François Chabot
1759 - 1794
Député à l'Assemblée législative de 1791 et membre de la Convention, né à Saint-Geniez (Généralité de Montauban, France), le 22 octobre 1759, exécuté à Paris, le 5 avril 1794, il était fils du cuisinier du collège de Rodez ; un professeur s'intéressa à lui et commença son instruction; puis il entra chez les capucins de Rodez, y fit profession, et était devenu gardien (supérieur) du couvent sous le nom de frère Augustin, avant la Révolution.
Compromis par des allusions politiques dans un panégyrique de Saint-Jérôme, qu'il avait prononcé à Rodez, le 30 novembre 1788, il reçut de l'évêque de Rodez défense de prêcher dans le diocèse (février 1789), refusa de quitter Rodez où vivait sa mère déjà âgée, et, sous l'influence des lectures philosophiques du temps, prit parti pour la Révolution, et devint vicaire épiscopal de l'évêque constitutionnel de Blois, Grégoire.
Le 2 septembre 1791, le département de Loir-et-Cher l'élut député à l'Assemblée législative, le 4e sur 7, à la pluralité des voix : il siégea parmi les révolutionnaires les plus ardents, à côté d'Albitte, de Basire, etc., révéla le Comité autrichien, accusa Dillon et Lafayette, et alla si loin dans ses dénonciations que ses collègues demandèrent qu'on l'enfermât à l'Abbaye. Cette menace ne l'arrêta pas ; il continua à signaler « les traîtres », s'écria, le 19 octobre 1791, que « l'armée de ligne n'avait été commandée jusque là que par des scélérats », rassembla le peuple en juin 1792, dans l'église des Enfants-Trouvés pour y fomenter l'insurrection, et fut dénoncé, le 25 juin, pour avoir voulu soulever le faubourg Saint-Antoine et prêché l'assassinat du roi; il fit partie du comité insurrectionnel qui se réunit, le 26 juillet, au Cadran bleu, boulevard du Temple, pour préparer le 10 août. On prétend même qu'avant cette journée, il avait proposé à Grangeneuve de s'entretuer pour rejeter le crime sur les royalistes, et pour provoquer une insurrection populaire, et que Grangeneuve serait seul venu au rendez-vous. Quoiqu'il en soit de cet incident, Chabot fut des premiers, avant le 10 août, à traiter de la déchéance du roi, et à déclarer « qu'en blanchissant et en savonnant le pouvoir exécutif », l'assemblée ne pouvait pas, selon lui, enchaîner la volonté du peuple. Lorsque le roi se fut réfugié à l'Assemblée, Chabot fit observer que la Constitution interdisait toute espèce de délibération en présence du roi. Cette observation fit enfermer la famille royale dans la loge du logographe. Le 15 août, il obtint la destitution des administrateurs du département, la nomination d'une commission populaire pour juger « les conspirateurs des Tuileries », et l'abolition des droits féodaux sans indemnité. Le 17, il accusa les royalistes constitutionnels de l'Assemblée d'avoir provoqué le 10 août, en s'opposant au décret d'accusation contre Lafayette, et demanda la mise à prix de la tête de ce général, « traître à la patrie » .Le 18, il réclama l'armement de tous les citoyens, et s'enrôla, séance tenante, dans la légion de « tyrannicides » proposée par Jean Debry. L'Assemblée le chargea, le 2 septembre, d'aller aux prisons protéger les prisonniers; il en revint, et dit à l'Assemblée « qu'il était impossible d'empêcher la justice du peuple » . Néanmoins, il sauva du massacre l'abbé Sicard, qui lui avait rendu autrefois quelques services.
Elu par le département de Loir-et-Cher, membre de la Convention, le 4 septembre 1792, le 2e sur 6, à la pluralité des voix sur 303 votants, ce fut lui qui, dès la seconde séance de la Convention (21 septembre 1792), prononça le premier le mot de sans-culottes. Manuel avait proposé de loger le président de la Convention aux Tuileries ; Chabot s'y opposa : « Vous ne pouvez, ajouta-t-il, rechercher d'autre dignité, que de vous mêler aux sans-culottes qui composent la majorité de la nation. » On lui doit aussi le mot de muscadins (de muse), pour désigner les royalistes: ce mot lui paraissait une suprême injure à lui qui regardait la plus vulgaire propreté comme un vice d'aristocrate. Accusé peu après par M. de Narbonne d'avoir reçu de l'argent de la cour, il se défendit mollement, demanda l'abolition de la loi martiale, et réussit à sauver la princesse de Rohan-Rochefort en la faisant passer pour aliénée. En décembre 1792, il combattit la motion de Buzot demandant le bannissement de tous les Bourbons, et défendit avec une sollicitude particulière le duc d'Orléans; au commencement de janvier 1793, il demanda un décret d'accusation contre Louvet et Marat, et, le 5, accusa les Girondins de l'agitation générale dont on se plaignait. Dans le procès du roi, il rejeta l'appel et le sursis et dit au 3e appel nominal: « Si je voulais modifier mon opinion, l'envelopper de quelques images, je pourrais demander enfin que Louis fût tenu de déclarer ses complices, et qu'ils fussent conduits à la même guillotine. Mais je ne mets pas de restriction à mon jugement, et je prononce la mort, parce que Louis a été tyran, parce qu'il l'est encore, parce qu'il peut le redevenir. Je suis loin de partager l'opinion de mes collègues qui croient n'être pas juges. C'est une qualité qui les honore autant que celle de législateur. Le sang du tyran doit cimenter la République. Je vote pour la mort. »
Après la capitulation de Mayence, il prit la défense de Merlin de Thionville et de Rewbell, et soutint, le 5 février, la pétition de la Société des Jacobins, demandant l'annulation des poursuites dirigées contre les auteurs des massacres de septembre. Après s'être défendu d'en avoir été le provocateur ou le complice, il ajouta : « Dans une révolution, on ne sait d'abord où s'arrêter, et, quand on la commence, chacun doit craindre de porter sa tête sur l'échafaud, et, dans ce moment où le peuple anglais fermente, vos poursuites sembleraient lui dire : « Arrêtez, car si, dans une juste révolution, vous vous égarez un moment, vos représentants pourront vous condamner à perdre la vie. » Dans la discussion de la Constitution, il s'éleva contre les légistes : « La liberté, dit-il, n'a pas de plus grands ennemis que les praticiens, les écrivains et les avocats. Or, vous devez penser que cette espèce d'hommes, qui dominera encore dans la première assemblée législative, parce qu'ils surprendront les suffrages du peuple par leur bavardage, conservera ces tribunaux iniques où la forme emporte le fond, et où il ne faut pour tout talent que savoir ruiner également les deux partis. »
Chabot fut un des promoteurs de la journée du 31 mai 1793, et de l'arrestation des Girondins ; il demanda l'expulsion totale des aristocrates, une loi du maximum, et la taxe du pain à un sol la livre sur tout le territoire de la République. La 14 août, il fut au nombre des commissaires nommés pour l'exécution du décret de la levée en masse. Ce fut le 7 septembre qu'il dit, dans un discours, que «le citoyen Jésus-Christ était le premier sans-culotte du monde entier. » Le 13, il demanda une nouvelle loi plus sommaire contre les émigrés, puis son zèle révolutionnaire parut se refroidir; au commencement de 1794, il fit voter un décret portant qu'aucun membre de la Convention ne pourrait être décrété d'accusation sans avoir été entendu par ses collègues: « S'il n'y a pas de côté droit, dit-il à cette occasion, j'en formerai un à moi tout seul, dussè-je perdre la tête, afin qu'il y ait une opposition, et qu'on ne dise pas que nous rendons des décrets de confiance et sans discussion. » Mais le décret fut rapporté le surlendemain, sous la pression des Jacobins. Après la fête de la Raison (20 brumaire), la Convention décréta, sur sa proposition, que tout citoyen, qui ne croirait pas à une religion, serait dispensé d'en salarier le culte.
Mais, sous des apparences sordides, l'ex-capucin cachait des convoitises qui le rendaient très accessible à la corruption. Un complot s'étant formé entre les émigrés et la coalition, pour gagner les plus fougueux révolutionnaires, Chabot fut visé par le banquier autrichien, Junius Frey, qui lui offrit la main de sa sœur Léopoldine avec une dot de deux cent mille francs. Chabot accepta, se lança dans les spéculations et dans les intrigues, falsifia, de concert avec Julien, Delaunay et Fabre d'Eglantine, un décret sur la Compagnie des Indes, et, se voyant sur le point d'être découvert, alla tout révéler au comité de Salut public et se constituer prisonnier. Bien qu'il prétendît qu'il n'était entré dans l'affaire que pour mieux en suivre les incidents, il fut mis au secret comme les autres, à la prison du Luxembourg. Le 2 ventôse an II, il s'adressa à Saint-Just, « jurant qu'il était et resterait jacobin ». « Toi qui chéris les patriotes, écrivit-il encore à Robespierre, daigne te souvenir que tu m'as compté dans leur liste, que j'ai toujours marché derrière toi, dans le bon chemin... » Il supplia également Merlin et d'autres montagnards, mais ce fut en vain. Le rapport d'Amar envoya Chabot et ses complices devant le tribunal révolutionnaire « comme fauteurs de conspiration et coupables d'avoir voulu avilir la représentation nationale en violant les principes de l'honneur et de la probité. » Jugé en même temps que Danton et Camille Desmoulins, et condamné à mort, Chabot tenta vainement de s'empoisonner avec du sublimé-corrosif, et monta courageusement sur l'échafaud.
Date de mise à jour: février 2019