GA Comores, audition de l'AFD (14 février 2019)

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Audition de l’Agence française de développement
14 février 2019

Étaient présents : Mansour Kamardine, président du groupe d’amitié, Saïd Ahamada et Jean-Marie Fiévet, députés.

Était représentée : Alexandra Louis, députée.

Étaient également présents : Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD), Anne de Soucy, directrice adjointe du département 3 Océans, Bruno Clavreul, responsable, expert des  Comores du département 3 Océans, Pascal Richer, responsable Mayotte du département 3 Océans, Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec le Parlement au département Stratégie Prospective et Relations institutionnelles, Xavier Jaglin, collaborateur de M. Kamardine.

A retenir : Après 9 mois de crise diplomatique bilatérale entre la France et l’Union des Comores, un accord-cadre de partenariat franco-comorien est en cours d’élaboration. L’Agence française de développement est en charge du volet « aide publique au développement ». Il est envisagé un engagement financier inédit de la France à hauteur de 150 millions d’euros répartis sur 3 ans. Les services de l’Etat (MEAE, Ambassade et AFD) se coordonnent dans un esprit désormais constructif, notamment l’Ambassade de France avec le bureau de l’AFD à Moroni. Les principaux axes du projet de l’AFD sont l’insertion économique et sociale des jeunes, le développement économique et la création d’emplois ainsi que la santé.

M. Mansour Kamardine, président du groupe d’amitié, remercie M. Rioux d’avoir accepté d’intervenir, avec ses collaborateurs, devant le groupe d’amitié France-Comores de l’Assemblée nationale. Il rappelle que la France et les Comores ont traversé une longue crise diplomatique. Le 21 mars 2018, Moroni décide de ne plus réadmettre ses ressortissants en situation irrégulière en provenance de l’île aux parfums, considérant que Mayotte est une île comorienne. En représailles, le 4 mai, Paris décide de geler la délivrance de visas pour tous les ressortissants comoriens désirant se rendre en France. Le dialogue est rompu entre les deux pays. Le 6 novembre dernier, Jean-Yves le Drian et son homologue Mohamed El-Amine Souef ont signé une déclaration conjointe, qui vise à redonner un nouvel élan à la relation bilatérale. Les mesures présentées portent notamment sur les questions migratoires et sur l’élaboration d’un ambitieux projet de développement. M. Kamardine évoque pour les Comores une aide au développement de 50 M € par an, sur 3 ans.

M. Rémy Rioux, directeur général de l’AFD, indique qu’il est personnellement très attaché aux Comores. Il était, il y a 15 ans, administrateur de la Banque Centrale pour la direction du Trésor et connaît très bien la Grande Comore, Mohéli et Anjouan. Il est très conscient des enjeux, mais aussi de la difficulté de la tâche et pense que l’AFD a un rôle particulier à jouer dans le collectif France. L’AFD est présente en Union des Comores depuis plus de 50 ans.

M. Rioux rappelle qu’une délégation de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’est rendue aux Comores du 14 au 19 octobre 2018. [1] Il estime qu’il faut se servir des remarques et conclusions de cette mission pour mettre en place le nouveau dispositif qui sera de toute autre nature. La France et les Comores ont mis au point un projet de développement qui devrait s’élever à 150 millions d’euros sur trois ans. C’est un montant qu’il convient de mettre en parallèle avec l’action actuelle de l’AFD aux Comores (environ 5 M € par an). Il s’agit de dons puisque le pays ne peut pas emprunter. C’est un pays qui n’est pas jugé prioritaire par les autres bailleurs de fonds ; tout le monde attendant la réaction de la France avant de suivre.

L’AFD attend la négociation du document cadre de partenariat. Le document pourrait être signé avant l’élection présidentielle. [2] L'Agence française de développement a fait un certain nombre de missions de pré-identification de projets.

M. Rioux précise que l’AFD a changé son organisation ; Mayotte, comme les Comores dépendent désormais du département « Trois Océans ». Son département Outre-mer a été remplacé par un nouveau département « mixte », appelé « Les trois Océans ». Cette nouvelle stratégie consiste en l’insertion des territoires ultramarins dans leur bassin régional en soutenant des projets de coopération partagés avec les États voisins. L’idée étant de capturer la dimension océanique des territoires ultramarins. Les Outre-mer ont un rôle singulier à jouer dans notre relation avec le reste du monde et l’AFD est l’instrument pour nouer ce dialogue.

M. Mansour Kamardine indique que l’Assemblée nationale est très attachée à l’idée d’assurer le développement aux Comores. Aujourd’hui, comme le soulignait le Président Azali, il faut que la France soit visible. Les jeunes Comoriens ont le regard tourné vers la Chine alors que la France fait beaucoup plus de choses sur place, mais c’est la Chine qui est visible. Tout cela est dû au fait que la France ne souhaite pas se mettre en avant.

M. Rémy Rioux souhaite savoir si les députés veulent un signal fort limité à la France.

M. Mansour Kamardine confirme qu’il est tout à fait favorable à la participation d’autres partenaires.

M. Saïd Ahamada, député des Bouches-du-Rhône, rappelle qu’il est d’origine comorienne. Il estime que l’aide apportée aux Comores a été insuffisante jusqu’à présent. Les écarts de revenus entre Mayotte et les Comores devraient se réduire. La Francophonie a beaucoup reculé ces dernières années aux Comores. Les dirigeants sont beaucoup plus arabophones. Il y a une défiance accrue vis-à-vis de la France.

M. Ahamada est convaincu qu’il est très important d’associer la diaspora comorienne ; le président Azali aurait des difficultés à s’opposer à un projet qui serait porté par les Comoriens de France. Un tel appui de la diaspora permettra également de faire entendre la voix de la France et de faire mieux connaître les réalisations sur le sol comorien.

M. Ahamada regrette que les projets qui ont été portés jusqu’à présent n’aient pas été concentrés sur une problématique. Si, par exemple, demain, grâce à la France, les Comores devenaient autonomes en matière d’énergie, notamment avec l’énergie renouvelable, les deux parties en ressortiraient gagnantes.

M. Jean-Marie Fiévet, député des Deux-Sèvres, rappelle qu’il y a une forte demande dans le domaine de la santé.

M. Rémy Rioux indique qu’une réunion concernant les diasporas africaines devrait avoir lieu début juillet à Bordeaux, en présence du Président de la République. [3] À cette occasion, il serait intéressant qu’un signe fort soit adressé en direction des Comores.

Dans un pays, la politique monétaire  est ce qu’il y a de plus régalien. Quand tout allait mal aux Comores, la seule institution qui « tenait la route » c’était la Banque centrale des Comores. La monnaie est restée forte. Elle a permis, pour la diaspora, un système de transfert de fonds. La garantie de la France est très importante pour la stabilité du franc comorien.

Mme Anne de Soucy, Directrice adjointe du Département 3 Océans présente les trois axes prioritaires qui ont été identifiés par l’AFD, après un travail ministériel. On est au stade de la pré-identification, rien n’ayant été, jusqu’à présent, arrêté. Ces axes sont l’insertion économique et sociale des jeunes, le développement économique et la création d’emplois (fortes possibilités de développement dans le secteur agricole) et la santé (forte présence au niveau des soins).

M. Bruno Clavreul, responsable, expert des  Comores du Département 3 Océans, revient sur les axes prioritaires. Concernant l’axe sur le développement du tissu économique, il est prévu un projet de renforcement du partenariat avec la diaspora qui ne recouvre pas uniquement la thématique des flux financiers, mais aussi celui de la mobilisation des expertises et des compétences de la diaspora française et régionale.

Le premier axe sur l’insertion économique et sociale des jeunes s’articule autour de trois interventions : un projet de formation et d’appui à l’insertion professionnelle ; les 2e et 3e projets recouvrent un renforcement du secteur de l’éducation au sens large (sur tout le parcours des jeunes Comoriens du primaire jusqu’au lycée. Les appuis à l’université continueront d’être assurés par les services de coopération de l’ambassade de France).

Pour 2019, l’AFD souhaite engager, au titre du Plan de développement France- Comores, 36 M €. (10 M € au titre de l’insertion, 10 M € sur le soutien aux filières d’exportation agricole génératrices d’emplois et 16 M € sur la santé). On assiste aussi bien à un changement d’échelle qu’à un changement de méthode.

Les réflexions menées par l’AFD à la demande du ministère des Affaires étrangères français sur ces sujets l’ont amené à appréhender un certain nombre d’hypothèses critiques. L’un des points importants du document cadre de partenariat prévoit la création, auprès de la Présidence, d’une cellule de conciliation comorienne. Elle serait saisie, par les maîtres d’ouvrage des projets, pendant toute la période de mise en place du plan, des difficultés qui pourraient être rencontrées. À charge pour cette cellule de conciliation d’identifier les moyens qui permettraient de trouver des solutions le plus rapidement possible. Les plus hautes autorités comoriennes ont accepté le principe de la création de cette cellule qui pourrait être constituée du ministre des Affaires étrangères comorien, du Secrétaire général du gouvernement et du ministère sectoriel comorien concerné par la difficulté à traiter.

La deuxième hypothèse critique concerne la capacité de maîtrise d’ouvrage locale insuffisante au regard des enjeux portés par le plan de développement France-Comores. D’où l’idée d’une maîtrise d’ouvrage directe qui recouvrirait une délégation de la maîtrise d’ouvrage opérationnelle des projets.

La troisième hypothèse critique est celle d’un plan de développement qui recouvre actuellement 13 projets. La proposition formulée par l’AFD est celle d’une cellule de mutualisation de tous ces projets pour les tâches de mise en œuvre (appels d’offres, préparation des ordonnancements de paiement, etc.). L’objectif étant de renforcer ces enjeux de réalisation en les mutualisant au sein d’une unité de gestion qui pourrait être confiée à Expertise France [4].

M. Saïd Ahamada souhaite avoir des précisions sur la traçabilité des fonds.

M. Bruno Clavreul précise que l’aide sera versée aux Comoriens sur un compte au Trésor.

M. Mansour Kamardine rappelle qu’il y a l’aide au développement de 50 M € par an, sur 3 ans (ressource d’APD mise en œuvre et décaissée par l’AFD) et qu’il y a ensuite de l’aide budgétaire. Durant la crise, le ministre comorien des affaires étrangères, Souef Mohamed Al-Amine, a demandé la mise en place d’une aide au retour volontaire [5]. Le Quai d’Orsay a répondu négativement à cette demande.

M. Kamardine souhaite connaître l’état des relations qu’entretient l’AFD avec l’Ambassade de France auprès de l’Union des Comores et avec les autorités comoriennes, ainsi que la stratégie d’ensemble de l’AFD dans la région.

M. Bruno Clavreul estime que la relation avec l’ambassade de France est désormais excellente. Elle a pu être animée au cours de l’année 2018, dans un contexte de crise diplomatique, mais les échanges sont désormais très constructifs. Les relations avec les autorités comoriennes sont porteuses de solutions.

Mme Zolika Bouabdallah, Chargée des relations avec le Parlement au département Stratégie Prospective et Relations institutionnelles de l’AFD désire savoir si la question du Président du groupe d’amitié faisait directement références aux remarques de la mission de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale qui s’est rendue aux Comores en octobre 2018 [6].

M. Mansour Kamardine indique que sa question était beaucoup plus générale, même si les députés qui se sont rendus aux Comores ont pu souligner certaines difficultés.

M. Bruno Clavreul estime qu’il est prématuré de répondre à la question sur la stratégie d’ensemble de l’AFD dans la région. En effet, la direction, positionnée à la Réunion, a initié, en décembre 2018, un processus qui prévoit une consultation la plus large possible des élus locaux et qui doit s’achever en juin 2019. Même s’il est trop tôt pour en parler, c’est un sujet qui, tant à Paris que dans les agences concernées occupe beaucoup l’AFD. En particulier parce que l’un des enjeux de cette stratégie régionale c’est de pouvoir mettre en exergue le plus qu’elle apportera par rapport aux stratégies pays développées jusqu’à présent. Cela permettra d’optimiser au mieux l’action de l’AFD, au sein de la maison France, dans l’océan indien.

M. Pascal Richer, responsable Mayotte du Département 3 Océans, attire l’attention sur le développement des travaux en matière de développement durable à Mayotte. Cela a bénéficié à l’ensemble des collectivités. L’AFD n’a pas uniquement une activité de financement, aussi importante soit-elle, mais a aussi un rôle d’accompagnement, d’appui apporté en renforcement de capacité.

M. Mansour Kamardine remercie les responsables de l’AFD pour leur disponibilité.

Le compte-rendu de la précédente réunion du groupe d’amitié a été adopté à l’unanimité.

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[1] La délégation était conduite par Mme Laetitia Saint-Paul, députée (LaREM) de Maine-et-Loire et composée de Mmes Annie Chapelier, députée (LaREM) du Gard, Monica Michel, députée (LaREM) des Bouches-du-Rhône et Bérengère Poletti, députée (LR) des Ardennes.

[2] La date de la prochaine élection présidentielle aux Comores a été décidée selon un décret présidentiel publié le 24 décembre 2018. Le scrutin se déroulera le 24 mars prochain et devra désigner celui qui va succéder au président actuel Azali Assoumani, candidat à sa propre succession. Les Comoriens devront également voter pour les gouverneurs de trois îles autonomes, Grande Comore, Anjouan et Mohéli, souligne le décret. Un éventuel deuxième tour se tiendra le 21 avril.

[3] Depuis 2013, un collectif de personnalités et de d'associations africaines ou engagées pour l'Afrique organise, tous les ans,  la "Journée nationale des diasporas africaines" à Bordeaux. Il s'agit d'une Journée "africaine" dans son acception contemporaine, et en ce sens elle concerne l'ensemble du continent africain du nord au sud et de l'est à l'ouest, indépendamment des frontières géographiques ou culturelles et linguistiques héritées.

[4] Expertise France est l’agence française de coopération technique internationale. Elle conçoit et met en œuvre des projets destinés à contribuer au développement équilibré des pays partenaires, conformément aux objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 et aux priorités de l’action extérieure de la France.

[5] C’est une mesure qui existe déjà en France. Elle peut être accordée aux étrangers en situation irrégulière, présents depuis au moins 6 mois sur le territoire, et qui souhaitent regagner leur pays. Il s’agit d’une aide matérielle et financière au moment du départ pour faciliter la réinsertion dans le pays d’origine.

[6] Extrait de la présentation devant la commission des Affaires étrangères de l’assemblée nationale de la délégation qui s’est rendue aux Comores : « Concernant la cohérence de notre action, nous avons toutes eu sur place le sentiment d’une insuffisante articulation entre l’AFD et l’ambassade. La séparation entre les antennes locales de l’AFD et les ambassades est en partie responsable de cette situation, et ce alors qu’il est crucial de faire front commun, tant face aux autorités comoriennes que face aux acteurs non traditionnels que sont la Chine et l’Arabie saoudite