Nicolas Bergasse

1750 - 1832

Informations générales
  • Né le 24 janvier 1750 à Lyon ( - Généralité de Lyon France)
  • Décédé le 28 mai 1832 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 4 avril 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Lyon (Type : Sénéchaussée)
Groupe
Tiers-Etat

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député à l'Assemblée constituante de 1789, né à Lyon (Généralité de Lyon), en 1750, d'une famille originaire d'Espagne qui était venue se fixer dans le midi de la France, mort à Paris, le 28 mai 1832, il suivit la carrière du barreau.

Sa réputation commença avec le discours « sur l'honneur » qu'il prononça à Lyon en 1772, le jour de « la Saint-Thomas » à l'occasion de son inscription comme avocat. Diverses harangues et publications touchant la législation criminelle et « l'humanité des juges » (1774) les « progrès de l'industrie et du commerce » et le « magnétisme animal » (1784) dont il se déclarait hautement, à la suite de Mesmer, le partisan enthousiaste, vinrent contribuer à répandre son nom.

Un procès retentissant, celui de Kornmann (1788) acheva de rendre Bergasse célèbre, et comme avocat et comme publiciste. « L'éclat mémorable de cette cause, a-t-on dit, fit perdre de vue, dans les salons, l'assemblée des notables qui avait occupé tous les esprits. » En effet, l'on se mit à parler en tous lieux beaucoup moins de Necker et de Calonne que de Bergasse et de Beaumarchais. Guillaume Kornmann, ancien magistrat à Strasbourg, connu à Paris dans la banque, avait intenté contre sa femme un procès en adultère. L'ex-lieutenant de police Lenoir, conseiller d'Etat, qui venait de partager la disgrâce de Calonne, fut attaqué comme corrupteur, et le brillant auteur du Mariage de Figaro comme le principal agent de la corruption. Les mémoires de Bergasse, pour l'époux trahi, eurent un succès prodigieux et, singulier retour de la fortune, amenèrent contre Beaumarchais un déchaînement aussi violent qu'avait été empressée à son égard la faveur publique en 1774, dans cette autre affaire, - le procès Goëzman, - qui avait tant fait pour sa réputation. A son tour, et pour des raisons analogues, Bergasse seul devait profiter du procès Kornmann. Beaumarchais eut beau multiplier les mémoires, on les trouva sans verve ; ceux par lesquels Bergasse riposta allèrent aux nues. La cause en elle-même était des plus scandaleuses, puisque Lenoir était accusé d'avoir, à la sollicitation de Beaumarchais et du prince de Nassau, levé la lettre de cachet que Kornmann avait obtenue contre sa femme ; d'avoir ensuite livré cette femme à Beaumarchais, puis d'avoir fait offrir 600.000 francs pour acheter le silence de Bergasse. Celui-ci fit de ses mémoires un véritable traité de morale austère, où il introduisit du même coup la politique, l'attaque contre l'arbitraire, et de nombreux développements sur la nécessité de réformer les moeurs et les lois. Dans un mémoire du 11 juin 1788, dédié au roi, Bergasse n'hésitait pas à dénoncer les ministres de Louis XVI ; dans un autre, du 11 août, il les appelait : ces hommes « justement détestés ». En tout, le nombre des écrits imprimés mémoires, précis, observations, requêtes, plaidoyers, qu'il présenta dans l'affaire, fut de dix-sept.

Bientôt, passant des clients aux avocats eux-mêmes, Bergasse et Beaumarchais plaidèrent l'un contre l'autre devant le Parlement (19 mars 1789). Après un échange extrêmement violent de diatribes et d'injures, où Bergasse se distingua par son âpre et fougueuse éloquence, le Parlement, le 2 avril 1789, un mois ayant l'ouverture des Etats généraux, rendit un arrêt qui prononçait la séparation des deux époux, et ruinait Kornmann en l'obligeant à restituer une dot de 364.000 livres. Bergasse s'écria que cet arrêt « blessait le ciel et déshonorait la terre », et se posa personnellement en victime de tout ce qu'il y avait en France de personnages élevés en nom et en crédit. L'opinion publique lui donna raison. Elle attendait beaucoup d'un orateur, d'un écrivain d'un politique qui se peignait (Lettre sur les États généraux), comme l'homme à qui la nation devrait la liberté, le retour de la justice et des lois, etc. Sa célébrité était si grande, que des libellistes sans scrupules l'exploitèrent et signèrent du nom de Bergasse de grossiers pamphlets qu'il lui fallut désavouer.

Elu le 5 mars 1789 député du tiers aux Etats généraux par la sénéchaussée de Lyon, il parut d'abord devoir prendre une part active aux travaux législatifs, soutint l'opinion de Sieyès sur la dénomination à adopter pour les communes, présenta avec Le Chapelier un projet d'adresse au roi, fit, au nom du comité de Constitution, un rapport intéressant sur l'organisation du pouvoir judiciaire et publia son opinion sur « la manière dont il convient de limiter le pouvoir exécutif dans une monarchie. » Mais il ne tarda pas à trouver trop rapide le mouvement dans lequel il était entré avec la secrète intention de le diriger ou de le maîtriser. Partisan d'un « corps législatif divisé en deux Chambres », il donna, avec Mounier et Lally-Tollendal, sa démission de membre du comité de constitution quand celui-ci eut fait décréter par la Constituante que le Corps législatif serait constitué en une assemblée unique. Bergasse était, d'ailleurs pour le droit de veto, pour la noblesse héréditaire, etc. Après les événements des 5 et 6 octobre, il ne reparut plus parmi ses collègues, et fit connaître dans plusieurs écrits, son intention de refuser le serment à la Constitution.

Retiré de l'Assemblée, il continua d'écrire. Chaque grande question à l'ordre du jour : création du papier monnaie, établissement d'une banque nationale, était de sa part l'objet d'une brochure où il l'examinait par le menu. La Constitution de 1791 ayant été traitée par lui de « grande absurdité », Louis XVI s'adressa à l'auteur pour lui demander de recueillir ses idées en un corps d'ouvrage où il exposerait le plan de gouvernement qu'il croirait le plus convenable dans ces temps de crise. Bergasse s'était alors rapproché de la cour, au point d'encourir la suspicion et même la réprobation des révolutionnaires. Il dut quitter Paris, et après avoir tenté de passer en Espagne, il resta caché à Tarbes jusqu'en 1794. Arrêté alors, il fut, comme suspect, jugé et condamné à la détention jusqu'à la paix. Ce fut pendant sa captivité qu'il écrivit à la Convention pour lui demander la mise en accusation de Vadier ; Vadier fut exécuté.

Devenu libre sous le Directoire, il garda le silence pendant le Consulat et l'Empire, se retira près de Lyon, chez son frère, et ne publia, dans cette période, qu'un volume de Discours et fragments.

La Restauration remit le nom de Bergasse en honneur. Auteur (1814) d'une petite brochure de Réflexions sur l'acte constitutionnel du Sénat, il eut de fréquentes entrevues chez madame de Krudner avec l'empereur Alexandre, dont il resta le correspondant, influa, dit-on, sur l'entrée au ministère du duc de Richelieu, de Dubouchage et du marquis de Vaublanc, mais sollicita vainement la grâce du maréchal Ney. Il était alors comme l'avocat consultant du gouvernement royal, et se mêlait activement de politique. Chateaubriand lui écrivait, le 5 août 1818 : « Venez à notre secours, nous avons besoin de vos talents et de votre courage; vous devez aux hommes compte du génie que le ciel vous a donné. » Très dévoué aux Bourbons, il se trouva parfois en grave dissentiment avec leurs ministres, et fut même (1821) traduit par eux en cour d'assises pour un Essai sur la propriété relatif à la restitution des biens des émigrés. Défendu par Berryer, il fut acquitté le 28 avril.

Dans les dernières années de la Restauration il cessa ses publications politiques pour n'avoir pas à blâmer certaines mesures gouvernementales. Il était octogénaire, quand arriva la révolution de 1830. Elle raya son nom de la liste des pensions où il figurait pour une somme de 6.000 francs. Une de ses lettres annotée par Madrolle, son ami, porte ce jugement : « Grand niais de la Constituante qui a eu besoin de trente ans d'expérience pour ouvrir les yeux et n'être plus avocat. »