Lazare, Nicolas, Marguerite Carnot

1753 - 1823

Informations générales
  • Né le 13 mai 1753 à Nolay ( - Généralité de Bourgogne - France)
  • Décédé le 2 août 1823 à Magdebourg (Royaume de Prusse - Allemagne)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 5 mai 1794 au 20 mai 1794

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 27 août 1791 au 20 septembre 1792
Département
Pas-de-Calais
Groupe
Gauche
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 6 septembre 1792 au 26 octobre 1795
Département
Pas-de-Calais
Groupe
Gauche

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député à l'Assemblée législative de 1791, membre de la Convention nationale, député au Conseil des Anciens, membre du Tribunat, pair des Cent-jours et ministre, né à Nolay (Généralité de Bourgogne, France), le 13 mai 1753, mort à Magdebourg (Royaume de Prusse, Allemagne), le 2 août 1823, il descendait d'une famille de vieille bourgeoisie, qui avait donné, dès le XVe siècle, des hommes remarquables à l'Eglise et à l'armée. Son père, Claude Carnot, notaire à Nolay, qui eut 18 enfants, (14 fils et 4 filles), avait coutume de noter tous les événements qui marquaient dans l'existence des siens sur les dernières feuilles, restées blanches, d'un de ses cahiers de notes d'étudiant. Sur ce cahier, que ses descendants ont conservé, on peut lire à l'une des premières pages :

« Le dimanche 13 mai 1753, à l'issue des vêpres, sur les quatre heures, ma femme a mis au monde un fils qui a été baptisé le même jour par M. Boussey, prêtre-vicaire à Nolay ; il a eu pour parrain sieur Nicolas-Clément, fils de Marie Carnot, ma soeur, et pour marraine demoiselle Marguerite Pothier, fille de M. Pothier, demeurant à Nolay, oncle de ma femme. Il est appelé Lazare-Nicolas-Marguerite. Cet enfant est né dans un temps de calamité par les morts promptes et fréquentes qui affligent ce pays, ainsi que tous ceux de la province. Que Dieu lui présente ainsi sa colère dans tout le cours de sa vie, pour qu'il s'y conduise avec crainte, et mérite sa miséricorde. »

À l'âge de douze ans, Lazare entra au collège d'Autun, où il eut pour camarade Joseph Bonaparte, le futur roi d'Espagne, et Lucien, qui devait présider les Cinq-Cents au 18 brumaire. Il en sortit à quinze ans, pour terminer ses études au petit séminaire d'Autun, et de là, se rendit à Paris dans une école spéciale pour la préparation au génie militaire, tenue par un M. de Longpré, au Marais. Il y renonça à ses pratiques religieuses, obtint les éloges et les encouragements de d'Alembert, et fut reçu, à peine âgé de dix-huit ans, à l'Ecole du génie de Mézières, avec le titre de lieutenant en second. Il fallait pour être admis, prouver un certain nombre de quartiers de noblesse, et Chérin, généalogiste du roi, écartait les roturiers ; il accepta Carnot, lui ayant trouvé un nombre suffisant d'ancêtres, bourgeois il est vrai, mais « de bourgeoisie vivant noblement ».

À l'Ecole, Monge fut le guide et l'ami de Lazare Carnot qui sortit en 1773, avec le brevet de lieutenant du génie en premier. Il ne passa capitaine qu'à l'ancienneté, dix ans plus tard, après avoir mené dans ses garnisons successives, au Havre, à Béthune, à Arras, une existence retirée et laborieuse. Son premier ouvrage fut une étude sur les ballons (janvier 1784), qu'il adressa à l'Académie des sciences; puis il écrivit un Essai sur les machines, dans lequel il produisit une découverte mathématique de premier ordre, qui a gardé dans l'histoire des sciences le nom de théorème de Carnot, et qui le plaça d'emblée au premier rang des savants de son temps.

Vers la même époque, l'Académie de Dijon ayant mis au concours l'éloge de Vauban, Carnot concourut et obtint le prix, par un mémoire dont la forme fut louée par Buffon, et dont le fond n'était pas sans hardiesse ; rappelant les idées sociales de Vauban, l'auteur concluait ainsi :

« Le maréchal de Vauban croyait que le gouvernement doit établir un équilibre entre les citoyens ou prévenir du moins l'affreuse misère des uns, l'excessive opulence des autres, et cette multitude de prérogatives qui condamnent la classe la plus sérieuse des hommes à l'indigence et au mépris. »

Henri de Prusse, frère du grand Frédéric voulut alors engager Carnot au service de son pays ; il refusa. Par contre, ses chefs, que mécontentaient ses idées nouvelles, notamment en fortifications, le firent mettre à la Bastille. La Révolution de 1789 vint, fort à propos pour lui, arrêter les conséquences de cette disgrâce.

Dès le début, il mit sa plume, sa parole, ses actes, au service des principes de la Révolution. Il n'hésita pas à soumettre à la Constituante un mémoire pour le rétablissement de nos finances, où il proposait d'utiliser les biens du clergé pour le remboursement de la dette publique, dont les 250 millions d'intérêts annuels dévoraient le plus clair des revenus du Trésor. En même temps, il osait prendre tout haut la défense du régiment des Suisses de Châteauvieux, saisis et fouettés sur l'ordre de leurs officiers, pour leur avoir réclamé des comptes. Devançant la Législative qui, deux ans plus tard, devait faire sortir des galères les derniers survivants de ce régiment, il blâma publiquement Bouillé qui avait ordonné leur châtiment.

Lazare Carnot, qui venait d'épouser Sophie Dupont, fille d'un administrateur militaire de Saint-Omer, (son cadet, Carnot-Feulins avait épousé auparavant la sœur de Sophie) fut élu le 27 août 1791, ainsi que son frère, député du Pas-de-Calais à l'Assemblée législative, avec 312 voix sur 564 votants, le 9e sur 11.

Son début à la tribune fut un échec : comme on discutait les événements de Perpignan, où plusieurs officiers étaient accusés d'avoir voulu livrer à l'ennemi la citadelle, Carnot proposa de raser la citadelle de Perpignan et toutes les autres citadelles de France. On le soupçonna de trahison et on ne le lui cacha pas. Sans se troubler, il écrivit et fit imprimer un résumé de sa proposition qu'il distribua à tous ses collègues; il l'expliquait en ces termes : « Une citadelle est une monstruosité dans un pays libre, un repaire de tyrannie contre lequel doivent s'élever l'indignation des peuples et la colère des bons citoyens. Je demande la destruction de toutes les bastilles du royaume. Voilà, mes collègues, ce que c'est qu'une citadelle; voilà les vérités que vous n'avez pas voulu entendre. Eh ! comment aurais-je été appuyé ? Je suis militaire, je parle peu, et je ne veux être d'aucun parti. ». L'Assemblée changea bientôt d'opinion sur son compte ; elle le porta successivement au comité diplomatique, au comité d'instruction publique, au comité militaire. C'est dans ce dernier surtout qu'il exerça son influence. Il en saisit l'occasion lorsque Narbonne, ministre de la guerre, édicta son règlement nouveau de police et de discipline militaire. L'obéissance passive absolue, la responsabilité exclusive des chefs et l'irresponsabilité complète des subordonnés étaient les bases de cette ordonnance ; Carnot y opposa la théorie de l'obéissance raisonnée, au moins tant que le soldat n'est pas devant l'ennemi.

Le 31 juillet 1792, il fut nommé commissaire avec Gasparin et Lacombe Saint-Michel, pour l'organisation du camp de Chalons. Il détermina l'Assemblée à faire distribuer trois cent mille fusils et piques aux gardes nationales, à leur confier la police intérieure, à former avec les débris des gardes françaises, deux divisions de gendarmerie, à lever la suspension prononcée contre Pétion et Manuel, proposition dont le but était de fournir au peuple le moyen de résister à la Cour.

Envoyé le 5 septembre suivant au camp de Chalons pour y former une nouvelle armée, Carnot était à peine parti, que le Pas-de-Calais le nommait (6 septembre 1792), par 677 voix sur 753 votants, membre de la Convention. Il y vint prendre part à la proclamation de la République, et, vingt-quatre heures après, repartit en mission avec ses collègues, Garrau et Lamarque, afin d'organiser la défense sur la frontière d'Espagne, dans le périmètre de Bayonne ; il employa les Basques à former des compagnies de miquelets, sorte de chasseurs de montagnes, habiles à défendre les passes des Pyrénées, et traça à l'Assemblée, dans un remarquable rapport, tout un plan de travaux publics et de réorganisation de la région des Pyrénées.

De retour à la Convention, il vota en ces termes la condamnation à mort de Louis XVI :
« Dans mon opinion la justice veut que Louis meure, et la politique le veut également. Jamais, je l'avoue, devoir ne pesa davantage sur mon cœur, mais je pense que pour prouver notre attachement aux lois de l'égalité, pour prouver que les ambitieux ne vous effrayent point, vous devez frapper de mort le tyran. Je vote pour la mort. »

Cependant la conduite de Dumouriez, commandant en chef de l'armée du Nord, inquiétait les patriotes. La Convention délégua aussitôt à cette armée cinq de ses membres : Camus, Lamarque, Bancal, Quinette et Carnot. Ils avaient ordre d'amener le général suspect à la barre de l'Assemblée, et pouvoir de suspendre ou d'arrêter tout militaire, quel que fût son grade. On sait comment ces commissaires, arrêtés et livrés aux Autrichiens, furent traînés pendant trente mois à travers l'Allemagne et l'Empire, de prison en prison, et ne recouvrèrent la liberté que sous le Directoire, après de laborieuses négociations.

Par une fortune extraordinaire, Carnot n'était pas avec eux lors de leur arrestation. Il fit face à la situation, avisa les municipalités, leur commanda la vigilance et des mesures impitoyables contre les agents de désordre et de défection, lança une proclamation énergique aux troupes qui hésitaient, et, huit jours après, le 6 avril, put écrire à la Convention :
« Dumouriez est presque abandonné et sera bientôt seul... la situation de notre frontière devient chaque jour plus rassurante. »
Il ajoutait :
« Ainsi cette nouvelle trame n'aura servi, nous l'espérons, qu'à l'humiliation des traîtres, et la République en aura tiré le plus grand de tous les avantages, si cet événement peut enfin guérir les Français de leur idolâtrie pour les individus et du besoin d'admirer sans cesse. »

Bientôt, grâce aux dispositions de Carnot, les revers que nos armées avaient éprouvées au commencement de la campagne de 1793 se changèrent en triomphes. Au mois d'octobre, le prince de Cobourg passe la Sambre avec une nombreuse armée, et vient menacer le camp de Maubeuge. En présence de cette manœuvre hardie, le comité de salut public, créé par la Convention le 6 avril 1793, résolut de livrer bataille, et dépêcha des commissaires pour se concerter avec le général Jourdan sur les opérations militaires.

Un conseil présidé par Carnot arrêta les dispositions de la bataille de Wattignies (16 octobre 1793). En se retranchant sur ce plateau, Cobourg avait dit : « Si les républicains me chassent d'ici, je me fais jacobin moi-même. » Il ne se fit pas jacobin, mais il dut reculer jusqu'au delà de la Sambre : Maubeuge était sauvée. La France couverte au Nord, pouvait reprendre l'offensive sur le Rhin, dans l'Alsace envahie.

Elu et réélu plusieurs fois, à partir du 10 juillet 1793, membre du comité de salut public, et spécialement chargé du bureau de la guerre, il y « organisa la victoire » suivant le mot si souvent répété, travaillant jusqu'à seize heures par jour, et faisant mouvoir du fond de son cabinet les quatorze armées organisées par ses soins. Sa puissance d'activité fut extraordinaire. Il ne demeurait pas étranger, d'ailleurs, à la politique intérieure et prenait part aux travaux de la Convention, dont il devint même le président en mai 1794. Ce fut lui qui proposa la suppression du conseil exécutif et son remplacement par des commissions particulières. On lui dut la reprise des quatre places des frontières du Nord et la réunion de la Belgique à la France ; on lui doit aussi l'établissement d'une manufacture d'armes dans Paris et beaucoup d'autres créations.

Ses dissentiments avec Robespierre ont été exagérés, car il y eut un accord presque constant entre tous les membres du comité de salut public ; seulement Carnot ne voulut jamais faire partie de la Société des Jacobins. Lors de la réaction thermidorienne, le parti victorieux essaya d'envelopper Carnot dans la proscription des Montagnards. Il se défendit par ces paroles : « Ne mettra-t-on jamais dans la balance les services d'une part et les excès de l'autre ? Les veilles, les fatigues indicibles essuyées pour tirer l'Etat de ses crises affreuses, n'entreront-elles jamais en compensation des erreurs et des fautes qu'on a pu commettre ? Ne rapprochera-t-on jamais les faits des circonstances terribles qui les ont déterminés ? Sont-ce des circonstances ordinaires que celles où s'est trouvée la France ? ou plutôt en a-t-il jamais existé de semblables dans l'histoire des nations ? » Il termina par cette déclaration : « Un seul fait répondra, ce me semble, pour les prévenus : c'est que la France était aux abois lorsqu'ils sont entrés au comité de salut public, et qu'elle était sauvée lorsqu'ils en sont sortis. » Carnot ne put sauver ce jour-là ses collègues Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois et Barère. Mais les thermidoriens hésitaient à toucher à sa tête. Il fallut la recrudescence de réaction qui suivit le 4 prairial pour remettre en question sa sécurité. C'est alors que, de la Plaine s'éleva la voix d'un conventionnel, resté inconnu, qui s'écria : « Oserez-vous porter la main sur celui qui a organisé la victoire dans les armées de la République ? » L'Assemblée applaudit, et l'accusation fut paralysée.

Carnot s'associa de nouveau aux travaux et aux fondations de la Convention, création de l'Ecole polytechnique, réorganisation de l'Ecole de Metz, établissement du Conservatoire des arts et métiers et du Bureau des longitudes, introduction d'un système uniforme de poids et mesures, et fondation de l'Institut, dont il fut membre en 1795.

Exclu après le 18 fructidor, il y rentra en 1805 et en fut de nouveau expulsé en 1815. Ce ne fut que le 1er germinal an III (21 mars 1795) que Carnot fut promu au grade de chef de bataillon. Il combattit vivement, lorsque la Convention en délibéra, la Constitution de l'an III, blâma la dualité des Chambres qu'elle instituait, et repoussa surtout l'organisation du pouvoir exécutif en Directoire.

Après son élection (23 vendémiaire an IV), comme ancien conventionnel, au Conseil des Anciens, il accepta cependant de faire partie du Directoire dont il fut nommé membre avec Larévellière, Letourneur, Barras et Rewbell. Il se réserva la direction des affaires militaires, arrêta avec Jourdan un plan d'opérations, remplaça Pichegru par Moreau, et nomma Bonaparte commandant en chef de l'armée d'Italie.

Après que les élections de l'an V eurent amené aux Cinq-Cents et aux Anciens assez de royalistes pour former, avec le groupe des indécis, une majorité hostile aux institutions existantes, trois des Directeurs ne virent leur salut que dans un coup d'Etat. Carnot s'y opposa avec Barthélemy : cette dissidence le fit comprendre, au 18 fructidor, dans un arrêt de proscription. Il réussit à s'échapper, se cacha d'abord chez un menuisier, puis dans la maison du représentant Oudot, et put gagner la Suisse. Il fut alors déclaré déchu de ses fonctions de directeur, du caractère de représentant, de son siège à l'Institut. Son extradition ayant été obtenue, il dut quitter Genève pour le canton de Vaud.

Son rappel suivit de près le 18 brumaire. Bonaparte jugea habile de lui confier le portefeuille de la guerre, et Carnot l'accepta. Il réorganisa l'administration militaire, fit transférer aux Invalides les cendres de Turenne, créa Latour-d'Auvergne premier grenadier de la République, etc. ; mais Bonaparte ne tarda pas à prendre ombrage du génie de Carnot. Le ministre donna sa démission le 5 octobre 1800.

Appelé par le Sénat (6 germinal an X) à faire partie du Tribunat, il écrivait à cette occasion d'Aire (Pas-de-Calais) où il s'était retiré, à un ami : « Cela contrarie le plan de vie que je m'étais formé, mais les circonstances ne permettent pas que je refuse le poste honorable auquel je suis appelé par le Sénat. » Il fut dans cette Assemblée un des rares opposants à Bonaparte, et combattit la création de la Légion d'honneur ; mais son opposition sur ce point ne fut pas irréconciliable, puisque plus tard il porta le ruban de chevalier (25 prairial an XII). Il fut plus intraitable sur la question du consulat à vie.

Les membres du Tribunat devaient voter en signant sur un registre. Lorsque vint le tour de Carnot, il écrivit :
« Dussé-je signer ma proscription, rien ne saurait me forcer à déguiser mes sentiments.
NON.
Carnot. »

Lucien Bonaparte ne trouva d'autre remède à un si grand scandale que de faire brûler le registre.

Enfin, lors de la proposition qui tendait à faire du premier consul un Empereur, Carnot ne se borna pas à voter, il prononça un discours où il disait : « Quelques services qu'un citoyen ait pu rendre à sa patrie, il est des bornes que l'honneur autant que la raison imposent à la reconnaissance nationale. Si ce citoyen a restauré la liberté publique, sera-ce une récompense à lui offrir que le sacrifice de cette même liberté ?... Le dépôt de la liberté a été confié à Bonaparte ; il avait juré de la défendre. En tenant cette promesse, il eût rempli l'attente de la nation ; il se fût couvert d'une gloire incomparable... Je vote contre la proposition. »

Après la suppression du Tribunat (1807), Carnot vécut dans la retraite ; une lettre de Clarke, de juin 1809, prouve qu'il désira à cette époque être nommé lieutenant-général, mais, sur le refus de Napoléon, il continua à se livrer à des travaux scientifiques, et écrivit notamment un Traité de la Défense des places, qui est devenu classique.

L'orage de 1814 vint surprendre Carnot dans son domaine de Presles. Le 24 janvier, jour de la bataille de Bar-le-Duc, l'ennemi étant à cinquante lieues de Paris, il écrivit à Napoléon cette lettre :

« Sire, aussi longtemps que le succès a couronné vos entreprises, je me suis abstenu d'offrir à Votre Majesté des services que je n'ai pas cru devoir lui être agréables. Aujourd'hui que la mauvaise fortune met votre constance à une grande épreuve, je ne balance plus à vous faire l'offre des faibles moyens qui me restent. C'est peu de chose, sans doute, que l'offre d'un bras sexagénaire, mais j'ai pensé que l'exemple d'un ancien soldat, dont les sentiments patriotiques sont connus, pourrait rallier à vos aigles beaucoup de gens. »

« CARNOT. »

Napoléon chargea Carnot de la défense d'Anvers, alors notre arsenal maritime et notre boulevard aux frontières du Nord. On s'aperçut à ce moment, dans les bureaux de la guerre, que Carnot était toujours simple chef de bataillon ; on le fit passer en quelques minutes par les grades de lieutenant-colonel, de colonel, de général de brigade et de général de division. Il arriva dans la place d'Anvers au moment même où commençait le bombardement; quelques jours ayant suffi pour ses préparatifs de défense, il ordonna immédiatement des sorties qui détruisirent les travaux des assiégeants, et organisa une vigoureuse résistance, qui permit la conservation des faubourgs de Willebrord et de Borgerhout.

Après l'abdication, il adhéra aux actes du gouvernement provisoire et fut nommé aux fonctions d'inspecteur général du génie. Il adressa alors un Mémoire au roi, dont l'unique exemplaire fut remis par lui à Louis XVIII, et, qui plus tard fut publié clandestinement par les soins de la police. Bien que le roi eût paru faire bon accueil à ses avis, il inscrivit son nom en 1815 sur les listes d'arrestation. Il est vrai que, dans l'intervalle, croyant aux promesses libérales de Napoléon qui revenait de île d'Elbe et pensant que le « 20 mars allait nous faire remonter tout d'une haleine au 14 juillet », il avait accepté les fonctions de ministre de l'Intérieur (du 20 mars au 23 juin 1815), et la dignité de pair (2 juin) avec le titre de comte de l'Empire. C'est pendant cette période que Carnot donna un appui dévoué et décisif a une réunion de savants, de littérateurs et de publicistes qui forma le noyau de la Société pour l'instruction élémentaire.

Après avoir combattu le projet d'une seconde abdication, il proposa (20 juin 1815) de déclarer la patrie en danger, d'appeler aux armes tous les gardes nationaux de France ; Lucien ajoutait à tout cela la dictature, mais au moment de la rédaction du projet, on apprit que la Chambre s'était déclarée en permanence. Carnot fut nommé pour quelques jours, membre de la « Commission provisoire » formée par la Chambre « pour l'exercice du pouvoir exécutif».

Alors survint la seconde Restauration, et Carnot, frappé par l'ordonnance du 24 juillet, dut s'expatrier. Il habita d'abord la Pologne, puis se fixa en Prusse, à Magdebourg, où il mourut en 1823, d'un cancer à l'estomac. Sa dépouille fut mise dans un caveau de l'église catholique de Saint-Jean. Puis en 1832, lors d'une épidémie, il fut décidé que les restes seraient transférés dans le cimetière de la ville (Neustadt), où on lui éleva un monument composé d'une plaque de marbre noir, entourée de lierre, avec cette simple inscription : A 3172, CARNOT.

En exécution d'une loi votée par les Chambres (1889), les cendres de Carnot ont été définitivement transférées de Magdebourg à Paris et ont été déposées au Panthéon.

On a de lui un grand nombre d'ouvrages sur les mathématiques et sur les événements politiques auxquels il a été mêlé, ainsi que des opuscules poétiques, car il faisait d'assez mauvais vers, et publia même, en 1797, une pastorale : le Fidèle berger.