Jules Bozérian
1825 - 1893
Représentant à l'Assemblée nationale de 1871, et membre du Sénat, né à Paris, le 28 octobre 1825, il fit de bonnes études au lycée Louis-le-Grand, suivit les cours de droit de la Faculté de Paris entra en 1851 au barreau de la capitale, sous les auspices de son ancien condisciple, M. Emile Ollivier, et y acquit bientôt de la réputation. Sa plaidoirie dans le procès de l'Opéra-Comique, pour l'étudiant Laugardière, lui valut une rapide renommée. Cette notoriété s'accrut encore en 1856, à la suite du procès de l'association protestante de Vendôme, qu'il gagna en appel, après l'avoir perdu en première instance. Il fut, peu de temps après, élu membre du conseil général du Loir-et-Cher.
Devenu, en 1860, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de cassation, M. Bozérian fut chargé de soutenir les pourvois auxquels ont donné lieu la plupart des causes célèbres : la famille Lesurques, lors de la demande en révision du procès, soulevée par le gouvernement lui-même, lui confia ses intérêts. Enfin, c'est lui qui soutint les pourvois de La Pommeraye et de Troppmann. Il se consacra en même temps à des travaux sur la jurisprudence industrielle et commerciale, et, au moment du procès intenté par la corporation des agents de change aux coulissiers, il publia un ouvrage qui attira l'attention : La Bourse, ses opérations et ses opérateurs (1860).
Le 12 juin 1863, M. Bozérian se porta candidat de l'opposition dans la 2e circonscription de Loir-et-Cher et obtint 6 763 voix seulement contre 21 339 accordées au candidat officiel élu, M. Crosnier.
Mais le 8 février 1871, les électeurs de ce département l'envoyèrent à l'Assemblée nationale, le 1er sur 5, par 32 189 voix sur 49 247 votants, 78 521 inscrits ; le 8 octobre suivant, il fut réélu conseiller général pour le canton de Vendôme. Il se fit inscrire, dans l'Assemblée, à la gauche républicaine, déposa plusieurs projets tendant à déférer au jury la connaissance des délits de presse, à modifier la loi sur les brevets d'invention, à appliquer à la rente 5 % les dispositions de la loi de 1862, et aussi divers amendements à la loi sur les conseils généraux, et prit part à un grand nombre de discussions financières et juridiques. Il vota avec la gauche modérée, soutint la politique de Thiers et combattit le gouvernement du 24 mai. Il s'abstint lors du vote sur l'abrogation des lois d'exil. En 1872, il se mêla activement aux débats sur l'organisation du Conseil d'Etat, sur le recrutement de l'armée et sur le jury. Le 25 février 1875, il adopta l'ensemble des lois constitutionnelles, à la préparation desquelles il avait contribué comme membre de la dernière commission des Trente.
Aux élections sénatoriales du 30 janvier 1876, il se présenta dans le Loir-et-Cher en compagnie de M. Dufay, député sortant, et adressa de concert avec lui, aux électeurs, un manifeste collectif qui contenait cette déclaration :
« La République, telle que nous la comprenons, est une République libérale, modérée, à la fois conservatrice et amie du progrès, protectrice de tous les droits, soucieuse de tous les intérêts, ouverte à tous les citoyens, à l'exception de ceux qui, s'en proclamant après coup les partisans temporaires, n'aspirent, en secret, qu'à la détruire. Nous, au contraire, nous n'en accepterions la révision que dans le sens démocratique. Un vote de l'assemblée a appelé à la présidence de la République M. le maréchal de Mac-Mahon; nous respecterons sa personne et ses pouvoirs, et nous lui prêterons notre concours pour l'accomplissement de l'oeuvre confiée à sa loyauté et à son patriotisme. »
M. Bozérian fut élu sénateur de Loir-et-cher, par 212 voix sur 354 votants. Il s'assit à la gauche modérée, vota, le 22 juin 1877, contre la dissolution de la Chambre des députés demandée par le gouvernement du Seize mai, et fit partie, jusqu'en 1879, de la minorité républicaine, qui devint, après le premier renouvellement partiel du Sénat, la majorité. Il déposa un important projet de loi sur les dessins et modèles industriels. Dans le cours de l'année 1878, il dirigea les travaux du congrès de la propriété industrielle ; il reçut, la même année, la décoration de la Légion d'honneur comme président du comité du contentieux de l'Exposition universelle.
Réélu sénateur, le 5 janvier 1879, par 300 voix sur 348 votants, M. Bozérian reprit sa place à gauche, vota l'article 7 et l'ensemble des projets du gouvernement sur l'enseignement. Il intervint plusieurs fois dans cette discussion, notamment à propos de l'organisation et de la composition du conseil supérieur de l'instruction publique. Avec la majorité, M. Bozérian vota :
- en 1882, la loi nouvelle sur le serment judiciaire ;
- en 1883, le projet de loi relatif à la situation des membres des familles ayant régné sur la France, et la loi suspendant l'inamovibilité de la magistrature ;
- en 1884, le rétablissement du divorce, etc.
À la fin de la même année, le Sénat adopta un important projet de loi, dont M. Bozérian était le rapporteur, sur les sociétés par actions. Ce projet cherchait à garantir le public contre les sociétés véreuses, par l'organisation d'un système de publicité à la fois plus rigoureux et plus complet ; il donnait aux porteurs d'obligations, à l'imitation de la législation belge, un droit de contrôle sur la gestion de la société et interdisait aux sociétés de faire des actes de spéculation sur leurs propres titres.
Lors du débat sur la réforme électorale sénatoriale, M. Bozérian opposa aux propositions du gouvernement un contre-projet signé de lui et de MM. Barthe et Bardoux, et qui, déclarant toute proportionnalité illusoire, conférait à tous les conseillers municipaux la qualité d'électeur sénatorial. M. Bozérian demandait en outre la répartition des sénateurs inamovibles en trois séries : ils auraient cessé leurs fonctions à l'expiration de trois, six ou neuf années. Ce système fut écarté.
M. Bozérian soutint le ministère Ferry, et lorsque la Chambre eut renversé ce cabinet, le 30 mars 1885, il se fit à la tribune l'interprète des regrets de la majorité du Sénat.
Rapporteur de la loi précédemment votée par la Chambre, et qui rétablissait le scrutin de liste pour l'élection des députés, il soutint que l'accroissement du nombre des députés, résultant de la loi nouvelle, n'était pas sans gravité ; il réclama aussi l'exclusion des étrangers. Mais le Sénat ne lui donna satisfaction que sur le second point ; d'accord avec la Chambre, il décida que toute fraction supérieure à 70 000 habitants, donnerait un député de plus.
Enfin, M. Bozérian prit la parole dans plusieurs débats d'affaires : par exemple il combattit, d'ailleurs sans succès, une loi sur la liberté du taux de l'intérêt en matière commerciale. À l'époque des événements de Decazeville, le sénateur de Loir-et-Cher déposa une proposition tendant à réprimer d'une façon spéciale les provocations ou excitations publiques portant atteinte à la liberté du travail ; l'urgence fut votée, malgré M. Demôle, ministre de la Justice, qui s'estimait suffisamment armé par la législation existante. Enfin le Sénat renvoya à l'examen du Conseil d'Etat une proposition du même auteur qui modifiait le Code pénal et le Code d'instruction criminelle pour donner au jury la faculté d'accorder aux accusés des circonstances très atténuantes.
M. Bozérian a été réélu encore le 5 janvier 1888, par 322 voix sur 617 votants. Dans la dernière législature, il était absent par congé lors du scrutin sur le rétablissement du scrutin uninominal (13 février 1889) ; il s'est abstenu (18 février) sur le projet de loi Lisbonne restrictif de la liberté de la presse, et a voté (29 mars) pour la proposition de loi sur la procédure à suivre devant le Sénat pour juger les attentats contre la sûreté de l'Etat (affaire du général Boulanger).
Né le 28 octobre 1825 à Paris, mort le 9 mars 1893 à Paris.
Représentant du Loir-et-Cher à l'Assemblée Nationale de 1871 à 1876.
Sénateur du Loir-et-Cher de 1876 à 1893.
(Voir première partie de la biographie dans ROBERT ET COUGNY, Dictionnaire des Parlementaires, t. 1, p. 468).
En 1889, il se fit entendre sur le livre III du Code rural et sur les syndicats de communes; en 1890, il revint sur le Code rural à propos de la police rurale et administrative ; il intervint en outre : sur les marques de fabrique et de commerce, sur les accidents du travail, sur le régime des raisins secs, sur l'aggravation des peines en cas de récidive, sur les contributions et les taxes y assimilées, sur les droits de l'époux sur la succession de son conjoint, et interpella le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les marins dans les pêcheries de Terre-Neuve. En 1891, il s'intéressa à l'adoption d'une heure légale en France et aux arrêtés administratifs agréant des gardes particuliers.
Puis son activité s'amoindrit et à la séance du 10 mars 1893, le Président Jules Ferry annonça son décès au Sénat et prononça son éloge funèbre : « Il comptait ici, vous le savez, beaucoup d'amis et pas un adversaire ; il charmait par sa loyauté, sa bonne grâce, sa belle humeur. Il manquera grandement au Sénat. Saluons, messieurs, cette existence si bien remplie, toute faite de travail et de patriotisme. » Il était âgé de 68 ans.
Outre les nombreux rapports qu'il présenta au Sénat, il est l'auteur d'ouvrages de droit civil et constitutionnel. Il fut le directeur des Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire et du Dictionnaire Universel de la Bourse. Il présida l'alliance chrétienne.