Belaïd Bouhadjera
1903 - 1972
BOUHADJERA (Belaïd)
Né le 1er octobre 1903 à El Kala (Algérie)
Décédé le 21 février 1972 à Annaba (Algérie)
Député de Constantine (Algérie) de 1958 à 1962
Belaïd Bouhadjera naît au tournant du siècle dans un petit port de pêche situé à l’est de la ville de Bône, près de la frontière tunisienne, qui porte alors le nom de Meradia-Lacalle. Comme ses parents, le jeune Belaïd est un Français musulman d’Algérie, de statut civil local ou indigène : s’il jouit de la nationalité française, il ne dispose pas de l’ensemble des droits inclus dans la citoyenneté républicaine. La carrière militaire est l’une des voies privilégiées de promotion pour cette population, c’est celle qu’il choisit. Pendant la seconde guerre mondiale, il participe à l’effort de guerre français en se battant, successivement, sur les fronts tunisien, français, italien et allemand. Durant le conflit, il est fait prisonnier et mutilé. Au mois de mai 1945, alors qu’il bénéficie d’un congé d’un mois, il est rappelé pour prendre part à la répression des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif, dans le Constantinois, sa région d’origine. Il termine sa carrière au rang d’officier supérieur de l’armée de terre, en tant que commandant. Son engagement au service du drapeau tricolore lui vaut de recevoir de nombreuses décorations : officier de la Légion d’honneur, il reçoit la croix de guerre 1939-1945, et les titres de commandeur du Mérite combattant et commandeur du Nicham Iftikhar, une décoration tunisienne remise à certains militaires français.
En 1949, Belaïd Bouhadjera épouse, en la mairie de Constantine, une jeune femme de presque vingt ans sa cadette qui lui donne six enfants. En 1954, les attentats simultanés de la Toussaint marquent l’entrée de l’Algérie dans la guerre d’indépendance, et provoquent la mise en place d’opérations de « pacification » de l’armée française. Le commandant bônois est alors à la retraite, mais il participe à la vie civile et politique de son pays : il est ainsi le président adjoint des anciens combattants et victimes de guerre d’Algérie.
L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, après les manifestations du printemps 1958, a un impact majeur sur la situation algérienne. L’un des points marquants de la politique algérienne du nouveau pouvoir gaulliste consiste à faire se tenir des élections législatives. En effet, depuis leur ajournement sine die par le gouvernement Guy Mollet en 1956, l’Algérie n’a pas élu de députés. La consultation électorale, censée normaliser une situation des plus confuses et violentes, est prévue pour la fin du mois de novembre 1958. L’une des particularités de ce scrutin tient aux dispositions contenues dans l’ordonnance du 16 octobre 1958 relative à l’élection des députés des départements d’Algérie à l’Assemblée nationale. Le principe du double collège, d’abord, est aboli au profit d’un collège unique pour tous les électeurs, qu’ils soient « de souche européenne » ou « de souche nord-africaine ». Il s’agit, ensuite, d’un scrutin de liste majoritaire à un tour, sans panachage ni vote préférentiel. Chaque liste de candidats doit, enfin, « respecter une certaine proportion entre les citoyens de statut civil de droit commun et les citoyens de statut civil local, afin de permettre une juste représentation des diverses communautés ». Dans la treizième circonscription algérienne, celle de Constantine, cette répartition est fixée à un candidat de statut civil de droit commun et trois candidats de statut civil local.
Le commandant en retraite présente sa candidature à l’Assemblée nationale sur la « liste présentée par les Comités de salut public ». Ces derniers sont directement issus des manifestations du 13 mai ; ils ont essaimé dans toute l’Algérie et regroupent des partisans résolus de l’autorité française en Algérie, dont un certain nombre de militaires. Sur la liste menée par Benhacine Abdelmadjid, l’ancien officier Bouhadjera se présente en troisième position. Les candidats, dans leur profession de foi, se déclarent issus du mouvement du 13 mai 1958, qui a affirmé « l’union indéfectible de l’Armée et de la Nation », et se réclament de la personnalité du général Salan. Ils affirment poursuivre les buts que se sont donnés les hommes du printemps 1958 : « l’intégration de l’Algérie et du Sahara à la patrie française », « le renouveau de la France en lui reforgeant une âme qui lui redonne le sens de la grandeur et de la foi dans son destin. » Les novices en matière politique que sont les quatre candidats affirment leur volonté de tenir à distance « la dictature des partis », qui fait le jeu du « communisme destructeur » : pour eux, en Algérie la politique doit céder la place à l’action économique et sociale. Ils soutiennent en cela les mesures annoncées par le général de Gaulle le 3 octobre 1958 dans son discours de Constantine. Les candidats présentent enfin leur candidature pour « maintenir l’esprit du 13 mai », « rendre hommage à l’armée » et « soutenir l’œuvre de redressement entreprise par le général de Gaulle ».
La formation des listes, la campagne électorale, le scrutin du 30 novembre enfin sont marqués par l’intervention d’éléments extérieurs au processus démocratique habituel : les membres de l’administration, mais aussi les militaires, soutiennent explicitement certaines listes et font pression sur la population votante. Dans la grande ville de l’est algérien, trois listes candidates à la représentation parlementaire sont proches de la mouvance « Algérie française ». Une liste d’inspiration « républicaine et socialiste » est par ailleurs en lice. La liste du Comité de salut public obtient 35 % des suffrages exprimés, suivie de près par la liste « républicaine de concorde et d’action sociale pour la promotion d’une fraternelle civilisation » qui obtient 30 % des suffrages exprimés. Ce sont les quatre députés de la liste ayant obtenu le plus de voix qui sont envoyés à l’Assemblée nationale, parmi eux Belaïd Bouhadjera.
Le commandant en retraite s’inscrit au groupe de la Formation administrative des élus d’Algérie et du Sahara (EAS), qui prend à partir du mois de juillet 1959 le nom de groupe de l’Unité de la république (UR). En 1960, il rejoint le groupe de l’Union pour la nouvelle République (UNR), dans les rangs duquel il demeure jusqu’à la fin de son mandat. Belaïd Bouhadjera est nommé membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, puis il appartient à la Commission de la défense nationale et des forces armées. Il fait par ailleurs partie, durant son mandat, de la Commission d’élus pour l’étude des questions algériennes. Il est également nommé juré suppléant de la Haute Cour de justice instituée par l’ordonnance du 18 novembre 1944. Outre son activité au sein de ces commissions, le parlementaire constantinois n’intervient jamais à la tribune au cours des quatre années de son mandat. S’il se prononce, le 16 janvier 1959, en faveur du programme du gouvernement Debré, il ne prend pas part au vote du 15 octobre de la même année sur la déclaration de politique générale faite par le Premier ministre. Il ne s’exprime pas non plus sur le projet de loi concernant l’enseignement privé (23 décembre 1959). Le 2 février 1960, cependant, il vote pour le projet de loi sur les pouvoirs spéciaux du gouvernement. Enfin, le 27 avril 1962, il se prononce en faveur du programme du nouveau Premier ministre Georges Pompidou. A partir de 1960, année où il adhère au groupe UNR, le militaire en retraite du Constantinois soutient ainsi la politique du général de Gaulle, envers laquelle il semble d’abord avoir éprouvé une certaine déception.
Le 3 juillet 1962, le mandat de député français de Belaïd Bouhadjera prend fin, avec l’indépendance de l’Algérie. En ce jour, l’ordonnance relative au mandat des députés et sénateurs élus dans les départements algériens et sahariens y met un terme. L’ancien parlementaire français passe les dernières années de sa vie en Algérie, avec sa famille ; l’un de ses fils s’engage dans l’armée de l’air de la nouvelle République indépendante. Il s’éteint à quelques dizaines de kilomètres de son lieu de naissance, dans la ville d’Annaba, anciennement Bône.