Jean, Lambert Tallien
1767 - 1820
Membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, né à Paris (Généralité de Paris) le 23 janvier 1767, mort à Paris (Seine) le 16 novembre 1820, « fils de Lambert Tallien, maître d'hôtel du marquis de Bercy, et de Jeanne Lambert » il dut à la générosité du marquis de Bercy une instruction complète.
Clerc de notaire, puis de procureur, il obtint un emploi dans les bureaux des finances et du commerce, s'éprit des idées nouvelles, devint secrétaire du député Brostaret, et entra comme prote à l'imprimerie du Moniteur. Un numéro de janvier 1792 de ce journal contient le prospectus de l'Ami des citoyens, que Tallien se proposait de faire paraître, et donne quelques détails sur la part prise par ce dernier au mouvement de la Révolution. « L'auteur, y est-il dit, connu par son zèle civique, est le premier qui ait employé, à l'avantage de la Révolution, l'ancien système des fondations religieuses, en l'appliquant à l'instruction publique du peuple. Déjà fondateur d'une société fraternelle, d'un de ces prônes civiques, où, dans les jours consacrés au repos, il enseigne régulièrement aux citoyens peu instruits leurs droits et leurs devoirs, il a depuis ouvert aux peuples de nouveaux canaux d'instruction par l'établissement d'une affiche hebdomadaire, qui, publiée depuis cinq mois, a souvent contribué au maintien de la tranquillité publique ». Le journal, publié aux frais de la Société des Jacobins, eut peu de succès. En avril suivant, Tallien organisa « la fête de la Liberté » offerte aux soldats révoltés de Châteauvieux qui venaient de sortir du bagne, se présenta (8 juillet) à la barre de l'Assemblée législative, au nom de la section de la Place royale, pour réclamer la réintégration à la commune de Pétion et de Manuel, prit part à la journée du 10 août, et fut nommé secrétaire greffier de la commune de Paris. Le 30, il revint à la barre de l'Assemblée protester contre la révocation des membres de la commune du 10 août, vanta leur zèle révolutionnaire, et obtint leur maintien. Après les massacres de septembre, auxquels il participa, au moins en signant la plupart des ordres d'arrestation, et en rédigeant avec Marat la circulaire du 3 septembre, signée Danton, qui provoquait les départements à imiter « l'énergie » de la capitale, il vint encore à l'Assemblée pour justifier la commune de n'avoir pu empêcher les massacres, et vanta l'ordre qui avait régné dans les exécutions et le désintéressement du peuple : personnellement, il avait sauvé la vie à plusieurs personnes, et notamment à Debonnières, depuis député aux Cinq-Cents.
Elu, le 13 septembre 1792, membre de la Convention pour le département de Seine-et-Oise, le 9e sur 14, par 422 voix sur 681 votants, il repoussa la proposition de Manuel demandant que le président de l'Assemblée fût logé aux Tuileries, réclama à plusieurs reprises la mise en jugement du roi, s'opposa à ce qu'on lui permît de voir sa famille, et, ayant dit qu'au besoin la commune l'en empêcherait, fut frappé d'un décret de censure. Lors du jugement, il vota pour la mort, sans appel, et, « par humanité », sans sursis.
Nommé membre du comité de salut public le jour même de l'exécution (21 janvier 1793), il ne put s'opposer au vote de la proposition de Gensonné demandant des poursuites contre les auteurs des massacres de septembre, mais obtint à son tour des poursuites contre ceux qui avaient défendu le roi au 10 août ; le 26 février, il combattit le décret d'accusation contre Marat.
Envoyé en mission dans l'Indre-et-Loire en mars 1793, il fit relâcher bon nombre de prisonniers, prêcha au prône à la messe des prêtres constitutionnels, passa en Vendée à la fin d'avril, constata l'importance de cette guerre, demanda l'envoi de la garnison de Mayence, et, de retour à la Convention, fut un des instigateurs des journées des 31 mai et 2 juin contre les Girondins. Puis il dénonça une prétendue conspiration tendant à sauver Custine (21 août), prit la défense du général Rossignol (26 août), et souleva les murmures de l'Assemblée par ces paroles : « Et que m'importe à moi le pillage de quelques maisons ! » Le 23 septembre, il fut envoyé à Bordeaux, avec Ysabeau, pour y organiser le gouvernement révolutionnaire. Il s'y montra un des plus impitoyables agents de la Terreur, poursuivit les Girondins fugitifs, assista de sa fenêtre aux exécutions, sévit contre le « négociantisme », effaça le nom de Gironde et lui substitua celui de Bec-d'Ambez (18 octobre 1793), et, grâce aux réquisitions dont il frappa les principaux habitants, vécut dans un faste royal. Mais, ayant vu Mme de Fontenay, née Cabarrus, qui venait d'être arrêtée à Bordeaux au moment où elle rejoignait sa famille en Espagne, il en fut épris, la fit remettre en liberté, la garda près de lui et, sous son influence, ralentit la persécution. Dénoncé au comité da salut public pour son modérantisme, il vint à Paris pour se justifier ; Mme de Fontenay y fut arrêtée, et, pour la sauver une seconde fois, Tallien dut se montrer plus terroriste que jamais : ce plan réussit d'abord, et il fut nommé successivement secrétaire (16 ventôse an XI) et président (1er germinal) de la Convention.
Mais il ne put regagner la confiance de Robespierre alors tout-puissant. En prairial, ce dernier l'accusa d'avoir insulté des patriotes, et le fit exclure du club des Jacobins. Se voyant perdu, Tallien se lia avec ceux qui voulaient venger la mort de Danton, et devint le chef le plus actif de la conspiration de thermidor. Dans la séance du 9, il interrompit le premier Saint-Just par une question d'ordre, et, lorsque Robespierre voulut répondre, s'élança à la tribune en brandissant un poignard, « dont il s'est armé, dit-il, pour percer le sein au nouveau Cromwell, au cas où l'Assemblée n'aurait pas le courage de le décréter d'accusation. » L'Assemblée rendit le décret, et Tallien devint l'homme le plus puissant du nouveau régime.
Il fit de nouveau partie du comité de salut public quelques jours après, n'y resta qu'un mois, et, dix jours après, en rentrant chez lui, rue des Quatre-Fils, au Marais, fut blessé à l'épaule d'un coup de pistolet. On accusa les Jacobins d'avoir voulu l'assassiner ; mais les Jacobins, de leur côté, prétendirent qu'il n'y avait là qu'une manœuvre de Tallien pour relever son influence. Le 26 décembre 1794, à 27 ans, il épousa « Jeanne-Marie-Ignace-Thérésa Cabarrus, âgée de 21 ans, divorcée de Jean-Jacques de Vin de Fontenay ». Il fit fermer le club des Jacobins, supprima le tribunal révolutionnaire, et fit décréter d'accusation Carrier et Le Bon. La victoire du 2 prairial contre les sections raffermit sa situation ; il rentra au comité de salut public, fut envoyé à l'armée de l'Ouest, assista à l'affaire de Quiberon, et, de retour à Paris, provoqua les dernières rigueurs contre tous ceux qui avaient pris part à cette expédition.
Après le 13 vendémiaire, il fut membre de la commission des Cinq chargée de proposer de nouvelles mesures de salut public ; mais une violente attaque de Thibaudeau qui l'accusa de vénalité et de trahison, compromit encore son crédit.
Elu député au Conseil des Cinq-Cents, le 23 vendémiaire an IV, par six départements, il n'y joua qu'un rôle effacé, eut encore à répondre aux attaques de Dumolard (30 août 1795), et reconnut quelques-uns de ses torts : « Je dois donc pleurer, dit-il, sur ces temps désastreux, puisque j'ai peut-être contribué à les faire naître par l'exaspération de mes opinions... Et qui serait assez vain pour affirmer qu'il a toujours sainement jugé notre étonnante révolution. »
Au 18 fructidor, il s'employa à adoucir le sort des proscrits, et il sortit du Conseil en prairial an VI.
Ses affaires domestiques lui donnant beaucoup de soucis, il se fit attacher, comme savant, à l'expédition d'Egypte, devint membre de l'Institut d'Egypte, rédigea au Caire la Décade égyptienne, et y fut nommé administrateur des domaines nationaux.
Après le départ de Bonaparte, Menou le força de retourner en France. Fait prisonnier par les Anglais pendant la traversée, il fut emmené à Londres où l'opposition whig lui fit un brillant accueil (mars-avril 1801).
Son retour en France ne fut pas heureux : ses papiers furent saisis à Calais, à son arrivée, et sa femme s'empressa de demander son divorce, qu'elle obtint le 8 avril 1808.
Absolument sans ressources, il sollicita le poste de consul à Alicante, faillit y périr de la fièvre jaune, y perdit un œil, et revint à Paris où on lui laissa son traitement de consul. La tolérance dont l'Empire et la Restauration usèrent à son égard fit croire, sans preuve d'ailleurs, qu'il avait fait de la police pour leur compte.
Aux Cent-Jours, il signa l'Acte additionnel sur les registres de la municipalité du 2e arrondissement, rue d'Antin, en ces termes : « Les phrases étant inutiles lorsque les dangers de la patrie sont imminents, lorsque l'honneur et l'indépendance de la nation commandent impérieusement le sacrifice de toutes les opinions particulières, voulant avant tout être et demeurer Français, attendant du temps, des lumières et du patriotisme des deux Chambres les améliorations désirables, je dis oui. »
Atteint par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, il obtint un sursis provisoire, le 5 février 1816, sur des certificats de médecins constatant « une goutte très intense dans les articulations, et l'impossibilité de voyager ».
On ne l'inquiéta plus, et il végéta dans une petite maison de l'Allée des Veuves, n° 31. Après avoir vendu sa bibliothèque pour vivre, « perclus des quatre membres et ne pouvant pourvoir aux premiers besoins d'une existence journalière plus que médiocre », il sollicita (mai 1818) un secours du gouvernement royal : M. Decazes lui envoya mille francs (18 mai).
Il mourut deux ans plus tard, et fut enterré au Père-Lachaise ; les journaux de janvier 1891 ont signalé l'état d'abandon et de délabrement de sa tombe.