminés. Ce soutien devrait permettre aux États membres d'apporter une solution aux problèmes environnementaux et à ceux liés au bien-être des animaux et d'améliorer la qualité et la commercialisation des produits agricoles. Un soutien spécifique devrait également permettre d'atténuer les conséquences de la suppression progressive des quotas laitiers et du découplage des aides dans certains secteurs particulièrement sensibles. »
Tout était ainsi mis en œuvre pour compenser les éventuels chocs induits par la confrontation des producteurs européens au marché mondial et les armer face à la concurrence intra-européenne et celle des pays tiers.
La stratégie de l’ « atterrissage en douceur » s’est également traduite par l’augmentation progressive des droits à produire de 1 % par an entre 2007 et 2014 afin de rapprocher les volumes de production de la demande mondiale.
Ces mesures n’ont pas été suffisantes, à l’approche de la fin des quotas, pour épargner les producteurs de la crise laitière qui a sévi en 2009.
En développant leurs exportations, les producteurs européens se sont confrontés au monde réel des prix mondiaux, inférieurs aux prix européens en particulier dans un contexte de crise économique, de hausse du prix de l’énergie et des intrants et de baisse de la demande mondiale. Loin d’être protecteurs, les quotas ne préservaient pas les producteurs de la volatilité des prix de l’économie mondialisée. La crise de 2009 a très vite mis l’accent sur les faiblesses des producteurs européens, mal préparés à la sortie du protectionnisme.
Au cœur de la crise de 2009 et preuve de la gravité de la situation, un groupe d’experts de haut niveau sur le lait fut mis en place par la Commission européenne pour examiner les solutions applicables au secteur du lait afin de stabiliser le marché et les revenus des producteurs dès que seraient supprimés les quotas. Il formula, le 15 juin 2010, huit types de mesures :
1 Un renforcement de la contractualisation, en encourageant l’utilisation de contrats écrits entre les producteurs et les industriels ; les États membres pouvant rendre obligatoire ce type de contrats ;
2 la possibilité, pour les organisations de producteurs, de négocier ensemble les clauses des contrats, y compris le prix ;
3 la possibilité de transposer aux organisations interprofessionnelles du secteur laitier les règles en vigueur dans les interprofessions du secteur des fruits et légumes ;
4 la transparence dans la chaîne d’approvisionnement en produits laitiers, notamment en établissant un « instrument européen de surveillance des prix » ;
5 la mise en place de mesures de marché compatibles avec l’organisation mondiale du commerce (OMC) pour réduire la volatilité des revenus ;
6 la création de normes de commercialisation et d’étiquetage de l’origine et notamment la possibilité de faire figurer le lieu de production des produits laitiers sur leur étiquetage ;
7 la définition de « priorités claires » concernant l’innovation et la recherche dans le domaine des produits laitiers ;
8 la prise en compte des risques de déséquilibres entre une offre de production éparpillée et une demande des industriels très concentrée.
Le règlement n° 261/2012 portant modification du règlement (CE) n° 1234/2007 en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers dit « paquet lait » (3) s’inspire des recommandations du groupe d’experts de haut niveau sur le lait en ce qu’il prévoit des mesures d’organisation des filières, en particulier des producteurs, pour remédier au morcellement de l’offre de production tout en incitant les producteurs à tenir compte des évolutions du marché laitier. Il est entré en vigueur le 3 octobre 2012 et il est prévu qu’il s’applique jusqu’en 2020.
Le « paquet lait » s’inscrit dans une logique d’orientation de la production vers le marché par une meilleure adéquation de l’offre à la demande. Mais il prévoit aussi :
– une meilleure organisation de la filière par les organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles ;
– la transparence des relations commerciales et du marché ;
– l’orientation des productions vers des produits à plus forte valeur ajoutée.
Ces objectifs se traduisent par une série de mesures qui entérinent la possibilité de ne pas appliquer les règles de concurrence de l’Union européenne à la production et au commerce de produits agricoles.
Il est prévu que les États membres puissent rendre obligatoires les contrats écrits entre agriculteurs et transformateurs et obliger les acheteurs à proposer des durées de contrat minimales d’au moins six mois afin d’améliorer les prévisions de livraison pour les producteurs. Les contrats doivent être conclus avant la livraison et contenir plusieurs éléments tels que le prix, le volume de lait cru, la durée du contrat, les modalités de paiement et de collecte. Ces éléments doivent être librement négociés entre les parties. Dès lors que les coopératives disposent de statuts aux effets équivalents, il n’y a pas lieu d’instaurer une obligation de contrat écrit entre un associé coopérateur et sa coopérative.
ii. La possibilité de négocier collectivement les clauses du contrat en passant par des organisations de producteurs
Pour accroître le pouvoir de négociation des producteurs, ceux-ci peuvent adhérer à une organisation de producteurs qui négocient les clauses contractuelles – y compris le prix du lait cru – de manière collective. Le volume de lait qu’une organisation de producteurs peut négocier est limité à 3,5 % de la production totale de l’UE et à 33 % de la production totale de l’État membre concerné. Les organisations de producteurs se substituent ainsi aux producteurs dans la négociation face à la laiterie collectrice du lait.
À la demande d’une organisation de producteurs, d’une organisation professionnelle ou d’un groupement d’opérateurs, les États membres sont autorisés, sous certaines conditions, à réguler l'offre de fromages bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP). Les signes de la qualité et de l’origine permettent d’accroître la valeur ajoutée des productions laitières tout en en développant la qualité pour les consommateurs. Ils sont un lien fort entre un territoire et une production laitière, particulièrement important dans les zones rurales défavorisées, à handicaps naturels où les productions intensives ne sont pas adaptées.
Les règles spécifiques mises en place pour les organisations interprofessionnelles du secteur laitier permettent aux différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement d’instaurer un dialogue entre eux et d’effectuer un certain nombre d’activités. Celles-ci englobent notamment la promotion, la recherche, l’innovation et l’amélioration de la qualité, et visent à renforcer la connaissance et la transparence de la production et du marché.
Des informations sur les volumes de lait livrés doivent également être fournies en temps utile, afin de suivre de près les mouvements du marché après l’expiration du régime des quotas.
L’Union européenne est la première zone de production mondiale (148 millions de tonnes en 2014), devant les États-Unis (91 millions de tonnes).
Autorisés à augmenter progressivement leur production annuelle depuis 2006, les producteurs laitiers européens ont effectivement accru leur production depuis cette date.
Mais cette augmentation était sans commune mesure avec celle engagée en 2014 : portés par des annonces de demande mondiale en hausse et enthousiasmés par la perspective de la levée de quotas, les éleveurs ont anticipé la fin des quotas et décuplé leur production laitière. La tentation est encore forte aujourd’hui pour les éleveurs d’augmenter leur production pour compenser sur leurs revenus la baisse des prix du lait.
La collecte de lait de vache a atteint en France en 2014 le niveau record de 24,5 milliards de litres (+ 5,4 % par rapport à 2013) (4). La hausse de la production française est au niveau de la moyenne européenne dont la production a augmenté de 5 % entre le dernier trimestre de 2014 et le dernier trimestre de 2015.
Ces chiffres sont néanmoins sans commune mesure avec ceux des principaux pays producteurs européens.
Ainsi, sur la même période, l’Irlande a augmenté sa production de 33 % et les Pays-Bas de 17 % (5). Les cheptels ont augmenté considérablement et les producteurs ont fait le choix de produire plus, même avec des prix faibles. Ces éleveurs des pays du Nord ont préféré produire plus tout en travaillant à perte. Habitués à dépasser leurs quotas, ils avaient la capacité matérielle d’augmenter rapidement leur production et en ont profité pour accroître leurs investissements.
Il faut dire que les perspectives du marché mondial du lait ont été annoncées comme favorables en 2014. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont annoncé une hausse de la consommation mondiale de lait de 2 % par an.
Alors que la consommation sur le marché européen est depuis longtemps à son maximum, les pays émergents constituent de nouveaux débouchés du fait de la hausse de leur demande intérieure. Ainsi l’annonce de la hausse de la consommation chinoise a été perçue comme une formidable opportunité pour les producteurs européens.
De nombreux débouchés traditionnels des productions laitières européennes se maintenaient : Turquie, Russie, pays du Maghreb.
L’export a toujours été un débouché naturel de la production laitière européenne mais il constitue également un vecteur d’instabilité en cas de fermeture d’un marché. Avec les États-Unis, l’Union européenne est le grand bassin laitier excédentaire en mesure de répondre à la demande croissante des grands bassins déficitaires.
La conjoncture internationale a connu un retournement en 2014 qui n’a été anticipé par personne.
La Chine a produit en 2014 42,7 millions de tonnes de lait pour une consommation intérieure de 53,5 millions de tonnes, elle est donc encore importatrice nette, notamment en poudre infantile (157 972 tonnes importées en 2015, en hausse de 45 %, selon les données publiées par la douane chinoise et citées par la veille sanitaire sur la Chine de Business France). 70 % des volumes importés proviennent de l’Union européenne, dont 8,9 % de France. La demande annuelle de lait infantile offrait des perspectives positives.
Mais c’est l’inverse qui s’est produit en 2015 : la demande chinoise a soudainement faibli et les observateurs européens n’ont pas les moyens de connaître l’état des stocks chinois, en particulier de poudre de lait.
Selon le bilan conjoncturel Agreste 2015 publié en décembre 2015, sur les neuf premiers mois de l’année 2015, la Chine a réduit de moitié ses achats de poudre grasse de lait par rapport à 2014 et de 21 % ses achats de poudre maigre et de beurre.
La demande chinoise pourrait effectivement rebondir mais la production chinoise également. L’incertitude demeure.
La Russie a mis en place un embargo sur les produits agroalimentaires européens et américains le 7 août 2014. Cette mesure a été reconduite le 24 juin 2015 en représailles aux sanctions européennes prises dans le cadre de la crise politique ukrainienne.
Cet embargo a particulièrement touché les producteurs néerlandais pour lesquels la Russie constituait un important débouché.
Toujours selon le bilan conjoncturel Agreste 2015, sur les neuf premiers mois de l’année 2015, la Russie a divisé par deux ses achats de beurre et de fromage.
La fermeture de ces deux marchés a des conséquences sur l’ensemble du marché laitier puisque les volumes non écoulés inondent les autres marchés. Le prix du lait a ainsi connu en 2014 et 2015 une chute sans précédent.
La tonne de lait s’établissait en janvier 2014 à 390 €, un record. En août 2016, la même tonne s’établissait à 275 € soit une baisse de prix de 30 %.
La situation est différente selon le type de produit, la poudre de lait étant le produit le moins cher du marché.
ÉVOLUTION DES PRIX DU LAIT CRU EUROPÉEN
En bleu : prix moyen pondéré du lait cru dans l'UE (avec teneur effective en matière grasse)
En rouge : produits équivalents au lait (lait écrémé en poudre et beurre)
Source : Observatoire européen des prix du lait
À cette baisse des prix s’ajoute la forte volatilité des prix du secteur laitier, comme le montre le précédent graphique.
Les producteurs n’ont aucune visibilité sur le prix qui leur sera payé à la fin de chaque mois. Y compris avec des contrats longs et des formules de calcul de prix précises, le collecteur établit une facture impossible à anticiper pour le producteur. Ce dernier travaille ainsi à l’aveugle sans que la qualité de son lait soit toujours reconnue par son collecteur.
Des formules de calcul complexes tiennent compte de la qualité du lait mais ne suffisent pas à répercuter la valorisation finale du produit sur le prix payé au producteur.
Si certaines entreprises valorisent le prix du lait payé au producteur en fonction de leur « mix-produit » c’est-à-dire la quantité de chaque type de produit transformé dans l’ensemble de leur production et dont dépend la valorisation du lait, la plupart d’entre elles alignent à la baisse les prix payés aux producteurs en fonction du cours mondial du produit le moins cher que constituent la poudre de lait et la poudre de beurre. Les coopératives laitières n’échappent pas à cette logique.
La volatilité des prix du lait pénalise tant les producteurs que les transformateurs qui sont aussi les collecteurs. Seuls les produits à plus forte valeur ajoutée tels que les produits frais ou les fromages, en particulier lorsqu’ils sont reconnus par un signe de qualité ou d’origine (appellation d’origine contrôlée, indication géographique protégée, produits issus de l’agriculture biologique, par exemple) peuvent mieux s’affranchir de la volatilité des cours. La segmentation du marché doit pouvoir bénéficier aussi aux producteurs.
La contractualisation obligatoire constitue la mesure phare du « paquet lait ». Elle a néanmoins été diversement déclinée dans chacun des pays membres.
Certains pays ont fait le choix de contrats courts d’une durée de 6 mois seulement. C’est d’ailleurs le cas dans une majorité de pays membres de l’Union européenne.
À l’inverse, la France a fait le choix, dès 2011, de rendre obligatoire la conclusion de contrats d’une durée de 5 ans renouvelables. C’est la durée la plus longue des pays membres de l’Union européenne. Ces contrats donnent de la visibilité aux éleveurs en termes de volumes achetés mais sans que les prix soient, encore une fois, prévisibles, même s’ils tiennent compte de la qualité du lait.
La rigidité induite par la durée des contrats et l’obligation, pour les producteurs, de vendre la totalité de leur production à un même collecteur alors que celui-ci peut transmettre la collecte à une autre entreprise n’aide pas les producteurs à renforcer leur position face aux industriels collecteurs.
Une organisation de producteurs est constituée à l’initiative d’un ensemble d’agriculteurs qui se regroupent dans l’objectif de mutualiser leurs moyens afin de rééquilibrer les relations commerciales qu’ils entretiennent avec les acteurs économiques de l’aval de leur filière.
Les organisations de producteurs existaient déjà dans la plupart des pays membres avant l’entrée en vigueur du « paquet lait », en particulier en France et en Allemagne. En France c’est depuis 1962 qu’existaient les groupements de producteurs, ancêtres des organisations de producteurs.
Chronologiquement, en France, la contractualisation a été rendue obligatoire en 2010 (6) avant que ne soient suffisamment développées les organisations de producteurs grâce à la traduction, en droit français, du « paquet lait » (7) par un décret de 2012. Ce décret organise la reconnaissance des organisations de producteurs en rendant obligatoire l’affectation de moyens humains (0,5 équivalent temps plein), une taille minimale de 200 producteurs et 60 millions de litres et la distinction entre organisations de producteurs commerciales et non commerciales (seules les premières sont propriétaires du lait de leurs éleveurs). Toutes les organisations de producteurs, et c’est là leur intérêt, peuvent négocier collectivement les caractéristiques du contrat obligatoire avec l’acheteur.
Pour nombre de représentants des producteurs et de représentants des organisations de producteurs, les organisations doivent avoir encore plus de pouvoir et notamment celui de se substituer à un niveau maximum aux producteurs dans les négociations.
Les organisations de producteurs doivent être suffisamment grandes pour peser dans les négociations commerciales avec les industriels et les distributeurs. De grandes organisations de producteurs permettent aussi de produire de grands volumes et de faire face aux aléas de production. Les producteurs accèdent ainsi à des contrats mieux négociés et plus stables. Les approvisionnements sont mieux garantis. Pour autant, la nécessaire taille critique des organisations de producteurs ne doit pas freiner les initiatives de regroupements. Pour cette raison, les associations d’organisations de producteurs plus petites sont possibles.
Votre rapporteur est bien conscient que la valorisation des produits sous signes de la qualité et de l’origine est à même de garantir des revenus décents aux producteurs. Ces produits s’accompagnent de cahiers des charges stricts garantissant aux consommateurs une qualité certaine. Ces produits sont ainsi mieux valorisés auprès des producteurs grâce à des prix plus élevés qui couvrent mieux leurs coûts de production, en particulier dans des zones rurales à handicaps naturels où ces coûts sont plus élevés. Ils correspondent par ailleurs à une demande forte des consommateurs, qui sont en demande de repères qualitatifs et garantissant l’origine des produits consommés.
Ainsi les organismes de défense et de gestion des appellations d’origine protégée ou des indications géographiques protégées doivent pouvoir bénéficier de conditions plus souples de création.
Si les professionnels laitiers français (producteurs, collecteurs, organisations de producteurs, interprofessions) se sont assez bien saisis des instruments du « paquet lait », la situation est contrastée dans les autres pays membres de l’Union européenne. Dans son rapport sur l’avenir du secteur laitier européen du 12 juin 2015 (8) le Parlement européen fait état des « faibles niveaux de mise en œuvre des contrats obligatoires, et demande de les étendre à tous les États membres ». Le Parlement européen appelle également de ses vœux un recensement régulier du nombre d’organisations de producteurs et l’adoption d’objectifs clairs quant au nombre d’organisations de producteurs, de contrats et de négociations collectives.
Contrairement à ce qui est constaté dans la plupart des autres pays membres, le ministère de l’agriculture français effectue un recensement régulier du nombre d’organisations de producteurs : en juin 2016, 57 organisations de producteurs de lait de vache étaient reconnues.
Votre rapporteur considère que les incitations aux regroupements doivent être plus fortes et appelle de ses vœux la fusion des organisations de producteurs les plus petites afin de véritablement « peser » dans les négociations commerciales avec les industriels.
La concentration des entreprises de l’aval de la filière laitière (transformateurs et distributeurs) est une réalité européenne. Seule une mise en œuvre généralisée du « paquet lait » à l’ensemble des pays membres de l’Union européenne permettra de rééquilibrer la balance des relations commerciales.
Les producteurs doivent aussi trouver un intérêt immédiat à l’adhésion à une organisation de producteurs, au-delà du bénéfice de la négociation de clauses contractuelles plus intéressantes qui, rappelons-le, n’interviennent que tous les 5 ans en France.
Les organisations de producteurs doivent mettre en place des campagnes d’informations sur les avantages que les producteurs ont à adhérer. Elles doivent pouvoir aussi être soutenues financièrement dans leurs activités de gestion et de maîtrise des informations de marché et d’anticipation des crises.
Des régions françaises accompagnent déjà des organisations de producteurs. Votre rapporteur est favorable à l’accompagnement financier de ces organisations. Il l’envisage comme un investissement de long terme qui a déjà fait ses preuves dans sa région Bretagne.
La souscription de contrats tripartites est une possibilité qui fait l’objet de nombreux débats. Précisons ici quels sont les trois intervenants : transformateurs, distributeurs et producteurs.
Les auteurs du rapport d’information sur l’avenir des filières d’élevage (9) ont présenté les deux possibilités pour renforcer la place des producteurs dans les contrats commerciaux qui les lient à l’aval : « intégrer aux contrats le prix qui pourrait être payé au producteur ou aller jusqu’à faire participer les producteurs aux négociations commerciales en formalisant des contrats tripartites ».
C’est la première solution qui a été retenue dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (10). Il n’empêche que des contrats tripartites existent en France et que ceux-ci sont de nature à ne pas évincer le producteur de la place et de la reconnaissance qui lui reviennent dans les négociations qui portent sur le prix de ses productions.
Les derniers rapports annuels de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires l’ont montré : le partage de la valeur ajoutée est défavorable aux producteurs et favorable aux transformateurs et aux distributeurs, même si leurs marges se sont légèrement réduites ces deux dernières années, au profit du consommateur.
Il convient que le prix payé aux producteurs ne soit pas oublié dans les négociations commerciales et ne sont pas la variable de la guerre des prix que se mènent les entreprises de l’aval de la filière. Associer les producteurs à des contrats tripartites avec les transformateurs et les distributeurs participe d’une meilleure répartition des marges de chacun par la transparence des négociations. Le maillon intermédiaire que constitue l’industriel ne peut plus mettre en avant les contraintes réelles ou supposées de coûts et de prix qui s’appliquent à lui.
Votre rapporteur insiste cependant pour que ces contrats tripartites demeurent une simple possibilité et qu’ils ne soient pas rendus obligatoires. Le recours à ces contrats pourrait relever d’une décision de l’organisation de producteurs.
e. Assurer la transmission d’informations des États membres à l’Observatoire européen du marché du lait (n° 8)
L’Observatoire européen du marché du lait a été créé en avril 2014 en vue d'améliorer le suivi du secteur laitier pour la Commission européenne et le secteur lui-même. Il constitue un outil efficace de diffusion et d’analyse des données du marché laitier à l’échelle européenne.
Il est nécessaire que les données dont il dispose soient plus nombreuses : les États membres, par le biais notamment de leurs interprofessions et des données statistiques publiques, doivent transmettre plus régulièrement et de façon plus exhaustive les données dont ils disposent afin que l’observatoire puisse mieux analyser ces données. C’est d’ailleurs sur ces données que repose la mise en œuvre de mesures de marché : leur efficacité dépend de la fiabilité et de l’actualisation de la transmission des informations. Ces données permettent également d’anticiper les opportunités de marché à l’export.
Des règles spécifiques applicables aux organisations interprofessionnelles dans le secteur laitier permettent aux opérateurs de la chaîne d’approvisionnement en produits laitiers de dialoguer et d’effectuer un certain nombre d’activités qui, dans certaines conditions, peuvent être partiellement exemptées des règles de la concurrence.
Les interprofessions garantissent, elles aussi, la transparence et le partage de bonnes pratiques au sein d’une même filière.
Cependant, les interprofessions sont incomplètes en ce qu’elles n’intègrent pas encore l’ensemble de la filière. Par exemple, les distributeurs sont absents de l’interprofession laitière française : le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL). Des tensions existent entre membres de cette même interprofession alors qu’il est nécessaire de renforcer ces organisations afin de dégager une vision et une stratégie communes du secteur.
g. Mettre en œuvre des outils pour assurer aux producteurs une meilleure place dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire (n° 12)
Les outils du « paquet lait » devaient renforcer le pouvoir des producteurs dans les négociations commerciales avec les transformateurs mais force est de constater que la valeur ajoutée reste encore trop accaparée par les professionnels de l’aval de la filière.
En témoigne la mise en place, par la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne, d’un groupe de travail (« task-force ») sur le fonctionnement des marchés agricoles et la place des agriculteurs au sein de la chaîne alimentaire. Ses conclusions et ses recommandations doivent être présentées à la fin de cette année.
En France, le législateur a, dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, actuellement en discussion, adopté plusieurs mesures visant à renforcer la place des agriculteurs, en particulier des producteurs laitiers, dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Ont en particulier été modifiées les clauses minimales des contrats obligatoires entre producteurs et transformateurs (article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime), dans le sens d’une meilleure prise en compte des indicateurs des coûts de production et des prix des produits agricoles ou alimentaires dans les contrats. A également été adoptée la mise en place de négociations collectives pouvant donner lieu à l’adoption d’un contrat-cadre à l’échelle d’une organisation de producteurs afin de rendre plus effectif le pouvoir de négociation de ces organisations, dans le strict respect du « paquet lait » et du droit de la concurrence. Pour que la valeur ajoutée soit plus équitablement répartie entre professionnels de la filière, les contrats entre premiers metteurs en marché et distributeurs devront également comporter des clauses faisant référence aux conditions de rémunération des producteurs.
La première recommandation de la proposition de résolution européenne est la « demande de la mise en place d’un programme fondé sur un système d’incitations et de contraintes, proche du Programme pour la responsabilisation face au marché de l’European Milk Board permettant de lisser les revenus et les volumes en cas de crise ».
Votre rapporteur considère que l’European Milk Board offre là un outil réactif et efficace d’alerte du marché face à l’évolution des prix du lait. Il propose ainsi d’observer le marché en fonction d’indicateurs précis qui s’appuieraient notamment sur les coûts de production. En fonction du degré de chute des prix par rapport aux indicateurs prédéfinis, il serait possible de déclencher trois types de mesures.
– L’alerte rapide en cas de chute de l’indice de 7,5 % permettrait de déclencher l’aide au stockage privé et d’encourager des programmes incitatifs à développer d’autres usages du lait, tels que l’élevage de veaux au lait entier ;
– La situation de crise en cas de chute de l’indice de 15 % conduirait à un appel d’offres avec prime à la réduction de la production ainsi qu’à un prélèvement de responsabilisation du marché en cas de dépassement de production ;
– La situation de réduction obligatoire des livraisons en cas de chute de l’indice de 25 % serait la mesure ultime et obligatoire.
Votre rapporteur salue la logique de ces mécanismes, qui allient responsabilisation de la profession et mécanismes d’alerte efficaces car rapides et proportionnés. En outre, les outils mobilisables existent, c’est leur usage au moment opportun qui fait aujourd’hui défaut.
Nous l’avons vu, la volatilité des prix agricoles, en particulier des prix des produits laitiers et leur diversité fragilisent les exploitations, leurs revenus et leurs décisions d’investir, pourtant toujours nécessaires.
Les débats autour de la future politique agricole commune (PAC) post-2020 (11) laissent présager, à l’image du Farm bill américain, que seules des aides contra-cycliques et des mécanismes assurantiels de lissage des prix sont à même d’assurer la pérennité des exploitations européennes.
La contractualisation permet d’atténuer les variations de prix mais elle ne suffit pas à atténuer les effets d’un marché mondial régulièrement en crise et de prix de production peu prévisibles. L’ensemble de ces facteurs de production et de détermination des prix doit être pris en compte dans la mise en place d’outils de stabilisation des prix, sans que ceux-ci soient totalement déconnectés des prix du marché.
Assurances, fonds de mutualisation entre producteurs, anticipation des risques, observatoires des prix sont autant d’outils à explorer pour limiter la volatilité des prix, même s’ils ne la feront jamais disparaître.
De nouveaux instruments de stabilisation des revenus devraient également être envisagés, tels qu’une assurance-revenu ou la mise en œuvre d’un programme de protection des marges laitières. Ces instruments existent mais ils sont, encore une fois, trop peu utilisés, faute d’incitations.
Pour que les producteurs se saisissent de ces outils, ils doivent y être incités par les organismes bancaires et d’assurance, leurs partenaires traditionnels.
Votre rapporteur s’interroge par ailleurs sur le coût de ses mesures qui, si elles étaient mises en œuvre, se feraient probablement au détriment des aides directes dont bénéficient les producteurs.
L’embargo russe mine les exportations de plusieurs productions européennes vers un pays qui constituait un débouché ancien et important.
Déjà dénoncé dans le rapport sur l’avenir des filières d’élevage précité, cet embargo est toujours en vigueur. Le ministre de l’agriculture français et les membres de la Commission européenne travaillent à la négociation de la levée de l’embargo, aujourd’hui sans succès.
Votre rapporteur partage les préoccupations des auteurs de la résolution européenne, elles-mêmes issues des préoccupations des professionnels laitiers mais aussi de nombre d’autres agriculteurs et producteurs.
La situation politique résultant des embargos a des conséquences économiques désastreuses tant la fermeture d’un marché peut être radicale sans que les professionnels puisse agir pour y remédier.
Le rapport du Parlement européen sur l’avenir du secteur laitier précité insiste sur cet aspect stratégique et « la nécessité permanente de repérer et de développer de nouveaux marchés, d’augmenter la part de marché globale de l'Union, de garantir un accès équitable aux exportateurs de l'Union et de stimuler la croissance durable des exportations ». Il « demande, à cet égard, à la Commission d'adopter les mesures nécessaires et de participer plus activement à l'identification de nouveaux marchés d'exportation ; est d'avis que de nouvelles voies doivent être explorées en renforçant les relations commerciales avec les pays tiers et en dynamisant le secteur laitier, et rappelle qu'il est important de connaître les tendances de la consommation sur ces marchés afin d'être en mesure d'apporter des réponses rapides aux changements futurs ».
La promotion des exportations doit passer par une diversification des zones géographiques ciblées afin que la fermeture d’un marché puisse être compensée par l’ouverture d’un autre et que les producteurs diversifient leurs partenaires commerciaux.
La réouverture des marchés iraniens et vietnamiens constitue de formidables avancées qu’il convient de développer.
L’installation des jeunes agriculteurs doit être une priorité. Elle l’est déjà au niveau européen comme au niveau national avec la mise en œuvre d’une véritable politique d’installation sur laquelle reposent non seulement l’avenir des exploitations laitières mais aussi l’avenir de nos territoires ruraux et de l’économie agroalimentaire.
Le renouvellement des générations est le défi auquel est confronté le secteur alors que la pyramide des âges des producteurs laitiers montre, comme le souligne souvent la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) que, d’ici dix ans, une exploitation laitière française sur deux changera de propriétaire.
Plutôt que de laisser faire les regroupements d’exploitations qui induisent un abandon des exploitations les plus fragiles et souvent situées dans des zones difficiles, votre rapporteur partage le souhait des auteurs de la proposition de résolution d’augmenter les aides couplées pour les jeunes agriculteurs.
Le premier pilier, financé par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), apporte principalement un soutien aux marchés et finance les paiements directs aux agriculteurs, dans une optique d’amélioration de la compétitivité du secteur agricole. Financé par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le second pilier se consacre à la promotion du développement rural.
C’est ce second pilier qu’il convient de développer pour maintenir des exploitations laitières dans les zones défavorisées à handicaps naturels, dans lesquelles l’agriculture est source d’aménagement du territoire, d’emplois et de cohésion sociale. L’attractivité de ces territoires passe parfois exclusivement par les pratiques culturelles et traditionnelles permises par d’anciennes exploitations laitières qui produisent du lait de qualité, reconnu par des appellations d’origines protégées et facteur d’attractivité touristique aussi.
Les aménités fournies par l’élevage doivent être reconnues et faire l’objet d’investissements, y compris à l’échelle des communes, des départements et des régions concernées.
Il en va de l’avenir des territoires ruraux européens.
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Votre rapporteur vous propose d’adopter sans modification cette proposition de résolution.
Lors de la réunion du mercredi 2 novembre 2016, la commission a examiné la proposition de résolution européenne sur les conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne (n° 4124), sur le rapport de M. Hervé Pellois.
Mme la présidente Frédérique Massat. La proposition de résolution européenne (PPRE) sur les conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne de MM. Yves Daniel et Hervé Gaymard a été adoptée à l’unanimité le 12 octobre dernier par la commission des affaires européennes, à l’issue de la présentation d’un rapport d’information sur cette même thématique. M. Hervé Pellois en est le rapporteur aujourd’hui pour la commission des affaires économiques.
Dans le cadre de la procédure d’examen des PPRE, la commission des affaires économiques, compétente au fond dans le domaine agricole, disposait d’un mois suivant le dépôt de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes pour déposer son rapport. Si, dans les quinze jours suivant la mise en ligne du texte adopté par notre commission, la Conférence des présidents ne décide pas de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée, ce texte deviendra définitif et il sera transmis au Gouvernement et publié au Journal officiel – nous avons déjà fait le même exercice, en mai 2016, avec la PPRE rapportée par Mme Marie-Hélène Fabre sur le maintien de la réglementation vitivinicole.
Le sujet de la présente PPRE, sujet que nous avons souvent évoqué ici, est très important. Depuis la fin des quotas laitiers, la filière laitière européenne connaît une crise d’une ampleur inédite liée à la surproduction et au manque d’anticipation des évolutions du marché. Cette crise s’est traduite par une baisse des prix des produits laitiers et des revenus des producteurs, y compris en deçà de leurs coûts de production. Nous suivons ce dossier avec une attention particulière. J’en veux pour preuve le rapport d’information sur l’avenir des filières d’élevage de Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit.
Je vous rappelle que nous avions évoqué la possibilité d’organiser une table ronde avec les régions sur ce sujet. Nous avons essayé de fixer une date à deux reprises, mais jusqu’à présent nous n’y sommes pas parvenus, le nombre de régions représentées étant insuffisant – il faudrait réunir sept ou huit régions pour pouvoir aborder tous les sujets. Mais je ne désespère pas et vous pouvez compter sur ma persévérance pour tenter d’organiser cette réunion d’ici au mois de décembre, ce qui permettrait de faire le point et d’avoir un échange constructif.
Monsieur Hervé Pellois, je vous remercie d’avoir accepté de prendre à bras-le-corps ce sujet que vous suivez depuis nombreux mois, voire de nombreuses années.
M. Hervé Pellois, rapporteur. La proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui est le fruit de l’initiative de la commission des affaires européennes de notre Assemblée, à la suite de l’excellent rapport d’information publié par nos deux collègues Yves Daniel et Hervé Gaymard, que je tiens à remercier.
La fin des quotas laitiers européens, le 1er avril 2015, a exposé la filière laitière à l’instabilité des marchés, à la volatilité des prix à la production et à une concurrence mondiale et intra-européenne exacerbée. Ne regrettons pas pour autant la période des quotas laitiers de 1984 à 2005. La France était très minoritaire en Europe à vouloir leur maintien, et nous savons très bien que nous n’y reviendrons pas. Il fallait mettre un terme à cette période de gestion administrée de la production qui, rappelons-le, était initialement prévue pour une durée limitée de cinq ans et a été reconduite à plusieurs reprises, grâce notamment aux Français. Les quotas n’ont d’ailleurs pas totalement préservé nos producteurs de la volatilité des prix du marché, notamment en 2009. Leur disparition a cependant rendu plus violente la confrontation de nos exploitations laitières aux prix mondiaux. L’atterrissage en douceur prôné par Bruxelles a été plus difficile que prévu. En témoigne le prix de la tonne de lait à 390 euros en janvier 2014, contre 275 euros en août 2016, soit une baisse de 30 %. En France, fort heureusement, les derniers cours sont proches de 300 euros la tonne, mais ils n’atteignent pas encore le prix de revient de 340 euros la tonne.
La situation de la filière depuis un an et demi est regrettable. Certains pays membres de l’Union européenne ont trop vite anticipé la fin des quotas en augmentant aveuglément leurs volumes de production dès 2014. C’est le cas de l’Irlande et des Pays-Bas qui ont laissé dériver leur production, respectivement, de 33 % et 17 %. Ce n’est pas le cas de la France, mais elle a subi de plein fouet comme tous les autres pays européens cette surproduction européenne couplée à la fermeture du marché russe du fait de l’embargo politique et à la moindre demande chinoise en poudre de lait contrairement aux anticipations.
Ce n’est pas faute d’avoir tenté, au niveau de la Commission européenne, de préparer le secteur en lui permettant de s’organiser. Les recommandations du groupe d’experts mis en place par la Commission en 2010 ont abouti à l’adoption du « paquet lait » entré en vigueur le 3 octobre 2012, parfois en contrevenant au sacro-saint droit de la concurrence.
Le « paquet lait » a permis, d’une part, de mieux appréhender, avec les organisations interprofessionnelles, les variations du marché et de définir une stratégie de filière – mieux écouter le marché, c’est également le rôle important dévolu à l’Observatoire européen du marché du lait. D’autre part, le « paquet lait » a permis de favoriser, avec les organisations de producteurs, les regroupements de producteurs en structures visant à remédier à l’émiettement de l’offre face à la concentration de l’aval de la filière que représentent à la fois les transformateurs, collecteurs du lait, parmi lesquels on compte des multinationales et les distributeurs, de plus en plus concentrés en un nombre réduit de centrales d’achat. La contractualisation obligatoire est aussi un instrument de rééquilibrage des relations commerciales ; il convient de la renforcer.
L’exposition des producteurs aux lois du marché ne s’est pas faite sans filets de sécurité, d’autant que la Commission européenne a utilisé des mécanismes de soutien conjoncturel à la filière. On pouvait regretter que le « paquet lait » soit encore insuffisamment mis en œuvre à l’échelle des autres pays membres, et surtout trop lentement. La pugnacité de notre ministre de l’agriculture, lors du Conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne le 18 juillet dernier, a permis d’adopter des mesures de réduction de la production de lait qui s’avèrent dès à présent positives.
La France, de son côté, a continué à agir pour répondre aux préoccupations des producteurs de lait. La publication au Journal officiel du 30 septembre 2016 de l’arrêté permettant la mise en place, à titre expérimental, pour deux ans, de l’étiquetage de l’origine du lait dans les produits transformés dès le 1er janvier 2017 en est un excellent exemple. Plus récemment, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin II), en cours d’examen, améliore le fonctionnement de la contractualisation dans les limites du droit européen.
Avec les outils ainsi à disposition et en gardant les objectifs d’une politique agricole commune ambitieuse et soucieuse du maintien de toutes les exploitations laitières même les plus fragiles, la proposition de résolution européenne de nos collègues de la commission des affaires européennes propose quatorze pistes de consolidation du secteur, auxquelles j’adhère pleinement.
Ces quatorze propositions mettent d’abord en avant des mesures de stabilisation des marchés et d’amélioration des relations commerciales en renforçant la mise en œuvre du « paquet lait » et en se dirigeant vers des mesures assurantielles de stabilisation des revenus, d’atténuation de la volatilité des prix et de lissage des volumes en cas de crise, reprenant le programme pour la responsabilisation face au marché de l’European Milk Board. C’est, j’en suis persuadé, l’une des orientations que devra prendre la future politique agricole commune (PAC) post 2020.
Ce sont ensuite des mesures plus classiques mais nécessaires de consolidation de la stratégie agricole européenne qui sont réaffirmées : assurer des débouchés à l’export en négociant la levée de l’embargo russe et en poursuivant les mesures de promotion des exportations, d’une part, et protéger les exploitations d’élevage fragilisées en augmentant les aides couplées aux jeunes agriculteurs et en investissant en faveur des biens publics fournis par l’élevage, d’autre part.
Cette proposition de résolution affirme parfaitement ce que doit être une politique laitière ambitieuse. Celle-ci a été adoptée à l’unanimité par la commission des affaires européennes ; je vous propose de partager ce consensus et de l’adopter sans modification.
Mme Annick Le Loch. Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne sur les conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne proposée par nos collègues Yves Daniel et Hervé Gaymard. Celle-ci fait suite au rapport sur les filières d’élevage que Thierry Benoit et moi-même avons présenté le 30 mars dernier. Aujourd’hui encore, les filières d’élevage sont en crise grave et la filière laitière est particulièrement affectée. La fin des quotas, le 1er avril 2015, a déstabilisé le secteur qui vit une crise de surproduction et une volatilité des marchés laitiers libéralisés avec une diminution des prix payés aux producteurs français et européens. Et le « paquet lait » entré en vigueur en 2012 n’y a rien fait. « L’après quotas est une catastrophe », me disait un éleveur de mon département et même s’il y a d’autres raisons à cette situation de crise profonde, la détresse de certains producteurs est palpable.
Les quotas laitiers qui ont permis de garantir un prix n’ont cependant pas empêché une restructuration radicale du paysage laitier français. En vingt ans, notre pays est passé de 160 000 exploitations à 67 000 aujourd’hui et cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. La pyramide des âges impliquera que d’ici à dix ans une exploitation sur deux changera de propriétaire.
Comment, dans ce contexte, conserver notre production laitière, soit près de 10 % des produits laitiers mondiaux, comment maintenir les producteurs dans nos territoires et comment saisir les opportunités économiques qui ne manqueront pas de s’ouvrir dans les années qui viennent ?
Les réponses à ces questions figurent dans la résolution proposée, qui fait suite au rapport d’information de nos collègues de la commission des affaires européennes dans lequel une stratégie globale pour l’avenir de la filière laitière française et européenne est tracée. Si l’on sait qu’on ne peut espérer revenir aux quotas, on ne peut pas non plus laisser les impitoyables logiques économiques des marchés mondiaux régir celui de la production laitière.
Comme le précise un considérant de la proposition de résolution, les producteurs doivent être rémunérés à hauteur de leur contribution aux biens publics qui sont leur mission nourricière, l’aménagement du territoire, le maintien des paysages et celui de la santé de la planète et du vivant ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique.
Il convient donc de mettre en place un système de régulation capable de garantir un revenu décent aux producteurs, un système d’incitation et de contrainte proche du programme pour la responsabilisation face au marché (PRM) de l’European Milk Board qui permettrait de lisser les revenus et les volumes produits en cas de crise, comme nous l’avons déjà évoqué dans notre rapport sur l’avenir des filières d’élevage en mars dernier. Cette mesure peu coûteuse ne pénalise pas ou peu les exportations, car même si les volumes diminuent, les prix augmentent à la suite d’une revalorisation des prix sur le marché mondial. Cet instrument peut être mis en place rapidement dans le cadre réglementaire actuel de l’Union européenne. Il s’agit d’un système intelligent de régulation, un outil moderne adapté au système actuel, pas une entrave mais un système vertueux qui permettrait de préserver l’avenir, l’avenir justement et les investissements à venir. Quelle meilleure garantie pour les jeunes qui projettent de s’installer et pour les banques que cette forme de régulation ?
Cette impérieuse nécessité de réguler la production de lait au niveau européen a déjà trouvé un premier écho favorable à la suite d’une intense négociation initiée par le ministre français de l’agriculture dès le mois de février dernier. Une aide de 150 millions d’euros a été mise en place pour inciter à la réduction de la production du lait de vache, soit quatorze centimes par kilo non produit. La France a annoncé, fin août, sa décision d’abonder de dix centimes l’aide européenne. Le succès a été immédiat : la totalité de l’aide a été sollicitée dès le premier appel d’offres, 13 000 producteurs ayant déposé une demande pour les trois prochains mois. Une deuxième enveloppe est proposée : il y aurait huit fois plus de demandes que de possibilités financières offertes. Cette information est à vérifier.
Ce mouvement ne se limite pas à nos frontières. Au niveau européen, la baisse de la production est estimée à un peu plus d’un million de tonnes, ce qui traduit bien une prise de conscience collective, celle des professionnels d’abord qui veulent être acteurs de leur avenir et qui prouve la pertinence du dispositif initié par la France, celui de la diminution de l’offre pour soulager la crise.
Après les actions des producteurs contre Lactalis, ces derniers jours des sections syndicales bretonnes ont estimé qu’une des plus importantes coopératives laitières pratiquait des prix inacceptables au vu de la situation d’un très grand nombre d’éleveurs. Le rapporteur a évoqué le prix de 300 euros la tonne, mais j’ai lu, ici ou là, que les prix varient autour de 275 ou 280 euros la tonne en fonction de la qualité du lait.
Faut-il rappeler les résultats économiques de certains élevages, peu enviables ces deux dernières années ? Plus de 20 % d’entre eux peuvent en effet prétendre au revenu de solidarité active (RSA). Et avec eux c’est tout un écosystème local, une dynamique de territoire qui peut s’effondrer.
L’urgence est là. Je vous propose donc d’adopter cette proposition de résolution européenne.
M. Lionel Tardy. Je veux saluer, au nom du groupe Les Républicains, le travail effectué par nos collègues Hervé Gaymard et Yves Daniel. Bien entendu, je souscris aux objectifs formulés. Il faut effectivement apporter une réponse européenne à la crise que traversent les producteurs de lait. Cependant, je me permets de rappeler à nos collègues de la majorité qu’il convient également d’apporter des réponses nationales. Tout ne doit pas venir de l’Europe. Malgré les quelques avancées contenues dans le projet de loi Sapin II, nous continuons de regretter le rejet de notre proposition de loi sur la compétitivité de l’agriculture que nous avions déposée au mois de février dernier.
Concernant plus précisément la filière laitière, plusieurs d’entre nous ont déposé récemment des amendements visant à compenser les surcoûts de la collecte en zone de montagne. Ils ont proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances, une exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une exonération des charges salariales sur le personnel chargé de cette collecte. Mais ces amendements ont été rejetés. Il serait bon que le Gouvernement et sa majorité revoient leur position en nouvelle lecture de ces deux textes pour coller à l’esprit de cette proposition de résolution.
M. André Chassaigne. À mon tour, je tiens à saluer le travail de nos collègues qui ont essayé de trouver des solutions, même si je ne suis pas aussi enthousiaste que la plupart des députés de la commission des affaires économiques ou de la commission des affaires européennes.
Les réponses apportées visent en effet à adapter ce que l’Europe nous impose : on ne s’attaque pas de front à la question fondamentale de la politique agricole commune. Cette machine infernale fondée uniquement sur la recherche du prix le plus bas aboutira à la disparition des plus faibles. Pour faire bouger cette politique agricole commune, et ne pas être simplement dans l’accompagnement, il faudrait mettre un grand coup de pied dans la fourmilière et aller bien au-delà des propositions faites ici. Certes, je salue la recherche effrénée de solutions, mais celles-ci ne règlent pas le fond du problème. On parle de la volatilité du marché comme étant la principale menace pour la stabilité du revenu des éleveurs, mais cette volatilité est entretenue par les injonctions de l’aval : les groupes agroalimentaires et de la distribution. Or je ne suis pas sûr que les mesures contenues dans la PPRE s’attaquent vraiment à la domination de ces groupes. Quand on sait que dans le cadre d’une approche mondialisée de la production de lait, les exportations ne représentent que 9 % de la production, on peut se demander si l’on ne pourrait pas mieux rémunérer la production consacrée au marché intérieur. Je sais que c’est compliqué. Certaines propositions sont avancées, tels des tunnels de prix permettant de garantir un revenu pour les premiers volumes de production. Mais au nom de ce libéralisme européen, on abandonne toute autre solution.
La proposition de résolution s’appuie essentiellement sur le lissage des revenus, les instruments financiers et assurantiels privés. Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse bien là de mécanismes de garantie des prix. Bref, je ne m’opposerai pas à cette proposition, mais je ne crois pas qu’elle comporte des mesures suffisamment fortes pour résoudre les problèmes de nos producteurs laitiers.
M. Thierry Benoit. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je tiens à saluer le travail de nos collègues Hervé Gaymard et Yves Daniel, rapporté aujourd’hui par M. Hervé Pellois. Cette proposition de résolution européenne, que je soutiens, s’inscrit dans la poursuite de différents rapports et actions conduites par les parlementaires français pour faire bouger les lignes en matière de production laitière en France et en Europe, et elle nous est présentée à mi-parcours de la programmation budgétaire 2014-2020. Elle nous permet de rappeler que la France est le grand pays agricole de l’Union européenne, avec une surface agricole utile (SAU) de 28 millions d’hectares. C’est donc notre pays qui doit donner le « la » en Europe. Il n’y a plus lieu aujourd’hui de revenir sur le bien-fondé de la suppression des quotas laitiers. Dans notre rapport intitulé « Sauver l’élevage français : une volonté nationale, un enjeu européen », nous avions proposé avec Mme Annick Le Loch de renforcer les outils de régulation en cas de crise. L’Europe doit en effet prendre son bâton de pèlerin et être à la tête d’un mouvement visant à prévoir une régulation en cas de crise. À la fin des quotas laitiers, la France a posé des exigences, applicables aux relations entre les industriels et les éleveurs producteurs de lait, pour contenir la production laitière tandis que certains de ses voisins et amis européens ne se sont pas privés d’ouvrir les robinets.
On compare le lait que l’Europe met sur le marché mondial, et qui est d’excellente qualité car il répond à des normes sanitaires et qualitatives précises, à celui de la Nouvelle-Zélande alors qu’il n’y a aucune comparaison possible. Et au final, cela tire les prix par le bas. C’est pourquoi l’Europe a un rôle à jouer quant aux exigences qu’elle pose à ses ressortissants, notamment français, mais également lorsqu’elle examine ou signe des traités internationaux – le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA), l’accord économique et commercial global (CETA)…
M. Lionel Tardy a souligné la responsabilité qui incombait à la France, notre pays accusant un retard dans le développement des associations d’organisations de producteurs. Il y a quelques années, on a incité les éleveurs à contractualiser, les gens intelligents n’avaient que ce mot à la bouche ! La France devrait mettre une administration de l’État à la disposition des éleveurs pour les aider à se structurer en associations d’organisations de producteurs.
Les normes régissant les relations entre les producteurs et les industriels relèvent du ressort national. Mme Annick Le Loch et moi-même nous étions attaqués au problème du déséquilibre dans les négociations entre les industriels et les producteurs. Le récent mouvement social en Mayenne a révélé cette inégalité entre les producteurs, qui se structurent progressivement, et les industriels, qui agissent dans un marché mondial. Nous devons corriger ce déséquilibre. Les éleveurs ne pourront pas faire face à une situation dans laquelle on les enjoint d’être compétitifs et de pratiquer un prix du lait attractif, tout en les encourageant à contracter des emprunts. Ces derniers recèlent une dimension punitive car ils obligent les éleveurs à être corvéables à merci pendant trente ans pour les rembourser, le prix du lait, chose inadmissible, s’avérant trop faible pour assurer une rémunération suffisante.
M. Yves Daniel. Le rapport contient trente-trois propositions réparties par domaine d’intervention.
La décision de supprimer les quotas laitiers, prise en 2003 et entrée en vigueur en 2015, s’est accompagnée d’un manque d’anticipation, pointé par l’ensemble des acteurs auditionnés pour ce travail. Il aurait fallu élaborer des outils pour faire face à cette disparition. Il s’agit là d’une question de société, qui dépasse le champ de l’agriculture.
Des prix trop hauts comme trop bas déséquilibrent la filière, d’où la nécessité de mener un travail structurel destiné à ne plus subir la succession de crises conjoncturelles. La régulation, par les volumes – et par les prix car les quotas n’ont pas empêché la survenue de la crise de 2009 –, constitue le principal outil d’action. L’interprofession, les associations de producteurs, la contractualisation, la mise en œuvre d’un tunnel de prix fonctionnant avec des bonus et des malus, les fonds de régulation et la préparation de la PAC pour 2020 représentent les principaux sujets à traiter.
Chaque acteur doit s’approprier les trente-trois mesures du rapport, le travail, pour être efficace, devant être conduit aux échelles locale, nationale, européenne et mondiale. Même si la part de l’agriculture dans le produit intérieur brut s’avère relativement faible, ce secteur joue un rôle très important et ne peut pas être régi par le libéralisme. Construisons un modèle permettant de prendre d’autres critères en compte que les résultats financiers et les volumes. L’agriculture doit être reconnue comme une activité spécifique, ce qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs : chacun doit prendre ses responsabilités !
Mme Sophie Rohfritsch. La résolution aborde presque tous les sujets, mais en omet deux. Tout d’abord, vous vous appuyez, Monsieur le rapporteur, sur les propositions de l’European Milk Board, qui souhaite l’instauration d’un tunnel de prix pour les producteurs. Quelle place pourrait-on faire aux initiatives des consommateurs, comme celle dans laquelle une marque bien connue distribue une brique de lait dont le prix est fixé par le consommateur ? Cette initiative est intéressante car elle implique le consommateur dans un bien qui lui est essentiel ; il conviendrait de l’inclure dans la résolution, afin de ne pas la rendre incompatible avec le mécanisme du tunnel de prix. Ensuite, la Commission européenne a autorisé, lorsqu’une grave crise comme celle du lait advient, que les producteurs s’entendent temporairement, ce qui constitue une exception aux règles de la concurrence. Pourrait-on prévoir cette disposition dans le texte ? Un tel signal serait de nature à rassurer les producteurs.
M. Paul Molac. Je me félicite de cette résolution qui intervient dans un contexte de crise très importante : en 2014, la tonne de lait était payée entre 370 et 390 euros et elle n’atteint plus que 270 euros aujourd’hui. Les prix ont baissé d’un tiers et la surproduction n’est que de 3 % en Europe. On ne reviendra plus au système des quotas, si bien qu’il nous faut inventer un nouveau modèle. Monsieur Lionel Tardy, vous avez plaidé pour l’édiction de dispositions françaises, mais M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, a pris des mesures comme l’année blanche et les reports de cotisations à la mutualité sociale agricole (MSA), qui sont globalement bien accueillies sur le terrain.
Il convient néanmoins d’aller plus loin et de préparer la future PAC, en ayant conscience que le marché détruit l’outil de travail et l’aménagement du territoire. Cette résolution souhaite donner du poids aux organisations de producteurs, ce qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant. La loi Sapin II permettra à chaque organisation de producteurs d’effectuer une contractualisation globale, alors que l’on vivait jusqu’à maintenant dans un système très déséquilibré où chaque agriculteur signait un contrat avec des entreprises aussi puissantes que Lactalis.
Il y a également lieu de faire émerger une interprofession du lait couvrant toute l’Europe. Monsieur André Chassaigne, l’interprofession est un système qui date de 1936 ! Les producteurs et les transformateurs doivent se rencontrer pour assurer des prix rémunérateurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Lorsque l’on sort du tunnel de prix, la puissance publique doit intervenir à l’échelle européenne pour fixer un niveau de production ; le quota ne sera plus l’outil de cette action, et il faut en élaborer de nouveaux. Sans régulation, on ne sortira pas de la crise.
M. Jean-Pierre Vigier. Il faut évidemment trouver des solutions pour le lait dans un contexte où les quotas n’existent plus, et l’on doit retrouver une agriculture performante et compétitive. Le produit doit contenir une valeur ajoutée pour faire vivre le producteur, qui ne doit pas être dépendant des primes.
Lorsque l’on paie une brique de lait un euro et que le producteur ne touche que vingt-huit centimes, la redistribution des marges s’avère injuste, et je rejoins M. André Chassaigne sur ce point. Le producteur ne doit plus être la variable d’ajustement ! Ne pourrait-on pas obliger le producteur, le distributeur et le transformateur à se mettre autour de la table pour trouver un équilibre dans le partage de la marge ?
Le système actuel est artificiel, et nos agriculteurs, qui subissent une crise structurelle de grande ampleur, « crèvent la bouche ouverte » ! Des mesures ponctuelles sont prises, mais elles ne règlent pas le problème de fond. Les agriculteurs et le secteur agricole doivent s’organiser pour apporter de la valeur ajoutée au produit et pouvoir ainsi en vivre. Les agriculteurs ont créé des coopératives dans lesquelles, bien souvent, ils ont perdu la main. Les gros groupes dominent et se préoccupent peu de nos agriculteurs. Il faut instaurer un cadre légal national qui ne fasse plus du producteur la variable d’ajustement. Pensez-vous que nous y arriverons un jour ?
Mme Michèle Bonneton. Ce rapport et cette résolution sont particulièrement bienvenus dans le contexte de crise que nous connaissons depuis trop longtemps. Il est indispensable que les éleveurs puissent vivre décemment de leur travail. La proposition de résolution européenne présente de nombreux points positifs : la possibilité de lisser les volumes produits en cas de crise, la nécessité de mieux aider les éleveurs en zone défavorisée ou comprenant des handicaps naturels, la valorisation d’instruments de stabilisation des revenus, l’encouragement à développer un système d’interprofessions et d’organisations professionnelles, et la volonté de voir les producteurs, les acheteurs et les distributeurs se lier par des contrats tripartites – ce dialogue ne se situant actuellement pas au cœur du système.
La résolution demande la mise en place d’instruments financiers et assurantiels permettant aux producteurs d’atténuer l’impact de la volatilité des prix sur leur production. Monsieur le rapporteur, quelle pourrait être la nature de ces instruments ?
Les instruments assurantiels auront un coût : qui l’assumera ? Cela vous paraît-il pertinent que les assurances compensent les effets pervers d’un marché trop peu régulé ? Il faudrait surtout mettre en place suffisamment de régulations.
La proposition de résolution oublie quelque peu le consommateur en n’évoquant pas le sujet de l’étiquetage ; ce dernier sera possible à partir du 1er janvier prochain, mais uniquement en période de crise. Il serait opportun d’impliquer davantage le consommateur.
La résolution demande que l’accès aux AOP soit facilité, ce qui n’offre que peu de cohérence avec la signature du CETA entre l’Union européenne et le Canada, qui ne reconnaît que vingt-huit AOP laitières, alors que nous en comptons une centaine en France. Pourquoi ne parle-t-on pas des indications géographiques protégées (IGP) ?
M. Philippe Le Ray. Comme tous mes collègues, je m’associe à cette proposition de résolution européenne. Il faut veiller à l’accompagnement financier des organisations de producteurs, car ce sont elles qui permettront aux éleveurs de peser face à la grande distribution. La loi nous autorise déjà à mettre en place des instruments financiers et assurantiels adaptés à la production laitière, qui diffère des autres productions. Il convient également de redonner un rôle d’élaboration stratégique à l’interprofession.
On ne tire pas les enseignements de nos erreurs passées : la plupart des producteurs sont en difficulté, mais cette situation date d’avant la fin des quotas. Lorsqu’ils existaient, on a eu tort de refuser de donner une valeur aux quotas ; on a ainsi laissé des gens acheter du foncier, actif non amortissable, sans attribuer une valeur aux quotas. La loi Sapin II poursuit cette logique en ne reconnaissant pas de valeur au droit à produire ; cela revient à dire à un commerçant que son fonds de commerce ne vaut rien. Ce système affaiblit le poids de l’agriculteur face aux industriels et, indirectement, face à la grande distribution. Légiférons pour donner cette valeur et pour préciser les transactions ! L’État doit permettre l’installation des éleveurs, même si cette politique a un coût.
M. Jean-Louis Bricout. Je salue le travail de nos deux collègues et affiche mon soutien complet à la proposition de résolution, les trente-trois propositions allant dans le bon sens. La suppression des quotas en avril 2015, l’embargo russe, l’atonie de la commande provenant des pays asiatiques et la surproduction de certains pays d’Europe du Nord – les hausses de volume pouvant atteindre 33,17 % – expliquent la situation présente. La loi du marché régnant, les prix se sont effondrés et sont passés de 390 euros la tonne en 2014 à 275 euros aujourd’hui, une tonne bien payée se vendant actuellement 300 euros. Cela est inacceptable pour nos producteurs, qui travaillent dur et qui relèvent les défis de l’aménagement du territoire et du maintien des paysages.
Je salue les mesures d’urgence prises par M. Stéphane Le Foll – réduction et report des charges, et année blanche –, mais il faut travailler sur le fond du problème. L’Europe a financé, à hauteur de 150 millions d’euros, une mesure visant à limiter la production, à laquelle l’État a également participé. Nous avons besoin de réponses européennes, nationales, locales, et le consommateur a aussi un rôle à jouer. La loi Sapin II et les circuits courts apportent des solutions, et il convient de travailler sur les méthodes de production.
Le problème principal réside dans la relation commerciale, car les producteurs affrontent des distributeurs et des transformateurs irraisonnables. La loi doit donc s’en mêler et se pencher sur l’organisation des producteurs pour permettre le développement d’une relation commerciale correcte.
M. Éric Straumann. Je voudrais relever le courage des rapporteurs qui appellent à négocier pour la levée de l’embargo russe sur les produits laitiers. Cette question diplomatique a un fort impact sur notre production nationale, car le poids de la Russie dans les exportations de produits laitiers est très élevé. La consommation de lait diminue en Chine depuis quelques années à cause de scandales, et l’Europe n’a pas suffisamment pris en compte cette évolution alors que le marché chinois a un potentiel énorme.
M. Arnaud Viala. Je soutiens cette résolution européenne, mais je me demande quelles sont ses chances d’être mise en œuvre. Par ailleurs, notre Parlement peut-il demander à l’Europe de prendre des dispositions alors que nous restons passifs face à la violence de la crise du secteur laitier dans notre pays ?
La semaine dernière, certains d’entre nous ont défendu, contre la majorité qui l’a rejeté, un allégement de charges dans des zones défavorisées, notamment montagnardes, pour nos producteurs.
Dans les relations entre le producteur, le transformateur et le distributeur, je souhaiterais instaurer un échelon intermédiaire de négociation impliquant le transformateur, afin que la négociation ultime avec la distribution se fasse à partir d’un prix plancher, ce qui empêcherait les prix de tomber à un niveau trop bas. Cette mesure relève de la législation française.
Enfin, les coûts de production sont très lourds dans notre pays, à cause de l’inflation des normes, des réglementations et des charges. Il faut juguler ces coûts et alléger le cadre réglementaire. Il est de notre devoir de législateur français de traiter ces questions, même si l’Europe a également des réponses à apporter.
Mme Sophie Errante. Cette proposition de résolution va dans le bon sens. Dans ma circonscription, des éleveurs se sont rassemblés pour prendre en main leur avenir et ont créé une société par actions simplifiée (SAS) ; ces producteurs s’occupent de la transformation et de la commercialisation, et ils ont reçu il y a quinze jours le prix de l’innovation au salon international de l’alimentation à Villepinte. Cette démarche, nommée « En direct des éleveurs », offre une traçabilité totale et vérifiable, ainsi qu’une perspective tripartite pour les producteurs, les consommateurs et les distributeurs – ces derniers réalisant une marge. Ces exploitants s’inscrivent dans l’association « Bleu-blanc-cœur », produisent sans organismes génétiquement modifiés (OGM) et sans huile de palme, et emballent leurs produits dans des paquets intégralement recyclables. Aujourd’hui, on doit protéger le consommateur.
La gestion des contrats a créé de nombreuses difficultés, et il nous faut améliorer la capacité des agriculteurs à négocier. Ils sont aujourd’hui enfermés dans un système très complexe, puisqu’il y a un contrat pour la collecte et un autre pour la cuve. Le délai de préavis pour mettre fin à ces contrats s’élève souvent à un an pour les producteurs, mais à seulement trois mois pour les collecteurs. Ce déséquilibre empêche la négociation et crée des barrières pour les agriculteurs qui veulent s’organiser eux-mêmes. Il est possible d’agir, et notre attention doit porter en priorité sur les contrats, même s’il est compliqué de définir des critères valant pour chaque exploitation du fait de leur diversité.
M. Alain Suguenot. Quand j’entends dire que la crise trouve son origine dans l’engorgement des marchés européens, je veux rappeler que les pays du Nord de l’Europe ne sont pas les seuls concernés : selon les experts, il y a probablement un million de vaches laitières en trop en France, et il faudra bien, à un moment ou un autre, s’armer de courage pour réduire ce cheptel. Entre 800 000 et 850 000 vaches laitières supplémentaires vont être abattues en Europe cette année tandis que, dans le même temps, 80 000 à 100 000 vaches laitières irlandaises vont arriver sur le marché – sans même parler de ce que prévoit le CETA. L’abattage massif de vaches laitières a des conséquences désastreuses pour le marché de la viande, du fait de l’arrivée d’un très grand nombre de carcasses sur le marché. Il existe une proposition qui pourrait être de nature à améliorer la situation tant du marché du lait que de celui de la viande, à savoir celle du marché européen humanitaire, consistant à retirer 300 000 à 400 000 animaux du marché pour les transformer en corned-beef à destination des zones en état de guerre ou en grande difficulté en raison des migrants. Pensez-vous que cette proposition puisse aboutir, éventuellement dans le cadre de la présente résolution ?
Pour ce qui est de votre proposition n° 4, consistant à revoir et assouplir les règles de validation des organismes de défense et de gestion pour les appellations d’origine protégée, j’avoue qu’elle m’inspire une inquiétude, celle de voir les AOP se banaliser : le cas échéant, le remède pourrait se révéler pire que le mal si l’on aboutissait à ce que les AOP qui protègent aujourd’hui les éleveurs, notamment dans le cadre de leurs activités de transformation, perdent en efficacité.
M. Jean-Charles Taugourdeau. La troisième proposition de ce texte consiste à demander « la mise en place d’instruments financiers et assurantiels permettant aux producteurs d’atténuer l’impact de la volatilité des prix sur leur production » – une solution que j’ai déjà suggérée dans le cadre de réunions de syndicats d’agriculteurs. Les technologies actuelles nous permettent beaucoup de choses, notamment la création d’une marge arrière directe du consommateur au distributeur en sortie de caisse, puisque tous les produits sont tracés. Quand on sait que la vie d’une exploitation – donc celle de l’exploitant – dépend d’une variation de quelques centimes du kilo du prix de sa production, il ne fait aucun doute que cette solution serait efficace. Dans la mesure où sa faisabilité technique n’est pas un problème, sa mise en œuvre n’attend qu’une volonté politique, d’autant que le consommateur français est d’accord pour payer un peu plus cher, du moment que c’est le producteur qui en profite. En la matière, les observatoires des prix ont malheureusement démontré qu’ils étaient peu efficaces : ils me font un peu penser au Marégraphe de Marseille, un ensemble de bâtiments construit au XIXe siècle à la seule fin d’observer les marées. Il est possible d’agir sur les prix : le système de la marge arrière peut nous le permettre.
M. Damien Abad. Je veux rappeler que la crise du lait est apparue avant la fin des quotas : établir une stricte corrélation entre les deux événements serait donc une erreur. De ce point de vue, le titre de la proposition de résolution, qui fait référence aux « conséquences de la fin des quotas sur la filière laitière française et européenne », ne me paraît pas correspondre à son contenu, qui prend en compte d’autres causes de la crise du lait.
Vous avez bien fait de mentionner l’embargo russe, qui a plus d’impact sur nos producteurs de lait que la question des quotas.
La crise actuelle ne se limite pas à la filière laitière, mais touche l’ensemble des filières d’élevage ; mettre fin à cette crise qui a plusieurs origines nécessite d’entreprendre une action à la fois sur les plans local, national et européen. Notre objectif doit être de mettre en place des mécanismes de régulation du marché, de disposer d’une meilleure visibilité sur la chaîne associant producteurs, transformateurs et distributeurs, et d’améliorer la qualité, notamment grâce aux AOP.
Enfin, la question européenne est essentielle : je pense à l’European Milk Board, mais aussi à l’avenir de la politique agricole commune. La crise laitière actuelle trouve l’une de ses causes dans la cassure entre la France et l’Allemagne, qui n’ont plus du tout la même vision des filières agricoles et de l’avenir de l’agriculture. Pour améliorer la situation de l’élevage en France et en Europe, nous devons donc commencer par reformer un couple franco-allemand digne de ce nom.
M. Guillaume Chevrollier. Le contexte actuel est celui d’une crise agricole généralisée, touchant aussi bien la filière du lait que celle de la viande bovine et porcine. Si cette proposition de résolution qui cible la filière laitière formule quelques préconisations intéressantes, certaines actions mériteraient d’être menées au niveau national : je pense notamment à l’abaissement des coûts de production et à l’allégement des normes et des charges, ainsi qu’à l’amélioration de l’organisation des producteurs face à des transformateurs et une grande distribution concentrés.
Ces observations faites, je souhaite demander au rapporteur quels effets concrets nous pouvons attendre de cette proposition de résolution. Il ne faudrait pas, comme c’est trop souvent le cas pour des textes soumis au Parlement français ou au Parlement européen, que cette proposition n’aboutisse qu’à mettre en évidence une certaine impuissance publique, ce qui ne ferait qu’aggraver la détresse, déjà profonde, de nos agriculteurs.
M. Philippe Armand Martin. Certes, la crise de la filière laitière préexistait, mais force est de reconnaître qu’elle s’est aggravée avec la fin des quotas. Les revenus des producteurs dépendent de trop nombreux critères – notamment une demande mondiale caractérisée par sa volatilité – et sont également tributaires de décisions politiques. L’organisation actuelle de la filière n’est pas satisfaisante, avec des distributeurs qui cherchent à obtenir des prix toujours plus bas, et des aides européennes trop complexes et irrégulières. Les producteurs français méritent pourtant que l’on cherche à maintenir leur existence, car ils contribuent largement à préserver les territoires et les paysages qui font la richesse de notre pays.
Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la filière qu’il faut remettre à plat et réorganiser, afin que les producteurs voient leur travail justement rémunéré. Pour mettre fin aux importantes variations de leurs revenus, résultant des aléas climatiques et politiques, nous devons impérativement mettre en place, comme cela s’est fait avec succès dans d’autres domaines, une interprofession efficace, c’est-à-dire capable d’aider la filière.
Mme la présidente Frédérique Massat. Avant de laisser la parole au rapporteur, je veux juste préciser que cette proposition de résolution, dont les auteurs sont MM. Yves Daniel et Hervé Gaymard, a été examinée par la Commission des affaires européennes le 12 octobre dernier ; certaines des questions qui viennent d’être posées ont certainement vocation à être adressées aux deux rapporteurs que je viens de citer plutôt qu’à notre collègue Hervé Pellois.
Par ailleurs, je rappelle qu’il s’agit d’une proposition de résolution européenne et qu’il serait vain de vouloir donner à un texte de cette nature plus de poids qu’il ne saurait en avoir. À l’issue de nos travaux, cette proposition sera publiée en l’état si elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour de la séance publique, dans la mesure où aucun amendement n’a été déposé.
M. le rapporteur. Je remercie les différents intervenants pour leurs questions. Tous ont fait le constat d’une crise ayant plongé nos éleveurs dans une situation de grande détresse, résultant en partie du fait qu’ils étaient insuffisamment préparés à la situation actuelle. Ils étaient en effet habitués à percevoir depuis des décennies une paye de lait mensuelle – tandis que d’autres producteurs sont, eux, soumis de longue date à des aléas permanents : je pense notamment aux producteurs de porcs, qui ont dû affronter plusieurs crises consécutives et, à chaque fois, remonter la pente pour continuer à produire. Comme l’ont indiqué les rapporteurs de la proposition de résolution, il conviendrait sans doute de réfléchir à la mise en place d’une formation spécifique des producteurs afin qu’ils soient en mesure de faire face au contexte actuel, et mieux armés pour appréhender les mécanismes mondiaux d’une grande complexité dont ils sont peu familiers – même s’ils doivent en tenir compte depuis la crise de 2009, à laquelle ils n’ont pas échappé alors pourtant que les quotas laitiers étaient en vigueur.
L’organisation des producteurs a été largement évoquée. Si elle a été entreprise il y a plusieurs années, on peut penser qu’elle n’a sans doute pas avancé aussi vite qu’il l’aurait fallu. Le « paquet lait » de 2012 fournissait un certain nombre de réponses à la crise, dont les professionnels ne se sont pas emparés assez rapidement. De ce point de vue, nous pouvons féliciter notre ministre de l’agriculture d’avoir mis à profit certaines mesures de ce dispositif pour permettre une diminution de la production chez un certain nombre d’éleveurs laitiers – qui se répercute sur la production de viande bovine, comme cela a été dit. Je rappelle qu’il suffit d’une diminution d’un très faible pourcentage pour aboutir à un nouvel équilibre entre l’offre et la demande.
Aux critiques émises par certains de nos collègues de l’opposition, je répondrai d’abord qu’il est évident que l’on ne fait jamais assez en politique pour aider les personnes qui se trouvent en difficulté. Cela dit, je rappelle que l’allégement des charges annuelles pour le secteur agricole est passé de 2,5 milliards d’euros en 2012 à 4,7 milliards d’euros aujourd’hui : les 2,2 milliards d’euros supplémentaires qui ont été apportés pour tenter d’apaiser des difficultés du monde agricole, que l’on espère passagères, constituent, à mon sens, un effort important et très concret.
À M. André Chassaigne, qui m’a interrogé sur la volatilité des marchés, je dirai que les marchés sont par nature volatils. Dès lors, il nous appartient de trouver des réponses dans le cadre de la révision de la PAC en 2020 pour maintenir les producteurs en place : les réponses collectives dont nous disposons au niveau européen doivent pouvoir se décliner au niveau national à l’occasion de la mise en place de cette nouvelle PAC et, pour cela, la France doit être porteuse d’idées de nature à permettre de maintenir le plus grand nombre possible de producteurs partout en Europe.
Mme Annick Le Loch a souligné la forte diminution du nombre d’éleveurs laitiers consécutive à la mise en place des quotas. S’il y a six fois moins d’éleveurs qu’auparavant, la production, elle, s’était maintenue jusqu’à présent dans toutes les régions françaises ; or, cette production commence également à se tarir dans certaines régions, ce qui constitue une alerte que nous ne devons pas ignorer. C’est l’objet de la proposition n° 13, visant à ce que l’agriculteur se voie confier un rôle dépassant celui de simple producteur de lait pour toucher également à l’aménagement du territoire et à la survie des campagnes.
M. Yves Daniel a souligné le manque d’anticipation de la crise de la part de l’ensemble des producteurs européens. Les solutions proposées par l’Europe n’ont effectivement pas toujours été suivies d’effet, ce que l’on peut déplorer.
Mme Sophie Rohfritsch a fait allusion à la brique de lait dont le prix a été fixé par les consommateurs. Je me félicite de cette initiative, très proche de ce qui est fait avec les paniers de fruits et légumes, dont le prix est fixé de manière équitable, et qui peut constituer un élément de réponse.
Mme Michèle Bonneton m’a interrogé au sujet de la proposition n° 3, en particulier sur la nature des instruments assurantiels de nature à permettre aux producteurs d’atténuer l’impact de la volatilité des prix sur leur production. Un fonds d’assurance s’alimente au moyen de cotisations et un fonds de mutualisation par des taxes. Des groupements de producteurs ont déjà mis en place ce type de fonds constitué d’une caisse de péréquation qu’ils alimentent lorsque les cours sont hauts, et dans laquelle ils puisent lorsque les cours sont bas. Cela dit, de tels systèmes ne sont pas faciles à maintenir quand les périodes de crise se succèdent trop rapidement.
Pour ce qui est de l’étiquetage des produits laitiers, il va être procédé à une expérimentation à compter du 1er janvier 2017 pour une durée de deux ans, donc sur une période dont on peut espérer qu’elle ne correspondra pas uniquement à la crise ; au demeurant, si l’expérience se révèle positive, nous pourrons nous efforcer de faire en sorte que cette mesure soit prolongée au-delà des deux ans prévus actuellement.
Pour ce qui est des appellations d’origine protégée, je me contenterai d’observer que les AOP figurant dans le CETA sont celles qu’il est le plus important de protéger dans le cadre des échanges commerciaux avec le Canada.
M. Philippe Le Ray a évoqué l’accompagnement financier des groupements de producteurs – auquel je sais que la région Bretagne, notamment, apporte sa contribution –, et l’on ne peut qu’être favorable à de telles initiatives, qui permettent d’encourager la structuration des élevages.
Pour ce qui est de la valeur des quotas, d’autres pays qui ont mis en place des quotas payants se trouvent aujourd’hui empêtrés dans un système ayant pour conséquence de renchérir le coût de l’installation des exploitants, ce qui va à l’encontre de l’objectif consistant à favoriser l’installation de nouvelles générations de producteurs.
M. Éric Straumann a souligné l’intérêt qu’il y aurait à engager des négociations en vue de la levée de l’embargo russe sur les produits laitiers en provenance de l’Union européenne, ainsi que le potentiel commercial du marché chinois. S’il est exact qu’une très faible variation des commandes à destination de la Chine peut avoir d’importantes répercussions sur le volume de nos exportations, nous devons aussi nous demander, à l’inverse, quelles seraient les conséquences pour nos producteurs si les relations entre la France et la Chine, actuellement au beau fixe, venaient à se détériorer pour une raison ou une autre. D’une manière générale, il est très important pour nous que les relations avec la Chine et tous les pays du Sud-Est asiatique, des pays émergents constituant autant de nouveaux marchés pour les exportateurs européens, soient aussi bonnes que possible, et c’est l’un des objectifs de cette proposition de résolution que de nous permettre de trouver de nouveaux débouchés dans les pays d’Extrême-Orient.
Je remercie Mme Sophie Errante d’avoir rappelé que l’innovation est porteuse d’avenir.
M. Alain Suguenot a évoqué son inquiétude à l’idée d’un assouplissement des appellations d'origine protégée. En réalité, il ne s’agit pas tant d’assouplir les AOP que de faciliter leur mise en place et de raccourcir les délais qu’imposent actuellement les exigences d’une administration souvent trop tatillonne en la matière. L’effet positif des AOP sur les prix des produits laitiers n’est plus à démontrer, notamment en zone de montagne, où les producteurs se portent, de ce fait, plutôt mieux que ceux des zones de plaine.
En réponse à M. Jean-Charles Taugourdeau, je dirai qu’une bonne partie des produits français bénéficie déjà d’une labellisation.
M. Damien Abad s’interroge sur l’efficacité du couple franco-allemand. Pour ma part, je ne suis pas persuadé que les divergences entre notre pays et l’Allemagne se résument à des questions d’ordre agricole. Notre voisin d’outre-Rhin profite actuellement du considérable effort de modernisation qu’il a réalisé de 1995 au début des années 2000 : le Gouvernement allemand a entrepris des chantiers de grande ampleur afin de reconstituer, à l’est du pays, des élevages importants qui nous causent aujourd’hui beaucoup de tort. Cela dit, n’allons pas reprocher à l’Allemagne d’avoir su faire preuve de dynamisme, et efforçons-nous plutôt de trouver, à notre tour, des solutions pour rendre notre agriculture plus performante.
M. Philippe Le Ray. J’aimerais préciser que nous sommes, bien entendu, favorables à l’installation de jeunes exploitants. Lors de mon intervention précédente, j’ai simplement voulu dire que, dans le rapport de forces qui l’oppose à l’industriel, le producteur se trouve fragilisé par le fait que les contrats laitiers et les quotas qui y sont rattachés ne sont pas valorisés.
M. Yves Daniel. Ce rapport montre à quel point il est important de travailler à la restructuration de la filière laitière, mais aussi de l’ensemble des filières agricoles. Les organisations professionnelles et syndicales agricoles doivent prendre leurs responsabilités en la matière, en participant à la mise en œuvre de cette restructuration.
La commission adopte la proposition de résolution sans modification.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 38 à 44,
Vu la directive 75/268/CEE du Conseil du 28 avril 1975 sur l’agriculture de montagne et de certaines zones défavorisées,
Vu le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91,
Vu le règlement (UE) n° 261/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 portant modification du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers,
Vu le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil,
Vu le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil,
Vu le règlement d’exécution (UE) 2016/559 du 11 avril 2016 autorisant les accords et décisions sur la planification de la production dans le secteur du lait et des produits laitiers,
Vu le règlement délégué (UE) 2016/1612 de la Commission du 8 septembre 2016 prévoyant une aide pour la réduction de la production laitière,
Vu le règlement délégué (UE) 2016/1633 de la Commission du 8 septembre 2016 prévoyant l’octroi d’une aide d’adaptation exceptionnelle aux producteurs de lait et aux exploitants d’autres secteurs de l’élevage,
Vu le rapport du Parlement européen du 7 octobre 2011 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique »),
Vu le rapport du Parlement européen de la Commission du 13 juin 2014 : « Évolution de la situation du marché des produits laitiers et de la mise en œuvre du « paquet lait »,
Vu le rapport du Parlement européen du 12 juin 2015 sur l’avenir du secteur laitier européen : bilan de la mise en œuvre du « paquet lait » (2014/2146(INI)),
Vu le projet de rapport du Parlement européen du 9 mai 2016 sur les outils de la PAC permettant de réduire la volatilité des prix sur les marchés agricoles (2016/2034(INI)),
Considérant que les quotas laitiers ont été supprimés au 1er avril 2015 ;
Considérant que la réforme de l’OCM unique vise à orienter les productions, et notamment la production laitière, vers le marché ;
Considérant que la surproduction subséquente à la fin des quotas a entraîné la filière laitière européenne dans une crise d’une ampleur inédite depuis la mise en place des quotas ;
Considérant que les instruments européens mis en place pour soutenir les prix ont été utilisés tardivement et d’une manière peu efficace ;
Mais considérant que le maintien d’une filière d’élevage européenne sur tout le continent est une nécessité ;
Considérant que la diversité des modes de production laitière est un atout de l’Europe dans le marché mondial, et qu’à ce titre, les produits sous appellation ou issus de la filière biologique méritent une attention particulière ;
Considérant que les instruments d’intervention européens doivent permettre, en cas de crise, de soutenir de manière immédiate le revenu des éleveurs à un niveau décent ;
Considérant que, pour ce faire, les modes d’analyse et d’anticipation des évolutions du marché doivent être les plus précis possibles et donc s’appuyer sur des informations transparentes transmises par les acteurs de la filière ;
Considérant que la volatilité du marché constitue la principale menace pour la stabilité du revenu des éleveurs ;
Considérant que le marché laitier se distingue par des facteurs inhérents de rigidité qu’il convient de prendre en compte ;
Considérant que les interprofessions représentent des lieux de définition des stratégies nationales, et qu’en tant que telles, elles pourraient bénéficier aux filières dans les différents États membres ;
Considérant que les outils du « paquet lait » ont fait globalement l’objet d’une appropriation rapide par les acteurs de la filière ;
Considérant que les producteurs doivent être rémunérés à hauteur de leur contribution aux biens publics que sont leur mission nourricière, l’aménagement du territoire, le maintien des paysages et celui de la santé de la planète et du vivant, ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique ;
1. Demande la mise en place d’un programme fondé sur un système d’incitations et de contraintes, proche du Programme pour la Responsabilisation face au Marché de l’European Milk Board, permettant de lisser les revenus et les volumes produits en cas de crise ;
2. Salue les actions de la Commission européenne en faveur de l’exportation des produits laitiers européens et appelle à leur poursuite ;
3. Demande la mise en place d’instruments financiers et assurantiels permettant aux producteurs d’atténuer l’impact de la volatilité des prix sur leur production ;
4. Demande à ce que les mécanismes permettant de piloter la gestion de l’offre pour les produits sous appellation soient assouplis, et, en particulier, que les règles de validation des organismes de défense et de gestion pour les AOP soient revues, afin de faciliter leur constitution ;
5. Appelle à poursuivre l’analyse régulière de l’appropriation des outils du « paquet lait » par la Commission ;
6. Demande l’ajout, au titre des outils du « paquet lait », de la possibilité de souscrire des contrats tripartites avec les distributeurs, et non uniquement entre les producteurs et les premiers acheteurs ;
7. Estime que les organisations de producteurs doivent être accompagnées financièrement, afin de leur garantir des capacités de négociation plus adaptées ;
8. Insiste sur la nécessité que l’Observatoire européen du prix du lait bénéficie d’informations fiables, précises et transparentes issues de tous les États membres pour améliorer sa capacité à anticiper les évolutions du marché ;
9. Demande à ce que soient mieux valorisés les instruments de stabilisation des revenus proposés par la Commission européenne ;
10. Appelle à négocier pour la levée de l’embargo russe sur les produits laitiers ;
11. Encourage les États membres de l’Union à mettre en place un système d’interprofession laitière et souhaite que l’interprofession française s’affirme comme le lieu de définition d’une stratégie nationale laitière ;
12. Appelle à ce que, dans les réflexions sur la PAC post-2020, soient mis en œuvre des outils pour assurer aux producteurs une meilleure place dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ;
13. Demande à ce que soient poursuivis et accentués les investissements en faveur du maintien de l’élevage dans les zones défavorisées ou comprenant des handicaps naturels, et, en particulier, souhaite que les agriculteurs soient mieux rémunérés, au titre du deuxième pilier de la PAC, pour les biens publics que constituent l’aménagement du territoire, le maintien de l’activité dans les zones rurales et leur mission nourricière ;
14. Appelle à augmenter la part des aides couplées destinées aux jeunes agriculteurs.
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