Emmanuel, Louis, Alexis Brousse
1866 - 1926
Né le 23 août 1866 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 17 novembre 1926 à Paris (7e).
Député des Pyrénées-Orientales de 1906 à 1924. Sous-secrétaire d'Etat aux Finances de janvier 1920 à janvier 1921.
Fils de l'imprimeur-gérant de la société éditrice de L'Indépendant des Pyrénées-Orientales, Emmanuel Brousse y débuta tout jeune comme typographe. Il devait succéder plus tard à son père, après avoir fait ses premières armes de rédacteur politique.
Particulièrement attaché au Rousillon, il s'intéressa de bonne heure au développement du tourisme dans une région accidentée où les communications étaient relativement difficiles à établir. Il accomplit de nombreux voyages en diligence - c'était alors le seul moyen d'atteindre des localités comme Mont-Louis ou Bourg-Madame - pour étudier la configuration du terrain, et envisager la possibilité de le doter d'une ligne de chemin de fer. En toutes saisons, il explorait villages et hameaux de montagne qui inspiraient ses nombreux articles touristiques. En 1896, il publiait à ce sujet un ouvrage remarquable de documentation historique et géographique : La Cerdagne française, Pyrénées inconnues.
Plus tard, aidé par l'inspceteur général des Ponts et Chaussées Lax, il devint l'animateur du projet de chemin de fer de Mont-Louis, dont la mise en œuvre fut votée le 21 février 1903. Il publiait un peu plus tard d'autres ouvrages consacrés à la géographie et à l'ethnologie du pays, parmi lesquels L'enclave espagnole de Llivia (1898); Excursions dans les hautes vallées de la Tet, de l'Aude et du Sègre (1897) et le texte d'une conférence sur l'ethnographie des Pyrénées orientales, prononcée en 1899 à l'occasion du congrès du club alpin dont il était membre.
Il débuta dans la vie politique en se faisant élire conseiller municipal de Perpignan, puis conseiller d'arrondissement et, en 1895, conseiller général pour le canton de Saillagouse.
Il était administrateur des hospices de Perpignan, lorsqu'il se présenta avec succès dans l'arrondissement de Prades aux élections générales législatives du 6 mai 1906. Il battit dès le premier tour de scrutin, par 5.168 voix contre 4.588, le député sortant Frédéric Escanyé, qui représentait la circonscription depuis 1876. Dans sa profession de foi, il se prononçait en faveur d'une politique « modérée, tolérante, ferme sur le plan extérieur, mais dénuée d'ingérence confessionnelle sur le plan intérieur ». Il réclamait d'autre part des réformes financières, électorales, administratives, judiciaires et sociales.
Inscrit au groupe de la gauche démocratique, il entra aux Commissions des comptes définitifs et des économies, du budget, de la locomotion aérienne et aux Commissions d'enquête sur la marine et la crise viticole. Il fut également membre d'une Commission spéciale pour l'aménagement du lac d'Allos, et du comité supérieur de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse.
Son activité parlementaire fut des plus intenses et ses principales préoccupations allèrent aussi bien aux problèmes viticoles du Midi de la France qu'aux questions sociales et au développement des chemins de fer. Sans négliger les intérêts de son département, en faveur duquel il s'attacha à faire obtenir des crédits extraordinaires, à la suite de certaines calamités atmosphériques, il déposa plusieurs proposions de loi concernant notamment : l'assimilation des préposés communaux des Eaux et Forêts aux préposés mixtes des Eaux et Forêts (1907), l'exonération et le dégrèvement de l'impôt en faveur des populations des régions viticoles (1907), le sucrage et les fraudes sur les vins (1909). Parallèlement, il intervenait dans les discussions budgétaires et fiscales et présentait à ce sujet de nombreux rapports. Il prit part également aux débats sur les maladies contagieuses du bétail, sur l'organisation des services de la compagnie des chemins de fer du Midi et sur le tarif général des douanes. Il posait en même temps au Gouvernement un certain nombre de questions écrites, portant notamment sur le paiement et le traitement du Viguier de France en Andorre et sur l'organisation des battues contre les sangliers.
En 1907, à la suite de l'agitation des viticulteurs du Midi et de la répression ordonnée par le Ministère Clemenceau, il fit voter à la Chambre la loi contre les fraudes et interpella le Gouvernement sur les arrestations opérées à la suite de ce soulèvement. En 1908, il demanda la déclaration de l'urgence pour une proposition de loi portant amnistie et en 1909 développa une interpellation concernant l'indemnisation des français victimes des événements de Barcelone et de Catalogne.
Devenu vice-président de la société « L'imprimerie », secrétaire général de la ligue républicaine nationale, délégué du Touring Club de France, nommé membre du comité central de la société de retraités « et prévoyants de l'avenir » et président d'honneur de l'association polytechnique des Pyrénées-Orientales, il fut réélu au premier tour de scrutin député au renouvellement du 24 avril 1910, par 5.779 voix contre 4.413 à Etienne Battle, qui devait cependant figurer sur la même liste que lui aux élections de 1919. Résolument modéré, il s'affirmait alors partisan de la liberté de conscience, de la liberté d'enseignement et du rétablissement du scrutin de liste avec représentation proportionnelle. Il s'élevait violemment d'autre part contre les « excés de la politique précédente ».
Secrétaire de la Commission du budget, rapporteur de la Commission des comptes définitifs et des économies, il fit partie des Commissions des mines, de la marine, des boissons et du règlement. Son activité parlementaire ne se démentit pas pendant cette législature et il déposa des propositions de loi sur les douanes, sur les retraites et sur l'organisation judiciaire (1912). En qualité de rapporteur, il intervint dans les débats concernant : la participation de la France à l'exposition universelle de Gand (1913), les travaux nécessaires à l'achèvement de l'imprimerie nationale (1912) et la participation de la France à l'exposition internationale de l'industrie du livre et des arts graphiques de Leipzig (1914).
En 1910, il avait déposé une motion tendant à l'ajournement du débat sur la réintégration des cheminots révoqués. En 1912, il demandait à interpeller sur les mesures que comptait prendre le Gouvernement pour concilier les intérêts « des viticulteurs de nos possessions d'Afrique du Nord avec ceux de la viticulture métropolitaine ». Il avait précédemment pris part aux discussions sur les propositions de loi ayant pour objet de garantir les appellations d'origine des vins de Champagne. A la même date, il participa à la discussion d'un projet de loi tendant à réduire à dix heures la durée du travail dans les établissements industriels. L'année suivante, il demandait à interpeller sur « l'exode à l'étranger des trésors d'art de la France ». Il participa enfin à de nombreux débats sur la durée du service militaire, sur les chemins de fer et sur les délimitations régionales.
Réélu pratiquement sans concurrent au renouvellement législatif du 26 avril 1914, par 6.462 voix sur 8.419 votants sur un programme qui mettait l'accent sur le développement industriel, agricole et touristique de son département, membre de la Commission des crédits, il fut au cours de cette nouvelle législature rapporteur du budget des transports maritimes et de la marine marchande et intervint régulièrement dans les débats financiers.
Il joua un rôle important pendant la guerre de 1914-1918, en mettant tout en œuvre pour obtenir des Commissions parlementaires une aide efficace pour la défense nationale. Il déposa en outre, des propositions de loi concernant notamment : l'organisation judiciaire (1915), les allocations aux familles des mobilisés (1915), la vente des revolvers (1916), la Légion d'honneur (1916), les incompatibilités parlementaires (1918), les astreintes légales visant les spéculations des propriétaires et des locataires (1919) et tendant : à instituer le monopole de l'alcool d'industrie en faveur de l'Etat et à réglementer la consommation des boissons alcoolisées (1915), à donner une plaquette d'art commémorative aux familles des officiers, sous-officiers et soldats morts pour la patrie, mais n'ayant pas obtenu la croix de guerre (1915) et à décider de la nonrééligibilité des députés sortants (1917).
Il prit part également à de nombreuses discussions concernant notamment : les crédits, les contributions, le budget, la marine marchande, l'énergie hydraulique et les donations consenties à l'Etat par Auguste Rodin. En 1917 il développa une interpellation sur les mesures prises pour assurer la liberté de la navigation sur les côtes d'Espagne et en 1918 interpella le Gouvernement sur l'organisation des consortiums. Il intervint fréquemment d'autre part dans les discussions militaires, avant d'être nommé à la fin de la guerre membre du Comité de surveillance et de contrôle de la liquidation des stocks.
En 1914, il avait mené une campagne de presse virulente, dans son journal, contre le Ministre Jean-Louis Malvy, dont il critiquait l'attitude, au moment où le Gouvernement était réfugié à Bordeaux.
Aux élections générales du 16 novembre 1919, qui eurent lieu au scrutin de liste, il fut réélu député des Pyrénées Orientales, à la majorité absolue, premier de la liste d'Union républicaine nationale, qui obtint trois sièges sur quatre.
Membre de la Commission des crédits, vice-président des Commissions de la marine et des finances, son activité passée le désigna pour des fonctions ministérielles et il fut nommé le 20 janvier 1920, sous-secrétaire d'Etat aux finances dans le premier Cabinet formé par Alexandre Millerand, portefeuille qu'il conserva dans le deuxième Cabinet Millerand du 18 février 1920, et dans le Cabinet Georges Leygues du 24 septembre 1920 où il fut plus particulièrement chargé de la liquidation des stocks.
En cette qualité, il prit part aux débats concernant : l'impôt général sur le revenu, les contributions extraordinaires sur les dommages de guerre, les nouvelles ressources fiscales et les budgets des différents Ministères.
Revenu à son banc de député après la démission du Cabinet Leygues, le 12 janvier 1921, il déposa de nouvelles propositions de loi : sur la participation des employés aux bénéfices, sur la vente des marchandises de luxe (1924), tendant à accorder au Ministère de l'hygiène un contingent exceptionnel de croix d'officiers et de chevaliers de la Légion d'honneur pour récompenser les services rendus pendant la guerre par les médecins de campagne (1921) et à favoriser la production des vins doux naturels (1923).
Il intervint fréquemment dans les débats relatifs au budget, â l'établissement de nouvelles lignes de chemin de fer d'intérêt local, aux contrats passés à ce sujet entre les compagnies et le Ministère des travaux publics, aux retraites des cheminots et aux travaux publics dans le domaine ferroviaire. En 1919, il avait demandé à interpeller le Gouvernement sur les aggravations de la crise des transports.
En 1921, il déposa également une demande d'interpellation sur « les dangers que fait courir à la France et aux Français établis au Maroc la campagne du parti militaire germanophile espagnol » et par la suite de nombreux amendements concernant notamment : les équipages de la flotte, les travaux de défense contre les eaux, la gendarmerie mobile, l'entretien des routes militaires, les arsenaux de Toulouse et Tarbes.
En 1922, il demandait de nouveau à interpeller le Gouvernement sur les négociations franco-espagnoles et sur les mesurer à prendre pour « sauvegarder du désastre les grands vins de France » et pour « mettre un terme aux fraudes et aux campagnes entreprises contre la viticulture », et en 1923, sur les mesures à prendre contre « les perturbateurs de l'ordre public, et sur la hausse constante du prix de la vie ».
Il avait également pris part à la discussion d'un projet de loi relatif à la célébration du troisième centenaire de la naissance de Molière et en 1923 avait suggéré au Président de la Chambre de s'abstenir de donner lecture du libellé des chapitres budgétaires afin de gagner du temps.
Les électeurs des Pyrénées-Orientales ne lui restèrent pas fidèles aux élections générales du 11 mai 1924, et il dut quitter la vie politique à la suite du triomphe dans son département de la liste du cartel des gauches conduite par l'ancien Ministre Victor Dalbiez. Il mourut deux ans plus tard à Paris à 60 ans.
En souvenir de son dévouement désintéressé et illimité au Roussillon, sa famille et ses amis lui élevèrent, à l'entrée de Mont-Louis, au carrefour des routes de Capcir, de Cerdagne et de Conflent, un monument, où figure cette inscription : « Au bienfaiteur de la Cerdagne, au défenseur de la viticulture, à l'apôtre des économies, au Ministre mort pauvre ».