Jacques Defermon des Chapelières
1752 - 1831
Député à l'Assemblée constituante de 1789, membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, membre du Tribunat, représentant à la Chambre des Cent-Jours, né à Maumusson (Généralité de Bretagne sud, France), le 15 novembre 1752, mort à Paris (Seine), le 15 juillet 1831, il était fils de « noble homme maître Jacques de Fermon, sieur de la Chapelière, avocat au parlement, et de dame Marie Lambert, son épouse. »
Il fut d'abord avocat ; puis il succéda à son beau-père Duboys, comme procureur au parlement de Rennes. Il prit part, avec Lanjuinais, Le Chapelier et autres au mouvement réformiste qui précéda la Révolution, fut secrétaire de l'Assemblée des Etats de Bretagne, et se déclara pour les idées nouvelles. Le 18 avril 1789, Defermon fut élu député du tiers aux états généraux par la sénéchaussée de Rennes.
Il siégea dans la majorité de la Constituante, et présenta dès le mois d'août divers amendements à la déclaration des droits. Le 17 novembre, il soutint, contre Target et contre le comité de constitution, le système des élections par districts, sauf à les réunir ensuite au chef-lieu du département. Sa motion, après une longue discussion, fut rejetée. Il fut plus heureux, le 25, au sujet des assemblées administratives départementales, que le comité voulait subordonnées au roi, comme instituées dans l'ordre du pouvoir exécutif : il obtint l'ajournement et une nouvelle étude. Ce succès le fit revenir sur la brèche. Le 25 novembre, comme le comité de constitution proposait la nomination des officiers municipaux au scrutin de liste simple, il réclama au contraire le scrutin personnel : mais sur une observation du duc de la Rochefoucauld, on vota le scrutin de liste double. Le 12 décembre, Defermon fit adopter un règlement concernant les finances de la Bretagne, règlement qui avait été concerté entre tous les députés de la province : ses collègues l'avaient délégué pour porter la parole. Il concentrait spécialement son attention sur les questions de finances et d'impôts. Après avoir demandé sans succès, le 26 décembre 1789, la création d'un comité spécial de douze membres pour étudier la question du nouveau régime de l'établissement des impositions, il obtint, le 4 janvier 1790, la révision des pensions militaires, en faisant observer qu'il « faut la contribution de 80 villages pour solder une pension de 80 000 livres. » Le 11 janvier, il fit un intéressant discours sur l'affaire du parlement de Bretagne, et le 21, il fut nommé membre du comité des impositions.
Il est difficile de suivre Defermon dans tous ses votes et dans toutes ses motions, dont la seule énonciation occupe plusieurs colonnes des Tables du Moniteur. Pour ne parler que des principales séances dans lesquelles il se fit entendre, il dénonça (3 février 1790) la conduite des magistrats de la Chambre des vacations du parlement de Rennes, qui refusaient de rendre la justice, et, sur son rapport, un tribunal Provisoire, intitulé Cour supérieure en Bretagne, fut institué pour prendre sa place jusqu'à la réorganisation administrative de la justice. Defermon réclama l'abolition des corvées et des tribunaux d'exception, et, membre du comité ecclésiastique depuis le 7 février, se montra partisan de la Constitution civile du clergé. En avril 1790, il fit ajourner le projet de décret sur les classes, présenté par le comité de marine, jusqu'à ce que ce comité eût déposé son rapport sur les principes constitutionnels du régime nouveau de la marine militaire. Le 8 mai, il fut élu secrétaire de l'Assemblée, et peu après il s'opposa à l'établissement du jury en matière civile, dans la crainte qu'il n'y eût pas assez d'instruction chez tous ceux qui seraient appelés à en faire partie. En juin, il fit adopter un important décret pour assurer la comptabilité et le service des finances dans les cinq départements de l'ancienne Bretagne, et obtint la substitution d'une cour provisoire à l'ancien parlement de Bourgogne. En juillet, un amendement dont il était l'auteur, fut introduit dans le décret sur les juges de paix ; puis il demanda qu'on joignît à Camille Desmoulins et à Marat, dénoncés comme « écrivains incendiaires », les auteurs des Actes des Apôtres et de la Gazette de Paris. Nombreux furent les décrets dont il obtint l'adoption pendant les derniers mois de 1790 sur les finances, et pendant les premiers mois de 1791 sur la marine. Sur sa proposition, l'Assemblée vota l'impression du Voyage de Lapérouse, l'armement de deux gabarres pour aller à la recherche du célèbre navigateur et l'impression des Tables horaires de Lalande.
Après l'arrestation de Louis XVI à Varennes, Defermon devint (19 juillet) président de l'Assemblée nationale, et continua jusqu'à la fin de la session de prendre une part des plus actives aux délibérations.
De retour à Rennes, après la séparation de la Constituante, il fut élu par ses concitoyens président du tribunal criminel, et, le 5 septembre 1792, député d'Ille-et-Vilaine à la Convention, « à la pluralité des voix, » le 2e sur 9. Son rôle parlementaire n'y fut pas moins important. Dès le début, il prit place parmi les modérés, présenta plusieurs motions sur des questions administratives, fut nommé secrétaire le 5 novembre 1792, et, le 13 décembre, président de la Convention.
Lors du procès du roi, très opposé personnellement à une condamnation capitale, Defermon, après avoir répondu affirmativement à la question de l'appel au peuple, exprima ainsi son opinion au 3e appel nominal, dans la séance du 16 janvier 1793 :
« Si j'étais obligé de donner mon suffrage comme juge, je répondrais : Ouvrez le Code pénal, il prononce la mort. Mais comme homme, je ne pense pas qu'un homme ait le droit d'ôter la vie à son semblable. Comme législateur, je ne voterai jamais la peine de mort ; en conséquence, je vote pour la réclusion jusqu'à la paix, et le bannissement ensuite. »
Defermon lutta dès lors opiniâtrement contre la Montagne. Envoyé en mission à Brest avec Rochegude et Prieur (de la Côte-d'Or) pour organiser la défense du littoral et l'armement des batteries de la rade, il y resta deux mois, investi des pouvoirs les plus étendus ; puis il revint à Paris avec ses deux collègues. Le matin du 31 mai, Defermon présidait la séance de la Convention, mais il céda le fauteuil à Mallarmé avant l'invasion de la salle. Sa conduite, analogue à celle de son ami Lanjuinais, fut favorable au parti des Girondins. Il proposa d'appeler les autorités de Paris près de la Convention menacée, s'opposa vivement au décret qui cassait la commission des Douze, et signa la célèbre protestation du 2 juin. Mais bientôt, ayant demandé la mise en liberté des députés arrêtés le 31 mai, il fut accusé par Levasseur d'avoir correspondu avec les fédéralistes réfugiés dans le Calvados, et, pour ne pas être arrêté lui-même, il dut prendre la fuite. Déclaré « traître à la patrie », rayé de la liste des membres de la Convention et mis hors la loi, il réussit à gagner la Bretagne et trouva un refuge dans une maison de Campénéac, entre Ploërmel et Redon ; il s'y tint caché pendant dix-huit mois.
Après le 9 thermidor, Defermon fut rendu à la liberté et reprit sa place dans l'Assemblée, le 18 ventôse an III. Il entra, en floréal, au comité de salut public et y resta jusqu'au 15 fructidor. Il avait embrassé le parti de la contre-révolution et son attitude fut celle d'un fougueux thermidorien. Il poussa à la répression de l'insurrection de prairial, dénonça et fit décréter d'arrestation le représentant Esnue-Lavallée, et d'accusation le général Rossignol. A cette occasion (22 thermidor an III), il attribua la guerre de Vendée « aux cruautés des proconsuls qui ont épouvanté les habitants simples des campagnes, et les ont poussés au désespoir, » fit nommer Redon de Beaupréau commissaire de la marine et des colonies, demanda d'étudier les moyens de retirer les assignats de la circulation, fit arrêter le représentant Lefiot, etc., prit encore la parole sur les troubles de Saint-Domingue, et proposa que Pache et Bouchotte fussent exceptés de la loi d'amnistie.
Réélu, le 22 vendémiaire an IV, député d'Ille-et-Vilaine au Conseil des Cinq-Cents, à la pluralité des voix sur 321 votants, il y siégea jusqu'en prairial an V, travaillant activement dans les comités et s'occupant plus particulièrement des questions de finance (V. les Tables du Moniteur). Secrétaire, puis président de la nouvelle Assemblée comme il l'avait été des précédentes, il y exerça une influence considérable et fit adopter un grand nombre de projets de loi dus à son initiative. À sa sortie du Conseil, Defermon fut nommé, avec son collègue Obelin de Kergal, commissaire de la Trésorerie nationale.
Il combattit le gouvernement du Directoire, favorisa de tout son pouvoir le coup d'Etat de brumaire, et devint, le 4 nivôse an VIII, membre du Tribunat. Dès le lendemain, Bonaparte l'appela au Conseil d'Etat, où il présida, pendant toute la durée du Consulat et de l'Empire, la section des finances.
D'année en année il gagna de nouvelles distinctions honorifiques, et fut nommé, 9 ventôse an XII, chevalier de la Légion d'honneur ; 19 prairial, directeur général de la liquidation de la dette publique ; 25 prairial an XII, Grand Officier de la Légion d'honneur ; en 1805, intendant général ; en 1808, ministre d'Etat et directeur des finances ; le 23 mars de la même année, comte de l'Empire, etc. On reprocha à Defermon, dans l'exercice de ses fonctions administratives, une trop grande rigueur envers les contribuables.
Pendant la première Restauration, Defermon vécut à l'écart des affaires; il reprit ses titres lors des Cent-Jours, fit acte d'opposition aux Bourbons, et, élu, le 12 mai 1815, député d'Ille-et-Vilaine à la Chambre des représentants, déclara un des premiers, après l'abdication de l'empereur qu'il reconnaissait pour son successeur Napoléon II ; il fit tous ses efforts pour le soutenir. Aussi fut-il banni par l'ordonnance de 1816.
Exilé un temps à Bruxelles, il rentra en France mais n'occupa plus aucune fonction publique et mourut à Paris, en 1831, étranger à la politique.
Date de mise à jour : octobre 2019