Honoré, Maximin Isnard
1758 - 1825
- Informations générales
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- Né le 24 février 1758 à Grasse ( - Généralité de Provence France)
- Décédé le 12 mars 1825 à Grasse (Var - France)
1758 - 1825
Député en 1791, membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, né à Grasse (Généralité de Provence) le 24 février 1758, mort à Grasse (Var) le 12 mars 1825, fils cadet d'un riche commerçant, il reçut une instruction complète, et s'occupa d'abord de commerce : en 1789, il était négociant parfumeur à Draguignan.
D'une imagination exaltée, il se déclara avec enthousiasme pour les idées nouvelles et se fit élire, le 9 septembre 1791, député du Var à l'Assemblée législative, le 3e sur 8, par 237 voix (478 votants). Il siégea à gauche, dans le groupe des Girondins, et se fit remarquer par la véhémence de son langage contre les émigrés et contre les prêtres qui refusaient le serment.
« La religion, s'écriait-il, est un instrument avec lequel on peut faire beaucoup plus de mal qu' avec les autres; aussi il faut traiter ceux qui s'en servent beaucoup plus sévèrement que les autres sujets; il faut chasser de France ces prêtres perturbateurs; ce sont des pestiférés qu'il faut renvoyer dans les lazarets de Rome et d'Italie... Je réponds à ceux qui nous disent que rien n'est plus dangereux que de faire des martyrs, que ce danger n'existe que lorsqu'on persécute des hommes vertueux et fanatiques; et il n'est question ici ni d'hommes vertueux ni de fanatiques, mais d'hypocrites et de perturbateurs... Ne craignez pas non plus d'augmenter la liste des émigrés; le prêtre n'a pas le caractère assez résolu pour prendre un parti ouvertement hostile ; il est, en général, aussi lâche que vindicatif; il est nul au champ de bataille; les foudres de Rome s'éteindront sous le bouclier de la liberté. »
Les applaudissements des tribunes accueillirent ce discours.
Isnard en souleva de nouveaux en disant qu'il fallait continuer la révolution tandis que les citoyens étaient encore « en haleine », et que dans l'état où se trouvaient les esprits et les opinions, toute circonspection était une faiblesse. Il n'épargna pas les ministres, blâma énergiquement leur conduite et déclara que pour eux la responsabilité était la mort. Il appuya (décembre 1791) la mise en accusation des princes frères du roi ; en 1792, il vota celle du ministre de Lessart : le 15 mai, il présenta un nouveau rapport sur la situation politique de la France, accusa la cour d'égarer le roi et dénonça un plan de contre-révolution organisé par le comité autrichien. Peu après, il s'éleva contre la garde constitutionnelle du monarque, et exprima l'avis qu'il fallait détruire cette garde pour détruire ensuite la royauté. Au 20 juin, envoyé pour contenir le peuple qui envahissait les Tuileries, il rendit compte de sa mission dans un sens peu favorable au pouvoir royal. Le 13 juillet, il se fit le défenseur de Pétion et de Manuel, poursuivis pour les récents événements. Le 3 août, il reprocha à Louis XVI de n'être fidèle qu'en paroles à la Constitution, et s'opposa à l'impression du message royal relatif au manifeste du duc de Brunswick. Le 9, il préluda, pour ainsi dire, dans une harangue très vive, à la journée du 10. Les premiers commissaires envoyés près de l'armée ayant été momentanément arrêtés par ordre de La Fayette, Isnard fut désigné pour les suppléer et faire agréer le nouvel état de choses.
Le 5 septembre 1792, le département du Var le réélut membre de la Convention, le 4e sur 8, par 462 voix (474 votants). Il y vota la mort du roi en ces termes : « Dans l'Assemblée législative, j'ai dit à cette tribune que si le feu du ciel était dans mes mains, j'en frapperais tous ceux qui attenteraient à la souveraineté du peuple. Fidèle à mes principes, je vote pour la mort. Je demande aussi que les deux frères du roi émigrés soient jugés par le tribunal criminel. » Mais ses opinions, qui jusque-là avaient dépassé les visées du parti girondin, se modifièrent. A la séance orageuse du 5 mars, comme la parole était refusée à son collègue et ami Barbaroux, il protesta contre l'attitude de la majorité, qualifia la Convention de machine à décrets dans la main d'une faction ; puis, apostrophant les tribunes, il déclara au peuple que sa liberté était placée entre le despotisme et l'anarchie, qu'il avait brisé le premier de ces écueils, mais qu'il était près de se briser contre le second.
Nommé membre du comité de défense générale, il fit adopter le décret qui organisait ce comité en comité de salut public. La scission entre la Montagne et la Gironde était déjà fortement accusée ; ce fut dans le mois suivant (mai), et sous la présidence même d'Isnard, que les deux partis s'attaquèrent sans ménagements. Les scènes les plus violentes éclatèrent les 25, 26 et 27 mai : pendant la première de ces journées, Isnard répondant, comme président, à la députation de la Commune qui réclamait la mise en liberté d'Hébert, s'emporta jusqu'à dire : « Ecoutez ce que je vais vous dire. Si jamais, par une de ces insurrections qui depuis le 10 mars se renouvellent sans cesse, il arrivait qu'on portât atteinte à la représentation nationale, je vous le déclare au nom de la France entière, Paris serait anéanti. Bientôt on chercherait sur les rives de la Seine la place où cette ville aurait existé. » Un tumulte effroyable s'ensuivit. Isnard, menacé et injurié de toutes parts, dut abandonner le fauteuil à Hérault de Séchelles. Le 31 mai, Isnard fit savoir qu'il se suspendait de ses fonctions « par amour pour la patrie, et qu'il se mettait sous la sauvegarde du peuple ». Cette résolution le préserva des suites immédiates de la journée, et il évita ainsi d'être compris dans la mise en accusation de ses collègues, prononcée le 2 juin ; mais toujours poursuivi par la commune de Paris pour sa menace du 25 mai, il fut arrêté, sans décret, par un juré du tribunal révolutionnaire, Renaudin, s'échappa et fut mis hors la loi en octobre, comme girondin et comme l'un des chefs des fédéralistes. Il put se soustraire aux recherches: le bruit de sa mort, répandu à cette époque, contribua à son salut ; il était alors chez un ami, qui le cacha jusqu'après le 9 thermidor.
Alors il reparut pour réclamer contre sa mise hors la loi et écrivit à la Convention :
« L'an 3e de la République française, une et indivisible.
A la Convention nationale
Le tyran n'est plus, et celui qui, dès 1792, osa le premier l'attaquer, languit encore sous l'oppression. Voici quinze mois que j'erre, de souterrain en souterrain, sans communication avec les hommes et la nature, répandant autour de moi la contagion du supplice, vivant pour ainsi dire dans la fosse de la mort, ou comme entraîné au pied de l'échafaud ; et non seulement je suis innocent, mais, depuis 89, je n'ai cessé de combattre pour le triomphe de l'arbre de la liberté, je veux dire celle qu'on adore aujourd'hui, et qui est fille des lois, et non la mère de la licence. Mais je ne me plains pas ; ma récompense est dans mon cœur ; je suis trop heureux d'avoir tant souffert pour la patrie, et puisque, par un long miracle, je vis encore, me voilà prêt de nouveau de lui sacrifier mon existence. Périsse Isnard, s'il le faut, et vive la république ! Telle fut toujours ma devise.
Je suis une des victimes les plus caractérisées de la vengeance de Robespierre et des municipes de Paris. Vous serez étonnés d'apprendre avec quel acharnement ces tyrans m'ont poursuivi ; ils ont porté leur crime et leur audace jusqu'à outrager en moi les droits sacrés de la représentation nationale, en me faisant arrêter de leur autorité privée, le 28 septembre 1793, rue Honoré, par Renaudin, leur satellite, et au mépris d'un de vos décrets qui garantissait ma liberté dans Paris.
Le comité de sûreté générale en fut si indigné qu'il prit un arrêté pour ordonner mon élargissement, et me servir de sauvegarde contre mes persécuteurs; ce n'est qu'à cet acte de justice que je dois la vie.
Les crimes que Robespierre et les municipaux poursuivaient en moi sont d'avoir pénétré le masque avant beaucoup d'autres, d'avoir menacé celui-là d'un décret d'accusation, et ceux-ci du supplice qui les attendait, enfin, d'avoir bravé leurs proscriptions pour sauver la patrie.
Au reste, j'apporte ma tête à la loi si je suis coupable, je réclame mes droits si je suis innocent. Justice ou la mort.
Je demande que la Convention me juge, ou qu'elle me renvoie devant quelque tribunal que ce soit. Que l'on ne m'attaque pas lorsque je suis absent et dans l'impossibilité de confondre mes calomniateurs, je suis satisfait.
Signé : Votre collègue, MAXIMIN ISNARD. »
Le 4 décembre 1794, Isnard reprit séance à la Convention. Favorable au nouvel ordre de choses, il fut envoyé dans les Bouches-du-Rhône pour y anéantir les restes du parti jacobin, s'y conduisit avec une grande rigueur, laissa libre cours aux représailles et ne s'opposa pas au massacre des révolutionaires détenus au fort Saint-Jean à Marseille.
Devenu, la 22 vendémiaire an IV, député du Var au Conseil des Cinq-Cents, avec 127 voix (210 votants), Isnard s'y fit peu remarquer, en sortit en 1797, et fut attaché ensuite aux tribunaux du Var.
A l'avènement de Napoléon il quitta complètement les affaires, et fit de la littérature.
Le reste de sa vie s'écoula dans l'obscurité. Les sentiments religieux et monarchiques dont il faisait profession depuis quelque temps déjà, lui permirent d'échapper à la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides.
La Restauration ne l'inquiéta pas, et il termina ses jours à Grasse en 1825.
« L'homme du parti girondin, a écrit Charles Nodier, qui possédait au plus haut degré le don de ces inspirations violentes qui éclatent comme la foudre en explosions soudaines et terribles, c'était Isnard, génie violent, orageux, incompressible. »
On lit dans une publication intitulée Préservatif contre la Biographie nouvelle des contemporains, par le comte de Fortia-Piles, royaliste modéré (1822), ce curieux témoignage, dont nous ne nous portons pas garants, en faveur de l'ancien régicide, rentré dans le giron de l'Eglise et de la royauté : « Isnard a frémi de sa conduite révolutionnaire ; ses crimes se sont représentés à ses yeux: le plus irrémissible de tous, celui du 21 janvier, ne pouvait être effacé par un repentir ordinaire. Qu'a-t-il fait ? En pleine santé, jouissant de toutes ses facultés, il s'est rendu en plein midi (et plus d'une fois) le jour anniversaire du crime, au lieu où il a été consommé ; là il s'est agenouillé sur les pierres inondées du sang du roi martyr ; il s'est prosterné à la vue de tous les passants, a baisé la terre sanctifiée par le supplice du juste, a mouillé de ses larmes les pavés qui lui retraçaient encore l'image de son auguste victime ; il a fait amende honorable et a imploré à haute voix : le pardon de Dieu et des hommes. »
On a d'Isnard :
- Discours sur la chose publique et Projet de loi d'interpellation nationale à adresser au roi par le Corps législatif au nom du peuple français (1792) ;
- Proscription d'Isnard (1795) ;
- Réflexions relatives au sénatus-consulte du 28 floréal an XII (portant élévation de Bonaparte à l'Empire) (1804) ;
- Dithyrambe sur l'immortalité de l'âme, dédié à Pie VII (1805).