N° 4269
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE |
N° 166
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017 | |
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2016. |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle,
par M. Philippe DURON, Député |
par M. Louis NÈGRE, Sénateur |
(1)Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey, sénateur, Président ; M. Jean-Paul Chanteguet, député, Vice-Président ; M. Louis Nègre, sénateur, M. Philippe Duron, député, Rapporteurs.
Membres titulaires : MM. Patrick Chaize, Rémy Pointereau, Mmes Nicole Bonnefoy, Nicole Bricq, Évelyne Didier, sénateurs ; MM. Gilles Savary, Christophe Bouillon, Yves Albarello, Patrick Ollier, Lionel Tardy, députés.
Membres suppléants : MM. Guillaume Arnell, Jérôme Bignon, Vincent Capo-Canellas, Alain Fouché, Gérard Miquel, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart, sénateurs ; MM. Laurent Grandguillaume, Rémi Pauvros, Mme Suzanne Tallard, MM. Bertrand Pancher, Jacques Krabal, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1re lecture : 3926, 4041 et T.A. 812.
Sénat : 1re lecture : 861 (2015-2016), 77, 78 et T.A. 16 (2016-2017).
Commission mixte paritaire : 167 (2016-2017).
SOMMAIRE
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Pages
Conformément au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle s’est réunie au Sénat le mercredi 30 novembre 2016.
Elle a procédé d'abord à la désignation de son bureau, ainsi constitué :
– M. Hervé Maurey, sénateur, président ;
– M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice-président ;
La commission a également désigné :
– M. Louis Nègre, sénateur ;
– M. Philippe Duron, député ;
comme rapporteurs respectivement pour le Sénat et l’Assemblée nationale.
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* *
M. Hervé Maurey, sénateur, président. – Avant de laisser la parole à nos rapporteurs, souhaitez-vous dire un mot, monsieur Chanteguet ?
M. Jean-Paul Chanteguet, député, vice-président. – Monsieur le président, je vous remercie de nous accueillir au Sénat pour deux commissions mixtes paritaires, dont j’espère qu’elles aboutiront.
M. Hervé Maurey, sénateur, président. – Je forme évidemment le même vœu. Avant de donner la parole aux deux rapporteurs sur le projet de loi relatif au CDG Express, je tiens à saluer leur travail sur ce texte important. Nous sommes tous attachés au principe de cette infrastructure. Nous discutons de ce sujet depuis plus de dix ans ! Notre pays tout entier en a besoin, non la seule Île-de-France. La difficulté majeure est, comme souvent, le financement du projet ; s’y ajoute la question de l’exception à la règle d’or que nous avons adoptée au sein de la loi portant réforme ferroviaire.
Je voudrais aussi saluer l’implication de nos deux rapporteurs, plus généralement, sur les questions relatives au transport ferroviaire et aux infrastructures de transport. Nous avons ici deux spécialistes du sujet : quelles que soient leurs divergences, ils ont du moins une passion commune !
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Le Sénat s’est prononcé favorablement sur ce projet d’intérêt général, dont les bénéfices s’apprécieront sur le temps long. Le principe de la création de cette infrastructure ne soulève aucune difficulté.
La commission du développement durable du Sénat a cherché à faciliter la mise en œuvre juridique de ce montage en sécurisant une éventuelle participation de la Caisse des dépôts et consignations. Elle a également adopté un amendement visant à repousser le délai pour recourir à la procédure spéciale d’extrême urgence et procéder à des expropriations, et ce afin de favoriser la recherche d’accords amiables. Ces deux évolutions sont favorables au projet ; elles figurent dans le texte adopté par le Sénat.
En ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle du projet, le Sénat a exprimé quelques inquiétudes au regard de son impact sur les usagers du RER B. En dépit de l’enveloppe de 125 millions d’euros destinée à financer les investissements nécessaires à la bonne gestion des situations dégradées, d’inévitables perturbations ne manqueront pas d’intervenir, soit pendant la phase de travaux, soit pendant la phase d’exploitation. Il faudra donc bien veiller à respecter les besoins des voyageurs du quotidien.
Le plan de financement reste flou. Le coût de l’infrastructure est actuellement estimé à 1,4 milliard d’euros, hors taxes, aux conditions économiques de 2014. Les équipements nécessaires, dont le matériel roulant, sont évalués à environ 285 millions d’euros. Nous craignons que la somme augmente au fil du temps. Je regrette également que la répartition des 400 à 500 millions d’euros de fonds propres entre Aéroports de Paris (ADP), SNCF Réseau et, éventuellement, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ne soit pas claire à ce stade.
Surtout, notre commission avait supprimé la dérogation à la règle d’or sur l’endettement de SNCF Réseau. Cette exception, même qualifiée d’exceptionnelle, est inacceptable ! Le Sénat, en séance publique, a fait le choix de rétablir cette dérogation, mais par une rédaction qui la rend inapplicable. Je vous proposerai une nouvelle rédaction, qui vise à sauvegarder la règle d’or tout en permettant la réalisation du projet. Celle-ci est éminemment souhaitable mais nous ne pouvons faire fi de l’engagement du Sénat pour sauver la situation financière de la SNCF. Cet engagement a été inscrit dans la loi du 4 août 2014, il doit être respecté. J’y tiens, c’est une question de principe.
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le projet CDG Express est indispensable pour l’intérêt de la capitale, de la région, mais aussi du pays tout entier. C’est un enjeu d’attractivité pour notre territoire, d’efficacité pour l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, dont le trafic va continuer d’augmenter, et de mobilité pour l’Île-de-France. En effet, les infrastructures routières menant à l’aéroport sont presque saturées aujourd’hui – l’autoroute A1 le sera complètement en 2030 – et la liaison ferroviaire par le RER B est mal adaptée, donc peu empruntée par les usagers de l’aéroport. Le CDG Express s’impose, et le Sénat partage à l’évidence cette préoccupation.
Le projet a connu beaucoup de vicissitudes. Le dernier projet de concession globale, qui associait infrastructure et exploitation, n’a hélas pas pu aboutir. Il a fallu reprendre le dossier, de façon très pragmatique. Aucun candidat à la construction de l’infrastructure ne s’était présenté. Il a donc fallu trouver une solution innovante, sous la forme d’une société de projet associant ADP, évidemment très intéressé par cette infrastructure, et SNCF Réseau, qui possède les deux tiers de l’emprise de la future liaison et possède l’expertise nécessaire. Ce projet de loi vise aussi à associer la CDC, qui possède une grande expérience des montages financiers complexes et des problématiques juridiques liées à ce type d’infrastructure, comme en témoigne la rocade L2 de Marseille.
Le Sénat a amélioré le texte adopté par l’Assemblée nationale. Louis Nègre a rappelé les deux articles dont il a été l’excellent rédacteur, sur la CDC et sur le délai d’expropriation afin de favoriser les négociations amiables avec les propriétaires sur les huit kilomètres de ligne projetée entre Mitry-Mory et l’aéroport.
De nombreuses discussions ont eu lieu dans nos deux assemblées sur les questions financières et la règle d’or. Quant au financement, le tour de table n’est pas complètement bouclé. Il faudra attendre l’entrée de la CDC pour savoir comment la répartition de l’apport en capital se fera.
Pour pouvoir emprunter le milliard d’euros nécessaire à l’équilibre du projet, il fallait donner aux banques des gages de confiance : tel était le sens de la taxe sur les billets d’avion initialement prévue. Sur ce point, le Gouvernement a entendu les remarques des parlementaires, nombreux à s’inquiéter de l’avenir d’Air France et donc de l’impact de cette taxe, qui n’apporterait aucun avantage durant la construction de la ligne. Le Gouvernement a accepté de reporter à 2024 l’application de cette taxe ; il proposera, dans le projet de loi de finances rectificative, un moyen de financement intermédiaire pour compenser ce report.
Reste la question de la règle d’or. En politique, il faut souvent choisir entre deux inconvénients. L’orthodoxie, le respect rigoureux de la règle d’or, risquent d’empêcher purement et simplement la réalisation du projet. Or, nous en convenons tous, il est impératif qu’il aboutisse, dans un délai extrêmement contraint. Notre candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ainsi qu’à l’Exposition universelle implique l’achèvement des travaux avant la fin de 2023. Par conséquent, la société de projet doit être montée d’ici à la fin de cette année et les procédures foncières engagées dès le début de 2017.
Il faut trouver un compromis. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté l’amendement déposé par M. Vincent Capo-Canellas. Je vous propose de nous fonder sur cette rédaction, mais de la modifier légèrement pour mieux garantir la sécurité juridique et nous référer de manière plus précise à l’ordonnance du 18 février 2016.
Pourquoi ce besoin de sécurité juridique ? Le montage ici utilisé est tout à fait particulier, il faut le rendre « euro-compatible ». L’Union européenne a déjà fait une exception en acceptant que la création de cette infrastructure ne fasse pas l’objet d’une mise en concurrence. Or elle devra bientôt se prononcer sur le montage financier retenu. Si l’on fait disparaître tout risque pour le concessionnaire, le contrat devient léonin et peut être requalifié d’aide d’État.
Nous devons déterminer comment doter Paris d’une infrastructure qui lui manque cruellement. La plupart des grandes plateformes aéroportuaires mondiales ont une liaison ferroviaire directe avec la métropole qu’elles desservent.
Je veux en outre me démarquer des craintes qui ont été exprimées quant au modèle économique retenu. On me dit que le ticket serait trop cher, mais que recherchent les usagers ? D’abord un temps de parcours réduit, c’est ce qui a fait le succès des lignes à grande vitesse, ensuite le confort de parcours. Si les passagers aériens n’utilisent pas le RER B, c’est parce qu’il est saturé, même en dehors des heures de pointe, qu’il est parfaitement inadapté au transport des bagages et que des incidents de sécurité se sont parfois produits. Ils préfèrent payer la moitié d’une course de taxi pour être sûrs d’arriver à temps, et dans des conditions agréables.
À mon grand regret, on a peu parlé du taux de rendement interne (TRI) projeté pour cette infrastructure. Si la Caisse des dépôts et consignations s’intéresse à ce dossier, c’est bien parce que le TRI n’est pas médiocre : il doit approcher 9 %, niveau tout à fait exceptionnel pour de telles infrastructures. Le volume du trafic aérien ne cesse de croître et, si l’on en croit tous les experts, cela continuera.
M. Patrick Ollier, député. – Permettez-moi d’intervenir, non seulement en tant que député, mais aussi en tant que président de la métropole du Grand Paris. En effet, ce projet de loi est certes d’intérêt national, mais il est regardé avec un œil tout particulier par cette métropole, qui regroupe les 131 communes de l’aire desservie et leurs 7 millions d’habitants. Pour nous, ce projet est essentiel. Le trafic augmente : 65 millions de passagers en 2015. Or 1 million de passagers supplémentaires produisent 400 millions d’euros de valeur ajoutée et 4 500 emplois. La métropole a besoin d’assurer ce développement par des transports rapides.
La métropole du Grand Paris est également partie prenante à la candidature pour les Jeux olympiques. Il est essentiel que le CDG Express soit mis en service en 2023. En effet, des millions de passagers viendront à cette occasion du monde entier ; ce serait une catastrophe nationale si le CDG Express ne fonctionnait pas. Actuellement, on planifie les Jeux olympiques comme si cette infrastructure était déjà créée. Lors des discussions internationales, la première vice-présidente du Grand Paris, Mme Anne Hidalgo, présente le CDG Express comme un acquis. Les mêmes remarques peuvent être faites au sujet de l’Exposition universelle, pour laquelle nous avons également compétence.
Quant au conflit qui existerait entre moyens de transport, on entend des arguments qui sont faux. Après la mise en service du CDG Express, le RER B sera enfin rendu à une logique de transport quotidien, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
J’en viens aux problèmes de financement. Sur ce point, je félicite Louis Nègre pour son excellent travail. Il a pu trouver des améliorations qu’il faut retenir. Il faut pourtant aller un peu plus loin ; je rejoins là-dessus Philippe Duron.
Je n’avais pas approuvé la taxe sur les billets d’avion. On nous a promis une solution…
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Il y aura une solution !
M. Patrick Ollier, député. – …mais c’est un peu lire dans le marc de café ! J’aurais apprécié que le Gouvernement nous présente sa solution avant l’adoption de ce texte.
Sur la règle d’or, il faut être raisonnable. Je pense, comme M. Philippe Duron, que la rédaction issue de l’amendement de M. Vincent Capo-Canellas peut être la source d’un bon compromis.
Quant à la compatibilité avec les règles européennes, les propositions du rapporteur Philippe Duron sécurisent le montage. Je me rallie donc volontiers à cette formule. Je vous demanderai, monsieur Nègre, de prendre en compte ma demande. Cette liaison est d’intérêt national, quand bien même, vue depuis Nice, elle peut paraître moins essentielle qu’elle ne l’est à nos yeux.
Mme Évelyne Didier, sénatrice. – Mon groupe ne nie pas l’intérêt d’améliorer cette desserte. Pour autant, nous considérons que, compte tenu des contraintes budgétaires, bien d’autres projets sont prioritaires, en particulier les liaisons assurées par le RER. Quant au TRI de 9 %, il est au-delà de la normale : il n’y a pas de risque dans cette opération.
M. Bertrand Pancher, député. – Une sorte de malédiction pèse sur la dette ferroviaire : plus elle est importante, plus on la creuse. Le trou est si profond, un peu plus ou un peu moins…
Mme Évelyne Didier, sénatrice. – On la creuse tous les ans, avec les intérêts !
M. Bertrand Pancher, député. – L’orthodoxie budgétaire en matière d’infrastructures de transports a été réaffirmée dans l’excellente réforme ferroviaire conduite par Gilles Savary. La règle est la suivante : toute infrastructure doit être financée uniquement par les usagers et par les contribuables. Certes, il y a ici urgence ; c’est pourquoi le groupe UDI s’est abstenu sur ce texte à l’Assemblée nationale.
Une seconde malédiction pèse sur les calculs d’équilibre. On prévoit toujours le trafic qui équilibre les plans de financement. Et pourtant, cela se passe rarement comme prévu : voyez la ligne Perpignan-Figueras ! Nous ne sommes pas du tout rassurés par les calculs présentés.
La règle d’or, à peine votée, est déjà bafouée. Il semblerait que les sénateurs soient désormais plus jeunes que les députés : ils excellent en concours de gymnastique !
M. Vincent Capo-Canellas, sénateur. – Nous sommes plus sportifs !
M. Bertrand Pancher, député. – C’est bien de la gymnastique, en effet, que de justifier l’exception faite en expliquant qu’elle n’a pas vocation à durer. Tout cela ne nous rassure pas ; c’est pourquoi je m’abstiendrai sur ce texte.
M. Yves Albarello, député. – Ma circonscription contient une partie de la plateforme aéroportuaire de Paris-Charles de Gaulle, dans le nord-ouest de la Seine-et-Marne. Je dois être le seul député à défendre publiquement ce projet, et je voudrais couper court aux ragots selon lesquels ce train, que j’ai qualifié en son temps de train fantôme, serait le train des riches. Tel n’est pas le cas ! C’est un projet important pour la France. La France est la première destination touristique du monde, mais employons-nous les moyens nécessaires pour qu’elle conserve sa place ? Les Américains nous ont dépassés l’an dernier pour les sports d’hiver. Une première place est toujours fragile.
Paris-Charles de Gaulle est devenu la première plateforme aéroportuaire d’Europe du fait du Brexit. Y transitent 65 millions de passagers ; ils seront 100 millions en 2030. Vous qui voyagez connaissez les liaisons directes entre les grands aéroports étrangers et les centres-villes : à Stockholm, capitale d’un pays bien moins peuplé que la France, l’Arlanda Express vous transporte avec tout le confort nécessaire. En revanche, pour rallier la ville lumière depuis Roissy, vous avez le choix entre l’A1, avec un temps de trajet d’une heure et demie et le risque d’être dévalisé par des motards, et le RER B, qui peut mettre deux heures et demie à rejoindre la capitale, avec un arrêt à Sevran-Beaudottes, cœur de l’Île-de-France !
Mme Nicole Bricq, sénatrice. – Et on se fait voler aussi dans le RER !
M. Yves Albarello, député. – La plateforme aéroportuaire est le premier employeur d’Île-de-France. Voulons-nous ou non accueillir les Jeux olympiques et l’Exposition universelle ? Continuons ainsi, et nous passerons pour des ringards !
Quant à la « taxe Chirac » sur les billets d’avion, ne faudrait-il pas la réformer et l’affecter à l’investissement, plutôt que de l’envoyer là où l’on ne sait pas quelle utilisation en est faite ? Il faut faire bouger les choses. On s’est battu autour de la nouvelle taxe sur Air France : certains voulaient ajouter une taxe de 1 euro pour financer cette infrastructure ; nous nous y sommes opposés, et cette taxe a été repoussée à 2024.
Pour ma part, je serai favorable au projet, mais quels moyens de financement complémentaires seront mis en place ? Une nouvelle taxe sur Air France ? Nous n’en voulons pas. Il manque aujourd’hui l’essentiel à ce projet : son financement, qui n’est toujours pas clair. La société ADP dégage 600 millions d’euros de profit par an : ne pourrait-elle pas mettre au pot ?
Pour autant, l’amendement adopté par le Sénat à l’initiative de M. Vincent Capo-Canellas est le bienvenu ; la rédaction qui en résulte, complétée par notre rapporteur, mérite d’être retenue, pour que ce projet aboutisse.
M. Gilles Savary, député. – L’intérêt d’une telle infrastructure n’est pas contestable ; sa réalisation est simplement très tardive ! Notre pays a trop longtemps mené des politiques de transport corporatistes, c’est-à-dire peu intermodales. Ces politiques pénalisent aujourd’hui terriblement la SNCF, qui n’a pas voulu aller dans les ports et les aéroports. Voyez ce qui se passe au port du Havre : seulement 5 % du trafic terrestre entrant et sortant empruntent le chemin de fer.
On est contraint à présent d’opérer un rattrapage, alors que le foncier est cher ; les projets sont donc extrêmement coûteux. Ils ne sont pas pour autant contestables, d’autant que des efforts d’investissement considérables seront faits en parallèle sur le RER B, auquel s’ajoutera la desserte par les lignes du Grand Paris Express. Le transport du quotidien sera substantiellement amélioré dans cette zone de l’agglomération, ce qui répond à une objection majeure.
Nous ne pouvons plus attendre si nous voulons que ce projet soit réalisé à temps pour les grands événements internationaux à l’organisation desquels nous sommes candidats.
Le plan de financement reste flou et ambigu, comme pour toutes les grandes infrastructures. Je suis l’auteur de la règle d’or, dont le but était d’éviter à la SNCF le sort d’Areva : un surinvestissement, résultant de décisions consensuelles… qui mènent droit dans le mur. Aujourd’hui, la SNCF est tout près du mur, son endettement s’alourdit de 3 milliards d’euros chaque année ! La règle d’or ne vise pas à arrêter l’investissement ; mais les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités. C’est pourquoi, lors de la construction d’une nouvelle infrastructure, nous voulons faire en sorte de ne pas pénaliser SNCF Réseau au-delà du taux de retour raisonnable. S’il y a une priorité politique, c’est à l’État d’assumer ses responsabilités, donc au contribuable de payer.
Je pointe ici la faiblesse de ce dossier : on n’a pas prévu de variable d’ajustement par des fonds publics. C’est impossible, du fait de l’adoption, dans la loi de 2010, d’un amendement – ironie du sort – de M. Yves Albarello. Il ne serait pourtant pas aberrant de proclamer un tel projet priorité nationale, et de faire assumer par la collectivité nationale, voire, pour partie, par les collectivités locales d’Île-de-France, les dépenses qui risquent de pénaliser SNCF Réseau.
Il ne faut pas insulter l’avenir : tout ceci est réversible. Ce qu’une loi a fait, une loi peut le défaire. En outre, il ne faut ni aller au-delà de la règle d’or ni pénaliser Air France. Si le financement s’avère insuffisant, ce devrait être à l’État d’assumer la différence.
Il est quelque peu fâcheux qu’on fasse une entorse à la règle d’or au premier dossier venu. J’espère que ce contournement ne fera pas exemple. Ce qui est en jeu est, non pas ma susceptibilité de parlementaire, mais bien l’avenir du système ferroviaire dans son ensemble. On sait comment peuvent se terminer les sociétés de projet censées découpler les risques de SNCF Réseau : dans le cas de la ligne Perpignan-Figueras, dont la construction avait été à l’origine concédée, le poste de pertes a été ramené dans le giron de la SNCF. Cette méthode ne doit pas devenir une habitude.
En somme, il faut suivre l’esprit de la règle d’or. S’il le faut, réajustons les financements de projets par l’emploi marginal de fonds publics. En tout cas, ne compromettons pas ce projet-ci. Je suivrai notre rapporteur.
M. Vincent Capo-Canellas, sénateur. – On débat du financement. On peut déplorer l’absence, aujourd’hui, d’une copie propre, mais peut-être le projet de loi de finances rectificative sera-t-il l’occasion d’avoir une vue plus complète ? Nous avons imposé beaucoup de contraintes, parmi lesquelles l’interdiction du financement public de ce projet. Travailler dans ce cadre n’est pas simple. La déclaration d’utilité publique comporte elle aussi certaines mentions contraignantes. Il faut dès à présent donner un coup de pouce à ce projet, car l’heure est grave : soit ça marche, soit le dossier est – pardonnez le terme – planté !
Comment rassurer les banques ? Il s’agit d’éviter que les banques se tiennent à l’écart. L’amendement adopté à mon initiative visait à trouver une voie médiane. Je remercie Philippe Duron pour l’avoir apprécié, et je comprends tout à fait la nécessité d’en améliorer la rédaction : sa proposition sur ce point ne me pose aucun problème.
Je tiens également à rassurer Yves Albarello, qui a été l’un des rares députés à soutenir cette position. Le consensus n’a pas été simple à bâtir, même au niveau local. Je suis moi aussi usager du RER B ; à mon sens, il ne faut pas opposer les modes de transport : il est nécessaire d’améliorer le RER B mais aussi de créer le CDG Express, pour toutes les raisons rappelées par Patrick Ollier. Il est souhaitable de trouver la bonne formulation, sans se déjuger par rapport à la règle d’or, mais en donnant à ce dossier l’impulsion nécessaire.
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Nous sommes contraints par l’urgence. Ce n’est pas notre faute : nous arrivons à la fin du quinquennat. Certains jugent trop élevé le tarif du passage ; j’estime tout comme Philippe Duron qu’il correspond aux standards internationaux. Nous offrirons un véritable service aux usagers de l’aéroport. Quant à la réforme de la taxe Chirac, j’ai effectivement découvert à l’occasion de ce texte que Bercy nous avait pris au moins dix millions d’euros…
M. Yves Albarello, député. – Vingt !
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Je n’ai pas bien compris par qui la décision avait été prise.
Sur 190 pays, seuls 30 ont signé l’accord relatif à la taxe de solidarité sur les billets d’avion, et seuls 9 la payent, parmi lesquels le Niger et le Cameroun ! Nous sommes donc allés très loin. En tout état de cause, le produit de cet écrêtement aurait pu servir à l’équilibre du plan de financement, aujourd’hui bien flou.
Nous entendons protéger la SNCF, qui en a vraiment besoin. Je crois aux grands principes : si nous avons voté celui de la règle d’or, ce n’est pas pour créer des exceptions exceptionnelles ! L’image du Parlement auprès de nos concitoyens en serait ternie.
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je suis complètement d’accord avec Patrick Ollier quant à l’aspect stratégique de cette infrastructure pour Paris et l’Île-de-France. Lors de la précédente candidature française à l’organisation des Jeux olympiques, il avait déjà été indiqué que le CDG Express se ferait même si le projet français n’était pas retenu. Or il n’en a rien été.
Gilles Savary a évoqué la variable d’ajustement. Selon lui, pour protéger SNCF Réseau, il faudrait du financement public. Ce n’est pourtant pas possible puisque, en 2010, sur proposition d’Yves Albarello, nous nous sommes interdits de le faire.
Certes, une nouvelle mesure législative est toujours possible, mais nous ne disposons pas du temps nécessaire pour ce faire.
Quant à la solution alternative à la taxe aérienne jusqu’en 2024, une réunion interministérielle s’est tenue à ce sujet. Le Premier ministre a entendu les remarques des parlementaires. Il ne m’appartient pas de dire ce qui sera proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de finances rectificative. J’ai cru néanmoins comprendre que ce sera une solution robuste, qui ira dans le sens de vos suggestions aux uns et aux autres.
Cet investissement peut sembler lourd, mais il n’est rien à côté de ce qu’ont coûté les grands projets de LGV pour lesquels on a endetté allègrement RFF, maintenant SNCF Réseau, sans tenir compte de l’article 4 de ses statuts.
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – C’est bien ce qui m’amène à réagir !
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Il faudra effectivement nous montrer très vigilants sur le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest et sur la ligne nouvelle Paris-Normandie, quand bien même nous, Normands, souhaitons vivement la réalisation de cette dernière infrastructure.
M. Hervé Maurey, sénateur, président. – Je doute qu’on la voie très vite !
Une large majorité d’entre nous reconnaît l’intérêt du CDG Express. La difficulté est le financement. De fait, je regrette moi aussi que l’État ne s’y implique pas. Je suis tout à fait d’accord avec Louis Nègre quant à la nécessité de respecter la règle d’or. Nous sommes attachés à cette règle, moins par souci d’orthodoxie qu’en considération de la situation financière de la SNCF. Et avant même la parution des décrets d’application, on y dérogerait ?
La commission procède ensuite à l’examen des dispositions restant en discussion.
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Le mot crucial, dans ma proposition de rédaction n°1, est « rémunérée ». Cela indique qu’il y aura pour SNCF Réseau un retour financier, qui se fera dans les conditions précisées dans l’ordonnance. Cette rédaction est moins précise que celle de l’amendement adopté par le Sénat sur l’initiative de M. Vincent Capo-Canellas, et ce afin de ne pas irriter la Commission européenne et de ne pas inquiéter les participants potentiels à la levée d’emprunt. Ainsi, pour le dire en très mauvais français, nous serons « banquables ».
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Si j’ai déposé une proposition de rédaction n° 2, c’est que celle de M. Duron ne me paraît pas résoudre le problème posé par la dérogation à la règle d’or. Il ne s’agit pas de savoir si la participation de SNCF Réseau sera rentable. Nous voulons un cadre juridique qui autorise cette dérogation tout en posant un garde-fou pour empêcher une prise de risque excessive, d’autant que l’on ne sait pas précisément ce que sera le plan de financement.
Nous proposons donc un principe simple : le montant de la participation en fonds propres de SNCF Réseau doit être calibré pour que, compte tenu du montage financier actuel, élaboré en toute bonne foi, les conséquences à terme ne soient pas négatives pour SNCF Réseau. Autrement dit, si le risque est excessif dans le montage financier, il faudra solliciter davantage l’apport en fonds propres d’ADP que celui de SNCF Réseau, dont les moyens sont moindres. Au vu de la situation respective des deux groupes, cela me paraît une mesure de bon sens et un garde-fou indispensable pour respecter l’esprit de la règle d’or.
Mme Nicole Bricq, sénatrice. – Je soutiens ce projet depuis de nombreuses années au nom de l’attractivité de la France et du territoire francilien. Ma position à l’égard de ce texte est motivée par un principe d’efficacité. La difficulté soulevée par votre proposition de rédaction, monsieur Louis Nègre, est l’absence de risque dans un contrat de concession. Ce n’est pas ce à quoi la Commission européenne a donné son aval ! Par conséquent, l’adoption de votre proposition pourrait mener à l’échec de cette commission mixte paritaire, ce qui serait dommage. Ne prenons pas le risque de repartir à zéro.
En commission mixte paritaire, on essaie de rapprocher les points de vue et de trouver un compromis entre les deux assemblées. La proposition de rédaction de M. Philippe Duron nous mène à ce compromis. M. Vincent Capo-Canellas a voulu donner une chance à la CMP et ce serait notre honneur de parlementaires que de parvenir à un texte commun ce soir.
Ce serait aussi un bon signal. Grâce à des fonds apportés par les collectivités territoriales, on est parvenu à boucler le plan de financement du canal Seine-Nord, autre projet historique. On doit pouvoir faire de même ici ! Je suis donc partisane d’adopter la proposition de rédaction n°1.
M. Louis Nègre, sénateur, rapporteur pour le Sénat. – Le risque sera porté par la société de projet ; je n’ai jamais dit le contraire. Mais dans la répartition interne, il doit être davantage supporté par ADP, qui en a les moyens.
M. Philippe Duron, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas d’accord avec Louis Nègre. Je partage en effet la lecture qu’a faite Nicole Bricq du modèle de la concession. Le garde-fou que M. Louis Nègre propose est bien minime. En effet, la hauteur d’engagement en fonds propres de SNCF Réseau est de l’ordre de 200 millions d’euros. Le garde-fou ferait varier cette participation d’une centaine de millions d’euros, ce qui, par rapport à l’endettement de SNCF Réseau, est extrêmement marginal. En revanche, le risque qu’on ferait ainsi prendre au projet est considérable.
La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.
La commission mixte paritaire adopte l’article 1er bis dans la rédaction issue de ses travaux.
La commission mixte paritaire adopte l’article 1er ter dans la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte l’article 1er quater dans la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte le texte issu de ses délibérations.
Texte adopté par l’Assemblée nationale ___ |
Texte adopté par le Sénat |
Projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
Projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle |
(Conforme) | |
L’ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle est ratifiée. |
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(nouveau) |
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Après le premier alinéa du I de l’article L. 2111-3 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : |
Après le premier alinéa du I de l’article L. 2111-3 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : |
« Le 2° de l’article L. 2111-10-1 n’est pas applicable à la participation de SNCF Réseau |
« Le 2° de l’article L. 2111-10-1 n’est pas applicable à la participation de SNCF Réseau aux fonds propres et quasi-fonds propres de la société mentionnée au premier alinéa du présent I, dès lors que SNCF Réseau bénéficie d’une rentabilité suffisante au titre du projet de liaison ferroviaire Paris-Aéroport Charles de Gaulle. » |
(nouveau) | |
Le 3° du IV de l’article L. 2111-3 du code des transports est abrogé. | |
(nouveau) | |
Au second alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d’une infrastructure ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, les mots : « au plus tard le 31 décembre 2017 » sont remplacés par les mots : « dans le délai de validité de l’acte déclarant d’utilité publique la réalisation de cette infrastructure ferroviaire ». | |
(Conforme) | |
L’article L. 2111-3-1 du code des transports est ainsi modifié : |
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1° (nouveau) La référence : « L. 1242-2 » est remplacée par la référence : « L. 1241-2 » ; |
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2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : |
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« L’État désigne l’exploitant du service de transport de personnes mentionné au premier alinéa du présent article au terme d’une procédure respectant les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence. » |