Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 juin 2015.
TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
ANNEXE AU RAPPORT
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) reproduit à l’annexe 1C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, le 15 avril 1994,
Vu l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (COM[2013]813 final),
1. Constate les divergences nationales existant en matière de secret d’affaires dans l’Union européenne et prend acte de la volonté d’harmonisation de la législation, avec notamment la mise en place d’une définition commune, afin de mieux dissuader et sanctionner l’appropriation illicite d’un secret d’affaires et de faciliter le développement de l’innovation dans le cadre du marché intérieur ;
2. Rappelle que, contrairement aux droits de propriété intellectuelle, le secret d’affaires n’ouvre pas de droits exclusifs à son détenteur, que ses concurrents ou d’autres tiers peuvent découvrir de façon indépendante un même secret, que toute pratique conforme aux usages commerciaux honnêtes est acceptée et que la proposition de directive susvisée porte donc uniquement sur l’appropriation illicite du secret ;
2 bis (nouveau). Recommande à l’Union européenne de poursuivre ses efforts pour préserver les intérêts économiques de ses entreprises au niveau international et renforcer les initiatives en matière d’intelligence économique ;
3. Insiste sur l’indispensable articulation entre les différents droits définis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne visés au considérant 23 de la proposition de directive susvisée, tant économiques, comme le droit d’entreprise ou le droit de propriété, que sociétaux ou sociaux, comme la liberté d’expression et d’information ou la liberté professionnelle et le droit de travailler ;
4. Insiste également sur l’articulation entre, d’une part, les intérêts économiques privés liés à une information commerciale, technologique ou un savoir-faire et, d’autre part, l’intérêt public éventuellement lié à ces mêmes informations ;
5. Fait part des inquiétudes persistantes de la société civile européenne quant aux atteintes que pourrait porter la proposition de directive susvisée à l’équilibre entre les différents droits fondamentaux cités au 3 ;
6. Regrette, de ce point de vue, que la concertation autour de cette directive se soit concentrée sur une simple consultation publique ouverte menée par la Commission européenne, dont le résultat est par ailleurs sujet à controverse, compte tenu de la faible participation (386 réponses reçues), de la surreprésentation des grandes entreprises industrielles et des contacts préalables de celles-ci avec la Commission européenne ;
7. Regrette, en particulier, l’absence de dialogue social européen formel lors du processus d’élaboration de la proposition de directive susvisée par la Commission européenne, alors que le texte a un impact direct sur les organisations représentatives des salariés et sur les travailleurs eux-mêmes ;
8. Regrette également le manque de consultation et l’absence de dialogue formel avec d’autres membres de la société civile, tels que les organisations non gouvernementales ou les associations de journalistes ;
9. (Supprimé)
10. Constate que l’article 2 de la proposition de directive susvisée, relatif à la définition du secret d’affaires, conserve sans autre précision la définition des renseignements non divulgués issue du 2 de l’article 39 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce susvisé ;
11. Se félicite, toutefois, que la France ait obtenu l’introduction d’un considérant dans le texte issu du Conseil du 26 mai 2014 qui indique que ces informations ou savoir-faire doivent avoir « une valeur commerciale, effective ou potentielle […] en particulier dans la mesure où leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter préjudice aux intérêts de la personne qui en a licitement le contrôle en ce qu’elle nuit à son potentiel scientifique et technique, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité à faire face à la concurrence » ;
11 bis (nouveau). Appelle plus explicitement à une modification de la condition prévue au b du 1 de l’article 2 de la proposition de directive susvisée, en précisant que les informations protégées ont, plus qu’une seule « valeur commerciale », une « valeur économique, potentielle ou effective, parce qu’elles sont secrètes », afin de rendre la définition du secret d’affaires plus opérante ;
12. Appelle, par une modification du 2 de l’article 4 de la proposition de directive susvisée, à exclure les activités des journalistes du champ d’application de cette proposition, afin de répondre aux inquiétudes formulées notamment en matière de protection des sources ;
13. Suggère de préciser dans un nouveau considérant que cette exclusion des journalistes du champ d’application de la proposition de directive est à même de garantir la liberté d’expression et d’information ;
14. Suggère de rappeler dans le même nouveau considérant que la proposition de directive n’affecte pas les traditions constitutionnelles, les législations et les pratiques des États membres en matière de liberté d’expression, de protection des sources des journalistes et d’alerte éthique, dans le respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
15. (Supprimé)
16. Se félicite de la précision apportée au 1 de l’article 4 de la proposition de directive susvisée par le texte d’orientation du Conseil, sur proposition de la France, prévoyant que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise par le droit national ou le droit de l’Union », ce qui permet de clarifier la possibilité pour les administrations nationales (services fiscaux, sanitaires, douaniers, autorités de régulation…) de ne pas se voir opposer le secret d’affaires dans le cadre de leurs activités ;
17. Juge que, étant donné l’impact de la proposition de directive sur les droits des salariés, ses articles 3 et 4 doivent être remaniés dans le sens d’une protection encore accrue des représentants des salariés ;
18. Propose ainsi d’intégrer à la proposition de la directive les critères issus de la jurisprudence européenne en matière d’information des représentants du personnel et liés à l’exercice de leur travail, profession ou fonctions ;
19. Souligne que l’objectif de protection du secret d’affaires ne doit pas restreindre la mobilité des travailleurs et que l’équilibre actuel entre l’utilisation des clauses de non-concurrence et des clauses de confidentialité, d’une part, et la protection du secret d’affaires, d’autre part, doit être préservé ;
20. Accueille favorablement l’exclusion, dans le considérant 8 de la proposition de directive susvisée, relatif à la définition du secret d’affaires, des connaissances et compétences obtenues par les salariés dans l’exercice normal de leurs fonctions et celles généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui traitent habituellement le type d’informations en question ou leur sont aisément accessibles ;
21. Insiste également sur le fait que les délais de prescription doivent être maintenus à deux ans maximum ;
22. Juge que la protection des lanceurs d’alerte agissant à titre individuel dans une démarche citoyenne doit être spécifiée à l’article 4 de la proposition de directive susvisée, ce qui leur permettra de bénéficier également d’une forme d’exemption ;
23. Prend acte de la clause d’harmonisation minimale voulue par le Conseil, permettant par exemple à la France de ne pas créer de régime de responsabilité ad hoc et de conserver la possibilité d’imposer des amendes civiles aux auteurs de recours abusifs ;
24. Se félicite qu’un principe d’harmonisation maximale soit entériné pour les cas d’exclusion ou d’exonération de responsabilité (journalistes, salariés, lanceurs d’alerte), afin d’assurer une protection maximale des droits fondamentaux dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, garantissant que tout régime éventuel de sanctions pénales prévu par les États membres ne puisse pas aller à l’encontre des clauses d’exonération ;
25. Soutient les dispositions à propos desquelles les négociations de la France au Conseil ont abouti pour permettre un meilleur équilibre, lors des procédures judiciaires, entre la confidentialité et le respect du principe du contradictoire, en ne restreignant l’accès aux informations qu’aux tiers et non aux parties et en imposant aux États de veiller à ce que les parties, leurs avocats, les agents de la juridiction, les témoins et les experts ne soient pas autorisés à utiliser ou divulguer un secret d’affaires dont ils ont eu connaissance en cours d’instance ;
26. Fait état de sa préoccupation concernant l’incidence éventuelle de cette proposition de directive sur l’application de toute autre législation pertinente telle que celle sur les droits de propriété intellectuelle, et regrette que seul le considérant 28 évoque succinctement le risque de chevauchement entre le champ d’application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle et le champ d’application de la proposition de directive susvisée, cette dernière prévalant en tant que lex specialis ;
27. Juge nécessaire une clarification dans la proposition de directive quant à l’articulation entre le secret d’affaires et les droits de propriété intellectuelle, à la fois lorsque le premier précède les seconds, lorsqu’ils se cumulent et lorsqu’ils sont exclusifs l’un de l’autre ;
28. Accueille favorablement toutes propositions d’amendement du Parlement européen allant dans le sens d’un meilleur équilibre des droits fondamentaux au regard, en particulier, des divergences d’application par les États membres ;
29. Juge nécessaire que le Parlement français puisse affirmer une position claire, alliant soutien à l’innovation et respect des droits fondamentaux, par le biais de la présente proposition de résolution, et ainsi faire entendre sa voix dans les négociations en cours au Parlement européen et celles à venir au Conseil de l’Union européenne.
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