P20 déclaration conjointe (Tokyo, 4 novembre 2019)

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Nous, Présidents des parlements des pays membres et invités du G20, réunis à Tokyo, le 4 novembre 2019, dans le contexte du Sommet des dirigeants du G20 de 2019, à l'invitation de la Chambre des conseillers de la Diète nationale du Japon et de l'Union interparlementaire (UIP), déclarons ce qui suit :

DÉCLARATION CONJOINTE

1. Nous notons que le G20, qui réunit les dirigeants des principales économies du monde, a élargi son ordre du jour pour y inclure des questions cruciales de portée mondiale telles que les nouvelles technologies, la numérisation, les conséquences macro-économiques du vieillissement de la population, l'égalité des sexes, la sécurité alimentaire, l'énergie, les changements climatiques, la santé, le terrorisme, les migrations et la protection des réfugiés tout en maintenant l'accent sur les questions qui l'intéressaient initialement, soit la croissance économique et le développement durable.

2. Nous nous félicitons du dialogue approfondi et pluraliste que le G20 entretient avec les représentants de diverses parties prenantes. Dans la perspective du Sommet du G20 d'Osaka, les Groupes d'engagement du G20, composés de représentants du monde des affaires, des syndicats, des milieux scientifiques, de la jeunesse, des femmes et d'autres secteurs, ont présenté des recommandations portant sur un large éventail de questions.

3. Nous encourageons les dirigeants du G20 à respecter leur engagement à œuvrer activement à la réalisation de leur objectif de croissance forte, durable, équilibrée et inclusive. Il faut trouver des solutions communes aux défis communs auxquels la communauté mondiale est confrontée, tout en maintenant un engagement ferme envers la paix, la démocratie, la prospérité et le bien-être humain en faveur de tous. La protection et le renforcement du système multilatéral, avec en son cœur les Nations Unies, doivent être une priorité pour le G20.

4. En tant que représentants du peuple exerçant les fonctions essentielles de législation, d’établissement du budget et de contrôle, les parlementaires doivent contribuer de manière substantielle au processus du G20. Nos parlements doivent faire entendre leurs opinions lors des réunions internationales, telles que le G20, afin de contribuer à combler un déficit démocratique persistant dans les relations internationales.

5. Lorsque le Sommet du G20 a été lancé en 2008, le monde était confronté à une crise financière et économique majeure. Une action conjointe et déterminée de la part des grandes économies, tant développées qu'en développement, a permis d'éviter une dangereuse récession mondiale. Le monde continue de faire face à des défis et à des dangers considérables. Nous exhortons le G20 à mobiliser la volonté politique de trouver et de mettre en oeuvre des solutions durables. Une telle avancée ne peut se faire qu'avec l'engagement total de nos parlements nationaux.

6. Nous sommes profondément préoccupés par l'état d'une économie mondiale qui demeure fortement déséquilibrée en termes d'impact sur la société, sur le développement et sur l’environnement. Nous devons repenser nos économies et
mieux exploiter les opportunités qui se présentent en matière d’économie verte, y compris d’économies circulaires, d’économies de partage et d’économies solidaires. À cet égard, il faudra, entre autres, faire d'importants investissements dans les infrastructures respectueuses de l’environnement et l'efficacité énergétique, adopter des lois visant à promouvoir des pratiques de production et de consommation durables, procéder à des réformes du marché du travail en vue d’appuyer l'adaptation des travailleurs, élaborer des politiques globales pour réduire les inégalités, mettre en place des systèmes fiscaux durables et modernes, se doter d'une réglementation financière plus stricte de manière à freiner la spéculation, et institutionnaliser la comptabilité environnementale tant dans le secteur privé que public. En particulier, les politiques économiques ne peuvent plus se concentrer uniquement sur le produit intérieur brut et doivent être guidées par des mesures plus globales favorisant le progrès et le bien-être humain.

7. Nous réaffirmons que les Objectifs de développement durable (ODD) constituent une feuille de route pour un développement juste, équitable et durable. Notant que des parlements plus forts et plus efficaces auront un rôle central à jouer dans la mise en œuvre des ODD, nous demandons à ce que des efforts plus importants soient déployés pour renforcer la capacité de nos parlements respectifs à transformer ces engagements mondiaux en réalités nationales. Nous nous efforcerons également d'accroître la collaboration et la solidarité internationales dans le cadre de la réalisation de ces objectifs communs, notamment par une participation parlementaire dynamique au Forum politique de haut niveau des Nations Unies, le principal mécanisme international pour le suivi des ODD.

8. Nous insistons sur la portée particulière de l'ODD 16, qui reconnaît l'importance des institutions efficaces, y compris les parlements, en vue de la réalisation de l'ensemble des ODD. Nous rappelons que les parlements sont un élément central d'un mécanisme étatique qui vise à faire en sorte que les politiques publiques soient toujours axées sur le bien-être du peuple et à pouvoir prendre des mesures correctives si nécessaire. Nous nous engageons donc à redoubler d'efforts pour rendre nos parlements toujours plus représentatifs, ouverts et transparents, accessibles, responsables et efficaces. Nous demandons également aux gouvernements et aux parlements de collaborer en vue de renforcer la participation du public aux processus décisionnels à tous les niveaux, afin que les politiques publiques répondent aux besoins de tous et ne laissent personne de côté.

9. Nous réaffirmons notre engagement à continuer de lutter contre la corruption sous toutes ses formes, à ne pas donner refuge aux personnes corrompues et aux produits de la corruption, et à assurer une gouvernance ouverte, transparente et responsable à tous les niveaux. À cette fin, nous appuierons l'adoption d'une législation, et notamment de mesures de lutte contre la corruption, qui renforcera la confiance du peuple dans ses institutions et contribuera à la réalisation de l'Objectif 16 des ODD pour des sociétés pacifiques et une bonne gouvernance.

10. Nous pensons que le multilatéralisme reste la meilleure solution qui s’offre à nous pour préserver la paix et parvenir au développement durable. Nous pensons qu'un système commercial multilatéral fondé sur des règles, ouvert, transparent, équitable et non discriminatoire, respecté par tous, joue un rôle important dans la promotion de la prospérité et du développement durable. Les pays doivent s'abstenir d’adopter des mesures protectionnistes et des pratiques commerciales incompatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), car elles sapent l'ensemble du régime commercial multilatéral. Les tarifs douaniers et les obstacles non tarifaires ne doivent jamais être imposés arbitrairement ou unilatéralement sur la base d'objectifs politiques.

11. Nous convenons que le système commercial multilatéral est actuellement en retard par rapport à ses objectifs et que l’OMC doit être réformée. Nous prenons acte de l'engagement renouvelé du G20 à réformer l’OMC pour aider à maintenir les normes commerciales mondiales et en créer de nouvelles qui reflètent la réalité d'une économie mondiale en évolution. Nous demandons l’intensification des discussions pour que le système de règlement des différends de l’OMC reste pleinement opérationnel. Le développement durable doit être au cœur des négociations commerciales multilatérales et il faut consacrer des efforts aux pays en développement et aux pays les moins avancés, en accordant une attention particulière aux préoccupations et aux intérêts des agriculteurs ainsi que des micro, petites et moyennes entreprises, qui créent des emplois et constituent des moteurs de l'innovation.

12. La mondialisation a sorti des millions de personnes de la pauvreté, apportant croissance et développement. Cependant, il reste un segment de la population qui n'en a pas bénéficié pleinement et nous sommes confrontés à des inégalités croissantes. Nous reconnaissons l’importance d’adopter des politiques fiscales, salariales et de protection sociale adéquates pour parvenir à une répartition plus équitable des revenus et des richesses. C'est un défi que les gouvernements et les parlements doivent relever ensemble dans un esprit de solidarité et de coopération.

13. En tant que parlementaires, nous devons également contribuer à promouvoir un environnement dans lequel la science, la technologie et l'innovation contribuent positivement à la paix, au développement et au bien-être humain, tout en limitant ou atténuant les risques connexes et en protégeant la planète.

14. Nous reconnaissons les avantages évidents de l'innovation et des technologies, néanmoins, nous sommes préoccupés par les effets potentiellement négatifs de la numérisation, de la robotisation, de l’automatisation, des nanotechnologies et des autres innovations technologiques sur l'emploi et le bien-être humain. Nous exhortons le G20 à exploiter les technologies telles que l'intelligence artificielle et l'internet des objets afin d'accroître la productivité et la croissance inclusive et de réaliser une société axée sur l'humain, tout en relevant les défis liés à la répartition des richesses, en soutenant les travailleurs et les collectivités lors de transitions, et en veillant à ce que l’accès aux technologies et les avantages technologiques soient répartis de manière équitable dans la société.

15. Nous prônons un travail décent et des mesures de protection plus solides pour faciliter la transition des travailleurs reconvertis vers de nouveaux emplois, comme indiqué dans l’ODD 8, qui vise à promouvoir le plein emploi et un travail décent pour tous. Nous demandons également un cadre réglementaire adéquat et actualisé, et des mesures spéciales visant à aider les jeunes, les travailleurs âgés déplacés et les personnes handicapées à entrer sur le marché du travail comme entrepreneurs ou travailleurs. Nous devons garder à l'esprit que les changements démographiques dans les pays du monde entier ne doivent pas nuire à la productivité et à la viabilité financière des systèmes de sécurité sociale. Par exemple, l’investissement dans le capital humain en vue d’augmenter la longévité et l’excédent de population, conjugué à la promotion harmonieuse et appropriée de la mobilité de la main-d’oeuvre, peut aider à atténuer l'impact de la diminution de la main-d’œuvre et de la population active. Nous comptons sur le G20 pour qu'il continue d'approfondir le débat autour de ces défis.

16. Nous encourageons les dirigeants du G20 à promouvoir la circulation transfrontalière sûre et ordonnée de l'information, et à permettre aux internautes d'accéder légalement aux informations, aux connaissances et aux services en ligne. Nous prenons note des discussions en cours visant à exploiter le potentiel des économies numériques, notamment en ce qui concerne la circulation des données et le commerce électronique. Nous reconnaissons que la protection de la vie privée et des données personnelles doit être respectée pour que la confiance dans l'économie numérique soit renforcée.

17. Des infrastructures de qualité sont un moteur essentiel de la prospérité économique, du développement durable et d'une croissance inclusive. Nous nous félicitons des Principes du G20 en matière d’investissements dans les infrastructures de qualité, approuvés au Sommet du G20 à Osaka, qui tiennent compte de la transparence, de l'ouverture, de l'efficience économique, de la croissance durable et du renforcement de la gouvernance des infrastructures. Nous insistons tout particulièrement sur l'importance accordée aux investissements dans les infrastructures de qualité et nous saluons les tentatives visant à combler un écart persistant en ce qui concerne le financement des infrastructures dans les pays en développement. Les défis uniques en leur genre que connaissent l'Afrique et les pays en développement à faible revenu demeurent une préoccupation importante.

18. Nous nous félicitons de l'engagement renouvelé du G20 en faveur de la promotion de l'égalité des sexes conformément à l'ODD 5 et de la mise en oeuvre de l'Objectif de Brisbane, qui vise à réduire de 25 pour cent d'ici 2025 les disparités entre les sexes pour ce qui est de la participation à la vie professionnelle, et nous appuyons la volonté déclarée du G20 de mettre fin à toutes formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles ainsi qu'à la violence sexiste. Nous reconnaissons l’importance de la Convention concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail récemment adoptée. Nous saluons également l’alliance du secteur privé EMPOWER qui vise à renforcer l’autonomisation des femmes et leur participation à l’économie, mentionnée dans la Déclaration des dirigeants du G20 à Osaka. Nous sommes convaincus que l'égalité des sexes et l’autonomisation des femmes mènent à une plus grande prospérité et au développement durable profitables à l'ensemble de la société, et nous sommes déterminés à promouvoir activement l'accès des femmes aux postes de direction et de décision. En tant que leaders parlementaires, nous nous engageons à donner l'exemple et à veiller à ce que nos parlements respectifs soient effectivement des institutions sensibles au genre.

19. Notre monde est confronté à la réalité des changements climatiques et il faut y faire face de façon urgente et efficace. Nous reconnaissons que nos parlements, en particulier, ont la lourde responsabilité d'inverser la tendance et c'est pourquoi nous devons prendre des mesures déterminées. Nous prenons note de l'appel du G20 en faveur d'investissements accrus dans les sources d'énergie durables, les technologies énergétiques propres et les infrastructures. La lutte contre les changements climatiques est essentielle à la réalisation des ODD. Nous soulignons donc l’importance des stratégies à long terme qui favorisent les économies à faibles émissions et sont soutenues par des partenariats public-privé et des innovations décisives.

20. Nous nous félicitons du fait que le G20 mette l'accent sur les mesures de lutte contre la pollution marine, en particulier les déchets plastiques marins. Nous saluons l'initiative "Osaka Blue Ocean Vision", qui a été présentée durant le Sommet du G20 et qui vise à réduire à zéro, d'ici à 2050, le déversement de déchets plastiques supplémentaires dans les océans, et nous reconnaissons que les parlements ont un rôle essentiel à jouer pour promouvoir les politiques visant à réaliser cet objectif. Une action efficace nécessitera également un appui technique et humain aux pays en développement.

21. D'importantes inégalités persistent en matière d'accès aux soins de santé, tant au niveau national qu'entre les pays. Les populations vulnérables sont touchées par des taux plus élevés de morbidité et de mortalité prématurée face à des causes faciles à prévenir et à traiter. La prévention (en particulier grâce à des campagnes systématiques de vaccination), la promotion de la santé, les traitements et des soins de qualité pour toutes les générations sont essentiels au développement durable et à la croissance économique. Conscients des liens entre la santé, la croissance économique et la productivité, nous saluons l’adoption, cette année, de la Déclaration politique des Nations Unies et de la résolution de l’UIP sur la couverture sanitaire universelle (CSU), qui comprennent en outre un accès universel aux soins de santé reproductive, et nous nous engageons à les mettre dûment en œuvre.

22. Nous saluons l’engagement du G20 de poursuivre le dialogue sur les différentes dimensions des déplacements et des migrations. Nous soulignons que l’actuelle crise des réfugiés est un problème mondial qui a des conséquences politiques, sociales, économiques et humanitaires majeures. Nous soulignons qu'il incombe à la communauté internationale d’agir de concert pour lutter contre les conditions propices aux migrations et aux déplacements, et de partager le fardeau de l’atténuation des souffrances des réfugiés et des personnes déplacées.

23. Nous réaffirmons notre soutien résolu à la lutte contre l’extrémisme, la xénophobie et le terrorisme sous toutes leurs formes et dans toutes leurs manifestations, car ces menaces peuvent nuire gravement à la paix et à la sécurité mondiales et saper l’action que nous menons pour renforcer l’économie mondiale et assurer une croissance et un développement durables. Nous sommes pleinement conscients du rôle essentiel des parlements à cet égard et exhortons le G20 à intensifier les efforts communs pour lutter contre ces menaces.

24. Afin de cerner avec précision les nouvelles questions politiques émergentes dans un contexte d'interdépendance internationale croissante et d'évolution sociale rapide, de trouver le juste équilibre entre la protection des droits et des intérêts des personnes et les évolutions économiques, sociales, scientifiques, technologiques et autres, et de concevoir des cadres juridiques appropriés, nous, parlementaires, nous engageons à intensifier nos efforts pour améliorer davantage les capacités des parlements en matière d'enquête et de recherche. Nous demandons instamment à l'UIP de fournir aux parlementaires du monde entier les connaissances dont ils ont besoin pour s'attaquer aux problèmes émergents et de donner aux différents pays l'occasion de faire connaître leurs expériences.

25. Le présent Sommet des Présidents de parlement s'appuie sur l'expérience acquise lors du Sommet de 2018, tenu à Buenos Aires, et des consultations antérieures menées auprès des Présidents de parlement des pays du G20 qui ont été initialement lancées par le Sénat du Canada en 2010. Nous réaffirmons notre engagement à poursuivre nos travaux conjoints dans le contexte du G20, car ceux-ci constituent une étape importante pour combler le déficit démocratique dans les relations internationales et enrichir le processus du G20. Nous demandons donc aux dirigeants du G20 de reconnaître le Sommet des Présidents de parlement (P20) comme une contribution parlementaire au processus global du G20. Quant à nous, nous communiquerons la présente Déclaration conjointe à nos chefs d'État et de gouvernement respectifs et nous emploierons à mettre en œuvre nos engagements communs.

26. Nous remercions la Chambre des conseillers de la Diète nationale du Japon d'avoir accueilli le sixième Sommet des Présidents de parlement du G20 et de son hospitalité chaleureuse. Nous demandons à l'UIP de continuer à assurer la pérennité du cadre du P20 et nous réjouissons de nous retrouver de nouveau en 2020.