Frédéric, Alfred, Pierre de Falloux du Coudray
1811 - 1885
- Informations générales
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- Né le 7 mai 1811 à Angers (Maine-et-Loire - France)
- Décédé le 6 janvier 1885 à Angers (Maine-et-Loire - France)
1811 - 1885
Député de 1846 à 1848, représentant aux Assemblées constituante et legislative de 1848 à 1851, et ministre, né à Angers (Maine-et-Loire) le 7 mai 1811, mort à Angers le 6 janvier 1885, il appartenait à une famille de commerçants aisés, en faveur de laquelle Louis XVIII avait créé, en 1823, un majorat avec le titre de vicomte.
« Alfred de Falloux, a écrit Daniel Stern (Mme d'Agoult), avait reçu de la nature une intelligence déliée, un certain charme de paroles et de manières. Sa mère, dont la jeunesse s'était passée à la cour de Louis XVI, lui communiqua de bonne heure l'esprit d'insinuation et l'art de bien dire. Lorsque le jeune Falloux, en quittant le collège d'Angers, où il avait été élevé, vint à Paris pour y faire son entrée dans le monde, une autre femme, par une influence analogue mais supérieure, acheva de le former dans la politique. C'était une étrangère, une Russe convertie au catholicisme par M. de Maistre (Mme Swetchine), et qui s'était créé à Paris, par son esprit très fin, par ses grâces mélangées de dévotion et de mondanité, un cercle nombreux où l'on voyait assidus les membres du haut clergé et les hommes actifs du parti clérical. Ce fut à cette époque, sous une inspiration féminine et sous un patronage jésuitique, qu'Alfred de Falloux, flatté et caressé comme un homme dont on attendait beaucoup pour la cause de l'Eglise, fut initié aux mystères de la politique. »
Dès 1840, il publia une Histoire de Louis XVI, empreinte d'un culte passionné pour l'ancien régime, puis une brochure sur la Saint-Barthélemy, qui furent suivies bientôt de l'Histoire de saint Pie V, pape, de l'ordre des Frères prêcheurs (1844). Ces différents ouvrages révélaient tout un ensemble de doctrines dont l'auteur devait faire la règle constante de sa vie, et qu'il devait appliquer au gouvernement de l'Etat, le jour où il aurait sa part de pouvoir. Dans l'histoire du pape Pie V, qu'il considère comme la plus haute personnification de ce qu'il appelle la grande politique de l'Eglise, M. de Falloux avait pris à tâche de glorifier l'institution de l'inquisition et de justifier ses actes; la guerre aux hérétiques y était proclamée légitime et sainte ; la tolérance y était présentée comme le résultat d'une indifférence coupable.
« Quand l'Etat et la religion sont solidaires, écrivait M. de Falloux, quand la société civile repose entièrement sur la foi religieuse, attaquer la foi, c'est ébranler l'ordre social. On a donc pu faire légitimement contre les hérétiques et les impies ce qu'on fait aujourd'hui contre ceux qui prêchent ou conspirent contre le gouvernement établi. »
« La tolérance, disait-il encore, n'était pas connue des siècles de foi, et le sentiment que ce mot nouveau représente ne peut être rangé parmi les vertus que dans un siècle de doute. Autrefois il y avait, en immolant l'homme endurci dans son erreur, toute chance pour que cette erreur pérît avec lui, et que les peuples demeurassent dans la paix de l'orthodoxie. »
A la vérité, suivant M. de Falloux et son école, l'Etat étant aujourd'hui athée, les moyens employés par l'Eglise aux temps de foi ne sont plus applicables, et l'inquisition ne serait plus qu'une erreur, sans bénéfice pour la société. Il s'agit, avant toute chose, pour les croyants, de restaurer la foi, la théocratie, en renversant les pouvoirs athées. Et pour renverser ces pouvoirs, M. de Falloux préconisait la liberté comme un moyen transitoire, dont les politiques habiles pourraient tirer un parti meilleur que du despotisme. Quand le gouvernement théocratique serait restauré, alors seulement on rétablirait les institutions des siècles de foi. C'est sous l'inspiration de ces doctrines politiques et religieuses, qui n'étaient point partagées par le clergé tout entier, que M. de Falloux entra dans la vie politique.
Après avoir échoué, le 9 juillet 1842, comme candidat à la députation, dans le 7e collège électoral de Maine-et-Loire (Segré), avec 100 voix contre 149 à M. Jouneaulx, il fut plus heureux dans la même circonscription, le 1er août 1846, et devint député avec 183 voix (360 votants, 405 inscrits), contre 148 à M. Jouneaulx, député sortant, et 27 au général de Lamoricière.
Membre de la droite légitimiste, il débuta brillamment à la Chambre par un discours sur le mandat impératif, auquel Guizot répondit, défendit à plusieurs reprises ce qu'on appela dès lors la cause de la liberté de l'enseignement, et se montra l'adversaire de la politique du juste-milieu.
Quand la République eut été proclamée, M. de Falloux comprit l'avantage que donnerait à son parti la liberté absolue de discussion et de presse, proclamée par le gouvernement provisoire. Aussi, dans les réunions électorales de son département, donna-t-il les plus vifs éloges à ce gouvernement, parlant avec chaleur de la liberté et des droits du peuple. Le 3 mars, il écrivait dans une lettre citée par l'Univers :
« Les instincts du peuple de Paris sont d'une générosité, d'une délicatesse qui surpassent celles de beaucoup de corps politiques qui ont dominé la France depuis soixante ans. On peut dire que les combattants, les armes à la main, dans la double ivresse du danger et du triomphe, ont donné tous les exemples sur lesquels n'ont plus qu'à se régler aujourd'hui les hommes de sang-froid ; ils ont donné à leur victoire un caractère sacré. »
Imprimant à ses convictions une direction conforme aux circonstances, il se rallia donc au régime nouveau, et fut élu, le 23 avril 1848, le 13e et dernier, par 58 905 voix, représentant de Maine-et-Loire à l'Assemblée constituante. A son arrivée à Paris, il déploya, malgré sa santé débile, une activité extrême, observa avec attention les hommes sur lesquels il serait utile d'exercer de l'influence, et, se montra tour à tour très empressé auprès de Lamartine, de Marrast, de Cavaignac. « Il jouait avec une facilité merveilleuse ce personnage multiple, en gardant toujours, dans son langage sobre et contenu, dans ses manières pleines de réserve, une sorte de dignité modeste qui cachait à tous les yeux son ambition et ses haines profondes. » (Daniel Stern.)
Ce fut lui qui, à l'ouverture de l'Assemblée, décida son parti à porter Buchez au fauteuil de la présidence. Puis il se fit nommer membre de tous les comités importants, prit de l'ascendant dans le comité du travail et dans la commission des ateliers nationaux, y accusa, sans ménagements, le pouvoir exécutif, et particulièrement le ministre des Travaux publics, et peignit les ateliers nationaux sous les couleurs les plus sombres. M. de Falloux nommé rapporteur de la commission, la dissolution immédiate des ateliers fut assurée. « Il faut en finir », c'est à cette pensée que, par une longue et habile tactique, il contribua le plus à amener les esprits, dans la commission d'abord, puis dans l'Assemblée. Le 23 juin, celle-ci venait d'entendre M. Flocon, qui avait représenté les insurgés comme des fauteurs d'anarchie à la solde des prétendants et même de l'étranger, lorsque M. de Falloux, à son tour, monta à la tribune. Il tenait un papier à la main, c'était le rapport de la commission des ateliers nationaux. Un représentant, M. Raynal (de l'Aude), se leva de son banc avec vivacité en protestant contre une lecture inopportune et dangereuse. Mais la droite cria à l'orateur : « Lisez ! lisez ! » Et M. de Falloux, d'une voix tranquille, commença sa lecture. Son rapport déclarait que la seule voie de salut, dans la crise industrielle, agricole et commerciale qui inquiétait le pays, c'était la dissolution, immédiatement opérée par le pouvoir exécutif, des ateliers nationaux. MM. Corbon, Garnier-Pagès, Lamartine, Considérant, Duclerc, etc., prirent ensuite la parole. Les conclusions du rapport de Falloux furent adoptées par l'Assemblée le 28 juillet. M. de Falloux vota ensuite :
- pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- pour le rétablissement de la contrainte par corps,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre le droit au travail,
- pour l'ensemble de la constitution,
- pour l'ordre du jour en l'honneur du général Cavaignac.
Lors de la discussion de l'article de la Constitution relatif à l'enseignement, il demanda pour l'Eglise la libre concurrence avec l'Université. Puis il se montra favorable à la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, et devint, le 20 décembre 1848, ministre de l'Instruction publique et des cultes. Il appuya la proposition Rateau, se prononça contre l'amnistie, pour l'interdiction des clubs, et fut un des promoteurs de l'expédition de Rome.
Réélu, le 13 mai 1849, le 7e sur 11, avec 76 775 voix (104 313 votants et 151 062 inscrits) représentant de Maine-et-Loire à la Législative, il conserva son portefeuille de ministre jusqu'au 31 octobre 1849, et, pendant les dix mois qu'il resta à la tête de l'Université, il élabora activement un projet de loi organique sur l'enseignement, conforme à ses déclarations antérieures, et le présenta à l'Assemblée. Comme il avait négligé d'en saisir au préalable le Conseil d'Etat, il encourut, pour cette infraction à la loi, la censure de la Chambre, et le projet, remis à l'étude, ne put être voté par la majorité qu'en 1850, sous le ministère de M. de Parieu, successeur de M. de Falloux. Cette loi organique, restée célèbre sous le nom de son principal inspirateur, instituait 86 recteurs, favorisait dans chaque académie les influences locales, et morcelait, au bénéfice du clergé, l'autorité universitaire.
Sorti du ministère, M. de Falloux opina constamment avec la droite de l'Assemblée législative, marcha d'accord avec M. de Montalembert, et intervint surtout dans les discussions intéressant directement la papauté.
Aux approches du coup d'Etat, M. de Falloux se sépara de la politique personnelle du prince-président. Il fut même arrêté au 2 décembre ; mais sa détention dura peu. On a prétendu qu'il approuvait secrètement le coup d'Etat, et que, visité au Mont-Valérien par M. de Persigny, il le félicita de son heureuse audace : « Je l'avoue tout bas, à cause de mes collègues, lui aurait-il dit ; mais au fond je pense que vous avez bien fait. » Rendu à la liberté, il se retira dans ses propriétés de l'Anjou, où il se consacra à l'exploitation de ses terres et à la culture des lettres.
En 1856, il entra à l'Académie française, pour y remplacer M. Molé. Resté un des chefs les plus militants du parti catholique, il prit part, en 1867, au congrès de Malines et y soutint les doctrines du Syllabus.
Porté, le 28 juillet 1866, comme candidat d'opposition légitimiste au Corps législatif dans la 2e circonscription de Maine-et-Loire, en remplacement de M. Bucher de Chauvigné, décédé, il échoua avec 7 262 voix contre 19 129 à l'élu officiel, M. Berger, et ne fut pas plus heureux aux élections générales de 1869, dans la 3e circonscription de la Vendée, où il obtint 13 397 voix contre 17 900 accordées au candidat officiel, élu, M. de la Poëze, ni dans une élection partielle du 11 janvier 1870 à Napoléon-Vendée. Après son premier échec en Vendée, il écrivait, le 7 août 1869, au secrétaire général de la préfecture de ce département : « Je refuse de me représenter ; les électeurs urbains obéissent en majorité à la gauche, qui me repousse comme clérical ; les électeurs ruraux obéissent en majorité au garde champêtre, qui me repousse comme indépendant. Il y a là un double laminoir dans lequel mes amis seront broyés, jusqu'à ce que les sénatus-consultes, qui sont en fleurs aujourd'hui, mais non encore mûris, aient poussé des fruits. »
Il refusa de se présenter, le 8 février 1871, comme candidat à l'Assemblée nationale, à cause du mauvais état de sa santé ; mais son influence, pour s'exercer en dehors du Parlement, n'en fut pas moins considérable sur le parti conservateur. Il se mêla activement aux tentatives de fusion préparées par les membres de la majorité, et opina pour la reconnaissance par le comte de Chambord du drapeau tricolore et des titres du comte de Paris. Une vive polémique s'engagea à ce propos entre M. de Falloux et les légitimistes intransigeants qui lui reprochèrent amèrement son attitude ; il riposta qu'il ne voulait être ni un « légitimiste inconséquent, ni un légitimiste aveugle ».
Il se rallia ensuite à la prorogation des pouvoirs du maréchal, soutint dans Maine-et-Loire la candidature « septennaliste » de M. Bruas, et rompit par là définitivement avec ses anciens coreligionnaires politiques.
Il eut aussi des démêlés retentissants avec M. Freppel, évêque d'Angers, au sujet de l'aliénation d'un terrain de la paroisse de Segré, appartenant à l'hospice Swetchine; mais l'excommunication mineure, dont M. de Falloux avait été frappé par ce prélat, fut annulée par le nonce du pape.
En 1878, par une lettre en date du 23 septembre, publiée dans l'Union de l'Ouest, il recommença une campagne contre les cléricaux intransigeants. « Deux devoirs, disait-il, nous semblent impérieux : repousser les attaques de nos adversaires, conjurer les fautes de nos propres amis. » Cette lettre, attaquée par l'Univers, passée sous silence par les journaux légitimistes purs, ne fut soutenue que par le Français. Dans le Correspondant du 25 octobre suivant, il traita la même question, recommandant de ne point prendre « la contre-révolution » pour programme ni pour mot d'ordre. Ce fut sa dernière intervention active dans la politique.
On a de M. de Falloux, outre les écrits cités plus haut :
- Du parti catholique (1856) ;
- Du devoir dans les circonstances actuelles (1860) ;
- Mme Swetchine, sa vie et ses œuvres (1859) ;
- Dix ans d'agriculture (1863) ;
- Questions monarchiques, lettres à M. Laurentie (1873) ;
- Lettres inédites de Mme Swetchine (1869), etc.