Dominique, Joseph Garat Cadet
1749 - 1833
Député en 1789, au Conseil des Anciens, ministre, sénateur, représentant aux Cent-Jours, né à Bayonne (Généralité d'Auch, France) le 8 septembre 1749, mort à Ustaritz (Basses-Pyrénées) le 9 décembre 1833, frère de Dominique Garat (1735-1799) - député en 1789 -, Dominique-Joseph, comte de Garat fut d'abord élevé par un de ses oncles, curé aux environs de Bayonne, et termina ses études au collège de Guyenne, à Bordeaux.
Reçu avocat, il vint à Paris, se lia avec les philosophes, publia, de 1778 à 1784, des Eloges de l'Hôpital, de Suger, de Montausier, de Fontenelle, dont plusieurs furent couronnés par l'Académie, collabora au Mercure français et au Journal de Paris, et fut nommé professeur d'histoire à l'Athénée (1785).
Le 22 avril 1789, il fut élu député du tiers aux états généraux par le bailliage de Labour (Ustaritz). La faiblesse de sa voix ne lui permit pas d'aborder souvent la tribune ; son caractère accommodant l'éloignait d'ailleurs des débats irritants ; il fut le seul à soutenir l'amnistie demandée par Necker pour M. de Bezenval (juillet 1789) ; s'efforça de démontrer (octobre) que jamais le clergé n'avait eu la libre et entière propriété de ses biens, et combattit (décembre) le cens de l'éligibilité que le comité de constitution proposait de porter à un marc d'argent (55 francs environ).
Il s'occupa surtout d'analyser les séances dans le Journal de Paris, dont il céda plus tard la rédaction à Condorcet, lorsqu'il fut appelé, le 9 octobre 1792, à succéder à Danton au ministère de la Justice.
Son discours atténuant sur le massacre des prisons, dans lequel il parlait « de la nécessité des choses», lui valut le surnom de Garat-Septembre.
Lors du procès de Louis XVI, il fut désigné pour aller notifier au roi sa condamnation, et pour en surveiller l'exécution.
Le 19 mars 1793, il passa du ministère de la Justice à celui de l'Intérieur ; en cette qualité, quoique lié avec les Girondins, il fit un rapport à la convention sur la situation de Paris (27 mai), blâma l'arrestation d'Hébert ordonnée par la commission des Douze, assura qu'il ne connaissait pas les feuilles du Père Duchesne, et se défendit « d'être l'apologiste de ceux qui inspirent au peuple la soif du sang » ; il termina en déclarant à la Convention qu'elle n'avait aucun danger à courir. Quatre jours après, les sections armées envahissaient l'Assemblée, et vingt-deux Girondins étaient arrêtés.
Garat quitta le ministère de l'Intérieur le 19 août suivant. On l'accusa alors de dilapidation ; il fut arrêté au commencement d'octobre, mais les démarches de ses amis le firent remettre en liberté peu de jours après. Il entra au comité d'instruction publique, et fut nommé professeur d'idéologie à l'Ecole normale, où il fit une brillante analyse de l'entendement.
Après le coup d'Etat de fructidor, il arriva quatrième lors de l'élection, au Conseil des Cinq-Cents, de deux membres du Directoire, avec 208 voix, après François de Neufchâteau 224, Merlin 214, et Masséna 210.
Membre de l'Institut à sa réorganisation, dans la section des sciences morales et politiques, il accepta (an V) l'ambassade de Naples ; mais reçu avec dédain à cette cour, il demanda bientôt son rappel.
De retour à Paris, il fut élu, le 27 germinal an VI, député de Seine-et-Oise au Conseil des Anciens, en devint secrétaire (thermidor) et président (nivôse an VII), voua les auteurs de l'attentat de Rastadt contre les plénipotentiaires français à la vengeance de tous les peuples, et prononça l'oraison funèbre des victimes ; avant l'insurrection de prairial, il demanda la répression du pillage de la fortune publique, et vota la loi des otages.
Il n'attendit pas le succès du coup d'Etat de brumaire, pour être converti au régime nouveau ; membre de la commission intermédiaire des Anciens (19 brumaire an VIII), il fut chargé de prononcer {23 frimaire) l'apologie officiel du coup d'Etat.
Il fut appelé des premiers (3 nivôse an VIII) au Sénat conservateur, et en faisant, le 1er vendémiaire an IX, l'éloge funèbre de Kléber et de Desaix, au pied du monument élevé en leur honneur, sur la place des Victoires, il s'exprima ainsi :
« Celui qui fut si souvent dans les batailles votre modèle et votre chef, vous le servirez encore du fond de ces tombeaux qu'il vous érige ; vous lui rendrez plus facile l'exécution de ses grands desseins pour remplir ce que la France et le genre humain attendent de lui. »
« Quel enfileur de mots, disait Bonaparte à Bourrienne, en revenant aux Tuileries. J'ai été obligé de l'écouter pendant trois heures ! »
Membre de la Légion d'honneur (9 vendémiaire an XII), commandeur de l'ordre seize jours après, membre de la section de langue et littérature françaises (Académie française) de l'Institut réorganisé (1803), Garat, qui ne manquait aucune occasion d'exprimer la plus éloquente admiration pour l'empereur, fut créé comte de l'empire (6 juin 1808).
Il n'en vota pas moins (avril 1814) avec empressement la déchéance de celui qu'il avait appelé « le législateur du monde social », et prétendit même qu'en 1804 il avait voté contre l'élévation de Bonaparte à l'empire ; le scrutin ayant été secret, on ne put le démentir. Au même moment, il dédia à l'empereur Alexandre un panégyrique du général Moreau : « Le Béarn et les Basques, y disait-il, auront peine à appeler ennemi, même étranger, ce Wellington qui, tandis qu'Alexandre s'avançait du Nord, s'appliquait, avec la même générosité, à consoler les campagnes et les populations désolées, et versait le sang anglais pour mettre en sûreté le sang français hors des batailles. »
Il fit partie de la commission sénatoriale chargée de préparer l'acte constitutionnel, mais ne fut point appelé par Louis XVIII à la Chambre des pairs.
Bien qu'il eût accueilli avec de nouvelles protestations de dévouement le retour de l'île d'Elbe, Napoléon le tint à l'écart.
Elu, le 16 mai 1815, représentant de l'arrondissement de Tarbes à la Chambre des Cent-Jours, par 41 voix sur 56 votants, il ne rompit le silence qu'après Waterloo, pour faire une déclaration éloquente, mais vide, à laquelle Manuel répondit en disant qu'il s'agissait pour le moment de faire de la politique pratique.
La seconde Restauration exclut Garat de l'Institut réorganisé ; il se retira alors dans son pays natal, où il revint à des sentiments catholiques et aux pratiques religieuses.
Rappelé à l'Académie des sciences morales et politiques (26 octobre 1832), il mourut l'année suivante, âgé de quatre-vingts ans.
On a de lui nombre d'écrits politiques, d'éloges funèbres, de notices académiques, et des Mémoires sur la vie de M. Suard (1820) ; Considérations sur la Révolution française (1792), etc.