Mathieu Dumas
1753 - 1837
Député en 1791, aux Anciens, de 1828 à 1831, et pair de France, né à Montpellier (Généralité de Montpellier) le 23 novembre 1753, mort à Paris (Seine) le 16 octobre 1837, il était fils d'un trésorier des finances à Montpellier, emploi qui valut à son père des lettres de noblesse. Dès l'âge de quinze ans, il prit du service, entra à dix-sept ans dans l'arme du génie, devint sous-lieutenant au régiment du Médoc, puis lieutenant aux chasseurs en 1774, et capitaine en 1776. Quand le gouvernement de Louis XVI se décida à soutenir les colonies anglaises dans leur lutte pour l'indépendance, le marquis de Puységur, chargé du commandement des flottes combinées de France et d'Espagne, le prit comme aide-de-camp. Mathieu Dumas suivit au même titre le général de Rochambeau, chef du corps expéditionnaire en Amérique. Il resta trois ans aux Etats-Unis. A son retour, en 1781, il fut nommé maréchal des logis de l'état-major général au camp de Saint-Omer, sous le prince de Condé, et, en 1783, chef de l'état-major de l'armée de Saint-Domingue. Quand l'ambition de la Russie fit concevoir au gouvernement français certaines craintes, Mathieu Dumas fut chargé d'une mission d'étude dans les places de l'Archipel, sur les côtes d'Asie et sur la mer Noire. Il reçut en récompense la croix de chevalier de Saint Louis. Il remplit en Allemagne et en Hollande une autre mission, au cours de laquelle il assista, sans pouvoir s'y opposer, à la prise d'Amsterdam par les Prussiens. En 1788, il fut nommé rapporteur du conseil de guerre, en remplacement du célèbre comte de Guibert.
Comme tous les acteurs de la guerre d'Amérique, il salua la Révolution avec enthousiasme. Aide-de-camp du maréchal de Broglie (1789), puis du général La Fayette, il remplit, en 1790, les fonctions de commissaire du roi en Alsace, de commandant supérieur des provinces de Guyenne et de Périgord, et de directeur-général du dépôt de la guerre. En 1791, il fut chargé de ramener à Paris le roi arrêté à Varennes. Il était à la tête des rassemblements de garde nationale sous la surveillance desquels la famille royale effectua son retour dans la capitale. Bientôt après, il fut élevé au grade de maréchal-de-camp, et reçut le commandement en second de la 3e division militaire, organisée à Metz. C'est à lui que revient l'honneur d'avoir créé la première compagnie d'artillerie à cheval qui ait existé en France. Il appartenait alors au parti constitutionnel qu'on appelait aussi le parti fayettiste.
Le 6 septembre 1791, il fut élu député de Seine-et-Oise à l'Assemblée législative, le 10e sur 14, par 377 voix sur 501 votants. Il alla siéger au côté droit, et y représenta la politique du club des Feuillants, dit aussi « club monarchique », dont il fut un des membres les plus actifs.
Il vota contre les décrets relatifs aux prêtres non assermentés et aux émigrés; il s'éleva avec chaleur contre l'amnistie réclamée à la suite des troubles d'Avignon, et parla contre « Jourdan coupe-tête ».
Le 28 janvier 1792, le maréchal de Rochambeau, qui commandait en chef l'armée du Nord, écrivit à l'Assemblée législative pour lui demander qu'elle autorisât Mathieu Dumas à se rendre auprès de lui, et à partager avec lui le commandement de l'armée du Nord. « Je l'ai élevé, disait-il, ses talents l'ont poussé l'avidement dans la carrière; je crois avoir acquis de lui le droit d'en être secondé dans ma vieillesse. »
L'Assemblée ne déféra pas à ce désir. Elle garda Mathieu Dumas, et l'élut comme président, en remplacement de Condorcet. Il se prononça, le 23 mars 1792, contre l'émancipation des noirs, et insista pour l'ajournement du règlement des affaires coloniales jusqu'à la réception du vœu des assemblées respectives de chaque colonie.
Quand le maréchal de Rochambeau quitta son commandement, à la suite de démêlés avec le ministre de la guerre, Mathieu Dumas dit en parlant de Dumouriez, que « les manœuvres du factieux ne pourraient jamais flétrir la couronne civique de Rochambeau ». Il lutta de toutes ses forces contre la déclaration de guerre à l'Autriche (22 avril 1792), et se montra en toute circonstance, non sans exciter de vives colères et sans courir de grands dangers, le défenseur de Luckner et de Lafayette, si souvent attaqués en ce temps-là. Il conserva toujours une grande autorité dans les questions spéciales à l'armée, et exerça une influence marquée dans la discussion des lois de recrutement, d'organisation et de discipline militaires. Le 11 mai 1792, il fit rendre un décret ordonnant la poursuite des officiers, sous-officiers et soldats des 5e et 6e dragons, qui avaient abandonné leur poste de bataille, à l'affaire de Mons, et vota, le 28 mai, contre le licenciement de la garde du roi. Il blâma énergiquement la journée du 20 juin et les « outrages subis par Louis XVI ». Le 20 juillet, il accusa Dumouriez d'exercer illégalement le commandement, « en n'ayant été, dit-il, investi ni par Louis XVI, ni par le maréchal de Luckner, » et peu après, il le dénonça comme ayant conspiré, avec les ministres Roland et Clavière, contre la sûreté de l'Etat, en concevant le plan de l'offensive sur la Belgique.
Particulièrement exposé dans la journée du Dix-Août, il échappa avec peine à la proscription.
En septembre 1792, il quitta la France, mais il y rentra vers la fin de 1793, et vécut pendant un an, à la faveur d'un déguisement, changeant à chaque instant d'asile. Il trouva enfin le repos et la sécurité dans une retraite que Théodore de Lameth lui ménagea en Suisse, où il resta jusqu'après le 9 thermidor.
Le 27 vendémiaire an IV, le département de Seine-et-Oise l'envoya siéger au Conseil des Anciens par 202 voix sur 276 votants. Il siégea parmi les modérés, présenta le rapport sur l'établissement des conseils de guerre dans l'armée, prononça (10 fructidor an V) un grand discours sur la paix de Léoben et la gloire des armées françaises en Italie, et offrit une couronne de chêne aux généraux Bonaparte et Berthier. Proscrit au 18 fructidor, il parvint à s'échapper, et se réfugia à Hambourg.
Rappelé après le 18 brumaire, il fut l'objet de la faveur de Bonaparte, qui lui confia le soin d'organiser l'armée de réserve de Dijon. Il accompagna cette armée en Suisse avec le grade de chef d'état-major en 1801, et sauva son artillerie engagée pendant quatre jours dans les glaces et les neiges du Splügen.
Après cette campagne, qui amena la paix de Lunéville, il fut nommé conseiller d'Etat, le 8 messidor an IX. Ce fut Mathieu Dumas qui fit, au nom du gouvernement consulaire, la proposition relative à l'organisation de la Légion d'honneur. Il en fut nommé membre le 9 vendémiaire, commandeur le 25 prairial an XII.
Le 12 pluviôse de l'an XIII, il fut promu au grade de général de division, servit au camp de Boulogne, puis assista aux batailles d'Ulm, d'Elchingen et d'Austerlitz, combattit en Illyrie, suivit Joseph à Naples, comme ministre de la guerre, et grand-maréchal du palais (1806), fut fait grand dignitaire de l'Ordre des Deux-Siciles (9 mai 1808), accompagna Joseph à Madrid et y fut investi des fonctions d'aide-major général des armées impériales. Mais bientôt l'empereur le rappela auprès de lui. Mathieu Dumas se rendit, avec les mêmes fonctions, en Allemagne, assista au passage du Danube, aux batailles d'Essling et de Wagram, régla et signa l'armistice de Znaïm, et fut décoré par l'empereur d'Autriche du grand cordon du Mérite militaire. Le 2 février 1810, l'empereur Napoléon le nomma directeur général de la conscription et des revues. Le 30 juin 1811, il fut fait grand-officier de la Légion d'honneur ; il avait déjà été créé comte de l'Empire. Intendant général de la Grande-Armée, dans la guerre de Russie, il fut fait prisonnier en 1813, et détenu en Hongrie jusqu à la paix.
Il se rallia à la première Restauration, qui l'appela au Conseil d'Etat et à la direction générale de la liquidation de l'arriéré de la guerre. Peu s'en fallut qu'il ne devînt alors ministre de la marine.
Hostile au retour de l'île d'Elbe, il accepta néanmoins de Napoléon la mission d'organiser les gardes nationales.
Il fut mis à la retraite pour ce fait par la deuxième Restauration, le 4 septembre 1815.
Sa disgrâce dura peu ; en 1818, il fut réintégré au Conseil d'Etat, comme conseiller en service extraordinaire, puis, l'année suivante, fut mis en service ordinaire. Il présida le comité de la guerre, et soutint, comme commissaire du gouvernement, la loi sur le recrutement du maréchal Gouvion Saint-Cyr. Il défendit plusieurs projets de loi, comme commissaire du roi à la Chambre des députés, et notamment, le 19 janvier 1819, le projet de loi relatif au commerce et à la fabrication du salpêtre. Il combattit l'article additionnel de M. Pina au projet de loi sur la révision des listes électorales et appuya, malgré l'avis du ministre des finances, la pétition des membres de la Légion d'honneur réclamant un arriéré de rentes de 45 millions. Au cours de la même année 1819, il présida le collège électoral du département de la Vienne. On dit qu'il fut deux fois proposé sur une liste de pairs présentée par M. Decazes, et deux fois rayé par Louis XVIII, qui n'avait pas tout à fait oublié sa conduite pendant les Cent-Jours. En 1827, le comte Mathieu Dumas n'était plus l'homme du gouvernement; son influence et son nom étaient acquis à l'opposition.
Le 21 avril 1828, il fut élu député par le 1er arrondissement de Paris, avec 775 voix sur 1 211 votants, contre 334 données à M. Nitot, en remplacement de M. Dupont (de l'Eure) qui avait opté pour Bernay. Il s'associa, dans la Chambre, à toutes les manifestations qui préparèrent la révolution de 1830.
Le 12 juillet 1830, il fut réélu par 1 222 voix sur 1 430 votants, contre 193 données à l'amiral Duperré. Après les événements de Juillet, il fut nommé inspecteur général de la garde nationale dont Lafayette exerçait le commandement en chef. Quand ce dernier se retira, il donna également sa démission.
Soumis à la réélection, il fut réélu député, le 21 octobre 1830, par le 1er arrondissement de Paris, avec 734 voix sur 1,262 votants, contre 298 données à M. Ganneron. Nommé, le 14 janvier 1831, conseiller d'Etat en service ordinaire, il dut, de ce fait, se représenter devant ses électeurs qui le réélirent le 27 mars suivant.
Louis-Philippe le fit pair de France le 19 novembre 1831.
Le comte Mathieu Dumas fut admis à la retraite comme lieutenant-général le 6 mai 1832.
Les dernières années de sa vie furent éprouvées par de nombreuses infirmités, il avait presque totalement perdu l'usage de la vue. Il dicta ses Mémoires à son fils, et mourut à l'âge de 84 ans.
Mathieu Dumas a beaucoup écrit sur l'histoire militaire. Nous citerons parmi ses ouvrages :
1° Précis des événements militaires ou Essai historique sur les campagnes de 1799 à 1814, qui est considéré comme une œuvre magistrale ;
2° Les campagnes de 1806 et de 1807 jusqu'à la paix de Tilsitt ;
3° l'Histoire d'Espagne depuis la plus ancienne époque jusqu'à la fin de 1809, traduite de l'anglais de John Bigland, et continuée jusqu'à l'époque de la Restauration de 1814 ;
4° l'Histoire des guerres dans la Péninsule et dans le midi de la France depuis l'année 1807 jusqu'à l'année 1814, traduit de l'anglais de W. F. Napier ;
5° Observations sur les fortifications de Paris.
Le général Dumas a été l'un des rédacteurs des Archives littéraires de l'Europe ; on lui attribue la rédaction du Journal de l'adjudant-général Ramel, l'un des déportés à la Guyane, paru à Londres en 1799. Ses mémoires, sous le titre Souvenirs du lieutenant général comte Dumas, de 1770 à 1836, ont été publiés par son fils.
Date de mise à jour: octobre 2017