Jacques Boutard
1906 - 1982
BOUTARD (Jacques)
Né le 11 juillet 1906 à Paris
Décédé le 10 janvier 1982 à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne)
Député de Haute-Vienne de 1958 à 1967 puis de 1968 à 1973
Fils du député radical Jean-Baptiste Boutard (Haute-Vienne), Jacques Boutard est né le 11 juillet 1906 à Paris. Il effectue ses études secondaires au lycée de Poitiers et, comme son père, les poursuit à la faculté de médecine de Paris. Élève de l’Institut Pasteur à partir de 1935, il est mobilisé en 1939. Il fait l’objet de trois citations. À l’issue des combats, Jacques Boutard est fait prisonnier mais il s’évade, soutient sa thèse de médecine en 1943 et s’installe comme médecin généraliste à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne). Il s’engage comme médecin volontaire FFI dans la Résistance.
Inscrit à la SFIO depuis 1920, c’est sous cette étiquette que Jacques Boutard se présente avec succès à l’élection municipale du Chalard (Haute-Vienne) en 1936 à l’âge de 30 ans. Jusqu’à sa mort en 1982, il conserve un mandat municipal dans son département. Après dix ans à la mairie du Chalard, Jacques Boutard est élu maire de Saint-Yrieix-la-Perche en 1945. En outre, en 1958, il devient conseiller général du canton de Saint-Yrieix-la-Perche et le demeure jusqu’à son décès.
Jacques Boutard se présente aux élections législatives de novembre 1958 dans la 2ème circonscription de la Haute-Vienne. Le sénateur du département, Georges Lamousse en dresse le portrait suivant : « Médecin de campagne, protecteur des humbles, aimé et estimé de tous, c’est un administrateur qui a fait ses preuves, aussi bien dans sa commune qu’à l’Assemble départementale ». Au premier tour, le maire de Saint-Yrieix-la-Perche affronte quatre listes dont celle de son principal adversaire, le communiste Marcel Rigoult, tourneur sur métaux. Dans cette circonscription nettement ancrée à gauche, il s’agit en effet de l’emporter face au candidat du PCF : lors des élections anticipées de 1956, les communistes ont remporté deux sièges, comme les socialistes, le cinquième étant revenu à Roland Dumas, candidat de l’Union démocrate et socialiste de la résistance (UDSR). Pourtant, dans sa profession de foi, il concentre surtout ses attaques contre « ceux qui, prêts à imposer la dictature, prétendent avoir le monopole de la République » c'est-à-dire les gaullistes. Dès le premier tour, le médecin est placé en tête avec 39,5% des suffrages exprimés contre 35,5% pour Marcel Rigout. Il obtient son meilleur résultat dans sa commune de Saint-Yrieix-la-Perche (63%). Le report des voix du candidat de droite Alfred Dutheillet de Lamothe (20% au premier tour) permet à l’ancien résistant de l’emporter largement au second tour avec 60,4% des suffrages.
Au cours de la première législature de la Vème République, Jacques Boutard s’impose au Palais-Bourbon comme l’un des spécialistes des affaires culturelles et en particulier du cinéma. Inscrit au groupe socialiste, le nouveau député de la Haute-Vienne est nommé membre de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il appartient également à la commission consultative du cinéma et de la commission de contrôle sur l’union générale cinématographique. C’est à ce domaine qu’il consacre l’essentiel de son activité de parlementaire. En effet, il dépose trois avis concernant le cinéma sur les projets de loi de finances (1960, 1961, 1962). Ses nombreuses interventions concernent aussi principalement l’industrie cinématographique et son contrôle. Ainsi, le 21 octobre 1960, il pose à deux reprises des questions avec débat au gouvernement. Pour la première, qui concerne le régime fiscal des cinémas et la défense de la Comédie Française, il s’adresse au ministre d’Etat chargé des affaires culturelles, André Malraux. Un échange savoureux les oppose. Aux critiques exposées par Jacques Boutard, André Malraux répond : « Tout ceci manque absolument de sérieux et j’ai eu le sentiment d’entendre l’admirable tirade de Ruy Blas que j’aurai plaisir à écouter dans quelques jours, comme vous-même, à la Comédie Française ». Jacques Boutard réplique : « Vous avez bien voulu me comparer à Ruy Blas. J’aurais préféré, je vous l’avoue, que ce fût à Cyrano, car à la fin de l’envoi, je vous aurais touché ». Lors de sa seconde question, il interpelle le ministre de l’information, Louis Terrenoire sur la censure qualifiée de « dangereuse » que subissent les productions cinématographiques et en particulier celles évoquant la délinquance juvénile.
Lors des grands débats, il vote contre le programme du gouvernement Debré (16 janvier 1959), contre le nouveau règlement de l’Assemblée nationale qui limite les possibilités d’expression des élus de la Nation (3 juin 1959). En revanche, il se prononce en faveur de la déclaration de politique générale du Premier ministre le 15 octobre 1959, quelques semaines après que le général a évoqué l’« autodétermination » de l’Algérie. Il vote contre la loi Debré sur le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959) mais accorde les pouvoirs spéciaux au gouvernement pour ramener l’ordre en Algérie après la semaine des barricades (2 février 1960). Enfin, il s’exprime en faveur de l’immunité de Georges Bidault le 5 juillet 1962 et tente en vain de soutenir la motion de censure du 4 octobre 1962.
Solidement implanté dans sa circonscription, Jacques Boutard sollicite le renouvellement de son mandat législatif en 1962. Il affronte à nouveau le communiste Marcel Rigoult devenu maire de Rochechouart. En difficulté à l’issue du premier tour, Jacques Boutard regrette « le jeu des abstentions et peut-être le mauvais temps ». En effet, les électeurs de Haute-Vienne l’ont placé en deuxième position (38,5% des suffrages) derrière le candidat du PCF (41%). Dans sa seconde profession de foi, le maire de Saint-Yrieix-la-Perche attaque vigoureusement son adversaire : « Les communistes se trompent et vous trompent lorsqu’ils s’imaginent que leur régime serait celui de la paix et de la liberté. Il ne faut pour s’en convaincre que, s’il en était ainsi, on n’aurait pas été obligé d’imposer à la Hongrie la répression de Budapest, de construire le mur de Berlin entre l’Est et l’Ouest ». Il appelle à « défendre toute notre civilisation occidentale ». Au terme d’un second tour plus serré que celui de 1958, le candidat sortant est confirmé dans ses fonctions avec 52,6% des voix. À nouveau, il réalise son meilleur résultat dans son bastion de Saint-Yrieix-la-Perche.
Reconnu pour son travail et ses qualités dans le domaine des affaires culturelles, Jacques Boutard garde son siège à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales. En outre, le 14 juin 1966, il est nommé membre de la commission spéciale chargée d’examiner la loi Neuwirth. Naturellement inscrit au groupe socialiste. Au cours de cette législature, sa modeste activité parlementaire privilégie à nouveau très nettement les questions culturelles et en particulier le cinéma. Elle s’exprime notamment lors de la discussion des projets de loi de finances au cours desquels il déplore la forte pression fiscale subie par les industries culturelles.
Par ailleurs, Jacques Boutard se prononce contre la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963), contre le projet de loi relatif à certaines modalités de grèves dans les services publics (26 juillet 1963), s’abstient volontairement sur la réforme du mode d’élection des conseillers municipaux (17 juin 1964) et vote contre la réforme du service national (26 mai 1965).
En 1967, Jacques Boutard ne se porte pas candidat aux élections législatives. Fidèle à son anticommunisme, il a décliné l’investiture que lui offrait la FGDS par refus d’un pacte avec le PCF : en effet, il ne veut consentir à un éventuel désistement en faveur de son adversaire communiste Marcel Rigout. Cette position, qui lui vaut d’être exclu de l’organisation socialiste, permet à Marcel Rigout d’être élu au second tour avec 59,3% des voix face au candidat gaulliste Philippe Chabassier.
En 1968, la candidature de Jacques Boutard se présente sous des augures encore moins favorables. Exclu de la SFIO, il y défend les couleurs de Progrès et démocratie moderne face au député sortant Marcel Rigout. La campagne électorale se caractérise par une violence à laquelle la circonscription n’est pas habituée : « La campagne, d’un certain côté, n’a pas manqué ni d’insinuations malveillantes ni d’inexactitudes. Quelquefois on arrachait mes affiches, souvent on me crevait les yeux » se plaint l’ancien député dans sa profession de foi tandis que ses engagements électoraux font montre de véhémence contre les communistes. « Ce n’est pas », écrit-il, « l’attitude souriante, enveloppante, doucereuse des candidats communistes locaux qui les empêcherait de devenir des agents de la dictature qui nous menacerait s’ils étaient au gouvernement ». Au premier tour, le médecin n’est cependant pas parvenu à renverser la tendance : il se place à nouveau en seconde position avec 26,8% des voix contre 40,7% pour le candidat communiste. A Saint-Yrieix-la-Perche dont il est toujours le maire, il n’a recueilli que 51% des suffrages. Toutefois, au second, tour, le report des voix de Marsaud, maire de Saint-Mathieu et candidat de droite (25% des suffrages), s’opère. Une courte majorité de 767 voix (50,7%) vaut à Jacques Boutard de siéger à l’Assemblée pour la troisième fois.
Le député de Haute-Vienne rejoint le groupe Progrès et démocratie moderne. Il accède à la Commission de la production et des échanges dès le début de la législature. Les questions culturelles ne figurent plus au premier plan de ses préoccupations. En revanche, il renoue avec ses intérêts de médecin, intervenant à deux reprises à la tribune sur ce sujet en décembre 1970. Il défend notamment le rôle du médecin généraliste en qui il veut voir davantage qu’ « un trieur » répartissant les patients entre les différents spécialistes et expose ses réserves quant à la suppression du stage pratique en première année de médecine. En outre, il est à l’origine de la proposition de loi du 16 décembre 1971 tendant à simplifier les procédures d’appréhension et de mise en vente des biens vacants ou en déshérence. Celle-ci n’aboutit pas. Ses autres interventions à l’Assemblée portent sur la sauvegarde de la ganterie, industrie très présente dans son département (5 novembre 1968 et 7 mai 1971), sur les insuffisances de la politique scolaire (5 décembre 1969) et sur la hausse des prix (5 novembre 1971).
Lors des grands débats, Jacques Boutard soutient alors plus volontiers la politique de l’exécutif. Il se déclare ainsi en faveur de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur (10 octobre 1968), de la loi relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises (4 décembre 1968), du renforcement de la garantie des droits individuels des citoyens (28 mai 1970), de la loi Pleven dite « anticasseurs » (4 juin 1970), du service national ramené à douze mois (10 juin 1970) et de la politique générale du gouvernement (15 octobre 1970). En revanche, il s’abstient volontairement sur la création des régions le 27 avril 1972 et ne prend pas part au vote du 24 mai 1972 sur la politique générale du gouvernement.
En 1973, le député de Haute-Vienne se porte une dernière fois candidat sous l’étiquette « socialiste indépendant ». Au terme d’un premier tour très mobilisateur (la participation est de 83%), Jacques Boutard ne recueille que 28,6% des suffrages soit dix points de moins que Marcel Rigout. A la différence du précédent scrutin, le Parti socialiste a investi un candidat, Pierre Desvalois, qui a d’ailleurs obtenu 18,6% des voix – ce qui explique le mauvais score du député sortant. Au deuxième tour, son adversaire communiste bénéficie largement du report des voix du candidat du PS. Une majorité solide (52,5%) permet à Marcel Rigout de retrouver le chemin du Palais-Bourbon tandis que le maire de Saint-Yrieix-la-Perche décide de consacrer la fin de sa carrière à ses mandats locaux. Jacques Boutard disparaît le 10 janvier 1982. Il était chevalier de la Légion d’honneur, officier du mérite agricole, officier des palmes académiques.