N° 4482 et N° 4483
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 février 2017
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :
– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif),
ET
– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l’opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu’à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont,
PAR M. Philippe BAUMEL
Député
——
ET
ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir les numéros :
Sénat : 847 (2015-2016), 223, 225 et T.A. 46 (2016-2017) et 154 (2015-2016), 223, 224 et T.A. 47 (2016-2017).
Assemblée nationale : 4351 et 4352.
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Pages
INTRODUCTION 5
I. LA MODERNISATION DE LA LIAISON FERROVIAIRE ANNEMASSE-GENÈVE 7
A. L’INSUFFISANCE DE L’OFFRE DE TRANSPORTS COLLECTIFS AUTOUR DE GENÈVE 7
B. LE PROJET « CORNAVIN-EAUX-VIVES-ANNEMASSE » 7
C. UN PROJET FINANCÉ PRINCIPALEMENT PAR LA PARTIE HELVÉTIQUE 8
D. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION 8
II. LA RÉOUVERTURE DE LA VOIE FERRÉE BELFORT-DELLE 11
A. LES ENJEUX DE LA RÉOUVERTURE DE LA LIGNE BELFORT-DELLE 11
B. UNE CONTRIBUTION FINANCIÈRE HELVÉTIQUE 11
C. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION 12
La commission des affaires étrangères est saisie de deux projets de loi, tous les deux adoptés par le Sénat en décembre 2016 :
– l’un autorisant l’approbation de la convention franco-helvétique relative à la réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle et à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont ;
– l’autre autorisant l’approbation de la convention franco-helvétique concernant la modernisation de la ligne ferroviaire Annemasse-Genève.
Ces deux textes ont été signés en 2014 et ont pour objet le développement des liaisons ferroviaires avec la Suisse en prévoyant la modernisation, voire la réouverture, de voies ferrées transfrontalières.
Conformément aux décisions prises, notamment par le bureau de la commission des affaires étrangères, pour accélérer la ratification ou l’approbation des accords internationaux, il est proposé que ces deux accords de même nature et déjà examinés par le Sénat fassent l’objet d’un rapport commun et d’une présentation synthétique.
La première des conventions qui nous sont soumises a été signée le 19 mars 2014 entre les gouvernements français et suisse. Elle a pour objet d’établir les engagements réciproques des deux pays pour la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève. Il s’agit en fait de définir les modalités de réalisation du projet dit « Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse » (CEVA), lequel consiste à aménager une liaison ferroviaire moderne de la gare de Genève-Cornavin (gare principale de Genève) à celle d’Annemasse.
On sait que le bassin d’emploi et de vie centré sur la ville de Genève déborde largement et de plus en plus sur le territoire français. Il se caractérise notamment par des flux en augmentation constante de travailleurs transfrontaliers habitant en Haute-Savoie ou dans l’Ain et travaillant en Suisse. 550 000 déplacements quotidiens ont lieu à la frontière du canton de Genève, soit 20 % de plus qu’en 2002. Cependant, moins de 16 % des personnes qui effectuent ces trajets utilisent les transports en commun, faute d’une offre adéquate, ce qui entraîne une saturation du réseau routier.
Le projet CEVA entend remédier à cette situation. C’est un projet de transport ferroviaire en milieu urbain qui sera aménagé majoritairement en souterrain. Les études de trafic prévisionnel anticipent une augmentation globale (toutes origines et destinations sur la ligne) du trafic-voyageurs de 142 %, grâce à des rames plus fréquentes et plus rapides : le trafic journalier sur la ligne passerait de 5 400 à 13 000 voyageurs, allégeant d’autant le trafic routier. S’agissant plus précisément du trafic intéressant la France, la nouvelle infrastructure permettrait le report de la route sur le train d’environ 5 000 personnes par jour, dont 3 500 sur les relations avec Genève et 1 500 sur les relations franco-françaises.
Il s’agit donc de relier Genève-Cornavin à Annemasse via Genève-Eaux-Vives. L’essentiel de la nouvelle ligne, formée de tronçons modernisés (mis à double voie) d’anciennes lignes et de sections réellement nouvelles, sera en Suisse : sur 16 kilomètres de ligne, seul 1,8 sera sur le territoire français, entre Annemasse et la frontière.
En effet, il aurait été regrettable que ce projet concernant d’abord le canton de Genève ne comporte pas une liaison avec le réseau français à Annemasse. Sur le territoire français, l’étoile ferroviaire d’Annemasse, avec ses trois branches (vers Évian, La Roche-sur-Foron et Bellegarde), a un rôle nodal dans l’organisation des transports en Haute-Savoie.
La mise en service de la ligne CEVA permettra la connexion de 230 kilomètres de lignes et de plus de 40 gares dans un rayon de 60 kilomètres autour de Genève, couvrant ainsi un territoire de près d’un million d’habitants répartis sur deux cantons suisses et deux départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. De plus, trois nouvelles gares seront ouvertes sur cette ligne entre Eaux-Vives et Cornavin.
La part française du projet consiste en la construction d’une double voie en tranchée couverte entre la frontière et la gare d’Annemasse.
La mise en service de la ligne complète, initialement prévue à la fin de l’année 2017, a été reportée suite au retard d’un chantier sur le segment suisse : elle est espérée en 2019.
Le coût global du projet est estimé à 1,5 milliard d’euros, dont l’essentiel, correspondant à des travaux sur le territoire suisse, sera financé par la partie helvétique.
S’agissant de la seule partie française, une convention relative au financement des travaux a été signée sur la base d’un coût total (études et travaux) de 234,25 millions d’euros, dont une participation de l’État de 40,6 millions d’euros.
Il est à noter que, selon l’article 5 de la présente convention, dont c’est l’une des dispositions les plus importantes, « par dérogation au principe de territorialité, les coûts d’investissement et d’entretien des aménagements et équipements spécifiques pour accueillir les trains suisses (…) en gare d’Annemasse sont financés par la partie suisse pour un montant forfaitaire et libératoire de 15,7 millions d’euros ». Outre les coûts à sa charge sur son territoire, la partie suisse a donc accepté de contribuer aux travaux du côté français, dans la mesure où les trains qui rouleront sur cette ligne essentiellement localisée en Suisse seront des trains suisses, ce qui implique des aménagements spécifiques en gare d’Annemasse.
Les articles 1er à 3 de la convention définissent son objet, présenté supra, et les travaux qu’elle couvre.
Ses articles 4 à 6 mettent en œuvre le principe de territorialité (chaque pays est responsable de la partie d’infrastructure située sur son territoire) en matière de maîtrise d’ouvrage, entretien et financement de la ligne, sous réserve de la contribution financière helvétique dérogatoire mentionnée supra.
Selon l’article 7, pour des raisons d’organisation, la régulation et la signalisation de toute la voie seront confiées à la partie suisse. L’article 9 déroge de même au principe de territorialité en spécifiant que, pour assurer l’homogénéité tarifaire sur la ligne, la tarification sur le petit segment Annemasse-frontière pourra déroger aux règles nationales.
La convention renvoie par ailleurs à de futurs accords administratifs d’application, notamment en matière d’organisation efficace des contrôles de passage de la frontière (article 10) et de gestion technique de la ligne (article 14, prévoyant une convention entre les Chemins de fer fédéraux-CFF et Réseau ferré de France-RFF).
Il est également établi, par l’article 13, un comité mixte de sécurité civile. Un comité de sécurité est de fait en place depuis octobre 2015 : co-présidé par le préfet de Haute-Savoie et un représentant de l’Office fédéral des transports helvétique, il réunit, outre les services de secours, les services en charge de la sécurité publique, la police aux frontières, les autorités judiciaires et les douanes. Pour ce qui concerne les questions de sécurité civile, un plan de secours binational est actuellement en cours de rédaction.
On relève enfin que la présente convention est complétée par un échange de lettres intergouvernemental destiné à clarifier la stipulation de son article 11 selon laquelle « les parties contractantes ne procèdent à aucune perception fiscale ou douanière sur les titres de transport émis pour les trajets des trains régionaux transfrontaliers » : les deux gouvernements précisent d’un commun accord que la convention ne s’applique qu’à la fiscalité indirecte portant sur les titres de transport, donc pas, notamment, aux impôts directs dus par les transporteurs.
L’autre convention qui nous est soumise, signée le 11 août 2014 par les gouvernements français et suisse, a pour objet la réouverture au trafic de voyageurs de la ligne ferroviaire Belfort-Delle, qui est située en territoire français, mais jouxte le territoire helvétique (Delle est une ville-frontière).
La voie ferrée Belfort-Delle est une ligne ancienne fermée à la circulation des trains de voyageurs depuis 1992. Longue de 22 kilomètres, elle est à voie unique et non électrifiée. Actuellement, une portion de la ligne (Belfort-Morvillars) reste seulement exploitée pour le fret.
L’objectif de la convention est d’organiser les travaux de rénovation complète qui permettront à la ligne d’accueillir à nouveau des trains de voyageurs dans des conditions modernes, avec une circulation jusqu’à 140 km/h : électrification, signalisation, création ou rénovation de haltes ferroviaires compatibles avec les trains suisses Flirt, création de deux points de croisement de manière à permettre une fréquence de deux trains par heure de pointe, etc.
La ligne rénovée répondra aussi bien à des besoins locaux de mobilité qu’à des besoins régionaux. Au niveau local, elle facilitera la desserte et donc le développement économique des zones frontalières, ce des deux côtés de la frontière car elle sera connectée à la ligne suisse Delle-Delémont. Mais, par ailleurs, l’itinéraire Belfort-Delle coupe la ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône, mise en service en 2011, à proximité immédiate de la gare de Belfort-Montbéliard-TGV. Avec l’aménagement d’un arrêt spécifique, la réouverture de la ligne Belfort-Delle au trafic de voyageurs offrira en conséquence aux cantons limitrophes suisses ainsi qu’à l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard un accès privilégié au réseau TGV.
Les études de trafic prévoient environ 3 700 voyageurs par jour. L’opération devrait permettre le report de trajets effectués en véhicule particulier sur le train d’environ 2 500 personnes quotidiennement.
La mise en service de la ligne rénovée est attendue en 2018.
Une convention relative au financement de l’opération a été signée le 1er septembre 2014, sur la base d’un coût total prévisionnel (études et travaux) de 110,51 millions d’euros. La participation de l’État s’élève à 23,05 millions d’euros. Celle de la région Franche-Comté (depuis lors réunie à la Bourgogne) est de 43,8 millions d’euros (intégrant 10,15 millions d’euros correspondant à la contribution complémentaire que l’État prévoit d’apporter dans le cadre des contrats de plan État-Région 2015-2020).
Bien que les travaux concernent un segment de ligne français, l’article 5 de la présente convention prévoit en outre une contribution helvétique (Confédération et canton du Jura) : « par dérogation au principe de territorialité et au vu de l’utilité socio-économique du projet pour la Suisse, la partie suisse s’engage à accorder une contribution forfaitaire d’un montant de 24,5 millions de francs suisses (valeur octobre 2003) pour le financement des travaux de réhabilitation de la ligne entre Belfort et Delle. Ce financement suisse est prévu dans le cadre des projets de raccordements au réseau européen de trains à haute performance ». Cette contribution devrait représenter près de 28 millions d’euros.
La présente convention est construite sur le même plan que celle relative à la ligne CEVA.
Ses articles 1er à 3 définissent son objet, présenté supra, et les travaux qu’elle couvre.
Ses articles 4 à 9, 11 et 12 mettent en œuvre le principe de territorialité en matière de maîtrise d’ouvrage, financement et entretien de la ligne, gestion du trafic, tarification, sécurité, etc., tout en prévoyant naturellement une étroite coordination des autorités des deux pays et sous réserve de la contribution financière helvétique mentionnée supra.
La convention renvoie par ailleurs à de futurs accords administratifs d’application, notamment en matière d’organisation efficace des contrôles de passage de la frontière (article 10) et de gestion technique de la ligne (article 13).
Les deux conventions qui nous sont soumises ont pour objet le développement des liaisons ferroviaires transfrontalières avec la Suisse. Elles visent à faciliter les déplacements des travailleurs frontaliers et plus généralement à développer les échanges avec la Suisse. Elles auront donc un impact économique fort sur les territoires frontaliers concernés. L’une d’entre elles favorisera également l’accès des voyageurs français et suisses à notre réseau TGV.
En développant l’offre de transports publics, ces nouvelles liaisons contribueront aussi à la maîtrise des émissions de polluants et de gaz à effet de serre. Des reports significatifs de la route sur le rail sont attendus.
De plus, dans les deux projets, les autorités helvétiques ont accepté de contribuer significativement aux travaux à réaliser du côté français.
Il est également à noter que les deux textes ont été notifiés préalablement à la Commission européenne, chargée de vérifier la conformité au droit européen de tout accord transfrontalier ferroviaire (en application de la directive 2012/34/UE établissant un espace ferroviaire unique européen), qui les a validés.
Ils ont également, on l’a dit, déjà été approuvés par le Sénat. Du côté helvétique, la convention relative à la ligne CEVA a été ratifiée le 4 juin 2015 et la procédure serait en cours s’agissant de l’autre.
Votre rapporteur vous invite donc à adopter les deux projets de loi afin de permettre l’entrée en vigueur rapide des deux conventions.
Au cours de sa séance du mercredi 15 février 2017, la commission des affaires étrangères examine, sur le rapport de M. Philippe Baumel, les projets de loi autorisant l’approbation de la convention avec le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève (ensemble un échange de lettres interprétatif) (n° 4351) et de la convention avec le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l’opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu’à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont (n° 4352).
Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.
M. Martial Saddier. Je remercie la commission des affaires étrangères d’accueillir un membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La convention concernant la liaison Genève-Annemasse est historique, notamment pour les élus du secteur. Il est important de rappeler que la voie ferrée remonte à 1881. Ce dont nous débattons, c’est d’une modernisation, en vue d’une meilleure efficacité des transports entre deux pays qui ont vu leurs relations évoluer.
Je ne reviendrai pas sur la notoriété internationale de Genève, son attractivité et sa croissance démographique et économique, qui est quasiment sans équivalent dans le monde. Cela fait de la Haute-Savoie, qui compte 90 000 frontaliers sur 450 000 actifs, un département unique en France et peut-être même en Europe dans les relations transfrontalières avec un pays ami, mais non-membre de l’Union européenne, avec laquelle la Suisse a passé des accords bilatéraux.
Pour ma part, depuis 2002 et pendant les dix ans où j’ai été rapporteur du budget des transports à l’Assemblée nationale, j’ai soutenu cette modernisation. J’avais à mes côtés, notamment, notre collègue Claude Birraux, qui était à l’époque député d’Annemasse. Depuis lors, ma collègue Virginie Duby-Muller a repris le flambeau et nous avons défendu ensemble la tranchée couverte jusqu’à Annemasse. Il ne fallait pas que la France passé à côté de ce projet colossal qui illustre bien l’efficacité helvétique : il s’agit ni plus ni moins que de traverser Genève en souterrain.
J’ajoute que la modernisation de ce petit tronçon de 1,8 kilomètre sur le sol français permettra en fait la future connexion vers Thonon et Évian, d’une part, et Chamonix-Mont-Blanc, d’autre part, car, à partir de là, nous allons continuer la modernisation des voies ferrées de la vallée de l’Arve et du Chablais.
Cela conduira donc à une amélioration des conditions de vie des frontaliers, mais aussi de la connexion entre l’aéroport de Genève et les stations de ski de Haute-Savoie. Le quotidien et la qualité de vie des 100 000 frontaliers, mais aussi des 800 000 habitants de la Haute-Savoie, seront meilleurs. C’est pour cela que je soutiens ce texte extrêmement important pour le département de la Haute-Savoie et je remercie l’Assemblée nationale de l’adopter.
Mme Virginie Duby-Muller. La convention avec la Suisse concernant la modernisation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève, avec le projet qu’elle porte, est très attendue sur notre territoire. Il s’agit en effet de préparer le raccordement d’Annemasse à la gare de Genève-Cornavin, principale gare de Genève, comme le prévoyait déjà une convention de 1881.
Le projet transfrontalier Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, dit CEVA, est une véritable nécessité pour notre territoire aujourd’hui, vu la très forte dynamique économique du Grand-Genève. Au troisième trimestre 2016, le nombre de frontaliers étrangers actifs dans le canton de Genève a encore augmenté de 7,5 % par rapport au trimestre correspondant de 2015. Le département de Haute-Savoie compte 89 366 actifs travaillant dans le canton de Genève et domiciliés en Haute-Savoie, soit 6 249 de plus qu’en 2015. Le nombre de permis de travail transfrontaliers – plus de 100 000 actuellement – a doublé en dix ans, entraînant une augmentation très importante des déplacements domicile-travail et une saturation du réseau routier local aux heures de pointes.
En effet, le bassin franco-genevois souffre actuellement d’un fort déficit d’infrastructures et d’offres en matière de transport en commun transfrontalier : moins de 16 % des personnes qui effectuent les 550 000 déplacements quotidiens enregistrés à la frontière du canton de Genève utilisent les transports en commun. Dans le bassin franco-genevois, l’étoile ferroviaire d’Annemasse, avec ses trois branches, représente un point clé dans l’organisation des transports en Haute-Savoie tant pour les déplacements domicile-travail que les loisirs. Actuellement, cette étoile ferroviaire est très peu tournée vers la Suisse, car la gare d’Annemasse n’est pas connectée à la gare principale de Genève, est reliée par des dessertes peu nombreuses à la gare de Genève-Eaux-Vives, excentrée et n’offre pas de correspondances.
Le projet CEVA répond ainsi à des besoins urgents sur le territoire : assumer la forte croissance de Genève et anticiper son développement ; résoudre, par la connexion de la ligne aux autres moyens de transport publics, une partie des problèmes de trafic et de congestion ; assurer une meilleure attractivité au canton de Genève et au département de la Haute-Savoie.
Le projet CEVA consiste à assurer la liaison ferroviaire manquante entre la Praille et Genève-Eaux-Vives, ainsi que la liaison péri-urbaine avec Annemasse. Cette nouvelle liaison doit permettre la circulation en heure de pointe de six trains par sens entre Annemasse et Genève. Côté français, dans la continuité du CEVA, le RER franco-valdo-genevois viendra renforcer l’offre autour de l’étoile ferroviaire d’Annemasse.
Le CEVA va ainsi s’imposer comme la colonne vertébrale d’une ambition plus globale de transport collectif avec un report modal vers des bus à haut niveau de service, des tramways et des projets de co-voiturage. L’objectif est d’inscrire le territoire dans une vision de mobilité douce, avec un objectif de développement durable, pour désengorger le trafic. Le transport ferroviaire est en effet par nature peu polluant et constitue une alternative efficace aux transports individuels motorisés. S’y ajoute le passage en souterrain des anciennes voies sur le tronçon Eaux-Vives-Foron, qui supprime les nuisances sonores existantes pour les riverains. Le projet comprend également l’aménagement d’une voie verte, dédiée à tous les moyens de locomotion non motorisés et aux loisirs. Ces quatre kilomètres sont jalonnés d’espaces verts à fort potentiel écologique, créant ainsi un véritable couloir biologique au cœur de Genève.
Avec une interconnexion de 230 kilomètres de lignes et de plus de 40 gares dans un rayon de 60 kilomètres autour de Genève, le CEVA mettra en place un système de transport cadencé, rapide, fluidifié et concurrentiel à la voiture : le report de la route sur le train est évalué à environ 5 000 personnes par jour à la mise en service, dont 3 500 sur les relations avec Genève et 1 500 sur les relations franco-françaises ; les voyageurs suisses et français gagneront en temps de transport, avec un trajet de 20 minutes prévu entre Annemasse et Genève-Cornavin, et en fréquence de transport, avec un train toutes les 10 minutes. Ce projet devrait ainsi permettre d’accroître le trafic transfrontalier de plus de 170 % et de 87 % sur les relations franco-françaises : le trafic journalier sur l’ensemble des origines-destinations devrait passer de 5 400 à 13 000 voyageurs à l’achèvement du projet. Grâce aux systèmes de correspondances et à la coordination des horaires, le RER sera pleinement intégré dans les réseaux nationaux et internationaux franco-suisses.
Le CEVA est aussi porteur d’un symbole fort : c’est le trait d’union entre deux rives, deux cantons et deux pays. C’est un marqueur de la coopération transfrontalière entre la France et la Suisse. La ligne permettra de gommer l’effet frontière dans les déplacements entre Genève et la Haute-Savoie et ainsi de proposer une offre pour les voyageurs « type RER » pour le Grand-Genève et ses régions limitrophes, baptisée Léman Express. Elle représente 16 kilomètres de ligne entre Genève et Annemasse, dont 2 kilomètres de voie nouvelle côté français, et des opérations de modernisation sur toute la Haute-Savoie.
En conséquence, les temps de parcours franco-suisses seront optimisés et fiables, avec une fréquence de passages augmentée, et les voyageurs devront se munir d’un seul billet pour une tarification simplifiée. Les liaisons interrégionales seront également plus performantes vers Lausanne, Annecy ou Lyon. Enfin, la ligne contribuera plus largement à la dynamisation du Genevois, en facilitant l’accès aux entreprises, aux commerces et aux services situés sur son parcours et à proximité.
Le CEVA est le résultat d’un cofinancement franco-suisse des 234,2 millions d’euros d’investissements nécessaires à la réalisation de la ligne. Le projet, sous maîtrise d’ouvrage SNCF, est porté et financé par treize partenaires : le département de la Haute-Savoie, premier financeur français sur l’infrastructure, la région Rhône-Alpes, SNCF Réseau, l’État français, l’Office fédéral des transports, l’agglomération d’Annemasse, le Syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais (SIAC), l’Union européenne et les collectivités locales (les communautés de communes Cluses, Arve et Montagnes, Pays du Mont-Blanc, Faucigny Glières, Arve et Salève et Pays rochois).
L’ensemble des travaux du projet CEVA devraient être achevés fin 2018, côté français, et fin 2019, côté suisse, pour une mise en service en 2020, en espérant que quelques recours déposés côté suisse ne retardent pas ces échéances.
C’est un moment historique pour nos deux pays, et, avec les élus locaux des deux côtés de la frontière, nous ne cachons pas notre émotion de voir enfin mis en œuvre un projet prévu depuis 1881 !
M. le rapporteur. Je rappellerai juste que nous examinons aujourd’hui un autre texte important, concernant la réouverture de la voie Belfort-Delle, ce qui facilitera notamment l’accès des voyageurs au réseau TGV.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les projets de loi n° 4351 et n° 4352 sans modification.
ANNEXE : TEXTES ADOPTÉS PAR LA COMMISSION
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève, signée à Paris le 19 mars 2014 (ensemble un échange de lettres interprétatif du 10 novembre et du 16 décembre 2015), et dont le texte est annexé à la présente loi.
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Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l’opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu’à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont, signée à Berne le 11 août 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi autorisant leur approbation.