N° 4193
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 novembre 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé,
PAR M. Thierry Mariani
Député
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ET
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 3950
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 5
I. UNE RELATION BILATÉRALE À CONSOLIDER APRÈS LE DÉPART DE NOS FORCES 7
1. Des relations politiques marquées par la coopération militaire 7
2. La présence économique française 9
3. Les relations culturelles et techniques 10
II. LA CONSTRUCTION DE LA TOUR DE CONTRÔLE : DERNIER VOLET DES ENGAGEMENST PRIS EN CONTREPARTIE DE L’AIDE PRÉCIEUSE APPORTÉE PAR LE TADJIKISTAN 11
1. Les engagements pris par la France pour la rénovation de l’aéroport de Douchanbé 11
2. Un accord utile au Tadjikistan et qui recèle des opportunités pour les entreprises françaises 12
3. Les dispositions de l’accord 13
CONCLUSION 19
EXAMEN EN COMMISSION 21
ANNEXE 1 : CARTE DU TADJIKISTAN 23
ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES 25
ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 27
L’accord objet du présent projet de loi est d’abord la concrétisation d’une promesse que notre pays a faite aux autorités tadjikes, en remerciement de la mise à disposition à titre gracieux de la base aérienne de Douchanbé pendant tout la durée de notre engagement en Afghanistan.
En 2001, le Tadjikistan est un pays que l’on connaît à peine, le plus petit d’Asie centrale, le plus pauvre aussi de la CEI, enclavé, constitué à 93 % de montagnes, et qui commence seulement à se relever d’une guerre civile tragique. Ce pays fragile, vulnérable face à la menace terroriste et aux trafics en tous genres, apporte alors un appui décisif à nos opérations extérieures, sans aucune exigence ni condition.
De fin 2001 à fin 2013, un détachement aérien (DETAIR) y a ainsi été accueilli et nombreux sont les députés à s’être rendus au Tadjikistan pendant ces longues années pour apporter leur soutien aux forces françaises, qui ont joué un rôle majeur dans le dispositif de la coalition internationale.
Cet accord entre le gouvernement français et le gouvernement tadjike a été formalisé par un échange de notes relatif aux conditions de déploiement et de stationnement temporaire des forces armées françaises participant aux opérations de lutte contre le terrorisme international, signé à Douchanbé le 7 décembre 2001 et publié par décret n°2003-66 du 16 juillet 2003.
C’est d’abord pour des nécessités opérationnelles que la France entreprend des travaux de mise à niveau. C’est ensuite en remerciement du soutien apporté qu’elle s’engage à effectuer des travaux d’amélioration susceptibles de faire de l’aéroport de Douchanbé un apport international moderne.
L’intervention militaire en Afghanistan s’est traduite par l’établissement d’une relation particulière entre la France et le Tadjikistan, qui a accueilli un détachement aérien français. Se sont nouées autour de cet accord militaire des coopérations de tous ordres, économiques, humanitaires et culturelles, qui, si elles demeurent encore modestes en volume, n’en sont pas moins politiquement fortes.
Le Tadjikistan est alors un pays très pauvre, enclavé et profondément divisé A la chute de l’URSS, il est entré en guerre civile. Opposant les communistes, soutenus par la CEI, à un ensemble hétéroclite qualifié d’« islamo-démocrate » comprenant des démocrates, des nationalistes, des islamistes et des séparatistes, sur fond de divisions ethniques (ethnies Leninabadi et Hissari d’un côté et Gharmi et Pamiri de l’autre), cette guerre a duré de mai 1992 à juin 1997 et provoqué la mort de 50 à 100 000 personnes et le déplacement de 1,2 million de réfugiés.
Les relations diplomatiques entre la France et le Tadjikistan ont été établies en 1992 quelques mois après l’indépendance de pays. Une antenne diplomatique a été ouverte dès mars 1992. C’est néanmoins l’engagement français en Afghanistan à la suite des attentats du 11 septembre 2001 qui va transformer et imprimer durablement les relations franco-tadjikes.
L’opération extérieure PAMIR est alors lancée et ne s’achèvera que le 31 décembre 2014. Les armées françaises, aux côtés de leurs alliés, se sont engagées dans ce pays avec un triple objectif : chasser les talibans de Kaboul ; détruire les camps d’entrainement d’Al-Qaïda ; permettre la constitution d’une force de défense nationale afghane.
Durant ces treize années, les forces françaises ont conduit des actions sécuritaires dans la capitale, dans un premier temps, puis dans l’Est du pays, dans les vallées de la Surobi et de la Kapisa. Parallèlement, elles ont accompagné les forces de sécurité afghanes dans leur formation (mission Epidote) et au combat (mission de mentoring réalisées par les OMLT – Operational Mentoring and Liaison Team). Plus de 70 000 soldats français ont été engagés dans l’opération Pamir. Au plus fort des opérations, 4 000 militaires y participaient. Cet engagement a coûté la vie à 89 soldats français et fait plus de 700 blessés.
Les forces françaises sont présentes sur de nombreuses bases, en Afghanistan mais également au Kirghizistan et au Tadjikistan. Dès la fin 2001, l’armée française détache une partie de son dispositif aérien à Douchanbé, implanté sur l’aéroport civil.
Un accord est signé le 7 décembre 2001 avec le gouvernement tadjike (décret de publication 2003-667) et porte sur le déploiement des forces armées françaises dans le cadre des résolutions 1368 et 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU et des opérations de lutte contre le terrorisme international. Il autorise l’accueil sur l’aéroport civil du détachement aérien (DETAIR) jusqu’en 2013 : accueil du Groupement de Transport Opérationnel, d’un plot de chasse composé de trois Mirage 2000, trois Mirage F1 CR et trois Rafale. Il aura également, au cours de cette période, assuré le transit de 89 000 militaires et 11 000 missions d’aérotransport et d’appui.
Les principales dispositions de l’accord du 7 décembre 2001
L’accord du 7 décembre 2001 précise les modalités du stationnement des forces armées françaises au Tadjikistan.
En vertu de cet accord, les conditions d’accès et de circulation au Tadjikistan sont facilitées. Les militaires peuvent entrer au Tadjikistan avec leur seule carte d’identité militaire. Ils sont également autorisés à circuler avec des véhicules avec leur document français. La liberté de circulation est également accordée aux aéronefs grâce à une autorisation de survol du territoire tadjike. De même, le matériel et les flux de ravitaillement sont exemptés de tous droits et taxes.
En outre, le personnel militaire dispose d’une immunité de juridiction identique à celles accordées aux diplomates.
Enfin, l’accord donne autorisation à la France d’établir un poste de commandement au Tadjikistan et de mettre en œuvre un système autonome de transmission.
Un an après cet accord, en décembre 2002, le Président Rahmon réalise sa première visite officielle à Paris, symbole de l’établissement complète de relations entre nos deux pays. L’antenne diplomatique est alors transformée en ambassade de plein exercice. Le Tadjikistan a, quant à lui, ouvert une ambassade à Paris en septembre 2013.
Concernant les dernières visites de haut niveau, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, s’est rendu à Douchanbé en juillet 2012, le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étrange et Matthias Fekl, a reçu en novembre 2014 M. Rahimzoda, ministre du Développement économique du Tadjikistan. Des consultations politiques entre les ministères des Affaires étrangères français et tadjiks sont également prévues pour la fin de l’année 2016. Votre rapporteur ajoute qu’il a l’occasion de se rendre à plusieurs reprises dans ce pays notamment depuis le début de la législature.
Enfin, deux autres accords méritent d’être mentionnés.
Le premier est l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, signé à Paris le 6 décembre 2002, premier accord de ce genre signé par la France avec un pays de la région. Il convient de souligner la menace sécuritaire à laquelle le Tadjikistan doit faire face à ses frontières à cette époque. Encore aujourd’hui, le pays est très préoccupé par le risque d’une montée de l’islamisme radical, même si le souvenir de la guerre civile prive les islamistes d’un vrai soutien populaires. Des combats sont néanmoins encore eu lieu entre 2010 et 2012, avec des éléments proches des islamistes ouzbèkes. le gouvernement, qui a pris des mesures, à la fois préventives et répressives, pour lutter contre l’extrémisme et contrôler la pratique de l’islam : rapatriement des étudiants tadjiks du Pakistan, du Golfe et du Maghreb, contrôles des imams (qui sont maintenant rémunérés par l’Etat) et des prêches, fermeture de mosquées non accréditées (mais construction à Douchanbé de la plus grande mosquée d’Asie centrale). Les autorités ont toutefois peu de moyens pour contrer l’influence des fondamentalistes sur les nombreux Tadjiks émigrés en Russie. Elles estiment à près de 900 le nombre des ressortissants tadjiks partis combattre en Syrie et en Irak et plusieurs dizaines de volontaires présumés ont été arrêtés au Tadjikistan. Un colonel des forces spéciales a rejoint fin mai 2015 les rangs de Daech en Syrie, où il a été grièvement blessé.
Le second accord important est l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part, signé le 11 octobre 2004, qui demeure un cadre structurant des relations y compris sur des sujets sensibles comme les droits de l’homme.
Malgré des exportations encore limitées, de l’ordre de 12,5 millions d’euros, constituées essentiellement d’équipements mécaniques et électriques, la présence des entreprises françaises au Tadjikistan est loin d’être négligeable.
A la suite de la visite officielle du Président Rahmon en décembre 2002, la signature d’un accord de protection des investissements a permis d’intensifier les relations économiques entre la France et le Tadjikistan avec l’implantation de plusieurs entreprises françaises.
Une délégation d’entreprises conduite par le MEDEF-International s’est rendue au Tadjikistan en avril 2015. Certaines ont remporté des contrats : Gemalto pour un système de visas dématérialisés, Sofreco pour la réhabilitation d’une centrale hydro-électrique, Coyne et Bellier pour celle de Nourek. D’autres prospectent sur le marché tadjik et se positionnent sur des domaines stratégiques pour les autorités. C’est notamment le cas de Itron pour une deuxième phase de fourniture de compteurs d’eau ainsi que l’installation d’une unité d’assemblage, Airbus et Dassault sur un aéronef gouvernemental, ATR sur la flotte de moyens courriers, Fives sur la modernisation de l’usine d’aluminium Talco, ou encore Thales sur les radars et systèmes de navigation aérienne ; nous y reviendrons.
On relèvera que le secteur de l’énergie est particulièrement porteur pour nos entreprises, compte tenu des ressources du pays. Alstom participe à la rénovation et à la modernisation du barrage de Nourek et Total a entrepris des travaux de prospection de ressources en hydrocarbures dans le sud du pays même si ses activités futures au Tadjikistan restent incertaines.
Dans d’autres secteurs également, les entreprises françaises se sont implantées au Tadjikistan à l’instar de Michelin dans le secteur pneumatique du cabinet Mazars dans le domaine des services aux entreprises, ou d’Auchan (groupe Schiever), qui a inauguré le 21 juin dernier, à Douchanbé, le premier hypermarché pour toute l’Asie centrale.
La coopération culturelle, éducative, linguistique et scientifique entre la France et le Tadjikistan demeure limitée mais est appelée à croître. Notre coopération passe à ce jour principalement par le centre Bactria à Douchanbé, fondé et géré par l’ONG française Acted. Les crédits de coopération délégués par le ministère des Affaires étrangères sont de 58 000 euros en 2016 (financement stable par rapport à 2015).
Le centre Bactria est le seul centre culturel européen à Douchanbé. Il jouit d’une forte visibilité grâce à ses nombreuses activités régulières, particulièrement d’enseignement du français, et à sa participation à l’organisation de la Fête de la musique à Douchanbé, à la Semaine de la francophonie et aux Journées européennes. Ses activités s’élargissent cette année, sur les plans sectoriel et géographique : un bureau d’information de Campus France y a commencé son activité en février 2016 et une antenne du centre Bactria ouvrira bientôt à Khodjent (région de Sogdiane).
Ajoutons qu’une exposition au musée Guimet est en cours de programmation pour 2018, qui permettra aux Français de connaître la richesse du patrimoine archéologique tadjike.
La France est par ailleurs présente dans le domaine de la santé, car notre pays est l’un des principaux contributeurs du Global Fund et de l’Union européenne dans ce pays pauvres. Comme souvent, notre forte participation dans l’aide multilatérale est insuffisamment mise en valeur. Notre ambassadrice à Douchanbé a fait savoir qu’elle comptait mieux communiquer à ce sujet. Un partenariat avec la Fondation de l’Aga Khan pour le Développement doit aussi être mentionné.
Sur le plan bilatéral, en 2011-2012, SANOFI-Pasteur a conduit une action remarquée avec la livraison de 600 000 vaccins, dans le cadre d’une campagne lancée par les autorités de lutte contre la poliomyélite. La Fondation Mérieux est également présente avec un laboratoire de recherche P3 destiné entre autres à mener des recherches sur le bacille tuberculeux multi-résistant. Ce laboratoire a été inauguré en septembre 2014.
Notons enfin qu’ACTED a ouvert en janvier 1998 l’association Kareen Mane-AED, en l’honneur de cette jeune femme qui a perdu la vie à Douchanbé en 1997. Toujours en activité, cette ONG fournit une aide aux enfants des rues en leur proposant des cours et des activités. C’est un très beau projet qu’il convient de conforter. L’ambassade souhaite organiser et soutenir un projet intéressant autour de la couture, nombre des enfants aidées étant des petites ou jeunes filles.
II. LA CONSTRUCTION DE LA TOUR DE CONTRÔLE : DERNIER VOLET DES ENGAGEMENST PRIS EN CONTREPARTIE DE L’AIDE PRÉCIEUSE APPORTÉE PAR LE TADJIKISTAN
La France a profité de l’accueil et de la coopération du Tadjikistan sans aucune réticence de la part de ce dernier. En compensation au stationnement d’une unité de l’armée de l’air (DETAIR) à Douchanbé de décembre 2001 à novembre 2014, la France a pris plusieurs engagements.
L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé doit permettre de concrétiser le dernier de ces engagements.
En contrepartie de la présence militaire française sur l’aéroport de Douchanbé, la France s’est engagée, dans le cadre d’accords conclus avec le Tadjikistan, à procéder à la réfection et à la modernisation complète de la piste et des voies de stationnement et de circulation pour avions de l’aéroport international de Douchanbé, pour un montant total de 33 millions d’euros.
Cette mission a été conduite par les équipes du génie de l’air (25ème RGA) de 2004 à 2014 grâce à dix campagnes annuelles de travaux. La dernière campagne, débutée le 20 avril 2014 a vu notamment la réalisation de quatre plots de stationnement pour avions moyens porteurs type B757-200 et Airbus A310, la réparation du taxiway et la pose de trois pylônes d’éclairage.
En outre, aux termes d’un accord signé en 2013, la France a participé à hauteur de vingt millions d’euros à la construction du nouveau terminal de l’aéroport international de Douchanbé, pour un coût total de 49 millions. Un prêt concessionnel de 20 millions d’euros a été octroyé au Tadjikistan pour la construction d’une nouvelle aérogare à l’aéroport international de Douchanbé. Ce prêt de 20 millions comporte 80 % d’éléments don et s’étale sur 35 ans avec 20 ans de franchise et un taux d’intérêt de 0,15 %. Il équivaut à un prêt de 4 millions d’euros à des conditions normales et à 16 millions de don.
La France a injecté en dix ans plus de 50 millions d’euros dans le secteur de l’aviation civile du Tadjikistan en contrepartie du soutien du Tadjikistan aux opérations de lutte contre le terrorisme international. Le montant de financement direct s’est élevé à 7,1 millions d’euros, dont notamment 518.000 euros pour la réfection de la piste, 2,24 millions pour la réfection des chaussées aéronautiques, 3,6 millions d’euros pour la réfection et l’aménagement des aires aéronautiques et 683.000 euros pour les études préalables à la construction de la tour de contrôle. Par ailleurs, un hangar de 2.700 m2 construit pour les besoins français pour abriter et maintenir les avions de transport tactique, pour un montant de 1,96 million d’euros, a fait l’objet d’une cession onéreuse au profit de l’autorité gérant l’aéroport, pour un montant de 270.000 euros.
Durant treize ans, le DETAIR aura ainsi réalisé une mission de modernisation importante de l’aéroport tadjik tout en constituant un point d’appui indispensable à la bonne conduite des opérations menées en Afghanistan.
L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé est le dernier des engagements pris en contrepartie à ce soutien tadjike, qu’il convient de concrétiser.
La France s’est engagée, par l’intermédiaire du Ministère de la défense, à construire une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé. Elle a donc donné sa parole et doit aujourd’hui mettre en œuvre cet engagement. Sa réalisation concourt directement à la crédibilité de la parole de la France et est une condition nécessaire à la continuité des bonnes relations entre ces deux pays.
La construction de cette tour de contrôle est d’autant plus importante pour le Tadjikistan que ce pays est très enclavé. Ne disposant d’aucun accès maritime, les liaisons internationales ne peuvent s’effectuer que par voies aériennes. Dans ces conditions, l’aéroport de Douchanbé est une infrastructure primordiale pour le développement économique du pays et plus généralement pour son ouverture sur le monde. Il convient de souligner à cet égard que l’amélioration des relations avec son grand voisin ouzbèke ouvre des perspectives intéressantes.
La construction de la tour de contrôle est également urgente. La relation avec Tadjareonavigatsia, organisme en charge de la navigation aérienne au Tadjikistan et principal bénéficiaire du projet, est excellente. Pour autant, le mécontentement ne cesse de croître quant à la lenteur de notre procédure, alors que la ratification de l’Accord par la partie tadjike est intervenue trois mois après sa signature. En outre, le projet est suivi au plus haut niveau de l’Etat tadjik, qui met lui-même Tadjareonavigatsia « sous pression ».
Il convient de souligner qu’à ce jour aucun français ne travaille actuellement sur le site ou le projet, puisque l’Accord n’est toujours pas en vigueur, et que le dossier est suivi par l’Ambassade de France à Douchanbé, qui est un poste à présence diplomatique aux moyens limités, et l’attaché de défense résidant au Kazakhstan, la mission de défense au Tadjikistan ayant fermé le 31 juillet 2016.
Pour la France, la construction de cette tour est une condition de la perpétuation des bonnes relations avec le Tadjikistan. Elle permettrait en outre à des entreprises françaises de décrocher des marchés intéressants. Les opportunités économiques dans ce pays sont réelles et le tourisme commence à s’y développer, ce que le développement des liaisons aériennes grâce à des aéroports modernes renforcerait. Le prolongement de la liaison Douchanbé-Frankfort jusqu’à Paris est notamment envisagé.
La construction de la tour de contrôle permettrait en tout état de cause de faire prospérer l’implantation française au Tadjikistan dans le secteur aéroportuaire car, outre le bâti, qui fera l’objet d’un appel offres français, ce sont des marchés potentiels en termes d’équipements voire à moyen terme de gestion aéroportuaire. Or, d’autres projets sont à l’étude concernant les trois autres aéroports internationaux.
Dans ce domaine, la France a une longueur d’avance par rapport à ces concurrents en raison de sa présence sur l’aéroport de Douchanbé pendant plus de dix ans. Néanmoins, en raison de la longueur de la procédure permettant in fine la construction de la tour, certains concurrents se sont positionnés en montrant leur intérêt pour ce projet auprès des autorités tadjikes. Tel est le cas notamment de l’agence de coopération japonaise, la JICA, qui a formulé une proposition de financement de plusieurs millions de dollars pour l’achat d’équipements et des formations de personnel et qui a obtenu l’ouverture d’un bureau au sein de la Tajaeronavigstia.
La construction rapide d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé est donc vitale pour la crédibilité de la parole de la France et nécessaire pour le développement des entreprises françaises dans ce pays. Il convient donc de procéder rapidement à la ratification de l’accord prévoyant cette construction.
Le préambule de l’accord souligne le désir réciproque de la France et du Tadjikistan de d’approfondir la coopération militaire entre ces deux pays. Il rappelle également l’accord signé à Paris le 7 décembre 2001 relatif aux conditions de déploiement et de stationnement temporaire des forces armées françaises sur le territoire du Tadjikistan.
L’article 1er précise l’objet de l’accord, à savoir la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé, et les différents éléments qui composeront cette tour.
L’article 2 définit les termes de l’accord et notamment les différences entre les forces armées, le personnel des forces armées et le personnel civil.
L’article 3 insiste sur le fait que la partie française assumera seule les coûts relatifs à la réalisation de l’opération et spécifie l’identité des acteurs de cette opération (maître d’ouvrage, maître d’œuvre,…).
Le montant total des dépenses engagées pour la phase de conception s’élève à 259 000 euros. Le montant total prévisionnel des travaux et prestations s’élève quant à lui à 5,7 millions d’euros, auxquels s’ajoutent un montant prévisionnel de 42 400 euros pour la phase garantie de parfait achèvement (période d’un an ; cf. infra).
L’article 4 précise les différentes étapes de la construction de l’opération à la charge de la partie française et prévoit une garantie de parfait achèvement d’un an à compter de la date de réception de l'ouvrage officialisant l’achèvement des travaux, ainsi que les conséquences de cette dernière (remédier aux désordres, réaliser les travaux confortatifs ou modificatifs, …).
L’étendue et les limites de la garantie de parfait achèvement
Pendant le délai de garantie, les titulaires du ou des marchés de travaux sont tenus à une obligation dite « obligation de parfait achèvement », au titre de laquelle ils doivent :
a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus au titre du cahier de charges et/ou des réserves notées au procès-verbal des opérations préalables à la réception ;
b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ;
c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l’issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché ;
d) Remettre au maître d’œuvre les plans des ouvrages conformes à l’exécution.
Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l’ouvrage ou le maître d’œuvre ayant pour objet de remédier aux déficiences énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l’entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. L’obligation de parfait achèvement ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usage ou de l’usure normale.
À l’expiration du délai de garantie, le titulaire est dégagé de ses obligations contractuelles, à l’exception des garanties particulières éventuellement prévues par les documents particuliers du marché. Les travaux « conformatifs ou modificatifs » qui seraient nécessaires s’entendent comme des travaux devant être effectués suite à la réalisation d’épreuves ou de tests n’ayant pas permis d’atteindre le résultat souhaité et définis au titre du contrat. Il s’agit par exemple du maintien de la température intérieure d’un local en fonction de la température extérieure ou du respect du délai de démarrage d’un groupe, défini au sein du cahier des charges, suite à une coupure générale de courant.
La notion de « désordres » et l’obligation de remise en l’état conforme à l’état à la date de réception ne s’entendent que dans le cas où les causes de ces déficiences sont imputables au titulaire du marché de travaux qui n’aurait pas respecté la législation en vigueur et les prescriptions du cahier des charges. Il serait ainsi dégagé de toute responsabilité si, à la suite d’un séisme, la tour s’effondrait, dès lors qu’il aurait respecté la législation locale et les prescriptions du cahier des charges.
Source : d’après les réponses au questionnaire adressé au ministère des Affaires étrangères et du Développement international
L’article 5 énumère les obligations de la partie tadjike telles que la réalisation des travaux de voiries ou encore la préparation et la protection du site. Il précise en outre que l’entreprise unitaire d’Etat « Tadjikaeronavigatsya » du Ministère des transports sera l’interlocuteur de la partie française.
L’article 6 prévoit que l’accord pourra être précisé par voies d’arrangements conclus entre les autorités compétentes.
L’article 7 dispose que le personnel civil français bénéficiera des privilèges octroyés par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
S’agissant du statut du personnel des forces armées françaises, l’article 7 §1 renvoie à l’accord signé le 7 décembre 2001 entre la France et le Tadjikistan (décret de publication 2003-667). L’article 1 de ce dernier énonce que le personnel des forces armées françaises jouit, durant son séjour sur le territoire du Tadjikistan, d’immunités de juridiction et d’exécution identiques à celles accordées aux membres du personnel administratif et technique des missions diplomatiques par la Convention de Vienne du 18 avril 1961.
S’agissant du statut du personnel civil de la partie française, il bénéficie du même statut protecteur en vertu de l’article 7§2 (« les membres du personnel civil de la Partie française qui sont agents de l’État bénéficient des mêmes privilèges de juridiction et d’exécution que ceux accordés aux membres du personnel administratif et technique d’une mission diplomatique par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 »).
Pour mémoire, les articles 29 à 32 et 37§2 de la convention de Vienne stipulent que les membres du personnel administratif et technique de la mission diplomatique, ainsi que les membres de leurs familles qui font partie de leurs ménages respectifs, bénéficient, pourvu qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire ou n'y aient pas leur résidence permanente, des privilèges et immunités suivants :
– immunité d’arrestation et de détention ;
– inviolabilité du domicile ;
– immunité de juridiction pénale et, sous les réserves prévues à l’article 31, immunité de juridiction civile et administrative sauf en ce qui concerne les actes accomplis en dehors de l’exercice de leurs fonctions, étant rappelé que l’article de la Convention de Vienne précise que la partie dont relèvent les personnels visés peut renoncer à l’immunité de juridiction prévue ;
– immunité d’exécution.
L’article 8 indique que les forces armées et personnel civil français ainsi que leurs rémunérations seront imposés uniquement en vertu de la législation française.
L’article 9 impose la gratuité des visas pour le personnel français et exonère le matériel nécessaire à la construction de la tour de toutes impositions et droits de douanes de la partie tadjike. Cette dernière approuve néanmoins en concertation avec la partie française la liste des biens et matériaux nécessaires.
Cette simplification de la procédure de visa est inspirée de celle utilisée pour les militaires du DETAIR : il y a une exemption de visa, la mission de défense se chargeant d’informer le consul de l’aéroport de l’arrivée de militaires sur le territoire tadjik dans le cadre des échanges de lettres de 2001. La question des familles n’est pas traitée car sans objet. Lors des négociations relatives à cet Accord, il était envisagé que le personnel militaire chargé du suivi des travaux (un officier et un sous-officier du SID) soit en mission de courte durée et donc sans famille. Par ailleurs, il n’y a pas de présence permanente de fonctionnaires civils mais uniquement des missions ponctuelles de spécialistes de la Direction générale de l’Aviation civile et du Service national des Infrastructures aéroportuaires organisées en cas de nécessité.
L’article 9 interdit également aux autorités tadjikes basées aux postes frontières de procéder à des fouilles ou inspections des biens, du matériel et du personnel ou d’exiger des documents et renseignements complémentaires à ce qui est prévu par l’accord.
L’article 10 est consacré aux modalités pratiques en matière de logement et de restauration du personnel français. Ces derniers restent à la charge de la partie française. En revanche, des locaux doivent être mis à la disposition de la partie française par la partie tadjike ainsi le ravitaillement en eau et en électricité de ces locaux.
L’article 11 inscrit dans l’accord un principe de responsabilité envers la partie causant un dommage au titre de l’exécution de l’accord.
L’article 12 concerne l’échange d’informations entre les deux parties.
L’article 13 précise que la voie diplomatique sera imposée en cas d’apparition d’un différend entre les parties au titre de l’exécution de l’accord.
L’article 14 prévoit la durée de l’application de l’accord, les conditions de sa dénonciation et de sa modification.
L’annexe à l’accord décrit les spécificités techniques des opérations mises à la charge de la partie française ou tadjike en vertu de l’accord.
En vertu de l’article 2 de l’annexe de l’accord, la préparation du chantier, les travaux de bâtiment, de voirie/réseaux et la fourniture, l’installation et la mise en service des équipements sont à la charge de la partie française.
Selon l’article 3 de l’annexe, la sécurité du site, son dévoiement et sa dépollution éventuelle, les travaux de voirie hors limite de parcelle, la fourniture et l’installation de certains services (alimentation électrique, postes téléphoniques,…) sont à la charge de la partie tadjike.
L’article 4 de l’annexe liste les exigences fonctionnelles, techniques et environnementales de l’opération. L’article 4.3.5 précise notamment que l’ouvrage se situe dans une zone classée à hauts risques sismiques et qu’en conséquence, la partie tadjike devra fournir des informations sur la sismicité du site.
L’article 5 de l’annexe prévoit ainsi le calendrier suivant, dont on notera que malheureusement il n’est pas respecté.
La construction rapide d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé est essentielle pour la crédibilité de la parole de la France, vitale pour le développement économique du Tadjikistan, nécessaire pour la perpétuation de nos relations étroites avec ce pays d’une zone stratégique et enfin utile au regard des opportunités pour nos entreprises.
Pour toutes ces raisons, il convient donc de procéder rapidement à la ratification de l’accord prévoyant cette construction.
La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 9 novembre 2016, à 9 heures 45.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
M. Jean-Paul Bacquet. A quelle date commenceront les travaux ?
M. Thierry Mariani. Les travaux ne pourront commencer qu’une fois l’accord ratifié et notifié, ce qui suppose que le Sénat l’ait également voté, a priori au plus tard en janvier 2017. Il faudra tenir compte de l’hiver qui rend impossible certains travaux.
Je suis allé dans ce pays une quinzaine de fois. Pour ceux qui aiment la montagne, c’est un pays magnifique. La France avec le réseau Aga Khan fait un travail remarquable. Cet accord est important car les tadjikes nous ont fait confiance. J’ai rencontré à plusieurs reprises le Président Rahmon. Ils nous ont laissé la base sans contrepartie signée. Nous avons partiellement honoré la parole de la France puisque nous avons refait les pistes et l’aérogare. Maintenant, nous devons mettre en œuvre la dernière partie de notre engagement. Notre ambassadrice nous a dit que la construction de la tour était très importante pour la crédibilité de la parole de la France. Comme l’ont dit les deux militaires auditionnés aujourd’hui, ce pays est, de plus, le plus fragile de la région.
M. Jean-Pierre Dufau. S’agira-t-il d’un appel d’offres international ? Deuxième question, lorsque la tour sera construite, l’accord prévoit-il une formation pour les tadjikes ?
Mme Chantal Guittet. Avons-nous beaucoup de relations économiques avec ce pays ? J’ai vu notamment qu’un barrage hydroélectrique était en construction avec la Chine.
M. Thierry Mariani. L’appel d’offres concernant la construction de la tour relève du ministère de la défense français. En clair, c’est nous qui construisons. Il est évident que l’entreprise qui a construit l’aérogare attend ce chantier. D’ailleurs, j’ai posé deux fois la première pierre du chantier de l’aérogare, la première fois avec une première entreprise qui n’a pas pu continuer puis une deuxième fois avec l’entreprise Vinci.
En ce qui concerne les équipements de la tour, l’appel d’offres sera tadjike. Nous avons passé un message aux autorités tadjikes selon lequel nous serions sensibles au fait que l’entreprise Thalès soit choisie puisqu’elle est un prestataire de qualité.
Concernant nos échanges, les exportations sont limitées avec ce pays puisque ceux-ci s’élèvent à environ 12 millions d’euros. Le Tadjikistan est un pays pauvre, d’autant que la crise du rouble a entrainé le retour d’au minimum 100 000 travailleurs tadjikes. Je rappelle que le Tadjikistan est le pays d’où proviennent le plus grand nombre d’immigrés en Russie, notamment pour le secteur de la construction. Beaucoup de tadjikes travaillent sur les chantiers dans ce pays.
Si nos échanges sont faibles, ce pays a un potentiel, particulièrement du fait de ses ressources en eau. Un rapport d’information de la Commission sur la géopolitique de l’eau a mis en lumière cet élément. Le barrage de Rogoun a suscité des inquiétudes avec l’Ouzbékistan mais celles-ci se sont aplanies après des années de tensions. Le Tadjikistan a un réel potentiel dans ce domaine à condition que ses relations avec ses voisins soient bonnes. Une fois la sécurité assurée, le Tadjikistan aura, également, un potentiel touristique.
J’ajoute qu’Auchan s’est récemment implanté au Tadjikistan, même si ce magasin ne ressemble pas encore aux supermarchés établis en France. Enfin, Total est sur place, mais sa présence est incertaine en raison du prix du pétrole et des coûts de prospection.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 3950 sans modification.
ANNEXE 1 : CARTE DU TADJIKISTAN
LISTE DES PERSONNALITÉS RENCONTRÉES
– S.E. Mr. Homidjon Nazarov; Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Tadjikistan en France, accompagné de Mr. Manuchehr Hojiev, premier secrétaire
– S.E. Mme Yasmine Gouédard, Ambassadrice de France au Tadjikistan
TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé (ensemble une annexe), signé à Douchanbé le 13 juillet 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n°s 3950).