Maurice, Jean, Marie Bourgès-Maunoury
1914 - 1993
Né le 19 août 1914 à Luisant (Eure-et-Loir)
Membre de la seconde Assemblée nationale Constituante (Haute-Garonne)
Député de la Haute-Garonne de 1946 à 1958
Secrétaire d'Etat au Budget du 26 novembre 1947 au 26 juillet 1948
Secrétaire d'Etat aux Forces armées du 26 juillet au 5 septembre 1948
Secrétaire d'Etat à la Défense nationale du 5 au 11 septembre 1948
Ministre des Travaux publics, des transports et du tourisme du 2 juillet au 12 juillet 1950 puis par intérim du 14 août au 3 septembre 1954
Secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil du 12 juillet 1950 au 11 août 1951
Ministre adjoint à la Défense nationale du 11 août 1951 au 20 janvier 1952 Ministre de l'Armement du 20 janvier au 8 mars 1952
Ministre des Finances du 8 janvier au 28 juin 1953
Ministre de l'Industrie et du commerce du 19 juin au 3 septembre 1954 Ministre des Forces armées du 20 janvier au 23 février 1955
Ministre de l'Intérieur du 23 février au 2 décembre 1955 et du 6 novembre 1957 au 14 mai 1958
Ministre de la Défense et des Forces armées du 1er février 1956 au 13 juin 1957
Président du Conseil du 13 juin au 6 novembre 1957
Maurice Bourgès-Maunoury, né le 19 août 1914 à Luisant, suit les traditions d'une famille illustre puisqu'il envisage une carrière militaire comme son grand oncle le général Maunoury en entrant à 21 ans à l'Ecole polytechnique et qu'il est attiré par le droit et les sciences politiques comme son grand-père, député de l'Eure et Ministre de l'Intérieur dans le cabinet Poincaré. Il est fait prisonnier en 1940 et, libéré en 1941, il opte pour la Résistance et franchit les Pyrénées en 1942. Parvenu à Londres, il accomplit, comme délégué militaire une mission en Savoie et il est parachuté dès la nuit du débarquement. En octobre 1944 il devient sous-chef d'Etat-major puis administrateur des usines Renault avant de succéder à Jacques Soustelle, en juin 1945, comme commissaire de la République à Bordeaux. Il est compagnon de la Libération, Croix de Guerre, médaillé de la Résistance et titulaire d'un grand nombre de décorations étrangères.
Membre du Parti radical, conseiller municipal de Toulouse et conseiller général de la Haute-Garonne, Maurice Bourgès-Maunoury n'hésite pas, le 2 juin 1946, à affronter Vincent Auriol dans son « fief» de la Haute-Garonne. Il est élu à la proportionnelle avec 50 353 voix, tandis que la liste S.F.I.O. de Vincent Auriol a deux élus avec 75 333 voix, la liste M.R.P. (60 595 voix) et la liste communiste (58 710 voix), ont chacune un député.
Le jeune député est nommé membre de la Commission des finances et du contrôle budgétaire et juré à la Haute Cour de justice. Il a juste le temps de participer à la discussion budgétaire avant de retourner pour les élections législatives devant les électeurs de la Haute-Garonne qui ont droit à deux sièges supplémentaires. Les abstentions sont nombreuses et seul le Parti communiste augmente son score (62 796 voix et deux élus) alors que la S.F.I.O. (65 466 voix) et le M.R.P. (47 002 voix) ont chacun deux députés. Maurice Bourgès-Maunoury est réélu avec 41 509 voix. Il va alors chercher à renforcer sa position locale par une grande activité sur le terrain. Il est élu maire de Bessières en 1947 et conseiller général de Montastruc-la-Conseillère en 1949 ; il sera réélu en 1955 et le restera jusqu'en 1973. Il siège aussi au conseil d'administration du grand journal du Sud-ouest la Dépêche du Midi.
Maurice Bourgès-Maunoury est nommé membre de la Commission des finances et du contrôle budgétaire dont il devient secrétaire. Il est désigné en 1947 comme membre de la sous-commission chargée de suivre l'emploi des crédits affectés à la Défense nationale. Il est aussi juré à la Haute Cour de justice. Pendant cette première législature, Maurice Bourgès-Maunoury fait partie de l'intergroupe gaulliste.
Il intervient brièvement en 1947 pour une subvention à la Fondation nationale des sciences politiques et sur des propositions en faveur des fonctionnaires. Il se montre partisan de la rigueur en s'opposant à l'abaissement de l'âge de la retraite et au reclassement des fonctionnaires en période d'inflation. Il projette de réformer le fonctionnement du ministère des finances en allégeant ses effectifs et en attirant un personnel très qualifié. Le 26 novembre 1947, il est nommé secrétaire d'Etat au budget dans le cabinet de Robert Schuman et participe, en cette qualité, à la discussion du budget de 1948. Il défend le budget avec une courtoisie non dénuée d'humour et beaucoup de fermeté, s'engageant à ce qu'il soit désormais répondu de manière plus zélée aux questions écrites des députés. Il répond aux attaques du Parti communiste sur les accords Blum-Byrnes et justifie la réduction des dépenses des missions à l'étranger. Il expose l'urgence de réorganiser la S.N.E.C.M.A. Le 26 juillet 1948 devenu secrétaire d'Etat aux Forces armées dans le cabinet Marie, fonctions qu'il conserve dans l'éphémère cabinet de Robert Schuman du 5 au 11 septembre 1948, il promet une gestion rigoureuse.
Redevenu député, Maurice Bourgès-Maunoury prend part à la discussion du projet de loi fixant les dépenses militaires de 1949. Il s'inquiète de la faiblesse des crédits de paiement, insuffisants pour alimenter les usines d'aviation - l'arme la plus efficace et la moins coûteuse selon lui - et en 1949, il intervient sur le système des réserves des troupes d'Indochine, les défauts du service de santé et les précautions préalables à la construction de bases militaires.
Après un bref ministère des Travaux publics (2 au 12 juillet 1950), il est nommé secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil dans le gouvernement de René Pleven (12 juillet 1950) et prend part à la discussion du budget au cours de laquelle il souhaite que l'équilibre budgétaire soit atteint par une politique d'économies et sans recours à des impôts supplémentaires. Il répond à différentes questions sur le trafic routier, l'économie locale, la situation sociale des vieillards et les traitements des fonctionnaires.
Le 10 mars 1951, Maurice Bourgès-Maunoury est nommé Secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil dans le troisième cabinet d'Henri Queuille. Il déclare la nécessité de reconduire l'allocation temporaire aux vieux travailleurs. Il montre l'intérêt du stage de l'E.N.A. souhaitant qu'un grand nombre d'élèves puisse l'accomplir en Afrique du Nord. Il défend les crédits du commissariat à l'énergie atomique destinés à créer à Saclay un centre d'études nucléaires.
En 1951, il livre une campagne électorale sans ambiguïté dans la Haute-Garonne où il conclut un apparentement avec les « républicains », M.R.P. et S.F.I.O. Voter hors de l'apparentement c'est, dit-il, voter communiste. Il rejette le collectivisme auquel il oppose l'accession à la propriété et le progrès social par la gestion rigoureuse des finances. Il remporte un éclatant succès, personnel d'abord car il est le candidat qui a le plus de voix dans le département, dans sa stratégie d'alliances, ensuite, puisque les apparentés recueillent la majorité absolue des suffrages (134 881 voix) et se répartissent donc les sept sièges dont trois vont à sa propre liste radicale (58 953 voix), trois à la liste S.F.I.O. (51 869 voix) et un à la liste M.R.P. (24 059 voix). Les communistes (54 827 voix) et les gaullistes (29 405 voix) n'ont aucun élu.
Il est nommé membre de la Commission des finances (1954) et de la Commission de la production industrielle (1955). La Commission des finances le désigne comme membre de la Commission de coordination pour l'étude des questions relatives à la Communauté européenne du charbon et de l'acier (5 mars 1954). Le 11 août 1951 il est ministre-adjoint à la Défense nationale de René Pleven, puis ministre de l'Armement dans le cabinet d'Edgar Faure (20 janvier 1952 -8 mars 1952) et enfin ministre des Finances du cabinet René Mayer du 8 janvier 1953 au 28 juin 1953. Il participe à la discussion du projet de loi relatif au redressement financier par une réduction des charges publiques, une révision de l'assistance, une unification administrative de l'armée de terre. Il prévoit une réduction des droits de douanes, une révision du régime économique de l'alcool et du nombre des débits de boisson. Il présente une lettre rectificative au projet de loi relatif à la ratification de l'accord sur l'établissement d'une Union européenne des paiements afin de délimiter la durée de l'accord et de modifier le barème des versements d'or par les pays débiteurs. Il est l'auteur d'un projet de loi unifiant le contrôle de l'Etat sur les entreprises d'assurances afin de protéger les intérêts des assurés en simplifiant la terminologie. Redevenu simple député, il prend part, en tant que rapporteur, à la discussion d'une proposition de loi portant amélioration du régime de la Sécurité sociale dans les mines et du projet de loi relatif aux autres caisses de Sécurité sociale. Il participe à la discussion du projet de loi relatif à l'aménagement de la Durance et du projet de loi concernant la réparation des dommages de guerre subis par la S.N.C.F.
Le 19 juin 1954, il est nommé ministre de l'Industrie et du commerce du gouvernement Pierre Mendès-France dont il démissionne le 3 septembre 1954, afin de ne pas être associé à la conclusion des Accords de Paris. Il s'exprime en tant que député sur ces actes diplomatiques. Il approuve les Accords de Londres - un « pis-aller » par rapport à la C.E.D. - sous réserve qu'il n'y aura pas d'armée allemande autonome et qu'un accord équitable sera conclu sur la Sarre. Rapporteur des articles 2 et 3 des Accords de Paris, relatifs à l'admission de la République fédérale à l'O.T.A. N, il vote ces accords « la corde au cou » et considère qu'il s'agit d'un « désastre diplomatique ». Juste avant sa chute, le 20 janvier 1955, Pierre Mendès-France le rappelle dans son gouvernement en tant que ministre des Forces armées. Maurice Bourgès-Maunoury est ensuite le ministre de l'Intérieur du second cabinet Edgar Faure le 23 février 1955. Il prend part à la discussion d'un projet de loi relatif aux œuvres sociales en faveur des étudiants et du projet de loi relatif aux dépenses du ministère de l'Intérieur ainsi que du projet de loi sur l'élection des membres de l'Assemblée nationale. Mais, désormais, la situation critique en Algérie mobilise l'énergie de Maurice Bourgès-Maunoury qui est en 1955 l'auteur d'un projet de loi portant à 18 mois les obligations d'activité du contingent.
Le 22 mars 1955 il présente un projet de loi instituant l'état d'urgence en Algérie afin de protéger, dit-il, les musulmans loyalistes et de donner confiance à l'ensemble de la population. L'état de siège transférant des pouvoirs étendus à l'armée semble alors une solution susceptible de perturber l'économie du pays si bien que l'état d'urgence lui est préféré. Il permet d'accroître les droits du pouvoir civil et d'améliorer un dispositif administratif et juridique trop faible.
Maurice Bourgès-Maunoury répond à de nombreuses et parfois dramatiques interpellations, sur la situation de la presse, la sécurité publique, la répression et les conceptions politiques du gouvernement sur la question algérienne. Il est partisan d'une large politique de réformes sociales en Algérie. Il n'est pas, selon Edgar Faure, un très ferme partisan de l'intégration, manifestant un « désabusement prophétique ». Il étend à l'Algérie l'obligation du B.C.G. et tente d'améliorer le logement des musulmans par une politique de lotissements fonciers et la construction d'habitations. Il veille à ce que les sinistrés du tremblement de terre d'Orléanville soient relogés sans subir d'augmentation de loyer. Il présente, le 18 octobre 1955, un projet de loi portant création d'une caisse d'expansion et de modernisation de la propriété rurale afin de faciliter l'accession à la petite propriété et cherche à redévelopper le remembrement des exploitations rurales. Un projet de loi vise à améliorer l'irrigation de 30 000 hectares.
Lorsque Edgar Faure dissout l'Assemblée nationale le 1" décembre 1955, Maurice Bourgès-Maunoury quitte le gouvernement par fidélité aux positions du parti radical. Bien qu'il confirme, en 1956, avec ses 63 701 voix personnelles, son rayonnement sur le département de la Haute-Garonne, il ne réussit pas à renouveler pour sa liste radicale-socialiste (62 277 voix et deux élus), apparentée cette fois à la seule S.F.I.O. (56 609 voix et deux élus), l'éclatant succès de 1951 car elles n'atteignent pas la majorité absolue.
Maurice Bourgès-Maunoury est nommé membre de la Commission des affaires étrangères et de la Commission du suffrage universel. Guy Mollet l'appelle comme ministre de la Défense nationale le 1er février 1956. Il présente un projet de budget militaire pour 1957 dont l'élaboration est rendue difficile par le caractère contradictoire des missions de l'armée- défense de l'Union française, défense intérieure et défense de l'Europe au sein de l'O.T.A.N. - et d'une impossible polyvalence. Il se prononce, à nouveau, sur la nécessaire adaptation de l'armée française à l'arme nucléaire. Il prépare la relève par le contingent des troupes d'Algérie sans trop de dommages pour l'économie française. Il donne aux députés ses indications sur l'opération de Suez et sur les négociations engagées avec le Vietnam sur les installations françaises et il défend le maintien des crédits de la commission de cessez-le-feu en Indochine. Il répond à diverses questions concernant la guerre d'Algérie : attribution de la mention « mort pour la France » aux militaires qui y sont tombés, amélioration de l'action psychologique et du brouillage des émissions étrangères, relations avec le Maroc et la Tunisie, inculpation du professeur Mandouze et enlèvement du capitaine Moureau.
Maurice Bourgès-Maunoury devient Président du Conseil le 13 juin 1957 et le demeure jusqu'au 6 novembre 1957. Il prend part à la discussion du projet de loi instituant la Communauté économique européenne. Il crée un ministère du Sahara. Inquiet de l'extension du terrorisme à la métropole, il demande la prolongation des pouvoirs spéciaux et leur extension géographique. Il propose aussi une loi-cadre afin de préparer la structure future de l'Algérie et déclare le 12 juin 1957 : « les slogans d'un anticolonialisme démodé doivent très vite apparaître vides de sens devant notre volonté d'évolution et de progrès ». La loi reconnaît la « personnalité algérienne » et institue l'autonomie des territoires. En Algérie, tous les citoyens participeraient à la souveraineté française avec un système de collège unique. Des institutions fédératives équilibrent le dispositif qui constitue un cadre pour des discussions avec les élus de l'Algérie. Elle est rejetée par 279 voix contre 253. Le président du Conseil présente sa démission. Il est nommé par son successeur Félix Gaillard, ministre de l'Intérieur, et présente à l'Assemblée un projet de loi portant reconduction des mesures exceptionnelles en Algérie.
L'agitation de la police parisienne, allant jusqu'à assiéger le Palais-Bourbon, en mars 1958, l'amène à déclarer que de telles manifestations sont inadmissibles. Le Conseil des ministres refuse sa démission qu'il donne finalement avec ses autres collègues le 15 avril 1958. Il refuse la confiance sur le programme et la politique du général de Gaulle le 1er juin 1958, ainsi que les pleins pouvoirs le 2 juin 1958.