Pierre, Samuel Dupont de Nemours
1739 - 1817
Député en 1789 et au Conseil des Anciens, né à Paris (Généralité de Paris) le 14 septembre 1739, mort à Eleutherian-Mills (Etats-Unis) le 6 août 1817, il fit de brillantes études et soutint à douze ans, avec beaucoup d'éclat, une thèse publique. Il s'adonna à l'étude de l'économie politique, adopta les théories de Quesnay, et publia, à Londres, en 1763, des Réflexions sur l'écrit intitulé: Richesse de l'Etat.
Il fut aussitôt admis, sur la présentation de M. de Meillan, intendant de Soissons, dans la Société des économistes, à côté de Turgot, Malesherbes, Gournay, d'Argenson, etc., et il publia la Physiocratie, analyse de la Formule arithmétique et des Tablettes économiques de Quesnay. La Physiocratie eut un grand retentissement. Elle vulgarisa les idées des économistes à ce point qu'ils furent le plus généralement connus dès lors sous le nom de « physiocrates ». Dupont (de Nemours) poursuivit sa propagande économique à l'aide de Mémoires insérés dans le Journal de l'Agriculture, dans celui du Commerce et des Finances, et dans les Ephémérides du citoyen. Evincé en 1766 de la rédaction en chef du Journal de l'Agriculture, il prit, deux ans plus tard, la direction des Ephémérides du citoyen, recueil fondé par l'abbé Baudeau et qui ne compte pas moins de 63 volumes. Le ministre Choiseul, désireux de se l'attacher, lui fit des offres brillantes, à la condition de renoncer au patronage de Quesnay. Dupont rejeta les propositions de M. de Choiseul. Le roi de Suède, Gustave III, désira le connaître et le décora ; le margrave de Bade le choisit comme conseiller aulique de légation. Le roi de Pologne, Stanislas Poniatowski, le nomma secrétaire de son conseil de l'instruction publique, et gouverneur de son neveu, le prince Adam Czartoryski. Lorsque Turgot fut appelé par Louis XVI aux fonctions de contrôleur général des finances, Dupont quitta alors la Pologne pour venir collaborer aux travaux de son illustre ami.
Il suivit Turgot dans sa disgrâce, et, sur un ordre verbal de M. de Maurepas, s'exila à Chevannes, terre qu'il possédait dans le Gâtinais. Il s'y adonna à l'agriculture et aux lettres. Il introduisit dans cette province, et par la même en France, la culture des prairies artificielles, composa des Mémoires sur la vie de Turgot, et traduisit l'Arioste en vers français. M. de Vergennes le rappela et lui confia la mission de préparer, avec l'agent anglais Button, les bases de la reconnaissance des Etats-Unis et aussi les clauses du traité de commerce à intervenir entre la France et la Grande-Bretagne. M. de Calonne le fit entrer au Conseil d'Etat, et le nomma commissaire général du commerce. Il fit partie de l'Assemblée des Notables, et fut un des deux secrétaires choisis par cette Assemblée.
Le 16 mars 1789, il fut élu député du tiers aux états généraux par le bailliage de Nemours. Il s'occupa activement de la réunion des trois ordres et rendit compte, dans les séances des 6 et 8 juin, des conférences entamées à ce sujet. Nommé membre du comité des subsistances, il fit, dans la séance du 4 juillet, le rapport sur les moyens proposés pour abaisser le prix des grains et faciliter l'alimentation publique. Le 20 juillet, il proposa la délibération immédiate sur la motion de Lally-Tolendal tendant à adresser une proclamation au peuple, et à établir des milices dans les villes, motion qui fut ajournée sur l'avis de Robespierre. Les 4 et 5 août, il présenta une motion tendant « à rendre au pouvoir exécutif et aux tribunaux toute leur énergie ». Les 4 et 5 septembre, il vota pour les élections annuelles, la division de l'Assemblée en deux chambres, la révision par le peuple du veto du roi ; s'opposa (6 septembre) à la délibération sur les rapports d'hérédité entre la maison de France et celle d'Espagne; combattit, le 24, les propositions financières de Necker ; demanda (14 octobre) le renvoi devant le Châtelet de l'affaire Bezenval et de toutes celles du même genre, jusqu'à ce que la Constitution eût établi un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation ; émit (22 octobre) cette opinion que les propriétaires seuls devaient être électeurs, « ceux qui n'ont pas encore de propriété n'étant pas encore de la société » ; mais il n'étendit pas cette condition à l'éligibilité. Il soutint que les biens du clergé étaient la propriété de la nation ; exposa (4 novembre) le plan consistant à faire de Paris un département ; proposa, le 9, la suspension de la nomination aux évêchés et archevêchés et, le 13, la suppression des ordres religieux ; appuya, le 20 et jours suivants, le plan de Necker sur la Caisse d'escompte, et fut du nombre des commissaires élus pour examiner la situation de cette caisse ; fit décréter (6 février 1790) que « l'Assemblée s'occuperait sans retard de l’état constitutionnel à donner au clergé » ; combattit (13 février) la proposition tendant à déclarer nationale la religion catholique : « Ce serait, dit-il, offenser cette religion, personne ne doutant qu'elle ne soit la seule nationale; » exposa (12 février) son plan d'organisation des municipalités et son projet de décret pour la division du royaume ; déposa (13 mars) le rapport sur le remplacement de la gabelle, et fit adopter, dans les séances du 20 et suivantes, un décret fixant les voies et moyens pour assurer la vente et le prix du sel. Il fut le promoteur des décrets sur la marque des cuirs et des fers, sur la fabrication des amidons, des huiles, des savons, etc. Le 2 avril, il donna des explications rétrospectives sur un plan qu'il avait présenté en faveur de la Compagnie des Indes, accusa l'abbé Maury d'avoir soustrait les pièces relatives à son projet, et réclama comme sa propriété ces pièces dont « la publication avait compromis les intérêts de la patrie ». Le 7 avril, il fut nommé commissaire pour l'aliénation des biens domaniaux et ecclésiastiques, et commissaire de surveillance de la Caisse d'escompte. Le 15 avril, il prononça un grand discours contre l'émission des assignats.
Dans les séances suivantes, il combattit le privilège exclusif pour la vente du tabac et le projet sur le rachat des droits féodaux. Il fit ensuite autoriser la Caisse d'escompte à échanger pour 12 millions de billets de caisse. Le 3 juillet, il fut élu secrétaire de l'Assemblée. Le 16 juillet, l'Assemblée supprima, sur sa proposition, les pensions militaires existantes, et ordonna la création d'un système nouveau de pensions. Le 28, il fit décréter la fabrication des armes nécessaires à la défense des frontières.
Le 16 août 1790, il fut élu président de l'Assemblée ; fit ordonner (7 septembre) l'information contre les quidam, qui le 2 septembre ont porté des motions meurtrières sous les fenêtres de l'Assemblée ; après s'être déclaré, au cours d'une précédente séance, l'auteur d'une brochure contre les assignats, il vota (le 25) contre leur émission, et fut dès lors en butte à une impopularité qu'accrut encore sa fidélité à Louis XVI.
Il prit part, d'une manière suivie, à toutes les discussions financières de la Constituante. Le 7 août 1791, il défendit le Code rural ; le 8, tempérant par la sincérité de ses sentiments philanthropiques l'âpreté doctrinaire de la politique des économistes, il demanda l'addition, à la Déclaration des droits de l'homme, de cet article complémentaire : « Tous les membres de la société, s'ils sont indigents ou infirmes, ont droit aux secours gratuits de leurs concitoyens, » article qui, faisant double emploi avec le projet de la commission, ne fut pas soumis à la délibération. Le 9 août, il fit adopter l'article portant : « Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics pour élever les enfants abandonnés, soulager les pauvres infirmes, et procurer du travail aux pauvres valides. » Le 30 août, il demanda que l'Assemblée déclarât « qu'elle ne pouvait rien changer à la Constitution ».
Le 1er juillet 1792, Guillaume et Dupont, « ex-députés, » se présentèrent à la barre de l'Assemblée législative, porteurs d'une pétition contre les auteurs de la journée du 20 Juin ; ils traversèrent la salle au milieu des murmures d'improbation d'une partie de l'Assemblée et des tribunes. Dupont (de Nemours) avait acheté quelque temps auparavant une imprimerie où il publiait un journal intitulé les Nouvelles politiques nationales et étrangères, destiné à lutter pour les idées de modération ; il s'était signalé par une énergique opposition à la journée du 20 juin.
Au 10 août, il prit un fusil avec son fils aîné pour défendre le roi qu'il accompagna à l'Assemblée ; dans le trajet, Louis XVI lui adressa cette parole : « Monsieur Dupont, on vous trouve toujours où l'on a besoin de vous. » Poursuivi pour ces faits, il se cacha d'abord dans l'observatoire du collège Mazarin, puis se réfugia à la campagne, où il écrivit, sous forme de lettre à M. Lavoisier, la Philosophie de l'Univers, ouvrage empreint d'une rare sérénité d'esprit et d'une peu commune richesse de cœur, où il donna une loi unique à la morale : aimer.
Dénoncé dans sa retraite, puis arrêté, il fut écroué à la Force, et mis en liberté après le 9 thermidor.
Le 23 vendémiaire an IV, le département du Loiret l'envoya siéger au Conseil des Anciens avec 146 voix sur 259 votants. Il suivit dans cette Assemblée la même ligne politique qu'à la Constituante, et prit une part considérable à tous ses travaux, surtout en matière financière. Le 10 brumaire, il demanda sans succès l'ajournement de l'élection des membres du Directoire ; le 28, il combattit la faculté laissée au Directoire de compléter les élections. Le 19 frimaire, il fut nommé membre de l'Institut. Le 11 pluviôse, il réclama la censure contre le bureau pour avoir gardé pendant trois jours la lettre de Mazade, dans laquelle ce député rendait compte des insultes qui lui avaient été adressées à Toulouse par de prétendus républicains ; le 18 ventôse, il fit ajourner le projet de loi sur la contrainte par corps qu'il combattit énergiquement; il s'opposa également à l'établissement de la loterie. Le 15 germinal. il lut à l'Institut un mémoire sur les Fourmis. Le 9 messidor il se plaignit vivement aux Anciens du gaspillage des finances et accusa formellement le Directoire ; le 1er thermidor, il fut élu président du Conseil ; le 15 fructidor, il combattit les dispositions relatives aux transactions entre particuliers avant le cours du papier-monnaie.
Il faisait paraître à cette époque le journal l'Historien, très hostile au Directoire. Il faillit être déporté au 18 fructidor an V. Il fut même arrêté, et dut son salut à Marie-Joseph Chénier, qui le fit passer pour octogénaire, alors qu'il était âgé à peine de soixante ans. Son imprimerie, riche surtout en caractères orientaux, fut pillée, et lui-même fut en butte à toutes sortes de vexations.
Le 27 fructidor il donna sa démission de député, et le quartidi, 4e jour complémentaire de l'an VII (20 septembre 1799), il s'embarqua avec ses deux fils pour les Etats-Unis. Il reçut en Amérique le meilleur accueil, s'installa à Jersey près de New-York, et y enseigna la physique et l'histoire naturelle.
Il en revint en 1802, refusa les fonctions publiques que Napoléon lui offrit, et continua ses travaux scientifiques.
En 1814, il accepta la place de secrétaire du gouvernement provisoire.
Le 29 juin 1814, Louis XVIII le nomma conseiller d'Etat, chevalier de la Légion d'honneur, et intendant de la marine à Toulon (29 novembre).
Quand Napoléon revint de l'île d'Elbe, Dupont de Nemours s'embarqua de nouveau pour l'Amérique et rejoignit dans le Delaware ses deux fils qui dirigeaient une importante exploitation agricole.
Une chute qu'il fit dans une rivière, et les attaques de la goutte, dont il souffrait depuis longtemps, l'enlevèrent deux ans après.
Date de mise à jour: août 2018