Edmond, Louis, Alexis Dubois-Crancé

1747 - 1814

Informations générales
  • Né le 17 octobre 1747 à Charleville ( - Généralité de Châlons-en-Champagne, France)
  • Décédé le 28 juin 1814 à Rethel (Ardennes - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 21 février 1793 au 7 mars 1793

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 21 mars 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Vitry-le-François (Type : Bailliage)
Groupe
Tiers-Etat
Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 5 septembre 1792 au 26 octobre 1795
Département
Ardennes
Groupe
Montagne
Régime politique
Révolution
Législature
Conseil des Cinq-Cents
Mandat
Du 15 octobre 1795 au 20 mai 1797
Département
Mayenne

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député aux états généraux de 1789, membre de la Convention et député aux Cinq-Cents, né à Charleville (Généralité de Châlons-en-Champagne, France), le 17 octobre 1747, mort à Rethel (Ardennes) le 28 juin 1814, est porté sur le registre de l'état civil de Charleville « fils de Messire Germain Dubois, se disant seigneur de Crancé, écuyer, conseiller du roi, commissaire administrateur des guerres, et de dame Reiniette Fagnier de Mardeuil, ses père et mère. »

La question de la noblesse des Dubois de Crancé a été très discutée. Le futur représentant du peuple signa toute sa vie : Dubois de Crancé. Doué d'une constitution vigoureuse, et suivant les traditions de sa famille, il se destina au métier des armes. Fils d'un intendant militaire, il avait, en 1760, quand il était au collège de Charleville, trois frères, trois oncles, et cinq cousins au service. Grâce à son oncle de Loisy, écuyer de la Dauphine, il obtint, à quatorze ans et demi, une dispense pour être admis dans la première compagnie des mousquetaires du roi. Présenté le 14 avril 1762, il en sortit en 1776, et alla s'installer en Champagne où il remplit les fonctions de lieutenant des maréchaux de France.

Le 21 mai 1789, il fut élu député du tiers aux états généraux par le bailliage de Vitry-le-François. Dès son arrivée aux Etats-Généraux, Dubois-Crancé joua un rôle des plus actifs. Il parla sur la vérification des pouvoirs. Le pinceau de David, retraçant le serment du Jeu de paume, l'a montré dressant sa haute taille sur une des chaises composant le mobilier de la vieille salle des Menus, et atteignant presque la tête de Bailly ; il jura avec une grande animation la formule lue par le doyen des communes. Il prit part à la discussion de l'emprunt, s'éleva contre la multiplication des emplois militaires, proposa la suppression du Comité des subsistances, et discuta les conditions du domicile .

Il intervint dans le débat relatif aux troubles de Toulon, fut nommé membre, puis secrétaire du Comité militaire, se mit en vue dans la discussion sur l'organisation de l'armée, fut le premier à émettre et à défendre l'idée du service militaire obligatoire pour tous et parla à la fois en tribun et en homme du métier. Il demanda la constitution d'une milice nationale, où tous, depuis la seconde tête du royaume jusqu'au dernier citoyen actif, seraient prêts à marcher en cas de guerre. Et il ajouta :
« Mais, dira-t-on, comment incorporer cette milice avec notre armée, si cette armée n'est pas citoyenne, si elle n'est pas purgée de tous les vices qui l'ont infectée jusqu ici ? Est-il un patriotisme qui tienne à la corruption de nos mœurs ? Est-il un père qui ne frémisse d'abandonner son fils, non aux hasards de la guerre, mais au milieu d'une foule de brigands inconnus, mille fois plus dangereux?... »
A ces mots, un orage éclata sur les bancs de la droite :
« A l'ordre ! A l'ordre ! - On insulte l'armée ! - Faites des excuses ! »
L'Assemblée ayant maintenu la parole à l'orateur, Dubois de Crancé, impassible, continua son discours, et le termina ainsi :
« Les milices nationales, dit-on, peuvent exciter des troubles. C'est une hypothèse gratuite. Je ne vois à leur composition qu'un moyen d'ordre et d'équilibre, que le germe du patriotisme, l'usage habituel de l'obéissance, et le respect pour tout ce qui doit être sacré à des cœurs français. »
La discussion reprit le 15 décembre. Toute la droite donna contre l'idée du service militaire obligatoire, présentée sous la forme de la constitution des milices nationales, et Mirabeau défendit les enrôlements à prix d'argent. Des hommes dont la droite ne pouvait récuser le témoignage, le comte de Saint-Germain et le duc de Liancourt, avaient porté le jugement le plus sincère sur les mœurs et la valeur vraie de l'ancienne armée. Le député de Vitry n'avait fait que répéter leur opinion sous une autre forme.
Mais l'épithète de « brigands » fut exploitée contre lui avec passion. Les officiers et soldats du régiment d'Auvergne, la garnison de Lille adressèrent des lettres émues à l'Assemblée. Le régiment colonel général émit des personnalités injurieuses pour l'orateur. Le 31 décembre 1789, la droite fit lire en séance la protestation du régiment d'Auvergne. Dubois de Crancé répondit par une lettre où il démontra qu'il n'avait pas voulu insulter l'armée, et que ses paroles s'appliquaient seulement aux mauvais éléments qu'elle contenait, et l'incident fut clos par un vote invitant le Président à écrire à l'armée une lettre témoignant des sentiments d'estime que tous les députés éprouvaient pour elle.

Assidu à tous les travaux de la Constituante, Dubois de Crancé demanda qu'on mît à l'ordre du jour le rachat des droits féodaux ; fit exclure des municipalités les officiers du ministère public ; refusa au pouvoir législatif le droit de fixer le nombre des grades de l'armée ; vota pour l'attribution au jury de la connaissance des délits commis par les auteurs des cris incendiaires, et déploya une grande énergie contre les libelles anti-révolutionnaires. Il proposa la suppression de l'hôtel des Invalides, et l'envoi à tous les régiments de la lettre où le roi donnait son adhésion à la Constitution ; il réclama l'abolition de l'esclavage, et demanda « que tout nègre fût affranchi dès qu'il aurait touché les côtes de France », et aussi que le roi fût proclamé chef suprême de l'armée et conservât le titre de roi de France, au lieu de prendre celui de roi des Français.

Après la session, nommé maréchal de camp, il refusa de servir sous les ordres de Lafayette, Il entra dans la garde nationale parisienne, comme officier, pendant l'année 1792, puis il fut nommé adjudant général de l'armée du Midi.

Le 5 septembre, il fut élu membre de la Convention par le département des Ardennes, le 1er sur 10, avec 161 voix sur 288 votants. Deux jours après, il était également élu membre de la Convention par le département de l'Isère (le 3e sur 9, avec 319 voix sur 533 votants), par le département du Var, le 8e et dernier, avec 363 voix sur 484 votants, et 1er suppléant par le département des Bouches-du-Rhône, avec 483 voix sur 705 votants. Il opta pour les Ardennes.

A son arrivée à la Convention, il se proclama partisan de la révolution du 10 août, et entra dans le parti de Danton. Le 27 septembre il fut nommé, le quatrième, membre du comité de la guerre, qui compta 24 membres, et, à la suite d'un remaniement de ce comité, il en fut réélu membre, le premier, le 17 octobre suivant.

Envoyé en mission dans plusieurs départements, il fit destituer le général de Montesquieu qui commandait sur la frontière de Savoie, et demanda contre lui un décret d'accusation. Après que le procès du roi eut été décidé (3 décembre 1792), il accepta la mission d'annoncer à Louis XVI qu'un décret lui accordait un conseil.

Le 1er janvier 1793, il demanda et obtint l'institution du Comité de Défense générale qui devait avoir tant d'importance sous le nom de Comité de Salut public. Dubois de Crancé en fut élu membre le 3 janvier.

Lors du jugement du roi, il répondit au 3e appel nominal: « Si je croyais ne remplir en ce moment que les fonctions de législateur, je ne monterais pas à cette tribune ; mais l'Assemblée a décidé qu'elle jugerait définitivement. D'après ce décret auquel je dois obéissance, je ne puis me considérer que comme juge en cette affaire ; je pense même que l'opinion de ceux qui, malgré ce décret, refusent de prononcer, ne doit pas être comptée. Je vote pour la mort. »

Le 25 janvier 1793, il donna lecture à la Convention du plan de campagne arrêté par le Comité de Défense générale, dont voici l'introduction : « Au commencement de notre Révolution, nous avions promis à tous les peuples paix et fraternité. Leurs maîtres nous ont répondu par un cri général de guerre. Il faut donc continuer cette guerre avec courage, puisqu'il n'est plus permis de la terminer que par des victoires ou la perte de notre liberté. Le jour où les tyrans ont attaqué la France libre, où nous avons juré de vivre libres ou de mourir, tout Français est devenu un soldat, et tout soldat un héros... » Dubois de Crancé conseilla la défensive partout où le terrain s'y prêtait, l'offensive sur les autres points, et conclut à la formation de neuf armées représentant une masse de 502 800 hommes, répartis en 109 régiments et 441 bataillons. Le 2 février 1793, il fit adopter par la Convention un projet réorganisant le ministère de la guerre.

Après un débat qui dura quatorze jours, il fit voter, dans les séances des 14, 20 et 21 février, un nouveau plan d'organisation militaire, dont les traits distinctifs étaient la conscription nationale, c'est-à-dire le service obligatoire, et la réunion des gardes nationales avec les troupes de ligne, sans différence de paye et sans distinction de nom, d'uniforme, de solde ni d'avancement.

Le 21 février, il fut élu président de la Convention, et le 26 mars, membre du Comité de Défense générale transformé en Comité de Salut public.

En mai 93, il fut envoyé en mission à la frontière des Alpes; il maintint Kellermann à la tête de cette armée. A la nouvelle de la révolte de Lyon (29 mai), il fit marcher sur cette ville 10 bataillons d'infanterie, 2 escadrons de cavalerie, avec de l'artillerie, envoya le général Carteaux dans la direction de Pont-Saint-Esprit pour empêcher les partis de Marseillais qui tenaient la campagne de faire leur jonction avec les avant-postes de l'insurrection lyonnaise, et menaça le Conseil de Genève d'une attaque immédiate au moindre mouvement équivoque. Le 7 août, il fixa son quartier général au château de la Pape, et adressa immédiatement une proclamation aux Lyonnais assurant qu'il ne serait fait aucun mal aux habitants, à la condition que toutes les autorités insurrectionnelles cessassent immédiatement, que remise immédiate fût faite de tous les arsenaux et moyens de défense, qu'une indemnité fût payée pour les frais de l'expédition et une gratification donnée aux soldats de la République. Les autorités insurrectionnelles de Lyon répondirent à cette mise en demeure par la mise à prix de la tête de Dubois-Crancé.

A ce moment suprême, Dubois de Crancé sembla pencher vers l'indulgence ; le 24 août, il écrivit à la Convention : « Le feu a commencé hier à sept heures du soir, après trente heures inutilement livrées à la réflexion. On assure que Bellecour, la porte du Temple, la rue Mercière, la rue Tupin et autres sont incendiées ; on peut évaluer la perte à 200 millions. Il en coûtera à la République une de ses plus importantes cités et d'immenses accaparements de marchandises. » Le 27 septembre, le siège durait encore. La Convention, qui n'avait compté que sur une affaire de quelques jours, avait déjà fait écrire par Carnot : « Le siège de Lyon sera-t-il interminable ? La Convention s'en étonne, et le Comité n'ose plus lire vos bulletins. » Le 26 septembre, Kellermann fut remplacé par le général Doppet, et, le 6 octobre, Dubois de Crancé fut rappelé avec les représentants Gauthier et Châteauneuf. Il n'échappa à un mandat d'arrestation qu'en se rendant spontanément à Paris, devant le Comité de Salut public, pour s'y défendre. Ses explications furent accueillies, et plus tard, sur le rapport de Merlin de Thionville, la Convention décréta que Dubois de Crancé avait fait son devoir à Lyon. Une seule réserve résulta du débat, formulée par Couthon, c'est que « Crancé avait trop porté l'habit militaire et avait montré trop de hauteur en parlant du peuple souverain ».

Après son retour de Lyon, il se jeta au plus fort des agitations politiques. Membre de la Société des Jacobins, il proposa l'épuration de cette société. Le projet fut adopté, et l'on décréta la création d'une sorte de questionnaire, auquel chaque membre devait répondre. Pour justifier de ses titres, Dubois de Crancé réduisit le questionnaire à cette unique question : Qu'as-tu fait pour être pendu, si la contre-révolution triomphait ? Robespierre trouva la question déplacée et fit appliquer l'épuration à Dubois de Crancé pour sa conduite à Lyon. Le 9 nivôse an II, Dubois de Crancé fit décréter l'embrigadement des troupes. D'après ce décret célèbre, l'infanterie française, y compris les bataillons de chasseurs, fut organisée en demi-brigades par les soins des membres de la Convention délégués dans chaque armée à cet effet. Dubois de Crancé fut désigné lui-même pour effectuer l'embrigadement des armées de l'Ouest et des côtes de Brest.

Au 9 thermidor, il se rangea parmi les plus violents ennemis de Robespierre. Il rentra aux Jacobins le 13 ; le 18, il fit autoriser par la Convention le tribunal criminel de Paris à prononcer « l'application de la loi contre tous ceux que la Convention a mis hors la loi dans la nuit du 9 au 10 de ce mois »; le 16 thermidor, aux Jacobins, il attaqua « les brigands de l'espèce de Robespierre » ; le 3 fructidor, il demanda qu'il fût interdit aux fonctionnaires de faire partie des comités révolutionnaires, et, après avoir proclamé quelques jours auparavant aux Jacobins que la sauvegarde du peuple était dans la liberté illimitée de la presse, il réclama une loi contre les calomnies commises par les journaux. Il demanda la restitution des biens confisqués pendant la Révolution, mais il exclut les émigrés du bénéfice de cette mesure.

Le 23 vendémiaire an IV, il fut élu député au conseil des Cinq-Cents par 280 voix sur 305 votants ; il en sortit par la voie du sort en germinal an V.

Réélu par les républicains scissionnaires de Mont-de-Marsan, il ne put faire valider son élection. II prit le parti du Directoire et en fut récompensé par le titre d'inspecteur général des armées, et le 23 septembre 1799, par celui de ministre de la guerre.

Avant le 18 brumaire, il se déclara contre Bonaparte ; mais après le coup d'Etat, il offrit ses services au triomphateur. Comme il se présentait devant lui pour prendre ses ordres, Bonaparte se contenta de lui dire : « Je croyais que vous me rapportiez votre portefeuille ». Ce fut la fin de sa carrière politique, Il retourna alors dans ses propriétés de Champagne, à Balham.

En 1800, la presse annonça qu'il avait été tué au passage du Rhin, près d'Offenbourg. Les journaux le firent mourir une seconde fois en 1805. Il mourut en réalité à Rethel, dans sa soixante-septième année. Il avait demandé, par son testament, qu'on lui élevât dans le cimetière de Rethel un monument dont la dépense ne devait pas s'élever à plus de trois mille francs. La construction du tombeau était commencée quand le gouvernement de la Restauration en prescrivit la cessation, et fit enlever les matériaux. Le 8 mai 1849, les restes de Dubois de Crancé, exhumés sans bruit, furent apportés le matin dans une fosse du nouveau cimetière de Rethel. Une simple grille entoure sa sépulture, sans un nom, sans un mot.

Dubois de Crancé avait collaboré à la rédaction de l'Ami des lois. Il publia beaucoup de brochures, parmi lesquelles :
- Observation sur la constitution militaire ou bases de travail proposées au Comité militaire (1789) ;
- Examen du mémoire du premier ministre des finances lu à l'Assemblée nationale le 6 mars 1790 ;
- Lettre ou compte rendu des travaux, des dangers, et des obstacles à l'Assemblée nationale (1790) ;
- Tableau des persécutions que Barrère a fait éprouver à Dubois-Crancé pendant quinze mois (1795) ;
- Réplique de Dubois-Crancé à Barrère (1795) ;
- Mémoires sur la contribution foncière, suivis d'un projet de loi motivé, pour opérer la conversion de l'impôt en numéraire en une prestation en nature dans toute la République, et d'une réponse à différentes objections (1804).
On lui attribue le Véritable portrait de nos législateurs, ou Galerie de tableaux exposés à la vue du public du 5 mai 1789 jusqu'au 1er octobre 1791 (1792).

Date de mise à jour: août 2018