Raymond Vergès
1882 - 1957
VERGÈS (Raymond, Marie, Louis, Adolphe)
Né le 15 août 1882 à Saint-Denis (La Réunion)
Décédé le 2 juillet 1957 à Saint-André (La Réunion)
Membre de la première Assemblée nationale constituante (La Réunion)
Député de La Réunion de 1946 à 1955
Raymond Vergès est né le 15 août 1882 à Saint-Denis (La Réunion). Son père Charles, Raymond, Aristide Vergès est propriétaire d’une officine de pharmacie. Après l’installation de ses parents à Madagascar, il est élevé par ses grands-parents à La Réunion. Sa scolarité se déroule tout d’abord au petit lycée de Saint-Denis. En 1895, il entre au lycée Leconte de Lisle. Il obtient son baccalauréat en 1901. Boursier du Conseil général, il quitte l’île pour mener des études au Lycée de Saint-Louis (Paris). En 1906, il s’oriente vers l’Ecole nationale supérieure d’agronomie tropicale (ENSAT) où il obtient le diplôme d’ingénieur. Il se marie avec Jeanne-Marie Daniel (1908). Ils ont deux enfants (Jean, né en 1903, Simone, née en 1916). Il est recruté par la Société de construction et d’exploitation des chemins de fer en Chine. En 1908, il rejoint la Chine avec son épouse. Il y demeure quatre années. De retour à Paris (1912), il se réoriente en s’inscrivant à la faculté de médecine.
En 1914, il est mobilisé dans le 94ème régiment d’infanterie. En 1915, il est nommé médecin auxiliaire. Après l’armistice, il achève son cursus de médecine à Rennes. Il soutient sa thèse en 1919. Pendant quelques mois, il ouvre un cabinet à Rochefort-sur-Loire (Maine-et-Loire). A l’automne 1920, il accepte un poste de professeur à l’Institut technique franco-chinois de Shanghaï. En 1922, il change de fonction et devient, pendant trois années, médecin-chef de l’hôpital de Savannakhet (Laos). Il accède en 1925 au poste de consul de France et de praticien dans la ville d’Oubône (Siam). Après le décès de son épouse (1923), il se remarie avec une institutrice (née Khang Pham-Thi) avec laquelle il a deux fils (Jacques né en 1923, Paul né en 1925). De mars à novembre 1928, Raymond Vergès profite de son congé administratif de six mois pour retourner à La Réunion. A son retour en Indochine, il se heurte à l’hostilité de son remplaçant, Jules Rougni. Il est muté au royaume d’Annam comme médecin-chef de la province de Quang-Tri (1929). Atteint par le paludisme, le gouvernement général d’Indochine accepte son retour à Paris (novembre 1930). Il ne demeure que quelques mois dans la capitale. Il obtient une nouvelle mutation comme médecin de la station thermale d’Hell-Bourg à La Réunion. En 1934, il est officiellement nommé directeur du service de la Santé de la Colonie. Il s’intègre à l’action sociale et politique de l’île : participation aux activités de la Ligue des Droits de l’Homme, de la loge maçonnique « L’amitié ». Il rejoint le Comité d’Action Républicaine Démocratique et Sociale (CARDS) présidé par Léonus Bénard. Son engagement le positionne à la gauche de ce rassemblement. En 1935, lors des élections municipales de mai, il est élu maire de la commune de Salazie. Il appuie la politique du Front populaire dans la colonie et adhère au Parti Réunionnais d’Action Démocratique et Sociale (PRADS). Il crée en 1937 le Comité de rassemblement populaire de La Réunion. Personnalité de l’élite dirigeante de la colonie, son opposition au gouverneur Truitard est de plus en plus marquée. En 1938, il est un des membres fondateurs de l’Union des syndicats de fonctionnaires liée à la CGT. Il contribue à la formation d’un front départementaliste favorable à la modification du statut colonial.
Pendant le régime de Vichy (1940-1942), le gouverneur (Pierre Aubert) impose la fidélité au Maréchal Pétain. Raymond Vergès demeure directeur du service de Santé et conserve son mandat de premier magistrat de Salazie. L’arrêté d’avril 1942 pris par le gouverneur décide son remplacement à la tête de la commune. Le débarquement des troupes gaullistes (28 novembre 1942) impose un nouveau chef pour la colonie, en la personne d’André Capagorry. De 1942 à 1943, Raymond Vergès s’impose comme un leader politique dans l’île. Il adhère à l’Association bourbonnaise de la France combattante et affirme son attachement à la personnalité du général de Gaulle. Ses relations avec le gouverneur sont excellentes. Il fonde, en mai 1944, le journal Témoignages, « Organe de défense pour les sans défense ». En mars 1945, il est à l’initiative de la création du Comité Républicain d’Action Démocratique et Sociale (CRADS) qu’il préside avec Léon de Lepervanche. Lors des élections municipales du mois de mai 1945, le comité conquiert douze des vingt-trois communes. Raymond Vergès est élu maire de Saint-Denis. En octobre 1945, il devient député du collège des citoyens de La Réunion à la première Assemblée constituante, avec 15 845 voix sur 31 655 des suffrages exprimés. Il appartient à la commission des territoires d’Outre-mer. Il dépose deux propositions de loi, trois propositions de résolution, deux rapports et un rapport supplémentaire. Il intervient à quatre reprises en séance, en défendant cinq amendements. Avec le second député, Léon de Lepervanche, il adhère au groupe parlementaire du Parti communiste français (PCF). Il cosigne, avec plusieurs élus des vieilles colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion), une proposition de loi en faveur de la création de quatre départements d’Outre-mer. En mars 1946, le texte est adopté à l’unanimité. La Réunion devient un département. Sur le plan national, il vote en faveur du projet de loi relatif à la nationalisation de certaines sociétés d’assurances (avril 1946).
Candidat lors des élections pour la seconde assemblée constituante (juin 1946), il est opposé au représentant du Mouvement républicain populaire (MRP), le démocrate-chrétien Alexis de Villeneuve. Lors d’une campagne marquée par de fortes tensions politiques, Alexis de Villeneuve est assassiné. Le Gouverneur décide de reporter le scrutin législatif et de dissoudre la municipalité dionysienne. Raymond Vergès connaît un double échec. Il perd son siège lors de l’élection à la seconde Assemblée Constituante (16 juin 1946), devancé par Marcel Vauthier, ainsi que son fauteuil de premier magistrat de Saint Denis conquis par Jean Chatel.
Le 10 novembre 1946, il retrouve la confiance de l’électorat. La liste communiste qu’il conduit avec Lepervanche arrive en tête avec 55% des suffrages. Il devient député, mais il lui faut attendre janvier 1949 pour que les résultats des élections soient officiellement validés. Il est nommé membre de quatre commissions (finances et du contrôle budgétaire (1946-1947), marine marchande et des pêches (1946-1947), des moyens de communication et du tourisme (1947-1951), de la famille, de la population et de la santé publique (1947-1951). Durant cette législature, il cosigne deux rapports et intervient à onze reprises, en défendant deux amendements. Il dépose également une demande d’interpellation du gouvernement sur l’application de la loi du 19 mars 1946 portant érection en départements de la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane (1er février 1949). Sur les dossiers réunionnais, il suit attentivement le devenir de la loi de mars 1946. Il constate que la volonté politique fait défaut. L’Outre-mer n’est pas la priorité des gouvernements. La départementalisation prend du retard et l’égalité entre la métropole et les départements d’Outre-mer (DOM) ne se concrétise pas dans les textes. Il porte une attention particulière à l’organisation du chemin de fer et du port de La Réunion (CPR). Il est amené à intervenir devant l’Assemblée afin d’obtenir des aides substantielles de l’Etat en faveur des milliers de sinistrés après le passage du cyclone de janvier 1948. L’ancien médecin se préoccupe aussi des questions de santé (paludisme, lutte anti-tuberculeuse). Il se fait le défenseur de la fonction publique et demande la création d’une indemnité pour compenser les difficultés d’existence. Au plan national, il s’abstient sur le vote du projet de statut pour l’Algérie (août 1947), approuve le texte relatif aux écoles privées des Houillères nationales (mai 1948) et s’oppose à la constitution du Conseil de l’Europe (juillet 1949) et à la ratification du pacte de l’Atlantique (juillet 1949).
Au cours de l’année 1949, à la veille des scrutins cantonaux, il participe aux discussions sur le projet relatif au redécoupage des circonscriptions électorales et à l’augmentation du nombre de cantons dans l’île. Il dépose sans succès un amendement tendant à substituer la plus forte moyenne au plus fort reste dans les départements d’Outre-mer.
Il s’agit d’une préoccupation qui recoupe son intervention au Conseil général de La Réunion (12 octobre 1949) sur l’inadéquation entre le nombre de suffrages et les sièges, qui favorise la droite.
Sur le plan de l’action politique, face à la dynamique du Rassemblement du peuple français (RPF) et à ses victoires aux municipales de 1947, Raymond Vergès, devenu maire de la commune de Saint-André, préside à la création de la fédération départementale du PCF à l’Hôtel de Ville de Saint-Denis (30 novembre 1947). Au cours de cette première conférence fédérale, il insiste sur la nécessaire et rapide application des lois sociales de la métropole.
En juin 1951, il dirige la liste d’union anticolonialiste et antifasciste présentée par la Fédération communiste. Son engagement électoral est un appel à lutter contre la misère et au combat politique contre « les esclavagistes de l’île qu’ils se disent MRP, RPF, Union démocratique et socialiste de la Résistance - UDSR, les Babet, Olivier, Vauthier, de Villeneuve, l’Administration, le Gouvernement à leurs ordres et aux ordres des milliardaires racistes d’Amérique ». Avec 38% des suffrages exprimés, il est l’unique élu communiste. Lors des cantonales d’octobre 1951, il est battu par Raymond Paris. Aux municipales de 1953, il conserve son fauteuil de maire de St André. Dans la même ville, il retrouve, en avril 1955, un siège de conseiller général.
A 69 ans, il entame son second mandat de député. De 1951 à 1956, il travaille au sein de deux commissions (commission de la famille, de la population et de la santé publique (1951-1955) ; commission des moyens de communication et du tourisme (1951-1955)). Au cours de cette législature, il dépose deux propositions de loi et une proposition de résolution concernant le maintien du Chemin de Fer et du Port de La Réunion, le vote d’une subvention d’un milliard de francs pour secourir les sinistrés du cyclone du 18 mars 1952 et la confirmation du statut du personnel du chemin de fer et du port de La Réunion dans la Caisse des retraites de la France d’Outre-mer. En 1953, dans le contexte d’importantes manifestations et de grèves de la fonction publique, il intervient pour défendre les rémunérations des fonctionnaires des départements d’Outre-mer. Une démarche appuyée par les syndicats, les conseils généraux et les municipalités. Au cours de cette mandature, il se prononce en faveur de l’échelle mobile (septembre 1951). Il émet un vote défavorable au projet de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA, décembre 1951), mais se prononce en faveur de la Communauté européenne de défense (CED, 1954). Il s’oppose à l’investiture de Pinay (1952), de Laniel (1953) et de Faure (1955), mais appuie celle de Pierre Mendès France (1954). Sur les deux votes essentiels de la politique française en Indochine, il se prononce « contre » (octobre 1953 et mars 1954).
A la veille des élections législatives anticipées de 1956, Raymond Vergès revient, au cours d’une de ses dernières interventions publiques devant le Conseil général, sur le rapport colonisation/décolonisation et le maigre bilan de la départementalisation. Le 2 janvier 1956, il n’est pas candidat sur la liste du PCF. Il passe le relais à son fils, Paul Vergès, qui conduit la liste d’Union pour la défense des ouvriers et des planteurs. Le député sortant se félicite de la double victoire communiste (Paul Vergès et Raymond Mondon), symbole d’une nouvelle génération à la direction de la fédération du PCF.
Il meurt le 2 juillet 1957 à son domicile de Saint-André.