N° 4221 - Rapport de M. Jean-Christophe Lagarde sur la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde et plusieurs de ses collègues visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l'industrie dans les contrats des groupements d'intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés (4017).




N
° 4221

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 novembre 2016

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 4017) visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés,

PAR M. Jean-Christophe LAGARDE

Député

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ÉLARGISSEMENT DES OUVERTURES COMMERCIALES DOMINICALES : DES EFFETS INATTENDUS POUR LES COMMERÇANTS INDÉPENDANTS DES CENTRES COMMERCIAUX 7

A. UNE AUGMENTATION DU NOMBRE DE DIMANCHES ET DE JOURS FÉRIÉS TRAVAILLÉS 7

1. Les dérogations sectorielles et géographiques 7

2. Les « dimanches du maire » 8

B. DES COMMERÇANTS INDÉPENDANTS DÉMUNIS FACE AUX PRATIQUES ABUSIVES DES CENTRES COMMERCIAUX 9

1. La mécanique du volontariat bloquée par les règlements des GIE 9

2. L’avenir du commerce indépendant en question 11

II. UNE PROPOSITION DE LOI POUR PRÉSERVER LA LIBERTÉ D’APPRÉCIATION DES COMMERÇANTS INDÉPENDANTS 12

A. GARANTIR LE RESPECT DE LA LIBERTÉ DU COMMERCE 12

B. INTERDIRE TOUTE CLAUSE OBLIGEANT À TRAVAILLER LE DIMANCHE ET LES JOURS FÉRIÉS 13

DISCUSSION GÉNÉRALE 15

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 25

Article unique (art. L. 251-8 du code de commerce) : Inscription du principe de liberté du commerce dans les contrats des groupements d’intérêt économique 25

TABLEAU COMPARATIF 31

PERSONNES ENTENDUES 33

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) du jeudi 24 novembre 2016, sur le fondement de l’article 48, alinéa 5, de la Constitution. Elle émane de quatorze députés UDI.

Cette proposition poursuit un objectif simple et clair : assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie des commerçants indépendants lorsqu’ils exercent leur activité dans un centre commercial.

Avec l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les conditions d’ouverture des commerces les dimanches et les jours fériés ont été assouplies. En particulier, le nombre des dimanches pouvant être travaillés est passé de cinq à douze par an, hors dérogations permanentes accordées à certains secteurs ou zones géographiques spécifiques.

Cet assouplissement a eu pour effet indirect de mettre en difficulté de nombreux commerces indépendants qui n’avaient pas l’habitude d’ouvrir plusieurs dimanches dans l’année mais qui se sont vus obligés de le faire par les centres commerciaux auxquels ils appartenaient, sous peine de pénalités financières. Un vide juridique permet en effet à ces derniers d’imposer leur volonté au mépris des garanties offertes par le législateur et la Constitution.

L’augmentation du nombre potentiel de dimanches et jours fériés travaillés laisse ainsi un grand nombre de petits commerces démunis face aux grandes enseignes nationales (I). Cette proposition de loi a pour objet de garantir à ces derniers l’exercice de leur liberté d’entreprendre en interdisant toute clause qui les contraindrait à exercer leur activité alors qu’ils ne le souhaitent pas (II).

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – dite « loi Macron » – a considérablement assoupli les conditions d’ouverture des commerces le dimanche (A). Cela a eu pour conséquence de mettre en difficulté les commerçants indépendants des centres commerciaux, à qui ces derniers imposent désormais des ouvertures contre leur gré (B).

Le principe législatif du repos hebdomadaire dominical, qui figure à l’article L. 3132-3 du code du travail, souffre une série d’exceptions, dont la première tient à la nécessité d’assurer la continuité de certaines activités. Il comprend, en matière commerciale, deux types de dérogations : des dérogations géographiques et sectorielles (1) et des dérogations pour un nombre limité de jours dans l’année (2).

● Dans le cas du commerce de détail, deux dérogations sectorielles sont tout d’abord accordées de manière permanente :

– pour les établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public : c’est le cas notamment de la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate, des hôtels, restaurants et débits de boissons, des débits de tabac, des entreprises de spectacles ou encore des commerces de détail du bricolage ;

– pour les établissements dont l’activité exclusive ou principale est la vente de denrées alimentaires au détail, le repos hebdomadaire pouvant dans leur cas être donné le dimanche à partir de 13 heures.

● À ces dérogations sectorielles, la loi du 6 août 2015 a ajouté des dérogations reposant sur un critère géographique, simplifiant en cela les dispositions complexes issues de la « loi Mallié » (1). Les établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services situés dans certaines zones du territoire sont ainsi autorisés à accorder un repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie de leur personnel.

Quatre types de zones sont définis par la loi :

– les zones touristiques internationales, délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, en tenant compte de leur rayonnement international et de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats : elles sont aujourd’hui au nombre de 21, dont douze à Paris ;

– les zones commerciales, caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière ;

– les zones touristiques, caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ;

– certaines gares, dont la liste est fixée par arrêté – actuellement, six gares parisiennes et six gares régionales – situées hors des zones précédemment citées.

● Dans les commerces de détail non alimentaires, où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par décision du maire prise après avis du conseil municipal : c’est ce que l’on appelle les « dimanches du maire ».

La loi du 6 août 2015 précitée a porté le nombre de ces dimanches à douze par an à compter de l’année 2016, contre cinq précédemment, et neuf à titre transitoire au titre de l’année 2015. La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l’année suivante.

Pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure à 400 m², lorsque les jours fériés légaux, à l’exception du 1er mai, sont travaillés, ils sont déduits par l’établissement des dimanches désignés par le maire, dans la limite de trois.

La « loi Macron » offre des garanties nouvelles aux salariés : seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent ainsi travailler le dimanche dans le cadre de ces « dimanches du maire ». Par ailleurs, une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher. Ce refus ne peut donner lieu à une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. Enfin, il ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Chaque salarié ainsi privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et bénéficie d’un repos compensateur équivalent en temps.

● L’augmentation du quota de « dimanches du maire » a rencontré un succès certain auprès des collectivités. Sur plus de 70 grandes villes françaises :

– 43% ont augmenté le nombre de dimanches ouverts en 2016 par rapport à 2015 : on est par exemple passé de cinq à sept ouvertures dominicales par an à Montpellier et Toulouse et de cinq à huit à Lille et à Belfort ;

– près d’un quart des villes a choisi d’utiliser le potentiel maximal de douze ;

– à Paris, pour la première fois, les magasins ont pu ouvrir sans interruption de la mi-novembre au nouvel an, soit sur une période de six semaines, en bénéficiant de la disposition transitoire des neuf dimanches de 2016.

S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan complet des dispositions introduites par la « loi Macron », votre rapporteur constate qu’elle s’est donc traduite par une augmentation significative du nombre de dimanches et de jours fériés travaillés dans le commerce de détail.

Compte tenu du nombre de salariés qui y travaillent, les centres commerciaux sont les premiers concernés par l’assouplissement des conditions d’ouverture dominicale. L’entrée en vigueur de la « loi Macron » a incité nombre d’entre eux à imposer des ouvertures à des commerces qui n’y avaient pas intérêt (1), ce qui conduit à s’interroger sur l’avenir des commerces indépendants dans les centres commerciaux (2).

Selon l’observatoire du Conseil national des centres commerciaux (CNCC), le parc français des centres commerciaux se composait en 2015 de 800 centres représentant 16 700 000 m² de surface commerciale utile et accueillant près de 36 000 commerces. Ils employaient un peu plus de 450 000 personnes – dont près de 90 % dans des grandes enseignes nationales – et réalisaient un chiffre d’affaires de 126 milliards d’euros.

Les différents commerces qui composent les centres commerciaux se regroupent généralement sous la forme de groupements d’intérêts économiques (GIE). Cette formule leur permet d’élaborer une politique d’aménagement commune, de financer des animations ou des campagnes de publicité et d’en partager les frais.

La plupart des règlements des GIE imposent également des horaires d’ouverture communs à toutes les enseignes, des horaires décalés pouvant nuire à l’attractivité globale du centre.

Si les commerçants, en signant leur bail, se plient volontiers aux règles qui leur sont ainsi imposées, car une forte fréquentation profite à leur enseigne, il en est tout autrement lorsque le règlement du GIE impose également d’ouvrir un certain nombre de dimanches et jours fériés.

Or il semble que, selon les témoignages recueillis par votre rapporteur, cette pratique soit désormais courante. Liés par le règlement du GIE auquel ils ont adhéré, les commerçants se voient contraints d’ouvrir alors même que le niveau d’activité ne le justifie pas. Si cela ne posait pas de difficultés particulières lorsque le nombre de « dimanches du maire » était limité à cinq par an, la situation est différente depuis que leur total a été porté à douze par la « loi Macron ».

Des commerçants indépendants ont ainsi été pris au dépourvu par ce changement législatif que les gestionnaires des GIE ont naturellement intégré très vite, nous l’avons vu, dans leur politique commerciale. Plusieurs se sont vu appliquer par leur GIE des pénalités financières lorsqu’ils n’avaient pas ouvert leur commerce lors d’un des dimanches ou jours fériés prévus par le règlement de leur GIE.

Le cas le plus emblématique de ce type de pratiques est incontestablement celui du centre commercial du Grand Var, à l’été 2016. Douze commerces avaient refusé d’ouvrir leur enseigne le 14 juillet et s’étaient vu appliquer par leur GIE des pénalités financières aux montants exorbitants, atteignant par exemple 186 000 euros dans le cas de la brasserie Le Phénix, gérée par M. Patrick Brun.

La médiatisation de cette affaire a eu le mérite de permettre de constater qu’il ne s’agissait pas là d’un cas isolé. Selon M. Francis Palombi, président de la Confédération des commerçants de France, entendu par votre rapporteur, plusieurs dizaines de cas de pénalités excessives auraient déjà été signalés. M. Patrick Brun a pour sa part recueilli les témoignages de plusieurs dizaines de commerçants confrontés au même problème. Il convient de souligner que les cas recensés ne prennent pas compte les nombreuses fois où les commerçants préfèrent ouvrir leur enseigne plutôt que de se voir infliger une amende.

En août 2016, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) s’était saisie de ce sujet suite à la demande de nombreux adhérents qui s’étaient émus de l’affaire du centre commercial Grand Var. La Confédération avait alors lancé une enquête auprès de ses adhérents afin d’essayer de prendre la mesure du phénomène. Les résultats de cette enquête, communiqués à votre rapporteur, sont assez nets : dans les galeries marchandes, 62 % des commerçants interrogés adhérent à une structure type GIE ou association et, pour 92 % d’entre eux, cette adhésion est obligatoire. La liberté d’ouvrir ou non leur commerce les dimanches ou jours fériés ne concerne que 10 % des commerçants, 53 % estiment que ces contraintes ne sont pas justifiées. Enfin, pour 85 % d’entre eux, les sanctions financières liées au non-respect des conditions d’ouverture et de fermeture sont excessives.

Ces chiffres révèlent un malaise profond. Alors même que l’ouverture des commerces le dimanche et les jours fériés est strictement encadrée par le législateur et qu’elle repose, dans la plupart des professions, sur le volontariat, la crainte de sanctions financières oblige nombre de commerçants à ouvrir contre leur gré.

Nous sommes donc dans la situation paradoxale où l’application du règlement des GIE des centres commerciaux peut méconnaître des principes garantis par la loi.

L’exemple des sanctions financières en cas de non-respect des obligations d’ouverture est révélateur des rapports de force entre commerçants indépendants et grandes enseignes à l’intérieur des centres commerciaux.

On pourrait considérer, ainsi que l’a indiqué à votre rapporteur M. Michel Dessolain, président du Conseil national des centres commerciaux, que la liberté contractuelle est totale et que le commerçant sait à quoi il s’engage lorsqu’il choisit de s’installer dans un centre commercial.

C’est méconnaître le fait que la signature du bail commercial est conditionnée, dans la majorité des cas, à l’adhésion au GIE du centre commercial.

C’est également méconnaître le fait que les droits de vote aux assemblées générales des GIE sont proportionnels à la surface des commerces signataires et que, dans la plupart des cas, les grandes enseignes nationales y disposent de la majorité. Ce sont donc ces dernières, souvent en application d’une politique décidée au niveau national par leur enseigne, qui décident quels jours seront travaillés ou non.

C’est enfin méconnaître le fait que la plupart des commerçants avaient adhéré au GIE avant l’entrée en vigueur de la « loi Macron » et qu’ils se trouvent désormais liés par un règlement modifié dans un sens qu’ils n’avaient pas souhaité.

Les représentants du Conseil national des centres commerciaux ont indiqué lors de leur audition que les intérêts des gestionnaires des centres commerciaux et ceux des commerces indépendants étaient identiques et qu’ils n’avaient donc pas intérêt à mettre en difficulté ces derniers. Votre rapporteur ne partage pas tout à fait cette analyse. Si l’on comprend l’intérêt pour une grande enseigne d’ameublement ou d’habillement d’exercer son activité un jour férié, cela semble moins pertinent pour un restaurateur d’une galerie marchande d’ouvrir un 14 juillet ou un 15 août.

Cela conduit à s’interroger sur l’avenir de la diversité commerciale au sein des centres commerciaux. Les commerçants indépendants, qui y sont désormais très minoritaires, font face à des obligations et contraintes croissantes, qui mettent en péril leur activité. Votre rapporteur estime qu’il faudra probablement à l’avenir se pencher sur cette question, qui dépasse largement le cadre de la présente proposition de loi. La formule juridique utilisée par les centres commerciaux et la pondération des voix en leur sein devront notamment faire l’objet de réflexions afin de se prémunir d’une uniformisation de l’offre commerciale et offrir un avenir aux commerces indépendants.

Pour mettre fin aux pratiques abusives de certaines grandes enseignes, votre rapporteur estime qu’il est temps de légiférer. La présente proposition de loi vise donc à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique (A) et à interdire toute clause obligeant les sociétés commerciales à exercer leur activité les dimanches et les jours fériés (B).

L’article unique de la proposition de loi complète l’article L. 251-8 du code de commerce afin d’y préciser que les contrats des groupements d’intérêt économique (GIE) à vocation commerciale doivent respecter le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie était un principe général du droit consacré par la jurisprudence administrative (2) avant d’être intégré au principe constitutionnel de liberté d’entreprendre reconnu par le Conseil constitutionnel (3).

Parce qu’elle découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui proclame notamment que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », la liberté d’entreprendre ne peut connaître de limitations que si elles sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général. Elle comprend deux composantes dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : la liberté d’accéder à une profession ou une activité économique et la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité.

C’est à cette liberté dans l’exercice de son activité économique, qui comprend notamment la liberté d’embaucher, de licencier, de fixer ses tarifs ou de faire de la publicité commerciale, que le choix d’ouvrir ou non son commerce peut être rattaché. C’est pourquoi votre rapporteur souhaite que ce principe soit rappelé et s’impose aux contrats des GIE.

Afin de garantir cette liberté du commerce, la proposition de loi précise que toute clause stipulant pour les sociétés commerciales parties au contrat d’un GIE une obligation d’ouverture de leur commerce et l’exercice de leur activité le dimanche ou les jours fériés est réputée non écrite.

Certains pourraient y voir une atteinte à la liberté contractuelle, principe fondamental de notre droit qui trouve également sa source dans l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C’est oublier que cette liberté n’est pas absolue et qu’elle peut connaître des limitations en cas de déséquilibre entre les contractants, lorsqu’il s’agit par exemple de protéger le consommateur (4).

Votre rapporteur estime qu’introduire une telle clause est donc pleinement justifié : elle pourra constituer un verrou qui garantira la liberté d’entreprendre des commerces indépendants, sans porter atteinte aux droits des grandes enseignes, qui n’ont généralement pas besoin de ces commerces pour attirer leur clientèle.

Ce faisant, cette proposition de loi entend faire pleinement respecter la volonté du législateur qui, à travers notamment la « loi Macron », avait souhaité que le travail dominical demeure une exception et repose sur le volontariat. Elle a été adoptée par la commission des Lois sous réserve d’un amendement de précision de votre rapporteur qui exclut de son champ les zones touristiques internationales, les zones commerciales et les zones touristiques. Le principe même de ces zones, tel qu’il a été prévu par la « loi Macron », est en effet de permettre une ouverture des commerces qui y sont situés 52 dimanches par an. Le présent texte n’a pour objet que de s’appliquer aux douze « dimanches du maire », pour lesquels la question des pénalités financières s’est posée, et de préserver ainsi la liberté de choix des commerçants.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 16 novembre 2016, la commission des Lois procède à l’examen de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l'industrie dans les contrats des groupements d'intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés (n° 4017) (M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur).

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Cette proposition de loi du groupe de l’Union des démocrates et indépendants poursuit un objectif simple et clair : assurer le respect de la liberté du commerce et de l’industrie aux commerçants indépendants qui exercent leur activité dans un centre commercial – sachant que, par liberté du commerce, il faut entendre ici le fait de ne pas être obligé d’avoir une activité commerciale quand on ne le veut pas.

Les centres commerciaux réunissent de grandes enseignes nationales, qui servent de « locomotives », et des commerçants indépendants. Ces commerces ont pris l’habitude de se rassembler au sein de groupements d’intérêt économique (GIE) pour élaborer une politique commune d’aménagement et d’animation et en partager les frais.

En adhérant à un GIE, généralement lorsqu’il signe son bail, le commerçant souscrit à différentes obligations, contreparties du principe de solidarité qui permet le bon fonctionnement de ces centres. Il s’engage par exemple, sous peine de pénalités financières, à respecter des horaires d’ouverture communs à l’ensemble des commerces du centre : on n’imagine pas un centre commercial où certains commerces ouvriraient à neuf heures, d’autres à onze heures, d’autres à quatorze heures, etc. On comprend qu’il soit bénéfique pour tout le monde que l’ensemble des enseignes soient ouvertes au même moment : le centre commercial gagne ainsi en attractivité.

Mais nous sommes confrontés à un nouveau problème : le cas des GIE qui imposent, dans leur règlement intérieur, l’ouverture les dimanches et jours fériés. Cela ne créait pas vraiment de difficulté jusqu’à ce que le nombre de jours concernés soit porté de cinq à douze par an. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », le maire peut, après avis du conseil municipal, autoriser l’ouverture des commerces douze dimanches par an, contre cinq auparavant. Ces douze jours peuvent inclure, dans la limite de trois, des jours fériés, à l’exception du 1er mai, obligatoirement chômé.

Les grandes enseignes ont naturellement souhaité tirer pleinement profit de cette possibilité nouvelle ; mais elles l’ont également imposée, par l’intermédiaire des GIE, aux commerces indépendants faisant partie du même centre commercial. Ces derniers, qui n’avaient pas l’habitude d’ouvrir plusieurs dimanches ou jours fériés, s’y trouvent désormais contraints par le règlement de leur GIE, quand bien même ils n’y auraient pas intérêt, quand bien même ils y perdraient de l’argent, quand bien même leur personnel ne serait pas d’accord.

Le cas le plus emblématique est celui d’un restaurateur du centre commercial Grand Var qui a refusé d’ouvrir le 14 juillet, jugeant qu’il n’aurait pas de clients et constatant que son personnel ne souhaitait pas travailler ce jour-là, et qui s’est vu imposer par son GIE une pénalité financière absurde de 186 000 euros, soit la moitié de son chiffre d’affaires annuel ! Le buzz médiatique a obligé le GIE à revenir à de meilleurs sentiments, mais l’exemple montre qu’un GIE où les grandes surfaces sont majoritaires peut faire pression sur des commerçants indépendants dont la situation est naturellement plus fragile.

Si cette pénalité a finalement été annulée, de nombreux cas comparables ont été recensés dans toute la France. La Confédération des commerçants de France, qui a apporté son soutien à ce restaurateur, nous a dit estimer à plusieurs dizaines, sans doute une centaine, le nombre de commerçants dans la même situation. Les pénalités sont moindres mais tout de même conséquentes, de 3 000 à 20 000 ou 30 000 euros. Ce genre de conflits se développe donc, sans compter ceux qui ne sont pas signalés parce que le commerçant, prévenu par le GIE qu’il risque une amende, renonce de lui-même à sa liberté de commerce.

Que faire ?

D’abord, décider, comme l’a déjà fait à plusieurs reprises notre Parlement, que les jours fériés et les dimanches ne sont pas des jours comme les autres. Dès lors, le règlement des GIE ne peut pas s’appliquer avec la même force et prévoir les mêmes pénalités ces jours-là que les autres jours. Tel est l’objet de la proposition de loi.

Au cours de la phase d’auditions, les représentants du Conseil national des centres commerciaux (CNCC) m’ont dit qu’il était inutile de légiférer – c’était sans doute prévisible – puisque le commerçant, ayant signé un contrat, sait ce à quoi il s’est engagé et doit en assumer les conséquences. J’observe tout de même que les commerçants en question ne se sont jamais engagés à ouvrir douze dimanches par an et certains jours fériés alors que cela leur fait perdre de l’argent ! Le CNCC affirme que les intérêts du gestionnaire du centre commercial et des petits commerces convergent ; ce n’est pas l’avis de nombre de petits commerçants. Toujours selon le CNCC, le centre commercial n’aurait pas intérêt à ce qu’un petit commerçant ouvre à perte ou paie des pénalités financières qui mettraient en péril son activité. Mais, la plupart du temps, les gestionnaires des centres commerciaux sont choisis par la majorité au sein du centre commercial, constituée des grandes enseignes, parfois rassemblées.

La réalité est donc bien différente de ce que nous avons pu entendre. Les nombreux cas que j’ai évoqués témoignent de l’inégalité du rapport de forces : c’est « le pot de terre contre le pot de fer », selon l’expression du vice-président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CTFC), M. Joseph Thouvenel, que nous avons également entendu.

Les règles de majorité au sein des GIE sont telles que ce sont presque toujours les grandes enseignes nationales qui décident in fine quand ouvrir, contre l’avis des petits commerces, notamment parce que les dates choisies ne sont pas celles qui semblent aux petits commerçants les plus avantageuses. En effet, les grandes enseignes sont souvent soumises à une stratégie publicitaire nationale qui impose l’ouverture même si les petits commerçants ne sont pas d’accord. On aurait pu envisager de revoir ces règles ; plusieurs représentants l’ont demandé au cours des auditions. Mais, selon votre rapporteur, ce serait ouvrir « la boîte de Pandore » : cela supposerait par exemple de modifier les règles fixant la répartition des charges ou le montant des loyers ; de manière générale, cela créerait bien plus de difficultés que la proposition qui vous est soumise.

Son principe, très simple, résout le problème en rétablissant l’équilibre dans les rapports entre les grandes surfaces et les commerçants indépendants des centres commerciaux. Il s’agit d’interdire dans les règlements des GIE – qui contiennent déjà plusieurs clauses d’exclusion – toute clause qui imposerait aux commerçants d’ouvrir les dimanches et jours fériés. Voilà qui prend acte du fait que ces jours ne sont pas des jours comme les autres ; qui contraindra les grandes enseignes à discuter davantage d’égal à égal, donc plus réellement, avec les indépendants ; qui rappelle le principe de liberté du commerce et de l’industrie, principe constitutionnel, sous la forme de la liberté d’entreprendre, depuis 1982.

À l’heure actuelle, si un cas de ce type était porté en justice, il pourrait donner lieu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). En effet, la liberté du commerce, ce n’est pas l’obligation de commercer, et un commerçant pourrait assez facilement faire valoir ce droit constitutionnel fondamental.

Mon idée, née des auditions, est également d’exclure de ce dispositif, par voie d’amendement, les zones touristiques internationales et les zones commerciales, dont l’objet même, selon la « loi Macron », est d’être ouvertes toute l’année.

Je souhaite que, par cette proposition de loi, nous comblions un vide juridique né de la « loi Macron » et fournissions aux commerçants indépendants un moyen de s’opposer au bon vouloir des grandes enseignes et d’exercer librement leur activité. S’il convient d’homogénéiser l’activité au sein du centre commercial le reste du temps, les dimanches et les jours fériés doivent faire l’objet d’un traitement spécifique et l’avis des commerçants – des chefs d’entreprise – et des salariés doit être pris en considération. On pourrait m’objecter que, dans la « loi Macron », l’avis des salariés est censé être requis ; mais ce n’est pas le cas lorsque des conventions collectives prévoient le contraire, notamment dans la restauration, où les salariés sont tenus de travailler en fonction des besoins de l’entreprise. Le dispositif proposé résoudrait les conflits et résorberait les inégalités sans déstabiliser par ailleurs le fonctionnement global des GIE.

Nous qui avons tous, malheureusement sans doute, l’occasion de fréquenter des centres commerciaux savons que, même lorsqu’une opération promotionnelle exceptionnelle y est organisée, c’est d’abord pour la grande enseigne nationale que les clients s’y rendent le dimanche, et non en espérant se procurer tout ce qu’ils trouvent habituellement dans la galerie.

Pour ces raisons, j’espère que la proposition de loi recueillera votre assentiment.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Avant de donner la parole aux représentants des groupes puis aux autres orateurs, j’appelle votre attention sur le fait que notre rapporteur a déposé in extremis un amendement à l’article unique qui tend à en modifier les deux dernières phrases. Je vous invite à tenir compte, le cas échéant, de cette modification dans vos observations.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je m’exprime au nom du groupe Les Républicains. Je suis résolument favorable à cette proposition de loi. Je me demande simplement s’il ne faudrait pas vérifier qu’elle ne pose pas de problèmes eu égard au droit local d’Alsace-Moselle. S’agissant du travail dominical, nous avions en effet dû introduire dans la loi un alinéa qui était à mon avis superfétatoire, mais cette vérification en vaut la peine si l’on veut éviter une future QPC.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Pour le groupe Socialiste, écologiste et républicain, la difficulté que pointe la proposition de loi est indéniable. L’affaire médiatisée qui a été citée nous a d’ailleurs tous émus, à différents titres. Se pose en outre le problème du vide créé par la « loi Macron ».

Toutefois, l’enjeu est ici d’arbitrer entre deux principes constitutionnels d’égale valeur : la liberté du commerce, d’une part, la liberté contractuelle, de l’autre. L’atteinte législative à la liberté contractuelle doit être justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Or nous ne disposons pas à ce stade des garanties que le motif invoqué est suffisant. Le problème est réel, mais la solution qui nous est proposée est-elle la bonne ? Nous manquons d’éléments et de recul pour en juger, d’autant que la proposition de loi est, en tant que telle, dépourvue d’étude d’impact.

Pour ces raisons, notre groupe ne peut voter ce texte. Nous nous interrogeons sur la nécessité de le retravailler et les modalités selon lesquelles il faudrait le faire.

M. Paul Molac. Pour ma part, j’insisterai plutôt sur la concurrence que ces centres commerciaux livrent souvent aux petits commerces de centre-ville ou de centre-bourg. En outre, l’idée d’une société qui passe ses dimanches à consommer me laisse quelque peu perplexe. On sait qui paiera, toujours les mêmes : les femmes employées à temps partiel et qui devront signer un contrat stipulant qu’elles travaillent le dimanche. À mes yeux, le dimanche est fait pour autre chose : pour la famille, pour la culture, pour l’action caritative. Je le sais pour être un député de terrain qui passe beaucoup de temps à circuler dans sa circonscription. Je suis donc très opposé à l’ouverture dominicale.

J’entends dire que le texte serait « mal ficelé » du point de vue juridique ; j’attends des explications sur ce point.

M. Jacques Bompard. Je suis particulièrement heureux de soutenir ce texte de loi qui fait obstacle à l’obligation d’ouvrir le dimanche. En France, le dimanche est chômé par la majeure partie des éléments non vitaux de notre économie, de nos services et de notre administration. Il est excellent qu’il en aille ainsi, et les sirènes de la libéralisation ne devraient pas remettre en cause les privilèges issus de l’histoire.

L’histoire, justement, nous apprend qu’il est un temps pour l’otium, pour le loisir, qui nous sort du travail et permet l’expression de formes tout aussi essentielles de la vie, dont la vie locale et communautaire. Que des GIE veuillent forcer des commerces à ouvrir le dimanche ou d’autres jours symboliques est révoltant, du point de vue de l’éthique mais aussi de l’organisation politique, tant cela sanctionne un modèle qui favorise le gigantisme au détriment des corps intermédiaires indépendants.

La préservation du dimanche chômé devrait être une cause politique bien plus largement défendue.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je suis tout à fait d’accord avec Marie-Jo Zimmermann : cette proposition de loi est pertinente. Elle met en évidence un vide juridique et l’affrontement de deux libertés : celle du commerce et de l’industrie et celle de contracter.

En dehors des auditions, le texte a-t-il fait l’objet d’analyses juridiques ? Qu’en est-il de la jurisprudence du Conseil d’État, de la Cour de cassation, et de la jurisprudence communautaire en ce qui concerne les contours de ces libertés et les clauses nulles et non avenues car abusives ?

Mme Cécile Untermaier. Comme tous ici, je trouve intéressant le dispositif qui nous est proposé. Il nous manque toutefois, surtout s’agissant d’un sujet aussi complexe, une étude d’impact qui nous permettrait d’apprécier l’existence d’une pression des GIE sur les commerces. Pour ma part, en effet, j’en étais restée à la liberté d’adhésion au GIE dont bénéficient les commerces : il s’agit d’un dispositif légal auquel ils peuvent ou non souscrire. Faut-il donc légiférer, dès lors que s’entrechoquent ici les deux principes fondamentaux que sont la liberté du commerce et la liberté contractuelle ? Ne faut-il pas plutôt approfondir l’analyse eu égard à cette liberté d’adhésion au GIE ? Ainsi, dans quelles conditions un commerce peut-il se soustraire au GIE en raison d’une clause léonine ou inapplicable ?

M. le rapporteur. Je remercie Mme Zimmermann de son soutien. En ce qui concerne le droit local d’Alsace-Moselle, nous allons vérifier et nous modifierons le texte si nécessaire d’ici à la séance publique. S’agissant du risque de QPC, cette proposition de loi permet en tout cas d’en éviter certaines qui n’auraient pas manqué d’être soulevées. C’est un autre des ses avantages, outre le rééquilibrage des relations entre les petits et les gros – l’on peut certes préférer défendre les gros ; c’est un choix.

Madame Chapdelaine, en réalité, la question de l’arbitrage entre les deux principes constitutionnels que sont la liberté du commerce et la liberté contractuelle ne se pose pas, pour deux raisons. Premièrement, la liberté contractuelle reste ici entière : on conserve le droit de contracter, y compris moyennant les restrictions que nous indiquons. Au demeurant, la liberté contractuelle n’est jamais totale dans notre pays, dans la mesure où elle est encadrée par la loi et par l’existence de clauses jugées abusives. Il ne vous est pas demandé de vous substituer au Conseil constitutionnel pour déterminer comment concilier ces deux principes, mais bien de décider si une clause est abusive.

Est-il abusif que, par la constitution même des centres commerciaux, ce soit la plupart du temps les grandes enseignes qui y détiennent la majorité, soit seules, pour le supermarché, soit avec le concours d’une ou deux enseignes nationales avec lesquelles, par l’intermédiaire de sociétés foncières, elles ont créé le centre commercial ? C’est la réalité, telle que nous l’observons dans l’ensemble du territoire : les jours et les règles d’ouverture sont fixés par la puissance financière et commerciale de ces grandes enseignes, le cas échéant au mépris et au détriment des petits commerçants.

Dès lors, il n’est pas illégitime, du point de vue constitutionnel, de limiter la liberté contractuelle. Et c’est le principe même de cette loi que de tenter de rééquilibrer les choses pour éviter toute forme de clause abusive.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Monsieur le rapporteur, toutes les clauses qu’il faut accepter pour adhérer à un GIE ne résultent-elles pas par nature de ce rapport de force inégal entre les parties ?

M. le rapporteur. Non : la loi – la partie législative du code de commerce – limite déjà les dispositions contractuelles qui régissent un GIE, le législateur ayant considéré par le passé, dans sa grande sagesse, que l’on ne pouvait pas donner libre cours à la liberté contractuelle dans ces centres commerciaux. Cela n’a d’ailleurs pas posé de problème au Conseil constitutionnel. J’irais même jusqu’à dire que, si nous ne votons pas le texte, le Conseil constitutionnel n’aura jamais à en connaître ; en revanche, dans cette hypothèse, il sera inévitablement confronté à une QPC.

Le commerçant dont j’ai cité l’exemple, qui était manifestement décidé à aller jusqu’au bout, a fait le buzz dans les médias et son avocat a commencé à engager certaines démarches, qui pouvaient inclure le dépôt d’une QPC. Les centres commerciaux, qui se connaissent et se regroupent, savaient que, juridiquement, ils allaient à l’encontre d’un principe constitutionnel : la liberté du commerce, laquelle ne peut devenir une obligation de commercer – pour des raisons qui ont été négligées par l’étude d’impact de la « loi Macron ». Je n’imagine pas le Conseil constitutionnel déclarer un jour qu’il existe une obligation de commercer en dehors d’un cadre raisonnable pour un centre commercial : dans la semaine, aux heures d’activité normales.

Il ne faudrait pas que l’Assemblée nationale donne l’impression de protéger les grandes enseignes sous prétexte que le Conseil constitutionnel ne se prononcerait pas. Si d’aventure une difficulté se posait, il pourrait se prononcer, et je ne vois pas pourquoi la restriction que nous proposons serait moins légitime que les autres restrictions prévues par le code de commerce.

Monsieur Molac, je vous assure que je n’avais pas du tout l’intention de rouvrir le débat sur le travail du dimanche. Le vice-président de la CFTC m’a tenu des propos similaires aux vôtres et à ceux de M. Bompard ou de Mme Zimmermann. Mais nous avons déjà eu cet important débat, au cours duquel les positions ont pu évoluer ou se figer. Le problème que je veux soulever aujourd’hui est la faille que nous avons alors laissé subsister et qui me paraît aisée à résorber ; non en modifiant les règles de décision au sein des GIE, ce qui entraînerait des problèmes nombreux et complexes, mais en excluant les dimanches et jours fériés parce que nous les jugeons différents des autres jours de la semaine. C’est précisément pour ces raisons que M. Bompard soutient notre proposition de loi : parce que ces jours-là ne doivent pas être considérés comme normaux.

Il s’agit aussi de rétablir l’équilibre au profit du droit du commerçant et de celui de ses salariés lorsqu’il existe des conventions collectives qui obligent ces derniers à travailler à la demande de l’employeur.

Quelle est en effet la situation ? Un GIE décide d’un jour d’ouverture dans un centre commercial. Ceux des commerces qui sont régis par des conventions collectives ne prévoyant pas l’obligation pour les salariés de travailler quand l’employeur le leur demande seront fermés puisque, aux termes de la loi, celui-ci doit recueillir l’accord écrit des salariés pour pouvoir ouvrir. En revanche, lorsque les conventions collectives prévoient cette obligation, cet accord n’est plus nécessaire et les salariés sont obligés de travailler, au risque sinon de rompre leur contrat de travail. Dans un tel cas, un GIE peut alors obliger un commerçant à ouvrir malgré lui, en le menaçant, s’il refuse, de lui infliger des pénalités qui, exorbitantes ou non, porteront atteinte à son commerce. Cela revient finalement à faire travailler des salariés et un commerçant à perte au bénéfice d’une grande enseigne sans même que nous ayons créé les conditions de la concertation. Disons les choses simplement : aucun commerçant en France ne refusera d’ouvrir s’il a la possibilité de faire des affaires. C’est logique dès lors que la survie de son entreprise est en jeu. Et peu de salariés refuseraient de travailler dans un tel contexte, surtout dans un centre commercial !

Je vous remercie de votre soutien, monsieur Morel-A-L’Huissier. Non, il n’y a pas de jurisprudence en la matière et pour une raison qui devrait nous troubler : jamais un commerçant n’est allé au bout du rapport de force. La seule fois où cela s’est produit, c’est au Grand Var. Ce centre commercial, qui a voulu infliger au commerçant récalcitrant une pénalité fixée dans un premier temps à 186 000 euros puis ramenée à quelque 10 000 euros, a en effet reculé devant la détermination du commerçant à saisir le Conseil constitutionnel : il savait que cette procédure ne tenait pas la route et qu’il risquait de déstabiliser tout le reste de l’édifice.

Je reconnais bien volontiers, chers collègues, ne pas avoir la capacité de faire une étude d’impact. Mais nous n’en avons pas eu non plus s’agissant de l’excellente proposition de loi de Maina Sage que nous venons d’adopter à l’unanimité. Or, il est plus difficile d’évaluer l’impact d’un texte sur la Polynésie française que celui de dispositions visant à interdire d’imposer la loi du plus fort en matière de travail le dimanche et les jours fériés. Ma proposition n’aura aucun autre effet sur les centres commerciaux. J’ai évacué tous les autres aspects du problème afin précisément de trouver une solution.

Encore une fois, il n’y a pas de jurisprudence parce que les commerçants ne peuvent pas aller au bout de la procédure. Je reprendrai ici l’exemple d’un buraliste dont le commerce est en équilibre économique précaire, compte tenu des loyers élevés qu’il a à payer dans un centre commercial et de la faiblesse des commissions qu’il perçoit sur ce qu’il vend au nom de l’État. Si on le menace de devoir payer ne serait-ce que 3 000 euros de pénalités, il abandonnera le combat et acceptera d’ouvrir contre son gré. Est-ce bien normal ? Imaginons maintenant que le commerçant se voie appliquer la pénalité, le fait qu’il saisisse les tribunaux lui fera courir un second risque, beaucoup plus insidieux : le non-renouvellement de son bail. La plupart des baux signés dans les centres commerciaux prévoient en effet l’obligation d’adhérer à un GIE ou, depuis peu, à une association – ce qui revient finalement au même en termes de procédure. Le commerçant qui saisit les tribunaux risque donc de ne pas pouvoir renouveler son bail. Dans le centre commercial du Grand Var, ce n’est pas un mais douze commerçants qui étaient confrontés au problème que j’ai évoqué. Si les onze autres n’ont pas engagé la moindre procédure, c’est notamment parce que le bail de deux d’entre eux était presque arrivé à son terme. L’Assemblée nationale doit-elle considérer le problème comme étranger à ses préoccupations et attendre avant de réagir – ce qui, entre nous, fait l’affaire de ces puissances commerciales ?

Madame Untermaier, il ressort d’un sondage réalisé par la CGPME, et ayant donné lieu à bien plus de réponses qu’habituellement, que, dans les centre commerciaux, 62 % des commerçants interrogés adhèrent à un GIE ou à une franchise. Mais leur contrat a changé : les commerces ont dû passer de cinq à douze ouvertures par an le dimanche, sans compter les jours fériés. Les commerçants pourraient certes formuler une demande reconventionnelle devant la justice mais encore une fois, ils courraient alors le risque de perdre leur bail, leur fonds de commerce, leur travail et leurs salariés. Vous imaginez bien que le rapport de force est inégal et que la crainte est plus grande chez celui qui a mis toute sa vie dans son commerce. C’est pourquoi je parlais de combat du pot de terre contre le pot de fer.

Le problème est-il réel ou anecdotique ? Je reconnais volontiers que les représentants des centres commerciaux le considèrent comme tel mais pas la CFTC qui s’est retrouvée avec des salariés obligés de travailler – même si elle est, de façon générale, opposée au travail le dimanche. La CGPME confirme, elle aussi, que le problème est bien réel : 23 % des commerçants des GIE sont indépendants ; pour 83 % des commerçants, les sanctions pécuniaires liées au non-respect des conditions d’ouverture et de fermeture sont excessives ; la liberté d’ouvrir ou de fermer son commerce les jours fériés n’est possible que pour 10 % des commerçants interrogés.

Le constat est suffisamment édifiant pour nous permettre d’avoir une opinion. Doit-on laisser perdurer une situation manifestement inéquitable, qui met en difficulté des salariés et des employeurs d’entreprises de taille modeste ? En définitive, nous ne visons qu’à sanctuariser le principe selon lequel le dimanche et les jours fériés doivent être considérés différemment des autres jours de l’année, et qu’à mettre sur un pied d’égalité les salariés qui sont obligés de travailler du fait de leur convention collective et ceux qui ne le sont pas. En pratique, le client entrera dans un centre commercial où certains commerces seront de toute façon fermés tandis que d’autres seront ouverts. Par conséquent, la grande surface ne pourra pas prétexter que la fermeture de certains commerces fera fuir le client. Et ce d’autant plus que ce n’est pas pour aller dans les petits commerces que les clients se rendent dans les centres commerciaux ouverts le dimanche à l’occasion d’opérations de promotion nationale menées par les grandes chaînes : il s’agit pour eux de bénéficier des différentes réductions ainsi proposées.

Je conclurai sur le cas du restaurateur varois : on lui demande d’ouvrir le 14 juillet un restaurant situé dans un centre commercial. Ne croyez-vous pas qu’à cette date, sur la Côte d’Azur, les gens auront plutôt tendance à aller manger au bord de la mer, à l’air libre et au soleil, plutôt que de s’enfermer dans un centre commercial ? Pourquoi obliger à commercer lorsqu’il n’y a pas de clients ? Certes, la grande surface a intérêt à faire venir des clients mais ceux-ci prendront leur repas ailleurs.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, président. Pour avoir participé aux travaux de la commission spéciale sur le projet de « loi Macron », je peux dire que quand un texte comporte une faille, cela peut certes s’expliquer par un oubli mais aussi, parfois, par l’impossibilité de régler certains problèmes. Je ne suis pas certain que sur le sujet qui nous occupe, la loi ait été en mesure de parer à toutes les difficultés que soulève sa mise en œuvre.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
(art. L. 251-8 du code de commerce)

Inscription du principe de liberté du commerce dans les contrats des groupements d’intérêt économique

Le présent article vise à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie par les contrats des groupements d’intérêt économique (GIE) et à interdire toute clause obligeant les sociétés commerciales à exercer leur activité les dimanches et les jours fériés.

Apparus en France au début des années 1970, les centres commerciaux présentent la particularité de regrouper, généralement autour d’une grande enseigne qui sert de « locomotive », plusieurs commerçants indépendants.

L’article L. 720-6 du code de commerce donne de ces centres une définition précise : il s’agit de magasins « réunis sur un même site » et qui « ont été conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier » ou qui « bénéficient d’aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l’accès des divers établissements », « font l’objet d’une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l’utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes » ou encore « sont réunis par une structure juridique commune ».

Les différents commerçants qui composent un centre commercial ont pris l’habitude de se regrouper dans des groupements d’intérêt économique (GIE) afin notamment d’élaborer une politique commune d’aménagement et d’animation du centre et d’en partager les frais.

Selon l’article L. 251-1 du code de commerce, un groupement d’intérêt économique a pour but de « faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité » mais pas de « réaliser des bénéfices pour lui-même ».

L’organisation du groupement est déterminée par un contrat qui comprend notamment sa dénomination, les noms, raison sociale et forme juridique de chacun des membres, la durée pour laquelle il est constitué et son objet (5). Le groupement est administré par une ou plusieurs personnes (6) tandis que l’assemblée des membres du groupement est habilitée à prendre toute les décisions dans les conditions déterminées par le contrat (7). Celui-ci prévoit également les conditions de quorum et de majorité nécessaires à l’adoption des décisions ainsi que le nombre de voix dont dispose chaque membre du groupement (8), à l’image de ce qui est prévu dans les règlements de copropriété.

En adhérant à un GIE, le commerçant souscrit donc à un certain nombre d’obligations, fixées par le contrat constitutif du groupement. Celui-ci peut notamment prévoir des horaires d’ouverture communs à tous les commerces, selon la logique de solidarité qu’implique le fonctionnement des centres commerciaux : pour attirer et retenir les clients des centres commerciaux, il est en effet préférable que toutes les enseignes soient ouvertes au même moment. Le non-respect de ces horaires est généralement assorti de pénalités financières, prévues par le contrat du GIE.

Dans de nombreux cas, le contrat de ces GIE impose également aux commerçants d’ouvrir certains dimanches et jours fériés. Si cela posait peu de difficultés par le passé, compte tenu du nombre limité de jours concernés, l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – dite « loi Macron » –, qui a assoupli les conditions d’ouverture des commerces le dimanche, a modifié cet équilibre.

Outre les cas particuliers des zones touristiques internationales, des zones commerciales, des zones touristiques et de certaines gares (9), le nombre de dimanches travaillés peut en effet être désormais porté à douze par an, contre cinq auparavant, par le maire, après avis du conseil municipal (10). Ces douze jours travaillés peuvent inclure, dans la limite de trois (11), des jours fériés prévus par la loi (12), à l’exception du 1er mai, qui est obligatoirement chômé (13).

De nombreux commerces indépendants qui n’avaient pas jusqu’ici l’habitude d’ouvrir certains dimanches ou jours fériés se trouvent donc désormais contraints, du fait de leur adhésion au GIE du centre commercial et de l’augmentation du quota de dimanches et jours fériés ouvrables, de le faire.

De manière assez paradoxale, la « loi Macron », qui avait notamment pour ambition de libérer le commerce de certaines contraintes, a donc eu pour conséquence indirecte de limiter la liberté d’appréciation de nombre de commerces indépendants.

Ces derniers, tenus par le principe de solidarité qui prévaut dans le fonctionnement des centres commerciaux, sont désormais obligés, au risque de se voir appliquer des pénalités financières de la part du GIE auquel ils appartiennent, d’ouvrir un grand nombre de dimanches et jours fériés, sans avoir eu le temps d’adapter leur organisation en conséquence et sans que cela ne se justifie nécessairement au regard du chiffre d’affaires espéré.

La Confédération des commerçants de France (CDF) a recensé un grand nombre de cas où les intérêts des commerçants indépendants et des grandes enseignes des centres commerciaux étaient divergents, l’exemple le plus emblématique étant celui du centre commercial Grand Var.

Pénalités excessives : l’exemple du centre commercial Grand Var

Suite à leur décision de rester fermés le 14 juillet 2016, douze commerçants du centre commercial Grand Var, à La Valette-du-Var, se sont vu imposer des pénalités financières extrêmement élevées de la part du GIE Grand Var : de 15 000 euros à plus de 186 000 euros selon la surface du commerce concerné.

Ces pénalités avaient été calculées en appliquant à l’intégralité de la journée du 14 juillet l’infraction de dix euros HT par m² et par tranche de cinq minutes en cas de non-respect de l’amplitude horaire prévue par le règlement du GIE.

Cette décision a naturellement suscité une vive émotion des commerçants concernés, pour qui la pénalité pouvait représenter une part très importante de leur chiffre d’affaires annuel. Surtout, si le règlement du GIE imposait effectivement d’ouvrir six jours fériés ainsi que sept dimanches en 2016, il ne précisait pas expressément le montant des pénalités à appliquer en cas de non ouverture.

Dénonçant le traitement qui lui était ainsi infligé, le gérant d’une brasserie, M. Patrick Brun, a lancé une pétition et reçu de nombreux soutiens suite à la médiatisation de cette affaire.

Après plusieurs semaines d’échanges entre l’administration du GIE et les commerçants, il a finalement été décidé de ne pas appliquer la pénalité initialement envisagée pour lui substituer un montant forfaitaire, plus raisonnable, et de modifier le règlement du GIE en ce sens.

Face aux grandes enseignes, les commerçants indépendants se trouvent aujourd’hui dans la situation du « pot de terre contre le pot de fer » selon l’expression utilisée par M. Joseph Thouvenel, vice-président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Ne disposant pas, compte tenu de la surface de leurs commerces, d’un nombre de voix suffisant lors des votes des assemblées des GIE, ils sont contraints d’appliquer des décisions prises par les grands groupes, ce qui constitue incontestablement une atteinte au principe de liberté du commerce et de l’industrie.

Le présent article complète l’article L. 251-8 du code de commerce, qui a trait au contenu du contrat de groupement d’intérêt économique, afin d’y préciser que ce contrat « est tenu de respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie ».

Plutôt que de réformer la représentativité des centres commerciaux au sein des GIE, ce qui aurait eu pour conséquence de changer la valeur locative des locaux qui s’y trouvent (14), votre rapporteur juge préférable de rappeler ce principe de liberté du commerce dans la loi.

Le principe de liberté du commerce et de l’industrie a été reconnu par l’article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 – dite loi « d’Allarde » – et consacré comme principe général du droit par le Conseil d’État (Conseil d’État, Ass, 22 juin 1951, Daudignac).

Surtout, il a été qualifié de principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel sous la forme de la liberté d’entreprendre dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 : « la liberté qui, aux termes de l’article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d’entreprendre ».

Après quelques inflexions, le Conseil a, dans sa décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, adopté le considérant de principe dont il fait toujours usage depuis : « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (cons. 14).

Par conséquent, toute limitation de cette liberté doit être justifiée par une exigence constitutionnelle ou par un motif d’intérêt général. L’examen de la jurisprudence du Conseil montre que cette protection s’étend aux deux composantes de cette liberté : la liberté d’accéder à une profession ou une activité économique et la liberté dans l’exercice de cette profession et de cette activité.

Il est difficile de contester que le choix d’ouvrir ou non son commerce ne soit pas une composante de cette liberté d’entreprendre protégée par le Conseil constitutionnel. Le présent article propose donc de le rappeler dans la loi et de préciser, en outre, que les contrats des GIE à vocation commerciale ne peuvent « prévoir d’obligation pour les sociétés commerciales parties au contrat d’ouvrir et d’exercer leurs activités les dimanches et les jours fériés » et que « toute clause contraire est réputée non écrite ».

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a adopté un amendement de précision qui limite le champ d’application de la présente proposition de loi aux seuls « dimanches du maire » prévus aux articles L. 3132-26 à L. 3132-27-1 du code du travail. C’est en effet dans ce cadre que les difficultés liées à l’augmentation du nombre de jours travaillés ont été rencontrées.

La situation est toute autre dans les zones touristiques internationales, zones touristiques ou zones commerciales, prévues aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 du code du travail, pour qui la dérogation au repos dominical est fondée sur un critère géographique. Le principe même de ces zones est qu’elles puissent être ouvertes toute l’année et il n’est pas question de remettre en cause leur fonctionnement.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement est le fruit des auditions que j’ai menées en tant que rapporteur. Il vise à préciser que l’interdiction, faite aux GIE, d’imposer l’ouverture les dimanches et jours fériés dans une galerie commerciale ne s’applique évidemment pas dans les zones touristiques internationales ni dans les zones commerciales définies dans la « loi Macron » et dont l’objet même est d’ouvrir cinquante-deux dimanches par an.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article unique ainsi modifié.

En conséquence la proposition de loi modifiée est adoptée.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés (n° 4017), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés

Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie dans les contrats des groupements d’intérêt économique et à interdire toute clause obligeant les commerces à ouvrir les dimanches et les jours fériés

Code de commerce

Article unique

Article unique

Art. L. 251-8. – I. – Le contrat de groupement d’intérêt économique détermine l’organisation du groupement, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Il est établi par écrit et publié selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.

L’article L. 251-8 du code de commerce est complété par un IV ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

II. – Le contrat contient notamment les indications suivantes :

   

1° La dénomination du groupement ;

   

2° Les nom, raison sociale ou dénomination sociale, la forme juridique, l’adresse du domicile ou du siège social et, s’il y a lieu, le numéro d’identification de chacun des membres du groupement, ainsi que, selon le cas, la ville où se situe le greffe où il est immatriculé ou la ville où se situe la chambre des métiers où il est inscrit ;

   

3° La durée pour laquelle le groupement est constitué ;

   

4° L’objet du groupement ;

   

5° L’adresse du siège du groupement.

   

III. – Toutes les modifications du contrat sont établies et publiées dans les mêmes conditions que le contrat lui-même. Elles ne sont opposables aux tiers qu’à dater de cette publicité.

   
 

« IV. – Lorsque l’objet du groupement d’intérêt économique est commercial, le contrat est tenu de respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie. Il ne peut ainsi prévoir d’obligation pour les sociétés commerciales parties au contrat d’ouvrir et d’exercer leurs activités les dimanches et les jours fériés. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

« IV. – Lorsque l’objet du groupement d’intérêt économique est commercial, le contrat est tenu de respecter le principe de liberté du commerce et de l’industrie. Toute clause stipulant pour les sociétés commerciales parties au contrat une obligation d’ouverture de leur commerce et l’exercice de leur activité le dimanche ou les jours fériés, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-26 à L. 3132-27-1 du code du travail, est réputée non écrite. »

PERSONNES ENTENDUES

• Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) de Paris :

—  M. Joseph Thouvenel, président.

• Conseil national des centres commerciaux :

—  M. Michel Dessolain, président ;

—  M. Gontron Thuring, délégué général.

• Confédération des commerçants de France :

—  M. Francis Palombi, président ;

—  Mme Sophie Lombard, déléguée générale.

• Centre commercial Grand Var – Restaurant Le Phénix :

—  M. Patrick Brun, gérant.

• Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) :

—  M. Gérald Bohelay, vice-président en charge du commerce.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2009-974 du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

2 () Conseil d’État, Ass., 22 juin 1951, Daudignac

3 () Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982.

4 () Cf notamment les articles 1170 et 1171 du code civil introduits par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

5 () Article L. 251-8 du code de commerce.

6 () Article L. 251-11 du code de commerce.

7 () Article L. 251-10 du code de commerce.

8 () Idem.

9 () Articles L. 3132-24 à L. 3132-25-6 du code du travail.

10 () Article L. 3132-26 du code du travail.

11 () Idem.

12 () Les onze jours fériés prévus par l’article L. 3133-1 du code du travail sont le 1er janvier, le lundi de Pâques, le 1er mai, le 8 mai, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, le 14 juillet, l’Assomption, la Toussaint, le 11 novembre et le jour de Noël.

13 () Article L. 3133-4 du code du travail.

14 () Modifier la répartition des droits de vote au sein de l’assemblée générale des GIE supposerait en effet de modifier également le régime de répartition des charges.