Dominique, Georges, Frédéric Dufour de Pradt
1759 - 1837
Député en 1789, et de 1827 à 1828, né à Allanche (Généralité de Riom, France) le 23 avril 1759, mort à Paris (Seine) le 18 mars 1837, il entra dans les ordres, et devint grand vicaire de son parent, le cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen.
Très apprécié dans la société aristocratique, l'abbé de Pradt fut élu, le 23 mars 1789, député du clergé du bailliage de Caux aux Etats-Généraux. Il se montra opposé à la réunion de son ordre et siégea dans la Constituante parmi les députés les plus hostiles au nouvel ordre de choses. Evitant de paraître à la tribune de l'Assemblée, il lança fréquemment de sa place, à l'appui des discours de Maury et de Cazalès, de véhémentes interruptions ou d'amers sarcasmes. Il signa les diverses protestations de la minorité; puis, pressentant les dangers personnels que son attitude pouvait lui faire courir, il se hâta d'émigrer à la fin de la session, et de s'établir à Hambourg. En 1798, il publia dans cette ville, sous le voile de l'anonyme, un premier ouvrage intitulé : Antidote au Congrès de Rastadt, où le gouvernement républicain de la France était violemment pris à partie ainsi que les puissances qui traitaient avec lui.
L'Antidote fut peu lu et ne produisit qu'un médiocre effet en France, mais il eut plusieurs éditions en Allemagne. Deux ans plus tard, l'auteur fit paraître, toujours sans y attacher son nom, une brochure intitulée : La Prusse et la neutralité. Le système politique de cette puissance était fortement blâmé par l'abbé de Pradt, qui conseillait à tous les monarques de l'Europe de former contre la République française une nouvelle et définitive coalition.
Cependant, après le coup d'Etat du 18 brumaire, il exprima le désir de rentrer en France : par l'entremise de son parent, le général Duroc, depuis maréchal du palais de Napoléon, l'abbé de Pradt obtint l'autorisation de revenir à Paris et fut présenté au premier Consul. La conversation spirituelle et animée de l'abbé, des éloges adroits et l'apparence d'un entier dévouement, dont, d'ailleurs, le général Duroc se portait garant, séduisirent Bonaparte qui nomma d'abord l'abbé de Pradt son premier aumônier et qui le combla ensuite de faveurs.
Après avoir assisté au couronnement de l'empereur en décembre 1804, l'abbé de Pradt reçut le titre de baron, avec une gratification de 40 000 francs, fut élevé au siège épiscopal de Poitiers (24 frimaire an XII), et sacré par le pape Pie VII en personne, le 2 février 1805. Le nouvel évêque n'en resta pas moins attaché à Napoléon en qualité de premier aumônier ; il se plaisait alors à dire à ceux qui le félicitaient sur sa faveur et ses dignités, qu'il était en effet devenu « l'aumônier du dieu Mars ». Il accompagna l'empereur à Milan, lorsque celui-ci se fit couronner roi d'Italie, et officia pontificalement à cette cérémonie. En 1808, il l'accompagna encore à Bayonne, et se trouva chargé de négociations délicates avec les ministres espagnols. Le dernier résultat de ces conférences, en privant momentanément une branche de la maison de Bourbon du trône d'Espagne, « dut, écrit non sans ironie un biographe, affliger profondément un homme aussi dévoué à cette illustre maison » .
Mais, Napoléon, satisfait de ses services, accorda une nouvelle gratification de 50 000 francs à l'évêque de Poitiers, et le nomma, en février 1809, archevêque de Malines, et officier de la Légion d'honneur. Deux ans après, le prélat fut envoyé auprès du pape à Savone ; le zèle et le talent qu'il déploya dans ces négociations, pour faire ouvrir le concile de 1811, furent très appréciés du gouvernement impérial. Il se rendit ensuite dans son nouveau diocèse, où les chanoines refusèrent de le reconnaître comme archevêque, jusqu'à ce qu'il pût produire ses lettres d'institution. Elles avaient été expédiées par la chancellerie romaine et signées par le pape, mais dans une forme inusitée, qui déplut à Napoléon, et qui fut jugée incompatible avec les libertés de l'Eglise gallicane. Renvoyées à Rome, ces lettres n'en revinrent plus.
En 1812, l'archevêque de Malines eut ordre de suivre l'empereur à Dresde. La guerre contre la Russie était décidée, et les talents diplomatiques du prélat devaient être employés sur un nouveau théâtre. Nommé ambassadeur de France dans le duché de Varsovie, il accepta, dit-il, à contrecœur, un poste qu'il occupa pendant toute la campagne : « La foudre fût tombée à mes pieds, a-t-il écrit dans son Histoire de l'ambassade de Pologne, que je n'eusse pas senti un froid plus mortel courir dans mes veines, que ne fut celui dont je fus saisi par l'annonce de ma nomination. » Cette fois ses services furent loin d'être aussi favorablement appréciés que précédemment. Après la retraite de Moscou, Napoléon, à son passage à Varsovie, fit appeler auprès de lui son ambassadeur, et une disgrâce complète suivit cette entrevue.
Rappelé, selon son désir, de l'ambassade de Pologne, l'archevêque apprit à Paris que la grande aumônerie lui avait été enlevée, et il reçut en même temps l'ordre de quitter la capitale et de retourner dans son diocèse. Il partit aussitôt pour Malines, et ne revint à Paris qu'au commencement de 1814, pour assister aux graves événements de cette année. Ce fut alors que l'archevêque de Malines composa son Histoire de l'ambassade de Pologne, qu'il crut cependant ne devoir publier que l'année suivante, après le départ de Napoléon pour Sainte-Hélène. Cette brochure eut sous la Restauration huit éditions successives.
On y lisait entre autres le passage suivant : « Le génie de Napoléon, fait à la fois pour la scène du monde et pour les tréteaux, représentait un manteau royal joint à un habit d'Arlequin. Le dieu Mars n'était plus qu'une espèce de Jupiter Scapin, tel qu'il n'en avait point encore paru sur la scène du monde.» Admis dans l'intimité de M. de Talleyrand, M. de Pradt, lors de l'entrée des Russes à Paris, se prononça comme lui pour le rétablissement du gouvernement royal et le rappel immédiat des Bourbons.
Louis XVIII confirma M. de Pradt dans le poste de chancelier de la Légion d'honneur, auquel l'avait élevé (7 avril 1814) le gouvernement provisoire. Mais le public vit avec quelque étonnement un prélat chargé de fonctions étrangères à l'Eglise; aussi ne les remplit-il que peu de temps. Une nouvelle disgrâce, dont on ne connaît pas exactement les motifs, l'éloigna pendant plusieurs mois de la scène politique: il se retira dans ses terres en Auvergne, y demeura pendant les Cent-Jours, eut pour successeur, lors de la seconde Restauration, le maréchal Macdonald dans le poste de chancelier de la Légion d'honneur, et ne fut plus appelé à aucune fonction publique ; mais il imagina de traiter de son archevêché de Malines avec le nouveau roi des Pays-Bas, et, moyennant une rente viagère de 12 000 francs, il céda tous ses droits à ce siège, droits que les dispositions moins bienveillantes de la cour de Rome et le refus de nouvelles institutions rendaient assez précaires.
Puis il se jeta dans l'opposition libérale, et, pour occuper ses loisirs, composa un certain nombre d'écrits sur tous les sujets, remarquables par une rare fécondité d'idées, un style brillant et imagé et des rapprochements parfois intéressants. Traduit devant la cour d'assises de la Seine (1820) pour une brochure hardie sur la loi des élections, il eut pour défenseur Dupin, et fut acquitté.
Le 17 novembre 1827, il fut élu député du 1er arrondissement du Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand), par 190 voix (355 votants, 398 inscrits), contre 157 à M. de Chabrol, préfet de la Seine. Il prit place au côté gauche et défendit de sa parole et de son vote les idées constitutionnelles ; mais son ambition parlementaire ayant éprouvé de graves mécomptes, il se décida à donner sa démission le 13 avril 1828, par une lettre insérée dans le Courrier français, et qui fit du bruit.
Après la révolution de Juillet, l'abbé de Pradt revint à des opinions royalistes. Il s'occupait à réunir les matériaux d'une histoire de la Restauration, lorsqu'il succomba, après quelques jours de maladie, à une attaque d'apoplexie. Il fut assisté à ses derniers moments par Mgr de Quélen, archevêque de Paris.
La longue série de ses ouvrages, dont le succès fut vif, mais momentané, est aujourd'hui peu connue. Outre son Histoire de l'ambassade de Varsovie, on a de lui :
- Les quatre Concordats (1818-1820) ;
- l'Europe après le Congrès d'Aix-la-Chapelle (1819) ;
- la France, l'émigration et les colonies (1826) ;
- Du Jésuitisme ancien et moderne (1825) ;
- De la Presse et du Journalisme (1832), etc.