Louis Michel de Bourges
1797 - 1853
- Informations générales
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- Né le 30 octobre 1797 à Pourrières (Var - France)
- Décédé le 16 mars 1853 à Montpellier (Hérault - France)
1797 - 1853
Député de 1837 à 1839, représentant en 1849, né à Pourrières (Var) le 30 octobre 1797, mort à Montpellier (Hérault) le 16 mars 1853, il était fils d'un vieux républicain massacré par les royalistes en 1798.
Michel fit de brillantes études au collège d'Aix, et annonça dès l'enfance un goût prononcé pour l'art oratoire. En 1815, âgé de dix-huit ans, il se battit contre les verdets du Midi, et, pour se soustraire aux poursuites qui le menaçaient, s'engagea dans un régiment de ligne. Une occasion s'offrit bientôt à lui de mettre à profit ses dispositions pour le barreau. Chargé de défendre, devant le conseil de guerre de Marseille, un soldat accusé d'une faute grave, il arracha des larmes à l'auditoire, fit acquitter l'accusé, et fut ramené en triomphe par les militaires présents à l'audience.
L'effervescence royaliste calmée, Michel se fit remplacer, et vint étudier le droit à Paris, où il retrouva Thiers, son condisciple au collège d'Aix, qui, souriant de son éloquence enflammée et de son exaltation tribunitienne, l'appelait plaisamment le Bridaine de la Révolution. En 1820, il prononça l'oraison funèbre du jeune Lallemand tué par un soldat de la garde royale : la police l'inquiéta à ce sujet, et l'Ecole lui fit perdre plusieurs inscriptions.
Mêlé à tous les conciliabules des libéraux, il se lia d'amitié, durant son séjour à Paris, avec les républicains avancés, parmi lesquels M.Brisson, plus tard avoué à Bourges, et père de M. Henri Brisson (voy. ce nom). Cet ami le décida à fixer sa résidence à Bourges, où Michel se rendit (1826), après s'être fait recevoir avocat. « M. Michel, écrit un biographe, ne fut pas apprécié sur-le-champ. L'emploi des déductions philosophiques qui le plaçaient toujours dans l'esprit de la loi, son dédain pour les fins de non-recevoir et pour cette mauvaise guerre des petits moyens légués par le régime des procureurs, parurent nouveaux à ses confrères, MM. Mater et Mayet-Génetry » (voy. ces noms). Cependant son talent finit par être reconnu. Mais, à la suite d'une discussion avec M. Moray, procureur général, le jeune avocat rompit avec l'opposition, trop timide à son gré, dont M. Mater et le Journal du Cher étaient alors les organes à Bourges. Une série d'Observations sur le code militaire du 12 mai 1793, publiée par lui en 1827, servit à fixer la réputation de son auteur comme dialecticien. Bientôt il fonda un recueil mensuel intitulé la Revue du Cher, qu'il fit précéder d'une profession de foi nettement démocratique : la Revue fut traduite en police correctionnelle par le parquet de Bourges pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi. » Michel se défendit lui-même avec chaleur, et fut acquitté.
Les journées de juillet le trouvèrent à la tête du mouvement libéral à Bourges. Il tint en respect le général Canuel, commandant de la 15e division militaire, qui avait mandé les cuirassiers et la garnison de Nevers, fit arborer le drapeau tricolore, contribua à la nomination de M. Mater comme premier président de la cour royale de Bourges, et, ressuscitant la Revue du Cher, en fit un journal quotidien. Il parut au barreau de Paris au mois d'avril 1831, pour prêter son concours à M. Danton, l'un des dix-sept jeunes gens emprisonnés lors des troubles occasionnés par le procès des ministres de Charles X : sa plaidoirie produisit un grand effet. Après avoir rappelé les actes de la Restauration acharnée contre le parti libéral, il termina par ces mots : « Les Ordonnances de juillet parurent, et le peuple eut son jour ! Laissez-moi croire, messieurs, qu'ils versent des larmes de sang, ceux qui ont eu le malheur d'attacher leurs noms à ces fatales condamnations, qu'ils pleurent la chute de la monarchie accélérée par de sanglantes exécutions, et cette jeunesse pleine d'espérances et de sentiments généreux, et cruellement immolée aux exigences des partis ; laissez-moi croire enfin que vous n'exposerez pas le gouvernement aux conséquences des condamnations politiques, et vous-mêmes à des regrets éternels. »
Quelques mois après, il obtint un nouveau triomphe dans un procès analogue, en faisant acquitter cinq étudiants arrêtés pour avoir formé un « rassemblement armé », en faveur de la Pologne. De retour à Bourges, il voulut, avec quelques « patriotes » de cette ville, planter un arbre de la liberté, le 27 juillet 1831; l'arbre orné de drapeaux tricolores avait été préparé; le maire, M. Mayet-Genetry, défendait la plantation sur une des places, mais l'autorisait dans un champ appartenant à un particulier, M. Deséglise, qui réclamait cette faveur. On venait de s'y rendre, quand le général Petit survint avec des gendarmes et des officiers de son état-major, et fit charger la foule : l'arbre fut abattu, coupé en morceaux, et huit personnes furent mises en état d'arrestation ; Michel lui-même subit un mois de détention.
Une affaire plus importante l'appela bientôt à Paris: ce fut le procès dit des fusils Gisquet, intenté au journal la Tribune, à la suite des révélations faites par cette feuille. Michel assistait Armand Marrast. Il s'écria dans sa péroraison : « Encouragez donc, au lieu de les punir, les écrivains courageux qui vivent d'abnégation et de sacrifices, qui se dévouent à la patrie et qui flétrissent partout où ils l'aperçoivent cette corruption qui avilit, qui dégrade, qui éteint l'homme dans ses plus nobles facultés. Et vous aussi, messieurs, écrasez-la, cette corruption ; faites appel à votre conscience, à votre probité, que parmi nous se réveillent enfin les vertus patriotiques ; que par elles notre France redevienne noble, forte, grande, généreuse ! C'est son lot, c'est sa gloire ; n'allez donc pas frapper ceux qui combattent pour lui assurer de hautes destinées! » Néanmoins le rédacteur de la Tribune fut condamné à six mois d'emprisonnement, trois mille francs d'amende et vingt-cinq francs de dommages-intérêts. Me Michel rentra à Bourges, défendit son propre journal, la Revue du Cher poursuivi pour vingt-quatre de ses articles, et le fit acquitter (mai 1832).
Vers la même époque, se trouvant insulté par un article du Journal du Cher, il eut un duel au pistolet avec le rédacteur en chef. Sa réputation d'avocat grandit encore avec le procès dit des vingt-sept (procès de la société des Droits de l'homme), où il assistait Rouet, ancien élève de l'Ecole polytechnique. Après douze audiences consacrées aux débats, tous les accusés furent acquittés. Mais il restait pour la cour une décision à prendre contre trois des avocats, MMes Dupont, Pinard et Michel, qui avaient argué de falsifications de pièces de la part des magistrats accusateurs, pour engager l'accusé Kersausie à ne point répondre aux questions du président. Les explications présentées par Michel de Bourges débutèrent par cette singulière exclamation : « Messieurs, je sue en me levant! » Et, après un temps, il reprit : « Mais ce n'est pas de honte ; je sue de colère et d'indignation. Vous pouvez me condamner ; mais l'avocat du roi ne fera jamais de moi ni un accusé ni un coupable!... Eh quoi ! Les avocats sont-ils donc les esclaves des gens du roi ! Connaissez-nous mieux ; il est possible que vous nous suspendiez : tout est possible dans ce temps de malheur ; mais vous ne me réduirez pas à la misère, je ne tendrai pas la main, et si je la tendais jamais à tous ceux dont j'ai sauvé la vie ou l'honneur, je serais encore plus riche que les gens du roi, malgré les munificences du pouvoir ... » Michel fut condamné à six mois de suspension. La veille, il avait obtenu l'acquittement de Voyer d'Argenson, appelé à répondre à une accusation d'excitation à la guerre civile, que le ministère public avait cru reconnaître dans une brochure intitulée: Boutade d'un riche à sentiments populaires. De toutes ses plaidoiries, c'était celle que Michel estimait la meilleure.
Enfin, lors du procès des accusés d'avril 1834 devant la cour des pairs, s'étant déclaré avec M. Trélat, par une lettre rendue publique, l'auteur et le publicateur de la Lettre aux prisonniers d'avril, portant la signature de 91 défenseurs, et dénoncée à la Chambre haute par M. de Montebello, il s'entendit condamner à un mois de prison et 11,000 fr. d'amende. A l'expiration de sa peine, il se retira à Bourges, et fut nommé membre du conseil général du Cher.
Il avait fait déjà, d'autre part, plusieurs tentatives infructueuses pour entrer à la Chambre, et avait échoué le 5 juillet 1531, dans le 2e collège du Cher (Bourges), avec 76 voix contre 94 à l'élu, M. de La Rochefoucauld ; et le 21 juin 1834, dans le même collège, avec 75 voix contre 96 à M. de La Rochefoucauld, réélu. Il se représenta encore le 4 novembre 1837, et n'obtint que 100 suffrages contre 135 au même concurrent. Mais le parti libéral du 1er collège des Deux-Sèvres (Niort) fit, le même jour, triompher sa candidature, avec 285 voix (545 votants, 726 inscrits), contre 254 à M. F. David.
Michel de Bourges s'effaça à la Chambre, où il appartint à la gauche dynastique ; il y parla, plus en avocat qu'en homme d'Etat, dans une question de propriété à propos de mines. « Il n'a trouvé que rarement, écrit un biographe parlementaire, l'occasion d'apporter au service de l'opposition radicale la puissance de cette mâle éloquence dont il a donné tant de preuves ailleurs. » Il entra dans la coalition contre le ministère Molé, et ne fut plus réélu député des Deux-Sèvres, ayant échoué, le 2 mars 1839, avec 243 voix contre 310 à M. Arnauldet, élu, puis le 9 juillet 1842, avec 268 voix contre 342 à M. David.
Au surplus, Michel semblait, dans les dernières années du règne de Louis-Philippe, s'être de plus en plus rapproché du pouvoir, et, à la veille de la révolution de février 1848, il avait même accepté de plaider à Nevers pour le préfet de la Nièvre poursuivant civilement des réparations contre un publiciste démocrate, M. Ulysse Pic, lorsque la chute du trône de Louis-Philippe fit de lui le commissaire général du gouvernement provisoire dans le département du Cher. Ledru-Rollin l'avait nommé, ignorant encore son évolution toute récente. Mais, en ayant été informé par George Sand, il révoqua au bout de quelques semaines Michel, qui avait maintenu à leur poste la plupart des fonctionnaires et notamment les maires du régime précédent, et désigna pour le remplacer Félix Pyat avec des pouvoirs illimités.
Porté, par les républicains modérés, à l'Assemblée législative, Michel fut élu, le 13 mai 1849, dans le Cher, par 33,617 voix (61,469 votants, 82,313 inscrits). Elu en même temps représentant de la Haute-Vienne, il opta pour le Cher, et prit place sur les bancs de la Montagne, dont il fut un des principaux orateurs et qui le porta plusieurs fois à la vice-présidence de l'Assemblée. Il vota contre l'expédition de Rome, contre la loi Falloux-Parieu sur l'enseignement, contre la loi du 31 mai contre le suffrage universel, et ne fut pas compris dans les poursuites de l'affaire du 13 juin 1849, mais assista les accusés, comme défenseur, devant la haute cour de Versailles. On remarqua particulièrement son discours sur la révision de la Constitution, ainsi que celui qu'il prononça le 13 novembre 1851, contre la loi du 31 mai.
Lors de la discussion de la proposition dite des questeurs, tendant à mettre l'armée à la disposition de la Chambre, il repoussa cette proposition : « Il s'agit, dit-il, de périls théoriques. Savez-vous quand vous les avez découverts? Vous les avez découverts le 4 novembre quand on a retiré la loi du 31 mai : voilà le péril. Le péril c'est que la monarchie est menacée, c'est que la République commence à être inaugurée. Vous avez peur de Napoléon Bonaparte et vous voulez vous sauver par l'armée. L'armée est à nous, et je vous défie, quoi que vous fassiez, si le pouvoir militaire tombait dans vos mains, de faire un choix qui fasse qu'aucun soldat vienne ici pour vous contre le peuple. » Il croyait que la proposition d'abrogation de la loi du 31 mai était une avance faite par le prince-président à la gauche démocratique, et, peu de jours avant le coup d'Etat, il répétait à tout venant en parlant du prince : « C'est mon homme! »
Il en voulait aux républicains de leur opposition systématique à l'Elysée, et un jour il disait à un journaliste en lui montrant le sommet de la gauche : « Qui sait ce qui va descendre aujourd'hui de ce Sinaï de la démence? » Il protesta d'ailleurs contre l'acte du 2 décembre, et fut, avec Victor Hugo, Jules Favre et d'autres, membre du comité de résistance qui tenta de soulever le peuple de Paris. Mais le gouvernement, qui le redoutait peu, ne l'inquiéta pas. « Je déjeunais habituellement à Bruxelles, a écrit Victor Hugo (Histoire d'un crime), dans un café appelé le café des Mille Colonnes que fréquentaient les proscrits. Le 19 janvier, j'avais invité à déjeuner Michel de Bourges, et nous étions assis à la même table. Le garçon m'apporta le Moniteur français : j'y jetai un coup d'œil. -Ah ! dis-je, c'est la liste de proscription. Je la parcourus du regard, et je dis à Michel de Bourges : - J'ai à vous annoncer une mauvaise nouvelle. - Michel de Bourges devint pâle. J'ajoutai : - Vous n'êtes pas sur la liste. - Son visage rayonna. » Michel avait une autre faiblesse : c'était sa passion pour le jeu. Il passa les dernières années de sa vie à Montpellier, où il mourut en 1853.