Philippe, Benjamin, Joseph Buchez

1796 - 1865

Informations générales
  • Né le 31 mars 1796 à Matagne-la-Petite (Ardennes - France)
  • Décédé le 11 août 1865 à Rodez (Aveyron - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 5 mai 1848 au 5 juin 1848

Mandat(s)

Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Seine
Groupe
Droite

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Représentant à l'Assemblée constituante de 1848, né le 31 mars 1796, à Matagne-la-Petite (Ardennes), village de l'ancien pays wallon, qui faisait partie du département des Ardennes avant 1815, et appartient aujourd'hui à la Belgique, mort à Rodez (Aveyron) le 11 août 1865, il fut élevé à Paris, suivit, au sortir du collège, les cours de sciences naturelles du Jardin des plantes, et se livra particulièrement aux recherches anatomiques. Il entra bientôt à l'Ecole de médecine, et fit de la politique libérale avec ses condisciples. Désirant être complètement indépendant du gouvernement, il se démit d'un modeste emploi qu'il occupait dans l'octroi de Paris.

Membre influent de la Société de médecine et de la Société philosophique, il eut quelque part à la conspiration Nautil, du 19 août 1820, qui avorta, le secret ayant été livré à la police. Plusieurs des conjurés furent condamnés à la détention ; Buchez ne fut pas compris dans les poursuites. Il songea alors à fonder, en France, à l'imitation de la carbonara napolitaine, une organisation du même genre. Quelques semaines après, la Charbonnerie française, dont la « haute vente » se réunissait chez Buchez et dont la déclaration de principes était due à Buchez, Bazard et Flottard, comptait, a-t-on dit, tant à Paris que dans les départements, près de 200 000 membres. Lafayette, Jacques Koechlin, Voyer d'Argenson, Mérilhou, Beauséjour, de Schonen, Dupont (de l'Eure), Cauchois-Lemaire, etc. faisaient partie de cette association, qui avait pour but le renversement des Bourbons et la création d'une Assemblée nationale, appelée à décider du gouvernement de la France. Cette fois encore, les dispositions des « patriotes » furent mal prises ; 44 citoyens entrèrent dans les prisons royales ; quant à Buchez, qui avait entrepris de soulever les départements de l'Est, arrêté à Metz et conduit de là à Colmar, il fut renvoyé aux assises, où le jury se partagea : six voix seulement s'étant prononcées pour la mort, il eut la chance d'être acquitté.

Il reprit alors ses études médicales, et se fit recevoir docteur en 1824. Peu de temps avant ses derniers examens, il avait publié, avec son ami Trélat, un traité d'hygiène assez estimé. Puis il devint le principal rédacteur du Journal du Progrès des sciences et institutions médicales, où il inséra des articles sur l'organisation de la médecine en France, et publia des vues physiologiques qui rompaient directement avec l'école sensualiste. Lié avec Bazard et avec les anciens rédacteurs du Producteur, organe de la doctrine saint-simonienne, il se sépara d'eux lors de la transformation de cette doctrine sous l'influence d'idées qui d'abord lui avaient été étrangères.

Au lendemain de la révolution de Juillet, il fonda, de concert avec Flocon, Thierry, Léon Pilet, etc., dans la salle du manège de la rue Montmartre, le club des Amis du peuple, dont le gouvernement de Louis-Philippe fit fermer les portes le 25 septembre 1830. Peu de temps après, une modification profonde s'opéra dans les idées de Buchez : le catholicisme, ses dogmes et ses doctrines n'eurent bientôt pas de plus zélé défenseur, et il résolut d'en faire la base de ses théories politiques. Apôtre du néocatholicisme, il publia le Journal des Sciences morales et politiques (1831), puis l'Introduction à la science de l'Histoire, ou science du développement de l'humanité (1833) ; un Essai d'un traité complet de philosophie au point de vue du catholicisme et du progrès (1839). Le progrès, d'après Buchez, ne peut se concevoir sans un but, et ce but ne saurait être accidentel, ou fortuit : il doit être marqué d'avance, ou, selon lui, révélé. Voilà comment la notion du progrès conduisait Buchez, non seulement à la puissance divine, mais à la révélation. C'est encore sous le règne de Louis-Philippe que Buchez entreprit et termina la publication de celui de ses ouvrages qui a le plus contribué à sa réputation : l'Histoire parlementaire de la Révolution française, par Buchez et Roux (46 vol., 1834-1840). Les auteurs de cette compilation s'étaient à peu près bornés, il faut le dire, à découper, dans la collection du Moniteur, le compte rendu des séances de la Constituante et de la Convention, en ajoutant çà et là quelques phrases explicatives, avec une longue préface en tête de chaque volume.
Buchez ne prit aucune part directe à la révolution de 1848, ni à la proclamation de la République. Cependant les hommes du National, ou du moins ceux d'entre eux qui étaient restés ses amis, songèrent à lui faire jouer un rôle officiel dans le gouvernement issu de la Révolution. A peine Marrast eut-il succédé comme maire de Paris à Garnier-Pagès, appelé lui-même à remplacer Goudchaux au ministère des Finances, que l'auteur de l'Histoire parlementaire de la Révolution française devint l'adjoint de l'ex-rédacteur en chef du National. Sa spécialité d'écrivain religieux lui fit attribuer la fonction de répondre en « catholique républicain » aux membres du clergé qui venaient présenter des adresses de félicitations sympathiques au gouvernement provisoire.

Les mêmes raisons et les mêmes influences le firent élire, le 23 avril 1848, représentant de la Seine à l'Assemblée constituante, le 17e sur 34, par 135 678 voix (267 888 votants, 399 191 inscrits), et, presque aussitôt, président de la nouvelle assemblée à la majorité de 389 voix sur 727.

Tous les partis s'accordèrent généralement à reconnaître que son passage au fauteuil fut peu brillant ; d'ailleurs il dura à peine huit jours. Buchez occupait la présidence, lors de l'envahissement de l'Assemblée, le 15 mai 1848. Son attitude dans cette grave circonstance rencontra peu d'approbateurs : les uns, comme Raspail, Pierre Leroux, Cabet, allèrent jusqu'à y voir un piège tendu aux démocrates socialistes ; les autres, dont Mme d'Agoult (Daniel Stern) s'est fait l'écho dans son Histoire de la Révolution de 1848, se contentèrent de constater que Buchez et son parti - « le parti de la République qu'on appelait bourgeoise » - n'avaient rien fait pour prévenir la manifestation, heureux peut-être d'avoir à la réprimer. Ce qu'il y a de sûr, c'est que, depuis plusieurs jours, le président était averti qu'il se préparait quelque chose. Le 14, en voyant sur les murs de Paris une lettre de convocation signée Huber et Sobrier, qui fixait au lendemain matin le rendez-vous populaire pour une grande manifestation en l'honneur de la Pologne et de l'organisation du travail, Buchez concerta diverses mesures avec la commission exécutive. Sur son ordre, un bataillon de garde mobile fut chargé de garder le pont de la Concorde ; deux autres bataillons durent se placer dans le jardin du palais ; un quatrième devait stationner sur l'esplanade des Invalides. Cependant le préfet de police, Caussidière, avait répondu de l'ordre, « à la condition qu'on ne ferait pas battre le rappel ». Lorsque les colonnes de manifestants eurent pénétré à l'intérieur du Palais-Bourbon, Buchez commença par se couvrir, puis il se découvrit, indiquant par là que la séance n'était pas interrompue. A diverses reprises, il pria Raspail et Louis Blanc d'intervenir auprès de la foule : ce fut sur ses instances que le premier donna lecture de la fameuse pétition en faveur de la Pologne : « Venez à notre aide, lui avait-il dit, lisez la pétition ! » - et que Louis Blanc, à son tour, alla rejoindre Albert et Barbès et se mit, comme eux, à haranguer le peuple, massé dans la rue de Bourgogne. Ce fut lui qui, après avoir signé et remis à un officier d'état-major l'ordre écrit de faire battre le rappel, feignit de révoquer cet ordre : il quitta l'Assemblée, lorsque Huber l'eut déclarée « dissoute au nom du peuple », et Laviron, un des insurgés, en profita pour le remplacer au fauteuil et pour proposer à l'acceptation du peuple divers noms, en vue de l'établissement d'un nouveau gouvernement provisoire. Sur ces entrefaites, la garde mobile et la troupe vinrent disperser les manifestants. Buchez alors rentra en scène; il reprit sa place au fauteuil et dit qu'il était allé au palais du Luxembourg, auprès de la commission exécutive, et que le général Baraguey-d'Hilliers venait d'être nommé commandant supérieur des forces destinées à protéger la représentation nationale. La majorité de l'Assemblée accueillit favorablement cette communication; toutefois elle ne confirma pas Buchez dans les fonctions de président.

A dater de ce jour, il ne se mêla que très rarement aux délibérations parlementaires, et son activité politique, en dehors de ses dépositions devant la Haute Cour de Bourges au sujet de l'affaire du 15 mai, se borna à combattre, comme rapporteur du 10e bureau, l'opinion de Jules Favre, qui plaidait en faveur de l'admission de Louis-Napoléon Bonaparte, élu représentant. « Ce n'est pas le citoyen Bonaparte qui se présente, dit Buchez, c'est le prince Louis-Napoléon ; c'est un prétendant qui est venu deux fois sur le sol français réclamer à main armée son droit héréditaire à l'empire. Aujourd'hui même, c'est par le cri de : Vive l'empereur ! que ses partisans saluent son élection. » Buchez fit remarquer que le prince Louis Bonaparte n'avait pas reconnu la République.

Membre de la majorité, il vota:

- le 26 août, pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière ;
- le 2 septembre, pour le maintien de l'état de siège ;
- le 18 septembre, contre l'abolition de la peine de mort ;
- le 7 octobre, contre l'amendement Grévy ;
- le 2 novembre, contre le droit au travail ;
- le 25 novembre, pour l'ordre du jour en l'honneur du général Cavaignac.

Après l'élection de Louis Bonaparte à la présidence de la République, il vota parfois avec la gauche, par exemple :

- le 12 janvier 1819, contre la proposition Rateau ;
- le 21 mars, contre l'interdiction des clubs ;

il opina, le 16 avril, en faveur de l'expédition de Rome.

Non réélu à l'Assemblée législative, Buchez ne prit plus, jusqu'à sa mort, aucune part aux affaires publiques.