Jean-Marie, Claude, Alexandre Goujon
1766 - 1795
- Informations générales
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- Né le 13 avril 1766 à Bourg-en-bresse ( - Généralité de Bourgogne France)
- Décédé le 17 juin 1795 à Paris (Département de Paris - France)
1766 - 1795
Membre de la Convention, né à Bourg (Généralité de Bourgogne) le 13 avril 1766, mort à Paris (Département de Paris) le 16 juin 1795, fils d'un directeur de la poste aux lettres, il s'engagea à douze ans dans la marine, et assista sur le Saint-Esprit au combat d'Ouessant, où le comte d'Orvilliers fit éprouver de dures pertes à l'escadre anglaise. L'enfant écrivit le lendemain à son père, alors à Paris, une lettre qui fut lue tout haut en plein Palais-Royal, sous l'arbre de Cracovie, comme un bulletin de victoire. Six ans après, Goujon, continuant ses voyages, débarquait a l'île de France ; il se révolta à la vue des souffrances endurées par les nègres courbés sous le fouet, et y prit l'horreur de l'oppression. À son retour (mai 1790), il se fixa à Meudon, près Paris, se lia avec Tissot, le futur académicien, dont plus tard il devait épouser la sœur, se livra pour compléter son éducation à de sérieuses études, et concourut sur le sujet suivant proposé par l'académie de Dijon : De l'influence de la morale des gouvernements sur les peuples. L'académie ne décerna pas de prix mais elle déclara que de tous les discours qui lui avaient été adressés, le travail seul de Goujon avait attiré son attention. Goujon, avec la sévérité ardente de la jeunesse, proclamait dans son écrit « que l'intérêt de toute tyrannie est d'avilir l'homme pour le dominer », et que le peuple se corrompt fatalement dès qu'il abdique ses droits en faveur d'un gouvernement qui n'est pas la raison ou la loi.
En 1791, il prononça à Versailles l'éloge de Mirabeau et adressa à l'Assemblée nationale une Lettre en réponse à celle de l'abbé Raynal (1791). Peu de temps après, il fut appelé à l'administration du département de Seine-et-Oise.
Procureur général syndic provisoire au 10 août, il fut élu, le 17 septembre 1792, sixième député suppléant à la Convention nationale pour ce département, avec 410 voix (657 votants). Goujon fut admis à siéger le 26 germinal an II, en remplacement de Hérault de Séchelles, condamné à mort.
Le portefeuille de l'Intérieur lui fut offert, mais il refusa, après avoir exercé seulement les fonctions de ministre intérimaire des Affaires étrangères et de l'Intérieur pendant trois jours, du 5 au 8 avril 1794. Il déclina aussi le poste d'ambassadeur à Constantinople.
Bientôt envoyé en mission aux armées du Rhin et de la Moselle, il s'y conduisit avec la plus grande bravoure, et adressa au comité de salut public des lettres de victoire que Barère lut à la tribune, aux applaudissements de la Convention : « Les Prussiens, écrivait Goujon dans son style énergique, avaient fait jurer à leurs esclaves de défendre leurs redoutes jusqu'à la mort. Les redoutes ont été enlevées. les canons pris et les canonniers hachés sur leurs pièces. » (Tripstadt, 26 messidor an II.) Après Tripstadt, ce furent Kerveiler, Spire, les gorges et le revers des Vosges, depuis Laudstoul jusqu'à Neustadt, dont Goujon et son Collègue Hentz annoncèrent la prise. Desaix, Vachot, Saint-Cyr agissaient sous les ordres de l'intrépide représentant. Le 9 messidor, Goujon data sa dépêche de Landau : le Palatinat tout entier était à nous. Intimement lié avec Bourbotte, qu'il avait rencontré aux armées, il écrivit avec lui, de Thionville, à la Convention, le 13 thermidor, pour la féliciter de sa victoire sur Robespierre : « Que tous les tyrans, disaient-ils, soient anéantis ! »
Mais à son retour à la Convention, la surprise de Goujon fut grande, lorsqu'il vit quels sentiments animaient les vainqueurs de thermidor. Il reprit tristement sa place parmi les Montagnards et à la tribune des Jacobins, et lutta autant qu'il put contre la réaction. En août, il défendit les anciens membres du comité de salut public, attaqués violemment par Lecointre, s'opposa plus tard à la création d'un conseil de commerce qui pouvait entraver la liberté, réclama des mesures contre ceux qui méconnaîtraient les droits de l'homme, se plaignit à plusieurs reprises des persécutions dirigées contre les patriotes, et combattit le rappel du décret qui avait accordé à Marat les honneurs du Panthéon, soutenant que ce décret « n'avait été que l'expression de l'enthousiasme du peuple ». Le 8 mars 1795, il s'éleva seul contre la rentrée à la Convention des Girondins mis hors la loi, « non par haine contre eux, dit-il, mais parce qu'il craignait le retour d'hommes qui avaient à venger des injures si cruelles. » Le 11, il fit observer que l'on désignait maintenant sous le nom de terroristes ceux qu'on appelait naguère les « patriotes », et s'écria :
« Cette dénomination vague de terroristes, inventée par des hommes qui veulent tout agiter, ne sert qu'à faire planer le soupçon indistinctement sur toutes les têtes ; s'il existe des coupables, qu'on les désigne et que la loi en fasse justice. Quant à moi, je déclare que si je me croyais coupable, j'aurais le courage de m'accuser moi-même ; je dirais : Si mon sang peut rétablir la paix dans mon pays, qu'il soit répandu ! » Il dit encore : « Si vous voulez que la paix règne dans la République, ne souffrez qu'une dénomination, celle de citoyens ; bannissez toutes les autres, qui ne sont que des armes dans les mains de celui qui veut établir la terreur. » Le 21, Goujon répondit à Tallien qui parlait contre la Constitution de 93, et le menaça de la colère du peuple.
« Il était herculéen avec des formes gracieuses, a écrit l'historien des Derniers Montagnards, M. J. Claretie, et cassait, dit-on, un fer à cheval entre ses doigts, comme le maréchal de Saxe. La douleur, la tristesse, l'inquiétude l'eussent tué peut-être, sans cette prodigieuse force de tempérament. »
La préoccupation d'une fin tragique ne sortait pas de sa pensée. Un jour, ouvrant sa chemise et découvrant sa poitrine, il dit doucement, mais avec l'accent de la résolution, à son médecin : « Montre-moi bien la place du cœur. Est-ce là ? C'est que je me tuerai. si l'égalité périt, et je ne veux pas que ma main tremble. »
Le 31 mars, lorsque se préparait l'insurrection du 12 germinal (1er avril), il appuya l'admission à la barre des pétitionnaires de la section des Quinze-Vingts. Le 1er prairial (20 mai 1795), il se rendit à l'Assemblée avec le pressentiment du sort qui l'y attendait. La salle, en effet, ne tarda pas à être envahie, et devint, de dix heures du matin à minuit, une arène où l'on se heurta confusément les armes à la main.
On sait que vers neuf heures du soir les insurgés furent un moment vainqueurs : d'accord avec quelques-uns des députés montagnards, ils firent décider l'élargissement des patriotes arrêtés le 12 germinal, l'abolition de la peine de mort, etc. Goujon demanda que pour assurer l'exécution de ces mesures une commission extraordinaire fût immédiatement élue et concentrât tous les pouvoirs des comités, Ce fut cette motion qui le perdit, après que les sections de Grenelle, Lepelletier, de la Butte-des-Moulins eurent ramené à la Convention les membres de la majorité et expulsé le peuple des Tuileries. La nuit fut consacrée à la vengeance. Après avoir brûlé les minutes des décrets adoptés, et déclaré non avenu tout ce qui avait été voté sous l'influence populaire, on ne tarda pas à décréter, sur la motion de Thibaudeau, l'arrestation des représentants qui s'étaient montrés favorables à l'insurrection. Tallien vint en aide à ses collègues : « Hâtons-nous de les frapper ! » disait-il. La majorité alors désigna comme factieux Goujon, Romme, Duroy, Duquesnoy, Bourbotte et quelques autres.
Le vieux Ruhl, excepté du décret d'accusation, se donna la mort d'un coup de poignard. Les autres furent transférés au château du Taureau en Bretagne, faillirent être massacrés à Avranches, et comparurent devant une commission militaire exceptionnellement instituée à Paris pour les juger. Cette commission se réunit le 29 prairial (17 juin). À la première nouvelle de leur mise en jugement, certains à l'avance du résultat, les derniers montagnards firent ensemble le serment de se poignarder devant le tribunal. « Je marche, écrivait Goujon à Lanjuinais, avec l'heureux souvenir que je n'ai jamais voté l'arrestation illégale d'aucun citoyen, que jamais je n'ai voté ni l'accusation ni le jugement d'aucun de mes collègues. » Devant la commission, Goujon se défendit avec esprit et sang-froid. Bien qu'on n'eût pu découvrir aucun fait précis à sa charge, il n'en fut pas moins condamné à mort, ainsi que Romme, Duquesnoy, Duroy, Bourbotte et Soubrany. À l'instant où l'on prononça leur arrêt, Goujon en entendit impassiblement la lecture ; il se leva et montrant un médaillon : « Voici mon portrait, dit-il, que je vous prie de faire remettre à ma femme. Je meurs pour la cause du peuple et de l'égalité. » Les condamnés entraient dans la chambre d'arrêt pour la toilette, lorsqu'ils se frappèrent successivement de plusieurs coups de poignard. Ce fut Goujon qui commença : il saisit le couteau qu'il tenait caché sous son habit bleu, et, répétant qu'il mourait pour le peuple, d'une main ferme il se l'enfonça dans le cœur.
Goujon, dans sa prison, avait composé un hymne de mort, dont plus tard Laïs (de l'Opéra) fit la musique.
On a encore de lui une pièce dramatique : Damon et Pythias, sa Défense devant la commission militaire, etc.