Camille Jordan
1771 - 1821
Député au Conseil des Cinq-Cents et de 1816 à 1821, né à Lyon (Généralité de Lyon, France) le 13 janvier 1771, mort à Paris (Seine) le 19 mai 1821, d'une famille de commerçants, il fit d'abord chez les Oratoriens de sa ville natale, puis au séminaire de Saint-Irénée, de bonnes études classiques.
Adversaire de la Révolution, il la combattit, dès le début, par des écrits où la Constitution civile du clergé était vivement attaquée. Puis il fut dans Lyon un des promoteurs de la révolte contre la Convention nationale. Par la parole et par l'action, il se fit remarquer dans la journée du 29 mai 1793, tenta de rallier les paysans des provinces voisines à la cause royaliste, et, après la chute de son parti, se réfugia en Suisse (9 octobre), d'où il passa en Angleterre. Là, il se lia avec les principaux émigrés ainsi qu'avec divers membres influents du parlement. La Constitution anglaise devint dès lors l'objet de son admiration et le type de ses aspirations politiques.
Revenu à Lyon en 1796 pour recueillir le dernier soupir de sa mère, il réussit à se faire élire, le 23 germinal an V, député du département de Rhône-et-Loire au Conseil des Cinq-Cents, par 252 voix (278 votants). Il y fit, le 29 prairial (17 juillet 1797), un curieux rapport sur l'exercice et la police des cultes, et insista surtout pour que l'usage des cloches fût rétabli dans les campagnes. Le sobriquet de Jordan-cloche lui resta quelque temps. Il obtint plus de succès en réclamant la révocation des lois portées contre les prêtres insermentés. Il se montra aussi très opposé aux mesures de répression que le Directoire voulait prendre à l'égard de Lyon: « Ces mesures, dit-il, ne peuvent être que le fruit d'un gouvernement inepte ou provocateur. »
Le 17 fructidor an V, il dénonça la marche de nouvelles troupes vers Paris et reprocha vivement aux Directeurs de comploter contre la liberté publique. Aussi ne fut-il pas oublié dans les proscriptions du lendemain. Mais il parvint à s'échapper, fut remis par l'entremise de M. de Gerando, son ami, aux soins hospitaliers de Mmes de Grimaldi et de Sivry, lança, dès le 21 fructidor (7 septembre 1797) une protestation intitulée : Adresse à mes commettants, et jugea prudent de se rendre à Bâle, où il fit paraître un nouvel écrit contre les événements qui venaient de s'accomplir. Bientôt la Suisse ne lui offrant plus un asile assez sûr, Jordan dut se réfugier à Tubingue, puis à Weimar; il y fut accueilli avec faveur par Gœthe, Schiller, Wieland, etc., et y retrouva Mounier, avec lequel il se lia d'une étroite amitié.
Rappelé en février 1800 par le gouvernement consulaire, il fut mis d'abord en surveillance à Grenoble, obtint, au bout de quelque temps, la permission de se rendre à Paris, séjourna chez Mme de Staël à Saint-Ouen, et retourna à Lyon. Bonaparte, dit-on, essaya de le gagner à sa cause; mais lorsque le peuple fut consulté sur la question de savoir si le Consulat à vie serait conféré à l'auteur du coup d'Etat de brumaire, Jordan répondit par une brochure sous ce titre : Vrai sens du vote national pour le consulat à vie (anonyme, 1802). Tout en faisant connaître son vote personnel contre cette mesure, l'auteur mettait au grand jour les vues ambitieuses de Bonaparte, réclamait des garanties au nom de la liberté, et prédisait les abus du régime impérial. Cet écrit, que Jordan n'avait point signé, fut saisi par la police ; il n'hésita pas alors à s'en avouer l'auteur, mais, contre son attente, il ne fut pas inquiété. Certain toutefois de n'être appelé à aucune fonction, il s'isola du mouvement politique et s'occupa exclusivement de littérature et de philosophie; c'est alors qu'il communiqua à l'académie de Lyon quelques études qui furent très remarquées.
Les événements de 1814 le ramenèrent sur la scène politique. Partisan déclaré des Bourbons, il fut, le 30 mars, un des députés que l'administration municipale de Lyon envoya au-devant de l'empereur d'Autriche à Dijon pour demander le rétablissement de la monarchie légitime; le but avoué de cette mission était de solliciter des adoucissements aux réquisitions dont la ville avait été frappée. La réserve de l'empereur fut extrême sur tout ce qui touchait à la politique. Le 8 avril, Jordan assista à la séance dans laquelle le conseil municipal de Lyon proclama Louis XVIII roi de France. Nommé, en août 1815, président du collège électoral de cette ville, son état de santé l'empêcha de remplir cette fonction.
Il se montra plus actif lors des élections du 4 octobre 1816, et fut élu, à cette date, par 102 voix (201 votants, 285 inscrits) député du département de l'Ain. Il fut admis, bien qu'il ne fût pas très en règle avec le cens, devint président de la Chambre, et, membre de la commission de l'Adresse (novembre 1816), présenta un projet rédigé surtout contre la Chambre précédente. Il fut aussi membre de la commission du budget, parla (4 mars 1817) en faveur de l'aliénation des forêts de l'Etat, et dévoué de cœur au gouvernement royal soutint le ministère, tout en réservant parfois les droits de la liberté et en attaquant surtout les cours prévôtales. Il défendit le projet de loi sur les élections et se montra favorable à la continuation de la censure, que blâmait le côté droit. En 1817-1818, à propos du projet de loi sur la presse, il se prononça pour le jury, demanda la question préalable sur la proposition Laîné de Villevêque tendant à rendre aux émigrés leurs rentes sur l'Etat, et, interpellé sur l'opinion qu'il avait émise à l'égard des cours prévôtales, flétrit les massacres du Midi, et fit un pompeux éloge du ministre Decazes.
Le 30 novembre 1816, il avait été appelé à faire partie du conseil d'Etat. Mais, après avoir obtenu sa réélection comme député, le 20 octobre 1818, par 333 voix (453 votants, 647 inscrits), il se sépara du pouvoir pour se rapprocher de la gauche. Membre de la commission chargée de l'examen du projet de loi relatif à la censure, il refusa, cette fois, de se joindre à la majorité, et exposa les motifs de sa dissidence dans un discours qui fut un véritable manifeste contre le ministère. Pendant cette seconde époque de sa carrière parlementaire, Camille Jordan fut considéré comme un des chefs de l'opposition constitutionnelle. Il vota, dans la session de 1819, contre les deux lois d'exception, et, avec les 95, contre le nouveau système électoral. Sur ce dernier point, il soutint avec talent, mais sans succès, le 30 mai, un amendement ainsi conçu : « Chaque département sera divisé en autant d'arrondissements électoraux que le département a de députés à la Chambre; chacun de ces arrondissements aura un collège électoral, qui sera composé de contribuables ayant leur domicile politique dans l'arrondissement, âgés de trente ans et payant 300 francs de contributions directes. Chaque collège électoral nommera directement son député. » Le 5 juin, il se plaignit amèrement des outrages adressés à plusieurs députés du côté gauche par des membres de la droite.
Les attaques de ses ennemis et les fatigues de la vie politique achevèrent de ruiner sa santé déjà ébranlée. « Si vous voyez, écrivait un biographe de 1820, s'avancer à la tribune d'un pas lent et réfléchi un homme de taille élevée, la figure douce et valétudinaire, les cheveux courts, poudrés et un peu crêpés; si cet orateur promène sur l'assemblée un œil de bienveillance et de conviction ; que son discours soit commencé d'un accent noble, assuré et modeste à la fois, recueillez-vous, gardez un religieux silence, prêtez une exclusive attention : M. Camille Jordan va parler. »
Les théories politiques de Camille Jordan n'étaient pas exemptes de quelque confusion, et l'éclectisme qu'il professait mariait assez étrangement au droit divin la souveraineté du peuple. Ses restes furent déposés au Père-Lachaise. On a de lui plusieurs discours et écrits politiques et des Fragments choisis traduits de Klopstock, son auteur favori, et de Schiller.
Date de mise à jour: avril 2015