Georges, Auguste Couthon
1755 - 1794
Député à l'Assemblée législative de 1791, et membre de la Convention, né à Orcet (Généralité de Riom), le 22 décembre 1755, mort à Paris le 28 juillet 1794, il fut élevé chez un procureur de Riom.
Ses études de droit terminées, il fut reçu avocat à Clermont en 1785. « Il s'y fit remarquer dit la Biographie Didot, par la douceur et la politesse de ses manières, son caractère bienveillant et serviable ; son langage était clair, précis, persuasif. » La réputation qu'il avait conquise dans sa province le fit désigner, en 1787, comme un des avocats qui formèrent le conseil de l'assemblée du tiers-état, lors de la réunion de l'assemblée provinciale en Auvergne. Il donnait des consultations gratuites aux pauvres, et soignait les intérêts des établissements charitables.
Couthon salua la Révolution de 1789 avec des transports de joie. Ses opinions patriotiques et libérales le firent nommer président du tribunal de Clermont, aux premières élections qui suivirent la réorganisation du pouvoir judiciaire par l'Assemblée constituante.
Le 9 septembre 1791, le département du Puy-de-Dôme le choisit, le 8e sur 12, par 283 voix (433 votants), pour son député à l'Assemblée législative. Déjà Couthon était atteint d'une paralysie à peu près complète des jambes, qui semblait le menacer d'une fin prochaine. On a dit que cette infirmité lui était venue pour avoir passé, au cours d'une aventure romanesque, une nuit entière sous la pluie. Dès les premiers jours de la session, le député du Puy-de-Dôme se fit remarquer par son éloquence autant que par l'enthousiasme de ses sentiments démocratiques. Son état l'obligeait le plus souvent à parler de sa place.
Ce fut lui qui fit fixer le cérémonial à observer lorsque le roi se présenterait à l'Assemblée et qui proposa la suppression des mots sire et majesté. Louis XVI ayant négligé de venir en personne ouvrir la session de l'Assemblée législative « Messieurs, dit Couthon, je me suis trouvé prêteur lorsque l'Assemblée constituante a pris dans son sein des mesures pour recevoir le roi et je vous avouerai que trois choses m'ont bien étonné dans les mesures qu'elle arrêta : la première, que lorsque le roi se présenterait dans la salle, tous les membres seraient debout. Jusque-là il n'y avait pas de mal ; mais ces mesures ajoutaient que le roi, une fois arrivé à sa place, tant qu'il resterait debout, tout le monde resterait debout ; quand il resterait découvert, tout le monde resterait également découvert, comme si, en présence du premier fonctionnaire du peuple, les représentants de ce peuple se transformaient tout à coup en véritables automates, qui ne peuvent agir, qui ne peuvent penser, parler et se mouvoir que par la volonté d'un homme ! Une seconde chose qui m'étonna beaucoup, ce fut de voir qu'au moment où le roi arrivait au bureau, l'on expulsât, si je puis me servir de cette expression, le fauteuil du président, pour y substituer le fauteuil couvert de dorures, comme si le fauteuil national ne valait pas le fauteuil royal ! Enfin, messieurs, une troisième chose porta dans mon âme plus que de l'étonnement, ce fut de voir le président, qui parlait au roi, se servir encore de mots proscrits. Une loi porte expressément que le titre de seigneur et de monseigneur ne sera donné ni pris par personne : et la Constitution, qui nous rend tous égaux et libres, ne veut point qu'il y ait d'autre majesté que la majesté divine et la majesté du peuple. » Ensuite il demanda : 1° Que tous les membres de l'Assemblée reçussent le roi debout et découverts ; mais qu'ils pussent s'asseoir et se placer comme bon leur semblerait, dès qu'il serait arrivé au bureau ; 2° qu'il ne lui fût pas présenté un fauteuil scandaleux par sa richesse, mais qu'il se crût honoré de s'asseoir et de se placer sur le fauteuil du président d'un grand peuple ; 3° que le président de l'Assemblée nationale, s'adressant au roi, ne lui donnât d'autre titre que celui qui était porté par la Constitution: roi des Français. Ces différentes propositions furent adoptées ; mais, le lendemain, la Législative révoqua sa propre décision.
Pendant le reste de la session, Couthon ne cessa d'être un des avocats les plus ardents de la Révolution. Il dénonça les entreprises des prêtres réfractaires, prit part à l'organisation des comités, demanda que « Monsieur » fut déclaré déchu de ses droits à la régence, censura le veto attribué au roi, donna avec succès son opinion sur la reddition des comptes des ministres, sur l'agiotage et le paiement des impôts, sur l'affaire de Châteauvieux, sur la poursuite des crimes d'embauchage, sur le licenciement de la garde du roi, etc. Le 29 mai 1792 il attaqua directement la cour : « Le moment est venu, s'écria-t-il, où l'Assemblée doit déployer un grand caractère contre le château des Tuileries, foyer de toutes les conspirations contre le peuple. »
Vers le milieu de cette même année, Couthon quitta Paris dans l'espoir de rétablir sa santé, et se rendit en Flandre, aux eaux de Saint-Amand. Il s'y trouvait à l'époque du Dix Août, et ne prit donc aucune part à cette journée; mais elle répondait trop à ses vœux pour qu'il s'abstînt d'y applaudir. Egalement étranger aux massacres de septembre, il se garda bien de leur donner la même approbation qu'à la chute de la royauté, et il ne craignit pas de les blâmer hautement.
Le département du Puy-de-Dôme le réélut membre de la Convention, le 6 septembre 1792, le 1er sur 11 à la pluralité des voix (695 votants.) Républicain dès la Législative, il fut des premiers à proposer de « vouer à l'exécration la royauté et de proclamer la souveraineté du peuple. » Dans sa haine contre la tyrannie, il ne voulait ni dictature, ni tribunat, ni triumvirat. Il commença de s'attacher à Robespierre en novembre 1792, lors de la dénonciation dont celui-ci fut l'objet de la part de Louvet et de Barbaroux.
Dans le procès du roi, il vota la mort sans appel et sans sursis: « Je crois, en mon âme et conscience, dit-il au 2e appel nominal, que l'appel au peuple est un attentat à la souveraineté; car, certes, il n'appartient pas aux mandataires de transformer le pouvoir constituant en simple autorité constituée ; c'est une mesure de fédéralisme, une mesure lâche, une mesure désastreuse, qui conduirait infailliblement la République dans un abîme de maux. Je dis non. » Au 3e appel nominal, il s'exprima ainsi : « Citoyens, Louis a été déclaré par la Convention nationale coupable d'attentat contre la sûreté générale de l'Etat ; il est convaincu, dans ma conscience, de ces crimes. Comme un de ses juges, j'ouvre le livre de la loi, j'y trouve écrite la peine de mort ; mon devoir est d'appliquer cette peine ; je la remplis, je vote pour la mort. »
L'aversion de Couthon pour le fédéralisme et sa passion pour l'unité le décidèrent à prendre énergiquement parti pour la Montagne quand la lutte fut engagée entre elle et la Gironde. Il ne s'y était pas déterminé sans réflexion, ni même sans hésitation, Il n'hésita plus en présence des actes de la Commission des Douze, et déclara ouvertement la guerre aux Girondins. Il fut un des principaux instigateurs du 31 mai. Cependant il voulut qu'on usât de modération envers les vaincus et s'offrit lui-même comme otage pour tranquilliser Bordeaux sur le sort de ses députés. Il demanda l'arrestation des « députés conspirateurs », répondit aux inculpations de Guadet contre le comité révolutionnaire de Paris, dénonça la conduite de Buzot, provoqua la mise en accusation de divers fonctionnaires, en fit mettre d'autres en liberté, et entra, le 10 juillet, au Comité de Salut public renouvelé. Le 11, il lut à la tribune de la Convention un rapport sur la révolte de Lyon. Il réclamait des mesures énergiques, mais il s'opposait à ce que la ville fût déclarée en état de rébellion, parce que, disait-il, les bons citoyens pourraient être confondus avec les mauvais.
Bientôt après (21 août), il fut chargé avec Châteauneuf-Randon et Maignet d'aller à Lyon pour faire rentrer cette ville dans le devoir. Il s'acquitta avec fermeté de cette terrible mission, et, à la tête d'une armée de 10 000 hommes qu'il avait levée en partie dans son département, il parvint à forcer les murs de la ville révoltée, et fit durement expier aux contre-révolutionnaires le meurtre de Chalier. Toutefois, il obtint d'être relevé de sa mission avant qu'elle eût pris fin, pour ne pas avoir à exécuter jusqu'au bout le décret de la Convention qui prescrivait la destruction de la cité.
De retour à Paris, où il reçut les félicitations de l'Assemblée, il poursuivit avec une nouvelle activité ses travaux de membre du comité de Salut public. A la Convention, il demanda les honneurs du Panthéon pour Chalier, fut nommé président, charge de rédiger l'acte d'accusation de tous les rois, parla fréquemment sur les affaires militaires, fit décréter Westermann d'arrestation, et contribua fortement à la défaite du parti hébertiste et de celui de Danton. Le 18 floréal, il proposa que le discours de Robespierre sur l'Etre-suprême fût traduit dans toutes les langues et envoyé à tout l'univers. Le 26, il vint, au nom du club des Jacobins, remercier la Convention, « et la bénir d'avoir consacré par son décret cette vérité sainte que le juste retrouve toujours dans son cœur: que le peuple français reconnaît l'Etre-suprême et l'immortalité de l'âme. » Puis, il fut au premier rang de ceux des Jacobins qui s'efforcèrent d'arrêter la Terreur et qui protestèrent contre le système de trouver partout des coupables.
Dans la fameuse séance du Neuf Thermidor, dénoncé par Fréron, qui alla jusqu'à dire que Couthon avait voulu monter au trône sur le cadavre des représentants du peuple, il haussa les épaules, et, montrant ses membres paralysés, dit : « Je voulais arriver au trône, moi ! » Cependant le décret d'accusation, fut rendu contre lui en même temps que contre Robespierre aîné, Saint-Just, Le Bas et Robespierre jeune. Il fut conduit à la prison de la Bourbe où il resta jusqu'à une heure après minuit. Délivré par le peuple, il se rendit à l'Hôtel-de-Ville, où il fut bientôt saisi avec ses quatre collègues, après avoir été mis hors la loi par un décret de la Convention. Au moment où les troupes entrèrent à la Commune, Couthon se donna un coup de poignard qui le blessa sans le tuer.
Le 10 thermidor (28 juillet), il monta sur l'échafaud, n'étant encore âgé que de 38 ans.
Dans sa proclamation du 9, dernière tentative des Jacobins pour sauver Robespierre et les siens, la Commune parlait de Couthon en ces termes : « Couthon, ce citoyen vertueux, qui n'a de vivant que la tête et le cœur, mais qui les a brûlants de patriotisme. »