N° 4364 - Rapport de M. Jean-Patrick Gille sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (n°4357).



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N° 4364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2017.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, ratifiant l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes,

Par M. Jean-Patrick GILLE,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4357.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’INDISPENSABLE REFONDATION D’UNE ASSOCIATION À L’EXISTENCE MENACÉE 7

A. UN PILIER HISTORIQUE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE AU SERVICE DE LA QUALIFICATION 7

B. UN POSITIONNEMENT DÉSTABILISÉ DANS LE NOUVEAU PAYSAGE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 8

1. Une formation professionnelle décentralisée 8

2. Une formation professionnelle soumise au droit de la concurrence 9

C. UNE ASSOCIATION FRAGILISÉE AU BORD DU DÉFAUT DE PAIEMENT 10

1. Un déséquilibre financier chronique 10

2. Un statut associatif dépassé 12

D. LE REDRESSEMENT SALUTAIRE AMORCÉ EN 2012 MALGRÉ DES DIFFICULTÉS INTRINSÈQUES À L’ASSOCIATION 13

1. Un plan de refondation décisif 13

2. Une appartenance consacrée au sein du service public de l’emploi 14

II. LE CHAMP DE L’HABILITATION ACCORDÉE AU GOUVERNEMENT PAR LA LOI RELATIVE AU DIALOGUE SOCIAL ET À L’EMPLOI 15

III. LE CONTENU DU PROJET DE LOI 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

DISCUSSION GÉNÉRALE 17

EXAMEN DE L’ARTICLE 27

Article unique : Ratification de l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes 27

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 37

INTRODUCTION

Une nouvelle AFPA a vu le jour le 1er janvier 2017, l’Agence pour la formation professionnelle des adultes. Approuvée par son conseil d’administration le 22 décembre 2016, la transformation de l’association en établissement public est inscrite dans l’ordonnance du 10 novembre 2016 dont le présent projet de loi prévoit la ratification.

Cette transformation était à la fois attendue et indispensable. Les mutations économiques et institutionnelles du marché du travail exigeaient depuis longtemps une reconversion de l’AFPA selon un nouveau modèle adapté aux logiques d’individualisation, de régionalisation et d’ouverture à la concurrence de la formation professionnelle.

En l’absence d’accompagnement de l’association dans cette transition et de vision stratégique claire sur son positionnement, cette reconversion n’a pu être effectuée que de manière tardive et à marche forcée. De nombreux déséquilibres en ont résulté, d’ordre financier avant tout, avec une association au bord du défaut de paiement, mais également dans son organisation et son fonctionnement, profondément déstabilisés par de nouvelles exigences concurrentielles et entrepreneuriales étrangères à son histoire.

Après les errements d’une tentative de privatisation par étapes et d’un financement sous perfusion, la mise en œuvre d’un plan de refondation de l’AFPA le 15 novembre 2012 marque la première étape de son rétablissement. Sous l’impulsion du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le Gouvernement s’est alors engagé à hauteur de plus de 200 millions d’euros dans le sauvetage de l’association.

Cet engagement aux côtés de l’AFPA témoigne du caractère décisif du choix politique effectué alors, avec le refus d’une « vente à la découpe » de l’association et la remise sur pied d’un acteur clef du système français de qualification professionnelle.

Si des difficultés intrinsèques à l’association persistent, avec en premier lieu l’érosion persistante des parts de marché de l’AFPA face à ses concurrents, son savoir-faire et son expérience devraient toutefois en garantir la survie et l’adaptation au nouveau contexte économique.

La nouvelle entité prévue par le présent projet de loi constitue un retour aux sources pour l’AFPA, dont la mission fut dès l’origine de résoudre la question des mutations de l’emploi. Le changement profond d’orientation de l’établissement doit désormais irriguer l’ensemble de ses activités et structures tout en préservant sa participation essentielle au service public de l’emploi.

L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes a vu ses missions évoluer au fil des transformations de l’association et des nouveaux besoins en qualifications.

Héritière du Centre de formation professionnelle des jeunes chômeurs (CFPJD), créé en 1934 à l’initiative des partenaires sociaux, l’association a initialement pour principales missions la sélection et la qualification d’une main d’œuvre ouvrière. En réaction à la crise économique des années 1930 puis à l’effort de guerre, l’association prend dès l’origine la forme d’une structure centralisée soumise au régime d’agrément par le ministère du Travail. L’ensemble des centres de formation suivront ensuite ce modèle, tout en voyant leur gestion par les partenaires sociaux préservée.

Après une parenthèse de réquisition au lendemain de la Libération, les associations préexistantes sont rassemblées en 1949 au sein de l’Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d’œuvre (ANIFRMO). Contrôlée et financée par l’État, cette association devient le pilier administratif et réglementaire du réseau des centres professionnels. Le principe d’une cogestion de la politique de formation professionnelle avec les partenaires sociaux est néanmoins maintenu pour ce droit désormais inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

L’AFPA, sous sa forme actuelle, est finalement créée en 1965, préservant sa structure centralisée et le pilotage de son action à l’échelle nationale. Son action tarde alors à s’adapter aux évolutions du marché du travail et aux aspirations de ses nouveaux entrants. Centrée sur un savoir-faire dans le secteur secondaire, son offre relative aux métiers du bâtiment et de l’industrie s’écarte des attentes des jeunes actifs et des salariés mobilisant leur nouveau congé de formation. Les organismes concurrents se sont alors approprié le marché de la formation dans le secteur tertiaire.

Les années 1980 marquent ensuite la réorientation de l’association vers la formation des demandeurs d’emploi. Là encore, les mutations du marché du travail et l’augmentation ininterrompue du nombre de chômeurs placent l’AFPA devant de nouvelles difficultés que les subventions de l’État ne suffisent pas à compenser. La décentralisation de la formation professionnelle et son ouverture au droit de la concurrence amplifieront ensuite ces difficultés (voir infra).

Au-delà de l’adaptation de ses missions et de son appellation, l’AFPA a conservé comme fil directeur la qualification de la main d’œuvre et a placé son expertise et son savoir-faire techniques à son service. En dépit de ses difficultés actuelles, l’association demeure le premier organisme de formation professionnelle qualifiante. Formant chaque année 80 000 demandeurs d’emploi, l’AFPA conserve une utilité à la fois sociale et économique, près des deux tiers de ses stagiaires trouvant un emploi dans les six mois suivants leur formation.

La multiplicité des difficultés qu’elle rencontre rend néanmoins indispensable de repenser son fonctionnement et son organisation, dans le cadre d’une nouvelle entité prévue par le présent projet de loi.

Deux évolutions centrales du système français de formation professionnelle ont eu un impact direct sur l’activité et les moyens de l’AFPA : la décentralisation de cette compétence, d’une part ; la soumission au droit de la concurrence, d’autre part.

La mise en œuvre de la décentralisation constitue la première transformation de fond de notre système de formation professionnelle. Elle avait pour ambition de faciliter l’appropriation du droit à la formation professionnelle, consacré par la loi fondatrice du 16 juillet 1971 (1).

Amorcé par les deux premières lois de décentralisation, dites « lois Deferre » (2), ce processus s’est poursuivi avec la consécration d’une compétence renforcée puis exclusive des régions en matière de formation professionnelle par la loi du 13 août 2004 (3) et celle du 5 mars 2014 (4).

L’AFPA a donc progressivement exercé ses missions dans un cadre décentralisé tout en restant, jusqu’à récemment, placée sous la tutelle de l’État. L’écart entre une formation professionnelle régionalisée et une structure centralisée n’a alors cessé de grandir, nourrissant des difficultés de fonctionnement et de financement.

S’agissant du financement de l’association, plus spécifiquement, qui reposait initialement sur des crédits budgétaires de l’État, le processus de décentralisation n’a pas eu pour corollaire le transfert de ce financement aux régions. Alors dotée d’un budget d’un milliard d’euros, l’AFPA était financée aux deux tiers par l’État jusqu’en 2009. Le transfert tardif de son financement n’aura pas permis à l’AFPA d’opérer sa réorientation stratégique dans le nouveau contexte décentralisé.

L’application du droit de la concurrence à tout prestataire de services de formation professionnelle constitue la seconde transformation majeure ayant conduit à une adaptation du fonctionnement de l’AFPA.

Financée par l’État et placée sous sa tutelle, l’association a longtemps vu son activité rattachée au seul champ des missions de service public entraînant la soumission à un droit dérogatoire. L’application du droit de la concurrence était donc écartée.

Cette conception a été balayée par un avis du Conseil de la concurrence remettant en question le régime juridique applicable à l’AFPA.

L’application du droit de la concurrence à l’AFPA

L’ouverture de l’ensemble du marché de la formation professionnelle au droit commun de la concurrence résulte d’un avis rendu par le Conseil de la concurrence
– ayant précédé l’Autorité de la concurrence – le 18 juin 2008.

Saisi par la Fédération de la formation professionnelle (FFP) sur la nature juridique et économique de l’AFPA, le Conseil a estimé que la qualification d’entreprise devait s’appliquer, au sens du droit de l’Union européenne. Ce dernier retient une conception extensive de la notion d’« entreprise », reposant sur l’appréciation de la nature de l’activité exercée par une entité, indépendamment de son statut ou de l’origine de son financement. Toute structure exerçant une activité économique est alors considérée comme une entreprise, aux termes de la jurisprudence « Höfner » (5) de la Cour de justice des communautés européennes.

Soulignant la nature économique de l’activité exercée par l’AFPA, le Conseil de la concurrence retient ainsi la qualification d’entreprise pour l’association. Le droit de la concurrence – national comme européen – s’applique en conséquence.

Cette précision apportée par le Conseil de la concurrence vise à empêcher l’existence de tout positionnement avantageux sur un marché, ici le marché de la formation professionnelle.

Elle ne méconnaît toutefois pas l’existence de missions spécifiques relevant du service public et entraînant la délégation de prérogatives de puissance publique. L’application du droit de la concurrence est donc écartée pour certaines missions spécifiques de l’AFPA – avec, en premier lieu, l’élaboration et la délivrance des titres professionnels d’État.

Cette application stricte du droit de la concurrence pouvait néanmoins prêter à discussion, reposant sur une lecture radicale de la « directive services » de 2006 qui précisait que la politique de formation des publics non qualifiés ou en insertion pouvait sortir de son application. Tel était l’objet de la proposition de loi défendue par le rapporteur sous la précédente législature (6).

Si l’application du droit la concurrence à certaines activités de l’AFPA n’a pas remis en cause sa capacité à mener des missions spécifiques de service public, elle a néanmoins rendu indispensable une réforme en profondeur de son fonctionnement.

La transformation de l’AFPA en établissement public industriel et commercial prévue par l’ordonnance est devenue indispensable, tant au regard du déséquilibre financier de l’entité que de son statut associatif aujourd’hui reconnu comme inadapté.

L’AFPA fait face à un déséquilibre financier persistant, que les précédentes réformes n’ont pas suffi à corriger. Ce déséquilibre résulte de deux facteurs : la réduction des versements de l’État et la soumission aux procédures de droit commun.

● La part des financements de l’État, tout d’abord, a constamment diminué, au point de devenir minoritaire.

Le transfert des compétences résiduelles de l’État en matière de formation professionnelle opéré par la loi du 5 mars 2014, s’il répondait à une démarche cohérente en parachevant la compétence exclusive des régions dans ce domaine, a eu pour conséquence directe la réduction des dotations de l’État à l’AFPA. Ainsi, les financements consacrés jusqu’alors par l’État à la formation des personnes sous main de justice – c’est-à-dire des détenus – et des Français de l’étranger s’élevaient à 15 millions d’euros par an, financements désormais transférés aux régions.

Outre ces effets de la décentralisation, qui substitue aux recettes stables et prévisibles de l’État une division régionale des commandes, la réduction des financements résulte également du transfert improvisé à Pôle emploi des activités d’évaluation et d’orientation effectuées jusqu’alors par les psychologues de l’AFPA. Mise en œuvre dans le cadre de la loi du 13 février 2008 (7), cette réforme a également conduit à la diminution de la subvention de l’État à l’AFPA.

Cette réduction de la part des financements de l’État dans le budget de l’AFPA s’est traduite par la perte du statut d’opérateur de l’État.

La qualification d’opérateur, si elle n’est pas explicitement inscrite dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (8), repose sur trois critères cumulatifs retenus dans le cadre du document budgétaire « Opérateurs de l’État », dit « jaune » : l’exercice d’une activité de service public, un financement assuré majoritairement par l’État et un contrôle direct exercé par ce dernier et ne se limitant pas à un contrôle économique ou financier. Le deuxième critère n’étant pas rempli, l’AFPA ne relève plus de cette catégorie budgétaire.

Deux activités exercées par l’AFPA justifient néanmoins le maintien du versement de financements par l’État :

– d’une part, les missions spécifiques de service public exercées par l’association. S’inscrivant dans un « programme annuel d’activités de service public » (PASP), ces subventions s’élèvent en 2015 à 90 millions d’euros ;

– d’autre part, la délivrance de prestations sur le marché de la formation professionnelle, aux termes d’appels d’offres remportés auprès de l’État.

● L’ouverture de l’ensemble du marché de la formation professionnelle au droit de la concurrence, en second lieu, a conduit à une mise en concurrence régulière de l’AFPA avec d’autres opérateurs. Une réduction des parts de marché de l’AFPA dans le secteur des prestations de formation professionnelle en a résulté. Ainsi, entre 2009 et 2014, les produits de l’AFPA en provenance des collectivités territoriales ont diminué de 22 %, passant de 501 millions d’euros à 387 millions d’euros.

Le chiffre d’affaires de l’AFPA demeure en diminution constante, s’élevant à 710,2 millions d’euros en 2015, en baisse de 5,8 % par rapport à l’année précédente. Le graphique ci-dessous précise la décomposition de cette réduction.

ÉVOLUTION DES PRINCIPALES RESSOURCES DE L’AFPA SUR LA PÉRIODE 2014 – 2015

(en millions d’euros)

Source : Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

● Avec une réduction constante de son nombre de stagiaires et de ses parts sur le marché de la formation, l’AFPA est entrée dans une phase de déséquilibre financier sans précédent. Puisant progressivement dans sa trésorerie, l’association peine à assurer son fonctionnement de base, qu’il s’agisse du paiement du personnel ou de l’entretien des bâtiments. Le déficit d’exploitation chronique se reporte sur les résultats, avec des pertes de recettes plus rapides que le rythme de réduction de la dépense. Le déficit de l’AFPA atteint alors 55 millions d’euros en 2011. Il faudra attendre le plan de refondation mis en œuvre par la majorité actuelle pour qu’un nouveau modèle de financement soit mis en place (voir infra).

Inchangé depuis la création de l’entité, le statut associatif de l’AFPA apparaît aujourd’hui dépassé et inadapté au nouveau cadre juridique et financier de la structure.

● Héritée de ses prédécesseurs, la nature associative de l’AFPA ne fut pas remise en cause par la suite.

La première institution de formation professionnelle, le Centre de formation professionnelle des jeunes chômeurs (CFPJC), est fondée en 1934 sous la forme d’une association régie par la loi de 1901. Le ministère du Travail maintient ce modèle en confiant aux partenaires sociaux la création de centres professionnels sous la forme d’associations, dans un premier temps consacrées au secteur de la métallurgie. Le choix du statut associatif visait à garantir une forme souple d’intervention et de coopération avec les acteurs de l’emploi. Envisagée dans les années 1960, dans le contexte de la création de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), la création d’un nouveau statut est finalement reportée sine die avec les bouleversements de mai 1968.

● Les difficultés intrinsèques de l’association et la remise en question de son lien avec l’État ont toutefois rendu ce statut dépassé et inadapté.

La conjugaison d’activités relevant du marché concurrentiel des prestations de formation professionnelle et de missions de service public rend indispensable de définir un nouveau statut permettant de s’adapter aux spécificités de cette entité sans équivalent dans le secteur de la formation professionnelle.

En outre, dans le cadre de son étude annuelle de 2015, le Conseil d’État a préconisé de restreindre le recours au statut associatif à des cas étroitement cantonnés. Il indiquait, à cette occasion : « Il n’est pas souhaitable que le statut associatif soit utilisé comme support juridique d’une agence de l’État. (…) La décentralisation de la commande publique en matière de formation professionnelle et les observations du Conseil de la concurrence, visant à éviter que l’AFPA n’abuse d’une position dominante sur le marché de la formation, ont conduit à affaiblir sensiblement les liens avec l’État. » (9).

La deuxième préconisation formulée par le Conseil d’État dans le cadre de cette étude était ainsi de ne plus recourir, à l’avenir, au statut associatif, dès lors que ce statut n’a pas vocation à être utilisé comme support juridique d’une agence de l’État.

Citée comme exemple de cette inadaptation, l’AFPA entre donc dans le champ des entités devant voir leur statut redéfini afin d’exercer avec le plus de souplesse et d’efficacité leurs missions.

Amorcé depuis 2012 avec la mise en œuvre d’un plan de refondation et la consécration de sa place dans le service public de l’emploi, le redressement de l’AFPA doit aujourd’hui être consolidé par la transformation juridique de l’association.

Le plan de refondation de l’AFPA a été rendu indispensable par la situation financière de l’association au cours de l’année 2012. Cet exercice est marqué par la double révision de son budget et l’absence de couverture de ses besoins de trésorerie, au-delà des opérations initiales de court terme reposant sur des découverts et des billets de trésorerie.

Dans l’impossibilité de fournir des garanties aux banques créancières de l’association, l’AFPA s’oriente vers le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) au printemps 2012 afin d’obtenir un nouvel échéancier de remboursement.

Prenant en charge cette situation, le nouveau Gouvernement propose un plan de redressement financier de 430 millions d’euros, adopté à l’unanimité des collèges de l’AFPA le 14 novembre 2012. Ce Gouvernement marque son engagement direct dans ce plan en l’abondant à moitié, l’autre moitié reposant sur des prêts bancaires.

Sous l’impulsion de sa nouvelle direction désignée en juin 2012, l’AFPA applique strictement le plan de refondation, avec une diminution des coûts fixes reposant sur la réduction des effectifs et le report des dépenses d’équipement. Le nombre d’équivalent temps plein (ETP) est ainsi passé de 9 015 en 2012 à 8 082 en 2015, soit une diminution de 10 % en seulement trois ans. Les obstacles financiers persistent néanmoins, sous l’effet notamment de la difficile conclusion avec France Domaine de baux emphytéotiques administratifs, de la réduction continue des parts de marché de l’AFPA et de la difficulté à réduire plus fortement les effectifs de l’association sans remettre en cause sa capacité à assurer ses missions.

Longtemps silencieux sur la place de l’AFPA dans le service public de l’emploi, le code du travail explicite désormais la mission de service public exercée par l’association.

Un cinquième chapitre consacré à l’AFPA a ainsi été inséré par la loi du 17 août 2015 (10) au sein du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail, aux côtés des acteurs préexistants que sont les services de l’État chargés de l’emploi et de l’égalité professionnelle et Pôle emploi.

Cette participation à la « mission de service public pour l’emploi », inscrite à l’article L. 5315-1 du code du travail, se décline en une triple activité mentionnée à cet article :

– la formation et la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi et leur insertion professionnelle ;

– la politique de certification des titres professionnels ;

– l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et la promotion de la mixité des métiers.

La pleine inscription de l’AFPA dans le service public de l’emploi est donc désormais consacrée. Cette reconnaissance était considérée par le président de l’AFPA, M. Yves Barou, comme « un préalable indispensable à la démarche de refondation de l’association » (11).

Cette clarification ayant été apportée, le processus de transformation de l’AFPA en une nouvelle entité juridique peut désormais être engagé.

L’article 39 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi se limitait, dans la version initiale du projet de loi, à consacrer l’inscription de l’AFPA dans le champ des institutions du service public de l’emploi.

L’examen du texte au Parlement avait ensuite permis d’enrichir cet article de dispositions relatives à la transformation de l’AFPA en établissement public industriel et commercial (EPIC). Compte tenu de la multiplicité des implications liées à cette réforme et de la diversité des enjeux associés – s’agissant notamment de la dévolution des actifs de l’État –, le choix avait été fait de définir ces éléments par voie d’ordonnance, dans le cadre d’une habilitation du législateur aux termes de l’article 38 de la Constitution.

La loi du 17 août 2015 précitée prévoit la publication de l’ordonnance dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi. Ce délai a été respecté, l’ordonnance ayant été publiée le 10 novembre 2016.

S’agissant du dépôt d’un projet de ratification, un délai de quatre mois est prévu au même article 39. Ce délai est donc également respecté.

Le présent projet de loi constitue donc la dernière étape législative de la création du nouvel EPIC, dont l’entrée en vigueur est effective depuis le 1er janvier 2017.

Le projet de loi comporte un article unique.

Cet article prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

● Le chapitre premier de l’ordonnance contient les dispositions relatives à la « Création d’un établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes ».

L’article premier réécrit le chapitre V du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail, consacré à l’AFPA. La nouvelle rédaction contient dix articles définissant les missions, l’organisation et le régime applicable aux biens du nouvel EPIC.

● Le chapitre II, qui contient les « Dispositions transitoires et finales », se compose de neuf articles.

Les articles 2 à 4 précisent les conditions du transfert à l’EPIC des biens immobiliers et mobiliers appartenant à l’État et utilisés par l’AFPA, des droits et obligations pesant jusqu’alors sur l’AFPA et des contrats de travail et conventions collectives conclus antérieurement par l’association.

L’article 5 aménage le régime de désignation du président du conseil d’administration de l’EPIC pour sa première nomination.

L’article 6 abroge des dispositions de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, rendues sans objet par le transfert à l’EPIC des biens immobiliers et mobiliers précités.

L’article 7 procède à des modifications rédactionnelles de conséquence dans le code du travail.

Enfin, les articles 8 à 10 définissent les modalités d’entrée en vigueur – au plus tard le 1er janvier 2017 – et d’application de l’ordonnance, notamment par le renvoi à un décret en Conseil d’État.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Jean-Patrick Gille, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes (n° 4357) lors de sa séance du mercredi 11 janvier 2017.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Le projet de loi que nous examinons ce matin constitue une étape décisive dans le processus de refondation de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) engagé par notre majorité en 2012. Chacun peut mesurer, dans nos territoires, le rôle majeur que joue cette association dans le système français de formation professionnelle. Reconnue pour son expertise et son savoir-faire, l’AFPA garantit en effet, depuis plus de cinquante ans, l’accès à la qualification et l’adaptation aux mutations du marché du travail.

L’association a vu toutefois son fonctionnement bouleversé par le nouveau paysage de la formation professionnelle, qui a connu deux évolutions majeures.

La première est la décentralisation de la formation professionnelle, qui a conduit l’AFPA à exercer ses missions dans un cadre régionalisé, tout en restant, jusqu’à récemment, placée sous la tutelle de l’État. Son modèle économique n’a ensuite pas survécu à la fin du financement direct de l’association par l’État en 2009. La division régionale des commandes s’accompagne désormais de financements plus aléatoires que les recettes antérieures de l’État, qui étaient stables et prévisibles, aussi bien que substantielles, à hauteur de 1 milliard d’euros.

L’ouverture soudaine du secteur de la formation professionnelle à la concurrence constitue la seconde évolution majeure. À cet égard, on peut s’interroger sur la lecture extrêmement stricte, voire radicale, qu’a faite le Conseil de la concurrence de la directive « Services ». En tout état de cause, ce nouveau contexte a placé l’AFPA face à des exigences entrepreneuriales et concurrentielles étrangères à son histoire et à son mode de fonctionnement. Faute d’un accompagnement suffisant des pouvoirs publics ou d’une vision stratégique claire, elle n’a pu opérer sa reconversion que de manière tardive et à marche forcée. Il en est résulté un déséquilibre financier structurel qui menace, depuis plusieurs années, son existence même. L’association a donc été contrainte de puiser dans sa trésorerie pour assurer son fonctionnement de base et a nourri un déficit d’exploitation devenu chronique.

L’improvisation en matière de politique patrimoniale n’a pu qu’aggraver ses difficultés. En 2009, la précédente majorité avait prévu de transférer à l’AFPA les biens immobiliers de l’État, à titre gratuit et sans contrepartie particulière, notamment en matière d’exécution des missions de service public. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel l’année suivante, laissant l’association dans la plus profonde incertitude en matière immobilière et financière.

Ainsi, à la fin de la législature précédente, l’AFPA était une association au bord du défaut de paiement, sans vision stratégique ni plan de redressement.

Un choix radicalement différent a été opéré à partir de 2012, sous l’impulsion du Premier ministre Jean-Marc Ayrault : un plan de refondation a été signé le 15 novembre 2012, accompagné d’un soutien financier du Gouvernement à hauteur de 200 millions d’euros. Une nouvelle direction, sous l’égide d’Yves Barou, a pris les commandes de l’AFPA et s’est engagée dans une politique déterminée de réduction des coûts fixes, reposant notamment – il faut bien le dire – sur la baisse des effectifs et le report de certaines dépenses. Des efforts ont donc été consentis et ils ont été maintenus jusqu’à aujourd’hui.

Notre majorité a également clarifié la politique patrimoniale de l’AFPA en prévoyant, dans la loi du 5 mars 2014, la possibilité pour les régions de demander à l’État la cession de ces biens dans le cadre d’un projet de site conclu avec l’AFPA. Puis, la loi « Rebsamen » de 2015 a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer la nouvelle agence, qui a vu le jour le 1er janvier dernier en lieu et place de l’association. L’ordonnance du 10 novembre 2016, que le présent projet propose de ratifier, en définit donc les principales caractéristiques, que je rappellerai ici en quelques mots et qui n’appellent pas de modifications de ma part.

Le premier chapitre de l’ordonnance définit les missions et l’organisation de la nouvelle agence. Les missions historiques de l’AFPA sont confortées, notamment la formation et la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi, de même que la politique de certification nationale ainsi que l’égal accès des hommes et des femmes à la formation et au service public de l’emploi. Mais l’ordonnance définit également d’autres missions, qui constituent le « complément normal des missions de service public » et pourront être réalisées par les filiales de l’agence. Tel est l’objet des deux nouvelles filiales de l’AFPA, consacrées respectivement à la formation des demandeurs d’emploi et à celle des salariés.

J’en viens à l’organisation de l’AFPA. Celle-ci sera dirigée par un directeur général nommé après avis du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) et administrée par un conseil d’administration quadripartite où seront notamment représentés l’État, les régions, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées. La nouvelle directrice de l’AFPA, Pascale d’Artois, a d’ores et déjà pris ses fonctions au début du mois.

Les ressources de l’AFPA, enfin, seront constituées des redevances pour service rendu, du produit des ventes et locations et des emprunts. J’ai appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir l’inclusion des subventions versées par les régions à l’AFPA dans les ressources, et je veillerai, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à obtenir confirmation sur ce point.

Le second chapitre de l’ordonnance contient les dispositions transitoires relatives notamment aux transferts des biens immobiliers de l’État et des contrats de travail conclus antérieurement par l’association. À cet égard, je souhaite insister tout particulièrement sur l’enjeu déterminant que représente le transfert, à titre gratuit, à l’AFPA de 116 sites immobiliers, auxquels s’ajoutent deux sites de la région Bourgogne-France-Comté. Contrairement au transfert prévu sous la précédente législature, celui-ci prévoit explicitement l’affectation des sites aux missions de service public, garantissant ainsi la continuité de l’accès aux services de formation professionnelle. L’ordonnance crée ainsi les conditions d’un renforcement juridique et organisationnel de l’AFPA, notamment au regard du droit de l’Union européenne puisque la Commission a validé ce dispositif, moyennant la création des deux filiales. Je tiens, du reste, à saluer ici l’étroite concertation entre le ministère du travail et la Commission européenne, qui a permis de clarifier le statut juridique de l’AFPA et d’éviter l’enclenchement de toute procédure relative à l’existence d’aides d’État.

Je ne méconnais pas les difficultés qui attendent la nouvelle agence. Sur le plan financier, en particulier, sa situation reste extrêmement fragile, car ses besoins de trésorerie se maintiennent à un niveau très élevé. Ces inquiétudes m’ont d’ailleurs été confirmées par les syndicats de l’AFPA que j’ai rencontrés hier.

La seule création d’un nouvel établissement public n’est donc pas, en soi, une garantie suffisante pour assurer l’avenir de l’AFPA. Elle en crée toutefois les conditions nécessaires et offre à l’agence toutes les souplesses dont elle a besoin, non seulement pour reconquérir les parts de marché perdues et adapter son offre de formation au nouveau marché du travail, mais aussi pour contribuer à l’émergence et à l’organisation des nouveaux métiers et de nouvelles compétences, ainsi que pour développer une prospective de l’évolution des compétences adaptée au marché local de l’emploi.

Chacun peut donc mesurer le chemin parcouru sous cette législature. Les conditions du redressement de l’AFPA et de son adaptation au nouveau contexte économique sont désormais établies. Bien entendu, nous devrons observer attentivement les premiers pas de la nouvelle agence, mais nous pouvons d’ores et déjà lui renouveler toute notre confiance. C’est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi.

M. Michel Issindou. Nous examinons, ce matin, le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes, plus connu sous le nom d’AFPA. Celle-ci est un acteur incontournable de la formation professionnelle en France. Créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle illustre la volonté des pouvoirs publics de faire de la formation professionnelle un levier essentiel de la politique de l’emploi. Outil, depuis soixante ans, de promotion sociale autant que de formation, l’AFPA est le premier opérateur de formation professionnelle en France. Forte de son réseau sur le territoire national, elle développe une offre globale et complète de formation et de services adaptés – services d’hébergement et de restauration notamment –, accessibles à tous les publics, à commencer par ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi et qui constituent la cible des politiques de l’emploi du Gouvernement.

Toutefois, chacun ici sait – même si certains ont plus de mal que d’autres à le reconnaître – que l’AFPA a été malmenée par les gouvernements précédents, jusqu’à être conduite au bord du dépôt de bilan. Les décisions prises en 2004 l’ont fragilisée, en soumettant, sans aucun accompagnement, l’ensemble de son offre de formation au marché public. En outre, lors des différents exercices budgétaires du quinquennat précédent, la dotation prévue pour l’AFPA a continuellement baissé, passant de 575 millions d’euros en 2007 à 74 millions en 2011. Cette baisse terrible et rapide a contribué à remettre en cause ce service public.

On peut le dire aujourd’hui, l’AFPA a été sauvée par notre majorité, qui a agi avec force et conviction. Dès septembre 2012, lors de la discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir, un amendement du Sénat a été adopté tendant à assurer le paiement effectif des sommes dues par l’État à l’AFPA au titre du contrat de transition professionnelle et du contrat de sécurisation professionnelle. Près de 20 millions d’euros seront alors remboursés à l’association.

Le 14 janvier 2013, le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, présente un plan de sauvetage de l’AFPA, qui entend répondre aux difficultés liées au patrimoine, à la capitalisation de l’association, à sa gouvernance ainsi qu’à son bilan social. Puis, l’article 49 de la loi sur le dialogue social de 2015 tire les conséquences des évolutions du marché de la formation professionnelle en ce qui concerne les activités et le positionnement juridique de la structure. Pour réaffirmer le rôle essentiel de cet acteur, il est précisé dans le code du travail les missions qu’il exerce au titre de sa mission de service public.

L’objectif de ces différentes mesures était d’offrir un cadre favorable à l’écriture d’un nouveau chapitre de l’histoire de l’AFPA. La ratification par notre assemblée du projet d’ordonnance qui nous est aujourd’hui soumis constitue un pas supplémentaire vers la refondation engagée en 2012 puisque ce texte définit les principales caractéristiques de la nouvelle agence créée le 1er janvier dernier.

Nous mettons tout en œuvre pour sauver l’AFPA, en renforçant notamment son statut d’opérateur du service public de l’emploi. C’est pourquoi je vous invite, au nom du groupe Socialiste écologiste et républicain, à adopter ce projet de loi.

M. Bernard Perrut. L’AFPA est, en effet, confrontée, depuis les années 2000, aux évolutions du marché de la formation. Non seulement la compétence en matière de formation professionnelle a été décentralisée et les crédits budgétaires concernés transférés aux régions, mais le secteur de la formation professionnelle a été ouvert à la concurrence, ce qui s’est traduit, pour l’AFPA, par une perte de près de 25 % de ses parts de marché depuis 2009. À ces difficultés s’ajoute la question récurrente de la gestion du patrimoine immobilier historiquement mis à disposition de l’AFPA par l’État, qui s’est beaucoup dégradé.

Pour redresser la situation, l’AFPA a fait l’objet d’un plan de refondation. Quant à sa transformation en EPIC dans le présent projet de loi, elle vise, d’une part, à régler le problème de la dévolution du patrimoine immobilier à la structure, d’autre part, à adapter son cadre juridique à ses activités concurrentielles.

Si la transformation de l’AFPA en EPIC doit dépasser les clivages politiques – la nouvelle agence doit rester un acteur majeur du paysage de la formation professionnelle –, la manière dont vous avez conduit la réforme ne peut satisfaire les membres du groupe Les Républicains. Celle-ci souffre, en effet, d’un déficit majeur en matière de dialogue social et traduit un véritable mépris du quadripartisme. Près de six mois ont été perdus.

Les régions – notre collègue Gérard Cherpion, président de la commission Emploi et formation des Régions de France, le dirait mieux que moi – vous ont alerté dès juillet sur les risques majeurs qui pèsent sur votre projet, du fait du droit communautaire de la concurrence et de l’atteinte à la décentralisation de la compétence en matière de formation des demandeurs d’emploi. Dès le départ, les régions avaient défendu le principe de la filialisation de la formation de ces derniers, que vous avez dû ensuite intégrer, contraints et forcés, après que votre projet eut été retoqué par la Commission européenne et le Conseil d’État. La secrétaire d’État, qui a fait la sourde oreille, a attendu fin septembre pour recevoir les représentants des régions : on peut parler de temps perdu !

Vous affichez ainsi un mépris des partenaires sociaux et des régions, dont je rappelle qu’elles versent 400 des 700 millions que compte le budget de l’ex-AFPA, l’État n’y contribuant qu’à hauteur d’à peine 100 millions.

Votre calendrier, que nous jugeons intenable, compromet la réussite de votre réforme et l’adhésion des personnels et des acteurs à celle-ci. Le principe d’une transformation de l’AFPA en EPIC date, je le rappelle, de la loi du 17 août 2015. Pourquoi avoir perdu autant de temps ? On peut également s’interroger sur le respect témoigné aux personnels de l’AFPA, laissés dans l’incertitude la plus totale. Comment pourraient-ils adhérer à une réforme qui peut paraître improvisée et qui n’a, en tout cas, fait l’objet d’aucune concertation ? Nous voulons apporter à tous ces personnels notre soutien et notre confiance.

Sur le fond, plusieurs aspects de la réforme ne laissent pas de nous étonner. L’article 1er de l’ordonnance mentionne expressément la création d’un établissement public d’État, alors que de tels établissements n’existent pas – on parle d’établissements publics nationaux. En réalité, vous souhaitez recentraliser une compétence parfaitement assumée par les régions, en contradiction avec votre réforme territoriale même et l’attribution aux régions de la mise en œuvre du plan « 500 000 ». Ainsi, vous reprenez d’une main ce que vous avez donné de l’autre.

Il en va de même en ce qui concerne les missions. Si l’EPIC a tout son rôle à jouer s’agissant de l’ingénierie des titres et la certification, l’article 1er dispose qu’il « développe une expertise prospective de l’évolution des compétences adaptées au marché local de l’emploi ». Ce faisant, vous créez manifestement un doublon puisque les CARIF-OREF (Centres animation ressources d’information sur la formation-Observatoire régional emploi formation), cofinancés par l’État et les régions, accomplissent déjà cette tâche.

Quant à l’organisation de l’EPIC, monsieur le rapporteur, rien n’est réglé. L’article 1er de l’ordonnance dispose que « les activités prévues de formation des personnes en recherche d’emploi et de formation des personnes en situation d’emploi sont mises en œuvre au moyen de filiales ». Le décret du 15 novembre 2016 renvoie l’organisation de ces filiales au conseil d’administration de l’EPIC. Qu’en sera-t-il s’agissant de la filiale relative à la formation des demandeurs d’emploi ? Les régions pourront-elles être à la fois acheteuses de formations, soumises au droit de la commande publique, et membres du conseil de surveillance d’une filiale intervenant dans un champ concurrentiel ? Pourront-elles, autrement dit, être à la fois juge et partie ?

Ce texte pâtit de l’impréparation la plus totale. Nul doute que, là encore, le Conseil d’État, voire le Conseil constitutionnel, sauront vous rappeler les règles élémentaires du droit et, le cas échéant, censurer votre texte.

En matière de couverture territoriale, rien n’est résolu non plus. Aucune concertation n’a été menée avec les élus locaux. Vous avez transféré la propriété de 113 sites au nouvel EPIC, mais quel sera l’avenir des vingt-cinq sites qui ne l’ont pas été ? Enfin, vous laissez à vos successeurs l’héritage de la situation financière de l’AFPA et le soin de mettre en place le contrat d’objectifs et de performance.

En conclusion, contrairement à ce que nous avons pu entendre à l’instant, nous considérons que l’AFPA est un organisme de formation important, différent des autres, assumant des charges supplémentaires telles que l’hébergement, et nous souhaitons vivement qu’elle puisse continuer d’agir comme elle le fait depuis soixante-dix ans, en particulier auprès des demandeurs d’emploi. Votre réforme, même amendée sous la contrainte, ne répond pas à l’ensemble de ces objectifs ; le groupe Les Républicains le regrette.

Mme Dominique Orliac. Ce projet de loi comporte un article unique visant à ratifier l’ordonnance du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes. Le Gouvernement a engagé, sur ce texte, la procédure accélérée, puisqu’il devait présenter celui-ci devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de ladite ordonnance autorisée par l’article 39 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

L’ordonnance comporte dix articles, dont le premier a trait à la création d’un établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes. Nous sommes particulièrement satisfaits du troisième alinéa de l’article L. 5315-1 du code du travail, qui souligne la nécessité d’assurer l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle mais aussi, et c’est important, la promotion de la mixité des métiers. Les articles suivants portent, quant à eux, sur des dispositions transitoires ou finales.

Au stade actuel de la discussion, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste ne voit aucune objection à l’adoption de ce projet de loi, qu’il soutiendra.

M. Jean-Louis Costes. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte qui a pour objet de sauver l’AFPA. Toutefois, il aurait convenu d’y aborder le fond du problème et de s’interroger sur le niveau auquel la formation professionnelle des adultes doit être organisée pour être le plus efficiente possible. Un véritable travail aurait dû être mené en liaison avec les régions, car elle doit être pensée au plus près des besoins des entreprises et des personnes en reconversion. Il est regrettable que cette réflexion n’ait pas été menée dans le cadre de ce texte.

Mme Monique Iborra. L’ensemble des responsables politiques admettent qu’il faut décentraliser la formation professionnelle et la confier aux régions mais, dès qu’ils sont au pouvoir, ils recentralisent l’ensemble du dispositif ; je pense en particulier à M. Wauquiez, qui a agi ainsi sous la précédente législature. On peut se poser la même question aujourd’hui. De fait, et c’est normal, les régions assurent l’essentiel du financement de l’AFPA, l’intervention de l’État étant bien moindre, quoique supérieure aux ressources issues du marché privé – il est vrai, cependant, qu’il n’est pas dans la culture de l’AFPA de conquérir des parts de marché.

Dès lors que, comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, le nouveau statut ne suffira pas à assurer la pérennité de l’AFPA, des contreparties ont-elles été obtenues, en matière d’organisation, par exemple, dans le cadre des négociations entre l’État et l’AFPA ?

Mme Jacqueline Fraysse. Ce projet de loi, qui découle de la loi relative au dialogue social et à l’emploi adoptée en août 2015, vise à ratifier l’ordonnance du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi d’un établissement public industriel et commercial chargé de la formation professionnelle des adultes. Ce nouvel établissement public reprend, en les élargissant et en les clarifiant, les missions de l’AFPA, dont nous savons qu’elle est actuellement, et depuis plusieurs années, en grande difficulté.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient ce texte qui réaffirme le rôle et la place de l’État dans le cadre d’un service public de l’emploi, qui acte le transfert du parc immobilier et reprend les missions de l’AFPA : assurer la formation des personnes les plus éloignées de l’emploi et l’aide à l’insertion professionnelle, contribuer à un égal accès des hommes et des femmes à la formation sur tout le territoire et à la promotion de la mixité des métiers. Il étend, en outre, ces missions aux nouveaux métiers et au développement durable, et il clarifie les activités en distinguant les missions de service public et celles des activités concurrentielles, exercées par deux filiales. Ce changement de statut offre également une garantie de l’État en termes de financement, même si des inquiétudes persistent quant à la situation financière de l’AFPA.

Si nous soutenons ce texte, je me demande néanmoins quels seront les poids respectifs des deux activités, concurrentielle et de service public, qui cohabiteront au sein de l’organisme et, surtout, comment elles s’articuleront. De fait, où se situe la frontière entre les chômeurs très éloignés de l’emploi, qui relèvent de la mission de service public, et les chômeurs de longue durée, notamment ?

M. Arnaud Viala. Sur la forme, la sécurité juridique des dispositions que vous nous présentez n’est pas assurée : les régions seront juge et partie, puisqu’elles appartiendront au conseil d’administration du futur EPIC tout en étant donneurs d’ordre. Je m’interroge sur la pérennité de ce dispositif.

Sur le fond, je rejoins les remarques de Jean-Louis Costes : le nombre de chômeurs est très important dans notre pays, et pourtant tous les chefs d’entreprises, notamment ceux des TPE et PME, se plaignent de leurs difficultés à recruter. Les questions de la formation professionnelle des adultes, de la mobilité entre les métiers ou encore du retour à l’emploi sont au cœur de l’actualité. Je regrette que le rapport – dont, certes, ce n’est pas l’objet principal – les laisse entièrement de côté, alors que l’AFPA devrait être particulièrement mobilisée.

M. le rapporteur. Tout le monde convient que nous devons conserver un opérateur public national important en matière de formation professionnelle, et je m’en félicite. Il ne s’agit ici que de ratifier l’ordonnance relative à l’AFPA, et non d’un débat général sur la formation professionnelle – sujet dont nous pourrons discuter au cours des mois à venir, dans d’autres lieux.

Il fallait trouver un équilibre puisque l’AFPA, opérateur national, doit répondre à des commandes régionales. Cet organisme se voit confier des missions de service public, notamment d’expertise et de certification. Le texte garantit également que l’ensemble du territoire est couvert : vous ne l’avez pas mentionné, monsieur Perrut, mais je sais que vous approuvez cet objectif. C’est pourquoi, et Michel Issindou l’a bien expliqué, nous avons besoin d’un opérateur national.

Monsieur Perrut, vous avez joué votre rôle d’opposant en dressant une liste de toutes les critiques, mais certaines entrent en contradiction les unes avec les autres. Vous relayez les inquiétudes, parfaitement légitimes, des salariés, qui redoutent globalement la décentralisation, même s’il existe des nuances entre eux. Comment conserver un dispositif national alors que ce sont les régions qui s’occupent de la formation professionnelle ? C’est bien la question qui se pose.

Mais vous dites aussi craindre une recentralisation. Je crois, au contraire, que cette réforme atteint un point d’équilibre entre cadre national et adaptation régionale. Vous avez rappelé les débats qui ont eu lieu l’été dernier sur la composition du conseil d’administration. Le législateur a fait, vous le savez, le choix du quadripartisme. Après des discussions tendues, dans lesquelles j’ai essayé de jouer discrètement un rôle de modérateur, nous avons trouvé un compromis : les représentants de l’État et des régions disposeront chacun de deux voix, ce qui assure à l’État la quasi-moitié des voix. Je crois pouvoir vous indiquer que l’Association des régions de France s’est dite satisfaite de ce résultat.

Le calendrier, je le souligne, est respecté : l’ordonnance, publiée dès le 10 novembre 2016 alors que la loi du 17 août 2015 prévoyait un délai de dix-huit mois, a pu être mise en œuvre le 1er janvier de cette année.

Vous mentionnez, monsieur Perrut, les sites qui ne sont pas transférés à l’AFPA, ce qui suscite naturellement des inquiétudes. Ils ne sont pas fermés, et l’AFPA pourra continuer de les utiliser. Des discussions sont en cours avec France Domaine sur le montant des loyers. Longtemps restés symboliques, ceux-ci ne le sont désormais plus, et il ne faudrait pas que cela constitue un nouveau fardeau financier pour l’AFPA au moment où s’ouvre un nouveau chapitre de son histoire.

Vous le voyez, sur la plupart des sujets, nous avons avancé.

Madame Orliac, je vous remercie de votre soutien.

Monsieur Costes, monsieur Viala, vous regrettez que la discussion de ce projet de loi ne donne pas lieu à une discussion générale sur la formation professionnelle. Je le redis, il ne s’agit ici que de ratifier une ordonnance ! Mais le changement de statut de l’AFPA n’est pas un point mineur, bien au contraire. Sans polémique, je souligne que la majorité précédente ne s’était guère préoccupée du problème, et laissait l’AFPA mourir à petit feu, considérant sans doute qu’il fallait laisser la formation professionnelle à la concurrence. Il est vrai que le secteur privé milite pour cette solution.

La solution équilibrée que nous vous présentons a été, je le redis, négociée avec la Commission européenne : cela a pris un peu de temps, mais la question est réglée. Cela explique d’ailleurs, comme vous l’avez noté avec raison, monsieur Perrut, que le Gouvernement ait modifié son projet, qui comprend maintenant deux filiales et non plus une seule.

Madame Fraysse, vous posez la question de la répartition des activités entre les missions de service public et les activités privées. En termes de chiffre d’affaires, il est trop tôt pour vous répondre, mais les filiales devraient rassembler moins de 10 % des effectifs. Pour le dire très simplement, les filiales seront en quelque sorte des « services de commercialisation » ; elles répondront aux appels d’offres. Elles permettent une clarification juridique.

Monsieur Perrut, monsieur Viala, sur la question très pertinente du rôle des régions dans les filiales, j’essaierai de vous apporter la réponse en séance. À mon sens, les régions ne devraient pas y intervenir, afin d’éviter, comme vous le disiez, d’être juge et partie. Mais vous demandiez aussi que les régions occupent une place plus importante dans le dispositif… Chacun doit gérer ses contradictions.

S’agissant du financement, madame Iborra, les régions ont la possibilité de soutenir directement l’AFPA. Celle-ci a entre autres missions d’ouvrir ses locaux à d’autres organismes ; on peut, par exemple, imaginer des mises en commun de plateaux techniques. Les régions, dites-vous, pourraient être plus présentes. Or force est de constater, alors que la loi de 2014 offre la possibilité aux régions – qui étaient demandeuses – de prendre en charge certains centres, que très peu l’ont en réalité fait.

Le projet du Gouvernement crée donc un établissement national, mais adapté à la régionalisation de la compétence en matière de formation professionnelle. Nous avons trouvé, je le crois sincèrement, un équilibre juridique, et clarifié la situation.

Pour autant, je l’ai dit aussi honnêtement, tous les problèmes financiers ne sont pas réglés. L’État apporte 110 millions d’euros : à mon sens, c’est un peu juste pour permettre à l’AFPA de repartir vraiment.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce projet de loi de ratification.

Mme Chaynesse Khirouni. L’AFPA se voit en particulier confier pour mission « la contribution à l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi ». Quel rôle joue-t-elle dans l’ambitieux plan « 500 000 formations supplémentaires » ?

M. le rapporteur. Ce plan est effectivement une opération importante, pour laquelle le Gouvernement a débloqué 1 milliard d’euros. Lorsqu’il a été annoncé, certains ont crié au scandale, parce qu’ils se sont imaginé qu’il ne visait qu’à sauver l’AFPA ! Mais il est vite apparu, au contraire, que nous n’étions plus en mesure de mettre en place une commande publique nationale : ce sont bien les régions qui ont mis en œuvre le plan. L’AFPA indique aujourd’hui qu’elle a bénéficié de 18 000 places supplémentaires : ce n’est pas négligeable – soulignons qu’il s’agit de formations longues et qualifiantes – et cela l’aidera pour les deux années à venir. Mais ce n’est pas un chiffre énorme non plus, et cela montre les difficultés que rencontre l’AFPA pour répondre aux appels d’offres des régions – surtout qu’il y a eu, en l’occurrence, une certaine précipitation : les régions se sont donc souvent contentées d’augmenter le nombre de places achetées.

Cet exemple illustre donc bien les difficultés auxquelles est confrontée l’AFPA.

EXAMEN DE L’ARTICLE

Article unique
Ratification de l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes

Cet article prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l’emploi de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

Prise sur le fondement de l’article 39 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, l’ordonnance comporte dix articles rassemblés en deux chapitres.

Elle décline, tout d’abord, les missions et l’organisation du nouvel établissement public succédant à l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Elle précise, par ailleurs, les dispositions de transition et d’application, s’agissant notamment du transfert des biens immobiliers et mobiliers de l’État, des droits et obligations de l’association et du personnel jusqu’alors employé par elle.

1. Missions, organisation et fonctionnement du nouvel établissement public

L’ordonnance définit dans son chapitre premier les contours et les modalités de fonctionnement de l’établissement public succédant à l’AFPA, dénommé « établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes ».

Le chapitre V du titre premier du livre III de la cinquième partie du code du travail est intégralement réécrit.

Introduit par l’article 39 de la loi du 17 août 2015 précitée, ce chapitre contient dans le droit en vigueur un article unique, l’article L. 5315-1. Cette insertion avait pour objectif d’expliciter l’appartenance de l’AFPA au service public de l’emploi.

Sa rédaction actuelle se limite à énumérer les trois missions de l’AFPA : la participation à la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l’emploi et la contribution à leur insertion professionnelle ; la certification des titres professionnels ; l’égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et la promotion de la mixité des métiers.

L’article premier de l’ordonnance enrichit ce chapitre du code du travail, désormais composé de dix articles, L. 5315-1 à L. 5315-10. Ces articles déclinent les missions, l’organisation et les règles de fonctionnement de l’établissement, dont les modalités d’application sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

a. Les missions de l’établissement

Les missions du nouvel établissement sont précisées aux articles L. 5315-1 et L. 5315-2.

● Le premier article énumère les quatre fonctions spécifiques de l’établissement, justifiant son appartenance au service public de l’emploi.

Outre les trois missions retenues par le droit en vigueur à cet article, la nouvelle rédaction apporte deux modifications :

– d’une part, une quatrième mission est précisée : la contribution à l’égal accès, sur l’ensemble du territoire, aux services publics de l’emploi et de la formation professionnelle ;

– d’autre part, la contribution à l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi ne se limite plus au seul volet professionnel et s’étend désormais à une dimension sociale.

● Le second article définit les missions complémentaires de l’établissement, dans le respect des compétences des régions.

Cinq missions sont ainsi définies :

– la contribution à l’émergence et à l’organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences, notamment par le développement d’une ingénierie de formation adaptée aux besoins ;

– le développement d’une expertise prospective de l’évolution des compétences adaptées au marché local de l’emploi ;

– la délivrance d’un appui aux opérateurs chargés des activités de conseil en évolution professionnelle ;

– l’exercice d’activités « qui constituent le complément normal de ses missions de service public ». Rentrent dans cette catégorie la certification de titres délivrés par d’autres ministres que celui chargé de l’emploi et la formation de demandeurs d’emploi et de personnes occupant un emploi ;

– le développement des actions de formation en matière de développement durable et de transition énergétique.

b. L’organisation de l’établissement

L’organisation de l’établissement est déclinée aux articles L. 3515-3, L. 3515-4 et L. 3515-6.

● Dirigé par un directeur général, nommé par décret (12) après avis du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), l’établissement est administré par un conseil d’administration.

Le président du conseil d’administration pourra être désigné, lors de sa première nomination, au-delà de la limite d’âge prévue à l’article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. Inscrite à l’article 5 de l’ordonnance, cette dérogation ménage la possibilité d’assurer la continuité de l’AFPA en permettant la nomination de M. Yves Barou, actuel président de l’association dont l’engagement et les compétences sont largement reconnus. Le mandat du président ne pourra alors pas être renouvelé.

En outre, dans l’attente de l’installation du conseil d’administration, le directeur général est compétent pour prendre toutes les mesures utiles à l’exercice des missions et des activités de l’établissement, aux termes du IV de l’article 3 de l’ordonnance. Il devra alors rendre compte de sa gestion au conseil. Mme Pascale d’Artois de Bournonville a été nommée à ce poste par décret (13) à compter du 1er janvier 2017, après avis favorable du CNEFOP.

● Un médiateur national prendra ses fonctions dans l’établissement afin d’instruire les réclamations individuelles des usagers, sans préjudice des voies de recours existantes. Il sera le correspondant du Défenseur des droits au sein de l’établissement. Nommé par le directeur général de l’établissement, ce médiateur prend la suite de celui qui intervenait déjà à l’AFPA auprès de ses usagers et des partenaires institutionnels.

● Enfin, l’EPIC pourra créer des filiales et prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes afin de faciliter l’exercice de ses missions.

L’ordonnance prévoit explicitement la création de telles filiales pour deux missions de l’établissement : la formation des demandeurs d’emploi, d’une part ; celle des personnes occupant un emploi, d’autre part.

Le schéma ci-dessous illustre l’organisation de l’établissement telle que prévue par l’ordonnance. Le décret n° 2016-1539 du 15 novembre 2016 relatif à l’établissement public chargé au sein du service public de l’emploi de la formation professionnelle des adultes a précisé la composition du conseil d’administration. Outre les 27 membres prévus par le décret, trois participants supplémentaires siégeront au conseil d’administration avec une voix consultative : le directeur général, le secrétaire général du comité central d’entreprise et le contrôleur général économique et financier (CGEFI).

COMPOSITION DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC CHARGÉ DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES

Source : Secrétariat de la Commission des affaires sociales.

c. Les modalités de fonctionnement de l’établissement

L’article premier de l’ordonnance précise également les modalités de fonctionnement de l’établissement, s’agissant à la fois de ses ressources, de la gestion d’actifs et de l’accès des organismes de formation aux locaux de l’établissement.

● S’agissant de ses ressources, tout d’abord, l’établissement bénéficie de dotations de l’État destinées à compenser la charge financière liée aux missions et sujétions de service public.

Trois catégories de ressources supplémentaires sont prévues :

– des redevances pour service rendu ;

– le produit des ventes et des locations ;

– des emprunts autorisés, dons et legs, et des recettes diverses.

● S’agissant de la gestion d’actifs, par ailleurs, les biens de l’établissement appartiennent au domaine privé et entraînent donc une liberté de gestion et d’aliénation.

Un régime spécifique est toutefois applicable aux biens de l’établissement nécessaires à la bonne exécution de ses missions de service public. Dans ce cas, l’État peut s’opposer à la liberté de gestion ou d’aliénation du bien. Toute cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l’État ait pu s’y opposer est, en conséquence, nul de plein droit.

Le produit des cessions des biens immobiliers transférés par l’État à l’établissement, prévues à l’article 2 de l’ordonnance (cf. infra), doit financer exclusivement les investissements destinés à ces mêmes missions de service public. Les produits des cessions des biens immobiliers financés à partir du produit des ventes de ces biens transférés par l’État obéissent à la même règle. Une exception est prévue pour les produits issus des sûretés réelles portant sur ces biens. Dans ce cas, les produits sont destinés aux créanciers.

● S’agissant de l’accès des organismes de formation aux locaux de l’établissement, enfin, deux situations distinctes sont prévues :

– d’une part, l’accès des organismes de formation bénéficiant d’une habilitation de la région pour mettre en œuvre des actions de formation professionnelle à destination des publics rencontrant des difficultés d’apprentissage ou d’insertion. Une convention est alors prévue entre cet organisme, l’État et la région afin d’en organiser les modalités ;

– d’autre part, l’accès des organismes de formation concourant au service public régional de la formation professionnelle afin de mettre en œuvre deux des missions confiées à l’établissement public – la certification des titres et l’organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences.

Ces deux accès reposent sur un cahier des charges qui fixe notamment les modalités du versement par l’organisme d’une redevance pour service rendu à l’établissement. Un décret en Conseil d’État définira ce cahier des charges.

2. Le transfert des différents biens, obligations et contrats

La création du nouvel établissement public en lieu et place de l’association implique des mesures transitoires facilitant l’entrée en vigueur de la nouvelle entité.

Rassemblées dans le second chapitre de l’ordonnance, ces dispositions transitoires visent le transfert des biens appartenant au domaine de l’État, celui des droits et obligations et celui des contrats de travail et des conventions collectives.

a. Le transfert des biens immobiliers et mobiliers de l’État à l’établissement

L’ordonnance précise les conditions de transfert des biens immobiliers et mobiliers de l’État au nouvel établissement.

Cette question n’est pas nouvelle, comme en témoignent les tentatives des deux précédentes réformes de la formation professionnelle dans ce domaine.

L’indispensable règlement de la question patrimoniale

Le transfert à l’AFPA des biens immobiliers de l’État a suscité de nombreuses difficultés juridiques et financières auxquelles les précédentes réformes ont tenté de répondre.

● Le législateur a tout d’abord prévu, en 2009, dans le cadre de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (14), le transfert à l’AFPA des biens immobiliers de l’État.

Afin de doter l’AFPA d’une autonomie renforcée et de faciliter son adaptation, le choix avait été fait de transférer à l’association les biens immobiliers qu’elle louait jusqu’alors à l’État. Cette disposition a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dans sa décision du 17 décembre 2010 (15). Constatant que la disposition procédait à un transfert à titre gratuit et sans aucune condition ou obligation particulière, le Conseil constitutionnel a estimé qu’elle méconnaissait la protection constitutionnelle de la propriété des biens publics.

De manière plus importante au regard de la présente ordonnance, le Conseil constitutionnel avait alors soulevé l’absence de garantie quant au maintien de l’affectation des biens immobiliers aux missions de service public qui restent dévolues à l’association.

Dès 2012, la nouvelle majorité a entrepris une politique remédiant aux dangers d’une vente à la découpe et d’une privatisation par étapes de l’AFPA.

● La réforme du 5 mars 2014 (16) tire ainsi les conséquences de cette décision en prévoyant la possibilité pour les régions de demander à l’État la cession de biens mis à la disposition de l’AFPA.

Ce transfert sur droit d’option, effectué à titre gratuit, devait reposer sur l’élaboration d’un projet de site entre la collectivité bénéficiaire et l’AFPA. Le maintien de l’affectation de ces immeubles aux missions de service public effectuées par l’AFPA était alors explicitement prévu, tout en ménageant une possibilité de désaffectation en cas de signature d’une convention entre ces deux mêmes acteurs prévoyant des garanties équivalentes pour l’exercice des missions de service public dans un autre immeuble.

Le législateur a par ailleurs précisé que les biens restant mis à la disposition de l’AFPA par l’État relevaient bien du domaine privé de l’État, et demeuraient donc affectés aux missions de service public de l’AFPA.

● La loi du 17 août 2015 règle cette question et sécurise le transfert en prévoyant, dans le champ de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance prévue à l’article 39, la définition des « conditions de dévolution d’actifs immobiliers de l’État à cet établissement ». L’article 2 de l’ordonnance en constitue la traduction.

La possibilité de cession aux régions est rendue caduque par les dispositions de la présente ordonnance. Ces dispositions figurent aux VII et VIII de l’article 21 de la loi du 5 mars 2014 précitée. À ce jour, seule la région Bourgogne-Franche-Comté a acté la reprise de deux sites à Vesoul (Haute-Saône) et à Lons le Saunier (Jura).

L’article 2 prévoit en effet le transfert en pleine propriété au nouvel EPIC des biens immobiliers et mobiliers appartenant à l’État.

Les modalités du transfert sont précisées à cet article :

– la liste des biens concernés sera fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du domaine, de l’emploi et de la formation professionnelle ;

– le transfert sera effectué au jour de la signature de l’acte authentique constatant cette opération ;

– la valeur des biens transférés sera fixée dans l’arrêté précité ;

– les biens immobiliers transférés feront l’objet d’une affectation aux missions de service public pour une durée d’au moins vingt-cinq ans. Cette durée s’appliquera également aux biens acquis à partir du produit des cessions des biens immobiliers transférés par l’État à l’établissement.

La gratuité des opérations de transfert est inscrite à l’article 4 de l’ordonnance. Ces opérations ne donneront donc lieu au paiement d’aucune indemnité ou perception de droits ou taxes, ni au versement de la contribution de sécurité immobilière ou d’honoraires au profit d’agents de l’État.

La liste des 116 immeubles transférés à l’établissement a été fixée par un arrêté du 28 décembre 2016 (17).

Enfin, l’article 6 tire les conséquences de ce transfert en abrogeant les VII et VIII précités de l’article 21 de la loi du 5 mars 2014. Les transferts effectués à la région Bourgogne-Franche-Comté sont maintenus, l’arrêté (18) concrétisant ces opérations ayant été pris avant la date d’effet des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance.

b. Le transfert des droits et obligations de l’association au nouvel établissement

L’ordonnance précise également les conséquences de la création d’un nouvel établissement public sur les droits et obligations pesant sur l’AFPA.

Le I de l’article 3 prévoit que ces droits et obligations sont substitués à l’établissement public à la date de dissolution de l’AFPA, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.

Réalisée de plein droit, nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, cette substitution n’entraîne aucune modification sur les droits et obligations jusqu’alors portés par l’AFPA – en particulier concernant les contrats ou conventions conclus antérieurement.

Le même transfert s’applique donc aux sûretés réelles et personnelles garantissant les accessoires des créances cédées et aux hypothèques. L’État peut néanmoins s’opposer à la réalisation de ces sûretés ou hypothèques lorsque leur réalisation porterait préjudice à la bonne exécution des missions de service public.

c. Le transfert des contrats de travail et des conventions collectives

L’ordonnance prévoit, enfin, la substitution du nouvel établissement public à l’AFPA comme employeur des personnels jusqu’alors en activité dans l’association.

Le II de l’article 3 précise que cette substitution s’applique également aux personnels employés par les filiales de l’AFPA, qui deviendront alors des filiales du nouvel établissement public.

Son III prévoit que les conventions et accords collectifs jusqu’alors applicables à l’AFPA et à ses filiales s’appliqueront également au nouvel établissement et à ses filiales.

3. Les mesures de coordination et d’application

Les quatre derniers articles de l’ordonnance contiennent des dispositions de coordination et d’application.

L’article 7 procède à des modifications rédactionnelles dans le code général des collectivités territoriales, le code de l’éducation et le code du travail afin de tirer les conséquences de la nouvelle dénomination de l’AFPA.

L’article 9, par ailleurs, fixe l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance à la date d’effet de la décision portant dissolution de l’AFPA, et au plus tard le 1er janvier 2017. Cette décision n’ayant pas été prise avant cette échéance, l’ordonnance est donc appliquée depuis le 1er janvier 2017.

Enfin, l’application de l’ordonnance est précisée aux articles 8 et 10 :

– l’article 8 renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des conditions d’application des articles 2 à 7 de l’ordonnance. L’article premier de l’ordonnance, qui n’entre donc pas dans le champ de ce décret, renvoie lui-même son application à un décret en Conseil d’État, prévu à son dernier alinéa ;

– l’article 10 identifie le Premier ministre, le ministre de l’économie et des finances et la ministre du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social comme responsables de l’application de l’ordonnance.

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M. Bernard Perrut. Le groupe Les Républicains est attaché autant à la formation professionnelle qu’à l’AFPA. Compte tenu des réserves qu’il a émises s’agissant des conditions de mise en œuvre de sa réforme, il exprimera un vote d’abstention.

La Commission adopte l’article unique du projet de loi, sans modification.

Ce faisant, elle adopte le projet de loi, sans modification.

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En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.



LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Ø Syndicat CFDT de l’Association nationale de la formation professionnelle pour adultes (CFDT AFPA) – Mme Danièle Artiguenave, déléguée syndicale centrale d’entreprise, et M. Thierry Cheype, secrétaire général adjoint

Ø Syndicat national CFE-CGC du personnel des établissements AFPA (CFE-CGC AFPA) – M. André Thomas, président, et Mme Dominique Jeuffrault, déléguée nationale confédérale

Ø Syndicat national CGT de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (CGT AFPA) – M. Christian Filliot, secrétaire général, et Mme Catherine Ribot, secrétaire générale adjointe et secrétaire du CCE de l’AFPA

Ø Syndicat national Force ouvrière des agents de la Formation professionnelle des adultes (SFNFO FPA) – M. Patrick Hermas, secrétaire national, et Mme Nathalie Tondolo, secrétaire générale

Ø Syndicat SUD de la formation professionnelle des adultes (SUD FPA) – M. Jean-Marc Cellier, secrétaire général, et M. François Duval, délégué syndical central pour l’AFPA

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 71-578 du 16 juillet 1971 relative à la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles.

2 () Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

3 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

4 () Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

5 () Cour de justice des communautés européennes, 23 avril 1991, Klaus Höfner et Fritz Elser contre Macrotron GmbH.

6 () Proposition de loi n° 2149 de M. Jean-Marc Ayrault relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive services.
Pour plus d’éléments, se reporter au rapport n° 2218 de M. Jean-Patrick Gille : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2218.asp.

7 () Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

8 () Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

9 () Conseil d’État, étude annuelle pour 2012, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », p. 125 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/124000501.pdf.

10 () Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

11 () Voir les développements du rapport de M. Christophe Sirugue dans le cadre du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, p. 367, à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r2792.pdf.

12 () Décret n° 2016-1520 du 10 novembre 2016 relatif aux modalités de nomination du directeur général de l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

13 () Décret du 8 décembre 2016 portant nomination de la directrice générale de l’Établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

14 () Loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

15 () Décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010.

16 () Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

17 () Arrêté du 28 décembre 2016 relatif à la liste des biens immobiliers transférés à l’établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

18 () Arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux projets de site préalables au transfert de propriété de l’État à titre gratuit aux régions d’un ou de plusieurs immeubles utilisés par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.