Charles, Gilbert Romme
1750 - 1795
Député en 1791, membre de la Convention, né à Riom (Généralité de Riom, Farnce) le 26 mars 1750, exécuté à Paris (Département de Paris) le 17 juin 1795, il s'adonna à l'étude des sciences mathématiques et fut appelé en Russie comme précepteur du jeune comte Strogonoff.
Il revint en France peu avant la Révolution dont il adopta avec ardeur les principes, s'occupa d'agriculture, et fut élu, le 10 septembre 1791, député du Puy-de-Dôme à l'Assemblée législative, le 11e sur 12, « à la pluralité des voix » sur 412 votants. Il se rendit en mission à Noyon, demanda des comptes au ministre Narbonne, fit rendre un décret sur la propriété des pièces de théâtre, et opina constamment avec la majorité réformatrice.
Réélu, le 6 septembre 1792, député du même département à la Convention, le 4e sur 12, à la pluralité des voix (694 votants), il siégea à la Montagne, rendit compte de la situation des manufactures d'armes de Moulins et de Saint-Etienne, fit supprimer la place de directeur de l'Académie de France à Rome, déposa plusieurs rapports remarqués sur l'instruction publique.
Il vota ainsi dans le Procès du roi : « Ce n'est, dit-il au 3e appel nominal, que comme représentant du peuple que je prononce aujourd'hui. Le peuple ne peut juger Louis ; il en aurait le droit. La Convention nationale, au contraire, le peut et le doit ; et c'est comme membre de la Convention que je viens remplir ce devoir. Si je votais comme citoyen, l'humanité et la philosophie me feraient répugner à prononcer la mort ; mais, comme représentant de la nation, je dois puiser mon suffrage dans la loi même ; elle punit tous les coupables sans distinction, et je ne vois plus dans Louis qu'un grand coupable. Je demande qu'il soit condamné à mort. Cette peine est la seule qui puisse expier ses crimes. » Il vota en outre contre l'appel au peuple et contre le sursis.
Il réclama et obtint l'abolition de la maison d'éducation de Saint-Cyr.
Envoyé (avril 1773), avec Prieur (de la Côte-d'Or), à l'armée de Cherbourg, il fut saisi par les Girondins, et incarcéré pendant deux mois à Caen comme otage.
De retour à la Convention, il contribua à faire adopter l'invention du télégraphe, et présenta (septembre) à la sanction de l'Assemblée le Calendrier républicain, dont il élabora le plan au point de vue scientifique, et auquel concourut, pour la partie pittoresque et poétique, Fabre d'Eglantine. Le comité d'instruction publique, dont Romme faisait partie depuis le 16 septembre, eut à s'occuper de cette importante question.
La Convention adopta, le 5 octobre, les bases du projet de Romme et du Comité : ère républicaine datant du 22 septembre 1792, division de l'année en douze mois de trente jours, avec cinq jours complémentaires, division du mois en trois décades ; mais elle rejeta d'abord les dénominations morales que Romme voulait donner aux mois et aux jours :
« Le premier jour, avait-il dit, c'est le jour des époux. - Tous les jours, répliqua Albitte, sont les jours des époux » ; et cette partie du projet fut abandonnée, sur une motion de Le Bon.
Elle n'accepta pas davantage les noms proposés par le comité et qui devaient rappeler, pour les mois, une époque de la Révolution, à savoir, en commençant à partir de l'équinoxe d'automne République, Unité, Fraternité, Liberté, Justice, Egalité, Régénération, Réunion, Jeu de Paume, Bastille, Peuple, Montagne. Les jours de la décade se seraient appelés : jour du Niveau, du Bonnet, de la Cocarde, de la Pique, de la Charrue, du Compas, du Faisceau, du Canon, du Chêne, du Repos. La Convention, ayant, sur les observations de Duhem, refusé d'accepter cette nomenclature, décréta la simple dénomination ordinale : en conséquence, dès le lendemain, le procès-verbal de l'Assemblée fut daté « du quinzième jour du premier mois de l'an deuxième de la République. »
Mais on trouva bientôt que cette manière à la fois sèche et prolixe d'indiquer une date présentait des inconvénients ; la question fut renvoyée à un nouvel examen, et, le 24 octobre, furent adoptés, sur un rapport de Fabre d'Eglantine, les noms sonores et expressifs des mois républicains et ceux des jours de la période décadaire du « primidi » au « décadi ».
Les décrets des 24 et 5 octobre furent fondus en un seul et rectifiés dans quelques dispositions par le décret du 4 frimaire an II (24 novembre 1793) qui établit définitivement le calendrier républicain. A ce décret fut annexée une Instruction sur l'ère de la République et sur la division de l'année ; cette Instruction avait été rédigée par Romme. L'observation du repos du décadi n'était rendue obligatoire que pour les fonctionnaires publics.
Romme rédigea encore, avec le concours de divers collaborateur, un Annuaire destiné à faire connaître aux habitants des campagnes la nouvelle division du temps et à répandre des notions utiles. Cet annuaire fut envoyé aux écoles par ordre de la Convention.
Romme prit une part très active aux travaux du comité d'instruction publique, et, le 20 octobre 1793, il donna lecture en son nom d'un projet de décret sur les écoles nationales ; il demanda aussi une place pour la déesse Raison auprès du président, et, pour Marat, les honneurs du Panthéon, fit décréter la conservation des objets d'art quoique marqués d'insignes féodaux, fit rendre aux Académies la disposition de leurs fonds, et fut envoyé en mission dans la Dordogne, des premiers jours de ventôse jusqu'à la fin de fructidor an II. Il ne prit donc aucune part aux événements de thermidor.
A Périgueux, il ne fut pas toujours d'accord avec son collègue Lakanal, dont il désapprouva notamment les décrets inquisitoriaux sur les familles (2 fructidor). A son retour à Paris, il trouva la réaction anti-jacobine toute-puissante, et ne se rallia pas à la nouvelle majorité. Lors de la mise en accusation de Carrier, il fit un rapport favorable à l'arrestation de celui-ci, tout en s'élevant contre le système de contre-révolution qui, dit-il, paralysait la République (novembre 1794).
Le 1er prairial an III, Romme, quoique étranger à l'insurrection, proposa l'élargissement immédiat des patriotes et l'abolition de la peine de mort en matière politique. Il fut, pour ce fait, décrété d'accusation comme complice de l'insurrection (12 germinal), avec ses collègues Soubrany, Goujon, Bourbotte, Duquesnoy, Duroy. Conduits, à travers mille dangers, au château du Taureau, en mer, près de Morlaix, ils furent ramenés à Paris le 22 prairial, pour passer devant une commission militaire.
Romme discuta un à un les chefs d'accusation invoqués contre lui, et fit cette déclaration : « Mon corps appartient à mes juges. Mon âme reste indépendante et tranquille au milieu de mes souvenirs. Mon dernier soupir, en quelque temps, en quelque lieu, de quelque manière que je le rende, sera pour la république une et indivisible ; pour la patrie si cruellement déchirée et que j'ai servie de bonne foi ; pour le malheureux et l'opprimé, qu'on abandonne et qu'on repousse ; pour mes amis, dont la fidélité et les vertus républicaines honoreront ma mémoire ; pour ma vertueuse mère, dont les derniers instants se couvrent de tant d'amertume ; pour mon épouse infortunée, veuve d'un brave défenseur de la patrie, indigente, ayant des droits aux bienfaits de la nation : en l'attachant à ma destinée, je l'aurai plongée dans de nouveaux malheurs ! »
Il fut condamné à mort ainsi que Goujon, Duquesnoy, Duroy, Bourbotte et Soubrany, et, tandis qu'ils étaient dans la chambre d'arrêt où se faisait la toilette des condamnés, libres encore de leurs mouvements, ils se poignardèrent l'un après l'autre, Goujon d'abord, puis Romme, avec le couteau arraché de la poitrine de son ami, et dont il se frappa au cœur.